Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2006-2007) |
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
La parole est à Mme la ministre déléguée au commerce extérieur.
Je souhaite répondre brièvement, pour la partie qui me concerne, sur quelques-uns des points que vous avez abordés pendant la discussion générale. Vous avez, les uns et les autres, fort justement présenté ce texte comme une passerelle entre les mondes du capital et du travail, que l’on oppose trop souvent jusqu’à la caricature. Abandonnons l’archaïsme des postures, avez-vous dit, monsieur le président de la commission des affaires culturelles. Nous en sommes bien d’accord.
De même, je reprends volontiers à mon compte l’expression d’Arlette Grosskost : l’entreprise ne rassemble pas seulement des capitaux, mais avant tout des personnes. Dans une société toujours plus orientée vers les activités de service, une société plus tertiaire, c'est-à-dire entrée de plain-pied dans l’économie de l’immatériel, le facteur décisif de l’efficacité est le capital humain. Nous aurions d’ailleurs intérêt à nous interroger sur la pertinence d’une franche distinction entre capital et travail, tant ce dernier est devenu le vrai capital des entreprises.
Assurer la dignité de l’homme au travail : telle est en effet notre ambition, monsieur Dubernard. On le sait, il faut agir pour la formation initiale et la formation tout au long de la vie. Mais il faut aussi, plus que jamais, veiller à préserver le capital humain par la rémunération des salariés. L’identité économique dont parlait Mme Montchamp est enracinée dans les liens financiers.
Certes, comme l’a mentionné M. Descamps, le partage de la valeur ajoutée des entreprises est le résultat d’équilibres complexes. C’est tout l’art du management d’une direction de société que de concilier les intérêts des actionnaires et ceux des salariés afin qu’ils puissent créer, ensemble, à la fois de la richesse et de l’emploi.
Ce texte se veut d’une réelle modernité, pleinement adapté à la réalité économique et sociale de notre monde d’aujourd’hui, et prêt pour celui de demain. Comme l'a souligné M. Cornut-Gentille, la participation appartient à l'histoire, mais elle n'est pas obsolète, loin s'en faut ! Nous devons donc développer cette notion et l’adapter au cadre dans lequel nous vivons – et pouvons nous réjouir de vivre –, celui de l'économie mondialisée.
Plusieurs députés – tels M. Dubernard, M. Ollier, Mme Aurillac, M. Auberger – ont souhaité que le système de participation soit, autant que possible, étendu aux salariés des entreprises de moins de cinquante salariés, et ne concerne pas seulement les quelque huit millions de salariés travaillant dans les grandes entreprises. Sur ce point, nous n'avons pas de divergences de vue, mais il faut respecter les équilibres économiques : les petites entreprises sont fragiles, et la mise en place en leur sein d’un accord de participation est souvent considérée comme difficile, voire se heurte à l’incompréhension. M. Joyandet nous a d’ailleurs mis en garde contre trop de complexité. Quoi qu’il en soit, vous avez proposé des amendements sur cette partie du texte, et nous aurons donc l'occasion d'y revenir au cours du débat.
Certains d'entre vous – c’était notamment votre cas, madame Comparini – ont réclamé le statu quo sur la question du blocage de l'épargne. Je rappelle que les conditions de déblocage pendant la durée de cinq ans sont fixées par décret. Toutefois, le Gouvernement ne nie pas l'opportunité de les passer à nouveau en revue lorsque la discussion que nous ouvrons aura permis de s’entendre sur la durée du blocage. À ce sujet, M. Godfrain a eu le mot juste en disant que cinq ans constituaient, pour un investissement familial, une bonne durée. Nous avons donc choisi de maintenir ce cap, d’autant plus que, comme l'a justement rappelé Philippe Auberger, ce choix d’investissement est souvent la seule épargne financière de bien des ménages aux revenus modestes.
De la même façon, vous avez souhaité que les agents des fonctions publiques – notamment dans le secteur hospitalier – ou des entreprises publiques puissent bénéficier de l'intéressement ou de la participation. Une telle proposition ne nous choque pas, monsieur le président de la commission des affaires économiques, bien au contraire. Nous aurons d’ailleurs l'occasion d'y revenir. Je rappelle simplement qu’il existe déjà de nombreuses dispositions législatives applicables en la matière, que nous devons inclure dans notre raisonnement. Je ne nie pas, toutefois, la nécessité d'en faire l'inventaire et le bilan, voire d'aller plus loin en levant, dans la concertation avec les partenaires sociaux et donc dans le consensus, certains verrous législatifs.
Vous avez bien voulu souligner les vertus pédagogiques de l'actionnariat salarié : c'est exactement le sens du texte que nous examinons aujourd'hui. Mme Grosskost a insisté sur les responsabilités des salariés actionnaires et des administrateurs salariés. L'actionnariat, comme l'a également dit M. Perrut, est une réalité vivante et – comme toute réalité économique et sociale – complexe. Il s’agit d’un « nouveau contrat social », pour reprendre l’expression de M. de Roux. C'est cette dynamique qui permet à chacun de trouver un bénéfice et d'en apporter à tous. Naturellement, la contrepartie d’une telle responsabilité est la participation aux décisions. C'est bien le sens, comme l'a rappelé M. Auberger, de la décision d’inclure les salariés dans les conseils d'administration des entreprises cotées dès lors qu'ils détiennent au moins 3 % du capital.
Nous devons toujours nous souvenir, à l’instar de Mme Comparini et de M. Guillaume, que nos entreprises, leurs salariés, notre économie toute entière fonctionnent dans un contexte de plus en plus internationalisé. Il faut en tenir compte de façon concrète et rendre notre économie plus attractive à l’investissement direct étranger. Notons d’abord que le développement de l'actionnariat salarié peut en lui-même contribuer à stabiliser le capital des entreprises françaises. Je rappelle ainsi que l'épargne salariale est investie pour 51,6 %, soit 39,7 milliards d'euros, en titres d'entreprises. Le rapport de votre délégation aux affaires européennes est très clair à cet égard : nos entreprises ont, en moyenne, plus souvent des actionnaires salariés que dans la plupart des pays européens, mais nous devons encore progresser pour rejoindre des pays aux économies dynamiques comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas.
Ensuite, nous devons aussi tirer les conséquences du fait que nos grands groupes ont certes de très nombreux salariés en France, mais qu’ils en ont aussi dans de nombreux pays étrangers. Nous proposons de simplifier pour eux l’accès au régime de participation.
À l’instar de Thierry Breton, je souhaite que bien des dispositions de ce texte suscitent le consensus. M. Cornut-Gentille l’a dit à juste titre : la participation et l'actionnariat salarié ne sont plus des sujets de discorde. J’espère donc que ce texte fera l’objet de débats riches et fructueux, de façon à recueillir dans cet hémicycle l’accord le plus large. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Michel Charzat.
Ainsi, le Gouvernement voudrait relancer la participation, cette Arlésienne que la dérive hyperlibérale de la majorité avait contribué à faire perdre de vue.
On l’avait un peu oublié, mais l’association entre le capital et le travail constituait l'une des idées forces de la pensée politique du général de Gaulle, qui songeait à l'émergence d'une « troisième voie » pour assurer la dignité de l'homme au travail…
Dans les années 1970 et 1980, les héritiers putatifs du Général ont, à plusieurs reprises, tenté de relancer l'actionnariat salarié. Mais, avec les privatisations et l'instrumentalisation des systèmes d'épargne salariale sous le gouvernement d'Édouard Balladur, on a assisté à une nouvelle dégradation, à une nouvelle banalisation de l'idée gaullienne de la participation. Limitée à son aspect financier, la « troisième voie » est devenue une impasse.
Le clivage entre salariés et dirigeants ne peut, ne pouvait être surmonté par la participation financière, il ne pouvait l’être que par une véritable révolution des mentalités que vous n'avez pas pu, ou voulu provoquer. Aussi, je m'interroge sur les véritables raisons qui ont conduit ce gouvernement à déposer un tel texte.
Remords pour les orphelins d'un gaullisme définitivement bafoué par la conversion de l'UMP aux dogmes libéraux et à un américanisme de moins en moins honteux ? Arrière-pensées tactiques d'un Premier ministre soucieux d'affirmer sa différence sociale avec son ministre d'État ? Ou bien encore opportunisme électoral d'un gouvernement désireux de multiplier les effets d'annonce, voire de répondre aux ultimes desiderata de certains groupes d'intérêts, comme on peut le craindre devant la réintroduction subreptice d'une disposition censurée par le Conseil constitutionnel mais visiblement attendue par certaines entreprises d'intérim ?
Je ne doute pas pour autant de la sincérité des présidents Ollier et Dubernard et du ministre Larcher et salue même leur nostalgique évocation de la grande ombre. Mais je ne puis que constater le grand écart entre leur invocation d’un « projet d’émancipation » et ce texte de portée restrictive et d’inspiration trop souvent régressive. La participation, telle que la concevait de Gaulle, méritait mieux qu’un texte de circonstance ! Mais il faut bien sûr s’entendre sur ce que les mots veulent dire. À l’occasion du projet de loi sur l’épargne salariale, discuté en 2001, les socialistes avaient d’ailleurs précisé leurs positions. Nous avions rappelé, sous l’impulsion de Jean-Pierre Balligand, que l’épargne salariale pouvait être utile, mais ne constituait pas la panacée permettant de répondre à tous les problèmes irrésolus de l’économie et de la société française. Nous indiquions alors que l’épargne salariale ne devait ni servir de monnaie d’échange à la réforme des régimes de retraite par répartition ni se développer au détriment du salaire direct. Nous avions affirmé que, si l’épargne salariale avait sa place dans une économie moderne, elle devait avoir pour contrepartie un nouveau compromis social entre actionnaires, dirigeants et salariés.
C’est la voie – qu’il faudra bien un jour rouvrir –, de la cogestion ou de la coresponsabilité, peu importe la terminologie ! Tracée à la Libération par l’instauration des comités d’entreprise, elle a été prolongée par les lois Auroux et les lois de nationalisation de 1981 et 1982 qui introduisaient, je le rappelle, la représentation des salariés dans les conseils d’administration. Je souligne, à cet égard, que la présence des administrateurs représentant les salariés a été maintenue, lors des privatisations de 1986, à la demande conjointe des organisations syndicales et des dirigeants des groupes concernés.
Mes chers collègues, il faut poursuivre l’effort en faveur d’un nouveau mode de gouvernance de l’entreprise, l’étendre à toutes les entreprises, généraliser la démocratie salariale pour lutter contre l’opacité des décisions dans l’entreprise, favoriser les capacités d’expertise et de proposition des organisations représentatives, bref assurer une place, un contre-pouvoir aux salariés dans les entreprises face au capitalisme financier qui efface le capitalisme patrimonial et ressuscite les antagonismes de classes.
Dans la majorité, certains voudraient aujourd’hui ressusciter l’antique doctrine de la participation comme « projet de société », au terme d’une législature marquée, avec les gouvernements de MM. Raffarin et Villepin, par une offensive brutale et permanente contre les protections collectives et le droit du travail. J’en veux pour preuve la déconstruction du code du travail et la remise en cause des grands acquis sociaux : loi Fillon sur le régime des retraites, remise en cause des 35 heures, adoption du CNE, retour à l’apprentissage à quatorze ans, CPE et CDD seniors, etc. Jamais une telle offensive contre la protection sociale et le droit du travail, jamais l’individualisation des situations et la division des salariés n’auront autant été mises au service du démantèlement de notre contrat social. Les Français avaient commencé à se réconcilier avec leurs entreprises grâce à la politique équilibrée des gouvernements de la gauche. Sous le choc du dogmatisme libéral de l’actuelle majorité, cette réconciliation a été remise en cause. Il y a lieu de le regretter, car la France doit pouvoir compter sur la coopération de toutes les forces vives de la nation dans le cadre d’un grand contrat social pour le progrès.
Dans le même temps, on a assisté à une dégradation de la répartition des richesses au détriment du travail et en faveur du capital, alors qu’entre 1997 et 2002 cette tendance avait été freinée, interrompue, puis inversée. Depuis, l’injustice fiscale, l’explosion des profits des grands groupes, le scandale des rémunérations indécentes et des retraites dorées des maîtres du capitalisme financier ont prospéré, au moment où les Français constatent que leur pouvoir d’achat continue à stagner, malgré la timide reprise de l’économie.
Oui, la fiche de paie constitue la première des préoccupations de la grande majorité des Français. Le dernier chiffre disponible a été calculé par les experts du Bureau d’information et de prévision économique qui tablent cette année sur une symbolique progression du niveau de vie de 0,5 %, près de cinq fois inférieur aux indices officiels de l’INSEE. Cette indication est extrêmement révélatrice. L’indice du BIPE a, en effet, le mérite de s’intéresser au revenu « libéré », une fois que l’incontournable a été payé, c’est-à-dire les remboursements d’emprunts, les loyers, les charges liées au logement, les assurances et les transports collectifs. Chacun sait, par ailleurs, que l’augmentation du prix des carburants pénalise lourdement tous les Français depuis de nombreux mois. Le Gouvernement a nié cette situation pour refuser la réintroduction du mécanisme de la TIPP flottante, avant de créer, avec un article cavalier au sein de ce texte, le chèque-transport dont on mesurera bien vite la véritable portée électoraliste.
Oui, les dépenses incontournables explosent. Elles représentent aujourd’hui 39 % du revenu disponible brut des ménages, contre 33 % en 2004. Les classes moyennes et populaires sont le plus fortement touchées. Le BIPE n’est pas optimiste : l’année 2007 ne devrait guère être plus réjouissante, avec une hausse attendue du pouvoir d’achat limitée à 0,6 %.
Par ce texte, le Gouvernement propose de substituer l’épargne salariale et les mécanismes d’intéressement à une réelle politique salariale, ce qui crée ainsi une dangereuse confusion entre ces deux outils, entre le salaire direct et le salaire indirect. Or la participation ne doit pas servir de cache-misère du pouvoir d’achat, elle ne doit pas entraver le dialogue social et la conclusion des accords salariaux. Il faudra une nouvelle donne, une véritable politique des revenus. Réduire les inégalités sociales et encourager la croissance exigent, comme nous le proposons, d’améliorer immédiatement le pouvoir d’achat des petits et moyens revenus par une augmentation significative du SMIC et la réunion d’une conférence salariale chargée notamment d’examiner la diffusion de la hausse du SMIC aux autres salaires.
Madame la ministre, monsieur le ministre, vous nous promettez la « participation pour tous », dans le prolongement du titre du rapport parlementaire dont vous vous êtes inspirés pour bâtir votre texte. Nous enregistrons quelques mesures qui vont dans le bon sens, comme Jean-Pierre Balligand vient de le relever, mais, globalement, vous ne nous proposez pas dans les faits de réduire, comme vous le dites, les inégalités entre les salariés face à l’épargne. À ce jour, nous le savons tous, un salarié sur deux n’est pas concerné par l’actionnariat salarié. Qu’en sera-t-il demain ? En effet, les mécanismes que vous voulez mettre en place se concentrent essentiellement sur les grandes entreprises et sur les salariés déjà les plus aisés. Le seuil à partir duquel une entreprise serait tenue de mettre en place des accords de participation est fixé à cinquante salariés et aucune impulsion notable n’est perceptible en direction des TPE et des PME. L’obligation faite aux branches de négocier des accords de participation dans les trois années suivant la publication de la loi risque de pénaliser les salariés dans les entreprises qui disposent d’un plan d’épargne plus favorable que celui mis en place au niveau de la branche. L’extension de la participation que vous prônez ne bénéficiera ainsi qu’à une minorité. L’écart de rémunération entre les salariés des grandes entreprises et des petites est déjà important, de même que celui entre les salariés des branches les plus dynamiques et les autres. Vous allez encore creuser ces inégalités !
Par ailleurs, sous couvert de favoriser l’épargne salariale, le projet de loi s’attache à démanteler sournoisement certains acquis sociaux. L’obligation d’ouvrir un plan collectif d’épargne pour la retraite dans les entreprises disposant d’un plan d’épargne depuis plus de cinq ans crée la confusion entre épargne salariale et épargne retraite et dissimule à peine la volonté de votre gouvernement de donner la priorité au financement des retraites par capitalisation, au détriment de la répartition et de la solidarité nationale intergénérationnelle.
Et que dire de l’incitation fiscale à affecter les sommes issues des «comptes épargne-temps » aux plans d’épargne d’entreprise ou aux plans d’épargne retraite, sinon que cela constitue une attaque obviée contre la baisse du temps de travail et contre le principe de la retraite par répartition ?
Vous nous promettez également de mieux associer les salariés à la gestion de leur entreprise. Pour cela, vous voulez rendre obligatoire la représentation des salariés actionnaires qui détiennent plus de 3 % du capital social de l’entreprise dans les conseils d’administration. Une telle mesure ne bénéficiera, en fait, qu’aux salariés des entreprises cotées, propriétaires d’actions. Pour nous, la mise en place d’une réelle participation devrait prévoir que les salariés soient représentés en tant que tels, à travers leurs organisations syndicales représentatives, dans les conseils d’administration et les conseils de surveillance de toutes les entreprises, et non pas seulement s’ils sont actionnaires.
Enfin, le débat sur les stock-options que nous aurons ici dans quelques heures, à l’initiative d’Édouard Balladur, n’a, selon la formule de celui-ci, qu’une ambition : « sauver le libéralisme ».
Dépourvu de souffle, ce texte est devenu, nous l’avons noté à plusieurs reprises, un « fourre-tout », ce qui traduit la frénésie préélectorale d’un gouvernement soucieux de faire flèche de tout bois. D’où ces dispositions hétéroclites concernant l’ouverture de la Bourse aux clubs sportifs professionnels, le chèque-transport et les conditions de travail des prud’hommes. D’où surtout ce titre III qui reprend et amplifie un certain nombre de remises en cause du code du travail et qui contredit les objectifs énoncés, sinon concrétisés, dans les chapitres précédents.
Mes chers collègues, nous déplorons tous l’abaissement du Parlement soumis à une hyperinflation de textes, le plus souvent dépourvus de portée pratique. Nous regrettons la dégradation du travail parlementaire, notamment par la multiplication de ces « cavaliers », que le Conseil constitutionnel censure de plus en plus fréquemment, lorsqu’ils adoptent la forme de l’amendement. Mme Boutin a dit ce qu’il fallait en penser.
Permettez-moi de déplorer que se généralise, avec ce gouvernement, une entreprise de confusion sémantique qui sape les bases même de la délibération, dérègle la discussion et subvertit les mots. C’est ce que Georges Orwell appelait le « Novlangue », cette langue dont les mots signifient exactement le contraire de ce qu’ils paraissent vouloir dire.
Dans le titre III du présent texte, sous l’intitulé «Dispositions relatives au droit du travail », le chapitre 1er est dédié à la « sécurisation des parcours professionnels ». Ce que Georges Orwell appelait le « ministère de la Vérité » a encore sévi au sein du gouvernement Villepin, puisque ce chapitre s’attache, contrairement à ce qui est énoncé, à instaurer une précarité croissante pour les salariés et à déréglementer le droit du travail. Au terme de la discussion générale, il apparaît de façon indiscutable, comme l’a démontré Alain Vidalies, que les dispositions de ce chapitre vont encore davantage fluidifier et flexibiliser le marché du travail grâce aux nouveaux outils permettant de contourner le droit du travail et les protections des salariés et cela, c’est un comble, sous couvert de sécurisation des parcours professionnels ! Ainsi, l’article 22 prévoit la légalisation du prêt de main-d’œuvre à but lucratif dans les pôles de compétitivité. L’article 23 crée le « congé de mobilité » dépourvu de sécurité pour les salariés et sur lequel je reviendrai dans quelques instants. L’article 24 réduit de deux à un mois de salaire la sanction pour les entreprises qui procèdent au licenciement pour motif économique d’un salarié sans proposer un contrat de transition professionnelle. Enfin, s’il est maintenu en l’état, l’article 25 ouvre le recours à l’intérim aux salariés à temps partiel pour qu’ils puissent « boucler » leurs fins de mois.
Une réelle « sécurisation des parcours professionnels » ne peut, selon nous, résulter que d’une large concertation avec les partenaires sociaux qui, contrairement à ce que vous affirmez, n’ont pas été véritablement consultés pour l’élaboration de ce texte auquel ils sont majoritairement opposés.
Les mesures concernant le droit du travail, discrètement introduites et unilatéralement conçues, démontrent, une fois encore, que votre gouvernement se contente de slogans qui ne sont jamais suivis d’effets ! Des États nordiques, tels le Danemark, ont initié de longues négociations avant de s’atteler à de telles réformes. Et si le ministre de l’emploi s’est rendu dans ce pays, il semble n’en avoir retenu que la flexibilisation du travail, en ignorant les mesures de sécurité dont bénéficient les salariés danois.
Je rappelle que les précédents gouvernements socialistes avaient posé les bases d’une future et nécessaire réforme visant à sécuriser la situation des salariés, avec le bilan de compétences et avec la validation des acquis de l’expérience.
Notre groupe a déposé, en mars 2002, une proposition de loi afin de garantir l’égal accès à l’éducation et à la formation tout au long de la vie. Il faudra aller plus loin, mettre en place une couverture professionnelle universelle, construite avec les partenaires sociaux, qui assurera les trois éléments majeurs du travail : l’emploi, une garantie de ressources et la formation professionnelle. Demain, nous devrons instaurer un droit individuel à la formation tout au long de la vie, d’autant plus élevé que la formation initiale aura été courte, qui prendra la forme d’une carte Vitale professionnelle.
Régression sociale, précarisation, c’était aussi la conséquence d’autres mesures scandaleuses qui ont été écartées par les présidents et les rapporteurs des commissions concernées – mais pour combien de temps ? –, qu’il s’agisse de l’absence de comptabilisation dans les effectifs des salariés temporaires des entreprises sous-traitantes en situation de détachement ou de mise à disposition, ou de l’encadrement des indemnisations des conseillers prud’homaux et de leur temps d’activité, mesure autoritaire qui témoigne de l’incompréhension technocratique de l’activité de cette juridiction qui fait ses preuves tous les jours. Je pourrai allonger la liste, mais nous aurons l’occasion, article par article, de revenir sur ces dispositions funestes.
Mes chers collègues, vous êtes nombreux dans la majorité, j’en suis certain, à penser que ce texte hétéroclite, contradictoire, illustre une forme d’abaissement et de dégradation de notre fonction de législateur. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je constate que les présidents des commissions saisies ont proposé, fait sans précédent, la suppression de quinze articles, soit pour des raisons de forme – cavaliers, dispositions incongrues –, soit pour inopportunité politique.
Ce texte contient enfin des dispositions qui menacent le principe d’égalité de traitement entre salariés. À cet égard, la mise en place du congé de mobilité apparaît particulièrement pernicieuse. Ce dispositif permet aux entreprises de mille salariés et plus d’être dispensées de proposer un congé de reclassement à chaque salarié dont elles envisagent le licenciement. Je rappelle que le congé de reclassement est issu du volet « prévention des licenciements économiques » de la loi de modernisation sociale de janvier 2002 et qu’il offre des garanties importantes aux salariés. Le congé de mobilité permettra de congédier le salarié avec souplesse. Il instaurera une nouvelle forme de rupture du contrat de travail dite « d’un commun accord », sans motif précisé, ce qui permettra de contourner les procédures de consultation des représentants du personnel en cas de licenciement collectif ou la procédure de l’entretien préalable en cas de licenciement individuel.
Bref, ce congé de mobilité n’est assorti d’aucune sécurité légale pour le salarié, d’autant que les conditions de sa mise en œuvre seront précisées dans les accords collectifs d’entreprise sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Ces accords peuvent déroger au droit du travail en matière de procédure de licenciements économiques collectifs.
Enfin, les salariés pourront accepter ou refuser ce congé de mobilité. Au moment de leur décision, ils ignorent la réalité des perspectives des futures restructurations ou délocalisations de l’entreprise. Il peut en résulter des situations différentes entre salariés, au sein d’une même entreprise et à contrat de travail similaire, selon qu’ils auront ou non accepté le congé de mobilité. De même, une inégalité de traitement entre salariés d’entreprises différentes au sein d’une même branche ou d’un secteur d’activité peut se développer, puisque l’accord de gestion prévisionnel des emplois dépend du rapport de forces local entre employeurs et organisations syndicales.
Mes chers collègues, le Gouvernement ne doit pas, une fois de plus, passer en force. Ce texte propose trop souvent le contraire des beaux titres qu’il met en exergue. Il est, comme on l’a vu, hétéroclite, contraire à la hiérarchie des normes et constitutionnellement douteux. Il convient donc de le renvoyer en commission. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
Quand ce texte a été engagé, c’est M. Jean-Pierre Raffarin qui était le Premier ministre, et le ministre d’État, ministre de l’intérieur était ministre de l’économie et des finances. Élaboré par deux gouvernements, il sous-tend des valeurs que partage la majorité.
J’ai bien noté que, pour vous, un certain nombre d’éléments allaient dans le bon sens. La participation, j’insiste à nouveau sur ce point, ce n’est pas un substitut à une politique salariale. En 2005 d’ailleurs, sa part n’a pas bougé par rapport à 2000, elle représente toujours 6 % de la masse salariale. Il n’est pas bon de nous opposer les uns aux autres à ce sujet. Nous considérons, nous, que la loi Fabius a représenté un progrès dans le domaine de l’épargne salariale – je l’ai déjà dit.
Comment pouvez-vous dire que nous avons démantelé le code du travail alors que, par le dispositif de mutation économique de la loi de cohésion sociale, nous avons au contraire privilégié la négociation et réduit l’écart entre les salariés issus des grandes entreprises et ceux issus des entreprises de moins de mille salariés ?
Comment pouvez-vous dire que nous avons démoli l’ordre public social alors que nous avons mis en place le plan santé au travail et réorganisé la direction générale du travail, en renforçant notamment le corps de contrôle, ce que n’avait fait aucun gouvernement depuis trente ans ?
Je ne peux donc pas laisser dire que ce gouvernement ou le gouvernement précédent ont laissé démanteler le code du travail.
Vous avez parlé de la VAE. Il y a eu 3 000 validations en 2003, il y en aura 60 000 cette année et sans doute 120 000 l’an prochain. Nous avons mis en place un plan de validation des acquis de l’expérience, qui est un élément très fort de la sécurisation des parcours professionnels.
Je ne peux donc qu’être défavorable à cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La commission a commencé ses travaux le 11 juillet, avec une première série d’auditions jusqu’à la fin du mois de juillet.
Les auditions, qui ont repris au début du mois de septembre, ont permis d’auditionner quarante-trois groupes de personnalités : représentants des organisations représentatives des salariés et des employeurs, représentants des administrations, directeurs des ressources humaines, juristes, et même des représentants de bureaux des élèves d’écoles d’ingénieurs ou de commerce.
Nous avons tenu trois réunions, dans le meilleur esprit, une première, qui a duré une heure quarante, pour auditionner les quatre ministres en charge du projet de loi, une deuxième, de près de deux heures, pour l’examen des amendements en vue du rapport, et une troisième juste avant le début de l’examen en séance publique, en application de l’article 88.
Au cours de ces réunions, la commission a examiné 240 amendements – je me souviens de M. Gremetz défendant les siens avec énergie – et en a adopté 99, soit plus de 40 %.
Il me semble que ces chiffres parlent d’eux-mêmes. La discussion en commission a bien eu lieu et il ne convient pas d’y revenir.
J’ajoute que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a tenu à travailler en concertation étroite avec les commissions saisies pour avis, en particulier avec la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, dont je salue le président.
L’ensemble des auditions ont été organisées de façon conjointe par les deux commissions. C’est une expérience rare, mais suffisamment riche pour que l’on puisse souhaiter la voir réitérée à l’avenir, et je parle au nom des politiques, des élus, mais aussi des administrateurs, qui, je le sais, ont apprécié ce travail en commun. Les réflexions et échanges préalables au débat en séance publique que nous ouvrons maintenant n’en ont été que plus stimulants.
Pour l’ensemble de ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à ne pas adopter cette motion de renvoi en commission, avec un certain regret, vous l’imaginez, monsieur Charzat, tant vos arguments étaient importants, mais je crois qu’ils ne peuvent résister à la force du travail que les deux commissions ont dégagée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Nous avons eu droit dans un premier temps aux poncifs, puis aux contrevérités, aux affirmations gratuites, puis, enfin, à la contradiction majeure.
Parmi les poncifs, il y a, en prétendant défendre, alors qu’on l’a toujours combattu, le général de Gaulle, sa vie, son œuvre, sa pensée, la destruction systématique de ce qui, pour nous, est une grande et belle idée toujours vivante et qui nous est présentée comme l’Arlésienne, la troisième voie, qui est plutôt une impasse, la nostalgique évocation de la grande ombre et l’antique doctrine, quelques formules bien pesées, d’une très grande finesse, qui ne résistent bien évidemment pas à l’analyse.
Jamais la gauche n’a pu accepter ce que proposait le général de Gaulle, qui était justement de mettre un terme, dans l’esprit de rassemblement qui a toujours été le sien, à cette antique confrontation de la lutte des classes, à cette idée selon laquelle les patrons seraient toujours a priori et définitivement des exploiteurs et les salariés toujours et pour la nuit des temps des exploités.
Or le général de Gaulle avait bien compris – l’esprit de la Résistance était passé par là, certains l’ont dit, et il l’avait fédéré –, que l’avenir d’une société moderne était certes à la confrontation quand elle était nécessaire, était certes à la négociation, qui est un gage d’efficacité et de progrès, mais était surtout à la fin de vieilles lunes, parce que c’en est effectivement une que de vouloir éternellement opposer, dans l’entreprise comme ailleurs, les uns aux autres.
La participation, contrairement à ce qu’a dit M. Charzat, n’est pas une vieille lune, une impasse, c’est une véritable troisième voie que le général nous a proposée, pour laquelle beaucoup a été fait et sur laquelle il est nécessaire d’aller plus loin, ce que nous permet ce texte.
Parmi les contrevérités et les affirmations gratuites, il y a le démantèlement des acquis sociaux.
Vous avez aussi tenté de démontrer l’incompatibilité entre la sécurisation des parcours professionnels et la nécessaire fluidité qui s’impose à tous, que certains d’ailleurs, j’allais dire « certaine », à gauche, appellent de leurs vœux.
Vous avez conclu de manière absolument contradictoire, ce qui a renforcé notre volonté de poursuivre l’examen du texte.
Vous avez en effet demandé le renvoi en commission au moment même où vous saluiez, et je crois qu’il fallait le faire, l’important travail réalisé par les deux commissions, qui a conduit les deux présidents rapporteurs à solliciter et à obtenir du Gouvernement qu’un certain nombre d’éléments ajoutés au texte soient finalement retirés lors de l’examen des articles.
Je terminerai, si vous le permettez, madame la présidente, par un mot un peu plus personnel. Beaucoup de mes collègues ici présents se sont engagés, dès leur plus jeune âge, pour soutenir l’action du général de Gaulle. Pour ce qui me concerne, c’était en 1965, avant l’élection présidentielle.
Il n’y a qu’une seule cause qui vaille, c’est celle de l’homme, disait le général de Gaulle. Il traçait la piste pour les décennies suivantes. Nous la suivons encore aujourd’hui. Grâce à son message et grâce à ce texte nous avancerons. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP, sans aucune hésitation, repoussera cette motion d’opportunisme électoral et souhaite que nous passions à l’examen des articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La commission des affaires culturelles a travaillé longuement et de façon très encourageante puisque, après quelques semaines de réflexion, elle a fait disparaître quinze articles. Encore quelques efforts et nous pourrions aboutir à un texte d’où toutes les difficultés disparaîtraient.
J’observe d’ailleurs, monsieur le ministre, que tout en répondant, comme d’habitude avec beaucoup de compétence et d’amabilité, vous avez su, avec talent, d’éviter les sujets qui fâchent ou plutôt qui vous fâchent. Finalement sur la question des effectifs ou des conséquences de la rupture du congé de mobilité nous n’avons ni réponse, ni solution !
À elles seules, ces deux approches justifient le renvoi en commission. Mais il y en a une autre. Ce texte a été tantôt enrichi de propositions complémentaires, tantôt amputé des propositions initiales. Nous devons débattre dans les prochaines heures des stock-options. Mais à la lecture de la presse, nous ne savons pas exactement quelle est la position du Gouvernement, ce qui n’est pas un mince problème. Les hésitations du ministre de l’économie et des finances apparaissent dans la presse économique. Il ne sait pas trop comment répondre aux suggestions des uns ou des autres, alors que cela pourrait alimenter notre travail en commission.
Et si j’hésitais, l’intervention de M. Geoffroy aurait suffi à me convaincre du bien-fondé d’un renvoi en commission. La majorité semble subitement saisie d’amnésie. Nous avons atteint un tel niveau de contradiction entre le retour proclamé au gaullisme social et la tentative récente de nous imposer le licenciement sans motif ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Au moins, si vous voulez afficher des prétentions sociales, revenons un peu en commission, vous pourrez y faire votre examen de conscience ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Tout le monde le sait, tout le monde l’a vu, depuis 1967, et en dépit des évolutions législatives que nous avons connues, le cadre de la participation est encore inachevé. Pourquoi alors se priver des pas que ce texte nous propose de faire ?
De plus, la participation est une des formes de la démocratie. Et de démocratie, notre pays en manque un peu. Je ne voterai donc pas le renvoi en commission. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le ministre, je ne laisserai rien passer, je ne vous permettrai d’avancer aucune affirmation gratuite. Hier, vous me disiez qu’il ne s’agissait pas d’une question salariale ! Et vous avez fait une démonstration sur la baisse des salaires, l’augmentation des primes et le maintien de l’intéressement. Si ça, ce n’est pas une question salariale !
Après les propos de M. Borloo, votre patron, le 2 octobre, je ne sais plus trop où l’on est ! Il ne doit pas être très gaulliste. Je vois ici se dessiner, et je m’en réjouis, la renaissance d’un petit groupe gaulliste – Sarkozy ne doit pas en être, manifestement il n’a pas cette tradition. Je sens monter le gaullisme, la participation, la nouvelle société. Je trouve cela charmant ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Je constate donc un fait politique majeur. De ce texte sur la participation, renaît d’un seul coup une grande tradition gaulliste sociale. Je rappelle donc que le général de Gaulle a dit que ceux qui exploitaient les travailleurs et ceux qui luttaient contre la France devaient être nationalisés. Si vous alliez jusque-là, ce serait bien et vous n’auriez pas dû voter la privatisation de GDF. Vous avez encore des progrès à faire !
Pour revenir à M. Borloo, l’enjeu, selon lui, est aussi de répondre aux revendications sur le pouvoir d’achat, en partageant mieux les fruits de la croissance. Il parle bien de pouvoir d’achat, monsieur Larcher ! Il dément donc vos propos. Il est encore plus social que vous !
Quant au Premier ministre, votre patron supérieur, il déclare que nous avons besoin d’une politique plus ambitieuse encore en matière de pouvoir d’achat, et qu’avec le projet de loi sur la participation et l’intéressement, nous allons franchir une nouvelle étape. Ce n’est pas une question salariale, cela ? Mettez-vous d’accord entre vous ! Ce n’est pas la peine de nous envoyer autant de ministres pour qu’ils se contredisent. On ne comprend déjà pas grand-chose, on ne va plus rien comprendre du tout. Qui dit quoi ? Qui fait quoi ? Et le Premier ministre ajoute que le travail doit apporter une vraie sécurité en matière de pouvoir d’achat. En tout cas, si ce n’est pas une question salariale, je n’y comprends plus rien.
En vérité, il s’agit bien de pouvoir d’achat. J’ai cité hier les chiffres du CERC – et Mme la ministre ne les a pas démentis. En dix ans le patrimoine financier a augmenté de 10 % contre 0,6 % pour le pouvoir d’achat. C’est donc bien la question.
Et voilà que vous voulez nous faire le coup de la participation ! Beau mot ! Belle intention ! Seulement la lutte des classes, ce n’est pas Marx qui l’a inventée, elle est là, tous les jours, quand les salariés se battent parce qu’on les licencie, parce que l’on restructure, parce qu’on délocalise.
(La motion de renvoi en commission n’est pas adoptée.)
(La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt-huit, est reprise à vingt-deux heures trente.)
J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures trente et une, est reprise à vingt-deux heures trente-cinq.)
Poursuivez, monsieur le rapporteur pour avis.
Pour nous la participation n’est pas qu’une ligne dans les documents comptables de l’entreprise ; c’est un projet global de société, qui repose sur les piliers de l’intéressement, de la participation stricto sensu, de l’actionnariat salarié, sans parler de tout ce qui relève de la gouvernance de l’entreprise. À mon sens, comme à celui du président Dubernard, qui défendra un amendement identique, ces éléments sont indissociables : c’est un tout. C’est la « nouvelle société » évoquée tout à l’heure, c’est le projet conçu par le général de Gaulle.
Hélas ! Ceux qui ont été responsables des affaires de l’État après le général de Gaulle ne semblent pas avoir eu la même volonté de faire avancer ce projet ; sinon, ce serait acquis.
Ces jeunes sont aujourd’hui députés.
De même que le travail dans l’entreprise est rémunéré légitimement par le salaire, et le capital par le dividende, nous jugeons tout aussi légitime que le surplus de richesses produit par l’association du capital et du travail soit partagé à due proportion, la part du salarié s’appelant dividende du travail.
Certes ce système existe déjà en partie. Mais ce qui compte, c’est la force que les mots lui donneront. (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Le dividende du travail reposera sur trois éléments, dont le supplément d’intéressement ou de participation qui pourra être libéré en vertu de ce texte. Nous vous félicitons de cette initiative, madame et monsieur les ministres, et nous y ajoutons, avec le président Dubernard, les distributions d’actions gratuites et les dividendes versés annuellement au titre de ces actions. C’est l’addition de ces trois éléments qui constitue le dividende du travail.
Cet amendement renforce, monsieur le ministre, votre propre amendement – nous en avons débattu longuement, monsieur Larcher.
Je tiens à saluer l’initiative de Patrick Ollier, à l’origine de cette expression. Si elle a fait débat, c’est précisément par ce qui fait son intérêt : en associant deux dimensions habituellement irréconciliables, elle contraint à revenir aux fondements de la participation, exposés par le général de Gaulle le 7 juin 1968, lors d’un entretien télévisé : « Il y a une troisième solution, autre que le capitalisme ou le communisme : c’est la participation, qui, elle, change la condition de l’homme au milieu de la civilisation moderne ».
Le dividende du travail symbolise – que dis-je ! sacralise – cette troisième solution, et c’est pourquoi la commission a adopté cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
C’est le travail d’hommes et de femmes compétents, et aussi celui des manœuvres, qui crée des richesses. Quant aux dividendes du travail, si une belle entreprise a des belles machines, mais pas de salariés pour les faire fonctionner, elle ne produit pas de richesses, donc pas de bénéfices, pas de dividendes – rien !
S’il s’agit véritablement de partager des dividendes, je vous rappelle que, depuis des années maintenant, la part des salaires dans le PIB a diminué de 12 % alors que la part du capital industriel et financier a augmenté d’autant. Pour corriger cela, il faut autre chose que l’intéressement, dont la part diminue.
Sur les 22,5 millions de salariés que compte ce pays, votre proposition n’en ajoutera pas un de plus aux 8 millions qui sont déjà touchés par la participation. Ce chiffre est même en diminution car, je le répète, lorsque, à la fin de l’année la filiale française d’un groupe multinational n’a pas réalisé de bénéfice, il n’y a pas de prime d’intéressement. Vous le savez bien et je peux vous en citer de nombreux exemples.
Votre proposition laisse donc de côté 14 millions de salariés. Ne pas prévoir d’intéressement dans la fonction publique signifie qu’on applique aux salariés des traitements différents. Quant aux petites et moyennes entreprises de moins de cinquante salariés, on voit bien se qui se passera si on ne les force pas à appliquer la participation : à votre bon cœur, messieurs ! Soyons sérieux, l’expérience montre que c’est bien dans les grandes entreprises, quand il y a des syndicats forts et des comités d’entreprise qu’on examine la question et qu’on discute la prime d’intéressement. Je le répète, l’application de cette prime recule de plus en plus.
Vous parlez de partage ? C’est justement là l’enjeu de toutes les luttes qui se déroulent aujourd’hui dans toutes les entreprises de ce pays, où se manifeste un refus total d’augmenter les salaires. Une étude récente montre que les salaires n’augmentent pas, mais qu’on augmente les primes. De fait, celles-ci ne sont pas soumises à l’impôt et ne comptent ni pour le calcul des retraites, ni pour celui des avantages sociaux. En outre, on ne compte pas dans les effectifs les millions de gens vivant dans la précarité, qui augmente chaque année : vous savez bien que s’ils changent d’entreprise, ils ne bénéficient pas de l’intéressement.
Vous nous parlez de symbole, mais les gens ne vivent pas de symboles : ils vivent tout court ! Comment accepter que tant de salariés, y compris les cadres, qui sont 40 % à le dire, ne puissent plus s’en sortir alors qu’ils travaillent de plus en plus ?
Dans le même temps, un rapport – que je ne doute pas, madame la ministre, que vous ayez soigneusement étudié – indique que les profits records des grandes entreprises ne nourrissent plus l’investissement, mais vont se placer en Bourse. Ce n’est pas moi qui le dis – vous me taxeriez d’être un utopiste ou de dire n’importe quoi – : c’est une étude de la Banque de France.
Le groupe communiste et républicain votera donc résolument contre cet amendement.
On nous dit souvent que le code du travail a vu son volume exploser et qu’il faut le réduire – ce qui peut d’ailleurs se discuter –, mais faut-il pour autant alourdir d’autres législations en y inscrivant des symboles qui, à la fin du mois, n’augmenteront pas les revenus des familles ? Vous l’avez déjà fait pour d’autres lois, en regroupant sous des chapeaux des dispositions existantes, pour pouvoir dire que le Gouvernement avait fait quelque chose. Faut-il toujours tomber dans ce travers ?
J’ai entendu des envolées lyriques sur la réconciliation du capital et du travail et sur la répartition des profits.
Je rappellerai quelques chiffres tirés d’un rapport de 2005 sur la rémunération des dirigeants des sociétés cotées. Ce rapport, qui n’a pas été fait par les Verts ni par aucun opposant, mais par des gens de la finance, indique que, comme les années précédentes, les écarts de rémunération entre dirigeants ne s’expliquent que par des facteurs de taille d’entreprise, mais nullement par des critères de performance. Ce premier point suggère déjà que, pour les dirigeants d’entreprise, les dividendes du travail ne sont pas très concluants – ce que l’opinion publique sait déjà, car il y a eu ces derniers temps assez de scandales dans ce domaine.
Si l’on regarde la rémunération globale des équipes dirigeantes des cinq premières entreprises du CAC 40, on constate que 44 personnes se partagent plus de 13 millions d’euros. Quant aux présidents, ils sont cinq à se partager plus de 59 millions d’euros. Au total, ce sont, en une année, 72 585 441 euros pour 49 personnes, soit l’équivalent de 6 048 SMIC annuels.
Vous nous tenez de grands discours sur la grande entente entre le capital et le travail, la grande entente de tous les salariés, des hauts cadres et des chefs d’entreprise, mais dans bien des entreprises, où les salariés qui touchent le SMIC sont aujourd’hui de plus en plus nombreux du fait du tassement des grilles de salaires, ce discours serait plus difficile à tenir.
Vous nous accusez de vivre dans le passé et de ne pas tenir compte du monde moderne ou de la réalité, mais vous auriez au moins dû, monsieur Ollier, vous qui vous faites le promoteur du dividende du travail, expliquer ou prendre en compte dans votre proposition le développement du leverage buy out, ou LBO, qui est aujourd’hui le grand problème de nos entreprises, et donc des salariés. Qu’advient-il de la participation et de l’intéressement face à ce mécanisme qui concerne tant les grandes que, de plus en plus, les petites entreprises ? Comment pouvez-vous ignorer ce phénomène en pleine explosion ? Sans entrer dans le détail du mécanisme financier, je rappelle qu’il a pour principale conséquence d’accélérer obligatoirement la rémunération du capital, puisque le fonds d’investissement en capital rachetant une entreprise – laquelle n’est d’ailleurs pas nécessairement en difficulté – accélère le processus de remboursement pour dégager un profit. Ce phénomène posera nécessairement d’énormes problèmes pour la mise en place des mesures que vous proposez.
Votre texte semble évoquer un passé merveilleux, qui n’a pourtant, comme M. Ollier vient de le reconnaître, jamais existé concrètement, et il ne tient pas compte de la réalité, c’est-à-dire de ces mécanismes financiers très importants qui se développe sous nos yeux et concernent à la fois les entreprises et les salariés.
Monsieur Gremetz, je comprends que vous ne parveniez pas à vous faire à l’évolution des mentalités que nous vous proposons. Vous êtes ancré dans des attitudes du passé et dans la doctrine qui a animé votre combat. Je comprends et respecte ce combat et votre action au nom du marxisme, même si je suis opposé à vos idées.
Dans le cas présent, monsieur Gremetz, permettez-moi de vous le dire avec beaucoup d’amitié et de respect, votre conception des choses ne vous permet pas d’entrer dans cette modernité, cette évolution que nous voulons construire. Il s’agit ici, en effet, d’examiner une proposition moderne d’association capital-travail qui doit permettre de faire fondre les différences qui existent entre deux corps. C’est très justement que le général de Gaulle, dans ses Mémoires, décrivait la participation comme une brèche ouverte dans le mur qui sépare les classes. Or avec vous, monsieur Gremetz, c’est le retour triomphant de la lutte des classes !
Nous ne regardons pas dans le rétroviseur.
Vous dites que le dividende du travail est un symbole, mais – pardonnez-moi de le dire avec quelque emportement – vous n’avez pas lu l’amendement ! L’intéressement et la participation…
Pour vous, monsieur Gremetz, seul le salaire peut récompenser le travail. Or dans l’association capital-travail, le salaire récompense légitimement le travail comme le dividende récompense légitimement le capital. Lorsque les deux s’associent, ils créent ensemble des richesses, qui sont alors réparties à due proportion entre les deux. Voilà ce qu’est le dividende du travail, représentatif de la part que prend le travail dans la création nouvelle de richesses. Cela représente du pouvoir d’achat en plus pour les salariés.
Lisez, s’il vous plaît, l’amendement que nous avons rédigé. Je ne peux accepter que vous portiez le discrédit sur une mesure novatrice, courageuse et résolument moderne.
Madame Billard, pardonnez-moi de vous dire que votre raisonnement s’enracine lui aussi dans un autre temps. Nous voulons tourner la page de ce temps-là. Alors que, du côté de la majorité, nous sommes résolument modernes, je constate que, du côté de l’opposition, vous restez conservateurs. Le progrès est du côté de la majorité ; le conservatisme, c’est l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le CERC. Comment pouvez-vous parler de modernité quand on apprend que, depuis vingt ans, les salaires font du surplace.
Les chiffres, ce n’est pas moi qui les donne : c’est le CERC, la DARES, le ministère du travail. Contemplez donc la belle modernité des courbes de ces études dont vous êtes les auteurs ; mesurez la différence du niveau des salaires entre 1980 et aujourd’hui. Et les salaires continuent de baisser. 40 % des cadres eux-mêmes ont perdu du pouvoir d’achat sur leur salaire ! Et maintenant, admirez donc les courbes des profits records ! Ce n’est pas vers le progrès social qu’on va, vers une meilleure répartition des richesses, mais vers leur concentration au profit de quelques-uns qui les dilapident. Et de l’autre côté, c’est de plus en plus ceinture pour les salariés, y compris pour les cadres aujourd’hui. Est-ce que vous ne sentez pas ce qui se passe dans le pays ? Vous en avez déjà eu un avant-goût avec le CPE ; le terreau est là, et vous allez encore en voir avec GDF.
(Ces amendements sont adoptés.)
(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinq, est reprise à vingt-trois heures sept.)
La parole est à M. Maxime Gremetz.
Le problème majeur, ce qui marque le plus le monde du travail, avec le chômage, c’est le niveau très faible des salaires et la perte de pouvoir d’achat, toutes les études le montrent. Les organisations syndicales évaluent la perte du pouvoir d’achat des salaires entre 5 % et 7,5 %. C’est considérable. Une étude sur les cadres ne dit pas autre chose : plus de 40 % d’entre eux ont perdu du pouvoir d’achat. Cela explique que le malaise et la colère ne sont plus seulement présents dans les couches sociales des employés ou des ouvriers, mais aussi chez les cadres. Il est également fait observer que cette baisse s’accompagne de fortes disparités et discriminations en raison d’une propension importante à l’individualisation des rémunérations, notamment liée au recours à la participation financière et à l’intéressement. Une étude de l’INSEE confirme cette réalité.
Cette financiarisation de l’économie n’est plus acceptable. Il n’est plus tolérable que l’opulence de certains cohabite avec l’indigence des autres. Une étude de la Banque de France, publiée dans son bulletin du mois d’août, conclut d’ailleurs à « une situation sans précédent, paradoxale et lourde de conséquences ». Dans de nombreux pays, précise cette étude, les profits des entreprises sont à leur plus haut niveau depuis des décennies. Ils dépassent 10 % du PIB. Les cent premières sociétés cotées au CAC 40 disposent de plus de 1 100 milliards de dollars de liquidités, un niveau sans précédent, et les actifs liquides représentent 9 % du total de leur bilan. Les entreprises ne savent pas quoi faire de leur argent et elles privilégient les placements financiers sur les investissements physiques. Voilà une étude qui devrait tout de même faire réfléchir. Si elle était de moi, certains d’entre vous pourraient douter de ses conclusions, mais en l’occurrence elle émane de la Banque de la France. Ou alors demandez la démission de ses auteurs !
Si nous voulons revaloriser le travail, il faut mieux le rémunérer. Mais par la rémunération directe. Car ça, c’est un acquis, tandis qu’une prime, on peut l’enlever à tout moment, elle n’est pas pérenne. On ne peut avoir comme projet de société de substituer le revenu au salaire. Or avec cet article, vous renforcez le caractère aléatoire et flexible de la rémunération.
Avec ce projet de loi, le gouvernement offre une porte de sortie au MEDEF face à cette exigence sociale forte d’accroissement du pouvoir d’achat, qui va encore se manifester dans les prochaines semaines et dans les prochains mois. Plus nous allons approcher des échéances électorales, plus cette exigence-là va monter. L’objectif de ce texte est bien de briser le mécanisme salarial, avec ses négociations, ses grilles conventionnelles, son droit ouvert à la protection sociale, pour lui substituer des formes flexibles d’intéressement, de participation et d’actionnariat, quand ce n’est pas du subventionnement sur fonds publics, comme la prime pour l’emploi. Pourquoi serait-il possible de distribuer du revenu sous forme de dividendes ou de participation, alors que cela serait impossible sous forme de salaire ? Pourquoi la sacro-sainte compétitivité des entreprises imposerait la rigueur salariale, mais pourrait s’accommoder de largesses en matière d’intéressement ? Sans compter les inégalités de traitement que ces mécanismes engendrent. Comme l’étude de l’INSEE de la semaine passée le révèle, les ouvriers sont les moins bien lotis : parmi ceux qui ont accès à l’épargne salariale, 25 % perçoivent moins de 320 euros.
Toutes ces études sont récentes et, au nom de la modernité dont vous vous réclamez comme de la prise en compte des réalités, il serait temps que vous en preniez connaissance.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je me félicite que notre assemblée vienne de consacrer, avec les deux amendements identiques adoptés avant l’article 1er, la notion de dividende du travail. L’article 1er est essentiel, car il détaille les moyens de la mettre en œuvre, en précisant les conditions de versement au salarié d’un supplément de participation ou d’intéressement, sur décision du conseil d’administration ou du directoire. Ainsi associé à l’intéressement, le dialogue en sera renforcé, comme l’a souhaité M. Larcher.
Il faut, mes chers collègues, prendre la mesure de l’innovation que constitue ce premier acte essentiel. Aujourd’hui, compte tenu des règles comptables en vigueur, il serait impossible pour une entreprise enregistrant des résultats supérieurs à ses estimations de les reverser aux salariés au titre de la participation ou de l’intéressement.
Je ne reviendrai pas, car tout cela est bien expliqué dans le rapport, sur les règles relatives à la formule de la participation, formule rigide et complexe qui date de 1967. Certes, si l’entreprise établit une formule garantissant au moins les mêmes résultats, elle peut y déroger : en pratique, chacun le conçoit bien, c’est rare, car elle doit alors s’affronter à la complexité des règles, et s’expose à des contrôles sévères sur leur respect. Ainsi, seulement 10 % des accords privilégient une option dérogatoire. L’article 1er améliore les choses sur ce point.
On sait par ailleurs que la formule est très difficile à réformer. Des études de l’INSEE, que M. Gremetz n’a pas mentionnées, l’ont bien précisé.
Comme l’ont résumé François Cornut-Gentille et Jacques Godfrain dans leur rapport de septembre 2005, le débat sur la formule de participation est un faux débat. Dans ce contexte, ouvrir la possibilité de verser un supplément de participation et d’intéressement constitue une solution bienvenue. Il y va d’ailleurs de l’intérêt du salarié comme de l’entreprise : le premier y trouve un gain de pouvoir d’achat, la seconde une forme de financement.
J’en viens à l’amendement n° 263, qui est de cohérence rédactionnelle. Il vise à placer le dividende du travail dans le chapitre du code du travail consacré à l’intéressement, et non au plan d’épargne, puisque le lien du dividende du travail avec ce dernier devient facultatif.
(L’amendement est adopté.)
Nous en venons aux amendements identiques nos 78 rectifié et 306 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 78 rectifié.
Si l’on entend favoriser le versement d’un supplément d’intéressement, pourquoi le confiner dans les limites qui encadrent d’ordinaire le seul intéressement ? Il y aurait là une contradiction. Il faut néanmoins prévoir un dispositif financièrement équilibré, pour les salariés comme pour l’entreprise.
L’amendement propose une voie moyenne entre ces deux impératifs : d’une part, il permet d’affranchir le supplément d’intéressement du plafonnement à 20 % de la rémunération annuelle brute par salarié ; de l’autre, il maintient le second plafond, mentionné à l’alinéa 7 de l’article L. 441-2 du code du travail, aux termes duquel « le montant des primes distribuées à un même bénéficiaire ne peut, au titre d’un même exercice, excéder une somme égale à la moitié du montant du plafond annuel moyen retenu pour le calcul des cotisations de sécurité sociale. »
Telle est la solution réaliste, et plus complexe à expliquer qu’à mettre en œuvre, que les deux commissions ont retenue.
(Ces amendements, ainsi modifiés, sont adoptés.)
La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le soutenir.
La modification législative proposée pour insérer dans notre législation sociale la notion de « dividende du travail » ouvre la possibilité de verser un supplément d’intéressement aux salariés d’une entreprise ayant réalisé plus de bénéfices qu’escompté. Au détour de cette mesure, vous dénaturez la notion même d’intéressement.
Je rappellerai que, selon l’article L. 441-3 du code du travail, la date de versement des primes d’intéressement n’est pas compatible avec des délais trop longs, car ce dispositif se présente comme un outil de motivation des salariés dans la perception rapide de sommes représentant la contrepartie d’un effort consenti. Aussi le versement des sommes dues au titre de l’intéressement doit-il intervenir, selon ce même article, au plus tard le dernier jour du septième mois suivant la clôture de l’exercice.
En conséquence, les sommes revenant aux salariés au titre de l’intéressement leur sont versées immédiatement : il n’y a pas de délai de blocage ni d’obligation d’affectation à un plan d’épargne. Dès lors, pourquoi imposer avec cet article que le supplément d’intéressement soit affecté à un plan d’épargne d’entreprise ? C’est une proposition bizarre, qui contrevient au principe de libre affectation de l’intéressement mais aussi à la liberté de jouissance immédiate, car ce supplément, obligatoirement affecté à la réalisation d’un plan d’épargne, sera bloqué pour cinq ans. Vous me corrigerez si je me trompe, mais je ne crois pas avoir déformé vos intentions.
Pour la raison juridique que je viens de préciser, mais aussi pour éviter d’être en forte contradiction avec vos propos, vous ne sauriez donc affecter directement le supplément d’intéressement au PEE : comment affirmer d’un côté qu’il faut une redistribution des richesses par le dividende travail pour augmenter le pouvoir d’achat, et de l’autre obliger les salariés à le bloquer sur un plan d’épargne à l’issue aléatoire, s’il ne s’agit pas d’un produit labellisé ?
Voilà pourquoi nous proposons que cette prime d’intéressement supplémentaire soit versée dans les mêmes conditions que celles prévues actuellement par la loi.
Votre amendement étant, je le répète, satisfait, la commission l’a repoussé.
Je veux aussi profiter de l’occasion pour rendre un hommage particulier à Jean-Pierre Raffarin : c’est lui qui, en tant que Premier ministre, répondit à une question que j’avais posée dans cet hémicycle à propos du dividende du travail. Bien qu’issu d’une famille politique un peu différente de la mienne, il a non seulement souscrit à cette ambition, mais tout mis en œuvre pour que nous puissions aujourd’hui, avec ce projet de loi, la réaliser. Bien sûr, Dominique de Villepin a repris le flambeau, avec M. Larcher, M. Borloo, M. Breton et Mme Lagarde : bravo donc au Gouvernement, mais n’oublions pas M. Raffarin !
Nous en venons précisément à l’amendement n° 79.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Pour ce qui concerne la diversité, il tend à élargir les possibilités d’affectation du supplément d’intéressement. Le texte initial n’évoquait que l’affectation des sommes à un plan d’épargne d’entreprise. Notre amendement prévoit expressément que le supplément d’intéressement pourra être affecté à la réalisation d’autres types de plans, plus modernes, comme le PERCO ou le plan interentreprises.
Quant à la souplesse, le dispositif initial créait un fléchage obligatoire du supplément d’intéressement vers le plan d’épargne. Cela ne me semblait pas opportun, car il faut laisser au salarié la liberté de choisir l’affectation du supplément qui lui est versé. C’est la raison pour laquelle, comme vous le souhaitiez, monsieur Gremetz, cet amendement transforme l’obligation en simple possibilité.
Soit le salarié choisit de les libérer immédiatement et de les utiliser à sa guise – possibilité qui n’existait pas dans le texte du Gouvernement –, soit il les affecte à la réalisation d’un plan d’épargne d’entreprise, d’un plan d’épargne interentreprises ou d’un plan d’épargne pour la retraite collectif, qui nous paraissent les trois solutions les meilleures. Ce dispositif a le mérite de la simplicité et de l’efficacité, et répond, me semble-t-il, à vos interrogations.
Si nous sommes face à une alternative, il suffit que vous acceptiez un sous-amendement qui remplace « alors » par « aussi ». Cela satisfera tout le monde et évitera des contentieux ultérieurs.
Je mets aux voix l'amendement n° 79, tel qu'il vient d'être rectifié.
(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.
La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le soutenir.
Notre amendement vise donc à empêcher que, par un effet pervers, les formes flexibles de rémunération se substituent au salaire. La modération salariale dont sont victimes les salariés est en partie due, en effet, au développement de ces formes de redistribution des richesses. Cette pratique est de plus en plus courante, comme le montre l’évolution de la part de ces versements dans la masse salariale des entreprises qui y recourent. Celle de l’intéressement est passée de 3,1 % en 1996 à 4,5 % en 2003 ; celle de la participation de 3,8 % à 4,6 %.
Notre rapporteur ne dit pas autre chose. Je le cite : « La participation financière constitue d’ores et déjà une source de revenu importante pour les salariés : le dernier rapport du Conseil supérieur de la participation pour 2004-2005 montre que le nombre de bénéficiaires directs (6,3 millions de salariés en 2004) est en forte hausse (plus 250 000 par rapport à 2003) et que, après un tassement en 2003, les sommes distribuées au titre de la participation repartent également à la hausse pour atteindre un total de 11,6 milliards d’euros en 2004 (soit une augmentation de 8,7 % par rapport à 2003). »
La part des heures supplémentaires, des primes et des compléments de salaire dans la masse salariale était de 13 % en 2004, augmentant pour la troisième année consécutive, alors que, dans le même temps, le pouvoir d’achat des salaires a diminué de plus de 5 %. Autrement dit, la structure de la rémunération se déforme, et les entreprises ont davantage tendance à verser des primes d’intéressement et de participation qu’à augmenter les salaires.
Nous voulons promouvoir une autre dynamique pour faire en sorte que les salaires passent avant la rémunération du profit. C’est pourquoi nous proposons un dispositif qui n’autorise la distribution de ce « dividende du travail » qu’avec les réserves que nous avons déjà émises et à la condition qu’un accord majoritaire ait été conclu au préalable.
Le président de la commission disait tout à l’heure que le projet de loi ne concernait pas uniquement la participation financière, qu’il y était aussi question de droits nouveaux pour les salariés. Ces droits nouveaux passent par la démocratie, c'est-à-dire par des accords majoritaires.
Cet amendement vise à éviter que les suppléments de participation ou d’intéressement ne se substituent à des augmentations de salaire. Son objet est de n’autoriser le versement d’un « dividende du travail » que si une négociation a eu lieu dans l’année précédente et qu’elle a débouché sur un accord salarial.
Cela va, me semble-t-il dans le sens du renforcement de la concertation que vous réclamez et, à moins d’être en porte-à-faux avec vos discours sur le rapprochement entre salariat et patronat, vous ne pouvez rejeter cette proposition constructive.
D’abord, en liant la participation à la négociation salariale, vous faites un mélange des genres, alors même que le Gouvernement, et M. Larcher en particulier, travaille sur la notion de dialogue social, à laquelle je suis, ainsi que le président Ollier, très attaché. Et j’espère bien que nous aurons à débattre d’un texte à ce sujet.
Ce mélange des genres est tout à fait étranger à l’idée même de participation, beaucoup plus ample. On ne retrouve nulle part cette ambiguïté, qu’il s’agisse de participation aux résultats de l’entreprise, à son capital ou à sa gestion.
Ensuite, je rappelle que le développement de la participation ne s’oppose pas à l’évolution des rémunérations. Et j’y insiste, car vous n’avez cessé de prétendre le contraire depuis le début de la discussion. Ainsi, au cours des dernières années, les salaires, notamment les plus bas d’entre eux, ont augmenté, en même temps qu’augmentaient les sommes versées au titre de la participation. À combien est aujourd’hui le SMIC ? À combien était-il il y a quatre ans ?
Enfin, n’est-il pas paradoxal de chercher à entraver, pour des raisons strictement idéologiques,…
La commission est donc défavorable à cet amendement.
