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(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
À la lecture de cette dépêche, mais vous allez certainement nous apporter des éclaircissements, on ne sait pas au juste quelles sont vos fonctions. Est-ce pour gourmander le MEDEF ou pour vous occuper de l’économie et des finances du pays que vous avez été nommé au gouvernement ?
Vous tancez de façon sévère Mme Parisot, comme si elle l’avait mérité.
Voici en tout cas les propos qui vous sont prêtés : « Ceux qui représentent les entreprises, par exemple le MEDEF, n’arrivent plus à s’exprimer. Quand on ne dit pas les choses que l’on doit dire pour ses mandants, on perd de l’influence. On a besoin d’avoir des instances représentatives solides, responsables, et qui ne perdent pas progressivement du pouvoir comme une peau de chagrin. » C’est une critique en règle !
Je pense que vous avez oublié que vous n’êtes plus membre du MEDEF,…
Cette façon que vous avez de mélanger les genres et de confondre les affaires de l’État avec celles du MEDEF nous interloque, je le dis très franchement, à moins que, dernière hypothèse, vous n’aspiriez à remplacer Mme Parisot lorsque vous ne serez plus au gouvernement.
Il nous apparaît tout de même quelque peu curieux que le ministre de l’économie et des finances appelle le MEDEF à faire des commentaires et à exprimer des critiques sur ce qu’auraient dit ou n’auraient pas dit les candidats à la candidature du Parti socialiste pour la prochaine élection présidentielle. N’est-ce pas effectivement un mélange des genres ?
Je pense que vous allez nous rassurer, nous dire que vous n’avez pas tenu ces propos,…
Nous sommes ici pour débattre du budget de la France, et j’espère, monsieur le président, que l’on va revenir rapidement au cœur du sujet qui doit nous occuper ce soir.
En ce qui concerne la dépêche à laquelle vous avez fait allusion, monsieur Brard, et sur laquelle M. Migaud a rebondi, tel un cabri, j’ai déclaré, en tant que ministre de l’économie et des finances, que nous avions besoin en France d’avoir des institutions représentatives fortes.
J’ai même souligné, mais cela n’a pas été repris, c’est dommage, que j’étais heureux de voir des syndicats grandir et devenir plus forts.
J’ai dit en particulier que, dans un système fondé sur le paritarisme, j’appelais de mes vœux des instances fortement représentatives, que ce soit pour les salariés ou pour le patronat. Cela implique que, MEDEF ou syndicats, ils puissent s’exprimer lorsque les uns et les autres proposent pour la France des objectifs importants et que nous ayons un débat de qualité. Je parle plutôt, monsieur le président, du débat qui aura lieu dans six mois, mais on m’a interpellé sur ce sujet et je réponds. Lorsque certains font des propositions, qui peuvent parfois paraître un peu d’un autre âge, mais je ne veux pas en parler ici ce soir, je souhaite que ceux qui sont concernés fassent entendre leur opinion.
Voilà ce que j’ai dit. Peut-être la dépêche était-elle tronquée, monsieur Brard, et je suis heureux que vous m’ayez donné l’occasion de préciser les propos que j’ai tenus.
Nous ne contestons pas la légitimité des politiques de soutien aux PME. Les PME emploient aujourd’hui dans notre pays près de 60 % de la population active. Elles représentent plus de la moitié de la valeur ajoutée de l’ensemble des secteurs de l’industrie, du commerce et des services. Le tissu des PME, et particulièrement des TPE, représente un atout majeur pour notre pays, mais nous savons qu’il est aussi l’un des plus exposés aux conséquences de la dérégulation et de la concurrence que se livrent les grands groupes, et de la pénétration sans cesse croissante des marchés financiers dans l’ensemble du tissu économique.
Nombre de ces entreprises sont soumises à la pression de leurs donneurs d’ordre qui leur imposent un rythme de production et une pression sur les prix insoutenables. En outre, une grande proportion d’entre elles ne sont que des entités déconcentrées de grands groupes, dont l’indépendance économique et managériale est fictive, dont la dépendance est totale vis-à-vis des grands groupes : 42 % des salariés des PME sont employés dans ce type d’entreprises, 73 % dans les PME de 200 à 499 salariés et le phénomène s’accentue chaque année.
Dans ce contexte, comment croire que la mesure que vous nous proposez sera capable de répondre aux difficultés des PME indépendantes ? D’une part, en effet, vous n’opérez aucune distinction entre les PME indépendantes et les autres, alors qu’il paraît indispensable de commencer par distinguer entre les situations des unes et des autres. D’autre part, vous n’envisagez aucune mesure d’ensemble propre à encourager l’activité économique, ni aucune mesure visant le comportement des banques, qui portent une lourde responsabilité dans la difficulté que rencontrent les entreprises à financer leurs projets. Rappelons que la moyenne des taux d’intérêt exigés par les banques des plus petites entreprises est de 6 à 8 %, alors que, les grands groupes bénéficient de taux d’intérêt de 2 % pour mener à bien leurs opérations financières.
Rien n’est fait non plus, ou si peu, pour desserrer l’étau que constitue l’emprise croissante des grands groupes et lutter contre les conduites fortement prédatrices de certains d’entre eux, notamment parmi les acteurs de la grande distribution.
Pourtant essentielle à la pérennité des entreprises, la formation ne fait l’objet d’aucune attention de quelque ampleur. Un investissement massif dans la formation serait pourtant indispensable pour relever les défis actuels. Cela suppose la mise en œuvre d’une politique volontariste de la formation, accompagnée d’une revalorisation des métiers de l’artisanat auprès des jeunes.
Au lieu de financer à l’aveuglette et sur fonds publics l’aide aux PME, il serait plus judicieux de mobiliser l’argent stérilisé dans les banques et autres institutions – 80 % des actifs financiers n’étant pas réinvestis dans la production – par un crédit sélectif, à taux bonifié, accordé en fonction des efforts réalisés en faveur de l’emploi, de la formation et de l’investissement productif.
À l’évidence, les mesures de crédits d’impôt que vous préconisez ne répondent aucunement à ces exigences.
Je le mets aux voix.
(L’article 6 est adopté.)
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir amendement no 90.
La hausse des cours du pétrole est à l’origine de profits supplémentaires pour les grandes compagnies pétrolières, qu’aucun motif légitime ne vient justifier, et qui sont réalisés sur le dos des consommateurs alors que l’on sait que ces compagnies contrôlent tout, de la production à la distribution. Aucune décision concrète n’a été prise pour mettre fin aux dérives d’un mécanisme de formation des prix sur lequel les pays producteurs, notamment l’OPEP, indiquent n’avoir que très peu de prise.
Dans notre pays, la hausse des prix du pétrole avait conduit, sous la précédente législature, à mettre en place un prélèvement exceptionnel sur les compagnies pétrolières. Dans le même esprit, et pour faire face à une situation semblable, nous vous proposons d’instaurer une surtaxation des bénéfices au titre de l’impôt sur les sociétés. La surtaxe serait proportionnelle à l’évolution du prix du baril de brent de la mer du Nord coté à Londres.
Les compagnies pétrolières se font trop souvent les complices d’États où la démocratie n’est pas nécessairement exemplaire, pour faire monter les prix et ainsi multiplier leurs bénéfices. Total, pour ne parler que d’elle, enregistre un bénéfice net de 20 milliards d’euros sur dix-huit mois.
Mais ce que l’on oublie de dire aux Français, c’est que l’entreprise est non seulement propriétaire des pompes, mais également des puits de pétrole en sorte que TotalFinaElf s’achète et se le revend le pétrole à elle-même.
Ces pratiques doivent être dénoncées et combattues afin que nos concitoyens ne soient pas pris pour les tiroirs-caisses que l’on ponctionne pour permettre aux grandes compagnies de dégager toujours plus de bénéfices. Car il est scandaleux qu’à partir d’une augmentation des prix du baril, ces compagnies trouvent le moyen de pulvériser tous les records de profits et de dividendes.
Quant à l’État, il n’a pas à s’enrichir sur le dos de nos concitoyens grâce à la TVA – qui augmente avec l’augmentation du prix à la pompe – ou à la TIPP qui sont prélevées indistinctement dans les poches de tous les habitants de notre pays à chaque fois qu’ils passent à la pompe à essence, et cela indépendamment de leur situation ou leurs revenus.
Le Gouvernement doit rompre avec ces pratiques et agir fiscalement pour que les compagnies pétrolières cessent leur marchandage et le chantage qu’elles exercent à tous les niveaux pour augmenter les revenus de leurs dirigeants et de leurs actionnaires.
J’avais promis des chiffres à la commission des finances pour montrer que ce dispositif général avait été efficace et les voici : sur l’ensemble des entreprises pétrolières, le montant total de l’impôt acquitté en France s’élève à plus de 500 millions, dont les trois quarts ont été réglés au titre du quatrième acompte, ce qui montre bien l’efficacité du dispositif. À elle seule, Total couvre les trois quarts de cette somme.
