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(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Cet après midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles s’arrêtant à l’article 23.
La parole est à M. Michel Charzat, pour soutenir l’amendement n° 226.
En outre, l’article 23 introduit dans le droit du travail des mesures extrêmement dangereuses. C’est en fait la traduction d’une revendication portée par le MEDEF lors des négociations sur les restructurations et qui n’avait pas abouti en 2004. Il s’agit de créer un congé de mobilité pour les salariés dans les groupes et entreprises de 1 000 salariés et plus qui ont signé un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Selon un bilan de la DARES, il y aurait près de 200 accords de ce type actuellement conclus dans notre pays.
Ce dispositif permettrait à ces entreprises et aux établissements de ces groupes d’être « dispensés » de proposer un congé de reclassement à chaque salarié licencié économique et, en cas de licenciement économique de plus de dix salariés, de contourner la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l’emploi. Après l’article 22, voici donc un nouveau véhicule tendant à fragiliser la condition des salariés au regard du contrat de travail et à contourner le code du travail.
Ce congé de mobilité est en effet un moyen offert aux entreprises de s’exonérer de l’obligation de reclassement d’un salarié dont elle envisage le licenciement. Ce congé instaure une nouvelle forme de rupture du contrat de travail « d’un commun accord », sans motif précisé, permettant de contourner les procédures de consultation des représentants du personnel, en cas de licenciement collectif, ou d’entretien préalable, en cas de licenciement individuel.
Bref, ce congé de mobilité est une manière de congédier avec souplesse, sinon agilité, le salarié. Il n’est assorti d’aucune garantie de reclassement dans un emploi, d’aucune obligation d’indemnisation de licenciement ni même de la garantie d’être indemnisé par l’assurance chômage lorsque, au terme du congé de mobilité, le salarié n’a pas retrouvé un emploi. Au total, il n’est assorti d’aucune sécurité légale pour le salarié.
Certes, les conditions de sa mise en œuvre sont confiées à l’accord collectif d’entreprise de gestion prévisionnelle des emplois. Toutefois, chacun le sait ici, ces accords peuvent être dérogatoires au droit du travail en matière de procédure de licenciement économique collectif, accords dont la négociation se déroule à froid, tous les trois ans, en dehors de toute mobilisation des salariés, qui ignorent la réalité des perspectives des futures restructurations ou délocalisations.
En conséquence, cet article, qui est un cavalier législatif dans ce texte et qui porte un nouveau coup de canif aux procédures de protection des salariés, doit être écarté. C’est la raison pour laquelle je propose sa suppression, au nom du groupe socialiste.
Il est vrai que la présidente du MEDEF a demandé à de nombreuses reprises, ces dernières semaines, qu’on légifère pour permettre aux salariés et aux employeurs de se « séparer à l’amiable », pour reprendre son expression. L’article 23 tend donc à déguiser – mais personne n’est dupe – cette fameuse séparation à l’amiable.
La mesure vise les entreprises de plus de 1 000 salariés, pour lesquelles sont d’ores et déjà prévus les congés de reclassement et d’autres dispositions portant sur la gestion des effectifs. Apparemment, cela n’était pas suffisant. Le nouveau dispositif – un de plus ! – gentiment appelé congé de mobilité permettra à l’entreprise de faire travailler le salarié pendant quelque temps dans le cadre d’un accord collectif, et non plus dans le cadre d’un accord de branche. C’est du reste une constante depuis quatre ans et demi : tout faire pour casser les accords de branche, interentreprises et interprofessionnels. Au terme de la période de prolongation, si la durée du préavis est dépassée, le salarié touchera une indemnité, mais celle-ci ne sera pas à hauteur de la totalité du salaire. En outre, l’employeur ne sera plus obligé de proposer un congé de reclassement ou une possibilité d’embauche. Bref, l’entreprise est totalement gagnante.
Par ailleurs, alors que nous venons d’examiner l’article 22 sur les pôles de compétitivité – destinés, paraît-il, à favoriser les synergies –, il apparaît que l’article 23 propose que les fameux congés de mobilité soient aussi utilisés dans ces pôles – c’est l’objet du quatrième alinéa. L’article 23 prévoit en effet que les périodes de travail des congés de mobilité pourront s’effectuer aussi en application de l’article 22, soit de l’article qui a instauré les fameux détachements de salariés d’une entreprise vers une autre. Toutefois, il s’agit d’un nouveau contrat de travail alors que l’article 22 était précisément censé ne pas rompre le contrat de travail de l’entreprise d’origine. Grâce au quatrième alinéa de l’article 23, on comprend mieux finalement à quoi peut servir l’article 22 sur le détachement de personnels d’entreprise à entreprise dans le cadre des pôles de compétitivité.
Voilà pourquoi nous sommes résolument contre cet article qui ne vise qu’à fragiliser le contrat de travail des salariés, cette fois-ci dans les grandes entreprises. Après l’erreur du CPE, vous n’avez pas osé, en effet, étendre le CNE à ce type d’entreprises comme le demandait le MEDEF. Avec le congé de mobilité, vous rentrez par la fenêtre.
Le nouveau dispositif vise les salariés des entreprises de plus de 1 000 personnes concernées par une restructuration. Le congé de mobilité leur permettra d’accomplir des périodes de travail chez un nouvel employeur ou sur un nouveau poste de l’entreprise d’origine. Ils pourront ainsi s’essayer à un nouvel emploi tout en restant dans un cadre qui leur offre une sécurité statutaire et financière. Sous cet angle-là, il s’agit en quelque sorte du pendant du contrat de transition professionnelle expérimenté depuis avril pour les entreprises de moindre taille. L’objectif est de favoriser la découverte d’autres emplois, de sécuriser les évolutions professionnelles en les autorisant dans un cadre protecteur.
Cet outil de reclassement sera mis en place uniquement par accord d’entreprise et dans le cadre de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Ce préalable obligatoire du dialogue social constitue une garantie pour les salariés, qui, de plus, resteront individuellement libres de refuser le congé de mobilité et de lui préférer le régime du congé de reclassement prévu par le code du travail. Un amendement de la commission vous proposera de faire figurer expressément cette liberté de choix dans le texte.
Enfin, le régime juridique du congé de mobilité est inspiré du congé de reclassement défini par la loi de modernisation sociale de janvier 2002. Ce dispositif ne sera utilisable que dans le cadre des restructurations des grandes entreprises,…
Amélioré par les mesures protectrices que la commission proposera, ce nouveau dispositif constituera une opportunité supplémentaire, un « plus » pour le salarié.
Madame Billard, dans l’entreprise, le dialogue sur les métiers permet d’assurer à la fois la participation et la sécurisation des parcours : la gestion professionnelle des emplois et des compétences relève d’une démarche participative puisque le salarié est invité à participer à la réflexion sur l’évolution de son poste.
Le congé de mobilité offre aux salariés dont les postes sont menacés des périodes de formation et des expériences sur d’autres postes. C’est donc un élément de sécurisation des parcours professionnels qui s’inscrit dans une approche plus en amont et plus apaisée des périodes de restructuration. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements de suppression.
La société Flodor par exemple, qui fait partie du groupe italien Unichips, a été vendue. Son patron-voyou a voulu licencier neuf délégués du personnel, mais le ministre a refusé. Ils ne sont donc pas licenciés, mais ce n’est pas leur patron qui les paie, ce sont les Assedic ! Et le jour où ils seront licenciés, ils devront rembourser. Pourtant, c’est Unichips qui a mis en faillite la société Flodor ! En tout cas, Unichips va payer parce que les salariés ont engagé une procédure et qu’il existe aujourd’hui une jurisprudence, dont vous ne semblez pas tenir compte : pour la première fois, la justice a reconnu la responsabilité d’un groupe, quel que soit le statut de l’usine – filiale ou société anonyme. Flodor a même changé de nom ! La justice a reconnu la responsabilité du groupe, qui, lui, réalise des profits extraordinaires.
Dans une telle situation, à quoi servira un congé de mobilité ? A s’inscrire à l’ANPE ? Chez Flodor, seuls quinze salariés sont reclassés. En dépit de la mobilité, on ne leur a même pas proposé d’aller travailler en Italie !
La société Abélia Décors, qui appartient à un groupe allemand, est dans la même situation – je discutais aujourd’hui même avec ses représentants syndicaux. Comment allons-nous résoudre les problèmes concrets d’Abélia Décors, madame la ministre ? Quoi qu’il en soit, les salariés vont faire payer cette multinationale allemande !
Je pourrais vous citer d’autres cas, Saint-Gobain par exemple, car il y en a de nouveaux tous les jours. A quoi servent les congés de mobilité ?
Il y a une chose que vous oubliez, mesdames les ministres : après le congé de mobilité, comme il n’y aura pas eu de licenciement, les salariés n’auront pas droit aux Assedic. C’est extraordinaire ! Quelle aubaine pour les patrons des grands groupes ! C’est précisément ce qu’ils cherchaient. Le patron de Picardie Plasturgie, sachant qu’il allait devoir fermer son entreprise, a demandé à un copain de la racheter, puis de liquider six mois plus tard. C’est ce qui s’est passé : celui-ci a déposé le bilan et licencié 500 salariés. Qui paie aujourd’hui pour ces salariés qui, après vingt-cinq ans dans l’entreprise, ont touché une prime de 3 000 euros ? Quelle honte ! Et qui paie le chômage ? Certainement pas les patrons, mes chers collègues : c’est l’AGS ! Et vous abondez dans leur sens ! Vous leur permettez tout ! Avec ce prétendu congé de mobilité, vous voulez généraliser des pratiques totalement illégales aujourd’hui !
Le code du travail permet déjà à une entreprise qui a besoin de reconvertir ses salariés de leur proposer les formations nécessaires tout en les gardant en son sein. Avec votre dispositif de reconversion au sein de l’entreprise, le contrat de travail du salarié sera suspendu et on va lui proposer un congé de mobilité dont on n’est pas sûr qu’il débouche sur une embauche définitive. Comme le salarié aura accepté le congé de mobilité, il ne sera pas licencié, mais considéré comme démissionnaire. Qu’en sera-t-il de ses droits au chômage et de ses indemnités de licenciement ? Ainsi, pour un salarié qui travaille depuis longtemps dans l’entreprise, des conventions fixent ses indemnités de licenciement. Et qu’adviendra-t-il de certaines catégories de salariés dans des situations particulières, par exemple les femmes enceintes ? Si l’on considère qu’il y a rupture du contrat de travail d’un commun accord, on remet en cause toute la protection des salariés, y compris des salariés protégés.
Cet article est donc particulièrement dangereux. Discrètement, mais sûrement, il casse les protections du travail, et ce sont les femmes qui seront les plus touchées par cette régression.
Lors de la discussion générale, M. Larcher, ministre délégué à l’emploi, a dit qu’il souhaitait préparer les hommes et les femmes à la mobilité professionnelle et éviter, grâce à une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et à des alternatives au plan de sauvegarde de l’emploi, qu’ils connaissent d’abord les drames d’un plan de licenciement puis les difficultés liées au reclassement.
Ma question est très précise : dans le cas d’une entreprise de plus de cinquante salariés qui envisage de procéder à plus de dix licenciements pour des raisons économiques – elle est donc soumise à l’obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi – ce dispositif est-il alternatif, selon l’expression de M. Larcher, à la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi, ou bien s’agit-il de deux dispositifs parfaitement étrangers l’un à l’autre ? Dans un cas comme dans l’autre, nous y sommes défavorables, mais dans le second cas – et les propos du ministre ne font que confirmer mes craintes – c’est un dispositif d’une gravité exceptionnelle puisqu’il remet en cause la nécessité pour les entreprises d’élaborer des plans de sauvegarde de l’emploi. Nous attendons une réponse précise, madame la ministre, parce que cette question sera vraisemblablement posée à tous les parlementaires.
Autre élément important : permettre au salarié d’effectuer des périodes de travail dans une entreprise favorisera, en particulier, le « désenclavement » du travail féminin. Aujourd’hui les textes ne le permettent pas, mais ce type de contrat permettra aux femmes d’envisager une reconversion professionnelle.
Il est important que le Gouvernement ait bien précisé que l’expression utilisée par le ministre dans la discussion générale, indiquant que ce congé était une alternative au plan de sauvegarde de l’emploi, était malheureuse : il ne s’agit pas d’une alternative et cela ne remet nullement en cause les obligations de l’employeur en la matière. Cela doit être très clair.
Nous prenons donc acte de l’engagement du Gouvernement : votre déclaration, madame la ministre, servira de base aux interprétations éventuelles du texte par les juridictions.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 76, 226 et 269.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Michel Charzat, pour le soutenir.
Il s’agit d’un amendement de clarification. Il convient de préciser si ce congé de mobilité prévu dans les entreprises peut être proposé ou non par les entreprises qui ont signé un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences avant tout projet de licenciement. Dans ce cas, cela reviendrait à permettre à l’entreprise de pouvoir se séparer d’un salarié sans motif de rupture du contrat de travail, puisque « l’acceptation par le salarié de la proposition de congé de mobilité emporte rupture du contrat de travail d’un commun accord des parties à l’issue du congé. »
L’amendement vise à prévoir que la proposition de congé de mobilité soit faite au salarié à partir du moment où l’employeur envisage de prononcer un ou plusieurs licenciements économiques. Sans cette précision, le texte de l’article 23 donne la possibilité – et c’est très grave – à un employeur de se séparer d’un ou de plusieurs salariés sans appliquer les procédures de licenciement, sans être obligé de proposer un plan de sauvegarde de l’emploi et sans entretien préalable en cas de licenciement économique individuel.
Prétendre que la négociation d’accords de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences renforcera les garanties apportées aux salariés, c’est oublier que ces accords sont négociés « à froid » tous les trois ans et qu’ils sont très largement déconnectés des perspectives de restructurations.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
Aujourd’hui, ceux qui réclament l’application pure et dure du principe majoritaire s’étaient bien gardés, à l’époque, de le traduire dans la loi. C’est la majorité actuelle qui l’a fait.
Cela étant dit, monsieur le rapporteur, je ne suis pas sûr que votre interprétation de la déclaration commune de 2001 soit appréciée par l’ensemble des organisations signataires. Nous avons eu ce débat pendant des heures, ici même, au moment de l’examen la loi Fillon. Je crois que vous avez fait un résumé ou, plus exactement, un raccourci de ce qui s’est passé.
En outre, la notion d’accord majoritaire dans la loi Fillon a la singularité de valoir pour une majorité d’organisations : trois sur cinq. Nous sommes donc bien loin de ce que nous souhaitons, c’est-à-dire une majorité qui émane du vote des salariés, et non pas une majorité des organisations représentatives, soit trois sur cinq. Nous aurions connu une situation inextricable si le Conseil d’État avait donné raison à l’UNSA, car appliquer la majorité avec six organisations représentatives aurait posé beaucoup de problèmes !
J’ai lu le discours du Président de la République sur le dialogue social. Il évoque la modification de la représentativité des organisations syndicales à l’aide d’élections démocratiques. Et vous, vous avez l’air de vous en moquer !
J’avais cru comprendre qu’il fallait démocratiser les choses, que les salariés devaient avoir des droits nouveaux dans les entreprises. Alors, je pensais suffrages et représentativité : on ne peut penser démocratie dans l’entreprise sans accords majoritaires ! Pas trois petites centrales syndicales contre deux grosses qui représentent 80 % des salariés, mais des accords majoritaires fondés sur ce qu’est l’essence même de notre démocratie, à savoir l’expression des suffrages exprimés. Or même ça, vous ne voulez pas le faire !
Vous n’avez pas entendu le Président de la République, et c’est très dommage ; vous restez bloquée sur un système complètement dépassé ! On dit qu’une majorité de salariés doit s’exprimer, que des syndicats doivent représenter la majorité, mais, au niveau des branches, le vote de trois organisations syndicales représentant 20 % des salariés l’emporte sur celui de deux organisations syndicales en représentant 80 % ! Curieuse conception de la démocratie sociale !
Je suis peiné, ce soir, de constater que même le Président de la République n’est pas écouté dans cette enceinte.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
(L’amendement est adopté.)
Je mets aux voix l’amendement n° 140.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le soutenir.
L’amendement n° 77 propose d’insérer, dans l’alinéa 3 de l’article 23, les mots : « , qui ne peut être inférieure à neuf mois ». Mesdames les ministres, cela vous intéresse à double titre.
Cet amendement de repli vise à préciser la durée minimale du congé de mobilité, en la fixant à neuf mois, à l’instar du congé de reclassement. Cela devrait vous aller, me semble-t-il. Pourquoi prévoir des durées différentes ?
Vous prétendez que vous voulez consulter les partenaires sociaux et vous faites une loi après le vote de laquelle ils n’auront plus rien à décider. Vous ne leur avez même pas demandé leur avis sur le congé de mobilité.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le soutenir.
La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Michel Charzat, pour le soutenir.
Je m’adresse donc aux ministres : dans ce cas, que se passera-t-il réellement pour le salarié ? Son préavis sera-t-il rompu ? Pourra-t-il réintégrer son emploi d’origine à la fin de la période de travail ? Mesdames les ministres, nous attendons de votre part des éléments de clarification sur ces points non négligeables.
Je comprends cependant la nécessité d’une meilleure coordination entre les dispositifs. Je vous propose donc de retirer cet amendement, compte tenu de l’engagement du Gouvernement de travailler à améliorer cette coordination. Le Gouvernement tient à affirmer sa volonté en faveur de ce détachement qui permet d’essayer un nouveau métier, tout en précisant bien le lien de cette démarche avec le congé de mobilité.
En outre, sans être un défenseur de votre texte, je tiens à souligner que ce dispositif l’affaiblit en rendant suspecte sa démarche. On ne voit pas bien, en effet, quel est le lien entre les dispositifs très différents que prévoient les articles 22 et 23.
Mieux vaudrait donc que l’Assemblée, suivant les observations de la commission, adopte l’amendement no 229. Le Gouvernement pourra alors, s’il trouve une autre façon de justifier le lien entre ces deux dispositifs – ce qui n’est rien moins que certain –, proposer une nouvelle rédaction au Sénat.
Quant à l’amendement no 229, je rappelle que le Gouvernement a demandé son retrait. À défaut, il demandera à l’Assemblée de le rejeter. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Il serait cohérent, en revanche, madame la ministre, que notre assemblée vote le retrait de cette disposition, c’est-à-dire qu’elle vote l’amendement no 229 de nos collègues socialistes. Si par la suite vous trouvez un lien avec les pôles de compétitivité – pour ma part, je n’en vois pas –, vous pourrez proposer un amendement lors de la lecture du texte au Sénat.
En l’état de ce qui nous est présenté, il est un peu inquiétant que vous refusiez de retirer cette disposition.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L’amendement no 141 fait l’objet d’un sous-amendement, no 325.
La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l’amendement no 230.
Notre conception est, bien sûr, totalement opposée à la vôtre, et c’est ce qui rendait souhaitable, madame la présidente, que les amendements nos 230 et 141 soient soumis à une discussion commune. Il ne me semble d’ailleurs pas avoir lu le moindre commentaire témoignant que quiconque ayant examiné ce projet de loi – que ce soit du point de vue des syndicats ou de celui des juristes – ait imaginé qu’on pouvait aboutir à cette solution.
Ce mécanisme va entraîner de nombreuses réactions et susciter une certaine suspicion à l’égard de l’ensemble des dispositifs que vous mettez en place. On ne comprend pas pourquoi il faudrait, pour sécuriser les parcours professionnels, recourir à des contrats dérogatoires au droit commun. Il y a là dans votre démarche une contradiction totale.
J’attire donc votre attention sur l’importance que nous attacherons à vos réponses et aux votes qui s’exprimeront sur ce point, qui n’avait été évoqué jusqu’à présent que sous forme de question dans le cadre d’un commentaire sur l’article.
La situation juridique des salariés en congé de mobilité n’est pas, en effet, de même nature : à la différence des salariés des entreprises non soumises au congé de reclassement – c’est-à-dire des entreprises de moins de mille salariés – qui sont licenciés pour motif économique et à qui l’employeur propose un contrat de transition professionnelle prévoyant des périodes de contrat de travail en CDD conclus en application du même article du code du travail, les salariés en congé de mobilité ne sont ni demandeurs d’emploi, ni licenciés économique.
Alors que l’objectif est de réinsérer dans l’emploi les salariés – car tel est le but du congé de mobilité –, ne serait-il pas absurde d’empêcher, en l’espèce, ces salariés de répondre à la majorité des offres d’emploi ? En outre, chacun sait que de nombreux contrats à durée déterminée débouchent ensuite sur des contrats à durée indéterminée.
C’est la raison pour laquelle, madame la présidente, bien que le sous-amendement no 325 n’ait pas été examiné par la commission, j’y suis défavorable à titre personnel.
Quant à l’amendement no 230, il a été repoussé par la commission.
Ce qui importe est de permettre à chacun de revenir vers l’emploi, ce qui passe très souvent par le biais d’un CDD. Le Gouvernement préfère donc à la rédaction de l’amendement no 230 celle de l’amendement no 141 présenté par votre rapporteur, qui permet d’ouvrir cette opportunité à la fois au CDI et au CDD. Cet amendement précise bien la forme juridique que prendront les périodes de travail en cours de congé de mobilité, en vue d’engager véritablement une reconversion professionnelle.
Nous sommes ici face à un sérieux problème : vous êtes en train de contourner, de détruire un principe essentiel du droit du travail, selon lequel un employeur ne peut modifier de manière substantielle le contrat de travail. Vous voulez, en effet, autoriser un employeur à faire un nouveau CDI, qui ne sera assorti d’aucune obligation en matière de prise en compte de l’ancienneté du salarié, de niveau de qualification ou de niveau de salaire, ni pour aucun autre droit.
Il n’est plus question ici de mobilité, car dans un bassin d’emploi où les emplois sont rares, les salariés n’ont guère le choix d’aller dans une autre entreprise. L’alinéa 4 de l’article 23 permet à l’employeur de modifier totalement le contrat de travail de ses salariés, voire de leur proposer des CDD. De fait, si le salarié a accepté le congé de mobilité, il est considéré comme ayant accepté la rupture du contrat de travail, et il ne s’agit plus de licenciement.
La rédaction est alambiquée mais, lorsqu’on y regarde de près, l’objectif est très clair. Ce qui apparaît au détour de cette écriture subtile, c’est ce dont vous rêvez depuis des années sans avoir pu le faire : permettre à certaines entreprises de requalifier les contrats de travail à leur guise. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est un premier pas ! C’est dramatique !
Que nous dit-on en nous demandant d’accepter le congé de mobilité ? Que l’on se sépare d’un commun accord, à l’amiable, sans qu’il y ait de licenciement. Pour les patrons, ce serait formidable : ils pourraient licencier à leur gré – à l’amiable ! – et les salariés n’auraient droit à rien.
Aujourd’hui on dit que, dans le cadre de ces nouveaux contrats, les salariés vont bouger –mobilité, reclassement–, mais alors qu’ils pourraient retrouver un contrat à durée indéterminée reprenant leurs avantages, leur ancienneté, les primes, même les primes d’intéressement, vous passez à un tout autre schéma, dans lequel ceux qui bougeront pourront, peut-être, trouver un autre CDI mais sans les avantages qui étaient les leurs – auquel cas ils perdront déjà beaucoup – ou un CDD, et dans ce cas, ils perdront tout. Et vous dites que ça, c’est progressiste !
Je m’adresse à la majorité : je crois que vous avez vraiment envie de perdre les élections, parce que jamais je n’ai vu un gouvernement de droite, même du temps de M. Balladur, oser faire ce que vous faites aujourd’hui. C’est à n’y rien comprendre, ou vous avez décidé de tout perdre. Ou alors vous voulez embêter Sarkozy. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
J’entends bien M. le président de la commission lorsqu’il dit qu’il y a des demandes d’emploi et qu’il faut que les gens puissent exercer leur mobilité à l’extérieur, mais appliquer un tel dispositif à l’intérieur de la même entreprise, ce serait tout de même une novation juridique assez extravagante. Or dans la rédaction actuelle de l’article, cette possibilité existe. Rassurez-moi en disant que je me trompe. En tout cas, si ça devient possible, on est en train d’opérer une révolution douce du droit du travail dont on va entendre parler. Ma question est simple : pourra-t-on avoir dans une même entreprise un salarié qui, à l’issue du vote du dispositif que vous nous proposez, passera d’un contrat à durée indéterminée à un contrat à durée déterminée ?
Pour répondre directement à votre question, monsieur Vidalies, j’imagine mal qu’un accord collectif puisse entériner le fait qu’un salarié en CDI se retrouve, après avoir essayé un autre métier, en CDD dans la même entreprise. Ce n’est pas ce que l’accord collectif peut préparer. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Dans tous les cas, nous l’avons dit tout à l’heure, ce congé de mobilité sera d’une durée de quatre à neuf mois, au terme de laquelle une personne qui malheureusement aurait perdu son emploi bénéficierait des différents dispositifs de droit commun en matière d’allocation chômage et d’accompagnement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
En revanche, avec le congé de mobilité, ces garanties sauteront. On sera donc bien en deçà de ce qui existe aujourd’hui.
Je mets aux voix l’amendement no 230.
(L’amendement n’est pas adopté.)
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
(L’amendement est adopté.)
(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-trois heures.)
Je suis saisie d’un amendement n° 231.
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement qui n’apporte pas de garantie supplémentaire.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l’amendement n° 235.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le défendre.
Par ailleurs, selon l’article L. 321-1, deuxième alinéa, toute rupture du contrat de travail pour motif économique, même s’il ne s’agit pas d’un licenciement, doit être prise en compte pour l’application des dispositifs du livre III. Les propositions de congé de mobilité entreront naturellement dans ce cadre, puisque ce congé ne sera ouvert que dans l’hypothèse où l’employeur est soumis à l’obligation de proposer un congé de reclassement au sens du premier alinéa de l’article L. 321-4-3, c’est-à-dire lorsqu’il envisage un licenciement économique.
Dans le cas de figure qui nous occupe, l’obligation d’informer le comité d’entreprise selon des règles strictes est donc très largement prévue par le code du travail, et l’amendement paraît superfétatoire.
Avis défavorable, donc.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le soutenir.
L’amendement n° 165 reprend une préoccupation largement exprimée quant à la dispense pour l’employeur de proposer un congé de reclassement, s’il a déjà proposé un congé de mobilité. Or, compte tenu de la rédaction des dispositions relatives à ce dernier, il serait semble-t-il préjudiciable pour le salarié de ne pas se voir proposer le congé de reclassement, et ce pour deux raisons essentielles.
En premier lieu, le congé de mobilité semble offrir moins de garanties pour le salarié que le congé de reclassement – aucune de ces deux solutions n’est bonne, évidemment : nous ne parlons que de la moins mauvaise des solutions. Par ailleurs, la disposition prévue à l’alinéa 9 de l’article priverait les salariés de leur droit à un congé de reclassement dès lors qu’on leur propose un congé de mobilité, même s’ils refusent ce dernier. Ils seraient alors soumis au droit commun du licenciement économique.
En outre, la disposition prévue exonère une fois encore l’employeur de ses responsabilités, tout en privant le salarié de son droit de choisir librement entre les deux dispositifs. Il importe donc que l’employeur propose les deux formes de congé.
C’est pourquoi nous proposons avec cet amendement de supprimer le dernier alinéa de l’article : la réécriture proposée par l’amendement n° 143 de la commission ne nous paraît pas entièrement satisfaisante.
Avis défavorable, donc, à l’amendement.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 143.
Par l’amendement n° 143, nous souhaitons donc garantir aux salariés le droit de préférer un congé de reclassement légal à un congé de mobilité, même si ce dernier est ouvert par un accord collectif. Il s’agit donc d’une mesure de sécurisation des salariés, qui, à l’exigence d’un accord collectif, ajoutera un second verrou : le droit pour les salariés de refuser un congé de mobilité, et de bénéficier en ce cas du droit commun. Les amendements nos 165 et 237 seront ainsi satisfaits.
Je mets aux voix l’amendement n° 143.
(L’amendement est adopté.)
(L’amendement est adopté.)
(L’article 23, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le défendre.
Cet amendement, soumis aux partenaires sociaux lors de négociations préalables qui n’ont pas abouti, a pour objectif de donner à la fois des droits à ces salariés, notamment lorsqu’il s’agit de salariés d’entreprises sous-traitantes victimes de difficultés dans leur secteur, et de créer, pour garantir ces droits, un fonds de mutualisation alimenté par une cotisation fixée par décret en Conseil d’État et égale à 0,20 % de la masse salariale.
Il s’agit surtout de montrer qu’on ne peut ignorer la situation des salariés de PME et ne parler uniquement que des restructurations dans les grandes entreprises.
Cette démarche, qui consiste à proposer un troisième dispositif concurrent de sécurisation des parcours professionnels, apparaît moins prudente que celle qui a dicté la mise en place de la convention de reclassement personnalisé, soumise à un accord des partenaires sociaux, et que celle qui a fait du contrat de transition professionnelle une mesure expérimentale, appliquée pour l’heure dans sept bassins d’emploi seulement, à titre provisoire, avant d’être évaluée en 2008.
Cet amendement propose au contraire, une fois de plus, un dispositif pérenne et général, sans concertation préalable, alors qu’il devrait s’appuyer sur ces expérimentations. Il pose par ailleurs quelques problèmes juridiques, notamment sur la question du maintien des salaires qui doit être assurée soit par l'ex-employeur soit par un fonds de mutualisation, créé par l’amendement, sans que soit précisé dans quelles conditions l’un ou l’autre cas s’applique.
Quant à l’idée d’un fonds de mutualisation de reclassement, pourquoi pas ? Elle figurait notamment dans le rapport Cahuc-Kramarz, et c’est avec intérêt que je la vois reprise par le groupe socialiste. Il faudrait cependant préciser les conséquences de l’installation d’un tel fonds sur les obligations de reclassement qui pèsent actuellement sur chaque entreprise pour ses propres salariés.
Il conviendrait aussi de s’interroger sur le financement du fonds. Toutes les entreprises devraient-elles y contribuer ? C’est l’option retenue par l’amendement, alors même que les entreprises de plus de mille salariés ne sont pas concernées par le dispositif de reclassement.
Toutes ces questions sont intéressantes et méritent d’être débattues, mais elles me paraissent hors sujet aujourd’hui.
L’un de ses apports majeurs a été de se préoccuper des entreprises de moins de mille salariés, qui connaissaient, avant janvier 2005, une situation singulièrement différente de celle des grandes entreprises, en matière de licenciements collectifs. Entre les unes et les autres, le rapport, pour ce qui concernait les mesures d’accompagnement et les indemnités, pouvait varier de 1 à 6.
Nous aurons l’occasion, au début de l’année prochaine, de dresser le bilan des dix-huit mois d’application de la convention de reclassement personnalisé mise en place en 2005. Même si cela reste à préciser, ses taux de sortie vers l’emploi semblent être supérieurs à ceux des dispositifs antérieurs. Nous évaluerons également au printemps prochain les contrats de transition professionnelle en vigueur sur les sites expérimentaux.
La sécurisation des parcours professionnels doit faire l’objet d’une négociation entre les partenaires sociaux, comme ils en ont eux-mêmes exprimé le souhait, à partir du bilan qui leur sera proposé dans le cadre de la commission nationale de la négociation collective.
Ce rendez-vous sera l’occasion de mesurer les résultats des dispositifs mis en place en 2005 et de voir comment ils peuvent être améliorés. Les conventions de reclassement personnalisé ont des avantages mais aussi quelques faiblesses, et les efforts accomplis par l’Agence nationale pour l’emploi en matière d’accompagnement peuvent s’enrichir de l’expérience d’équipes qui fonctionnent mieux que d’autres. Le Parlement sera naturellement informé de ce bilan, et les partenaires sociaux invités à poursuivre leurs négociations.
Nous ne sommes donc pas favorables à l’amendement, mais nous considérons que l’idée du fonds de mutualisation est un élément à retenir. Je rappelle qu’en l’état actuel la convention de reclassement personnalisé est financée à la fois par l’allocation chômage, les deux mois de préavis de l’employeur et, dans certains cas, par la mobilisation du DIF.
Pardonnez-moi d’avoir été un peu long, mais le sujet est important et c’était l’occasion pour moi de dresser une manière de bilan d’étape de l’application de la loi de janvier 2005.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l’amendement n° 166.
Il était une époque où il s’agissait de discuter de l’augmentation de la contribution Delalande qui n’était pas assez dissuasive. Or voilà qu’on nous propose de la supprimer. C’est formidable ! Pourquoi ne pas aussi supprimer les impôts dans ce cas ! Les employeurs pourront faire ce qu’ils veulent ; ils n’auront plus à payer d’amende. Or ils la payaient. Ils préféraient cela plutôt que de se soumettre à leurs obligations ; leur logique est d’ailleurs la même avec les 6 % de travailleurs handicapés qu’ils sont tenus d’embaucher. On leur dit donc qu’ils n’auront plus à payer d’amende et qu’ils pourront embaucher moins en faisant des économies.
Vous êtes extraordinaires ! Le malheureux M. Delalande voit sa contribution disparaître et son nom sort de l’histoire alors qu’il a déjà perdu son siège de député. C’est dommage !
Il y a un point que nous considérons comme positif dans ce texte : c’est le fait que vous reveniez sur le projet de convention qui prévoyait d’amputer la durée d’indemnisation du chômage des périodes travaillées par les chômeurs durant les douze mois du contrat de transition professionnelle.
En revanche, la réduction à un seul mois de salaire de la contribution due par l’employeur en cas de non proposition de contrat de transition professionnelle contribue dans les faits à exonérer les entreprises de leurs responsabilités envers les salariés licenciés.
J’ajoute que l’obligation qui pèse sur l’employeur est bien faible puisqu’elle est réduite à une simple information. Au regard donc de cet allégement des conditions imposées à l’employeur, nous considérons que cette mesure va à l’encontre du but affiché qui était de reclasser au plus vite le salarié victime d’un licenciement économique.
Pour ce qui concerne l’ordonnance d’avril 2006, elle est plus incitative que contraignante. Or l’expérience démontre que la carotte, c’est bien mais que, sans le bâton, ça ne marche pas toujours.
En réduisant la sanction à une contribution d’un mois vous risquez donc d’amener les entreprises à s’affranchir totalement du système que vous avez mis sur pied en avril. C’est un mauvais signal envoyé à propos d’une mesure qui n’a pas un an.
Je rappelle également que le contrat de transition professionnelle a été institué par l’ordonnance du 13 avril 2006. C’est un dispositif expérimental, applicable durant une année seulement, dans sept bassins d’emplois, avant d’être évalué. Dans les bassins d’emplois concernés, il se substitue à la convention de reclassement personnalisé pour les salariés menacés de licenciement économique. D’après les premiers éléments de bilan dont nous disposons, 68 % des salariés potentiellement couverts y adhéreraient. Il s’agit d’un très bon résultat pour un dispositif facultatif.
Il est vrai que ce dispositif est attrayant. Il permet, pendant douze mois, une indemnisation plus élevée que celle du chômage classique, puisqu’elle s’élève à 80 % de l’ancien salaire brut. Il offre également un statut de stagiaire lié à la formation professionnelle, comprend des mesures d’aide au reclassement et donne au chômeur la possibilité d’effectuer des périodes de travail pendant lesquelles il peut faire l’essai de nouveaux métiers.
Les modifications apportées au texte de l’ordonnance tiennent compte de l’accord passé entre les partenaires sociaux et le bureau de l’UNEDIC en avril dernier.
L’alinéa 2 accroît la durée d’indemnisation potentielle des chômeurs ayant bénéficié d’un contrat de transition professionnelle, en prévoyant d’exclure les périodes de travail qui ont pu s’inscrire dans le CTP du calcul du reliquat des droits d’indemnisation.
L’alinéa 3 ramène de deux mois de salaire à un seul la sanction pour l’employeur qui procède au licenciement pour motif économique d’un salarié sans lui proposer le bénéfice d’un contrat de transition professionnelle. C’est donc un accord, équilibré, des partenaires sociaux, qui ne peut être remis en cause, surtout pas partiellement.
La commission a donc rejeté ces trois amendements de suppression.
Il y a un peu plus de trois semaines, le 14 septembre dernier, le comité de pilotage national du CTP s’est réuni et a examiné l’adhésion, en quatre mois, de 400 personnes au contrat de transition professionnelle. Le taux d’adhésion, comme l’a rappelé le président Dubernard, est supérieur à 60 %. Le dispositif a nécessité un ensemble conventionnel extrêmement complexe : conventions entre l’État et l’UNEDIC – à la suite de la décision du bureau de l’UNEDIC du mois d’avril –, avec l’AFPA et avec Transitio CTP, convention de coopération du service public de l’emploi, convention entre l’État et les organismes de retraite complémentaire, sans parler de la convention entre l’AGEFOS PME et Transitio CTP.
Cela étant, le contrat de transition professionnelle a été mis en place dans une période relativement réduite : moins de deux mois. Il a été souhaité par les partenaires sociaux comme un élément de sécurisation des parcours professionnels, de la « sécurité sociale professionnelle ».
Comme l’a rappelé le président Dubernard, il s’agit d’un dispositif expérimental, mais il deviendra certainement l’une des pierres angulaires de la sécurisation des parcours professionnels, qui s’enrichit aussi du droit individuel à la formation, de la validation des acquis de l’expérience ou du renforcement du service public de l’emploi. D’ici à la fin de l’année, chaque demandeur d’emploi y sera suivi une fois par mois, alors que les périodes d’accompagnement étaient en moyenne de six mois. Cette nouvelle dimension de l’accompagnement tend à améliorer fortement le retour vers l’emploi.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
(L’article 24 est adopté.)
La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le soutenir.
Il faut donc résorber l’emploi précaire – CDD, intérim, temps partiel contraint – et réformer l’ensemble des contrats aidés des secteurs marchand et non marchand, qui n’offrent aucune perspective durable, notamment aux jeunes, en raison de l’absence de concrétisation de leur contrat, et qui sont ouverts à un public si large qu’ils ne servent plus que d’effet d’aubaine pour les employeurs.
Or le recours à ces contrats atypiques, quelle que soit leur forme – CDD, intérim et, dans une autre mesure, le CNE – se banalise aujourd’hui, y compris pour des créations d’emplois. Vous l’avez dit vous-même, pour justifier votre position : pourquoi ne pas permettre l’embauche en CDD ou en intérim, puisque 80 % des embauches se font déjà de cette façon ?
La multiplication des contrats divers et variés, le dernier en date étant le CNE, fragilise encore un peu plus le CDI et ses droits afférents. C’est donc le CDI, droit commun du contrat de travail que, par petites touches, vous finissez par remettre en cause. La multiplication de ces contrats renforce la subordination du salarié à son employeur dans tous les domaines : rémunération, durée du travail, lieu de travail, reconnaissance des qualifications…
Le défi à relever consiste à mieux encadrer le recours à ces types de contrats, à réorienter le soutien financier public de l’emploi, à garantir l’emploi et la formation tout au long de la vie professionnelle et, enfin, à revaloriser le travail par une politique de relance des salaires.
Aujourd’hui, chiffres et analyses à l’appui, trois emplois nouveaux sur quatre sont précaires, 70 % des offres d’emplois déposées à l’ANPE sont des contrats de moins de six mois, 30 % des entrées au chômage sont des fins de CDD ou d’intérim. Par ailleurs, plus de deux millions de salariés travaillent à temps partiel et c’est parmi eux que se dénombrent prioritairement les « travailleurs pauvres » qui, travaillant le jour, deviennent SDF le soir.
À ce rythme, l’emploi précaire peut devenir rapidement la règle et le contrat à durée indéterminée à temps plein, l’exception. Mais n’est-ce pas ce que vous souhaitez ? Comment, dans ces conditions, concevoir des projets personnels, construire une vie de couple, quand votre situation ne vous permet pas d’accéder à un prêt bancaire, à un logement, à l’achat d’un véhicule ou de financer des loisirs ? C’est une voie sombre et sans avenir qui se dessine. Voilà le projet de société que vous proposez à nos concitoyens.
Pour notre part, nous proposons des mesures fortes pour résorber l’emploi précaire. Une législation plus efficace est indispensable si l’on a la volonté politique de s’attaquer à la précarité. Or votre projet vise à précariser tous les parcours, notamment le contrat à durée indéterminée. Pour contrer le recours abusif à l’emploi précaire, la fixation d’un plafond maximum de 5 % de travailleurs précaires dans une entreprise serait une solution efficace.
Monsieur le ministre, je suis intervenu en faveur des salariés de Valeo, à Abbeville. Savez-vous que cette entreprise compte 37 % de contrats précaires ? Et ne me dites pas que c’est parce qu’ils n’ont pas les moyens de payer des salariés en CDI. Regardez donc leurs profits, je vous ai donné les chiffres. Et vous les laissez faire ! Non seulement Valeo recourt abusivement à l’emploi précaire, mais cela ne suffit pas à ses actionnaires, qui veulent fermer le site pour délocaliser, afin d’augmenter leurs profits.
La loi fixe des règles très précises à propos des emplois précaires et du temps partiel, mais, à chaque fois que j’en trouve de nouveaux dans ma zone industrielle et que j’en avertis les autorités, elles ne font rien.
C’est l’ensemble de la société qui est fragilisée par cette précarité.
L’abus des contrats temporaires dans certains secteurs et certaines entreprises est un problème réel. Cependant fixer un plafond uniforme de 5 % de l’effectif de l’entreprise apparaît une fois de plus comme une réponse simpliste et peu adaptée aux situations particulières.
Monsieur Gremetz, d’après la commission nationale de la négociation collective, le taux de CDI n’a pas, ou peu varié depuis trois ans : il se situe un peu en dessous de 80 %. C’est l’entrée dans le contrat qui se fait le plus souvent, notamment pour les jeunes, par une succession de contrats précaires : CDD ou intérim. Bien évidemment, c’est aujourd’hui l’une des préoccupations du Gouvernement.
Les partenaires sociaux se sont fixé un calendrier de réflexion sur ce sujet. Leur première rencontre est prévue le 23 octobre prochain. C’est un sujet sur lequel nous aurons l’occasion de revenir, notamment après les propos du Président de la République sur le dialogue social. Il est important que les partenaires sociaux se saisissent de ce dossier, essentiel pour les salariés et leur famille, et que la classe politique y soit largement associée. Ce grand sujet s’inscrit parfaitement dans la volonté de sécurisation que nous évoquions tout à l’heure.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur.
En présentant son projet de loi, Jean-Louis Borloo nous a indiqué vouloir mettre au point un dispositif pérenne pour une ou deux décennies, une loi refondatrice en faveur de la participation. Or le texte est pollué par un certain nombre de mesures d’importance secondaire et qui sont loin de faire l’unanimité. Pour qu’il conserve sa dimension emblématique, il est nécessaire de supprimer, autant que possible, les appendices inutiles.
C’est ainsi que nous légiférerons bien. Chaque projet de loi devrait en effet se donner un objet précis et s’y tenir.
Les deux commissions proposent donc à l'Assemblée nationale d’alléger les titres III et IV d’une grande partie de leurs dispositions, qui suscitent nombre d’interrogations et n’ont sans doute pas été suffisamment travaillées, concertées ni expliquées. Il en est ainsi des mesures relatives au cumul de contrat à temps partiel et de missions d’intérim – c’est l’article 25 – …
Les autres dispositions visées figureraient beaucoup plus logiquement dans un autre projet de loi. C’est le cas de certaines des mesures issues du plan national d’action concertée pour l’emploi des seniors, contenues dans les articles 28 et 29 et qui modifient les règles de la retraite : elles ont vocation à être débattues avec les mesures relatives à l’assurance vieillesse du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
De même, l’indemnisation des conseillers prud’homaux – article 30 – et la récupération des indus de l’allocation de solidarité spécifique – article 34 –, qui affectent directement des charges budgétaires, nous semblent plutôt relever d’une loi de finances.
Enfin, les dispositions relatives à la commercialisation des produits financiers, qui visent à renforcer les protections des clients face aux opérateurs financiers, devraient trouver place dans le projet de loi sur la consommation en cours de finalisation. Sont ici concernés les articles 37, 38, 39, 40 et 42.
Voilà ce qui a justifié le point de vue des commissions. Je sais que vous y adhérez en grande partie, …
Si nous voulons que la loi sur l’actionnariat salarié et la participation soit parfaitement lisible, il n’est pas acceptable d’y disséminer un certain nombre d’articles n’ayant aucun rapport avec l’objet du texte. En le refusant, nous ne cherchons pas à faire plaisir au président Mazeaud – auquel je rends, moi aussi, l’hommage qui lui est dû – mais à faire une bonne loi, c'est-à-dire une loi lisible. Même certains articles qui ne seront pas supprimés n’auraient jamais dû figurer dans le projet.
Je sais que ce choix ne plaira pas à tout le monde, mais nous avons voulu, avec M. Dubernard, que les législateurs que nous sommes adressent un message au Gouvernement. Je souhaite donc que l'Assemblée nationale supprime ces quinze articles.
L’article 25, qui permet le cumul entre travail à temps partiel et travail temporaire, a une drôle d’histoire, et je souhaite la rappeler pour ceux qui ne l’auraient pas suivie. Intégrée à la hussarde dans la loi relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu’elle constituait un cavalier législatif. Par le même procédé – le passage en force –, la revoilà dans le projet de loi sur le développement de la participation et de l’actionnariat salarié.
Or cette mesure constitue une véritable régression. Le but est de précariser un peu plus le salariat. Comme le disait au Sénat Mme Vautrin, « de nombreuses femmes travaillant à temps partiel souhaitent trouver des solutions pour augmenter leur temps de travail afin d'accroître leurs revenus ». On pourrait donc s’attendre à une mesure visant à résorber l’emploi précaire, notamment le temps partiel subi, ou bien à permettre une revalorisation des salaires. Mais non, « l'une des possibilités serait, parallèlement au contrat de travail à temps partiel, de recourir à une mission d'intérim ». Si vous voulez gagner plus, nous dit le Gouvernement, travaillez plus et cumulez les petits boulots.
Cette tentative de réintroduire une disposition censurée par le Conseil constitutionnel s’est heurtée à notre vigilance. Tous ensemble, nous crions : « Halte là ! », et c’est formidable.
M. le rapporteur a défendu l’amendement no 145 ; M. le rapporteur pour avis l’amendement no 28, et M. Gremetz l’amendement no 168.
La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l’amendement no 249.
Ces amendements portaient sur des sujets essentiels du point de vue du droit du travail.
L’extension des modalités de recours à l’intérim est une affaire grave : le nouveau cas de recours prévu n’a été négocié par personne et n’a jamais été soumis aux partenaires sociaux, qu’il s’agisse des syndicats ou du patronat. Tout le monde se demande d’où vient cette initiative. J’ai d’ailleurs moi-même saisi le Conseil constitutionnel sur ce point.
La clarification du décompte des effectifs et du droit de vote aux élections professionnelles – article 32 –, est tout aussi grave. Réduire le mode de calcul des effectifs pour la mise en place des institutions représentatives du personnel n’est pas une petite affaire. Cela mérite un débat de fond sur la démocratie sociale. En ce jour, il aurait été malvenu d’exclure les salariés des entreprises sous-traitantes pour s’opposer, en réalité, à une décision récente de la Cour de cassation.
Il en va de même, monsieur le ministre, de la question de l’indemnisation des activités prud’homales. Cette initiative n’est pas très heureuse et sera très mal vécue. Elle est d’autant plus surprenante que le conseil des prud’hommes fonctionne plutôt bien et que les employeurs et les salariés ne s’en plaignent pas. Cette institution originale et paritaire n’existe pas dans tous les pays. La remettre en cause ou créer une sorte de suspicion sur son mode de fonctionnement en prétendant enfermer les conseillers salariés dans un carcan n’est pas une très bonne idée. Notre vigilance sera donc extrême, car il ne serait pas davantage judicieux de supprimer aujourd’hui cette disposition pour la réintroduire très prochainement par le biais d’un autre texte. Ce ne serait d’ailleurs pas cohérent avec les propos qu’a tenus le Président de la République ce matin. Il convient donc de placer cet article au fond d’un tiroir pour qu’il ne réapparaisse pas très prochainement sous forme d’amendement.
Je me félicite, à mon tour, de la suppression de ces quinze articles, même si je regrette que l’on n’ait pas aussi supprimé les articles 22 et 23. Cela aurait été plus cohérent, puisqu’ils n’ont aucun rapport avec l’actionnariat salarial. Nous pouvons, en revanche, admettre qu’ait été maintenu l’article 24 relatif à la ratification de l’ordonnance.
J’insisterai sur l’article 30 tendant à réformer l’indemnisation des activités prud’homales. Je sais que ce point réapparaîtra dans un autre texte de loi, ce que je regrette. Tous les parlementaires ont été alertés par des représentants des syndicats aux prud’hommes ou des conseillers prud’homaux sur les conséquences d’une telle réforme. Elle n’est pas anecdotique. Il ne s’agit pas seulement, en effet, de rationaliser le travail et la rémunération des conseillers prud’homaux : le risque est de dégrader le fonctionnement d’une institution qui fonctionne bien et d’alourdir encore la charge des cours d’appel. Ce ne serait pas vraiment une bonne solution quand on connaît aujourd’hui la surcharge de travail que supportent nos juridictions.
Je ne sais pas, monsieur le professeur Dubernard, s’il s’agit d’une greffe ou d’un appendice. De chirurgie animale à chirurgie humaine, permettez au vétérinaire de répondre au médecin et de dire qu’il s’agit là d’un débat chirurgical assez classique ! (Sourires.)
En ce qui concerne d’abord le cumul de l’intérim et du travail à temps partiel, il ne s’agit nullement de renforcer la précarité ; nous voulons simplement permettre un cumul de rémunérations. Je tenais à rappeler cet aspect essentiel.
J’en viens au double décompte dont les partenaires sociaux devront débattre.
Il est tout de même étrange de compter deux fois les mêmes salariés.
J’en viens aux indemnités des conseillers prud’homaux.
(Ces amendements sont adoptés.)
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l’amendement no 171.
Il n’a jamais été prouvé que la contribution Delalande – acquittée par les entreprises qui licencient des seniors –, était un frein à l’embauche des salariés en fin de carrière. Il y a donc une contradiction dans vos propos, monsieur le ministre. Vous dites qu’il faut faire travailler les seniors et, dans le même temps, vous supprimez la contribution Delalande. Quelle formidable cohérence ! Tout s’enchaîne et tout se contredit. Je sais que la dialectique nous permet toujours de retomber sur nos pieds, mais, là, il faut le faire ! Certes, pour les marxistes, la contradiction fait en général avancer. En l’occurrence cependant, j’ai beau chercher, je ne trouve pas comment surmonter la vôtre.
La productivité des seniors ne semble pas plus faible que celle des travailleurs plus jeunes, mais les entreprises sont toujours réticentes à embaucher des salariés âgés. Le recrutement de ces derniers reste donc modeste. L’inflexion de cette tendance est d’autant plus urgente que la France, à l’image de ses principaux partenaires de l’OCDE, devra faire face, dans les décennies à venir, au vieillissement de sa population, donc à un poids croissant des plus âgés dans la société.
Au lieu d’un dispositif global visant à favoriser l’emploi des seniors, le Gouvernement nous propose, en plus de l’instauration par décret d’une sorte de contrat dernière embauche cet été, la transposition hâtive et partielle de quelques orientations du plan national d’action concertée.
Les mesures retenues semblent vouloir décharger les entreprises de leurs obligations envers les salariés de plus de cinquante ans, sans aucune garantie quant au nombre d’emplois susceptibles d’être créés. Ainsi, l’article 27 exonère de la contribution Delalande les entreprises qui licencient un senior. Cette mesure peut se révéler dangereuse dans un contexte de chômage tel que celui que nous connaissons. Nous sommes en conséquence opposés à la suppression de cette contribution qui, sans être une panacée, peut être un outil de ralentissement du processus de licenciement des seniors.
Selon les syndicats, l’économie s’élèverait à 600 millions d’euros pour l’ensemble des entreprises concernées. Pour nous, de tels assouplissements à la législation sur la contribution Delalande doivent être le corollaire de l’augmentation du taux d’emploi des seniors. Il ne s’agit pas de dédouaner les employeurs de leurs obligations envers les salariés sans contrepartie. C’est la raison pour laquelle nous nous opposons à l’article 27.
La commission a rejeté les deux amendements de suppression. Je rappelle que la contribution Delalande a été réformée onze fois depuis sa création, en 1987, ce qui laisse à penser qu’elle n’a jamais été pleinement satisfaisante.
Dans le cadre de l’accord national interprofessionnel relatif à l’emploi des seniors du 13 octobre dernier, les partenaires sociaux ont appelé les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités. Des travaux économétriques – je parle sous le contrôle du ministre – laissent en effet penser que les employeurs sont plus dissuadés d’embaucher des salariés âgés, pour ne pas risquer d’avoir à verser la contribution à leur départ, que de les licencier. Un rapport très récent des inspections générales des finances et des affaires sociales insiste plutôt sur l’étroitesse de l’assiette de la contribution du fait des multiples cas d’exonération créés au fil des ans et des pratiques de contournement que certains employeurs semblent avoir mises en place. Ainsi, un cinquième seulement des ruptures de contrats à durée indéterminée concernant des seniors seraient assujetties.
Il semble que, assez souvent, les employeurs licencient pour faute grave des salariés âgés, ce motif les dispensant de contribution. Ils leur versent pourtant une confortable indemnité, extra-légale mais moins coûteuse que la contribution Delalande, en contrepartie, selon toute vraisemblance, d’une absence de contestation devant les prud’hommes de ces licenciements aux fondements douteux.
Mieux vaut donc supprimer un tel texte pour revenir à des situations beaucoup plus claires. C’est la raison pour laquelle la commission a rejeté ces deux amendements.
Depuis la réforme des retraites et la mise en place d’un certain nombre de dispositifs, visant notamment à exonérer de la contribution Delalande les plus de quarante-cinq ans, le taux d’activité des seniors a légèrement augmenté, d’environ un point et demi par an. Nous espérons atteindre cette année un taux proche de 40 %, sans doute un peu moins.
Les partenaires sociaux, à la suite du débat et du vote de la loi portant réforme des retraites et sauvegarde du système par répartition, se sont engagés dans une négociation. Comme l’a rappelé votre rapporteur, il en est résulté en octobre dernier un certain nombre de pistes.
D’abord, la question des seniors ne se règle pas quand ils atteignent l’âge de cinquante-cinq ans. C’est au cours de la carrière qu’il faut prévoir un parcours professionnel adapté à l’évolution des âges, que ce soit en termes de formation ou de pénibilité, et prévoyant notamment un bilan de santé et un bilan de compétences obligatoires avant quarante-cinq ans.
Par ailleurs, les partenaires sociaux ont tracé la voie d’un contrat à durée déterminée renouvelable de deux fois dix-huit mois pour les plus de cinquante-sept ans ayant été au chômage pendant un certain nombre de mois, afin de leur permettre à la fois de retrouver un emploi et de compléter leurs cotisations pour bénéficier d’une retraite pleine et entière.
Ce que vous appelez le contrat dernière embauche est donc le fruit du dialogue entre les partenaires sociaux.
À la lumière des conclusions du rapport des partenaires sociaux et de l’accord interprofessionnel d’octobre, nous avons, dans un dialogue social approfondi, préparé l’ensemble des mesures du plan seniors, présenté au Conseil économique et social à la fin du printemps. Il y était notamment prévu la suppression de la contribution Delalande. Celle-ci partait d’une excellente intention, qui était en quelque sorte de pénaliser les licenciements des plus de cinquante ans mais, paradoxalement, elle a paralysé l’embauche des plus de quarante-cinq ans. Que ce soit dans le rapport de l’IGAS ou dans celui de la Cour des comptes, nous avons vu qu’elle n’avait pas un effet positif sur l’emploi des seniors. Voilà pourquoi il est proposé de la supprimer.
Cette suppression s’inscrit bien dans un plan d’emploi pour les seniors, avec un certain nombre de dispositifs complémentaires. Je pense par exemple au tutorat ou au cumul emploi-retraite, qui tendent à aménager les fins de carrière. Nous retrouverons ces questions dans le cadre du PLFSS, qui est d’ailleurs le cadre naturel pour ce type de débats.
Nous espérons que l’ensemble des dispositifs du plan d’action pour l’emploi des seniors seront en place d’ici à la fin de l’année et que nous pourrons tenir, en 2010, l’engagement que nous avons pris de manière conjointe, M. Jospin à l’époque quand il était Premier ministre, le Président de la République et le Premier ministre à Stockholm, de mettre en place un plan permettant d’atteindre un taux d’activité des seniors de 50 %.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Quel est l’avis du Gouvernement ?
(L’amendement est adopté.)
(L’article 27, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le défendre.
L’article 28 du projet de loi envisage de supprimer, à partir du 1er janvier 2010, la possibilité, ouverte par l’article L. 122-14-13, alinéa 3, du code du travail, tel qu’il résulte de l’article 16 de la loi du 21 août 2003, de mettre à la retraite des salariés de moins de soixante-cinq ans, dès lors qu’un accord collectif étendu, conclu avant le 1er janvier 2008 et comportant des contreparties en termes d’emploi ou de formation professionnelle, le prévoit.
Si cette mesure est adoptée, à partir du 1er janvier 2010, dans les branches professionnelles où de tels accords collectifs ont été conclus, les salariés ne pourront prendre leur retraite avant soixante-cinq ans que dans le cadre d’un départ volontaire.
Dans ce cas, en l’état actuel des textes, les salariés qui partent volontairement à la retraite reçoivent une indemnité de départ à la retraite, qui, généralement, est inférieure à l’indemnité de mise à la retraite.
En outre, l’indemnité de départ à la retraite est soumise aux charges sociales et à l’impôt sur le revenu, alors que l’indemnité de mise à la retraite en est exonérée.
À partir du 1er janvier 2010, les salariés de moins de soixante-cinq ans qui, faute de pouvoir être mis à la retraite par leur employeur, partiront volontairement à la retraite, recevront une indemnité de départ, laquelle, compte tenu de son montant initial, des charges sociales – précompte – et de l’impôt sur le revenu, sera inférieure de près de la moitié à l’indemnité actuelle de mise à la retraite.
Quant aux employeurs se trouvant confrontés à cette situation, les indemnités qu’ils auront à verser – et à provisionner – aux salariés partant volontairement à la retraite excéderont de près de 50 %, à cause des charges sociales, les sommes qu’ils auraient eues à débourser s’ils avaient mis les intéressés à la retraite.
Je vous propose donc d’aligner le régime fiscal et social de l’indemnité de départ à la retraite sur celui de l’indemnité de mise à la retraite, c’est-à-dire d’exonérer l’indemnité de départ en retraite de charges sociales et fiscales dans les mêmes limites que l’indemnité de mise à la retraite.
La mesure proposée présente le triple avantage d’éviter de faire subir aux salariés concernés une baisse importante de leur indemnité de départ à la retraite, d’éviter l’augmentation du coût du travail et des charges des entreprises qui résulterait de l’obligation nouvelle de provisionner les cotisations sociales afférentes aux indemnités de départ à la retraite, et de satisfaire les demandes légitimes de toutes les organisations syndicales et patronales.
Face à ce si beau consensus, monsieur le ministre, je voudrais que vous preniez ici même l’engagement soit de reprendre soit de soutenir cet amendement dans le PLFSS. Pouvez-vous me le confirmer ?
C’est une question très importante, j’en conviens volontiers. Le traitement fiscal et le traitement social sont très différents selon qu’il s’agit d’une mise à la retraite ou d’un départ à la retraite ; c’est clair, mais ce type de débat relève plus du PLFSS. C’est la raison qui nous a poussés à repousser cet amendement, à notre corps défendant, à l’époque où vous étiez plus contraint.
Nous mesurons l’importance d’une telle mesure, mais nous souhaitons une étude pour en connaître le coût, parce que je crois qu’il n’est pas neutre. Voilà pourquoi je souhaiterais que vous retiriez votre amendement.
Le président Dubernard vous a donné rendez-vous à l’occasion du PLFSS. J’espère que nous aurons alors des éléments pour éclairer notre décision.
Il est vrai que cet amendement aurait davantage sa place dans le PLFSS, mais il ne faudrait pas le repousser ad vitam aeternam. C’est un sujet très important, qui fait l’objet d’un consensus entre les organisations syndicales et les organisations patronales. Cela répond aussi à l’intérêt des salariés. Recevoir une indemnité inférieure de 50 % si l’on part en retraite volontairement, ce n’est pas neutre. Au moment où l’on parle du pouvoir d’achat des salariés, ce serait un geste important. Le coût mérite effectivement d’être évalué, car les bénéficiaires sont très nombreux. Je crois que 7 millions de salariés pourraient être concernés.
J’accepte de retirer mon amendement, monsieur le ministre. Vu votre sourire, j’ai l’impression que vous lui réservez un accueil bienveillant, et j’ai confiance pour le PLFSS.
Dans ce contexte, ce que vous proposez, monsieur Baguet, me paraît tout à fait intéressant, mais, en réalité, ce que dit le ministre, derrière son sourire bienveillant, c’est « cause toujours ». Vous le constaterez lors de la discussion du PLFSS. Je vous assure que, malheureusement, votre proposition de bon sens – que je soutiendrai – ne sera pas retenue.
Imaginez si j’avais posé cette question ! Vous auriez d’ailleurs dû me laisser le faire. Le ministre aurait pris moins de gants pour nous dire qu’il n’est pas pensable de vouloir aggraver ainsi le déficit de la sécurité sociale !
Voilà ce que signifiait en clair son sourire bienveillant ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 148.
Le Gouvernement y est favorable.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 148, 29, 173 et 272.
(Ces amendements sont adoptés.)
Ils sont défendus.
Même position du Gouvernement.
Je les mets aux voix par un seul vote.
(Ces amendements sont adoptés.)
Ils sont défendus.
Le Gouvernement y est favorable.
Je les mets aux voix par un seul vote.
(Ces amendements sont adoptés.)
(La séance, suspendue le mercredi 11 octobre 2006 à zéro heure trente-cinq, est reprise à zéro heure quarante.)
Ils ont déjà été défendus et le Gouvernement s’est exprimé.
Je les mets aux voix.
(Ces amendements sont adoptés.)
(Ces amendements sont adoptés.)
(Ces amendements sont adoptés.)
(Ces amendements sont adoptés.)
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir amendement no 190.
Pour rendre l’utilisation du CET effective dans ces entreprises, il conviendrait donc d’en confier la gestion à des organismes agréés, contrôlés paritairement et connaissant parfaitement le fonctionnement et les contraintes des petites et moyennes entreprises. Les conditions de cet agrément et les modalités de fonctionnement de ces organismes paritaires de gestion des CET seraient fixées par décret.
En outre, il faudrait voir quelles seraient les conséquences de l’introduction de cette activité spécifique des OPCA sur les règles existantes de mutualisation de leurs fonds.
La commission a rejeté cet amendement, mais je suis persuadé que le Gouvernement aura des éléments complémentaires de réponse à nous apporter.
D’ailleurs diverses sociétés de gestion s’occupent déjà de CET. Cela permet la sécurisation des droits stockés par les salariés, notamment en cas de changement d’employeur. C’est une réponse à la mobilité professionnelle croissante des salariés, qui peuvent ainsi exercer une sorte de droit de suite quand ils passent d’une entreprise à une autre.
Votre amendement est donc déjà satisfait par l’article L.227-1 du code du travail. C’est pourquoi je souhaite que vous le retiriez.
J’en viens donc à l'amendement no 256.
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
La loi indique que « dans le domaine des activités sociales et culturelles, les comités d’établissement peuvent confier au comité central d’entreprise la gestion d’activités communes. Un accord entre le chef d’entreprise et l’ensemble des organisations syndicales représentatives peut définir les compétences respectives du comité central d’entreprise et des comités d’établissement. »
En pratique les conditions d’un tel accord ne sont presque jamais réunies, du fait notamment des différences entre ces établissements, qui n’emploient pas forcément le même type de personnels par exemple : chacun de nous pourrait citer des exemples d’établissements qui disposent de possibilités très importantes sans que l’ensemble de leurs personnels ne puisse en bénéficier. Il s’agit non pas d’un débat partisan, mais d’une simple question d’équité.
C’est pourquoi nous proposons d’assouplir la procédure afin de permettre une centralisation réelle des activités sociales. Je pense qu’il est possible aujourd’hui d’avancer sur cette question, qui a déjà été souvent évoquée.
Ceci étant dit, la logique serait, pour la signature de tels accords, de revenir au droit commun issu de la loi du 4 mai 2004, qui laisse la possibilité d’opter entre une majorité d’engagement ou l’absence de majorité d’opposition. Ce n’est pas la solution portée par votre amendement, qui ne retient que la première solution.
En outre, adopter cet amendement transformerait ce texte relatif à la participation en DMOS, ce que nous avons déjà exclu. Pour ces raisons, la commission a repoussé cet amendement.
Comme vous le savez, le Conseil économique et social étudie en ce moment ces questions de représentativité et de conditions de validité des accords collectifs. Il doit rendre un rapport sur ces thèmes. En tout état de cause, des échéances sont fixées par la loi du 4 mai 2004.
Je souhaite d’autant plus que cet amendement soit retiré que les navettes peuvent faire bouger les choses d’ici à la fin de l’année. J’aurais moi-même volontiers exprimé un avis favorable à cet amendement – je le dis en toute sincérité – s’il avait expressément renvoyé à la loi du 4 mai 2004, mais je ne nous vois pas anticiper sur des débats déjà suffisamment complexes du Conseil économique et social et dont nous espérons une conclusion au cours du mois de novembre.
(L'amendement n'est pas adopté.)
C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article. Sans parler des dangers inhérents à cette entreprise, le Gouvernement fait preuve d’un optimisme débridé en considérant que la partie législative est achevée. Aux dires des syndicats, les titres VI à VIII de la dernière partie n’auraient pas encore été traités.
C’est seulement en prenant tout le temps de l’examen qu’on obtiendra toutes les garanties nécessaires. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article 35.
En revanche, la commission a accepté l’amendement no 255, qui précise que la recodification se fera à droit constant. Quant à son amendement no 155, il est purement rédactionnel.
Nous ne pouvons naturellement pas être favorable à cet amendement de suppression. En revanche, nous apporterons, après le président Dubernard, un avis favorable à la précision que cette réécriture se fera à droit constant, car cela a toujours été de principe en matière de recodification.
Cette procédure garantit la qualité des travaux de recodification. Les services du ministère ont achevé la partie législative. La consultation des partenaires sociaux est prévue pour le 19 octobre prochain. Nous devrions donc avoir mené à bien ces travaux avant la fin de l’année, comme convenu, si du moins le Parlement veut bien nous autoriser à aller jusqu’au bout de cette procédure de recodification.
Bien qu’elle se fasse à droit constant, elle permet d’identifier certains problèmes et d’ouvrir le débat entre les partenaires sociaux dans le cadre du dialogue social.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
(L'article 35, ainsi modifié, est adopté.)
Mêmes positions que précédemment.
(Ces amendements sont adoptés.)
La parole est à M. Jean-Pierre Balligand pour défendre l’amendement no 18, deuxième rectification.
Il n’est pas d’une grande originalité puisqu’il reprend des propositions qui ont déjà été avancées. Nous avons en particulier fait nôtres des préoccupations exprimées par M. Philippe Marini, rapporteur général du Sénat, ce qui prouve que nous ne sommes pas sectaires. Celui-ci indique, en effet, dans son rapport d’information no 431, La loi de sécurité financière : un an après : « Le conseil d’administration doit concilier le caractère collégial de ses décisions avec l’épanouissement d’un principe interne du contradictoire, incarné par ses différents comités, en particulier ceux de rémunérations et d’audit, qui mériteraient une meilleure reconnaissance légale. »
Nous avons en quelque sorte essayé de codifier la composition du comité des rémunérations qui comprendrait plusieurs des membres du conseil d’administration, à l’exclusion du président, du directeur général et des éventuels directeurs généraux délégués et dont l'activité s'exerce en vue de préparer ses décisions.
Ce comité serait chargé d'examiner toute question relative à la détermination de la part variable de la rémunération des mandataires sociaux ; de définir les règles de fixation de la part variable des rémunérations des mandataires sociaux et de rendre compte dans un rapport annuel à l'assemblée générale joint au rapport prévu à l'article L. 225-100 du code de commerce de l'application de ces règles ; d'apprécier l'ensemble des rémunérations et avantages perçus par les mandataires au sein d'autres sociétés ; de juger des conséquences pour l'entreprise et les actionnaires, en matière de dilution du capital et de bénéfice par action, des plans d'options donnant droit à la souscription d'actions envisagés ou mis en œuvre ; enfin, d'établir un rapport annuel à l'attention de l'assemblée générale des actionnaires.
La commission a longuement discuté de ce sujet, et certains collègues de la majorité, s’appuyant sur leur pratique, approuvaient même notre proposition, que la commission a finalement jugé inutile d’inclure dans le texte. Elle permettrait pourtant d’éviter que les comités de rémunération ne soient que des coquilles vides. Au cœur du problème se trouvent en fait les stock-options, dont nous allons débattre plus particulièrement dans quelques instants, et qui sont des rémunérations annexes dévolues à certains cadres dirigeants.
Une certaine codification nous paraît à cet égard nécessaire, ce qui explique les règles détaillées de fonctionnement du comité des rémunérations que nous proposons. Il est temps, en effet, de ne plus laisser aller à vau-l’eau les pratiques en la matière, car, si certaines sociétés font preuve d’une bonne gouvernance, d’autres ne sont pas à l’abri de scandales. Certes, à chaque fois, le législateur, en particulier nos collègues de la majorité, s’empare du sujet, mais pour légiférer ponctuellement, a posteriori, et jamais pour établir des règles pérennes. C’est ce qui explique que notre système soit aujourd’hui bien trop défensif, fondé sur une législation qui est très en deçà de ce qu’elle devrait être.
Voilà pourquoi il serait bon, selon nous, de codifier la composition et la fonction des comités de rémunération.
La question des options d’achat s’est posée à notre corps défendant pour certains d’entre nous et j’espérais même, en qualité de président et rapporteur de la commission des affaires sociales, éviter le débat sur ce sujet. J’estime en effet que ce mécanisme n’a rien à voir avec la participation,...
Sur le principe, il est loisible de discuter du bien-fondé du système d’options d’achat. Il est à cet égard normal d’intéresser les dirigeants aux performances de leur entreprise, mais le cours de la bourse n’est peut-être pas pour autant le meilleur indicateur, d’autant que, dans la pratique, le système est largement dévoyé. On assiste en effet à la mise en place de mécanismes bancaires de couverture qui réduisent l’effet de levier et garantissent un rendement aux dirigeants, quels que soient leurs résultats. On en arrive ainsi à la formule de Joseph Stiglitz : « Face, je gagne, pile, tu perds », sachant que le « je » signifie le dirigeant et le « tu » le petit actionnaire – qui finance ces libéralités sans être conscient qu’elles sont forcément prélevées sur les fruits de l’entreprise –, voire le salarié, qui paiera, en fin de parcours, les fautes du dirigeant.
En revanche, nous pouvons développer des mécanismes vertueux qui feront contrepoids aux abus et aux inégalités que provoque le système des options de souscription. C’est d’ailleurs ce que nous faisons en favorisant la participation, l’actionnariat salarié ou le dividende du travail.
Les options de souscription, il faut en être conscients, ne sont qu’une part des rémunérations diverses et de plus en plus énormes attribuées aux dirigeants de quelques grandes entreprises. Cette part est particulièrement élevée en France, de l’ordre de 60 % en moyenne selon le rapport réalisé par Pascal Clément sur le gouvernement d’entreprise.
Le problème ne réside sans doute pas tant dans l’existence des options – qui constituent après tout un moyen assez logique d’incitation à la performance économique – que dans la dérive de la rémunération globale. Aussi, afin de moraliser l’usage des options de souscription d’actions, nous paraît-il plus efficace, plutôt que de rechercher, par des règles légales strictes, des solutions générales qui ne seront jamais parfaites, de parier sur la transparence et sur la responsabilisation des organes dirigeants des entreprises.
C’est pourquoi la commission a adopté l’amendement que M. le Premier ministre Édouard Balladur nous présentera par la suite.
Le Gouvernement répondra amplement à la proposition soutenue par M. le Premier ministre Balladur dans son amendement no 2, mais rejettera, même s’ils tendent à apporter des précisions et des clarifications, l’ensemble des autres amendements sur ce sujet qui n’est pas l’objet principal du texte soumis à l’examen de votre assemblée.
Dans ces conditions monsieur Balligand, il demande le rejet de votre amendement qui tend à donner une existence légale aux comités des rémunérations, dont vous souhaitez définir la composition et les missions.
Si nous sommes bien sûr favorables à une formalisation de la transparence s’agissant des règles et principes arrêtés par le conseil en matière de rémunération des dirigeants – sujet, je le répète, que nous aurons l’occasion d’évoquer lors de l’examen de l’amendement no 2 –, il nous paraît souhaitable, plutôt que de procéder à une codification, de laisser aux conseils d’administration le soin de désigner les membres de ces comités des rémunérations afin d’encourager les bonnes pratiques auxquelles vous avez fait référence et qui restent celles de nombre de sociétés.
Pour ce qui est de notre amendement, je ne crois pas, madame la ministre, qu’il s’agisse d’ajouter quelque chose de plus en la matière. Les comités des rémunérations, dans la plupart des entreprises dignes de ce nom, ont déjà une existence réelle. Depuis plusieurs années, de bonnes pratiques se sont développées, suite à de nombreux travaux. Je pense à ceux de M. Bouton, mais également aux réflexions de M. Bébéar et d’autres qui, issus du monde de l’entreprise – et qui ne peuvent être soupçonnés de vouloir le réguler de façon stricte – se sont suffisamment inquiétés de son évolution pour essayer de mettre en œuvre de bonnes pratiques.
Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi la loi ne codifierait pas les comités des rémunérations. Certes, monsieur le président de la commission des affaires sociales, nous ne sommes pas là au cœur du débat sur la participation, sur l’intéressement ou sur l’épargne salariale en général, mais c’est pourtant un sujet qui existe et qui est essentiel.
Dans mon rapport de 1999 sur cette même question au Premier ministre de l’époque, j’avais d’ailleurs fait, avec mon ami Jean-Baptiste de Foucauld, une suggestion qui n’a pas été retenue, mais qui mériterait d’être mise au débat si vous souhaitez vraiment, mes chers collègues, moraliser quelque peu le dispositif.
La généralisation des stock-options au niveau des dirigeants d’entreprise n’est pas qu’un débat fracassant réservé à la presse. C’est une évolution qui tend à déstructurer le monde de l’entreprise et à créer au sein de cette dernière une fracture non pas seulement, contrairement à ce que l’on croit, entre les ouvriers et les employés, d’une part, et les cadres dirigeants, d’autre part, mais entre les cadres dirigeants qui perçoivent ces stock-options, voire les golden parachute et autres pratiques qui se sont développées, et les autres cadres. On le constate en effet en discutant avec les chefs d’entreprises : il existe aujourd’hui chez les cadres une grande inquiétude qui les conduit, face à ces pratiques, à se démobiliser.
Pourquoi dans ces conditions ne pas retenir la proposition que j’ai présentée avec Jean-Baptiste de Foucauld, laquelle consiste à lier l’attribution des stock-options à un accord préalable d’intéressement dans l’entreprise ? Les grands discours sur la participation ou sur l’intéressement sont inutiles si l’on n’essaie pas, lorsque la valeur de l’entreprise augmente et que les stock-options ont alors intérêt à être levés, d’éviter ce hiatus qui tend à s’agrandir dans le monde de l’entreprise !
Au-delà de l’intéressement, qui reste bien entendu un dispositif attrayant pour l’ensemble du salariat, il faut éviter le découplage, qui devient pourtant systématique, entre cet intéressement et la rémunération des mandataires sociaux et des cadres dirigeants des entreprises.
Votre ambition ne doit pas seulement être de réguler cette pratique ; il faut aussi lui redonner du sens, de la lisibilité et de la cohérence par rapport à la participation, à l’intéressement et à l’épargne salariale. Si l’on veut moraliser le dispositif – sans même aller jusqu’à exclure, hormis pour les jeunes entreprises et les entreprises innovantes, la levée des stock-options, comme le prônent M. Dubernard et de nombreux collègues pourtant dans la majorité – pourquoi, alors que l’on ne cesse de parler depuis plusieurs jours de la relation entre les salariés et l’entreprise, ne pas créer un lien fort entre tous les salariés et les mandataires et cadres dirigeants qui perçoivent ces stock-options ?
À cet égard, ce modeste amendement sur les comités des rémunérations est loin d’être très révolutionnaire.
Je reconnais, madame la ministre, qu’il ne faut pas charger la barque, mais, de là à s’opposer à cet essai de moralisation des comités des rémunérations grâce à leur codification, est quelque chose que je ne comprends pas. Vraiment, je ne crois pas qu’il soit indécent d’essayer de renforcer un dispositif déjà en vigueur dans certaines entreprises.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Nous nous devons de moraliser le système. Les avantages dont bénéficient certains mandataires sociaux et chefs d’entreprise revêtent en effet un caractère choquant, pour ne pas dire scandaleux, d’autant qu’ils ne sont pas toujours liés à leurs compétences. On en a vu, alors qu’ils étaient pourtant fossoyeurs de leur entreprise, percevoir des sommes considérables ! Et même s’ils sont d’excellents chefs d’entreprise, ces hommes, aussi providentiels soient-ils, ne sont pas irremplaçables et ne peuvent justifier d’un aussi haut niveau de rémunération.
Aux États-Unis même, souvent pris comme référence en matière de stock-options et autres avantages pour les dirigeants…
Il ne s’agit pas simplement de dénoncer les abus ; il faut moraliser le système et se donner les moyens d’empêcher ces dérives. Soyons réalistes, il serait vain – M. Balligand l’a reconnu lui-même – de demander la suppression des stock-options parce que, dans les grands groupes internationaux, les patrons français pourraient s’en faire distribuer par leurs filiales étrangères. Mieux vaut essayer de mettre en place des mesures visant à favoriser la transparence des rémunérations, à réduire les avantages liés aux stock-options, comme la pratique du rabais qui peut aller jusqu’à 20 %, d’interdire les manipulations – certains lèvent leurs options le jour J, puis vendent leurs actions le jour J + 1, en encaissant au passage une belle plus-value, sans avoir opéré d’ailleurs un quelconque mouvement d’argent, car les mouvements d’argent sont virtuels. En revanche, le bénéfice de l’opération, pour eux, ne l’est pas.
Par ailleurs, il ne faut pas se contenter d’agir auprès des mandataires sociaux. Il est plutôt indispensable d’opérer une répartition plus équitable entre l’ensemble des salariés d’une entreprise, en privilégiant, par exemple, les distributions d’actions gratuites, ou en décidant des mesures fiscales et sociales qui pourraient être refusées aux systèmes qui privilégient les stock-options.
Pour aller dans ce sens, il me semble nécessaire d’assurer une vraie transparence sur l’ensemble des rémunérations, pas seulement sur les stock-options. Je propose donc, c’est l’objet de l’amendement no 289, que le rapport du comité des rémunérations fasse l’inventaire de l’ensemble des avantages des mandataires sociaux et qu’il fasse connaître la composition et l’activité du comité.
La demande exprimée dans votre amendement, monsieur Guillaume, me semble donc déjà satisfaite.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Maxime Gremetz, pour défendre l’amendement no 66.
Nous avons copié le système des stock-options ; en général, nous prenons à l’étranger les mauvaises choses, en laissant de côté les meilleures. Grâce au programme de stock-options que leur attribuent régulièrement les conseils d’administration, les dirigeants des sociétés du CAC 40 sont en possession d’un gain potentiel à réaliser estimé récemment à 700 millions d’euros. Ce régime privilégié, qui incite les PDG à ne prendre que des décisions propres à valoriser l’action de leur groupe, alimente la hausse régulière depuis une dizaine d’années de leurs rémunérations : en moyenne, la rémunération des PDG du CAC 40 a été, en 2005, de 2,2 millions d’euros.
Nous avons donné des exemples dans le cadre de la discussion générale, mais le plus bel exemple est donné par Zacharias de L’Oréal.
De telles sommes sont-elles gagnées honnêtement ? Quel mérite ont-ils ? On me répond qu’ils ont une lourde responsabilité. Mais un haut fonctionnaire n’a-t-il pas autant de responsabilités qu’un PDG d’une entreprise publique ? On me répond qu’ils ont des connaissances. Formidable ! Ce sont sûrement des surhommes. Je ne sous-estime pas du tout leurs compétences, je suis pour que les rémunérations prennent en compte la qualification mais au nom de quoi Owen-Jones gagnerait-il en un mois ce que représente 500 ans de travail d’un ouvrier qualifié ? Ne trouvez-vous pas cela honteux ?
De plus, aux salaires qui augmentent, aux stock-options et autres avantages, s’ajoutent les jetons de présence dans les différents conseils d’administration dans lesquels ils siègent, ce qui est loin d’être négligeable.
Les gens sont scandalisés de voir ça. Ils sont scandalisés qu’on laisse faire et qu’on puisse trouver cela normal et qu’on veuille moraliser cette pratique pour pouvoir la justifier.
Alors que 80 % des entreprises du CAC 40 disposent de plans de stock-options, seulement 1 % des salariés bénéficient de ce mode de rémunération et encore, dans ce pourcentage, la répartition est-elle très inégale.
Cela est choquant pour ceux qui travaillent dur et dont les revenus n’ont rien à voir avec ces sommes, mais c’est également choquant pour bon nombre de chefs d’entreprises qui se préoccupent non pas uniquement de l’aspect financier mais également de la qualité de leur production, de ce que celle-ci apporte au pays, de ce qu’elle permet de construir. Tous ne sont pas dans la financiarisation à tout prix.
J’avais demandé en commission, mais le rapport n’en fait pas état, qu’on nous communique, même si les statistiques sont difficiles en la matière par manque de transparence, les montants versés annuellement en France au titre des stock-options. Nous pourrions ainsi avoir un ordre de grandeur, à comparer aux sommes versées pour l’intéressement, qui concerne plus de personnes. Ce serait intéressant.
Il est difficile de demander aux salariés de se serrer la ceinture et à certains chefs d’entreprise de faire encore plus d’efforts pour maintenir leur entreprise à flot alors qu’à côté, d’autres réalisent des superprofits en vendant, comme l’a dit M. Guillaume, leurs stock-options au bon moment, avant d’oser prétendre qu’ils n’étaient pas au courant des difficultés de leur entreprise. Tandis que les dirigeants politiques nous expliquent qu’il faut redonner de la force à la valeur du travail, nous assistons au renforcement de la valeur financière.
À l’origine, les stock-options étaient destinées aux jeunes entreprises qui avaient peu de capitaux et qui avaient donc des difficultés à rémunérer les talents qu’elles voulaient attirer. Aujourd’hui, cela n’a plus rien à voir, le système est complètement dénaturé d’où les scandales et l’opprobre de l’opinion publique.
De plus, il est curieux de croire que le fait de faire monter la valeur d’une entreprise en bourse, valeur qui n’a quelquefois rien à voir avec sa valeur réelle, va améliorer le management de l’entreprise et sa gouvernance. On a connu, ces dernières années, malheureusement, quelques exemples cuisants qui prouvent le contraire.
Plusieurs solutions existent : plus de transparence ou interdiction aux mandataires sociaux de réaliser ces stock-options tant qu’ils ont ce statut, sinon, quoi qu’il en soit, il est difficile d’échapper au délit d’initié. Ce dernier terme pourrait être mis entre guillemets, car les dirigeants d’entreprise sont forcément dans une situation d’initié. M. Forgeard est allé jusqu’au bout, d’autres osent peut-être un peu moins, mais ils savent ce qui se passe dans leur entreprise, sinon ce serait inquiétant d’ailleurs.
Si l’on veut redonner confiance dans la valeur « travail », il faut promouvoir plus d’égalité et ne pas permettre que des dirigeants réalisent de super plus-values sans montrer qu’ils sont les meilleurs ou qu’ils travaillent plus que les autres.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Maxime Gremetz.
La Banque de France ajoute que le théorème d’Helmut Schmidt selon lequel les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain a vécu. Les profits records n’alimentent plus l’investissement. Le ratio entre l’investissement et le PIB se situe à son plus bas niveau depuis une dizaine d’années dans l’ensemble des pays du G7. Selon les statistiques données, les 100 premières sociétés ont plus de 1 100 milliards de dollars de liquidités, un niveau sans précédent ! Les actifs liquides représentent 9 % du total de leur bilan. C’est le signe que les entreprises ne savent pas quoi faire de leur argent et qu’elles privilégient les placements financiers sur les investissements physiques. Selon vous, les stock-options relanceraient la croissance, le développement des entreprises ? D’après la Banque de France, un tel phénomène expliquerait pourquoi tant de bénéfices sont redistribués aux actionnaires malgré la forte croissance de l’économie mondiale et la profitabilité de nombreux investissements. Et vous ne voulez pas voir cela ! C’est pourtant la Banque de France qui le dit, pas la Banque européenne !
Je vais donc mettre aux voix l’amendement no 66.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
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Voici le résultat du scrutin :
L’Assemblée nationale n’a pas adopté.
La parole est à M. Maxime Gremetz.
(La séance, suspendue à une heure quarante, est reprise à une heure quarante-cinq.)
L’Assemblée ne s’est pas encore prononcée sur l’amendement n° 279.
Je le mets aux voix.
(L’amendement n’est pas adopté.)
L’amendement n° 2 fait l’objet de quatre sous-amendements, nos 343, 48, 49 et 50.
La parole est à M. François Guillaume, pour soutenir l’amendement n° 286.
Je considère en effet que le conseil d’administration est quasiment coopté et que la ratification des administrateurs par l’assemblée générale n’est qu’une formalité. En outre, les administrateurs ont tout intérêt, parce qu’ils président généralement une autre société, à ouvrir largement la possibilité d’accès aux stock-options. C’est pourquoi je crains un certain manque de sévérité à l’égard de cette forme de distribution. Quoi qu’il en soit, je retire cet amendement au bénéfice de celui de M. Balladur.
Par l’amendement n° 295 je propose que les mandataires sociaux qui ont levé des stock-options ne puissent pas les vendre avant la fin de leur mandat. Nous nous souvenons de certains exemples précis en la matière. On risque toujours le délit d’initié dans le cas où un mandataire social, qui connaît parfaitement la situation de l’entreprise, vend des actions au bon moment, réalisant ainsi un profit intéressant tandis que d’autres, qui ne bénéficient pas des mêmes informations, doivent se contenter de l’évolution du marché. Trop éloignés de la corbeille, ces derniers ne peuvent évidemment pas dégager de profits aussi substantiels.
L’amendement n° 287 repose sur une autre notion, que j’ai d’ailleurs évoquée précédemment. Compte tenu de l’importance des stock-options distribuées, les intéressés, bien qu’ils soient généralement fortunés, ne disposent pas des moyens qui leur permettraient de racheter toutes les options qui leur sont offertes. Ils voient donc miroiter comme un mirage le bénéfice qu’ils obtiendraient s’ils pouvaient les acquérir.
Un système s’est donc mis en place : il permet, grâce à un achat fictif qui se résume à un simple jeu d’écriture, de réaliser par différence, dans les vingt-quatre heures qui séparent la levée de l’option et la vente des actions, un bénéfice substantiel. L’amendement vise à mettre fin aux polémiques que suscite cette pratique.
Enfin l’amendement n° 288 vise à obliger les dirigeants d’entreprise à opter entre les stock-options et l’attribution d’actions gratuites.
Du reste, toutes les entreprises reconnaissent que, peu à peu, les actions gratuites prennent le pas sur les options d’achat, ce dont je me réjouis. Cela est si vrai que, même aux États-Unis, on commence à reconnaître que la mécanique des options d’achat a des effets pervers et qu’il vaudrait beaucoup mieux distribuer des actions gratuites. Le mouvement que nous avons enclenché il y a quelques années se poursuit donc.
Pourquoi cette préférence pour les actions gratuites ? Tout d’abord, elles donnent lieu à moins de spéculation. Ensuite, elles diluent moins le capital et l’on en distribue moins, ce qui signifie que les montants distribués sont moins importants que celui des options d’achat.
L’amendement n° 2 propose que les mandataires sociaux se voient interdire le droit de lever leurs options pendant la durée de leur mandat ou se voient imposer, pendant celle-ci, l’obligation d’en conserver une partie. C’est le conseil d’administration ou de surveillance qui en décide. Je remercie M. François Guillaume de s’être rallié à cette proposition.
Le II de l’amendement prévoit en outre que les modalités de rémunération des mandataires sociaux soient mentionnées dans le rapport que le président du conseil d’administration ou de surveillance présente à l’assemblée générale.
Le III permet à l’AMF – l’autorité des marchés financiers – de se prononcer sur ces pratiques et ces rémunérations, de telle sorte que puissent être établies progressivement des règles de place.
Tel est l’objectif de cet amendement, dont je rappelle qu’il ne concerne que les mandataires sociaux, auxquels il impose l’obligation soit de conserver leurs options soit de ne les vendre qu’au terme d’une certaine période.
Le ministre de l’économie avait le souci que ces dispositions relatives aux options d’achat fussent étendues aux actions gratuites distribuées. Tel est l’objet du sous-amendement n° 343 des rapporteur et rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, qui sera appelé dans un instant et auquel je me rallie.
Je tiens à rappeler les raisons qui ont poussé la commission à voter cet amendement et pour lesquelles M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et moi-même partageons votre opinion, monsieur Balladur.
Les règles seront peut-être légèrement durcies, mais le choix entre plusieurs solutions sera laissé au conseil d’administration et la décision sera rendue publique, vous l’avez dit. L’AMF, recensant les pratiques des uns et des autres, pourra émettre des recommandations et pointer les pratiques bonnes ou moins bonnes. Elle jouera à ce titre un rôle important.
Permettez-moi, madame la présidente, de souligner quelques points, au nom de nos deux commissions.
L’amendement vise uniquement les mandataires sociaux. Il offre au conseil d’administration le choix entre deux options, sans indiquer a priori la proportion des actions que les mandataires sociaux devraient conserver jusqu’à la fin de leur mandat. Autant de mesures de bon sens.
Par ailleurs, la délibération du conseil d’administration ou du conseil de surveillance sera portée à la connaissance de l’assemblée générale des actionnaires et de l’autorité des marchés financiers. Il n’est pas proposé de fixer a priori la proportion d’actions devant être conservées, laquelle doit pouvoir varier en fonction des caractéristiques des entreprises, notamment de leur internationalisation.
Enfin, seuls les mandataires sociaux sont visés, car il serait injustifié de soumettre tous les salariés de l’entreprise à l’interdiction de la revente.
Pour toutes ces raisons, Patrick Ollier, les membres de la commission des affaires économiques, ceux de la commission des affaires culturelles et moi-même sommes pleinement favorables à cet amendement.
Nous avons cependant déposé un sous-amendement n° 343, que vous connaissez bien, monsieur le Premier ministre, car nous en avons parlé ensemble, et qui étend aux actions gratuites, pour des raisons d’équité et de cohérence, le mécanisme que vous proposez d’instaurer pour les options.
L’attribution d’actions gratuites constitue en effet une libéralité de l’entreprise envers ses dirigeants au même titre, voire plus encore, que l’attribution d’options, puisque les bénéficiaires de celles-ci doivent, quand ils les exercent, en débourser le prix, alors que, par définition, les actions gratuites ne leur coûtent rien.
Plutôt que de faire masse des actions gratuites et des options, il nous paraît préférable d’instaurer deux dispositifs parallèles. Les conseils d’administration devront séparément définir des règles de conservation pour les options et actions qui en sont issues, d’une part, et, d’autre part, pour les actions gratuites, en séparant bien les deux mécanismes.
De la sorte, les règles pourront être différentes, notamment si les attributions d’options et d’actions gratuites ont lieu dans des contextes différents, les unes pouvant être concentrées sur un nombre restreint de personnes, les autres pouvant profiter à l’ensemble des personnels. Le traitement séparé des options et des actions évitera également que des dirigeants ne fassent porter tout l’effort de conservation qui sera exigé sur une seule catégorie de titres.
Tel est le sens de ce sous-amendement.
Répétons cependant, même si le débat a apporté un peu de clarté, que les options d’achat forment un instrument de participation, puisqu’elles ne sont pas réservées, dans une entreprise, à une catégorie de salariés ou d’employés. Ce qui pose problème, ce sont les options d’achat des mandataires sociaux. C’est dans ce cas, en effet, que risque de se produire le délit d’initié, c’est-à-dire le passage à un acte pénal. Les scandales passés relèvent tous d’une telle situation.
Néanmoins, dès lors que l’on assure la transparence, comme nous l’avons fait, et que l’on impose des obligations de conservation ou des limitations de vente aux mandataires sociaux, on limite ce risque.
M. Balligand a rappelé le rôle du comité des rémunérations. Je n’étais pas hostile à l’amendement qu’il a présenté à ce sujet. En effet, on trouve actuellement des comités de ce type dans toutes les entreprises de bonne gouvernance. Que la loi les impose ne m’aurait donc pas gêné. Ce serait une manière de rendre les rémunérations plus transparentes encore.
Quoi qu’il en soit, le rapport du président-directeur général à l’assemblée des actionnaires sur le montant des rémunérations directes et indirectes assurera la transparence nécessaire. C’est la raison pour laquelle je retire ces trois sous-amendements.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’ensemble des amendements en discussion commune ?
Je rappelle rapidement la réglementation actuelle en matière de plans d’acquisition d’actions, terme qui a ma préférence, car il couvre à la fois les options d’achat et les options de souscription d’actions, qui sont l’une et l’autre visées.
Actuellement, quatre types de mesures visent à assurer la transparence et l’encadrement des attributions d’options : l’attribution des options par le conseil sur autorisation des actionnaires ; la limitation du prix auquel sont consenties ces options, puisqu’il ne peut excéder 80 % de la référence du cours boursier au cours des dix jours précédant la mise à disposition ; les fenêtres négatives, qui permettent d’encadrer l’attribution ; enfin, l’établissement du rapport spécial sur les options d’acquisition d’actions en vertu des articles L. 225-184 et L. 225-102-1.
Cependant, en l’état actuel de la réglementation et des règles de place, il n’existe pas véritablement d’encadrement de l’exercice de l’option ou de la cession des titres issus des levées d’option, ces dernières étant laissées intégralement à l’appréciation des entreprises, lesquelles se dotent très souvent, comme cela a été relevé, de codes internes pour régler ces questions. L’amendement n° 2 de M. Balladur prévoit l’encadrement, par le conseil d’administration ou par le conseil de surveillance selon la nature de la société, de la levée des options et de la cession des titres selon un mode alternatif. Il vient donc compléter très utilement le dispositif actuel.
Le sous-amendement n° 343 présenté conjointement par les présidents des deux commissions vise à étendre les dispositions de l’amendement n° 2 aux attributions d’actions gratuites, dont le mécanisme est assez proche des options d’acquisition d’actions. Cette proposition nous paraît d’autant plus judicieuse que, le Gouvernement souhaitant développer les attributions d’action gratuites, il y a lieu de leur appliquer le même type de dispositif d’encadrement et de transparence que pour les actions issues de la levée des plans d’acquisition d’actions. Les deux instruments de rémunération sont d’une nature juridique distincte, mais ils appellent une réponse identique dans le respect du parallélisme des formes.
Par ailleurs, l’amendement de M. Balladur vise à accroître la transparence des règles arrêtées par le conseil pour déterminer la rémunération des dirigeants et donne à cet égard compétence à l’autorité des marchés financiers pour approuver des recommandations de gouvernance d’entreprise. Ces deux mesures allant dans le sens d’un renforcement de la transparence et de la promotion des normes de place, le Gouvernement y est bien entendu tout à fait favorable.
Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement n° 2, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 343.
Prenons, par exemple, la douloureuse affaire d’EADS. Lorsque M. Forgeard a été auditionné par la commission des finances et celle des affaires économiques, je lui avais demandé s’il était incompétent au point d’avoir ignoré, comme il l’avait prétendu dans des déclarations stupéfiantes à la presse, l’important retard pour la livraison des premiers A 380. Je rappelle tout de même que ce retard a été annoncé le lendemain de la levée de ses options ! Cette affaire est douloureuse car, aujourd’hui, des milliers de salariés sont concernés par la restructuration en cours d’EADS. La question de la rémunération des dirigeants est donc bien cœur du sujet.
Je comprends votre tentative de moralisation, monsieur Balladur, mais vous placez le centre de décision au sein du conseil d’administration. En quoi cela changera-t-il quelque chose, puisque les mandataires sociaux qui y siègent s’auto-octroient eux-mêmes un nombre significatif de stock-options ? M. Zacharias, président de Vinci, a tout de même perçu 173 millions d’euros dans une affaire qui, de toute évidence, ne témoignait pas d’une bonne gouvernance. En quoi votre amendement empêchera-t-il que des situations comme celles qu’ont connues EADS et Vinci ne se reproduisent ?
Pourquoi ne pas privilégier l’assemblée générale des actionnaires plutôt que le conseil d’administration, puisque les petits actionnaires sont très attentifs au risque de dilution du capital que représentent notamment les stock-options ? Vous avez vous-même rappelé que, même aux États-Unis, il existe un mouvement qui remet en cause la généralisation des options d’achat au sein des entreprises.
Ce n’est pas en circonscrivant la décision au conseil d’administration que l’on résoudra les graves dysfonctionnements constatés dans le monde de l’entreprise. À trop légiférer de manière défensive, on ne remet jamais véritablement en question les dispositifs. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle mon groupe en arrive à penser qu’il vaut mieux supprimer la législation sur les stock-options.
Au reste, on est loin de l’esprit d’origine, qui faisait des stock-options un mode de rémunération dans les entreprises innovantes qui n’avaient pas de capital. Le problème concerne aujourd’hui de grandes entreprises très capitalisées, où les modes de rémunération annexes tendent à se multiplier.
J’ai lu attentivement le rapport de M. Guillaume. Il faut savoir ce que l’on veut. On ne peut pas dénoncer une situation et prendre des dispositions qui ne corrigent en rien les dysfonctionnements constatés.
La parole est à M. Xavier de Roux.
Pour en revenir au rôle du conseil d’administration, d’où est partie la querelle qui a abouti à l’éviction de M. Zacharias de Vinci, monsieur Balligand ? Précisément du conseil d’administration, qui n’était pas du tout satisfait des options d’achat qu’il se faisait remettre et qui, dans cette affaire, a joué tout son rôle.
Quant à EADS, j’ignore quel sera le résultat de l’enquête qui a été ouverte par le parquet, mais nous sommes manifestement au bord du délit d’initié. Il ne faut pas tout mélanger et éviter la démagogie.
Le premier problème qui se pose est celui des délits d’initiés, sur lequel est ensuite venue se greffer la question des rémunérations trop importantes des dirigeants.
En ce qui concerne les délits d’initiés, avec l’obligation de conserver les options un certain temps, voire jusqu’à la fin des fonctions, les conseils d’administration ou de surveillance auront la possibilité de les éviter. Première réponse à la première question.
La deuxième question n’entrait pas dans l’objet de notre amendement, mais je veux bien vous répondre, monsieur Balligand puisque vous me reprochez de ne rien faire contre les rémunérations excessives des dirigeants. Tout d’abord, la publicité est un frein aux excès ; or elle est améliorée par ce texte. Ensuite, en préférant la distribution d’actions gratuites aux options d’achat, on évite la dilution du capital et on distribue des montants moins importants, ce qui va également dans le sens que vous souhaitez. Enfin, l’obligation pour les mandataires sociaux de conserver plusieurs années les options d’achat évitera les mouvements spéculatifs.
En déposant mon amendement, je ne prétendais pas régler tous les problèmes de la rémunération des dirigeants d’entreprise, mais je voulais au moins donner un signal. Ce n’est qu’à l’usage que nous pourrons juger de l’effet des dispositions nouvelles que nous avons adoptées.
Pour moi, cependant, le vrai problème n’est pas posé. Il est le suivant : pourquoi, parce qu’on a eu la chance de faire de hautes études, parce qu’on est dirigeant d’entreprise et que l’on perçoit à ce titre des rémunérations considérables, se voit-on attribuer, en plus, des stock-options au mérite ? Alors que les hauts salaires des dirigeants ne cessent de croître, les stock-options et les actions se multiplient également. Pour moi, cela n’est absolument pas justifié, d’autant que tout cet argent ne va pas s’investir dans l’industrie, dans la technologie ou dans les hommes, contrairement à ce que l’on entend parfois ; il est absorbé par des placements financiers.
Le gonflement de la bulle financière provoqué par cet afflux d’argent aboutit à ce que l’on manque aujourd’hui d’investissements industriels et technologiques pour le développement de notre pays et de la coopération européenne.
Je vais me rendre prochainement à une réunion importante – s’il était là, M. Ollier saurait de quoi je parle, car il connaît bien le sujet –, celle des petits actionnaires d’Eurotunnel, que je défends. C’est un scandale ! Ces petits actionnaires ont été spoliés, pillés, ruinés, et par qui ? Par les gros, évidemment, qui détenaient la majorité. Je rappelle qu’il n’y a pas eu un sou provenant des fonds publics pour financer cette fantastique réalisation technique, car ni le gouvernement britannique ni le gouvernement français n’ont voulu investir dans le projet. Les milliers de petits actionnaires ont donc été les seuls à prendre des risques dans cette affaire et, aujourd’hui, ils en sont bien mal récompensés.
Voilà ce qui nous sépare sur le fond : pour ma part, je considère que le salaire doit être la seule rémunération de l’apport du travail et de la prise de responsabilités. Si certains, notamment les chefs d’entreprise, souhaitent prendre des actions en bourse, libre à eux de faire ce qu’ils veulent de leur argent. Je suis en revanche totalement opposé au principe des stock-options, qui ne me paraît en rien justifié.
(Ces amendements, successivement mis aux voix, sont rejetés.)
(Le sous-amendement est adopté.)
Je vais donc mettre aux voix l’amendement no 2, modifié par le sous-amendement no 343.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
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Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 27
Nombre de suffrages exprimés 25
Majorité absolue 13
Pour l’adoption 21
Contre 4
L’Assemblée nationale a adopté.
J’en profite pour faire observer à M. de Roux, qui a souligné que, à la différence des actions attribuées gratuitement, les options d’achat devaient, comme leur nom l’indique, donner lieu à un achat, que le rabais actuel de 20 % équivaut à une action sur cinq gratuite.
Par ailleurs, ceux qui bénéficient des options d’achat savent acheter et revendre les actions au bon moment pour en tirer un profit rapide, alors que les salariés qui se voient attribuer quelques actions gratuites auront plutôt tendance à les revendre en fonction de leurs besoins, c’est-à-dire pas forcément au meilleur cours.
L’amendement no 291 vise à imposer au taux le plus favorable les seuls plans d’option largement diffusés au sein du personnel des entreprises. Il s’agit d’une incitation à distribuer beaucoup plus largement qu’aujourd’hui et à ne pas réserver les stock-options aux mandataires sociaux et aux quelques cadres qui les entourent.
La commission a également repoussé l’amendement no 290. S’il s’agit d’établir une gestion sous mandat des options détenues par des dirigeants, on voit mal pourquoi celle-ci serait confiée à un commissaire aux comptes dont ce n’est pas la mission, et dont on peut d’ailleurs se demander s’il est autorisé à pratiquer une telle gestion.
Enfin, la commission a repoussé l’amendement no 291. À titre personnel, je m’interroge sur cette mesure d’incitation qui me paraît poser un problème de contrôle : comment l’administration fiscale pourra-t-elle déterminer, a posteriori, si une majorité de salariés a effectivement bénéficié de l’option ?
L’amendement no 294, qui vise à supprimer la faculté de diminuer le prix de souscription de 20 % par référence au cours de bourse des vingt jours précédents, constitue une proposition qui ne figure pas parmi les recommandations de place contenues dans l’amendement no 2 qui vient d’être adopté ; cette possibilité de rabais est d’ailleurs rarement utilisée par les entreprises. Il ne nous paraît donc pas opportun d’adopter cette proposition.
Le Gouvernement n’est pas favorable non plus à l’amendement no 290, lequel suggère qu’un commissaire aux comptes différent de celui qui examine les comptes de la société se voie confier les plans d’acquisition d’actions. En effet, les commissaires aux comptes ne sont pas habilités à faire de la gestion pour compte de tiers. Les modalités de la gestion des plans pourraient toutefois faire l’objet d’une recommandation de place, ainsi que le prévoit l’amendement no 2.
Enfin, pour ce qui est de l’amendement no 291, le Gouvernement est plutôt d’avis de maintenir la règle selon laquelle l’assemblée générale des actionnaires et le conseil d’administration encadrent précisément les plans d’acquisition d’actions, plutôt que d’instaurer une incitation fiscale variable selon le caractère généralisé ou non du plan au sein de l’entreprise.
(Ces amendements, successivement mis aux voix, sont rejetés.)
Par ailleurs, il serait intéressant que le travail d’évaluation de la performance future de l’entreprise réalisé lors de la mise en place d’un accord d’intéressement pour l’ensemble des salariés – je vous rappelle que les organisations syndicales sont obligatoirement signataires de ces accords – puisse utilement inspirer les critères d’attribution de la part variable de rémunération offerte aux mandataires sociaux, c’est-à-dire que l’on tienne compte de la croissance réelle de l’entreprise et pas seulement de sa valeur nominale.
(L’amendement n’est pas adopté.)
(L’amendement n’est pas adopté.)
J’ajoute que la portée réelle de cet amendement devrait être très faible, le bouclier fiscal ayant été institué pour les contribuables dont les revenus imposables sont faibles, mais qui sont assujettis à des impôts locaux ou à un impôt sur la fortune trop lourds pour eux, soit parce que leur capital n’est que peu productif, soit qu’ils ne peuvent en percevoir les fruits. Il ne me semble pas que les dirigeants des grandes entreprises entrent dans ces deux catégories.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
(L’amendement est adopté.)
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
(L’amendement est adopté.)
(L’amendement est adopté.)
Je le mets aux voix.
(L’article 41 est adopté.)
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
(L’article 43, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. Maxime Gremetz.
L’article 44 tend à modifier l’article 13 de la loi du 16 juillet 1984 sur le sport. Il prévoit que les sociétés anonymes sportives professionnelles, les SAPS, pourront demander à être cotées en bourse. Il s’agit là d’une double victoire : celle du patron de l’Olympique Lyonnais, dont l’intense lobbying va mettre fin à cette exception française, et celle de Bruxelles. En effet, dès avril 2004, la Commission avait mis la France en demeure de lever son interdiction et, le 14 décembre dernier, elle menaçait de saisir la Cour de justice des Communautés européennes.
Je suis pourtant étonné de ce revirement, monsieur le ministre, car vous disiez en 2003 dans une interview au magazine Le Revenu : « Bourse et football n’ont pas grand-chose à faire ensemble ». Comme quoi, il vaut mieux se taire parfois !
Vous semblez oublier que la plupart des 37 clubs cotés en Europe depuis 1983 ont connu de fortes désillusions. Le cours actuel de leurs actions est généralement inférieur au prix d’introduction. Ce phénomène s’explique principalement par le fait que les clubs de football ont des résultats financiers qui dépendent largement de leurs résultats sportifs, forcément aléatoires. Un seul exemple, celui de Dortmund, laisse songeur : introduit à 11 euros, le titre est aujourd’hui redescendu à moins de 2,50 euros !
En Espagne, la législation permet, depuis 2002, la cotation en bourse des clubs de football, mais aucun, jusqu’à présent, ne s’est risqué sur le marché. En Italie, trois clubs sont cotés pour des résultats très médiocres. En Angleterre, après l’enthousiasme initial, le mouvement de cotation engagé dans les années 90 ne s’est pas poursuivi et s’est même inversé, plusieurs clubs ayant renoncé ou s’étant retirés. Sunderland, Chelsea, Tottenham et Manchester United, présenté comme le club de football le plus rentable du monde et coté depuis 1991, se sont ainsi retirés de la bourse depuis 2004. Vous allez à contre-courant de l’évolution, monsieur le ministre !
C’est dire combien votre projet est loin de faire l’unanimité. À l’AJ Auxerre, par exemple on n’est pas du tout preneur. Jean-Claude Hamel, le président du club a ainsi déclaré : « La bourse n’est pas le problème de l’AJ Auxerre. Je ne voudrais pas tromper les gens sur quelque chose qui est trop lié aux incertitudes du sport. J’aurais honte ».
Ce non-sens économique montre paradoxalement combien vous êtes incapables d’avoir un projet politique qui échappe aux lois du marché. Pourtant, le maintien du rôle social du sport suppose le respect par les différents acteurs d’un socle commun de principes sportifs. Ce fondement ne saurait survivre si le pouvoir de l’argent devient la seule norme de référence.
Oui, monsieur le ministre, dans votre esprit, le sport n’est rien d’autre qu’un produit marchand dans une société marchande. Et, comme toute activité marchande, le sport professionnel est constitué, régi et déterminé par des règles qui le conduisent à la concurrence, à la sélection, à la concentration et à la recherche du profit ! Pierre de Coubertin doit se retourner dans sa tombe.
En trois ans, vous avez bien changé, monsieur le ministre. Certes, me direz-vous, seuls les imbéciles ne changent pas d’avis. Tout de même, sur une question de cette importance, on peut s’étonner. En 2003, vous avez affirmé : « La bourse n’est pas dans la culture sportive française. » Et cette année, vous avez déclaré que, grâce au flux financier généré par de nouvelles activités – restaurants, hôtels, centres commerciaux, etc. –, le stade devait devenir un « centre de vie et de profit ».
Je résume.
Quelques clubs professionnels de football, puissants et déficitaires, avec, à leur tête, un club ou plutôt une société sportive puissante mais pas déficitaire, font le siège des gouvernements successifs. À gauche, c’est non. À droite, c’est non aussi. À Bruxelles, c’est oui, sinon gare ! À Paris, le ministre, sportif, résiste, mais le ministre des sports plie devant l’injonction de l’Europe et la pression des lobbys. Cette cotation, c’est non pas une porte qui s’ouvre sur un avenir meilleur, mais une page qui se tourne tristement dans le grand livre du sport français.
J’avais apprécié, monsieur le ministre, ce que vous aviez déclaré en décembre 2003 dans Le Monde et que vient de rappeler M. Gremetz. En revanche, j’ai beaucoup moins goûté vos discours de cette fin d’année dans lesquels, pour atténuer la portée de votre capitulation, vous tentez d’expliquer qu’après tout, la cotation en bourse ne serait pas la plus mauvaise des manières pour permettre aux clubs professionnels de construire leur propre stade. À vrai dire, cet argument pèse aussi peu dans cet hémicycle que les actions des grands clubs européens dans la corbeille des places boursières concernées.
Jugez de la pertinence de l’article 44 au travers de quelques titres de la presse d’hier et d’aujourd’hui : « Piètres résultats sur le terrain boursier », « Les clubs de football ont-ils leur place en bourse ? », « Le football est un placement risqué », « La France est dubitative face à la cotation du foot », « Piètres performances pour les clubs de foot en bourse ».
Si l’on se réfère à l’indice DJ Stoxx Football, qui regroupe 27 clubs européens, on constate que le parcours de bon nombre d’actions de clubs professionnels reste erratique. Sur 42 clubs cotés dans huit pays d’Europe, moins de 10 % présentent aujourd’hui un cours supérieur à celui de leur introduction sur le marché.
Il est évident que le modèle économique des clubs européens n’est pas attractif pour les marchés.
D’abord, ils dépendent trop des droits versés par les télévisions : 60 % des revenus des équipes françaises viennent de cette source. Et – hélas ! – ou tant mieux, à cela vont s’ajouter les effets de la fusion Canal Plus-TPS.
Ensuite, il y a l’absence de maîtrise des charges salariales. Les salaires des joueurs ont ainsi augmenté de 10 % à 20 % chaque année depuis l’arrêt Bosman. De ce fait, 80 % du budget des clubs sont dévolus aux charges salariales.
Par ailleurs, l’économie des clubs dépend trop des résultats sportifs, d’un poteau rond ou carré. Une relégation en division inférieure a une grande influence sur le cours des actions. Alors que les marchés préfèrent le moyen ou le long terme, le sport n’offre qu’une visibilité sur une saison.
Enfin, les clubs sont d’autant moins attrayants que les marges financières dégagées sont, pour l’essentiel, captées par les joueurs et leurs agents. Il serait temps, d’ailleurs de légiférer sur ces derniers.
Mon propos n’est pas de vous convaincre que la bourse ne représente pas la panacée en la matière. Vous l’aviez rappelé en son temps, monsieur le ministre, mais vous avez été obligé de plier devant la Commission européenne, trop rapidement à mon goût cependant.
La spécificité de l’activité sportive est d’ailleurs inscrite comme un principe dans le Traité de Nice, toujours en vigueur aujourd’hui. C’était une marge de manœuvre qui semblait suffisante dans les médiations que nous appelions de nos vœux.
M. Jean-Baptiste Guillot, dans le rapport qu’il vous a remis en décembre 2005, ne disait pas autre chose : le recours à l’appel public à l’épargne n’est pas essentiel au renforcement de la capacité financière des clubs professionnels. En revanche, s’il est primordial de mettre un terme à la distorsion de concurrence qui sévit en Europe, n’oublions pas que la bourse est un symbole et pourrait engager les clubs dans une impasse.
J’ai rappelé, lors de la discussion générale, la réunion surréaliste qui a eu lieu dans votre ministère le 31 janvier dernier. Elle laissait malheureusement présager le destin fatal de l’éthique sportive. J’avais honte pour ces dirigeants de club qui réclamaient toujours plus de profits.
En un temps pas très éloigné, monsieur le ministre, vous défendiez encore la création d’une direction nationale de contrôle de gestion ; vous l’aviez indiqué dans L’Équipe, le 5 mars 2004. La DNCG, plus que la cotation en bourse, aurait permis de lutter contre les distorsions de concurrence, qui sont le résultat de vos actions en faveur du sport professionnel, et d’assurer une certaine équité sportive.
Malgré la bonne foi que vous revendiquez, vous avez cédé aux injonctions de la ligue et d’autres éléments très engagés dans ce combat. Ce lobbying est d’une redoutable efficacité, car les digues cèdent les unes après les autres.
La spécificité du système sportif français est plus que jamais en danger. Monsieur le ministre, les conseilleurs ne sont pas les payeurs.
Monsieur Gremetz, puis-je considérer que vous avez déjà défendu l’amendement no 177 ?
Son principe même ne nous convient pas : le sport n’est pas une marchandise comme les autres ; le club est un investissement boursier original, à la merci des aléas du système, lequel a d’ailleurs subi des échecs spectaculaires. En outre, cet article servirait moins les intérêts du football professionnel que ceux de ses dirigeants, qui comptent bien tirer les plus grands bénéfices de cette cotation malsaine. Nous ferons les comptes en temps voulu.
En matière de football comme d’options d’achat, la France n’est pas une île. Notre rôle ici est de trouver des solutions techniques. Cet article – je parle sous le contrôle du ministre – est rendu nécessaire par un avis de la Commission européenne du 13 décembre 2005…
En outre, l’article 44 instaure un équilibre entre l’exigence européenne d’ouvrir aux sociétés sportives la possibilité juridique de l’appel public à l’épargne et l’obligation pour les sociétés qui y ont recours d’établir un projet de développement d’activités sportives ou d’équipements garantissant leur stabilité et leur pérennité, comme la détention d’un droit réel sur les équipements sportifs utilisés pour l’organisation des manifestations ou compétitions sportives. Les deux Lyonnais présents dans cet hémicycle ce soir – Mme Comparini et moi-même – connaissent bien ces questions.
Ainsi rédigé, cet article 44 permet donc à la fois de répondre aux exigences du droit communautaire et d’adapter la procédure d’appel public à l’épargne en tenant compte des spécificités des activités et en répondant à des exigences qualitatives relatives aux objectifs poursuivis. La commission a rejeté ces deux amendements.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Je vous rappelle ce qui a conduit le Gouvernement à vous proposer cette disposition législative.
J’ai toujours considéré que le recours à l’épargne publique pour les sociétés sportives était une question seconde et secondaire : seconde, car d’autres priorités législatives s’imposaient, comme la loi portant diverses dispositions relatives au sport professionnel, adoptée en 2004, qui a renforcé la compétitivité de nos clubs ; secondaire, car seul un petit nombre de clubs est concerné. Il nous faut néanmoins modifier la législation nationale depuis que la Commission européenne, dans un avis du 13 décembre 2005, a enjoint à la France de lever l’interdiction absolue de recours à l’épargne public.
La Commission a considéré que les règles du marché intérieur devaient s’appliquer en la matière puisque les États, monsieur Gremetz, ne disposent pas de compétence d’appui en matière de sport. Si le traité constitutionnel avait été approuvé en 2005, la situation serait différente !
Quant à la DNCG, je suis d’accord avec vous, monsieur Nayrou : elle est nécessaire. Encore faut-il que les ministres des sports puissent mettre en place des compétences, au sein de l’Union, dans le domaine du sport. Malheureusement, le rejet du traité constitutionnel nous empêche d’engager cette action concertée.
Pour ma part, depuis plus de quatre ans, je m’efforce de convaincre la Commission européenne que la levée inéluctable de l’interdiction de recours à l’épargne publique par les sociétés sportives devait être assortie de précautions visant à sécuriser l’épargnant.
C’est pourquoi l’article 44 de ce projet de loi en encadre l’accès en imposant aux sociétés anonymes sportives de communiquer à l’autorité des marchés financiers des informations relatives à leur projet de développement – activités sportives et acquisition d’actifs destinés à renforcer leur stabilité et leur pérennité – notamment la détention d’un droit réel sur les équipements sportifs. Exiger, comme vous le proposez, la propriété d’un stade conduirait à imposer des conditions d’accès, ce que la Commission européenne jugerait inacceptable.
En revanche, l’objectif d’acquisition d’actifs – notamment la construction d’une enceinte sportive – est essentiel à la compétitivité de nos clubs. Ce texte vise à rattraper le retard de la France dans ce domaine. La construction ou l’acquisition d’un stade permet à un club de renforcer ses actifs, de diversifier ses recettes et de s’ancrer dans son territoire.
Par cette disposition législative, nous répondons à une double exigence : respecter le droit communautaire et sécuriser le recours à l’épargne publique qui n’est, je le rappelle, qu’un des éléments de la compétitivité de nos clubs sportifs.
Cette solution cohérente et équilibrée est soutenue par de nombreux acteurs du mouvement sportif, mais aussi par les maires concernés et par les clubs, notamment les clubs de football. À ce titre, je m’étonne que le maire socialiste de Lyon soutienne cette mesure – pressé de voir l’Olympique Lyonnais lever des capitaux en bourse – alors que son parti la rejette. Vous en conviendrez, il y a là une incohérence.
Enfin, je vous mets en garde, mesdames et messieurs les députés : si vos amendements de suppression étaient adoptés, contrairement à ce que pense M. Gremetz, ils aboutiraient à l’effet inverse de celui que vous prétendez rechercher : la France serait contrainte d’appliquer le recours à l’épargne publique sans pouvoir y apporter de limites. Je demande donc le rejet de ces deux amendements.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Henri Nayrou.
La mission d’évaluation et de contrôle sur les effets nocifs des normes fédérales en matière d’équipements sportifs, dont j’étais le co-rapporteur, avait conclu que les clubs professionnels devaient être propriétaires de leurs installations pour y faire du commerce, allégeant ainsi les impôts locaux. Lorsqu’ils constateront l’avancement du grand stade de Lyon, encore en gestation, les contribuables lyonnais seront en droit de vous demander où sont passés leurs impôts locaux, engloutis année après année par la modernisation du stade de Gerland ! Cela posera des problèmes. Or cette question reste sans réponse.
Par ailleurs, au lieu de laisser passer ce problème de cotation en bourse, vous auriez dû lutter, comme vous aviez su le faire avec d’autres armes, face à la Cour européenne. Monsieur le ministre, il n’y a pas de fatalité à l’échec : vous auriez dû imposer l’arrivée de la DNCG.
Enfin, monsieur le rapporteur, en sport comme partout, en particulier dans l’action législative, la somme des intérêts particuliers n’a jamais fait l’intérêt général.
Monsieur le ministre, quand un pays ne veut pas, il ne veut pas ! C’est votre fameuse concurrence libre et non faussée que vous vouliez nous faire avaliser, en particulier dans la Constitution que les Français n’ont pas acceptée ! Vous êtes pour une concurrence non faussée, ultralibéraliste, et je vais le prouver.
Interrogé par la presse sur la question de savoir s’il faut autoriser la cotation des clubs, vous ne dites pas un mot de ce que vous déclarez ici même. Je cite vos propos dans l’article de presse : « En France, les clubs – pour leur quasi-totalité – ne sont pas propriétaires de leur stade. » Vous ne dites rien d’une Europe qui vous obligerait à quoi que ce soit. Vous poursuivez : « La levée en bourse, que j’ai négociée, se fera à la condition que les clubs acceptent de se constituer des actifs. » Vous avez négocié, dites-vous en ayant l’air d’affirmer que c’est une grande victoire pour vous ! Vous ajoutez : « J’ai voulu éviter que les clubs ne profitent de l’argent des marchés pour le dépenser de façon irrationnelle, uniquement dans l’achat de joueurs. Car on sait que l’actif joueurs est aléatoire et se déprécie rapidement. En faisant cela, on protège les petits actionnaires. Deuxième chose, il faut inciter les clubs à diversifier leurs activités commerciales. »
Ici, à l’Assemblée nationale, vous nous expliquez en long et en large que c’est la Cour européenne qui a forcé la France. À l’inverse, dans un journal grand public, vous ne citez pas l’Europe et vous vous félicitez d’avoir bien négocié pour permettre de donner un nouveau souffle au mouvement sportif, de construire des stades et de développer des activités. Allons, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas tenir deux langages : un pour la représentation nationale et un pour le grand public !
Vous me décevez beaucoup : je croyais qu’un sportif avait des valeurs qu’il respectait toujours. Vous vous reniez vous-même, qui aviez déclaré en 2003 : « La bourse, pour moi, n’est pas dans la culture sportive française. » Aujourd’hui, vous dites que la France a changé, que la culture française fait que la bourse peut entrer dans le sport. On sait malheureusement que la bourse est partout : c’est ce qu’on appelle l’ultralibéralisme, auquel vous vous êtes converti, ce qui est fort dommage pour un sportif.
Je vais donc mettre aux voix les amendements nos 177 et 202.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
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Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 22
Nombre de suffrages exprimés 22
Majorité absolue 12
Pour l’adoption 5
Contre 17
L’Assemblée nationale n’a pas adopté.
(L’article 44 est adopté.)
C’est ainsi que vous nous présentez le chèque-transport. Ce chèque, pour le présenter brièvement, sera incitatif mais facultatif et sera exonéré de charges fiscales et sociales. Encore une fois, on oblige en rien, surtout pas les patrons !
Vous jouez avec les mots. À l’émotion suscitée par la hausse brutale et continue des prix des carburants qui ont réduit considérablement le budget des ménages, vous répondez par un chèque hypothétique, car à la discrétion de l’employeur – seul à décider s’il veut payer ou pas ! – et, de surcroît, défiscalisé et exonéré de cotisations sociales : encore une belle subvention publique, une de plus !
On aurait pu imaginer une politique plus ambitieuse, notamment en revenant à une fiscalité plus juste et en mettant à contribution les compagnies pétrolières.
Tout d’abord, on aurait pu mettre en œuvre un prélèvement exceptionnel sur les revenus financiers des compagnies pétrolières consécutifs aux augmentations de carburants et en redistribuer le produit aux Françaises et aux Français.
Cette envolée du pétrole conforte les dividendes, déjà très élevés, des compagnies pétrolières. C’est le cas de Total, tête d’affiche du CAC 40, qui présente des résultats en hausse de 41 % sur le premier semestre 2005, après avoir affiché en 2004 les bénéfices les plus importants jamais réalisés par une entreprise d’origine française, avec un résultat net de 9 milliards d’euros, en hausse de 23 % par rapport à 2003. Il en va de même pour BP dont les bénéfices se chiffrent à 6,6 milliards de dollars au premier semestre 2005. Même constat pour Exxon Mobil et Chevron.
Il serait temps de leur demander des comptes, mais, une nouvelle fois, au lieu de s’attaquer à cela, on ne leur demande absolument rien ! On ne peut se contenter d’un chèque-transport quand, en trois ans, les prix des carburants ont progressé de 28 % et que les profits des compagnies pétrolières doublé.
S’il y a, d’un côté, les profits des entreprises pétrolières, il ne faut pas oublier que, de l’autre, existent les rentrées fiscales pour l’État : près de 25 milliards d’euros au titre de la TIPP.
Avec ce chèque, vous ne touchez pas au cœur du problème. Pour y échapper, vous avancez cette mesure, contre laquelle nous ne pouvons pas voter, mais qui suscite de nombreuses réserves, la principale critique étant que son application reste à la discrétion de l’employeur. Nous avons déposé un amendement pour rendre ce chèque obligatoire dans l’attente des autres réformes que nous proposons, mais l’article 40 s’est dressé sur son notre chemin. C’est regrettable. Peut-être le gouvernement pourrait-il lever le gage ?
À défaut, ce chèque-transport restera une illusion, encore une fois, pour beaucoup, mais, quand les gens sont trompés, vous avez déjà pu juger de leurs réactions ?
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 344.
La région Ile-de-France dispose, depuis 1982, d’un dispositif relatif à la prise en charge, obligatoire, par les employeurs des trajets domicile - travail à hauteur de 50 %. Avec le chèque-transport, le Gouvernement souhaite encourager l’utilisation des transports collectifs tant en Ile-de-France que hors de la région. À cette occasion, il convient de donner un nouveau coup de pouce aux transports publics franciliens en encourageant l’employeur à porter au-delà de 50 % le taux de prise en charge des titres d’abonnements des salariés franciliens. Nombreux sont en effet ceux qui préfèrent encore leur véhicule personnel, alors même qu’ils pourraient bénéficier des transports publics à moindre coût. Cette mesure répond également aux objectifs de la politique environnementale du Gouvernement au profit des modes de transports moins polluants ; je vous sais, monsieur le ministre, qui êtes élu de Rambouillet, très sensible à cette question.
L’amendement no 216, déposé en commission par M. Georges Tron et repoussé, prévoyait que l’employeur pouvait prendre en charge les titres d’abonnement au taux de 75 %. L’adoption d’un tel taux aurait conduit à empêcher les employeurs qui l’auraient souhaité de procéder à une majoration à un taux plus important. C’est la raison pour laquelle la rédaction retenue par le présent amendement no 344 me paraît plus opportune : « L’employeur peut décider de porter au-delà de 50 % le taux de la prise en charge des titres d’abonnement souscrits par ses salariés. »
Le dispositif du chèque-transport, issu des négociations avec les partenaires sociaux, vise à encourager l’utilisation des transports collectifs dans les secteurs couverts par un plan de transport urbain. Le renforcement proposé par l’amendement du président Dubernard – reprenant les principes d’un amendement déposé par M. Tron, mais ouvrant plus largement les possibilités financières, à partir de 50 % – répond au souhait du Gouvernement.
La négociation avec les partenaires sociaux nous a permis de prendre en compte deux éléments importants.
D’abord, la reconnaissance des horaires décalés qui ne permettent pas aux salariés d’avoir accès à une offre de transport collectif. Ces derniers pourront bénéficier des dispositions alternatives au transport collectif au travers d’un soutien aux frais de carburant.
Ensuite, la sécurisation afin que le comité d’entreprise puisse prendre en charge le complément des frais de transport des salariés, que ce soit dans le secteur des transports collectifs ou dans celui du transport individuel.
Dans la logique environnementale de respect du protocole de Kyoto, qu’évoquait le président Dubernard, le Gouvernement entend d’abord privilégier les transports collectifs.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. Maurice Giro, pour soutenir l’amendement no 193.
La formulation étant dénuée de toute ambiguïté, pourquoi vouloir énumérer des catégories plutôt que d’autres ? Une telle énumération pourrait même être dangereuse, car le texte serait alors interprété comme sous-entendant, a contrario, l’exclusion des catégories d’employeurs non expressément citées.
Néanmoins, je comprends bien le souci qui a inspiré les auteurs de ces amendements − M. Giro en particulier −, et je vous demande, monsieur le ministre, si vous en êtes d’accord, de confirmer à notre assemblée que les particuliers employeurs pourront bel et bien bénéficier du chèque-transport. Une réponse positive réglerait tous les problèmes et les amendements pourraient être retirés.
Le dispositif est applicable, je le confirme, à tout employeur, qu’il soit personne physique ou personne morale, ce qui englobe les particuliers employeurs. Cette précision figure dans le texte. En ne ciblant que les particuliers employeurs, on risquerait d’affaiblir la rédaction.
Je rappelle également que les particuliers employeurs ont une convention collective, à la signature de laquelle j’ai d’ailleurs assisté, et que nous suivons ce dossier avec attention.
Je souhaite donc que ces amendements soient retirés, le Gouvernement ayant pris l’engagement très clair que la mesure concerne tous les employeurs.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Mes chers collègues, en attendant que les cinq minutes réglementaires soient écoulées, je vais demander à M. Henri Nayrou de soutenir l’amendement no 304.
Le dispositif imaginé par le Gouvernement à la fin de l’été était destiné à tenter de faire oublier l’impact de l’augmentation du pétrole sur le budget des ménages et à masquer les carences gouvernementales en matière de pouvoir d’achat.
Le brut flambe, la colère des usagers monte, les élections approchent, l’épreuve de vérité aussi. C’est alors que le Gouvernement sort de son chapeau l’une de ces mesurettes qui donnent bonne conscience à celles et à ceux qui, depuis quatre ans et demi, se sont davantage préoccupés des baisses d’impôts au profit des plus aisés que du pouvoir d’achat des moins favorisés.
Cette mesurette tend aussi à faire oublier que, des mois durant, l’équipe gouvernementale a préféré nier les hausses successives du prix du pétrole dans le seul dessein de refuser la mise en œuvre du mécanisme de la TIPP flottante, dispositif qui permet pourtant d’atténuer l’impact de ces augmentations démesurées sur le budget des ménages.
Ce chèque-transport ne transporte personne de joie, car il est loin de permettre d’atteindre les objectifs gouvernementaux. Il ne profitera qu’aux salariés, et seulement à une petite fraction d’entre eux, selon le bon vouloir de leur entreprise, puisqu’il n’est que facultatif. C’est là que je retrouve l’amendement no 225 de Mme Guinchard : pour aider véritablement tous les salariés, le chèque-transport devrait être au moins obligatoire, surtout quand on sait que, selon l’INSEE, le budget moyen des ménages consacré au transport est de l’ordre de 5 000 euros. Tout cela témoigne bien du caractère insuffisant du montant de l’aide.
Afin d’agir réellement pour assurer la défense du pouvoir d’achat des ménages, notamment des plus modestes, les députés socialistes ont souhaité, dans la proposition de loi no 3142 visant au soutien du pouvoir d’achat des ménages, réactiver la TIPP flottante, pour assurer de manière continue un lissage des effets des hausses du prix favorable à l’ensemble des consommateurs.
L’article 45 ne constitue pas non plus une mesure de promotion des transports collectifs et des modes de déplacement alternatifs à la voiture particulière. Au départ, ce dispositif peut sembler favorable au développement durable, puisque seuls les salariés dont le lieu de travail est situé hors des périmètres des transports urbains pourront bénéficier d’un chèque-transport pour l’utilisation de leur voiture particulière. Cependant, il n’en est rien.
Afin de promouvoir les transports collectifs et les modes alternatifs de déplacement, les pouvoirs publics ne doivent pas inciter les salariés à l’utilisation de la voiture particulière. Il faut, au contraire, favoriser le changement de mode de transport, c’est-à-dire s’attaquer aux causes, non aux effets. À cette fin, il serait plus utile de concevoir un dispositif de chèque-transport encourageant les modes de déplacement domicile-travail alternatifs à la voiture particulière, tels que les transports publics, le vélo − nous en avons à l’Assemblée –…
En ce qui concerne les déplacements individuels, la seule réponse en termes de pouvoir d’achat est d’agir directement sur les prix du carburant : on est ici loin du compte.
Je vais donc mettre aux voix par un seul vote les amendements no 193 et 223.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
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Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 20
Nombre de suffrages exprimés 20
Majorité absolue 11
Pour l’adoption 1
(Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Contre 19
L’Assemblée nationale n’a pas adopté.
Quel est l’avis de la commission ?
Madame la présidente, M. Gremetz embête tout le monde en multipliant les rappels au règlement, et voilà qu’il m’empêche de parler !
J’ajoute que le caractère facultatif du chèque-restaurant n’a pas empêché son essor. Il a au contraire connu une réelle dynamique, puisque la valeur totale des titres émis représentait 3,3 milliards d’euros en 2002, 3,4 en 2004 et 3,6 en 2005.
Lorsque, en 2000, des dispositifs ont été prévus dans le cadre de la loi SRU, ils n’avaient pas de caractère obligatoire, et ne proposaient aucune solution pour ceux qui n’avaient pas accès à des réseaux de transport collectif. En outre, ils ne pouvaient pas s’inscrire dans une négociation en tant que telle. Nous accomplissons, quant à nous, des progrès dont bénéficieront notamment les salariés, puisqu’ils sont visés dans leur ensemble. Un mode de préfinancement est prévu. Chaque année, les chèques-vacances et les chèques-restaurant, qu’évoquait le président Dubernard, représentent quelque 5 milliards d’euros mobilisés par les entreprises au profit des salariés. Ce sont pourtant des dispositifs facultatifs.
(L’amendement n’est pas adopté.)
(L’article 45, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le défendre.
La question n’est pas anodine à l’approche de nos débats budgétaires et financiers. Elle l’est d’autant moins que ce texte a multiplié les niches fiscales. Il serait d’ailleurs intéressant d’avoir le chiffrage complet de l’ensemble des mesures favorables, non pas aux salariés, mais aux autres.
Si ce chèque est de faible portée en raison de son caractère discrétionnaire, car à la seule initiative de l’employeur, et limité, car son montant n’est que de 100 euros par an, ce cadeau pour le patronat a un coût, que nous devons connaître, car il ne se justifie pas. Les raisons déjà évoquées sont toujours les mêmes : nous ne touchons pas aux profits scandaleux des compagnies pétrolières, qui pourraient être mis à contribution pour une redistribution de la TIPP.
Enfin, une dernière remarque : 100 euros par an, ce n’est vraiment pas grand-chose, ce qui caractérise bien l’annonce électoraliste de la mesure. Sachant qu’un plein d’essence coûte aujourd’hui entre 50 et 80 euros, on ne fait pas beaucoup de pleins avec 100 euros, monsieur Dubernard. Ce chèque transport est vraiment extraordinaire !
Le chèque de 100 euros ne pèse pas bien lourd, vous en conviendrez, et les Français se diront, une fois encore, que vous voulez les avoir avant les élections. En comparant cette mesure avec les profits des compagnies pétrolières et les taxes qui rentrent dans les caisses de l’État, ils se diront aussi que c’est toujours la même chanson – un cheval et une alouette – et ce sont eux qui nous chanteront un air à leur façon.
Le Gouvernement partage l’avis négatif de la commission.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je le mets au voix.
(L'amendement est adopté.)
(L'article 46, ainsi modifié, est adopté.)
(L'article 47 est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur.
(L'article 48 est adopté.)
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet auront lieu le mercredi 11 octobre après les questions au Gouvernement.
Questions au Gouvernement ;
Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi, nos 3175, 3337, pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié ;
Discussion du projet de loi, no 2972, adopté par le Sénat, relatif à la fonction publique territoriale :
Rapport, no 3342, de M. Michel Piron, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
Suite de l’ordre du jour de la première séance.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 11 octobre 2006, à trois heures trente-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton