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(La séance est ouverte à quinze heures.)
Nous commençons par une question du groupe UMP.
Monsieur le Premier ministre, quelles sont les mesures prises pour que le travail paie plus que l’assistance, pour que le fruit du travail ne soit pas confisqué et pour faire en sorte que les bons chiffres officiels de la baisse du chômage et de l’augmentation de la croissance se traduisent dans la réalité quotidienne des Français ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le député, vous nous invitez, et je vous en remercie, à entrer de plain-pied dans la réalité quotidienne des Françaises et des Français.
Mais nous avons besoin d’une politique plus ambitieuse encore en matière de pouvoir d’achat.
Outre le cadeau fait aux actionnaires privés de Suez par l’inéluctable augmentation des tarifs,…
Au sujet de la privatisation de Gaz de France (Brouhaha sur les mêmes bancs), monsieur le ministre, vous étiez, en 2004, lucide et sentencieux ; vous êtes, en 2006, perfide et silencieux. C’est sans doute cela que vous appelez « la rupture » ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et applaudissement sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mme Gettliffe vit, depuis maintenant plusieurs années, une situation humainement très éprouvante. Le Gouvernement ne ménage pas ses efforts pour qu’une solution soit trouvée à cette délicate affaire, dans le respect du droit ainsi que dans celui du principe d’humanité. Nous apportons tout le soutien possible à Mme Gettliffe. Le consul général de France à Vancouver est intervenu depuis le début pour obtenir des assurances sur les conditions de son incarcération, en particulier au regard de la naissance, mardi dernier, de son fils Martin. Outre les visites qu’il lui a rendues, notre consul a rencontré les responsables de la prison et obtenu de ces derniers qu’une attention médicale particulière soit portée à Mme Gettliffe et à son fils. Il est également intervenu pour que des facilités lui soient accordées concernant ses communications téléphoniques avec ses proches en France. Le transfert de Mme Gettliffe, le 24 mai dernier, dans un nouvel établissement pénitentiaire, situé à une soixantaine de kilomètres de Vancouver, lui a apporté de ce point de vue, de meilleures garanties, en particulier sur le plan médical puisque son accouchement a pu avoir lieu dans un hôpital en dehors de la prison.
La situation de notre compatriote a été évoquée par le Président de la République auprès du Premier ministre du Canada, M. Harper, lors de sa visite à Paris au mois de juillet dernier. Philippe Douste-Blazy a également discuté de ce dossier avec son homologue canadien au mois d’août dernier pour que Mme Gettliffe reçoive tous les soins nécessaires à son état de santé. Pour le reste, une procédure est en cours au Canada, après qu’une procédure a été instruite en France. Il faut attendre qu’elle aille jusqu’à son terme. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Vous vous êtes rendu coupable de deux dénis de démocratie, qui sont autant d’abandons de souveraineté.
Vous avez méprisé l'opposition de tous les syndicats de GDF et de Suez…
Vous rejetez, par dogmatisme, l'idée d'une fusion EDF-GDF, mais vous acceptez, aveuglément, à l'avance, les conditions imposées par la Commission européenne et les prétentions des actionnaires de Suez.
Vous refusez qu'un bilan des conséquences de la libéralisation de l'énergie soit dressé. À l'augmentation des prix, qui est, d’ores et déjà, en France, de 50, 60 % et même plus, vous répondez par la légalisation d'une hausse de 30 %. Avec la concurrence, vous instituez une arnaque légale sans espoir de retour. Vous le savez, alors dites-le !
Mais ce n'est pas la fin de l'histoire ! Les députés communistes ont lancé une pétition à travers le pays (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), refusant la privatisation et demandant une maîtrise publique de l'énergie avec EDF et GDF 100 % publics. Nous avons ici des dizaines de milliers de signatures, monsieur le ministre, que nous allons vous remettre tout à l’heure (Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains se lèvent et brandissent des dossiers) et nous allons continuer à faire signer ces pétitions.
Alors, allez-vous renoncer à privatiser GDF ? Allez-vous cacher aux Français, aux entreprises, aux commerçants, aux artisans, les risques qu'ils prendraient à appliquer la loi qui va être votée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
La parole est M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
Je tiens, monsieur Paul à associer à l’hommage que je viens implicitement de vous rendre, M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), qui a fait un travail extraordinaire pour que ce débat puisse avoir lieu, M. Jean-Claude Lenoir, exceptionnel rapporteur (Applaudissements sur les mêmes bancs) et M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis. (Mêmes mouvements.) Nous étions, c’est vrai, beaucoup plus nombreux que vous (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), et nous vous avons répondu.
Mais, monsieur Paul, je réponds donc de nouveau bien volontiers à vos questions. Je rappelle qu’il s’agit, d’une part, de transposer la directive Énergie qui trouve son origine, qu’on le veuille ou non, dans le sommet de Barcelone – M. Jospin était alors Premier ministre –, et qui libéralise le marché de l’énergie à compter du 1er juillet 2007 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), et, d’autre part, de donner à Gaz de France la possibilité d’aller de l’avant, de nouer les alliances (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) qui conviennent pour répondre sans tarder aux défis de la guerre énergétique dans laquelle nous sommes désormais engagés.
Notre seule volonté dans cette affaire est de répondre aux besoins des consommateurs français, tant pour la sécurisation de l’énergie que pour les tarifs les plus bas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Ces élus ont même été jusqu’à proposer de délocaliser le squat, en réquisitionnant les anciens locaux du Commissariat à l’énergie atomique dans une autre ville du département, Limeil-Brévannes, avant que la justice ne les en empêche.
Des vedettes du show-business, en mal de publicité (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) …
Même si nous ne pouvons rester insensibles aux situations humaines difficiles que révèle cette affaire, les Français – j’en suis convaincu – désapprouvent cette attitude opportuniste qui consiste à profiter du malheur des gens. En effet, il ne saurait être question de céder aux pressions de ceux qui voudraient régulariser tous les étrangers en situation irrégulière. Ce serait envoyer un bien mauvais signal aux candidats à l’immigration illégale, qui viennent échouer, pour leur malheur, sur les rivages des Îles Canaries.
Monsieur le ministre d’État, ma question est simple : pouvez-vous préciser à la représentation nationale l’action de l’État à Cachan ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
J’observe que ce sont les mêmes parlementaires qui défilaient, toute hypocrisie affichée, prétendant défendre l’indépendance de la justice qui nous demandent aujourd’hui de ne pas exécuter une décision de justice. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Monsieur Herbillon, ce n’est pas l’État, ce n’est pas le Gouvernement qui ont décidé, au mépris des conditions élémentaires d’hygiène, d’installer ces malheureux dans un gymnase. C’est le maire socialiste de Cachan, qui a pensé faire un coup politique (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste), en utilisant la misère de ceux à qui le Gouvernement proposait des hébergements. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Très vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés des député-e-s communistes et républicains.) C’est une attitude irresponsable.
J’ajoute enfin que, en ce moment même, le dialogue semble avoir repris et la raison triompher. Toute personne légitimement émue par la situation de ces malheureux doit comprendre que l’offre d’une solution d’hébergement que Jean-Louis Borloo et moi-même avons faite est raisonnable. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Mais je veux m’adresser aussi à nos compatriotes. Il n’y a aucune raison, parce qu’on occupe un gymnase, que l’on passe devant des dizaines de milliers de nos compatriotes qui attendent un logement depuis longtemps et qui connaissent, eux aussi de grandes difficultés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Voilà pourquoi monsieur Herbillon, j’ai bon espoir que la raison finisse par triompher. En tout cas, du côté du Gouvernement, nous voulons soulager la misère, et non pas l’exploiter. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. – De nombreux députés du groupe socialiste se lèvent et protestent vivement. – Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Je vous demande, mes chers collègues, de vous calmer et de vous asseoir.
Dans le cadre d’un rapport remis à M. le Premier ministre, Jacques Godfrain et moi-même avons fait sur ce sujet plusieurs propositions. Monsieur le ministre, je souhaite donc appeler votre attention sur deux points, qui me paraissent très importants pour la réussite et le développement de la participation dans notre pays.
Le premier point concerne les entreprises de moins de cinquante salariés, dans lesquelles il me semble essentiel de faire progresser la participation. Mais il faut que cela soit intelligemment fait. Toute mesure dirigiste, imposant brutalement la participation aurait des effets contraires.
Pouvez-vous rassurer les chefs d’entreprise, en leur indiquant que vous avez la volonté de faire évoluer les choses dans les PME en incitant plutôt qu’en obligeant et en contraignant ?
Le second point porte sur l’histoire de la participation. C’est une idée du général de Gaulle, mise en œuvre à partir de 1967. Une étape importante a été franchie en 1994 avec la mise en place du Conseil supérieur de la participation. La gauche a fait un pas dans le même sens avec le rapport Balligand en 2000. Aujourd’hui, un vrai consensus politique et syndical se dégage autour de l’idée de participation. Il est nécessaire de le préserver pour avancer. Pouvez-vous nous assurer qu’il s’agit bien là de la philosophie du Gouvernement et que le projet de loi Borloo sur le développement de la participation et de l’actionnariat salarié encourage bien ce consensus politique et syndical ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.
Ce projet de loi concerne 8 millions de salariés qui bénéficient déjà de la participation et de l’intéressement et il vise à augmenter considérablement cette possibilité.
Son ambition est également de s’adresser aux 8 millions de salariés qui n’en profitent pas encore. Les PME pourront bénéficier à ce titre d’un dispositif simplifié d’incitation fondé sur des communautés de projets, regroupant plusieurs entreprises, plusieurs sous-traitants sur des objectifs communs. Nous souhaitons aussi développer les dividendes du travail et la distribution d’actions gratuites à tous les salariés, en toute transparence.
Mesdames, messieurs les députés, la participation résulte d’une intuition géniale du général de Gaulle. Son développement a ensuite marqué, sans discontinuer, l’histoire de notre République et suscité finalement un assez large consensus républicain. Il s’agit d’un grand texte financier, fiscal et social, qui, s’il est voté, dotera notre pays du dispositif le plus avancé au monde en matière d’intéressement, de participation et d’association du capital et du travail. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Au terme de la deuxième journée, et je ne cesserai de le redire, j’ai accepté, avec l’accord du représentant de l’État sur place, la demande des médiateurs et des réfugiés que ceux-ci s’abritent dans un gymnase. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
La responsabilité, c’est de ne pas laisser l’État régler son problème sur le dos d’une commune, de ne pas laisser les forces de l’ordre disperser des femmes et des enfants aux quatre coins de ma ville ! Telle était ma responsabilité !
Celle ensuite, et j’en ai parlé avec le Premier ministre, du campement de fortune qui a été installé sur le trottoir, à l’initiative d’une minorité d’associations dont le but était de faire pression sur les autorités démocratiques de notre pays.
Enfin, autre mensonge de votre part, monsieur le député, Jean-Louis Borloo et moi-même avons proposé une solution d’hébergement à la totalité des expulsés de Cachan ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Et c’est vous, qui, pour des raisons politiciennes, leur avez conseillé de la refuser ! (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Dernier mensonge enfin : vous entendiez faire pression sur le gouvernement de la République pour qu’il régularise la totalité des clandestins.
Chaque Français comprend que cette situation est devenue insoutenable. Et, monsieur Thierry Breton, vous avez eu raison d’appeler l’attention du pays sur ce très grave problème.
Pour diminuer la dette, chers collègues, il n’y a pas de mystère : il faut diminuer les déficits. Depuis trois ans, telle est la priorité du Gouvernement, soutenu par la majorité.
En 2006, j’en suis sûr, nos résultats seront encore meilleurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Dans quelques jours, monsieur le ministre, nous aborderons la discussion du projet de budget pour 2007. Pouvez-vous nous confirmer que le désendettement de la France reste une priorité incontournable ? Il en va de l’avenir de nos enfants ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
S’agissant de 2007, nous en discuterons largement lors de la discussion du projet de loi de finances dans quelques jours. Nous avons inscrit dans ce projet, à la demande du Premier ministre, la poursuite du désendettement : 1 % de moins l’année prochaine, soit une baisse de 3 % en deux ans. La dette passera ainsi de 66,6 % à 63,6 % au cours des deux prochaines années.
Je tiens à dire très clairement que conformément aux souhaits de la commission des finances et dans le respect de la LOLF, nous avons souhaité que tous les surplus fiscaux, générés notamment par une activité économique meilleure que prévu, soient affectés au désendettement. Il s’agit de 5 milliards d’euros, comme nous l’avons annoncé à l’occasion du deuxième acompte de l’impôt sur les sociétés.
Dans le cadre de l’inauguration de l’atelier culturel « Europe-Méditerranée-Golfe », le Président de la République défendait le 13 septembre dernier l’idée d’une « charte du dialogue des cultures, qui fixerait les règles du vivre ensemble dans la mondialisation. »
Moins d’une semaine après cette déclaration, un enseignant était victime de menaces de mort après la publication, dans Le Figaro, d’une tribune intitulée : Face aux intimidations islamistes, que doit faire le monde libre ?
Si mon rôle de députée consiste à relayer l’inquiétude d’une partie de la communauté éducative de la ville de Seichamps, en Meurthe-et-Moselle, devant les menaces de mort qui pèsent sur un enseignant – menaces que rien, absolument rien, ne saurait justifier – il est aussi de mon devoir de rappeler que, d’une part, la liberté d’expression et, d’autre part, les valeurs de tolérance et de respect de toutes les croyances se trouvent au fondement de notre République, et que ces valeurs ont toute la même importance.
Puisqu’il s’agit d’un enseignant, mais la question se pose pour tout individu, j’aimerais que vous indiquiez à la représentation nationale, monsieur le ministre, comment, selon vous, le principe de la liberté d’expression trouve à s’appliquer dans le cadre d’une tribune ? Pourriez-vous également nous indiquer quelles formes prend le soutien matériel dont le professeur concerné a besoin ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Dans un État de droit, on ne peut accepter la violence ni les menaces. Dans un État de droit, il est inadmissible que certains s’arrogent le droit de rétablir la censure ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Dans un État de droit, madame la députée, on peut exercer un droit de réponse ou faire appel à la justice !
Dès que nous avons appris les menaces qui pesaient sur M. Redeker, les services compétents l’ont pris sous leur protection, et c’était notre premier souci.
Aussitôt, le recteur de l’académie de Toulouse ainsi que le proviseur du lycée dans lequel M. Redeker enseigne l’ont assuré de leur soutien, et j’ai personnellement appelé M. Redeker.
Aujourd’hui, M. Redeker est déchargé de son enseignement, sans préjudice financier, cela va sans dire. Il reprendra ses cours de philosophie, le moment venu, à sa convenance.
Mesdames, messieurs les députés, lorsque l’on attaque le droit d’expression, c’est la démocratie que l’on attaque. En tant que ministre de l’éducation nationale, qui a pour mission de transmettre les valeurs de la République, je ferai en sorte, infatigablement, que ces valeurs soient inscrites dans les programmes, inculquées, partagées et, grâce à l’éducation nationale, appliquées du mieux possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Les députés socialistes, de leur côté, ont tout au long du mois de septembre, âprement défendu Gaz de France,…
Tout à l’heure, votre majorité de droite va voter ce texte …
Monsieur le ministre, jusqu’alors, l’État avait les outils nécessaires pour empêcher GDF de relever ses tarifs et disposait de moyens pour protéger le consommateur. Maintenant que vous ne voulez plus que GDF soit sous contrôle public, conformément à la volonté de la nation, comment comptez-vous empêcher la hausse des prix du gaz et de l’énergie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
De la même façon, la décision d’ouvrir le capital de Gaz de France permettra à cette entreprise d’assurer la sécurité d’approvisionnement de notre pays dans un contexte de crise énergétique internationale, marquée par une multiplication par 2,5 des prix du gaz, ces deux dernières années. Nous avons besoin d’un opérateur qui ne soit pas seulement titulaire des contrats de concession des communes, ce qu’il restera, mais qui soit aussi capable d’accéder à l’amont gazier, dans une compétition internationale de plus en plus rude.
C’est tout cela que nous faisons et c’est comme cela que nous assurons la sécurité de l’approvisionnement et des prix. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Cette maladie, monsieur le ministre, est inoffensive pour l’homme, elle n’est pas contagieuse entre les animaux car seul un insecte vecteur peut la transmettre. Cependant, afin de garantir la meilleure santé possible de nos troupeaux, les services vétérinaires français ont imposé des mesures drastiques aux éleveurs de quatorze départements, en instituant des périmètres à l’intérieur desquels les transferts d’animaux sont soit interdits, soit très strictement réglementés.
Ma question ne porte donc pas sur une crise sanitaire mais sur la crise économique que subissent les éleveurs. Très concrètement, ceux-ci ne peuvent plus vendre leurs animaux ou, s’ils les vendent, c’est à un prix très inférieur à leur valeur réelle. Un exemple : d’ici à la fin de l’année, les seuls éleveurs du département des Ardennes devaient vendre 10 000 jeunes bovins hors du département, notamment à l’étranger ; aujourd’hui, la quasi-totalité de ces ventes est bloquée.
Monsieur le ministre, est-on bien certain de la nécessité impérieuse de chacune des interdictions décidées ? Si elles ne sont pas toutes scientifiquement fondées, peut-on aboutir à des assouplissements ?
Les éleveurs concernés peuvent-ils bénéficier de la solidarité nationale et d’un soutien financier pour faire face à la gravité de leur situation économique ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La fièvre catarrhale ovine est plus connue sous le nom de maladie de la langue bleue. Venue des Pays-Bas, de l’Allemagne et de la Belgique, elle a gagné la France où elle touche des départements où ont été mises en place des zones de surveillance.
Notre objectif est de faire en sorte que cette maladie ne se propage pas sur l’ensemble du territoire national et à l’échelle de l’Union européenne car cela provoquerait une crise majeure pour l’ensemble de la filière bovine et de notre agriculture. Nous avons mis en place les mesures que vous avez rappelées. En outre, conformément au droit communautaire, nous avons prévu toute une série de dérogations afin de tenir compte des besoins des éleveurs.
La question n’est pas seulement d’ordre sanitaire car les conséquences économiques mettent les éleveurs dans une situation difficile. Nous avons mis en place, comme les parlementaires des départements de l’Est et du Nord nous l’avaient demandé, des mesures de soutien pour les éleveurs de veaux de huit jours et de broutards. Nous avons, dès cette semaine, décidé de mesures d’indemnisation. Une mission s’est rendue sur place pour évaluer l’ensemble des conséquences économiques et préparer les mesures de solidarité – dispositions relatives aux cotisations à la Mutualité sociale agricole, indemnisations éventuelles pour chômage partiel.
Le Gouvernement a deux objectifs : assurer la sécurité sanitaire de nos cheptels bovins en évitant que la maladie ne se propage ; faire jouer la solidarité avec les éleveurs des zones concernées. Le Premier ministre a donné les instructions nécessaires pour que nous prenions toutes les mesures qui s’imposent : celles que nous avons déjà annoncées et celles que l’inspection en cours sur le terrain nous permettra de déterminer. La solidarité nationale ne fera pas défaut aux éleveurs des zones concernées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Honorés aux lendemains de combats et de victoires auxquels ils avaient vaillamment contribué, ces hommes ont vu leurs droits gelés après l’accession à l’indépendance de leurs pays respectifs. Il a fallu attendre 2002 pour que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin et sa majorité procèdent à la décristallisation progressive des prestations versées à ces anciens combattants.
La loi de finances rectificative pour 2002 a ainsi réévalué les droits des anciens combattants concernés en s’appuyant sur le principe de la parité du pouvoir d’achat retenu par l’ONU. Cette méthode, validée par le Conseil d’État, a permis depuis lors que chaque ancien combattant concerné perçoive des prestations d’un montant lui assurant un pouvoir d’achat équivalent à celui de ses frères d’armes français, compte tenu de la disparité des niveaux de vie entre les divers pays.
Entrée en vigueur en 2003, cette mesure s’est traduite, la première année, par un coût budgétaire de 130 millions d’euros, correspondant à la revalorisation au titre de l’année 2003, à laquelle s’ajoutait le versement de quatre années d’arriérés. Depuis 2004, chaque année, 30 millions d’euros ont été consacrés à la décristallisation.
