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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 10 octobre 2006

7e séance de la session ordinaire 2006-2007


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LUC WARSMANN,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

dispositions relatives aux arbitres

Discussion d’une proposition de loi
adoptée par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant diverses dispositions relatives aux arbitres (nos 3190, 3355).

La parole est à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je tiens tout d'abord à remercier le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, Jean-Marie Geveaux, pour l'intérêt qu'il porte depuis toujours au sport et, aujourd’hui, au statut des arbitres.

Cette proposition de loi, adoptée par le Sénat le 22 juin dernier, vise à donner un cadre législatif de référence aux juges et arbitres sportifs de notre pays. Elle témoigne une nouvelle fois de votre engagement à défendre les valeurs du sport et à faire respecter une règle librement consentie par tous. Elle apporte également une réponse adaptée aux préoccupations exprimées conjointement par le corps arbitral français et par le mouvement sportif, toutes disciplines confondues, qui la soutiennent.

Cette réforme du statut des juges et arbitres est parfaitement cohérente avec les objectifs de la politique que je mène depuis 2002 en faveur de la promotion des valeurs éducatives et sociales portées par le sport. L'éthique sportive est au cœur de ces valeurs. À cet égard, permettez-moi de citer Alain Ehrenberg, sociologue et chercheur au CNRS, qui écrit, dans Le Culte de la performance : « Le sport est un monde de rapports tranchés par la force et la règle. Il réconcilie ce que toute une tradition de la philosophie politique a constamment opposé, la force et le droit. En sport, la force n'est pas un arbitraire, car elle se plie au droit. La compétition, en objectivant les rapports de force dans une règle face à laquelle chacun est égal, est la scène ou le droit du plus fort n'est jamais la force qui bafoue le droit. »

Ainsi, lorsque la règle est contournée et que l'autorité sportive n'est plus en mesure de la faire respecter, c'est l'essence même du sport qui est en cause. Le rôle de l'arbitre est donc essentiel. Il doit avoir, pour la défense de l'éthique sportive, les moyens d'exercer pleinement sa mission. C'est la raison pour laquelle j'ai inscrit dans mes priorités l'amélioration de la situation de l'arbitre, dans un contexte général où les actes de non-respect se multiplient. J'ai ainsi confié, au mois de janvier 2005, à Me Marie-Thérèse Leclerc de Hauteclocque, avocate au barreau des Hauts-de-Seine, une mission d'étude sur les évolutions du statut juridique, fiscal et social des arbitres. Parallèlement, un séminaire de travail sur l'évolution des filières d'accès à l'arbitrage a été organisé au CREPS Colette-Besson de Châtenay-Malabry.

La reconnaissance de la spécificité de la mission des arbitres et juges sportifs passe d’abord par l'affirmation juridique de leur indépendance. La proposition de loi tire toutes les conséquences de cette indépendance, notamment en précisant qu'il n'existe pas de lien de subordination, dans l’accomplissement de leur mission, entre les arbitres et les fédérations. En outre, la commission des affaires culturelles du Sénat a souhaité que, au-delà du statut de travailleur indépendant, les arbitres puissent bénéficier de la couverture sociale du régime général de la sécurité sociale. Cette affiliation, qui n'entraîne pas automatiquement l'assujettissement de leurs indemnités aux cotisations d'origine conventionnelle, est parfaitement adaptée à la situation des arbitres qui exercent une activité professionnelle par ailleurs. L'indépendance des arbitres est donc consacrée et leur couverture sociale optimale. Au-delà de ses conséquences fiscales et juridiques, cette disposition est essentielle, car elle conforte aux yeux de tous la place du corps arbitral.

La protection de l'arbitre doit également être renforcée dans le cadre de l'exercice de la mission de celui-ci. Sur ce point, je me réjouis que les travaux que j'ai menés en collaboration avec mon collègue garde des sceaux, Pascal Clément, dans l'objectif de renforcer la protection pénale des arbitres, aient servi de base à la proposition de loi. Les arbitres seront désormais chargés d'une mission de service public et leur protection pénale sera ainsi renforcée. Cette disposition s'inscrit d'ailleurs dans le cadre plus général de la politique gouvernementale de lutte contre la violence sur les terrains de sport.

Quelque 153 000 arbitres et juges, toutes disciplines confondues, sont concernés par cette réforme qui, en reconnaissant l'importance de leur mission, leur assure une protection à la mesure de ses difficultés. Je regrette que de trop nombreux arbitres aient baissé les bras, las de subir malheureusement trop souvent insultes, défiances, agressions ou autres intimidations. Aussi, je salue le travail effectué par le mouvement sportif pour dynamiser et rendre attractive une filière de l'arbitrage en perte de repères. Les journées de l'arbitrage, qui se sont déroulées ce week-end sur plus de 400 sites dans toute la France, ont ainsi permis à des sportifs de tous âges de pouvoir s'initier à la pratique arbitrale. En 2005, 6 000 nouveaux arbitres ont pu être recrutés, prouvant, s'il en était besoin, l'intérêt que suscite ce type d'activité.

Parce qu'en valorisant l'arbitre, c'est la quintessence même des lois du sport qui est honorée et parce que, derrière le soutien aux arbitres, c’est la question de l'autorité dans le sport que l’on place au cœur de nos préoccupations, il est essentiel d'œuvrer en faveur de la formation des jeunes générations de joueurs et d'arbitres.

J'ai souhaité mener cette politique selon quatre axes : la mise en place d'une filière attractive s'appuyant sur une politique fédérale volontariste de recrutement et de formation ; la prise en compte, dans la formation des arbitres, de l'environnement de la compétition, afin d'agir en faveur d'un meilleur respect de l'éthique sportive et de lutter contre toute violence ; la reconnaissance de l'arbitre en tant qu'acteur à part entière de la compétition, en développant des filières de formation où joueurs et arbitres sont confrontés ensemble aux mêmes situations ; enfin, la valorisation des bonnes pratiques par l'intermédiaire du pôle ressources national « Sport éducation insertion », qui est implanté au CREPS de Franche-Comté et qui est un véritable outil d'aide à la décision dans le cadre des politiques d'insertion par le sport.

La gestion des conflits, la préparation d’un match à risques, le dialogue avec les parents, la responsabilisation des joueurs et des entraîneurs face aux conséquences de leurs actes ou propos, le rappel de la loi lorsque cela s'avère nécessaire sont autant de thématiques qui ont toute leur place dans les formations organisées par les fédérations et l'État.

La proposition de loi aménage enfin le régime d'exonération totale, tant fiscale que sociale, dont bénéficient les arbitres et juges en deçà d'un certain plafond, désormais annuel. C'est la juste reconnaissance de la spécificité de leur activité et de l'importance de leur mission.

Mesdames, messieurs les députés, le respect de la règle et de l'autorité est l'une des conditions sans lesquelles le sport perdrait son identité et sans lesquelles la pratique sportive ne serait plus en mesure de porter les valeurs de la République auxquelles nous tenons tous collectivement. Les arbitres et juges sportifs sont garants de l'équité des compétitions et du respect de l'éthique sportive. Particulièrement heureux du travail que nous avons mené avec le Parlement pour reconnaître enfin leur rôle essentiel au sein du mouvement sportif, je vous invite donc à approuver cette proposition de loi attendue et espérée depuis de nombreuses années. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, cette proposition de loi, qui tombe à pic – puisque se sont tenues ce week-end les Journées de l’arbitrage –, apporte une réponse adaptée aux nombreuses attentes et aux préoccupations du monde arbitral professionnel et amateur.

La situation de l'arbitrage dans notre pays est en effet préoccupante et se caractérise par une tendance de fond : la chute du nombre des arbitres sportifs continue. Selon l'Association française du corps arbitral multisports – l’AFCAM –, en cinq ans, plus de 20 000 arbitres, toutes disciplines confondues, sur les quelque 153 200 actuellement en activité, auraient quitté la profession, faute de soutien des instances sportives et des pouvoirs publics. Certes, les fédérations et les disciplines sont inégalement touchées et la situation de l'arbitrage demeure très hétérogène, mais, dans certains sports, le manque d'arbitres se fait de plus en plus cruellement sentir.

Cette chute des vocations, qui handicape considérablement la pratique actuelle et hypothèque dangereusement l'avenir des activités sportives en France, s'explique par deux facteurs désormais bien connus.

Le premier tient au développement des incivilités, voire des violences, non seulement sur les terrains de sport, mais aussi autour de ces terrains. Si l’on recense seulement quelques milliers de plaintes par an, les chiffres ne reflètent toutefois qu'une partie de la réalité. En effet, de nombreux arbitres agressés évitent de porter plainte par peur des représailles ou estiment parfois qu'il n'est pas nécessaire de saisir la justice.

