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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 15 juin 2006

245e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

droit d’auteur dans la société de l’information

Communication relative à la désignation d’une commission mixte paritaire

M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante

Gestion des matières
et des déchets radioactifs

Discussion, en deuxième lecture,
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs (nos 3121, 3154).

M. Georges Mothron. Ne parlez pas trop longtemps, monsieur le président : le CSA nous regarde ! (Rires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, mesdames, messieurs les députés, je suis très heureux de vous présenter, en deuxième lecture, au nom du Gouvernement, le projet de loi de programme relatif à la gestion durable des matières et déchets radioactifs adopté en première lecture par votre assemblée le 12 avril et par le Sénat le 31 mai dernier.

Je me propose de revenir sur les améliorations dont le projet de loi a bénéficié grâce à ces deux lectures. Je me réjouis tout d’abord de la qualité du dialogue que nous avons établi d’une extrémité à l’autre de l’hémicycle, en évitant tout esprit partisan.

En effet, comme l’a précisé le président Ollier, le 12 avril dernier, nous parlons d’un temps qui ne nous appartient pas, mais qui nous impose de dépasser nos clivages politiques. Si nous y sommes parvenus, c’est en grande partie grâce aux deux rapporteurs et je voudrais tout particulièrement saluer, ici, le travail exceptionnel réalisé par Claude Birraux. (Applaudissements sur tous les bancs.)

En premier lieu, le texte fixe un schéma de référence pour la gestion des déchets dans lequel les trois axes définis par la loi de 1991 apparaissent plus que jamais complémentaires. Cette complémentarité est inscrite aussi bien dans le programme de recherche défini à l’article 1er que dans le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs de l’article 4. Des objectifs précis de mise en exploitation ont été fixés à l’article 1er pour tous les axes : 2020 pour l’axe 1, 2025 pour l’axe 2 et 2015 pour l’axe 3. Des fonctions précises leur ont été assignées à l’article 4 : l’axe 1 peut aller aussi loin qu’il est raisonnablement possible dans la réduction de la quantité et de la nocivité des déchets ; l’axe 3 pour entreposer en surface dans des matrices robustes et stables les déchets en attente d’un stockage et l’axe 2, enfin, pour le stockage géologique réversible des déchets qui ne peuvent être définitivement stockés en surface.

En deuxième lieu, le texte renforce les exigences de transparence et de démocratie qui s’imposeront au secteur des déchets radioactifs. En particulier, la procédure d’autorisation d’un stockage géologique a été complétée à l’article 8 avec la fixation de deux rendez-vous parlementaires : le premier à l’horizon 2015, pour fixer les conditions de réversibilité d’un stockage géologique avant toute autorisation par décret ; le second pour autoriser un jour la fermeture éventuelle de ce stockage.

Le rendez-vous parlementaire de 2015 aura été précédé d’une consultation des collectivités territoriales concernées, dans un périmètre que vous avez élargi, et d’un débat public qui devra aborder l’ensemble des aspects qui intéressent les populations locales : la réversibilité naturellement, mais aussi la sûreté ou encore les transports.

Mais ce n’est pas tout : l’indépendance de la Commission nationale d’évaluation a été renforcée à l’article 6 avec notamment des clauses de déontologie. La transparence sur le traitement et l’entreposage des déchets étrangers a été renforcée aux articles 5 et 10. La composition du comité local d’information et de suivi a été élargie à l’article 12 et sa présidence confiée à un élu national ou local.

En troisième lieu, les amendements ont permis d’améliorer le dispositif d’accompagnement économique. À l’article 9, les groupements d’intérêt public ont vu leur mission élargie à la formation et à la valorisation des connaissances scientifiques et techniques qui doivent faire la fierté des départements concernés. Dans le même temps, les taux planchers et plafonds qui détermineront les fonds disponibles pour les actions d’accompagnement économique ont été augmentés à l’article 15.

Ces fonds bénéficieront à l’ensemble des départements concernés et, en particulier, aux communes situées à moins de dix kilomètres de l’installation, qui bénéficieront de versements directs pouvant atteindre 20 % des ressources collectées, mais également à une zone de proximité plus large, dont le périmètre sera défini par décret après avis des conseils généraux, pour tenir compte des réalités économiques et sociales locales.

Je prends l’engagement que des concertations locales auront lieu pour trouver un juste équilibre entre les différentes zones : celle des dix kilomètres où on trouve les communes qui accueillent le laboratoire lui-même et qui hébergeront certainement une partie de ses salariés, et j’ai bien entendu le message des parlementaires locaux, celle des bassins d’emplois proches qui doivent être vivants et soutenus – je pense notamment aux bassins de Saint-Dizier, Bar-le-Duc, Commercy, Joinville ou Ligny – , enfin, les départements eux-mêmes, sans qui le laboratoire n’aurait jamais pu s’implanter et qui auront un rôle non moins important à jouer pour le centre de stockage.

Mais, plus encore que les fonds collectés par la taxe, c’est l’engagement des grandes entreprises du secteur – EDF, AREVA et CEA –, à développer elles-mêmes de l’activité sur ces territoires, qui me paraît essentiel. Depuis 2005, elles ont commencé à le faire. Les choses bougent. Et les ministres de l’énergie qui me succéderont devront veiller à ce que cela continue dans la durée !

En dernier lieu, le financement du démantèlement et de la gestion des déchets radioactifs a été encore sécurisé. À l’article 10, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs s’est vu confier la mission de proposer une évaluation des coûts afférents à la gestion des déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue, arrêtée par le ministre chargé de l’énergie. À l’article 11 ter, le financement de la recherche sur l’axe 1 a été précisé et à l’article 11 bis un fonds a été institué pour recueillir les sommes nécessaires à la construction et à l’exploitation des installations de gestion. Ce fonds pourrait recevoir aussi les actifs des exploitants défaillants. À l’article 14, une Commission nationale d’évaluation financière placée sous l’égide du Parlement a été créée sur proposition de votre rapporteur pour s’assurer de la pertinence et du sérieux des contrôles mis en œuvre par l’autorité administrative.

Le dispositif auquel nous avons abouti avec ces différents amendements permet de sécuriser les fonds nécessaires tout en évitant de transférer la responsabilité des déchets et donc les risques financiers à l’État. Des discussions qui ont eu lieu au Sénat, il ressort d’ailleurs que les dangers du transfert de responsabilité ont été identifiés par tous les groupes, ce dont je ne peux que me réjouir.

En conclusion, grâce aux amendements qui ont été proposés et adoptés dans cette Assemblée et au Sénat, nous avons construit un équilibre très satisfaisant, sur tous les aspects. Les articles 1er et 4 définissent le schéma de référence français pour la gestion des déchets radioactifs et fixent les objectifs calendaires pour le mettre en œuvre selon des procédures on ne peut plus transparentes et démocratiques, assurées par les articles 6, 7, 8 et 12. Les articles 3 et 5 consacrent l’importance de la réversibilité du stockage géologique, et le principe du retour des déchets issus après traitement des combustibles usés étrangers, deux exigences morales auxquelles nos concitoyens sont très attachés. Les articles 9 et 15 marquent la reconnaissance de la nation à l’égard des territoires qui ont accepté de s’engager sur cet enjeu national en pérennisant, élargissant et améliorant les mesures d’accompagnement économique du laboratoire et plus tard du stockage. Enfin, les articles 10, 11 et 14 permettent de laisser la charge du financement aux producteurs de déchets tout en confirmant le rôle essentiel que l’établissement public ANDRA, donc l’État, doit jouer sur le très long terme pour la gestion de ces déchets.

Nos concitoyens nous regardent, et je pense en particulier à nos concitoyens de Meuse et de Haute-Marne. Nos partenaires étrangers nous observent. Les générations futures jugeront aussi les responsabilités que nous prendrons. Tous attendent que nous fassions les bons choix pour assurer la mise en sécurité définitive des déchets que nous avons produits depuis quarante ans.

Les choix qui vous sont proposés ne sont ni de gauche ni de droite. Tous les partis politiques ici représentés ont contribué, par leurs amendements, à les bâtir. Toutes les majorités auront à les mettre en œuvre. Ces choix vous appartiennent, mesdames et messieurs les députés. Pour ma part, je souhaite naturellement que ce texte soit voté par une majorité aussi large que possible, comme ce fut le cas, en son temps, de la loi Bataille. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je rassure M. Mothron : mes interventions ne seront pas transmises au CSA (Sourires.)

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Jean-Claude Abrioux. Très bon rapporteur !

M. Claude Birraux, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. M. le ministre venant d’exposer au fond le contenu du texte, mon rôle s’en trouvera grandement facilité.

Si le projet initial avait été très sensiblement modifié par notre assemblée, les évolutions votées par le Sénat sont plus modestes et ne modifient ni l’esprit ni l’architecture générale du texte adopté en première lecture.

Le Sénat a, tout d’abord, adopté dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale huit articles : les articles 1er, 1er bis, 4 bis, 7, 11, 13, 17 et 19.

Les modifications les plus substantielles opérées par le Sénat concernent la procédure d’autorisation du futur centre de stockage. Le texte qui nous est transmis propose ainsi de réorganiser cette procédure pour réunir en un seul article les dispositions relatives à la procédure elle-même et celles relatives au projet de loi préalable sur la réversibilité et pour modifier l’ordre des étapes de la procédure. L’avis des collectivités territoriales et celui de l’autorité de sûreté deviennent préalables à ce projet de loi, ce qui améliorera l’information des citoyens et du Parlement, lorsqu’il aura à les examiner. Le projet de loi précise également que la demande d’autorisation de création doit concerner une couche géologique ayant fait l’objet d’études au moyen d’un laboratoire souterrain ; si je voulais employer un vocabulaire parlementaire, je dirais qu’il ne peut pas y avoir de « cavalier » qui viendrait se greffer dans un autre lieu. Enfin, et surtout, il conditionne la fermeture du stockage à une autorisation donnée par la loi.

Ces modifications s’inscrivent donc tout à fait dans l’esprit du travail de l’Assemblée nationale, puisqu’elles confortent le rôle central du Parlement dans les différentes décisions relatives au centre. Une loi précisant les conditions de la réversibilité devra intervenir préalablement à l’autorisation, la demande sera évaluée par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques qui en rendra compte aux commissions permanentes compétentes et toute fermeture définitive devra être autorisée par la loi.

Outre les dispositions relatives à cette procédure et des modifications formelles, les principales évolutions proposées par le Sénat ont pour objet de préciser la définition du stockage, de mieux encadrer l’introduction de substances radioactives étrangères à des fins de traitement en France, de prévoir que le Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, créé par la loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, organisera périodiquement des concertations et des débats concernant la gestion durable des matières et des déchets nucléaires radioactifs. C’est le nouvel article 6 bis. Cela rejoint les préoccupations que l’ANCLI a exprimées dans son Livre blanc, qui paraîtra la semaine prochaine, et dont les principales orientations m’ont été précisées par son président, M. Delalonde.


D’autres dispositions adoptées par le Sénat ont pour objet :

D’accroître la souplesse de gestion des moyens consacrés au développement économique local en permettant, pendant une durée limitée et dans la limite de 80 %, une fongibilité entre les ressources affectées au développement économique proprement dit et celles affectées à des actions locales de formation, de diffusion et de valorisation des connaissances ;

D’étendre les missions de l’ANDRA à la gestion des sites pollués par des substances radioactives ;

D’élargir la possibilité pour l’administration d’exiger l’abondement d’un fonds externalisé pour financer le démantèlement des installations nucléaires et non plus seulement la gestion des combustibles usés et des déchets ;

De compléter la composition du comité local d’information et de surveillance, le CLIS, d’assurer l’articulation de son action avec celle du Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire et de modifier la présidence – un élu choisi par les présidents de conseils généraux au lieu de ces présidents eux-mêmes, ce qui répond à la préoccupation exprimée par M. Dosé en première lecture – et le financement de la CLIS : cofinancement État-producteurs de déchets au lieu de cofinancement État-collectivités locales ;

De supprimer l’exercice par la Cour des comptes du secrétariat de la commission d’évaluation financière – la Cour des comptes ne souhaitant pas faire partie de cette commission, on ne va pas la contraindre par la loi, nous respectons la liberté de son président ;

De modifier le système des taxes affectées, notamment pour prévoir le passage par les groupements d’intérêt publics départementaux des sommes obligatoirement affectées directement aux communes les plus proches du site – c’est l’article 15.

Avant de conclure, je voudrais rendre hommage à mon ami et complice de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, le président Henri Revol, et à mon complice de toujours, Christian Bataille.

Nous assurons, avec Henri Revol, depuis 2002, la présidence et la première vice-présidence de l’office. Le président Revol est parfaitement au fait du travail considérable réalisé par l’office en amont de la loi depuis le premier rapport de Christian Bataille en 1990. Ce travail a pesé lourd dans le texte du Gouvernement et dans les amendements adoptés par l’Assemblée nationale. Les modifications apportées par le Sénat s’inscrivent dans l’esprit qui a conduit les travaux de notre assemblée. Le président Revol s’est lui aussi inscrit dans cet esprit. Je le remercie, et je vous propose, dans ces conditions, d’adopter le projet de loi dans les mêmes termes que le Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Question préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. François Dosé, pour une durée ne pouvant excéder trente minutes.

M. François Dosé. À la demande des députés de la commission des affaires économiques, toutes tendances confondues, relayés efficacement par le président Ollier, vous avez accepté, monsieur le ministre, de lever l’urgence sur ce texte. Mettre en perspective une politique concernant des centaines de milliers d’années valait bien le sacrifice d’une navette parlementaire.

Que ce geste ministériel respectueux de la représentation nationale ne soit pas entaché d’un doute : « Je te donne d’une main ce que je reprends de l’autre. » En langage plus châtié : « Je suspends l’urgence mais je vous invite fortement à voter conforme. »

Prenez garde. L’acceptabilité des élus de la nation, habitués aux subtilités de la gestuelle parlementaire, ne témoigne pas exactement de l’acceptabilité sociétale sur une problématique aussi délicate, et ce qui peut présentement faciliter un calendrier législatif tourmenté, soumis aux aléas de prochaines élections ou apaiser quelques vacances pourrait se révéler être une douloureuse contre-performance dans l’opinion publique, notamment pour les personnes qui sont fortement concernées.

Je note d’ailleurs qu’un sénateur impliqué dans ce débat par d’anciennes responsabilités ministérielles et par de présentes obligations territoriales en appelait, au Palais du Luxembourg, devant vous, à une seconde lecture pour gommer, ici, des imprécisions, là des incompréhensions.

D’un strict point de vue méthodologique, c’est le seul grief que j’émets. En effet, si, oubliant mes convictions d’une part, et mon territoire d’autre part, ce que je ne sais pas taire, je devais commenter les travaux parlementaires concernant ce texte et votre positionnement lors de nos débats, il serait injuste, d’une part, de nier la qualité de votre écoute et la volonté des uns et des autres d’entendre les suggestions et les commentaires et, d’autre part, de ne pas donner acte de la prise en compte, pas suffisamment de mon point de vue, mais souvent tout de même, des amendements modifiant le texte originel, trop marqué du sceau des institutions et des entreprises liées à la filière électronucléaire.

À l’évidence, s’impose à moi, s’impose à nous, et sans regret, l’efficacité du travail parlementaire réalisé. Merci aux uns et aux autres.

Cette introduction, non point flatteuse mais respectueuse, ne m’invite tout de même pas à esquiver quelques commentaires moins consensuels.

Je souhaite, monsieur le ministre, mes chers collègues, attirer une nouvelle fois votre attention sur cinq aspects fondamentaux inclus dans ce texte ou en découlant : la réversibilité, la nature des déchets, les crédits dédiés, la représentation démocratique et la participation démocratique, le partenariat territorial et le développement économique.

Premier aspect, la réversibilité.

Le vote solennel du Congrès adossa à notre Constitution une charte de l’environnement déclinant le principe de précaution, ni boîte noire de l’obscurantisme, comme le prédisait M. Curien, ni credo des nihilistes. Ce principe invite au contraire à agir, mais en sécurisant les territoires et les générations futures.

Dans le projet de loi initial, certains vous avaient inspiré, monsieur le ministre, une définition étrange. La réversibilité permettait d’enfermer les déchets dans un centre souterrain « sans intention de les retirer ». D’interventions en amendements, la rédaction se modifia. Elle est devenue moins pire, comme disent nos enfants, mais encore insuffisante.

Prenons deux exemples qui, de mon point de vue, ne faciliteront pas l’acceptabilité sociétale.

En première lecture, les députés écartent les mots malheureux déjà cités « sans intention de les retirer » et exigent « une installation spécialement aménagée pour pouvoir les conserver dans le respect des intérêts mentionnés ». Belle avancée si les mots ont un sens !

Pourquoi cet alinéa fut-il modifié au Sénat ? Il nous remet presque à la case départ. Le centre sera une installation spécialement aménagée pour les conserver « de façon potentiellement définitive ».

Serait-ce la nouvelle définition de l’Académie française ? « Réversible : adjectif signifiant potentiellement définitif. » Je vous invite à proposer cette analyse sémantique lors des prochaines sessions au baccalauréat. Même en philosophie, je crains pour les 80 % de réussite !

Deuxième exemple, pourquoi avoir repoussé l’amendement sénatorial proposant de prendre toutes dispositions pour ne point solliciter la fermeture définitive d’un centre avant trois siècles, sachant que nous maîtrisons cette échéance-là ? Un siècle, c’est la durée estimée pour approvisionner le centre. Ce laps de temps s’imposait donc comme une nécessité économique, mais, techniquement, politiquement, nous pouvions imposer trois siècles. Avec la réduction à un siècle, ce sont les institutions de la filière qui imposent leur diktat aux élus de la nation. Nous devions l’éviter. Quel gâchis pour la parole politique.

Deuxième aspect, la nature des déchets.

À maintes reprises, notre collègue Christian Bataille nous a sensibilisés sur ces problématiques et a développé le point de vue des socialistes. Par la nature des matériaux concernés, par l’importance des crédits en cause, par les échelles de temps atypiques, pour le nécessaire contrôle par les citoyens de la pertinence et de la validité des choix, nous n’acceptons pas que les déchets ou les crédits soient en quelque sorte privatisés.

Concernant le financement consigné dans une institution publique pour la saine gestion des déchets radioactifs, oui ou non, les redevances versées depuis des années par les usagers seront-elles disponibles lors de leur inéluctable mobilisation ? Oui ou non, souhaitons-nous sécuriser les versements d’aujourd’hui et de demain en les protégeant des aléas spéculatifs qui affectent et affecteront les entreprises concernées devenues à géométrie variable ?

Troisième aspect, les crédits dédiés. Je laisse à Christian Bataille le soin de développer l’argumentaire.

Quatrième aspect, la représentation démocratique et la participation démocratique.

Je constate avec satisfaction que les deux assemblées ont remis le Parlement au cœur de la décision politique. Il était inconcevable que l’autorisation soit confiée au seul gouvernement, dont les interlocuteurs privilégiés étaient des experts et la future autorité de sécurité nucléaire.

Oui, concernant la gouvernance politique, le texte que nous examinons cet après-midi est amélioré, premièrement par la nécessité de recueillir les avis des collectivités territoriales du périmètre immédiat et rapproché préalablement à une éventuelle demande d’autorisation, deuxièmement, par l’impossibilité d’autoriser la création d’un centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs sans l’aval du Parlement, qui statuera sur les garanties de réversibilité, et, troisièmement, par l’obligation d’un nouveau rendez-vous législatif tendant à autoriser, le cas échéant, une fermeture définitive.

Mais si le mot est nécessaire, il ne fait pas toujours la chose, et je vous interroge à nouveau. Pourquoi cent ans et pas trois siècles ? Comment ouvrons-nous le process démocratique vers la participation des citoyens de proximité ? Je rappelle la convention d’Aarhus que la France a ratifiée : « Au moment d’une décision, les résultats de la procédure de la participation du public sont dûment pris en considération. »


Par ailleurs, pourquoi ne pas laisser les membres du CLIS choisir leur président ? Le risque n’était tout de même pas bien grand. Le parrainage obligé du préfet et du président du conseil général est une caricature de la démocratie et se révélera, je le crois sincèrement, regrettable et contre-productif.

En cinquième lieu, s’agissant du partenariat territorial et de l’entreprenariat, étrangement, les efforts financiers envisagés, – et, je le confesse, très largement améliorés – peuvent être contre-productifs si nous ne prenons pas garde à la répartition des crédits. La filière du nucléaire civil, les puissances publiques – l’État, les collectivités territoriales – peuvent être discréditées par une mauvaise répartition. Si l’on veut des partenaires territoriaux pertinents, il faut coller à la réalité vécue.

Mes chers collègues, en milieu rural, que peut bien signifier un périmètre de dix kilomètres autour d’un centre ou d’un laboratoire ?

Voyez la carte de Meuse. (M. Dosé déploie une carte pour illustrer son propos.) À dix kilomètres du centre de Bure, qui se situe au sud le territoire administré, – le département, s’étendant au nord sur 150 kilomètres – vous avez 1,5 % de la population meusienne. Comment faire tomber 20 % de la dotation, largement amplifiée, sur un territoire de dix kilomètres de rayon qui comprend certes des communes de quelques dizaines d’habitants, mais qui n’a pas même de bourgs relais ? Les bourgs relais de Gondrecourt et d’Ancerville sont à l’extérieur du périmètre. Vous savez bien, en tant qu’élus locaux, que ce sont les EPCI et l’intercommunalité qui ont la vocation économique. Il faut donc bouger les lignes. Ce n’est pas facile, monsieur le ministre. Je le dis sans esprit partisan, mais pour apporter la contribution de quelqu’un qui depuis quinze ans est sur le terrain. Que les choses soient claires : que les élus locaux soient de droite, de gauche ou…

M. François Cornut-Gentille. Ou centristes !

M. François Dosé. …apolitiques – en milieu rural, les destins sont assez étranges – tous disent que l’intercommunalité et les bourgs relais sont les vecteurs du développement.

Le GIP départemental, qui va obtenir 80 % des dotations, devait prendre acte d’une manière fléchée. Il aurait plutôt fallu porter une attention particulière au bassin de proximité, aux intercommunalités concernées par le périmètre de Bure. Cela ferait déjà plus. Les communes du secteur de Joinville, Saint-Dizier, Bar-le-Duc, Commercy – environ 200 communes – sont de proximité, elles vivent dans l’angoisse, même en votant pour, monsieur le ministre. Dix kilomètres de rayons, cela ne veut rien dire du tout ; maintenant nous calculons en minutes. Mais il y a aussi une deuxième zone, que je qualifierai de rapprochée, celle qui, de la Haute-Marne à la Meuse, doit vivre, accueillir et permettre le développement.

Monsieur le ministre, je souhaiterai que l’effort financier, incontestable, ne soit pas gâché par une répartition qui serait contestée.

S’il n’y a pas cet échange, ce partage les gens se mettront aux abonnés absents – regardez l’hémicycle, ce sera pareil sur le territoire ! – quand il faudra décider dans dix ans si le laboratoire doit ou non devenir un centre.

Mais, dans ce domaine, monsieur le ministre, vous avez ouvert le chemin, je tenais à le dire. J’en appelle une nouvelle fois au développement économique : c’est le développement économique de tous les secteurs concernés qui permettra à la population de comprendre qu’on ne crée pas chez eux un dépôt, mais bien un facteur de développement économique. C’est la vie, et la vie seulement qui crédibilisera cette filière.

S’il y a de la vie économique, le développement démographique suivra et avec lui la sécurité démocratique. Les habitants feront attention à quelque chose qui est proche. Si, dans dix ou quinze ans, il y a moins d’habitants, les institutions se chargeront de la sécurité et cela ne sera pas sain. Vous avez donné beaucoup d’argent, mais il doit servir à la vie et non à faire des mausolées : dedans, il y a des morts.

En conclusion, il me serait agréable de vous persuadez, monsieur le ministre, mes chers collègues, que cette motion de procédure n’était pas une argutie politicienne, mais une contribution animée par la volonté de crédibiliser la filière du nucléaire civil, élément indispensable de notre mixte énergétique d’aujourd’hui et de demain, et de prendre en compte les demandes sociétales et citoyennes exprimées en proximité.

Il faut s’adosser non seulement à l’excellence technologique, à la performance économique, mais aussi, mais surtout – et probablement à la recherche du temps perdu – à l’adhésion, du moins à l’acceptation raisonnée des populations. L’enjeu est là, essentiellement là, dans une société où la raison d’État est souvent disqualifiée faute d’adhésion populaire.

C’est pourquoi je pense que, préalablement à la décision législative, il conviendrait de mieux définir la réversibilité et le principe de précaution et de retravailler sur la pertinence territoriale – le fameux territoire administré, territoire vécu – et sur la pertinence partenariale requise par le développement économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Birraux, rapporteur. Avec l’enthousiasme et la rigueur qu’on lui connaît, M. Dosé a exprimé des interrogations, auxquelles je vais m’efforcer de répondre.

Tout d’abord, je ne mets nullement en doute vos intentions, mon cher collègue.

Pourquoi avoir choisi une durée d’un siècle alors que l’on pouvait aller jusqu’à trois ? Compte tenu d’une durée prévisible de fonctionnement du réacteur EPR, – dont Christian Bataille a déjà fait la démonstration – à savoir soixante ans et du temps de traitement des déchets, on peut être sûr que le centre sera ouvert plus d’un siècle. Nous aurons une loi qui définira la réversibilité. Et le Sénat a dit qu’une loi déciderait de la fermeture du centre de stockage. Dans ces conditions, pourquoi s’accrocher à cette durée de trois siècles, d’autant que l’évolution des techniques et des connaissances scientifiques permettront éventuellement d’aller au-delà ? Le présent texte est intéressant en ce qu’il ne ferme rien ; une évolution reste possible. C’est le Parlement qui définira la durée minimale de la réversibilité.

S’agissant des crédits dédiés, vous avez dit, monsieur Dosé, que vous n’acceptiez pas la privatisation des déchets. Mais nous avons réaffirmé la responsabilité des producteurs de déchets et nous avons pris des garanties, mis en place des cliquets, pour la sécurisation des fonds. Il sera possible d’accélérer les versements au fonds dédié externe que nous avons créé auprès de l’ANDRA, par exemple au cas où des opérateurs nouveaux viendraient ou bien au cas où l’on aurait quelques inquiétudes sur la volatilité de ces fonds – s’il prenait à nouveau l’envie à un président d’EDF d’aller danser le tango quelque part… Et le Sénat a ajouté une possibilité d’accélérer le versement des fonds pour garantir le démantèlement des centrales nucléaires. Nous avons une double garantie et je pense que l’on s’en expliquera un peu plus tard sur le fonds dédié externe.

Vous avez dit avec raison que le Parlement était au cœur du dispositif : il y est depuis 1990 et il y restera, ce qui est une garantie démocratique. Parlementaire depuis de nombreuses années, j’ai toujours eu une grande confiance dans la capacité du Parlement à se saisir sérieusement des problèmes, y compris les plus difficiles.

S’agissant de la présidence du CLIS, je pensais que le Sénat avait fait un pas dans votre direction en disant que son président ne serait pas automatiquement le président du conseil général. Pour ma part, j’avais défendu, en première lecture, le droit commun des commissions locales d’information, qui veut que le président soit le président du conseil général ou son représentant, droit commun issu de la loi relative à la transparence et à la sûreté en matière nucléaire ainsi que de la circulaire Mauroy du 18 décembre 1981.


En ce qui concerne la répartition du produit de la taxe additionnelle, le chiffre de 20 % est un plafond : ce n’est donc qu’une répartition possible parmi celles qui devront être déterminées par décret en Conseil d’État. Les modalités de cette répartition pourront prendre en compte la participation des communes aux intercommunalités et aux EPCI.

En ce qui concerne le développement économique de la Meuse et de la Haute-Marne, la visite que nous avons, avec Christian Bataille, effectuée à titre officieux dans ces départements nous a permis de constater que les producteurs de déchets, EDF et AREVA, à rebours de leurs engagements, ne contribuaient pas au développement de ces départements, et nous en avons immédiatement avisé M. Patrick Devedjian, votre prédécesseur à la tête du ministère. Cela a été notre première démarche, et elle a eu pour résultat, entre autres, la réunion la semaine dernière, dans la Meuse, d’un comité de haut niveau. Vous y avez participé, ainsi que le président d’EDF, et la présidente d’AREVA est aujourd’hui en Meuse-Haute Marne. Ce sont donc, monsieur le député, les efforts conjugués de vos deux collègues qui ont réveillé la mémoire endormie des industriels.

M. François Cornut-Gentille. C’est vrai !

M. Claude Birraux, rapporteur. Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à ne pas voter cette question préalable.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. le ministre délégué à l’industrie. Sans revenir sur les sujets abordés par M. le rapporteur, dont j’approuve la démonstration, je voudrais m’arrêter sur quelques points, notamment sur la question de savoir si la durée de réversibilité ne devrait pas être de trois cents ans plutôt que de cent ans. Il y a une réponse technique : on n’est pas capable aujourd’hui de dire quelle durée serait la meilleure s’agissant de matériaux comme le béton. Mais il y a une réponse politique : en tout état de cause, on pourra réexaminer cette question en 2015, et il sera toujours possible alors de passer de 100 ans à 300 ans si cela s’avère nécessaire.

Mme Janine Jambu. Si c’est une réponse politique, ça n’est pas la nôtre !

M. le ministre délégué à l’industrie. Je veux simplement dire, madame, qu’il n’y a pas de réponse technique. C’est au fond une manière de répondre à la question : quand le dossier reviendra devant le Parlement, les considérations de temps et de délais auront une autre importance. D’autres pays raisonnent plutôt en termes de périodes et demandent aux opérateurs de se charger d’apporter les preuves. Nous nous en tenons, pour notre part, à la procédure qui nous a été recommandée par les experts : une évaluation indépendante à l’échelle internationale. Mais tout cela peut encore évoluer dans les dix ans à venir. Voilà pourquoi je pense qu’il ne faut pas faire de fixation sur telle ou telle durée.

La question fondamentale est celle de la détermination des modalités de validation des périmètres concernés. J’ai pris soin, dans ma présentation initiale, de prendre l’engagement précis que la définition d’un juste équilibre entre les différentes zones sera le fruit de concertations locales. Autant je suis sensible à cette question, autant je juge son traitement législatif particulièrement complexe. Nous avons heureusement confié au pouvoir réglementaire le soin de trouver des réponses adaptées, par la voie de décrets en Conseil d’État. Vous n’ignorez pas en effet que la situation différente des deux départements appelle en effet un traitement différent, répondant à des attentes différentes.

M. François Cornut-Gentille. Très bien ! En la matière, il faut être pragmatique !

M. le ministre délégué à l’industrie. Tout ce que je peux affirmer à ce stade, c’est que la concertation aura bien lieu. Pour avoir participé au Comité de haut niveau qui s’est réuni il y a quelques jours, vous avez pu prendre connaissance du calendrier que nous avons présenté à cette occasion : tenant compte de toutes ces considérations, il a fixé au 1er janvier la définition de ce qu’il y a lieu de faire. La reconnaissance de la nation envers ceux qui s’engagent à soutenir notre démarche reste le principe, et il n’y a pas lieu de douter de notre volonté sincère d’aboutir.

Beaucoup se demandent si on en fait assez pour assurer le respect de la convention d’Arhus. Je vous ferai remarquer qu’aucun processus industriel n’a été précédé d’autant de consultations de tous ordres, dont un vote du Parlement ! Je ne vois pas ce qu’on pourrait faire de plus. Soyons clairs : le but n’est pas d’agir en catimini, mais au contraire d’expliquer les objectifs et l’utilité du projet, et son innocuité ; loin de présenter un danger, notre entreprise vise au contraire à assurer la sécurité de cette filière. Un tel projet vaut bien toutes ces consultations, que nous pensons nécessaires, et dont le rendez-vous parlementaire constituera le point d’orgue.

M. le président. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. Monsieur le Président, monsieur le ministre, chers collègues, les problèmes soulevés par ce texte sur les déchets radioactifs, que nous avions pointés lors de la première lecture, n’ont été que très partiellement résolus par les lectures successives à l’Assemblée et au Sénat.

Celles-ci ont certes permis une avancée majeure concernant la création d’un centre de stockage en couche géologique profonde, qui sera prévue par un projet de loi fixant les conditions de réversibilité. C’est là un progrès réel, qui restitue aux élus nationaux un pouvoir de décision sur ce sujet crucial.

Nous nous félicitons également de l’adoption de plusieurs des amendements déposés par nos collègues communistes du Sénat, relatifs à la transparence du débat en matière de gestion des déchets. Ces amendements ont étendu les missions des comités locaux d’information et de suivi, les CLIS, puisque le rapport de la Commission nationale d’évaluation devra leur être soumis. En outre, les CLIS pourront échanger des informations avec le Haut Comité pour la transparence et la sécurité nucléaire, ce qui devrait contribuer à développer leur connaissance des dossiers, et peut-être leur influence.

Toutefois le projet de loi reste insuffisant, et nous regrettons que la levée de l’urgence n’ait pas provoqué des débats plus approfondis, puisqu’il semble que le texte sera tout simplement voté conforme à l’issue de cette deuxième lecture par notre assemblée.

Le projet de loi nous semble tout d’abord en deçà des perspectives ouvertes par les propositions du programme de recherche prévu par la loi Bataille de 1991. Ainsi, en ce qui concerne le stockage, alors que l’article 4 de cette loi stipule l’étude des possibilités de stockage dans les formations géologiques profondes, notamment grâce à la réalisation de plusieurs laboratoires souterrains, jusqu’à ce jour les recherches ont été menées uniquement sur le site de Bure. Cela est loin d’être anodin : comment prétendre pouvoir faire un choix parfaitement éclairé dans un tel contexte ? Il est impossible de comparer les différentes natures de terrain et, en conséquence, de se laisser la possibilité de trouver un terrain plus approprié pour le stockage. Ceci constitue à nos yeux une grave lacune, et nous pensons que le texte aurait dû fixer des objectifs plus ambitieux aux recherches pratiques dans la voie de l’enfouissement des déchets.

En outre, en dépit des études en cours depuis 1994 dans le laboratoire de Bure, qui ont permis des avancées indéniables, des éléments manquent à ce jour pour décider de façon tout à fait sûre la création d’un site de stockage en profondeur. Les conclusions des experts, qui ne sont d’ailleurs pas unanimes, incitent plutôt à la prudence. Pour toutes ces raisons, l’inscription dans le texte de loi d’une date de mise en exploitation d’un centre de stockage ne nous semble pas acceptable, pas plus que l’absence d’engagement sur des recherches plus approfondies.

Toujours en ce qui concerne les différentes voies de recherche, nous continuons de penser que votre projet de loi continue à sous-estimer la voie de la séparation-transmutation. Ce procédé ouvre pourtant des perspectives très intéressantes en matière de gestion des déchets, puisqu’il permettrait de réutiliser jusqu’à 95 % des combustibles usés, et de réduire à 5 % du volume initial les déchets hautement toxiques et à vie longue !

Ainsi, alors que vous savez que les recherches sur la séparation-transmutation supposent la réalisation, le plus rapidement possible, d’un prototype de centrale de quatrième génération, votre texte ne comprend aucun engagement sur l’avenir de ce type de centrale après l’arrêt prévu de la centrale Phénix au centre de Marcoule. De plus l’article 4, relatif au plan national de gestion des déchets radioactifs, ne contient aucune trace de cette voie de recherche.

Enfin, nous avions déjà regretté en première lecture que le fonds de l’ANDRA destiné au financement des recherches ne soit affecté qu’aux études sur l’entreposage et sur le stockage en couche géologiques profonde. Vous arguerez peut-être que c’est le CEA qui a vocation à financer la poursuite des recherches sur la séparation-transmutation. Mais, monsieur le ministre, au vu de l’ampleur des missions qui incombent à cet organisme, comment les 980 millions d’euros de subventions qui lui sont accordés annuellement lui suffiraient-ils pour poursuivre de telles recherches ? Nous tenons, pour notre part, à réaffirmer notre attachement à la poursuite des recherches sur les trois voies de traitement des déchets, qui ne sont pas concurrentes, mais, pour une large part, complémentaires.

Plus généralement, nous regrettons que ni le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs, ni la Commission nationale d’évaluation ne comptent explicitement au nombre de leurs missions l’obligation d’évaluer et de définir les besoins financiers concernant les recherches, quels que soient les axes retenus.

Comment croire, monsieur le ministre, à vos promesses de hausse des budgets consacrés à la recherche, alors que toute la politique de votre gouvernement applique la méthode de rigueur budgétaire et accumule les coupes successives dans le budget de l’État.

M. le ministre délégué à l’industrie. C’est faux !

M. Claude Birraux, rapporteur. Pas pour la recherche !

Mme Janine Jambu. La baisse drastique du nombre de fonctionnaires prévue pour l’année prochaine, qui frappe aussi votre ministère, en constitue une triste preuve supplémentaire !


Votre texte manque bien de garanties suffisantes en matière de recherche publique.

Les incertitudes relatives au financement de la filière ne se limitent d’ailleurs pas aux questions de recherche. Or la sécurisation du financement de la gestion de l’ensemble du cycle des déchets radioactifs est indispensable.

Cependant, au regard de l’environnement concurrentiel que vous avez instauré par la loi d’août 2004, quelles garanties peut-on avoir de la responsabilité des exploitants ? Le système concurrentiel tend en effet à fragiliser les entreprises présentes sur le marché, et donc à provoquer des incertitudes quant au financement des déchets. Comment assurer par exemple que les entreprises exploitantes seront à même, lors du dépôt de bilan, d’apporter les fonds destinés à la gestion des déchets après des opérations de fusion et d’acquisition ?

En outre, comment assurer, par le système de provisions que vous proposez, que les exploitants des centrales n’utiliseront pas les provisions destinées aux déchets à des opérations financières de court terme ? Les pratiques en vigueur chez EDF ces dernières années n’incitent pas, en effet, à l’optimisme.

M. Claude Birraux, rapporteur. Et c’était un établissement public !

Mme Janine Jambu. Le principe de provisionnements permettra-t-il donc de rendre effectif celui de la responsabilité des entreprises vis-à-vis des déchets qu’elles produisent ?

La gestion des déchets nucléaires nécessite des moyens sûrs à long terme, qui sont difficilement compatibles avec les enjeux de court terme propres aux marchés financiers et aux groupes qui les alimentent.

Enfin, la loi laisse aux producteurs la responsabilité de définir des processus de démantèlement des installations existantes, d’évaluation des coûts futurs et de gestion des actifs dédiés, alors que ces choix concernent la collectivité tout entière. Nous aurions donc souhaité que le contrôle de ces fonds fasse une place aux représentants des salariés et aux comités locaux d’information et de suivi.

Mon collègue Daniel Paul évoquait hier, lors du débat sur la politique énergétique de la France – très lié à celui que nous tenons aujourd’hui – la difficile compatibilité entre les exigences de sécurité et de gestion à long terme de la filière énergétique et l’ouverture à la concurrence et la privatisation de celle-ci. Ces mises en garde ont un écho particulier dans le domaine du nucléaire, pour lequel les obligations de prudence et de vigilance doivent être encore plus fortes qu’à l’habitude. En effet, ce sont l’avenir des générations futures sur des centaines d’années et l’équilibre écologique de notre planète qui sont en jeu. C’est pourquoi, je le répète, ce secteur ne saurait être livré à une logique de rentabilité financière et de recherche du profit.

Et pourtant, ce qui se prépare, dans le contexte actuel, avec le projet de fusion entre GDF et Suez, c’est l’arrivée de Suez dans le secteur nucléaire dans notre pays.

Jusqu’à présent, la filière nucléaire s’est développée dans le cadre d’entreprises intégrées qui avaient en charge la gestion de la filière, d’un bout à l’autre de la chaîne. C’est ce qui a permis un traitement des déchets continu et sécurisé. Les financements publics ont permis de prendre en compte dans le prix du kilowatt/heure le coût des traitements des déchets et d’impliquer la responsabilité du producteur dans l’aval du cycle.

Quelles garanties aurons-nous, dans un secteur ouvert à des entreprises en concurrence, que celles-ci assumeront leurs responsabilités à tous les niveaux du cycle de production et dans le plein respect de la sécurité ?

En outre, et c’est là un autre sujet d’inquiétude, vous savez comme moi qu’on n’a jamais vu un secteur livré à la concurrence engendrer une amélioration des conditions de travail, puisque celles-ci deviennent un facteur de compétitivité pour l’entreprise, appelée à réaliser des marges de profit pour gagner des marchés. Les conditions de travail dans le secteur nucléaire sont pourtant le premier pilier de la sécurité. Laissez-moi donc émettre des doutes quant aux évolutions à venir.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, votre texte manque pour nous de garanties et d’efforts publics en matière de recherche et de financement. Il manque aussi de certaines garanties de transparence. Cela est dommageable dans un secteur extrêmement sensible, et met en jeu la sécurité de nos concitoyens et des générations futures. Remettre en cause la maîtrise et le contrôle publics de ce secteur, c’est risquer de mettre en cause sa sécurité, et peut-être aussi son acceptation par l’opinion publique.

M. Claude Birraux, rapporteur. Vous n’avez pas lu le texte !

Mme Janine Jambu. Nous voterons donc contre ce texte.

M. Claude Birraux, rapporteur. Voilà des communistes antinucléaires ! C’est nouveau !

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel.

M. Luc Chatel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi sur la gestion des déchets radioactifs que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture s’inscrit dans une démarche responsable, ambitieuse, cohérente et soucieuse des générations futures, initiée en 1991 et poursuivie sous plusieurs majorités, puis continuée depuis 2002 par le gouvernement et la majorité actuels. Cette politique ambitieuse dans le domaine de l’énergie a permis en particulier la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique, qui a déterminé nos choix énergétiques pour les décennies à venir.

La poursuite des activités nucléaires supposait que nous soyons attentifs à la question des déchets et que nous maintenions un haut niveau de sûreté, de transparence et d’information du public. La loi sur la transparence et la sécurité nucléaire adoptée définitivement en juin dernier répond à ces exigences et aux attentes de nos concitoyens. Nous avons ainsi été au bout d’une démarche initiée par le gouvernement précédent, mais qui n’avait pas pu être menée à terme.

Le projet de loi que nous examinons à nouveau aujourd’hui jette les bases d’une véritable politique nationale en matière de gestion des déchets radioactifs, qui doit être une gestion durable.

L’institution d’un plan national, l’instauration d’un cadre législatif pour le démantèlement des installations nucléaires de base et l’encadrement du financement de la gestion des déchets radioactifs sont des innovations importantes par rapport à la loi Bataille de 1991. Eu égard aux enjeux inhérents à cette problématique, nous tenons à vous remercier, monsieur le ministre, d’avoir renoncé à l’urgence afin de laisser le temps à un débat approfondi au Parlement.

L’Assemblée nationale a apporté des modifications importantes au projet de loi initial. L’affirmation du principe de la réversibilité du stockage en couche géologique profonde et la fixation d’un rendez-vous parlementaire avant toute décision d’autorisation constituent des avancées majeures, que beaucoup d’entre nous considéraient indispensables.

La réversibilité du stockage en couche géologique profonde, fixée à cent ans, est garantie par la loi afin de laisser aux générations futures la possibilité d’un mode de gestion différent, en fonction de l’évolution des connaissances techniques. La poursuite des recherches et des études figurant parmi les principes fondamentaux qui régissent la gestion durable des matières et des déchets nucléaires et la complémentarité des trois axes de recherche définis par la loi de 1991 pour les déchets contenant l’essentiel de la radioactivité donneront aux générations futures les moyens d’effectuer ce choix. Elles pourront s’appuyer sur la synthèse des recherches conduites dans notre pays et à l’étranger, incluse dans le plan national, et sur les travaux de la commission nationale d’évaluation, dont l’indépendance a été réaffirmée et le rôle conforté, gage du renforcement de la transparence de l’information.

Le Parlement, garant du débat démocratique, sera pleinement associé à la procédure d’autorisation de création d’un centre de stockage ayant fait l’objet d’études au moyen d’un laboratoire souterrain. Cette précision, apportée par le Sénat, était particulièrement importante.

Nous serons – ou plutôt : nos successeurs seront – ainsi amenés à définir les conditions de la réversibilité et l’autorisation de construction de ce site ne pourra être délivrée que si les conditions que nous aurons définies sont réunies.

Une exigence supplémentaire a été ajoutée par le Sénat : la fermeture du centre de stockage est également conditionnée par l’adoption d’une loi. C’est une bonne chose pour les populations environnantes, que je représente ici.

Ces avancées étaient impératives et participent à l’acceptation par les populations locales de nos choix énergétiques.

Le Parlement disposera aussi des moyens nécessaires pour assurer le contrôle efficace du financement du démantèlement des installations nucléaires et celui de la gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs.

Nous avons eu en première lecture un large débat sur cette question et avons fait le choix de fonds dédiés internes, clairement identifiés, au sein des entreprises productrices de déchets radioactifs. Les dispositifs mis en place permettront de sécuriser et de garantir le financement de ces charges.

La création d’une commission nationale d’évaluation, voulue par l’Assemblée nationale, s’inscrit dans cette démarche et donne au Parlement un rôle majeur en matière de contrôle.

Les outils nécessaires à la gestion durable des déchets radioactifs sont mis en place, s’appuyant, notamment sur l’instauration de trois taxes additionnelles.

Enfin, le rôle de l’ANDRA sera renforcé et élargi, avec la création d’un fonds dédié au financement des installations de stockage ou d’entreposage des déchets radioactifs, qui s’ajoute au fonds dédié à la recherche et aux études. L’ANDRA, agence internationalement reconnue est ainsi confortée et voit ses compétences élargies.

Pour ce qui concerne les territoires situés dans les zones de proximité du centre de stockage ou du laboratoire, les collectivités territoriales et les populations seront consultées aux différentes étapes de la création d’un tel centre, ce qui était absolument indispensable.

L’accompagnement économique de ces territoires ne consiste pas, comme nous l’avons entendu dire pendant des années, à acheter les consciences, mais à faire bénéficier un territoire déshérité, défavorisé – celui que je représente à l’Assemblée nationale – de transferts technologiques majeurs, liés au chantier de recherche nucléaire le plus important au monde. Bure-Saudron est en quelque sorte notre pôle de compétitivité : nous avons besoin de la matière grise concentrée sur ce site pour diffuser du savoir sur ce territoire et permettre le développement économique et la création d’emplois qui seuls peuvent nous permettre d’inverser la spirale infernale de la désertification.

Force est de constater que les débats préparatoires à ce texte et ceux que nous avons eus dans l’hémicycle, tout comme ceux du Sénat, ont permis des avancées majeures dans ce domaine, alors que depuis, quelques années, nous étions restés sur notre faim.

Ces avancées portent notamment sur l’accompagnement des fonds des groupements d’intérêt public, ou GIP : les modes de calcul vont permettre une augmentation significative de ces crédits pour permettre un développement local important. Il en va de même des projets qui seront supervisés par le Haut comité stratégique qu’évoquait tout à l’heure le rapporteur, projets d’accompagnement qui pourraient être menés par EDF, Areva et les grandes entreprises directement liées au site expérimental de Bure. Nous sommes très attentifs à ces projets et attendons beaucoup de ces recherches pour nos départements.

La préparation de ce texte sous la conduite de notre rapporteur et de l’office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, le travail préparatoire de M. Birraux et de M. Bataille, ont permis un débat serein, qui a enrichi ce texte et nous permet aujourd'hui de l’approuver tel qu’il est ressorti des débats du Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon une source bien informée, nous nous apprêtons aujourd’hui, par la volonté de la majorité et par un vote conforme, à clore une longue période de réflexion législative sur les déchets nucléaires.

Je ne pousserai pas cependant la mauvaise foi jusqu’à dire que le Parlement n’a pas assez réfléchi, car s’il est vrai que le vote conforme est une habileté qui permet de sortir assez vite du débat, il semble que nous ayons amplement joué notre rôle en discutant ce texte.

L’heure est donc, pour moi comme pour les représentants de la majorité, au bilan d’une démarche législative engagée dès 1989 par le gouvernement de Michel Rocard, qui avait saisi l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques d’un premier rapport. S’achève donc aujourd’hui une longue période de dix-sept ans, engagée en 1989 dans un contexte troublé, un contexte de jacqueries locales dû à la maladresse des gouvernants et de l’autorité politique qui, avec suffisance, pensaient imposer une démarche sans participation de quiconque à la réflexion – ainsi en allait-il depuis de nombreuses décennies dans le domaine de l’énergie nucléaire.

C’est alors que l’opinion publique a fait irruption dans le débat, là où on ne l’attendait pas : à propos des déchets nucléaires, alors qu’elle ne s’était pas manifestée à propos de la filière nucléaire en général, et notamment du vaste programme de construction de centrales.


Nous étions, en 1989, dans un contexte d’émeutes, de jacqueries locales ; nous sommes, en 2006, non dans un contexte pacifié – les passions s’exercent toujours –, mais dans un climat où le Parlement, la représentation républicaine, a pu jouer son rôle.

Quelques remarques s’imposent, et vous me permettrez d’adopter le point de vue de Sirius.

Tout d’abord, une remarque sur la durée : dix-sept années de réflexion, de processus législatif, nous ont conduits d’un rapport initial à une loi, puis à une mission de médiation que j’ai personnellement assurée dans les années 1992-93, sous deux gouvernements : celui de la gauche, de Pierre Bérégovoy, et celui de la droite,…

M. Claude Birraux, rapporteur. Ce qui est exceptionnel ! (Sourires.)

M. Christian Bataille. …de M. Balladur, enfin à un deuxième rapport, monsieur le rapporteur, que nous avons conduit ensemble, et qui a, monsieur le ministre, inspiré votre réflexion,…

M. le ministre délégué à l’industrie. Tout à fait.

M. Christian Bataille. …laquelle a abouti à nous proposer un deuxième texte de loi complétant la loi du 30 décembre 1991. Nous avons eu la chance de bénéficier de la durée. En somme, les électeurs ont prêté vie législative aux rapporteurs – à vous-même, monsieur Birraux, à votre collègue du Sénat, M. Revol, que je salue de loin, et à moi-même. Ça n’a pas été un élément négligeable dans la conduite de cette démarche que celle-ci soit menée dans la durée par les mêmes hommes qui, dans la majorité ou dans l’opposition, avaient la pratique de ce dossier. Bien entendu, nous pouvons en tirer quelques leçons : la nécessité d’une méthode, d’un discours de la méthode pour être un cartésien d’aujourd’hui. Car quelques maladresses ont été commises en cours de parcours : j’ai en souvenir par exemple la manière spontanée dont on pouvait rallumer les émeutes en annonçant que l’on allait fouiller dans tout le granit breton ! Il y a des effets spontanés qui se produisent dans un dossier comme celui-là si on ne prend pas les précautions nécessaires par rapport à l’opinion publique qui est désormais, je le crois, en matière nucléaire, un acteur incontournable.

La deuxième remarque que je voudrais faire concerne le dépassement des obstacles politiques. Nous sommes, pour ce qui est des déchets nucléaires, devant un cas unique, encore exceptionnel dans notre démocratie conflictuelle, de complémentarité, d’intelligence réciproque droite-gauche. Il y a peut-être d’autres grands dossiers qui mériteraient d’être ainsi sanctuarisés, en matière de défense, en matière d’éducation, mais ce n’est pas notre propos de cet après-midi. Tenons-nous en à la gestion des déchets nucléaires, à un dossier essentiel pour l’intérêt national. Nous n’aurions pas avancé si, incarnant les uns et les autres, depuis 1989, des majorités différentes, les gouvernements successifs avaient eu comme première préoccupation d’annuler, de gommer le travail fait par leur prédécesseur. Imaginons que le gouvernement élu en 1993, balayant ce qui avait été fait avant, ait dit que la loi Bataille du 30 décembre 1991 ne valait rien, qu’il fallait liquider tout ça et reprendre la discussion à zéro. Je crois que nous n’en serions pas arrivés là où nous en sommes.

J’en arrive ainsi à mon troisième point : le rôle du Parlement. Vous me permettrez, en cet après-midi où nous ne sommes pas très nombreux, de tenir un propos plaisant : au fond, en consacrant le rôle du Parlement, la loi sur les déchets nucléaires représente une première application du programme socialiste pour l’avènement d’une république parlementaire. (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué à l’industrie. Alors vous pouvez voter la loi ! (Sourires.)

M. Christian Bataille. Nous sortons d’une conception régalienne de la gestion nucléaire – je vous épargne les analyses étymologiques, mais « régalien » vient du latin regalis, qui signifie « royal » –…

M. François Cornut-Gentille. Ségoliste ! (Sourires.)

M. Christian Bataille. …pour aller vers une version parlementaire assumée sur tous les bancs et par tous les groupes. La version présidentialiste a fait son temps en matière énergétique. On ne peut plus dire que tout descend de l’Élysée, de Matignon et de l’administration qui lui obéit. Nous sommes, nous le Parlement, en mesure de dire à EDF, au CEA, à AREVA, à tous ces techniciens talentueux qui font la force de l’industrie française, ce que pense le Parlement, la règle que nous parlementaires leur demandons d’appliquer, qu’ils ne fixent plus la règle et qu’ils sont les exécutants des décisions du Parlement. Je veux souligner à cette occasion, monsieur le rapporteur, vous qui avez été président de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, le rôle qu’a joué cet office, merveilleux outil créé sur la lancée du renouvellement de la réflexion parlementaire initié par la majorité – pourquoi ne pas le dire ? – élue en 1981, et qui a permis de développer à l’Assemblée nationale une réflexion qui initie une démarche porteuse d’un grand avenir : il s’agit de revenir à des comportements fondés sur la raison, de fortifier des combats contre l’obscurantisme – toujours dangereux à l’intérieur de notre assemblée sur bien des dossiers, sur celui-ci comme sur d’autres –, et de faire en sorte que la science et la connaissance entrent dans le débat parlementaire et dans notre réflexion commune quotidienne.

Il reste néanmoins quelques réserves, dont je formulerai la principale au nom de mon groupe.

Je tiens au préalable, et d’un mot, à dire que le Sénat a joué son rôle en apportant quelques améliorations.

Vous connaissez notre réserve essentielle, je l’ai exprimée à cette tribune : c’est sur la gestion des crédits. Nous restons partisans d’un fonds externalisé dédié, contrôlé par la puissance publique tout entière.

Néanmoins, nous avons un texte qui est un bon produit, le résultat d’un dialogue mené depuis bien longtemps et à l’écart de tout sectarisme, entre la droite et la gauche, parce que nous sommes dans la durée et que nous envisageons en termes séculaires l’avenir de ce dossier. Par conséquent, le groupe socialiste s’abstiendra sur ce texte, mais lui souhaite tout de même un bon avenir.

M. Claude Birraux, rapporteur et M. le ministre délégué à l’industrie. Nous vous remercions !

M. le président. La parole est à M. François Cornut-Gentille, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.

M. François Cornut-Gentille. Monsieur le ministre, mes chers collègues, début avril, lors de la première lecture de ce projet de loi sur les déchets radioactifs, j'avais exprimé un sentiment de grande méfiance face à une première version du texte qui m'apparaissait notoirement insuffisante. Méfiance à l'époque encore renforcée par l'impression que je croyais déceler chez certains de vouloir passer en force tant vis-à-vis du Parlement que des populations locales concernées.

Je le constate aujourd'hui avec satisfaction : les deux lectures de l'Assemblée nationale et du Sénat ont permis des avancées très significatives que je n'imaginais pas à l'ouverture de nos débats. À cet égard, je me réjouis que le Parlement ait retrouvé un véritable rôle en étant appelé à voter deux fois, à chacune des étapes de la mise en œuvre d'un éventuel stockage. On est donc passé d'un contournement délibéré du Parlement à la reconnaissance de son rôle majeur conforme à celui de notre démocratie.

Sur le plan du développement économique de la Haute-Marne et de la Meuse, j'adhère pleinement au très fort soutien accordé aux communes de la zone des dix kilomètres, qui n'est que justice. Je pense en outre que l'introduction d'une seconde zone de proximité prenant en compte les réalités démographiques et économiques est un progrès majeur. Ces avancées ont permis de redire l'importance de la nécessaire implication des intervenants, jusqu'ici très insuffisante, sur le territoire d'accueil.

Aussi, je tiens à remercier tout particulièrement notre rapporteur, Claude Birraux, dont le travail constructif, indépendant, a permis d'enrichir ce texte dès la première lecture. Je souhaite également rendre hommage à l'apport des amendements de nos collègues sénateurs, plus particulièrement Bruno Sido, Charles Guéné et Gérard Longuet. Enfin, monsieur le ministre, je tiens à souligner l'esprit d'ouverture avec lequel vous avez abordé cet examen et qui a permis de faire écho aux préoccupations des populations haut-marnaises et meusiennes.

Cependant, ces avancées très importantes ne sauraient masquer à mes yeux que nous aurions pu aller ensemble encore plus loin sur un certain nombre de sujets.

Ainsi, je regrette que nous n'ayons pas décidé d'une expérience d'entreposage en faible profondeur pour disposer de toute la panoplie des options. Je regrette également que l'on reste encore un peu ambigu sur la notion de réversibilité parce que l'échéance de cent ans donnée par la loi n'est peut-être pas la plus pertinente. Mais j’ai vu que vous aviez fait tout à l’heure quelques ouvertures sur ce point, monsieur le ministre. Enfin, et c'est un sujet qui m'est particulièrement sensible, j'aurai voulu un engagement extrêmement clair et univoque sur le transport de ces déchets. J'estime que la question du transport n'est pas traitée avec la transparence qui me semble nécessaire. Je sais bien que cette question sera prise en compte mais je souhaitais, pour la bonne information des populations, que la loi en souligne son importance par un acte solennel.

Aussi, compte tenu de ces éléments, je reste en seconde lecture sur un vote d'abstention. Celui-ci n'est plus exactement mon vote de méfiance de la première lecture ; je parlerai plutôt d'un vote de vigilance active : vigilance sur le respect de la transparence et de l'information donnée aux populations et aux élus, vigilance sur l'impartialité scientifique de la démarche entreprise, vigilance également sur le développement économique de la Haute-Marne et de la Meuse. En effet, si je constate depuis quelques mois un engagement des partenaires sur le terrain, en particulier d’EDF et d’AREVA, cet engagement est encore beaucoup trop récent pour pouvoir être qualifié de véritablement pérenne. Dans ce domaine comme dans les autres, je prends acte d'une orientation et d’une volonté politique affirmée. J'espère ne pas être démenti dans les années qui viennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)


M. le président.
La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Je souhaite d’abord réagir aux propos de Mme Jambu, qui n’est malheureusement plus dans l’hémicycle.

Je suis un peu étonné que les députés communistes – et les sénateurs ce matin – nous aient expliqué, lors du débat sur l’énergie, que les privatisations, qu’ils voient partout, créent des rentes de situation, et que Mme Jambu dise le contraire aujourd’hui.

Que Mme Jambu lise le compte-rendu des débats : elle verra qu’en réalité, nous avons prévu dans ce projet de loi tous les moyens nécessaires pour que les fonds soient dédiés, gérés dans la durée, et que nous disposions ainsi de toute la sécurité si indispensable en la matière.

Je veux remercier M. Chatel pour le soutien qu’il a apporté au nom du groupe de l’UMP et pour sa détermination personnelle. Au-delà des fonds attribués par les GIP dans le texte, fonds qui représentent des garanties substantielles et des moyens très significatifs mis à la disposition des collectivités locales, nous avons fait en sorte que les industriels s’engagent sur plusieurs projets importants, tels que la biomasse – qui représente 100 000 tonnes de biocarburants –, la maîtrise de la demande énergétique – qui se traduira par de nombreuses améliorations –, ou encore des achats, comme ceux réalisés par AREVA depuis quelques mois, dans la région de Bure, pour plusieurs millions d’euros.

Certes, monsieur Cornut-Gentille, ce n’est là qu’un début, et il faudra bien aviser plus tard. Mais la confiance ne se mesure pas avec le temps : elle se donne et se reçoit, elle implique la réciprocité et c’est à cette condition que les actions, si elles sont sincères, peuvent durer. C’est bien le cas en l’occurrence, car l’engagement des entreprises est une nécessité pour elles.

M. Bataille a pour sa part salué le travail parlementaire effectué pendant quinze ans, entre 1991 et aujourd’hui : le texte dont nous débattons aujourd’hui est en effet un texte parlementaire. Combien de textes peuvent-ils d’ailleurs s’honorer d’une telle maturation ? Au-delà des antagonismes entre majorité et opposition, les échanges entre l’Assemblée et le Sénat sur le thème des déchets nucléaires ont été permanents et fructueux.

Un très grand nombre d’amendements ont ainsi été adoptés au cours des deux lectures, si bien que le texte qui nous parvient aujourd’hui a été grandement amélioré par les parlementaires. J’en remercie Christian Bataille, comme je le remercie des souhaits de « bel avenir » qu’il a formulés pour ce texte, nonobstant son abstention. C’est là une attitude positive, dans la mesure où, en la matière, il importe de ne pas confondre les intérêts à long terme avec les préoccupations du moment. Je sais gré à M. Bataille d’avoir placé ses travaux dans cette perspective d’avenir qui correspond au fond du texte.

Motion de renvoi en commission

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, les propos s’enchaînent cet après-midi à un rythme soutenu. Après la discussion générale, je veux néanmoins revenir sur quelques points qui restent en débat et qui méritent des précisions.

Nous pensons d’abord qu’il est nécessaire de régler le problème de la propriété des déchets, en la transférant à l’ANDRA, en contrepartie d’une redevance qui serait versée aux centres de stockage ou d’entreposage. Le texte reste muet sur ce point.

Votre aspiration, monsieur le ministre, est celle d’une société libérale, où le nombre de producteurs de déchets sera multiplié : à terme, l’ANDRA sera ainsi dépositaire de « colis » dont on ne pourra peut-être plus identifier les propriétaires. Lors de l’examen des amendements, je proposerai une comparaison avec les réseaux hydrauliques hollandais, exemple européen vieux de plusieurs siècles. On peut en effet imaginer que la France aurait quelque difficulté, à l’avenir, à faire pression sur des sociétés étrangères, par exemple dans le cas – que l’on ne peut exclure – où des fonds de pension américains deviendraient propriétaires des déchets.

Je veux aussi insister sur la création d’un « fonds externalisé dédié ». Des crédits importants, que je ne veux pas détailler, ont été accumulés par EDF et les autres producteurs de déchets, dans le cadre de la loi. La réflexion sur l’organisation de la gestion de ces fonds n’ayant pas été pleinement satisfaisante, nous vous proposons de l’approfondir. Vous avez vous-même reconnu lors de votre audition par la commission il y a quelques mois, monsieur le ministre, que chaque foyer acquittait environ dix euros par an sur sa facture pour la gestion des déchets. Multipliées par le nombre de foyers et d’années, ces sommes deviennent considérables : il convient donc de mieux organiser la gestion, et je reconnais que vous avez fait, avec le rapporteur, certaines propositions bénéfiques, mais celles-ci ne nous semblent pas entièrement satisfaisantes.

Il y avait, en 2003, 2,3 milliards d’euros d’actifs dédiés – à rapporter aux 25 milliards d’euros en valeur actualisée. Il faut confier ces fonds aux pouvoirs publics. Nous vous proposons pour ce faire la Caisse des dépôts, ce qui correspondrait au système de gestion retenu dans de grands pays – y compris libéraux –, comme le Japon, les États-Unis, la Finlande ou la Suède. Le système proposé, bien qu’il améliore sensiblement le dispositif prévu par le texte initial, n’est, je le répète, pas pleinement satisfaisant.

Autre lacune de ce texte, l’absence de précision satisfaisante concernant la réversibilité du stockage : il faut affirmer que celle-ci est un principe intangible et incontournable. Ne laissons pas le doute s’insinuer par des mots ou des expressions trop technocratiques : il faut donner à la population la garantie claire que le stockage est réversible, et que ce principe ne saurait être remis en cause, fût-ce dans un ou plusieurs siècles. En ce domaine, faisons confiance à la recherche scientifique.

Enfin, il faut donner à l’ANDRA des pouvoirs accrus, incluant des compétences sur tous les types de déchets et la maîtrise de toutes les méthodes de stockage. Les responsabilités de l’ANDRA restent en effet trop partielles : on a l’impression que les autorités, jalouses de leurs anciennes prérogatives, se disputent l’héritage. Les futurs gouvernements auront à remettre ce problème sur la table, et à faire de l’ANDRA la spécialiste exclusive du stockage et de l’entreposage, en surface et en subsurface. Notre pays a besoin d’une filière unique pour les déchets nucléaires : le paysage est, aujourd’hui encore, trop confus.

Telles sont les raisons qui me conduisent, au nom du groupe socialiste, à proposer le renvoi de ce texte en commission.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Birraux, rapporteur. La commission n’a pu examiner cette motion.

Sur la question de la propriété à long terme, monsieur Bataille, j’estime pour ma part qu’il faut laisser à la loi de 2015 le soin de définir, selon les connaissances qui auront été acquises, la réversibilité comme les méthodes de stockage.


Vous prétendez, monsieur Bataille, que la responsabilité des déchets doit être confiée à l’ANDRA. Nous avons choisi de la laisser aux producteurs de déchets. Ce faisant – il est dommage que Mme Jambu ne soit plus là – nous n’avons pas donné satisfaction aux entreprises du CAC 40, qui aimeraient bien voir disparaître de leurs bilans les provisions pour gestion des déchets nucléaires. Et à ces provisions, le texte ajoute l’obligation d’avoir des actifs dédiés. En outre, une sécurisation a été introduite, ainsi que la possibilité, pour le Gouvernement, d’accélérer le versement de ces actifs dédiés au fonds de gestion des déchets radioactifs, créé auprès de l’ANDRA et qui n’existait pas dans le texte initial.

Par conséquent, n’allons pas trop vite en besogne et ne confions pas la responsabilité des déchets à l’ANDRA, car ce serait exonérer les producteurs de leurs responsabilités. La loi de 2015 pourra, si les choses sont claires à ce moment-là, définir ce transfert de responsabilité.

Du reste, il serait dangereux, à mon avis, d’effectuer ce transfert aujourd’hui. Nous avons, certes, un laboratoire, mais je ne suis pas sûr que l’ascenseur descende jusqu’en bas puisque, il y a peu, c’est une échelle qui permettait de terminer la descente ! Nous n’avons donc pas une idée exacte de ce que peut coûter la construction d’un laboratoire ni ce que coûtera, en fonction des conditions de réversibilité que définira la loi de 2015, la gestion de ce site de stockage. Dans ces conditions, comment pourrait-on transférer et la propriété et la responsabilité des déchets ? Nous en saurons plus en 2015.

Les pays scandinaves, que vous aviez sans doute à l’esprit, ont créé leur ANDRA à eux, qui consiste en une coopérative de producteurs. Dans ce cas, le problème du transfert de propriété est réglé.

S’agissant du fonds dédié, je vous répondrai plus longuement dans quelques instants, à l’occasion de l’examen des amendements.

Concernant la réversibilité, vous avez souhaité qu’on ne laisse pas d’espace au doute et que l’on prévoie des garanties pour les populations. Quelle meilleure garantie pouvons-nous donner à nos concitoyens qu’une loi votée par le Parlement ?

Comme vous, je fais confiance à la recherche scientifique pour trouver les meilleures solutions.

Quant à l’ANDRA, ses missions ont été étendues par le texte que nous avons voté, le Sénat y ayant ajouté le soin de s’occuper des sites dits « orphelins », parmi lesquels on ne compte pas seulement des exploitants nucléaires. Ainsi, dans ma circonscription, on trouve encore de la radioactivité près des anciens ateliers de fabricants de montres, partis et même morts depuis longtemps !

Pour toutes ces raisons, et bien que je sois désolé de faire de la peine à Christian Bataille, mes chers collègues, je vous invite à rejeter la motion de renvoi en commission.

M. le président. Il n’est pas certain que cela lui fasse de la peine, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n’est pas adoptée.)

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pu parvenir à un texte identique.

Article 1er AA

M. le président. Sur l’article 1er AA, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Je mets aux voix l’article 1er AA.

(L’article 1er AA est adopté.)

Article 1er A

M. le président. Sur l’article 1er A, je suis saisi d’un amendement n° 1.

La parole est à M. Christian Bataille, pour le soutenir.

M. Christian Bataille. Il s’agit, par cet amendement, de rappeler dans la loi que les combustibles usés et tous les déchets radioactifs restent sous le contrôle de l’État, même si – M. le rapporteur vient de nous le dire – leur gestion est confiée à des entreprises privées. Nous voulons souligner à nouveau la nécessité du contrôle de l’État sur ces combustibles usés et ces déchets.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. La commission n’est pas favorable à cet amendement car la précision qu’il propose serait superfétatoire. En effet, le contrôle de l’État est déjà assuré en application des règles de radioprotection, au titre de la sûreté, puisque le site de stockage sera considéré comme une installation nucléaire de base. Il est également assuré par l’inventaire de l’ANDRA et par le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs. Tout cela me paraît suffisant.

En outre, le premier alinéa de l’article L. 542-1, créé par l’article 1er A, suite à un amendement de M. Bataille que nous avons adopté, impose déjà le respect de la santé, de la sécurité et de l’environnement, que l’État surveille naturellement puisque cela fait partie de ses missions régaliennes – si j’ai bien suivi votre démonstration de tout à l’heure, monsieur Bataille.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis, défavorable, car l’amendement n° 1 est déjà satisfait par d’autres textes.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er A.

(L’article 1er A est adopté.)

Article 2

M. le président. Le Sénat a supprimé l’article 2.

Article 3

M. le président. Sur l’article 3, je suis saisi d’un amendement n° 13.

La parole est à M. François Dosé, pour le soutenir.

M. François Dosé. L’alinéa 6 de l’article 3 est ainsi rédigé : « Les déchets radioactifs sont des substances radioactives pour lesquelles aucune utilisation ultérieure n’est prévue ou envisagée. » Nous suggérons d’y ajouter : «, à l’aune des connaissances scientifiques actuelles. » En effet, avec le temps, certains objets peuvent prendre des significations et des vocations différentes. Ainsi, personne n’avait imaginé que les terrils de nos carrières disparaîtraient pour devenir des matériaux de substitution, par exemple dans les terres de Lorraine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Avis défavorable. À l’aune des connaissances scientifiques actuelles : cela va de soi ! Ce ne peut être à l’aune des connaissances futures : comme le disait Niels Bohr, la prédiction est difficile, surtout quand elle concerne l’avenir ! (Rires.) Quant aux « connaissances passées », par définition, elles sont dépassées ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis, défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 22.

La parole est à M. François Dosé, pour le soutenir.

M. François Dosé. L’amendement n° 22 est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Avis défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 22.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 2.

La parole est à M. Christian Bataille, pour le soutenir.

M. Christian Bataille. À l’occasion de l’examen de l’amendement n° 2, je voudrais insister à nouveau sur le problème de la propriété des déchets radioactifs. Nous disions, dans un amendement qui n’a pas été retenu, que les producteurs de déchets radioactifs sont propriétaires et responsables de ces substances jusqu’à ce qu’elles soient transférées dans un centre de stockage de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.

Cette rédaction concerne l’ensemble des déchets radioactifs et traite du problème de la propriété à long terme, problème que je pose à nouveau car nous nous inscrivons dans une durée géologique qui dépasse de beaucoup le temps historique. La seule solution possible est de transférer la propriété de ces substances à un organisme public, seul susceptible de perdurer pendant des siècles, comme cela a été le cas en France avec les « Eaux et forêts » ou en Hollande avec les « Waterstaaten ». Je le disais tout à l’heure dans mon intervention en termes moins pédants : il s’agit d’hydraulique, ce qui est, dans ce pays, un véritable phénomène historique, hérité de l’action des hommes à travers les siècles.

Le transfert de propriété à l’ANDRA se ferait moyennant le paiement d’une indemnité préalable. Nous reposons le problème, sachant que la majorité est hostile à cette solution vers laquelle, cependant, je le crois, nous nous dirigeons par la force des choses.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable car il s’agit d’une précision rédactionnelle qui permet de distinguer mieux stockage et entreposage mais une telle mention n’est pas contradictoire avec la réversibilité. Celle-ci a la possibilité de reprendre, mais dans une installation prévue pour conserver et pouvant être fermée, sous réserve désormais d’une loi pour le stockage en couche géologique profonde. Par conséquent, les déchets sont potentiellement dans cet endroit, jusqu’à ce qu’une loi décide qu’on les mette ailleurs !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Cette modification, apportée par le rapporteur du Sénat, ne va pas du tout à l’encontre de la réversibilité, pour laquelle toutes les garanties ont été prises, notamment à l’article 8 : une nouvelle loi devra fixer les conditions de réversibilité ; le stockage débutera par une période de réversibilité d’une durée minimale qui ne pourra être inférieure à cent ans ; l’autorisation qui sera donnée dans une dizaine d’années devra prendre en compte les dispositions prévues par la loi qui la précédera en matière de réversibilité ; enfin, ce sera une autre loi qui autorisera, le moment venu, une éventuelle fermeture du stockage, et cela, pas avant cent ans.

Je pense donc que toutes les garanties sont données en matière de réversibilité. Le texte a au moins le mérite de clarifier les choses.

Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 2.

M. le président. La parole est à M. François Dosé.

M. François Dosé. Si je n’avais dû intervenir qu’une fois, cet après-midi, ce serait vraiment sur ce point. Je trouve que cette mention transforme la vocation de la réversibilité. Nous essayons, en exerçant notre vigilance, de faire en sorte que, chaque fois que faire se peut, le « colis » soit mis en position de réversibilité. Cela dit, nous ne sommes pas dupes : si, dans trois ou quatre siècles, cela se révèle impossible, il faudra bien faire avec ! Si la société, dans un siècle, est plus dangereuse qu’aujourd’hui, nos petits-enfants pourraient bien se prononcer pour l’irréversibilité parce qu’elle deviendrait plus protectrice !

Mais en ajoutant ces mots, le Sénat fait la démonstration – qui a bien pu inspirer cela ? – que la réversibilité n’est qu’un gadget intellectuel. Il s’agit de conserver « de façon potentiellement définitive » ! J’ai dit à la tribune ce que je pensais de cette formulation bien peu académique !

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous avons fait un long chemin ensemble : vous savez aussi bien que moi que les garanties étaient suffisantes. La rédaction du Sénat restreint la notion de réversibilité. Nous verrons comment elle sera interprétée hors de cet hémicycle. Soyons attentifs à ce qui s’écrira à ce propos sur Internet, dans les semaines qui viennent !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(L’amendement n’est pas adopté.)


M. le président.
Je suis saisi d'un amendement n° 23.

La parole est à M. François Dosé, pour le soutenir.

M. François Dosé. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Défavorable.

Ce point sera précisé dans la loi de 2015.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 4

M. le président. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Article 5

M. le président. Sur l’article 5, je suis saisi d'un amendement n° 16.

La parole est à M. Christian Bataille, pour le soutenir.

M. Christian Bataille. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 15.

La parole est à M. François Dosé, pour le soutenir.

M. François Dosé. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 12.

La parole est à M. Christian Bataille, pour le soutenir.

M. Christian Bataille. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Défavorable.

L’adoption de cet amendement reviendrait à interdire le retour de déchets techniques issus du traitement de combustibles étrangers. Je suis sûr, monsieur Bataille que tel n’est pas l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Également défavorable.

J’en profite pour rappeler que la France a signé et ratifié la convention internationale sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs, qui exclut l’exportation de déchets radioactifs vers les pays en voie de développement.

M. le président. Monsieur Bataille, maintenez-vous l’amendement ?

M. Christian Bataille. Oui, monsieur le président.

On ne saurait mieux s’en assurer qu’en le disant. J’en veux pour preuve les raisonnements que j’ai entendus en 1989, dans le cadre de mon premier rapport, et dont je ne suis pas sûr qu’aujourd’hui, en 2006, ils soient totalement sortis de la tête de certains de nos responsables qui rêvaient à l’époque d’exporter nos déchets au Sahara, voire de les stocker sous une pyramide de cuivre dans la Cordillère des Andes ! Cette proposition émanait même d’un scientifique reconnu dont je ne devrais pas médire, ayant pour lui la plus grande estime.

M. le ministre délégué à l’industrie et M. Claude Birraux, rapporteur. Sans doute un géologue ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Article 6

M. le président. Sur l’article 6, je suis saisi d'un amendement n° 4.

La parole est à M. Christian Bataille, pour le soutenir.

M. Christian Bataille. Il s’agit, à la fin de l’alinéa 7 de l’article 6, de substituer aux mots : « l’Académie des sciences morales et politiques » les mots : « la Haute autorité de sûreté nucléaire. ».

La Haute autorité de sûreté nucléaire, qui vient d’être instituée par la loi sur la transparence nucléaire, serait mieux à même que l’Académie des sciences morales et politiques – bien que j’aie la plus grande estime pour cette institution – pour sélectionner des personnalités ayant des connaissances scientifiques dans le domaine des déchets radioactifs. L’expérience prouve que la commission a besoin de spécialistes et non de philosophes ou de politologues.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Défavorable.

L’Autorité de sûreté nucléaire – tel est son nom depuis le vote de l’Assemblée nationale – est une autorité administrative indépendante et, en tant que telle, elle n’a pas vocation à désigner des personnalités. Je pense que Christian Bataille me rejoindra sur ce point.

La précédente Commission nationale d’évaluation, qui a remarquablement travaillé – et je rends hommage à son président, M. Tissot –, comptait essentiellement des scientifiques. Il nous a paru intéressant d’y adjoindre une personnalité susceptible de conduire une réflexion d’ordre éthique. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que l’Académie des sciences morales et politiques désigne un membre de la CNE.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

C’est d’ailleurs l’actuel président de la Commission nationale d’évaluation qui en a fait la suggestion, et nous nous rangeons à son avis.

M. le président. Monsieur Bataille, maintenez-vous cet amendement ?

M. Christian Bataille. Oui.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6 bis

M. le président. Sur l’article 6 bis, je suis saisi d'un amendement n° 7.

La parole est à M. François Cornut-Gentille, pour le soutenir.

M. François Cornut-Gentille. J’ai souligné dans mon intervention liminaire l’importance que j’attache au plan de transport des déchets. C’est pourquoi j’ai déposé trois amendements qui réintroduisent à chaque stade de la procédure – dans les débats du Haut comité pour la transparence et l’information sur la sûreté nucléaire pour l’amendement n° 7 – l’obligation de prendre en compte le transport des déchets. Il est important de le solenniser dans la loi, car c’est un élément décisif pour les populations concernées. Le rapporteur me répondra que c’est prévu, mais j’aurais souhaité que cela le soit plus clairement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Votre demande, mon cher collègue, est d’ores et déjà satisfaite par la rédaction actuelle puisque les débats sur le transport des déchets – qui est un aspect de leur gestion – sont prévus.

En outre, la loi de transparence et de sûreté nucléaire donne compétence au Haut comité pour organiser des débats contradictoires dans le domaine de la sûreté nucléaire, qui inclut le transport de ces déchets. L’amendement du Sénat, qui confie au Haut comité le soin d’organiser les débats, satisfait donc pleinement votre demande, mon cher collègue.

M. le président. La parole est à M. François Cornut-Gentille.

M. François Cornut-Gentille. Je retire l’amendement.

M. le président. L'amendement n° 7 est retiré.

Je mets aux voix l'article 6 bis.

(L’article 6 bis est adopté.)

Article 7 bis

M. le président. Le Sénat a supprimé l’article 7 bis.

Article 8

M. le président. Sur l’article 8, je suis saisi d'un amendement n° 8.

La parole est à M. François Cornut-Gentille, pour le soutenir.

M. François Cornut-Gentille. Il s’agit d’intégrer le plan de circulation au moment de la demande d’autorisation de créer un centre de stockage.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Défavorable.

Votre amendement étant satisfait par les procédures actuelles, cette précision ne semble pas nécessaire. La question des transports sera traitée au stade du débat public, au stade de l’enquête publique et dans le dossier de demande d’autorisation présenté par l’exploitant. Tout ceci sera traité en temps voulu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis que celui exprimé par la commission.

Le plan de circulation doit figurer dans la demande d’autorisation. Cet amendement est donc satisfait par les textes traitant des demandes d’autorisation.

M. le président. La parole est à M. François Dosé.

M. François Dosé. Pour avoir vécu cette situation pendant une quinzaine d’années, je peux dire qu’il s’agit d’un sujet sensible. À Bar-Le-Duc, des manifestations ont été assez violentes pour conduire à un décès. Je vous demande donc, monsieur le ministre, mes chers collègues, d’anticiper sur cette question.

Il conviendrait, par exemple, de faire figurer en annexe de la demande d’autorisation un document établi par l’IRSN ou par une autre institution compétente pour préciser les risques et les précautions à prendre. Le transport pose parfois plus de problèmes que la gestion du centre lui-même.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 18.

La parole est à M. François Dosé, pour le soutenir.

M. François Dosé. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Défavorable.

La majorité et l’opposition ont trouvé un accord sur une rédaction commune en première lecture, à l’occasion d’une suspension de séance.

M. le président. La parole est à M. François Dosé.

M. François Dosé. Je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 18 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 17.

La parole est à M. François Dosé, pour le soutenir.

M. François Dosé. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 32.

La parole est à M. François Dosé, pour le soutenir.

M. François Dosé. Je l’ai indiqué tout à l’heure lors de mon intervention, il aurait été préférable, dans une optique d’acceptabilité sociétale, de retenir une durée minimale de trois siècles au lieu d’un. Il ne s’agit pas d’une fuite en avant, mais un siècle correspondant au temps de remplissage du centre de stockage, cette disposition prend l’allure d’un gag.

Vous demandez que le stockage soit réversible, mais il l’est par nature : il faut bien ouvrir la porte pour déposer les colis venant de l’extérieur ! Est-il besoin de 577 législateurs pour conclure que le stockage doit être réversible pendant cent ans ? On aurait pu retenir à la rigueur deux siècles, mais un siècle, ce n’est vraiment pas pertinent ! Je le dis d’autant plus librement que je ne serai pas candidat aux prochaines élections. Cela étant, je suis aussi un citoyen et je souhaite que ce texte marque une avancée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Défavorable.

Je me suis déjà exprimé sur ce sujet dans ma réponse à la motion que vous avez soutenue, monsieur Dosé, et lors de la discussion générale en première lecture. La loi de 2015 définira la durée à l’aune des connaissances du moment.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Également défavorable.

Votre crainte est légitime, monsieur Dosé, dès lors qu’on admet que la période de remplissage est de cent ans. Mais on peut très bien imaginer des sites se remplissant en dix ou quinze ans.

M. François Dosé. Ce n’est pas vrai !

M. le ministre délégué à l’industrie. Il n’y a aucune raison d’imaginer systématiquement un site dont le remplissage dure cent ans. Pourquoi pas plusieurs sites voisins ?

En réalité, nous ne connaissons pas la durée du stockage. Il faudra encore au moins dix ans de recherche pour pouvoir définir les conditions de la réversibilité dans une nouvelle loi. Il faut donc dissocier la durée minimale pendant laquelle la réversibilité doit être assurée et le temps de remplissage d’un centre de stockage. Quand j’ai écrit cent ans – et non 200 – dans le texte, j’ai suivi l’avis des évaluateurs qui, eux-mêmes, s’appuient sur des années de recherche. Une durée de cent ans paraît compatible avec les évaluations techniques qui ont été faites jusqu’à présent.


Ce choix est donc d’une neutralité à toute épreuve.

Enfin, je ne peux que reprendre l’argument qui faisait rire Mme Jambu tout à l’heure : rien n’interdit de se reposer la question dans dix ans. L’état des connaissances permettra peut-être d’affirmer alors qu’une durée de 200 ans serait préférable. L’examen de la loi sur la réversibilité est prévu en 2015 : ce sera le bon moment pour y revenir.

M. le président. La parole est à M. François Dosé.

M. François Dosé. Cet échange, monsieur le ministre, je ne le veux pas polémique, mais au contraire respectueux. Si on peut envisager d’étendre la durée de réversibilité à l’occasion de la loi de 2015, pourquoi ne pas le faire tout de suite, quitte à ramener, dans dix ans, cette durée à cent ans si cela apparaît préférable ? Je préfère que les choses se fassent dans ce sens. Votre dernier argument ne tient donc pas.

Vous vous référez aux évaluateurs. Nous avons beau être tous deux passionnés par le sujet, monsieur le ministre, nous ne devons pas avoir lu les mêmes livres. Les études des matériaux, qu’il s’agisse du béton, des métaux, et surtout de la roche montrent que cent ans constituent un minimum insuffisant. L’argile, on le sait, se referme progressivement. Le colis peut retenir la radioactivité pendant des siècles, mais certains sols peuvent se fermer assez rapidement : dans des salines, l’affaire serait même réglée en cinquante ans.

Enfin, pour répondre à votre premier argument, j’essaie, avec la plus grande honnêteté possible, de faire le lien entre ce qui relève des obligations techniques et ce qui est acceptable par la population. Il vous faut en tenir compte ! Si, demain, personne ne croit à ce qui est écrit, si chacun imagine que derrière les mots se cache une tromperie, nous sommes mal partis ! Il me semble donc préférable d’écrire que la réversibilité du stockage doit être assurée pendant deux siècles plutôt que de retenir une durée – cent ans – que chacun a identifiée, depuis une petite décennie, comme étant celle du remplissage du centre.

Vous affirmez que les centres pourraient se remplir en dix ou quinze ans et que d’autres prendraient le relais. Mais il faudrait alors créer de nombreux laboratoires ! Or on ne peut imaginer l’existence d’une dizaine de petits centres de stockage de déchets radioactifs de haute activité et à vie longue en France, non seulement parce qu’ils coûtent cher et que nous sommes comptables des deniers publics, mais aussi parce que ce serait déraisonnable du point de vue de la sécurité : un centre de ce type doit présenter une certaine taille. Il y en aura sans doute un ou deux, mais pas dix. Compte tenu de la quantité prévisible de déchets à traiter, cela représente un temps de remplissage assez long, de huit ou neuf décennies, voire d’un siècle, d’autant que pour une même masse traitée, les déchets de type C sont moins volumineux aujourd’hui qu’il y a dix ou quinze ans. Quoi qu’il en soit, tel qu’il est rédigé, l’article 8 ne permet pas de répondre aux défis qui se présentent à nous.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Birraux, rapporteur. Nous essayons de tenir un raisonnement aussi rigoureux, aussi scientifique que possible. Que dit la loi ? Que la durée de réversibilité ne peut être inférieure à cent ans. En fait, elle sera supérieure : si on compte soixante ans de fonctionnement pour des réacteurs EPR disponibles en 2010, cela nous mène en 2070, et avec le temps de refroidissement, en 2120.

Je peux retourner votre raisonnement. Dans votre amendement, vous proposez une durée de 300 ans. Selon l’ANDRA, cela demanderait des études complémentaires, mais on pourrait le faire.

M. François Dosé. J’aurais dû mettre 200 ans !

M. Claude Birraux, rapporteur. Mais pensez-vous que la population aura davantage confiance si nous fixons une durée de 300 ans plutôt que de 100 ans ? Une loi définira la réversibilité, et il ne pourra y être mis fin que par une autre loi votée par le Parlement. Nous avons donc suffisamment de garanties.

M. le président. La représentation nationale me paraît suffisamment éclairée : nous allons passer au vote.

Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Article 9

M. le président. Sur l’article 9, je suis saisi d'un amendement n° 19.

La parole est à M. Christian Bataille, pour le soutenir.

M. Christian Bataille. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 9.

La parole est à M. François Cornut-Gentille, pour le soutenir.

M. François Cornut-Gentille. M. le ministre ayant été très clair en ce qui concerne la zone de proximité, je le retire.

M. le président. L’amendement n° 9 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 21.

La parole est à M. Christian Bataille, pour le soutenir.

M. Christian Bataille. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 20.

La parole est à M. Christian Bataille, pour le soutenir.

M. Christian Bataille. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 24.

La parole est à M. Christian Bataille, pour le soutenir.

M. Christian Bataille. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

Article 10

M. le président. Sur l’article 10, je suis saisi d’un amendement n° 5.

La parole est à M. Christian Bataille, pour le soutenir.

M. Christian Bataille. Nous proposons que l’ANDRA soit chargée des recherches et des études sur le stockage de déchets radioactifs qu’elle ne peut accueillir dans ses installations actuelles. J’ai déjà insisté tout à l’heure sur la nécessité d’étendre les compétences de cette agence : je n’y reviens donc pas.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. L’article 1er bis prévoit déjà la conduite de recherches sur ces questions. L’ANDRA y participera au titre de sa mission générale de gestion des déchets établie par la loi Bataille, qui n’a pas été modifiée. Il ne faut pas exclure que d’autres organismes puissent apporter leur contribution : le CNRS ou l’INERIS, par exemple. La rédaction proposée aurait pourtant cet effet négatif. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis. Je suis d’accord avec l’esprit de l’amendement, mais il est satisfait par d’autres parties du texte.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10.

(L'article 10 est adopté.)

Article 11 bis

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille, inscrit sur l’article 11 bis.

M. Christian Bataille. Concernant le financement des centres d’entreposage et de stockage, je voudrais insister sur l’importance que revêt la création d’un fonds externalisé dédié. Le règlement de notre assemblée a conduit à écarter de la discussion la plupart des amendements que nous avions déposés sur l’article 11 bis, mais rien n’empêche de poser à nouveau le problème. La Cour des comptes elle-même, dans son dernier rapport annuel, a recommandé de mettre en place des systèmes visant à sécuriser les fonds dédiés aux charges nucléaires futures. Or le texte ne le fait pas. C’est un manque grave, sur lequel nous seront certainement amenés à revenir dans un autre projet de loi.

M. le président. Sur cet article, je suis saisi d'un amendement n° 11.

La parole est à M. Christian Bataille, pour le soutenir.

M. Christian Bataille. Je viens de le défendre.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Bien que nous ayons déjà discuté longuement de la question en première lecture, je souhaite prendre le temps de répondre de manière approfondie à cet amendement important, même si, compte tenu des contraintes de l’article 40 de la Constitution, il est essentiellement d’appel.

Nous partageons tous le même objectif de sécuriser de manière absolue le financement de l’aval du cycle, afin de garantir qu’il ne puisse en aucun cas être mis à la charge des contribuables. Pour ce faire, deux options étaient envisageables. La première, celle du fonds externalisé, est tout à fait respectable, et je l’ai d’ailleurs moi-même longtemps envisagée. Elle pose toutefois une vraie difficulté.

Deux variantes sont possibles. La première est que le transfert des déchets au fonds ne s’accompagne pas d’un transfert de propriété. Mais alors, les opérateurs doivent payer deux fois, car ils seront tenus de constituer des provisions tout en abondant le fonds. Cette solution n’est donc pas satisfaisante.

L’alternative serait un transfert de propriété des déchets au fonds et donc à la collectivité publique. Mais alors, une mauvaise évaluation des charges de gestion pourrait aboutir à des surcoûts pour le contribuable. Contre ce risque technique, nous n’avons pas les moyens de nous prémunir absolument, du moins en l’état actuel des connaissances.

L’autre option, celle retenue par le projet de loi, consiste à contraindre les opérateurs à constituer dans leurs comptes des provisions et des actifs dédiés sécurisés. Le risque est alors que les actifs soient mal gérés, ou que les opérateurs soient défaillants. Je ne nie pas ce risque, mais à la différence du risque technique sur l’évaluation, nous pouvons prendre des mesures pour nous en prémunir.

Des garanties importantes existaient dans le projet de loi initial, que nous avons considérablement enrichies, en décidant de renforcer le contrôle par la création d’une commission nationale d’évaluation financière indépendante ; de créer un deuxième fonds dédié ; et surtout, de permettre à l’administration, au moindre doute sur la gestion des opérateurs, de contraindre ces derniers à abonder le fonds. Cela revient en fait à permettre – mais seulement en cas de besoin – la création du fonds externalisé souhaité par nos collègues socialistes.

Le Sénat a encore renforcé ce dispositif en élargissant la possibilité d’abondement aux charges relatives au démantèlement des installations.

Enrichi par le Parlement, le projet de loi apporte donc aujourd’hui, selon moi, une solution équilibrée et efficace à l’enjeu majeur que constitue la sécurisation du financement de l’aval du cycle. Cette solution intègre en partie les préoccupations de M. Bataille et de nos collègues socialistes. J’estime qu’il n’est pas souhaitable d’aller au-delà, et suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?


M. le ministre délégué à l’industrie.
Le sujet est d’une grande importance en termes financiers puisqu’il met en jeu 40 milliards d’euros pendant les trente prochaines années. Si nous suivions votre proposition, il faudrait sans doute procéder à un appel d’offres afin d’avoir le choix entre plusieurs opérateurs financiers pour assurer un tel mandat. Ce n’est pas notre choix.

Ce texte contient toutes les dispositions nécessaires pour sécuriser le financement à la fois du démantèlement et de la gestion durable des déchets radioactifs.

Nous avons précisément demandé aux exploitants d’installations nucléaires d’évaluer de manière prudente les charges pour le démantèlement et la gestion des déchets et de constituer des provisions. Pour cela, les exploitants doivent constituer des actifs dédiés, gérés au sein des entreprises en bon père de famille, sous le contrôle de l’État. Ces actifs sont cantonnés juridiquement, c'est-à-dire qu’ils sont protégés même en cas de faillite, avec la possibilité, le cas échéant, de consigner ces sommes dans le fonds externe créé au sein de l’ANDRA pour la construction et l’exploitation des installations.

Enfin, votre assemblée a renforcé la sécurité du dispositif en instaurant une commission nationale relevant du Parlement, chargée d’évaluer le contrôle effectué par l’autorité administrative, laquelle commission peut encore être contrôlée par la Cour des comptes. Bref, nous avons la ceinture et les bretelles.

Le dispositif que nous avons mis en place répond aux préoccupations du groupe socialiste et nous n’avons pas le sentiment, après toutes les explications que nous avons données en première et en deuxième lectures, tant à l’Assemblée qu’au Sénat, qu’un rapport soit nécessaire avant la fin de l’année sur ce sujet. Par conséquent, je suis défavorable à l’amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 11 bis.

(L'article 11 bis est adopté.)

Article 11 ter

M. le président. L’article 11 ter ne faisant l’objet d’aucun amendement, je le mets aux voix.

(L'article 11 ter est adopté.)

Article 12

M. le président. Sur l’article 12, je suis saisi d’un amendement n° 10.

Monsieur François Cornut-Gentille, vous le retirez sans doute ?

M. François Cornut-Gentille. J’aimerais entendre le rapporteur avant de retirer éventuellement cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

M. Claude Birraux, rapporteur. L’amendement n° 10 est satisfait puisque le CLIS a déjà, de par sa mission générale, compétence pour se préoccuper des questions relatives aux transports.

M. le président. Monsieur Cornut-Gentille, êtes-vous, vous aussi, satisfait ?

M. François Cornut-Gentille. Je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 10 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 26.

La parole est à M. François Dosé, pour le soutenir.

M. François Dosé. J’insiste, je pense qu’une présidence élue aurait plus de crédibilité qu’une présidence suggérée, nommée, désignée, fût-ce par des personnalités aussi importantes que les présidents des conseils généraux.

Le comité est un médiateur entre l’opinion et les institutions. Contrairement à ces dernières, qui peuvent être soupçonnées de faire de la propagande à travers les informations qu’elles donnent, le CLIS fait entendre plusieurs voix. Et cette diversité de la parole serait aussi bien portée si le président était élu. Ce n’est pas un problème de gauche ou de droite. Si c’est un conseiller général, voire le président lui-même, qui est élu, c’est que cette personne aura une autorité morale forte, notamment vis-à-vis des sociétés environnementales. Et si, par un geste de méfiance, on vote plutôt pour quelqu’un qui est le poil à gratter, ce ne sera pas dramatique. Dans une démocratie, cela peut permettre de faire avancer les choses.

Telles sont les raisons pour lesquelles je préférerais que le président du CLIS soit élu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Défavorable. Nous avons eu ce débat en première lecture. Vous aviez alors proposé que ce soit le préfet qui soit chargé de la désignation. Je vous avais répondu que dans son Livre blanc, l’Association nationale des commissions locales d’information, présidée par M. Delalonde, que vous connaissez peut-être, tout comme Christian Bataille puisqu’il est de son département, avait réclamé l’application du droit commun pour Bure, c'est-à-dire que la présidence soit assurée par un conseiller général désigné. Telle était la position unanime de l’ANCLI.

Aujourd’hui, nous appliquons le droit commun fixé par la loi relative à la transparence et la sécurité en matière nucléaire, ce droit commun s’inspirant lui-même de la circulaire Mauroy du 18 décembre 1981.

M. François Dosé. Il y a plus de vingt ans !

M. Claude Birraux, rapporteur. Vous voyez aujourd’hui un député de droite défendre une circulaire d’un Premier ministre socialiste pour répondre à un député socialiste qui veut déroger à cette règle générale. Voilà un bel exemple de continuité républicaine. Mes chers collègues, je vous invite vivement à rejeter cet amendement.

M. le président. Je vois M. Lachaud souscrire à cette idée.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l’amendement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Devant la démonstration du rapporteur, je m’incline et j’émets un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 12.

(L'article 12 est adopté.)

Article 14

M. le président. Sur l’article 14, je suis saisi d’un amendement n° 27.

Cet amendement est-il défendu ?

M. Christian Bataille. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Défavorable. La Commission nationale d’évaluation est une instance d’expertise et non de débat. Elle n’a pas vocation à représenter les différentes catégories associatives ou socioprofessionnelles.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Article 15

M. le président. Sur l’article 15, je suis saisi d’un amendement n° 28.

Cet amendement est-il défendu ?

M. Christian Bataille. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 29.

Cet amendement est-il défendu ?

M. Christian Bataille. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 25.

Cet amendement est-il défendu ?

M. Christian Bataille. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 31.

Cet amendement est-il défendu ?

M. Christian Bataille. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 6.

La parole est à M. François Dosé, pour le soutenir.

M. François Dosé. Définir, en milieu rural, une zone de façon mathématique en prenant un rayon de dix kilomètres autour du laboratoire, demain du centre, ne correspond à aucune réalité. Nous proposons que toutes les intercommunalités situées à proximité de Bure, même si elles sont à onze ou quinze kilomètres, soient concernées par cet article et donc, le cas échéant, bénéficiaires de cette fameuse somme fléchée. En effet, le bourg relais sur lequel s’adossent le collège, les activités artisanales, peut se trouver dans cette zone plus éloignée. Nous ne pouvons pas nous en tenir aux seules communes, lesquelles ont légué, parfois même largué, à l’intercommunalité leurs compétences économiques. Ce ne serait pas raisonnable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Défavorable, pour les raisons déjà données précédemment en réponse à une motion de procédure.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable. J’ai expliqué dans mon intervention initiale que le décret serait pris après une large concertation, qui permettra d’apporter des réponses précises dans ce domaine.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 30.

Cet amendement est-il défendu ?

M. Christian Bataille. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Birraux, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15.

(L'article 15 est adopté.)

Article 16

M. le président. L’article 16 ne faisant l’objet d’aucun amendement, je le mets aux voix.

(L'article 16 est adopté.)

Article 18

M. le président. Le Sénat a supprimé l’article 18.

Nous en avons terminé avec l’examen des articles.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Birraux, rapporteur. Je voudrais dire quelques mots avant que nous ne votions définitivement cette loi sur la gestion des matières et des déchets radioactifs.

C’est avec une certaine émotion que je vois arriver l’aboutissement de quinze années de travail, depuis 1991. Le parlementaire expérimenté que je suis, pour ne pas dire le vieux parlementaire, est heureux de voir consacré, aujourd’hui et pour les années à venir, le rôle du Parlement.

Le Parlement a été au cœur de ce dossier depuis quinze ans, et il restera au cœur de ce dossier. C’est l’honneur du Parlement, l’honneur des parlementaires qui se sont succédé et qui ont travaillé sans relâche pour que ce dossier n’échappe pas au contrôle du Parlement et reste au cœur de la démocratie qu’est le Parlement.

Je remercie tous mes collègues qui ont soutenu le rapport et le projet de loi, ainsi que les membres de l’office parlementaire qui ont fait confiance à Christian Bataille et à moi-même pour mener l’évaluation de la loi de 1991.

Je remercie également le Gouvernement et particulièrement vous, monsieur le ministre, pour votre écoute, ainsi que vos services avec lesquels j’ai pu travailler activement, d’une manière extrêmement libre et avec le souci de faire avancer ce dossier et de faire respecter les prérogatives du Parlement.

Confucius disait qu’on ne définit pas de politique pour un poste que l’on n’occupe pas. J’aimerais souligner la qualité du travail des parlementaires et du Gouvernement, qui a été particulièrement sensible à nos remarques. Il en est résulté un débat démocratique, apaisé, serein et responsable.

Je me félicite de la confiance ainsi marquée dans l’action parlementaire. Comme Christian Bataille le soulignait tout à l’heure dans son intervention, c’est un gage pour que ce dossier continue dans la bonne voie que nous avons voulu imprimer, mes chers collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. François Dosé, pour le groupe socialiste.

M. François Dosé. Ma position n’est pas forcément celle du groupe socialiste et si Christian Bataille souhaite intervenir, il peut le faire – l’un ne gomme pas l’autre.

Lorsque, conseiller général, j’ai voté pour la possibilité d’installer un laboratoire dans mon département, je n’imaginais pas qu’un jour je serais dans cet hémicycle. Avouez que si le rapporteur imagine une boucle qui lui est personnelle, la mienne est d’une autre facture.

J’ai dit non à ce projet de loi en première lecture car le texte m’apparaissait inacceptable. Qu’en est-il aujourd’hui ?

D’abord, il fait honneur au travail parlementaire. Ceux qui compareront le projet qui a été déposé ici en première lecture et le texte définitif qui va être adopté comprendront ce qu’est le travail du Parlement, ils verront comment le texte a été amélioré.

Ensuite, ce texte permet, au-delà des engagements qui étaient les nôtres, et malgré le fait que nous ne sommes pas au terme des quinze ans prévus dans la loi Bataille, de recaler le rôle du politique, de réaffirmer le rôle du Parlement. Certes, la définition n’est pas encore certaine, mais on voit bien la hiérarchisation prioritaire de la réversibilité sur l’irréversibilité, le temps donné aux générations futures, au moins quatre, pour décider s’il doit y avoir réversibilité ou non.

Puis, il y a l’idée que je me fais de la politique. Je crois que le nucléaire civil sera un élément du mix énergétique encore pendant longtemps. Ses déchets doivent donc être assumés. Je crois aussi que l’homme politique doit être le lien entre la population qu’il représente et les institutions qui doivent composer, les unes et les autres, avec des exigences techniques, financières, et de pouvoir parfois.

Il me serait facile ce soir de redire non. Je n’ai pas envie de le faire. Pour continuer d’être ce lien-là, pour faire en sorte qu’on ne puisse pas imaginer que le positionnement politique s’adosse au périmètre électoral, je m’abstiendrai. Cette abstention sera, pour aller dans le sens de ce que disait mon collègue de Saint-Dizier tout à l’heure, vigilante, méfiante vis-à-vis de l’institution, motivée par une exigence morale et éthique. Je m’abstiendrai, pour faire en sorte que nous puissions trouver cette appropriation, cette acceptation sociétale d’un maillon bien délicat à vivre au quotidien et dans la proximité.

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.


M. Luc Chatel
.
Je voudrais souligner que, tant dans la partie préparatoire que dans les discussions qui ont eu lieu au sein des deux chambres, ce débat, qui arrive à son terme, fait partie des moments qui honorent le travail du Parlement. D’abord, parce qu’il nous permet de prendre nos responsabilités, au sens propre du terme, vis-à-vis des générations futures ; ensuite, parce que, comme cela a été dit par notre rapporteur, Claude Birraux, le Parlement a joué pleinement son rôle en apportant une véritable valeur ajoutée, en enrichissant le texte et en le rendant acceptable par la grande majorité d’entre nous.

Je voudrais saluer l’action des hommes qui ont travaillé depuis une quinzaine d’années sur ces questions – qui sont des questions difficiles, techniques, liées au domaine de la recherche – et qui, au nom de notre assemblée, ont fait en sorte de nous proposer le texte le plus acceptable possible et le plus responsable aujourd'hui vis-à-vis de nos enfants. Merci en particulier à Claude Birraux et à Christian Bataille, et merci au Gouvernement d’avoir compris que le Parlement devait pleinement jouer son rôle.

Compte tenu donc des avancées considérables que nous avons évoquées les uns et les autres depuis le début de l’après-midi, concernant à la fois le rôle du Parlement et la place que celui-ci devra occuper dans les années à venir – rendez-vous parlementaires, principe de la réversibilité – mais aussi les nombreuses possibilités d’information et de concertation offertes aux populations locales, comme leur accompagnement économique, sur lequel les députés de Haute-Marne et de Meuse, ont particulièrement insisté, le groupe UMP votera bien entendu ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Yvan Lachaud. Pour les mêmes raisons, le groupe UDF se réjouit de l’avancée que constitue ce texte et voudrait s’associer aux félicitations adressées à M. Biraux, à M. Bataille et au Gouvernement.

C’est pourquoi le groupe UDF votera ce texte avec plaisir.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. le ministre délégué à l’industrie. Je voudrais à mon tour vous remercier, mesdames, messieurs les députés, et faire trois remarques.

Alors qu’il y a quelques années, on disait que beaucoup de décisions étaient prises dans le domaine de l’énergie sans que jamais le Parlement y soit associé, les débats se sont multipliés sous les gouvernements Raffarin et Villepin – ce fut encore le cas hier – et la tendance s’est inversée.

Ce texte est issu du travail de chercheurs spécialistes. Ils nous ont fourni des rapports, longs et importants, que nous avons su transformer en débat politique, au sens le plus noble du terme. L’énergie est un sujet qui concerne tout le monde, chacun en consomme quotidiennement et beaucoup en produisent. Je ferai d’ailleurs remarquer au passage que, dans certaines langues, un seul mot sert à désigner à la fois l’énergie et le pouvoir.

Ces débats ont donc permis de traduire un travail scientifique en une loi qui, je l’espère – et c’est mon second point –, sera un texte fort. La loi Bataille a été en son temps un texte fort, qui a su inspirer, quinze ans après, une nouvelles loi nourrie par tous les travaux réalisés entre-temps. Le texte que vous avez voté nous engage pour très longtemps – cent ou trois cents ans, nous sommes-nous demandé –, car il est normal que, sur un sujet d’une telle importance et qui concerne tous le monde, la loi s’inscrive dans la durée.

Ma troisième remarque est que nous avons accompli un travail de conciliation entre la science et la société, ce qui fait partie des choses les plus difficiles à faire. Il est parfois compliqué, en effet, de traduire simplement sur le terrain ce que les scientifiques conçoivent clairement.

Les élus expliquent parfois qu’ils sont là pour faire de la pédagogie vers le haut. En matière scientifique, c’est de la pédagogique dans tous les sens qu’il faut faire ! Tous ensemble, nous avons réussi à faire converger les résultats scientifiques et les préoccupations de la société.

Il s’agit donc d’un texte, fort et durable dont je vous remercie beaucoup. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Mardi 20 juin 2006, à neuf heures trente, première séance publique :

Questions orales sans débat.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Discussion du projet de loi, n° 3109, portant règlement définitif du budget de 2005 : discussion générale ;

Rapport, n° 3155, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 3109, portant règlement définitif du budget de 2005 : débat sur les crédits de l’équipement de la défense ;

Rapport n° 3155, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Avis, n° 3163, de M. Guy Tessier, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-sept heures cinquante.)