Face à la persistance d’un sentiment d’injustice, le Président de la République a demandé, le 14 juillet dernier, au Gouvernement d’aller plus loin et plus vite dans ce processus. Par la suite, le Gouvernement a annoncé, lors du conseil des ministres du 27 septembre dernier, la décristallisation totale de la retraite du combattant ainsi que des pensions militaires d’invalidité.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur les modalités et le calendrier de la mise en œuvre de cette mesure ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
En nous fondant sur la parité du pouvoir d’achat, nous avons préservé une certaine équité. Mais il est vrai que la comparaison avec les prestations versées en euros faisait toujours apparaître une différence. D’où le sentiment d’injustice de ceux qui recevaient les leurs en monnaie locale.
Le Président de la République, dans son intervention du 14 juillet, a exprimé le souhait d’aller plus loin en la matière. Les associations françaises d’anciens combattants ont également abordé ce point pour demander une décristallisation complète. Enfin, le film Indigènes s’en est fait l’écho avec talent.
Mercredi dernier, le Premier ministre a décidé que les retraites du combattant et les pensions militaires d’invalidité seront d’un montant égal pour tous, et toutes versées en euros. Cette réforme sera soumise au Parlement lors de l’examen du budget de 2007. Elle sera mise en œuvre le 1er janvier prochain.
Mesdames, messieurs les députés, aujourd’hui, avec cette parité complète, nous rendons pleinement justice, honneur et dignité à ces combattants qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes, allant parfois jusqu’au sacrifice suprême. Nous avons relayé leur souhait d’être égaux aux autres combattants comme ils l’ont été devant le feu. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)
La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste.
Mais de quel pays est ce gouvernement qui renonce au contrôle de nos grandes entreprises nationales de l'énergie, alors que, dans ce secteur, les négociations se font toujours d'État à État ?
Mais de quel pays est ce gouvernement qui préfère transformer un monopole public en monopole privé pour enrichir durablement, et sans qu’ils payent d'impôts au passage, une minorité d'actionnaires – même « frères » – sur le dos de nos concitoyens et au mépris des acquis fondamentaux de notre histoire et de la République ?
Mais de quel pays est ce gouvernement qui, pour distribuer un bien de première nécessité, abandonne ses habitants au milieu de la jungle des tarifs les plus fous, les plus incompréhensibles et bientôt les plus chers, pour satisfaire l'appétit des actionnaires ?
Mais quel est ce Président de la République qui était si fier d’avoir réussi, à Barcelone, le 16 mars 2002, aux côtés de Lionel Jospin, à freiner la dérégulation du marché de l'énergie, n'exposant pas ainsi les familles aux affres de l'ouverture du marché de l'énergie et expliquant qu’il n'était pas, du point de vue de la France, acceptable d'aller plus loin. Le même jour, Lionel Jospin ajoutait que « nous pourrions craindre, si cette ouverture se faisait, des hausses de prix plutôt que des baisses pour les consommateurs ».
Nous demanderons au Conseil constitutionnel de se prononcer sur ce point et sur quelques autres. Il est totalement scandaleux de mettre dans la corbeille de mariage de GDF avec Suez ce réseau de transport qui appartient à la nation et qui a vocation, selon la volonté de la Commission européenne, à être détaché de l'activité de fourniture de gaz, comme l’a indiqué Mme Kroes, le 28 septembre dernier à Londres.
Mais quel est ce ministre dont la rumeur nous dit qu'il voudrait devenir Président…
Mais quel est cet autre ancien ministre, très proche du précédent, qui faisait adopter, six mois seulement avant l'annonce de la privatisation de Gaz de France, une loi d'orientation sur l'énergie précisant, dans son titre Ier, que seules les entreprises publiques nationales de l'énergie étaient garantes du service public de l'énergie ?
Mais quel est ce troisième ministre – je crois qu'il est ici aujourd'hui – qui a signé avec Gaz de France en juin 2005 le contrat de service public dans lequel il est stipulé en toutes lettres, à la page 9, « que l'État et Gaz de France conviennent de rechercher, à l’occasion de chaque mouvement tarifaire, la convergence entre les tarifs réglementés et les prix de vente en marché ouvert, et ce pour chaque type de client » ?
D'une part, elle consacre la fin des tarifs réglementés, par leur alignement sur les prix du marché ; d'autre part, elle donne des gages d'augmentation de prix aux futurs actionnaires de GDF-Suez, pour dégager de meilleurs dividendes au détriment des usagers.
MM. Cirelli, Mestrallet et Albert Frère en rêvaient ; M. Breton l'avait déjà fait pour eux ! (« Bravo, monsieur Breton ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mais quels sont ces députés qui vont voter pour la privatisation de GDF, et du même coup, signer un chèque en blanc au Gouvernement, les yeux fermés ? Ils ne savent pas encore si Bruxelles donnera son accord à la fusion avec Suez, ni à quel prix.
De plus, nos collègues ne se doutaient pas non plus que même M. Loos allait reconnaître au cours du débat qu'il n'avait jamais parlé de la privatisation de GDF avec les syndicats lors de leurs rencontres préalables à nos travaux. Incroyable, non ?
Mais quels sont ces députés qui, en coulisses, demandaient au Gouvernement de les bâillonner à l'aide du 49-3 pour leur éviter de se prononcer devant les Français ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mais quelle est cette majorité qui se laisse aveugler par des arguments aussi grossiers que démagogiques ?
Premièrement, il serait impossible de reconstituer EDF-GDF, car il faudrait vendre des centrales nucléaires. Voilà un argument que nous contestons, qui n’est là que pour faire peur.
Deuxièmement, ajouter Suez à GDF, ce serait constituer le plus grand groupe gazier d'Europe, ce qui ferait baisser les prix d'achat du gaz.
Affirmer cela est ridicule…
De plus, la réduction du périmètre d'activité imposée par Bruxelles aux deux entreprises nous conduira finalement à ce que GDF plus Suez égalent GDF ou presque. Cherchez l'erreur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Quant à la baisse invoquée des prix d'approvisionnement, même si M. Ollier y croit,…
Troisièmement, vous voulez laisser croire qu'avec le maintien des tarifs « on est tranquille », car c'est le ministre qui décidera. Cet argument est lui aussi grossier, et pas des plus honnêtes. Sur cette question, nous avons percé à jour au moins deux éléments qui m'obligent à dire que les tarifs administrés vont rapidement disparaître pour l'électricité et pour le gaz, parce que tout a été fait pour que ces tarifs s'alignent rapidement sur les prix élevés du marché.
Pour le gaz, j'ai déjà expliqué que le ministre lui-même avait pris ce type d'engagement auprès de GDF, dont d'ailleurs les bénéfices ont déjà augmenté de près de 44 % en six mois, pour permettre à la mariée d’être encore plus belle. Mais ce sont les consommateurs qui payent la facture quand arrive leur note de chauffage.
Pour l'électricité, nous ne sommes pas dupes, la formule chère au rapporteur du « tarif transitoire », dit « tarif de retour »…
Comme EDF remboursera la différence, l'opérateur historique exigera une augmentation du tarif administré pour compenser cette remise.
Cela dit, ce « tarif de retour à meilleure fortune » risque d'obtenir le même succès auprès de nos partenaires européens que la baisse de la TVA sur la restauration.
Mais quels sont ces députés qui se sont laissé rassurer par des arguments aussi légers qu'incertains ? Là encore, je n'en citerai que trois.
Premièrement, l'État conservera la minorité de blocage. Si vous aviez été là lorsque M. Novelli lui-même a démontré, certes avec brio, que l'entité fusionnée GDF-Suez restait opéable, vous auriez compris à quel point cet argument n'est pas sérieux. De plus, vous allez voter en faveur d’une participation minoritaire de l’État dans le capital de GDF et rien ne vous dit qu’au final c'est ce pourcentage qui restera dans le nouvel ensemble.
Deuxième argument, léger et incertain, l'État détiendra une action spécifique, dite golden share, pour empêcher toute cession d'actifs stratégiques.
Là encore, l’argument ne tient pas. L’épisode de la fusion d’Elf et Total a démontré l’inefficacité du dispositif et la Commission européenne a confirmé que les actions spécifiques sont contraires au traité de Rome car elles entravent la concurrence. D’ailleurs, pas plus tard que vendredi dernier, la Cour européenne de justice a condamné cette pratique aux Pays-Bas. Encore un filet de sécurité qui sautera !
Enfin, monsieur le président de la commission des affaires économiques, la fameuse présence, à titre purement consultatif, d’un commissaire du Gouvernement au sein du conseil d’administration de l’entreprise fusionnée ! Une fois de plus, on se moque de nous en lui donnant de l'importance ! Les administrateurs de GDF-Suez en tremblent par avance !
Malgré tout, je conçois que mes collègues de la majorité se soient laissés convaincre par les centaines de millions de pages publiées dans les journaux depuis des mois et des mois. Publicité institutionnelle ou pour vanter les mérites de la fusion, cette campagne de communication aura eu un double impact : donner le sentiment qu'il n'y a pas d'alternative au projet – ce qui est faux, mais chacun sait bien qu'à force de recevoir des faire-part, on finit par croire qu'on est invité au mariage ! – (Sourires) et diluer l'esprit critique de la presse qui, pour le dire pudiquement, a bien besoin de ressources publicitaires en ce moment !
Mais quels sont ces députés, pourtant avertis et compétents, qui vont mettre en difficulté les collectivités locales ? Ils refusent de voir arriver la fin du monopole des concessions de service public de distribution de gaz naturel alors que celui-ci repose depuis 1946 sur le caractère public de l'unique concessionnaire – GDF – et que sa privatisation offre ce monopole à une entreprise privée.
Les ambitions de Gazprom, d'une part, dont les managers prétendent qu'ils n'ont pas assez de doigts pour compter les sociétés qui les intéressent, d'autre part, la jurisprudence européenne récente – j'ai cité au cours du débat notamment les arrêts Coname et Brixen – laissent peu de doute sur la durée de vie de ce monopole. Il y a fort à parier qu'un recours le cassera en exigeant une mise en concurrence préalable. Ce sera alors l'ensemble de notre dispositif qui s'écroulera. Vous aurez été prévenus !
Enfin, où sont ces députés de la majorité qui n’acceptent pas cette fusion et prônent une alternative à l'extérieur de l'hémicycle, mais qui, pour certains, restent muets à l'intérieur ? Cette rupture annoncée, et très médiatisée, avec le funeste projet du Gouvernement relève-t-elle de la posture, de l'imposture, ou de la séance de rattrapage ?
Les arguments ne manquent pas, vous le voyez, messieurs les ministres, pour dénoncer les dangers, les incohérences et l'inconséquence de votre projet de privatisation, et je ne dirai rien des questions de morale comme l'usage des stock-options à venir, au sujet desquelles M. Loos a refusé de nous dire s’il ferait usage de son droit de veto ; ou encore l'optimisation fiscale qui permettra à Suez de faire l'économie – excusez du peu – de plus de 3 milliards d'impôts. Je n’évoquerai pas plus l'attitude du Premier ministre qui semble déjà avoir vendu à Enel les dépouilles de Gaz de France, ni le flou qui est entretenu par vos soins, monsieur le ministre de l’économie, sur ce qui sera cédé, ce qui sera filialisé, ce qui sera partagé ou ce qui sera supprimé chez Gaz de France après la fusion : des terminaux méthaniers, des kilomètres d'infrastructures de réseau, des activités de service, 21 % de l'approvisionnement gaz et 20 000 emplois en moins selon les syndicats !
Vous l'avez compris, tous les députés socialistes, et pas seulement les cinquante et un qui sont intervenus dans le débat, voteront contre ce texte, contre la privatisation d'une entreprise stratégique pour le pays, d'une entreprise garante de la mission de service public que constitue la distribution d’un bien de première nécessité.
Nous voterons contre la remise officielle des fichiers clients d'EDF à un groupe privé. Nous voterons contre l'organisation d'une guerre fratricide entre EDF et GDF, dont les Français vont faire les frais avec de grosses augmentations de tarif. Nous voterons contre le démantèlement d'une entreprise historique qui, depuis longtemps, a fait ses preuves ; contre l'accaparement d'un bien national et public par des intérêts privés ; contre le fait que c'est GDF qui devra financer le démantèlement des centrales nucléaires belges.
Nous continuerons à exiger, avec d'autres, la mise en perspective d'une véritable alliance entre EDF et GDF au sein d'un pôle public de l'énergie. Oui, nous l’affirmons, le meilleur rempart contre toutes les dérives que je viens de dénoncer, c'est de conserver GDF en tant qu’entreprise publique, et la meilleure solution pour notre avenir énergétique consiste à conforter l'entité EDF-GDF, fusionnée ou bien rassemblée stratégiquement dans une holding dédiée. Nous continuerons à dénoncer le scandale que constitue le fait de vous donner un « chèque en blanc », monsieur le ministre, pour brader un bien public majeur à quelques mois d'une consultation démocratique capitale pour l'avenir du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Au terme de ce débat marathon, l'UDF ne veut pas parler la langue de bois et se joindre au concert — qui sonne bien faux — donné par tous ceux qui se réjouissent haut et fort du débat de grande qualité que nous venons d'avoir. Le bilan est beaucoup plus contrasté et, en l'occurrence, il importe de ne pas avoir la mémoire courte. En réalité, il y a du bon et du très mauvais.
Du très mauvais tout d'abord.
Ce débat a en effet commencé par plus d'une semaine d'interminable obstruction. Assumez vos actes, mes chers collègues socialistes et communistes ! L'obstruction, après tout, a été votre choix médiatique. Nous pensons à l'UDF que cela n'a pas servi la cause du Parlement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cette semaine d'obstruction a dévalorisé nos débats, devenus vides et ridicules aux yeux de l'opinion publique et des médias.
Le projet de loi a mis en lumière la pauvreté du travail en commun entre la Commission européenne et le Parlement français : transmettre aux parlementaires une lettre de griefs complètement caviardée est une réelle humiliation pour nous, d'autant plus que l'avenir d'une entreprise nationale est en jeu. Sur un tel sujet, nous exigeons qu'à l'avenir, l'ensemble des documents échangés entre l'Union européenne et les sociétés nationales concernées puisse être consultable in extenso par la représentation nationale. Messieurs les ministres, monsieur le président de la délégation de l'Assemblée nationale auprès de l'Union européenne, vous devez porter et faire aboutir cette revendication minimale à Bruxelles ! C'est peu dire que nous avons mal vécu cet épisode et l'UDF n'accepte dans cette affaire ni le rôle de bouc émissaire qu'une nouvelle fois, on fait jouer aux institutions européennes, ni l'humiliation réelle infligée à notre assemblée à cette occasion.
Nous regrettons enfin la discrétion des minoritaires de l'UMP, réduits à la portion plus que congrue : pourquoi certaines voix contestataires, présentes et actives dans les médias, ne se sont-elles pas davantage exprimées au cours de notre débat ? Le temps ne nous a pourtant pas manqué...
La liberté est dans cet hémicycle un bien précieux. À l'UDF, nous continuerons à tracer notre sillon. Si, en conscience, nous trouvons le projet bon, nous le disons et nous le votons. Sinon, comme c’est le cas pour ce projet, nous le disons tout aussi fortement et nous votons contre.
Venons-en maintenant au fond.
Ce texte transpose tout d’abord deux directives relatives à l'ouverture des marchés de l'énergie aux PME et aux particuliers. Nous vous avons soutenus, messieurs les ministres, sur cette partie du texte qui va de l'article 1er à l'article 9, nous en avions même fait l'un des points importants de notre positionnement.
En effet, pour l'UDF, qui se veut à l'avant-garde de la construction européenne, ce n'est pas un objectif politique mineur que de construire, directive après directive, un espace juridique commun à tous les citoyens européens. Ce n'est pas non plus un objectif politique mineur que de construire, secteur après secteur, un véritable marché intérieur où la concurrence, petit à petit, jour après jour, est de plus en plus loyale. Mais que de progrès il nous reste à faire dans ce domaine ! Il faut transposer mieux, plus vite, plus juste en s'inspirant du bel exemple de lisibilité démocratique des directives qui « ringardise » notre manière de légiférer avec nos lois illisibles et nos codes monumentaux qui ne sont jamais à jour !
Bref, ces deux directives concourent aux objectifs européens, même si les spécificités françaises sont très réelles dans le domaine de l'énergie, à commencer par l'avantage compétitif que représente le nucléaire pour la France.
Nous nous réjouissons du débat qui a eu lieu sur les tarifs réglementés, notamment sur le fameux tarif de « retour ». L'Assemblée nationale a adopté un amendement sous-amendé par Charles de Courson et moi-même rendant le dispositif pérenne. Nous vous demandons, messieurs les ministres, d'être extrêmement vigilants lors de la discussion au Sénat afin que cette disposition soit conservée. Sinon, la commission mixte paritaire risque d'être agitée. En effet, la direction voulue par le Parlement sur l’affaire centrale de la rente nucléaire est très claire. Il veut un partage équitable de celle-ci entre les deux objectifs majeurs que sont, d'une part, le renouvellement de notre parc nucléaire, d'autre part, la compétitivité énergétique de nos entreprises.
Au final, nous approuvons cette transposition, mais nous la jugeons bien frileuse.
Où sont donc les dispositions relatives au service universel en électricité, véritable avancée pour nos PME ? Contenues dans la directive, elles sont absentes de votre texte !
Plus grave, notre assemblée n'a pas été inspirée lorsqu'elle a légiféré sur la Commission de régulation de l'énergie. Le modèle européen est fort et clair : l'ouverture à la concurrence appelle la mise en place d'un régulateur fort. Malheureusement, dans ce domaine, le texte ressort confus de nos discussions. D’un côté, nous avons élargi les pouvoirs de la CRE, mais, de l'autre, nous avons affaibli les commissaires : diminution de leur disponibilité avec la suppression de leur rémunération, problèmes de disponibilité inévitables pour les commissaires parlementaires envisagés, confusion des tâches dévolues – la médiation des problèmes de consommation au lieu de la surveillance et de la régulation des activités de transport et de distribution, comme le prévoit la directive. Sur ce point, notre recommandation est exactement l'inverse de celles faites sur le tarif de retour. Nous appelons de nos vœux la mise en place d'un régulateur fort. Nous souhaitons que le texte de l’Assemblée nationale soit corrigé sans ambiguïté par le Sénat et la CMP.
Venons-en enfin à l'article 10, celui de la privatisation de Gaz de France, cœur de votre projet et enjeu majeur pour la France.
Le projet gouvernemental nous propose de réduire la participation minimale de l'État dans le capital de GDF de 70 % à 34 %. Il s'agit donc de décider de la privatisation de GDF. Comment en sommes-nous arrivés là, alors que, par deux fois – en août 2004, dans la loi sur le service public dans l'électricité, et en juillet 2005, dans la loi portant sur les orientations énergétiques – nous avons inscrit dans le marbre l'importance stratégique du caractère public de GDF ?
C'est pour cette raison, messieurs les ministres, que l'UDF ne vous suit pas lorsque vous organisez le débat sur la privatisation de GDF en dehors du contexte du projet de fusion de cette entreprise et de Suez. C'est pour nous vide de sens. Les 34 %, c'est la fusion Suez-GDF ! La privatisation de GDF, c'est la fusion GDF-Suez ! Prenons-en acte, ensemble, honnêtement et posons-nous ensemble une première question : qui sont les gagnants et les perdants dans cette affaire ?
C'est, en effet, parce qu'il y a eu, au début de l'année 2006, une OPA hostile – virtuelle ou réelle, on n’en sait trop rien – d’Enel sur Suez que Gérard Mestrallet et le management de Suez ont décidé d'accélérer l'étude, puis la mise en œuvre, du rapprochement entre Suez et Gaz de France. Le choix de ramener à 34 % la participation de l'État dans le capital de GDF est d'abord le projet d'une direction, celle de Suez, qui, elle, a une vision stratégique forte.
La ligne force de son projet, et maintenant de votre projet, messieurs les ministres, n'est pas industrielle. Nous doutons de l'intérêt de faire cohabiter dans le même groupe un pôle énergie et un pôle environnement. Ce modèle économique, celui des utilités urbaines, date des années 1980, et nous n'avons plus trouvé grand monde pour le défendre sur le fond. Non, la ligne force de votre projet est financière : c'est la protection du capital de Suez, et celle de son périmètre actuel.
En effet, à ce jour, le groupe Suez fonctionne bien, avec des pôles environnement et énergie qui gagnent tous les deux de l'argent, mais il a une faiblesse majeure : son capital est émietté, le rendant effectivement fragile en cas d'OPA hostiles. Bref, il lui manque un actionnaire stable. Ce sera Gaz de France. Rien à dire, donc, en ce qui concerne Suez et M. Mestrallet ! Nous saluons même la virtuosité d’un dirigeant dont le groupe se fait absorber et qui devient numéro un de celui qui l’absorbe !
Au passage, il a su convaincre le Premier ministre et le Gouvernement en leur parlant comme il fallait : nous allons constituer un grand champion national, et c’est, du reste, le patriotisme économique qui nous en fait un devoir. Ce discours fait mouche et le projet de M. Mestrallet devient celui du Gouvernement. Finalement, un champion économique est bien constitué, mais sur un modèle économique très contestable, puisqu’il additionne deux secteurs de plus en plus divergents : les services à l’environnement d'un côté, l'énergie de l’autre. À terme, la cession du pôle environnement est probable.
Regardons maintenant du côté de Gaz de France. Quel intérêt l’entreprise trouve-t-elle à cette fusion ? Elle y trouvera, certes, un intérêt industriel : renforcement effectif du pôle gazier, renforcement du secteur du gaz naturel liquéfié et création d'une offre mixte grâce à la convergence avec Électrabel.
Mais la note est, tout de même, salée ! Elle l’est à Bruxelles qui recommande la cession de Distrigaz et de la participation de Gaz de France dans la Société de production d’électricité ainsi que la cession aux concurrents de volumes de gaz à hauteur de cinquante térawattheures par an. Et ce n'est pas fini, puisque nous avons appris ce week-end que le gouvernement belge aurait obtenu de la Commission qu'elle impose au futur groupe la cession partielle de ses actifs dans le nucléaire c'est-à-dire les deux centrales et les sept tranches d'Électrabel.
La note risque également d’être salée lors de l'assemblée générale extraordinaire par laquelle les actionnaires de Suez devront approuver ou non la fusion. Alors qu’on nous avait annoncé l’échange d'une action de Suez contre une du nouveau groupe, un tel accord paraît aujourd'hui compromis, sauf si une compensation non négligeable est accordée. Quel en sera le montant : 3 euros ou 4 euros par action ? Quoi qu'il en soit, l'addition pour Gaz de France sera élevée, au bas mot entre 3 milliards et 4 milliards d'euros.
Bref, pour l'entreprise Gaz de France, le bilan est contrasté.
Mais il y a plus grave encore car, dans cette affaire, il existe un perdant indiscutable : l'État. Au départ de l'opération, l'État, majoritaire, est l'actionnaire-patron, décideur dans une entreprise-clé du paysage énergétique français. À la fin de l'opération, l'État est un actionnaire minoritaire dans un groupe positionné à la fois sur les secteurs des services à l'environnement non stratégiques et sur celui de l'énergie, qui l'est de plus en plus. Franchement, que diable l’État allait-il faire dans cette galère ?
Et qu'on ne nous dise pas qu'il s'agit de constituer un grand opérateur gazier. Si tel était le cas, pourquoi la fusion entre Gaz de France et le seul pôle énergétique de Suez, à savoir ses trois filiales Électrabel, Fluxys et Distrigaz, n'a-t-elle pas été sérieusement envisagée ? D’autres solutions existent donc, mais si vous ne les avez pas examinées, c’est que, pour vous, la fusion n’a pas pour objectif de garder la majorité de gestion dans Gaz de France mais, nous l'avons dit, de protéger Suez tel qu'il est aujourd'hui.
Or nous considérons que la privatisation de Gaz de France constitue, compte tenu de la situation actuelle du secteur de l’énergie, une faute vis-à-vis de l'intérêt national.
Monsieur le ministre de l'économie, pour l’UDF la privatisation n’est pas un gros mot : nous avons soutenu celle de France Télécom. Mais une telle décision doit être le fruit d'une évaluation secteur par secteur, et celui de l'énergie a sa spécificité : il convient, dans ce secteur, d'agir sur le long terme puisque les investissements y sont hautement capitalistiques. De même, les contrats d'approvisionnement, pour l'essentiel de longue durée, exigent, eux aussi, une action, notamment diplomatique, à long terme. Enfin et surtout, l'impact environnemental en matière énergétique, notamment en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, exige une gouvernance à long terme. L'UDF ne cessera pas d'insister sur l'importance que revêt la mise en œuvre d’une telle gouvernance.
Or, pour nous, cette gouvernance à long terme, c'est à l'État et à lui seul de l'assurer parce qu’il est le seul acteur à ne pas être guidé à court terme par la recherche, légitime pour un capital privé, d'une rémunération élevée de ses actionnaires.
Dans un tel contexte, nous considérons que la privatisation de Gaz de France est une faute.
La privatisation de Gaz de France privera donc l'État d'un levier d'action majeur de sa politique énergétique au moment même où le gaz devient un secteur de plus en plus stratégique, compte tenu de la véritable révolution énergétique que provoqueront la disparition des énergies fossiles, la demande accrue de gaz et l’importance croissante des considérations environnementales.
Pour le groupe UDF, la privatisation de Gaz de France n’est pas conforme à l'intérêt national. En conséquence, il votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
La parole est à Mme Marie-George Marie-George Buffet, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains
Il s’agit bien de la sacrifier, puisque, nous avons pu de nouveau le constater il y a quelques instants à peine au cours de la séance des questions au Gouvernement, celui-ci a été incapable de justifier le projet de privatisation de Gaz de France. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Les députés communistes et républicains vous ont parlé de droit à l'énergie. Combien de fois Daniel Paul vous a-t-il rappelé que l'énergie est la condition même du développement économique et social ? Combien de fois vous avons-nous rappelé qu'il n'y a pas de vie sociale sans éclairage ni chauffage ni droit à se déplacer ?
M. Sarkozy a évoqué les « malheureux » avec le mépris de la grande bourgeoisie des siècles passés, (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…
En effet, combien d'entreprises, qui avaient fait le choix du marché, cherchent aujourd'hui, par tous les moyens, à revenir dans le secteur réglementé ? Combien de milliards d'euros ont été gaspillés dans toutes les fusions-acquisitions ?
Monsieur le ministre, vous avez évoqué le pouvoir d'achat des Françaises et des Français : il faut avoir l'honnêteté de leur annoncer que les prix du gaz vont augmenter parce que les actionnaires du groupe issu de la fusion Suez-Gaz de France exigeront, à l'instar de tous les actionnaires, de fortes rémunérations.
Avec cette privatisation, c'est donc bien notre indépendance énergétique qui est menacée, cette indépendance qui a été construite par les forces de la Résistance à la Libération. Toute la maîtrise de notre politique énergétique sera bientôt transférée à des groupes privés, dont l'objectif n'est pas de garantir le droit à l'énergie, mais de faire des profits. Le ralliement tardif d'Albert Frère, actionnaire de Suez, à cette fusion ne peut à cet égard que nous inquiéter. En effet, quelles promesses de dividendes et de plus-values futures, avec tout ce que cela implique en suppressions d'emplois et en compressions de dépenses d'investissement, lui ont-elles été faites ? Amputé de son partenaire gazier, EDF sera clairement fragilisé par ce nouveau concurrent. En absorbant Gaz de France, Suez mettra la main sur un portefeuille de 11 millions de clients, à qui le groupe fusionné pourra proposer une offre duale de gaz et d’électricité au détriment d'EDF.
La compétition qui naîtra de l'existence de ces deux groupes les poussera également, afin de capter de nouveaux marchés, à rogner sur leurs dépenses en matière de sécurité et d'investissements, alors même que nous avons tant besoin d’investissement pour développer les énergies du futur et assurer la sécurité, qui est vitale pour des groupes qui ont fait le choix de l’énergie nucléaire ! À cet égard, l'annonce de la cession par Suez d'une partie de son parc nucléaire belge ne peut que susciter les plus vives inquiétudes. Une fois cédées à d'autres multinationales, dans quelles conditions de sécurité ces centrales seront-elles bientôt exploitées ?
Par ailleurs, messieurs les ministres, le réchauffement climatique ou la fin du pétrole ne sont pas des questions mineures : au contraire, mettant en cause toute l'organisation de notre société, elles ne sauraient trouver de réponse dans le cadre de groupes contraints, par leur mode d'organisation même, de privilégier avant tout leur rentabilité financière. Ce sont donc des questions fondamentales qui ne pourront être traitées par des entreprises privées : elles rendent de ce fait d'autant plus vitale l'existence de services publics forts, concentrés sur les seuls enjeux du long terme.
Votre seul argument, finalement, c’est qu’on ne pourrait faire autrement en raison des lois du marché : cette fusion serait un pis-aller imposé par le fonctionnement des marchés financiers et les directives communautaires. Personne ne conteste évidemment le fait que le démantèlement de nos services publics satisfasse les ultralibéraux de la Commission ou d'ailleurs. Du reste, nous savons pourquoi ils ne veulent pas d'un grand pôle public de l'énergie, qui réunisse EDF et GDF et encourage la coopération entre toutes les entreprises intervenant aujourd'hui dans le secteur de l'énergie et de l'environnement.
Mais sous prétexte qu'ils n'en veulent pas, l'État français devrait-il céder, alors que leurs dogmes menacent l'indépendance énergétique de toute l'Europe ? Sous prétexte qu'ils sont incapables d'appréhender les questions écologiques, faudrait-il que la République se soumette ? Pourtant, c'est notre avenir et celui de nos enfants qui est en jeu et c'est tout le développement futur de notre pays que vous menacez !
Face à de tels enjeux, le seul courage dont nous devions faire preuve, c'est de résister en menant la bataille au sein des institutions européennes pour faire respecter le « non » des Françaises et des Français à l'Europe telle qu'elle est organisée aujourd'hui. Le rejet franc du projet de constitution libérale n'aurait-il pour vous aucune signification ? Le courage consiste donc à interrompre immédiatement le déferlement de ces directives, ou plutôt de ces lettres de requête, toutes aussi libérales les unes que les autres. Il suppose que nous nous battions avec fermeté à Bruxelles pour imposer un nouveau traité respectueux des droits des peuples européens et de l'intérêt général. Il est de tout faire pour réorienter profondément la construction européenne, afin de l'émanciper de la tutelle des marchés et des logiques libérales. Il est temps de défendre pied à pied, à Bruxelles, le seul projet qui soit susceptible de garantir à long terme notre souveraineté énergétique : je pense évidemment à la fusion d’EDF et de Gaz de France.
J'en appelle, messieurs les ministres, mes chers collègues, à votre sens des responsabilités. À se mettre ainsi dans le sens du vent libéral, vous donnez à la France l'avenir d'une feuille morte !
Je vous invite donc à ouvrir les yeux et, à moins de courir à la catastrophe, à prendre enfin conscience, non pas par dogmatisme, mais parce que ce modèle économique a fait ses preuves et répond parfaitement aux enjeux qui nous seront posés à l'avenir, que les entreprises et les services publics ont de l'avenir. Certes, nous entendons souvent dire que ces entreprises sont démunies et que leur développement est entravé par leur manque de moyens financiers, moyens que seuls les marchés financiers seraient en mesure de leur donner. C'est bien ce que vous avez dit, monsieur le ministre de l’économie, en déclarant que cette privatisation allait « permettre à GDF d'ouvrir son capital afin de se développer sans s'endetter ».
Ces contraintes sont réelles, mais là encore, nous n’avons aucune raison de nous y soumettre. Il est possible de les dépasser, comme nous le proposons, en constituant un pôle financier public dont une des missions serait précisément de financer l'activité et les investissements dont notre pays a besoin.
Trop d'arguments, dans ce débat, ont dissimulé les enjeux les plus profonds. L'histoire ne retiendra pas le nombre d'amendements déposés ; elle ne se souviendra pas non plus des querelles intestines de la majorité : elle retiendra qu'aujourd'hui, si vous deviez effectivement voter ce texte, la France aura, par pur dogmatisme, choisi de mettre en péril son indépendance énergétique et qu’elle aura, pour des années, entravé son développement économique et social en faisant le choix du renchérissement durable du coût de l'énergie.
Mes chers collègues, ayez bien à l'esprit que c'est uniquement sur ce point que nous avons à nous prononcer ! Du reste, je tiens à le souligner, la bataille pour le droit à l'énergie que nous avons menée durant ces longues semaines ne s'achèvera pas ce soir. L'enjeu est trop grave pour que, sans résister, nous vous laissions continuer votre route. Oui, je fais confiance à nos collègues du Sénat pour continuer le débat parlementaire. Peut-être, avec le temps, réussirons-nous à vous ouvrir les yeux ! De la même façon, je sais que les gaziers ne sont pas résignés au démantèlement de leur entreprise, ce bel outil qu'ils ont construit, par leur travail, depuis tant d'années. Ils ont annoncé une nouvelle journée de mobilisation le 14 octobre prochain. Ils ont déjà conquis le soutien de l'opinion. Je leur fais confiance et je fais confiance à notre peuple pour relayer les parlementaires et, je l'espère, pour vous arrêter, comme ce fut le cas pour le CPE. Il en va de l'avenir de notre pays.
Bien évidemment, vous l'avez compris, les députés communistes et républicains voteront contre ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Le débat aura été long et complet. Long, parce qu’avec 137 000 amendements et 180 rappels au règlement, ce dernier aura montré ses limites et l’image de notre démocratie n’en sort pas vraiment grandie – et c’est un euphémisme, mes chers collègues de l’opposition. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Complet ensuite, parce que toutes les questions ont été abordées et parce que vous, messieurs les ministres, vous, monsieur le rapporteur, vous, monsieur le président de la commission des affaires économiques, avez répondu avec pertinence et dans le détail – j'ajouterai : avec patience – à certaines questions identiques posées cent fois.
À l'heure où chacun va se prononcer, laissez-moi vous rappeler les raisons pour lesquelles la très grande majorité des élus du groupe UMP voteront pour ce texte.
Considérant l'ouverture complète des marchés européens de l'énergie au 1er juillet 2007 et constatant l'augmentation des prix, nous estimons qu'il serait irresponsable de ne pas légiférer.
Considérant l'enjeu géostratégique lié à la sécurité d'approvisionnement en gaz de l'Europe, puis l'accélération, ces derniers mois, de la concentration des grands acteurs européens de l'énergie, enfin la possibilité de constitution d'un groupe GDF-Suez qui serait, outre le premier gazier européen, le leader mondial en GNL et un grand électricien, nous estimons qu'il faut donner à GDF les moyens efficaces de nouer des alliances pour ne pas demeurer dans l'immobilisme. Pour cela, il faut transposer la directive gazière et comme vous le proposez, messieurs les ministres, privatiser GDF.
Le travail des mois de juillet et août nous a convaincus que les participations croisées n'étaient pas à la hauteur des enjeux européens et mondiaux, qu'une séparation des activités de GDF n'y répondrait pas davantage et qu'un rapprochement, voire une fusion, entre EDF et GDF, entraînerait de lourdes exigences de compensation de la part de la Commission européenne, notamment dans le domaine de la production nucléaire à la maîtrise de laquelle nous sommes attachés tout autant que nos collègues de l'opposition.
Pourtant, aux mois de juillet et de septembre, les élus du groupe UMP ont insisté sur un certain nombre de points. Le premier d’entre eux est la nécessité de garantir une minorité de blocage, l’État détenant plus du tiers du capital, et l’instauration d'une action spécifique, dite golden share.
Nous estimons ainsi donner à l'État, de manière pérenne, la possibilité de s'opposer à toute décision qui n'irait pas dans le sens de l'intérêt national et notamment à une OPA hostile, et de s'opposer à toute décision du nouveau groupe ou de ses filiales – je le souligne car la discussion fut vive à ce sujet – pouvant affecter en France les actifs concernant, pour le gaz naturel, les canalisations de transport, la distribution, les stockages souterrains et, pour le gaz liquéfié, les installations qui concourent à la continuité et à la sécurité des approvisionnements. Or, messieurs les ministres, vous avez répondu précisément à toutes les questions, jusqu'à celles relatives au mécanisme de l'action spécifique. Un arrêté après décret en Conseil d'État, pourra interdire une éventuelle décision du conseil d'administration. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Un autre point sur lequel les élus du groupe UMP ont insisté est la nécessité de considérer le savoir-faire de GDF. Le statut des IEG sera en effet garanti pour les activités de l'ensemble des entreprises de la branche et étendu aux commerciaux par décision récente du Conseil de l'énergie.
Quant au service public, nos collègues de l'opposition se sont employés à essayer de faire croire à l'opinion qu’il n’existera plus. Or, mes chers collègues, nous réaffirmons haut et fort notre attachement au service public dans le domaine énergétique ; service public qui demeurera, en toute hypothèse, à travers les contrats de service public fondés sur des contrats à long terme, puisque la discussion a aussi longuement porté sur cette question.
Pour nos collègues communistes, les choses sont claires.
Pour nos collègues socialistes, les choses sont plus nuancées, mais je veux opposer les termes vifs et accusateurs employés à l’encontre du Gouvernement tout au long du débat, aux déclarations ou écrits antérieurs de certains des leurs, et non des moindres, que je cite : « Une entreprise investie de missions de service public peut, sans tabou, nouer des partenariats industriels qui se traduisent par une alliance capitalistique. » Je vous livre cette autre citation : « La part de l'État devra être suffisante pour assurer un ancrage incontestable, sans pour autant graver dans le marbre le seuil de 50 %. » Quels sont donc, monsieur Brottes, ces collègues qui, je crois le savoir, sont candidats à l’élection présidentielle ?
Je souligne par ailleurs que les députés du groupe UMP ont pu avoir accès, comme leurs collègues de chaque groupe, à la lettre de griefs de la Commission européenne (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)…
Je rappelle, enfin, à nos collègues de l'UDF qui auraient sans doute accepté une diminution de la part du capital de l’État de 70 % à 51 %, que cette hypothèse, que nous avons étudiée, n'aurait pu être à la hauteur des enjeux et permettre à GDF de nouer des alliances décisives.
Quant à l'augmentation des prix de l'énergie, arrêtez de dire, chers collègues de l'opposition, qu'en l’absence d'ouverture à la concurrence, ceux-ci demeureraient stables. J’en veux pour preuve l'augmentation du prix du gaz de 30 % pour la seule année 2000, sous le gouvernement Jospin, alors que l’État détenait 100 % du capital de GDF. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Comme vous, nous sommes attachés à la protection du consommateur et je prends acte d'une discussion constructive sur les derniers articles de ce projet relatifs aux contrats. Comme vous, nous sommes attachés à l'intérêt final du consommateur ainsi qu’à la vie de nos entreprises, conscients que nous sommes de la réalité d’un monde très mouvant.
Décision d’ouverture des marchés prise dans une période de surcapacité de production alors qu’aujourd’hui la pénurie se profile ; hausse des prix de l’énergie et notamment du prix du gaz, liée à l’évolution du prix du baril que vous connaissez ; prise en compte des mesures de lutte contre l’effet de serre et des coûts des quotas d’émission de dioxyde de carbone (Protestations de M. Yves Cochet et de Mme Martine Billard) ; contexte géopolitique préoccupant de concentration de la production de gaz dans le monde ; risque de rupture d’approvisionnement et nécessité d’investissements lourds dans un secteur énergétique appelé à se développer ; mouvement de concentration sans précédent des grands acteurs européens. Monsieur Brottes, quels sont les députés responsables conscients de ces réalités, sinon les députés de la majorité qui, dans le respect de quelques opinions divergentes, voteront ce projet de loi ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Je vais donc mettre aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
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Voici le résultat du scrutin :
L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures douze.)
Madame, chère Geneviève, cher Maxime, cher Julien, Gérard fut notre collègue ; pour certains d'entre nous, il fut notre compagnon et notre ami.
Messieurs les ministres, chers collègues, en prononçant son nom et son prénom, nombreuses sont les images qui reviennent à nos mémoires.
Personnalité attachante par la force de conviction qu'il manifestait, par sa simplicité quotidienne et par sa sincérité permanente – simplicité, sincérité qu'il avait mises très tôt au service d'un engagement politique au sein du mouvement gaulliste –, Gérard Léonard incarnait ce qu'un de ses collègues de l'université de Nancy II appelait « l'esprit lorrain », c'est-à-dire des convictions et un engagement déterminé qui se nourrissaient à la fois d'un attachement sentimental, viscéral même à la France et à une certaine idée de la France, ainsi que d'un humanisme chrétien qui place l'homme au centre de tout projet politique, qui lui faisait rechercher en toute chose justice, équité et humanité. Ses interventions sur les questions de sécurité et d'immigration, mais également sur les sujets de bioéthique portent la marque de cette sincérité.
Gérard Léonard s'inscrivait dans la lignée d'hommes politiques éminents qui marquèrent l'histoire de la Lorraine et l’histoire politique de la France depuis la fin du XIXe siècle.
Député de la nation, élu de la deuxième circonscription de Meurthe-et-Moselle, Gérard Léonard s'est forgé une solide réputation de technicien du droit, matière qu'il avait enseignée à la faculté de droit et de sciences économiques de Nancy et, surtout, de spécialiste des questions de sécurité, de police et de justice sans pour autant, naturellement, délaisser les problèmes relatifs à la gestion des collectivités locales.
C'est à la commission des lois, monsieur le président Houillon, où il siégea à partir de 1990, qu'il donna toute la mesure de son talent. Il rapporta à de nombreuses reprises de grands textes législatifs comme le projet de loi d'orientation et de programmation sur la sécurité en 1993 et 1995, le projet de loi sur le renforcement de la lutte contre le travail clandestin, celui sur l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ou, plus près de nous, le texte sur le traitement de la récidive des infractions pénales. Il fut surtout, depuis 1990, le rapporteur pour avis du budget du ministère de l'intérieur. Il était ainsi devenu, au fil des ans, un parfait connaisseur de ce ministère et de tous ses arcanes, et fut, à ce titre, l'interlocuteur, le conseiller, toujours écouté, et parfois redouté, des ministres de l'intérieur successifs.
Sa connaissance de ce ministère et de ses directions et sa maîtrise des questions qui en relevaient justifièrent sa nomination à la Commission nationale de déontologie de la sécurité et au conseil d’administration de l’Institut national des hautes études de sécurité, dont il avait été l’auditeur en 1997.
Mais son activité parlementaire ne se réduisait pas à cette seule fonction législative : Gérard Léonard fut aussi le président très actif du groupe d’amitié France-Liban. Les liens personnels qu’il entretenait avec ce pays étaient nombreux, fréquents, étroits et sincères. Il éprouvait pour cette terre francophone une véritable passion. Il en suivait avec attention les péripéties et la violence l’y inquiétait.
Gérard Léonard puisait la force de son engagement et la pertinence de sa réflexion politique dans un véritable enracinement local. Pendant près de vingt ans maire de Saint-Max, vice-président de la communauté urbaine du Grand Nancy, mais également conseiller régional et vice-président du conseil régional de 1992 à 2002, il savait combien, pour un député, l’écoute de ses concitoyens est nécessaire. C’est de la vérité des uns et des autres qu’il forgeait sa propre vérité.
Gérard Léonard était un authentique élu. Il aimait sa ville de Saint-Max et n’a cessé de vouloir la développer et l’embellir, en prenant soin de le faire en harmonie tant avec la commune de Nancy toute proche qu’avec l’agglomération nancéenne, elle-même au cœur de la Lorraine. Pour Gérard Léonard, les mandats de maire, de vice-président de la communauté urbaine et de conseiller régional étaient en quelque sorte complémentaires, pour servir au mieux ses administrés.
Écouter, servir, aider, accompagner, développer : telles étaient les missions qu’il s’était assignées dans l’exercice de ses différents mandats. Je crois que celles et ceux qui cherchent aujourd’hui à briguer les suffrages gagneraient à s’inspirer de son exemple.
Avec Gérard Léonard, nous avons perdu un collègue, un compagnon et un ami ; Saint-Max et la Lorraine ont perdu un élu local exemplaire, l’Assemblée nationale un parlementaire estimé et respecté.
Je voudrais vous redire à vous, madame, chère Geneviève, à Maxime et à Julien, ses fils, à vous, madame, sa mère, et à toute sa famille, notre peine et notre sympathie, et vous assurer, au nom de l’ensemble des députés, de notre soutien dans l’épreuve que vous traversez et que nous traversons avec vous.
La parole est maintenant à M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement.
Au cours des mois de maladie et de souffrance, le courage physique et la force morale de Gérard Léonard nous ont émus. Nous avons reconnu, dans l’épreuve qu’il traversait, son caractère et ses qualités humaines. Faire face et tenir le plus longtemps possible pour ceux que l’on aime : telle fut sa ligne de conduite, et elle lui ressemblait tant !
Dans sa vie personnelle et dans sa carrière universitaire comme dans son engagement politique, Gérard Léonard fut un homme droit, fidèle tout au long de sa vie, sans ostentation ni rigidité, à ses convictions les plus profondes.
Humaniste imprégné des grands principes de la foi chrétienne, désireux d’être utile et de servir son pays, il s’engagea tôt dans la vie politique et prit au fil des ans d’importantes responsabilités dans la famille gaulliste, où il se sentait bien. Comme beaucoup de militants et d’élus de sa génération, il eut la chance, pendant plus de vingt ans, de se battre aux côtés de Jacques Chirac, auquel il resta jusqu’au bout profondément attaché.
Dès le début de ses études supérieures, il choisit de devenir juriste et d’enseigner cette discipline à l’université de Nancy, où il se révéla un excellent pédagogue, aimé de ses étudiants dont plusieurs siègent aujourd’hui sur les bancs de votre assemblée.
Son engagement politique et son combat pour ses idées se sont vite enracinés dans un territoire, chez lui, en Lorraine, à Saint-Max, dont il devint le maire en 1983. La confiance de ses concitoyens ne lui a jamais manqué. Il aima passionnément ce mandat où, proche des gens, il put agir concrètement et quotidiennement pour améliorer la vie de tous. Comme vous l’avez souligné, monsieur le président, il aimait concevoir des projets pour sa ville et en suivre pas à pas la réalisation. Il mit beaucoup d’énergie et de générosité dans ses responsabilités de maire, qu’il exerça jusqu’au bout de ses forces.
Gérard Léonard était aussi un militant gaulliste que les débats politiques nationaux passionnaient. Il voulut y participer activement en se présentant aux élections législatives. En 1986, 1988 et 1993, il est élu et réélu député de Meurthe-et-Moselle. En 1997, il échoua de peu, mais ne renonça pas et resta, tout au long de ces cinq années d’opposition, très présent sur le terrain. En 2002, il fut heureux de retrouver la confiance de ses électeurs.
Durant ces quinze années de mandats nationaux, Gérard Léonard fut un député qui sut pleinement concilier son travail d’élu local, proche des préoccupations et des espoirs de nos concitoyens, et son vrai goût pour le travail législatif, aussi bien dans le huis clos des commissions qu’en séance publique. Il fut un membre très actif, écouté et respecté de la commission des lois, où il mit avec talent ses compétences juridiques au service de ses convictions politiques. Sur les très nombreux textes où il fut orateur à titre personnel, porte-parole de son groupe ou rapporteur de la commission, il sut refuser les extrémismes d’où qu’ils viennent ou les attitudes démagogiques, qu’il savait impuissantes à régler les problèmes de notre société.
Qu’il s’exprimât et agît en tant que député de la majorité ou qu’il bataillât dans l’opposition avec pugnacité et en usant de tout son talent oratoire, ses prises de position solidement enracinées dans ses convictions restaient celles d’un homme de mesure. Il savait qu’une législation n’est efficace que si elle est juste et applicable. Fermeté et équilibre : c’est en gardant constamment à l’esprit ces deux principes qu’il rapporta avec autorité devant votre assemblée, en 2004, le projet de loi sur le traitement de la récidive.
Lorrain et patriote, Gérard Léonard fut aussi un citoyen du monde qui croyait à la solidarité humaine au-delà des frontières. Il découvrit le Liban, aima profondément, passionnément, ce pays et ce peuple auxquels tant de liens nous unissent, aux jours heureux comme dans les épreuves. Sans doute se sentait-il proche de la pensée du général de Gaulle : « Depuis toujours le Liban apparaît aux Français comme la porte de l’Orient, et depuis beaucoup de siècles la voix de l’Occident est, pour les Libanais, avant tout celle de la France. » Nous savons combien les événements de ces derniers mois l’auraient touché, lui qui fut un président actif du groupe d’amitié France-Liban.
Toute sa vie, quelles que soient les difficultés, Gérard Léonard fut un homme d’action, ouvert aux autres, se dépensant sans compter pour ceux qu’il aimait. Plus que tout, il avait besoin de retrouver les siens dont il se sentait si proche. Son épouse Geneviève, ses enfants et ses petites-filles donnaient tout son sens à sa vie. Nous garderons le souvenir d’un homme généreux, d’un collègue souriant et tolérant, d’un élu passionné par le service de ses concitoyens et de son pays.
Mesdames et messieurs les députés, sur tous les bancs de votre assemblée, l’heure est au recueillement et au souvenir. À son épouse Geneviève, à ses fils, à sa maman, à toute sa famille, à ses collègues, j’exprime, au nom du Gouvernement et en mon nom personnel, notre profonde tristesse et notre solidarité dans l’épreuve qu’ils traversent.
(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent quelques instants de recueillement.)
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante, sous la présidence de M. Maurice Leroy.)
Je rappelle que ce texte a fait l’objet d’une lettre rectificative du Gouvernement (n° 3337).
La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.
Ce texte est en effet important en ce qu’il s’inscrit dans une longue tradition culturelle et sociale propre à notre pays, celle de l’humanisme social, née à la fin du XIXe siècle, et que prolongent les valeurs gaullistes et gaulliennes, …
La France a toujours cherché à s’engager dans des voies contractuelles, des chemins politiques, sociaux et économiques originaux. Ce texte s’inscrit dans cette idée et tourne le dos aux oppositions stériles entre le marché et les forces vives du pays. Il tente donc de s’appuyer sur ce qu’il y a de mieux dans notre législation : l’intéressement des salariés aux fruits de l’entreprise, la participation au sens large, donc au processus de décision, la capacité à la transparence sur ce type d’avantages pour un certain nombre de salariés, le dialogue social et, enfin, la logique de projet collectif.
Je suis, quant à moi, très frappé, mesdames messieurs les députés, de constater à quel point ce texte est crucial puisqu’il va non seulement améliorer les dispositions qui s’appliquent déjà à huit millions de salariés, mais aussi en étendre le bénéfice à huit millions d’autres. De plus, il a vocation à modifier en profondeur le regard porté sur l’économie de marché et le capitalisme français et les relations entre le capital et le travail.
Ce texte est l’enfant d’une longue succession. Le Parlement s’est beaucoup investi dans son élaboration. Je pense ici à Jacques Godfrain, à François Cornut-Gentille, à notre ami Hervé Novelli au Conseil supérieur de la participation, mais aussi à la passion des deux présidents de commission : le président Dubernard et le président Ollier. Le processus avait démarré par une déclaration de Jean-Pierre Raffarin au Conseil économique et social – avec les partenaires sociaux. Il s’agit d’un texte qui a fait l’objet de nombreuses discussions, de concertations, formelles et informelles, et de débats au Conseil supérieur de la participation présidé par Gérard Larcher, notre excellent ami Franck Borotra en étant le vice-président. Ce texte a permis de forger ce concept de dividende du travail, cher à beaucoup d’entre vous ici.
Il s’agit d’un texte fort, à la charnière entre une forme de capitalisme – Gérard Larcher le soulignait hier matin –, qui refuse l’anonymat, d’où l’idée d’une appropriation des fruits du travail et du management, et – on le voit dans des batailles de leadership ou d’actionnariat –, le capitalisme salarial. On mesure les effets que cela peut avoir sur la stratégie de l’entreprise et sur la mondialisation, quand on sait que les salariés de grands groupes français tels qu’Essilor et Eiffage en sont pleinement actionnaires.
Bref, ce texte est tout à la fois culturel, social, philosophique et économique.
Avant d’évoquer les six points que je résumerai chacun en deux phrases, permettez-moi de remercier le ministère des finances et les arbitrages du Premier ministre : aucune véritable ouverture complémentaire ni aucun vrai changement de rythme n’auraient pu se faire sans un accord très puissant sur les systèmes incitatifs qu’ils ont permis.
Les grandes modifications induites par ce texte portent notamment sur l’amélioration du dialogue, l’intensité de la participation et de l’intéressement par les dividendes du travail et l’extension du périmètre des bénéficiaires. C’est le sujet des PME et la négociation de branche obligatoire. Le débat s’instaurera probablement dans cette assemblée sur ces points.
S’agissant de la participation et de l’intéressement, le puissant dispositif mis en place maintient, comme vous le souhaitiez, les dispositifs qui fonctionnent pour ne pas déstabiliser l’existant et « met un puissant turbo » en permettant des avantages fiscaux et sociaux jusqu’à 15 000 euros sous deux conditions : cinq ans de blocage du plan d’épargne entreprise et négociation d’entreprise. Vous réclamiez des actions gratuites sous réserve qu’elles soient généralisées et transparentes. Ce texte le permettra dorénavant dans les mêmes conditions : elles seront offertes à tous et bloquées pendant cinq ans pour pouvoir en tirer une plus-value.
Dans les petites et moyennes entreprises, la négociation de branche sera obligatoire. Vous connaissez le débat. Nous l’aurons ici. Oui, il faut absolument accentuer ce dispositif. Faut-il aller jusqu’à une libéralisation totale ? Fallait-il rendre le processus obligatoire ? C’est, ne nous le cachons pas, l’objet de ce débat. Après les différentes discussions, le Gouvernement vous propose un dispositif fortement incitatif et simplifié avec, je le rappelle, l’obligation de la négociation de branche, mais pas directement dans l’entreprise.
Enfin, je citerai trois sujets complémentaires, parmi lesquels la gouvernance. Nous souhaitons que, dès lors que 3 % du capital sont détenus par les salariés, ceux-ci puissent être représentés au conseil d’administration des entreprises.
Autre sujet majeur : la reprise de l’entreprise par ses salariés. Je suis extrêmement heureux que le ministère des finances ait accepté, et même souhaité, que l’abattement fiscal par crédit d’impôt se fasse à due proportion du capital détenu par les salariés. C’est un outil dont nos entreprises et nos salariés avaient absolument besoin.
Quant à l’intéressement de projet, le sujet pourrait passer, non pas pour baroque, mais pour une innovation marginale. Pour en avoir discuté avec un certain nombre de nos dirigeants et de nos salariés, nous sommes convaincus qu’il représente une avancée absolument cruciale dans notre dispositif. Dépassant les règles traditionnelles des personnes morales, du droit social et du droit fiscal desdits périmètres des personnes morales, il permettra de définir des projets entre plusieurs personnes morales ou entre sous-groupes d’une personne morale déterminée. Il nous faudra être très attentifs au suivi de l’ensemble des administrations et organisations publiques ou parapubliques pour véritablement sécuriser les dispositifs de ce type et éviter que certains n’aient la tentation de contourner le droit fiscal ou un certain nombre de charges pesant sur les dispositifs publics.
Le suivi de ce texte est essentiel puisqu’il sera le dernier pour une ou deux décennies. C’est pourquoi notre débat doit être très franc et très ouvert : nous aurons, en effet, besoin de stabilité pour permettre aux uns et aux autres – salariés, managers ou actionnaires –, de s’approprier le dispositif.
Je ne développerai pas le débat sur les rapports entre le capital et le travail, que vous connaissez mieux que personne. J’appellerai, en revanche, votre attention sur un point complémentaire : l’attractivité de notre territoire et de nos entreprises. Cet ensemble de règles et de dispositifs nous permettra indiscutablement d’aborder dans de bonnes conditions la compétition sur le recrutement et les ressources humaines dans nos entreprises. C’est un élément d’attractivité du territoire au-delà de tout ce qui a été évoqué jusqu’à présent.
En résumé, le peu de polémique occulte l’extraordinaire importance de ce texte.
La France disposait déjà d’un des dispositifs les plus importants, les plus incitatifs et les plus puissants connus dans les économies de marché. Avec ce texte, nous aurons à n’en point douter le meilleur au monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Sur ces bases solides, le débat que nous engageons aujourd'hui est donc l'aboutissement, je tiens à mon tour à le souligner, d'un long travail collectif et coopératif. Nul ne doute que ce texte fasse consensus dans nombre de ses aspects. Il a été conçu comme un moteur – un « turbo » pour rependre l’expression de Jean-Louis Borloo –, de cohésion sociale et de dynamisme économique. Comment, en effet, ne pas reconnaître que nous sommes ici à la rencontre de plusieurs aspirations profondes de l'ensemble des acteurs : récompenser le travail, réconcilier les Français avec l'entreprise, développer l'investissement en actions, stabiliser le capital des entreprises françaises. Le processus de conception, qui a permis d'aboutir à un tel résultat, est le reflet de cet objectif.
Je voudrais donc aujourd'hui vous adresser trois messages.
Dans le premier, je saluerai simplement à mon tour tous ceux qui ont apporté leur contribution aux travaux dont ce projet de loi est le fruit.
Je vous dirai, ensuite, en tant que ministre de l'économie et de finances, ce que j'ai souhaité que ce projet soit et ce que je n 'ai pas estimé opportun de retenir.
Je reviendrai, enfin, sur quelques autres éléments significatifs du texte qui ne manqueront pas d'être abordés dans le débat.
L'esprit du projet présenté par le Gouvernement est bien l'essentiel : outre les mesures juridiques et techniques que nous examinerons, c'est bien, comme l’a dit Jean-Louis Borloo, d'un état d'esprit nouveau que le texte se réclame, d’un état d’esprit totalement respectueux de la participation que le général de Gaulle a installée dans notre pays. Comme le dit le président Dubernard dans son rapport, « le général de Gaulle est à l'origine d'un renouveau théorique et pratique de la participation, et il faudrait presque dire d'une nouvelle naissance de la participation ». Comme le dit le président Ollier, nous parlons ici d'un « projet de société ». Je salue donc le travail de Jean-Michel Dubernard et de Patrick Ollier.
Je voudrais saluer les instigateurs de cet état d'esprit constructif, et d’abord Jacques Godfrain et François Cornut-Gentille, pour le rapport fondateur qu'ils nous ont présenté à la demande du Premier ministre. Ce rapport a été le terreau sur lequel nous avons fait grandir ce texte. Patrick Ollier, cela a été rappelé lors des débats de la commission des affaires économiques, a été, avec Jean-Pierre Raffarin, à l'origine du processus législatif qui nous réunit aujourd'hui. Je salue aussi le rapport de la commission des finances et son rapporteur, Alain Joyandet, qui a pleinement marqué son adhésion à notre démarche en se saisissant pour avis.
Vos débats en commissions témoignent de cet état d'esprit de convergence, comme les nombreux amendements communs de la commission des affaires sociales et de celle des affaires économiques.
Je vous apporterai, à présent, quelques messages simples sur ce texte important pour notre Gouvernement, notre majorité et notre pays.
Sur la base de ces prémices positives, j'ai voulu que ce texte soit un véritable instrument de réussite économique et sociale pour l’avenir de notre pays. D'abord, parce qu'épargner plus dans le cadre de l'entreprise, c'est aussi un bon signal pour le pouvoir d'achat. Mais il convient parallèlement de maintenir l’équilibre selon lequel participation n’est pas salaire ; c’est ce que je retiens des réunions du Conseil de la participation.
La participation est évidemment un élément de rémunération, même si elle est différée. Je souhaite que son développement soit aussi un élément qui puisse nous aider à dissiper le sentiment qu’ont les Français que leur pouvoir d’achat baisse. Du point de vue macro-économique, les chiffres montrent au contraire qu’il augmente.
Je voudrais à présent être un peu didactique car cela me semble important pour éclairer les positions que je prendrai avec Christine Lagarde sur les amendements que vous proposez.
Il s’agit bien tout d’abord de développer la participation et l’actionnariat salarié dans les entreprises de notre pays.
Pour moi, en effet, le développement de ces instruments d’épargne salariale est l’un des plus puissants moyens de faire en sorte que les salariés des entreprises de notre pays participent effectivement au fonctionnement de notre économie.
C’est bien dans cet objectif que nous voulons favoriser la participation des salariés à la vie des entreprises. En étant actionnaires, les salariés deviennent décideurs dans l’entreprise dans laquelle ils travaillent. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
C’est un moyen de rapprocher les Français des entreprises et de faire preuve de pédagogie économique. Cela va bien dans le sens de l’intervention du Président de la République du 14 juillet.
L’objectif que nous poursuivons, c’est d’accroître la motivation des salariés et de créer davantage de richesses pour tous. Nous avons l’ambition de modifier les comportements, ceux des employeurs et ceux des salariés, et donc, in fine, le fonctionnement des entreprises.
Nous souhaitons que les montants mobilisés dans le cadre de la participation augmentent.
Pour donner cette dynamique nouvelle, le texte propose une mesure très novatrice. Il s’agit d’accorder un avantage fiscal important – et je vous remercie, monsieur Borloo, d’avoir rappelé le rôle qu’a joué le ministère de l’économie et des finances aux côtés du ministère des affaires sociales – aux entreprises qui distribuent des actions gratuites à tous leurs salariés, je dis bien tous. Ce nouveau mécanisme est de nature à engendrer une diffusion rapide et large de l’actionnariat salarié. C’est aussi une mesure de justice sociale.
Force est de constater que les dispositifs concernés sont d’apparence complexe. Nous avons donc œuvré pour cette complexité s’estompe quelque peu et qu’en tout état de cause l’épargne des salariés soit le plus possible sécurisée.
Nous proposons des simplifications certaines. Je pense en particulier au recours plus systématique au plan d’épargne entreprise.
Nous proposons aussi des mesures pour permettre que l’épargne des salariés soit gérée avec un lien suffisant et formalisé avec leur intérêt. C’est le sens de la capacité donnée aux FCPE de conclure des pactes d’actionnaires pour rendre les placements en actions plus liquides dans les entreprises non cotées.
Dans notre démarche, je souhaite que nous nous souvenions toujours que nos entreprises, leurs salariés, notre économie tout entière fonctionnent dans un contexte de plus en plus international, et il faut en tenir compte de façon concrète.
D’abord, nous devons prendre conscience que le développement de l’actionnariat salarié en lui-même peut contribuer à stabiliser le capital des entreprises françaises. Je rappelle que l’épargne salariale est investie pour 51,6 %, soit près de 40 milliards d’euros, en titres d’entreprises. C’est une source importante de stabilité du capital des entreprises françaises.
Nous devons aussi tirer les conséquences du fait que nos grands groupes ont certes de très nombreux salariés en France, mais aussi dans de nombreux autres pays. Le texte que vous examinez propose donc d’atténuer les différences de traitement en matière d’actionnariat salarié, qui empêchent les groupes d’attribuer des actions de façon homogène à leurs salariés en France et à l’étranger.
Évidemment, je souhaite que ce que vous approuverez dans le cadre de ce texte soit pleinement cohérent avec la politique économique globale que nous menons avec Christine Lagarde, notamment en ce qui concerne l’attractivité de notre territoire.
Vous le savez, je ne suis pas favorable à « l’épargne pour l’épargne ». Nous avons, d’un côté, les États-Unis, qui n’épargnent pratiquement pas, mais dont la croissance est forte, et, de l’autre, l’Asie émergente, qui dispose d’une épargne très élevée, mais qui bénéficie également d’une croissance forte. La politique du Gouvernement est claire : il ne nous faut pas plus d’épargne, mais une meilleure épargne.
Je souhaite en particulier faire en sorte que cette épargne soit plus productive. Il nous faut réorienter l’épargne pour en renforcer le contenu en actions. J’y ai déjà travaillé avec des mesures permettant de transformer plus facilement les contrats d’assurance-vie en euros, qui sont principalement investis en titres obligataires, vers des contrats davantage investis en actions – et je salue notamment le travail de Jean-Michel Fourgous sur cette question –, avec l’exonération des plus values d’actions à partir de la sixième année de détention, pour renforcer également l’attractivité de l’épargne en actions, et avec la fiscalisation des plans d’épargne logement de plus de douze ans.
Les dispositions du projet de loi sont pleinement cohérentes avec cette dynamique. Je salue en particulier le fait que les concertations au sein du Conseil supérieur de la participation aient permis de converger largement sur le maintien de la règle de blocage de l’épargne pendant cinq ans sur les PEE, qui est pleinement cohérente avec la politique d’épargne longue que je mène dans mon action au ministère de l’économie et des finances.
Quels sont les autres enjeux du débat ?
En marge des questions strictement liées à la participation et à l’actionnariat salarié, quelques autres points seront abordés au cours de la discussion, et notamment les stock-options.
On sait que la responsabilité des chefs d’entreprise est globale : ils ont des obligations envers les clients qu’ils servent, les salariés qu’ils emploient, et leurs actionnaires.
Ma conviction est que seuls la transparence, le contrôle et une bonne régulation permettent de garantir cet équilibre.
Il y a des dispositions juridiques pour cela, notamment la loi sur la confiance et la modernisation de l’économie, que vous avez votée sur ma proposition au cours de l’été 2005. Nous devons veiller à les utiliser pleinement.
Dans ce domaine comme dans bien d’autres, le prix de la liberté de tous, c’est la pleine responsabilité de chacun.
D’abord, il faut renforcer le rôle de l’AMF, l’Autorité des marchés financiers.
Ensuite, on peut effectivement conduire les détenteurs de stock-options, et je pense en particulier aux dirigeants, à conserver tout au long de leur carrière une part des actions ainsi acquises.
Enfin, il faut renforcer le rôle, la responsabilité et le contrôle des conseils d’administration, qui auront donc à se prononcer sur cette question.
Nous discuterons du détail du contenu des mesures au cours du débat.
L’objectif est clair, et je sais que vous le partagez : éviter de créer des conditions qui pourraient conduire à ce que certains ressentent comme des abus.
Chacun sait, en effet, que ces actions gratuites sont désormais en pleine voie de développement dans nos entreprises, et c’est très bien car nous les avons ensemble conçues pour cela, mais il nous faut éviter les mêmes écueils que pour les stock-options, qui sont en train d’être transférées massivement vers les actions gratuites. C’est une question de cohérence et d’équité. Prenons donc des dispositions en ce sens. Je vous en proposerai au cours du débat.
En conclusion, je souhaiterai que le débat soit constructif. Vous savez qu’en parallèle est examiné le projet de loi sur l’énergie au Sénat. J’ai donc demandé à Christine Lagarde d’être à mes côtés pour répondre aux questions ou donner l’avis du Gouvernement sur les différents amendements si je ne suis pas là autant que je le voudrais, mais j’y serai évidemment le plus souvent possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Cette synthèse que représente aujourd’hui la participation n’est pas à cet instant une nostalgie d’une décision du Conseil national de la Résistance exprimée il y a maintenant soixante ans : c’est une réponse à la société d’aujourd’hui, qui est confrontée aux réalités de la globalisation, donc de l’anonymat, qui compte 16 millions de salariés dans le secteur privé et qui doit moderniser sa fonction publique.
Voilà pourquoi ce texte s’inscrit bien dans la continuité d’une démarche historique d’une spécificité française mais, en même temps, d’une responsabilité pour répondre à la modernité en ne nous enfermant pas simplement sur la nostalgie de notre histoire.
Regardons la société d’aujourd’hui.
Les relations sociales qui existent à l’intérieur de l’entreprise témoignent en fait depuis vingt-cinq ans des transformations profondes du capitalisme. L’organisation globalisée du système productif, fondée sur une logique financière d’optimisation et d’efficacité, a fait progressivement évoluer et s’affaiblir les cadres traditionnels qui permettaient aux salariés de se reconnaître dans leur entreprise et d’identifier leurs interlocuteurs.
La mondialisation et l’ouverture des marchés financiers ont souvent transformé en profondeur le capitalisme et l’ont parfois progressivement coupé de ses références humaines palpables. Trop souvent, les salariés ne connaissent plus ceux pour qui ils travaillent. La figure abstraite et lointaine de l’actionnaire s’est substituée à celle, plus proche et incarnée, du patron propriétaire. Le capital est devenu plus anonyme et la propriété, celle de grands fonds. Par nature, ces derniers ne donnent pas une cohérence globale au projet commun, et c’est donc parfois la logique financière qui semble donner le ton.
Entendons-nous bien, je ne juge pas cette transformation, qui est également la preuve que notre économie est dynamique. La mondialisation nous invite à moderniser notre organisation pour l’améliorer, mais aussi à en maîtriser les conséquences au plan de la cohésion entrepreneuriale et sociale.
Ces évolutions ont déstabilisé les salariés, qui ne retrouvent pas l’épaisseur humaine de leur entreprise et qui perdent les repères du projet collectif vers lequel ils tendent. Cela pose des questions auxquelles nous nous devions de répondre, dans le respect des déterminants de la compétitivité.
La finalité de la participation est bien de recréer des liens entre ceux qui détiennent l’entreprise et ceux qui y travaillent. Aujourd’hui comme hier, la production est une aventure collective. La participation, et c’est en cela qu’elle est d’actualité, est un outil pour construire et dépasser les nouvelles tensions qui se sont créées entre actionnaires, managers et salariés.
Les deux objectifs de la participation ont été rappelés tout à l’heure par Thierry Breton et Jean-Louis Borloo : d’une part, permettre une meilleure participation des salariés aux résultats de leur entreprise et, d’autre part, assurer un accès plus ouvert, plus démocratique, aux mécanismes de la participation.
Le pouvoir d’achat des salariés, c’est plus que le salaire, et ce texte ne veut en aucun cas se substituer aux mécanismes de la négociation salariale. Nous mettrons d’ailleurs en place le comité de suivi à l’intérieur de la délégation générale du travail d’ici à deux semaines pour bien marquer qu’il ne faut pas faire la confusion entre la négociation sociale salariale et le dialogue social autour de la participation.
Le dividende du travail et 1’intéressement de projet sont deux outils nouveaux qui donnent les moyens à la direction de l’entreprise de partager avec les salariés des bénéfices exceptionnels.
Alors que la concurrence internationale est intense, nombre d’entreprises françaises ont su prendre le tournant de la globalisation. Certaines connaissent des résultats exceptionnels, qui appellent aussi à une forme de partage. Les entreprises n’avaient pas d’outils pour cela. Nous vous proposons que ces bénéfices irriguent les entreprises au-delà des seuls mandataires sociaux et profitent à ceux qui ont contribué à la réussite, tout en préservant notre compétitivité.
S’agissant de l’élargissement de la participation, l’ambition est de permettre, non pas à la moitié, mais à la totalité des salariés, de bénéficier à terme des dispositifs. Plus qu’un objectif, c’est une nécessité. Il faut en outre que les salariés soient parties prenantes des choix stratégiques. Et naturellement, les PME, dont la vitalité est si essentielle à notre tissu économique, doivent entrer dans cette démarche. Parce qu’elles ont besoin de clarté et de lisibilité, parce qu’elles ne peuvent pas supporter les mêmes contraintes que les grands groupes, le projet de loi avance sur ce sujet de façon pragmatique en prenant en compte leur situation spécifique, mais aussi en se préoccupant, et c’est très important, de la sécurisation des accords.
Le projet simplifie donc les mécanismes accumulés depuis quarante ans pour faire de la participation un dispositif plus immédiatement opérationnel. C’est pourquoi, il demande aux branches professionnelles de conclure, d’ici à trois ans, des accords types que les petites entreprises pourront transposer afin d’instaurer en leur sein un régime de participation dont le Conseil supérieur de la participation assurera le suivi.
Il contribue également – et c’est un élément important – au renforcement du lien et du dialogue social au sein des entreprises. Ce texte a donc pour finalité de retisser des liens entre les différents acteurs de l’entreprise.
Jean-Louis Borloo l’a évoqué tout à l’heure, la façon dont ensemble, le ministère des finances et celui du travail, ont construit ce texte constitue peut-être en elle-même un banc d’essai pour les nouvelles méthodes de dialogue social : une initiative de Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, devant le Conseil économique et social, une mission confiée à deux parlementaires – Jacques Godfrain et François Cornut-Gentille –, un Conseil supérieur de la participation qui se voit proposer non pas un projet sur lequel donner un avis, mais un véritable avant-projet, des navettes qui ont abouti – et je parle sous le contrôle de d’Hervé Novelli et de Jacques Godfrain – non à un consensus mou, mais à une démarche partagée visant à faire progresser de l’idée de participation en évitant de nous renvoyer aux simples choix idéologiques, pour construire ce lieu du dialogue et du partage de la réalité de l’entreprise.
Voilà pourquoi, mesdames, messieurs les députés, ce texte…
Le général de Gaulle aimait dire que la participation serait la « clef de voûte » de la société de demain. Grâce au concours de personnalités comme René Capitant, Marcel Loichot ou Louis Vallon – que je me sens le devoir citer –, il proposa au peuple français une réforme prophétique quand le monde industrialisé tout entier se contentait encore de reproduire les vieilles formules libérales ou keynésiennes.
Participer à la gestion, qu’est-ce à dire ? Certains, toujours excessifs, agitent l’épouvantail de la cogestion.
Mais, notre pays n’a pas su faire fructifier cet héritage autant que nous l’aurions voulu. Il a heurté trop de conservatismes, à droite comme à gauche,…
De ce fait, la France est passée à côté de la véritable dimension politique du projet du général de Gaulle, un projet qui, aujourd’hui encore, demeure pour beaucoup l’alternative moderne « au dirigisme qui ne dirige rien et au libéralisme qui ne libère personne ».
La famille de pensée à laquelle j’appartiens a toujours eu des préventions à rencontre du dirigisme économique. Pour autant, elle s’est toujours défiée de l’ultralibéralisme et de ce que Joseph Stiglitz appelle aujourd’hui, le « fanatisme du marché ».
Si nous savons partir « à la recherche de la participation perdue », si nous savons donner à la concertation au sein de l’entreprise sa pleine mesure, cette réforme permettra de faire prévaloir enfin la culture du réformisme social contre celle de la protestation, encore trop prégnante dans notre pays.
À gauche, Jean Auroux en convient lorsqu’il déclare que nous devons « quitter une société de conflits pour aller vers une société de contrats ». Ou encore : « Dans une société qui se transforme de façon considérable et très rapide dans tous les domaines, notre salut ne peut venir que de notre capacité à dialoguer, c’est-à-dire à partager nos connaissances et à déboucher sur des compromis. »
Dans la majorité, François Cornut-Gentille et Jacques Godfrain ne disent pas autre chose lorsque, dans leur rapport, ils insistent sur la « double dimension de la participation » – sociale et financière – et lorsqu’ils reprennent, dans leur rédaction, l’une des principales conclusions d’une mission parlementaire sur la participation menée en 1993 : « Le partage de l’avoir (participation financière) passe par le partage du savoir et selon des formes respectueuses de l’unité de décision, par un certain partage du pouvoir. »
L’objectif fondamental de la participation est d’aller vers une pacification sociale, facteur de compétitivité. Dans une économie mondialisée, l’entreprise ne peut plus se permettre d’être, pour reprendre encore les mots de Jean Auroux, « le lieu du bruit des machines et du silence des hommes ».
La commission des affaires culturelles souhaite que ce texte et le débat qui l’entoure soient l’occasion de garder vivante cette intuition, de rappeler qu’à la participation financière et économique s’ajoute la concertation. Bref, il n’y a pas une, mais des participations.
Le projet de loi emprunte cette voie dans ses deux premiers titres, entièrement consacrés au développement de la participation des salariés et de l’actionnariat salarié.
Parce qu’aujourd’hui en France, seuls environ la moitié des salariés du privé sont concernés par la participation, le projet vise à favoriser son développement. L’objectif est de permettre à tous les salariés, en particulier à ceux des sociétés non cotées ou de petite taille, d’accéder à une forme de participation.
Ainsi, le texte tend à assurer un meilleur partage des profits entre tous les salariés, en particulier par l’établissement d’un « dividende du travail », forme de supplément de participation et d’intéressement – une idée chère à Patrick Ollier qui la présentera mieux que moi, et que nous avons consacrée en commission. Le projet prévoit également de mobiliser au mieux l’épargne salariale au profit des entreprises, en favorisant le développement des différents plans d’épargne. Il tend aussi à développer l’actionnariat salarié, en particulier en ouvrant la possibilité du placement d’actions gratuites sur les plans d’épargne d’entreprise, ou en facilitant la reprise d’entreprises, autre façon de promouvoir la participation dans ses différentes acceptions.
La commission des affaires culturelles, en cohésion étroite avec la commission des affaires économiques, a adopté de nombreux amendements tendant à simplifier les dispositifs de participation financière, au service d’une plus grande cohérence et d’une plus grande lisibilité de la législation.
Elle a également œuvré au renforcement de la formation des salariés en matière d’épargne salariale, en créant un crédit d’impôt au profit des petites entreprises organisant des formations sur la vie économique et des dispositifs d’épargne salariale au profit de leurs salariés, et en insérant, dans le champ de la formation professionnelle de droit commun, les actions de formation à l’épargne salariale.
Le projet de loi – cet effort doit être salué, même s’il reste timide – s’engage aussi sur la voie du développement de la concertation en renforçant l’association des salariés à la vie de l’entreprise, que ce soit par l’instauration d’un « intéressement de projet », par la généralisation des comités de suivi des accords d’intéressement ou encore par le recours à la négociation de branche afin d’encourager la diffusion de la participation dans les petites et moyennes entreprises.
La commission des affaires culturelles, familiales et sociales, dans une démarche qu’elle a voulue commune avec la commission des affaires économiques, s’est efforcée d’approfondir encore cette dimension sociale au cours de ses travaux. À cet effet, elle a complété le titre Ier par un nouveau chapitre destiné à « favoriser la concertation dans l’entreprise », enrichi de plusieurs mesures.
Il est certes très difficile d’arriver à rédiger un texte valable pour toutes les entreprises et qui crée une obligation – surtout pas ! – ou une incitation à la concertation. Néanmoins, nous avons adopté plusieurs amendements qui ont pour but d’inviter les organisations syndicales et patronales à contribuer à ce grand dessein qu’est la participation. Celles-ci devraient s’approprier pleinement les mécanismes participatifs dont le succès leur doit beaucoup, et qui n’ont d’autre ambition que de les placer au cœur de la réflexion économique, comme je vous l’ai souvent entendu dire, monsieur Larcher.
Cette invitation ne se limite pas aux organisations du secteur marchand. En effet, madame et messieurs les ministres, nous avons souhaité réintégrer dans ce texte, fût-ce de manière symbolique, la fonction publique, qui était la grande absente du projet de loi. L'intéressement est une piste à approfondir pour donner un nouvel élan à la modernisation de l'État : il s’agira de récompenser les agents publics et de faire en sorte que l'administration et les services publics passent plus rapidement d'une logique de moyens à une logique de résultats. Mais, là non plus, on ne devra pas faire l’économie de la concertation, souhaitée par de nombreux fonctionnaires, qu’ils relèvent de la fonction publique de l’État, de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière.
Les titres III et IV ajoutent au texte une dimension intéressante, puisqu’ils visent notamment à sécuriser les parcours professionnels, à assurer la mise en œuvre du plan national d'action concerté pour l'emploi des seniors ou à protéger les épargnants contre le placement abusif de produits financiers.
Cependant, l'accumulation de ces dispositions nuit à la lisibilité du texte. Aussi, la commission a préféré supprimer celles d'entre elles qui pouvaient prendre place dans un autre texte législatif, par exemple dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale ou dans un projet de loi de finances.
Elle a en revanche accepté les mesures proposées par le Gouvernement par le biais d’une lettre rectificative : la création d'un « chèque-transport » vise, en réponse à la préoccupation bien identifiée de plusieurs millions de salariés, à compenser la hausse du coût du transport de leur domicile à leur lieu de travail ; l'abrogation de l'interdiction pour les sociétés anonymes sportives de faire un appel public à l'épargne, qui fait suite à l’avis motivé de la Commission de l’Union européenne du 13 décembre 2005.
Demain, ce sera aux organisations professionnelles de prendre le relais : j'espère que nous saurons enfin créer avec elles les outils nécessaires au développement et à la transmission de cet héritage politique français qu'est la participation. La concertation notamment doit devenir une donnée de base de l'économie française.
Que cela soit une entreprise difficile, nul n'en doute. Pourtant le général de Gaulle, tirant dans ses Mémoires d'espoir les enseignements de son échec, nous invitait encore et toujours à l'optimisme : bien que son projet ait dressé contre lui « l'opposition déterminée de toutes les féodalités, économiques, sociales, politiques, journalistiques, qu'elles soient marxistes, libérales ou immobilistes », il n'en demeurait pas moins convaincu que « par-delà les épreuves, les délais, les tombeaux ! ce qui est légitime peut, un jour, être légalisé, ce qui est raisonnable peut finir par avoir raison ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Dès lors, je ne peux que me réjouir du projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui et qui doit nous donner l'occasion de faire avancer – enfin ! – le grand projet de la participation, dont la modernité répond aux évolutions structurelles que connaît notre société.
Car, au-delà des dispositions techniques, c’est à la mise en œuvre d’un véritable projet de société, auquel nous croyons ardemment, que nous devons à travers ce texte donner l’impulsion, comme vous venez de le dire, monsieur Dubernard.
Je vous remercie, monsieur Borloo, monsieur Breton, monsieur Larcher, d’avoir construit un texte conséquent. Il reste cependant des marges de progression, et j’ose penser que nous contribuerons, par la richesse de nos débats, à le rendre encore meilleur.
Le général de Gaulle n’a jamais conçu la participation comme un instrument comptable ou une règle arithmétique de distribution des bénéfices. Pour lui, comme pour tous ceux qui ont cru à ce projet, il s’agissait avant tout et fondamentalement d’un vrai projet de société, ayant l’ambition de modifier profondément les rapports sociaux au sein de l'entreprise, en associant le capital et le travail : cette association, à laquelle nous croyons ardemment, doit faire des hommes qui participent à l’entreprise des partenaires plutôt que des adversaires.
La participation vise à transcender les réflexes de classes, même si ceux-ci ont évolué…
Certes, la lutte des classes a évolué, et les périodes d’affrontements directs sont loin derrière nous. Mais certains réflexes conservateurs sont toujours là ! (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Et aujourd’hui, mes chers collègues, ces réflexes sont plutôt de ce côté-ci que de ce côté-là, et nous allons en faire la démonstration.
Nous engager résolument dans cette troisième voie entre le libéralisme sauvage et le collectivisme toujours présent, voilà notre ambition, monsieur Gremetz !
L'ordonnance du 7 janvier 1959 est la première mise en œuvre de ce dessein visionnaire, au cœur dès 1946 du projet du Rassemblement du peuple français. Elle fut inspirée par une proposition de loi rédigée notamment par René Capitant, Marcel Loichot et Louis Vallon, dont je salue la mémoire car ils ont fait progresser cette grande idée.
Ont suivi un certain nombre de réformes qui ont progressivement façonné les dispositifs participatifs que nous connaissons aujourd'hui : ordonnances du 17 août 1967, rédigées notamment par Édouard Balladur ; loi du 27 décembre 1973 ; ordonnances du 21 octobre 1986 ; loi du 25 juillet 1994 enfin, dite loi Giraud, votée dans le prolongement du rapport établi par notre collègue Jacques Godfrain : ce texte, outre un volet financier, comportait un volet « participation aux décisions » qui était un vrai progrès.
On peut également citer une disposition plus récente, introduite, à l'initiative de M. Balladur, dans la loi de finances pour 2005, ou les mesures, notamment fiscales, prises en matière d'intéressement, de participation ou de plans d'épargne dans le cadre de la loi du 26 juillet 2005.
Nous devons à nos collègues Jacques Godfrain et François Cornut-Gentille le dernier rapport parlementaire en la matière, qui nous aidera à faire progresser ce projet de loi.
Si l'ensemble de ces initiatives a permis de développer les mécanismes participatifs et de les adapter aux différentes situations que peuvent connaître les entreprises et leurs salariés, force est de constater après vous, monsieur Larcher, qu’un long chemin reste à parcourir pour faire de la participation un vrai projet de société. Contre les conservatismes de tous bords, nous n'avons pas su faire aboutir cette grande ambition – je n’hésite pas à la qualifier de révolutionnaire, même si le mot doit choquer. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Elle implique en effet un grand changement des mentalités et des comportements. De Gaulle lui-même n’affirmait-il pas que « si une révolution consiste à changer profondément ce qui est, notamment en ce qui concerne la dignité et la condition des salariés, alors certainement, la participation en est une ». Quarante après, mes chers collègues, je me retrouve tout à fait dans ces propos, car je considère que la participation est résolument moderne, en ce qu’elle nous ouvre des perspectives d’avenir susceptibles de recevoir notre adhésion, du moins sur les bancs de la majorité.
Nous avons aujourd’hui l’occasion d'avancer dans ce sens : les mentalités ont évolué, et patronat comme syndicats peuvent reconnaître l’ambition sociale de ce projet. En le défendant, nous faisons la démonstration que le progrès social est aujourd'hui du côté de la majorité, et non de l’opposition !
Ce projet compte trois dimensions : la participation financière, qui reconnaît la contribution des salariés aux résultats et à la performance de leur entreprise ; la participation au capital par le biais de l’actionnariat salarié, qui consacre la responsabilité de ceux qui se sentiront ainsi un peu propriétaires de leur outil de travail ; la participation à la gestion de l'entreprise, qui transforme le simple exécutant qu’était le salarié en un authentique partenaire. En effet, la participation est un projet d'émancipation, un projet visionnaire et porteur d'espoir, qui place l'homme au cœur de ses préoccupations, en récusant, selon le mot du général que vous venez de rappeler, cher collègue, « le dirigisme qui ne dirige rien et le libéralisme qui ne libère personne ».
Le texte qui nous est soumis comporte de ce point de vue bon nombre de dispositions positives, mais la commission des affaires économiques a estimé que cette dimension méritait d'être renforcée.
Ainsi, madame et messieurs les ministres, nous approuvons tout à fait la faculté ouverte aux entreprises de verser un supplément d'intéressement ou de participation, ou les mesures destinées à encourager la distribution d'actions gratuites ou la reprise d'entreprise par les salariés.
De même, on ne peut que se féliciter de la création d'un intéressement de projet, ainsi que des dispositions qui tendent à favoriser la conclusion d’accords de participation dans les PME.
Mais aussi positives que soient ces mesures, il faut cependant aller plus loin. À défaut, nous n'éviterons pas l'écueil contre lesquels ont buté toutes les initiatives dans ce domaine : enfermer la participation dans une dimension exclusivement technique et financière, alors que, comme le déclarait le général de Gaulle en 1950, « c'est l'association contractuelle et réelle que nous voulons établir et non pas ses succédanés : primes de productivité, actionnariat ouvrier, intéressement aux bénéfices, par quoi certains, qui se croient habiles, essaient de la détourner ».
Aller beaucoup plus loin dans ce sens, tel est l'objet des amendements que nous proposons, avec le président de la commission des affaires culturelles, Jean-Michel Dubernard. En effet, comme vous avez pu le constater, nous avons déposé les mêmes amendements ; nos deux commissions se sont de la même façon efforcées de conduire ensemble leurs auditions, et elles continueront à joindre leurs efforts pour vous convaincre, madame, messieurs les ministres, d’accepter d’emprunter le chemin qu’elles vous proposeront.
Ce chemin doit nous conduire à redonner à la participation sa véritable dimension de projet de société, notamment par la mise en place du concept de « dividende du travail » : cette technique traduit une vision globale de la participation, en reconnaissant qu'au-delà de la légitime rémunération du capital par le dividende, et de la rémunération non moins légitime du travail par le salaire, les surplus de richesses dégagés par l'action commune des deux puissent être, à due proportion, répartis entre le capital et les salariés.
Certes, un tel système existe déjà en partie ; mais nous avons la volonté de faire tomber les murs qui séparent encore, à cause des mots, le capital et le travail. C’est donc aux mots que nous confions le soin de concrétiser cette volonté, car ils ont autant de force que des actes. Le dividende du travail est le moyen de confirmer l'association du capital et du travail que nous voulons promouvoir.
Je sais que cela peut choquer, mais si nous ne sommes pas capables de démontrer par les mots notre volonté sincère de faire tomber les murailles qui séparent le monde des salariés de celui de l’entrepreneur ou du capital, nous aurons peut-être manqué le moyen d’agir pour concrétiser cette grande cause.
Je sais que les syndicats y sont opposés et que certaines instances – que je ne citerai pas toutes – réagissent toujours en fonction de critères du passé.
Il nous faut dépasser ensemble ces critères et nous entendre sur la manière de faire table rase de certains critères et de certaines oppositions qui ont produit et produisent encore des situations conflictuelles alors que, dans l’entreprise, je le répète, on pourrait devenir plus souvent partenaires qu’adversaires.
Si nous sommes capables d’associer le dividende, traditionnellement lié au capital, et le travail, traditionnellement lié au salaire de l’ouvrier ou du salarié, ce dividende du travail nous permettra d’interpeller la conscience collective de ceux qui veulent progresser et, les mots incarnant les idées, de faire avancer cette grande cause. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Deuxième progrès, madame et messieurs les ministres : nous souhaiterions favoriser le développement de la participation dans tous les secteurs de l’économie.
J’ai compris que l’obligation n’était pas la bonne formule.
Au risque encore de choquer, j’ajouterai que, si nous voulons être sincères avec nous-mêmes et, forts de nos convictions, aller plus loin dans la participation, il faut y intéresser aussi les entreprises publiques.
Il faut donc que les entreprises nationales soient intéressées, ainsi que les fonctions publiques territoriale, hospitalière ou de l’État.
Deux points encore avant de conclure, monsieur le président.
D’abord, il conviendrait de renforcer ce projet de loi en prévoyant que le corps de salariés actionnaires que nous voulons créer puisse, comme il est naturel pour qu’il ait une existence dans l’entreprise, élire ses représentants au conseil d’administration.
Je suis prêt à évoquer avec vous, monsieur le ministre, les conditions de la mise en œuvre de cette disposition. On ne peut pas vouloir une chose et son contraire : si l’on veut réellement que les salariés actionnaires soient représentés, ils doivent choisir qui les représentera, selon des modalités qui peuvent être discutées.
Pour conclure, je dirai que cette troisième voie que nous appelons de nos vœux, entre le capitalisme dit « sauvage » et ce que l’on appelle encore le collectivisme, est une nouvelle manière d’appréhender les relations entre les individus dans le monde du travail, à l’instar de la gestion participative chère à Serge Dassault, qui va prendre le relais au Sénat. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Dans le contexte actuel, où l’économie tend trop souvent à prendre le pas sur le social et où les Français sont à la recherche de projets porteurs d’espoir, la participation est une réponse novatrice aux attentes qui s’expriment. L’actionnariat salarié est un instrument de modernisation des relations sociales et un outil efficace de relance du pouvoir d’achat. Il est aussi un instrument efficace du patriotisme économique, car il permet de créer des noyaux durs d’actionnaires salariés qui – même si cela ne résout pas tout – peuvent contribuer à s’opposer aux tentatives hostiles de prise de contrôle des entreprises françaises depuis l’étranger.
Ne nous y trompons pas, la plupart des Français appellent de leurs vœux l’actionnariat salarié, qui est pour certains un moyen de ressouder les liens nés du dialogue social et représente pour les autres une véritable opportunité de partager enfin équitablement les fruits de la croissance.
Je souhaite qu’ensemble nous ayons l’audace d’aller toujours plus loin pour faire aboutir ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La commission des finances est saisie d’une petite partie du texte, notamment des titres Ier, II et IV. Je ne répéterai donc pas ce qui vient d’être très bien dit par les présidents de nos deux commissions et me limiterai à quelques considérations.
Je tiens d’abord à me réjouir que ce texte soit l’aboutissement d’une très longue concertation, comme ont pu le vérifier aussi ceux qui ont comme moi organisé des auditions. Ainsi, le Conseil supérieur de la participation, qui a beaucoup travaillé sur ce texte,…
La commission des finances s’est réjouie de certaines avancées, comme l’élargissement évident du périmètre de la participation qui résultera de l’adoption probable de ce texte. Nous nous réjouissons aussi du dispositif prévoyant la distribution d’actions gratuites, à condition qu’elles soient offertes à tous et, bien entendu, assorties d’une période de blocage de cinq ans.
L’idée d’un intéressement autour de projets n’est ni anecdotique ni « burlesque », monsieur Borloo, et pas plus que celle de la reprise d’une entreprise par ses salariés.
Sans doute le texte ira-t-il encore plus loin, mais je consacrerai l’essentiel de mon bref temps de parole au manque criant qui se manifeste dans ce texte. S’il est, en effet, beaucoup question aujourd’hui de participation et que huit millions de personnes en bénéficient dans notre pays, six millions d’autres n’en bénéficient pas.
L’an dernier, à l’issue d’un travail mené sur le sujet par plus d’une soixantaine de parlementaires, nous avons déposé une proposition de loi visant à instituer une prime de partage des profits des petites et moyennes entreprises, que nous vous proposerons de réintroduire dans le texte lors de la discussion que nous engageons aujourd’hui.
Pourquoi six millions de personnes sont-elles aujourd’hui exclues des dispositifs de participation ? Certainement pas parce qu’elles n’ont pas envie d’en bénéficier, et pas non plus parce que les chefs d’entreprise en question n’ont pas envie de partager – quel que soit le nom qu’on lui donne – le profit ou le bénéfice des entreprises : c’est parce que c’est trop compliqué. Tant que nous imposerons un blocage de l’épargne pendant cinq ans, l’ouverture de comptes courants, des engagements pluriannuels, des formules de calcul très complexes et un dispositif très contraignant, il n’y aura pas d’actionnariat salarié et moins encore de participation dans toutes ces entreprises auxquelles on parle d’accords de branche ou d’entreprise.
Si, à cette étape dont nous reconnaissons tous l’importance, nous ne nous attaquons pas au problème des entreprises de moins de cinquante salariés, je suis prêt à parier que, dans cinq ans, nous constaterons avec plaisir que, dans les grandes entreprises, la participation aura augmenté de 5 %, 10 % ou 15 %, et que les huit millions de salariés qui bénéficiaient déjà de la participation en bénéficieront encore un peu plus, mais que nous constaterons aussi que ceux qui n’en bénéficiaient pas du tout n’en bénéficieront pas davantage.
Forts de ce constat, certains parlementaires ont envisagé un dispositif beaucoup plus simple, que la commission des finances a adopté. Ce dispositif, facultatif pour les entreprises de moins de cinquante salariés…
J’espère pouvoir, à l’occasion de cette discussion, convaincre le Gouvernement. Nous reviendrons sur ce point lors de l’examen de l’article 6.
Dans un récent communiqué de presse que m’a signalé mon collègue Michel Raison au début de la séance et qui montre bien que les petites entreprises ne sont nullement hostiles à ce dispositif, la Chambre de commerce et d’industrie de Paris déclare qu’« il n’est pas acceptable de contraindre ces petites entreprises à adopter un dispositif initialement conçu pour les plus grandes, surtout si elles ont déjà mis en œuvre une politique de rétribution innovante par d’autres moyens. » Le communiqué souligne que « le système actuel repose sur l’application d’une formule légale de calcul de participation » – formule illisible pour les petites et moyennes entreprises, du moins pour celles de moins de cinquante salariés – « dont les coûts administratifs et financiers peuvent être trop élevés pour de petites structures. C’est pourquoi la CCIP propose un modèle facultatif et souple, c’est-à-dire autorisant d'autres modes de calcul, pour les entreprises de moins de cinquante salariés. Cette solution aurait l'avantage de ne contraindre personne et de stimuler l'accès des plus petites entreprises à la participation. De plus, » – et cela me paraît très intéressant – « elle permettrait un passage en douceur à la formule légale de participation si l'entreprise dépasse un jour le seuil de cinquante salariés. »
Pour conclure, madame et messieurs les ministres, je sais bien qu’on nous oppose les seuils et les exceptions à la règle, mais on voit bien que le succès universel de certaines des dispositions des textes que vous avez récemment élaborés – en particulier de ceux de M. Borloo – s’explique parce que vous avez accepté de mettre en place des mécanismes complexes et spécifiques pour répondre à des situations complexes. Si l’on tente d’appliquer une règle générale à toutes les entreprises, qu’elles aient vingt ou deux cent mille salariés, il ne faudra pas être surpris de voir que le système fonctionne dans les grandes mais pas dans les petites.
Nous devrons trouver ensemble au cours de ce débat des solutions acceptables par tous pour que ceux qui n’ont rien puissent avoir un peu. L’objectif de l’UMP n’est pas que ceux qui ont déjà aient encore plus sans que ceux qui n’ont pas aient eux aussi un peu – et pour qu’ils aient un peu, il faudra peut-être que ceux qui ont déjà beaucoup aient un peu moins.
Faisons une participation ouverte à tous pour que, dans un pays comme le nôtre où l’on parle beaucoup d’économie en des termes que les gens ne comprennent pas, au moins les salariés des petites entreprises soient réconciliés avec la vie de l’entreprise, avec les profits des entreprises, et ils le seront pour peu que nous acceptions de leur en laisser un petit morceau. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Vous parlez largement, messieurs les ministres et messieurs les rapporteurs, de la composition du Conseil supérieur de la participation, comme si celui-ci était une entité extraordinaire. Or je vais vous donner tout de même, pour votre information, la composition de ce conseil supérieur, présenté comme un élément de concertation extraordinaire. Il est très important de savoir de quoi on parle ! Je pensais que ce conseil était paritaire,…
En qualité de membres d’associations de salariés actionnaires, il y a M. Jean-Claude Mothie et M. Bruno Catelin, et en tant que membre d’une association oeuvrant pour la participation, M. Paul Maillard – que des gens bien pensants ! Voilà donc la haute autorité avec laquelle vous avez tant discuté !
Vous avez dit, chers ministres, chers rapporteurs, que toutes les organisations syndicales avaient exprimé leur désaccord avec votre projet de loi. Merci de l’avoir reconnu.
Je vais vous donner un exemple vécu : il y a quelques mois, nous étions dans un conflit social important concernant le contrat « nouvelles embauches ». Il y avait les pour et les contre. La France était dans une situation socialement difficile. Pendant ce temps, le Conseil supérieur de la participation se réunissait, dans la sérénité : tous les syndicats, toutes les organisations patronales, tous les membres désignés par leurs institutions étaient là, et nous avons travaillé dans le calme sur ce texte. C’est dire que toutes les influences extérieures – dont vous faites partie vous aussi – se sont heurtées à notre volonté de faire notre travail. Et le taux d’écoute, d’échange et de compréhension atteint lors de ces réunions m’oblige à reconnaître aujourd’hui que mes propres idées sur certains sujets liés à la participation ont évolué, parce que j’ai eu des conversations, que je n’aurais jamais eues autrement, avec certains membres de la CGT, de la CFDT, de Force ouvrière, de la CGC, et d’autres organisations représentatives.
Je terminerai en vous disant, monsieur Gremetz, de ne pas essayer de détruire ce qui marche bien, comme c’est votre habitude. Je tiens à rendre hommage au Conseil supérieur parce qu’il a merveilleusement apporté sa pierre à l’édifice (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean Le Garrec.
Je voudrais, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, d’abord vous saluer et vous dire que votre discours sur la participation et l’intéressement était beau comme l’antique. J’ai rêvé pendant un moment d’un monde idéal, où tout se passait tranquillement, où les choses coulaient de source, où tout était réglé. Et je reconnais au moins à M. Larcher un mérite – il en a d’autres –,…
S’agissant de ce texte, j’aborderai trois points : un, c’est un fourre-tout ; deux, il est souvent contradictoire avec votre projet de participation ; trois, il ne répond pas à un projet de société, c’est-à-dire à un projet de responsabilisation et de droits nouveaux des salariés.
Vous-même, monsieur Ollier, n’êtes pas à l’aise avec ce texte, et vous vous êtes même inquiété de l’ajout d’éléments hétéroclites, comme le chèque-transport, l’ouverture des clubs de football à une capitalisation boursière, etc. On a tout mélangé dans un melting pot où votre projet de société est complètement noyé, complètement perdu. Je me demande d’ailleurs, puisque les clubs de football s’ouvriront à une capitalisation boursière, si les joueurs auront droit à des actions gratuites en fonction du nombre de buts marqués ou de passes efficaces.
Deuxième point : la contradiction. C’est tout de même énorme que, dans le même texte, on parle de projet de société et qu’on y ajoute des articles totalement contradictoires avec la conception et la hiérarchie des normes dans le droit du travail. C’est un paradoxe jamais vu ! C’est tellement vrai que, pour la première fois à ma connaissance, le président de la commission des affaires sociales a dû supprimer quinze articles. Il est tout de même curieux que le Gouvernement ait inséré dans ce texte ces quinze articles.
Où est la négociation entre le Gouvernement et les présidents de commissions, de surcroît rapporteurs, sans parler de celle avec les organisations syndicales, sur laquelle vous avez fait l’impasse ? Les articles supprimés contenaient des énormités, telles que le décompte des effectifs et des salariés, ou – article 25 – la possibilité pour les salariés à temps partiel de faire de l’intérim ! Vous avez eu le courage d’écrire dans votre rapport, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, que cet article suscitait « des interrogations » et présentait « des risques sur le plan humain ». Quel aveu extraordinaire !
Comment, dès lors, pourrais-je croire un seul instant au discours du ministre des finances ? Je m’interroge : qui dirige ? Qui décide dans ce pays ? Et sur la base de quelles concertations préalables ? Je conçois fort bien qu’une commission puisse avoir des désaccords avec le Gouvernement ou discute de tel et tel point, mais supprimer quinze article, c’est du jamais vu !
Derrière les discours généreux et généraux, le regard du Gouvernement – je ne parle pas pour vous, monsieur Larcher – sur le monde et les droits du travail est particulièrement déplaisant. J’en prendrai un exemple hors du projet de loi mais en accord avec sa philosophie. L’article 30 du code des marchés publics dispensait de mise en concurrence préalable les marchés de services sociaux, sanitaires, récréatifs, culturels, ainsi que ceux liés à l’éducation et à la formation professionnelle, en application d’une directive européenne du 31 mars 2004. Or, après avoir combattu la directive Bolkestein, on supprime aujourd’hui, par décret, et soi-disant sur un avis du Conseil d’État, cette disposition. C’est un recul énorme dans les domaines concernés, au reste désapprouvé au sein même du Gouvernement par M. Borloo et par M. Larcher. Les questions écrites adressées au Gouvernement, comme mon intervention en tant que président de l’alliance Villes-emploi sur ce sujet sont également restées lettre morte.
D’un côté, on nous parle de projet de société et du droit des salariés, de l’autre on imagine quinze articles pour détricoter le code du travail, et l’on remet en cause l’article 30 du code des marchés publics : une fois encore, de qui se moque-t-on ? Comment pouvez-vous imaginer que l’on puisse vous croire ?
Reste un vrai débat, amorcé dans les années soixante-dix et quatre-vingt – j’ai d’ailleurs pu retrouver ce que j’écrivais à l’époque à propos de la commission Détraz ou du rapport Sudreau – : quelle est la place des salariés dans les entreprises ? Comme l’a justement suggéré M. Larcher, les choses ont rapidement évolué depuis : nous sommes passés d’un capitalisme patrimonial à un capitalisme purement financier. Le premier, discrédité à l’époque du général de Gaulle – notamment en raison de ce qu’il représentait lors de la guerre de 1940-1945 –, évolua progressivement avant d’être terrassé par le second dans les années quatre-vingt.
Comment, dans le cadre de ce capitalisme financier et en distinguant entre petites et grandes entreprises, définir la place des salariés ? Cette question implique aussi, c’est vrai, une réflexion sur les petites et moyennes entreprises, prises en tenailles entre les grandes entreprises et la sous-traitance, la grande production et les décideurs. De quelle marge de liberté disposent-elles ? Comment les intégrer dans ces rapports de pouvoir ?
Face à ces nouveaux défis, la question financière est tout à fait secondaire, comme l’indiquait à juste titre le président Ollier. Ni la distribution d’actions gratuites, ni des suppléments d’intéressement – auxquels je ne serais évidemment pas opposé – ne suffiraient. Nous savons bien que même la capitalisation boursière, à laquelle le ministre du budget se montre si attaché, est dérisoire au regard des montants atteints par la globalisation financière des entreprises, et qu’elle ne permet pas de résister aux OPA : quand M. Mittal met 40 milliards sur la table, tout est fini !
Il n’existe guère que deux possibilités.
Premièrement, nous ne devons pas oublier les petites et moyennes entreprises au profit des grandes – regardez seulement les marges en retour et vous comprendrez les mécanismes destructeurs à l’œuvre ! J’ai encore à l’esprit l’exemple d’une entreprise de quarante femmes qui fabriquait des maillots de bains, et qui, après une délocalisation partielle de son activité, vient de fermer.
Deuxièmement, puisque vous ne cessez de vous référer au général de Gaulle, commencez par vous pencher sur le rôle du comité d’entreprise ! Aux termes de l’article L. 431-4 du code du travail, celui-ci œuvre à « la prise en compte permanente [des] intérêts [des salariés] dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail ». Tout est dit ! Or, comme le demandait à l’époque le CNPF dans un bulletin du 16 décembre 1946, la loi a malheureusement été utilisée dans un sens restrictif, si bien que les comités d’entreprise n’ont pas pu jouer le rôle qui leur revenait. Reprenons donc les textes déjà existants !
Souvenez-vous également de la représentation des salariés dans les conseils d’administration des entreprises, que j’ai introduite en 1982.
J’ajoute, monsieur le président Ollier, que nous ne devons pas limiter notre réflexion aux seuls salariés actionnaires.
Si vous voulez vraiment un projet de société – et j’en suis d’accord –, remettons sur le tapis le rôle du comité d’entreprise, qui s’est réduit progressivement à la gestion des colonies de vacances et des arbres de noël – ce n’est pas négatif en soi, mais ce n’est pas son rôle initial –, le rôle des actionnaires représentant les salariés au sein du comité d’entreprise et le rôle des salariés élus au conseil d’administration. La matière est là, nulle besoin de la corriger. Perdons cette habitude de toujours légiférer, et regardons plutôt pour quelle raisons nous n’avons pas obtenu les résultats escomptés.
Il y a un point, malgré tout, sur lequel je suis d’accord avec vous : les salariés représentent une richesse extraordinaire. Les enquêtes font apparaître que les trois principaux atouts que citent les entreprises qui s’installent en France sont la force de travail des salariés, leurs compétences et l’environnement.
Je suis de ceux qui pensent que ces salariés ne participent pas assez aux processus de décision et je l’illustrerai par un exemple récent, celui du retard que connaît la construction de l’A380. Peut-on imaginer un seul instant que les salariés qui travaillaient dans la chaîne de décision et dans la chaîne technique n’aient pas eu conscience des problèmes existants ? Non. Ont-ils été consultés ? Non. Bilan : 2 milliards d’euros de coûts supplémentaires pour un avion, dont, par ailleurs, je ne remets pas la qualité technique en cause. Pour avoir longtemps travaillé en entreprise, je sais que ces choses-là se produisent fréquemment.
Quoi qu’il en soit, nous verrons quelle sera la position du Conseil constitutionnel sur les quinze articles que la commission veut supprimer et dont certains sont de véritables cavaliers. En attendant, il est important que le débat s’amorce, mais n’allez pas nous faire croire que c’est avec des grandes phrases et des hommages appuyés au général de Gaulle que l’on résoudra les problèmes ! C’est d’une véritable analyse de l’entreprise qu’il faut partir, en s’appuyant sur les organisations syndicales, qui la connaissent, et sur les dispositifs qui existent déjà. Peut-être alors fera-t-on un bout de chemin vers un plus grand engagement des salariés dans l’entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Je rappellerai d’une part que le principe paritaire s’applique lorsque l’on vote, mais pas quand il s’agit de simples avis ; d’autre part, je vous renvoie au texte de 1982 instaurant la Commission nationale de la négociation collective. Celle-ci est constituée à parité des partenaires sociaux, auxquels s’ajoutent des membres du Gouvernement et du Conseil d’État. C’est cette même organisation, n’en déplaise à M. Gremetz, que reprend le Conseil supérieur de la participation.
En second lieu, monsieur Le Garrec, vous avez évoqué la question importante de la sous-traitance. C’est un sujet qu’il nous faudra aborder tant au plan national qu’au plan européen car, au même titre que la responsabilité sociale, la relation entre le donneur d’ordre et l’exécutant est un élément essentiel pour l’équilibre de nos entreprises. Or pour la première fois, les salariés de la grande entreprise et ceux de la sous-traitance se trouvent sur un pied d’égalité grâce à l’intéressement de projet, cher à Jacques Godfrain, qui constitue une première réponse.
Je voudrais aussi vous dire, puisque vous avez cité avec gentillesse l’épargne salariale, que ce que l'INSEE retient, c’est la différence liée à l’épargne salariale issue de la loi Fabius plutôt que la réalité de la participation non issue de cette forme de l’épargne salariale.
Je voudrais enfin vous dire qu’il n’est pas question de toucher aux institutions représentatives du personnel, sujet qui relève, bien évidemment, du dialogue social.
Quant à une éventuelle saisine du Conseil constitutionnel,…
Vos arguments sur l’inconstitutionnalité du texte ne me paraissent donc pas fondés, et nous aurons l’occasion au cours des débats de montrer que c’est bien le fruit d’un travail collectif, d’un dialogue approfondi de plus de dix-huit mois avec les partenaire sociaux, qui est examiné aujourd’hui par l’Assemblée nationale. Nous ne pouvons, pour ces raisons, être favorables à votre démarche. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
Je souhaiterai simplement recommander au ministre la lecture des documents du CERC. Les chiffres fournis par le Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale sont en effet édifiants. Entre 1978 et 2003, la part des salaires nets dans les revenus nets d’activité est passée de 50,7 % à 43,6 % ; dans le même temps, celle du patrimoine financier aux mains des actionnaires et des détenteurs de stock-options est passée de 10,9 % à 19,1 %. Quel renversement ! Il y aurait beaucoup à dire !
Je ne peux, par ailleurs, laisser passer ce qu’il a dit au sujet de l’A380. Il en va de la réputation de l’industrie européenne et tout ce qui est dit sur cet avion est soigneusement noté par les concurrents. Dans cette bataille mondiale de l’aéronautique où nous sommes impliqués, nous ne pouvons accepter dans cet hémicycle le moindre propos qui pourrait discréditer la chaîne industrielle de l’A380 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est un péché grave que d’avoir émis cette critique.
Je puis vous citer, en revanche, l’exemple de l’entreprise Eiffage, qui a construit le viaduc de Millau, chez moi. Pendant trois ans, j’ai vu fonctionner une entreprise, détenue à 25 % par 95 % des salariés, qui tenait ses délais et travaillait dans un climat humain remarquable, tout simplement parce que rien ne s’y décidait sans que la direction consulte les salariés actionnaires.
C’est la raison pour laquelle le groupe UMP rejettera l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Il est paradoxal de parler d’alliance entre capital et travail et de nouvelle répartition des richesses, alors que nombre de nos concitoyens, dont ni le salaire ni le pouvoir d’achat n’augmentent, connaissent de graves difficultés. Dans un tel contexte, l’opinion publique a très vivement réagi au scandale des stock-options au nom desquelles certains se sont attribué des sommes énormes. Or votre texte ne propose rien en faveur d’une autre répartition des richesses.
Nous débattons ici d’un projet du Gouvernement, qui a été adopté en conseil des ministres – par deux fois même, la seconde avec une lettre rectificative. Ce projet est approuvé par la majorité UMP, qui le soutient. Ce n’est pas le groupe socialiste qui a procédé à la manœuvre extravagante consistant à adjoindre à ce texte théoriquement consacré à l’épargne salariale une quinzaine d’articles qui modifient les règles du travail !
La commission des affaires culturelles elle-même, ayant pris conscience de l’invraisemblance de la démarche, a supprimé ces dispositions. Mais, à ce stade du débat, le Gouvernement a simplement indiqué qu’il avait pris note des propositions de la commission et, après quatre interventions, le ministre ne s’est toujours pas engagé à retirer ces articles. On ne peut tenir pour acquise une velléité de suppression ! Or ces dispositions sont tout, sauf anodines, car, contrairement aux discours que vous tenez sur l’alliance du capital et du travail, et sur la représentation des salariés, il s’agit – pour les salariés d’une entreprise sous-traitante, comme vous l’avez fait pour les moins de vingt-six ans – de tout faire pour extraire le plus grand nombre de salariés du calcul des effectifs, et de limiter au maximum le rôle des institutions représentatives du personnel. Vous avez réussi l’exploit d’insérer ces deux dispositifs dans un même texte !
Voilà, monsieur le ministre Borloo, pourquoi personne ne s’intéresse à ce projet : parce que personne n’y croit !
Vous n’avez, messieurs les ministres, pas dit un mot sur les dispositions sociales qui, toutes, ont un lien avec les règles du travail. Seuls les rapporteurs les ont évoquées. Nous préférons donc en parler, et rompre ainsi un silence assourdissant, tout en approuvant la sage décision prise par la commission de supprimer nombre de ces articles.
(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)
La parole est à M. Maxime Gremetz.
D'abord, à la question pressante de l'augmentation des salaires et du pouvoir d'achat, vous répondez par l’épargne salariale et par l’actionnariat salarié, dont le caractère aléatoire ne garantit en rien une augmentation du pouvoir d'achat des salaires, et vous faites passer la rémunération du travail après le profit des dirigeants et des actionnaires.
Ensuite, si, au titre Ier de ce texte, est affichée la volonté d'améliorer la participation des salariés à la vie de l'entreprise, le titre III propose un arsenal législatif destiné à saper encore un peu plus les fondations de notre législation sociale et du code du travail, en privant les salariés de leurs droits, notamment en matière de représentation, de négociation et de défense. Vous nous aviez pourtant affirmé que votre texte ne visait pas seulement à améliorer la participation financière, mais aussi la participation à la gestion de l’entreprise.
La dernière partie de ce texte, qui constitue un fourre-tout législatif, uniquement destiné à achever les basses œuvres en détricotant définitivement le code du travail, est inacceptable, tant sur la forme que sur le fond. C'est sans doute pourquoi les rapporteurs – que j’ai écoutés avec beaucoup d’attention – se sont empressés de proposer de supprimer ces dispositions, mais pour mieux les intégrer dans d'autres projets. J'y reviendrai.
Permettez-moi d'abord de développer notre approche de la première partie de ce texte relatif au développement de la participation financière et à l'actionnariat salarié. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Si vous parlez, je m’arrête ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La question des salaires et du pouvoir d'achat marque très fortement cette rentrée. Comment pourrait-il en être autrement ? Alors que les dépenses incompressibles des ménages ne cessent d'augmenter, le pouvoir d'achat a diminué de 0,5 % au second trimestre. Tout est à la hausse : les loyers, prohibitifs, ont augmenté de 28,1 % en quatre ans, le prix du gaz a flambé de 23,5 % en un an, l'essence de 15 %, et le fioul de 10 %. Tout augmente, donc, sauf la feuille de paie ! Tous les syndicats évoquent une dégradation du pouvoir d'achat des salaires, de 5 à 7,5 % entre 2000 et 2005. Selon les chiffres officiels, le surendettement des ménages a augmenté de 9,8 % en un an et les expulsions locatives, que vous refusez de bannir du droit français, ont bondi de 37 % en cinq ans, avec le concours de plus en plus systématique de la force publique. En France, plus de trois millions de personnes vivent avec moins de 1 500 euros par mois pour un travail à temps plein, et quelques centaines de milliers de femmes et d'hommes survivent avec moitié moins en raison d'un emploi à temps partiel.
On ne peut continuer d'accepter cette situation au regard de la bonne santé financière des grandes entreprises, que vous avez contribué à conforter avec les différentes lois de finances, qui se sont traduites par 70 milliards d'euros de cadeaux fiscaux au patronat en quatre ans. Tout cela en pure perte !
Dans son bulletin du mois d’août, la Banque de France elle-même tirait la sonnette d'alarme. « Il n'y a plus d'investissement productif » précise cette étude, « et, dans de nombreux pays, les profits des entreprises sont à leur plus haut niveau depuis des décennies. Ils dépassent 10 % du PIB. Le fameux “ théorème ” d’Helmut Schmidt selon lequel “ les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain ” est sérieusement écorné, quand le ratio investissement-PIB se situe à son plus faible niveau depuis des dizaines d'années dans l'ensemble des pays du G7. » Ce n’est ni le parti communiste, ni la CGT qui l’affirme…
Je continue de citer la Banque de France : «Les sociétés en tête du CAC 40 disposent de plus de 1 100 milliards de dollars de liquidités, un niveau sans précédent, et les actifs liquides représentent 9 % du total de leur bilan. Les entreprises ne savent pas quoi faire de leur argent et elles privilégient les placements financiers plutôt que les investissements physiques. »
Où est la justice économique vantée par le Premier ministre quand Gouvernement et patronat refusent toute revalorisation significative des feuilles de paie, alors que les dividendes versés aux actionnaires ont augmenté de 50 % en 2005 et d'encore autant pour le seul premier semestre 2006, et que le taux de distribution des profits en leur faveur grimpe de 10 % ?
On ne peut tolérer que se poursuive le scandale de l’appauvrissement de l'immense majorité de nos concitoyens tandis que les classes possédantes vivent dans une opulence inouïe ! Aujourd'hui, vous ne pouvez plus cacher cette situation. Alors, pour tenter d'y faire face et pour sauver, malgré tout, « le système », vous volez au secours du capitalisme financier avec ce projet et en prévoyant une future conférence, sur les revenus, et non sur les salaires ! Tout est fait pour briser le mécanisme salarial, avec ses négociations, ses grilles conventionnelles et son droit ouvert à la protection sociale, et pour lui substituer des formes flexibles d'intéressement, de participation et d'actionnariat, quand ce ne sont pas des subventions publiques, telle la prime pour l'emploi.
Dans ce contexte, n'ayons pas peur des mots, votre projet de loi est une escroquerie intellectuelle (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), car on ne peut répondre sérieusement à l'incontournable nécessité d'augmenter les salaires en parlant d’« épargne salariale » ou d’« actionnariat ».
L'INSEE l'a d'ailleurs démontré dans une étude qui souligne combien l'épargne salariale accroît les discriminations entre les salariés, selon leur statut, leur secteur d'activité et la taille de l'entreprise dans laquelle ils travaillent. Jean Le Garrec l’a fort justement dit tout à l’heure.
Entre 2000 et 2004, l'épargne salariale a bondi de 6,7 % par an alors que les salaires en France n’ont pratiquement pas progressé sur la même période. Si les ouvriers ont bénéficié d'une progression de 0,6 % en moyenne annuelle et les cadres de 0,5 %, les employés et les professions intermédiaires, eux, ont vu leurs salaires baisser de 0,2 %.
Pourquoi serait-il possible de distribuer du revenu sous forme de dividendes alors que ce serait exclu sous forme de salaires ? Si, aujourd'hui, ce dispositif s’adresse aux salariés des entreprises de plus de cinquante salariés, ce sont en réalité ceux des grandes entreprises qui en bénéficient : ils ne sont que 8,5 millions, soit un peu plus de 50 % des salariés du pays, tandis qu’un salarié sur sept est actionnaire de son entreprise. J’ai moi-même été actionnaire de mon entreprise et je m’en croyais propriétaire. Or, un beau jour, j’ai monté un syndicat et appelé à la grève : actionnaire ou pas, j’ai été mis à la porte ! Vous dites « actionnaire ! », mais les gens ne sont pas dupes : avec une action, ils ne décident de rien du tout ! Et moi, même propriétaire, j’ai été expulsé de ma maison ! On ne m’y reprendra plus ! Il faudrait être le roi des…
Les inégalités s’accroîtront également entre les salariés modestes et ceux qui sont plus aisés. Les premiers seront, en effet, contraints de toucher immédiatement leur intéressement, car ils n'ont pas les moyens de le placer pendant cinq ans ou d'effectuer des versements volontaires sur un PEE.
Nous tenons pour intangible le principe que la participation financière vient en plus des salaires et ne peut en aucun cas s'y substituer. C'est pourquoi nous proposerons par nos amendements que tout système de participation ou d'intéressement soit subordonné à un accord préalable sur une augmentation des salaires.
De plus, les placements effectués par l'épargne salariale ou l'actionnariat ne sont pas sans risque. Ainsi, au moment de l'ouverture du capital de France Télécom, les salariés ont massivement souscrit aux actions, mais la chute a été rude. En 1997, un salarié qui aurait investi 1 500 euros aurait vu son portefeuille s'envoler à 23 087 euros en 2000 puis retomber à 1 170 euros en 2002, à l'issue de la durée de blocage de cinq ans.
L'actionnariat constitue également une arme économique pour le patronat. Chez Air France, par exemple, une diminution de la baisse des salaires des pilotes a été réalisée en échange d'une distribution d'actions.
Quant au système inouï des stock-options, il faut y mettre un terme. Grâce aux programmes de stock-options que leur attribuent régulièrement les conseils d'administration, les dirigeants des sociétés du CAC 40 sont en possession d'un gain potentiel estimé récemment à 700 millions d'euros ! Ce régime privilégié, qui incite le PDG à ne prendre que des décisions propres à valoriser l'action de son groupe, alimente la hausse régulière, depuis une dizaine d'années, de la rémunération des grands patrons. La moyenne de celle des PDG du CAC 40 en 2005 était de 2,2 millions d'euros, le mieux payé étant celui de L'Oréal – qui n’est plus Mme Bettencourt, que nous aimions tant et qui, en plus, était picarde (Sourires) : outre un revenu de 7,3 millions d'euros, en augmentation de 11,6 %, il possède un million d'options exerçables à partir de 2010, dont 700 000 à 61,37 euros et 300 000 à 62,94 euros. En un mois, le montant de ces stocks-options a représenté le montant de 500 ans de SMIC !
La vraie réponse à ces stocks-options n'est ni la modération ni la moralisation préconisée par M. Balladur : c'est la suppression ! C’est ainsi que pourra s’opérer la redistribution des richesses par le salaire direct, la réorientation de l'argent vers la rémunération directe du travail. C’est ce que nous proposons dès maintenant en demandant que le SMIC soit porté à 1 500 euros en même temps que sera réévaluée la grille de l'ensemble des salaires.
Cette augmentation du SMIC ne représente qu'une augmentation de 3 % par an, c'est-à-dire 1 % de plus que l'inflation, pour un coût de 9 milliards d'euros. Elle n’a rien d'insurmontable et serait tellement bénéfique pour notre économie et la croissance !
Nous rejetons clairement l'amplification de l'actionnariat salarié et de la participation financière portée par ce projet de loi, qui ne vise qu’à transformer une partie des salariés en petits rentiers. Les gens ont leur dignité et veulent que leur travail soit payé comme il convient, pas par des options distribuées au bon vouloir des grands groupes internationaux ! On a beaucoup parlé du général de Gaulle, mais il n’a pas connu cette situation où l’essentiel des sociétés françaises dépend aujourd’hui de ces grands groupes. De plus en plus, les salariés des grandes entreprises me disent que, non seulement ils n’ont pas d’augmentation de salaire, mais qu’on leur oppose un bilan déficitaire pour les priver d’intéressement. Or un simple jeu d’écriture permet de dégager un déficit – provisoire, bien sûr – lorsque vient le moment de distribuer ces primes ! Ceux qui croient que la participation financière pourra se réaliser dans les grandes entreprises doivent savoir que, dans celles où elle existe déjà, elle est remise en cause.
Les organisations syndicales de salariés ont dénoncé ce projet de loi. Elles ont toutes également sévèrement jugé le wagon législatif du titre III portant diverses mesures relatives au droit du travail. Sachant que l'ordre du jour de notre assemblée sera surchargé jusqu’à la fin de la législature, vous profitez de ce texte pour raccrocher toute une série de mesures qui n'ont d'autre objectif que de fragiliser le monde du travail. Certaines d'entre elles, déjà introduites dans divers projets, avaient été censurées par le Conseil constitutionnel en raison du peu de lien qui les rattachait au texte concerné. Ce nouveau projet de loi constitue donc en quelque sorte une session de rattrapage. Prêt de main-d'œuvre par dérogation au marchandage, congé de mobilité, suppression de la contribution Delalande, remise en cause des tribunaux de prud'hommes, autorisation du cumul d’un temps partiel et de l’intérim : autant de mesures qui composent ce funeste cortège !
Une étude de la DARES de septembre 2005 met en évidence l'augmentation du nombre de licenciements de salariés protégés : « En 2003, 13 400 salariés protégés ont fait l'objet, en France métropolitaine, d'une demande d'autorisation de licenciement, que ce soit pour des raisons économiques ou pour d'autres motifs. Ils étaient 11 000 en 2000, soit une augmentation de 21 %. Après une année de léger recul en 2001, les demandes de licenciement de salariés protégés sont reparties à la hausse en 2002 et 2003. » C’est un service du ministère de l’industrie qui le dit !
La note de la DARES précise en outre qu’« un peu plus de 85 % de ces demandes donnent lieu à une autorisation et 7 % des décisions de l'inspection du travail font l'objet d'un recours auprès du ministre ».
Dans ces conditions – des institutions représentatives du personnel implicitement empêchées, des salariés dits « protégés » de plus en plus licenciés depuis 2002, des niveaux de négociations et d'accords de plus en plus individualisés, le dialogue social biaisé et complètement déséquilibré – comment parler de concertation, de participation et de dialogue social ?
Mais ce n'est pas tout : votre réforme des tribunaux des prud’hommes – dont on parle peu, et c’est bien dommage car il s’agit d’un grand danger pour cette spécificité tout à fait française – accompagne votre schéma d'ensemble. En effet, les décrets d'application menacent gravement l'activité prud'homale, notamment en ce qui concerne la forfaitisation des activités et la possibilité de rectifier autoritairement les relevés par les greffes. Tout est fait pour décourager cette juridiction et la limiter. Mais nous ne vous laisserons pas faire.
J'en viens à la sécurisation des parcours professionnels. En fait, vous ne sécurisez que les parcours professionnels qui mènent à la précarité, au sous-emploi et au chômage. Comment prétendre sécuriser les parcours professionnels quand on est l'auteur du CNE et le défenseur du CPE ?
Vous êtes tellement attachés à la casse du contrat de travail que vous allez même jusqu'à vous mêler directement des contentieux qui émergent partout sur le CNE, pour ordonner à la justice les décisions qu'elle doit prendre. La légalité de nombreux CNE est remise en cause par certaines décisions jurisprudentielles. Vous intervenez et pesez sur les décisions de justice, au mépris des grands principes d’indépendance de la justice si souvent affirmés, afin que cette jurisprudence soit remise en cause.
Après le CNE et la tentative du CPE, vous proposez de nouvelles dispositions censées sécuriser la vie professionnelle des travailleurs. Quelles sont-elles ? Le prêt de main-d'œuvre, autrement dit le marchandage légalisé et le congé de mobilité mi-droit au reclassement, mi-suspension atypique du contrat de travail – on ne sait pas trop. De qui se moque-t-on ?
Vous voulez sécuriser les parcours professionnels. Nous allons vous faire des propositions et avancer réellement, sérieusement, sur l'élaboration d'un véritable plan de sécurité d'emploi et de formation, que nous portons depuis de nombreuses années déjà. Cela passe par l'obligation de négocier des plans de départs à la retraite contre des embauches, par la création de droits d'intervention des salariés dans la marche de l'entreprise, par la consolidation du contrat de travail à durée indéterminée et par une politique de crédit sélective à partir de fonds régionaux gérés démocratiquement. Ce sont des avancées concrètes, sur lesquelles on peut discuter.
Nous avons fait des propositions en commission, que nous soumettrons au Gouvernement à l'occasion de l'examen du titre III du projet de loi. Il s'agit, monsieur Dubernard, de donner réellement les moyens aux salariés de participer pleinement à la vie comme à la gestion des entreprises.
Permettez-moi de citer quelques-unes de nos propositions.
Premièrement, nous proposons de créer un droit de saisine du juge par les représentants des salariés ou les organisations syndicales représentatives, pour contrôler le motif économique justifiant les licenciements collectifs, en amont de la rupture des contrats de travail. La procédure de la restructuration pourrait être suspendue, afin que l'employeur entame, avec une obligation de sérieux et de bonne foi, une négociation sur les propositions alternatives portées par les élus du personnel ou les syndicats.
Deuxièmement, nous proposons d’introduire le principe majoritaire pour la validation des accords d'entreprise, de branche ou interprofessionnels. Ils devront être ratifiés par des organisations syndicales ayant rassemblé au moins la moitié des suffrages aux élections professionnelles, alors que, actuellement, il suffit qu'une seule organisation signe pour qu'ils s'appliquent, un éventuel veto pouvant être mis en recourant au droit d'opposition. C'est un point très important, notamment depuis l'extension des accords de méthode par la loi Larcher – du nom de notre ministre – et les tentatives de chantage patronal à la délocalisation pour revenir sur les accords instaurant les 35 heures ou d'autres acquis salariaux.
Vous devriez être content, monsieur Larcher, d’avoir une loi qui porte votre nom. C’est historique ! (Sourires.) Cela ne me gêne pas de ne pas avoir de loi portant mon nom, mais je sais que beaucoup de ministres y sont attachés. Vous pouvez me remercier d’avoir baptisé cette loi de votre nom.
Quatrièmement, nous proposons que soit donnée aux représentants des salariés d'une entreprise sous-traitante mise en faillite par l'action ou l'inaction de la maison mère ou de la société donneuse d'ordres, la capacité d'obtenir l'extension de la procédure collective, et donc la responsabilisation de l'entreprise dominante. Nous avons obtenu, dans le cadre de la jurisprudence Flodor, que la responsabilité du groupe Unichips-Italie, qui a créé Flodor en France, soit engagée tant pour le plan de licenciement que pour la réintégration, etc. Qui utilise cela aujourd’hui ? Personne ! Pourtant, cela change toutes les données. C’est très dissuasif pour les sociétés qui s’arrangent pour délocaliser, se mettre en faillite, déposer le bilan et partir. Si la responsabilité du groupe est engagée, c’est une tout autre affaire, car il sait qu’il paiera très cher. Nous utilisons cet argument de procédure, qui est tout à fait payant.
Je vais conclure. Vous voyez, monsieur le président, comme je suis raisonnable – je fais un effort pour aller vite (« Nous y sommes sensibles ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et, même si vous avez le ventre vide, votre soirée sera libérée. Certains m’ont dit qu’ils devaient faire des rencontres très intéressantes ce soir.
Ce sont de vraies propositions, qui ont au moins le mérite d’exister, qui sont de nature à rénover le dialogue social et à permettre une vraie participation des salariés à la vie de l'entreprise.
Je souhaite, pour conclure, dire quelques mots sur les deux mesures ajoutées à la hâte par lettre rectificative : le chèque-transport et la cotation en bourse des clubs sportifs.
Ce chèque ne peut pas être une finalité, car son application reste à la discrétion de l'employeur. Il est, encore une fois, assorti de larges exonérations sociales et fiscales.
La cotation des clubs sportifs en bourse ne fait pas non plus l'unanimité, y compris dans les plus hautes instances du football professionnel, et risque d'avoir des conséquences graves à l'échelon amateur.
Sur tous ces sujets, nos rapporteurs ont visiblement ressenti un malaise et proposé une large série de suppressions. Nous en prenons acte, et nous allons nous retrouver.
Vous avez évoqué l’idée de concertation chez le général de Gaulle. Vous avez oublié Jacques Chaban-Delmas et Jacques Delors – cette « nouvelle société », plus proche de nous. Pour aller dans cette direction, il faut être au moins deux.
Vous avez dit, monsieur Dubernard : « Il faut faire ensemble… » Ne pensez pas dépasser la lutte des classes ! Les intérêts des salariés sont divergents de ceux des entreprises bien placées au CAC 40, qui veulent faire toujours plus de profits sur leur dos. Les salariés se défendent, c’est naturel.
Moi, quand on me donne une gifle, j’ai beau être un bon chrétien, je ne tends pas l’autre joue.
Je viens de démontrer que ce texte est inopportun. Il ne répond pas à la demande pressante de l'augmentation du pouvoir d'achat des salaires, il ne sécurise pas les parcours professionnels et, enfin, il poursuit votre inqualifiable démantèlement du code du travail.
Pour ces raisons, nous invitons l’Assemblée à adopter cette question préalable. Si, chers collègues, vous ne la votez pas, nous continuerons encore plus efficacement à défendre tous nos amendements de suppression et les cinquante amendements tendant à faire des propositions.
Je vous ai tout de même fait gagner une bonne soirée. (« Merci ! » sur divers bancs.) À nous revoir, car vous me devez quelque chose aujourd’hui !
Cependant, il faut se méfier, car lorsqu’on a son nom sur une plaque de rue, c’est souvent mauvais signe. (Sourires.) Nous pensons qu’il faut plutôt regarder vers l’avenir.
Je voudrais rappeler que nous étions à la fin de 2004 dans une situation singulière. En effet, 137 des 154 branches de plus de 5 000 salariés n’avaient pas eu de négociations salariales depuis longtemps – depuis sept ans pour la chimie, par exemple, qui compte 300 000 salariés.
Nous avons relancé la politique de négociations salariales entre les partenaires sociaux. Nous allons mettre en place, dans deux semaines, un comité de suivi pour soutenir la négociation entre les partenaires sociaux.
Nous ne pouvons pas être favorables à cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Vous avez, monsieur Gremetz, brossé un tableau de la France pour le moins caricatural, en retenant certains chiffres et en en occultant d’autres. Ce tableau vous est personnel et ne correspond en rien à la situation réelle.
Certes, ce projet de loi ne résoudra pas tout, mais on ne peut pas le caricaturer comme vous le faites.
En tout état cause, je n’ai rien entendu de nouveau dans vos arguments, en tout cas rien qui ne nous permettrait d’adopter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La grande question qui est posée est celle du pouvoir d’achat, qui a indéniablement baissé.
L’augmentation des salaires est une question de fond, et l’argumentation de Maxime Gremetz a été exhaustive sur ce point.
J’insisterai, pour ma part, sur le manque de sécurité emploi-formation qui est une vraie question de société. On ne peut accepter qu’une personne soit « cassée » par des choix économiques – et nous en connaissons tous des exemples – avec toutes les conséquences que cela implique pour la société.
Certes, les réponses ne viendront pas d’un coup de baguette magique, mais si nous travaillons en partenariat avec le monde économique, nous pourrons assurer des parcours sécurisés pour toute la vie, notamment en investissant dans la formation.
S’agissant de la participation, il faudra également avancer. Car il ressort d’exemples du terrain, que c’est le sacro-saint pouvoir de décision – unilatéral – de l’entreprise qui est en cause. J’en veux pour preuve ce qui se passe dans le Valenciennois, où le groupe italien Zucchi vient de décider de fermer des usines en raison de choix économiques et financiers. Je peux vous citer Béra-Descamps, à Noyelles, avec pour conséquence 130 personnes à la rue. Les salariés n’ont pas le pouvoir de faire évoluer la situation. Quant aux élus locaux, qui disposent de pouvoirs économiques, certes limités, ils assistent impuissants au démontage des machines par des ouvriers roumains ou pakistanais dans le but de les envoyer au Pakistan ou ailleurs sans que la puissance publique, les représentants du monde du travail aient leur mot à dire.
Autre exemple, celui de Stora Enzo, dans la région de Corbehem, où le sort de 800 salariés est en jeu, j’ai du reste participé à la manifestation récente qui a été organisée. Là, il s’agit d’un groupe finlandais qui décide de changer de stratégie.
Or, lorsque ces salariés font des propositions constructives et présentent des repreneurs, rien n’évolue pour autant. Je suis pour ma part un ardent défenseur de la puissance publique et de son pouvoir. Il est à mes yeux inacceptable que des groupes industriels et financiers fassent la pluie et le mauvais temps. Parfois, ils font le beau temps.
Cela dit, les élus, les salariés et la puissance publique devraient pouvoir intervenir à temps, en cas de crise, afin d’éviter les catastrophes aux conséquences lourdes pour la société, en termes de santé et de dégradation des quartiers. En fait, ne pas intervenir en amont coûte au bout du compte plus cher. Il n’est pas question de ne pas respecter le système capitaliste dans lequel nous sommes, mais ce n’est pas une raison non plus pour tout accepter. La puissance publique – État, élus, régions et autres – doit pouvoir intervenir pour éviter la casse sociale.
Bref, la participation n’aura de sens que si l’on peut faire avancer cette idée dans la loi. Or vous n’allez pas au bout de cette logique, monsieur le ministre délégué, ce qui nous pose évidemment un problème. C’est la raison pour laquelle je suis favorable à l’adoption de la question préalable défendue par mon collègue Maxime Gremetz auquel j’ai, par ces quelques réflexions, apporté mon soutien.
Dès lors qu’il y a des incitations financières et des abattements de charges, le choix d’affecter telle ou telle somme à l’intéressement ou à la participation ne résulte pas de l’adhésion à ce que serait une alliance entre le capital et le travail, mais tout simplement d’un mode de gestion financière qui s’impose aux salariés.
Permettez-moi, à cet égard, de vous citer un extrait d’une étude publiée le 22 septembre dernier dans le journal Les Échos – dont l’objectivité n’est pas à démontrer : « Les discriminations sont d’autant plus inquiétantes que ces compléments de rémunération ne cessent de se développer, parfois au détriment des salaires. Entre 2000 et 2004, l’épargne salariale a bondi de 6,7 % par an, contre 3 % en moyenne pour la masse salariale. »
Telle est la réalité : les salariés ont bien compris qu’on leur propose une alternative à la rémunération, qui plus est avec des disparités en fonction des secteurs d’activité pouvant être jusqu’à quatre fois supérieures d’un secteur à l’autre.
Vous auriez dû, vous et vos services, messieurs les ministres, vous interroger sur ces pratiques dénoncées par la presse ces derniers jours ! Le principe même de la détention d’actions par les salariés avec l’obligation de les détenir un certain temps fait l’objet, dans certaines entreprises, d’un marché à terme ! La banque Oddo, pour ne pas la citer, fait en réalité du portage. Les salariés restent nominativement propriétaires des actions parce qu’ils n’ont pas le droit de les céder, mais on s’est aperçu, en fait, qu’ils les revendaient immédiatement pour empocher la décote. Ces pratiques ne sont certes pas généralisées, mais elles concernent plusieurs centaines de personnes à chaque fois.
De telles pratiques, pour antinomiques qu’elles soient avec l’esprit de l’actionnariat salarié, ne sont pas pour autant illégales. Tel est le constat fait par les services du Gouvernement : c’est regrettable, mais ce n’est pas illégal. L’actionnariat est dénaturé et les salariés le vivent comme une alternative à la politique salariale. Telle n’est peut-être pas votre volonté, mais c’est la réalité vécue par les salariés. Comme le système n’est pas bien maîtrisé, c’est la jungle qui permet toutes sortes de mouvements spéculatifs. Voilà bien la preuve qu’il aurait fallu aller bien plus loin dans la réflexion.
L’adoption de la question préalable est donc pleinement justifiée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
(La question préalable n'est pas adoptée.)
Questions au Gouvernement ;
Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, nos 3175, 3137, pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié :
Rapport, n° 3339, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;
Avis, n° 3334, de M. Patrick Ollier, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;
Avis, n° 3340, de M. Alain Joyandet, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.
À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
Suite de l’ordre du jour de la première séance.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures quarante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
jean-pierre carton