Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2005-2006)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mardi 9 mai 2006

214e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Immigration et intégration

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence,d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration (nos 2986, 3058).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, L’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement no 449 rectifié à l’article 73.

Article 73 (suite)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour soutenir l’amendement n° 449 rectifié.

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. C’est un amendement rédactionnel.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’outre-mer, pour donner l'avis du Gouvernement.

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 449 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 533.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. C’est un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’outre-mer. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 533.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 73, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 73, ainsi modifié, est adopté.)

Article 74

M. le président. Les orateurs inscrits sur cet article ayant renoncé à la parole ou étant absents, nous en venons aux amendements.

Je suis saisi d’un amendement no 594 qui vise à supprimer l’article 74.

M. Patrick Braouezec. Défendu !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’outre-mer. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 594.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement no450.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. L’amendement vise à lever une ambiguïté rédactionnelle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’outre-mer. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 450.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 74, modifié par l'amendement n° 450.

(L'article 74, ainsi modifié, est adopté.)

Article 75

M. le président. Les orateurs inscrits sur cet article ayant renoncé à la parole ou étant absents, nous en venons aux amendements.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 219 et 595, tendant à supprimer l’article 75.

La parole est à M. Noël Mamère, pour présenter l’amendement no 219.

M. Noël Mamère. Le projet de loi entend réformer le code civil et mettre en place un dispositif inédit de contestation de reconnaissance de paternité sur le seul territoire de Mayotte. Cet article aborde la paternité de complaisance. On peut constater que ces nouvelles dispositions sont tout à fait inédites en droit de la famille, au point de créer en la matière un véritable bouleversement. La reconnaissance d'un enfant devant un officier d'état civil doit théoriquement coïncider avec la vérité biologique. C'est ce qu'affirment les manuels de droit de la famille, jusqu’à nouvel ordre. Mais il existe des réalités sociologiques dignes d'être prises en considération qui priment sur les liens du sang. Ainsi, il peut être de l'intérêt de l'enfant d'être reconnu par un père même si cela ne correspond pas à une vérité biologique. Actuellement, l'officier d'état civil ne peut pas se faire juge de la sincérité d'une reconnaissance.

Concernant les risques réels de fraude, on peut s'interroger sur la nécessité de prévoir une procédure de contrôle a priori, reposant uniquement sur des indices, qui s'avérera de toute façon humiliante et injuste pour les personnes de bonne foi, alors qu'il existe déjà une procédure d'annulation a posteriori, qui est plus fiable et plus respectueuse des droits des personnes. Nous sommes là au cœur de ce que l’on appelle « le soupçon de paternité de complaisance ». Quels indices sérieux cherchera en priorité l'officier d'état civil pour conclure à un risque de fraude, sinon la situation irrégulière de l'un des parents ? Nous faisons référence à la reconnaissance de paternité d’un Mahorais quand la mère est comorienne.

Les cas de reconnaissances en dehors de tout lien biologique sont nombreux et personne n'y trouve rien à redire. Ce projet n'a sûrement pas pour objet d'y mettre fin. Seuls les étrangers en situation irrégulière, à qui l'on prêtera toujours les pires intentions, seront liés au strict droit du sang. Car bien que ce projet de réforme du code civil n'en fasse aucune mention, il ne fait aucun doute qu'il cible exclusivement les sans-papiers. Les femmes comoriennes venant accoucher à Mayotte et suspectées de rechercher un Mahorais prêt à accepter de reconnaître la paternité de l'enfant sont explicitement ciblées par le dispositif qui nous est proposé. Cette mesure a donc un caractère discriminatoire condamnable. Il s’agit de s’en prendre aux personnes sans papiers qui se trouvent sur le territoire de Mayotte, et d’instituer un nouveau délit qui n’existait pas jusqu’à maintenant : celui de la paternité de complaisance. C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article, considérant qu’il s’agit d’une atteinte aux droits fondamentaux.

M. Jérôme Rivière. Que proposez-vous ?

M. Noël Mamère. Mon amendement !

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour présenter l’amendement no 595.

M. Patrick Braouezec. Par cet amendement de suppression, nous proposons simplement d’en rester à la loi en vigueur.

M. Jérôme Rivière. Constat d’échec, mais on ne change rien !

M. Patrick Braouezec. Je fais miens les propos qui ont été tenus par M. Mamère. On est vraiment dans la chasse aux pères de complaisance, en partant d’une suspicion a priori. J’ai bien entendu certains arguments qui ont été développés mais, dans le cadre de la loi existante, peut-être en mettant des moyens supplémentaires, à la fois humains et matériels, on n’aurait pas besoin de cet article 75.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il ne s’agit pas que de suspicion. Je voudrais rappeler à l’ensemble des députés présents les chiffres : 882 reconnaissances de paternité en 2001, 4 146 en 2004, 5 423 en 2005. Cela veut dire qu’en cinq ans elles se sont multipliées quasiment par sept !

M. Patrick Braouezec. Six et demi !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je vous remercie de cette précision, monsieur Braouezec.

Le projet de loi institue une procédure spécifique de contrôle des reconnaissances d’enfants d’apparence frauduleuse, qui sont à notre avis nombreuses à Mayotte.

Il convient d’abord de rappeler que cette disposition est bien constitutionnelle, car les règles d’accès à la nationalité à Mayotte ne sont absolument pas remises en cause sur le fond. Il s’agit juste de mieux contrôler leur respect. Les spécificités de Mayotte en matière de reconnaissance abusive sont reflétées par les chiffres que je viens d’évoquer.

Deuxièmement, la procédure reste entièrement placée sous le contrôle de l’autorité judiciaire, ce qui est une garantie fondamentale.

Troisièmement, il ne s’agit évidemment pas d’interdire les reconnaissances d’enfants hors de tout lien biologique. Les juges utiliseront un faisceau d’indices pour se déterminer, mais le père s’occupant effectivement de l’entretien et de l’éducation de l’enfant pourra bien procéder à une reconnaissance de paternité.

Voilà pourquoi la commission a repoussé ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’outre-mer. Même avis que la commission. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Mayotte comporte un peu plus de 160 000 habitants. Le nombre de clandestins est estimé à 45 000, soit près de 30 % de la population, compte tenu de l’imperfection liée à l’insincérité de l’état-civil qui a été évoquée par M. Dosière. Je rappelle par ailleurs que Mayotte connaît une très forte croissance démographique, de l’ordre de 6 % par an. Les chiffres sont têtus : 80 % des accouchements à la maternité de Mamoudzou sont le fait de femmes étrangères en situation irrégulière, et le nombre de reconnaissances de paternité a augmenté dans les proportions que le rapporteur a évoquées, soit plus de 300 % en l’espace de cinq ans, ce qui est évidemment considérable. Chacun le sait, on assiste à une très forte augmentation de ces actes de reconnaissance, d’ailleurs dressés postérieurement à l’établissement de l’acte de naissance. Là aussi, on lève un lièvre – mais qui est connu de tous ceux qui sont informés de la réalité de la situation mahoraise – : à Mayotte, il existe une réelle pression pour que des Français reconnaissent la paternité d’enfants de femmes en situation irrégulière. Il est également de notoriété publique que ce service se monnaie.

Soit on ne fait rien, soit on agit dans le respect du droit et des procédures. Comme l’a rappelé Thierry Mariani, l’officier de l’état civil qui soupçonnerait une fraude saisira le procureur, lequel diligentera une enquête au nom de la puissance publique.

Enfin, si le texte offre la possibilité d’ester en justice, il permet aussi au père d’assurer pleinement l’éducation de l’enfant reconnu. C’est là une position équilibrée, qui s’inspire d’ailleurs des préconisations du rapport de la commission présidée par M. Dosière.

M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Les retardataires, dit-on, ont toujours tort. Je souhaite néanmoins m’exprimer globalement sur l’article 75.

J’attire en particulier l’attention de ceux qui parlent un peu vite, et qui n’ont pas entendu les propos de M. Dosière. Ces questions relatives à la reconnaissance de paternité nous plongent en effet, monsieur Mamère, au cœur d’actes innommables. Au nom même des droits de l’homme, dont il est facile de se parer lorsque l’on est à court d’arguments, nous devons les condamner. Ces reconnaissances se font parfois moyennant finances ou rétribution « en nature » ; la décence qui sied à notre assemblée m’interdit d’en dire plus : je vous laisse imaginer les situations.

Ceux qui refusent d’y mettre fin méconnaissent totalement la réalité du terrain, ou veulent délibérément fermer les yeux. Si le fait que l’on fasse commerce de la paternité ne les dérange pas, tel n’est pas notre cas et nous considérons qu’il faut mettre un terme à ces pratiques. De ce point de vue, les dispositions prévues par l’article 75 viennent à point nommé.

J’ajouterai, à l’intention de ceux qui n’ont pas eu l’occasion de visiter l’archipel des Comores, que m’étant rendu au centre hospitalier de Hombo, sur l’île d’Anjouan, j’ai rencontré des médecins d’origine anjouanaise – que l’on ne saurait donc soupçonner d’émettre des jugements négatifs sur leur île – qui m’ont déclaré que Mayotte, à cause de la gratuité des soins, déstabilisait Anjouan et les Comores : comment y développer l’offre de soins, si celle-ci est gratuite à Mayotte ? Les mesures mises en place pour moderniser le système de santé mahorais, qui offre la gratuité et l’égalité dans l’accès aux soins, sont ainsi parfois dénoncées.

Vouloir supprimer l’article, c’est vraiment faire preuve de la plus grande méconnaissance des réalités locales, et ce n’est certainement pas rendre service aux femmes qui viennent accoucher à Mayotte. La solution, comme l’a suggéré M. Dosière, et conformément aux accords passés entre les gouvernements français et comorien en avril 2005, est bien d’aider les Comores à se développer, notamment dans le domaine médical. Dans cette optique, d’ailleurs, des coopérants sont affectés aux hôpitaux de Domoni et de Hombo, à Anjouan.

Par rapport à sa population de 160 000 habitants, l’île de Mayotte a la maternité la plus importante de la République : 7 500 naissances par an y ont lieu. Dans ces conditions, les deux amendements de suppression me paraissent infondés.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 219 et 595.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 116 de la commission a pour objet la correction d’une erreur matérielle.

Le Gouvernement y est-il favorable ?

M. le ministre de l’outre-mer. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 116.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 117 de la commission, auquel le Gouvernement est favorable, corrige lui aussi une erreur matérielle.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 118 rectifié de la commission est encore de correction matérielle.

Le Gouvernement y est favorable.

M. le président. Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Idem pour l’amendement n° 119 rectifié de la commission.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 120.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement corrige une erreur matérielle, et surtout apporte certaines précisions : les intéressés informés par l'officier de l'état civil ne sont pas nécessairement les « parents » de l'enfant ; la prolongation du sursis doit être spécialement motivée, même lorsque l'enquête a lieu à l'étranger ; la décision de sursis et son renouvellement doivent être notifiés au seul « auteur de la reconnaissance ». Enfin, l’amendement clarifie la rédaction de ce nouvel article du code civil.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’outre-mer. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 120.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 121 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. L’amendement est rédactionnel et de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’outre-mer. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 121 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 122 rectifié de la commission, monsieur le rapporteur, est lui aussi rédactionnel et de précision.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Tout à fait, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’outre-mer. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 122 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 123 rectifié de la commission est encore rédactionnel et de précision.

Le Gouvernement y est favorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 75, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 75, ainsi modifié, est adopté.)

Article 76

M. le président. Sur l’article 76, je suis saisi de deux amendements identiques, nos 220 et 596, visant à supprimer cet article.

L’amendement n° 220 est-il défendu, monsieur Mamère ?

M. Noël Mamère. Oui, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 596 est lui aussi défendu.

M. Patrick Braouezec. Tout à fait, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’outre-mer. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 220 et 596.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 76.

(L'article 76 est adopté.)

Après l’article 76

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 76.

La parole est à M. Mansour Kamardine, pour soutenir l’amendement n° 241.

M. Mansour Kamardine. Cet amendement est retiré, monsieur le président. Nous revoyons la rédaction et y reviendrons au cours de la navette.

M. le président. L’amendement n° 241 est donc retiré.

Votre amendement n° 232 rectifié est-il défendu monsieur Kamardine ?

M. Mansour Kamardine. Je le retire aussi, pour les mêmes raisons, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 232 rectifié est retiré.

La parole est à M. Mansour Kamardine, pour soutenir l’amendement n° 243, troisième rectification.

M. Mansour Kamardine. Je n’ai pas eu le temps d’examiner la copie de la troisième rectification de cet amendement, monsieur le président.

M. le président. Je suspends donc la séance quelques minutes, pour que chacun puisse prendre connaissance de la troisième rectification de l’amendement n° 243.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt et une heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Mansour Kamardine, pour présenter l’amendement n° 243, troisième rectification.

M. Mansour Kamardine. Je vous remercie de m’avoir permis de reprendre mon souffle, monsieur le président, pour soutenir cet amendement dont l’importance est capitale et qui répond à une invitation de la mission d’information parlementaire qui s’est rendue à Mayotte et a pu y constater la situation de l’état civil.

Selon le chiffre qui m’a été donné par l’administration locale, il existe à Mayotte un millier de personnes qui sont nées lorsque l’île était un territoire des Comores. Elles sont donc nées françaises, mais leur filiation n’a jamais été régulièrement établie. Elles sont restées à Mayotte et un grand nombre d’entre elles ont été inscrites sur les listes électorales pendant très longtemps. Aujourd'hui, elles sont en quelque sorte apatrides : elles ne sont ni comoriennes, puisqu’il n’existe pas de filiation qui permette de l’établir, ni françaises, puisqu’on leur oppose qu’elles ne peuvent justifier d’une filiation mahoraise depuis plusieurs générations.

Nous suggérons par cet amendement d’apporter une solution à cette situation en fixant trois conditions cumulatives pour ces personnes : être né à Mayotte, être majeur, c'est-à-dire âgé de plus de dix-huit ans, au 1er janvier 1994 – en d’autres termes, être né avant l’indépendance des Comores et avant que la loi de 1976 ne transforme Mayotte en collectivité territoriale –, et enfin justifier d’une résidence continue à Mayotte pendant au moins dix ans avant la publication de la présente loi. Par ce moyen, nous essayons de canaliser les choses tout en réglant la situation des personnes qui se considèrent, foncièrement, comme françaises et qui ont participé, au cours des trente dernières années, à l’édification de la démocratie et de la République à Mayotte en participant à tous les scrutins, qu’il s’agisse des élections présidentielles, législatives ou municipales.

M. René Dosière. Ils n’étaient pas français mais ils étaient inscrits sur les listes électorales !

M. Mansour Kamardine. Je souhaite rassurer M. Dosière, que je vois sourire : il a constaté sur place que l’on rencontre partout ces personnes, y compris dans la commune de Bandraboua, gérée par un maire socialiste !

M. Patrick Braouezec. Ils ne votent donc pas tous pour l’UMP ?

M. Mansour Kamardine. Au total, on conviendra qu’il faut régulariser ces personnes en leur reconnaissant la qualité de Français.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’outre-mer. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée. J’ai déjà exposé à M. Kamardine mes réflexions sur ce point. Il faudra prendre garde à ne pas alimenter des réseaux de fabrication de faux actes d’état civil. Je comprends l’esprit et la logique de cet amendement, je comprends la référence à la date de 1976 et la trajectoire de ces personnes. Je comprends aussi l’esprit de la majorité à partir de 1994. La représentation nationale, dans sa sagesse, est à même d’apprécier la position du député de Mayotte, le combat qu’il mène et la manière dont la loi pourra être appliquée sur place, compte tenu de la réserve que j’ai formulée et qui figurera au Journal officiel.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Je souhaite relever deux propos, l’un de M. Kamardine et l’autre de M. le ministre, qui illustrent bien la difficulté de la situation à Mayotte, mais j’indique au préalable que je suis favorable à cet amendement : il faut en effet régulariser ces personnes. Il est si rare que l’on veuille, du côté droit de l’hémicycle, régulariser des gens qui sont dans des situations difficiles que je vois mal comment on pourrait s’y opposer de l’autre côté !

Il s’agit donc de régulariser environ un millier de personnes dont le député de Mayotte vient de nous dire qu’on ne sait pas quelle est leur nationalité, puisqu’elles ne sont reconnues ni par les Comores ni par la France. Quel bel exemple de la complexité de la situation à Mayotte : bien que n’étant pas officiellement françaises, elles étaient inscrites sur les listes électorales et votaient. J’espère que c’est un cas isolé !

M. Éric Jalton. Ils votaient Kamardine !

M. Mansour Kamardine. J’ai bien dit qu’il y en avait aussi à Bandraboua !

M. René Dosière. Ce n’est pas une question de communes, mon cher collègue : c’est tout le problème de la fiabilité des listes électorales qui risque d’être posé.

M. le ministre a pour sa part donné son accord à cet amendement sous réserve que le dispositif ne donne pas lieu à la production de faux actes d’état civil. C’est en effet une crainte que l’on peut avoir. Je tiens donc à redire solennellement que la véritable solution au problème de l’immigration à Mayotte n’est liée ni au droit du sol, ni même, de façon directe, à un problème de maîtrise de l’immigration : elle repose sur la constitution, ou sur la reconstitution, d’un état civil fiable, sans lequel toutes les procédures que nous mettrons en place sont vouées à l’échec. Voyez la procédure que propose M. Kamardine : elle est, me semble-t-il, justifiée, mais on ne sait pas si elle sera détournée, compte tenu de l’absence de fiabilité de l’état civil.

Je profite de l’occasion pour soulever le cas d’autres compatriotes qui, bien qu’ils soient français et établis à la Réunion depuis un certain temps, n’arrivent pas à obtenir des papiers, et notamment une carte d’identité. Pour aller faire des études en métropole, par exemple, il leur faut une pièce d’identité. Si l’ancienne a été égarée, ils doivent désormais faire une demande à une commission chargée de reconstituer les pièces d’état civil. Le délai pour obtenir une réponse est de trois ans : celui qui voulait faire ses études en métropole ne le pourra donc pas, d’autant que cette commission demande des pièces justificatives souvent impossibles à produire ! Voici donc, une nouvelle fois, des Français sans-papiers : une catégorie de sans-papiers que l’on ne connaissait pas, mais qui existe bel et bien à la Réunion !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Rivière.

M. Jérôme Rivière. Ce débat est passionnant. On y apprend beaucoup de choses.

Tout à l’heure, monsieur Dosière, vous avez dressé de l’outre-mer, et de Mayotte en particulier, un tableau tout à fait poignant, proche à certains égards de la présentation faite par M. Kamardine. Ce doit être un tableau réaliste, puisqu’il y a consensus sur la situation !

Pour le reste, vous vous érigez tantôt en censeur, tantôt en moralisateur, vous distribuez des bons et des mauvais points au Gouvernement et aux membres de la majorité qui font des propositions…

M. Patrick Braouezec. Il n’est pas le seul, monsieur Rivière !

M. Jérôme Rivière. Or nous constatons que, sur tous les sujets abordés depuis cet après-midi, vous ne proposez que des amendements tendant à supprimer les articles du projet de loi. C’est le néant, le grand vide en matière de propositions !

M. Patrick Braouezec. C’est faux !

M. René Dosière. Arrêtez de dire des bêtises, monsieur Rivière !

M. Jérôme Rivière. Nous ne sommes peut-être pas toujours d’accord entre nous sur les bancs de l’UMP, mais nous proposons, discutons et tâchons d’avancer. Votre attitude est pathétique. Lorsqu’on constate des difficultés et des carences locales aussi importantes que celles que vous avez décrites, lorsqu’on a présidé comme vous une mission d’information, on vient avec des propositions et on propose des amendements pour tenter de trouver des solutions !

M. Patrick Braouezec. C’est un mauvais procès, monsieur Rivière ! Vous n’écoutez rien !

M. Jérôme Rivière. M. Kamardine, lui, fait des propositions concrètes. Le plus important, pour notre assemblée, c’est d’être dans l’action, comme il nous y invite, et non pas dans les palabres !

M. René Dosière. Vous n’y connaissez rien ! Si vous aviez lu le rapport, vous vous seriez rendu compte que les propositions de M. Kamardine en sont issues !

M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Je remercie M. Dosière de soutenir mon amendement.

M. René Dosière. Dites-le à M. Rivière ! Visiblement, il ne l’a pas compris !

M. Mansour Kamardine. Toutefois, il n’est pas honnête de pratiquer l’amalgame. Vous savez bien que Mayotte est française depuis 1841. Elle a évolué au gré des statuts que la République a bien voulu lui accorder. Entre 1946 et 1976, elle était avec les autres îles de l’archipel un territoire d’outre-mer : les Mahorais, comme les Comoriens en général, étaient des électeurs français, régulièrement inscrits sur les listes électorales. Lorsque, en 1975-1976, Mayotte s’est séparée des autres îles, ses ressortissants n’ont pas été radiés des listes. C’est au fil des ans que l’on a constaté que tel ou tel n’avait pas la nationalité française. Le dispositif que nous préconisons vise à reconnaître la qualité de Français à des personnes qui sont nées à Mayotte et qui ont toujours été des électeurs. C’est la défaillance de l’état civil qui a rendu impossible la justification de leur nationalité, notamment au travers du droit du sol, du reste longtemps inapplicable à Mayotte.

Il n’empêche qu’il faut se préserver des amalgames : oui, il existe des Français sans-papiers à la Réunion, mais c’est un tout autre sujet.

M. René Dosière. Je me suis bien gardé de faire l’amalgame ! J’ai dit : « J’en profite pour… ».

M. Mansour Kamardine. Nous étions d’accord au sujet des défaillances de l’état civil, monsieur Dosière, mais, en soulevant ainsi, au cours de la discussion sur mon amendement, la situation à la Réunion, vous risquez de semer le trouble dans l’esprit de nos collègues.

Les Mahorais de la Réunion dont vous parlez ont des papiers, notamment leur acte de naissance. Il se trouve que leurs titres d’identité, qui leur ont d’ailleurs permis de se rendre à la Réunion, arrivent à expiration. Entre-temps, la législation a évolué pour doter Mayotte d’un état civil fiable, moderne, et introduire l’usage du nom patronymique, si bien que, lorsque ces personnes viennent renouveler leur titre d’identité à la préfecture, on les renvoie devant la commission d’état civil pour mettre leur acte de naissance en conformité avec les nouveaux textes. Le problème, c’est que la commission ne suit pas.

Le sujet est donc totalement différent. Évitons de tout mettre dans le même panier !

M. Jérôme Rivière. M. Dosière est de mauvaise foi !

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je regrette que M. Rivière se soit cru obligé d’ajouter une pincée d’idéologie politicienne à un débat qui est de bonne tenue par ailleurs. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jérôme Rivière. Venant de vous, c’est un compliment !

M. Noël Mamère. Nos amendements sont de suppression parce que nous combattons ce projet. Les propositions alternatives, nous les ferons le temps venu, lorsque les Français auront choisi.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. En 2012 ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Vous feriez bien de réfléchir avant !

M. Noël Mamère. Nous voterons l’amendement de M. Kamardine car c’est bien la première fois depuis le début de cette discussion que, dans les rangs de la droite, on ne refuse pas l’immigré, l’étranger,…

M. Mansour Kamardine. Ces gens étaient Français avant vous !

M. Noël Mamère. …mais qu’au contraire on propose de le régulariser.

Je rappelle que nous avons passé plusieurs heures à débattre de l’article 24 du projet de loi, et notamment de la suppression de la régularisation de plein droit après dix ans de séjour sur le territoire français. À en croire M. Dosière et M. Kamardine, c’est un millier de personnes que l’adoption de cet amendement va permettre de régulariser. Nous sommes donc en train de changer l’économie et la philosophie de ce texte,…

M. Mansour Kamardine. C’est vous qui le dites !

M. Noël Mamère. …qui remet pourtant en cause la régularisation de plein droit de 3 000 personnes en situation de « ni-ni » sur le territoire de la métropole : ni régularisables, ni expulsables, en raison de l’empilement des lois sur l’immigration depuis 1997. Ce qui est bon pour Mayotte devrait l’être également pour la métropole !

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Il ne faudrait pas que M. Rivière fasse l’amalgame entre tous les membres de la gauche présents dans l’hémicycle. Ce n’est pas M. Dosière qui a proposé des amendements de suppression sur cette partie du texte ; je les revendique, comme M. Mamère, même si nous ne sommes pas d’accord sur tout.

D’après ce que vous avez expliqué, monsieur Kamardine, il ne s’agit pas de régularisation, mais de restitution de la nationalité française.

M. Mansour Kamardine. Non !

M. Patrick Braouezec. Il faudrait s’entendre ! Soit on restitue la nationalité française à des personnes qui, dites-vous, étaient françaises avant nous ; soit on les régularise, mais elles restent étrangères. Il y a aussi en métropole des étrangers qui étaient en situation régulière et qui, du fait de l’évolution des lois, se sont retrouvés en situation irrégulière.

M. Mansour Kamardine. Ils ne sont pas étrangers !

M. Patrick Braouezec. À ceux-là, aujourd’hui, on dénie le droit d’être régularisés !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Pour lever toute ambiguïté, la commission a émis un avis favorable à cet amendement parce qu’il tend à régulariser la situation de nombreux Français sans papiers.

Évitons tout amalgame avec l’article 24, sur lequel nous avons discuté pendant plus de huit heures avec le ministre d’État, qui était revenu spécialement. Il s’agit de personnes nées sur le territoire français avant 1976, dont la situation ne doit absolument pas être confondue avec celle de clandestins arrivés plus récemment.

M. Patrick Braouezec. Ce n’est donc pas une régularisation, mais une reconnaissance de nationalité !

M. Thierry Mariani, rapporteur. M. Dosière conviendra que la mission d’information sur la situation de l’immigration à Mayotte a constaté le caractère pervers de la situation et émis un avis favorable sur de telles mesures. Les articles 76 et 24 n’ont donc rien à voir !

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Je rappelle à M. Rivière, qui n’était peut-être pas là au début de la discussion, ce que j’ai dit sur Mayotte : je ne peux qu’être favorable aux propositions du Gouvernement, puisqu’elles sont directement issues du rapport de la commission, laquelle les avait adoptées à l’unanimité. Ne m’obligez pas à le préciser à chaque fois ! Je ne veux pas allonger le débat et je n’ai pas besoin de faire d’autre proposition.

M. Jérôme Rivière. Pourquoi en demander la suppression ?

M. le président. La parole est à M. Éric Jalton.

M. Éric Jalton. Je me réjouis de cette proposition empreinte d’humanité et de sincérité. Je regrette cependant qu’il ait fallu cet amendement de M. Kamardine pour que l’on reconnaisse dans la loi ces Français sans papiers, ignorés depuis si longtemps par la République. J’aurais préféré qu’ils figurent dans le texte initial, ce qui nous aurait évité cette discussion laborieuse.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 243 troisième rectification.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 3.

La parole est à M. Dominique Tian, pour le soutenir.

M. Dominique Tian. Si Mayotte est confrontée à un problème d’immigration incontrôlée et à un nombre de naissances disproportionné par rapport au nombre d’habitants, on retrouve le même phénomène en Guyane. Ainsi, l’hôpital Franck-Joly de Saint-Laurent du Maroni comptabilise 1 800 naissances par an pour une population d’environ 25 000 habitants. En réalité, beaucoup de ces enfants naissent de mères qui viennent du Brésil ou du Surinam pour accoucher en Guyane.

La loi est certes beaucoup plus difficile à modifier pour la Guyane que pour Mayotte, car les départements d’outre-mer sont régis par l’article 73 de la Constitution. Toutefois, il me semble que les caractéristiques ou circonstances particulières qui, aux termes de ce même article, le permettraient sont réunies. Il existe en effet des effets d’aubaine pour les Brésiliennes et les Surinamiennes qui viennent accoucher gratuitement à Saint-Laurent du Maroni. La population guyanaise vit aussi mal cette situation que l’immigration incontrôlée, qui atteint dans ce département un niveau explosif.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement pose un problème constitutionnel, que nous avons déjà évoqué au sujet de l’amendement n° 2. La spécificité de la situation guyanaise n’est pas démontrée en matière de reconnaissance frauduleuse d’enfants. S’agissant d’un département d’outre-mer soumis au principe de l’assimilation législative posé par l’article 73 de notre Constitution, une telle disposition serait inévitablement censurée par le Conseil constitutionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’outre-mer. Même avis, pour les mêmes raisons. La lecture constitutionnelle ne procède pas des mêmes articles pour Mayotte et pour la Guyane. Nous travaillons, pour les collectivités, dans le cadre de l’article 74 et, pour les départements d’outre-mer, dans celui de l’article 73. L’incertitude constitutionnelle est indiscutable et le risque réel.

L’évolution de l’immigration clandestine en Guyane, comme en Guadeloupe, est certes plus que préoccupante, mais nous devons aussi inscrire, comme je l’ai dit dans mes propos liminaires, l’équilibre de ce texte dans les principes de la Constitution adaptés à l’outre-mer en fonction de la réalité du terrain. Or, en Guyane, l’ampleur des reconnaissances de paternité fictives n’est pas suffisamment avérée.

M. le président. Maintenez-vous l’amendement, monsieur Tian ?

M. Dominique Tian. Je le retire, en notant que M. le ministre a reconnu la situation très difficile créée par l’immigration incontrôlée en Guyane.

M. René Dosière. On le sait !

M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 233.

La parole est à M. Mansour Kamardine, pour le soutenir.

M. Mansour Kamardine. Monsieur le président, compte tenu du vote qui s’est exprimé tout à l’heure, et afin d’accélérer nos débats, je retire mes amendements nos 233, 234, 235, 238, 239, 240, 242 et 244. Ne resteront en débat que mes amendements nos 237, 236 et 231.

M. le président. Les amendements nos 233, 234, 235, 238, 239, 240, 242 et 244 sont donc retirés.

Je vous donne la parole pour soutenir l’amendement n° 237.

M. Mansour Kamardine. Pour donner les moyens à l’administration de s’assurer de l’authenticité des actes produits à Mayotte, je me suis inspiré d’une législation qui remonte à la monarchie, selon laquelle tout acte d’état civil établi à l’étranger doit, pour être valable sur le territoire français, faire l’objet d’une authentification par les autorités consulaires françaises. Aujourd’hui, de nombreuses personnes viennent déposer à la préfecture une demande de séjour ou de scolarisation de leurs enfants en présentant des actes non authentifiés. C’est ainsi que l’on peut voir en classe de CM2 de jeunes hommes barbus qui prétendent avoir douze ans !

Mme Christiane Taubira. On ne va quand même pas se mettre à faire le test de la main par-dessus la tête !

M. Mansour Kamardine. Pour conserver l’égalité des chances, les enfants mahorais ont besoin d’être scolarisés avec des enfants du même âge qu’eux. C’est pour prévenir de telles situations et éviter la multiplication des faux papiers que nous présentons cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable. Cette précision législative n’a qu’un faible intérêt, car le problème est plutôt d’augmenter les moyens dont disposent sur place les communes et la commission de révision de l’état civil.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’outre-mer. Le Gouvernement est défavorable – et M. Kamardine le sait bien –, non pas sur le fond mais sur la forme. En effet, nous allons prochainement discuter des dispositions statutaires et institutionnelles outre-mer, qui offriront un cadre juridique plus adapté et plus pertinent à ce problème précis.

M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Le Gouvernement faisant preuve d’une grande ouverture, je retire l’amendement.

M. le président. L'amendement n° 237 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 236.

La parole est à M. Mansour Kamardine, pour le soutenir.

M. Mansour Kamardine. Il s’agit de préciser les conditions de reconnaissance de l’enfant. Il subsiste dans le seul droit local mahorais une procédure extraordinaire, la dation de nom, qui a existé sous la IIe République. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, faisant de cette dation de nom une véritable hérésie juridique. Nous préférons la solution de la reconnaissance de l’enfant né hors mariage, comme partout ailleurs en France. Nous rétablirions ainsi l’égalité entre tous les enfants nés sur le territoire de la République.

En matière de reconnaissance d’enfants, les plus grands spécialistes du droit constitutionnel ont longtemps dit que toute réforme était impossible, sous peine de porter atteinte au droit local reconnu par l’article 75 de la Constitution. Après vérification sur place, il a été constaté le contraire, le rapport Ballarelo de 2000 ayant démontré que le grand cadi avait déjà ordonné dix-huit reconnaissances. Par ailleurs, lors d’un colloque, il a été précisé que la jurisprudence muidzi kana moina, c’est-à-dire le voleur n’a pas d’enfant, n’est valable que lorsque la mère est tenue par un lien de mariage. Mais, si elle ne l’est pas, l’enfant qui est né peut faire l’objet d’une reconnaissance.

L’amendement n° 236 répond à un souci d’égalité entre tous les enfants : nous souhaitons accorder aux enfants nés hors mariage les mêmes droits qu’aux autres enfants de la République.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, qui lui a paru mélanger le statut personnel de droit commun et le statut personnel de droit local, ce qui n’est pas conforme à l’article 75 de la Constitution. Je considère même personnellement qu’il serait source de confusion juridique. Si la mère de l’enfant est étrangère ou soumise au droit commun, l’enfant doit relever du droit commun.

Il est d’ailleurs souhaitable de diminuer l’emprise du droit local à Mayotte, qui doit tendre à rejoindre le droit commun, sauf lorsque les intéressés souhaitent conserver leur statut personnel antérieur.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’outre-mer. Avis défavorable également, mais pour d’autres raisons. Comme le précédent, cet amendement est un cavalier puisqu’il porte sur les dispositions statutaires institutionnelles de l’outre-mer. Il aura mieux sa place dans le débat que nous devrions avoir prochainement à ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Compte tenu des éléments d’information qui viennent de nous être communiqués, je retire cet amendement.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Je vous remercie de me donner la parole, monsieur le président, car la procédure me semble à la fois un peu précipitée et étonnante.

Je suis une nouvelle fois en accord avec le rapporteur et le ministre sur ce sujet.

M. Mansour Kamardine. Cela commence à devenir suspect !

M. René Dosière. Je tiens cependant à rappeler que, appliqué à l’état civil, le droit local, c’est-à-dire le droit musulman, est une source de difficultés et de confusion. La commission n’a pas pris position sur ce point mais je considère pour ma part qu’il doit cesser le plus rapidement possible de s’appliquer en la matière.

En disant cela, je ne remets aucunement en cause la pratique du culte musulman. Respecter la liberté du culte musulman à Mayotte est une chose, considérer que l’on puisse appliquer à l’état civil d’autres règles que celles de la République en est une autre.

M. Jérôme Rivière. Très bien !

M. René Dosière. La coexistence du droit civil musulman et du droit civil de droit commun est source de confusion, et cette confusion favorise l’immigration clandestine. C’est la raison pour laquelle il faut que le droit musulman cesse de s’appliquer à l’état civil, même si cette application remonte à la IIe République ou à la Restauration ! Nous sommes en 2006 !

M. Mansour Kamardine. Justement !

M. René Dosière. Mayotte souhaite devenir un département français. L’Assemblée en a voté le principe. Or, je le dis très nettement, on ne peut pas envisager qu’un département français pratique le droit civil musulman.

M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Nous nous rejoignons sur le désir de moderniser. Dans l’amendement n° 236, nous proposons de le faire avec les outils juridiques dont nous disposons. Or l’article 75 de la Constitution ne nous permet pas aujourd’hui d’aller plus avant. Si vous êtes d’accord pour travailler à une autre rédaction, chiche, je suis partant ! Mais ne nous opposez pas cet article chaque fois que nous proposons des amendements progressistes ! Il y a là une dialectique que les Mahorais ne saisissent pas.

Dans l’amendement, il est proposé d’inscrire dans la loi un article ainsi rédigé : « Un parent de statut civil de droit local, » – nous sommes bien là, monsieur le rapporteur, dans le cadre du droit local – « résidant à Mayotte, peut reconnaître à Mayotte, devant l’officier d’état civil, un enfant né hors du mariage. ». L’objectif est bien de donner à tous les enfants les mêmes possibilités dites de droit commun ou de droit mixte. « L’enfant conserve le statut de droit local. » ; nous restons toujours dans le cadre du droit local, dans le respect de la Constitution. « La reconnaissance emporte les effets prévus par la section II du chapitre II du titre VII du livre Ier du code civil », c’est-à-dire les effets de la reconnaissance, notamment l’exercice de l’autorité parentale et la responsabilité d’assurer l’éducation et l’entretien de l’enfant.

J’observe que, pris dans le lot des autres amendements, cet amendement a été examiné assez rapidement par la commission et n’a pas pu faire l’objet d’une étude approfondie. Cela étant, au bénéfice des arguments que vous avez développés, monsieur le ministre, et étant entendu que nous aurons l’occasion de revenir sur le sujet, je le retire.

M. le président. L’amendement n° 236 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 231.

La parole est à M. Mansour Kamardine, pour le soutenir. À moins qu’il ne le retire tout de suite…

M. Mansour Kamardine. Non, monsieur le président.

D’après l’ordonnance de février 2000, qui organise l’état civil à Mayotte – état civil qui vient d’être décrié par M. Dosière –, pour qu’un mariage religieux, c’est-à-dire un mariage en droit local, soit valide, il faut qu’il soit célébré en présence à la fois du cadi et de l’officier d’état civil. Or il est très difficile de réunir tout le monde au même moment dans un même lieu, surtout quand il n’y a qu’un seul cadi dans le village, que quinze mariages ont lieu en même temps, et que les gens étant tous allés voir le même marabout, celui-ci leur a dit de célébrer tous les mariages à cinq heures du matin !

Dans l’amendement n° 231, il est donc proposé d’octroyer à l’officier d’état civil, qu’il s’agisse du maire ou de ses adjoints, un bloc de compétences en matière de célébration du mariage, que celui-ci relève du droit local ou du droit commun. Cela aurait pour effet à la fois de clarifier et de moderniser les pratiques. On distinguerait le mariage religieux du mariage civil. Le premier, célébré par le cadi, serait sans effet sur l’état civil. Les mariages civils, eux, prononcés par l’officier d’état civil, produiraient tous les effets de droit.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Tout à l’heure, nous avons tous souligné la nécessité de clarifier l’état civil à Mayotte. Cet excellent amendement, qui tend à confier à l’officier d’état civil plutôt qu’au cadi la célébration des mariages de droit local, va tout à fait dans ce sens, et permet, par là même, de lutter contre l’immigration clandestine. La commission y a donné un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’outre-mer. En logique pure, la démonstration de M. Kamardine est implacable. En logique pratique – et je parle sous son contrôle puisqu’il connaît mieux que quiconque les tenants et les aboutissants de la société mahoraise – je ne peux que l’encourager, si la représentation nationale, dans sa grande sagesse, adopte cet amendement, à faire preuve de beaucoup de pédagogie pour expliquer son amendement à la population mahoraise. Il suppose en effet une évolution, non pas au regard du droit civil, puisque l’enregistrement des mariages à l’état civil est du ressort de la mairie, mais dans la pratique coutumière et dans l’application du droit local, où le poids des habitudes et des coutumes est très fort.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Il faut savoir que, aujourd’hui, à Mayotte, quand on célèbre un mariage, il y a à la fois l’officier d’état civil, c’est-à-dire le maire, et le cadi. Ce dernier peut célébrer des mariages mais, pour produire des effets de droit, ceux-ci doivent être transcrits à l’état civil, à moins que l’officier d’état civil n’y ait assisté et ait démontré qu’il s’agissait également d’un mariage de droit commun.

Or, comme vient de nous l’expliquer M. Kamardine, ces mariages religieux doivent parfois être célébrés à trois heures ou à cinq heures du matin, dans une zone bien précise et un jour bien précis, pouvant être un dimanche. Il paraît donc difficile à l’officier d’état civil de s’y rendre, surtout s’il y a plusieurs mariages en même temps, dans des endroits différents de Mayotte de surcroît.

La règle actuelle selon laquelle un mariage religieux n’est valide que si l’officier d’état civil est présent n’est donc pas respectée. Dans la pratique, la transcription se fait ultérieurement, sur la base d’indications – pas toujours exactes – envoyées à l’officier d’état civil par les personnes qui se sont mariées religieusement. Telle est la situation actuelle, et l’état de confusion résultant de la coexistence d’un droit civil commun, celui de la République, et d’un droit civil musulman.

L’amendement de M. Kamardine va dans le bon sens mais est incomplet : il faudrait aussi préciser que la célébration du mariage se fait à l’hôtel de ville ou à la mairie. Si l’on veut vraiment déconnecter le mariage civil du mariage religieux, il faut, comme cela se passe en métropole et dans le reste de la France, qu’ait lieu d’abord à la mairie un mariage civil célébré par l’officier d’état civil, les époux étant ensuite libres de faire un mariage religieux où et quand ils le veulent.

Sans cette précision, votre amendement risque de n’avoir pratiquement pas d’effet, monsieur Kamardine.

M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Je suis tout à fait d’accord avec la proposition de M. Dosière et accepte d’ajouter les mots : « à la mairie » après les mots : « La célébration du mariage est faite ». Mon amendement, ainsi sous-amendé, serait ainsi rédigé : « La célébration du mariage est faite à la mairie en présence des futurs époux et de deux témoins par l’officier d’état civil de la commune de résidence de l’un des futurs époux. »

Cela étant, je souhaite apporter quelques précisions.

Je ne suis pas d’accord, monsieur Dosière, avec la définition que vous avez donnée du cadi. Celui-ci est un fonctionnaire recruté par le préfet sur la base d’un concours. J’ai d’ailleurs écrit un article, que je n’ai pas encore publié, intitulé : « Cadi d’Allah ou cadi de la République ? »

M. René Dosière. C’est comme les curés de 1905 !

M. Mansour Kamardine. À cette différence près que, si nous avons trouvé Mayotte dans l’état de léthargie que l’on sait, ce n’est pas de notre fait. Nous cherchons donc à progresser avec les moyens du bord.

Le cadi est un fonctionnaire recruté par le préfet après avis du procureur général et du premier président de la cour d’appel. Ne parlez donc pas de droit musulman ! Ce droit local est en fait un droit de la République. Que celle-ci ait tardé à faire évoluer les choses, j’en conviens, mais on ne peut pas dire que le droit local est purement musulman. Il est régi par les textes de la République.

S’agissant de la célébration des mariages, c’est également l’ordonnance de février 2000 qui a décrété que la présence de l’officier d’état civil était nécessaire pour que les mariages célébrés par le cadi produisent des effets en droit.

M. René Dosière. Vous savez bien que ce n’est pas ce qui se passe !

M. Mansour Kamardine. J’entends ce que vous voulez dire, monsieur Dosière, mais ce n’est pas exact.

Le mariage est célébré dans les maisons par le cadi, en présence de l’officier d’état civil qui transcrit immédiatement le mariage.

Ce que nous proposons, c’est de déconnecter les deux : le mariage religieux sera célébré par le cadi ou le naïb du cadi et le mariage civil se fera en mairie, comme le propose M. Dosière.

M. René Dosière. Très bien !

M. Mansour Kamardine. Ce faisant, nous modernisons vraiment les choses. Personne n’est obligé de se marier civilement mais, si l’on veut que le mariage produise des effets de droit à l’instar des autres mariages, il faudra aller devant l’officier d’état civil.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 231, complété par les mots « à la mairie ».

(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Mme Christine Boutin. Très bien !

Article 77

M. le président. Je suis saisi de deux amendements nos 221 et 597, tendant à supprimer l’article 77.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 221.

M. Noël Mamère. Nous demandons la suppression de l’article 77.

Sous couvert de renforcer les moyens de contrôle de l'emploi illégal à Mayotte, il s'agit ici, en fait, de détourner la mission des inspecteurs du travail vers un contrôle des étrangers travaillant sans autorisation. Cette pression qui s'exerce sur les inspecteurs du travail avait déjà été accentuée par une circulaire en date du 27 février 2006. Ce n'est pas le rôle de ces inspecteurs d'effectuer un contrôle de la nationalité. Il existe pour cela des services spécialisés, comme la police de l'air et des frontières.

Le projet de loi rétablit la validité du droit du travail pour les employés de maison. Il autorise en outre les équipes d'inspection à entrer « dans les locaux où les travailleurs à domicile ou les employés de maison effectuent les travaux qui leur sont confiés ».

Nous estimons qu’il s’agit d’un détournement du code du travail. Nous manquons d’inspecteurs du travail. Il n’est pas question de leur faire remplir des fonctions qui ne sont pas les leurs. Ils éprouvent déjà beaucoup de difficultés à surveiller et punir les travailleurs clandestins, et surtout ceux qui soumettent à ce travail clandestin des personnes en situation irrégulière.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour défendre l’amendement n° 597.

M. Patrick Braouezec. Je voudrais apporter deux précisions.

Comme nous l’avons déjà indiqué lors de l’examen d’articles traitant spécifiquement de l’emploi illégal sur l’ensemble du territoire, nous sommes favorables au renforcement des moyens de contrôle de l’emploi illégal, à Mayotte comme ailleurs.

Mais il faut tenir compte de la position de l’intersyndicale des inspecteurs du travail, qui précise que rien dans leur mission ne les oblige à participer à l’éloignement des étrangers en situation irrégulière. Ils font là un travail qui n’est pas le leur. Il y a d’autres services spécialisés pour le faire.

Nous demandons donc la suppression de l’article 77.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. La commission a repoussé ces deux amendements.

L’ampleur prise par le travail clandestin à Mayotte est très inquiétante et justifie pleinement les mesures proposées dans cet article, d’une part, par l’extension du contrôle du respect du droit du travail aux employés de maison, d’autre part, par un accès facilité, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, aux domiciles dans lesquels travaillent fréquemment les étrangers en situation irrégulière.

Nous avons déjà examiné sept ou huit amendements où l’on se proposait de renforcer la lutte contre le travail clandestin. Vous devriez, messieurs Mamère et Braouezec, vous en féliciter.

La mission des fonctionnaires se définit au Parlement. Que les inspecteurs du travail aient envie de faire telle ou telle chose, cela les regarde ! Mais le Parlement a encore le droit de demander que certains fonctionnaires accomplissent certaines taches.

Ce qui est proposé dans cet article me semble donc totalement logique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’outre-mer. Je partage pleinement l’analyse de M. le rapporteur.

On ne peut pas dire tout et son contraire, monsieur Braouezec.

On ne peut dire : « Nous souhaitons plutôt un renforcement des moyens de lutte contre le travail clandestin » – ce sont les propos que vous avez tenus lors d’un autre débat qui portait sur la partie outre-mer – et, refuser dans le même temps une évolution utile de la législation qui permet d’offrir des moyens juridiques aux services de l’État pour lutter contre une pratique, non seulement inacceptable au regard du droit mais immorale, et je parle sous le contrôle de M. Dosière.

Ceux qui sont allés là-bas, qui ont discuté avec la population, savent qu’au-delà du fait – c’est presque un lieu commun – une très grande majorité de la population utilise encore des clandestins. Il y en a même qui, une fois la construction de leur maison terminée, dénoncent les clandestins qu’ils avaient employés à la police pour qu’ils soient renvoyés dans leur pays.

Aussi bien juridiquement que moralement, on ne peut pas tolérer le statu quo, quels que soient les arguments, que vous relayez, émanant de telle ou telle organisation syndicale sur un code qu’il appartient justement à la représentation nationale de définir. C’est ce que nous faisons pour Mayotte (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), compte tenu de l’extraordinaire développement de l’utilisation de clandestins pour la construction. C’est inacceptable et immoral.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Je ne peux que souscrire à cet article, issu en quelque sorte des travaux de notre mission.

Il convient, d’une part, de renforcer le corps des inspecteurs du travail sur place – car le travail ne manque pas – et, d’autre part, de faire en sorte qu’il y ait suffisamment d’officiers de police judiciaire, car on nous a dit qu’il existe, là aussi, un certain nombre de difficultés.

Pour le reste – cela ne pouvait peut-être pas figurer dans cet article, mais il faut que chacun en ait bien conscience –il y a un très grand nombre de fonctionnaires métropolitains qui exercent à Mayotte dans des conditions financières qui sont celles de l’outre-mer, et il n’est sans doute pas nécessaire d’en dire plus. La quasi-totalité, en tout cas une très large majorité de ces fonctionnaires métropolitains, quels que soient leur statut ou leur grade, à l’exception de quelques hauts fonctionnaires, utilisent de la main-d’œuvre clandestine, sous-payée, qui travaille dans des conditions épouvantables.

Il ne suffit pas, monsieur le ministre, de sanctionner pénalement ces fonctionnaires s’ils sont pris. On devrait donner des instructions pour qu’ils soient immédiatement rapatriés en métropole. Car on ne peut pas accepter que des fonctionnaires français soient des employeurs de main-d’œuvre clandestine, alors que leur rémunération leur permet très largement de faire face à des charges salariales.

Il existe une autre catégorie de population mahoraise qui utilise des travailleurs clandestins : les élus, quelle que soit leur situation professionnelle. Un certain nombre d’élus – pas tous – utilisent de la main-d’œuvre clandestine. Certains s’en sont d’ailleurs vantés devant le préfet, en séance publique du conseil général. Ils n’en font pas mystère. Or, pour un élu, une sanction pénale, que l’on peut vite oublier, ne suffit pas. Il faudrait, je pense, également prévoir une peine d’inéligibilité. Vous m’objecterez que vous ne pouvez pas faire de distinction entre la situation de Mayotte et celle de la métropole. Je suis d’accord : cette disposition devrait s’appliquer sur l’ensemble du territoire français. Je suis persuadé qu’elle ne trouverait pratiquement pas à s’appliquer en métropole.

M. Patrick Braouezec. Ce serait une très bonne disposition, à Mayotte comme ailleurs.

M. René Dosière. Si tel était le cas, elle s’appliquerait à quelques rares individus, alors que, dans une collectivité comme celle de Mayotte, elle concerne un très grand nombre d’élus.

Nous préconisons dans notre rapport deux dispositions : appliquer une peine complémentaire d’inéligibilité aux élus et faire en sorte que les fonctionnaires sanctionnés soient immédiatement rappelés en métropole. Elles permettraient de lutter efficacement contre le travail clandestin, qui bénéficie aujourd’hui, je le répète, d’une trop grande adhésion de la plus grande partie de la population mahoraise.

Il faut rompre ce cercle vicieux si l’on veut réellement lutter contre l’immigration clandestine à Mayotte. Dans ce domaine, chacun doit prendre ses responsabilités. Il faut cesser de considérer que le clandestin à renvoyer aux Comores est toujours celui d’à côté, et non le sien.

M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les propositions de M. Dosière. Pourquoi ne pas les mettre en œuvre ? En effet, compte tenu de ce qu’il propose, je resterai bientôt le seul élu de la collectivité.

Nous sommes au cœur du dispositif de lutte contre l’immigration clandestine. Je suis donc totalement défavorable aux amendements tendant à supprimer l’article 77.

Il ne s’agit pas de demander aux inspecteurs du travail de vérifier la nationalité des travailleurs. Les inspecteurs du travail sont chargés de procéder à des vérifications partout où s’effectue un travail, et de s’assurer que le contrat de travail est conforme à la législation.

Je rappelle, pour ceux qui ne le sauraient pas, que le SMIC est, à Mayotte, de 647 euros par mois. Ceux qui emploient du personnel de maison peuvent bénéficier de mesures d’allégement fiscal visant à faire prendre en charge une partie des frais. Lorsque ce dispositif est utilisé, l’employeur qui rémunère une personne au SMIC, soit 647 euros, ne supporte en fait qu’une charge de 300 euros. Mais ce mécanisme n’est pas utilisé parce que les clandestins sont payés 80 euros.

Quand vous proposez, monsieur Braouezec, de supprimer cet article, cela signifie que vous êtes d’accord en conscience avec ce qui se passe : une exploitation inhumaine, qui n’a pas de sens et que l’on a peine à imaginer. Et, implicitement, vous soutenez cette pratique.

Vous voyez bien que l’on ne peut pas ne pas adopter cet article, qui vise à protéger en priorité les clandestins, à leur donner un véritable statut, des droits et à obliger tous les employeurs à les déclarer, à cotiser, pour que, demain, ces employés puissent bénéficier d’une retraite.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je ne laisserai pas dire dans cette assemblée que je suis complice de procédés que je dénonce, monsieur Kamardine, autant que vous.

La seule chose que je conteste, c’est de vouloir faire jouer aux inspecteurs du travail un rôle qui n’est pas le leur. D’autres personnes, des fonctionnaires d’État par exemple, pourraient en être chargés. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 221 et 597.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 124.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je laisse à M. Kamardine le soin de présenter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Il s’agit d’aller dans le sens de l’efficacité et de frapper au portefeuille, là où ça fait mal, en portant de 100 à 1 000 fois le salaire minimum interprofessionnel garanti les amendes pouvant être infligées aux employeurs de travailleurs clandestins.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’outre-mer. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 124.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 451.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’outre-mer. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 451.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 452.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. L’amendement est de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’outre-mer. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 452.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 245.

M. Mansour Kamardine. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 245 est retiré.

Je mets aux voix l'article 77, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 77, ainsi modifié, est adopté.)

Article 78

M. le président. La parole est à M. Éric Jalton, inscrit sur l’article.

M. Éric Jalton. Puisque nous arrivons au terme du débat sur le titre VI relatif à l’outre-mer, j’en profite pour donner mon sentiment général.

Ce projet de loi concernant l’immigration et l’intégration ne me convient pas. En effet, je n’adhère pas au concept d’immigration choisie, et j’ai déjà eu l’occasion de dire tout le mal que j’en pensais. Nous consacrons, en inscrivant en lettres de feu dans la loi de la République, une notion qui n’est pas nouvelle et qui voudrait que désormais nous puissions choisir : en fait, d’une part, rejeter les sans-grade, les sans titre, les sans gloire et, d’autre part, dérouler le tapis rouge pour les meilleures intelligences et compétences, notamment estudiantines, en provenance de pays étrangers avec qui par ailleurs nous voulons collaborer et développer notre économie. Selon nous, cette immigration choisie est un leurre.

Nous n’avons pas manifesté d’opposition frontale au volet outre-mer de ce projet de loi, mais nous aurions aimé qu’il fasse l’objet d’un projet de loi spécifique, ce qui aurait permis d’aller plus au fond des choses. C’est dommage.

Cela dit, nous avons voté de nombreux articles et nous nous sommes abstenus sur d’autres. Nous regrettons que le Gouvernement ne nous ait pas suivis quant à un certain nombre de réserves que nous avions formulées, notamment sur l’article 63, compte tenu de la durée de cette « expérimentation ». Nous regrettons aussi qu’il n’y ait pas eu d’harmonisation entre le délai de recours pour expulser tel ou tel immigré, et les trois ou cinq jours qui lui permettent de faire valoir son droit d’asile. C’est dommage là aussi, car nous aurions alors pu voter ce dispositif.

Le grand absent de ce projet de loi, y compris dans le volet outre-mer, est le codéveloppement. Le congrès des élus régionaux et départementaux avait fait un certain nombre de propositions intelligentes concernant l’outre-mer, tirées notamment des conclusions du rapport de Régis Debray concernant les relations entre Haïti et la France. Ce rapport préconisait que la France annule la dette extérieure de ces pays, en particulier celle d’Haïti.

Ce rapport encourage aussi la France à négocier des accords avec les pays et États souverains de la Caraïbe, notamment Haïti, pays avec lesquels nous avons des problèmes d’immigration, afin de favoriser la coopération régionale. Le codéveloppement est la voie d’avenir, la seule voie qui nous permettra, à moyen et long terme, de régler, notamment en Guadeloupe, le problème de l’immigration en provenance d’Haïti et de Saint-Domingue.

Vous avez préféré mettre l’accent sur l’arsenal juridique : sur certains aspects, c’était souhaitable, mais sur d’autres, cela ne s’imposait pas. Nous avons avant tout besoin de moyens matériels importants pour l’appliquer, notamment en Guadeloupe. En effet, la gendarmerie, la police, la police de l’air et des frontières, l’inspection du travail, les collectivités territoriales, tous ont besoin de moyens matériels appropriés – que ce soient des locaux, des véhicules, des moyens modernes comme des radars infrarouges, des vedettes –, afin de lutter contre l’immigration clandestine et être en mesure de faire appliquer l’arsenal juridique existant.

Force est de constater que vous mettez la charrue avant les bœufs en augmentant l’arsenal juridique avant d’accorder aux protagonistes du contrôle de l’immigration les moyens nécessaires à l’accomplissement de leur mission.

Ce projet de loi répond davantage à des visées électoralistes.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Mais non !

M. Éric Jalton. On veut afficher une politique répressive en apparence – je ne pense pas que mes collègues Carabin ou Kamardine s’inscrivent dans une logique répressive – pour glaner ici ou là quelques voix, mais sans véritablement donner les moyens à ceux qui ont la charge d’effectuer le contrôle d’accomplir leur mission, et encore moins aux collectivités territoriales qui ont la charge de l’insertion et qui doivent faire face aux problèmes suscités par l’immigration clandestine. Là encore, c’est regrettable.

Concernant plus précisément l’article 78, je n’ai pas d’objection particulière à formuler, d’autant qu’il s’agit d’une expérimentation limitée dans le temps. Et j’espère, à l’instar de ce qu’on a vu pour la Guyane et Saint-Martin, en matière de recours suspensif non suspensif concernant les reconduites à la frontière, que cette expérimentation ne sera pas définitive.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 453 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’outre-mer. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 453 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 454.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’outre-mer. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 454.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 78, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 78, ainsi modifié, est adopté.)

Article 79

M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine, inscrit sur l’article.

M. Mansour Kamardine. Au moment où nous achevons l’examen du titre VI consacré à l’outre-mer, je remercie le Gouvernement d’avoir enfin doté la collectivité de Mayotte des moyens juridiques qui lui permettront de faire face à la situation, grâce à la mobilisation des forces de police et des moyens de contrôle qui sont actuellement à la disposition du préfet.

Mais, monsieur le ministre, vous me devez une réponse. Nous avons réglé le volet juridique, mais il reste le volet matériel et humain.

M. Éric Jalton. Très bien !

M. Mansour Kamardine. Je vous ai interrogé sur ce point, mais vous ne m’avez pas encore répondu. Je ne pense pas que c’était délibéré de votre part – cela ne vous ressemblerait pas –, mais, dans le flot du débat, ma question a pu vous échapper. Aussi, je réitère ma demande. Je souhaite vous entendre dire à la représentation nationale, d’autant que ces demandes font l’unanimité de la mission et de la commission des lois, qu’il faudrait un doublement des effectifs. C’était initialement prévu pour cette année, même si nous sommes conscients des difficultés et que nous pouvons comprendre que cela soit difficile dans l’immédiat. Cela dit, nous avons besoin en urgence d’un radar ainsi que de bateaux.

M. Louis-Joseph Manscour. Il fallait commencer par là !

M. Mansour Kamardine. La police de l’air et des frontières a en effet identifié plusieurs bateaux, mais comme elle ne dispose pas de moyens pour les intercepter, ces bateaux arrivent à déverser leur « cargaison » et à prendre la fuite. Cette situation est inacceptable ; je suis par ailleurs très reconnaissant pour les moyens qui ont été mobilisés et qui ont permis aujourd’hui d’intercepter plus d’une trentaine de bateaux transportant des clandestins.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Au terme de l’analyse de la situation de Mayotte, je ne peux que me réjouir, comme le rapporteur de la mission, Didier Quentin, du fait que vous vous soyez exclusivement inspiré, monsieur le ministre, des propositions formulées par la mission Mayotte.

Cette mission nous a fait comprendre que le problème de l’immigration à Mayotte n’avait que très peu de rapports avec le droit du sol. Par conséquent, nous n’avons fait aucune proposition dans ce domaine. Je me réjouis que M. Kamardine ait retiré ses amendements, car ceux-ci revenaient sur cette question et proposaient des modifications anticonstitutionnelles en matière d’acquisition de la nationalité française à Mayotte.

M. Mansour Kamardine. C’étaient des amendements de repli !

M. René Dosière. Le problème est autre. Si les dispositions que nous votons sont nécessaires, et on ne peut guère s’y opposer, il faudra qu’elles soient complétées par les moyens dont vient de parler notre collègue Kamardine et que nous avons évoqués dans le rapport. Il faudra aussi prévoir une politique très forte de remise en ordre de l’état civil, faute de quoi tout ce travail ne servirait à rien.

Aujourd’hui, et grâce au travail de la mission Mayotte, le Gouvernement connaît la réalité de la situation à Mayotte et les mesures qu’il convient de prendre pour stopper l’immigration clandestine. Tout le reste n’est que littérature.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’outre-mer. Je tiens à remercier tous les parlementaires qui, par leur contribution, ont enrichi le débat. Rappelons les faits. Au mois de septembre, en ma qualité de ministre de l’outre-mer, j’ai provoqué ce débat en conscience et en responsabilité, et non dans une logique anticonstitutionnelle, ou avec la volonté de m’attaquer à un tabou. J’ai suffisamment salué votre implication et votre intérêt pour l’outre-mer, monsieur Dosière, pour ne pas m’appesantir sur votre méconnaissance de l’article 74.

Vous savez très bien, en effet, qu’un débat existe entre les constitutionnalistes sur l’application de l’article 74 et vous connaissez parfaitement la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel depuis 1993 sur les conditions d’acquisition de la nationalité française. Vous étiez aussi parfaitement au courant de mes écrits à l’époque. L’outre-mer étant loin, il faut parler fort pour se faire entendre ! Mais nous y sommes parvenus. C’est dans cet esprit que la mission Mayotte, que vous avez présidée avec M. Quentin, a utilement travaillé sur place et a formulé des propositions que nous avons reprises à notre compte, animés par la volonté de déplacer les lignes et d’agir. Et c’est dans le même esprit que nous devons, sereinement et dans le respect de notre Constitution, trouver les voies et moyens pour adapter nos politiques à des situations singulières qui sont explosives.

Mayotte sera dotée d’un dispositif législatif particulier. La situation de la Guadeloupe nous préoccupe suffisamment pour que nous ayons aussi proposé des mesures législatives adaptées, compte tenu notamment de l’instabilité politique d’Haïti. En Guyane, la triste et douloureuse actualité, qui a vu des représentants des forces de l’ordre frappés dans l’exercice de leur mission, montre la pertinence tout comme l’urgence de mettre en place des dispositifs similaires.

Je rappelle en conclusion de ce débat ce que j’ai évoqué dans mon propos liminaire : il faut aussi bien un dispositif législatif qu’une politique coordonnée en matière de développement pour permettre à ces migrants de ne plus considérer la France comme l’Eldorado, qu’elle n’est pas et qu’elle n’a jamais été. Mais il faut aussi mener une action diplomatique vigoureuse, là où c’est nécessaire, là où nous le pouvons, même si elle ne peut être d’égale valeur et d’égale pertinence car nos voisins ne partagent pas forcément les mêmes objectifs que nous.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement de suppression, n° 598.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. L’extension à huit heures du délai pendant lequel une personne peut être retenue pour une vérification d’identité à Mayotte est contraire au code de procédure pénale, qui ne prévoit que quatre heures.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. À titre personnel, je suis défavorable à cet amendement, qui n’a pas pu être examiné par la commission. La géographie et la situation particulière de Mayotte justifient pleinement cette adaptation législative, mise en œuvre dans le cadre de l’article 73 de la Constitution.

J’ajoute, mon cher collègue, qu’il s’agit d’une proposition de la mission d’information sur la situation de l’immigration à Mayotte.

Les forces de l’ordre ne parviennent pas à transporter en quatre heures les clandestins débarquant au sud de l’île jusqu’au centre de détention administrative situé au nord, où leur identité peut être vérifiée : les routes sont sinueuses et ne sont parfois que de simples pistes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’outre-mer. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 598.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 79.

(L'article 79 est adopté.)

Après l’article 79

M. le président. Nous en venons à plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 79.

La parole est à M. René Dosière, pour soutenir l’amendement n° 319.

M. René Dosière. Concernant Mayotte, j’ai peu de propositions supplémentaires à faire, étant donné que le projet du Gouvernement reprend la plupart des préconisations de la mission d’information. Mais, pour essayer de l’améliorer, je propose par cet amendement d’inscrire dans le projet la proposition 3 de la mission, dont le justificatif figure à la page 66 du rapport.

Il s’agit de montrer que nous considérons la remise en ordre de l’état civil comme une priorité. J’ai déjà eu à plusieurs reprises l’occasion de dire combien ce problème était important car l’état civil dans les différentes communes se met en place de manière chaotique et les personnels qui en ont la charge travaillent dans des conditions très difficiles, quelquefois en s’interrogeant sur l’utilité même de leur travail, qui est réduit à néant une fois réalisé.

Pour encourager tous ceux qui s’efforcent d’améliorer l’état civil, je propose qu’il soit précisé qu’une part significative – un quart – de la dotation que l’État verse à Mayotte sera spécifiquement consacrée à l’équipement informatique.

En outre, je propose que le Parlement soit régulièrement informé par le Gouvernement des efforts qui sont faits en la matière, même si je suis bien conscient que le Gouvernement doit fournir un nombre grandissant de rapports. Cela me paraît nécessaire : nous avons pu constater que le garde des sceaux lui-même ignorait les conditions dans lesquelles fonctionnaient les services de l’état civil à Mayotte, qui dépendent pourtant de son ministère.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. À titre personnel, je suis défavorable à cet amendement, qui n’a pas été examiné par la commission. Certes, je partage l’analyse de notre collègue : il existe bel et bien des problèmes d’équipement informatique dans les communes de Mayotte. Toutefois, pour bien gérer l’état civil, il ne faudrait pas que le redéploiement des crédits proposé dans cet amendement se fasse au détriment, d’une part, de la formation des fonctionnaires qui s’en occupent, d’autre part, de la sécurisation des locaux, les fichiers d’état civil et les ordinateurs faisant souvent l’objet de vol, à Mayotte comme ailleurs.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’outre-mer. Avis défavorable. Nous faisons déjà pour partie ce qui est proposé.

M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Monsieur le président, cet amendement me chatouille.

Mme Christine Boutin. Ou il vous gratouille ?

M. René Dosière. Vous n’allez pas nous parler des chatouilleuses !

M. Mansour Kamardine. Monsieur Dosière, c’est vrai que, lors de votre visite avec M. Quentin et les autres collègues qui vous accompagnaient, vous avez tous été impressionnés par les chatouilleuses ! Et certains ne s’en sont pas remis !

M. le président. Monsieur Kamardine, vous en avez trop dit ou pas assez !

M. Mansour Kamardine. Plus sérieusement, l’état civil à Mayotte a besoin de moyens supplémentaires et d’équipements informatiques. Cet amendement me paraît intéressant de ce point de vue, d’autant que les moyens qu’il propose sont déjà prévus dans les engagements de l’État. Ils ne se traduisent par aucune charge supplémentaire pour le budget et permettent de vérifier que les communes sont bien dotées en équipements. Me voilà donc un peu embarrassé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 319.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 246.

La parole est à Mme Christine Boutin, pour le soutenir.

Mme Christine Boutin. Monsieur le président, moi aussi, il y a quelque chose qui me chatouille dans ce texte,…

M. le président. N’en rajoutez pas, madame Boutin !

Mme Christine Boutin. …c’est qu’aucune proposition n’est faite en faveur du codéveloppement. De nombreuses régions du monde sont aujourd’hui dans des situations dramatiques d’instabilité et d’insécurité, et il n’est pas étonnant dans ces conditions que, chez les pauvres et ceux qui sont abandonnés, le projet de fuir à la recherche d’une terre nouvelle, qui puisse leur offrir du pain, de la dignité et la paix, fasse son chemin. C’est la migration des désespérés, souvent jeunes, auxquels il ne reste pas d’autre choix que celui de quitter leur pays pour partir à l’aventure vers l’inconnu. Chaque jour des millions de personnes prennent des risques qui les exposent parfois à des conséquences dramatiques pour échapper à une vie sans avenir.

Notre époque est à la globalisation, qui accélère le flux de capitaux et les échanges de biens et de services entre les hommes, influant inévitablement sur les déplacements humains. Dans le cadre d’une économie ouverte et sans règles, le fossé entre pays émergents et pays perdants s’approfondit : les premiers disposent des capitaux et des technologies qui leur permettent de jouir à leur gré des ressources de la planète, faculté dont ils n’usent pas toujours dans un esprit de solidarité et de partage ; les seconds n’ont pas un accès facile aux ressources nécessaires à un développement humain adéquat et manquent même parfois de moyens de subsistance. Écrasés par leurs dettes, déchirés par des divisions internes, ils finissent bien souvent par dissiper dans la guerre le peu de richesse qu’ils possèdent. Notre responsabilité est donc bien engagée puisque notre pays fait heureusement partie des pays émergents.

C’est la raison pour laquelle j’ai déposé quatre amendements portant article additionnel après l’article 79 : leurs orientations sont différentes, mais ils se fondent tous sur cette volonté de partage du développement. Le premier, l’amendement n° 246, a pour objectif d’encourager les entreprises qui investissent dans les pays à l’origine de l’immigration en les faisant bénéficier d’une exonération fiscale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Madame Boutin, j’ai écouté avec beaucoup d’attention les arguments que vous avez développés. Je crois pouvoir dire que chacun partage votre volonté de mettre en place une véritable politique de codéveloppement. Cela étant, je suis défavorable à titre personnel à votre amendement, non pas sur le fond, vous l’avez compris, mais sur la forme. En toute sympathie, je ne vois pas comment appliquer la mesure que vous préconisez.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Madame Boutin, je comprends votre préoccupation. La mobilisation de l’épargne des migrants à des fins d’investissement est un enjeu essentiel. En France, son volume atteint chaque année 2,6 milliards d’euros. Nous devons réfléchir au moyen de transformer cette épargne pour la mobiliser vers un investissement productif dans les pays d’origine. C’est dans cet esprit que le ministre d’État a confié une mission au président des caisses d’épargne, M. Charles Milhaud. Nous attendons les conclusions du groupe de travail qu’il a dirigé dans les semaines à venir. Elles nous permettront d’aborder à nouveau cette question lors du débat au Sénat. Nous vous proposons, madame Boutin, de participer à cette réflexion collective. En attendant, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Des quatre amendements de Mme Boutin, seul celui-ci ne me paraît pas intéressant. Il me semble trop flou : de quelle exonération fiscale s’agit-il ? Quel est son objet ? Les entreprises bénéficient déjà de beaucoup d’exonérations et n’ont pas besoin d’autres pour investir dans les pays d’origine de l’immigration.

J’apprécie que, sur ces bancs, certains d’entre nous proposent des choses concrètes pour le codéveloppement. M. le rapporteur semble dire que de telles dispositions n’ont pas leur place dans le projet de loi. Je constate que ce n’est jamais le bon moment car, si le projet de loi perfectionne l’arsenal répressif contre l’immigration, il n’entend pas vraiment agir sur les causes mêmes des flux migratoires.

Par ailleurs, s’agissant de l’épargne des migrants, j’aimerais savoir si la mission confiée à Charles Milhaud a pris en compte les associations de personnes d’origine étrangère, je pense particulièrement aux Maliens, qui envoient beaucoup d’argent dans leur pays. Cette épargne a été jusqu’à présent plutôt bien utilisée dans les pays d’origine puisqu’elle a permis à bon nombre d’habitants de rester dans leur pays, et il ne faudrait pas qu’elle soit dévoyée. Son utilisation doit être considérée du point de vue des pays d’origine et non pas de notre point de vue à nous. Ce que nous préconisons, voire ce que préconisent les migrants vivant en France, diffère de ce que préconisent ceux qui sont restés au pays. Or ces derniers ont une vision beaucoup plus claire de ce que sont leurs besoins.

Monsieur le ministre, vous avez proposé à Mme Boutin de suivre les travaux de ce groupe. J’aimerais, moi aussi, y participer, afin de faire part d’un certain nombre de réflexions d’associations qui, en France, travaillent à la mobilisation et à l’utilisation de l’épargne dans les pays d’origine.

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Même si leur rédaction n’est pas suffisamment précise, les quatre amendements de Mme Boutin ont le mérite de mieux définir ce que pourrait être concrètement le codéveloppement, en mentionnant l’aide à l’économie informelle, ainsi que le microcrédit, popularisé par Mme Novak et ce qu’on a appelé la Banque des pauvres, et qui est un succès, y compris pour ce qui est du taux de remboursement. Des micro-entreprises ont ainsi pu être créées un peu partout, participant à l’aide au développement local.

Comme l’a souligné M. Braouezec, il faut agir en partenariat avec les multiples associations d’immigrés, que nous appelons « associations villageoises », qui, de façon modeste mais convaincante, grâce à leurs liens avec le village d’origine – et je pense en particulier à l’Afrique de l’Ouest –, financent avec succès des projets qui permettent de sortir de la spirale du sous-développement.

Il faut aussi y associer les nombreuses associations de solidarité qui existent dans nos communes et qui ont un engagement citoyen fort, lequel a beaucoup évolué en vingt ans puisqu’il s’agit désormais d’amitié entre les peuples. Je pense notamment au Groupement des retraités éducateurs sans frontières, dont les membres se rendent sur place afin d’aider les établissements scolaires à travailler.

S’il faut encourager ces actions, il faut aussi les évaluer, les guider, car trop de bonnes volontés s’égarent et il faut leur indiquer les erreurs à ne pas commettre. En effet, s’il y a transfert de fonds, il y a aussi transfert de savoir-faire. J’aimerais qu’on fédère les initiatives. Les amendements de Mme Boutin permettent un plus grand professionnalisme sans dirigisme, à condition que nous puissions disposer d’un peu de moyens ; nous n’en avons pas besoin de beaucoup car il ne s’agit pas de refaire ce que nous appelons dans notre jargon les « éléphants blancs ».

M. le président. Monsieur Blisko, il faut conclure.

M. Serge Blisko. Enfin, je veux féliciter certaines missions de coopération pour l’excellent travail qu’elles accomplissent auprès de nos ambassades. Je l’ai constaté notamment à Bamako. Il faut développer les postes de chargés de relations avec les associations, qui n’existent pas partout, car ces professionnels savent détecter très rapidement les projets qui n’aboutiront jamais, mais aussi encourager ceux qui ont une utilité locale avérée.

Monsieur le ministre, je souhaite donc que ces amendements soient l’occasion de mettre sur pied un cahier des charges, afin que le codéveloppement devienne une réalité.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Ces quatre amendements, fort utiles, font apparaître à quel point le codéveloppement est absent de ce texte sur l’immigration, alors que, tous les rapports le montrent, la solution à cette question passe, à long terme, par la réduction des inégalités entre pays riches et pays pauvres.

Tant dans la Caraïbe que l’Océan indien, il suffirait que le Gouvernement s’efforce de faire appliquer les dispositions de la loi sur l’outre-mer, qui prévoit que les collectivités territoriales peuvent mener des actions de coopération très concrètes en partenariat avec les autres collectivités, voire avec les États de ces zones géographiques, et bien évidemment avec l’aide de la France. Le conseil régional de la Réunion, par exemple, est prêt à s’investir dans le développement de l’Océan indien. Encore faut-il que les autorités de l’État ne lui opposent pas que l’action extérieure est le privilège exclusif de l’État central, surtout quand on sait que le ministère de la francophonie participe peu à l’effort de développement.

M. le président. Madame Boutin, retirez-vous l’amendement n° 246 ?

Mme Christine Boutin. Compte tenu de ce qu’a dit le ministre, je retire l’amendement n° 246.

M. le président. L’amendement n° 246 est retiré.

Retirez-vous les trois amendements suivants ?

Mme Christine Boutin. Non, monsieur le président.

M. le président. Je vous donne donc la parole, pour soutenir l’amendement n° 249.

Mme Christine Boutin. Je reconnais que les amendements que j’ai déposés sur le codéveloppement ne sont pas suffisamment précis ni bien rédigés, mais au moins ont-ils le mérite d’exister, de donner quelques pistes de réflexion et de montrer que l’Assemblée nationale se préoccupe de ce sujet incontournable lorsque l’on parle d’immigration.

Avec l’amendement n° 249, il s’agit de demander au Gouvernement français de cibler ses aides publiques de coopération internationale vers le secteur de l’économie informelle, des micro-entreprises et des institutions de microfinance.

Depuis des années, les pays riches envoient vers les pays en développement beaucoup d’argent, utilisé de façon surprenante.

M. Serge Blisko. C’est vrai !

Mme Christine Boutin. On sait très bien que ce n’est pas la bonne formule et qu’il faut sans doute revoir les conditions d’attribution des aides publiques, qui devraient être conséquentes. Je suis convaincu, mes chers collègues, que, dans vos circonscriptions il y a des associations qui sont liées à un village, à un quartier, et que l’argent est vraiment utilisé à un projet bien défini. On sait en effet que telle métropole aide tel village, telle tribu et que l’argent n’est pas gaspillé pour d’autres intérêts.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je suis surpris que ces amendements soient présentés à cet endroit du texte, alors que nous avons déjà débattu du codéveloppement et fait adopter quelques mesures utiles comme la carte d’étudiant et la carte « compétences et talents ».

M. Patrick Braouezec. Cela n’a rien à voir !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Cela dit, je suis d’accord pour aller plus loin.

Messieurs Braouezec, Blisko et Dosière, j’ai bien entendu les propos que vous venez de tenir et je partage votre avis. Il faut en effet que la démarche engagée, à l’initiative du ministre d’État, par le président des caisses d’épargne, soit bilatérale. Il ne saurait de toute façon y avoir de décision unilatérale en ce domaine, et vous avez suggéré que l’on examine la situation vue des pays d’origine de l’immigration. Nous demanderons au président des caisses d’épargne de consulter les associations d’immigrés et toutes celles que vous avez mentionnées, qui ne peuvent qu’apporter une contribution précieuse.

Cependant, nous souhaitons que la mission aboutisse rapidement, pour pouvoir faire des propositions concrètes lors de l’examen de ce texte au Sénat. Nous réfléchissons ainsi à un dispositif de compte épargne développement.

Dans le prolongement de son amendement précédent, les trois amendements de Mme Boutin visent à orienter l’action vers des projets de petite dimension, et l’on sait bien que de petits projets additionnés les uns aux autres peuvent apporter une contribution forte dans le domaine de l’aide à la création ou la reprise d’entreprises ou dans l’acquisition de fonds de commerce. J’y suis donc favorable, mais leur rédaction n’est pas assez aboutie pour que je puisse donner un avis positif. Je lui demande donc d’accepter de les retirer et de participer aux travaux engagés sous l’autorité du président des caisses d’épargne afin que nous puissions faire des propositions concrètes au Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. Le charme du ministre est certain…

M. Patrick Braouezec. Mais va-t-il être suffisant ?

Mme Christine Boutin. …et il me demande de retirer mes amendements avec une telle gentillesse !

Je reconnais qu’ils ne sont pas d’une précision absolue, mais il faut vraiment qu’un débat s’instaure. On ne peut pas parler d’immigration sans aborder la question du codéveloppement.

Monsieur le ministre, vous m’avez demandé pourquoi ces amendements étaient présentés à cet endroit du texte. Je vous répondrai simplement que je n’ai pas trouvé d’article auquel les rattacher.

Tant pis, je vais me faire battre, mais je les maintiens !

M. Éric Jalton. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je comprends l’embarras de Mme Boutin. D’abord parce qu’il est difficile d’apporter à ce texte des amendements concrets relatifs au codéveloppement. En effet, contrairement à ce que nous a dit M. le ministre, il n’y a pas eu dans les dispositions que nous avons votées jusqu’à présent d’éléments précis sur le sujet. Il y en a même un certain nombre qui relèvent davantage du pillage que du codéveloppement.

Cela étant, les amendements de Mme Boutin – elle a eu raison de le reconnaître – sont peu précis. Il sont néanmoins intéressants car ils visent des secteurs sur lesquels devraient pouvoir s’appuyer les politiques publiques destinées à aider les populations des pays émergents. Je pense notamment à toute l’économie informelle : il est bien que dans un texte comme celui-ci, on reconnaisse qu’elle existe.

Je suis donc pour le maintien de l’amendement n° 249 car, même s’il est imprécis, il permettra peut-être d’aller plus loin sur la voie du codéveloppement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 249.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 250.

La parole est à Mme Christine Boutin, pour le soutenir.

Mme Christine Boutin. Monsieur le président, si vous le permettez, afin de gagner du temps, je défendrai en même temps l’amendement n° 251.

M. le président. Volontiers.

Mme Christine Boutin. Ces amendements sur le codéveloppement ont été cosignés par plusieurs parlementaires du groupe UMP, dont M. Étienne Pinte. Ils proposent de créer pour les pays en voie de développement une « chaîne de réassurance » destinée à assurer la gestion des risques. Je suis bien consciente de lancer un concept qui a besoin d’être développé, tout comme je pense qu’une étude est nécessaire au plan national sur la création d’un dividende universel.

L’idée d’une chaîne de réassurance est que, la vulnérabilité étant au cœur de l’aide au développement, les pays émergents doivent être assurés des résultats de leurs efforts, qu’il faut sécuriser. En effet, pour que les pays riches y investissent, ils doivent être sûrs que leurs risques sont couverts. Or le système d’assurance des pays en voie de développement est naturellement très fragile, car leurs moyens sont faibles, alors même que leurs populations subissent de grands aléas : récoltes insuffisantes, problèmes de santé et tous ces petits aléas quotidiens qui, par leur succession et leur répétition, prennent de l’importance mais ne sont pas assurés.

La Banque mondiale, en association avec le BIT, a lancé en 2000-2003 un programme de recherche visant à réassurer les structures locales dans des secteurs très ciblés comme celui de la santé. Cela a très bien marché.

Nous n’avons tous qu’un mot à la bouche, celui de développement durable. Dans la mesure où la prise en compte des personnes est au cœur du développement durable, il est essentiel que leurs revenus soient confortés. Le système de réassurance du risque répond à cette nécessité et devrait être organisé au niveau mondial. Un projet est en cours en Afrique du Sud et en Inde au niveau régional.

La réserve mondiale de réassurance est un moyen de mobiliser la finance moderne pour assurer les risques les plus importants, comme ceux du 11 septembre et du climat. Rien n’empêche que soient mis en œuvre les financements nécessaires – qu’il s’agisse de banques privées ou publiques, de la Banque mondiale ou de la finance mondiale – pour réassurer tous les risques des pays émergents. Je suis convaincue que, si nous réfléchissions tous ensemble, avec les pays émergents, à cette formule, nous répondrions à un certain nombre de difficultés que connaissent ces pays, dans lesquels la pauvreté favorise et développe les phénomènes d’émigration.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. J’invite Mme Boutin à retirer ces amendements.

Mme Christine Boutin. Je les maintiens.

Mme Christiane Taubira. Venez sur nos bancs, madame Boutin, vous serez mieux accompagnée !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 250.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 251.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. René Dosière. Il est scandaleux que les députés de l’UMP repoussent ces amendements !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 369 de M. Brard.

Est-il défendu, monsieur Braouezec ?

M. Patrick Braouezec. Non, pas plus que le suivant, et j’explique pourquoi. Il ne me paraît pas souhaitable de régler définitivement, par le biais de simples amendements, la question de la mobilisation de l’épargne des migrants sans même avoir recueilli leur avis. L’ensemble de leurs associations doivent être consultées sur l’opportunité de créer un livret d’épargne avant que nous n’en décidions.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 35.

La parole est à Mme Christine Boutin, pour le soutenir.

Mme Christine Boutin. Je propose un rapport annuel sur le codéveloppement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je remercie d’abord Mme Boutin pour l'intérêt qu’elle porte à la question du codéveloppement.

M. Patrick Braouezec. C’est bien la seule de ce côté-là de l’hémicycle !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je me réjouis que l’Assemblée nationale ait adopté son amendement à l’article 12, relatif à la carte « compétences et talents », qui précise que le titulaire de cette carte, lorsqu’il a la nationalité d’un pays en voie de développement, est tenu de participer à une action de coopération. Les amendements qu’elle vient de présenter auraient d’ailleurs été mieux placés dans cette partie du texte.

M. Patrick Braouezec. Certainement pas ! Elle s’en est d’ailleurs expliquée.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il n’est pas nécessaire, en revanche, de prévoir qu’un rapport sur le codéveloppement soit remis par le Gouvernement au Parlement. L’article L. 111-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers prévoit déjà que le rapport annuel du Gouvernement sur les orientations de la politique d’immigration rend compte des « actions entreprises avec les pays d’origine pour mettre en œuvre une politique d’immigration fondée sur le codéveloppement et le partenariat ». C’est la raison pour laquelle je vous demande, madame Boutin, de bien vouloir retirer votre amendement.

Cela étant, je ne voudrais pas que ce débat laisse accroire que la France ne mène aucune action aujourd’hui en matière de codéveloppement.

M. Claude Goasguen et M. Jérôme Rivière. Parfaitement !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je vous rappelle des chiffres tout à fait significatifs : En 1994, nous avons engagé 0,62 % du revenu national brut en matière d’aide publique au développement ; en 2000, c’était 0,31 % ; en 2004, nous sommes remontés à 0,42 % ; en 2005, nous sommes à 0,47 %.

M. Bernard Roman. Le périmètre a changé !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. L’objectif pour 2007 est d’atteindre 0,5 %, sachant que la moyenne de l’OCDE se situe à 0,26 %. C’est dire que l’engagement de la France en matière d’aide publique au développement est largement supérieur à celui des pays de l’OCDE.

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. J’ai bien entendu ce que vient de dire M. le ministre. Sincèrement, je ne souhaite pas être désagréable, mais il me semble que le Président de la République a beaucoup insisté sur le problème du développement et, en tant que parlementaire, je ne me satisfais pas de ces chiffres et je déplore que la France n’honore pas l’engagement de porter l’aide au développement à 0,7 %. Tant mieux si la France est la première des pays de l’OCDE ! Tant mieux encore si nous avons fait des efforts et si cette majorité y consacre davantage que la précédente. Cela reste pourtant très en deçà de ce que nous devrions faire.

Mes amendements avaient beau n’être pas assez précis, être mal rédigés et mal placés, vous ne m’enlèverez pas de la tête, monsieur le ministre, que s’il y a une immigration importante dans notre pays, c’est en raison de cette fracture qui existe dans le monde entre les pays émergents et les pays qui ont de l’argent !

M. le président. Madame Boutin, vous maintenez votre amendement ?

Mme Christine Boutin. Après ce que j’ai dit, je peux bien le retirer.

Plusieurs députés du groupe socialiste. On le reprend !

M. Patrick Braouezec. Je le reprends également.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Cela fait au moins la dixième fois que le ministre nous donne ses chiffres sur l’aide au développement.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. La deuxième fois, monsieur Dosière. Apprenez à compter !

M. René Dosière. Pour la dixième fois, donc, nous répondrons que le périmètre a changé et que ces chiffres n'ont donc aucune signification.

Je m’étonne à ce propos que le ministre de la coopération et du développement ne soit pas là. Que fait Mme Girardin ? Nous demandons qu’elle vienne s’expliquer (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et nous saurons enfin ce qui se passe en matière de développement, car nous connaissons son efficacité.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je souhaite reprendre l’amendement de Mme Boutin, car l’idée d’un rapport annuel sur la politique de codéveloppement est une bonne idée, à condition que ce rapport ne se contente pas de présenter des chiffres, comme ceux que M. Estrosi nous assène depuis une semaine, mais fournisse aussi des informations sur la manière dont est utilisé l’argent. Est-ce l’économie informelle et les microprojets dont nous parlait Mme Boutin qui sont aujourd’hui financés par le biais du codéveloppement ou l’argent va-t-il directement aux États, sans que l’on sache exactement ce qu’il devient ni le bénéfice qu’en tirent les populations ? C’est cela qui nous intéresse, et ce rapport aurait le mérite de montrer quelle est la politique menée par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Patrick Braouezec a soulevé la question intéressante du sort de l’argent consacré au codéveloppement. Contribue-t-il, par exemple, à encourager le commerce équitable ? Le commerce équitable ne représente que 0,01 % des échanges internationaux, et le Gouvernement a récemment pris des décisions lui apportant des limites très strictes. Si, aujourd'hui, le commerce équitable, c’est favoriser la grande distribution qui, par ailleurs, maintient des conditions assez dictatoriales dans le cheminement des produits, on est en droit de douter de l’efficacité de ces décrets.

Seconde question : l’aide française qui, si on en croit les explications de M. Estrosi, a beaucoup augmenté, a-t-elle permis à une partie du continent africain de vivre moins mal ? Faut-il rappeler qu’aujourd'hui 40 % du continent africain vit avec moins d’un dollar par jour alors qu’une vache européenne a droit à 2,50 dollars, compte tenu des subventions communautaires ? La France et l’Union européenne favorisent-elles les politiques de codéveloppement ? Les gouvernements français qui se sont succédé ont-ils empêché de grandes entreprises françaises, dont certaines possèdent des télévisions, de dévaster les forêts primaires d’Afrique, afin de permettre à des Français d’aménager leurs piscines ou leurs appartements avec des bois non certifiés, ce qui contribue non seulement à dilapider les forêts primaires d’Afrique, mais encore à dévaster les cultures des populations qui vivent de la forêt ? Le Président de la République fait-il du codéveloppement en allant saluer la victoire de M. Omar Bongo au Gabon,…

M. Thierry Mariani, rapporteur. Cela faisait longtemps !

M. Noël Mamère. …de M. Fore Eyadema au Togo ou de M. Idriss Deby au Tchad, dictateur auquel il va jusqu’à fournir l’aide militaire de la France…

M. Serge Blisko. C’est la Françafrique !

M. Noël Mamère. …pour lui permettre de se maintenir au pouvoir ?

Le codéveloppement, est-ce cela ? La réponse est évidemment non ! Je rappelle que les immigrés maliens qui vivent chez nous envoient dans leur pays d’origine une somme globale plus importante que le budget de l’aide au développement de la France pour le Mali et l’ensemble de l’Afrique. Il faut arrêter de nous expliquer que le budget du codéveloppement a augmenté !

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Monsieur le ministre, le rapport demandé par Mme Boutin serait utile pour recenser non seulement les aides de l’État en matière de développement ou de codéveloppement, mais encore toutes les initiatives des associations ou des collectivités territoriales en matière de développement, de coopération décentralisée ou de codéveloppement.

Cela fait dix ans que la commune de Versailles s’investit pour le Cambodge, le Niger, le Liban ou le Mali. Je ne vois pas pourquoi il ne serait pas intéressant pour le Gouvernement de recenser, outre celles de l’État, l’ensemble des actions et des aides initiées par les collectivités territoriales ou par les associations et les ONG.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. L’amendement n° 35 de Mme Boutin a déjà été satisfait il y a trois ans, dans le cadre de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité. Claude Goasguen avait déposé un amendement portant article additionnel avant l’article 1er, qui prévoyait un rapport. Si ma mémoire est bonne, c’est Mme Boutin qui avait demandé que le rapport mentionne chaque année – c’est l’article L. 111-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers – « les actions entreprises avec les pays d'origine pour mettre en œuvre une politique d'immigration fondée sur le codéveloppement et le partenariat ». Et la meilleure preuve que cette mesure est déjà appliquée : c’est le rapport annuel lui-même, remis par le Premier ministre au Parlement, qu’a cité à plusieurs reprises Bernard Roman et dont un chapitre, page 75, s’intitule : « Codéveloppement ».

M. Patrick Braouezec. À quelle page se termine le chapitre ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il va de la page 75 aux pages ultérieures…

M. Patrick Braouezec. C’est-à-dire, monsieur le rapporteur ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. À la page 82, mais c’est écrit tout petit ! (Sourires.)

M. Patrick Braouezec. C’est bien ce que nous pensions : c’est maigre !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Cela a au moins le mérite d’exister ! Monsieur Braouezec, le fait que vous votiez cet amendement n’aura pas pour conséquence d’augmenter le nombre de pages du rapport !

Depuis 2003, le Gouvernement fait un compte rendu au Parlement, contenant le détail des actions entreprises. Ainsi, page 81, les nouveaux programmes sont mentionnés, notamment le programme « Comores », un « programme-cadre de codéveloppement » et un programme DSTE – diaspora scientifique, technique et économique.

M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 35 de Mme Boutin, repris par M. Braouezec.

M. René Dosière. Et par M. Roman, nous y tenons !

Mme Christiane Taubira. Il est porté par les deux groupes !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 35.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 229.

La parole est à Mme Juliana Rimane, pour le soutenir.

Mme Juliana Rimane. Cet amendement a pour objet d’empêcher ou de détruire toute construction sur le domaine des collectivités publiques à Mayotte et en Guyane, qu’il s’agisse de leur domaine public comme de leur domaine privé, d’une habitation par des étrangers en situation irrégulière.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Bien que la commission ait compris le souci de nos collègues, elle a rejeté cet amendement qui risque de conduire à une censure constitutionnelle. On ne peut procéder à des destructions de locaux d’habitation que sous le contrôle de l’autorité judiciaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’outre-mer. Même avis que le rapporteur en raison d’un risque d’inconstitutionnalité.

Le problème soulevé par Mme Rimane est pertinent en termes d’urbanisme, de salubrité et d’occupation sans droit ni titre. Toutefois, nous devons encadrer avec précision le champ de cette proposition en permettant au juge judiciaire de jouer pleinement son rôle en ce qui concerne les risques d’atteinte au droit essentiel de propriété.

Mme Christiane Taubira. C’est le danger d’instaurer des exceptions partout !

M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Nous comprenons la réponse du ministre et y sommes sensibles. Toutefois, nous aurions souhaité, compte tenu de la pertinence, sur le fond, de cet amendement,…

M. René Dosière. Il s’agit d’expropriations !

M. Mansour Kamardine. Non, mon cher collègue, puisqu’une expropriation suppose l’existence d’un droit de propriété !

Des personnes arrivent dans la nuit et érigent au petit matin des constructions légères, dont la sécurité n’est pas garantie, ce qui peut mettre en cause la responsabilité des pouvoirs publics, en particulier celle des maires. Nous sommes au cœur d’une vraie difficulté.

Messieurs les ministres, vous ne pouvez pas vous contenter de nous renvoyer au risque d’inconstitutionnalité. J’aurais souhaité que vous puissiez nous proposer, avec l’aide de vos juristes – ils sont apparemment plus compétents que ceux de la représentation nationale – un texte qui échapperait à la censure, puisque nous prenons en ce moment, outre notre place de législateur, celle de censeur constitutionnel. Je le répète, rédigez un texte qui puisse affronter la censure du Conseil constitutionnel tout en donnant aux collectivités publiques les moyens d’assurer leur droit de propriété.

Compte tenu de ces observations, je souhaite, avec l’autorisation de Mme Rimane, retirer l’amendement.

M. le président. Vous êtes d’accord, madame Rimane ?

Mme Juliana Rimane. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 229 est retiré.

M. le président. Nous avons achevé l’examen des dispositions relatives à l’outre-mer.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le mercredi 10 mai à zéro heure dix, est reprise à zéro heure vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira, pour un rappel au règlement.

Mme Christiane Taubira. Monsieur le président, ayant demandé la parole avant le retrait de l’amendement de Mme Rimane, je déplore de ne pas l’avoir obtenue. Non que je remette en question votre présidence – je trouve au contraire que vous animez nos travaux de façon presque exemplaire tant votre rigueur mêlée d’humour nous aide à traverser la nuit. Seulement, la question soulevée était grave et, pour ma part, je ne pouvais pas supporter d’avoir à entendre une revendication que je juge indigne, intolérable.

Il est bon de rappeler que nous devons, en tant que parlementaires, être les premiers à respecter les contraintes de l’État de droit et qu’il existe des procédures judiciaires. De même, un certain nombre d’administrations sont responsables du contrôle de l’espace urbain : la mairie, la direction départementale de l’équipement. Toute une série d’instruments juridiques permettent donc déjà, en cas d’éventuel non-respect des contraintes d’urbanisme, de procéder aux sanctions qui conviennent.

La tendance à introduire systématiquement des exceptions outre-mer a cet effet pervers profond, tendant à devenir structurel, qui consiste à ignorer les dispositions juridiques et les remparts institutionnels en vigueur. Ce qui conduit presque certains, dans cet hémicycle, à demander qu’à défaut de paillotes, on brûle des carbets !

Article 30

M. le président. Nous en revenons à l’article 30.

La parole est à M. Bernard Roman, inscrit sur l’article.

M. Bernard Roman. Les trois articles qui viennent en discussion ont trait au regroupement familial et constituent à ce titre une partie importante du projet de loi. Je souhaite m’exprimer en une seule fois sur ces articles, afin de ne plus avoir à reprendre la parole au début de l’examen de chacun d’eux.

D’abord, tout démontre que le Gouvernement procède ici à un affichage purement idéologique. Toutes les dispositions contenues dans ces trois articles, servies par un discours sans queue ni tête, renforcent les conditions du regroupement familial et traduisent la volonté d’afficher un durcissement qui n’a pas lieu d’être.

En effet, le ministre d’État lui-même tenait sur l’immigration familiale des discours louangeurs dans son livre publié il y a moins de cinq ans, déjà cité plusieurs fois ici. Nicolas Sarkozy y écrivait qu’« on ne peut vouloir une intégration réussie et penser qu’elle le sera pour un homme privé de sa femme et de ses enfants », propos qui me paraissent de bon sens.

M. Claude Goasguen. Mais il n’a pas changé, il ne dit pas le contraire aujourd’hui !

M. Bernard Roman. Il ajoutait : « Le regroupement familial est l’un des droits de l’homme sur lesquels on ne peut transiger, sauf à se renier ! »

Je rappelle ce passage parce que, outre les quelques dizaines ou centaines de titulaires de la carte « compétences et talents », l’immigration choisie que vous revendiquez concerne surtout les milliers de travailleurs immigrés qu’on va faire venir pour exercer une activité dans des zones géographiques caractérisées.

Comment ne pas « se renier » sur l’immigration familiale, pour reprendre le mot de M. Sarkozy, si l’on met devant ces milliers de travailleurs – et non devant les titulaires de la carte « compétences et talents » – autant de barrières pour vivre avec femme et enfants ? En outre, rendre plus difficile le regroupement familial revient à rendre plus difficile la venue des immigrés que vous voulez « choisir » – c’est une contradiction totale.

Deuxièmement, pourquoi freiner les regroupements familiaux alors que, depuis sept ou huit ans, le nombre de personnes concernées est d’une grande stabilité ? S’il y avait eu une explosion de ces chiffres, on pourrait comprendre qu’il faille prendre des mesures. Mais on est passé de 23 000 en 2001 à 25 000 en 2004, dernier chiffre connu. Je le répète, ces chiffres sont étonnamment stables. Il y a donc bien, de votre part, une volonté d’affichage.

Troisième observation, vous aviez déjà légiféré en 2003 sur le regroupement familial, mais cela n’a rien changé aux chiffres, et pour cause ! La circulaire destinée à mettre en œuvre les dispositions de 2003 ne date que d’un peu plus de trois mois ! Au moment même où vous prépariez, en interministériel, le texte qui nous est soumis aujourd’hui, les circulaires d’application de la loi de 2003 sur le regroupement familial, qui en durcissaient déjà les conditions, n’étaient pas encore publiées !

Cette circulaire, que j’ai entre les mains et qui compte 96 pages, a été adressée aux préfets au mois de mars dernier. Aucun bilan, naturellement, n’a donc pu être dressé d’une loi qui avait déjà pour but de diminuer une immigration familiale, pourtant considérée comme stable. Vous voulez légiférer aujourd’hui en aggravant encore les critères, alors que la politique précédente n’a pas été mise en œuvre et n’a donc pas encore produit de résultats.

Dernier argument – je suis un peu long mais je m’exprime sur les trois articles –, vous nous parlez d’immigration choisie, contrairement à ce que vous nous disiez auparavant, en particulier Nicolas Sarkozy. « Contre toute logique, déclare-t-il, on laisse entrer en France, avec l’immigration familiale, une immigration qui obère fortement le marché du travail des étrangers, la plupart du temps très peu qualifiés et peu insérés. »

Ce motif, qui est au cœur de votre politique, est faux ! À preuve le rapport publié récemment par Bercy sur cette question très précise de la main-d’œuvre : « Bien que l’immigration par le travail soit peu développée, les nouveaux immigrants constituent un apport important à la population active. On ne peut limiter l’apport de la main-d’œuvre immigrée à la population active aux seules migrations pour motif de travail. En réalité, l’ensemble des immigrés à vocation permanente bénéficie d’une carte de séjour donnant droit à exercer un emploi et, de fait, les bénéficiaires du regroupement familial, les conjoints de Français ou les réfugiés constituent l’apport dominant à la main-d’œuvre. »

Ce rapport, qui a été commandé par un ministre des finances qui s’appelait Nicolas Sarkozy, vient d’être publié. Par conséquent, lorsque vous nous parlez d’immigration choisie au prétexte que les métiers dont nous avons besoin doivent être pourvus par des immigrés que l’on ferait entrer par le biais de l’immigration du travail, vous nous trompez et vous vous trompez. Ces emplois, qui sont les plus utiles à la France, sont occupés par des immigrés entrés dans notre pays par le biais du regroupement familial. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le ministère des finances !

M. Claude Goasguen. Mais non ! Pas dans l’hôtellerie ni la restauration !

M. Bernard Roman. Lorsqu’on a une telle volonté d’affichage, que l’on fait une loi inutile, par pure idéologie, dans une volonté de communication démagogique, nauséabonde et populiste – contrairement à ce que voudrait faire croire le ministre de l’intérieur –, lorsque l’on élabore un texte inefficace, parce qu’on ne peut pas empêcher des hommes de vouloir vivre avec leur femme et leurs enfants, et des enfants de rejoindre leur père et leur mère en France, on mène aussi une politique dangereuse parce qu’elle conduira au gonflement inéluctable du nombre d’immigrés illégaux.

M. Serge Blisko et M. Julien Dray. Évidemment !

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Bernard Roman a cité – ce que d’aucuns avaient déjà fait – le livre de Nicolas Sarkozy publié en 2001, en particulier les passages ayant trait au regroupement familial. Comme je ne voudrais pas que l’on puisse penser que l’opposition s’immisce dans le débat interne à la majorité, je citerai, pour ma part, une déclaration plus récente du Président de la République, faite au lendemain des événements qui ont secoué notre pays à l’automne : « Les enfants et les adolescents ont besoin de valeurs, de repères. L’autorité parentale est capitale. Les familles doivent prendre toutes leurs responsabilités. Ce qui est en jeu, c’est le respect de la loi, mais aussi la politique d’intégration. » Ce que déclarait M. Chirac est valable dans tous les pays, y compris dans le nôtre.

Or les trois articles qui concernent le regroupement familial visent à faire en sorte que les personnes ne puissent plus vivre avec leur famille, conjoint et enfants.

M. Claude Goasguen. Pas du tout !

M. Patrick Braouezec. Les articles 30, 31 et 32 durcissent les conditions du regroupement familial, tant en ce qui concerne le délai de présence sur le territoire que les conditions de ressources exigées, sans oublier des dispositifs plus arbitraires, ou plus flous, relatifs au respect des grands principes régissant la République française.

On le voit bien, on ne permettra plus à des gens qui ont choisi notre pays – et que nous avons acceptés – de vivre avec leur famille. C’est d’autant plus contestable et regrettable que – Bernard Roman l’a démontré – les chiffres ne reflètent nullement une inflation : on est loin de « l’invasion » brandie par certains ! Si l’on avait pu augurer que le chiffre, à législation constante, s’élèverait à 30 000 aujourd’hui, ce n’aurait pas été absurde. Mais nous en sommes loin puisque, en 2004, il n’atteignait que 25 000, et qu’il ne doit guère dépasser ce niveau à l’heure actuelle ! Il n’y a donc ni inflation ni invasion !

Dès lors, comment justifier que notre pays ne facilite pas un regroupement familial dans de bonnes conditions, un regroupement que Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac eux-mêmes ont défendu un temps ?

Nous présenterons des amendements de suppression de ces trois articles, car nous considérons qu’ils ne font rien pour privilégier la vie familiale et permettre, précisément, une bonne intégration.

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. La question du regroupement familial est relativement ancienne puisqu’elle est régie par une convention internationale transposée pour la première fois en France en 1974. Vous conviendrez, mes chers collègues de l’opposition, que la situation de l’emploi et de l’immigration a bien évolué depuis. Il est donc tout à fait normal que la loi s’adapte à ces circonstances nouvelles.

Vous nous accusez de ne pas respecter le regroupement familial. Je vous rassure : ses modalités restent du domaine de la loi ; nous n’avons nullement dérogé à la convention internationale qui prévoit qu’un travailleur immigré salarié peut faire venir sa famille, conjoint et enfants mineurs, dans la mesure des dispositions de la loi, comme le précisent généralement les conventions internationales. Par conséquent, juridiquement, les articles 30, 31 et 32 sont inattaquables et personne ne peut prétendre que le regroupement familial a été remis en cause.

Pourquoi, dès lors, changer les règles ? Pourquoi allonger le délai à dix-huit mois ? Pourquoi poser des conditions de ressources et de logement ? Cela paraît de pur bon sens. Il faut néanmoins pousser plus loin la réflexion et se demander si le regroupement familial, tel qu’il est pratiqué en France depuis quelques années, est satisfaisant, ne serait-ce que pour les conjoints des immigrés. Je n’ai, pour ma part, jamais parlé d’invasion. Le problème est de savoir si le regroupement familial correspond bien à la conception qui était la sienne initialement, que l’on se place du point de vue des immigrés ou de la loi française.

Je partage l’avis du rapport de Bercy, et c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles nous procédons à une réforme, mais j’en tire des conclusions inverses de celles de M. Roman. Le regroupement est en réalité une immigration du travail, mais du travail le moins qualifié, qui justement n’a pas collé à la réalité économique de notre pays. L’inadéquation a été totale car ce travail sous-qualifié ne correspondait pas aux métiers dont nous avions le plus besoin. Ainsi, on ne retrouve pas les personnes issues du regroupement familial dans l’hôtellerie, la restauration et les autres métiers que nous avons déterminés. D’où la nécessité de remplacer cette immigration du travail, camouflée en regroupement familial, par une immigration choisie.

Par ailleurs, le regroupement familial a-t-il vraiment contribué à améliorer la situation ? Assurément non, puisque le nombre de chômeurs est bien supérieur à la moyenne nationale parmi ceux qui en ont bénéficié. Il est clair que, tel qu’il est pratiqué actuellement, le regroupement familial – auquel on peut ajouter les personnes bénéficiant de cartes diverses « vie privée et familiale » – induit un flux migratoire qui doit être régulé, pour plusieurs raisons et d’abord parce que nombre de ces personnes sont en situation de chômage et donc d’assistance.

Souvenez-vous du débat sur la loi Chevènement. C’est cette loi qui a supprimé tout critère de ressources – la loi Pasqua exigeait le SMIC – et de logement.

M. Bernard Roman. Ce n’est pas vrai !

M. Claude Goasguen. Mais si ! Je connais parfaitement la loi Chevènement, probablement mieux que M. Chevènement lui-même !

M. Julien Dray. Ce n’est pas difficile ! (Sourires.)

M. Claude Goasguen. Je le répète, les critères de ressources et de logement avaient été supprimés après de longs débats, si bien que nous avons vu cette situation extraordinaire où des personnes dépendaient, pour obtenir un regroupement familial, de la solidarité nationale dont ils bénéficiaient eux-mêmes, ce qui aboutissait à ajouter encore une charge à la solidarité nationale.

Dans ce cas, nous ne sommes plus du tout dans la logique du regroupement familial, selon l’idée de 1974, où il s’agissait d’aider à l’amélioration du travail. Vous faites des amalgames trompeurs.

Oui, nous avons l’intention de réguler des flux d’immigration non maîtrisés.

M. Patrick Braouezec. En quoi ne le sont-ils pas ?

M. Claude Goasguen. Voilà pourquoi nous avons opté pour l’immigration choisie. Il s’agit de stabiliser, voire, dans certains secteurs en difficulté, de diminuer ces flux. Tel est l’objet de ces trois articles. Ce n’est ni la lutte contre une invasion ni la fin du regroupement familial. C’est une autre politique que nous inaugurons et que nous défendrons ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Les articles 30, 31 et 32 constituent d’une certaine manière le corps du projet qui nous est présenté par le ministre de l’intérieur. Ils révèlent – pourquoi ne pas le dire franchement ? – une imposture : on voudrait faire croire aux Français que l’immigration est un tsunami auquel il faudrait résister, et que ce projet est ferme et juste. Ferme, il l’est, voire répressif,…

M. Jérôme Rivière. Seulement contre les fraudeurs !

M. Noël Mamère. …mais il est particulièrement injuste. Il s’attaque à ce qui constitue depuis 1974, au regard des conventions internationales et de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, les fondements du regroupement familial, présenté aujourd’hui comme une immigration subie.

Mes collègues de l’opposition qui se sont exprimés sur ce chapitre II, intitulé « Dispositions relatives au regroupement familial », ont déjà expliqué en quoi consistait l’imposture du ministre de l’intérieur. Selon M. Goasguen, il convient d’agir sur les flux d’immigration. Certes, pendant plusieurs années, le nombre de personnes arrivant sur notre territoire dans le cadre du regroupement familial a augmenté de façon régulière : il est passé de 21 404 en 2000 à 27 267 en 2002 et aurait pu atteindre 30 000 en 2004, mais il est retombé à 25 420, pour la moitié des conjoints et pour l’autre des enfants. Ainsi, le nombre de personnes majeures accueillies en France au titre du regroupement familial est de l’ordre de 12 000 par an, pour un pays qui compte 65 millions d’habitants ! Il y a donc une grande stabilité du regroupement familial.

Le ministre veut néanmoins braconner sur les terres de la droite extrême, pour donner des gages à la partie la plus conservatrice de l’électorat à la veille d’une élection décisive. Il semble vouloir faire en sorte que certaines personnes ne puissent pas vivre dignement en famille. Le délai pour déposer une demande de regroupement familial passe donc d’un an à dix-huit mois et les conditions de ressources sont durcies, le présent projet prévoyant d’exclure de l’appréciation du montant et de la stabilité des ressources le RMI, l’allocation de solidarité, l’allocation adulte handicapé etc. En réalité, ce changement dans le calcul des ressources prises en compte ne concernera que peu de gens, mais il est censé montrer que les étrangers sont une charge pour les finances publiques puisqu’ils perçoivent des prestations sociales qui ne sont pas contributives.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas vrai !

M. Noël Mamère. En outre, il durcit les conditions de logement.

S’agissant des « conditions d’intégration » envisagées dans l’avant-projet mais dont le Conseil d’État s’est fort heureusement ému, le ministre de l’intérieur a contourné l’avis négatif de ce dernier en proposant que le regroupement familial puisse être refusé si « le demandeur ne se conforme pas aux principes qui régissent la République française ».

M. Claude Goasguen. C’est normal.

M. Noël Mamère. Cette formulation n’est pas plus précise que celle remise en cause par le Conseil d’État et soulève les mêmes interrogations. Quels sont ces principes ? Comment l’autorité préfectorale va-t-elle pouvoir vérifier que le demandeur s’y conforme ? Quelle que soit la formule choisie, la marge de manœuvre laissée aux autorités compétentes – c’est-à-dire aux préfets – est trop grande. On en revient au fil rouge de ce projet : l’arbitraire laissé à l’administration, notamment aux préfets qui doivent en outre demander aux maires leur avis sur les qualités d’intégration des demandeurs.

M. Claude Goasguen. C’est la loi !

M. Noël Mamère. Enfin, l’article 32 impose de nouvelles conditions qui créent un obstacle supplémentaire. Le texte introduit la possibilité de retirer le titre de séjour aux bénéficiaires du regroupement familial en raison de la rupture de la vie commune pendant une période de trois ans – au lieu de deux – suivant la première délivrance d’un titre de séjour. La personne entrée au titre du regroupement familial se retrouverait ainsi dans une situation de dépendance plus grande à l’égard de son conjoint puisque son droit à séjourner en France dépend de la stabilité du couple. Rappelons que 80 % des personnes qui viennent rejoindre leur conjoint sont des femmes dont les droits ne sont pas garantis de la même façon que ceux des hommes par la législation de leur pays d’origine.

Tels sont les principaux motifs des articles 30, 31 et 32, qui montrent qu’il s’agit, comme l’a dit Bernard Roman, d’une loi d’affichage, de communication, qui a pour objectif populiste et démagogique de satisfaire une partie de l’électorat. Elle a été précédée par la circulaire, infâme, du 21 février 2006 qui autorise à aller chercher des sans-papiers jusque sur leur lit d’hôpital ou sur une table d’opération ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En réalité, tout cela ne fera que grossir le nombre de clandestins ni expulsables ni régularisables. La situation que vous nous laisserez sera ingérable… C’est la raison pour laquelle, quand les Français nous auront donné la majorité, nous abrogerons cette loi.

M. Jérôme Rivière. Vous rêvez !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Rivière.

M. Jérôme Rivière. Je ne peux rester sans réagir aux propos de M. Mamère, qui invoque en permanence conventions et traités internationaux. La convention européenne autorise les États, pour assurer le bien-être économique du pays, à promulguer des lois qui leur permettent de se protéger. Comme l’a rappelé Claude Goasguen, les conditions économiques ont considérablement évolué entre 1974 et aujourd’hui.

M. Bernard Roman. N’aurait-on plus le droit de vivre en famille ?

M. Jérôme Rivière. Il ne s’agit nullement d’interdire le regroupement familial, mais de mieux en encadrer les dispositions afin d’intégrer l’immigration dans un cadre économique qui ne soit pas contraignant pour la société française.

M. le président. Nous allons entamer l’examen des amendements à l’article 30.

Je suis saisi de quatre amendements de suppression, nos 179, 266, 294 et 528.

Monsieur Mamère, puis-je considérer que vous avez déjà défendu l’amendement n° 179 à l’occasion de votre intervention sur l’article ?

M. Noël Mamère. Oui.

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir l’amendement n° 266.

M. Étienne Pinte. Je comprends qu’une famille arrivant en France au titre du regroupement familial doive être accueillie dignement, qu’il s’agisse des revenus du père ou des conditions de logement. Faire du regroupement familial de façon misérabiliste n’est certes pas la bonne solution sur le plan humain.

En revanche, je ne comprends pas très bien pourquoi on allonge de six mois le délai nécessaire pour bénéficier du regroupement familial, car nombre d’hommes remplissent deux des trois conditions : posséder un logement décent permettant d’accueillir femme et enfants et disposer d’un revenu suffisant pour subvenir à leurs besoins. Pourquoi dès lors faudrait-il attendre six mois de plus pour les faire venir en France ? Cela ne permettrait nullement de mieux garantir les conditions qualitatives du regroupement familial.

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir l’amendement n° 294.

M. Serge Blisko. Après les excellentes interventions de MM. Braouezec, Mamère et Roman, je tiens à dire qu’il est hautement contestable de présenter, ainsi que l’a fait M. Goasguen, l’immigration familiale comme une immigration subie.

Le regroupement familial est un élément essentiel du droit des personnes et des familles. Mettre en danger des familles, notamment les plus fragiles, qui ont du mal à s’intégrer pour des raisons économiques ou culturelles, ne va pas dans le bon sens. Et leur situation se détériorera d’autant plus que le regroupement familial tardera à se faire. Le délai, porté d’un an à dix-huit mois, est encore plus long en réalité, dans la mesure où notre pays s’ingénie à faire traîner les démarches administratives. Plutôt que de délais légaux, on pourrait parler de délais d’usage…

Pour un immigré, avoir sa famille avec soi est la meilleure façon de réussir son intégration. Or, vous accumulez les obstacles. En rendant obligatoire le contrat d’accueil et d’intégration, vous imposez une contrainte supplémentaire. En outre, vous augmentez les délais. Une personne, rongée par l’inquiétude, sera tenue de suivre des cours et de se soumettre à un examen pour montrer qu’elle est digne de rester dans notre pays. Vous augmentez l’angoisse et l’insécurité des personnes immigrées et vous ternissez l’image de notre pays en accréditant l’idée qu’il est très compliqué de se faire sa place en France.

M. le président. Veuillez conclure.

M. Serge Blisko. Je termine, monsieur le président.

Nous demandons la suppression de l’article 30, car il est contraire à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

M. Claude Goasguen. Mais non !

M. Jérôme Rivière. Mensonge !

M. Serge Blisko. Il est également contraire à la Convention internationale des droits de l’enfant – ratifiée par la France – dont l’article 9 dispose que « les États parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré ». Quant à l’article 10, il précise que « toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d’entrer dans un État partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les États parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence ».

Je vous propose encore la version de cette convention destinée aux enfants, dont le langage est plus direct, plus accessible et donc plus compréhensible. Son article 10 est ainsi rédigé :

« Tu as le droit à retrouver ta famille.

« Tu as le droit de quitter un pays et d’entrer dans un autre pour retrouver tes parents. Tes parents ont le même droit.

« Si tu habites dans un autre pays que tes parents, tu as le droit d’avoir des contacts réguliers avec eux. Tu as le droit de les rejoindre. »

Pour nous, le droit de vivre en famille est imprescriptible, et ne saurait donc être tributaire d’une politique de contrôle des flux migratoires, voire soumise à une météo politique extrêmement pernicieuse !

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l’amendement n° 528.

M. Patrick Braouezec. Je rejoins M. Pinte. Aujourd’hui, alors que le délai est de douze mois, il faut déjà attendre dix-huit mois à deux ans pour que le regroupement familial soit effectif. Si l’on porte le délai à dix-huit mois, je crains que les personnes qui vivent sur notre territoire ne puissent bénéficier du regroupement familial que deux ans ou deux ans et demi après avoir obtenu l’autorisation.

M. Claude Goasguen. C’est la directive européenne !

M. Patrick Braouezec. Votre dispositif irait à l’encontre d’un retour à la vie de famille, droit inscrit, comme l’a rappelé M. Blisko, dans plusieurs conventions internationales.

M. Goasguen affirme que ces trois articles ont pour objectif la maîtrise de l’immigration. Mais en quoi la permettent-ils ? Il existe des règles précises dont l’application entraîne l’autorisation, pour certaines personnes, de retrouver un parent déjà présent sur le territoire national, et tout cela est parfaitement maîtrisé. En réalité, ce que vous voulez, c’est réduire le nombre de ces personnes !

M. Claude Goasguen. C’est vrai !

M. Patrick Braouezec. Nous ne parlons pas de clandestins entrés illégalement en France, mais de démarches tout à fait normales, du droit à vivre en famille. Ce vous voulez, ce n’est pas maîtriser – la maîtrise est déjà assurée –, c’est réduire les possibilités d’accès au regroupement familial…

M. Claude Goasguen et M. Jérôme Rivière. Oui !

M. Patrick Braouezec. …pour des personnes qui devraient pouvoir en bénéficier. Avec ces trois articles, vous montrez votre vrai visage.

M. Claude Goasguen. Nous n’avons rien à cacher !

M. Patrick Braouezec. Vous laissez accroire que certains étrangers présents sur notre territoire constituent un danger pour l’ensemble de la société française.

M. Claude Goasguen. Ah non ! Ça, c’est vous qui le dites !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements de suppression ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Nous ne multiplions pas les obstacles, mes chers collègues, nous multiplions les garanties de bonne intégration.

M. Claude Goasguen. Bien sûr !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Vous oubliez le titre de ce projet de loi : l’intégration est la ligne directrice de toutes ces mesures.

M. Patrick Braouezec. Empêcher les enfants de vivre avec leurs parents, c’est garantir une bonne intégration ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Faire venir sa famille en France est le signe d’une volonté de s’installer durablement dans notre pays. Il est donc normal de réserver cette procédure aux personnes présentes depuis plus d’un an, c’est-à-dire celles ayant obtenu un premier renouvellement de la carte de séjour temporaire, élément indiquant la probabilité d’un séjour durable. Cette disposition empêchera d’accorder de manière trop hâtive le regroupement familial.

L’allongement du délai de séjour requis pour demander le regroupement familial est, je vous le rappelle, conforme à la Constitution. Le Conseil constitutionnel considère en effet, dans sa décision du 13 août 1993, que « pour l’ouverture du droit au regroupement familial le législateur a exigé une durée de séjour préalable et régulier en France de deux années ; qu’il importe que la demande de regroupement puisse être formulée avant l’expiration de ce délai pour que ce droit soit effectivement susceptible d’être ouvert à son terme ; que sous cette réserve d’interprétation, cette condition est conforme à la Constitution. »

M. Claude Goasguen. Exact ! Elle est aussi conforme à la directive européenne !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Vous prétendez, monsieur Braouezec, que la personne concernée devra attendre pendant douze à dix-huit mois la réponse à sa demande. Mais l’article L. 421-4 du CESEDA est très clair : le préfet dispose de six mois pour statuer sur la demande de regroupement familial.

M. Bernard Roman. Et le temps nécessaire pour obtenir un visa ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Cela fait donc une période de deux ans pour statuer sur la procédure.

Cela signifie qu’une obligation de séjour préalable de dix-huit mois est compatible avec la règle fixée par le Conseil constitutionnel. D’ailleurs, l’article 8 de la directive du 22 septembre 2003 relative au regroupement familial pose une règle équivalente, soit un délai de deux ans avant de pouvoir être rejoint par sa famille. L’avis de la commission est donc défavorable à ces amendements de suppression.

M. Bernard Roman. Vivriez-vous deux ans sans vos enfants ?

M. Claude Goasguen. Pourquoi avoir institué un délai, alors ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Comme M. Roman, je m’exprimerai sur l’ensemble de ces trois articles portant réforme du regroupement familial.

Notre seule ambition est de mieux encadrer pour mieux accueillir, et donc d’apporter plus de justice et d’équité dans les procédures.

M. Patrick Braouezec et M. Noël Mamère. Oh non !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Dès lors que quelqu’un exerce, pendant dix-huit mois, un travail déclaré sur notre territoire et désire faire venir sa famille, cela signifie, monsieur Pinte, que son intention est de s’y installer durablement. La volonté du Gouvernement est donc claire : fixer des règles, assorties de délais raisonnables, pour permettre à cette famille de vivre dans des conditions plus dignes, plus respectueuses, plus décentes.

Depuis le commencement du débat, certains ont recours à l’ouvrage du ministre de l’intérieur – Libre – comme s’il s’agissait de leur livre de chevet, et tentent d’en extraire des mots pour lui faire dire ce qu’il ne dit pas. Or le ministre évoque, dans ce livre, une immigration « voulue et acceptée », c’est-à-dire l’immigration choisie et la maîtrise de l’immigration familiale.

Parlons des chiffres. Selon vous, 25 000 entrées par an liées au regroupement familial, c’est très peu – ce serait même insuffisant, il faudrait passer à 30 000. Mais à constater la montée en puissance de cette procédure depuis 1997, nous éprouvons les plus grandes réserves à laisser la situation perdurer : 15 535 personnes en 1997, 21 404 en 2000, 25 420 en 2004…

M. Bernard Roman. Mais 80 000 en 1978 !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il me paraît donc important de réfléchir aux conditions dans lesquelles sont accueillies toutes ces personnes.

Vous avez cité, monsieur Roman, un rapport du ministère de l’économie et des finances pour illustrer l’insertion des étrangers dans la société. Permettez-moi d’évoquer un autre chiffre, celui du chômage des étrangers en France : il est de 19 %.

M. Bernard Roman. Dans ma circonscription, le chômage peut atteindre 50 % dans des quartiers où vivent de nombreux Français !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. À lui seul, ce chiffre résume toute la situation. Que l’on ne vienne pas nous dire que les étrangers sont bien insérés sur le marché de l’emploi ! Or un grand nombre d’entre eux sont venus grâce à la procédure du regroupement familial. Face à cette implacable démonstration, vos arguments apparaissent peu pertinents.

Je le répète, il s’agit de mieux encadrer pour mieux accueillir. Il est temps de réclamer le droit de ne plus subir l’absence de décision, de choisir une politique en matière d’immigration et de regroupement familial. À cet égard, les trois mesures que nous proposons ne modifient pas fondamentalement le droit existant, elles se contentent de mieux encadrer la procédure.

S’agissant de la demande des familles, tout d’abord, le délai est porté de douze à dix-huit mois. Un tel choix ne doit rien au hasard. En cohérence avec d’autres dispositions du projet de loi, il s’agit de laisser suffisamment de temps aux étrangers pour qu’ils puissent entamer leur parcours d’intégration. Comment, après l’adoption du contrat d’accueil et d’intégration, ne pas fixer des délais leur permettant de s’y engager effectivement ? Si nous ne le faisions pas, le projet de loi ne serait ni logique, ni équilibré. Il faut donc prévoir suffisamment de temps pour la signature du contrat et le renouvellement de la carte temporaire.

En ce qui concerne les conditions de ressources, elles doivent être maintenues au niveau du SMIC, mais ne doivent pas prendre en compte les revenus de l’assistance sociale, ce qui est bien normal.

M. Patrick Braouezec. Ils représentent de toute façon une part marginale !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Enfin, l’étranger devra se conformer aux principes qui régissent la République, à nos valeurs fondamentales, en matière de laïcité ou d’égalité entre les sexes par exemple.

Sur le regroupement familial comme sur d’autres sujets, le Gouvernement ne prétend pas avoir épuisé le débat et reste ouvert à tout ce qui pourra enrichir ses propositions. Les parlementaires étant aussi des élus de terrain, nous avons notamment tenu à recueillir leurs suggestions sur deux questions essentielles. La première est celle de la condition de logement – je pense en particulier à l’amendement de M. Mariani permettant de mieux tenir compte des fortes disparités régionales en matière de loyers ou de surfaces disponibles.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. La deuxième est la condition de ressources. Le Gouvernement est en effet favorable à la proposition de M. Mariani et de M. Lagarde visant à tenir compte de la taille de la famille dans le calcul des ressources.

Tout républicain a le devoir de respecter pleinement les exigences constitutionnelles. À cet égard, le texte du projet de loi, approuvé par le Conseil d’État, est conforme à l’exigence de protection de la vie familiale, de même qu’il s’inscrit parfaitement dans le cadre de la directive du 22 septembre 2003 relative au regroupement familial. Contrairement à vos affirmations, monsieur Roman et monsieur Mamère, toutes les propositions du Gouvernement en la matière sont permises par la directive. Elle prévoit ainsi, dans son article 8, la possibilité d’exiger que le « regroupant » vive en France de manière régulière depuis deux ans à la date du regroupement ; et dans son article 7, d’exiger qu’il dispose de ressources propres et n’ait pas besoin de recourir au système d’aide sociale. La directive est donc respectée à la lettre.

Dans la mesure où le nombre de salariés étrangers introduits chaque année dans notre pays n’a cessé de diminuer, la stabilité des chiffres du regroupement familial n’est pas satisfaisante. Des détournements de procédure existent, contre lesquels le Gouvernement se doit de lutter.

Enfin, vous nous avez habitués, monsieur Mamère, aux propos excessifs. Nous accuser de braconner sur les terres de l’extrême droite est donc bien digne de vous ! Je vous conseille toutefois d’acheter demain matin un grand hebdomadaire…

M. Patrick Braouezec. Le Canard enchaîné ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …qui fournit quelques indications sur l’état d’esprit des Français. Je sais bien qu’une enquête d’opinion n’offre qu’une vision fugitive d’un débat, mais celle-ci est instructive. Les Français jugent-ils que le contrat d’accueil et d’intégration est justifié ? Oui, à 76 % !

M. Bernard Roman. Ce n’est pas la question !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Attendez la suite !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Par ailleurs, 73 % trouvent plutôt justifié ou tout à fait justifié de demander à un immigré souhaitant faire venir sa famille en France qu’il justifie de conditions de ressources et de logements adaptées.

M. Bernard Roman. C’est la loi de 1998 !

M. Claude Goasguen. Dans la loi de 1998, ces conditions n’étaient pas suffisamment précisées !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Et parmi eux, 71 % de ceux qui partagent plutôt vos idées.

Monsieur Mamère, en matière de braconnage sur les terres de l’extrême droite, permettez-moi de vous répondre, en conclusion, qu’une immigration choisie, c’est une chance pour la France et qu’une immigration subie, c’est tout simplement une chance pour l’extrême droite.

M. le président. Sur le vote des amendements n°s 179, 266, 294 et 528, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Il est faux de dire que la loi Chevènement ne prévoyait pas de conditions de ressources en matière de regroupement familial.

M. Claude Goasguen. Avec le RMI !

M. Julien Dray. Elle en prévoyait même explicitement le montant. Tout le débat de l’époque, vous le savez monsieur Goasguen, portait sur l’inclusion ou non des prestations familiales dans ces conditions de ressources. D’ailleurs, la loi votée en 1998 les a exclues du calcul. Il est donc injuste d’affirmer que nous avions abandonné le concept des ressources familiales.

M. Claude Goasguen. C’est pourtant vrai !

M. Julien Dray. Je comprends qu’on se laisse emporter par le débat, mais les faits, et c’est heureux pour les défenseurs des lois de l’époque, ne sont pas ceux que vous décrivez.

Quant au sondage à paraître dans Le Figaro, dont je m’attendais, comme d’autres, à ce qu’il en soit fait une utilisation abusive, il y manque une question simple : souhaitez-vous que les populations d’origine étrangère qui arrivent sur le territoire français respectent les lois de la France ? Vous auriez eu 100 % de oui ! De fait, les questions posées sont celles sur lesquelles tout le monde est d’accord. Mais il ne s’agit pas de savoir s’il faut ou non de bonnes conditions pour le regroupement familial, mais comment vous les formalisez. C’est là que se situe le débat. L’utilisation d’un sondage du Figaro qui vient opportunément à l’aide du Gouvernement…

M. Bernard Roman. Ce n’est pas dans le Canard enchaîné qu’on aurait lu cela !

M. Julien Dray. …n’est pas un argument d’autorité dans cet hémicycle si l’on considère la formulation des questions.

Mais revenons-en au débat sur le regroupement familial. À vous entendre, il ne s’agit pas de créer de nouvelles modalités d’intégration, mais d’imposer des conditions draconiennes supplémentaires pour le limiter, en allongeant les délais sans donner aucune explication. Telle est la vérité. Nous savons tous, monsieur le rapporteur, que les préfectures ne délivrent déjà pas facilement les titres de regroupement familial. Pour ce qui me concerne, je n’en connais aucune. Au contraire, comme le soulignait Bernard Roman, lorsque l’on regarde le nombre de formulaires à remplir et de documents à produire, on ne peut que constater que ce regroupement ne se fait pas aujourd’hui en quelques heures, d’un coup de baguette magique.

Cela étant, c’est une erreur de considérer que votre approche de ces questions constitue une nouvelle manière de réguler les flux. Vous nous dites conduire une nouvelle politique. Non, il n’y a rien de nouveau ! Vous vous inscrivez dans le strict prolongement des lois Pasqua.

M. Claude Goasguen. Mais oui !

M. Julien Dray. Vous vous contentez d’y ajouter une touche personnelle en allongeant les délais. En quoi est-ce une nouvelle politique ? En quoi est-ce une rupture avec le passé ? En rien. Voilà ce que nous pouvons en conclure depuis maintenant plusieurs jours !

Que vous le vouliez ou non, les chiffres montrent bien qu’il y a une grande stabilité du regroupement familial. Donc, rien ne justifie les mesures drastiques que vous voulez mettre en place, sauf évidemment votre volonté de le limiter dorénavant, ce qui aura les conséquences que l’on sait : les délais plus longs entraîneront des détournements de procédure avec, à la clé, l’apparition de nouveaux immigrés clandestins ! C’est ainsi que cela se passera ! Les visas de tourisme seront utilisés pour faire venir femmes et enfants, qu’il faudra régulariser au bout de plusieurs années de présence sur le territoire français. Dès que vous élevez une digue, elle est contournée !

Votre démonstration ne présente donc aucun signe de rupture, mais, au contraire, une très grande continuité.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Dray !

M. Julien Dray. L’immigration choisie n’est tout simplement que la continuité de la politique mise en place successivement par les gouvernements de droite, qui ont tous échoué et qui ont légué à chaque fois un nouveau lot d’immigrés clandestins qu’il a fallu régulariser dans les pires conditions.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je confirme les propos de Julien Dray. Vous enclenchez une machine à fabriquer des clandestins. Vous érigez tellement de barrières que ceux qui voudront entrer sur notre territoire n’auront d’autre solution que de les contourner.

Quant au sondage opportun que vous invoquez, vous avez simplement oublié de dire qu’interrogés sur la déclaration de M. Sarkozy : « Si vous n’aimez pas la France, quittez-la », une majorité de nos concitoyens la désapprouvent. On se demande si les questions posées par téléphone à ces 960 Français n’ont pas été préparées en collaboration avec le ministère de l’intérieur !

M. Patrick Braouezec. Eh oui !

M. Noël Mamère. Nous avons, en effet, le sentiment que ce sondage effectué pour le journal Le Figaro arrive très opportunément. Pour employer un langage de sociologue, ce sont des questions « fermées » puisqu’il est simplement demandé de répondre par oui ou par non. Pour persuader les Français que votre projet est formidable, vous les enfumez ! Vous êtes des camelots de la politique…

M. le président. Monsieur Mamère !

M. Noël Mamère. …mais, derrière la vitrine, ce que vous vendez ne sent pas bon !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. M. Mamère lit simplement les chiffres à l’envers puisque, à la question de savoir si dire que : « les immigrés qui n’aiment pas la France peuvent aussi bien la quitter » correspond à ce qu’ils pensent, 51 % ont répondu « oui » et 42 % « non ».

M. Noël Mamère et M. Patrick Braouezec. 51 %, ce n’est pas beaucoup !

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l’heure que le Conseil d’État avait validé votre texte au titre des conventions internationales que nous avons signées. Vous avez certes raison, mais ce n’est pas nécessairement lui qui appliquera votre loi et c’est ce qui m’inquiète.

Je vous soumets le cas d’un garçon d’origine turque qui a épousé, voici quatre ans, une compatriote qui vit en France depuis l’âge de deux ans. Ils ont un enfant. Comme il était en situation irrégulière, il a été renvoyé dans son pays. Le Conseil d’État lui a reconnu le droit de vivre en France auprès de son épouse et de son enfant. Aujourd’hui, notre ambassadeur et notre consul à Ankara lui refusent le visa de long séjour, au prétexte qu’il doit entrer dans la procédure du regroupement familial…

M. Patrick Braouezec. Exactement !

M. Bernard Roman. La main dans le sac !

M. Étienne Pinte. …alors que le Conseil d’État a bien dit qu’il devait être rapatrié immédiatement pour rejoindre sa femme et son fils.

M. Bernard Roman. Eh oui ! Vive les Droits de l’Homme !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je vous répondrai également « La main dans le sac ! »

Monsieur Pinte, le cas que vous dénoncez entre exactement dans le cadre des dispositions que, si ma mémoire est bonne, nous avons adoptées à l’article 2, avec des amendements, dont un de M. Roman, qui précisent que le visa est de droit pour l’épouse et également pour l’enfant. Le problème que vous soulevez est donc entièrement réglé. Le visa est de droit.

Par ailleurs, monsieur Dray, j’en ai assez d’entendre dire que les lois votées par la droite créent des sans-papiers.

M. Serge Blisko. Eh oui !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Votre retournement de raisonnement est tout de même assez extraordinaire : nous votons des lois pour restreindre les conditions d’accès au territoire, donc s’il y a des clandestins, c’est de notre faute !

M. Julien Dray. Eh oui ! Vos lois sont inapplicables !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Suite à la circulaire du 24 juin 1997 de M. Chevènement – nous participions déjà aux débats, mais le rapport de force était différent – 150 000 dossiers de régularisation avaient été déposés.

M. Julien Dray. Et plus après !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Le bilan des lois Pasqua, c’est donc 150 000 régularisations.

M. Julien Dray. Il y en a eu plus que cela : 150 000, c’était le chiffre bas !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il y a eu entre 1981 et 1997 entre 150 000 et 160 000 dossiers de régularisation. Aujourd’hui, on compte un nombre bien plus important de clandestins. Même si je ne veux pas polémiquer avec M. Roman, vous me permettrez d’en être convaincu. Je vous ai cité le rapport de 2003 : on est passé de 120 000 ou 130 000 attestations d’accueil en 1998 à 720 000 en 2002, soit 600 000 de plus en cinq ans.

M. Julien Dray. Mais non, ce n’est pas cela !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Mais si ! C’est là le principal moyen, nous le savons, d’entrer légalement sur notre territoire et, comme vous avez vous-même décrit la méthode, de s’y maintenir irrégulièrement. À mon avis, ce sont de telles procédures mises en place par la loi de 1998 et totalement dévoyées qui sont à l’origine du grand nombre de sans-papiers !

M. Julien Dray. Cela n’a rien à voir ! Vous confondez les choux-fleurs et les carottes !

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Depuis le début de ce débat, messieurs de l’opposition, vous tenez un discours selon lequel, en faisant des lois, nous susciterions la fraude. Mais ce que vous dites à propos de l’immigration peut s’appliquer à n’importe quelle loi et je trouve tout de même surprenante cette remise en cause de l’utilité même des lois. Si on vous écoutait, on n’en ferait pas du tout, comme cela il n’y aurait pas de clandestins ! Si les choses étaient aussi faciles en matière de regroupement familial que l’a dit M. Blisko, pourquoi la loi Chevènement a-elle prévu un délai ? Après tout, on aurait parfaitement pu se contenter d’appliquer la règle internationale et d’auroriser le regroupement familial tout de suite.

De plus, monsieur Dray, la loi Chevènement emploie le terme « ressources », mais n’en précise pas la nature.

M. Julien Dray. Si !

M. Bernard Roman. Il faut apprendre à lire !

M. Claude Goasguen. La loi Pasqua exigeait explicitement le SMIC et la loi Chevènement a abrogé cette exigence donnant ainsi aux étrangers qui dépendaient de l’assistance et de la solidarité nationale le droit au regroupement familial. Vous pouvez tourner le problème : le terme « SMIC » n’existe pas dans la loi Chevènement, je suis formel !

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je serai très bref car on reviendra sur cette question à l’article 31 et à l’article 32.

Vous nous avez martelé une nouvelle fois des chiffres, monsieur le rapporteur, en affirmant que les attestations d’accueil avaient quintuplé en quelques années, mais je vous rappelle que les gens doivent souvent présenter trois, quatre, cinq ou six attestations d’accueil successives pour obtenir le visa car, notamment dans certains pays, il est beaucoup plus difficile à obtenir aujourd’hui qu’en 1997 ou 1998. N’utilisez donc pas ces chiffres car ils ne veulent rien dire en eux-mêmes.

M. Julien Dray. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Aux termes de la loi de 1998, monsieur Goasguen, le regroupement familial ne peut être refusé que si « le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint, indépendamment des prestations familiales. L’insuffisance de ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont supérieures au salaire minimum de croissance. » La référence au SMIC n’a donc pas disparu de la loi Chevènement.

M. Claude Goasguen. Non, mais le SMIC n’est pas non plus une condition nécessaire. C’est pratiquement ce que je disais.

M. Bernard Roman. Par ailleurs, je ne sais pas s’il existe un précédent récent d’une loi qui institue une inégalité entre les hommes. Nous avons simplifié il y a deux jours le regroupement familial pour ceux qui bénéficient de la carte « compétences et talents ». Eux pourront faire venir leurs familles tout de suite. Je me demande depuis quand le respect des droits de l’homme dépend des compétences et des talents supposés.

M. Claude Goasguen. Il dépend de la loi !

M. Bernard Roman. Je crois que le Conseil constitutionnel appréciera cette inégalité instituée par la loi.

M. Patrick Braouezec. C’est une vraie question !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin, précédemment annoncé, sur les amendements de suppression.

Je vais donc mettre aux voix les amendements nos 179, 266, 294 et 528.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

……………………………………………………………..

M. le président. Le scrutin est ouvert.

……………………………………………………………..

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Je suis saisi d’un amendement n° 11.

M. Jérôme Rivière. Il est retiré.

M. le président. L’amendement n° 11 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 372.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il est défendu, et la commission y est favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 372.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 30, modifié par l’amendement n° 372.

(L’article 30, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Aujourd’hui, à quinze heures, première séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 2986, relatif à l’immigration et à l’intégration :

Rapport, n° 3058, de M. Thierry Mariani, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et l’administration générale de la République ;

Éventuellement, discussion du projet de loi, n° 2276 deuxième rectification, adopté par le Sénat, sur l’eau et les milieux aquatiques :

Rapport, n° 3070, de M. André Flajolet, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3068, de M. Philippe Rouault, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à une heure trente-cinq.)