Le second facteur expliquant le manque d’attractivité de l'arbitrage en France tient aux incohérences du régime social et fiscal applicable aux arbitres. Ainsi, aucune disposition réglementaire ne permet de qualifier la relation qu'entretient l'arbitre avec la fédération dont il est licencié. Faute de cadre juridique clair et précis, les arbitres ont recours, pour justifier l'exonération des sommes qu'ils perçoivent, au système de franchise instituée par la circulaire interministérielle du 28 juillet 1994. Mais l’interprétation de cette circulaire est souvent l’objet de conflits et donne lieu à des poursuites judiciaires.

En résumé, ces deux facteurs d'affaiblissement de l'attractivité des fonctions arbitrales appelaient notre intervention. L’application de la règle et son contrôle par le juge ou l'arbitre étant l'essence même du sport, il convenait de sécuriser et de conforter l'exercice des fonctions arbitrales dans notre pays.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, monsieur le ministre, s'inscrit parfaitement dans la politique que vous avez toujours menée et que notre majorité a pleinement soutenue. Ses dispositions s’inspirent d’ailleurs des propositions formulées récemment par Me Marie-Thérèse Leclerc de Hautecloque dans le cadre de la mission d'étude que vous lui aviez confiée. J’ajoute que ce texte a également fait l’objet d’une large concertation avec les instances arbitrales et les fédérations sportives.

Pour autant, il n'a pas la prétention d'être exhaustif. Il ne règle pas tous les problèmes et ne traite pas, par exemple, de la sélection et de la formation des futurs arbitres. De même, il passe sous silence certains éléments importants qu'il nous faudra peut-être évoquer au cours de cette discussion. Je souhaiterais notamment, monsieur le ministre, que vous puissiez nous confirmer que les fonctionnaires et agents publics exerçant par ailleurs des fonctions d'arbitre ou de juge sont clairement exemptés de l'interdiction de cumul des emplois prévue à l'article L. 324-1 du code du travail.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. Ce texte tend cependant à établir des bases juridiques durables pour l'activité arbitrale.

Il pose le principe, attendu, de l'indépendance et de l'impartialité des arbitres. Il fait bénéficier ceux-ci de la protection pénale spécifique accordée aux personnes chargées d'une mission de service public. Il règle les controverses juridiques sur la relation entre les arbitres et les fédérations sportives, en excluant tout lien de subordination et en faisant de l'arbitre un travailleur indépendant. En outre, il simplifie le statut fiscal et social des arbitres, en prévoyant leur rattachement au régime général de sécurité sociale et l'instauration d'un mécanisme d'exonération de cotisations et de contributions de sécurité sociale pour les sommes versées à compter du 1er janvier 2007 par les fédérations aux arbitres, dans la limite de 14,5 fois le montant du plafond annuel de la sécurité sociale, soit environ 4 500 euros.

Enfin, la proposition de loi tend à aligner le régime fiscal des indemnités versées aux arbitres sur le régime social que je viens de décrire : d’une part, les indemnités versées dans le cadre de l’arbitrage seront assimilées à des bénéfices non commerciaux ; d’autre part, ces sommes seront exonérées d’impôt sur le revenu à compter du 1er janvier 2007, dans la limite de 14,5 fois le montant du plafond annuel de la sécurité sociale.

En conclusion, je souhaite que ce texte, destiné à l’ensemble du corps arbitral et non à une seule catégorie d’arbitres, permette d’améliorer considérablement le statut des arbitres de notre pays et de remédier à la chute des effectifs et à l’affaissement du volontariat.

Le monde arbitral a formulé des attentes à notre intention. Ne les décevons pas ! En conséquence, je vous propose, mes chers collègues, de voter ce texte conforme, ce qui permettrait de l’adopter définitivement avant la fin de notre législature et de le rendre rapidement applicable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Je souhaite répondre à l’une des interrogations de Jean-Marie Geveaux, relative au cumul des missions.

Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur, que l’article L. 324-1 du code du travail interdit aux fonctionnaires, agents et ouvriers des services publics de l’État, des départements et des communes, d’occuper un emploi privé rétribué ou d’effectuer à titre privé un travail moyennant rémunération, sous réserve des dispositions du décret du 29 octobre 1936.

Cette loi est toutefois tempérée par l’article L. 324-4 du code du travail, qui spécifie que « les travaux d’ordre scientifique, littéraire ou artistique et les concours apportés aux œuvres d’intérêt général, » – ces termes sont importants – « notamment d’enseignement, d’éducation ou de bienfaisance » sont exclus de cette interdiction. Tel est bien le cas en l’occurrence, puisqu’il s’agit d’une œuvre d’intérêt général entrant dans le cadre de la mission de service public confiée aux arbitres. Les activités d’arbitrage sont donc compatibles, aux termes des dispositions que je viens de rappeler, avec celles du statut de fonctionnaire.

En tout état de cause, il ne s’agit pas d’un lien salarial – qui serait, lui, incompatible –, mais bien de l’exercice complémentaire d’activités spécifiques d’arbitrage. Je me rapprocherai toutefois du ministre chargé de la fonction publique afin qu’il tire toutes les conséquences de ces dispositions législatives.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Bernard Depierre.

M. Bernard Depierre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte sur les diverses dispositions relatives aux arbitres voté au Sénat arrive devant notre assemblée quelques heures après le week-end consacré à l’arbitrage et aux arbitres des sports collectifs en particulier. Ceux-ci, dont j’ai rencontré plusieurs représentants dans mon département, ont, une nouvelle fois, fait part de leurs inquiétudes, mais aussi de leur solidarité.

L’arbitrage sportif en France se caractérise par une tendance très inquiétante : la baisse des effectifs. L’Association française du corps arbitral multisports estime que 20 000 arbitres ont disparu en dix ans, ce qui ramène leur effectif global à 153 000, tous sports collectifs et individuels confondus, soit un effectif très insuffisant dans la plupart des disciplines.

Les difficultés à recruter et à susciter des vocations tiennent surtout aux incivilités, aux violences, aux menaces, aux insultes dont les arbitres sont victimes, mais aussi quelquefois aux pressions exercées par les dirigeants. La solitude dans l’exercice de cette fonction est un autre élément négatif majeur.

L’attractivité de la fonction d’arbitre souffre également de l’absence de régime social et fiscal applicable aux indemnités allouées – tous les sports n’étant cependant pas logés à la même enseigne. Il faut assurément redonner à l’activité arbitrale attrait et confiance pour que les manifestations sportives soient assurées dans les meilleures conditions.

Pratiquement, toutes les fédérations sont concernées par cette baisse d’effectifs et par la difficulté d’assurer l’arbitrage, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif.

La proposition de loi que nous étudions aujourd’hui a pour objet de contribuer à définir les bases d’un cadre juridique et d’aboutir à la reconnaissance d’un véritable statut de l’arbitre. Le sport français, qui compte 64 fédérations sportives agréées par le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative, a besoin de ce texte.

Quels que soient les sports concernés, les arbitres ont des relations étroites avec les fédérations dont ils sont licenciés – à commencer par la formation qui leur est dispensée par ces fédérations. C’est le cas dans tous les sports collectifs, mais aussi dans les sports individuels. Les arbitres, soumis aux incivilités et aux violences, ont besoin d’être confortés dans leur mission.

Il y a, certes, beaucoup de différences entre les arbitres selon les disciplines et, surtout, les niveaux de pratique, qu’il s’agisse des juges, des arbitres individuels ou des arbitres collégiaux.

On peut distinguer trois catégories d’arbitres, réparties essentiellement en fonction du niveau de pratique : les arbitres bénévoles, uniquement dédommagés de leurs frais de déplacement, qui représentent entre 20 et 30 % de l’effectif des arbitres, selon les disciplines ; les arbitres indemnisés, la catégorie la plus importante, qui va sans doute bénéficier le plus des nouvelles dispositions ; enfin, les arbitres professionnels ou assimilés, qui tirent la plus grande partie, si ce n’est la totalité de leur rémunération, de l’arbitrage, et dont l’activité ne concerne que certains sports professionnels et le nombre limité.

Quels que soient le sport et le niveau des arbitres, il n’existe actuellement aucun statut de l’arbitrage. Les textes, notamment les lois de 1984 et 2000, sont lacunaires, et peu de décrets ont confirmé les mesures concernant les arbitres. En fait, ce sont souvent les fédérations qui ont comblé ces lacunes en élaborant des réglementations ad hoc telles la charte de l’arbitrage ou les normes de l’arbitrage.

Les indemnités reçues par les arbitres sont, de ce fait, affectées d’une grande insécurité juridique en matière sociale et fiscale. La volonté que traduit notre proposition de loi est de conférer à l’arbitre une mission de service public.

L’objectif est d’aboutir à un véritable statut de l’arbitrage en garantissant l’indépendance technique de la fonction arbitrale vis-à-vis des fédérations, en renforçant la protection pénale des arbitres par la reconnaissance d’une mission de service public – les arbitres bénéficieront en outre d’une protection pénale spécifique –, en précisant que l’arbitre n’est pas lié par un lien de subordination à sa fédération au sens du code du travail, et en définissant un régime social et fiscal pérenne pour l’activité arbitrale.

Les indemnités reçues seront exonérées dans la limite d’un plafond fixé à 35 fois le plafond journalier de la sécurité sociale, soit environ 4 500 euros à ce jour. Au-delà, leur montant sera assujetti aux cotisations au titre d’une profession non commerciale.

En résumé, les trois articles de la proposition de loi conduisent à définir la pratique arbitrale et à la protéger par l’indépendance technique, par la reconnaissance d’une mission de service public, par une protection pénale spécifique à cette mission de service public impliquant une aggravation des sanctions, et par un régime fiscal dérogatoire, qui a nécessité l’accord des services fiscaux du ministère des finances.

Il faut rappeler que c’est grâce à un travail de fond très important, mené depuis trois ans, que nous avons pu parvenir à cette proposition de loi. L’Association française du corps arbitral multisports a apporté tout son soutien à ce texte, qui va très nettement améliorer la situation des arbitres du sport français. Certes, tous les problèmes de comportements et de société ne seront pas pour autant résolus. Le Gouvernement s’attache avec détermination à lutter contre toutes les formes de violence, d’insécurité et de délinquance. Incontestablement, ce texte permettra enfin de reconnaître aux arbitres un vrai statut et une vraie protection, notamment grâce à la mise en place d’un régime fiscal et social novateur.

L’arbitrage est une activité qui s’apparente parfois à un véritable sacerdoce. La proposition de loi insère trois nouveaux articles dans le code du sport. Il faut également souhaiter qu’elle incite les responsables des fédérations sportives à améliorer plus encore la formation des arbitres, partenaires essentiels du sport français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aucune rencontre sportive, quel que soit le niveau de la compétition, ne peut se dérouler sans la présence d’un arbitre ou d’un juge, qui garantisse le respect de la règle. Le rôle de l’arbitre est fondamental, il convient de le rappeler, même si cela semble aller de soi : sans arbitre, point de match !

La pratique sportive est aujourd’hui, à juste titre, reconnue comme un fait social majeur, un élément essentiel du lien social et un facteur d’intégration. Les terrains de sport constituent aussi un lieu privilégié d’éducation et d’apprentissage de la vie par l’apprentissage du respect de la règle et du respect de l’autre, partenaire ou adversaire. Malheureusement, force est de reconnaître que, quel que soit le niveau de la compétition, l’arbitre est trop souvent victime d’incivilités, voire de violences, parfois trop largement rapportées par les médias, ce qui donne une image déplorable du sport et un mauvais exemple aux jeunes.

Cette situation inacceptable conduit à un manque certain d’attractivité pour la fonction d’arbitre et contribue sûrement à une véritable crise des vocations. La France compte aujourd’hui, toutes disciplines confondues, plus de 150 000 arbitres officiant pour le compte de 64 fédérations sportives agréées par le ministère de la jeunesse et des sports. Au cours des cinq dernières années, plus de 20 000 arbitres ont abandonné leur activité. Toutes les disciplines ne sont pas concernées dans les mêmes proportions par ce phénomène, qui touche directement et principalement le football. La Fédération française de football, qui ne compte pas moins de 27 000 arbitres, précise que 60 % des nouveaux arbitres cessent leur activité au bout de trois ans, et 30 % dès la fin de la première année. C’est inacceptable. C’est intolérable : il faut protéger l’homme en noir, il faut revaloriser son indispensable rôle social !

Il existe trois catégories d’arbitres, réparties en fonction de leur mode d’indemnisation et du temps requis pour l’exercice de leur activité.

D’abord, les arbitres bénévoles, qui représentent près de 20 % des arbitres en activité et ne perçoivent pour tout dédommagement que le remboursement des frais engagés pour l’accomplissement de leur mission. C’est dans cette catégorie que l’insuffisance de renouvellement se fait le plus cruellement sentir, et à son intention que la proposition de loi tente de rendre la fonction arbitrale plus attractive.

Les arbitres indemnisés, ensuite. Ces arbitres reçoivent, en plus des remboursements de frais, des indemnités calculées selon des barèmes établis par les fédérations. Toutefois, ces sommes ne leur permettent pas de se dispenser d’une activité professionnelle pour vivre. Ces arbitres sont eux aussi indispensables à la pratique sportive.

Les arbitres professionnels, enfin. Le secteur professionnel s’apprécie au regard du niveau de rémunération selon que l’activité procure à la personne l’essentiel ou l’intégralité de ses revenus. Cette catégorie ne concerne qu’un tout petit nombre d’arbitres et dans un nombre limité de sports. Mais c’est assurément la mieux rémunérée et la plus médiatique.

Pour le football, c’est la Ligue de football professionnel qui se charge de rémunérer les arbitres. Les arbitres français sont, semble-t-il, moins bien rémunérés que leurs homologues européens : 53 000 euros par saison contre 65 000 en Espagne, 73 000 en Allemagne, 90 000 en Angleterre et 140 000 euros en Italie. Notons que, s’agissant de ce dernier pays, le niveau de rémunération ne donne aucune garantie quant à la transparence des résultats…

Le président de la Ligue de football professionnel s’est donc récemment engagé à doubler, d’ici à juin 2007 ou juin 2008, la rémunération de ses arbitres par saison, qui passerait de 53 000 à 100 000 euros, comprenant une part fixe et une part variable afin de sécuriser leur situation matérielle.

Ces rémunérations, importantes comparées au bénévolat des arbitres, qui, chaque dimanche, à travers toute la France, dans les plus petites communes, exercent souvent un véritable sacerdoce pour que des jeunes puissent pratiquer leur sport favori, pour créer le lien social indispensable dans notre société, nous confortent dans l’idée qu’il y a sûrement trop d’argent dans le sport et pas assez pour le sport, monsieur le ministre. Cette différence de sort entre les uns et les autres mérite réflexion et discussion. Il en va certainement de l’avenir des arbitres et de l’augmentation de leur nombre.

La proposition de loi adoptée par le Sénat vise à jeter les bases d’un véritable statut de l’arbitre et à répondre à la crise des vocations en rendant plus attractive la fonction de juge ou d’arbitre par l’instauration d’un régime fiscal et social plus favorable. C’est un premier pas intéressant. Mais, sur le plan sportif, ne faudrait-il pas que les fédérations mettent en place un plan de sensibilisation et de formation à l’arbitrage en obligeant systématiquement les joueurs, les jeunes et les moins jeunes, à arbitrer plusieurs matchs par saison ? Cette prise de contact direct avec la réalité des difficultés de l’arbitrage pourrait à mon sens améliorer le comportement des joueurs vis-à-vis de l’arbitre et pourrait peut-être aussi susciter des vocations.

Abordons à présent le contenu même du texte et de ses trois articles.

L’alinéa 4 de l’article 1er pose le principe de l’indépendance et de l’impartialité des arbitres dans l’exercice de leur mission vis-à-vis des fédérations dont ils sont licenciés. Cela paraît logique, garants de la règle du jeu sur le terrain, ils ne doivent en effet recevoir d’ordre de personne. Mais comment peut-on faire croire qu’un arbitre ou un juge est un travailleur indépendant quand on sait qu’il ne dispose d’aucune liberté dans l’organisation de son travail, dans le choix du calendrier des matchs, des horaires, des programmes de formation et que, de plus, il est soumis au règlement et au contrôle de la fédération qui le rémunère ?

L’alinéa 5 assimile l’arbitrage à une mission de service public. Pourquoi pas ? Les violences ou les menaces en direction des arbitres ou des juges seront passibles de peines renforcées prévues par le code pénal. On ne peut que s’en féliciter. Mais il conviendrait peut-être de prévoir aussi des mesures de prévention et d’éducation en institutionnalisant, dans le cadre de la formation sportive des jeunes, une pratique de l’arbitrage.

L’alinéa 6 exclut tout lien de subordination caractéristique du contrat de travail entre l’arbitre et sa fédération de rattachement. Cette disposition protégera ainsi la Fédération française de football des recours d’arbitres rétrogradés ou renvoyés. Les arbitres n’auront donc plus aucune possibilité de contester les décisions et les sanctions des fédérations, ce qui pose le problème de l’indépendance. La suppression du lien de subordination peut apparaître comme une disposition incohérente, voire dangereuse.

En refusant d’attribuer la qualité de salarié aux arbitres, les fédérations se trouvent exonérées de la souscription d’une assurance en responsabilité civile pour ces derniers. Il s’agit pourtant d’une obligation imposée par l’article 25 de la loi du 16 juillet 1984. Mais cet article a été abrogé par une ordonnance en mai dernier. Alors, quid des assurances en responsabilité civile des fédérations ?

De même, que se passera-t-il lorsqu’un arbitre sera en arrêt de travail à cause d’une blessure survenue dans l’exercice de sa mission pour sa fédération de rattachement ? Dans quelle situation se trouvera-t-il par rapport à son emploi principal et à son employeur ? Aucune réponse n’a été apportée sur ce sujet lors de l’examen de cette proposition de loi par le Sénat. Peut-être en saurons-nous davantage aujourd’hui ?

L’article 2 traite du régime fiscal applicable aux indemnités perçues par les arbitres et les juges au titre de leur activité arbitrale.

Quant à l’article 3, il se préoccupe du régime social applicable aux indemnités perçues par les arbitres et les juges au titre de leur activité arbitrale.

En conclusion, parce que le sport occupe une place de premier plan dans la vie sociale de notre pays, et même de par le monde, et que l’arbitre en est un des éléments indispensables, la question du statut des arbitres est un sujet important. On ne peut donc que regretter qu’elle soit partiellement traitée dans le cadre d’une séance d’initiative parlementaire, même si je suis très attaché à cette procédure. Nous aurions pu sans doute traiter davantage de points si vous aviez déposé un projet de loi, comme vous en aviez d’ailleurs l’intention, monsieur le ministre. Nous avons ainsi le sentiment d’un travail inachevé. La réflexion doit se poursuivre pour donner au corps arbitral un statut juridique plus juste et plus sécurisant.

Certes, cette proposition de loi contient des avancées intéressantes. Elles sont cependant insuffisantes. C’est pourquoi le groupe socialiste s’abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin la proposition de loi relative aux arbitres et juges, que nos collègues sénateurs ont adopté le 22 juin dernier. Cet examen fait suite à ce dernier week-end consacré aux Journées pour l’arbitrage, dont le parrain était Laurent Blanc, un des champions du monde 1998, qui lui-même prône un statut pour les arbitres. En effet, sans arbitre, les compétitions ne pourraient avoir lieu.

Malheureusement, à ce jour encore, on ne considère pas souvent l’arbitre comme un acteur à part entière du sport, alors qu’il en fait partie intégrante, au même titre que les joueurs ou les compétiteurs.

Par ailleurs, on constate une diminution des effectifs plus ou moins importante suivant les disciplines, le monde amateur manquant cruellement d’arbitres, tandis que la féminisation reste très faible. Si l’on en recrute un nombre important chez les jeunes, force est de reconnaître que la fidélisation n’est pas simple, faute d’une véritable reconnaissance du rôle des arbitres.

Ceux-ci doivent souvent faire face aux insultes et aux menaces, proférées sur le terrain par les joueurs, mais aussi par les spectateurs qui, parfois, ne sont autres que les parents de ces joueurs ou leurs amis ! Cette situation, qui crée un sentiment bien compréhensible de peur et d’insécurité, est proprement inacceptable. Hélas, les exemples de ce type sont malheureusement trop nombreux !

L’arbitre et le juge doivent être respectés : c’est une des exigences fondamentales de toute pratique sportive. Reconnaissons cependant que l’on retrouve aujourd’hui sur les terrains ou dans les salles de sport ce que nous connaissons ailleurs dans bien d’autres secteurs de notre société.

Nous en sommes convaincus, une prise en compte de la situation des arbitres s’impose de manière urgente, comme le montre la fonte actuelle des effectifs : en cinq ans, le corps arbitral a perdu en effet pas moins de 20 000 membres sur les 180 000 qu’il comptait auparavant.

Le texte adopté par le Sénat concerne plus particulièrement les arbitres de base, fondement de l’arbitrage français. Comme le souligne l’Association française du corps arbitral multisports, les dispositions proposées sont très attendues par le corps arbitral. Elles sont donc les bienvenues et portent sur trois volets.

Le premier concerne la mission de service public reconnue aux arbitres et aux juges afin de leur apporter une protection renforcée par l’aggravation des peines applicables aux incivilités dont ils font trop souvent l’objet.

Ces aspects du texte de loi méritent d’être salués. Les juges et les arbitres pourront désormais bénéficier de la protection pénale spécifique accordée aux personnes chargées d’une mission de service public, ce qui permettra de lutter contre les incivilités de plus en plus fréquentes et de les enrayer.

Par ailleurs, la notion de « service public » autorisera une reconnaissance officielle, qui facilitera les demandes d’absence auprès de l’employeur, avec, à la clef sans doute, une plus grande considération de l’utilité de la mission. Cela permettra aussi officiellement aux fonctionnaires qui exercent les fonctions d’arbitre d’être autorisés à cumuler ces deux fonctions.

Le deuxième volet vise à accorder davantage d’indépendance aux arbitres et aux juges dans l’exercice de leur mission, en posant le principe de l’absence de lien de subordination avec leur fédération sportive respective. Cette clarification apportée est importante pour qualifier la relation entre l’arbitre et la fédération, ce qui fait de celui-ci un travailleur indépendant et non pas un salarié.

Le troisième volet concerne les indemnités perçues par les arbitres et les juges, qui, désormais, bénéficieront d’une exonération fiscale et sociale dans la limite de 14,5 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit aujourd’hui 4 500 euros.

Reste posée la question de l’arbitrage professionnel. Cette proposition ne règle pas le cas des quelques centaines d’arbitres officiant au niveau professionnel et percevant des indemnités largement supérieures au plafond annuel de la sécurité sociale. La fonction d’arbitre est de courte durée et lourde de responsabilité, ce qui justifie que la situation de ceux qui l’exercent soit examinée avec attention. Doivent-ils être en effet considérés comme des « salariés indépendants » ou comme des professions libérales, organisées en « compagnie », un peu comme les guides de haute montagne ? Quoi qu’il en soit, la réflexion qui doit être menée pour ces arbitres ne saurait justifier de retarder l’examen de ce texte qui, soulignons-le, fait progresser la situation de plus de 150 000 arbitres et le statut de l’arbitrage.

Je me réjouis de constater d’ailleurs que le syndicat des arbitres de football d’élite, le SAFE, ait pris acte du fait que cette proposition de loi pouvait être acceptée en l’état, ce 10 octobre, tout en précisant que la rédaction actuelle ne fermait pas les portes pour la suite de la réforme, toute loi étant susceptible d’être complétée.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, le groupe UDF souhaite que cette proposition de loi soit adoptée conforme, faute de quoi elle ne pourrait l’être dans cette législature, ce qui serait fort regrettable tant elle est attendue.

Mais permettez-moi, avant de conclure, d’évoquer brièvement la question qui divise la profession et les amateurs de sport en matière d’arbitrage. Il s’agit de l’utilisation de l’arbitrage vidéo. Ce thème, qui reste un sujet redondant, notamment dans les différentes instances du football, est emblématique du dynamisme qui anime le débat sur les règles du sport, qu’il conviendrait d’examiner dans leur ensemble dans les mois à venir.

La proposition de loi que nous examinons ce matin est attendue et nécessaire. Elle s’impose car elle va garantir la présence dans le sport d’arbitres indépendants, elle va les protéger sur le plan pénal en instaurant des peines aggravées contre les infractions dont ils sont victimes et, enfin, elle va leur donner un cadre juridique en matière fiscale et sociale.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF la votera avec enthousiasme. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous examinons ce matin un texte attendu par des dizaines de milliers d’hommes et de femmes sans lesquels le sport de compétition ne pourrait exister. C’est dire combien le groupe des député-e-s communistes et républicains est attentif aux dispositions présentées dans cette proposition de loi.

La diminution continue depuis quelques années du nombre d’arbitres, surtout des jeunes, est effectivement inquiétante. Certaines disciplines sont confrontées à une pénurie récurrente et à un taux de rotation élevé des nouveaux venus.

Ce constat s’explique par plusieurs raisons. Le développement des incivilités, voire des violences sur et autour des terrains de sport, décourage bon nombre de vocations, même au plus petit niveau. Ainsi, dans le domaine du football, 60 % des 4 000 à 5 000 arbitres qui décident d’arrêter chaque année le font en raison de la violence.

L’opacité du système et la diversité des statuts renforcent la défection des vocations. En effet, il existe aujourd’hui trois types d’arbitres : les arbitres bénévoles, de loin les plus nombreux – plus de 90 %, selon le rapport de Me Leclerc de Hauteclocque, et nous sommes étonnés de voir que rien n’est prévu pour eux dans ce texte ; les arbitres indemnisés, qui perçoivent des indemnités – essentiellement le remboursement de leurs frais – calculées selon des barèmes établis par les fédérations. Quant aux arbitres assimilés professionnels, ils sont définis comme tels en raison de leur niveau de rémunération.

La volonté légitime de responsabiliser et de rémunérer correctement les arbitres, dans un monde où ils firent longtemps figure de parents très pauvres a, semble-t-il, engendré une série d’effets pervers. Les rétributions financières sont en effet inégalement réparties, et cette répartition elle-même suscite la discorde.

Par exemple, les arbitres de football touchent, hors défraiement, 2 288 euros par match de Ligue 1, leurs assistants et les arbitres de Ligue 2 percevant la moitié de cette somme. Et les plus sollicités parmi les 95 arbitres de Ligues 1 et 2 peuvent gagner près de 50 000 euros par saison !

On peut le comprendre, les écarts de revenus entre les arbitres de l’élite engendrent des jalousies et des convoitises que le manque de transparence du système ne fait que renforcer. S’ajoutent à cela, au sein des instances, des tensions entre salariés et bénévoles.

Pour remédier à ces inégalités, la proposition de loi initiale, s’inspirant des conclusions du rapport, rédigé par Mmes Huet et Leclerc et qui vous a été remis en avril 2005, visait à instaurer un cadre juridique de la pratique arbitrale. Ce cadre permettait à la fois de garantir l’indépendance des arbitres afin d’assurer le bon déroulement des compétitions sportives, de préciser le lien juridique unissant l’arbitre à sa fédération, de renforcer la protection des arbitres par l’application de peines aggravées, et enfin de donner aux arbitres un cadre juridique pérenne au plan social et fiscal.

Nous saluons les dispositions de l’article 1er, qui accordent le statut de chargé de mission de service public aux arbitres et aux juges. Cette affirmation aurait pu cependant revêtir d’autres dimensions. Malheureusement, vous ne visez que le doublement des peines encourues pour les actes d’incivilité et de violence commis contre les arbitres dans l’exercice de leur mission. Par ailleurs, vous ne dites rien des nécessaires mesures de formation des arbitres, et surtout des sportifs. Rien – ou pas grand-chose, monsieur le ministre – n’est prévu s’agissant des actions de prévention qu’il faudrait mettre en place.

Certes, il faut reconnaître et garantir l’arbitre dans ses missions de « sanctionneur », mais il faudrait aussi le reconnaître et le garantir en tant que pédagogue de la règle sportive, garant de son sens et de sa portée.

Finalement, la mesure que vous proposez aurait pu trouver sa place dans la loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives.

Nous saluons la disposition permettant l’exonération fiscale et sociale des indemnités perçues par les arbitres et juges pour un montant plafonné à 14 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 4 505 euros. Cette mesure devrait concerner plus de 150 000 arbitres.

En revanche, la disposition refusant le lien de subordination caractéristique du contrat de travail entre l’arbitre et sa fédération ferme dorénavant la porte à toute forme de salariat. En réalité, ce texte vise à créer un seul type d’arbitre rémunéré.

Pourtant, le rapport de Me Leclerc de Hauteclocque était très clair : « La professionnalisation risque d’uniformiser encore un peu plus la population des arbitres. » Certains passages sont encore plus éloquents : « Il s’agit de favoriser l’émergence d’une palette de statuts de l’activité d’arbitre et d’exclure tout prêt-à-porter juridique, pour expérimenter du sur-mesure. » En excluant la possibilité pour les arbitres d’être salariés, vous allez à l’encontre de cette préconisation. Vous rejetez ainsi toute possibilité d’adopter un statut plus protecteur, pourtant légitime au regard des contraintes de cette activité.

Cette disposition n’est pas anodine. Elle vise seulement à protéger la Fédération française de football contre d’éventuels recours devant les tribunaux d’arbitres rétrogradés ou destitués. Un exemple : le conseil des prud’hommes de Nantes a condamné en juillet 2006 la Fédération française de football à verser une indemnité de 30 000 euros pour "licenciement sans cause réelle et sérieuse" à un ancien arbitre de haut niveau relégué en National il y a deux ans. Les prud’hommes ont décidé alors, compte tenu de la relation qui existait entre la Fédération française et l’ancien arbitre de Ligue 1, de requalifier le lien en contrat à durée indéterminée.

Pour rester dans le domaine du football, le tribunal administratif de Dijon a estimé en 2003 que l’arbitre, qui ne dispose d’aucune liberté d’organisation dans son travail s’agissant du choix des matchs et des horaires, se trouve dans une situation de subordination face à la Fédération française de football.

Vous le reconnaissiez vous-même voilà un an, monsieur le ministre, c’est une réforme d’ensemble qu’il fallait mettre en place. En proposant, pour l’essentiel, de modifier le statut fiscal d’une seule catégorie d’arbitres, vous montrez une nouvelle fois votre priorité : sécuriser juridiquement les pratiques actuelles, qui mêlent l’argent et le sport, en occultant la réalité quotidienne de milliers de bénévoles dévoués et responsables.

Une récente enquête, dont vous auriez peut-être dû vous inspirer davantage, nous en apprend un peu plus sur l’arbitrage : le désir d’être arbitre "au moins une fois" a été multiplié par deux en deux ans, passant de 6,7 % en 2004 à 13 % en 2006. C’est que l’arbitre, encore aujourd’hui, est plus considéré comme un sportif que comme un juge ou un policier. Le respect est une valeur associée à l’arbitre.

Quant à la vidéo, elle est plébiscitée comme support technique à l’arbitrage. De même, le recours au micro est souhaité par le grand public pour mieux comprendre les décisions. Pourquoi ne pas avoir abordé tous ces sujets dans la proposition de loi ?

Pour illustrer mes propos, je vais vous citer quelques extraits de l’interview de l’arbitre de rugby Joël Jutge – une référence – paru ce matin même dans le quotidien régional La Montagne. Que dit-il sur la communication avec les spectateurs ? « La priorité, c’est la communication avec les joueurs. Ensuite, la communication est une aide importante à un commentateur de télé ou au public qui peut se rendre compte que l’arbitre ne siffle pas à sa guise. » À la question : « Êtes-vous un partisan de la vidéo dans l’arbitrage ? », il répond : « J’en suis un grand, car la vidéo est une aide à la décision capitale, elle enlève du poids sur les épaules et coupe court aux discussions. À ce niveau, le rugby est en accord avec son temps et je pense que le football y viendra, c’est évident. La vidéo, ce n’est pas non plus la panacée. Il convient de légiférer sur les conditions de son utilisation, sinon ce sera sans fin. »

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Ce n’est pas sérieux !

M. André Chassaigne. Je pourrais encore citer d’autres propos pour vous prouver, monsieur le ministre, qu’il est possible d’élargir le champ de cette proposition de loi.

Aux questions qui se posent sur le respect des arbitres lors de certaines compétitions, votre seule réponse est de renforcer les sanctions. Mais rien n’est fait pour la prévention, rien non plus pour la formation.

Cette vision du sport, qu’il faut bien qualifier de marchande, vous éloigne toujours plus de sa réalité. Écoutez ce témoignage émanant de Moïse Régnier, président de la commission des arbitres de football du district du Calvados, et essayez de me dire quelles mesures de ce texte répondent à ses préoccupations : « Les problèmes de l’arbitrage bénévole sont essentiellement dus à un manque de formation. C’est évident, on l’a constaté dans notre district à travers les feuilles de match que l’on recevait à la commission. Elles étaient souvent truffées d’erreurs, manquaient d’éléments indispensables pour effectuer notre travail. Par exemple, on y trouvait à peine le score du match – parfois même inversé ! –, la feuille n’était pas signée, etc. On a alors pensé que ces erreurs administratives en cachaient forcément d’autres sur le terrain. Souvent, les arbitres bénévoles se retrouvent un peu "lâchés dans la nature" avec un sifflet et de vagues notions de la fonction ».

Et cet autre témoignage : « Les arbitres ne sont pas suffisamment encadrés. Je me demande si la formation qui leur est actuellement proposée n’est pas un peu dépassée. Il serait intéressant que les anciens viennent à leur rencontre pour leur faire part de leurs expériences. Je trouve que les jeunes arbitres se comportent trop comme des gendarmes. Mais si cela part d’un bon sentiment, être trop autoritaire peut déclencher des hostilités qui se traduisent par une violence psychologique, voire physique. »

Monsieur le ministre, le rapport de Me Leclerc de Hauteclocque, que vous aviez, à juste raison, commandé et qui vous a été remis il y a un an, contenait une vision complète de la réalité et une série de recommandations. Vous décidez au contraire de fermer toutes les portes qu’il avait ouvertes sur l’évolution du statut social des arbitres, ne retenant que l’option de travailleur indépendant. C’est une erreur, mais c’est aussi le signe d’une vision restrictive de la réalité.

Comme nous l’avons souligné, ce texte partial et partiel apporte néanmoins des avancées significatives, notamment la reconnaissance de la pratique arbitrale comme étant une mission de service public.

Cette proposition de loi, trop largement inspirée du seul football,…

M. François Rochebloine. Pas du tout !

M. André Chassaigne.… demeure toutefois bien mince en regard de toutes les attentes exprimées et de tous les dysfonctionnements constatés. Nous nous abstiendrons donc de voter ce texte.

M. Pierre-Louis Fagniez. C’est dommage. Nous sommes déçus !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Courage, abstenons-nous !

M. le président. La parole est à M. Dominique Juillot.

M. Dominique Juillot. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi a le mérite de clarifier la situation et de mettre fin à une certaine hypocrisie sur la rémunération des arbitres et leur statut social et fiscal.

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Tout à fait !

M. Dominique Juillot. Néanmoins, au-delà de l’aspect législatif et réglementaire, c’est la pratique quotidienne qui détermine le bon fonctionnement du système. L’indépendance de l’arbitre par rapport à sa fédération – à laquelle je suis favorable – ne peut s’exercer que dans les limites d’un règlement de jeu établi par cette fédération. Celle-ci doit garder le contrôle de la sanction envers ce même arbitre afin d’établir une hiérarchie nécessaire à ses différents niveaux de compétition. Prenons garde : un jugement contraire à l’esprit du sport pourrait faire demain jurisprudence et déstabiliser tout le système.

L’indemnisation et la rémunération de l’arbitre, sujets depuis longtemps tabous, trouvent dans ce texte un début de clarification et de transparence. Sommes-nous allés assez loin ? L’avenir nous le dira. Pour ma part, je pense que nous susciterons des vocations nouvelles en valorisant mieux la fonction de l’arbitre, en lui donnant un sentiment d’appartenance au milieu dans lequel il évolue et en le rémunérant à un niveau plus en rapport avec les joueurs, surtout les joueurs dits « amateurs », qu’il dirige chaque semaine.

Il faut, dans chaque club, détecter les arbitres potentiels dès le plus jeune âge, et les associer comme les autres sportifs à un objectif collectif.

Je propose pour ma part que chaque association fournisse un quota minimum d’arbitres et que les clubs de haut niveau intègrent dans leurs centres de formation un certain nombre d’arbitres qui, partageant la vie des autres sportifs, décideraient d’en faire soit un métier, soit une activité complémentaire, rémunérée en toute transparence.

L'arbitre est souvent un homme ou une femme seul. Il faut donc, en dehors de l'exercice de sa mission, qu'il soit partie intégrante de son sport, qu'il participe à son évolution, qu'il s'identifie à sa fierté.

Il doit avoir les moyens, y compris sur le plan financier, de pouvoir exercer sa fonction à côté d'un métier. Nous ne réglerons pas la pénurie d'arbitres seulement en professionnalisant la fonction. Tout comme il y a des joueurs semi-amateurs, il doit y avoir des arbitres semi-amateurs, pour lesquels des dispositifs particuliers doivent être mis en place dans les entreprises ou la fonction publique, afin que celles-ci puissent les libérer par le biais de conventions, sans perte financière ni pour l'employeur, ni pour le salarié, dans le même esprit des conventions passées entre les sapeurs-pompiers volontaires et les entreprises ou les collectivités.

De même, nous pourrions réfléchir, par exemple, à des avantages retraite – nous y avons déjà réfléchi dans le cadre du bénévolat – calculés sur une durée minimum pendant laquelle un arbitre s'engagerait, comme cela a été mis en place dans la loi de sécurité civile.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, la notion de mission de service public que consacre cette loi fera date, j’en suis sûr, dans l’histoire du sport français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai ni sur les raisons objectives de légiférer sur l’arbitrage dans le sport, ni sur la crise de vocation et de recrutement qui affecte cette corporation ou cet ensemble, ni sur les menaces violentes qui pèsent à tout moment, en tout lieu et dans tout sport, sur les arbitres. Cela a été dit.

Je voudrais simplement regretter ici que les difficultés de l’arbitrage témoignent des dévoiements de la société.

Au départ, dans la philosophie sportive, l’arbitre était un joueur comme un autre, chargé de faire respecter la règle pour les autres et qui pouvait se tromper comme les autres. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il est devenu, hélas ! la cible de tous les excès de chauvinisme, de frustration et de bas instincts. De plus, là où ses décisions provoquaient naguère des chagrins de sport, elles entraînent désormais des cataclysmes économiques et, parfois même, politiques.

Il fallait légiférer. Vous l’avez fait. Très bien. Mais vous avez légiféré de manière incomplète.

Une proposition de loi sur un sujet aussi sensible que le statut de l’arbitrage, voilà qui flatte l’amour-propre des parlementaires, car il a été dit en commission par le président Dubernard que les sénateurs et les députés pouvaient développer d’aussi bonnes idées que le Gouvernement.

Mais la crise aiguë de l’arbitrage, jointe à la complexité de la juxtaposition des différents statuts envisageables, aurait dû être traitée dans un grand ensemble, à votre initiative, monsieur le ministre, par une loi aussi fondatrice que celle de 1984. Tout a tellement changé dans les pratiques sportives depuis vingt-deux ans que ce sujet méritait une approche globale.

Auriez-vous imaginé, en 1984, qu’il fallait doter les arbitres d’un statut fiscal, social et pénal ?

Le reproche que je vous adresse, je l’ai adressé aussi au précédent gouvernement, que je soutenais, qui s’est contenté de toiletter la loi en 1999, avec bonheur d’ailleurs, mais en prenant le risque de présenter un ouvrage incomplet. C’est le cas aujourd’hui.

Les arbitres méritent de disposer d’un statut qui les protège, y compris de leurs supposés amis. Cette proposition de loi ne constitue, hélas ! qu’une base de statut. Les avancées sont évidentes, comme la mission de service public avec la protection pénale spécifique qui s’y rattache. Mais des incohérences et des limites apparaissent très vite dans ce texte, surtout sur sa portée dans l’action et dans le temps. J’en donnerai deux exemples.

Premier exemple : le choix de principe entre salariat et travailleur indépendant fait dans le clair-obscur jusque dans votre texte. Aussi avons-nous déposé un amendement pour souligner notre différence d’appréciation sur une phrase contestable de l’article 1er. Paradoxalement, ce texte, qui devait faire l’unanimité dans les sphères sportives, engendre quelques désordres dans les rangs. Le président de la Ligue de football, pourtant demandeur, s’insurge contre les conséquences financières liées aux charges sociales. Le football nous a habitués, monsieur le ministre, à se plier à toutes les décisions, mais à la condition qu’elles aillent dans le sens de ses intérêts, et uniquement de ses intérêts.

Paradoxalement, la FFR – nous étions à une soirée rugby hier soir, monsieur le ministre ! – a une position tout à fait différente : elle est prête, elle, à payer le prix d’un dispositif – qui coûterait 150 000 euros par an – sécurisant pour son sport et pour ses arbitres. Il est vrai que les arbitres ne sont que trente-deux à être concernés par la limite des 5 000 euros, et douze seulement par la fiscalisation à 1 000 euros.

Le deuxième exemple, plus général, a trait au dilemme entre le lien de subordination – ou non – entre les arbitres et leur fédération de référence. Voilà un vrai sujet qui méritait débat et engagement et qui n’est pas traité dans cette proposition de loi. Pourtant, vous disposiez d’une rampe de lancement idéale avec les propositions de Cécile Huet et Marie-Thérèse Leclerc de Hauteclocque, qui, dans leur rapport d’avril 2005, proposaient notamment d’instituer une compagnie des arbitres – j’aurais préféré un ordre des arbitres.

Je me garderai ici d’arbitrer entre cette suggestion d’indépendance – non dépourvue, d’ailleurs, de choix délicats – et la situation actuelle. Cela sera fait obligatoirement dans un autre texte.

D’où notre position générale : oui aux incontestables avancées pour la sécurisation des arbitres ; non aux avancées par appartement. Oui à une globalisation des approches pour légiférer utilement et durablement sur le sport d’aujourd’hui, qui n’a plus rien à voir avec le sport d’hier. Bref, « oui, mais » ou « non, mais », à votre choix ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bascou, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.

M. Jacques Bascou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi relative au statut des arbitres répond, en partie, aux attentes des arbitres et juges sportifs.

La reconnaissance de leur mission de service public, une meilleure protection pénale contre la violence des joueurs ou des supporters et une clarification fiscale constituent de réelles avancées.

Mais, au final, ces dispositions paraissent timides au regard de l'important travail de réflexion de groupes que vous aviez vous-même mis en place et dont vous êtes destinataire depuis avril 2005. Je fais référence au travail qui a fait l’objet d’un rapport de Mmes Cécile Huet et Thérèse Leclerc de Hauteclocque.

Vous avez laissé passer l'occasion de promouvoir, dans un texte de loi, un véritable statut et de combler le fossé qui existe entre les différentes catégories d'arbitres, au niveau national ou local, entre professionnels et amateurs, mais également entre les pratiques des fédérations.

Nous nous interrogeons sur la portée de ce texte par rapport à l'ambition affichée, réaffirmée à l'occasion des Journées de l'arbitrage qui se sont tenues ce week-end : redonner un nouveau souffle à la pratique de l'arbitrage. « Une catégorie sportive qui, selon l'Association française du corps arbitral, compte près de 160 000 membres pour 190 000 il y a cinq ans, alors que 300 000 seraient nécessaires. »

Le découragement d'une majorité de nouveaux arbitres dans les trois premières années d'exercice est particulièrement préoccupant pour le renouvellement des arbitres et donc pour l'avenir de la pratique sportive. La crise des vocations chez les arbitres sera-t-elle réellement enrayée par ces dispositions ? Ce texte va-t-il améliorer l'attractivité de la fonction ?

Ce sont les questions auxquelles nous devons répondre, en priorité pour la grande masse des arbitres, amateurs et bénévoles, indispensables aux rencontres sportives dans nos villages et nos quartiers.

Je ne suis pas persuadé que ce texte réponde à leur solitude.

Solitude pour faire respecter les règles et l'esprit sportif, tâche évidemment plus difficile pour les obscurs, les sans-grade, qu’ils soient bénévoles – un arbitre sur cinq – ou indemnisés, que pour une minorité de professionnels souvent médiatisés qui tirent de leur activité l'essentiel de leurs revenus et dont le principal souci est de nature fiscale.

Ce texte est une avancée dans le sens où la société épaulera plus fermement l'arbitre agressé en cas de plainte. Mais l'on sait déjà que de nombreux incidents ne donnent pas lieu à des plaintes, car jugés mineurs ou, quelquefois, par peur de représailles. En fait, c’est l’accumulation de ces incidents qui contribue à décourager le corps arbitral de base.

Solitude également vis-à-vis de la fédération à laquelle ils sont rattachés, puisque le texte privilégie le principe d'indépendance et d'impartialité, ce qui se conçoit sur l'aire de jeu, mais n'est pas sans conséquence dans d'autres domaines.

La suppression du lien de subordination caractéristique du contrat de travail empêchera notamment les possibilités de recours d'un arbitre contre sa fédération en cas de sanction.

Alors que le pouvoir de contrôle des fédérations sur les arbitres est réaffirmé, le rééquilibrage dans le sens d'une plus grande protection sociale, en particulier sur le plan de l’assurance, est absent de ce texte. Les arbitres sont assujettis aux contraintes fixées par un donneur d'ordre sans se voir reconnus les contreparties associées à un lien de subordination. Cette orientation juridique peut créer de nouveaux problèmes, en particulier dans la garantie de la majorité des arbitres contre les risques décès invalidité, la couverture individuelle accidents étant très diversement assurée selon les fédérations. Quelle sera la situation de l'arbitre, au regard de son emploi principal, en arrêt de travail suite à une blessure survenue dans le cadre de la mission pour laquelle il a été mandaté par sa fédération ?

Cette ambiguïté est liée au paradoxe du statut de l'arbitre : l'arbitrage est assimilé à une activité libérale par le fisc et à une activité salariée par les organismes sociaux.

Si l'on peut être favorable à cette proposition pour la partie considérant l'arbitre comme dépositaire de la puissance publique au sens du code pénal et pour quelques avantages nouveaux, bien des questions restent en suspens, notamment celle qui touche une majorité d'arbitres : l'attractivité de la fonction.

On est loin d'un véritable statut des arbitres qui prenne en compte la diversité de leur mission, les conditions de la formation, notamment des plus jeunes, la professionnalisation de certains d'entre eux et la valorisation de l'activité bénévole. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier de la clarification que vous avez opérée en répondant à la question posée relative aux fonctionnaires agents publics. Nous prenons bonne note de votre réponse.

Je remercie bien sûr tous les intervenants, en particulier mes collègues Depierre, Juillot et Rochebloine, qui ont très largement approuvé ce texte, qui constitue, quoi qu’on puisse en dire, une avancée.

À mes collègues Néri, Nayrou, Bascou et Chassaigne, je réponds que le problème des jeunes et de la formation n’est pas, bien entendu, traité dans le texte, mais il concerne les fédérations, et c’est quand même méconnaître le terrain, l’existant de dire que rien n’est fait aujourd’hui en ce domaine ! Dans les départements, dont le mien, de nombreux stages de formation sont organisés dans les districts et les ligues assurant une formation, en particulier pour les jeunes. Aujourd’hui, lorsque des jeunes arrivent dans les fédérations sportives pour découvrir un sport, on leur apprend, bien sûr, ce sport et les règles de jeu, mais également l’arbitrage, et de plus en plus nombreux sont ceux qui sont amenés à arbitrer eux-mêmes des compétitions de jeunes.

Il faut donc saluer et encourager cette évolution extrêmement sensible qui devrait permettre d’attirer des jeunes vers l’arbitrage et de les fidéliser à ce poste.

Il faut également aborder la question de la clarification des statuts. On a cité tout à l’heure diverses décisions judiciaires : on pourrait en citer d’autres qui iraient en sens inverse. C’est la variété de ces décisions qui nous a incités à proposer une loi de clarification. Il s’agissait d’éviter les contentieux à répétition, tant avec les URSSAF qu’avec les prud’hommes.

On a encore parlé du rattachement au régime général en cas d’accident du travail, par exemple.

M. François Rochebloine. Absolument !

M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. La couverture est plus importante avec le régime général qu’avec un autre régime. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons, en concertation avec les différents ministères − notamment celui des affaires sociales −, rattaché les arbitres et les juges au régime général.

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Exactement !

M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. Ils bénéficieront ainsi d’une meilleure protection, notamment en cas d’accident du travail. Sur ce point-là, vous pouvez être rassurés.

Enfin si, comme je l’ai dit, ce texte ne résout pas tout, il faut considérer l’ensemble du bilan de la législature en matière de sport. À cet égard, je tiens à remercier Jean-François Lamour et à saluer son travail, qui est d’ailleurs reconnu par l’ensemble des sportifs.

M. Alain Néri. Vous faites déjà votre testament ? Attendez un peu !

M. Jean Proriol. Vous êtes jaloux, monsieur Néri ?

M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. Ne vous inquiétez pas, cela ne veut pas dire que la prochaine législature ne sera pas à notre avantage. Le ministre a travaillé sur des sujets sensibles : celui-là n’avait rien de simple. Il a fallu engager des discussions avec les associations d’arbitres, l’AFCAM, les arbitres des différentes fédérations ou avec les ministères concernés, que ce soit celui des finances ou celui des affaires sociales. Il a fallu du temps pour affiner la bonne solution et faire en sorte que ce texte puisse être débattu et voté, au Sénat au mois de juin et aujourd’hui à l’Assemblée nationale. Je salue aussi le travail des parlementaires. Cette proposition de loi, mon cher collègue Néri, est une bonne chose. On regrette parfois que les parlementaires ne s’expriment pas plus souvent au travers de textes. Nous avons l’occasion de le faire aujourd’hui. Il faut s’en réjouir. Je suis très heureux que nous ayons pu faire avancer le statut des arbitres qui était très attendu…

M. Alain Néri. Nous l’avons dit !

M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. …et qui, aujourd’hui, va devenir réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Je souhaite d’abord apporter quelques précisions à M. Néri. Si je n’ai pas évoqué la formation, dont plusieurs députés ont parlé, c’est parce que cela ne relève pas du domaine de la loi. Nous faisons pourtant beaucoup, en consacrant près de 300 000 euros à la formation des jeunes arbitres. Permettez-moi de citer deux exemples, parmi les plus marquants, de ma politique en ce domaine.

Nous apportons ainsi une aide à l’UNSS dans le cadre de son dispositif « Jeunes officiels ». Ces dernières années, l’UNSS et son directeur Jean-Louis Boujon ont formé près de 60 000 officiels, qui ne sont pas seulement des arbitres, mais des dirigeants, des responsables d’associations, des trésoriers, des secrétaires généraux. Les fédérations sportives sont de plus en plus nombreuses à signer des conventions avec l’UNSS − le président Escalettes, présent dans ces tribunes, ne me démentira pas −, afin de faire affluer du sang neuf en leur sein avec ces Jeunes officiels.

Le second exemple est assez symbolique. J’ai mis en place, dans l’ensemble des filières de haut niveau créées par le ministère − pôles Espoir et pôles France −, une disposition permettant à un jeune de se former au métier d’arbitre de haut niveau. Tout en menant la vie d’un sportif de haut niveau, il ne se prépare pas à devenir athlète, mais arbitre. Ainsi, des dispositifs existent. Ils sont portés par les fédérations sportives, car ce sont elles qui forment leurs arbitres, tout au long de leur carrière. Mais le ministère ne reste pas inactif. Aujourd’hui, nous consacrons 300 000 euros à ce dossier : ce n’est peut-être pas suffisant, mais, quand je suis arrivé au ministère, la somme était proche de zéro. L’évolution a donc été favorable.

D’autre part, Jean-Marie Geveaux l’a dit, le fait d’être travailleur indépendant et inscrit au régime général de la sécurité sociale permet d’améliorer la couverture des arbitres en cas d’accident du travail.

Enfin, vous avez dit, monsieur Néri, que nous avions abrogé l’obligation faite aux fédérations de couvrir leurs arbitres par une assurance de responsabilité civile. Je m’inscris en faux : l’article 321-1 du code du sport, auquel je vous renvoie, oblige toujours les fédérations à inscrire leurs arbitres à l’assurance responsabilité civile.

M. Alain Néri. Nous allons vérifier cela !

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur Chassaigne, vous avez évoqué les problèmes de micros et d’arbitrage vidéo. On peut, certes, disserter sur ce sujet, mais, vous en conviendrez, ce n’est absolument pas du domaine de la loi. Nous nous concentrons ici sur l’essentiel du statut, afin de préserver l’unité du sport. Je ne supporte pas que, d’un côté, on ait des arbitres professionnels de très haut niveau, et, de l’autre, des arbitres qui, au quotidien, travaillent sur tous les terrains de France. Notre force, c’est l’unité du sport français. Il ne s’agit pas de créer des statuts différents pour tel ou tel type d’arbitre. La proposition de loi que vous a présentée Jean-Marie Geveaux et qui a été rédigée par le sénateur Jean-François Humbert permet de préserver l’unité, avec des choix importants, puisqu’elle reconnaît le statut de travailleur indépendant et couvre bien l’arbitre en l’inscrivant au régime général de la sécurité sociale, ce qui me paraît être une évolution majeure, inspirée du rapport de Mme Marie-Thérèse Leclerc de Hauteclocque.

Enfin, ce problème ne se pose pas simplement depuis quatre ans, mais depuis au moins une bonne dizaine d’années : peut-être auriez-vous pu vous en emparer quand vous en aviez la possibilité, entre 1997 et 2002. Je vois le sourire de M. Dailly, président de l’AFCAM : je l’ai écouté, je l’ai lu, et j’ai l’impression que, pour les 153 000 arbitres qui attendent cette évolution depuis une dizaine d’années, un grand pas a été franchi grâce à cette proposition de loi. C’est un moment important pour eux. J’ai compris qu’il était délicat, pour l’opposition, de critiquer trop fortement ce texte, car il apporte beaucoup, permet de stabiliser une réelle mission de service public, liée à l’intérêt général. Pour tout cela, je remercie une fois de plus l’Assemblée nationale et le rapporteur Jean-Marie Geveaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

Article 1er

M. le président. Sur l’article 1er, je suis saisi d’un amendement, n° 1.

La parole est à M. Alain Néri, pour soutenir cet amendement.

M. Alain Néri. L’amendement n° 1, que je présente au nom du groupe socialiste, vise à supprimer l’alinéa 6 de l’article 1er qui concerne « le lien de subordination caractéristique du contrat de travail au sens de l’article L. 121-1 du code du travail ».

Il n’est pas opportun de fixer aux termes de la loi la nature du lien juridique existant entre la fédération et les arbitres. Cette disposition entérine le statut de travailleur indépendant des arbitres, afin de protéger certaines fédérations sportives contre d’éventuels recours devant les tribunaux d’arbitres rétrogradés ou destitués. Il faut souligner que cette phrase est en parfaite contradiction avec la dernière phrase de l’article L. 223-1, laquelle précise que la fédération assure le contrôle de l’exercice de la mission des arbitres selon les règles et procédures préalablement définies. D’ailleurs, cette assimilation à un travailleur indépendant a été remise en cause en 2003 par le tribunal administratif de Dijon. Il est clair que, pour les contentieux en cours, cet alinéa s’avérerait très utile pour les fédérations assignées en justice.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. Tout à l’heure, nous avons assez largement explicité notre point de vue sur le contentieux en cours. Il est vrai que, à l’époque, on se référait essentiellement à la circulaire de 1994 et que, aujourd’hui, ce texte clarifie les choses : ainsi, nous éviterons les problèmes contentieux.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Cet amendement est contraire à l’un des objectifs de la proposition de loi qui est de reconnaître l’importance de la pratique arbitrale organisée au sein des fédérations, dans le cadre de la mission de service public qui leur est déléguée. Jean-Marie Geveaux vient de l’expliquer, il s’agit de clarifier le lien juridique particulier qui existe entre l’arbitre et la fédération. On retrouve cette notion d’indépendance dans d’autres professions. Ainsi, les journalistes, qui bénéficient du statut de travailleur indépendant, sont inscrits au régime général de la sécurité sociale : pensez-vous vraiment que cela les prive du libre arbitre qui leur est indispensable pour exercer leur métier avec toute l’objectivité voulue ?

Le dispositif d’organisation des arbitres et de leurs missions me paraît bien calibré. Rien n’empêche − comme l’a dit François Rochebloine − que les arbitres s’organisent telle la Compagnie des guides. C’est leur problème : à eux de travailler à leur organisation, d’engager un dialogue entre partenaires sociaux, comme cela se fait dans n’importe quelle autre corporation. Le rapport de Mme Marie-Thérèse Leclerc de Hauteclocque proposait d’ailleurs que les arbitres professionnels puissent s’organiser en compagnie. Contrairement à ce que vous laissez entendre, il ne s’agit donc pas d’enfermer les arbitres dans un carcan, mais d’ouvrir des pistes de réflexion sur leur mode d’organisation tout en maintenant l’unité entre les arbitres qui sont quotidiennement sur le terrain, dans des conditions souvent difficiles, et les arbitres de très haut niveau − 0,1 % du total − qui peuvent s’organiser différemment, dans le respect du cadre fixé par la proposition de loi.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(L’article 1er est adopté.)

Articles 2 et 3

M. le président. Les articles 2 et 3 ne font l’objet d’aucun amendement.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

(Les articles 2 et 3, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 4

M. le président. Le Sénat a supprimé l’article 4.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je ne suis saisi d’aucune demande d’explication de vote.

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

M. Alain Néri. Le groupe socialiste s’abstient !

M. Jean Proriol. Courageusement !

(L’ensemble de la proposition de loi est adopté.)

ORDRE DU JOUR DE L’ASSEMBLÉE

M. le président. L’ordre du jour des séances que l’Assemblée tiendra jusqu’au vendredi 27 octobre inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents.

ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, nos 3175, 3337, pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié :

Rapport, n° 3339, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3334, de M. Patrick Ollier, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3340 de M. Alain Joyandet, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures.)