Mais, monsieur Sandrier, de façon tout à fait cohérente avec le chiffre de 20 milliards de bénéfices que vous avez donné sur l’ensemble des activités internationales de Total, l’entreprise – cela figure dans sons rapport annuel – a payé, au titre de 2005, 9 milliards d’impôt, pour l’essentiel, dans les différents pays de production.
Compte tenu du fait que Total est assujettie au régime du bénéfice mondial, et des conventions passées, il est tout à fait logique que, lorsque cet impôt a été payé dans ces différents pays, il ne soit pas versé une seconde fois en France.
Par ailleurs, Total étant une entreprise implantée en France sous forme de holding, le régime fiscal applicable – le régime mère-fille – fait, que pour éviter une double imposition, les dividendes qui remontent ne sont pas imposés.
Le système d’acompte mis en œuvre en 2005, et qui s’appliquera à nouveau en 2006, a été très efficace pour adapter la réalité de l’impôt effectivement perçu au plus près de la réalité des bénéfices.
Total, première entreprise pétrolière de France, réalise, il est vrai, des bénéfices importants, mais essentiellement en dehors de France, compte tenu de son implantation et notamment de son activité d’exploration et de production sur les champs pétrolifères.
Compte tenu de l’importance du secteur énergétique en France, on aurait pu, monsieur Sandrier, se demander si, au titre du juste retour vers la collectivité, l’impôt, déjà très important, et dont le rapporteur a rappelé que nous faisons déjà en sorte qu’il soit payé lorsque le bénéfice est constaté, ne devait pas être encore augmenté.
Plutôt que de créer un impôt supplémentaire, comme vous nous le proposez, nous avons souhaité entrer en discussion avec les pétroliers, et en particulier avec Total, pour savoir dans quelles mesures ils étaient prêts, au-delà des bénéfices réalisés, à investir très significativement en France d’une part pour augmenter les capacités de raffinage – l’un des problèmes au niveau mondial c’est le manque de capacité de raffinage et pendant plusieurs années le différentiel entre les capacités de production et la demande était si ténue qu’au moindre incident, les prix du pétrole raffiné augmentaient – et d’autre part, dans la recherche et développement.
Nous leur avons donc demandé quels étaient leurs plans additionnels d’investissement sur les années qui viennent et jusqu’à 2010. C’est 3 milliards d’euros que Total investira en France pour accroître ses capacités de raffinage, mais aussi ses efforts de recherche et développement dans les énergies renouvelables, car nous allons entrer dans l’ère de l’après-pétrole, et il faut s’y préparer. Nous examinerons du reste un certain nombre d’amendements sur ces questions, notamment en ce qui concerne le bioéthanol.
Le Gouvernement a choisi d’inciter les grandes entreprises pétrolières qui réalisent, c’est exact, des bénéfices importants, à payer leur impôt immédiatement, mais également à accroître très significativement leurs investissements sur le territoire national, en capacités de raffinage et également de recherche.
Je rappelle que d’ici à 2010 ce sont 500 millions d’euros supplémentaires qui seront investis en recherche et développement pour développer les énergies alternatives.
Enfin, en ce qui concerne les énergies renouvelables, Total a pris l’engagement, dès l’année prochaine, de développer sur le territoire national, plus de 250 stations-service proposant du bioéthanol de façon à commencer à développer des énergies alternatives. C’est un investissement pour cette entreprise. Nous avons préféré opérer de cette façon dans l’intérêt national plutôt que de taxer, sans savoir pourquoi, ni comment. Là au moins nous avons des montants très significatifs, des engagements et je crois pouvoir vous dire que c’est l’intérêt de la nation d’avoir procédé de cette façon.
Point n’est besoin en effet d’avoir fait des études économiques poussées pour constater que l’augmentation du prix du carburant à la pompe fait perdre des recettes à l’État, si on ne tient compte que de la TVA et de la taxe intérieure sur la consommation. Ce constat est partagé par tous les membres de cette commission, quelle que soit leur sensibilité politique.
Mais il s’agit de savoir de combien a augmenté en France la dette fiscale des compagnies pétrolières – c’est-à-dire Total essentiellement – au titre de l’impôt sur les sociétés. À cette question que je pose depuis des mois, on oppose à chaque fois le secret d’État, sous prétexte que Total étant soumis au régime du bénéfice mondial consolidé, le montant de l’impôt dû en France est couvert par le secret fiscal. Permettez-moi de rire : une brève recherche sur la Toile suffit à révéler que Total verse neuf milliards d’euros pour un bénéfice de dix-huit milliards. Reste à savoir combien sont dus en France.
Si je vous ai bien compris, monsieur le rapporteur général, nous n’avons toujours pas de réponse sur ce point précis. On vous a dit que la majoration d’impôt liée au nouveau dispositif d’accélération du versement de l’IS a rapporté trois quarts de 500 millions, soit 375 millions d’euros supplémentaires en ce qui concerne Total. Sur les deux milliards d’euros versés à ce titre par l’ensemble des entreprises françaises, le quart vient des sociétés pétrolières, dont 375 millions d’euros de la seule société Total.
Doit-on déduire de ce chiffre, monsieur le rapporteur général, que Total paye en tout 800 millions d’euros en France au titre de l’IS – c’est l’addition des 375 millions et de la base d’IS, – soit à peu près 10 % de la somme due au titre de l’IS au niveau mondial ? Je crois que nous sommes dans ces ordres de grandeur.
Cela signifie, monsieur le rapporteur général, qu’il faut ajouter au chiffre obtenu par la commission Durieux environ 200 à 300 millions en ce qui concerne la seule société Total. Voilà pour ma première observation.
Deuxièmement, monsieur le ministre, j’ai été surpris – et nous avons, avec le président Méhaignerie, échangé quelques clins d’œil à ce moment – d’entendre de la part d’un homme qui a pendant de nombreuses années dirigé des entreprises un tel argumentaire sur le coût pour Total de son patriotisme économique en matière de biocarburants. comme je l’ai déjà dit ici, Total a tout essayé pendant des années pour freiner l’oxygénation des carburants. Je reviendrai sur ce point à propos du E85.
Tout le monde sait ce que feront les distributeurs, qu’il s’agisse de sociétés pétrolières ou non, puisque 58 % de la distribution de carburants est assurée en France par les grandes surfaces : ils reconvertiront une des deux pompes, qui n’est pratiquement plus utilisée, dans la distribution du carburant qui n’a pratiquement plus de débouché. Il y a aura donc bien un coût, mais rassurez-vous, mes chers collègues, ce sera peu de chose.
Vous parlez, monsieur le ministre, de trois milliards d’euros consacrés à l’outil de raffinage : tout le monde sait qu’il est complètement obsolète.
Cela dit, monsieur Sandrier, je trouve que votre solution est faible, car je ne suis pas personnellement partisan de surtaxer les pétroliers. Je les ai cependant plusieurs fois déjà mis en garde contre le risque que leurs comportements hégémoniques ne finissent par leur valoir une taxation exceptionnelle, comme cela leur est déjà arrivé en Grande-Bretagne, dont le gouvernement est pourtant bien plus libéral que le gouvernement français.
On pourrait donc parler longtemps du prétendu « patriotisme économique » de Total ! Ne soyons donc pas totalement naïfs en la matière.
Mais revenons à notre sujet, monsieur le ministre. Notre collègue de Courson a fort bien expliqué comment vous transformez le vice en vertu. Vous nous dites que Total va investir : en y regardant de plus près, on se rend compte que ces investissements ne sont qu’un rattrapage, et que les actionnaires de la société, obnubilés qu’ils étaient par les dividendes, n’ont pas décidé à temps les investissements nécessaires. C’est qu’investir supposait qu’on distribuât moins de dividendes, ce qui nous aurait évité de nous retrouver avec un parc de raffineries aussi obsolète, entre autres insuffisances.
Vous vous esbaudissez, monsieur le rapporteur général, du fait que Total, qui devait 500 millions d’euros, a versé ces 500 millions plus tôt que prévu : la belle affaire ! Quand on accumule des bénéfices aussi insolents, je ne vois pas quel mérite patriotique il y a à faire ce petit geste.
Il y aura donc – tenez-vous bien – des investissements à hauteur de 500 millions d’euros d’ici 2010…
Discutez avec les grands groupes autant que vous voulez : on s’instruit toujours du cynisme de tels interlocuteurs. Mais ne perdez pas de vue que vous n’avez pas obtenu grand-chose en regard des bénéfices qu’ils réalisent.
Vous avez dit qu’il n’était pas question de taxer sans savoir pourquoi ni comment. Mais la raison est toute simple, monsieur le ministre : il vaut mieux que l’État finance les politiques publiques en puisant dans les profits invraisemblables de Total plutôt que dans la poche des RMIstes via la TVA.
Quant aux modalités d’un tel prélèvement, on les connaît puisqu’il a déjà été mis en œuvre dans le passé. Mais nous sommes disposés, si vous le voulez, monsieur Breton, à constituer un groupe de travail pour rechercher avec vous la meilleure méthode. De tels bénéfices suffisent en eux-mêmes à donner des idées en la matière !
L’adverbe « significativement » que vous avez employé, monsieur le ministre, pour qualifier les investissements attendus ne nous informe pas suffisamment quant au montant de ces investissements. Il manifeste seulement que votre détermination à faire rendre gorge à ces gens-là n’est pas suffisante. Je ne vous recommanderai pas, comme l’a fait M. de Courson, d’être dur, mais d’être équitable : qu’ils rendent toutes ces sommes indûment gagnées. Qu’ont fait d’extraordinaire les actionnaires de Total pour mériter une telle rémunération de leur capital, quand tant de gens dans notre pays souffrent de l’extrême modestie de leurs revenus ?
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.
Ce prélèvement est justifié, aux yeux de nombreux élus, par la constatation que, hors de toute décision propre à ces entreprises, notamment d’investissement, leurs résultats s’améliorent mécaniquement en période de forte hausse des prix du pétrole. Il y a là un effet d’aubaine. Il est légitime de considérer qu’une partie de ces revenus exceptionnels doive être réaffectée, par l’intermédiaire du budget général, au profit de l’ensemble de nos concitoyens, au financement de politiques publiques contribuant à des économies d’énergie.
Le Gouvernement a d’ailleurs évoqué un temps la possibilité d’une telle taxation exceptionnelle. Certains de vos propos, monsieur le ministre, ont pu laisser penser que vous étiez au bord d’esquisser un geste susceptible d’entraîner une possibilité de menace de prélèvement exceptionnel, même si cela était encore un peu timide ! Mais depuis on n’a rien vu venir, alors que les bénéfices des pétroliers continuaient de croître.
Au-delà de ce qui vient d’être dit par le rapporteur général et les orateurs qui se sont exprimés avant moi, des associations estiment que 83 % de la hausse du prix du carburant étant absorbés sous la forme d’une rente au profit des producteurs pétroliers, il faut réfléchir à un tel prélèvement.
Une telle taxation exceptionnelle a eu des précédents dans notre pays, mais aussi en Grande-Bretagne. La commission des finances du sénat américain a également voté une telle disposition. Que je sache, il ne s’agit pas là de dangereux gauchistes…
Il est donc proposé ici la mise en place d’une taxation exceptionnelle des entreprises pétrolières. Vous ne saviez comment faire, monsieur le ministre : nous vous proposons une méthode. Nous sommes un peu surpris cependant de ce manque d’imagination car on vous connaissait plus créatif en matière de dispositifs fiscaux !
Pourquoi donc ? Rassurez-vous, les idées ne manquent pas, car il reste beaucoup à faire. On pourrait ainsi amplifier les actions visant à renforcer la lutte contre les pollutions, à préserver notre environnement et à encourager les énergies renouvelables ou les transports collectifs en France – j’observe par exemple que vous avez supprimé, dans le cadre de votre projet de budget, le soutien de l’État aux transports en commun tels que les tramways ou trolleys en site propre. Ces idées, qui pourraient être déclinées, permettraient d’utiliser le produit de ce prélèvement exceptionnel. C’est du moins ce que nous proposons, car nous ne sommes nullement convaincus par votre argumentation.
Une deuxième réponse consisterait à envisager une convergence européenne, car la modification des taux de pression fiscale dans un pays risque d’entraîner le déplacement des sièges sociaux des entreprises.
Je formulerai enfin une proposition que ne pourront contester les grandes sociétés telles que Total, car les grandes entreprises des autres pays européens – et, a fortiori, des États-Unis – investissent beaucoup plus dans les fondations que ne le font les grandes compagnies françaises.
Je tiens à dire que j’apprécie énormément l’imagination de M. Brard et de M. Migaud. Il importe, en effet, que nous ayons tous de l’imagination…
Vous soulignez à très juste titre que nous n’en faisons jamais assez pour accroître les recettes de l’État.
J’en viens maintenant à Total et aux entreprises pétrolières. Vous avez fait référence, monsieur Migaud, à la Grande-Bretagne, où il existe en effet une taxe spécifique. Cependant, comme vous le savez, la Grande-Bretagne est encore un pays producteur d’hydrocarbures et il serait étonnant qu’il ait échappé au grand spécialiste que vous êtes, monsieur Migaud, que cette taxe porte sur l’extraction.
Or, comme cela ne vous aura sans doute pas échappé non plus, Total n’exploite plus en France ni pétrole, ni gaz. Lacq, c’est fini !
Ce n’est pas à vous qu’il faut apprendre, monsieur Migaud – et le président de la commission des finances vient d’ailleurs de le rappeler –, que nous vivons aujourd’hui, implicitement, dans un monde ouvert et qu’une entreprise paie l’impôt là où se trouve son siège social. Il suffit d’une décision de l’assemblée générale pour que le siège social se transporte ailleurs – et que l’entreprise paie l’impôt ailleurs.
Nous devons donc nous efforcer ensemble de gérer tout cela dans l’intérêt du pays. C’est la raison pour laquelle nous avons trouvé avec les entreprises pétrolières un accord aux termes duquel elles ne paient pas seulement de l’impôt – elles en paient d’ailleurs beaucoup, et c’est tant mieux –, mais elles investissent aussi massivement sur le territoire national, et peut-être plus qu’elles ne l’auraient fait sans cela, ce qui est une bonne chose pour la compétitivité de notre pays et pour l’emploi.
Quant à la suggestion du président de la commission des finances, elle me semble une excellente idée et je vais m’employer à la promouvoir auprès des présidents des entreprises pétrolières en France.
Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, quelle est la nature de l’accord que vous avez passé avec cette société. Avez-vous passé un contrat prévoyant des engagements réciproques, précisant par exemple qu’il n’y aura pas de traitement discriminatoire en France envers le groupe Total, mais que celui-ci, en contrepartie, modernisera l’outil de raffinage, qui est complètement obsolète, et créera une fondation pour montrer qu’il est basé en France, comme le propose Pierre Méhaignerie ? L’avez-vous négocié sous la forme d’une convention, d’un échange de lettres avec le responsable ? Total ne pourra pas indéfiniment se comporter comme elle le fait actuellement.
Pouvez-vous donc nous préciser la nature des engagements pris et nous indiquer dans quel texte ils ont été pris ? Ou bien, s’agit-il uniquement des paroles ? Si tel le cas, monsieur le ministre, ces engagements seront bientôt oubliés car, comme nous tous, vous passerez et aurez un successeur… Existe-t-il vraiment un document écrit, un échange de lettres ? À défaut, il arrivera en France ce qui est arrivé en Grande-Bretagne ou dans de nombreux autres pays : viendra un moment où l’on se dira qu’on ne peut plus continuer ainsi.
Je pense comme vous, monsieur le ministre, qu’il faut toujours trouver le meilleur équilibre possible, compte tenu du risque de voir se délocaliser les sièges de certaines entreprises. Cela dit, lorsque nous avons mis en place ce prélèvement exceptionnel, cela n’a pas eu de conséquences et Total me semble avoir parfaitement compris alors la décision prise par le Parlement français. Vous devriez aujourd’hui être en mesure de vous montrer plus volontaire, plus volontariste, avec les compagnies pétrolières.
La question posée est en fait la suivante : les augmentations du cours du pétrole créent-elles un effet d’aubaine ? Si c’est le cas, il est tout à fait légitime que l’on demande un partage de ces bénéfices inattendus. Je suis étonné que le président de la commission des finances se contente de votre réponse, qui se limite à dire que les entreprises pétrolières se sont engagées à investir davantage. Je me souviens qu’en entendant la réponse du président d’EDF à la commission des finances à propos du prix de l’électricité fixé par cette entreprise, M. Méhaignerie, président de la commission, avait déclaré qu’il ne fallait pas exagérer. Il devrait avoir le même raisonnement à propos des compagnies pétrolières.
J’en reviens à la question : y a-t-il, ou non, effet d’aubaine ? Si vous estimez comme nous que c’est le cas, pourquoi ne pas demander un partage de ces bénéfices ?
Je ferai également écho à la question de M. de Courson : vous avez évoqué un accord, ou un contrat,…
Plusieurs rencontres ont en effet eu lieu avec les compagnies pétrolières, au cours desquelles nous avons demandé et obtenu trois engagements.
Le premier consiste à ce que toute baisse du prix du baril de pétrole soit répercutée instantanément au profit des consommateurs,…
Le deuxième engagement a été de d’obtenir que les entreprises s’engagent à investir. Monsieur de Courson, vous connaissez les entreprises aussi bien que moi et vous savez que l’engagement d’une entreprise ne se prend pas sur un papier avec le ministre, mais devant les marchés financiers, devant les actionnaires. Dès lors qu’un engagement est pris publiquement, il est fait pour être tenu – telle est la logique de l’entreprise.
Mes collaborateurs et moi-même avons vérifié que cet engagement, qui a pour terme 2010, a déjà été tenu pour moitié au bout d’un an. Je vous confirme donc bien volontiers que l’engagement pris publiquement par les entreprises devant nous et devant leurs actionnaires, c’est-à-dire devant les marchés financiers, est bien tenu, avec de l’avance par rapport au calendrier prévu. Au demeurant, nous restons vigilants et saurons rappeler cet engagement pris en matière d’investissement.
Le troisième engagement, enfin, porte sur la recherche et le développement dans notre pays. En effet, un groupe mondial peut choisir où il fait ses investissements en la matière. J’ai demandé que ces investissements se fassent en France, et les industriels s’y sont engagés. Il a ainsi été décidé que 500 millions d’euros seraient investis en France dans la recherche et le développement dans le domaine des énergies renouvelables. Là aussi, cet engagement a été pris publiquement devant nous et devant les actionnaires et jusqu’à présent, même s’il nous faut rester vigilants, il est tenu.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi de deux amendements, nos 83 rectifié et 283 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 83 rectifié.
D’une part, cette filière permettrait d’avoir un prix à la consommation relativement bas, ce qui indiquerait, notamment aux pays producteurs de pétrole, qu’il y a des ressources alternatives à un prix qui peut être inférieur au pétrole – je rappelle que lorsque nous avons lancé cette étude, le prix du baril oscillait entre 75 et 80 dollars le baril –, ressources alternatives qui pourraient donc être compétitives et, ce faisant, marquer un plafond au-delà duquel ces pays devraient être vigilants quant à l’envolée des prix de leurs produits.
D’autre part, elle permettrait de commencer à se préparer à l’après-pétrole, c’est-à-dire à avoir des ressources énergétiques qui soient faciles en termes d’usage, et qui surtout puissent être mixtes parce que c’est ça le grand intérêt par rapport à des options qui consisteraient à incorporer dans des carburants classiques du bioéthanol ou du Diester. La solution, ce serait d’avoir un carburant qui puisse être mis dans les moteurs des véhicules, en alternance avec l’essence. Or cette solution existe, elle a déjà fait ses preuves dans un certain nombre de pays. Nous avons donc souhaité voir comment on pourrait la développer en France comme elle l’a été, avec un grand succès, au Brésil, aux États-unis et dans d’autres pays.
Pour ce faire, le Gouvernement a retenu les propositions qui ont été faites par M. Alain Prost et par la mission qu’il a menée. Cela nous permet de garantir aujourd’hui plusieurs éléments.
Tout d’abord, c’est la garantie de conditions compétitives, qui impliquent que sur la partie éthanol, c’est-à-dire environ 85 % du produit, la TIPP soit réduite à zéro, la taxe ne portant que sur la partie essence, donc sur les 15 % restants. Obtenant ainsi un prix à la consommation qui serait, toutes choses égales par ailleurs, aux alentours de 80 centimes d’euro le litre, nous pourrions développer cette filière alternative.
Bien sûr, il faut développer aussi un réseau de stations-service. Cet engagement a été pris par les pétroliers puisque collectivement ils ont garanti que, dès l’année prochaine, il y aura 500, voire 600 stations-service implantées sur le territoire national, essentiellement sur le réseau autoroutier et dans les principales grandes villes.
Ajoutez à cela le fait que les industriels de l’automobile se sont engagés qu’à l’horizon 2009-2010, 50 % des véhicules qui seront vendus en France fonctionneront au flex-fioul, c’est-à-dire avec un moteur mixte qui peut recevoir alternativement du bioéthanol et de l’essence.
Une charte finalisant ces engagements doit être bientôt signée par le Premier ministre et les représentants des filières concernées.
Nous estimons donc que pour lancer le superéthanol, il convient de proposer cette fiscalité particulière. Tel est l’objet de cet amendement. Encore une fois, je souligne qu’il y a trois éléments qui permettent de lancer cette filière : premièrement, indiquer un prix plafond, signal qui a été bien accueilli par les pays producteurs de pétrole, lesquels comprennent que dorénavant il y a des carburants alternatifs à des prix compétitifs et qu’il convient d’en tenir compte ; deuxièmement, développer une solution en termes de choix pour les automobilistes pour qu’ils puissent bénéficier des baisses lorsqu’elles interviennent ; troisièmement, développer une filière agricole dans un secteur essentiel. La France est un grand pays agricole, on va donc développer progressivement ces ressources. Cela nous prendra certes du temps, mais, en tout état de cause, nous estimons que, ces trois engagements ayant été pris, c’est une bonne chose pour les consommateurs français, pour la maîtrise des prix, pour la sécurité énergétique de notre pays.
Seconde observation, monsieur le ministre, il y a deux différences entre l’amendement du Gouvernement et celui que j’ai déposé avec mes collègues Demilly et Morin.
La première différence, c’est que je pense qu’en application de l’article 34 de la Constitution, il faut que nous, législateurs, définissions l’assiette de l’impôt. Or, dans votre amendement, vous ne dites pas ce que c’est que le superéthanol. Il me semble qu’on pourrait le définir en disant que c’est un carburant mixte bioéthanol et essence comprenant entre 70 % et 85 % de bioéthanol. Vous allez me répondre que vous le ferez par voie réglementaire.
La seconde différence entre les deux amendements, c’est que si nous avons la même position – exonération totale de la part bioéthanol et taxation au taux minimum communautaire, c’est-à-dire 34,93 euros l’hectolitre, de la part restante –, nous divergeons sur les modalités de mise en œuvre. Le Gouvernement propose une taxe intérieure de consommation de 33,43 euros l’hectolitre pour la totalité du carburant, considérant que c’est un carburant spécifique, de laquelle sont déduits 33 euros l’hectolitre multipliés par le pourcentage d’incorporation, ce qui donne une TIC nette de 5,38 euros l’hectolitre pour l’E85 et de 10,33 euros pour l’E70, soit un prix de revient voisin de 80 centimes d’euro le litre pour le premier et de 81 centimes d’euro pour le second. Pour ma part, je pense qu’un système proportionnel serait plus conforme à la nature de ce produit et à la cohérence intellectuelle.
Mais si vous me convainquez du contraire sur ces deux points, je serais susceptible de me rallier à votre amendement.
Mais je n’ai pas très bien compris la justification de l’E85,…
La première, c’est que nous avions jusqu’à présent un objectif d’incorporation de 10 % d’éthanol ou de Diester dans les carburants actuels. C’était déjà un objectif difficile à atteindre. Le secrétaire général de la FNSEA, M. Lapie, a d’ailleurs dit, dans un article du journal Les Échos paru aujourd’hui, qu’au-delà d’un taux de 10 %, les agriculteurs ne pourraient pas suivre, compte tenu de l’équilibre entre la production alimentaire et la production de carburant. Comment répondre à l’immense espoir suscité, notamment chez les agriculteurs ? Avons-nous les capacités de développer des carburants verts à hauteur suffisante pour satisfaire la forte demande qui ne manquera pas de se manifester ?
La seconde raison, c’est que dans cinq ou six ans, nous verrons émerger, nous l’espérons, les carburants de la deuxième génération, dont la rentabilité sera deux à trois fois supérieure.
La première étape devrait être d’atteindre le taux d’incorporation de 10 %, la seconde de développer les carburants de deuxième génération, qui induiront de moindres pertes de recettes fiscales.
Vous avez en partie répondu à ces questions, monsieur le ministre, en indiquant que ces solutions alternatives pouvaient être un signal pour les pays producteurs de pétrole. Mais ce signal ne peut être exclusivement français. Compte tenu de ce que représenterait la masse de super éthanol dans la consommation, peut-on envisager une convergence des pays européens vers les perspectives que vous avez définies ?
L’intérêt du bioéthanol est que l’on peut l’associer à un carburant traditionnel. Mais, je le répète, nous n’avons nullement l’intention, dans les prochaines années, de nous engager dans la voie qui est celle du Brésil, en substituant totalement les hydrocarbures d’origine végétale aux hydrocarbures d’origine fossile.
Vous avez cependant raison de poser la question en ces termes : dans les prochaines années, nous pouvons en effet prévoir des gains de productivité. D’autres sources que les céréales ou la betterave apparaîtront,…
Par ailleurs, monsieur le président Méhaignerie, je m’entretiens de ces sujets avec mes homologues ministres des finances, dans le cadre de l’Eurogroupe et du Conseil ECOFIN : chacun estime, comme vous le suggérez vous-même, qu’il importe de coordonner la politique européenne en la matière. Telle est d’ailleurs la position française que j’ai défendue il y a six mois auprès de nos partenaires européens, qui sont tous convaincus de la nécessité de passer, pour chaque État membre, de 7 à 10, voire 15 % d’ici à 2012. Il en va de l’indépendance énergétique de notre pays et de notre capacité à maîtriser une éventuelle flambée des cours des hydrocarbures traditionnels.
J’en viens à votre amendement, monsieur de Courson. Le Gouvernement partage votre souci de voir se développer dans notre pays un nouveau carburant plus favorable à l’environnement et à l’économie. Ce carburant, dont il faut en effet spécifier la composition devant votre assemblée, contiendra une très forte teneur d’éthanol pur – jusqu’à 85 % –, et 15 % d’essence.
La réglementation française sera établie en fonction des normes internationales, telles qu’elles existent déjà dans certains pays, comme les États-Unis ou la Suède. Les textes nécessaires seront publiés avant la fin de l’année, afin d’assurer le démarrage de la filière dès le mois de janvier 2007. Ils spécifieront bien sûr que le super éthanol E85 doit comporter une très forte proportion d’éthanol.
Il me semble donc que le Gouvernement répond, sur ce sujet, aux préoccupations dont vous avez fait part avec votre amendement.
Quant à la taxation du produit, vous proposez, d’une part, de retenir le principe d’une imposition nulle pour l’éthanol contenu dans l’E85 et, d’autre part, d’appliquer au carburant lui-même un tarif réduit, calculé à partir du minimum communautaire applicable à l’essence, pondéré par la production d’essence dans le mélange. Ce principe est celui que le Gouvernement a retenu. Ainsi exprimé, il ne suffit cependant pas à préciser comment la suppression de l’impôt sur le contenu en éthanol est partagée entre le dispositif de défiscalisation et la réduction du taux appliqué sur l’ensemble du carburant composite.
Par ailleurs, le taux de la TIPP que vous proposez semble varier avec la proportion d’essence contenue dans l’E85 : une telle modulation semble difficile à mettre en pratique.
Dans la mesure où notre proposition répond à vos préoccupations, je vous invite, monsieur de Courson, à retirer votre amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Sur le second point, il reste une différence entre l’amendement du Gouvernement et le nôtre, non en ce qui concerne l’objectif, mais au cas où la défiscalisation chuterait sensiblement : le résultat ne serait alors plus du tout le même.
Dans votre dispositif – avec une quotité de 33,43 euros, puis une réduction de la défiscalisation multipliée par le prorata –, si la défiscalisation chutait sensiblement, vous risqueriez d’avoir des problèmes. Pour peu que vous nous éclairiez sur ce point, je suis prêt à retirer mon amendement.
La parole est à M. Philippe Auberger.
Cependant, un certain nombre de questions subsistent, auxquelles il faudra progressivement apporter des réponses. En premier lieu, la perspective d’allégement fiscal – donc de prix – pourra-t-elle être maintenue sur la durée ? Il faut deux à trois ans pour construire l’usine, et celle-ci doit être amortie sur une vingtaine d’années : le dispositif doit donc s’inscrire dans la durée, et si l’on veut redonner de l’espoir aux agriculteurs après 2012-2013, échéance critique pour eux, il faut, je le répète, des perspectives de long terme.
Le dernier problème est celui de l’octroi des licences. Pour ma région, nous attendons un complément de licences en matière de bioéthanol à Nogent-sur-Seine ; nous n’avons pas non plus la licence pour l’usine de diester qui doit être construite au Mériot. Il est donc absolument nécessaire de débloquer encore des licences si l’on veut alimenter les cinq cents pompes que vous nous annoncez.
Cela fait donc vingt-cinq ans qu’élus et professionnels travaillent sur les biocarburants. Il semblerait en effet qu’aujourd’hui, une étape importante soit franchie.
Au-delà des discours incantatoires, quelle crédibilité pouvons-nous accorder aux perspectives qui se dessinent aujourd’hui ? Comme l’a observé Philippe Auberger, quelques licences ont déjà été attribuées, mais les niveaux de rentabilité pour la filière industrielle et le périmètre d’attribution méritent des améliorations.
Monsieur le ministre, quand, en 1983, un grand champion automobile, que l’on pouvait éventuellement admirer, est parti se réfugier à l’étranger (Protestations sur divers bancs), ce fut avec des insultes pour le Gouvernement de la République de l’époque !
L’on doit sentir que notre pays a enfin trouvé la force – ou qu’il a obtenu l’autorisation des pétroliers – de mettre en place des filières de diester. Les temps et les mœurs évoluent, les contraintes sont de plus en plus fortes et, après des décennies de résistance, sans doute Total s’est-il dit qu’on ne pouvait plus interdire la recherche de nouvelles ressources, d’énergies renouvelables.
Dans une affaire où les enjeux sont à ce point capitaux pour notre économie et nos agriculteurs, la décision appartient-elle à quelques pétroliers ou à la puissance publique ? Il nous faut de la lisibilité et des assurances, monsieur le ministre.
Nous sommes de adeptes des biocarburants, et nous défendrons toute politique qui contribue à leur développement, y compris quand elle émane du Président de la République, qui a été le premier à rendre possible notre discussion d’aujourd’hui.
J’en reviens donc à Lula et au président Chirac. Lors de leur dernière rencontre en juillet au Brésil, ils se sont mis d’accord sur l’idée d’une coopération incluant des pays tiers, notamment africains. Mais, bien que nous ayons la volonté, que les Brésiliens aient le savoir-faire et qu’en Afrique les besoins ne manquent pas, aucun projet concret n’a été mis sur la table, alors qu’il est urgent de contenir les visées impérialistes des Américains, qui mettent tout en œuvre pour gagner du terrain.
Nous devons développer des projets alternatifs, parce qu’ils peuvent, au-delà de la protection des sols, offrir une réponse partielle au problème de l’émigration. Je vous parle en connaissance de cause, expérimentant moi-même un projet quadrinational avec le Vietnam, le Brésil, le Mali et la France.
S’orienter vers de nouveaux carburants est donc une excellente chose, mais à condition de diversifier les filières et d’en faire un levier pour une coopération internationale qui ne soit plus orchestrée par les pétroliers, soucieux de s’approprier, avec le concours éventuel de la FNSEA, de nouvelles parts de marché.
Ce que vous nous proposez n’est donc qu’un hors-d’œuvre, mais ne boudons pas, si cela permet de nous mettre enfin à table.
Il me reste cependant une question. Les choses qui fâchent sont qualifiées ici d’attaques personnelles, ad hominem pour les latinistes. Soit ! Mais pourquoi Alain Prost ? Pourquoi pas Gérard Depardieu, Johnny Halliday, Sylvie Vartan ou Sheila, qui ne chante plus beaucoup parce que la voix est éraillée ? (Protestations sur divers bancs.) Pourquoi avoir choisi quelqu’un qui a abandonné son pays pour des raisons mesquines ? Quel exemple donnez-vous à la jeunesse et comment voulez-vous rendre nos jeunes fiers de leur pays en accordant votre confiance à un homme qui n’a pas la fibre nationale ? Je suis choqué et mon patriotisme est blessé.
(L'amendement est adopté.)
C’est donc un début, et je veux ici rendre hommage, non pas au Gouvernement – ce qui serait déplacé de ma part –, mais à celui qui nous a permis de réunir l’ensemble des parties prenantes, dont les intérêts et les objectifs étaient divergents. Parce qu’il connaît mieux que personne le monde de l’industrie automobile et des industries pétrolières, il a réussi à les fédérer sur un projet d’intérêt national. Au nom du Gouvernement, je tiens à remercier Alain Prost (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) pour la mission qu’il a conduite sans compter son temps.
Je suis saisi d’un amendement n° 140.
La parole est à M. Didier Migaud, pour soutenir cet amendement.
Notre amendement n° 140 propose à nouveau un dispositif bien connu, auquel, nous le savons, le ministre n’est pas favorable. Mais, face au problème du pouvoir d’achat auquel sont confrontés une grande majorité de nos concitoyens, nous proposons le rétablissement d’un dispositif de TIPP flottante, permettant d’éviter que l’État ne profite d’un effet d’aubaine dû à l’augmentation du cours du pétrole, notamment par le biais de ses recettes de TVA. Car, si le produit de la TIPP stagne, et même recule, parce que les Français circulent sans doute moins et roulent moins vite, et donc consomment moins d’essence, lorsque le prix du cours du pétrole augmente, les recettes de TVA suivent mécaniquement. Il n’est pas sain que l’État tire ainsi bénéfice d’une pression supplémentaire sur les Français, qui n’ont généralement pas d’autre alternative que la voiture pour se déplacer. S’il est très important d’encourager les moyens de transport alternatifs à l’automobile, nous savons que, à court terme, nombre de nos concitoyens n’ont pas d’autre solution que leur véhicule personnel, même si cela contribue à diminuer leur pouvoir d’achat.
C’est pourquoi notre amendement propose ce dispositif, qui, à l’époque, avait permis de plafonner les dépenses de carburant.
Le Gouvernement a mis en place une commission Durieux – dont Charles de Courson et moi-même sommes membres – qui se réunit régulièrement et qui a établi qu’en aucun cas, l’État n’encaissait de recettes supplémentaires au détriment des Français.
La commission Durieux a conduit des travaux extrêmement rigoureux. Y siègent d’ailleurs des partenaires de tous bords, dont M. Yves Cochet et M. Miquel, qui est sénateur socialiste. Ces travaux, incontestables, ont montré que, du fait de la baisse de la consommation de carburant, due à l’augmentation du prix de l’essence, la perte de TIPP a été, en 2005, supérieure d’environ 200 millions aux gains de TVA.
Si, une année, le mouvement devait se renverser et que la hausse des recettes de la TVA soit supérieure à la perte de TIPP, nous nous sommes engagés à mettre en place des dispositifs de rétrocession aux consommateurs. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait par anticipation l’année dernière, malgré la perte de recettes que l’État a connue, avec l’aide à la cuve. Par conséquent, monsieur Migaud, il est tout à fait faux de dire que l’État s’enrichit au détriment des consommateurs.
Le dispositif que vous aviez mis en place en 2000 a coûté environ 1,5 milliard, qui s’est perdu dans les sables, sans aucune répercussion sur les prix à la pompe. Je crois beaucoup plus à des mesures – que le ministre a évoquées tout à l’heure – comme l’augmentation de nos capacités de raffinage, qui permet d’élargir l’offre et donc de mieux absorber les éventuelles variations du prix de l’essence. Ce sera bien plus efficace que le dispositif aveugle que vous aviez mis en place en 2000.
Je rappelle que la commission Durieux se réunit tous les mois et vérifie qu’il n’y a pas d’enrichissement de l’État.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable à cet amendement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.
On sait que l’une des causes de la pollution est la consommation de carburant. Or le transport aérien, qui en est un des principaux utilisateurs, bénéficie d’une exonération de la TIPP. Celle-ci pouvait sans doute se justifier lors de sa mise en place en 1923, mais elle n’est plus d’actualité, d’autant que le transport aérien constitue aujourd’hui le mode de déplacement le plus polluant en matière d’effet de serre.
Certes, nous sommes liés par des conventions internationales, mais cette exonération n’existe pas aux États-Unis, ni au Canada, ni en Irlande, qui utilisent le produit de cette taxation pour mieux lutter contre l’effet de serre. C’est ce que nous proposons par cet amendement. Nous souhaitons qu’une réflexion s’engage sur les exonérations accordées aujourd’hui au transport aérien, alors que celui-ci est un mode de déplacement particulièrement polluant.
Cette exonération ancienne a été renouvelée en 1944, par la convention de Chicago, pour faciliter les échanges internationaux.
Comme l’a rappelé en commission Charles de Courson, qui est rapporteur spécial pour les transports aériens, cette exonération peut être supprimée sur des vols intérieurs ou par des accords bilatéraux entre États. Si nous devions aller dans ce sens – et je comprends parfaitement les propos, tout à fait légitimes, que vous venez de tenir – nous ne pourrions le faire que dans le cadre d’accords internationaux, et non par le biais d’un dispositif législatif.
Supposons que tout le monde se mette d’accord pour renégocier la convention de Chicago et taxer les carburéacteurs : cela représenterait, pour la seule France, 1,2 milliard d’euros de recettes fiscales.
Des efforts considérables sont consentis à cet égard, puisqu’on envisage, au niveau européen, de réduire d’environ un tiers la dépense énergétique par passager kilomètre dans les dix ans qui viennent. D’abord, en agissant sur les moteurs – on pourra sans doute gagner 15 % mais pas plus car il n’y a pas de révolution technologique en vue. Puis en améliorant la gestion du trafic et en remplissant davantage les avions. Enfin, en améliorant les carburants. Mais, dans ce domaine, les recherches ne font que commencer.
Au Brésil, par exemple, un grand avionneur a mis au point des carburants oxygénés pour les moteurs à hélice. Mais, pour les réacteurs à réaction, le problème est plus complexe et les recherches ne sont pas près d’aboutir.
Votre proposition, monsieur Migaud, n’est donc pas le bon moyen de lutter contre l’émission de gaz à effet de serre.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n° 101.
Le pas est aujourd'hui franchi avec le texte de votre article 18, un texte qui n'est autre qu'un projet de loi et dont l'inscription au sein d'une loi de finances interpelle.
Vous motivez votre décision d'opérer ce changement de statut par des arguments juridiques – tels que le texte de la LOLF et son interprétation – et économiques, notamment le fait que la majorité des recettes soit aujourd'hui tirée des activités commerciales des Monnaies et médailles, activités qui seraient appelées à se développer.
Il est vrai que vous entourez votre propos d'un certain nombre de précautions. Vous dites que le statut d'EPIC, en assurant la compatibilité des Monnaies et Médailles avec la LOLF, offrira un cadre juridique pour la conduite de ses missions de service public, sans remettre en cause son unité et son intégrité et en préservant le statut public des personnels.
Nous ne vous suivrons pas dans cette voie. Nous estimons en effet que les Monnaies et médailles doivent demeurer un budget annexe, pour plusieurs raisons.
D'abord, pour une question de principe : l'essentiel des activités de cette institution relève de l'exercice de missions régaliennes, que ce soit la frappe de l'euro pour le compte du Trésor, les décorations officielles, la lutte contre la contrefaçon ou encore la conservation des collections historiques. De telles missions n'ont pas vocation à prendre corps dans un des multiples démembrements des outils de l'État.
Ensuite, la création d'un EPIC ne garantit ni les fonds propres d'un budget annexe, ni les projets d'investissements futurs. Comme les Monnaies et médailles ne sont pas rentables et, surtout, n'y ont aucunement vocation, ce changement de statut ne peut conduire qu'à fragiliser cette institution.
C'est du reste pour ces raisons que votre projet a suscité l'opposition de l'ensemble des organisations syndicales représentatives du personnel, sans que cela, bien sûr, vous émeuve le moins du monde – même si vous nous avez dit, en début de séance, que vous souhaitiez des organisations syndicales représentatives ! Mais nous sommes coutumiers de semblables témoignages d'obstination. Pour vous, le dialogue social, c'est « cause toujours tu m'intéresses » !
Pour notre part, nous nous prononçons pour que les Monnaies et médailles restent organisées comme un budget annexe dans le cadre d'une mission monoprogramme. Cela nous semble indispensable tant pour la fiabilité que pour la sécurité de l'ensemble de la production de monnaie métallique dans notre pays.
Nous vous proposons donc l'adoption de cet amendement de suppression.
Nous avions déjà abordé le problème dans le passé et, lorsqu’il était ministre des finances, M. Mer avait évoqué le projet industriel des Monnaies et médailles.
Cette institution rend de bons et loyaux services depuis 128 ans, ses missions étant à la fois régaliennes et commerciales. Elle s’est trouvée dans une situation un peu particulière avec la montée en charge de l’euro : pendant quelques années, elle a frappé beaucoup de monnaie ; ensuite, en raison de stocks importants, elle a connu une phase moins active. Aujourd’hui, l’article 18 de la LOLF fait allusion aux activités principales et aux activités accessoires qui sont commerciales. Celles-ci, fort importantes en 2004, à 65 %, sont tombées à 56 % en 2005 et à 54 % en 2006. Avec la remontée de la frappe de monnaie dans le cadre de l’activité régalienne de l’État, il semblerait qu’un équilibre s’installe. Et nous avons la volonté de faire fonctionner cet établissement qui comporte 712 personnes, lesquelles méritent tout notre intérêt compte tenu des missions qu’elles remplissent.
Cet article pose beaucoup de questions et soulève des incertitudes que j’avais exposées dans le débat général et que je reprends aujourd’hui. Même si, selon M. Copé, j’ai tenu des propos responsables et très précis, le groupe socialiste n’a pas obtenu de sa part les réponses qu’il attendait sur quatre points essentiels.
D’abord, il subsiste une incertitude quant au projet industriel à moyen terme. On nous dit qu’il sera élaboré ultérieurement.
S’agissant des missions, l’établissement est chargé « à titre exclusif » des Monnaies et médailles aux termes de l’article 18 du projet. On ne comprend donc pas pourquoi on n’en resterait pas au monopole, dès lors que la Commission européenne n’envisage pas de le remettre en cause. Certes, la formulation « à titre exclusif » a le même sens, mais le terme « monopole » nous paraît plus adapté à la mission régalienne de cet établissement.
Ensuite, le projet ne dit rien sur la dotation. On transmet le bâtiment de Pessac et l’hôtel du Quai de Conti, mais on ne sait ce qui est prévu pour les charges du propriétaire : les toitures pour l’hôtel du quai de Conti et les probables travaux de désamiantage pour Pessac.
En outre, on transfère les personnels dans des délais relativement courts, leur statut prenant fin au 31 décembre et leur nouveau statut prenant effet dès le 1er janvier 2007 dans le cadre d’un établissement public industriel commercial. C’est, selon moi, aller relativement vite puisque rien n’a été établi concernant la dotation et les apports. Je note qu’un gouvernement précédent, dans le cadre de la transformation de l’Imprimerie nationale en société, avait prévu que le délai des apports ne pourrait pas excéder un an et que les personnels disposeraient de délais pour pouvoir faire leur choix.
Enfin, la dernière incertitude porte sur le statut. La Direction des Monnaies et médailles compte 712 personnes, dont 516 ouvriers. Parmi ces personnels, figurent des fonctionnaires du ministère de l’économie et des finances, des fonctionnaires techniques, des ouvriers des établissements industriels de l’État dont le statut et les règles statutaires demeurent, aux termes de votre projet de loi, applicables jusqu’à la conclusion d’un accord d’entreprise. Je note également, mes chers collègues, que, en décembre 1993, lors du vote de la transformation de l’Imprimerie nationale, le choix avait été laissé aux salariés de pouvoir conclure un contrat de travail avec la société lorsque l’accord d’entreprise interviendrait. Ici, avec votre projet de loi, vous avez une approche différente.
Compte tenu de ces incertitudes et de l’ampleur du travail à mener, notamment dans le cadre de négociations sociales, nous proposons, à l’instar de nos collègues du groupe communiste, la suppression de l’article 18. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Je tiens à rendre hommage au travail du rapporteur spécial, Thierry Carcenac, et notre commission s’est également posé les questions qui viennent d’être évoquées. Il serait donc utile, messieurs les ministres, que vous nous apportiez des précisions. Non sur la finalité, les missions de l’institution – car nous sommes tous convaincus, pour des raisons juridiques, économiques, financières et de production, de la nécessité de créer cet établissement public industriel et commercial –, mais sur l’avenir de la dotation. Des incertitudes subsistent en effet sur l’avenir de la dotation à cet établissement public en termes immobiliers, monsieur Carcenac, mais aussi en termes de réserves et de provisions. En outre, la question de l’avenir du traitement des personnels se pose, messieurs les ministres – je pense notamment aux ouvriers d’État, qui ont un statut hybride puisqu’ils relèvent du code du travail, mais aussi, s’agissant de leur régime de retraite, du régime des services publics industriels et commerciaux de l’État.
Toutes ces questions ne remettent absolument pas en cause le principe de l’article 18 de cette loi de finances, mais nous devons profiter de son examen pour lever les interrogations qui se sont posées lors de la discussion en commission des finances.
Ces questions sont légitimes car les Monnaies et médailles font partie du patrimoine national. Vous venez de dire, monsieur le député Carcenac, qu’il ne fallait pas se précipiter : vous avez raison. Les Monnaies et médailles ont été fondées par Charles le Chauve en 864 et existent, dans leur forme actuelle, depuis 1879. Par conséquent, nous avons eu le temps – le directeur, présent parmi nous ce soir, pourrait le dire lui-même – de faire en sorte que cet établissement évolue. Dorénavant, il évolue de plus en plus dans des relations essentiellement commerciales, avec des contrats de nature commerciale. C’est la raison pour laquelle il nous a semblé indispensable de faire évoluer son statut – conformément à l’esprit de la LOLF – en EPIC, en établissement public industriel et commercial, de façon à lui donner la possibilité d’avoir un vrai projet industriel, adapté à l’évolution de ses missions.
Je vais répondre très précisément à vos questions.
D’abord, je tiens à le dire de la façon la plus claire, il n’est aucunement question de remettre en cause le monopole.
Ensuite, il n’y a pas eu de précipitation. De très nombreuses concertations, négociations, discussions ont eu lieu, et c’était bien le moins car il fallait expliquer ce changement de statut aux personnels. Du reste, je rends hommage à M. Dov Zerah, qui a conduit cette transformation au rythme nécessaire, parce que c’était indispensable, mais sans aller trop vite puisque, je le rappelle, le changement de statut n’interviendra qu’au 1er janvier 2007.
Quant à la dotation, c’est un élément très important, monsieur le rapporteur, monsieur le député. Il sera nécessaire de prévoir une dotation pour cet établissement. D’ici à la fin de l’année, le directeur de l’établissement et le directeur de l’APE se rencontreront pour définir l’enveloppe de cette dotation, qui sera conforme aux exigences des nouvelles missions de l’EPIC et qui sera généreuse – contrôlée, mais généreuse.
Enfin, vous avez fait allusion au statut des personnels. Je tiens à le dire également de la façon la plus claire : la situation des personnels sera maintenue, comme l’indique le projet de loi. J’ajoute qu’il n’y aura aucune remise en cause de la retraite des personnels.
Nous avons pris toutes les précautions nécessaires pour que le changement de statut se passe le mieux possible et pour pouvoir doter cet établissement des moyens nécessaires à l’évolution de ses missions. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement suit la commission dans le rejet de ces deux amendements.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Les amendements nos 22 et 197 sont identiques.
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l’amendement n° 102.
Qui peut nier, pourtant, que, face à la concentration des usiniers de flans privés, il y a aujourd’hui nécessité de maintenir au sein des Monnaies et médailles un outil propre pour assurer en partie la fabrication des flans ? Il y va tant de la sécurité et de la fiabilité des approvisionnements que de la qualité et de l’autonomie du process de fabrication. Dans une matière aussi manifestement régalienne que la frappe de la monnaie, il nous paraît souhaitable de nous entourer de toutes les garanties, non seulement utiles mais nécessaires. Quand on sait que, dans le cadre du programme de frappe de l’euro, la direction des monnaies et médailles a fait des investissements lourds dans une presse de découpe et une chaîne de cuivrage, et que ces installations sont aujourd’hui inutilisées alors que le personnel existe pour les faire fonctionner, on ne peut qu’être inquiet du devenir des missions des Monnaies et médailles, dans le cadre de l’EPIC que vous mettez aujourd’hui en place. C’est le sens de notre amendement que de tenter de nous entourer ici de certaines garanties pour assurer tout ou partie de la fabrication des flans.
Mon collègue Sandrier vient de le dire, il paraît important de faire figurer au nombre des missions de l’EPIC la possibilité de fabriquer tout ou partie de ces flans qui sont indispensables à la frappe de la monnaie. Ce serait d’autant plus important que nous pouvons avoir des problèmes d’approvisionnement et que les coûts doivent rester compétitifs. Comme l’a indiqué M. Sandrier, nous avons du matériel, mais il est inutilisé depuis plusieurs années. Il serait peut-être temps que, dans le cadre d’une négociation salariale avec les personnels, on arrive à le faire fonctionner. Il est anormal que des machines qui ont coûté plus de 7,5 millions d’euros dorment à Pessac et que nous devions faire appel à des industriels privés, dont la production pose parfois des problèmes de qualité, même si M. Zerah, le directeur, sait conduire de bonnes négociations et obtient le versement de pénalités. Cet amendement nous permettrait donc de renforcer le rôle de la Monnaie de Paris.
En effet, l’amendement n° 332 propose que l’établissement public ait la possibilité de fabriquer les flans, en tout ou partie, par lui-même, dans le dessein de garantir des coûts compétitifs.
Le Gouvernement n’est pas opposé à ce que cette possibilité soit affirmée par la loi. Il tient en revanche à ce qu’il n’en soit pas fait obligation à l’établissement, qui doit rester maître d’une option essentiellement industrielle. Cela n’emporte pas obligation, c’est un choix qui est laissé à l’établissement.
Si vous êtes d’accord sur le principe de ce dispositif, je vous propose de retenir l’amendement gouvernemental, plutôt que le vôtre.
Je mets aux voix l’amendement n° 332.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.
(L’amendement est adopté.)
Même avis du Gouvernement.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Le Gouvernement y est favorable.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.
Ces agents relèvent, pour leur régime de pension, du décret 2004-1056 relatif au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État. Recrutés sur concours externe public, ce sont des ouvriers de l’État rémunérés par un salaire national correspondant à l’indice de leur catégorie multiplié par la valeur du point fonction publique. Tous les éléments de leur rémunération résultent d’arrêtés ministériels, notamment l’arrêté de mensualisation de ces personnels du 14 décembre 1979, qui reprend leur grille indiciaire.
C’est l’ensemble de ces règles statutaires dont les personnels demandent que l’application soit maintenue. Ils l’ont exprimé, ces derniers temps, par de puissants mouvements rassemblant jusqu’à 87 % des personnels, à l’appel de toutes les organisations syndicales.
Il s’agit là d’une question d’équité et de conformité à l’État de droit. Monsieur le ministre, vous tiendriez ainsi l’engagement que vous avez pris d’assurer le maintien de la situation et du statut des personnels lors du passage à l’EPIC.
Cependant, pour la retraite, le régime s’inscrit dans celui des pensions des ouvriers de l’État au titre des établissements publics et industriels de l’État, mais le fait qu’ils bénéficient d’un tel régime de pension ne fait pas d’eux ipso facto des fonctionnaires. Vous devriez, je crois, monsieur le ministre, nous dire comment vous considérez le régime juridique de ces ouvriers d’État.
Cependant, je puis vous rassurer : le régime de retraite des ouvriers des Monnaies et médailles n’est nullement remis en cause par cet article. Je me suis du reste engagé à ce que la situation des personnels soit maintenue à l’occasion du changement de statut. Il n’y a donc pas d’ambiguïté de ce point de vue.
Quant au décret du 5 octobre 2004 sur les régimes spécifiques de retraite, il ne fait aucune référence à l’appellation « ouvrier de l’État » ou « ouvrier d’État » et retient la notion de « personnel ouvrier ». C’est cette même appellation que nous vous proposons de reprendre ici.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour défendre l’amendement n° 104.
M. Thierry Carcenac.
La rédaction que nous proposons inverse en quelque sorte le système de la preuve en indiquant que ces règles statutaires « seront reprises dans l’accord d’entreprise », et non qu’elle seront maintenues jusqu’à la conclusion de celui-ci. C’est cette solution qui avait été retenue lors de la transformation de l’Imprimerie nationale en société. Il s’agissait alors de résoudre exactement le même problème, cela pour les ouvriers qui relevaient du statut des établissements industriels de l’État. Il avait alors été précisé qu’ils pourraient conclure un contrat de travail avec la société lorsque l’accord d’entreprise aurait été signé.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Charles de Courson, pour le défendre.
Évidemment, tout le monde souhaite qu’il y ait accord, mais encore faut-il que celui-ci intervienne dans un certain délai, ce que le texte gouvernemental ne prévoit pas.
Par ailleurs, vous qui ne nous loupez jamais pour une erreur sur un quatorzième chiffre après la virgule, je ne vous ferai pas le cadeau, car vous ne me l’auriez pas fait, de ne pas appeler votre attention sur le fait que, de mémoire d’homme, il n’y a jamais eu de 31 juin ! (Sourires.)
Dans tous les autres cas similaires, les dispositions législatives ont toujours prévu un délai, qui pouvait ne pas excéder un an ou qui pouvait courir jusqu’à la date de réalisation des apports.
Il est dommage que l’on bloque sur cette idée de délai alors que, dans son principe, elle ne m’apparaît pas comme si mauvaise que cela. Il conviendrait vraiment de ne pas tout figer au 31 décembre.
(L'amendement est adopté.)
(L'amendement est adopté.)
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Charles de Courson, pour le soutenir.
Je propose donc qu’en l’occurrence on joue le jeu de la transformation en établissement public en transférant à celui-ci l’actif et le passif du budget annexe des Monnaies et médailles afin de lui laisser des facilités de gestion.
Si le ministre garantit que l’État n’a nulle intention de prélever quoi que ce soit, il va sans dire que je suis prêt à retirer l’amendement.
Pour répondre de façon précise au rapporteur général, j’indique que les fonds propres initiaux de l’établissement, qui hérite de l’ensemble des biens, droits et obligations du budget annexe au 31 décembre 2006, seront calibrés sur la base d’une analyse approfondie des perspectives d’activité à moyen et à long terme et d’une vision partagée de la trajectoire financière de l’entreprise.
En pratique – ce qui explique que j’invite M. de Courson à retirer son amendement –, l’ensemble des éléments de l’actif se retrouveront tels quels dans le budget du futur établissement.
Si j’ai bien compris, monsieur le ministre, la partie de votre propos exprimée de façon plus libre, aucun prélèvement n’aura lieu lors de la création de l’EPIC ?
La parole est à M. Thierry Carcenac.
Je prends acte du retrait de l’amendement de M. de Courson, mais il serait bon que l’établissement soit suffisamment doté pour pouvoir fonctionner.
(L'article 18, ainsi modifié, est adopté.)
Si l’Assemblée en était d’accord, nous pourrions donc examiner maintenant les amendements portant articles additionnels après l’article 10, et l’article 11, ce qui devrait être très court. (Assentiment.)
La parole est à M. Charles de Courson, pour le soutenir.
Malheureusement, la grille mise en place ne tient pas compte de la taille du véhicule. Or il s’agit d’un enjeu écologique incontournable pour les grandes métropoles.
D’ici à une vingtaine d’années, nous pouvons avoir l’espoir que la plupart des véhicules seront non polluants ou en tout cas moins polluants. Pour autant, une ville comme Paris n’offrira pas plus d’espace et nos rues ne seront pas plus larges.
Nous souhaitons donc que soit reconnue la place de la petite voiture en ville et nous voulons essayer d’encourager leur acquisition par les entreprises grâce à un barème attractif.
J’invite donc l’Assemblée à repousser l’amendement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Philippe Auberger, pour le soutenir.
Je connais, par exemple, dans ma circonscription une entreprise qui emploie environ 600 représentants. Pour des raisons économiques et de meilleur suivi de l’utilisation des véhicules, elle a décidé, plutôt que de rembourser les frais kilométriques à ses représentants, d’avoir sa propre flotte de véhicules qu’elle met à leur disposition. Le fait que la taxe sur les véhicules de société ne soit pas déductible de l’impôt sur les sociétés correspond pour elle à une charge indue.
Je sais que ma proposition coûte un peu cher, mais je pense que le ministre devrait y réfléchir. Il n’y a pas de raison que le fait que la taxe sur les véhicules de société ne soit pas déductible de l’impôt sur les sociétés rende la gestion du parc automobile plus difficile pour les entreprises qui ont un parc très important.
J’ai déjà fait observer à M. Auberger que la TVS n’a jamais été déductible de l’impôt sur les sociétés.
Nous n’avons pas retenu cet amendement pour ces deux raisons – je n’évoque pas la troisième, Philippe Auberger l’a fait lui-même.
D’une part, la réforme sur la TVS, qui a été adoptée dans la loi de finances pour 2006, avait pour objectif d’encourager l’acquisition de véhicules moins polluants. Des critiques ayant été formulées, vous vous en souvenez, j’avais relancé une concertation. À la demande de représentants des entreprises, notamment des PME et du MEDEF, et avec l’accord de votre commission des finances, j’avais annoncé, le 5 mai dernier, des mesures d’allégement de cette taxe pour les véhicules possédés ou loués par des salariés. Ces aménagements seront présentés à l’occasion du projet de loi de finances rectificative.
Voilà pourquoi je vous invite à retirer votre amendement, monsieur Auberger, étant entendu que je suis prêt à retravailler sur cette question.
Une solution pourrait être envisagée : que ma proposition ne s’applique que pour les véhicules de faible puissance, pas pour les véhicules très puissants, qui peuvent parfois être des véhicules de sport ou de luxe achetés par les chefs d’entreprise ou leurs principaux collaborateurs. Là, il s’agit d’autre chose. Pour les petits véhicules, un effort devrait être envisagé mais je reconnais que la mesure que je propose est assez coûteuse, et qu’elle n’a pas été suffisamment préparée. Je retire donc mon amendement.
La parole est à M. Jean-Louis Dumont.
Enfin, le rapporteur général indique, page 195 de son rapport, que la contribution représentative de l’impôt sur les sociétés de la Caisse des dépôts sera de l’ordre de 230 millions d’euros, et page 194, il évoque le chiffre de 370 millions. Je sais qu’il doit y avoir un report d’une année ; j’aimerais tout de même avoir une explication.
J’ajoute que, si nous avons à voter un texte particulier à ce sujet, c’est parce que l’encaissement des 6,8 milliards qui sont attendus n’aura pas lieu cette année mais probablement – nous n’en sommes pas certains – au début de l’année prochaine. De toute façon, la participation serait alors due, au titre de l’année 2007, en 2008. La Caisse des dépôts fait un effort d’anticipation sur ce qui est normalement dû.
Enfin, je voudrais rappeler, parce que cela ne figure pas dans l’excellent rapport du rapporteur général, que le Conseil constitutionnel a considéré, en 1989, que les prélèvements versés par la Caisse des dépôts et consignations ne constituaient pas « une imposition de toute nature » et qu’en conséquence, compte tenu notamment du système de gouvernance de la Caisse des dépôts, un accord de la Caisse des dépôts était nécessaire et que le Gouvernement et le Parlement ne pouvaient pas, de leur propre initiative, imposer à la Caisse des dépôts un montant de prélèvement, comme cela avait été fait dans le passé.
Bien entendu, nous voterons l’article 11.
Élaborée par un cercle restreint de dirigeants, elle remet en cause des missions d'intérêt général aussi fondamentales que le soutien au logement social et à l'action des collectivités territoriales, la lutte contre l'exclusion, ainsi que la promotion de l’économie locale et sociale.
La fusion de la Caisse d'épargne et de la Banque populaire conduira à une banalisation d'établissements mutualistes et coopératifs livrés à l'affairisme boursier, mais aussi à une déstabilisation d'institutions à caractère public comme la Caisse des dépôts et consignations, précisément, mais encore La Poste et la Caisse nationale de prévoyance.
Pour toutes ces raisons, nous avions demandé l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale d’un débat sur un sujet qui réclame transparence et délibération démocratique. Dès le 16 mars dernier, lorsque le coup de force fut révélé, notre groupe a déposé à l'Assemblée une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d’enquête « sur les origines, les fondements et les conséquences du projet de création de Natixis, sur le devenir et le rôle des établissements financiers du secteur semi-public, en particulier la Caisse des dépôts et consignations, les caisses d'épargne, la Banque de France, La Poste, Natexis-Banques Populaires et la COFACE, ainsi que sur la nécessité de doter notre pays d'un pôle financier public au service de l’emploi, des collectivités locales et d'un aménagement structurant du territoire concourant à la satisfaction des besoins sociaux ».
Le 2 mai dernier, votre majorité à la commission des finances a rejeté notre demande d'investigation, préférant temporiser jusqu'à la finalisation du dossier et déléguant la défense des intérêts patrimoniaux de la Caisse des dépôts et consignations, actionnaire à hauteur de 35 % des caisses d'épargne, à sa commission de surveillance.
Nous voulions simplement rappeler ces quelques éléments.
(L'article 11 est adopté.)
Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2007, n° 3341 :
Rapport, n° 3363, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.
À quinze heures, deuxième séance publique :
Suite de l’ordre du jour de la première séance.
À vingt et une heures trente, troisième séance publique :
Suite de l’ordre du jour de la première séance.
La séance est levée.
(La séance est levée, le vendredi 20 octobre 2006, à zéro heure vingt-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton