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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 18 octobre 2006

17e séance de la session ordinaire 2006-2007


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LUC WARSMANN,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)

Loi de finances pour 2007

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2007 (nos 3341, 3363).

Cet après-midi, l’Assemblée a entendu les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Motion de renvoi en commission

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, à l’approche des élections, vous faites beaucoup de promesses. Vous promettez de réduire à la fois le déficit, la dette, les impôts et la dépense publique.

M. Didier Migaud. Le contraire de ce qui a été fait jusqu’à présent !

M. Augustin Bonrepaux. Pour résoudre la quadrature du cercle, on ne fait pas mieux !

Alors que le rapporteur général paraît s’extasier sur ce qu’il appelle des records historiques,…

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Miraculeux !

M. Augustin Bonrepaux. …il me paraît plus sérieux d’examiner les raisons qui ont conduit à vos records historiques en matière de déficit, de dette et de prélèvements obligatoires.

M. Didier Migaud. Il faut le dire !

M. Augustin Bonrepaux. L’audit que vous avez demandé en juillet 2002 situe le déficit entre 2,4 % et 2,5 % du PIB ; or vous l’avez immédiatement aggravé par les décisions que vous avez prises dans un collectif, comme du reste l’a reconnu, très honnêtement, le rapporteur général hier : « en votant le budget 2002, nous avons aggravé la situation budgétaire puisqu’il a fallu compléter pour 2,5 milliards de crédits insuffisants, inscrire 2,5 milliards pour nos priorités – justice, police, défense – et nous avons immédiatement baissé de 2,5 milliards l’impôt sur le revenu. » Erreur funeste pour nos finances !

M. Didier Migaud. Cinq milliards !

M. Augustin Bonrepaux. Quel aveu ! Votre politique de baisse d’impôts, non financée et reconduite chaque année, a aggravé le déficit et la dette pendant cinq ans et pour rien. Vous avez ainsi gaspillé, comme l’a reconnu le président de la commission des finances, 10 milliards d’euros…

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. J’ai vraiment dit cela ?

M. Augustin Bonrepaux. …qui n’ont servi à rien sinon à faire des cadeaux aux privilégiés.

Monsieur le président de la commission des finances, je vous donne acte qu’après les avoir votés, à chaque budget, vous les avez aussi régulièrement déplorés, y compris dans la presse en juillet 2005.

M. Didier Migaud. Cela s’appelle un acte de contrition !

M. Jean-Pierre Brard. C’est culturel, chez M. Méhaignerie ! (Sourires.)

M. Augustin Bonrepaux. Ce qui ne vous a pas empêché de voter une nouvelle réduction d’impôts dans le budget pour 2006.

M. Jean-Pierre Brard. Le problème, c’est que c’est nous qui faisons pénitence !

M. Augustin Bonrepaux. Promettre aujourd’hui, à la veille des élections, de redresser la situation catastrophique de nos finances publiques ne relève pas de l’exploit, mais de la nécessité d’être en mesure d’aborder les prochaines élections le mieux possible.

Mais si l’on compare la situation que vous allez laisser à celle que vous avez trouvée, le bilan est beaucoup moins glorieux. Vous avez trouvé un déficit de 2,6 % en 2002, fourchette supérieure de l’audit que vous aviez commandé. Il sera de 2,9 % à la fin de cette année. Où est le progrès ?

La dette de notre pays s’élevait à 56,2 % du PIB fin 2001. À la fin de cette année, elle sera de 66,6 %. Et vous nous promettez de la ramener à 63,7 % en 2007, soit encore 8 % de plus qu’en 2002. Où est le progrès ?

De plus, vous ne parvenez à cette réduction que grâce aux cessions d’actifs – je pense en particulier aux sociétés d’autoroutes dont les profits vont enrichir les sociétés privées au détriment de nos investissements futurs. Où est le progrès ?

Le chômage est revenu au niveau de 2002, grâce à tous les emplois aidés créés ces derniers temps et au transfert – on paraît l’oublier – de 300 000 chômeurs sur le RMI, qui ne cesse d’augmenter. Ils ne sont comptabilisés nulle part et pourtant le RMI a augmenté d’autant. Où est le progrès ?

M. Didier Migaud. Voilà de bonnes questions !

M. Augustin Bonrepaux. Quant au pouvoir d’achat, M. le ministre des finances nous a annoncé hier qu’il connaîtrait la plus forte progression de ces cinq dernières années, mais seulement en 2008, si ma mémoire est bonne ou si le compte rendu de la séance d’hier est fidèle.

M. Jean-Pierre Brard. Vantardise !

M. Augustin Bonrepaux. Mais il s’est bien gardé de le comparer au niveau bien supérieur qu’il avait atteint sous le gouvernement de Lionel Jospin !

Parler aujourd’hui de croissance du pouvoir d’achat aux petits retraités, aux petits fonctionnaires et à la plupart des salariés modestes, relève de la provocation : ils n’arrivent pas à joindre les deux bouts, car les salaires et les retraites ont stagné alors que toutes les charges – chauffage, électricité, carburant – augmentent ainsi que la plupart des impôts.

Car, dans le domaine des impôts, vous établissez des records, mais ces records ne sont pas pour tout le monde. Le niveau des prélèvements obligatoires est passé de 43,1 % en 2002 à 44 %, soit près de 1 point de PIB, soit 18 milliards.

C’est vrai que les impôts de l’État ont diminué – c’est incontestable : ils sont passés de 15,5 % en 2002 à 15 % en 2006. Mais pour qui ont-ils diminué ? Essentiellement, pour les plus aisés. On retrouve là tous les cadeaux fiscaux, les réductions de l’impôt sur le revenu, la baisse de l’ISF. Pendant les cinq dernières années, la baisse de l’ISF aura d’ailleurs été votre préoccupation essentielle, une véritable obsession.

M. Michel Bouvard. Mais non, son produit augmente tous les ans !

M. Augustin Bonrepaux. Il n’y a pas eu une seule loi de finances sans amendements visant à réduire l’ISF, même si un certain nombre d’amendements ont été refoulés. Mais certains auraient bien voulu en remettre une louche.

M. Didier Migaud. Ils ne pensent qu’à ça !

M. Augustin Bonrepaux. S’il n’y a pas eu d’amendement cette année, c’est uniquement en raison de la proximité des élections, car vous savez que ce n’est pas populaire ; leurs auteurs ont donc été priés de garder leurs amendements.

M. Jean-Pierre Brard. Ils en seront frustrés !

M. Augustin Bonrepaux. Mais, bien sûr, ils se promettent de recommencer si, par hasard, le peuple français leur en donnait les moyens !

M. Jean-Louis Dumont. C’est hors de question ! (Sourires.)

M. Augustin Bonrepaux. Ils justifiaient ces propositions au nom de l’emploi et contre les délocalisations. Mais où est le résultat ?

Parlons des expatriés célèbres, par exemple de celui que M. le ministre a chargé d’un rapport que l’on cite souvent : a-t-il l’intention de revenir de Suisse ?

M. Jean-Louis Dumont. Un expert !

M. Augustin Bonrepaux. Et de celui, célèbre aussi, soutien bien connu de M. Sarkozy, qui a l’intention de s’expatrier en Belgique,…

M. Jean-Pierre Brard. La Belgique n’en veut pas !

M. Augustin Bonrepaux. …d’où il a été refoulé pour l’instant : sera-t-il incité à rester en France ?

Quel bilan pouvez-vous présenter pour l’emploi ou les délocalisations ?

En fait, vos baisses d’impôts n’ont concerné que la tranche supérieure des contribuables les plus aisés, mais pour tous les autres, la grande majorité des Français, il n’y a eu, malheureusement, que de fortes augmentations. Et d’abord pour la sécurité sociale, dont le taux est passé de 21,4 % en 2004 à 22,2 % en 2006, soit une augmentation de 0,6 %. À cette augmentation, il faut ajouter tous les déremboursements de médicaments, la hausse du ticket modérateur, du forfait hospitalier journalier et, bien sûr, les cotisations des mutuelles, qui sont bien obligées de prendre le relais.

Et puis, il y a les collectivités locales !

M. Jean-Louis Idiart. En effet !

M. Augustin Bonrepaux. Leur taux de prélèvement est en effet passé de 4,9 % à 5,7 %. Il est bien sûr facile d’en rejeter la responsabilité sur les élus et de faire de ces derniers des boucs émissaires.

M. Didier Migaud. Quelle hypocrisie !

M. Augustin Bonrepaux. Selon vous, leur seul souci serait de dépenser, car, comme l’affirme le président de la commission des finances : « la dépense publique est électoralement payante ».

Mais quand on examine les chiffres de plus près, la réalité saute aux yeux. Et il faut revenir à cette réalité.

Je vois que M. le ministre est en train de s’informer auprès de ses collaborateurs, sans doute pour être en mesure de me répondre tout à l’heure correctement ! (Sourires.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Vous nous manquerez, monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. C’est la raison pour laquelle je resterai le plus longtemps possible.

M. Jean-Pierre Brard. Les revers électoraux, cela peut aussi exister à Meaux, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ne prenez pas vos désirs pour des réalités !

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, vous ne cessez de critiquer les collectivités locales.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Mais non !

M. Augustin Bonrepaux. Vous ne faites que ça !

Je voudrais donc appeler votre attention sur quelques chiffres. L’augmentation de la fiscalité locale a été de 0,1 % seulement en 2003, de 0,3 % en 2004 et 2005 et de 0,1 % en 2006. C’est bien la preuve que ce sont vos transferts qui ont provoqué ces augmentations.

Du reste, lorsque vous accusez les collectivités locales…

M. Didier Migaud. Injustement !

M. Augustin Bonrepaux. …d’augmenter les impôts pour satisfaire leur électorat, vous êtes pris en flagrant délit, monsieur le président de la commission des finances, de mensonge.

M. Didier Migaud. Eh oui !

M. Augustin Bonrepaux. Et je vais vous le prouver.

Le rapport sur l’évolution de la fiscalité locale publié en 2005 montre le contraire, bien que le rapporteur Hervé Mariton, qui nous fait aujourd’hui le plaisir de son absence, ait complètement dénaturé la réalité. Ce rapport fait état du rapport de M. Alain Guengant, directeur de recherche au CNRS, qui vous permettrait d’établir d’utiles comparaisons entre ce que nous avons fait et ce que vous avez fait, avant de critiquer notre action au gouvernement.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il y a pourtant de quoi !

M. Augustin Bonrepaux. Sur un de ses graphiques sont représentées en bleu les augmentations de taux ; en gris, les augmentations de base. Or que constate-t-on ? De 1993 à 1996, sous les gouvernements Juppé et Balladur, les taux augmentent. De 1997 à 2002, sous le gouvernement Jospin, ils baissent, et les collectivités locales se désendettent. À partir de 2003, les taux augmentent de nouveau.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ce tableau est illisible !

M. Augustin Bonrepaux. Est-ce une coïncidence ? Eh bien non ! En 1993, M. Balladur a réclamé un effort aux collectivités locales en instituant un pacte de stabilité ; en 1997, le gouvernement Jospin a mis en place un pacte de croissance ; à partir de 2003, votre gouvernement a imposé aux collectivités locales des charges de décentralisation, ce qui a conduit à une augmentation des taux. En réalité, chaque fois que vous avez été au pouvoir, …

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Les choses se sont améliorées !

M. Augustin Bonrepaux. …vous vous êtes défaussés sur les collectivités locales.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Mensonge !

M. Augustin Bonrepaux. Les augmentations que vous leur avez imposées tiennent à trois raisons principales : la décentralisation, l’obligation de participer à des compétences de l’État et les réductions de crédits et de subventions.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. N’importe quoi !

M. Augustin Bonrepaux. Examinons tout d’abord le rôle de la décentralisation.

Pour l’année 2005, l’État doit 850 millions aux collectivités locales, comme le montrent les comptes administratifs. Pour l’année 2006, cette somme s’élève à ce jour à près de 1 milliard, et atteindra sans doute au mois de décembre 1,2 milliard ou 1,3 milliard. Autrement dit, au titre de 2005 et 2006, cela équivaut à 2 milliards d’euros. Si les comptes sont équilibrés, c’est sur le dos des collectivités locales !

Il y a ensuite tout le reste, à commencer par les agents TOS dont le transfert est loin d’être entièrement compensé car on sait qu’avant la décentralisation, les postes étaient insuffisants dans les collèges et les lycées. À l’article 14 figure un tableau présentant les taux de compensation par département, qui n’est accompagné d’aucune explication – le rapporteur général en a peut-être eu, pas nous. Les multiples erreurs qu’on peut y relever ne peuvent reposer que sur le fait que l’État ne fonctionne pas aussi bien que vous les dites. Depuis le 31 août, date limite fixée pour l’exercice du droit d’option, le Gouvernement n’est pas fichu de ne nous faire connaître le nombre des postes transférés aux collectivités locales. J’ai pu vérifier que le chiffre que vous avez fourni pour mon département est ridicule : il ne représente pas même 10 % des chiffres réels !

Il faut aussi évoquer le transfert des routes. Citons à ce propos l’une des conclusions de la Commission consultative de l’évaluation des charges, que vous vous êtes bien gardé d’évoquer puisque vous ne nous réservez que celles qui vous avantagent. Une de ses résolutions, adoptée à l’unanimité, indique que le transfert des routes va se traduire par une charge supplémentaire pour les collectivités locales, donc par une augmentation de la fiscalité locale.

M. Jean-Louis Idiart. Augmentation colossale !

M. Jean-Louis Dumont. Sans compter la dégradation des routes !

M. Augustin Bonrepaux. Ainsi, toutes vos décisions se font au détriment des impôts des ménages, dont le caractère injuste est pourtant bien connu.

Il en va de même de la réforme de la taxe professionnelle. Elle mobilise aujourd’hui les élus, qui ne s’étaient pas rendu compte que la réforme était en vigueur depuis l’année dernière. Mais maintenant qu’ils en subissent les conséquences, ils ont pris conscience que chaque variation de taux leur sera comptée le moment venu. Ils vous demandent de reporter l’échéance. Mais cela ne servirait à rien sans correction de la réforme elle-même. Quand vous plafonnez des départements à 65 % ou des intercommunalités à 90 %, dites-moi quelle marge de manœuvre subsiste, surtout si, de surcroît, les bases se rétrécissent du fait de difficultés économiques ? Ils n’ont d’autres solutions que d’augmenter l’impôt des ménages. Une fois de plus, c’est bien la preuve que vous faites porter tout le poids des transferts sur ces derniers.

En outre, vous n’avez pas eu le courage d’harmoniser la taxe professionnelle et de faire en sorte que les entreprises qui ne payaient pas suffisamment fassent l’objet d’une revalorisation.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Et l’emploi !

M. Augustin Bonrepaux. Vous avez préféré rejeter la responsabilité sur les élus en les obligeant à augmenter les impôts des ménages. Cela n’a rien de glorieux de votre part !

M. Jean-Louis Dumont. Ce n’est pas convenable !

M. Augustin Bonrepaux. Dans tous les domaines, les collectivités sont obligées d’augmenter les impôts les plus injustes, qui frappent essentiellement les plus modestes.

Si les transferts liés à la décentralisation sont la plus importante raison des augmentations d'impôts, ils ne sont pas la seule : non contents de transférer des charges non compensées, vous demandez aux collectivités locales de participer au financement des compétences de l’État.

Prenons l’exemple des lignes de TGV : chaque fois que vous voulez en construire, vous vous tournez vers les régions et les départements pour qu’ils participent à leur financement.

M. Jean-Louis Dumont. Ce sont les collectivités qui ont payé le TGV-Est !

M. Augustin Bonrepaux. Avec le récent transfert des routes, on aurait pu penser que les responsabilités étaient clairement établies : les routes nationales à l’État, les routes départementales aux départements. Mais comme l’État est privé de la manne que représentaient les recettes des autoroutes, après la vente de celles-ci, il se tourne vers les départements pour subventionner les routes nationales. Est-ce bien là l’esprit de la décentralisation ?

M. Didier Migaud. C’est du chantage !

M. Augustin Bonrepaux. Voilà encore une raison de l’augmentation de la fiscalité locale !

Quant aux communes, vous leur demandez de financer les bureaux de poste que vous mettez en difficulté en diminuant la participation de l'État au contrat avec La Poste.

Pis, alors que vous devriez organiser la couverture territoriale des services de santé, compétence nationale s’il en est, vous demandez aux collectivités locales de contribuer à l’installation des médecins, et aux départements d’en assurer la formation. Encore une source de dépenses pour les collectivités qui souhaitent conserver leurs services !

En troisième lieu, on ne peut pas passer sous silence la réduction drastique des subventions d'équipement.

Au moment même où vous avez décentralisé les routes vers les départements, vous avez réduit leur dotation d'équipement. C’est à n’y rien comprendre !

M. Jean-Louis Dumont. C’est raffarinesque !

M. Augustin Bonrepaux. Non seulement vous transférez des charges, mais vous récupérez des recettes.

Pour les communes et les intercommunalités, la suppression du Fonds national de développement d'adduction d'eau s'est traduite par une forte réduction des subventions destinées à l'équipement en adduction d'eau et à l’assainissement des zones rurales. Dans l'article 26, vous faites encore mieux, puisque vous puisez dans les crédits des agences de bassin, alimentés par les consommateurs, …

M. Jean-Louis Dumont. Ce n’est pas une pompe à eau, c’est une pompe à fric !

M. Augustin Bonrepaux. …pour financer le Conseil supérieur de la pêche. C’est un comble quand on sait que la taxe piscicole diminue !

Une fois encore, cet exemple illustre parfaitement ce que nous avons appelé, monsieur le ministre, vos tripatouillages. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous créez un nouvel organisme et, pour le financer, plutôt que d'assumer votre responsabilité, vous puisez dans la caisse des agences de bassin en laissant aux élus la responsabilité des augmentations des taxes sur les consommateurs pour combler ce prélèvement.

M. Jean-Louis Dumont. Quelle démonstration implacable !

M. Augustin Bonrepaux. Pour terminer sur cette question, il faut examiner la réduction de toutes les subventions d'investissement qui paralysent aujourd'hui la plupart des collectivités locales et compromettent l'avenir des territoires ruraux.

La réduction drastique des crédits de la culture pour l'entretien des monuments historiques se traduit par la paralysie de la plupart des chantiers.

M. Jean-Louis Dumont. C’est toucher au résultat du dur labeur de nos ancêtres !

M. Augustin Bonrepaux. Je vous citerai encore l'exemple éclairant de la région Midi-Pyrénées, où les crédits de la culture, divisés par dix, représentent pour cette année à peine le tiers des crédits gaspillés pour la réintroduction d'ours slovènes !

Le château d'Estaing, dans l'Aveyron, certainement en raison de son intérêt historique bien connu, capte l’essentiel des crédits. Dans le même temps, les travaux de restauration des peintures du XVsiècle de Notre-Dame-de-la-Sède à Saint-Lizier, en Ariège, sont en panne depuis juillet 2005. Et nous ignorons quand ils reprendront.

M. Jean-Louis Dumont. Quel scandale !

M. Augustin Bonrepaux. Voilà la réalité de votre conception de l’aménagement du territoire !

M. René Dosière. Vous devriez parler plus fort, le ministre ne semble pas vous entendre !

M. Augustin Bonrepaux. En effet, il doit être concentré sur un jeu vidéo !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je prépare ma réponse !

M. Augustin Bonrepaux. J’espère qu’elle sera aussi documentée que mon intervention !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ne me sous-estimez pas !

M. Augustin Bonrepaux. S’agissant des contrats de plan, monsieur le ministre, vous avez travesti la réalité en prétendant que les retards d’investissements étaient liés aux années 2000 et 2001. Il est vrai que certains projets ferroviaires n’étaient pas prêts.

Cependant, à partir de 2001 et 2002, des crédits importants ont été consacrés aux contrats de plan. En revanche, en 2003, 2004 et 2005, des réductions drastiques ont eu lieu.

M. Didier Migaud. Exactement !

M. Augustin Bonrepaux. Seule la vente des autoroutes vous a permis, les élections approchant, de rattraper le retard en 2006. Mais je vous rappelle que ces crédits ne sont pas renouvelables. On ne vend qu’une fois !

M. Didier Migaud. Eh oui !

M. Jean-Louis Dumont. C’est un fusil à un coup !

M. Augustin Bonrepaux. Lorsqu’il était ministre de l’équipement, Gilles de Robien avait dit, alors qu’il s’opposait à la vente des autoroutes : « On vend une fois ; on pleure pendant trente ans ! »

M. Michel Bouvard. Parfois, on ne vend même pas du tout !

M. Augustin Bonrepaux. Vous, vous avez vendu et ce sont vos successeurs qui pleureront pendant trente ans. Car on peut se demander comment seront désormais financés les travaux routiers.

Je vous parlerai maintenant d’un département que je connais bien.

M. Philippe Rouault. L’Ariège !

M. Augustin Bonrepaux. Sur les trois opérations prévues dans le contrat de plan, une seule a été engagée en 2003 et, depuis décembre 2004, les travaux sont en panne.

Mes chers collègues, vous qui vous rendrez certainement prochainement au congrès national de l’Association nationale des élus de montagne, l’ANEM, vous pourrez constater que les travaux sont en panne, et ils le resteront jusqu’au printemps prochain. En somme, sept ans seront nécessaires pour réaliser des travaux qui devaient durer normalement quatre ans. C’est un record !

M. Philippe Rouault. C’est à cause des conditions climatiques !

M. René Dosière. M. Bouvard ne pourra pas se rendre au congrès de l’ANEM !

M. Augustin Bonrepaux. Quant aux deux autres opérations, elles sont abandonnées. Du reste, je me demande comment elles pourront bien être financées. En tout cas, vous en laissez le financement à vos successeurs.

S’agissant de l’éducation, toujours dans mon département, l’État aura engagé 2 % des crédits qui étaient prévus pour l’antenne universitaire de Foix. Peut-on parler d’aménagement du territoire et de contrat de plan ?

Mes chers collègues, si vous vous penchez sur la situation des contrats de plan dans vos départements, vous voterez certainement avec moins enthousiaste ce budget.

Peut-on parler d’aménagement du territoire…

M. René Dosière. Non !

M. Augustin Bonrepaux. …alors qu’aucun crédit n’est inscrit sur le fonds national d’aménagement et de développement du territoire, même pour les projets créateurs d’activité ?

Pour combler ce vide qui risquait de vous être préjudiciable à l’approche des élections car il suscitait la colère des territoires ruraux, vous avez inventé les pôles d’excellence ruraux.

M. Michel Bouvard. Excellente initiative !

M. Augustin Bonrepaux. Les études seront faites en 2007 et les pôles seront financés en 2008, mais on ne sait par qui, ni comment.

M. Marc Le Fur. Ils sont déjà financés et je peux vous citer des exemples !

M. Augustin Bonrepaux. Voilà une belle promesse, mais j’ai l’impression que vous avez quelque peu oublié dans ce domaine l’esprit de la décentralisation.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. J’y arrive, monsieur le président, mais je prends le temps d’expliquer ce qu’est le pôle d’excellence rural.

M. René Dosière. Laissez-le s’exprimer, monsieur le président, c’est l’une de ses dernières interventions !

M. Jean-Louis Dumont. Le moment est historique !

M. Augustin Bonrepaux. On aurait pu penser que, dans le cadre de la décentralisation, les décisions auraient été déconcentrées au niveau des départements ou des régions. Mais, au lieu de cela, le Gouvernement préfère décentraliser les charges et recentraliser les crédits.

M. Didier Migaud. Bonne formule !

M. Augustin Bonrepaux. Les décisions se prennent dans l’intimité politique du cabinet du ministre et selon des critères mystérieux. Mais on constate que la plupart des départements dirigés par la droite – je peux citer l’Ain, la Corrèze, le Cantal, la Lozère, l’Aveyron – bénéficient de quatre ou cinq projets…

M. Philippe Auberger. Que des beaux départements !

M. Augustin Bonrepaux. …tandis que l’Ariège, le Gers et le Lot doivent se contenter d’un seul. Pourquoi ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Rouault. Cela tient sûrement à la valeur des projets !

M. Augustin Bonrepaux. C’est certainement au nom de l’égalité républicaine !

M. Philippe Rouault. Procès d’intention !

M. Augustin Bonrepaux. Vous ne voulez aménager que les départements dirigés par la droite !

M. Marc Le Fur. Caricature !

M. Augustin Bonrepaux. Cela n’a rien d’une caricature : c’est la triste réalité. Et je vous invite, mon cher collègue, à regarder avec moi la liste des contrats. Bref, vous pratiquez une politique politicienne.

En conclusion,…

M. le président. Merci, monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. …que reste-t-il comme contrats de projets dans les territoires ruraux ? Que des miettes. En effet, aucun crédit n’est prévu en matière de politique touristique, par exemple. Vous devriez vous rappeler qui a créé la politique d’aménagement du territoire ! Vous êtes en train de la faire disparaître.

Mes chers collègues, avant de vous extasier sur ce budget prétendument vertueux, regardez de plus près la situation, l’état de vos services publics, le financement des projets de vos territoires, les déficits qui figurent dans les comptes administratifs de vos budgets, des communes, des départements, des régions, parce que l’État n’est pas en mesure de payer les crédits qu’il doit aux collectivités locales. Alors, vous vous rendrez compte que la situation de nos finances publiques est bien plus inquiétante que ne le présente ce budget, qui ne mérite pas notre confiance. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste se lèvent et applaudissent vivement.)

M. Jean-Louis Dumont. La République a un sauveur !

M. Didier Migaud. Ne nous quitte pas, Augustin !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Bonrepaux, j’ai la lourde charge de vous répondre ce soir…

M. Augustin Bonrepaux. Surtout que vous ne m’avez pas écouté !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Tâche difficile car, si j’ai bien compris, c’est la dernière fois que vous présentez une motion dans le cadre de la discussion d’un projet de loi de finances, puisque vous ne souhaitez pas briguer un autre mandat de parlementaire, à moins que vous ne changiez d’avis entre-temps.

Certains, qui vous regretteront, penseront que vous avez été tel que vous-même ce soir, le Bonrepaux que l’on connaît, très légèrement excessif,…

M. Philippe Auberger. Tout en nuances !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …peut-être un peu partisan…

M. Jean-Louis Dumont. Mais non, plein de conviction républicaine !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …et, en tout état de cause, extraordinairement caricatural. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. Ça, c’est partisan !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Bref, vous avez été l’Augustin Bonrepaux comme on l’aime.

Comme c’était votre dernière intervention, il aurait été de bon goût que j’invite votre assemblée, par amitié pour vous et reconnaissance pour le travail parlementaire que vous avez fait au service de la République, à adopter cette motion de renvoi en commission. (Sourires.)

M. Augustin Bonrepaux. Faites-le !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Encore aurait-il fallu pour cela que vous y mettiez un peu du vôtre ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Souhaitez-vous que je reprenne mon argumentation ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Or vous avez passé votre temps à critiquer ce gouvernement. Mettez-vous donc à ma place : comment voulez-vous que j’appelle votre assemblée à adopter une motion qui ferait passer des mois et des mois de travail à la trappe, alors que nous essayons de tout faire pour redresser la situation catastrophique que nous avons trouvée en 2002.

M. Augustin Bonrepaux. Je n’ai fait que dire la vérité !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je concentrerai mon propos sur les collectivités locales. En la matière, je ne peux pas vous laisser dire qu’elles n’ont pas augmenté leurs impôts.

M. Augustin Bonrepaux. Je n’ai pas dit cela !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous avez cité le rapport de M. Guengant. Pour ma part, je vous citerai celui de M. Bourdin, au nom de l’Observatoire des finances locales.

M. Jean-Pierre Brard. Qui est M. Bourdin ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il est sénateur et l’un des meilleurs connaisseurs français des finances locales. Il y en a d’autres ici et je pense notamment à Augustin Bonrepaux ou René Dosière.

M. Jean-Pierre Brard. On pourrait aussi citer Jean-Pierre Fourcade !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En tout cas, on ne peut pas vous citer car vous êtes peu présent sur ces questions.

Entre 2004 et 2005, la taxe communale a augmenté de 1,8 %, la taxe départementale de 4,3 % et la taxe régionale de 21 %. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les Français peuvent mesurer assez clairement ce qui se passe quand la gauche a des responsabilités quelque part ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

De même, en ce qui concerne les relations de l’État avec les collectivités locales, vous avez été très dur. Mais qui a supprimé la part salariale de la taxe professionnelle ?

M. Charles de Courson. Dominique Strauss-Kahn !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous avez raison, monsieur de Courson, mais je préfère ne pas donner de nom et me contenter de dire que c’est la gauche, car elle est en pleine campagne électorale. Je ne voudrais pas donner le sentiment de vouloir peser sur le choix de l’un ou l’autre des candidats à la candidature.

M. Didier Migaud. Vous avez suffisamment à faire dans votre propre camp !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Pour votre part, monsieur Migaud, vous pourriez me remercier de n’influencer personne, car c’est dur pour vous en ce moment !

Qui a supprimé la vignette ? Si ce n’est pas l’un, c’est l’autre !

M. Charles de Courson. Fabius !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Voyez, il y en a pour tous les goûts !

Qui a supprimé la part régionale des DMTO ? C’est encore vous !

M. Jean-Louis Dumont. Et Ségolène Royal, qu’a-t-elle fait ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Pour ce qui est de la compensation des transferts, nous respectons les textes en vigueur, monsieur Bonrepaux, et vous le savez très bien. Nous avons versé depuis la décentralisation toutes les sommes que l’État consacrait aux compétences qu’il transfère à l’euro près…

M. Augustin Bonrepaux, M. Jean-Louis Dumont et M. Didier Migaud. Non, pas à l’euro près ! Il y a des millions d’euros de différence !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …sous le contrôle de la commission d’évaluation des charges.

Dans le projet de loi de finances pour 2007, les articles 13 et 14 que vous avez cités prévoient un transfert de 1,4 milliard d’euros aux régions et de 800 millions d’euros aux départements.

À l’instar de ce qui a été évoqué par le président de votre commission des finances, j’en appelle à la transparence sur le montant des dégrèvements financés par l’État et sur celui de l’ensemble des dotations et subventions payées rubis sur l’ongle par l’État aux collectivités locales, notamment pour couvrir les dépenses de RMI, bien au-delà de ce que la loi prévoit. J’aurais aimé, monsieur Bonrepaux, un mot de remerciement sur ce sujet, car cela fait partie d’engagements qui n’étaient pas prévus par la loi. J’aurais souhaité également qu’en d’autres temps M. Jospin se montre aussi zélé lorsqu’il a annoncé la création de l’APA sans prévoir un euro pour les départements pour son financement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le président du conseil général de l’Ariège que vous êtes n’en dit pas un mot. Mais, soyez rassuré, le président du conseil général de Seine-et-Marne n’est pas plus bavard que vous sur cette question. Vous avez donc un point commun, mais il est vrai que vous avez la même sensibilité politique.

S’agissant de la taxe professionnelle, monsieur Bonrepaux, j’assume la réforme que nous avons engagée. Elle permet enfin de mettre les choses au clair dans les relations fiscales entre les collectivités locales et les entreprises. Jusqu’à présent, 200 000 entreprises étaient imposées entre 3,5 % et 10 % de leur valeur ajoutée. Désormais, ce n’est plus possible.

M. Augustin Bonrepaux. La charge est transférable sur les ménages !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Moi, je connais des communes qui n’ont jamais augmenté leur taux avant la réforme et je n’ai pas de raison de penser qu’elles le feront après.

M. Augustin Bonrepaux. Ne vous plaignez pas ensuite que les impôts des ménages augmentent !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il va bien falloir assumer sa part de responsabilité : ceux qui augmentent les impôts doivent prendre la mesure des conséquences possibles pour les contribuables. On ne peut pas à la fois se plaindre des délocalisations et refuser de voir que la fiscalité locale peut avoir des incidences majeures dans les décisions qui sont prises.

Sur tous ces sujets, nous avons bien des différences, monsieur Bonrepaux,...

M. Augustin Bonrepaux. Sûrement, sinon je ne serais pas là !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. ...comme nous en avons sur les contrats de plan État-régions. J’appelle votre attention sur le fait que, à la fin de l’année, leur taux d’exécution sera de 81 %. C’est un peu mieux que les contrats précédents qui, à la même étape, en étaient à 79 %.

M. Jean-Louis Idiart. N’importe quoi !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous n’avons donc pas à rougir de ce que nous avons fait.

M. Jean-Louis Idiart. Vous devriez être écarlate !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous continuerons d’honorer nos engagements, comme nous l’avons fait pour le FNADT, puisque j’ai indiqué que j’allais abonder cette enveloppe, ce qui me paraît la moindre des choses au regard des engagements pris devant les Français.

Telles sont les réponses que je voulais apporter au parlementaire engagé et courageux que vous êtes, monsieur Bonrepaux. Même si je ne partage pas les convictions fortes que vous défendez, je vous dois beaucoup de considération et de respect. Pour autant, je ne puis que demander à votre assemblée de rejeter sans états d’âme cette motion de renvoi en commission, que je désapprouve totalement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Didier Migaud. Quel dommage !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Par amitié pour M. Bonrepaux, et pour instiller le doute dans son esprit,...

M. René Dosière. Ce sera difficile !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ...je vais lui demander de lire un petit livre rouge...

M. Jean-Pierre Brard. Séquence nostalgie !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ...que je vais lui offrir. Il est écrit par Yves Fréville, dont la rigueur intellectuelle n’a jamais été contestée sur les bancs de cette assemblée.

En Bretagne, le président de région, devant la réaction suscitée par la hausse de 25 % des impôts, a déclaré à la tribune du conseil régional qu’il ne fallait pas s’inquiéter puisque 50 % des habitants ne payaient pas la taxe d’habitation.

Je m’en tiendrai à deux exemples, pour vous faire comprendre que, si l’État transfère des responsabilités qui ne sont pas toujours compensées totalement, il prend en charge une part croissante des impôts locaux.

M. Charles de Courson. Hélas !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. La démonstration tient en quelques chiffres : dépenses des collectivités locales : 180 milliards d’euros ; taxe d’habitation payée par les contribuables : 12 milliards d’euros ; impôt sur le foncier bâti payé par les contribuables propriétaires : 15 milliards d’euros ; dotations de l’État, de la DGF jusqu’aux dégrèvements : 79 milliards d’euros. Il n’y a pas de pays en Europe où le pourcentage des dépenses prises en charge par l’État soit aussi élevé.

M. Charles de Courson. Si, la Grande-Bretagne !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. C’est un cas spécial, vous le savez, ccompte tenu de la période de Mme Thatcher.

À Pamiers, par exemple, qui compte 15 000 habitants, le pourcentage des personnes imposées au taux plein est de 30 %, celui des non-imposés qui ne paient pas un centime de taxe d’habitation est de 36 % !

M. Philippe Rouault. C’est énorme !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Les autres qui bénéficient de dégrèvements partiels représentent le reste, à savoir 34 %. Avec une telle répartition, on est sûr que la dépense continuera à progresser puisque la taxe d’habitation ne représente que 12 milliards sur 180 milliards de dépenses.

M. Charles de Courson. Dans ce domaine, rien n’a été fait !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Ainsi, certains élus n’hésitent pas à proposer une hausse de 25 % puisque, de toute façon, 50 % des électeurs ne paient pas. Arrêtons cette démagogie si nous voulons responsabiliser nos compatriotes !

M. René Dosière. Vous avez sacralisé les dégrèvements !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Quant à la taxe professionnelle, je félicite le Gouvernement. Dans ma communauté d’agglomération, plus de 65 % des bases sont plafonnées, et une hausse ne pourrait être répercutée que sur les 35 % restantes. Mais, quand je vois le nombre d’entreprises soumises à la compétition mondiale qui subissaient des augmentations de 10 % à 15 % – en même temps d’ailleurs que les hausses de tarif d’EDF, qui s’est laissée aller –, j’estime que ce qui a été fait par le Gouvernement en matière de plafonnement de la taxe professionnelle rend service à l’emploi. On ne peut pas à la fois défiler pour l’emploi et protester contre cette mesure qui va dans le sens de la compétitivité des entreprises et de la préservation de l’emploi.

Puissé-je avoir instillé le doute dans votre esprit, cher monsieur Bonrepaux, tel est mon seul souhait. Et je vais vous offrir ce livre, qui devrait vous convaincre de mettre un peu d’eau dans votre vin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le groupe socialiste.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, je voudrais saluer avec une certaine émotion l’intervention de notre collègue Augustin Bonrepaux, qui s’exprime pour la vingt-cinquième fois sur un projet de loi de finances. Il est en effet élu depuis 1981, sans jamais avoir été battu par le suffrage universel.

M. Jean-Louis Dumont. C’est un excellent cru !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Et une excellente circonscription !

M. Didier Migaud. Il n’y a que des circonscriptions qui se gagnent et le suffrage universel sanctionne le travail accompli, monsieur le ministre. Augustin Bonrepaux a précisément démontré qu’il méritait la confiance renouvelée de ses électeurs de l’Ariège. Depuis vingt-cinq ans, il les défend, comme il défend d’ailleurs l’ensemble de nos concitoyens, avec beaucoup de conviction, beaucoup de compétence. Ses qualités sont reconnues bien au-delà des bancs de la gauche et il passe pour un des meilleurs spécialistes des collectivités locales et de la fiscalité locale. Ses interventions sont toujours appréciées pour leur pertinence. J’en veux pour preuve qu’il obtient difficilement des réponses sur le fond aux questions qu’il pose : il lui est souvent répondu sur un mode polémique car il est difficile de réfuter ses arguments.

Je veux lui dire, au nom du groupe socialiste, qu’un budget de la France sans Augustin Bonrepaux n’aura pas la même saveur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Il y manquera à la fois sa capacité de raisonnement et la passion qui l’anime. Oui, Augustin Bonrepaux a la passion de son pays, la passion des finances publiques et locales, ce qui lui vaut reconnaissance, respect et considération. Il sait que le groupe socialiste sera toujours à ses côtés. Nous aimerions qu’il reste auprès de nous, mais il a fait un autre choix. Nous espérons qu’il continuera de mener le combat au moment du collectif budgétaire pour, encore une fois, porter haut la parole du groupe socialiste.

Vous avez en quelque sorte, monsieur le ministre, fait l’impasse sur plusieurs questions soulevées par Augustin Bonrepaux. En adoptant dans vos réponses un ton polémique, vous avez souvent pris des libertés avec le mot d’ordre de votre ouvrage dans lequel vous condamnez la langue de bois.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous êtes l’un de ses meilleurs agents publicitaires !

M. Didier Migaud. Au moins faudrait-il s’efforcer de ne pas la pratiquer dans l’hémicycle.

Hier, à la suite de la question préalable défendue par notre collègue Jean-Claude Sandrier, vous avez interpellé la gauche en lui demandant : « Augmenteriez-vous les dépenses, les impôts et les déficits, comme vous avez si bien su le faire entre 1997 et 2002 ? » Comment pouvez-vous, monsieur le ministre, proférer de telles contrevérités ? Le niveau des impôts aujourd’hui est-il moins élevé qu’il ne l’était en juin 2002 ? La réponse est non. Vous ne pouvez donc pas affirmer que la gauche a été la principale responsable de l’augmentation des prélèvements obligatoires, car ce n’est pas vrai !

En ce qui concerne les dépenses, je ne reprendrai pas l’argumentation de Gilles Carrez – lorsqu’il est dans ses fonctions de rapporteur général, et non pas de flatteur général, comme je l’ai dit hier –, ni celle de Charles de Courson. Il en ressort que la dépense publique a plutôt augmenté depuis juin 2002.

M. Charles de Courson. Eh oui !

M. Didier Migaud. Cela prouve que, contrairement à ce que vous déclarez, vous ne maîtrisez pas la dépense publique, tout en remettant en cause des politiques publiques essentielles pour nos concitoyens. J’aimerais aussi avoir votre réponse sur ce point, mais je comprends que vous préfériez changer de pied, comme on dit au rugby.

À propos des déficits, Augustin Bonrepaux a opportunément rappelé que l’audit, que votre gouvernement avait commandé, avait fait apparaître, dans les hypothèses les plus défavorables, un déficit des comptes publics autour de 2,5 %. Nous n’en sommes pas encore revenus à ce chiffre et le déficit s’est même aggravé par rapport à celui que vous avez trouvé en arrivant. Comment pouvez-vous exprimer une telle satisfaction devant la dégradation des comptes publics ? Vous avez regretté, la main sur le cœur, que l’UDF partage notre analyse et que la Cour des comptes vous adresse quelques piques sévères. Mais il est difficile de nier la réalité.

C’est pour cela qu’il nous paraît utile de revenir devant la commission des finances.

M. Marc Laffineur. L’orateur dispose de cinq minutes, monsieur le président, et nous l’écoutons depuis un quart d’heure !

M. Didier Migaud. Je vous sens impatient, mon cher collègue...

M. le président. Merci de conclure, monsieur Migaud.

M. Didier Migaud. Je souhaite en effet que notre assemblée permette à la commission des finances de poursuivre son travail. Certains points méritent manifestement d’être éclaircis et clarifiés, compte tenu des discours contradictoires des uns et des autres. Il est dans le rôle de la commission des finances de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, nous devons décider s’il y a lieu de renvoyer le projet de loi de finances en commission. J’avoue qu’avant d’entendre Augustin Bonrepaux, ma religion n’était pas faite. (Rires.) Convenez que son argumentation était particulièrement pertinente. Pourtant, il a dit exactement le contraire de ce que vous dites ! Vous ayant longuement écouté hier après-midi, j’ai vraiment trouvé que M. Bonrepaux était plus convaincant que vous.

Monsieur le ministre, pour pouvoir se faire une opinion objective, il faut donc retourner en commission, d’autant que vous avez invoqué la justice sociale et que M. Bonrepaux a souligné le fait que vous avez baissé les impôts des plus riches. C’est ce que j’avais également noté, sans, toutefois, réussir à vous convaincre, alors que vous êtes tout de même le premier à savoir que vous avez baissé les impôts des plus riches ! Du reste, je vous ai montré sur le sujet des graphiques tout à fait éloquents !

Vous avez également confié une mission à Alain Prost. Il fait partie de ces gens dont Danton disait qu’ils s’expatrient comme s’ils pouvaient emporter leur patrie à la semelle de leurs souliers, avec les billets de banque !

M. Charles de Courson. Et Thorez ?

M. Jean-Pierre Brard. M. de Courson se réveille dès qu’on parle des privilégiés ! Laissez-moi vous rappeler que l’un était à Moscou, l’autre à Londres, tous deux défendant la patrie profanée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Novelli. L’un plus que l’autre !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, vous n’avez pas parlé de Johnny Hallyday qui, pour n’être pas un grand intellectuel, n’en est pas moins un expert en la matière. La commission des finances doit donc également se réunir afin de savoir pourquoi les Belges ne veulent pas de lui !

M. Jean-Louis Idiart. D’autant plus qu’en Belgique, c’est le Parlement qui décide !

M. Jean-Pierre Brard. À cela s’ajoute le débat entre le président de la commission des finances et Augustin Bonrepaux. Vous voyez donc, mes chers collègues, qu’il faut retourner devant la commission.

En outre, M. Copé a prétendu que le projet de budget permet de compenser à l’euro près les transferts de charges aux collectivités locales. Ce serait peut-être vrai si l’on portait en la matière un regard purement statique, celui que l’on porte sur les étiquettes dans une épicerie. Mais ce serait ignorer les dégâts collatéraux causés par votre politique et dont les présidents des conseils généraux doivent assumer les conséquences financières – notamment en matière de RMI.

Vous avez également pris à partie nos collègues socialistes,…

M. Didier Migaud. Bien injustement !

M. Jean-Pierre Brard. …les accusant d’avoir supprimé la part salariale de la taxe professionnelle.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est exact !

M. Jean-Pierre Brard. C’est exact, en effet. Mais du coup, le renvoi en commission se révèle d’autant plus nécessaire que nous pouvons déduire de votre accusation que vous êtes favorable au rétablissement de la part salariale – ce qui serait nouveau ! Du reste, je vous suivrais volontiers sur le sujet.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous n’avez pas censuré le Gouvernement de l’époque sur cette question !

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez également évoqué la suppression de la vignette. Sur ce point, j’avoue que je n’ai jamais été d’accord avec Laurent Fabius : il était acceptable de supprimer la vignette sur les 2 CV, mais pas sur les Porsche.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous étiez dans la majorité, mais, là non plus, vous n’avez pas censuré le Gouvernement !

M. Jean-Louis Idiart. On ne censure pas un Gouvernement pour une affaire de vignette !

M. Jean-Pierre Brard. M. Idiard a tout à fait raison : on ne censure pas un gouvernement pour une affaire de vignette ou de timbres-poste ! Je ne doute pas un instant de votre bonne foi, monsieur le ministre, mais je ne me souviens pas que les députés du défunt RPR aient à l’époque protesté. Peut-être ont-ils aujourd'hui quelque remords. Michel Bouvard paraît chercher dans sa mémoire…

M. Michel Bouvard. Je me rappelle en effet que vous n’avez pas voté l’amendement que j’avais déposé, tendant à maintenir la vignette pour les véhicules les plus onéreux – les 16 chevaux par exemple !

M. Yves Deniaud. De plus, à l’époque, c’est à la suppression de la redevance que nous étions favorables, pas à celle de la vignette !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, la galéjade ne vaut pas argument et votre réponse à M. Bonrepaux ne m’a pas convaincu. Telle est la raison pour laquelle je pense que le texte doit être renvoyé en commission des finances le temps nécessaire à un examen attentif, voire minutieux, notamment des propositions que vous avez faites, de facto, sur la taxe professionnelle.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour le groupe de l’UMP.

M. Michel Bouvard. Comme toujours, nous avons écouté avec la plus grande attention Augustin Bonrepaux. C’est un homme passionné : or la passion, sans rendre aveugle, interdit de porter un regard totalement lucide.

Je tiens tout d’abord à me joindre à M. le ministre et à Didier Migaud pour lui témoigner mon amitié : non seulement parce qu’il est un parlementaire respecté, mais également parce qu’il a présidé la commission des finances sous la précédente législature en respectant l’opposition et en contribuant à des avancées décisives sur le contrôle parlementaire, notamment aux côtés de Didier Migaud dans la mise en œuvre de la loi organique sur les lois de finances et, durant cette législature, en coprésidant avec Yves Deniaud la Mission d’évaluation et de contrôle, qui joue un rôle important en matière de contrôle parlementaire.

De plus, Augustin Bonrepaux et moi-même menons des combats communs, notamment pour la défense des collectivités territoriales de montagne.

M. Hervé Mariton. L’ours et le loup !

M. Michel Bouvard. Augustin Bonrepaux, c’est vrai, a toujours défendu les collectivités territoriales, y compris sous la précédente législature, lorsque des gouvernements soutenus par la majorité à laquelle il appartenait n’avaient pas toujours correctement pris en considération les légitimes préoccupations de ces collectivités.

M. René Dosière. Prenez-le donc en exemple !

M. Michel Bouvard. Toutefois, sa motion de renvoi en commission ayant principalement porté sur cette question, je me vois contraint de constater que la présentation très complète qu’Augustin Bonrepaux en a faite démontre à elle seule que nous disposons désormais de tous les éléments nécessaires et qu’il n’y a donc pas lieu de renvoyer le texte en commission. Il convient maintenant de passer à l’examen des articles, les documents qui manquaient ayant été transmis à la commission des finances.

Assurément, monsieur le ministre – je vous le dis en toute amitié –, comme M. Bonrepaux je ne pense pas que le projet de budget assure une compensation de l’ensemble des transferts à l’euro près : toutefois, nous sommes allés vers une plus grande équité, en raison notamment du nouvel encadrement constitutionnel et législatif en la matière. C’est pourquoi je ne reviendrai pas sur la suppression de certains impôts, qui a rigidifié les comptes des collectivités territoriales, ni sur le plafonnement des droits de mutations, ni sur la suppression des crédits Barangé, qui permettaient aux conseils généraux d’aider à l’équipement des écoles, ni sur les conséquences de la loi de 2002 relative à la démocratie de proximité sur les services d’incendie et de secours. Je noterai seulement que l’adoption à l’unanimité de cette loi signifie que nous nous sommes tous trompés – il faut le reconnaître –, faute d’avoir été suffisamment vigilants sur la dérive financière qui pouvait en résulter pour les conseils généraux. De même, je suppose que l’Ariège, comme les autres départements, a embauché des fonctionnaires territoriaux supplémentaires en raison des 35 heures, et que cela a un coût ! L’APA a, du reste, eu le même effet, d’autant que la loi n’a pas compensé cette charge nouvelle dont, en outre, la dynamique vient peser toujours plus lourdement sur les comptes des collectivités.

Sans doute aussi la compensation due au titre du RMI, ou d’autres secteurs, est-elle loin d’être parfaite ! Toutefois, le système n’a jamais été aussi équitable qu’aujourd'hui.

Un autre volet doit être abordé, car il répond à une préoccupation collective – Jean-Pierre Brard, Charles de Courson, Didier Migaud et moi-même avons pu le vérifier au cours des déplacements que nous avons effectués en province dans le cadre de la mission d'information sur la loi organique relative aux lois de finances – : de nombreux problèmes se posent en matière de FNADT, de crédits pour le tourisme et le patrimoine. Toutefois, nous sommes un certain nombre ici à être membres de la commission des finances et à suivre les budgets de l’État depuis de nombreuses années : nous ne pouvons donc pas ignorer pourquoi nous en sommes arrivés là, la LOLF nous ayant permis de prendre conscience de la situation. Celle-ci est la conséquence des autorisations de programme, délivrées durant tant d’années et sous toutes les majorités, au-delà des crédits de paiement disponibles. Nous avons donc tous une part de responsabilité dans la situation actuelle, car elle est le résultat de la politique menée depuis une dizaine d’années. Si les contrôleurs financiers n’ont pas autorisé certains budgets opérationnels de programme, c’est que ceux-ci entraînent naturellement de nouvelles autorisations d’engagement, alors même que les crédits de paiement disponibles ne permettent même pas d’honorer les factures !

N’oublions pas non plus les explications du ministre : des décrets d’avance ont été pris cet été pour abonder le FNADT et des mesures ont été prévues pour les crédits du patrimoine. Nous ne sommes pas nécessairement d’accord sur la manière dont ils seront mis en œuvre, mais ils ont le mérite d’exister, et c’est important ! À cela s’ajoutent les dispositions nouvelles qui seront adoptées à l’occasion du collectif budgétaire. J’appelle chacun à faire preuve d’objectivité : ne laissons pas la passion nous aveugler ! L’action menée à l’égard des collectivités territoriales par l’État est plutôt équitable, voire honnête : n’oublions pas en effet que la situation où nous sommes est d’autant moins privilégiée que l’État a décidé de maîtriser totalement la dépense, en refusant tout nouvel accroissement.

C’est la raison pour laquelle nous ne saurions voter la motion de renvoi en commission, en dépit de toute l’amitié que nous portons à Augustin Bonrepaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe UDF.

M. Charles de Courson. C’est vrai, nous regretterons Augustin Bonrepaux, qui est une des figures de notre assemblée. Cela fait vingt-cinq ans qu’il siège parmi nous et il a beaucoup donné !

M. Jean-Pierre Brard. C’est une oraison funèbre ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. Toutefois, pour revenir sur le fond du débat soulevé par la motion de renvoi en commission, j’ai eu le loisir d’étudier la dérive des transferts de charges dans mon département, qui n’est pas des plus laxistes, puisque la fiscalité locale y est une des plus basses. Or le différentiel y est de 40 millions d’euros, et si l’on prend en compte l’APA, les 35 heures, le RMI et les SDIS, c’est à peu près moitié-moitié. Cela signifie que les gouvernements successifs ont contribué à démanteler l’autonomie fiscale des collectivités locales.

Ce n’est pas sans raison en effet que le ministre a rappelé que l’opposition actuelle y a, elle aussi, largement contribué. En son temps, j’avais répondu à M. Strauss-Kahn, qui annonçait fièrement à la commission des finances qu’il allait supprimer la part salariale de la taxe professionnelle, qu’il était un tchatchérien : il faut en effet penser que les collectivités territoriales sont irresponsables pour les alimenter à coups de dotations fixées par l’État – par l’Assemblée nationale en droit, mais en fait par le Gouvernement, puisque les députés ne procèdent à aucune modification de fond –, dans le seul but de réguler la dépense publique. Cette philosophie politique, qui imprègne toute la technostructure du ministère des finances, est une énorme erreur car elle conduit à déresponsabiliser les acteurs locaux !

De fait, Augustin Bonrepaux n’est pas allé jusqu’au bout de son analyse, puisque, comme l’a rappelé le président Méhaignerie, nous avons accumulé un ensemble de dispositions qui ajoutent l’incitation à la dépense à la déresponsabilisation. Pour y remédier, il faudrait revoir intégralement les dégrèvements, mais nul n’a voulu s’attaquer à ce problème.

M. René Dosière. Vous n’avez rien fait lorsque vous étiez dans la majorité !

M. Charles de Courson. Je le répète : personne n’a voulu s’attaquer à ce problème-là ! Chacun sait pourtant – il n’est qu’à se reporter aux différents rapports rédigés par Yves Fréville lorsqu’il siégeait à l’Assemblée nationale – que les communes les plus riches bénéficient d’énormes compensations. Eh bien, attaquons-nous à ce problème ! Paris est à ce titre une vraie caricature : c’est une des villes les plus riches de France et elle bénéficie de compensations incroyables ! Procédons à une réforme en réduisant les dotations budgétaires au profit de la fiscalité locale ! Sur ce point, qu’a fait la gauche en cinq ans pour réformer la fiscalité sociale ? Rien, à part la démanteler un peu plus ! Et qu’a fait l’actuelle majorité durant cinq ans ?

M. Michel Bouvard. Bien des choses !

M. Charles de Courson. Non, elle n’a rien fait ! Nous n’avons ni modernisé les finances locales, ni amélioré les assiettes ! Pouvez-vous me citer un seul exemple d’impôt local remplacé par un autre qui soit acquitté par une très grande majorité de nos concitoyens ?

Au nom de l’UDF, je défends depuis des années la thèse selon laquelle seule la CSG, au moins pour les départements et les régions, responsabiliserait les élus locaux, départementaux et régionaux. Personne ne veut aller jusque-là, mais ça viendra car nous sommes devant une véritable crise !

Je vous renvoie dos à dos car vous ne posez pas les vrais problèmes de fond, comme celui de la péréquation. L’UDF ne votera donc pas cette motion de renvoi en commission.

M. René Dosière. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. René Dosière, pour un rappel au règlement.

M. René Dosière. Mon intervention se fonde sur l’article 58, alinéa 3, de notre règlement.

Je souhaite apporter quelques précisions sur les dégrèvements et rappeler que, lorsque la majorité actuelle, au sein de laquelle se trouvait alors l’UDF, a constitutionnalisé les recettes fiscales des collectivités locales, elle a constitutionnalisé les parmi ces recettes fiscales. À l’époque, au nom du groupe socialiste, j’avais proposé de considérer ces dégrèvements comme des subventions. On le pouvait d’ailleurs parfaitement, si l’on s’en tient au rapport Fréville. Il aurait donc été possible de modifier les dégrèvements afin d’en atténuer les effets aujourd’hui.

Dès lors que cette majorité, en constitutionnalisant les dégrèvements, les a sacralisés en tant que recettes fiscales, on ne peut plus y toucher. C’est tout à fait regrettable. Aussi, monsieur Méhaignerie, il vous faut assumer vos responsabilités car vous aviez le moyen d’améliorer la situation.

Motion de renvoi en commission (suite)

M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

M. Augustin Bonrepaux. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.

M. Augustin Bonrepaux. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58.

Je remercie M. le ministre, M. le président de la commission des finances et mes collègues de la majorité et de l’opposition, pour leurs propos aimables. Je souhaite faire trois rapides remarques.

D’abord, monsieur le ministre, je n’ai jamais contesté l’augmentation des impôts locaux de 2004 à 2006. J’ai seulement fait remarquer que, contrairement à ce qui s’était passé de 1997 à 2001, les taux avaient augmenté à cause des raisons que j’ai données. En revanche, les élus ne sont pas aussi irresponsables que cela puisque, de 1997 à 2001, les taux ont globalement baissé, comme cela figure dans le rapport.

M. Hervé Mariton. Ah !

M. Augustin Bonrepaux. Ensuite, M. le ministre a évoqué à plusieurs reprises des crédits du FNADT mais, comme je l’ai dit en commission, ils ne sont jamais arrivés en Ariège. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Peut-être étaient-ils déjà mobilisés.

M. Charles de Courson. Le train a déraillé !

M. Augustin Bonrepaux. Mais c’est la réalité, monsieur de Courson !

Pour chacun de nos projets, on nous a répondu qu’il n’y avait plus de crédits. On nous dit maintenant qu’il y en a. M. le ministre pourra peut-être nous informer sur la question de savoir s’ils sont arrivés.

Ma troisième remarque s’adresse aussi bien à M. le président de la commission des finances qu’à M. le ministre : nous n’avons jamais contesté le plafonnement de la taxe professionnelle, pour la bonne raison que je l’avais même proposé. Ce que nous contestons, c’est que cela se fasse au détriment des ménages.

Pour conclure, je soulignerai simplement que M. le ministre s’est finalement immiscé dans un débat important puisque, en s’abstenant de critiquer telle candidature, il a, en creux, pris position pour elle. (Sourires.)

Discussion des articles de la première partie
du projet de loi de finances

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte du Gouvernement, les articles de la première partie du projet de loi de finances.

Article 1er

M. le président. L’article 1er ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 1er est adopté.)

M. le président. Nous en venons aux amendements portant articles additionnels avant l’article 2.

Avant l’article 2

M. le président. Je suis saisi d’un amendement no 112.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le défendre.

M. Didier Migaud. La loi de finances pour 2006 a posé le principe du bouclier fiscal, qui va s’appliquer. Nous avons combattu sa création, l’année dernière, estimant que ce dispositif de plafonnement des impositions en fonction du revenu parachevait, d’une certaine façon, l’œuvre de remise en cause de la progressivité du système fiscal et de démantèlement probable de l’impôt de solidarité sur la fortune, que poursuivent, nous avons été plusieurs à le rappeler, la majorité et le Gouvernement de manière incessante depuis 2002.

Ce dispositif – le ministre de l’économie et des finances l’a en très grande partie reconnu à plusieurs reprises – ne vise en réalité que les ménages les plus aisés, imposables à l’ISF. Grâce au bouclier, dix mille de nos concitoyens parmi les plus aisés vont bénéficier d’un cadeau fiscal de 250 millions d’euros. Nous estimons donc que ce dispositif est injuste.

En outre, nous sommes opposés à ce que les collectivités locales – même si cette disposition a été atténuée avec la loi de finances pour 2006 – soient sollicitées pour participer aux remboursements des contribuables qui auraient tout à fait les moyens d’acquitter leurs impôts locaux. Nous allons ainsi nous retrouver dans la situation paradoxale où une collectivité locale va devoir verser de l’argent à une personne redevable de l’impôt de solidarité sur la fortune, ce qui ne correspond pas à la conception que nous nous faisons de la justice fiscale.

Enfin, ce bouclier fiscal a été mis en place alors même que vous abandonniez toute idée de plafonnement des niches fiscales – proposition récurrente du président de la commission des finances, dont on finit par mettre en doute la volonté de concrétiser cette promesse annuelle, puisque rien n’est décidé par l’Assemblée.

Grâce à cet amendement, nous souhaitons donc renouveler notre opposition à la mise en place du bouclier fiscal.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement no 112.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. La commission a rejeté cet amendement. Je rappelle que le bouclier fiscal a été mis en place dès la fin des années quatre-vingt. En 1990-1991, il fonctionnait de la façon suivante : l’ensemble de l’impôt sur le revenu, de l’ISF et de la CSG ne devait pas excéder 85 % de l’impôt sur le revenu. Il est intéressant de noter que ce dispositif réalisé par la majorité de l’époque conduisait à un dégrèvement au seul titre de l’ISF. Entendez-moi bien : seul l’ISF était susceptible d’être dégrevé.

Or le bouclier fiscal que nous mettons pour notre part en place est beaucoup plus juste. Il prend en effet en compte l’impôt sur le revenu, l’ISF – comme c’était le cas il y a quinze ans –, les impôts locaux – taxe d’habitation et impôts fonciers sur la résidence principale –, et plafonne l’ensemble à 60 %. Toutefois, le dégrèvement n’est pas réservé aux seuls redevables de l’ISF. Il permet en effet à ceux qui, par exemple, sans payer l’ISF, seraient plafonnés du fait d’acquitter des impôts locaux importants malgré leurs faibles revenus, de bénéficier du dégrèvement. Je note donc, en termes de justice fiscale, une progression entre votre conception du bouclier il y a quinze ans et celle que nous avons votée l’an dernier. En effet, dans une démocratie juste, l’impôt ne peut pas être confiscatoire.

Ce dispositif, je le rappelle, ne concerne que quelques dizaines de milliers de contribuables, dont une grande majorité dispose de revenus modestes.

M. Henri Emmanuelli. Bien sûr, nous vous croyons…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En effet, contrairement à ce que vous aviez imaginé il y a quinze ans, monsieur Emmanuelli, parce que vous étiez polarisés sur l’ISF, nous nous sommes vraiment concentrés, pour notre part, sur un plafonnement concernant tous les Français, y compris les plus modestes. C’est la raison pour laquelle la commission a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. L’instauration d’un bouclier fiscal, selon les termes excellemment rappelé par le rapporteur général, est un des piliers de notre réforme fiscale. Je peux comprendre que l’opposition se montre très critique à son encontre ; elle l’a déjà été l’année dernière et M. Migaud avait alors eu l’occasion d’exposer très largement tous ses reproches. Je souhaite néanmoins insister sur trois points.

D’abord, le petit rappel historique de Gilles Carrez n’est vraiment pas inutile puisqu’il permet de remettre les choses en perspective et de constater que les socialistes aussi se sont penchés sur la question du bouclier fiscal, avant que l’idéologie ne reprenne ses droits. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Ensuite, au cœur du bouclier fiscal que nous avons proposé, se trouve un impératif de justice sur lequel j’insiste à mon tour – 90 % des bénéficiaires de cette réforme se situent dans le premier décile de l’impôt sur le revenu, il s’agit donc de gens modestes. Cela signifie que, sans ce bouclier fiscal, ces personnes aux faibles ressources seraient victimes d’une injustice criante puisqu’imposés à plus de 60 % de leurs revenus.

Enfin, ce dispositif est une mesure de compétitivité et d’attractivité du territoire. On ne dira jamais assez combien nous devons garder les yeux rivés sur ce qui se passe dans le reste du monde et notamment en Europe. Nous devons être fiscalement compétitifs. Il ne s’agit pas de tout brader, de tout remettre en cause, mais de s’assurer que, grâce à un certain nombre de mesures de droit fiscal et social, nous sommes compétitifs en Europe et qu’ainsi nous ne risquons pas de souffrir de délocalisations très préjudiciables à nos emplois. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli. Tiens, tiens !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. De ce point de vue, le bouclier fiscal est un instrument majeur.

Pour toutes ces raisons, j’invite votre assemblée à repousser avec force cet amendement au profit, je le répète, d’un dispositif qui a vocation à devenir l’un des éléments clefs de notre droit fiscal.

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Monsieur le rapporteur général, nous discutons d’un amendement très politique et très symbolique. M. le ministre appelle cela de l’idéologie ; je parlerai pour ma part de convictions, et il n’est pas interdit, monsieur le ministre, quand on gouverne un pays, d’avoir des convictions et une certaine conception de la justice fiscale.

J’observe qu’on parle beaucoup de justice, ce soir, et que, comme il en a pris l’habitude, le Gouvernement ne rend pas exactement compte de ce qu’il fait, mais se croit toujours obligé, près de cinq ans après, de se référer à ce qui fut fait avant son avènement et de poursuivre le procès du gouvernement qui l’a précédé.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous ne faisons pas votre procès en l’occurrence, puisque nous disons nous être inspirés de ce que vous avez fait !

M. Henri Emmanuelli. Je crois qu’aux yeux de nos compatriotes, cette attitude commence à être perçue comme une rengaine.

Puisque M. Carrez se référait à l’action des socialistes, je suis très étonné qu’il ne se soit pas reporté à ce qu’avait fait M. Juppé ! En effet, qui a fait sauter ce fameux bouclier fiscal avant que l’idéologie ne reprenne ses droits, pour reprendre les mots de M. Copé ? Monsieur le ministre, vous n’allez tout de même pas nous faire croire ce soir que c’est M. Juppé qui avait été saisi par l’idéologie socialiste ?

M. Gilles Carrez. Il a plafonné le plafonnement !

M. Henri Emmanuelli. En tout cas, si je le rencontre, je saisirai cette occasion pour en parler avec lui. Il faut rappeler les faits, à moins de donner dans ce genre de procès manichéens qui, non seulement ne font pas vraiment avancer les débats, mais lassent nos concitoyens.

En réalité, selon une bonne vieille méthode, vous mettez en avant quelques cas aberrants dont je conviens qu’ils ont existé. Ainsi de personnes ayant un patrimoine important mais de faibles revenus, parfois contraints de liquider une partie de ce patrimoine pour acquitter l’impôt. Nous sommes bien d’accord sur le fait qu’il s’agissait d’un vrai problème et que nous avons rencontré de tels cas.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il y en a toujours !

M. Henri Emmanuelli. Mais, à partir de quelques cas exceptionnels qui, n’exagérons rien, ne sont pas très nombreux et qui, en toute hypothèse, s’ils représentent un problème, ne font pleurer personne, vous allez faire un cadeau de 250 millions d’euros à dix mille contribuables ! Et, monsieur le ministre, si l’on compare ce que sera le gain, en termes de revenus, des bénéficiaires de la prime pour l’emploi dont vous nous décriviez avec emphase le sort merveilleux, avec le gain des bénéficiaires de votre bouclier fiscal, on doit être dans un rapport de 90 euros à 4 000 euros. Voilà qui illustre bien votre politique fiscale.

En réalité, depuis cinq ans, vous n’avez de cesse de faire reculer l’impôt progressif au bénéfice de la taxation indirecte, comme le prouve en grande partie le fait que les prélèvements obligatoires ne diminuent pas, malgré les baisses d’impôt sur le revenu.

Quand vous soutenez, monsieur Carrez, que le dispositif sera plus juste, faut-il vous remercier…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Oui !

M. Henri Emmanuelli. …de votre immense générosité, qui obligera les collectivités locales à mettre la main au portefeuille pour financer la résorption de cette criante injustice ?

Savez-vous que la taxe d’habitation et la taxe professionnelle constituent l’essentiel des recettes fiscales d’un département ? Connaissez-vous le revenu moyen dans un département rural ? Dans mon département, semi-rural et très touristique, existent des poches immobilières de riches patrimoines. Comment pourrai-je expliquer aux 90 % des habitants qui sont en dessous du salaire moyen que je dois les taxer pour libérer une poignée de personnes de leur triste sort fiscal ?

Vous avez certes une majorité pour voter cette mesure, mais vous commettez une lourde erreur politique. L’opposition, minoritaire ici, sait qu’il serait vain de faire durer les débats plus que nécessaire ou de fabriquer quelque incident. Mais nous nous défendrons et cette affaire ne se passera pas gentiment. Le jour où je vais devoir rembourser, sur le dos de ceux qui paient la taxe d’habitation, les propriétaires de biens immobiliers côtiers qui valent des fortunes, cela va faire du bruit. Je chercherai par tous les moyens légaux à empêcher cette aberration, qui est symptomatique de votre état d’esprit.

Je devrais pourtant vous remercier, monsieur le ministre : je viens d’apprendre que, cette année, le fisc me doit 217 euros au titre de l’impôt sur le revenu.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est bien ! Vous allez pouvoir consommer et participer à la croissance !

M. Henri Emmanuelli. C’est formidable ! Sur un impôt de départ de 11 000 euros, après déduction de 6 000 euros pour la femme de ménage déclarée et bien payée, des cotisations au groupe parlementaire et au parti, du paiement de l’atelier protégé départemental, à l’arrivée, c’est l’État qui me doit 217 euros. Et l’année prochaine, je vais payer 14 euros par mois au titre de l’impôt sur le revenu.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous ne voulons pas savoir, cela relève du secret fiscal !

M. Henri Emmanuelli. Pour ce qui me concerne, j’ai le droit de le rompre. Pendant ce temps, mon chauffeur et mes collaborateurs auront, eux, beaucoup plus d’impôt sur le revenu à payer. Voilà le résultat des niches fiscales ! Ne parlez pas de justice quand vous baissez les impôts sans y toucher ! Et encore, ne suis-je pas concerné par le bouclier fiscal. Ma situation serait sans doute meilleure, mais je n’ai pas choisi de faire de la politique pour l’argent. Sinon, je serais resté là où j’étais.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est-à-dire ?

M. Henri Emmanuelli. À la compagnie financière Edmond de Rothschild, où je gagnais à trente-deux ans un peu plus qu’aujourd’hui.

M. Charles de Courson. Quelle régression sociale !

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est ni un secret ni une honte.

Là où M. Carrez voit une disposition de justice, nous voyons une mesure scandaleuse et nous le ferons savoir aux Français. Elle témoigne d’un état d’esprit dont on peut dire tout, sauf qu’il est enclin à la justice fiscale. Les mots ont tout de même un sens !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous semblez inquiet, monsieur Emmanuelli, pour les comptes des collectivités locales.

M. Henri Emmanuelli. Je suis inquiet pour tout !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je souhaite vous rassurer pour les départements ou les communes qui seraient contraints de rembourser au titre de la taxe d’habitation ou de l’impôt foncier. Le dispositif a été considérablement amélioré.

M. Augustin Bonrepaux. Dites plutôt qu’il a été aggravé !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En pratique, les collectivités locales ne seront pas concernées dès lors que la somme de l’impôt sur le revenu et de l’ISF dépassera 60 % des revenus. Quant aux cas où le seul effet des impôts locaux conduira à dépasser ce seuil,…

M. Didier Migaud. Cela revient au même !

M. Henri Emmanuelli. Je l’avais très bien compris !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …ils ne représenteront pour l’ensemble de la France que 12 millions à 15 millions d’euros,…

M. Henri Emmanuelli. Je vous garantis un beau feu d’artifice !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …que nous verrons au comité des finances locales puisqu’ils seront prélevés sur les 38 milliards d’euros en préciput de la DGF. Franchement, vous faites toute une histoire pour bien peu !

M. Didier Migaud et Mme Marylise Lebranchu. C’est le principe qui est choquant !

M. Henri Emmanuelli. Vous verrez quand l’affaire sera sur la place publique !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Depuis la Révolution, les symboles comptent dans notre pays. Or vous les maniez à contresens : vous mettez les riches à l’abri de votre « bouclier fiscal » – expression qui mériterait à elle seule une thèse de sémantique – et leur permettez d’accumuler les écus en ignorant la majorité de ceux qui ne sont pas assujettis à l’IRPP parce que votre politique les rendus pauvres. Vous êtes impitoyables avec les petites gens.

Comme à Henri Emmanuelli, votre ministère va me rembourser de l’argent cette année, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est donc que cela fonctionne !

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas juste !

M. Jean-Pierre Brard. Non seulement je ne vais pas payer d’impôt, mais on va me donner de l’argent. Moi non plus, je ne fais pas de politique pour l’argent. Bien qu’ayant quitté le parti communiste, j’ai gardé les mêmes modalités de rémunération : je garde pour moi ce que gagne un ouvrier qualifié de la métallurgie parisienne et je finance des projets à droite et à gauche – plutôt à gauche d’ailleurs. (Sourires.) Est-il normal que je ne paie pas d’impôt ? Non, parce que l’impôt n’est pas assez progressif !

Les couches moyennes dont vous parlez toujours sont prêtes à payer l’impôt, à condition de savoir pourquoi ! Et cessez de nous parler de compétitivité, d’attractivité : ce sont des attrape-nigauds pour effrayer les petits bourgeois. Vous savez que dans la réalité il n’en va pas ainsi. Je vous ai cité des chiffres à la tribune cet après-midi, que vous n’avez pas démentis : chez nous, l’IRPP représente 3 % du PIB, contre 10 % en moyenne dans l’Union européenne. Autrement dit, nous payons beaucoup moins cet impôt qui pourtant est le plus juste.

Pour arranger les privilégiés, vous avez globalisé. Comment peut-on arriver aux sommes astronomiques qui permettent de bénéficier du bouclier fiscal ? Dans la plupart des cas, c’est parce qu’on est riche ! Vous tirez toujours argument des exceptions – telle personne âgée qui possède des prés en montagne sans jamais avoir été riche ou tel propriétaire d’un petit pavillon de banlieue qui, à cause de la vague spéculative en Île-de-France, a une valeur exorbitante aujourd’hui –, mais vous avez le pouvoir d’exonérer ces personnes. Ces situations exceptionnelles vous servent d’alibi.

Il faut rétablir la progressivité de l’impôt et élargir l’assiette de l’ISF en fixant un taux permettant de frapper les gens vraiment très riches. D’ailleurs, Pierre Méhaignerie partage cette opinion. Il faut aussi y inclure les biens professionnels et les œuvres d’art, dont vous savez qu’elles servent de vecteur à la fraude fiscale. Mais tout cela n’intéresse pas le Gouvernement ! Que faites-vous contre des gens comme ce Russe – qui ne s’était sûrement pas enrichi à l’époque du rouble soviétique – qui a voulu acheter un modeste pied-à-terre pour 90 millions d’euros, ou contre ceux qui peuvent s’offrir une modeste maisonnette pour un loyer de 350 000 euros par semaine ? Rien ! Il y a pourtant des sous à ramasser chez la pègre russe, qui coule des jours heureux dans notre pays. Je l’ai souvent dit à M. Sarkozy qui, paraît-il, traque les voyous. Mais les voyous riches, M. Sarkozy fait trois génuflexions devant eux ! Avez-vous vu qu’on s’en prenne à la mafia russe ou à la mafia chinoise qui, m’a-t-on dit, est pire ? Je vous propose de faire un lot et de les combattre avec une égale énergie. Plutôt que de vous acharner sur les pauvres gens, faites contribuer davantage au budget de la nation ceux que vous protégez pour financer des politiques de solidarité nationale. Mais il est vrai que ce n’est pas votre objectif.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. L’année dernière, nous avions combattu cette idée absurde parce qu’il n’y a aucun lien entre les quelques milliers d’euros que seront susceptibles de verser un département ou une commune et la responsabilité fiscale. Une personne pourra parfaitement franchir le seuil de 60 % parce qu’elle est propriétaire d’un bien immobilier qui a pris beaucoup de valeur. Le reversement ne régulera rien du tout et aggravera la totale incompréhension du dispositif, tout cela pour 12 millions d’euros. Les estimations gouvernementales, d’ailleurs, ne valent rien parce qu’il est impossible de simuler un tel résultat dans le temps. Cette mesure, c’est un délire technocratique !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 112.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement no 113.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Cet amendement tend à supprimer l’article 1649-0 A du code général des impôts. Ce dispositif de plafonnement des impositions en fonction du revenu parachève l’œuvre de remise en cause de la progressivité du système fiscal et de démantèlement de l’ISF que poursuivent inlassablement la majorité et le Gouvernement depuis le début de la législature : débats budgétaires ou projets de loi à incidence économique, toutes les occasions ont été saisies.

Vous ne pouvez pas prétendre, monsieur le rapporteur, que ce sont les catégories modestes qui sont visées. Rien, d’ailleurs, ne permet de l’affirmer dans votre ensemble fiscal. Alors qu’il serait plus juste de plafonner les niches fiscales pour les ramener à leur effectivité réelle en matière d’emploi, vous en faites des cadeaux fiscaux ! De même, à l’article en question, vous englobez tout, en particulier les impôts des collectivités locales. Vous aurez du mal à faire croire que ce dispositif concerne les catégories modestes. Il est destiné essentiellement aux redevables de l’ISF et c’est pourquoi nous proposons de le supprimer. Alors qu’il y a tant de misère et de difficultés dans le pays, ce n’est pas ceux-là qui doivent avoir notre attention aujourd’hui.

Vous nous avez souvent présenté la réduction de l’ISF comme un moyen de ramener en France les expatriés, d’éviter les délocalisations et de favoriser l’emploi. Ce dernier a trop souvent servi de prétexte, et surtout à l’allégement de l’impôt des privilégiés !

Pouvez-vous nous donner des exemples de retour en France ? Est-ce que l’expatrié de Suisse – que M. le ministre a d’ailleurs chargé d’un rapport – est prêt à revenir parce qu’il y a le bouclier fiscal et que vous avez réduit l’ISF ? Est-ce que le soutien le plus lumineux de M. Sarkozy, soutien qui veut s’expatrier en Belgique – on n’en veut pas encore là-bas, mais, pour l’instant, il en a l’intention – va rester en France ? Vous ne l’avez pas convaincu que le bouclier fiscal était important et qu’il devait rester, puisqu’il veut partir bien que ce soit un de vos amis ! Vous utilisez le prétexte de la défense de l’emploi, mais en réalité votre seule préoccupation, c’est d’améliorer toujours la situation des privilégiés. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’article 1649-0 A du CGI.

M. le président. L’avis de la commission et celui du Gouvernement sont défavorables…

M. Augustin Bonrepaux. Attendez ! Laissez le rapporteur général s’exprimer !

M. le président. Vous avez la parole, monsieur le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Juste un mot, monsieur le président.

Monsieur Bonrepaux, vous avez dit que, depuis 2002, nous n’avions eu de cesse de chercher à démanteler l’ISF.

M. Augustin Bonrepaux. C’est vrai ! Et dans tous les débats !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En 2002, l’ISF rapportait 2,2 milliards ; en 2006, il rapporte 3,6 milliards ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Le nombre de contribuables a augmenté de 50%.

M. Augustin Bonrepaux. Mais il pourrait rapporter davantage !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Bonrepaux, vous auriez mieux fait de demander le transfert de l’ISF plutôt que celui de la TIPP pour financer le RMI, parce qu’un impôt aussi productif et qui augmente aussi rapidement que l’ISF, il n’y en a pas beaucoup dans le paysage fiscal.

M. Jean-Louis Idiart. Mais c’est vous qui n’auriez pas voulu !

M. Henri Emmanuelli. Votre réponse, c’est tout de même une forme de cynisme, monsieur Carrez !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 113.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement no 116.

La parole est à M. Éric Besson, pour le soutenir.

M. Éric Besson. Un mot d’abord sur ce que vient de dire le rapporteur général. Il est trop bien informé pour ne pas savoir que le rendement de l’impôt sur la fortune a augmenté parce que les fortunes ont augmenté en France,…

M. Michel Bouvard. Parce que les prix de l’immobilier ont augmenté !

M. Éric Besson. …mais que le rendement moyen a, lui, baissé. La cotisation moyenne par contribuable a diminué, il le sait parfaitement. S’il n’en est pas convaincu, nous lui montrerons dans quelques minutes un tableau qui l’illustre clairement.

Je voudrais aussi revenir, monsieur le ministre, sur ce que vous avez dit à Henri Emmanuelli : vous lui avez déclaré qu’il allait participer à la croissance parce que l’État allait lui rendre une part de son impôt sur le revenu. C’est vrai qu’il y a une évolution du comportement des consommateurs aisés. Il y a quelques années, on disait tous que la propension à consommer diminuait avec l’augmentation du revenu parce que, lorsque les hauts revenus percevaient davantage d’argent, ils épargnaient. Or il y a une incontestable augmentation de la consommation des hauts revenus.

M. Henri Emmanuelli. Eh voilà !

M. Éric Besson. Le secteur du luxe se porte très bien aujourd’hui en France.

M. Michel Bouvard. Mais c’est un secteur qui travaille beaucoup à l’export !

M. Éric Besson. Les hauts revenus n’ont pas épargné comme le prévoyait la théorie économique classique, ils ont fait baisser leur taux d’épargne, alors que les salaires modestes, eux, ont dû s’endetter. Vous avez inventé en France la croissance inégalitaire, c’est-à-dire la croissance portée par l’augmentation des inégalités. Mais quand je dis « inventer », je devrais dire « importer », parce que c’est la thèse dominante des Américains, très précisément des néoconservateurs. Cette croissance inégalitaire portée par la consommation des très hauts revenus au détriment des revenus modestes n’est une invention ni de vous-même ni de M. Breton, elle est la thèse des économistes qui ont porté Bush à la présidence des États-Unis, et qui la mettent en œuvre comme Berlusconi l’a fait et comme vous le faites actuellement.

M. Michel Bouvard. Oh !

M. Didier Migaud et M. Henri Emmanuelli. Fiscalement, c’est vrai !

M. Éric Besson. J’en viens à l’exposé rapide de cet amendement. Il vise à maintenir un minimum de cotisation parce qu’il n’est selon nous pas acceptable que la mise en place du bouclier fiscal conduise de fait à mettre en place une nouvelle niche fiscale, parmi les plus importantes, au bénéfice des seuls redevables de l’impôt sur la fortune. Monsieur le rapporteur général, vous dites qu’on vous accuse régulièrement d’avoir une obsession, celle de réduire l’impôt sur la fortune ; mais ça ne fait jamais que la cinquième ou sixième fois depuis le début de la législature que, directement ou indirectement, vous vous y attaquez et le retouchez. Ça va être le cas, de façon insidieuse cette fois-ci, avec le bouclier fiscal. C’est pourquoi nous demandons, par cet amendement minimal, que les contribuables redevables de l’ISF ne puissent y échapper totalement grâce à ce bouclier fiscal et restent au moins redevables d’une cotisation minimale à ce titre.

M. le président. L'avis de la commission est défavorable ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable en effet !

M. le président. L’avis du Gouvernement l’est également ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Oui, monsieur le président !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 116.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement no 117.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour le défendre.

M. Jean-Louis Dumont. Cet amendement a pour objet de dénoncer la participation des collectivités locales au financement du plafonnement des impositions. À force de vouloir faire des cadeaux fiscaux avant les échéances de l’année 2007, on voit bien que le Gouvernement, dans le cadre des prélèvements obligatoires, est prêt à faire contribuer les collectivités locales, pour un montant que nous avons évalué à 43 millions d’euros injectés dans le circuit du bouclier fiscal et des autres aides de ce type. Chers collègues, on ne peut tout de même que s’étonner de la procédure et que la dénoncer. Il est donc nécessaire de supprimer la participation des dites collectivités au mécanisme du bouclier fiscal.

On a déjà vu qu’un certain nombre de mesures avaient pour effet de diminuer la contribution des plus riches aux efforts du pays, aux efforts de la nation. À force de continuer ainsi, on enlève pratiquement toute utilité à l’imposition. L’ISF a été voulu par un ensemble de parlementaires, au-delà me semble-t-il de ceux qui l’ont institué ; il y a dans les rangs de la majorité certainement des discussions là-dessus, n’allons donc pas trop loin. Défendons les collectivités locales et faisons en sorte qu’elles ne participent plus à une nouvelle inégalité fiscale.

M. le président. La commission est contre…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable !

M. le président. Le Gouvernement également…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Effectivement !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 117.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement no 114, qui est un amendement de repli…

La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Comme le bouclier fiscal est un choix au niveau de l’État, et comme, malheureusement, c’est sur les territoires qu’on va voir s’illustrer les aberrations que cela va provoquer, il nous semble important de supprimer la participation des collectivités locales à ce dispositif.

Dans une commune que je connais bien, à peu près 90 % de l’habitat correspond à des gens qui ont un revenu inférieur à 2 000 euros par mois –, il y a énormément d’emplois saisonniers, d’emplois dans l’agro-alimentaire et dans la conchyliculture. Et dans cette commune, à l’image de ce qui a été montré tout à l’heure, il y a un formidable site, très ancien, sur lequel se trouvent dix ou douze maisons, qui ont une valeur très importante et qui correspondent à des personnes assujetties à l’ISF.

M. Michel Bouvard. Eh oui !

Mme Marylise Lebranchu. Une maison bâtie sur un hectare ou un hectare et demi coûte bien plus cher à la collectivité, en termes par exemple de ramassage des ordures ménagères – le tri sélectif se fait à la porte et on n’a jamais réussi à ajuster la taxe ou la redevance au coût réel –, que des maisons alignées sur des parcelles de moins de 300 mètres carrés. Vous savez tous qu’à ménage égal, celui qui est sur 12 000 ou 15 000 mètres carrés coûte beaucoup plus cher à la collectivité en termes de voirie, de services d’eau, d’assainissement, etc. Pourtant, c’est pour ceux qui habitent dans ces maisons situées dans de très grandes propriétés que l’ensemble des autres habitants sont obligés de rembourser une part de ce qui correspond au bouclier fiscal. Même si ce n’est que dix euros, qu’une somme symbolique, je crois que vous n’imaginez pas à quel point l’effet psychologique sera dramatique. C’est tellement injuste que ce n’est pas aux collectivités locales de rembourser une part de ce bouclier fiscal que vous instituez, alors que ces propriétés en question, même si elles rapportent des taxes d’habitation importantes, coûtent en fait, par rapport au foncier qu’elles utilisent, beaucoup plus cher que les autres. On le sait tous, nous avons tous fait ce genre de calcul.

M. le président. L’avis de la commission est défavorable ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Madame Lebranchu, cela ne se passera pas du tout comme vous le dites. Le scénario que vous décrivez, avec des habitants pauvres qui paieraient pour des habitants aisés, ne correspond absolument pas à la réalité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. Mais si ! Ce sera le cas !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dès lors qu’il y aurait un dépassement lié aux impôts locaux, celui-ci serait additionné à tous les dépassements de ce type qui pourraient exister sur le territoire national, soit, au maximum, une somme de 12 millions d’euros.

M. Didier Migaud. Peu importe la somme, c’est une question de principe !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et ces 12 millions d’euros, madame Lebranchu, vont être prélevés dans le cadre d’un système de solidarité, au sein de la dotation globale de fonctionnement. Qu’est-ce que 12 millions par rapport à 38 milliards ?

M. Jean-Claude Sandrier. Mais la DGF, c’est ce qui est donné aux communes qui en ont le plus besoin !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je vous rassure donc, madame : le problème que vous décrivez ne se pose pas. C’est pourquoi nous avons émis un avis défavorable à cet amendement comme au précédent. Il n’y a pas de problème pour les collectivités territoriales dans le fonctionnement de ce plafonnement.

M. le président. Monsieur le ministre, vous êtes également défavorable, n’est-ce pas ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Votre démonstration, monsieur le rapporteur général, de la modicité de ces quelques millions d’euros – même si chaque million d’euros compte – par rapport à l’ensemble de la DGF m’amène à vous poser une question : vous rendez-vous compte que, pour quelques personnes concernées, on a ici un débat qui dure et qui dure, pour un impact fiscal que vous dites vous-même correspondre à epsilon ? Mais même si c’est faible par rapport à la DGF, je ne vois pas au nom de quel principe solidairement nous serions amenés, à partir de la DGF collective, à prendre en charge, toutes les collectivités territoriales ensemble, une remise faite à quelques-uns.

Je suis d’accord avec vous sur un principe de solidarité, mais pas la solidarité de l’ensemble pour quelques-uns qui sont assujettis à l’ISF. On n’a jamais vu ça ! À la limite, si c’est vraiment l’ISF qui vous gêne à ce point, ouvrez alors le débat et dites qu’il vous gêne, et qu’on en discute. M. le ministre parlait tout à l’heure de délocalisation, du départ de certains qui ne veulent pas rester ici,…

M. Jean-Claude Sandrier. C’est la solidarité pour les riches !

Mme Marylise Lebranchu. …mais en arriver à cet artifice, à rendre toutes les collectivités territoriales, via leur DGF, solidaires des quelques personnes concernées, c’est une injustice profonde.

M. Didier Migaud. Bien sûr !

M. Jean-Claude Sandrier. C’est même immoral !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 114.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement no 115.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. À quoi sert d’associer les collectivités locales au financement du bouclier fiscal si, comme vient de le démontrer M. le rapporteur général, les sommes en jeu – douze millions d’euros – sont proches de l’epsilon ? En outre, votre dispositif s’adresse indifféremment à tous les contribuables, ceux qui paient des impôts élevés comme les autres.

Le raisonnement est encore plus vrai pour les EPCI, dont nous proposons, par cet amendement, de supprimer la participation au mécanisme de bouclier fiscal. En lui-même, ce mécanisme est déjà inique. Y inclure les collectivités locales l’est encore plus ; mais il est proprement inconcevable d’envisager la participation des établissements de coopération ! Cela n’a d’ailleurs aucun rapport avec votre réforme de la taxe professionnelle, qui les pénalise déjà lourdement.

Le président de la commission des finances nous a expliqué tout à l’heure que, dans sa communauté, le dispositif ne poserait guère de problèmes. On peut en effet supposer que, dans la communauté d’agglomération de Rennes, les bases progressent suffisamment. Mais, avec le plafonnement des bases à 90 %, les communautés comprenant des zones industrielles en déclin, comme le textile, n’auront plus les moyens d’augmenter leurs ressources, et devront alors se tourner vers les impôts locaux.

Par le mécanisme de bouclier fiscal, on pénalisera ainsi les ménages au profit de quelques contribuables privilégiés. Notre amendement vise donc à corriger cette inégalité supplémentaire, dont souffriront les communautés de communes et les communautés d’agglomération en difficulté.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le bouclier fiscal s’appliquera notamment à des contribuables qui ne paient pas l’ISF, mais ont des impôts locaux très élevés. Prenons l’exemple d’une personne veuve propriétaire d’un pavillon en banlieue, mais aux revenus modestes. Jean-Pierre Brard connaît ce cas. Cette personne acquitte, du fait de la forte valeur locative de sa propriété, un impôt foncier très élevé. Il faut donc la protéger de cet impôt qui, compte tenu du niveau de ses revenus, devient pour elle confiscatoire. Et cela n’a rien à voir avec l’ISF puisque cette personne, je le répète, ne le paie pas.

Beaucoup de contribuables de ma commune m’ont ainsi fait part de leurs inquiétudes après l’augmentation de 20 % de la taxe sur le foncier bâti décidée par la région Île-de-France. Les dérives de certaines régions en matière de fiscalité rendent donc indispensable la protection du contribuable, indépendamment du problème de l’ISF.

Le système que nous proposons, qui prend en effet en compte les impôts locaux, est donc beaucoup plus juste que celui que vous aviez mis au point il y a quinze ans, et qui était entièrement polarisé sur l’ISF.

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous ne souhaitons pas seulement protéger les contribuables qui paient l’ISF, mais aussi ceux pour qui l’impôt est confiscatoire, alors qu’ils ne paient que des impôts locaux, et un impôt sur le revenu peu élevé.

Avis défavorable à l’amendement.

M. le président. Monsieur le ministre, vous êtes défavorable à l’amendement…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Oui !

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Je voudrais faire observer au rapporteur général que ses propos sont quelque peu contradictoires avec ceux tenus tout à l’heure par le président de la commission des finances, qui nous expliquait que, dans la plupart des communes, les personnes aux revenus modestes étaient exemptées de taxe d’habitation – ce qu’il semblait d’ailleurs déplorer, nous accusant d’avoir institué trop de dégrèvements et d’exonérations. Ne venez donc pas nous dire que les personnes aux revenus modestes sont concernées par le plafonnement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je ne parle que du foncier bâti, pas de la taxe d’habitation !

M. Augustin Bonrepaux. Il faut vraiment que le foncier bâti atteigne une valeur très élevée pour que la personne bénéficie du plafonnement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela arrive !

M. Augustin Bonrepaux. Mais vous reconnaîtrez qu’en ce cas, le foncier bâti peut procurer des revenus.

Dans ces conditions, le bouclier fiscal est d’autant plus injustifié qu’il pénalisera une fois encore les communautés de communes et d’agglomération, et notamment celles qui sont le plus en difficulté. C’est ce que vous ne voulez pas comprendre à propos de la réforme de la taxe professionnelle, et que vous comprenez encore moins avec le problème du bouclier fiscal.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 115.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 2

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 2.

M. Jean-Claude Sandrier. L’article 2 vient confirmer votre obstination et votre persévérance à défendre une réforme injuste, que nous avions dénoncée avec vigueur l'an passé.

Il est essentiel que les Français sachent de quoi il retourne car, lorsque vous affirmez que leurs impôts baissent, vous vous livrez en fait à un véritable tour de passe-passe. Depuis cinq ans, les lois de finances, auxquelles il convient d’ajouter l'ensemble des lois comportant des dispositions fiscales, ont révélé une certaine continuité : d’une part, baisse de l'impôt progressif sur le revenu, augmentation du poids des niches fiscales, baisse de l'imposition du patrimoine et de celle des entreprises ; d’autre part, augmentation d'autres prélèvements, comme la CSG ou encore la taxe d'habitation.

Le coût budgétaire des seuls changements intervenus au niveau du barème de l'impôt sur le revenu entre 2002 et 2007 dépasse donc les 8 milliards d'euros. Globalement, la réduction s'élève à 15 %. Vous affirmez que 68 % de celle-ci bénéficiera aux contribuables modestes et moyens. Mais pour faire valoir ce chiffre, vous situez le revenu moyen à 3 500 euros par mois. La ficelle est un peu grosse quand on sait que 90 % des salariés français gagnent moins de 2 900 euros par mois !

En vérité, sur cette période, les mesures gouvernementales auront essentiellement profité aux 10 % des contribuables les plus riches. Cette logique s'est aggravée avec la modification du barème de l'impôt qui réduit le nombre de tranches et institue un bouclier fiscal plafonnant les impôts directs des contribuables les plus aisés : 400 millions d'euros profiteront ainsi à seulement 15 000 contribuables, tandis qu’en réalité, 30 % des baisses d'impôts bénéficieront aux 5 % des Français les plus aisés. Pour donner une échelle de grandeur inverse, un salarié célibataire au revenu médian – soit 1 450 euros de revenus nets mensuels – paiera 100 euros d'impôt sur le revenu de moins qu'en 2002, mais 200 euros de plus de CSG.

Pour ceux qui ne voient jamais les bienfaits supposés des baisses que vous leur annoncez, les prélèvements augmentent : hausse de la CSG pour les salariés – l'assiette servant à son calcul est ainsi passée de 95 à 97 % du revenu brut –, hausse, entre 2005 et 2006, de 5,6 % de la taxe d’habitation, de 7,6 % de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, ou encore des droits sur les tabacs, pour ne rien dire de la hausse des prix de l'énergie ou du logement. Votre réforme se borne en définitive à mettre à contribution les ménages modestes et moyens pour compenser les allégements intervenus par ailleurs.

L'impôt sur le revenu ne pèse que 3,2 % de notre produit intérieur brut, contre 10 % en moyenne en Europe. Je le répète : si, comme nous l’a indiqué M. Méhaignerie hier, les Allemands paient trois fois moins d’impôt sur le revenu que les Français, il faudra nous expliquer par quel miracle le produit de cet impôt rapporte trois fois plus en Allemagne qu’en France. Si ces chiffres sont vrais, qu’attendez-vous pour agir, non seulement contre les paradis fiscaux, mais aussi contre le dumping fiscal et social qui sévit en Europe, induisant une concurrence déloyale et faussée ?

Votre souhait est d'en finir avec la progressivité de l'impôt, principe pourtant inscrit dans la Déclaration des droits de l'homme et adopté par tous les grands pays démocratiques, pour d'évidentes raisons. La progressivité est en effet le moyen le plus juste de faire contribuer les hauts revenus aux dépenses communes en fonction de leurs moyens. Il repose sur une idée qui vous est apparemment devenue complètement étrangère, à savoir que les revenus acquis par une personne ne résultent pas seulement de ses mérites personnels, mais aussi du bon fonctionnement de la société, sans lequel elle ne pourrait déployer l'activité à l'origine de ses revenus : un chef d'entreprise ne peut s'enrichir que s'il trouve une main-d'œuvre bien formée, des infrastructures et des services publics efficaces.

L'attractivité d'un territoire n'est pas seulement fondée sur le niveau des prélèvements obligatoires et sur leur caractère prétendument « confiscatoire ». D’où viendrait ce caractère « confiscatoire » quand le principe républicain de l'impôt progressif vise au contraire à garantir l'intérêt général, qui est aussi l'intérêt de tous ?

Pour toutes ces raisons, nous nous opposerons à l'adoption du présent article 2, sauf si notre amendement, qui propose de revenir à une vraie progressivité, à des modes de calculs équitables et profitables à tous – et non seulement, comme vous le faites, aux plus riches – est adopté.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Cet article prouve que le Gouvernement persévère dans l’erreur, malgré les analyses du président de la commission des finances, qui expliquait dès juillet 2005 que 8 milliards d’euros de réductions d’impôts avaient été dépensés en pure perte. Or, vous en accordez deux de plus – ce que vous avez d’ailleurs décidé dès l’année dernière ! Et comment ces deux milliards sont-ils financés ? Mystère…

On a reproché au gouvernement précédent de ne pas financer les baisses d’impôts qu’il mettait en œuvre, mais il faut dire que depuis 2002, c’est devenu la règle ! C’est un peu injuste et, on le devine, électoraliste : comme par hasard, vous voulez alléger le premier tiers de l’impôt sur le revenu !

L’année dernière, vous vous êtes empêtrés dans le problème du plafonnement des niches fiscales en refusant les amendements que nous proposions. Celles-ci permettent pourtant, comme Henri Emmanuelli l’a fort bien démontré tout à l’heure, à des contribuables aux revenus confortables d’échapper à l’impôt. Les députés de la majorité ont ainsi vidé de son contenu l’amendement en question, et il n’est donc pas étonnant qu’il ait été ensuite censuré par le Conseil constitutionnel.

Vous vous entêtez dans votre politique, alors que la situation de nos finances locales n’est pas brillante et que la Cour des comptes faisait valoir dans son rapport de 2005 qu’il n’était guère responsable de diminuer les prélèvements obligatoires tant que le déficit et la dette n’avaient pas été réduits. La commission Pébereau mise en place par le Premier ministre recommandait elle-même de ne pas diminuer les impôts tant que les finances publiques n’avaient pas été redressées. Cela relève du bon sens ! Pourtant, vous continuez de baisser les impôts pour satisfaire votre clientèle électorale.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement no 85.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, vous avez décidément du mal à dire la vérité aux Français. Je vous suggère de leur dire clairement que votre objectif n’est pas d’instaurer la justice fiscale – ils peuvent d’ailleurs le vérifier tous les jours – mais de porter un coup supplémentaire au principe de la progressivité de l’impôt, et avec lui au modèle républicain de la fiscalité. Vous voulez soumettre cette dernière au régime de la concurrence fiscale internationale, poursuivre et amplifier la baisse de l’impôt sur le revenu des contribuables les plus aisés, laquelle n’a pourtant aucun effet sensible sur l’emploi et la croissance.

La part de l'impôt sur le revenu ne représente que 17,3 % des recettes publiques et 3,2 % du PIB. C'est l'un des taux les plus faibles d'Europe : l'impôt sur le revenu s’élève en effet à 25,1 % des recettes publiques en Allemagne, à 29,8 % au Royaume-Uni et à 53,2 % au Danemark, la moyenne dans l'Union européenne des Quinze se situant à 25,8 %.

Il n'existe aujourd'hui aucune étude officielle sur le bilan de vos baisses d'impôts. Il serait pourtant utile d'en produire un. Depuis 2003, la croissance française est tirée presque exclusivement par la consommation des ménages, ou plutôt par la réduction de leur épargne. Tout a été fait pour pousser les Français à puiser dans leurs bas de laine – du moins pour ceux qui en ont un –, à emprunter ou à débloquer avant terme la participation : baisse de l'impôt sur le revenu, prêts à taux zéro, baisse de la rémunération des livrets A, prime fiscale aux prêts à la consommation. Vous avez, au fond, assis la croissance sur l'endettement des ménages, comme l’a excellemment rappelé notre collègue Jacques Myard cet après-midi.

Ne venez pas nous dire que le pouvoir d'achat des ménages s'accroît car cela est faux. Le chiffre de 2,8 % avancé par M. Breton s'appuie sur le revenu disponible brut salarial mais aussi patrimonial. Or, en 2006, le pouvoir d'achat du salaire moyen par tête dans les entreprises non financières a baissé de 1 %, après des reculs de 0,7 % et de 1,4 % les deux années précédentes. Dans la fonction publique, le pouvoir d'achat a reculé de 0,2 %. En revanche, les revenus de la propriété de l'entreprise ont progressé, eux, de 4,4 % en 2006, après une hausse de 5,1 % en 2005. Cherchez l'erreur, monsieur le ministre !

Vous nous dites avoir conçu la baisse des prélèvements obligatoires comme un outil de lutte contre l'atonie de la croissance. Ne savez-vous pas pourtant que, dans un contexte de panne de croissance, la baisse de l'impôt sur le revenu n'est pas la réponse appropriée, puisqu'elle favorise les plus hauts revenus, ceux dont la propension à épargner est la plus forte et donc, par symétrie, la propension à consommer la plus faible ? Comment pouvez-vous alors prétendre tirer par ce moyen la croissance vers le haut ?

Par-delà les considérations idéologiques, l'erreur stratégique est donc de taille ! L’idéologie libérale dont vous vous réclamez tente de promouvoir une fiscalité prétendument simple, neutre, efficace, ne perturbant pas la concurrence. Selon cette conception, la fiscalité doit être réduite au seul financement des missions régaliennes. Elle n'aurait pas pour but la redistribution ni la correction des inégalités. Le financement de ces missions régaliennes doit dès lors être assis sur des impôts efficaces et économiquement neutres comme la TVA et, le cas échéant, par des impôts proportionnels de type flat tax. Les réformes fiscales néolibérales prétendent ainsi améliorer les conditions de l'offre en favorisant les profits et en réduisant les missions de l'État.

Dans cette perspective, l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés sont nécessairement jugés « confiscatoires », pour reprendre l’adjectif du rapporteur général, tandis que l'ISF est censé nuire au développement et à l'investissement des entreprises. Aucune analyse sérieuse ne corrobore pourtant ces affirmations.

À l'opposé de votre logique d'aveuglement idéologique, nous proposons d'augmenter le nombre de tranches de l'IRPP et de renforcer son rôle redistributif. Nous sommes véritablement porteurs de propositions favorables aux plus modestes et aux classes moyennes. Ainsi, en augmentant le nombre de tranches en même temps qu'est augmenté le taux marginal et relevé le seuil du minimum imposable, nous proposons un allégement de la charge fiscale sur les revenus bas et moyens, une plus juste traduction de la progressivité du fait d'un meilleur étalement et d'une prise en compte plus efficace des hauts revenus, le relèvement, enfin, du minimum imposable, qui peut jouer un rôle incitatif dans le relèvement des salaires.

C'est tout le sens de notre amendement.

M. le président. La commission est défavorable ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a en effet rejeté cet amendement, considérant premièrement que cette réforme de l’impôt sur le revenu a conservé la même progressivité du barème, deuxièmement qu’elle est très efficace du point de vue économique, puisque nous avons maintenant un taux marginal à 40 % qui se compare aux autres taux, et troisièmement qu’elle doit être appréhendée sans être dissociée du doublement, depuis 2002, de la prime pour l’emploi. Tous ces éléments en font une réforme équilibrée, cohérente, juste et efficace, qu’il faut absolument mettre en œuvre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Concernant d’abord la question de la justice sociale, je voudrais rappeler que notre réforme fiscale ne fait que des gagnants. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Personne n’y perd. Ceux qui y gagnent le plus, en proportion de leurs revenus, ce sont les salariés les plus modestes et ceux des classes moyennes.

M. Henri Emmanuelli. Pas ceux qui n’ont pas de femme de ménage !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Comme il y a à propos des classes moyennes un débat récurrent depuis le début de notre discussion générale, je vous citerai l’élément statistique suivant : près de 70 % des 3,6 milliards d’euros de baisse d’impôt sur le revenu qui seront restitués aux Français iront aux foyers dont le revenu est compris entre 1 000 et 3 500 euros par mois. Et vos amis italiens – socialistes et anciens communistes – aujourd’hui au Gouvernement ont retenu, pour la réforme fiscale qu’ils sont en train de mettre en œuvre, exactement les mêmes critères.

M. Henri Emmanuelli. Ils ne sont donc pas saisis par l’idéologie !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En tout cas, ils ont compris qu’il était important que l’Italie sache s’adapter aux normes européennes. Cela m’amène à ma deuxième remarque : cette réforme met la France aux normes européennes. Enfin, c’est une réforme qui simplifie considérablement le barème, ce qui était bien utile.

Toutes ces raisons m’amènent à me prononcer contre votre amendement, monsieur Brard, et j’invite l’Assemblée à le rejeter.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Vous ne manquez par d’air, monsieur le ministre ! Je vous ai donné des chiffres ; vous n’en citez aucun. Dois-je vous répéter que l’impôt sur le revenu représente chez nous 17,3 % des recettes publiques, contre 53,2 % au Danemark et 25,8 % en moyenne dans l’Union européenne à Quinze ? Vos arguments ne résistent pas à cela ! Il fut un temps où vous nous emmeniez à l’Est ; désormais, c’est l’Italie. Mais le mimétisme n’a jamais constitué une politique et, alors que beaucoup nous ont rebattu les oreilles avec le modèle suédois – dont on a vu récemment sur quoi il avait débouché –, je ne connaissais pas encore le modèle italien. Il est vrai que nos voisins transalpins font preuve d’une créativité désarmante, mais je n’ai jamais entendu dire qu’elle ait fait la démonstration de son efficacité !

Vous parlez de la prime pour l’emploi. Mais qu’en est-il des chômeurs et des RMIstes ? D’eux, vous ne dites rien. Le rapporteur général parle d’efficacité. Mais où sont les études qui le démontrent ? Référez-vous plutôt à la moyenne européenne, car vos affirmations ne valent pas démonstration. Ce qui pour moi vaut démonstration, ce sont les injustices qui s’aggravent – les chiffres sont là pour le prouver –, c’est la misère qui progresse dans nos quartiers et la difficulté qu’ont les braves gens à boucler leurs fins de mois.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 111.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. Puis-je me permettre une petite remarque, monsieur le président ? Pourquoi, chaque fois que vous demandez à la commission des finances de s’exprimer, anticipez-vous sur l’avis qu’elle donne ?

M. le président. Vous n’avez sans doute pas saisi le point d’interrogation dans ma voix, monsieur Migaud.

M. Didier Migaud. Je préférerais que vous demandiez l’avis de la commission des finances, parce qu’il peut lui arriver, même si cela est rare, voire exceptionnel, d’adopter un amendement émanant d’un membre de l’opposition.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela arrive, en effet. On va le voir tout à l’heure.

M. Didier Migaud. Nous proposons à travers cet amendement de supprimer le dispositif que vous mettez en place pour réduire l’impôt sur le revenu dès le premier tiers.

Plus largement, je souhaiterais revenir sur l’article 2 et insister une fois encore sur l’injustice de votre politique fiscale. Depuis juin 2002 en effet, les impôts, les cotisations et les taxes ont augmenté ; l’impôt sur le revenu, lui, a en revanche baissé. Et il a baissé de façon profondément inégalitaire, puisque 10 % des contribuables bénéficient de 60 % du produit de la baisse de l’impôt sur le revenu. La Cour des comptes, qui a effectué des calculs pour les années 2003, 2004 et 2005, a elle-même fait observer qu’un très petit nombre de contribuables concentrait de très fortes réductions d’impôts. Cela traduit bien l’injustice de votre politique. Une grande majorité de nos concitoyens voient leurs prélèvements augmenter pour financer une réduction de l’impôt sur le revenu qui bénéficie à d’autres.

Cette injustice est aggravée par la succession de mesures que vous avez prises, qu’il s’agisse du bouclier fiscal, de l’impôt de solidarité sur la fortune ou des niches fiscales qui continuent de se multiplier depuis juin 2002.

Nous souhaitons sur ce sujet un vrai débat. L’an dernier, le Gouvernement avait fait un certain nombre d’annonces et nous pourrions reprendre quelques-uns des propos que vous avez vous-même tenus, monsieur le ministre. Quant au président de la commission des finances, il avait pour sa part admis que la réduction de l’impôt sur le revenu en 2002 avait été totalement inefficace et injuste, ce que M. Mer, dans un élan de sincérité, avait lui aussi reconnu à la tribune de cette assemblée.

Nous vous avons également entendu parler avec sévérité de l’incohérence et de l’injustice des nombreuses niches fiscales qui existent dans notre pays et qui permettent à des personnes bénéficiant de revenus importants de ne pas payer l’impôt sur le revenu. Or, en contradiction avec vos discours, vous avez aggravé la situation. Et cela ne manquera pas de s’accentuer l’année prochaine, compte tenu des nouvelles mesures que vous prenez.

Naturellement, on en parle beaucoup moins, et cela vous arrange, parce que, ces mesures ayant été prises l’an dernier, elles passent maintenant comme lettre à la poste. Vos silences assourdissants, monsieur le ministre, prouvent que vous avez du mal à assumer ces dispositions. C’est aussi ce qui explique la précipitation du président, qui montre même un certain agacement lorsque le rapporteur général tient à exprimer le point de vue défavorable de la commission des finances. Vous voulez aller vite, monsieur le président, mais je le comprends, parce que, démontrant l’injustice de cette mesure, nous appuyons là où ça fait mal. Ce dispositif tend à accroître les inégalités, mais c’est malheureusement une caractéristique de votre politique économique et fiscale depuis juin 2002. Plusieurs rapports de l’INSEE l’ont démontré pour 2005 et 2006, et je suis persuadé que la tendance s’accentuera au cours de l’année 2007.

Voilà pourquoi nous nous opposons à votre grande réforme fiscale qui ne bénéficiera qu’à quelques-uns, au détriment de tous les autres.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. Didier Migaud. Votre silence est toujours aussi assourdissant !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 111.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 217.

La parole est à M. Charles de Courson, pour le soutenir.

M. Charles de Courson. Cet amendement a pour objet de ramener de 8 % à 5 % la réduction du montant des acomptes prévisionnels ou des prélèvements mensuels afin de permettre un meilleur lissage de l’imposition due.

Il existe deux catégories de contribuables : ceux qui ont choisi la mensualisation et ceux qui paient par tiers provisionnels. La réduction de 8 % proposée par le Gouvernement s’appliquera, pour les contribuables qui sont au tiers, à celui de février et à celui de mai, alors qu’elle ne s’appliquera, selon le rapport, que pendant les six premiers mois pour les contribuables mensualisés.

Que se passera-t-il pour ceux de nos concitoyens dont le revenu augmente par rapport à l’année de référence ? Ceux qui sont mensualisés subiront une forte augmentation de leurs acomptes, ceux-ci étant calculés sur l’année précédente. Prenons l’exemple d’un contribuable dont le revenu a augmenté de 10 %. Pour compenser la réduction de 8 % dont il aura bénéficié au cours de premier semestre, son imposition augmentera d’autant plus au cours du second semestre.

Le rapport écrit de M. Carrez est peu explicite sur le choix d’une réduction de 8 %. Les baisses d’impôt s’élèvent à 3,5 milliards, soit un peu moins de 7 % du produit de l’IR qui atteint 59,8 milliards. Une réduction de 8 % est donc excessive et je propose de la limiter à 5 %. Nos concitoyens ne comprendraient pas pourquoi, après avoir bénéficié d’une réduction pendant six mois, ils subiraient une forte hausse de leur impôt, car il y a un mouvement brownien des augmentations. En réalité, ce dispositif produira un effet contraire à l’objectif initial de M. Breton de faire bénéficier rapidement tous les Français d’une réduction d’impôt. Bien entendu, tout rapprochement de cette mesure avec des échéances électorales connues est à prohiber !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

Monsieur de Courson, le nombre de mois auxquels s’appliquera cette réduction pour les contribuables mensualisés devrait être fixé par décret et je pense que M. le ministre va l’indiquer. J’estime pour ma part qu’il pourrait s’agir de cinq à six mois. Cette réduction étant plafonnée à 300 euros, le risque d’avoir à reprendre des avantages versés indûment est extrêmement faible. Avec une réduction de 8 % sur les six premières mensualités d’une part et un plafonnement global à 300 euros, cette proposition est parfaitement équilibrée et ne fera courir quasiment aucun risque au contribuable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. D’abord, je voudrais réfuter ce soupçon d’électoralisme. S’il suffisait de réduire les acomptes provisionnels pour gagner les élections, cela se saurait !

M. Didier Migaud. C’est vrai.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Et M. Jospin, qui a versé deux PPE en même temps, l’aurait emporté ! Mais chacun se rappelle que cela ne lui a pas porté chance…

M. Didier Migaud. Nous vous souhaitons le même destin !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je vous remercie, monsieur de Courson, de ne pas m’avoir fait ce procès d’intention, car je n’ai vraiment aucune arrière-pensée. Imaginer qu’une telle démarche suffise à faire gagner des élections, monsieur Migaud, c’est sous-estimer à la fois l’impact d’une élection et l’intelligence des Français.

Il fallait placer le curseur au bon niveau afin de ne pas se faire de la trésorerie sur le dos des Français et de réinjecter dès le début de l’année une part importante de la baisse de l’impôt sur le revenu, tout en veillant à ne pas les exposer au risque d’un ressaut d’impôt excessif.

Nous sommes parvenus à un arbitrage à peu près équilibré en tenant compte de tous ces paramètres et la formule que nous avons trouvée, soit une réduction de 8 %, plafonnée à 300 euros, va dans le bon sens. D’abord, le ressaut sera très faible – de l’ordre de 50 à 60 euros selon nos estimations – et pourra être étalé sur les trois derniers mois de l’année pour les contribuables au tiers et pour ceux qui sont mensualisés. Tout cela est donc parfaitement supportable.

Ensuite, nous mettons en place un dispositif grâce auquel la baisse de l’impôt profitera aux Français dès le début de l’année, contribuant ainsi à amplifier le mouvement que nous avons engagé pour encourager la consommation, l’investissement et l’embauche. Tel est l’esprit dans lequel nous avons travaillé.

Enfin, j’ai déjà eu l’occasion de le dire – nous avons beaucoup communiqué à propos de cette mesure –, je mets en place dès le mois de janvier une calculette électronique sur Internet permettant de connaître instantanément le montant de l’impôt dû et le type d’ajustement possible. Ainsi, le lien direct qui s’établira entre l’administration fiscale et le contribuable permettra d’ajuster le tir assez rapidement et de faire du « sur-mesure », le contribuable pouvant choisir lui-même le montant de la réduction de son acompte.

Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable à l’amendement de M. de Courson.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 217.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je demande une suspension de séance d’une demi-heure afin de pouvoir réunir notre groupe.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Compte tenu de l’heure, monsieur le président, je vous propose de lever la séance et de reprendre nos travaux demain matin. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous étions convenus de lever la séance à une heure. Je viens de recevoir un mot de M. Brard me disant qu’il souhaitait lever la séance dès maintenant.

Je vous propose donc, monsieur Brard, de nous arrêter à l’article 3, après avoir examiné les quatre amendements portant article additionnel après l’article 2.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, vous étiez convenu, peut-être avec vous-même, mais pas avec nous,…

M. Jean-Pierre Brard. C’est le début de la concertation !

M. Didier Migaud. …d’arrêter nos débats à une heure. Nous faisons tout pour que le débat se déroule sereinement et nous sommes favorables à ce que nos travaux se terminent à une heure raisonnable. Aussi, la proposition du président Méhaignerie nous semble sage. Nous avons déposé après l’article 2 des amendements très importants concernant le plafonnement des niches fiscales. Nous souhaitons avoir un vrai débat sur cette question, et non l’évacuer en cinq minutes.

M. Michel Bouvard. Continuons jusqu’à minuit et demi !

M. le président. Minuit et demi vous conviendrait-il, monsieur Migaud ?

M. Didier Migaud. Non, car, comme je viens de vous le dire, nos amendements sur le plafonnement des niches fiscales seraient balayés en quelques minutes. Nous nous associons à la demande de suspension du groupe communiste et républicain et nous estimons que la proposition du président de la commission des finances de lever la séance est très raisonnable.

M. le président. Je vais donc lever la séance.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Aujourd’hui, jeudi 19 octobre, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2007, n° 3341 :

Rapport, n° 3363, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 19 octobre 2006, à zéro heure vingt-cinq.)