On a cité beaucoup de chiffres, notamment ceux émanant de la DARES. J’indique que la participation, l’intéressement et l’abondement des plans d’épargne d’entreprise, qui bénéficiaient à 7 163 000 salariés en 2000, profitaient à 8 194 000 d’entre eux en 2004. Vous parliez tout à l’heure de régression. En réalité, on observe là les effets de la loi de 2001, avec une croissance concernant l’ensemble des dispositifs.
Les sommes versées au titre de la participation, sous ses diverses formes, ont peu varié par rapport à la masse salariale, dont elles représentaient 6,5 % en 2000, 6,7 % en 2001, puis de nouveau 6,5 % en 2002 et en 2004. Il n’y a eu aucun dérapage. Cela montre bien que participation et négociation salariale ne doivent pas être confondues, comme ne cessent de le rappeler les présidents Dubernard et Ollier.
La convergence des différents SMIC s’est traduite par un gain de pouvoir d’achat considérable, de 11 %, lequel a d’ailleurs conduit à un tassement des classifications et des grilles et à leur révision anticipée dans 138 branches. Elles devront désormais être révisées plus souvent. Le délai de cinq ans prévu par le code du travail est maintenant trop long – il faudra produire un rapport sur le travail que nous avons effectué à ce sujet depuis dix-huit mois. Un tassement autour du SMIC doit être évité, car l’attractivité d’une filière professionnelle passe aussi par l’espoir de pouvoir y réaliser une carrière. Les secteurs du bâtiment et des travaux publics, qui veulent être attractifs, développent d’ailleurs actuellement une politique salariale et une politique de formation offrant des perspectives de carrière.
Voilà pourquoi, monsieur Gremetz, nous ne pouvons pas être favorables à cet amendement. Il faut dissocier participation et négociation salariale, et veiller à ce que celle-ci demeure conforme au code du travail, tout en entraînant un plus grand dynamisme s’agissant des classifications, dès lors que les SMIC augmentent.
Si nous sommes défavorables à cet amendement, c’est pour des raisons de fond : nous voulons favoriser le dialogue social et garantir la liberté des partenaires sociaux.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Maxime Gremetz.
Ne jouez pas sur les mots, monsieur Larcher : si vous êtes défavorable à notre amendement, c’est, dites-vous, parce que les conventions collectives prévoient une négociation obligatoire. Mais enfin ! combien de fois faut-il saisir le directeur départemental ou régional de l’emploi pour que s’ouvrent ces négociations salariales prétendument « obligatoires » ? Si vous m’aviez écouté, vous sauriez que j’ai donné les mêmes chiffres que vous. J’ai même cité le dernier rapport du Conseil supérieur de la participation, pour 2004-2005, qui montre que le nombre de bénéficiaires directs – 6,3 millions de salariés en 2004 – est en forte hausse – plus 250 000 par rapport à 2003 – et que, après un tassement en 2003, les sommes distribuées au titre de la participation repartent également à la hausse pour atteindre un total de 11,6 milliards d’euros en 2004, soit une augmentation de 8,7 % par rapport à 2003. Elles progressaient donc fortement, tandis que le pouvoir d’achat des salaires diminuait, y compris pour 40 % des cadres.
Nous avons donc raison de craindre ce système qui, au nom de la participation et de l’intéressement, vise à entraver l’augmentation des salaires. Nous estimons, quant à nous, que la participation doit s’ajouter au salaire, seul fruit pérenne du travail. Il ne suffit pas de donner aux salariés une prime d’intéressement, il faut ouvrir une négociation sur les salaires.
Si cet amendement vous gêne, cela signifie que notre crainte est fondée. Demandez donc au directeur départemental ou régional de Picardie combien de fois je l’ai appelé pour qu’il contraigne des dirigeants d’entreprise à s’asseoir à la table de négociation sur les salaires, ce qui, pourtant, est prévu dans les conventions collectives !
Qui peut être contre notre amendement ? Dites-le clairement : vous souhaitez privilégier l’intéressement et la participation, qui ne concernent pourtant que 8 millions de salariés sur 22 millions : en sont donc écartés 14 millions. Faites l’effort d’accepter cet amendement, faute de quoi tous vos grands discours sur la philosophie de ce texte voleront en éclats, ce qu’ils font déjà à l’épreuve des faits.
Voilà pourquoi j’ai demandé, au nom du groupe communiste, un vote par scrutin public : je ne veux pas que les salariés que je rencontre me disent un jour qu’on ne leur parle plus que de primes, d’actions gratuites, d’intéressement ou de participation, et qu’il n’est plus question de négocier sur les salaires ! D’ailleurs, c’est déjà le cas aujourd’hui.
Je vais mettre aux voix l’amendement n° 52.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
…………………………………………………………
…………………………………………………………
Voici le résultat du scrutin :
L’Assemblée nationale n’a pas adopté.
La parole est à M. Maxime Gremetz.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante-huit, est reprise le jeudi 5 octobre 2006 à zéro heure deux.)
La parole est à M. Alain Vidalies.
L’amendement n° 52 pose en effet le principe d’un lien entre un accord salarial et le dispositif d’intéressement, ce qui est conforme à notre démarche. Mais il nous semble qu’on ne peut anticiper le résultat de la négociation, comme le fait l’amendement de nos collègues communistes, en mentionnant a priori le taux de 5 %.
Voilà pourquoi nous n’avons pas pris part au vote.
La parole est à M. Maxime Gremetz.
Le régime de l’intéressement, comme celui de la participation, est assez strict du point de vue du droit : les suppléments ne peuvent se substituer à des augmentations de salaire. En effet, l’article L. 441-4 du code du travail précise que les sommes versées au titre de l’intéressement « ne peuvent se substituer à aucun des éléments de rémunération […] en vigueur dans l’entreprise ». Or, par cet article 1er, vous créez une nouveauté : le « dividende du travail », qui n’existait pas auparavant et qui n’est pas prévu par les textes en vigueur.
D’où la nécessité d’apporter cette précision, en guise de garantie. D’ailleurs, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, le Gouvernement l’a fait lui-même, par le biais d’un amendement, à propos de la création d’un bonus de 1000 euros. Sans doute vous souvenez-vous de cet amendement, madame et monsieur les ministres. Dans le cas contraire, je pourrai vous aider à le retrouver. À cette occasion, le Gouvernement avait ouvert la possibilité de distribuer ce bonus dans les seules entreprises couvertes par un accord salarial, c’est-à-dire aux mêmes conditions que celles prévues par l’amendement n° 52.
Par l’amendement n° 53, nous proposons en outre d’indiquer dans la loi que le supplément de participation ou d’intéressement qui pourra être versé ne le sera en aucune façon en lieu et place d’augmentations de rémunération ou de primes conventionnelles prévues.
Je rappelle que vous instituez une nouvelle norme juridique sans apporter aucune précision. D’où l’importance d’un tel amendement.
J’espère avoir été assez clair.
Sans reprendre l’argumentation que j’ai développée à propos de l’amendement précédent, je rappelle que le principe de non-substitution en matière d’intéressement a été consacré par le code du travail. L’article L. 441-4 précise que les sommes attribuées au bénéficiaire dans le cadre d’un accord d’intéressement « n’ont pas le caractère de rémunération […] ni de revenu professionnel » et que « ces sommes ne peuvent se substituer à aucun des éléments de rémunération, au sens des mêmes articles, en vigueur dans l’entreprise ».
Les débats au Conseil supérieur de la participation ont montré que l’ensemble des partenaires tiennent effectivement à ce que nous réaffirmions que les versements effectués au titre de l’intéressement ou de la participation ne peuvent en rien être substitués aux salaires, au-delà même de ce que contient le code du travail et conformément à la conception globale que le Gouvernement se fait du développement des dispositifs d’intéressement et de participation.
Pour ma part, j’ai été attentif à votre réponse, mais la question n’est pas là. La substitution est interdite, soit !
En droit, lorsqu’on introduit une nouveauté juridique, comme ce « dividende du travail », notion juridique non identifiée à ce jour, qui ne figure pas dans le code du travail et n’apparaît nulle part ailleurs, on ne peut invoquer aucune jurisprudence. Les brillants juristes qui vous entourent vous le confirmeront.
Deuxièmement, je vous rappelle que quand, en 2006, un nouveau dispositif a été introduit dans le PLFSS pour permettre le versement d’un bonus de 1 000 euros, nous avons dû préciser que cette somme ne se substituait pas aux augmentations de salaire. Pourquoi ne pas le faire aujourd’hui dans le projet de loi ?
Si vous pensez que votre texte est parfait, soit ! Votons-le en l’état. Mais, du point de vue juridique, vous avez tort. Libre à vous de penser que vous êtes les héritiers du général de Gaulle, homme qui défendait de réelles valeurs, certes, même s’il avait aussi des défauts, comme tout un chacun ! Vous croyez sans doute qu’un texte rédigé par les derniers gaullistes ne peut contenir aucune erreur et qu’on ne saurait même pas y changer une virgule. Je vous invite à plus de modestie. Interrogez n’importe quel juriste : il vous confirmera que j’ai raison.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.
Si, lorsque l’employeur décide seul d’octroyer un supplément, sa décision n’était suivie d’aucune négociation, il disposerait d’une liberté d’action unilatérale, ce qui ne serait pas conforme à la philosophie de la participation ou de l’intéressement, laquelle suppose, puisqu’il s’agit d’une sorte de contrat interne à l’entreprise, une négociation entre les deux parties.
Tel est le sens de cet amendement modeste, qui aurait du moins l’avantage d’envoyer aux syndicats un signal clair.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour le soutenir.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le soutenir.
L’implication des salariés est une condition d’autant plus impérative de l’application des mesures proposées en matière de participation et d’intéressement que l’on perçoit l’utilisation qu’en fera le patronat. Les dispositifs de participation financière tels que vous les concevez s’opposent, qu’on le veuille ou non, à la logique d’augmentation des salaires, car ils visent en réalité à faire dépendre en partie la rémunération des salariés des résultats financiers de l’entreprise, dont on sait qu’ils sont toujours présentés comme très positifs à l’extérieur et comme négatifs à l’intérieur.
Dans ce contexte, les tentatives de détournement obligent à renforcer la solidité et la légitimité des accords qui installeront ces dispositifs. Si l’intéressement ne peut être mis en place que par un accord collectif et si la participation est un dispositif obligatoire qui requiert également dans la pratique un accord collectif, il est important que cet accord soit signé par les organisations syndicales majoritaires. On ne peut pas multiplier les discours sur la participation sans aller vers une démocratie sociale solide et rénovée. Il faut redonner leur légitimité aux accords et à leurs signataires. Or la meilleure façon d’y parvenir – et c’est absolument moderne – est d’instaurer le principe de l’accord majoritaire, c’est-à-dire l’accord signé par des syndicats représentant la majorité des salariés.
Il est vrai, monsieur Ollier, qu’il faut beaucoup travailler pour augmenter le nombre des syndiqués…
D’ailleurs, combien l’UMP compte-t-elle d’adhérents, monsieur Ollier ?
Veuillez défendre votre amendement.
La loi de 2004 sur le dialogue social et la formation professionnelle tout au long de la vie traduisait un équilibre qui avait fait l’objet d’une position commune des partenaires sociaux.
J’ajoute que M. Hadas-Lebel, qui a été entendu par notre commission, a remis son rapport et qu’une vaste concertation s’est engagée sur ces thèmes qui feront bientôt, je l’espère, l’objet d’un texte de loi.
D’autre part, le Premier ministre a commandé le 16 janvier dernier à M. Raphaël Hadas-Lebel, alors président de la section sociale du Conseil d’État, un rapport dont il a lui-même présenté le principe devant la Commission nationale de la négociation collective. Ce rapport, portant notamment sur la représentativité, la validité des accords et le financement de la vie syndicale et professionnelle – distinct, par conséquent, du rapport sur le dialogue social confié à Dominique-Jean Chertier – a été présenté en mai dernier par son auteur devant la Commission nationale de la négociation collective.
Le Conseil économique et social a été saisi après l’audition et les débats de la Commission nationale de la négociation collective auxquels M. Hadas-Lebel avait été invité. Sous l’autorité du président Dermagne, le CES a créé un comité temporaire qui se réunit actuellement pour débattre de ces sujets que je rappelle : représentativité, validité des accords, financement de la vie syndicale et des organisations professionnelles.
Je crois que nous devons respecter le temps de la concertation et du dialogue avant que de légiférer. C’est ainsi que nous procédons dans le cadre du dialogue que nous essayons de construire avec les partenaires sociaux. Durant le temps que nous laissons au dialogue social, nous nous abstenons, sauf cas d’urgence, de toute initiative concernant les thèmes en discussion. Et c’est ensuite seulement que, si des adaptations législatives sont nécessaires, nous les soumettons au Parlement, qui rend l’arbitrage suprême comme le veut le principe même de la démocratie.
Je souhaite vraiment, monsieur Gremetz, qu’à la lumière de l’état des lieux que je viens de faire, vous retiriez votre amendement. L’ensemble des partenaires sociaux sont engagés dans le débat qui se tient actuellement devant le Conseil économique et social, et il vous appartiendra, le moment venu, d’en tirer les conséquences à l’occasion d’un texte à venir portant sur les conditions d’application de la loi du 4 mai 2004, notamment sur la question de la validité des accords. Il me semble qu’il serait vraiment prématuré, en l’état actuel de ce débat de fond, d’en tirer dès à présent les conclusions.
Pour notre part, nous appelons à l’émergence d’une citoyenneté sociale sur la base de ces deux principes : élections de représentativité et accord majoritaire, et il ne me paraît pas du tout prématuré de les affirmer dès maintenant dans un amendement.
La véritable question est celle de la concertation. Celle à laquelle nous avons procédé nous a amenés à convenir d’une chose, c’est que les organisations syndicales ne tomberont jamais d’accord de façon unanime. C’est pourquoi nous avons toujours dit, y compris quand la gauche était au pouvoir, que si aucun consensus ne se dégageait – ce qui n’est pas étonnant étant donné l’existence d’intérêts contradictoires parmi les syndicats – il fallait appliquer la règle de l’accord majoritaire et respecter ce faisant un principe élémentaire de la démocratie. Accepterait-on qu’un tiers des députés de l’Assemblée puissent l’emporter contre les deux autres tiers ? Ce serait absurde !
Cela fait des années que nous parlons d’accord majoritaire, et il me semble qu’il est maintenant grand temps de progresser. La loi Fillon a certes accepté l’accord majoritaire au niveau de l’entreprise, mais pour ce qui est des accords de branche, il suffit pour qu’un accord s’applique que trois petits syndicats, représentant à peine 30 % des salariés, le signent. Tant pis si les deux tiers des salariés sont contre !
Par ailleurs, on a beaucoup reproché aux organisations syndicales d’avoir une attitude insuffisamment constructive. Mais comment pourrait-il en être autrement, monsieur le ministre, alors que vous ne leur laissez que le principe d’opposition pour se faire entendre ? L’opposition est leur seul recours, alors qu’ils devraient pouvoir construire et proposer ! C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement, qui vise à inscrire dans la loi un principe qui va dans le sens de l’amélioration du fonctionnement de la démocratie et du dialogue social, et devra, à ce titre, être adopté le plus tôt possible.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Par ailleurs, le livret d’épargne salariale permettra à chaque salarié, grâce à un récapitulatif annuel reprenant la totalité de ses avoirs, de suivre l’évolution de son épargne, quel que soit le nombre d’entreprises dans lesquelles il aura pu travailler.
Cet excellent amendement a été adopté par la commission à l’unanimité.
(L’amendement est adopté.)
Je suis saisie d’un amendement n° 280.
La parole est à M. François Guillaume, pour le soutenir.
Mon amendement vise à combler cette lacune. Il propose que le dividende du travail puisse être accordé dans les entreprises de moins de dix salariés, assorti des exonérations fiscales et sociales habituelles, tant pour les salariés que pour l’entreprise. Pour éviter, ainsi que le craignait M. Gremetz, une substitution de ces avantages au salaire, l’intéressement est plafonné à 3 % du salaire net du salarié.
Telle est l’économie de cet amendement qui me semble combler une lacune. Il s’agit de faire profiter les salariés des très petites entreprises des mesures que nous mettons en œuvre aujourd’hui.
Le système que vous proposez, monsieur Guillaume, n’est pas de l’intéressement, ni même de la participation car l’argent n’est pas bloqué. Il s’apparente plus à une sorte de prime défiscalisée. L’intention est tout à fait louable, mais je ne pense pas que la formule choisie réponde à vos préoccupations. En revanche, l’amendement n° 264, qui viendra à l’article 5, prévoit que le chef d’une entreprise de moins de cinquante salariés peut, de sa propre initiative, décider de distribuer de la participation, donc des sommes bloquées, selon le système qui existe déjà pour les entreprises plus importantes. Je vous propose donc de retirer votre amendement et de cosigner l’amendement n° 264 présenté avec M. Dubernard.
Monsieur Guillaume, vous tentez de combler les lacunes pour les entreprises de moins de dix salariés. Mais rien ne change entre dix et cinquante salariés. Et 3 % du salaire, ce n’est pas grand-chose. La commission des finances a travaillé dans le même esprit que vous et a adopté un amendement qui viendra à l’article 6. En effet, je ne crois pas que l’amendement déposé par nos excellents présidents Ollier et Dubernard à l’article 5 réglera le problème, car il reste dans le cadre d’un blocage à cinq ans et de calculs compliqués que les chefs de petites entreprises n’ont pas envie de faire.
À mon sens, on ne pourra développer aucun partage des bénéfices de l’entreprise entre l’entrepreneur et ses salariés tant qu’on n’acceptera pas un autre système, tel qu’une « prime de bénéfice non imposable », peu importe le nom qu’on lui donnera. En tout cas, on ne pourra pas combler le vide qui existe pour les entreprises de moins de cinquante salariés en restant dans des démarches compliquées, dans le blocage des sommes, dans les accords de branche ou collectifs, dans la pluriannualité du système.
Pour l’égalité entre les travailleurs, il faudra accepter un système dérogatoire, dans un premier temps, qui pourrait amener les entreprises à entrer ensuite dans le système classique. J’en suis convaincu. Des dispositifs spéciaux ont été mis en place pour les entreprises de moins de cinquante salariés dans d’autres domaines : pourquoi ne serait-ce pas possible pour la participation et l’intéressement ? Pourquoi continuerait-on à se satisfaire de ne toucher que la moitié des salariés ? Cerise sur le gâteau, on vient de créer ce soir le livret d’épargne salariale, qui sera grosso modo réservé à la moitié des travailleurs français ! Il est temps de dépasser les bonnes intentions et de mettre en place un dispositif performant pour faire bénéficier l’ensemble de nos concitoyens du partage des profits de l’entreprise.
Les chefs d’entreprises de moins de dix salariés que nous recevons dans nos circonscriptions nous le disent : ils sont débordés, ils doivent assurer la gestion tout en exerçant leur métier. S’ils rechignent à utiliser les systèmes d’intéressement aux résultats, c’est qu’ils les jugent trop compliqués. Le mécanisme simplifié et facile à utiliser que je propose s’adresse aux entreprises de moins de dix salariés, mais on peut aussi bien l’étendre à celles de moins de vingt salariés.
Les dispositions prévues à l’article 5 doivent inciter les entreprises à la négociation de branche afin de conclure –et de mettre, si je puis dire, sur étagère – des accords simples et sécurisés leur permettant d’entrer dans le dispositif d’intéressement ou de participation. D’ici à trois ans, le Conseil supérieur de la participation nous dira s’il faut passer de l’incitation à l’obligation. Nous savons qu’il est souvent nécessaire de passer par la simplification avant d’en venir à l’obligation.
Nous partageons la philosophie de votre amendement, monsieur Guillaume, mais nous souhaitons que vous le retiriez au profit de celui de MM. Ollier et Dubernard à l’article 5, qui se rapproche plus des dispositifs de participation. Il donne ainsi l’initiative du versement au chef d’une très petite entreprise, tout en l’incitant à engager la négociation, notamment sur les taux inférieurs au régime d’autorité. Il a donc la liberté de décider, ce qui répond aux préoccupations de certains d’entre vous, et M. Joyandet a eu raison d’évoquer certains blocages. Mais, sur la base de cet engagement unilatéral, la porte est ouverte à la négociation. Nous sommes bien au cœur du dialogue social, comme l’a rappelé le président Dubernard.
Les entreprises de moins de vingt salariés, qui représentent 1,13 million de salariés, sont très créatrices d’emplois : au moins 80 000 sur les 200 000 récemment annoncés. Il est important que leurs salariés puissent profiter du dispositif de participation.
Nous souhaitons donc que vous retiriez votre amendement, sachant que le Gouvernement partage vos préoccupations.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
(L’amendement est adopté.)
(L’amendement est adopté.)
(L’article 2, ainsi modifié, est adopté.)
Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, nos 3175 et 3337, pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié :
Rapport, n° 3339, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;
Avis, n° 3334, de M. Patrick Ollier, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;
Avis, n° 3340 de M. Alain Joyandet, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.
A quinze heures, deuxième séance publique :
Suite de l’ordre du jour de la première séance.
A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
Suite de l’ordre du jour de la première séance.
La séance est levée.
(La séance est levée à une heure cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l’Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton