Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2005-2006)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 31 mai 2006

232e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LUC WARSMANN,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

engagement national pour le logement

Suite de la discussion, en deuxième lecture,
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant engagement national pour le logement (nos 3072, 3089).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 4 septies.

Article 4 septies

M. le président. Sur l’article 4 septies, je suis saisi de quatre amendements, nos 54, 55, 56 et 6 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir les amendements nos 54, 55 et 56.

M. Jean-Louis Dumont. Il y a une dizaine d’années, alors membre du Conseil économique et social, j’avais été chargé par la commission du cadre de vie de faire un rapport sur les terrains à construire. A l’époque, certaines ZAC étaient en panne. Il fallait des terrains disponibles pour construire, pour répondre à la demande. Or, si le coût de la construction était maîtrisé, la spéculation foncière entravait parfois la construction de logements – a fortiori celle de logements locatifs sociaux – et plus encore l’accession à la propriété.

Certes, le foncier agricole, non constructible, n’était pas concerné. Cependant, la valeur vénale, même maîtrisée, d’un terrain agricole peut quintupler lorsqu’un conseil municipal décide de le rendre constructible dans le cadre d’un plan d’urbanisme, d’un zonage. C’est bien la puissance publique qui le décide ; c’est bien une assemblée délibérante qui prend cette responsabilité, et la valeur d’un terrain peut ainsi décupler pendant le sommeil de son propriétaire.

À cette époque, j’avais émis l’hypothèse selon laquelle le propriétaire dudit terrain, qui tirerait bénéfice, sinon profit, du classement en zone constructible, pourrait au moins participer au coût de l’urbanisation, car il serait un peu exagéré que ce soit la collectivité locale qui finance entièrement celle-ci. Le groupe socialiste, dans sa grande sagesse, a donc considéré qu’il ne serait pas exagéré de prévoir une participation des propriétaires de ces terrains sous forme d’une contribution financière ou de l’apport d’une partie des terrains à la collectivité locale. Pour être moi-même tout petit propriétaire terrien, je sais que la valeur d’un bien transmis de génération en génération est souvent plus affective que financière. Les zones vertes et nombre de zones agricoles ne sont pas concernées : seules les villes et les bordures de ville le sont. M. Borloo défend le renouvellement urbain et le développement du logement locatif social. Quant à M. Ollier, il ne manquera certainement pas de nous rappeler combien l’accession sociale lui tient à cœur. Pour tout cela, il faut des terrains !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Bien sûr !

M. Jean-Louis Dumont. L’on peut concevoir que le propriétaire fasse un certain profit, mais la spéculation doit être maîtrisée. C’est pourquoi les trois amendements que je défends mérite une attention particulière. On ne peut en effet laisser une personne, ou une société, profiter seule de la plus-value. En région parisienne, le pauvre petit propriétaire vend souvent son bien à une grande société qui, à son tour, le revend dix fois plus cher à un promoteur, et celui qui fait les plus gros bénéfices n’est pas celui auquel on pense souvent ! Même dans les communes moyennes – y compris dans votre département, monsieur le président de la commission –, où tout se sait, il y a souvent deux reventes dans la même journée et la valeur d’un terrain peut doubler entre le matin et le soir, et tripler d’un jour à l’autre !

C’est donc l’expérience que nous avons acquise sur le terrain qui nous incite à vouloir fixer des règles qui ne soient pas spoliatrices pour le propriétaire du terrain. Il faut veiller à ce que la plus-value due au classement du terrain en zone constructible soit partagée. Grâce à un prélèvement, l’on doit pouvoir faire profiter de cette plus-value la collectivité publique qui a pris la décision politique, stratégique, d’affecter un indice de construction à un terrain qui en était dépourvu, pour que cette collectivité ne soit pas perdante. De telles règles se justifient d’autant plus lorsque les terrains peuvent être consacrés à des logements locatifs sociaux et lorsque les collectivités aident les locataires.

Ces amendements méritent donc une attention particulière. Le Sénat n’en veut pas. C’est quand même étonnant ! Ces derniers temps, bien des textes nous reviennent de la Haute assemblée avec de nouvelles taxes, notamment inspirées par un éminent sénateur, rapporteur général, qui manifestement n’aime pas trop le sigle « HLM » !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Nous savons supprimer ces taxes ! Merci de nous aider !

M. Jean-Louis Dumont. Heureusement, monsieur le président de la commission, que nous réagissons ensemble au nom de l’intérêt collectif, de celui des petites gens ! Mais que ce sénateur s’oppose à un modeste prélèvement sur la plus-value devrait vous inquiéter, mes chers collègues.


J’en appelle à notre responsabilité collective. Si j’ai indiqué avec humour que je faisais partie des tout petits propriétaires de terres agricoles, en tant que membre d’une famille rurale, je crois que l’intérêt général doit l’emporter sur l’intérêt particulier. Sans que celui qui n’avait peut-être pas envie de vendre son terrain se retrouve dans l’obligation de le faire, il doit comprendre qu’il peut le vendre le double de son prix d’acquisition, mais pas dix fois plus cher.

M. Michel Piron. J’imagine déjà la frustration des propriétaires !

M. Jean-Louis Dumont. Par conséquent, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, je vous remercie de l’attention que vous porterez aux amendements du groupe socialiste, qui, en déclinant différentes formes de taxes, visent à mettre en place une politique ambitieuse destinée à répondre aux demandeurs de logement qui sont 400 000 à Paris et 1,3 million dans tout le pays.

Mme Annick Lepetit. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour présenter l’amendement n° 6, deuxième rectification, et donner l’avis de la commission sur les amendements nos 54, 55 et 56.

M. Gérard Hamel, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Sur le principe et sur le fonds, monsieur Dumont, je partage votre analyse.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Oui, nous partageons votre analyse !

Mme Annick Lepetit. L’amendement va donc être voté !

M. Gérard Hamel, rapporteur. C’est pourquoi, avant de donner l’avis de la commission sur vos amendements, je voudrais présenter l’amendement n° 6, deuxième rectification, dont M. Saddier est coauteur et qui vise à rétablir la taxation supprimée par le Sénat.

M. Michel Piron. Une taxation que nous avons instaurée !

M. Gérard Hamel, rapporteur. Néanmoins, nous tenons à ce que cette mesure soit facultative. La taxation de la plus-value sur les terrains devenus constructibles doit être décidée par le conseil municipal. Je précise en outre qu’elle ne s’appliquerait pas dès le premier euro de plus-value mais à partir du triple de la valeur du bien.

M. Jean-Louis Dumont. Cette précision peut tout changer !

M. Gérard Hamel, rapporteur. Telles sont les dispositions proposées par la commission, qui répondent au moins partiellement à vos préoccupations.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, pour donner l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 54, 55, 56 et 6, deuxième rectification.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 6 de la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Manifestement, l’Assemblée nationale fait un effort, au regard de la vision du Sénat, quelque peu moyenâgeuse – soit dit entre nous.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Les sénateurs lisent le compte rendu ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Dumont. Il y a souvent deux poids, deux mesures dans les décisions sénatoriales.

Il me semble néanmoins que M. le rapporteur devrait pouvoir encore améliorer ce texte. Une décision politique enclenche un processus.

Si une personne dont le terrain vient d’être classé constructible doit pouvoir obtenir sa valeur ajoutée, le surplus doit être partagé. En outre, la situation est bien différente quand une personne ou une société détient en ville un terrain constructible et le bloque, en vue d’une succession, d’une augmentation des prix ou d’une spéculation, au cas où un promoteur aurait un jour une brillante idée. Cette attente contre le logement locatif social et l’accession sociale à la propriété.

Il faut savoir ce que l’on veut. Puisqu’on affecte des terrains à des missions de service public, en vue d’une politique globale au service d’une population, on devrait, dans le cadre de la politique du logement, s’attacher à désigner ces terrains de manière particulière.

Je vois bien que notre rapporteur et donc la majorité font un effort, mais celui-ci me semble encore un peu timide, sinon timoré. Quant à M. le ministre, il défend avec fougue ses convictions en matière de logement. Mais comment concilier les chiffres qu’il nous annonce et une telle frilosité en ce qui concerne les terrains ?

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Charmé par votre argumentaire, monsieur Dumont, je vous rappelle que, lors de la première lecture, nous avons innové en instaurant la taxe sur la plus-value partagée. J’ai souhaité à cette occasion que l’opposition accepte de nous accompagner, mais n’exagérons pas. Le mieux peut être l’ennemi du bien. En l’espèce, nous avons introduit le bien. Peut-être pourriez-vous vous en contenter pour ce soir, comme vous avez accepté de le faire en première lecture. Au lieu d’en rajouter, laissons ce premier pas démontrer son bien-fondé. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vais donc mettre aux voix l’amendement n° 54.

M. Jean-Louis Dumont. Un mot, s’il vous plaît, monsieur le président, sur un sujet aussi important ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Juste une phrase, monsieur Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. J’aurais déjà terminé ma démonstration si je n’avais pas été malencontreusement et maladroitement interrompu par mes collègues de la majorité, pour des raisons idéologiques. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur Piron, nous nous entendons souvent sur un certain nombre de sujets et votre démonstration a convaincu le défenseur des amendements nos 54, 55 et 56 que je suis. Par sagesse, je les retire, au bénéfice de l’avancée non négligeable que propose l’amendement n° 6, deuxième rectification.

M. Michel Piron. Merci !

M. Jean-Louis Dumont. Peut-être apporterons-nous d’autres avancées, dont nous prendrons la responsabilité.

Monsieur le président, je vous remercie de m’avoir laissé m’exprimer.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’autorité de la présidence en est grandie !

M. le président. Les amendements nos 54, 55 et 56 sont retirés.

Je mets aux voix l'amendement n° 6, deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote a été acquis à l’unanimité.

L’article 4 septies est donc rétabli et se trouve ainsi rédigé.

Article 4 octies

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 7, qui tend à rétablir l’article 4 octies.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Gérard Hamel, rapporteur. L’amendement vise en effet à rétablir cet article qui permet de prendre en compte les logements foyers dans le calcul de la dotation de solidarité urbaine.

Cet amendement avait été adopté en première lecture à l’Assemblée, avant d’être supprimé par le Sénat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’article 4 octies est rétabli et se trouve ainsi rédigé.

Nous en arrivons au titre II.

Avant l’article 5

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 57 portant article additionnel avant l’article 5.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Une partie du débat d’hier portait sur la réalité de la politique gouvernementale et, au-delà de notre appréciation, sur son adaptation aux besoins de logements. Un bon critère, parmi tous ceux qu’on utilise pour appréhender une politique, consiste à se demander si, au terme d’une démarche en faveur du logement social, on a répondu à la demande.

Quand un acteur local entreprend des opérations de renouvellement urbain ou de construction de logement social, il cherche à adapter le mieux possible la proposition de logements aux listes d’attente ou aux problématiques spécifiques de son territoire. Dans ce domaine, l’important n’est pas de se gargariser du chiffre des permis de construire. Laissons cet argument à M. Borloo : les maires, eux, savent bien qu’un permis de construire n’équivaut pas nécessairement à un logement et moins encore à un logement social.

Lorsqu’on examine les données, à défaut de pouvoir toujours relever – ce que tous devraient faire, pourtant – les chiffres de la fondation Abbé-Pierre, qui devient quasiment l’INSEE spécifique en matière de besoin en logements sociaux,…

M. Michel Piron. Accélérons !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …et sans entrer dans le détail des données intéressantes et très utiles dont disposent les départements, notamment les DDE, en matière d’offre de logements – les PLH, notamment, réalisés par les départements, sont très éclairants –, un critère permet, à mes yeux, de faire coïncider notre compréhension de la politique en faveur du logement et les attentes de nos concitoyens.

Pour savoir si, à la fin d’une période d’action, les objectifs ont été atteints, il suffit de savoir si le nombre de demandeurs de logements a diminué. Nous proposons par conséquent d’évaluer l’attente de logements et de faire le compte exact des demandeurs, en précisant où ils sont et qui ils sont.

La mise en place du numéro unique par demandeur a eu l’avantage de clarifier la situation. Mais on connaît la limite de l’exercice : d’une part, on peut tout de même multiplier les demandes et, d’autre part, la demande devient, en quelque sorte, un enregistrement à vocation administrative, destiné à prendre rang.

Nous suggérons par conséquent que, chaque année, le Gouvernement remette au Conseil national de l’habitat une évaluation de l’état de la demande quantitative et qualitative de logements sociaux, et de sa situation géographique. Une telle évaluation lui permettrait sans nul doute de mieux finaliser ses approches et d’affiner ses suggestions aux pouvoirs publics, c’est-à-dire non seulement au Gouvernement mais aussi à tous les autres acteurs. Elle fournirait également un critère de référence permettant de juger de l’efficacité de la politique engagée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Hamel, rapporteur. Avis défavorable pour deux raisons. D’une part, vous savez ce que je pense, monsieur Le Bouillonnec, de la production de rapports.

M. Jean-Louis Dumont. Ils peuvent être utiles !

M. Gérard Hamel, rapporteur. Certes, mais ils finissent trop souvent dans des tiroirs !

D’autre part, je pense qu’il revient plutôt au Conseil national de l’habitat de transmettre les données dont il dispose, qui permettent au Gouvernement d’apprécier la situation de manière chiffrée.

M. le président. Le Gouvernement est-il également défavorable ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. En effet, pour plusieurs raisons, mais surtout parce que c’est l’action sur le terrain qui est cruciale, vous en conviendrez. Un dispositif permet déjà de faire remonter les informations jusqu’au préfet et de les transmettre à la région, de façon à ce que la situation puisse être appréciée dans sa réalité. Un rapport national ne serait d’aucune efficacité.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.


M. Michel Piron
.
J’ajoute, en tant que président du Conseil national de l’habitat, que celui-ci use de la possibilité qui lui est donnée de créer des groupes de travail et d’interroger les services de l’État, dont les statistiques ne sont pas forcément celles de la fondation Abbé Pierre. Dès lors, il me semble que l’obligation légale proposée dans l’amendement n’apporterait pas grand-chose. Encore une fois, nous savons solliciter et recueillir les informations nécessaires.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. M. le ministre peut-il nous dire quel est le nombre des demandeurs de logement au 31 décembre 2005 ?

M. Patrick Braouezec. Il ne le sait pas !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il ne peut pas le savoir car, quoi qu’en dise le président du CNH, aucune donnée ne permet actuellement de comptabiliser le nombre de demandeurs de logement à une date précise.

Or un tel instrument permettrait non seulement d’orienter les réflexions des acteurs politiques et des bailleurs sociaux, mais aussi de vérifier si l’action du Gouvernement, notamment en ce qui concerne la typologie des logements et leur implantation, répond exactement à la demande. Si nous critiquons une partie des éléments statistiques du Gouvernement, c’est précisément parce que nous estimons que le financement privilégie les PLS au détriment des PLAI, alors qu’il devrait faire l’inverse. Je rappelle en effet que, selon les données de la DDUHC, 22 000 PLS ont été financés en 2005 contre seulement 6 000 PLAI.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je souscris à ce que vient de dire M. Le Bouillonnec. Il ressort de nos débats que, d’un côté comme de l’autre de l’hémicycle, il nous est difficile d’apprécier le nombre des demandeurs de logement, leur niveau de solvabilité et les logements auxquels ils peuvent avoir droit. Si le Gouvernement fournissait à l’Assemblée une information objective dans ce domaine, nous pourrions non seulement corriger les politiques menées, mais aussi disposer d’une connaissance précise de la demande de logements sur l’ensemble du territoire.

La question que M. Le Bouillonnec a posée à M. le ministre n’est pas une question piège. Personne, ici, n’est en mesure de dire quels étaient, au 31 décembre 2005, le nombre des demandeurs de logement et celui des personnes logées dans des conditions indignes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. À la question posée par mes deux collègues, on devrait pouvoir répondre facilement : il existe un numéro unique de la demande. Mais nous avons, dans ce pays, un vrai problème avec les statistiques !

La loi organique sur les lois de finances nous amène désormais à évaluer l’efficacité du financement public grâce à des indices de performance – lesquels, je le rappelle au passage, ont d’abord été définis par l’administration, ce qui, s’agissant du logement, présente des limites évidentes. Dès lors, mieux vaudrait, plutôt que de passer des heures à nous « étriper » sur les chiffres, disposer d’un outil statistique de mesure et d’évaluation fiable, qui nous permettrait d’être plus performants.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 5

M. le président. Sur l’article 5, je suis saisi d’un amendement n° 59.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous souhaitons que le bénéfice du taux réduit de TVA ne soit plus réservé aux seules zones faisant l’objet d’opérations relevant de la programmation pour la ville et de la rénovation urbaine et qu’il soit étendu aux territoires situés en zone urbaine sensible, telle que mentionnée dans la loi du 4 février 1995.

Qu’il s’agisse de renouvellement urbain ou des nouveaux contrats de cohésion urbaine et sociale, l’État, qui cible certains territoires, oblige les acteurs locaux à faire des choix. Ainsi, les préfets – apparemment sur instruction du ministère – semblent vouloir réduire le nombre de sites sur lesquels portent les actions des contrats de ville, devenus contrats de cohésion urbaine et sociale. Or les territoires qui ont des besoins ne relèvent pas forcément de la rénovation urbaine, de zones urbaines sensibles ou de zones franches. Bref, tous les dispositifs que l’on a créés pour traiter des problèmes particuliers sont insatisfaisants, notamment parce qu’ils ne tiennent pas compte des territoires où les enjeux ne sont pas d’une gravité immédiate, mais où les acteurs doivent se mobiliser pour qu’ils ne le deviennent pas.

C’est pourquoi nous suggérons d’élargir le bénéfice du taux réduit de TVA au moins aux zones urbaines sensibles, de sorte que l’on touche les territoires qui sont le plus besoin de l’intervention de la politique de la ville.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Hamel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, car la prise en compte du périmètre des grands projets de ville serait trop extensive. Au reste, je rappelle que, à l’initiative du président Ollier, le dispositif a déjà été étendu au-delà du périmètre de l’ANRU dans une limite de deux kilomètres, ramenée à 500 mètres par le Sénat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Mon ministère a demandé et obtenu la création d’un certain nombre de dispositifs d’aide, notamment la compensation intégrale de la TFPB durant vingt-cinq ans – trente ans en cas de performances énergétiques – et le bénéfice du taux réduit de TVA pour les opérations d’accession populaire à la propriété dans des sites où les demandes sont extrêmement importantes en raison de la disponibilité des terrains. L’effort consenti dans le cadre des arbitrages budgétaires est donc très important. Il faut savoir s’arrêter ; nous ne pouvons pas aller plus loin.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les acteurs locaux n’ont jamais accepté la référence aux seuls critères préexistants – les anciens ORU et les GPV – et les périmètres des ZUS sont, dans leur configuration actuelle, largement plus restreints que ceux des territoires qui auraient besoin d’une intervention massive.

Par ailleurs, monsieur le ministre, permettez-moi de rappeler la dimension réelle de l’engagement de l’État, notamment les incidences de la régulation budgétaire, que dénonce le récent rapport de la Cour des comptes, estimant que cette procédure devrait être exceptionnelle compte tenu des nouvelles normes de la LOLF.

Selon la Cour des comptes, les mesures de mise en réserve de crédits ont induit des modifications significatives des programmes d’action de la plupart des ministères, soit parce que les crédits concernés ont été annulés, soit parce qu’ils ont été rendus de nouveau disponibles à une date qui ne permettait pas qu’ils soient utilisés pendant l’exercice en cours.

En ce qui concerne le budget Ville et rénovation urbaine, elle estime que les annulations ont porté sur 20 % des crédits initiaux – qui étaient de 84 millions d’euros –, ramenant le montant des crédits ouverts, composés à hauteur de 98 % d’interventions mises en œuvre par la délégation ministérielle à la ville et la nouvelle Agence nationale de rénovation urbaine, à 352 millions d’euros. La Cour constate également que les crédits ouverts sur ce budget sont en baisse régulière depuis 2002, alors que les crédits votés sont en hausse, et que la baisse cumulée atteint 26 % par rapport notamment à celui atteint en 2001. Le financement des contrats ville a notamment été à nouveau fortement amputé et les dettes de l’État au titre de ces opérations étaient de 315 millions d’euros fin 2005.

Quand c’est nous qui disons cela, on nous répond que nous ne savons pas évaluer, que nous faisons de la mauvaise politique et l’on nous reproche de demander au Gouvernement de réaliser ce que la précédente majorité n’a pas fait. Dans son rapport, la Cour des comptes rend justice à l’ensemble des acteurs de terrain, qui vivent cette réalité.


Les procédures de régulation budgétaire ont entraîné une réduction de l’engagement de l’État par rapport à celui consenti en 2001, ce qui a été dénoncé par la Cour des comptes. Nonobstant les dénégations du Gouvernement, cela doit nous conduire à nous interroger sur le financement de la politique de la ville sur le terrain. Notre amendement visant à l’extension du taux réduit de TVA à tous les quartiers situés en zone urbaine sensible est pertinent à un double titre : premièrement, parce que les engagements de l’État ne profiteront pas à ces territoires, deuxièmement, en raison de la réduction du financement de la politique de la ville.

Il faut absolument tenir compte de cette réalité pour que l’engagement de l’État, que nous voulons soutenir, soit efficace sur le terrain.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 251.

La parole est à M. Jean-Pierre Abelin, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Abelin. L’amendement n° 251 propose d’étendre le taux réduit de TVA prévu par l’article 5 de ce texte aux opérations réalisées au sein des zones de revitalisation rurale définies par l’article 2 de la loi relative au développement des territoires ruraux.

Je ne me fais guère d’illusions quant au sort de cet amendement, compte tenu de l’accueil qui lui a été réservé en commission et de ce que vient de dire M. le ministre. Je souhaite toutefois attirer l’attention de notre assemblée sur les difficultés de l’accession sociale en milieu rural. Celle-ci, moins connue que celle pratiquée dans les métropoles, est pourtant tout aussi concrète. Or, si le niveau moyen de revenus en milieu rural est assez bas et en tout état de cause inférieur à celui constaté en milieu urbain, on observe que les campagnes sont elles aussi touchées par l’augmentation du prix de foncier, notamment dans les secteurs où se produit un afflux d’acquéreurs étrangers – je pense en particulier aux Anglais, bien connus pour acheter tout ce qui est à vendre, notamment les petites habitations.

Conjugués, ces phénomènes entraînent de réelles difficultés d’accession à la propriété sociale pour les jeunes en milieu rural. J’aimerais savoir, monsieur le ministre, si la mission sur le logement en milieu rural que vous avez annoncée lors de la discussion budgétaire est désormais en mesure de formuler des propositions en vue de faciliter cette accession.

M. Jean-Louis Dumont. Défendons la ruralité !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Hamel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Une proposition, initialement formulée par la seule CFDT, vient d’être reprise : il est vrai qu’aujourd’hui les règles globales d’aide et de financement ne sont pas opérationnelles dans le dispositif rural. Nous avons décidé, avec le ministère de l’agriculture, d’intervenir sur ce point. La décision de principe est acquise, mais le dispositif n’est pas encore bouclé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 251.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8 rectifié de la commission.

Il s’agit d’un amendement de précision.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Le Gouvernement est favorable à cet amendement et lève le gage.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 187, 60, 126 rectifié et 124, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 187 tombe.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement n° 60. Peut-être défendrez-vous en même temps les amendements nos 126 rectifié et 124, monsieur Dumont ?

M. Jean-Louis Dumont. Oui, monsieur le président. Je serai très bref en ce qui concerne l’amendement n° 60 : celui-ci vise à ce que dans les quartiers prioritaires, les contrats urbains de cohésion sociale puissent appliquer la TVA à taux réduit.

L’accession sociale à la propriété ne se résume pas à un plafond de ressources, un taux de TVA et quelques aides à la pierre. Je rappelle qu’il s’agit avant tout de familles qui, y compris dans le milieu rural, souhaitent accéder à la propriété, se constituer un patrimoine, voire montrer qu’elles sont capables, par leurs compétences et leur force de travail, d’améliorer le logement familial. C’est un facteur peu reconnu, mais très important dans l’ascenseur social : on gagne une certaine reconnaissance des siens lorsqu’on occupe un logement à soi, dans lequel on a travaillé. C’est peut-être un état d’esprit un peu rural, mais il est profondément ancré chez de nombreuses personnes et mérite d’être encouragé.

Ces familles ne doivent pas être lancées dans l’accession à la propriété dans n’importe quelles conditions, monsieur le ministre. Je me souviens des sinistrés de la désinflation, des dégâts occasionnés par les prêts à taux variable. Les conséquences sociales, dramatiques, sont encore présentes dans tous les esprits. L’accession à la propriété dite sociale, destinée à des familles dont les ressources sont relativement faibles, ne peut se faire qu’à la condition de sécuriser le parcours résidentiel contre tous les risques qui peuvent le jalonner, qu’il s’agisse du handicap, du chômage, de l’accident ou du divorce. Dans un certain nombre de secteurs, cette sécurisation a été testée.

Des garanties pour l’accédant peuvent être prévues, à des conditions connues et parfaitement maîtrisées. Aujourd’hui, il y a encore très peu de sinistres. Mais demain, que deviendront les familles frappées par le chômage, par la réduction de leurs ressources, par l’évolution de leur cellule familiale ? C’est pourquoi, monsieur le ministre, j’ai proposé un amendement visant à ce que les ventes et les livraisons en l’état futur d’achèvement soient assorties de garanties pour l’accédant selon des conditions fixées par décret. Mettre en place un tel dispositif d’accompagnement permettrait de montrer à quel point nous sommes attachés à l’accession sociale à la propriété. Nous avons en particulier le souci de conserver la cellule familiale dans son logement : il est tout de même plus facile de faire évoluer le statut du résident que de le faire déménager ! Cette sécurisation de l’accédant est l’objet des amendements nos 60, 126 rectifié et 124.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 60, 126 rectifié et 124 ?

M. Gérard Hamel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable à ces trois amendements, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Défavorable, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’amendement n° 60, je le précise, fait référence aux quartiers prioritaires des contrats urbains de cohésion sociale, un dispositif récent, en cours de mise en œuvre, qui doit se substituer aux contrats de ville.

Les préfets ont appelé les partenaires des anciens contrats de ville à exprimer, dans un premier temps, leurs souhaits quant au choix des quartiers concernés. N’aurait-il pas été plus opportun que l’État et ses interlocuteurs, villes ou établissements publics de coopération intercommunale, évoquent d’abord les conditions de l’intervention de l’État, son contenu et ses objectifs, avant de déterminer les quartiers prioritaires, qu’il faudra choisir malheureusement parmi de nombreux prétendants ? Cela aurait permis aux communes d’ouvrir les débats avec leurs autres partenaires que sont par exemple les départements et les régions. La méconnaissance du contenu concret des engagements de l’État rend difficile la conception des ensembles d’actions dans lesquels ces partenaires pourront être impliqués. Votre méthode a quelque peu surpris les acteurs locaux, et nous serions heureux d’avoir des éclaircissements sur ce point.

Cet amendement vise également à vous rappeler la démarche que vous avez vous-même initiée, mais qui n’est qu’en cours d’élaboration.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 126 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 124.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié par l'amendement n° 8 rectifié et modifié.

(L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 5

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 46 portant article additionnel après l’article 5. Cet amendement est-il défendu ?

M. François Scellier. Oui, à la demande de mon collègue Jean-Pierre Gorges, je défendrai l’amendement n° 46 en son nom. Il arrive malheureusement que des logements sociaux soient occupés par des locataires dont la situation économique et financière a évolué au cours des années et qui ne répondent plus aux conditions de ressources définies par l'autorité administrative. Certains ont même pu acquérir d'autres biens immobiliers et utilisent leur logement social en tant que résidence secondaire.

Même si cette situation est relativement rare, il convient d’y mettre fin. C’est l’objet de l’amendement n° 46.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Hamel, rapporteur. La commission a estimé que cet amendement, qui poursuit un objectif certes louable, propose un dispositif difficilement applicable. Comment vérifier qu’un accédant à la propriété n’est pas propriétaire d’autres biens immobiliers ? Nous avions pensé à une déclaration sur l’honneur, mais celle-ci ne présenterait pas non plus de garanties suffisantes en termes de contrôle. La seule solution est que les organismes HLM se montrent très vigilants quant aux candidats acquéreurs.

La commission a donc émis un avis défavorable à l’amendement n° 46.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46.

(L'amendement n'est pas adopté.)


Article 5 bis A

M. le président. Sur l’article 5 bis A, je suis saisi d’un amendement n° 279.

Il s’agit d’un amendement rédactionnel de M. Gérard Hamel, auquel le Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 279.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 9 de la commission.

Il s’agit également d’un amendement rédactionnel auquel le Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 10 rectifié.

Cet amendement fait l’objet de deux sous-amendements nos 212 et 213.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 10 rectifié.

M. Gérard Hamel, rapporteur. Il s’agit de permettre un meilleur fonctionnement des copropriétés résultant de la vente de logements HLM à leurs locataires. Les organismes HLM pourront assurer les fonctions de syndic, sauf s’ils y renoncent ou que l’assemblée générale en décide autrement. Par ailleurs, cet amendement prévoit que la règle de droit commun fixant le plafonnement à 50 % du nombre de voix d’un copropriétaire ne s’appliquera pas aux organismes HLM.

M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec, pour soutenir les sous-amendements nos 212 et 213.

M. Philippe Pemezec. Tant que l’organisme vendeur demeure propriétaire d’au moins un logement, les fonctions de syndic de la copropriété doivent être assurées par lui, sauf si 50 % des acheteurs ne le souhaitent pas. L’office public est en effet le plus à même pour assurer les fonctions de syndic de la copropriété, du fait de la bonne connaissance de son patrimoine, de ses locataires et, donc, des nouveaux propriétaires dont il connaît les situations individuelles. Par ailleurs, cela constitue un gage important pour éviter les copropriétés dégradées.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux sous-amendements ?

M. Gérard Hamel, rapporteur. La commission a repoussé le sous-amendement n° 212 considérant que l’organisme HLM devait pouvoir rester libre de renoncer à l’exercice de sa fonction de syndic.

Elle a également repoussé le sous-amendement n° 213, préférant s’en tenir au pourcentage de 60 % qu’elle a fixé dans son amendement n° 10 rectifié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l’amendement et les deux sous-amendements ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Le Gouvernement est favorable à l’amendement et partage l’avis de la commission sur les deux sous-amendements.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je tiens à expliquer pourquoi nous voterons contre l’article 5 bis A. Cet article inaugure, si l'on peut dire, les dispositions relatives à la vente des logements HLM et tend donc à faciliter les opérations de vente de logements HLM au moindre coût, en faisant mine de prendre en compte la situation propre des locataires.

Mais ce texte s'entête en fait à vouloir vendre des logements sociaux, en faisant fi du constat simple qu'il manque 600 000 logements dans notre pays. C'est une erreur majeure. Les amendements qui viennent d’être présentés témoigne d’ailleurs de l’embarras de la majorité sur cette question.

Des exemples multiples montrent au demeurant que le choix de la transformation en copropriété d'un certain nombre d'ensembles locatifs, notamment depuis l'adoption et la mise en œuvre de la loi Méhaignerie en 1986, n'a pas résolu, loin de là, la situation sociale et économique des quartiers. Ces nombreux exemples devraient également faire réfléchir tous les partisans de la cession de logements locatifs sociaux sur les questions de gestion de la copropriété et des coûts qui en résulteront pour des propriétaires modestes.

Cela dit, notre objection est plus profonde : elle porte sur le refus de vendre un patrimoine social qui a été financé et aidé à l'intention de ménages à revenus modestes. Cette démarche nous paraît en effet dangereuse et source d'injustice.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Si un organisme ayant statut HLM et gérant un patrimoine de logements locatifs sociaux décide, à partir d’un plan stratégique de patrimoine, avec l’accord des communes et dans des conditions parfaitement maîtrisées et publiques, de faire accéder ses occupants à la propriété, il faut prévoir que, tant que tous les logements de l’îlot ne sont pas vendus, l’organisme en question gère l’ensemble de la propriété devenue progressivement copropriété. Lorsque tout sera vendu, il appartiendra aux copropriétaires de choisir le syndic du coin ou de constituer un syndicat coopératif de copropriétaires. J’ai d’ailleurs déposé des amendements allant dans ce sens dont certains ont cependant été refusés par le président de la commission des finances au titre de l’article 40.

En tout état de cause, la fonction de syndic de copropriété peut être assurée par les organismes de HLM ; c’est un de leurs métiers. Je pense tout particulièrement aux coopératives, aux ESH voire aux OPAC. Il nous faut donc veiller à sécuriser complètement le parcours résidentiel, y compris lorsque les logements d’un collectif se vendent progressivement. Si la vente s’étale sur dix ans, c’est l’organisme HML qui devra gérer la copropriété sur cette période pour éviter les dégradations que l’on constate trop souvent, malheureusement, dans les copropriétés privées.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je suis plutôt favorable à l’argumentation développée par notre collègue Braouezec. Je crains en effet que M. Ollier, qui réfléchit beaucoup à toutes sortes d’amendements, ne nous dise demain que toute copropriété, même privée, gérée par un organisme HLM entrera dans les 20 % de logements sociaux. Nous ne voulons absolument pas cautionner une telle démarche.

M. Jean-Louis Dumont. J’avoue que je n’y avais pas pensé !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 212.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 213.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5 bis A, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 5 bis A, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5 bis B

M. le président. À la demande du Gouvernement, l’article 5 bis B est réservé.

Article 5 bis

M. le président. Je mets aux voix l'article 5 bis.

(L'article 5 bis est adopté.)

Rappel au règlement

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, j’aurais souhaité intervenir avant que vous ne mettiez aux voix l’article 5 bis. J’avais d’ailleurs demandé la parole à cet effet.

M. le président. Oui, mais le vote était déjà engagé.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mon propos porte en effet sur l’article 5 bis B, qui a soulevé beaucoup de passion. L’amendement n° 11 du président Ollier, voté par la commission, n’a toujours pas été retiré. Il est vrai que cela pourra être fait en séance, d’autant qu’une discussion entre le Gouvernement et la majorité s’est manifestement ouverte sur ce point, et c’est normal. Il n’y a là aucune critique de ma part. Je tiens simplement, pour la loyauté du débat, et compte tenu de la courtoisie dont chacun fait preuve, à ce que tous ceux qui vont voter soient tenus informés. Il faudra que, le moment venu et avec suffisamment d’avance, nous disposions du texte qui sera effectivement soumis à la discussion et au vote. Je précise que ce n’est pas par méfiance que je prends cette précaution.

M. le président. Acte vous est donné de cette déclaration.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Il s’agit de prévoir dans ce texte, et non pas dans la loi de finances, un dispositif renforcé d’accession sociale à la propriété. Or cela nécessite une expertise approfondie entre Bercy et mes services. Essayer d’introduire immédiatement de telles mesures relève même de l’exploit. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin d’un peu de temps. Mais il va de soi que, dès que nous serons parvenus au texte définitif, nous vous le communiquerons. Cela se fera avant que ne s’engage le débat.

Reprise de la discussion

Article 5 ter

M. le président. Sur l’article 5 ter, je suis saisi d’un amendement n° 239.

La parole est à M. Patrick Braouezec pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. Cet amendement vise à supprimer l'article 5 ter. Cet article tend, en effet, à étendre, encore un peu plus, le champ des logements locatifs sociaux destinés à être vendus et à affecter de manière prioritaire le produit de la vente de ces logements à la réalisation de nouveaux logements locatifs ou à des travaux de réhabilitation.

Avec un tel article, nous sommes confrontés à deux écueils essentiels. Tout d’abord, la loi a-t-elle vocation à préciser ainsi l'usage que toute collectivité territoriale pourrait faire des opérations de vente, au demeurant assez ponctuelles, qu'elle serait amenée à réaliser sur son patrimoine conventionné ? Nous sommes ici aux franges du domaine législatif.

Le second écueil est plus fondamental encore. Il s'agit en fait de faire de la vente de logements locatifs sociaux conventionnés un outil « normal » de constitution de fonds propres destinés à de nouvelles constructions ou à la mise en œuvre de programmes de rénovation ou de réhabilitation.

On nous demande donc de valider une démarche tendant à permettre à l'État de se dégager de ses obligations de financement de la construction et de la réhabilitation du logement social, en organisant, localement, par le biais de la vente de logements conventionnés, ce financement par les collectivités territoriales.

Comment ne pas voir là le prototype de la fausse bonne idée ? Vendre des logements pour en réhabiliter d'autres, cela signifie que le nombre global de logements locatifs sociaux disponibles va se réduire, avec tout ce que cela implique, et pas seulement pour les demandeurs de logement. Est-ce vraiment la priorité du moment, alors que la demande ne fléchit pas ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrick Ollier, président de la commission,. Fidèle à sa logique, la commission est défavorable à cet amendement. Monsieur Braouezec, cet article, introduit par le vote d’un amendement que j’avais proposé en première lecture, a deux objectifs. Le premier – peut-être allez-vous dire qu’il s’agit là d’une obsession – vise à permettre l’accession sociale à la propriété des occupants d’une HLM. Le second est de créer du produit financier, fort utile pour construire de nouveaux logements et atteindre ainsi le but que, nous et vous, poursuivons. Je le rappelle, le plan Borloo a permis la construction de 82 000 logements sociaux en 2005, contre 40 000 en 2000. Et si nous créons des produits financiers, nous accélérerons encore cette tendance. Votre amendement aura précisément l’effet inverse : je ne peux donc qu’y être opposé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Je suis plutôt favorable à la vente de HLM effectuée dans la transparence et en concertation avec les élus locaux. De très nombreux organismes procèdent à de telles ventes. Ils le font avec mesure, responsabilité et à la condition souvent que la vente annuelle soit inférieure au nombre de logements neufs construits dans l’année. Il en résulte que le patrimoine des organismes procédant ainsi continue à augmenter chaque année.

Cette tendance présente cependant plusieurs handicaps. Le premier est propre à l’Île-de-France où la pression sur la demande de logements dépasse tout ce qu’on peut imaginer comme vente. On comprend donc que les organismes de cette région aient quelques réticences – dans certains cas, ils refusent même – à pratiquer ces ventes alors que leurs permanences ne désemplissent pas et que ceux qui leur réclament un logement l’attendent depuis dix ans, et non pas trois à six mois comme dans nos provinces.


Dans une région comme l’Île-de-France, qui compte nombre de logements indignes, insalubres et même dangereux, lorsque s’y ajoutent des risques de ventes non maîtrisées, comment en vouloir aux dirigeants des organismes de refuser la vente ?

Il y a un deuxième handicap – et permettez-moi, monsieur le président Ollier, de ne pas être d’accord avec vous. Certes, la vente de logements donne des marges de manœuvre financières aux organismes et accroît leur capacité d’autofinancement, mais si elle leur permet d’améliorer le parc de logements – les primes PALULOS se réduisant comme peau de chagrin – cela ne doit pas être leur seul objectif. La vente de HLM ne relève pas d’une politique incantatoire, elle est simplement la marque d’une bonne gestion du parc au service des résidents.

Une remarque enfin à ce sujet : lorsque la mission interministérielle d’inspection du logement social – cet organisme, plus puissant que la Cour des comptes, qui vient nous faire la morale et nous enseigner la gestion – fait observer, au détour de divers rapports, que la vocation des collectivités n’est pas de vendre leur patrimoine, je me demande ce que l’on veut vraiment. Certes, ces conseils ne m’empêchent pas d’agir, mais lorsque je lis un certain nombre de critiques sur Internet, je me pose des questions. Que la mission se contente de veiller à l’application de la loi, de toute la loi, au lieu de tenir des propos déplacés et de se faire plaisir, quand elle n’agit pas sur ordre !

En matière de vente de logements sociaux, écoutons les réserves qui s’expriment ici ou là. Certains maîtrisent cette nouvelle ingénierie du logement social, mais il ne sert à rien de contraindre les collectivités et les organismes réticents.

La politique de vente de logements sociaux, dont les principes ont été fixés par la loi, a été initiée il y a longtemps par M. de Charrette et se traduit dans le code de la construction. Il s’agit aujourd’hui de clarifier les procédures, et la signature d’accords – qu’il s’agisse de conventions ou de chartes, peu importe – peut y suffire. Mais là où existe un important déséquilibre entre les demandes de logements locatifs et les constructions nouvelles, comme en Île-de-France – 1,3 million de demandeurs, dont 400 000 dans la seule région parisienne, pour seulement quelques dizaines de milliers de constructions – si la vente doit demeurer possible, le plus important est de produire des logements neufs pour les louer aux familles en attente.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Trois arguments plaident en faveur de cet amendement.

D’abord, l’accession sociale à la propriété est une excellente chose, personne ne le conteste. Ce qui nous gêne, c’est l’utilisation du patrimoine locatif actuel, y compris dans des territoires où le nombre des logements sociaux est insuffisant. Dans la pratique, je ne pense pas que les demandeurs d’un logement social inscrits depuis longtemps en liste d’attente se réjouiront de la vente d’une partie du patrimoine social d’un organisme HLM ou d’une collectivité territoriale. Le premier objectif doit être de résorber les listes d’attente.

Par ailleurs, l’expérience nous a montré que les occupants sont toujours très réservés lors des ventes. Les bailleurs, je vous le rappelle, ne vendent pas plus de 6 000 logements par an, ce qui est infinitésimal par rapport à leur parc. Rien n’empêchant les organismes de vendre, c’est bien la preuve de la faiblesse de la demande.

M. Philippe Pemezec. Non, la demande est plus forte !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Enfin, en ce qui concerne le patrimoine des collectivités territoriales, n’est-ce pas pour se donner bonne conscience que l’on a prévu que les sommes perçues par les collectivités lors de la vente de leur patrimoine seront affectées « au financement des programmes nouveaux de construction de logements locatifs » ? En réalité, mes chers collègues, ce dispositif peut-il contraindre les collectivités territoriales à utiliser leurs ressources de telle ou telle manière ? Nous sommes naturellement très attentifs, sous le contrôle éclairé du Sénat, au fait de ne pas priver les collectivités locales de la liberté de décision en ce qui concerne l’affectation de leurs ressources. À ma connaissance, ce principe a depuis quelques mois valeur constitutionnelle.

Un dispositif qui contraint les collectivités territoriales à une démarche en faveur du logement social – même si nous en comprenons la cohérence – est-il constitutionnel ? Si ce n’est pas le cas, je dénonce cet habillage. J’aimerais qu’on nous réponde sur ce point.

Votre projet de loi énonce que « le surplus des sommes perçues par la collectivité territoriale est affecté en priorité au financement de programmes nouveaux de construction de logements locatifs ». En ne contraignant pas les collectivités territoriales, vous contournez l’obstacle constitutionnel.

Cet article confirme votre volonté de favoriser la vente de logements sociaux, y compris provenant du patrimoine des collectivités locales, en la parant de certains avantages – le financement de nouvelles opérations de construction – alors qu’en réalité, rien de tout cela n’arrivera.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Vous dites que vous n’êtes pas hostiles à l’accession sociale à la propriété, mais en vous écoutant, on a vraiment le sentiment que c’est l’inverse.

Il s’agit de la vente éventuelle d’une partie du parc locatif social. Vous faites valoir l’importance de la demande de logements. Mais que je sache, l’occupant d’un logement locatif social ne le quitte pas parce qu’il en devient propriétaire. En tout état de cause, le logement continue donc bien de remplir sa fonction sociale !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pas du tout !

M. Michel Piron. Le locataire qui achète son logement ne prévoit pas forcément de le quitter. Je ne comprends donc pas très bien votre argument.

Encore une fois, il est évident que la vente d’une partie, même marginale, du parc locatif permettra de dégager des ressources supplémentaires pour augmenter l’offre de logements. Soupçonner a priori que les sommes pourraient être utilisées à d’autres fins relève du procès d’intention.

Enfin, je me garderai bien d’opposer les primes PALULOS, en ce qui concerne la maintenance et l’entretien des logements, à ces nouvelles ressources affectées à la construction. Il n’y a pas forcément d’opposition entre les deux. Privilégier la construction de nouveaux logements et l’augmentation de l’offre de logements sociaux à partir des ressources dégagées par la vente est une marque de bonne gestion et répond à l’attente de logements sociaux, pour les locataires comme pour les propriétaires.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 239.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 12.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Gérard Hamel, rapporteur. C’est un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 174 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Gérard Hamel, rapporteur. Cet amendement est rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 174 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 175.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Gérard Hamel, rapporteur. Cet amendement est également rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 175.

(L’amendement est adopté.)

Rappel au règlement

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Sur la base de quel article ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’article 58, alinéa 1.

M. le président. Quelle en est la matière ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La conduite de nos débats.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. S’il s’agit d’un interrogatoire, je demande la présence d’un avocat, monsieur le président ! (Sourires.)

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Au ton de vos questions, je pourrais me croire dans un tout autre lieu, mais je n’ai pas l’expérience des gardes à vue.

Nous votons à toute allure des amendements techniquement complexes. Le Gouvernement et la commission feraient bien de prêter attention à nos arguments. Ainsi ai-je soulevé le problème important, déjà évoqué au Sénat, de l’affectation par les collectivités territoriales des sommes perçues. On ne m’a pas répondu. Je demande donc une suspension de séance de cinq minutes pour réunir mon groupe afin de décider de notre position dans ce débat.

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, je ne mène nullement un train d’enfer. Je vous ai laissé très largement vous exprimer et M. Dumont a, à plusieurs reprises, dépassé son temps de parole. Mais lorsqu’il s’agit d’amendements purement rédactionnels, j’avoue accélérer le rythme.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Ce n’est pas ce qu’il nous reproche !

M. le président. Vous avez posé une question à laquelle j’observe que la commission et le Gouvernement ne souhaitent pas répondre. Je vais donc faire droit à votre demande de suspension de séance.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

[Reprise de la discussion]

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 265, déposé par le Gouvernement à l’article 5 ter. Il s’agit d’un amendement de coordination, auquel la commission est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 265.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5 ter, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 5 ter, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5 quater

M. le président. L’article 5 quater ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je mets aux voix l'article 5 quater.

(L'article 5 quater est adopté.)

Article 5 quinquies

M. le président. L’article 5 quinquies a été supprimé par le Sénat.

Après l’article 5 quinquies

M. le président. Nous en arrivons aux amendements portant articles additionnels après l’article 5 quinquies.

Le premier est l’amendement n° 111.

La parole est à M. Martial Saddier pour le soutenir.

M. Martial Saddier. L’amendement n° 111 est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Hamel, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, tout simplement parce que la mobilisation du dispositif du 1 % ne dépend pas de la loi, mais découle d’une négociation entre partenaires sociaux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Même avis, défavorable.

M. Martial Saddier. Je le retire.

M. le président. L’amendement n° 111 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 312.

La parole est à M. Luc Chatel, pour le soutenir.

M. Luc Chatel. J’avais déjà déposé cet amendement lors de la première lecture et M. le ministre s’était engagé, au cours du débat, à nous présenter des propositions en la matière. Je suis contraint de le déposer à nouveau aujourd’hui. Je vous en rappelle, rapidement, le principe et le contexte.

Nous savons tous, pour le constater dans nos permanences, que les titulaires de contrats de travail qui ne sont pas à durée indéterminée sont victimes d’une réelle discrimination. Ainsi, titulaires de CDD, intérimaires, contractuels de la fonction publique territoriale ou intermittents du spectacle viennent nous faire part de leurs difficultés à accéder au crédit pour acquérir leur logement, parce que le système bancaire privilégie la sécurité des opérations de prêt.

M. Martial Saddier. Il a raison !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nationalisons le crédit !

M. Luc Chatel. C’est un paradoxe quand on sait que le prix de l’immobilier a considérablement augmenté, d’environ 70 % entre 1998 et 2004. Le système bancaire a répondu au problème par l’allongement de la durée des crédits, de vingt à trente ans, ce qui oblige à commencer plus tôt l’acquisition de la résidence principale. Sachant que, en moyenne, un ménage met huit à dix ans pour trouver un contrat de travail stable, il importe que, dans les premières années de la vie active, ceux qui ont la possibilité de le faire puissent emprunter, même s’ils ne bénéficient que de contrats de travail à durée déterminée.

Voilà la raison pour laquelle je propose un mécanisme très simple, inspiré d’autres secteurs d’activités, qui consisterait en la création d’un fonds de garantie mutualisant le risque. Cela permettrait aux banques de prêter aux titulaires de contrats de travail qui ne sont pas à durée indéterminée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Hamel, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Effectivement, M. Chatel avait déjà déposé le même amendement en première lecture et nous avions pris l’engagement de mener une expertise, afin de répondre à un problème dont on ne peut contester la réalité. Le travail doit être réalisé par le ministère des finances, la Direction générale du trésor et le directeur général de l’ANIL, l’Agence nationale pour l’information sur le logement. Cette expertise avec le secteur bancaire et les opérateurs a été demandée à Claude Taffin, directeur des études économiques et financières, à l’Union sociale et à l’Association française des banques, par une lettre signée de Xavier Musca et Alain Lecomte, en date du 26 avril 2006. Nous n’avons pas encore le résultat de ce travail très technique.

Par ailleurs, des difficultés juridiques subsistent, que vous connaissez, monsieur Chatel, et qui tiennent à la position constante de la Cour de cassation sur la responsabilité bancaire en matière de crédit pour des personnes ne présentant pas une solvabilisation permanente. Se pose donc, outre ce problème juridique qui n’est pas encore réglé, celui du financement de la mutualisation.

Le travail que je vous avais promis n’a pu aboutir entre les deux lectures, je préfère vous le dire franchement et je puis vous communiquer, bien entendu, la note de saisine. Par conséquent, il ne nous paraît pas possible, pour l’instant, de soutenir votre amendement, monsieur Chatel, même s’il tend, je le répète, à remédier à une difficulté bien réelle.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le ministre, la proposition de M. Chatel ne fait que poser un principe, puisque son amendement renvoie à un mécanisme de garantie qui n’est pas décrit. Même si les services du ministère des finances ne sont pas allés au bout de leur réflexion, l’amendement pourrait donc être adopté car le principe est bon.

Cela dit, nous pensons, nous, que la meilleure garantie de solvabilisation de l’emprunteur reste le contrat de travail de longue durée.

M. Luc Chatel. C’est un autre débat, bien connu !

M. François Brottes. Certes, c’est un autre sujet, mais ils sont liés : plus l’emploi est précaire, plus on risque de se trouver dans ces situations difficiles, que nous avons tous l’occasion d’observer.

Cette proposition nous semble aller dans le bon sens. Il ne serait pas mauvais de l’adopter – ce qui est possible puisque le mécanisme n’est pas décrit – afin d’inciter plus encore, si nécessaire, ceux qui en sont chargés d’y réfléchir plus avant !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.


M. Jean-Yves Le Bouillonnec
.
La majorité entonne là un bel hymne à une relation de travail pérenne ! Cela étant, cet amendement pose un vrai problème : dès lors que la durée ne constitue pas un élément tangible du contrat de travail, le salarié en subit les conséquences : il lui est impossible d’accéder à toutes sortes de choses fort nécessaires.

M. Luc Chatel. Au contraire, nous prévoyons des garde-fous !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il ne suffit pas d’avoir un travail : encore faut-il qu’il soit sûr et stable. Le CDD a beau être protecteur, il ne l’est pas autant que le CDI. Nous saluons donc la précaution que vous prônez. Elle devrait d’abord conduire le législateur et l’acteur public à pérenniser les relations de travail et à mettre en place des mesures de protection en cas de rupture de contrat. La perte d’un travail provoque les mêmes difficultés, qu’il s’agisse d’un prêt pour acquisition ou d’une location. Notre débat le montre, la précarité n’est pas une hypothèse idéologique : c’est une réalité, et toute démarche en est affectée !

Nous saluons l’initiative de M. Chatel, laquelle, malgré les techniques de garantie que vous proposez, finira quand même par se heurter à la volonté incontournable du banquier, qui peut juger insuffisante – selon des critères qui lui sont propres – la stabilité de l’emploi du demandeur. Ce n’est qu’en détachant le crédit lié à l’accession sociale à la propriété du marché du crédit que l’on échappera au bon vouloir du banquier. La question posée par cet amendement est pertinente et c’est un bel hymne à la pérennité du contrat à durée indéterminée.

M. François Brottes. C’est un amendement anti-CPE !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Absolument !

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel.

M. Luc Chatel. Je partage en partie le constat de M. Le Bouillonnec, mais pas son analyse. Contrairement à lui, je pense que cet amendement est une bonne réponse et constitue un garde-fou face à un marché du travail qui s’adapte aux circonstances. J’ai d’ailleurs cité l’exemple des intermittents du spectacle ou celui des contrats de travail à durée déterminée de certains fonctionnaires, notamment dans les collectivités territoriales, afin de montrer que cet amendement allait bien au-delà des contrats de travail de droit privé. Il apporte une réponse pragmatique à un problème répandu et sa rédaction laisse toute souplesse dans son application, puisqu’il prévoit notamment une concertation avec les représentants des établissements de crédit. Voilà pourquoi je maintiens cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 312.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Nous en arrivons à l’amendement n° 252.

La parole est à M. Jean-Pierre Abelin, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Abelin. Cet amendement vise à créer un fichier positif recensant les crédits accordés à des particuliers pour des besoins non professionnels. Ce répertoire serait géré par la seule Banque de France.

Nous avons déjà eu ce débat à plusieurs reprises, lors de l’examen du projet de loi de cohésion sociale, et plus récemment dans le cadre de la niche parlementaire proposée par le groupe UDF. Il faut relancer ce débat, car le nombre de dossiers déposés à la Banque de France a connu une augmentation de 9,2 % sur les trois premiers mois de l’année. En outre, le rapport Babot propose également la création d’un fichier positif. Enfin, un certain nombre d’organismes financiers, tels que Cofinoga, Auchan ou Accor, sont favorables à la création d’un tel fichier. Il s’agit autant d’un outil de prévention que d’information des banquiers.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Hamel, rapporteur. Défavorable.

Cet amendement est sans lien direct avec notre débat sur le logement. En outre, bien que l’idée d’un fichier soit intéressante, elle se heurte à la réticence de la CNIL et à une incompatibilité avec le droit communautaire. Enfin, la création de tels fichiers est trop complexe et coûteuse.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 252.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 5 sexies

M. le président. Sur l’article 5 sexies, les amendements nos 177, 178, 179, 180, 182, 183, 184, 159, 156, 157, 158, 160 et 166 sont rédactionnels ou de coordination.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Les amendements nos 177, 178, 179, 180, 182, 183, 184, 159, 156, 157, 158, 160 et 166, successivement mis aux voix, sont adoptés).

M. le président. Je mets aux voix l'article 5 sexies, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 5 sexies, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 5 sexies

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 204, portant article additionnel après l’article 5 sexies.

La parole est à M. François Scellier, pour le soutenir.

M. François Scellier. J’ai déjà plusieurs fois défendu ce dispositif devant l’Assemblée, et je persévère.

Le pourcentage de Français propriétaires de leur logement est l’un des plus faibles d’Europe. Il importe donc de faciliter l’accession à la propriété.

Par ailleurs, lorsque nous avons voté la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, il est apparu que la situation économique de nos concitoyens diffère considérablement selon qu’ils sont propriétaires ou non de leur logement lorsqu’ils arrivent à l’âge de la retraite.

Nous avions instauré, dans le cadre de cette loi, le plan d’épargne retraite populaire, qui présentait l’avantage d’être défiscalisé lors de sa constitution, ce qui permet une sortie en rente. Mais il est mal vendu et les Français n’apprécient que modérément les sorties en rente. Il faut donc en étendre le champ en permettant à ceux qui ont constitué un PERP de mobiliser un capital lors du départ en retraite pour une première accession à la propriété. Ce serait rendre service aux nouveaux retraités tout en améliorant un dispositif qui me semble intéressant.

Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Hamel, rapporteur. La commission était favorable à cet amendement en première lecture et elle confirme cet avis.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Avis défavorable, comme en première lecture.

Cet amendement concerne le PERP, mais il pourrait aussi bien s’appliquer à la Préfon ou au dispositif Madelin. Le PERP prévoit une sortie en rente au terme du délai prévu. La modification de l’équilibre de ce dispositif, même pour une première accession à la propriété, n’est pas une bonne idée et n’a pas sa place dans ce texte. C’est pourquoi le Gouvernement ne souhaite pas le maintien de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. François Scellier.

M. François Scellier. Je le maintiens, mais je m’attends à ce qu’il soit repoussé, sauf si les collègues signataires de la proposition de loi que j’avais déposée en ce sens renouvellent ici leur soutien.

M. le président. Si l’amendement est adopté, le Gouvernement lève-t-il le gage ? (Assentiment.)

Je mets aux voix l'amendement n° 204, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Articles 5 septies et 5 octies

M. le président. Le Sénat a supprimé les articles 5 septies et 5 octies.

Après l’article 5 nonies

M. le président. Après l’article 5 nonies, je suis saisi d'un amendement n° 114.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je ne doute pas que cette proposition soit retenue, puisqu’elle vise à régler un problème rencontré par les personnes susceptibles de se porter acquéreurs. Comme vous le voyez, nous participons à la démarche du président Ollier.

Cet amendement vise à ce que toute offre préalable et tout contrat de crédit immobilier comportent une clause offrant à l’emprunteur la possibilité, sans pénalité et sans devoir souscrire une assurance – ce qui est extrêmement coûteux – de reporter le paiement des mensualités dues ou d’en moduler le montant lors de la survenance d’événements graves affectant, en dehors de sa volonté, ses ressources. Il est également prévu qu’un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application de cet article.

Grâce à cette nouvelle protection que nous proposons d’introduire dans le code de la consommation, on facilitera la souscription d’un crédit immobilier en évitant que les accidents de la vie et les situations exceptionnelles n’interrompent le processus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Hamel, rapporteur. Même si, monsieur Le Bouillonnec, votre intention est louable, je pense qu’elle comporte nombre d’effets pervers. Quelle banque consentirait à s’engager dans de telles conditions dès lors qu’elles seraient obligatoires ? Pour cette raison, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Défavorable, pour les mêmes raisons que celles exprimées par la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est précisément parce qu’il ne faut pas attendre des banques qu’elles consentent ce type de prêt sans aucune contrepartie que nous proposons de rendre cette mesure impérative dans la loi.

M. Gérard Hamel, rapporteur. Mais elles ne s’engageront plus du tout !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Croyez-vous que les banques cesseront du jour au lendemain de prêter, simplement parce qu’elles risquent de gagner moins d’argent en cas de défaillance du débiteur, du fait du report de certaines mensualités ? Bien sûr que non ! La concurrence, passé le trouble né de cette évolution, se remettra en branle et il n’y aura aucune difficulté !

En revanche, il ne faut pas laisser cette possibilité à la libre appréciation du banquier, sans quoi ce dernier la proposerait aussitôt contre rémunération, soit en augmentant le coût de l’assurance, soit sous la forme de fortes pénalités. C’est pour cela qu’il faut l’introduire dans la loi.

L’argument invoqué par M. le rapporteur pour écarter notre amendement ne fait au contraire qu’en souligner la pertinence : c’est en l’imposant à tous les contrats que l’on donnera au dispositif tout son intérêt.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 114.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour défendre l’amendement n° 196.

Il semble s’agir d’un amendement de repli.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Non, même si nous restons dans l’idée de favoriser l’accession sociale à la propriété. Nous avons, nous aussi, des propositions à faire en ce domaine.

M. Michel Piron. C’est nouveau !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est pourtant bien l’objet de nos derniers amendements. Nous allons même, avec celui-ci, jusqu’à aider les investisseurs. Nous proposons en effet que ces derniers bénéficient, lors de toute offre ou de tout contrat de crédit immobilier, souscrit à des fins de réalisation d’un investissement locatif, d’un descriptif des dispositifs existants permettant de conventionner le logement et de sécuriser le paiement du loyer.

M. François Brottes. Ce n’est pas du tout un amendement de repli !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les investisseurs doivent savoir s’ils peuvent bénéficier d’une garantie des loyers ou si leurs locataires auront accès à certaines aides. Nombre d’entre eux ignorent en effet l’existence des dispositifs visant à favoriser le logement locatif privé, tel que celui prévu à l’article 6 à propos de l’ANAH. Mieux informé, l’investisseur pourrait prendre conscience des grands avantages liés au locatif aidé et conventionné.

Vous connaissez le credo du petit propriétaire : « Dieu soit loué… et mes appartements aussi » ! L’amendement vise à lui faciliter la tâche. (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Hamel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, jugeant le dispositif bien trop contraignant.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 196.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement n° 219.

M. Philippe Folliot. Dans les années soixante, et jusqu’en 1971, près de 200 000 familles aux revenus modestes ont accédé à la propriété grâce à la formule de location-attribution – à distinguer de la location-accession –, système dont il convient de souligner les vertus.

Nous sommes, je pense, tous convaincus que la solution au problème du logement, plus particulièrement l’accession sociale à la propriété, ne doit pas passer par un seul mécanisme, mais qu’il faut offrir une multitude de possibilités différentes. Or la location-attribution est une formule qui a fait ses preuves. Elle mérite, pour diverses raisons, d’être à nouveau d’actualité.

Tout d’abord, cette formule permet la responsabilisation des locataires amenés à devenir, au bout d’un délai de vingt à trente ans, et dans des conditions à déterminer par décret, propriétaires de leur logement. Tous les bailleurs de logements sociaux peuvent connaître des difficultés avec certains locataires, mais une personne qui sait qu’elle finira par devenir propriétaire adoptera un comportement plus responsable ; elle sera plus sensible à l’entretien de son logement et plus respectueuse de son environnement.

Ensuite, cette formule est avantageuse en termes de sécurisation. S’agissant de familles aux revenus très modestes, le moindre incident de parcours peut entraîner de grandes difficultés, un surendettement, voire, finalement, la vente du logement. Les procédures de sécurisation de l’accession à la propriété n’ont jamais réellement fonctionné. Or dans le cadre de la location-attribution, le bailleur reste propriétaire du logement jusqu’au terme de l’opération. On pourrait d’ailleurs imaginer, monsieur le ministre, que les décrets d’application prévoient diverses possibilités de sortir du dispositif.

En effet, les Français sont aujourd’hui plus mobiles que dans les années soixante, que ce soit pour des raisons professionnelles ou familiales, et cette évolution pourrait constituer un obstacle à la mise en place de la location-attribution. C’est pourquoi le locataire qui quitterait son logement avant l’échéance pourrait profiter d’une forme de soulte dans la mesure où, en plus de payer l’usage du logement en tant que locataire, il aura également épargné dans l’objectif de devenir propriétaire. Cette soulte pourrait constituer un apport personnel en vue de l’achat de sa nouvelle résidence.

Cet amendement n’est pas motivé par la nostalgie, mais par le réalisme. En tant que directeur d’une coopérative d’HLM, j’ai été amené, pendant quelques années, à gérer à la fois un parc locatif classique et un parc en location-attribution. J’ai donc pu constater tout l’intérêt de cette dernière formule : les locataires ayant la perspective de devenir propriétaires se sentaient assurément plus concernés.

Ainsi, certains habitants du 6, rue de Bretagne, dans le quartier de Bisséous à Castres, sont locataires des mêmes appartements depuis leur construction en 1962. N’ont-ils pas une sorte de droit moral à devenir propriétaires de leur logement ? À cet égard, la location-attribution constitue une formule intéressante. Je ne doute donc pas que l’Assemblée aura la sagesse d’adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Hamel, rapporteur. La commission a confirmé en deuxième lecture l’avis défavorable donné en première lecture. Cela étant, à titre personnel, je trouve ce dispositif plutôt intéressant, et suis donc enclin à m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Même analyse.

De fait, le système de location-attribution n’a pas connu, à l’époque, un succès considérable. Peut-être les circonstances ont-elles changé depuis. Un autre dispositif existe actuellement, celui de la location-accession, dont le développement rencontre également des difficultés.

Pourquoi ne pas essayer à nouveau ? Si votre assemblée votait cet amendement, nous travaillerions avec la famille HLM et, éventuellement, avec vous, monsieur le député, afin de déterminer quelles ont été les raisons de l’échec du système de location-attribution et de tenter de l’améliorer. Sagesse également.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Je suis un peu gêné, puisque je viens de me rappeler, en écoutant notre collègue, que j’avais fait partie de la dernière génération des locataires-attributaires. Ce fut un excellent système d’accession sociale, voire très sociale, à la propriété, dans des conditions qui viennent d’être excellemment rappelées. Le dernier immeuble construit sous ce régime, à Paris, en bord de Seine, existe toujours. C’est une belle copropriété, et ceux qui y résident en sont satisfaits.

C’est en fait un mauvais procès politique, à partir d’un faux scandale, qui a conduit à mettre fin, par la loi, à la location-attribution. Avec la fin de ce système, pourtant efficace, une belle page de l’accession sociale à la propriété a été tournée.

Ainsi que Philippe Folliot l’a rappelé, c’est presque avec nostalgie que l’on pourrait évoquer ce système. Ceux qui ne l’ont pas connu doivent considérer leurs promoteurs comme issus d’un autre temps. Néanmoins il n’est pas inutile de se souvenir de ce qui a bien fonctionné dans le passé. Grâce aux aides qui étaient attribuées, et dont les employeurs, l’administration, le 1 % logement pouvaient être la source, on accédait à un parcours résidentiel de qualité.

Peut-on aujourd’hui relancer ce type d’accession ?

Je retiens aussi de la démonstration de Philippe Folliot que l’accession à la propriété ne doit pas se limiter à une méthode ; il faut un éventail de propositions adaptées aux moyens dont dispose l’accédant et à ses besoins. Songeons à la grande période de la maison individuelle ouvrière et des cités-jardins, dont la vente est aujourd’hui organisée dans des conditions sur lesquelles il y aurait beaucoup à dire.

Même si toutes les familles pouvaient y avoir recours, cette formule valait surtout dans le monde de la coopération au sein duquel il y avait une solidarité et la mutualisation des risques. Mais on a mis à mal cette capacité à offrir un parcours résidentiel allant vers l’accession.

Les choses ont évolué : nous avons eu les PAP et il existe aujourd’hui de nouvelles méthodes. Nous avons déjà longuement discuté de ce sujet et nous avons même négocié avec les fonctionnaires du ministère et avec les ministres successifs pour faire en sorte que la location-accession contribue à dynamiser ce secteur social si particulier.

J’ai bien entendu le rapporteur et le ministre s’en remettre à la sagesse de l’Assemblée et il est vrai que l’on nous propose surtout une pétition de principe, mais, à titre personnel, j’y suis favorable.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Cette formule, qui a fait ses preuves par le passé, peut aussi donner un sentiment de forte injustice aux locataires de logements sociaux auxquels cette proposition ne serait pas faite. On peut même imaginer que, ici ou là, des initiatives pourraient être prises sans consultation des élus, alors que, vous le savez, ils participent, au niveau des collectivités, à l’élaboration et à la réalisation de programmes de logements sociaux.

Une rédaction de cet amendement qui préciserait que l’accession sociale peut se faire par le biais de promesses d’attribution – cela étant défini par décret – donnerait un signal un peu différent, au lieu d’indiquer d’emblée que les organismes d’habitations à loyer modéré peuvent prendre cette initiative.

La proposition est intéressante. Elle doit être l’une des formules parmi d’autres d’accession à la propriété mais, de préférence, autour de programmes spécifiques, avec l’accord des maires. En revanche affirmer seulement que tout organisme d’HLM peut prendre cette initiative risquerait de mettre en péril le logement locatif. Je le dis comme je le pense.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Je veux rassurer notre collègue François Brottes : il s’agirait de programmes spécifiques et non d’une mesure de portée générale. Cela concernerait de nouvelles opérations qui démarreraient en fonction de cet amendement, s’il était adopté.

Par ailleurs, monsieur Dumont, il s’agit non pas de nostalgie, mais de modernité : ce sera une location avec option d’achat. Cette formule est couramment utilisée par les ménages, par exemple pour acheter des voitures ou certains biens immobiliers. En l’occurrence nous offririons à des familles à revenus modestes l’opportunité d’utiliser cette location avec option d’achat pour acquérir leur logement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 219.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Jeudi 1er juin, à neuf heures trente, première séance publique :

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au droit de préemption et à la protection des locataires en cas de vente d’un immeuble :

Rapport, n° 3020, de M. Christian Decocq ;

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 3072, portant engagement national pour le logement :

Rapport, n° 3089, de M. Gérard Hamel, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.)