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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 24 octobre 2006

23e séance de la session ordinaire 2006-2007

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Souhaits de bienvenue
à une délégation étrangère

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation de la Principauté d’Andorre, conduite par M. Joan Gabriel i Estany. (Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent.)

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe Union pour la démocratie française.

temps de travail dans
l’hôtellerie-restauration

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Monsieur le Premier ministre,…

Plusieurs députés du groupe socialiste. Il n’est pas là !

M. François Sauvadet. …les restaurateurs et les hôteliers sont particulièrement inquiets depuis que le Conseil d’État a annulé, la semaine dernière, les dispositions réglementaires validant et étendant le régime d’équivalence qui avait fixé à 39 heures la durée légale du travail dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants. Cette décision, lourde de conséquences – d’autant qu’elle a un effet rétroactif –, place tout un secteur professionnel – employeurs mais aussi salariés – dans une incertitude totale sur les conditions du retour aux 35 heures. Du reste, restaurateurs et hôteliers ne sont pas les seuls concernés puisque le Conseil d’État a annulé pour vice de forme un décret relatif au temps de travail dans le secteur des transports, avec, ici aussi, effet rétroactif. Ces secteurs économiques se retrouvent dans une situation intenable, plusieurs accords étant ainsi remis en cause.

Je vous le dis très simplement, monsieur le Premier ministre : faute d’avoir eu le courage politique de vraiment réformer l’application des 35 heures – comme l’UDF vous le demande depuis 2002 –, afin de favoriser le dialogue social et afin d’adapter la durée hebdomadaire de travail à chaque secteur professionnel, nous nous trouvons dans cette situation d’insécurité totale pour des pans entiers de l’économie.

Je sais bien que l’UMP a déposé un amendement à ce sujet, mais nous savons aussi, en tout cas dans cette enceinte, qu’il ne réglera pas durablement la situation pour des raisons évidentes d’inconstitutionnalité, et que nous risquons fort de nous retrouver confrontés au même problème dans deux ou trois mois. Aussi est-il de votre responsabilité, monsieur le Premier ministre, et de celle de votre gouvernement de fournir une solution juridiquement stable, à même de sécuriser les accords professionnels entre employeurs et salariés.

Au nom du groupe UDF, je vous enjoins d’arrêter ce bricolage législatif et vous pose la question directement parce que seul le Gouvernement, compte tenu de l’urgence, peut répondre à la fois aux employeurs et aux salariés de ces secteurs : que comptez-vous faire concrètement pour leur apporter une réponse claire et durable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le député Sauvadet, rappelons le poids du secteur des hôtels, cafés et restaurants : 800 000 salariés pour 90 000 entreprises. Ce secteur joue un rôle important de soutien de l’activité touristique ainsi que d’aménagement et d’équilibre du territoire. Il s’agit également d’un secteur spécifique où l’on compte un très grand nombre d’entreprises de moins de dix salariés, où certaines chaînes ont créé leurs filières de formation, où l’amplitude de travail est grande puisque, dans l’hôtellerie, l’accueil doit être assuré 24 heures sur 24 et puisque, dans la restauration, les horaires sont décalés. (« Et votre réponse ? » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

C’était pour répondre à ces spécificités qu’avait été signé l’accord de 2004 entre les partenaires sociaux, prévoyant notamment, en contrepartie du maintien des 39 heures de travail hebdomadaires, une sixième semaine de congés payés et, on l’a peu dit, un régime de prévoyance avantageux. Le Conseil d’État, réuni en section du contentieux, a considéré que cet accord n’était pas valide. Il nous faut aujourd’hui en tirer deux conséquences.

D’abord, comme vous le souhaitez, monsieur le député, il convient de sortir de cet imbroglio – nous étudions de très près des solutions alternatives – afin de sécuriser les salariés et les entreprises pour les années 2005 et 2006. Ensuite, nous devons à nouveau engager le dialogue social, seule voie pour trouver une réponse durable tenant compte à la fois de la spécificité de ce secteur et des droits des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

SNCF

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour le groupe des députés communistes et républicains.

M. Frédéric Dutoit. Monsieur le Premier ministre, tant à l'Élysée qu'au Gouvernement, on se plaît à gloser sur les vertus du dialogue social. C'est pourtant un silence assourdissant, pour ne pas dire complice, qui accueille les récentes déclarations de la nouvelle présidente de la SNCF, Mme Anne-Marie Idrac, contre les cheminots et leurs organisations syndicales. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En comparant le dialogue social dans l'entreprise publique à « la guerre froide, avant la chute du Mur de Berlin », en déclarant « ne pas savoir dans quel siècle nous sommes », l'ancienne ministre d'Alain Juppé et ex-députée UDF s'est livré à une déplorable opération politicienne visant à jeter le discrédit sur l'action syndicale et à déconsidérer des cheminots qui s'opposent à la casse programmée du service public ferroviaire. En utilisant l'invective grossière, Mme Idrac cherche surtout à détourner l'attention des responsabilités propres de la direction de la SNCF et du Gouvernement dans la dégradation de la situation du rail en France.

En effet, les lignes nationales Corail sont délaissées et 14 000 emplois de cheminots ont disparu depuis fin 2001. Sous couvert de modernisation et de libéralisation, on assiste au démantèlement de la branche fret, privée de ses moyens de développement et livrée à la concurrence du transport routier. Au nom du critère exclusif de la rentabilité financière, c'est le « tout poids lourd » que l’on est en train de faire triompher (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), avec son modèle de dumping social, ses coûts sociaux, ses dégâts sur l'environnement et la santé publique.

Mme Idrac a été nommée par le Gouvernement pour accélérer le remodelage de la SNCF en fonction d’une logique purement financière,…

M. Jean-Pierre Soisson. Posez votre question !

M. Frédéric Dutoit. …à coup de fermeture de gares, d'ateliers de maintenance, de guichets et services administratifs. Aussi, le 8 novembre prochain, la majorité des organisations syndicales de la SNCF appellent-elles à une riposte contre ces dérives. Les propos de Mme Idrac ne suffiront pas à les faire taire. Je me fais d'ailleurs leur porte-parole aujourd’hui.

M. François Grosdidier. C’est un procès stalinien !

M. Frédéric Dutoit. Monsieur le Premier ministre, comment comptez vous faire droit aux inquiétudes et aux attentes des cheminots et de tous les usagers du rail ?

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, au-delà de la polémique que vous essayez de faire gonfler (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), je souhaite vous informer que seuls trois sujets m’importent : comment améliorer le dialogue social à la SNCF, comment sauver le fret à la SNCF et comment garantir les services rendus aux usagers ? (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Il faut que chacun comprenne une fois pour toutes que la grève ne doit pas être le point de départ d’un dialogue social,…

M. Frédéric Dutoit. On n’a pas dit ça !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. …mais qu’il faut, auparavant, discuter, négocier et que l’appel à la grève ne doit être que le résultat d’un désaccord profond. Or, vous le savez, monsieur le député, les organisations syndicales qui ont appelé à la grève pour le 8 novembre ne sont pas encore parvenues à se mettre d’accord sur des revendications communes. (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est le monde à l’envers ! L’innovation sociale exige que nous travaillions autrement, afin de concilier droit de grève et droit des usagers. Or, ce n’est pas la façon dont vous vous y prenez qui le permettra.

Ensuite, nous savons bien que l’économie du transport offre aujourd’hui une opportunité extraordinaire de développement du fret ferroviaire.

M. Jacques Desallangre. Alors il faut en profiter !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Il est donc indispensable que chacun s’y consacre : l’État, la direction de la SNCF, l’ensemble des cheminots et des représentants des organisations syndicales.

Enfin, vous avez évoqué d’autres questions que la SNCF doit traiter dès aujourd’hui, comme la modernisation des infrastructures, pour laquelle j’ai proposé un plan d’1,8 milliard d’euros. Il convient aussi de développer, en partenariat avec les régions, les systèmes de transports collectifs. C’est sur ces objectifs et sur ceux-là seulement que les cheminots, la direction de la SNCF, l’État et les régions doivent se mobiliser pour faire réussir le secteur ferroviaire dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Réforme de la Justice

M. le président. La parole est à M. Jacques Remiller, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jacques Remiller. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. (« Ah ! »sur les bancs du groupe socialiste.) Conformément à l'engagement pris par le Gouvernement devant la représentation nationale après l'acquittement des innocents de l'affaire dite d'Outreau, le Conseil des ministres a examiné ce matin un projet de loi portant réforme de la justice.

Ce texte cherche à répondre aux questions essentielles révélées par cette affaire et soulignées par la commission d'enquête parlementaire à laquelle j'ai participé, comme la solitude du juge d'instruction, la responsabilité des magistrats, le contrôle de la durée et du bien-fondé de la détention provisoire, ou encore le recueil des déclarations des personnes mises en cause et des victimes.

Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, nous préciser les dispositions générales prévues par ce ou ces textes très attendus par les Français ?

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (« Et Clément ? » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Personne n’a oublié, ici, le drame d’Outreau. Nous avons vu la douleur, nous avons vu la souffrance d’hommes et de femmes, nous avons vu le drame de l’injustice.

La commission d’enquête parlementaire à laquelle vous avez participé, monsieur le député, a effectué un travail de longue haleine, un travail remarquable que je tiens à saluer. Il y a eu dans notre pays une véritable prise de conscience et un appel à réformer en profondeur notre justice. Cet appel, tous les parlementaires, tous les membres du Gouvernement ainsi que le Président de la République l’ont entendu. La justice sera donc réformée pour répondre aux attentes des Français.

Oui, la réforme que porte Pascal Clément…

M. Christian Paul. Qui est-ce ?

M. le Premier ministre. …est une réforme importante, une réforme utile, une réforme nécessaire. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste.) Nous mettrons en place des pôles d’instruction pour éviter aux juges de se trouver seuls face aux affaires les plus complexes. Les conditions de la détention provisoire seront modifiées pour donner davantage de garanties aux justiciables : personne, dans notre pays, ne doit être emprisonné à tort. Nous renforcerons le caractère contradictoire de l’instruction et des expertises. Le pouvoir de contrôle de la chambre d’instruction sera étendu. Puis, garantie supplémentaire, il sera possible à tout justiciable s’estimant victime d’un dysfonctionnement de la justice de faire appel au médiateur de la République. Enfin, nous traiterons de la question de la responsabilité des magistrats, sereinement, dans le respect de l’indépendance de la justice et de nos grands principes juridiques. Cette réforme prendra naturellement en compte la difficulté du travail des magistrats. Nous voulons trouver l’équilibre juste.

Je sais que Pascal Clément…

M. Christian Paul. Qui est-ce ?

M. le Premier ministre. …a toujours défendu ces dispositions (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Roman. Quelle comédie !

M. le Premier ministre. …dont nous savons qu’elles sont nécessaires et attendues.

Je sais d’expérience que la critique est facile, et que l’action est difficile.

M. Alain Néri. Mais non : « La critique est aisée, et l’art est difficile » !

M. le Premier ministre. Je veux donc rendre hommage devant vous au garde des sceaux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), qui, depuis des mois, travaille avec courage et détermination pour réformer la justice de notre pays.

M. Albert Facon. C’est un éloge funèbre !

M. le Premier ministre. Vous le voyez, le Gouvernement est engagé au service des Français et il continuera de l’être, y compris sur les sujets les plus difficiles. La preuve est faite que ce que j’ai promis au premier jour de ma nomination sera tenu jusqu’au dernier jour. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

situation en polynésie française

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour le groupe socialiste.

M. Victorin Lurel. Monsieur le Premier ministre, en tant que serviteur de la République, votre premier devoir est de faire respecter l’ordre public, les institutions et la démocratie, et singulièrement les verdicts populaires.

À deux reprises, nos concitoyens ont massivement choisi le changement après des années de règne UMP en Polynésie française. Le Gouvernement doit respecter ce choix, qu’il lui plaise ou non. La République et la démocratie ne s’arrêtent pas à l’Hexagone !

Rappelons qu’en Polynésie l’État n’a pas hésité à soutenir, après les élections de 2004, des motions de censure politiciennes en fermant les yeux sur l’achat de votes, qu’il n’a pas hésité non plus à cautionner récemment la remise en cause de l’indépendance de la justice, à planifier au plus haut niveau l’étranglement financier de la collectivité par une remise en cause des modalités d’affectation de la dotation globale de développement économique, et maintenant à laisser prospérer, voire à soutenir, des mouvements proprement insurrectionnels.

La passivité coupable, et donc complice, de l’État est avérée dans les barrages mis en place depuis le 12 octobre par les membres de l’ancien service d’ordre de Gaston Flosse.

M. Éric Raoult. Et Oscar Temaru, que fait-il ? Vous dites n’importe quoi !

M. le président. Taisez-vous, monsieur Raoult !

M. Victorin Lurel. Prévenues, les forces de l’ordre ont pourtant laissé bloquer Papeete, comme elles sont restées passives lorsque les locaux de la présidence, de la vice-présidence, du Conseil économique et social et de l’Assemblée territoriale ont été pris d’assaut ce week-end. Si, depuis cinq heures ce matin, les locaux sont enfin libérés et les barrages levés sous la pression des Polynésiens excédés par douze jours de blocage, c’est bien la rue que vous laissez gouverner outre-mer lorsque les élus ne vous conviennent pas.

M. Hervé de Charette et M. Jean-Michel Ferrand. Quelle est votre question ?

M. Victorin Lurel. Monsieur le Premier ministre, quand accepterez-vous enfin le verdict populaire en Polynésie française ?

Mme Sylvia Bassot. Vous voulez y mettre des « jurys populaires » ?

M. Victorin Lurel. Quand vous déciderez-vous à faire respecter l’ordre public et à laisser la justice fonctionner et sanctionner les délinquants ?

M. Éric Raoult. Et dans les banlieues ?

M. Victorin Lurel. Quand comprendrez-vous que l’État de droit doit également prévaloir outre-mer ? En un mot, quand rétablirez-vous la République dans le Pacifique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’outre-mer.

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer. L’addition de vos mensonges, monsieur Lurel, ne fera jamais une vérité. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

L’État de droit, c’est d’abord le respect du fonctionnement de nos institutions, de notre Constitution et du statut d’autonomie de la Polynésie française.

M. Christian Paul. Vous n’y croyez pas un instant !

M. le ministre de l’outre-mer. De quoi parlons-nous ? De l’intervention de l’État pour faire respecter l’ordre public, et ce à la demande des institutions locales, de la présidence, de l’Assemblée territoriale et du Comité économique et social. Elle s’est faite cette nuit dans des conditions parfaitement républicaines et maîtrisées, sans aucune algarade.

M. Christian Paul. C’est bien tard !

M. Bernard Roman. Il aura fallu dix jours !

M. le ministre de l’outre-mer. Deuxième réflexion à votre attention sur l’État de droit, monsieur Lurel : quel est le sujet en cause ? Un conflit opposant une organisation syndicale…

M. François Hollande. Payée par qui ?

M. le ministre de l’outre-mer. …et la présidence de l’Assemblée territoriale, dans le cadre du statut d’autonomie de la Polynésie. L’État est dans son rôle quand il fait respecter l’ordre public. Il ne le serait pas s’il intervenait comme interlocuteur autour de la table des négociations, car celles-ci ne concernent que deux partenaires.

Ce qui s’est passé vendredi est à l’origine de la situation de blocage que vous évoquez : la fin des négociations et l’absence de perspective pour une solution rapide. Après deux jours de libres manifestations dans le respect de l’ordre public,…

M. Christian Paul. « Libres manifestations », c’est vous qui le dites !

M. le ministre de l’outre-mer. …la décision a été prise. Le rôle de l’État et, sur place, du Haut commissaire, est d’inciter les parties à renouer le dialogue – en l’occurrence, le dialogue social –, et non, je le répète, d’être un partenaire de la négociation. À chacun son métier, et les vaches seront bien gardées !

M. François Hollande. Vos vaches à vous sont des vaches politiciennes !

M. le ministre de l’outre-mer. L’État de droit, c’est le respect du vote, le respect des responsabilités de chacun, et donc l’organisation de la négociation syndicale, pour laquelle nous souhaitons tous une issue favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

développement du tutorat

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Thomas, pour le groupe UMP.

M. Jean-Claude Thomas. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, le tutorat, à l’instar des cours personnalisés ou de soutien, présente un double intérêt pour les élèves, notamment ceux qui rencontrent des difficultés scolaires et d’orientation : tout d’abord, avec l’aide scolaire à proprement parler, il assure un soutien dans la préparation des devoirs, l’approfondissement des cours et l’acquisition des méthodes ; ensuite, il permet d’éclairer les élèves sur les choix décisifs qu’ils ont à faire pour leur future orientation.

Le lien privilégié entre le tuteur et l’élève ouvre la voie au partage et à l’échange des expériences et des parcours. Il permet aux élèves de choisir leur orientation en toute connaissance de cause.

Vous avez lancé le 16 octobre dernier une campagne nationale de recrutement des étudiants tuteurs dans le cadre de l’opération « 100 000 pour 100 000 ». Ce nouveau dispositif vise à permettre un accès plus large des élèves de l’éducation prioritaire à une formation de l’enseignement supérieur : 100 000 étudiants des grandes écoles et des universités vont pouvoir s’engager dans l’accompagnement de 100 000 élèves.

Pourriez-vous nous préciser le calendrier et les modalités de ce vaste plan de développement du tutorat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. (« B-a ba ! b-a ba ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous devons relever un double défi, monsieur le député. Le premier est celui de la meilleure orientation possible. Il faut que les jeunes, à la fin de leurs études supérieures, puissent trouver le métier de leur choix, celui qui correspond à leurs talents, à leurs goûts et à leurs capacités. Or nous observons que beaucoup d’entre eux s’engagent après le baccalauréat dans des filières ou des disciplines où il y a beaucoup plus d’espérances que de débouchés professionnels.

Le Premier ministre a donc demandé au recteur Hetzel de mener pendant six mois une étude à travers toute la France. M. Hetzel lui remettra son rapport tout à l’heure en Sorbonne, mais des premières mesures ont été prises sur la base de son rapport d’étape, qu’il a remis il y a trois mois et dont François Goulard et moi avons fait le meilleur usage.

Le deuxième défi est celui de l’égalité des chances. L’enseignement supérieur est encore trop réservé à une partie de la population, celle qui est « au courant », qui sait se renseigner et que son environnement porte naturellement vers l’université ou les grandes écoles.

Comme nous voulions répondre à ce deuxième défi avec l’aide des étudiants eux-mêmes, nous avons pris l’initiative de l’opération « 100 000 pour 100 000 », par laquelle nous sollicitons leur générosité afin qu’ils sachent passer le relais à des collégiens et à des lycéens en les faisant bénéficier de leur propre expérience et en leur servant de modèle.

J’ai lancé la semaine dernière à Marseille le recrutement de ces étudiants. Vous ne pouvez pas imaginer leur mobilisation – ou plutôt vous l’imaginez bien, monsieur Thomas, car vous connaissez la générosité des jeunes ! Je suis sûr que nous atteindrons le nombre de 100 000 tuteurs.

L’objectif assigné à ces étudiants est clair : donner envie à une population qui estime que l’enseignement supérieur n’est pas pour elle, l’aider à franchir le pas un peu difficile qui existe entre le secondaire et le supérieur et trouver les meilleures disciplines possibles pour les meilleurs débouchés possibles afin de permettre à ces jeunes, tout simplement, de s’accomplir dans la vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

assurance maladie

M. le président. La parole est à M. Serge Roques, pour le groupe UMP.

M. Serge Roques. Monsieur le ministre de la santé et des solidarités, nous entamons aujourd’hui la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Ce budget représente une masse financière de 402 milliards d’euros, presque deux fois le montant de la loi de finances, et touche les Français au plus près de leur vie quotidienne, puisque sont concernées à la fois l’assurance maladie, la famille, la médecine du travail et les retraites. Il constitue un enjeu fondamental pour la nation.

La représentation nationale et les Français sont très soucieux de l’équilibre des comptes sociaux, en particulier ceux de la branche maladie. Ils savent que cet équilibre conditionne la survie, à terme, d’une forme de protection sociale à laquelle nous sommes tous très attachés. La mise en œuvre de la réforme de 2004 a permis un redressement spectaculaire : du déficit abyssal de la branche maladie en 2004 – 11,6 milliards d’euros –, nous sommes passés à un déficit de 6 milliards en 2006.

Quelles sont vos prévisions pour 2007 ? Comment comptez-vous consolider les recettes ? Les assurés sociaux vont-ils être davantage sollicités ?

L’assurance maladie va mieux, mais elle n’est pas complètement guérie. Nous devons donc, collectivement, poursuivre nos efforts. Cela étant posé, serez-vous en mesure de permettre aux Français d’accéder à un système de soins toujours plus moderne et performant, tout en donnant aux établissements de santé publics et privés, ainsi qu’aux professions médicales – au premier rang desquelles les médecins et les infirmiers – les moyens de remplir au mieux leur difficile mission au service de tous ?

Les réponses que vous apporterez à ces questions, monsieur le ministre, sont très attendues par nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Vous avez utilisé une formule qui résume bien la situation de la branche maladie, monsieur le député : oui, l’assurance maladie va mieux, beaucoup mieux, mais elle n’est pas complètement guérie et il faut donc poursuivre nos efforts.

Sans la réforme de l’assurance maladie que vous avez votée, le déficit aurait été, à la fin de 2005, de 16 milliards d’euros : autant dire que nous n’aurions pas pu continuer ainsi et que nous aurions cassé et perdu notre système d’assurance maladie. Or, trois ans après, le déficit aura été divisé par quatre, puisque nous connaîtrons l’an prochain un déficit inférieur à 4 milliards d’euros.

M. Henri Emmanuelli. Et cette année ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Nos efforts auront donc permis de réduire le déficit. Ce n’est pas une fin en soi, mais c’est important car cela signifie que nous pourrons préserver pour nous-mêmes et pour les générations à venir un système de protection sociale qui est le meilleur au monde.

Nos efforts nous permettent aussi de mieux rembourser certains actes et d’améliorer l’accès aux soins.

M. Jacques Desallangre. Et les déremboursements ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. En 2006, ce qui avait été promis a été tenu, qu’il s’agisse du remboursement de l’ostéodensitométrie ou de l’amélioration de la prise en charge des soins dentaires pour les enfants. Nous allons continuer l’an prochain avec l’amélioration de la prise en charge des médicaments pour les maladies rares ou la prise en charge d’une consultation de prévention à soixante-dix ans. D’autres remboursements attendus depuis longtemps pourront également être décidés. En outre, trois millions de personnes vont désormais pouvoir bénéficier d’une aide à l’assurance complémentaire, via un dispositif que le vote de la réforme de 2004 a rendu possible.

Nous voulons aussi investir dans notre système de santé, en accord avec les médecins, les infirmiers et tous les personnels des établissements de santé. Dans cette perspective, nous avons signé la semaine dernière un accord d’une importance majeure avec cinq fédérations hospitalières représentant les personnels – FO, CFDT, CFTC, CGC et autonomes – afin d’accroître l’attractivité de l’hôpital. Ainsi, ce PLFSS contribue à financer la modernisation de notre système de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)


réforme de la justice

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour le groupe socialiste.

Mme Élisabeth Guigou. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

L’affaire d’Outreau a été une tragédie judiciaire et, vous venez de le rappeler, monsieur le Premier ministre, un drame national. Quatorze personnes ont passé des années en détention provisoire avant d’être innocentées par la justice et l’une d’entre elles est morte. Ce drame, qui a bouleversé notre pays, a donné lieu à une réflexion sans précédent sur la justice. La commission d’enquête créée à l’Assemblée nationale et excellemment présidée par notre collègue André Vallini a effectué un travail considérable (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Et le rapporteur ? Sectaire !

Mme Élisabeth Guigou. …dans un consensus entre députés de tous bords politiques. Ses travaux ont été suivis par un grand nombre de nos concitoyens et ont donné lieu à des propositions pour une réforme de grande ampleur de notre système judiciaire, formulées dans le rapport de notre rapporteur. (« Dites son nom ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ces propositions auraient mérité un grand débat dans notre pays pour aller au fond des problèmes et recueillir plus largement les témoignages de nos concitoyens. Au lieu de cela, depuis plusieurs semaines, le Gouvernement donne le spectacle affligeant de l’improvisation, de l’incohérence et des cafouillages. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il y a deux jours, monsieur le Premier ministre, vous avez apporté un démenti public aux propos du ministre de la justice sur le projet de réforme élaboré par votre gouvernement.

M. Jean-Marc Roubaud. La question !

Mme Élisabeth Guigou. La justice française mérite mieux qu’une réforme bâclée, des effets d’annonce contradictoires et des mesures d’affichage, qui risquent d’accroître les désordres plutôt que de résoudre les problèmes.

Pourquoi, avant toute nouvelle réforme, ne pas faire réaliser une évaluation des effets des multiples textes sur la justice que votre majorité a votés ? Pourquoi ne pas remédier immédiatement à un problème majeur qui ne demande pas de loi nouvelle : la dramatique insuffisance des personnels des greffes ? C’est en effet à cause de cette pénurie que les justiciables ne sont pas convenablement accueillis dans les tribunaux, que les avocats attendent parfois plusieurs mois pour obtenir copie des dossiers de leurs clients (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)…

M. le président. Posez votre question, madame.

Mme Élisabeth Guigou. …ou que les décisions de justice ne sont pas notifiées et exécutées.

Monsieur le Premier ministre (Brouhaha sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), pourquoi ne pas prendre sans attendre ces mesures concrètes et de bon sens ?

M. le président. Ne m’obligez pas, madame, à vous interrompre !

Mme Élisabeth Guigou. Pourquoi ne pas reporter après l’élection présidentielle des modifications des lois et de la Constitution, qui exigent un débat approfondi et serein, un consensus national sur les moyens de la justice (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. le président. Merci.

Mme Élisabeth Guigou. …afin que la réforme soit à la hauteur du drame d’Outreau et des attentes de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je rappelle, madame, que le rapporteur était M. Houillon et que j’ai toujours veillé, depuis que je suis président, à respecter l’équilibre politique au sein des commissions d’enquête. Je souhaite qu’on le reconnaisse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, les travaux de la commission d’Outreau ont clairement inspiré les trois projets de loi que j’ai présentés ce matin en conseil des ministres puisque j’ai repris vingt-trois des trente et une propositions d’ordre législatif. Le premier projet porte sur la responsabilité des magistrats et il n’a jamais été question de le retirer, excepté la partie pointée par le Conseil d’État. Le deuxième texte introduit, avec la saisine du médiateur, un droit nouveau pour les justiciables français. Le troisième apporte des réponses pragmatiques aux questions posées par l’affaire d’Outreau : par quel moyen arrêter l’emballement de la machine de la détention provisoire ? Comment briser la solitude du juge d’instruction ? Comment faire en sorte que le juge d’instruction ne donne pas le sentiment d’instruire plus à charge qu’à décharge ?

Vous avez critiqué le budget de la justice, madame Guigou. Je ne me permettrai pas de le comparer à ce qu’il était lorsque vous étiez vous-même garde des sceaux. (« Si ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je rappellerai simplement que le Président de la République, au début de son quinquennat, a fait de la justice une priorité et que la parole a été tenue !

Mme Martine David. Non !

M. le garde des sceaux. En moins de cinq ans, le budget de la justice a augmenté de 38 %,…

M. Bernard Roman. 5 % !

M. le garde des sceaux. …contre un peu moins de la moitié pour le vôtre. Nous avons créé 700 postes nets de magistrats et recruté 2 000 fonctionnaires nets, greffiers compris. Si je reconnais que ces derniers sont encore en nombre insuffisant aujourd’hui, ils seront 900 sur le terrain l’année prochaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous sommes donc parvenus à faire de ce budget, en fin de quinquennat, un budget privilégié et, cette année, le premier budget de l’État, ce qui n’était jamais arrivé. Merci de m’avoir donné l’occasion de le rappeler ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

violences contre les policiers

M. le président. La parole est à M. Éric Raoult, pour le groupe UMP.

M. Éric Raoult. Ma question, à laquelle s’associent mes collègues Robert Pandraud et Jean-Claude Abrioux, s’adresse au garde des sceaux, qui, contrairement à Mme Guigou, n’était pas en fonction à l’époque des faits dont elle vient de parler.

Depuis quelques semaines, nous assistons dans certains quartiers à une multiplication des agressions contre les forces de l’ordre.

M. Jean Glavany. Que fait M. Sarkozy ?

M. Éric Raoult. Pour ne citer que quelques exemples récents, des policiers ont été agressés à Corbeil-Essonnes, aux Mureaux, à Épinay-Sur-Seine et à Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis – dans votre département, madame Guigou (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) – par vingt à trente personnes cagoulées et armées de barres de fer. Deux voitures de police avaient été prises pour cible dans le même quartier mardi dernier et, ce week-end, un véhicule de la brigade anti-criminalité a été pris pour cible par une trentaine de jeunes dans le quartier de la Source à Orléans. Ces guets-apens sont devenus des embuscades organisées contre les forces de l’ordre.

M. Daniel Vaillant. Bravo Sarkozy !

M. Éric Raoult. Comme le disent certains jeunes, ils sont dignes de séries américaines. Ces actes sont purement et simplement inadmissibles et inexcusables ! Vous pourriez applaudir ces propos, madame Guigou ! (« C’est cinq ans de Sarkozy ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Leurs auteurs sont des voyous et des criminels qui doivent être traités avec rapidité et fermeté par la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vendredi, avec mes collègues maires de Seine-Saint-Denis, nous avons rencontré les syndicats de policiers et, il y a quelques semaines, monsieur le ministre de la justice, vous nous aviez reçus pour parler du problème de l’insécurité. Chers collègues, socialistes en particulier, les policiers sont des fonctionnaires du service public de l’ordre, des pères et des mères de famille, et non des guerriers. Peut-être même certains votent-ils pour vous. Vous pourriez les défendre ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Quand nous réclamons des policiers, nous nous devons de les protéger. Quand on veut dialoguer avec la police, on ne jette pas des pierres, on ne casse pas les pare-brise ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. le président. Posez votre question.

M. Éric Raoult. Le Président de la République, puis Nicolas Sarkozy,…

M. Michel Lefait. Zéro !

M. Éric Raoult. …ont récemment souhaité que ces bandes de délinquants, qui s’attaquent aux forces de l’ordre, aux pompiers, aux élus, et donc à l’État, soient poursuivis avec la plus grande sévérité.

M. François Hollande. À commencer par vous !

M. Éric Raoult. Monsieur le garde des sceaux, quels moyens comptez- vous donner à la justice pour condamner comme il se doit et donc dissuader ces individus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Huées sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman. Pourquoi nous prenez-vous à partie ?

M. le président. Monsieur Roman !

M. Bernard Roman. Il n’a pas à nous agresser ainsi !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. D’abord, monsieur le député, merci, vous qui êtes de Seine-Saint-Denis, de rendre hommage aux forces de l’ordre.

M. François Hollande. Heureusement !

M. le garde des sceaux. Je m’associe à cet hommage, mais il ne suffit pas : il faut aussi les protéger.

M. Jean-Marie Le Guen. Et que faites-vous des magistrats ?

M. le garde des sceaux. C’est pourquoi le Premier ministre m’a demandé de déposer, au prochain texte sur la prévention de la délinquance, un amendement…

M. Henri Emmanuelli. Encore !

M. François Hollande. Pourquoi ne pas le mettre directement dans le texte ?

M. le garde des sceaux. …créant une infraction spécifique de violences sur agent de la force publique avec arme, en bande organisée ou lors d’un guet-apens. Ces faits sont aujourd’hui punis de dix ans d’emprisonnement – ils relèvent de la correctionnelle ; demain, ils seront passibles de quinze ans d’emprisonnement, donc criminalisés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Roman. Avec quel argent ?

M. le garde des sceaux. Les malfaisants et les délinquants doivent savoir que tendre un guet-apens à un membre des forces de l’ordre – policier, gendarme, douanier ou surveillant d’établissement pénitentiaire –,…

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Ou pompier !

M. le garde des sceaux. …les conduira devant une cour d’assises. La France ne peut tolérer que l’on tende des pièges à ceux qui la protègent, comme on le voit aujourd’hui dans certains départements, et que l’on exerce sur eux des violences. Je vous remercie de l’avoir rappelé.

Par ailleurs, un autre amendement sera déposé à ce même texte s’agissant de la rébellion. De six mois de prison aujourd’hui, le quantum pour rébellion passera à un an, ce qui permettra, en particulier pour les mineurs, de profiter de la présentation immédiate devant le juge, introduite dans la réforme de la justice des mineurs. En outre, ceux qui encouragent aux émeutes pourront désormais être placés en garde à vue.

M. Henri Emmanuelli. Sarkozy risque les assises alors !

M. le garde des sceaux. Voilà les protections que la France doit à ses forces de l’ordre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

loi de finances pour 2007

M. le président. La parole est à M. Jean-François Mancel, pour le groupe UMP.

M. Jean-François Mancel. Monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, nous allons voter tout à l’heure la première partie de la loi de finances pour 2007. Son excellent contenu a permis à nos débats de se dérouler d’excellente façon. Je tiens à en remercier le ministre des finances et vous-même.

Ce budget est le dernier de la législature. À la veille d’échéances électorales majeures et pour la bonne compréhension de nos concitoyens, il serait utile et démocratique que vous puissiez faire une comparaison entre les principales dispositions de cette loi de finances et celles qui caractérisaient la dernière loi de finances du gouvernement Jospin, votée en 2001 pour 2002. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. Les leçons de morale de M. Mancel nous intéressent !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Mancel, je vous rejoins bien volontiers : la discussion de la première partie du projet de loi de finances s’est déroulée dans des conditions de travail apaisées, sans commune mesure avec ce que j’entends à présent. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. Mancel, remboursez à l’euro près !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il est vrai que chacun a été dans son rôle : la majorité s’est fortement engagée pour soutenir un budget qui correspond aux grands engagements que nous avons pris devant les Français ; l’opposition, au moins sur la forme, ne s’est pas montrée d’accord, mais avec une telle courtoisie que j’ai cru déceler une pointe de nostalgie de ce qu’elle aurait rêvé de faire – la comparaison entre les lois de finances pour 2002 et pour 2007 en est une nouvelle preuve ; l’UDF un peu perdue…

M. François Sauvadet. Non, monsieur Copé !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …devant l’obligation de ne pas voter un texte qui correspond par ailleurs aux attentes des électeurs de l’UDF, comme de l’UMP, avec une baisse de la dépense, des impôts et du déficit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais, monsieur Brottes, le plus concret reste à venir, puisque nous allons maintenant nous occuper du volet dépenses. Ce sera l’occasion, pour la deuxième fois, grâce à la « nouvelle Constitution budgétaire » – la fameuse LOLF – de regarder et mesurer l’efficacité de l’action des ministres et de leurs administrations. Les nouveaux indicateurs mis en place le permettent très concrètement. Cette mission incombera aux parlementaires de tous bords, durant toute la session, jusqu’à la fin de cette année.

Mesdames, messieurs les députés, profitez-en bien, car, si par malheur, Ségolène Royal devenait Présidente de la République (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), ce ne seraient plus les parlementaires qui examineraient l’efficacité des ministères, mais les tribunaux populaires,…

M. Julien Dray. Coupez les têtes !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …et on mettrait les têtes au bout des piques. Ce ne serait plus de la démocratie, mais simplement de la démagogie. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Ouverture à la concurrence
du secteur postal

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste.

M. François Brottes. Je suggère à M. Copé de profiter également de ma question. Celle-ci aurait pu s'adresser au ministre de l'éducation nationale, pour lui conseiller de commencer tout de suite à actualiser nos manuels scolaires – il adore cela, paraît-il.

Avant Villepin, Breton et Sarkozy, il y avait, dans notre pays, de grandes entreprises publiques de l’énergie qui nous permettaient de maîtriser les tarifs du gaz et de l'électricité et de desservir tout le territoire. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Aujourd'hui, après un accord perdant-perdant avec Suez, c'est le russe Gazprom qui augmente pour nous. Il a tout racheté ! Voilà ce que diront plus tard les manuels.

M. Michel Bouvard. Vous avez vendu la CNR !

M. François Brottes. Avant Villepin, Breton et Sarkozy, il y avait une grande banque publique qui ne refusait aucun client, où chacun, quels que soient ses revenus, avait droit à un livret d'épargne – le livret A.

Aujourd'hui, ils ont fait de La Poste une banque comme les autres, puisque le livret A est banalisé. Toutes les banques le proposent, mais elles font le tri entre les « bons » et les « mauvais » clients.

M. Hervé Novelli. Le Crédit Lyonnais !

M. François Brottes. Avant Villepin, Breton et Sarkozy, il y avait, dans notre pays, une distribution de courrier, six jours sur sept, et le facteur venait jusqu'au domicile de chacun.

Aujourd'hui, chacun va chercher son courrier à la poste principale ou au chef-lieu du canton (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), parce que La Poste doit réduire ses coûts pour faire face aux concurrents (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), qui ont récupéré les marchés les plus rentables sans supporter aucune contrainte inhérente au service public ou de desserte du territoire.

Avant Villepin, Breton et Sarkozy, il y avait, dans notre pays, un principe simple issu du Conseil national de la Résistance, qui constituait l'un des fondements de la République : l'égalité d'accès aux services publics. C'était le cas pour le raccordement au réseau électrique, au réseau du téléphone fixe, et aussi pour l’expédition du courrier.

M. Hervé Novelli. Vous êtes revenus cinquante ans en arrière !

M. François Brottes. Avant Villepin et Sarkozy, il y avait, à cette époque-là, un prix unique du timbre pour tout le monde.

La semaine dernière, à Bruxelles, la France a cédé en acceptant de renoncer pour La Poste à tout monopole pour les envois les plus nombreux : ceux qui pèsent moins de 50 grammes. Cette décision annonce l’abandon de la péréquation, que nous avions pourtant réussi à préserver jusqu’à ce jour. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, oserez-vous dire que vous venez de décider, dans notre pays, la fin du prix unique du timbre ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Avant M. Brottes, on pouvait s’entendre, parler, se comprendre. (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La Poste est une belle et grande entreprise (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), qui mérite autre chose que les vociférations de M. Brottes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La Poste est une entreprise qui marche bien. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Ses performances économiques sont bonnes. La Poste crée de l’emploi dans des quartiers difficiles et dans le monde rural. La France vit avec des directives européennes.

Aujourd’hui, La Poste est une entreprise dont nous pouvons être fiers.

M. Augustin Bonrepaux. Il n’y a que vous qui en êtes fier !

M. le ministre délégué à l’industrie. Aujourd’hui, vous vous préoccupez de l’ouverture du secteur postal à la concurrence. Ce n’est pas une nouveauté.

Ce secteur est ouvert à la concurrence depuis plusieurs années. Il est aujourd’hui gestionnaire d’un secteur réservé pour les envois de moins de cinquante grammes.

La Commission a préparé une nouvelle directive, qui sera examinée pour la première fois au Conseil des ministres du mois de décembre. La France y défendra deux priorités : l’emploi et le financement du service universel. Notre priorité absolue, c’est la défense du grand service postal public,…

M. Augustin Bonrepaux. Vous ne défendez rien du tout !

M. le ministre délégué à l’industrie. …que nous voulons de très grande qualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Julien Dray. Baratin !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Menteur !

HÔTELLERIE–restauration

M. le président. La parole est à M. René Couanau, pour le groupe UMP.

M. René Couanau. Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre délégué à l’emploi, comme cela a déjà été évoqué, le secteur de l’hôtellerie et de la restauration se trouve dans une situation particulièrement confuse, du fait de l'annulation par le Conseil d'État du décret de 2004 fixant la durée du travail hebdomadaire à 39 heures dans ce secteur.

Depuis cette date, les 100 000 entreprises et les 800 000 salariés de l'hôtellerie et de la restauration s'interrogent, non seulement sur le régime juridique qui leur est applicable, mais aussi sur leur avenir, dans une période où ce secteur essentiel rencontre, vous le savez, des difficultés menaçant la survie même de nombreuses entreprises.

Nous ne pouvons laisser subsister plus longtemps le vide juridique créé par la décision du Conseil d'État. Seul le Parlement est en capacité de combler rapidement ce vide. Il est, en effet, inconcevable qu'il puisse durer plus longtemps.

M. Maxime Gremetz. Vive le Conseil d’État !

M. René Couanau. Un peu de silence, le jury populaire ! (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Dans cette perspective, les trois présidents des commissions des affaires sociales, des affaires économiques et des finances ont déposé, en plein accord avec le groupe UMP, un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale,…

M. Maxime Gremetz. C’est un cavalier !

M. René Couanau. …que nous allons examiner dès ce soir.

La fixation de la durée du travail hebdomadaire à 39 heures dans ce secteur, dont chacun reconnaît la spécificité, résultait – l’avez-vous oublié ? – d'un accord collectif de juillet 2004. On ne peut donc pas invoquer l'absence de concertation.

M. Augustin Bonrepaux. Démagogie !

M. René Couanau. Néanmoins, monsieur le ministre délégué à l’emploi, l'amendement déposé prévoit le rétablissement des 39 heures, régime appliqué jusqu'ici sans difficulté, dans l'attente d'un nouvel accord de branche.

Il convient, monsieur le ministre, d'intervenir très rapidement pour dissiper la confusion juridique et permettre aux entreprises, aux employeurs et aux salariés de reprendre confiance.

M. Maxime Gremetz. Vous nous avez habitués à mieux !

M. René Couanau. Pouvez-vous nous indiquer plus précisément, monsieur le ministre, la position du Gouvernement à l'égard de l'amendement que nous avons déposé ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Couanau, j’ai rappelé, au début de la séance, l’importance du secteur de l’hôtellerie et de la restauration, mais également sa fragilité.

C’est pourquoi M. le Premier ministre, avec le soutien de la majorité, a souhaité mettre en place un contrat de croissance à la fois pour développer l’emploi et moderniser ce secteur.

À la suite de la décision du Conseil d’État portant sur les fruits de la négociation entre les partenaires sociaux, il a paru nécessaire de sécuriser notamment la période qui se déroule depuis janvier 2005.

M. François Sauvadet. C’est vrai !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. En effet, l’examen des compensations, notamment entre droits créés et droits supprimés par la décision du Conseil d’État, pourrait entraîner une situation perdant-perdant, tant pour les entreprises que pour les salariés.

M. Jean-Pierre Soisson. C’est vrai !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. C’est pourquoi le Gouvernement souhaite qu’une disposition législative puisse permettre de sécuriser cette période. Nous sommes naturellement prêts à travailler avec vous sur la proposition de l’Assemblée nationale.

M. François Sauvadet. Et avec nous !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Parallèlement, cette disposition législative doit nous permettre de réunir, dans les meilleurs délais – comme le Premier ministre nous l’a demandé –, les partenaires sociaux, autour de la commission mixte, pour retrouver les voies du dialogue social entre les partenaires sociaux, afin de construire l’avenir, permettre de décliner le contrat de croissance et donner à l’hôtellerie-restauration, si importante pour notre territoire, les moyens de se développer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Jurys poPUlaires

M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe UMP.

M. Marc-Philippe Daubresse. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Les élections présidentielles concernent tous nos compatriotes, qui cherchent, à juste titre, à être éclairés sur la pertinence des mesures, d’où quelles viennent.

Ce week-end, une candidate à l’élection présidentielle a proposé la création de jurys populaires tirés au sort, devant lesquels les élus du peuple devraient rendre des comptes. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Les élus locaux nous ont tous interrogés sur la portée d’une telle mesure. Nous avons pu entendre de nombreuses réactions dans cet hémicycle, émanant de tous les bancs de l’Assemblée.

M. Julien Dray. Quelle intelligence, ce Daubresse ! Il est dommage qu’il ne soit plus au Gouvernement ! (Sourires.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Monsieur le ministre, s’agit-il de mettre en place des tribunaux populaires à la Pol Pot ou à la Mao Tsé-Toung ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

S’agit-il, tout au contraire – on a du mal à le discerner –, d’une petite mesure gadget populiste sans réelle portée ? (Exclamations sur les mêmes bancs.)

J’ai en mémoire, pour ne citer qu’un exemple, une grosse colère de M. Pierre Mauroy, président de la commission pour l’avenir de la décentralisation, qui s’indignait devant le bureau de la communauté urbaine, que la démocratie participative, qui doit être évidemment maintenue, remette en cause la légitimité de la démocratie représentative. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre délégué aux collectivités territoriales, pouvez-vous nous donner votre avis et votre expertise sur cette mesure abracadabrantesque ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur Daubresse, à l’évidence, votre question ne porte pas sur un sujet médiocre. Le débat sur l’évaluation des politiques publiques est parfaitement légitime. Nous avons certainement des progrès à faire. Il n’est pas interdit de faire preuve, de temps en temps, de créativité.

Malheureusement, comme vous l’avez souligné, si l’intention est certainement louable,…

M. Julien Dray. Il a des antisèches ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. …la solution avancée – création de mise sous surveillance des élus locaux par des jurys populaires tirés au sort – n’est certainement pas la plus appropriée. Tant s’en faut ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Julien Dray. C’est une question téléphonée !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Ce sentiment est largement partagé par la majorité, mais aussi par les responsables de l’opposition.

Mme Buffet s’est exprimée ce matin. M. Dominique Strauss-Kahn a expliqué que cela entraînerait un énorme désordre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. André Laignel, secrétaire général de l’Association des maires de France, a utilisé des mots très durs et dénoncé le populisme qui s’inscrit dans la veine de l’antiparlementarisme le plus sommaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Julien Dray. Vous n’avez pas été élu au suffrage universel !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. M. Laurent Fabius a affirmé, à juste titre, qu’utiliser la démocratie participative pour démolir la démocratie représentative serait une énorme faute.

M. Julien Dray. Ils ont peur du peuple ! C’est normal !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Les élus se sont élevés contre ces propos, mais également les historiens. M. Max Gallo, qui était des vôtres, il n’y a pas si longtemps, a fait part de son inquiétude, ce matin, devant une proposition qui rappelle les funestes années de Mao Tsé-Toung et de la Révolution culturelle. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mesdames, messieurs les députés, chaque fois, dans notre histoire, que l’on a voulu s’en prendre aux élus, c’est en réalité à la République que l’on a voulu s’attaquer (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), du général Boulanger à Paul Déroulède, des protagonistes du 6 février 1934 à ceux qui, sous Pétain, avaient voulu mettre en place des comités chargés de dénoncer les autorités locales…

M. Julien Dray. Tout en finesse !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. …qui faisaient preuve d’esprit républicain. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Julien Dray. Ça suffit ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Tout ceci doit nous encourager à ne pas mépriser, mais à honorer, au contraire, les règles de la démocratie, de la démocratie représentative,…

M. Julien Dray. Vous n’avez jamais été élu au suffrage universel !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. …la seule qui ne conduise pas aux larmes et au sang, la seule qui respecte les droits et la volonté du peuple. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Maurice Leroy.)

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Loi de finances pour 2007

PREMIÈRE PARTIE

Explications de vote et vote
sur l’ensemble de la première partie
du projet de loi de finances

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2007.

Je vous précise qu’il n’y aura pas de suspension de séance à l’issue du vote solennel. M. le président prononcera l’éloge funèbre de notre collègue Édouard Landrain.

La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, alors que dans un instant vous serez invités à vous prononcer sur la première partie du projet de loi de finances pour 2007, qui couvre le volet des recettes, je souhaite rappeler l’esprit qui a présidé à nos travaux. Ce budget s’inscrit dans le prolongement de ce que nous avons accompli depuis le début du quinquennat, mais avec une inflexion majeure : pour la première fois, nous présentons un projet de loi de finances qui tient l’ensemble des engagements pris devant les Français. Nous baissons, en effet, les dépenses de l’État, les impôts, le déficit et la dette.

M. Didier Migaud. Faux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Dans le même temps, nous avons veillé à ce que l’ensemble des engagements pris devant les Français soient tenus, en termes de financement des grandes missions publiques : éducation, santé, emploi, défense, sécurité, justice – autant de domaines dans lesquels les Français attendent de nous des moyens, des actions et des résultats.

Enfin, nous avons eu à cœur d’inscrire notre démarche dans une totale transparence vis-à-vis de chacune et de chacun d’entre vous. Cela a été possible grâce à l’apport majeur de la LOLF, cette nouvelle constitution budgétaire que nous devons à l’ensemble de la représentation nationale. Opposition et majorité ont en effet travaillé ensemble, animées par un seul objectif : faire en sorte que les Français puissent avoir une parfaite connaissance de la gestion publique de l’État – qui fait quoi ? qui décide ? qui paie ? À mes yeux, c’est tout à fait essentiel. Toute démocratie moderne doit avoir à cœur de présenter, en toute transparence, l’utilisation des fonds publics pour ce qui concerne l’État, aujourd’hui et, je le souhaite, demain, pour ce qui concerne les collectivités locales.

À cet égard, je veux appeler votre attention sur le fait que l’État honore la totalité des engagements qu’il a pris devant les collectivités locales : qu’il s’agisse de la reconduction du contrat de croissance et de solidarité – plus un milliard d’euros –, de la progression du fonds de compensation de la TVA – 700 millions d’euros – des crédits octroyés au titre du RMI – 400 millions – ou de l’ensemble des dégrèvements et exonérations d’impôt : tout cela est payé à l’euro près.

M. Bernard Roman. Hum ! C’est vite dit !

M. Jean-Claude Sandrier. Il manque pourtant des fonds !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. L’ensemble de nos engagements vis-à-vis des collectivités locales seront tenus.

Permettez-moi, mesdames et messieurs les députés, de vous adresser, aux uns et aux autres, mes remerciements, en mon nom, mais aussi en celui de Thierry Breton. Nous avons travaillé dans la plus grande efficacité, mais aussi avec courtoisie. Je veux remercier la majorité pour sa présence, son engagement et son soutien total à un projet de budget…

M. Didier Migaud. Un soutien intermittent !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …qui vise à respecter les engagements que nous avons pris devant nos concitoyens. Mes remerciements vont également à l’opposition, …

M. Patrick Roy. Qui elle était présente !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. … même si nous avons eu des désaccords que chacun peut aisément imaginer puisqu’ils correspondent à la divergence de nos lignes politiques.

Je ne résisterai pas à la tentation de demander à l’opposition ce qu’elle veut changer dans ce budget. Que la gauche dise clairement aux Français et, accessoirement, à nous, ce qu’elle changera ! (« Très bien » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Augmenterez-vous, chers collègues, la dépense de l’État, les impôts, les déficits et la dette, (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), autant de sujets sur lesquels nous serons très heureux de vous entendre ?

M. Patrick Roy. Caricature !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Enfin, à quelques minutes du vote, permettez-moi de demander aux députés de l’UDF de réfléchir à deux fois. Peut-être, dans ces dernières secondes, seront-ils finalement tentés de voter pour un budget qui correspond exactement aux engagements et aux valeurs des électeurs de l’UDF et de l’UMP, puisque nous avons fait campagne ensemble en 2002. Permettez-moi, dès lors, d’avoir l’espoir que vous soutiendrez un budget qui respecte nos valeurs, nos convictions, et qui est au service de l’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marc Roubaud. On peut toujours rêver !

M. Patrick Roy. C’est plutôt un budget pour les nantis.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Monsieur le ministre délégué au budget, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2007 dont nous allons voter la première partie dans un instant, c’est-à-dire les recettes et l’équilibre, poursuit une même stratégie : le rétablissement de nos comptes publics,...

M. Didier Migaud. Ce n’est pas réussi !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …comptes publics que nous avons trouvés, hélas, extrêmement dégradés en 2002. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Nous sommes quatre ans après !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Notre stratégie passe par la maîtrise de la dépense, avec une progression limitée en 2007 à 0,8 % – soit un point de moins que l’inflation – dans le strict respect de nos priorités : sécurité, défense et justice.

M. Augustin Bonrepaux. Est-ce vraiment vous qui avez rédigé cette intervention ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Du côté des recettes, nous avons mis en œuvre une réforme fiscale importante, avec une juste réforme de l’impôt sur le revenu. Conjuguée avec l’augmentation de la prime pour l’emploi, je rappelle que les trois quarts de la baisse de l’impôt iront aux revenus modestes et moyens.

M. Gilbert Biessy. C’est faux !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La réforme de la taxe professionnelle permettra à nos entreprises de gagner en compétitivité.

Quant au déficit, sa réduction est spectaculaire ! Il est en effet limité à 41,6 milliards d’euros, ce qui en fait le déficit le plus faible de cette législature puisqu’il connaît une diminution de 5 milliards par rapport à celui prévu pour 2006.

J’ajoute que le sérieux et la fiabilité de ces prévisions de dépenses et de recettes sont attestés non par des promesses, mais par la réalité. Depuis maintenant quatre ans, l’exécution des dépenses a été réalisée à l’euro près, dans le strict respect des engagements que nous avions ouverts au Gouvernement.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n’est pas vrai !

M. Albert Facon. Radoteur !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Depuis 2004, la totalité des surplus des recettes – car nos prévisions ont été très prudentes – a été affectée à la baisse du déficit, et donc de l’endettement. Il en ira de même, j’en suis persuadé, cette année. La fiabilité de ce budget n’a absolument rien à voir avec celle du budget dont nous avons hérité au printemps 2002 !

M. Jean-Marc Roubaud. Eh oui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Au terme de ce débat, je saluerai à mon tour la qualité du travail que nous avons accompli en commun, avec vous en particulier, monsieur le ministre, ainsi qu’avec vos collaborateurs. Nous avons mené ce travail, notamment avec le président Méhaignerie, bien en amont du budget. Nous avons, en effet, préparé les grandes lignes de ce projet de budget pendant les mois de l’été.

Je voudrais remercier également tous nos collègues qui ont pris part à cette discussion, soit en commission, soit dans l’hémicycle, et remercier les présidents de séance, même si nos travaux n’ont duré que quatre jours et demi, puisque nous avons terminé vendredi dernier à treize heures. Je veux aussi saluer la contribution très importante de notre président de la commission des finances, Pierre Méhaignerie (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), dans la préparation et dans le déroulement de la discussion de ce budget. Nous sommes très satisfaits de l’approche collégiale et harmonieuse qui a prévalu. C’est un bon budget, et chacun, au sein de la majorité en est conscient. Je remercierai, enfin, la presse qui a rendu compte de nos travaux, ainsi que tous les personnels de l’Assemblée qui nous ont accompagnés dans ces débats.

La commission des finances vous invite donc, chers collègues à voter la première partie de ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances, la parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe UMP.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe UMP approuve cette première partie du projet de loi de finances. Nous partageons la responsabilité d’un budget utile et crédible, préparé pour servir le pays et éclairer son avenir.

Ce projet de loi de finances n’est pas un acte mécanique de fin de législature. Ce n’est pas non plus une projection irréaliste de campagne électorale, comme celle que nous avons subie en 2002, le rapporteur général l’évoquait à l’instant. C’est le choix politique de l’action.

Ce budget, qui est le résultat de quatre années d’efforts et de progrès budgétaires, a été construit pour se déployer dans la durée, afin que nos concitoyens puissent en récolter les fruits.

Ce budget est crédible car il se fonde sur une meilleure maîtrise de la dépense. Rien n’est parfait, il reste encore beaucoup à faire, mais l’effort est notable. Il repose sur une baisse de la dette.

M. Pierre Bourguignon. C’est faux !

M. Hervé Mariton. Sa maîtrise est un élément essentiel pour que nos concitoyens aient confiance dans le budget, mais surtout dans l’avenir de notre pays et dans leur avenir, ce qui est beaucoup plus important.

Ce budget est aussi utile pour la compétitivité de notre économie et de nos entreprises, grâce, entre autres, au plafonnement de la taxe professionnelle ou aux mesures d’encouragement aux « gazelles ».

Il est utile également car il contribue à une amélioration du pouvoir d’achat. Nous sommes dans un contexte économique où le premier élément sur lequel le Gouvernement ou le Parlement peuvent intervenir pour améliorer le pouvoir d’achat des Français est l’impôt. En baissant les prélèvements obligatoires, nous répondons aux souhaits de nos concitoyens.

Mesurons le chemin parcouru en 2006 et dans la préparation du budget pour 2007. Retenons les éléments forts de ce parcours et ne gâchons pas les progrès accomplis lors des élections à venir. Certes, beaucoup reste à faire, et nous nous devons de le dire à nos concitoyens. Notre pays doit poursuivre le rétablissement de ses finances publiques. Il doit être toujours plus dynamique afin de répondre aux problèmes concrets de nos concitoyens et multiplier nos chances dans un monde qui bouge.

Nous approuvons la première partie de ce projet de loi de finances, car c’est le résultat de quatre années d’efforts continus et de choix partagés avec nos concitoyens. Ces choix, nous voulons les voir poursuivis dans la durée, car ils nous engagent. Ce projet de budget est un beau signe pour l’avenir de notre pays : nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous permettrez au groupe socialiste de ne pas partager le point de vue qui vient d’être exprimé. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le projet de budget pour 2007 se situe dans la continuité de la politique économique budgétaire et fiscale conduite depuis juin 2002, qui a fortement dégradé la situation de nos comptes publics et accru les inégalités. Dans ces conditions, monsieur le ministre, pourquoi réussiriez-vous en 2007 ce que vous n’êtes pas parvenus à faire depuis juin 2002 ?

La dette a explosé et, contrairement à ce que vous prétendez, les impôts ont augmenté dans leur masse globale.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Dans les régions !

M. Didier Migaud. L’impôt sur le revenu a certes baissé, mais au détriment des impôts et taxes acquittés par le plus grand nombre. La dépense publique, elle, n’a pas diminué. Quant au déficit, vous l’annoncez à 2,6 % ou 2, 7 % pour 2007 alors même que l’audit que vous aviez vous-même commandé en juin 2002 retenait comme pire hypothèse la fourchette de 2,4 %-2,6 %.

Bref, votre politique budgétaire et fiscale nous a fait perdre cinq années.

Les inégalités se sont accrues depuis juin 2002. Nous en avons une triste illustration à travers l’augmentation du nombre de RMIstes, avec toutes les conséquences que cela implique pour les collectivités locales, notamment les départements. Le pouvoir d’achat a sensiblement moins augmenté sous cette législature que sous la législature précédente.

Non seulement ce budget 2007 est dans la continuité de votre politique injuste et inefficace, mais il va aggraver encore la situation. Songeons aux conséquences de votre politique fiscale : des centaines de milliers d’euros pour quelques-uns et quelques euros pour le plus grand nombre, dont le bénéfice se verra annulé par l’augmentation des impôts et charges, alors que 10 % des Français bénéficieront de 60 % de votre réduction d’impôt.

Ajoutons à cela le bouclier fiscal et ses incidences sur le produit de l’ISF et le plafonnement de la taxe professionnelle. Ce matin encore, lors de la réunion du Comité des finances locales, Augustin Bonrepaux a pu montrer les dangers de la réforme de cette taxe pour l’ensemble des collectivités locales.

M. Jean-Marc Roubaud. C’est infondé !

M. Didier Migaud. Le Comité a même dû exprimer un avis défavorable sur le projet de décret qui lui était soumis. J’en profite d’ailleurs pour rendre hommage, au nom du groupe socialiste, à notre collègue, qui a décidé de ne pas se représenter. Cet orateur respecté et redouté nous manquera. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

De surcroît, on observe une augmentation du nombre des niches fiscales, qui ne font l’objet d’aucun plafonnement, contrairement à un engagement pris par le président de la commission des finances et par vous-même, monsieur le ministre du budget. Dans le même temps, le nombre des réductions de cotisations sociales augmente alors même que la Cour des comptes vient de publier un rapport qui remet en cause la pertinence de ces dispositions, dont les effets d’aubaine sont démesurés par rapport à l’objectif visé.

Ce projet de budget est, en outre, profondément maquillé, il contient beaucoup d’éléments virtuels et de contrevérités. Le rapporteur général lui-même l’a noté dans son rapport, en démontrant que ce qu’affirmait le Gouvernement à propos de la dépense publique ne correspondait pas à la réalité. Malheureusement, nous pourrions multiplier ces exemples.

C’est pour cela, monsieur le ministre, que le groupe socialiste demande un audit de nos comptes publics avant les prochaines élections.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. C’est scandaleux !

M. Didier Migaud. Nous sommes convaincus qu’un tel audit permettrait aux Français de se faire une idée précise de la situation de nos finances.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre cette première partie du projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Pour le groupe UDF, la parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion du projet de budget pour 2007 est l’occasion de dresser le bilan de la gestion des finances publiques pendant les cinq années de la présente législature.

M. Patrick Roy. Triste bilan !

M. Charles de Courson. Alors que les candidats de l’UDF comme de l’UMP s’étaient engagés lors des élections de 2002 à diminuer les dépenses publiques, les prélèvements obligatoires, les déficits publics et, par voie de conséquence, la dette publique, c’est largement l’inverse qui s’est produit. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Entre 2002 et 2007, les prélèvements obligatoires se sont accrus de 144 milliards d’euros, ce qui représente près d’un point de la richesse nationale : 42,8 % en 2002, 43,7 % en 2007. Ainsi, 57 % de la croissance de la richesse nationale aura été utilisée pour financer la hausse des dépenses publiques de 169 milliards d’euros.

Pendant cette même période, le poids de la dépense publique dans la richesse nationale s’est accru pendant trois ans, atteignant 53,9 % de la richesse nationale en 2005. Elle a commencé à baisser lentement à partir de 2006, en demeurant en 2007, avec 52,9 % de la richesse nationale, au-dessus de son niveau de 2002.

M. Gérard Bapt. Et voilà !

M. Charles de Courson. Entre 2002 et 2004, les déficits publics se sont fortement accrus et n’ont commencé à se réduire qu’en 2005, pour revenir en 2007 à 2,5 % de la richesse nationale, soit un niveau encore supérieur à celui de 2001, qui était de 1,6 %, tant en valeur qu’en pourcentage de la richesse nationale.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !

M. Charles de Courson. Entre 2002 et 2005, le poids de l’endettement public a considérablement augmenté, passant de 58,2 % de la richesse nationale en 2002 à 66,6 % en 2005. Et, en 2006, avant prise en compte des cessions massives d’actifs et des opérations de trésorerie, le taux s’est stabilisé. En 2005, hors cessions d’actifs, la baisse est très faible : 0,3 % de la richesse nationale.

Ainsi, l’UDF, fidèle aux engagements pris devant le peuple français, n’a cessé d’alerter le Gouvernement et l’opinion publique sur la gravité de la situation. Mais elle n’a pas été entendue. Après s’être abstenue sur le projet de budget pour 2005, l’UDF a voté majoritairement contre le projet de budget pour 2006. Le budget pour 2007, même s’il est moins mauvais que les précédents, n’est toujours pas à la hauteur de la gravité de la situation des finances publiques, pour quatre raisons.

Premièrement, la hausse des dépenses de l’État est encore excessive. Le Gouvernement prétend que les dépenses nettes de l’Etat n’augmenteront en 2007 que de 2,2 milliards, soit de 0,8 %. Or le rapporteur général évalue la hausse des dépenses à 1,7 %, soit le double, et le groupe UDF a démontré, sans être démenti, que, si l’on tient compte d’un ensemble d’artifices de présentation, la hausse réelle de la dépense brute atteint 10,5 milliards, soit une augmentation de 2,9 %. Certes, c’est mieux que l’année dernière, où elle se situait à 3,8 %, mais c’est toujours excessif.

Deuxièmement, la baisse des impôts n’est qu’un leurre. Ce n’est en fait qu’une moindre hausse puisque l’ensemble des recettes fiscales brutes de l’État s’accroît de 3,5 %, en tenant compte des artifices de présentation. Même la promesse présidentielle de 2002 de baisser d’un tiers l’impôt sur le revenu, soit de 17 milliards, n’a été tenue que pour un peu plus de moitié.

Troisièmement, en matière de finances locales, le Gouvernement persévère dans les errements du gouvernement Jospin : toujours moins d’autonomie fiscale locale, toujours pas de réforme de la fiscalité locale, maintien des mécanismes incitant à la dépense publique locale et sanctionnant les gestionnaires rigoureux.

Quatrièmement, ce budget est porteur d’injustices sociales à l’égard des classes moyennes. Certes, l’UDF a soutenu l’effort, obtenu d’ailleurs par le président Méhaignerie, de revalorisation de 1 milliard de la prime pour l’emploi en faveur du quart de nos concitoyens ayant les revenus du travail les plus modestes, mais elle regrette une nouvelle fois qu’on n’ait toujours pas lié cette aide à la feuille de paie. Cependant, le plafonnement de l’impôt sur le revenu profitera pour les deux tiers, soit pour plus de 300 millions d’euros, à 14 000 familles assujetties à l’ISF. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.) La réforme de l’impôt sur le revenu, dont le coût est de 3,6 milliards, profitera dans une proportion de 29 % à 1 % des familles.

N’entendez-vous pas, mes chers collègues, les classes moyennes gronder, elles qui ont le sentiment justifié d’être les grandes oubliées du Gouvernement ?

C’est pour ces quatre raisons que le groupe UDF, une nouvelle fois, ne votera pas ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Je fais d’ores et déjà annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, la parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le ministre délégué au budget, trois points vous ont fâché durant les cinq jours d’examen du volet « recettes » du projet de budget pour 2007 : d’abord, lorsque nous avons démontré votre responsabilité dans l’aggravation des inégalités ; ensuite, lorsque nous avons dénoncé la façon dont vous utilisez la dette comme alibi ; enfin, lorsque nous avons pointé l’insolent enrichissement d’une caste de nantis.

(M. Jean-Louis Debré remplace M. Maurice Leroy au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. Jean-Claude Sandrier. Je vais reprendre, monsieur le ministre, ces trois points pour expliquer notre refus de voter votre budget.

Oui, vous avez aggravé les inégalités dans notre pays. Voilà pourquoi, d’ailleurs, d’après le dernier sondage BVA réalisé pour Les Échos, 64 % des Français se disent mécontents de la politique économique et sociale du Gouvernement.

M. Alain Néri. Et ils ont raison !

M. Jean-Claude Sandrier. En cinq ans, vous aurez fait 23 milliards d’euros de cadeaux aux plus riches, soit l’équivalent de la moitié du déficit budgétaire.

La Cour des comptes elle-même relève qu’en 2002 10 % des contribuables ont bénéficié de 69 % des allégements fiscaux, qu’en 2003 4,5 % ont bénéficié de 56 % des allégements et qu’en 2004 2,9 % ont bénéficié de 45 % des baisses.

Dans le même temps, vous avez augmenté les impôts les plus injustes comme la CSG, les taxes et forfaits de toute nature, sans parler des hausses de prix qui ont alourdi les dépenses obligatoires des ménages comme l’énergie, le logement et les médicaments, dont beaucoup ont été déremboursés.

Tout cela ne pèse pas sur les plus riches, mais sur les ménages moyens et modestes.

De même, les transferts de charges vers les collectivités locales sans contreparties financières suffisantes ont accru une fiscalité locale particulièrement injuste. Vous avez, de fait, contribué à l’aggravation des prélèvements obligatoires de 0,6 % en cinq ans, en déplaçant les prélèvements des plus riches vers les couches moins aisées et les couches moyennes.

Depuis cinq ans, votre budget est ainsi devenu un immense système de vases communicants qui sert à déplacer l’argent public vers la sphère privée.

Vous qui aimez tant donner des leçons sur la dépense publique, vous êtes, en fait, les champions du gaspillage de cet argent public. C’est la Cour des comptes qui nous le dit en expliquant que, sur les 20 milliards d’euros de cadeaux sur les cotisations sociales patronales, 17 milliards ne servent à rien pour l’emploi. Voilà un exemple parmi d’autres du gaspillage de l’argent public que vous faites !

Le transfert de l’argent public vers la sphère privée a un coût social terrible : l’État est devenu le plus grand casseur d’emplois et dégrade les services publics. Par ailleurs, le nombre de RMIstes a augmenté de plus de 10 %.

M. Patrick Roy. Eh oui !

M. Jean-Claude Sandrier. En 2005, ce sont en effet 100 000 personnes de plus qui ont dû percevoir les minima sociaux. La précarité de l’emploi a augmenté de 10 % en deux ans et le pouvoir d’achat des salariés ne cesse de diminuer depuis trois ans.

Plus largement, alors que les salariés payés au SMIC représentaient 11,2 % des salariés en 1995, ils en représentent aujourd’hui 16,8 %. En dix ans, si le SMIC a été multiplié par deux, les dividendes ont été multipliés par neuf. Quant au nombre de retraités vivant en dessous du seuil de pauvreté, il a augmenté de 63 % en dix ans.

Vous invoquez la dette pour freiner les revendications des salariés, empêcher la progression de leur pouvoir d’achat et laisser sans réponse leurs demandes légitimes en matière de santé, de retraite et d’emplois.

Là encore, vous n’avez pas de leçons à donner ! Lorsqu’on se permet de faire 23 milliards d’euros de cadeaux fiscaux essentiellement en direction des plus riches et d’accroître ainsi la dette de huit points selon la Cour des comptes, on ne vient pas, sur un ton larmoyant et culpabilisant, parler de la dette du nouveau-né ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ce procédé n’est pas très digne, d’autant que la dette nette de la France est largement inférieure à celle des pays de l’OCDE et de la zone euro.

Enfin, la troisième vérité qui vous fâche, c’est lorsque nous disons que vous oubliez une masse considérable de ressources sous-fiscalisées.

Un seul exemple suffit à comprendre : les 500 millions d’euros supplémentaires que vous inscrivez sur la prime pour l’emploi, laquelle bénéficie à 9 millions de nos concitoyens, représentent les dividendes engrangés par trois personnes de notre pays en 2005 : Mme Liliane Bettencourt, M. Pinault et M. Arnault. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La revue Capital de ce mois-ci nous explique que si les profits croissent plus vite que les salaires, l’inflation et le PIB, les dividendes, eux, augmentent davantage que les profits et qu’ils sont moins taxés que les salaires. Voilà la réalité !

On ne peut pas mieux décrire ce qu’est le parasitisme d’une caste qui s’enrichit sur le travail du plus grand nombre et sans commune mesure avec l’évolution du pays.

Oui, de l’argent il y en a, et il coule à flots. Il est temps de taxer les plus-values boursières, à commencer par celles, scandaleuses, de Total – cela rapporterait 20 milliards d’euros –, de taxer, à 1 %, les actifs financiers, qui ont augmenté de 107 % en dix ans – cela rapporterait 35 milliards d’euros –, et de réorienter les 20 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales gaspillées.

Oui, de l’argent il y en a pour le pouvoir d’achat, l’emploi, la recherche, l’éducation, la protection sociale et l’environnement, bref pour tout ce qui, en accroissant les capacités humaines, fait progresser les richesses réelles d’un pays, assure sa croissance et son efficacité économique et soutient l’emploi.

Le groupe communiste et républicain votera contre ce projet de budget, qui va exactement à l’inverse de ces objectifs et lance une grande pétition nationale (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) pour un budget de justice fiscale au service du progrès social. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je vais mettre aux voix par scrutin public l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2007.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale a adopté l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2007.

éloge funèbre d’édouard LANDRAIN

M. le président. C’est avec tristesse et émotion (Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent) que nous avons appris, le 24 juin dernier, le décès de notre collègue et ami Édouard Landrain.

Il nous laisse le souvenir d’un collègue rieur qui prenait la vie au sérieux, sans l’ombre d’une prétention, mais avec conviction.

Prodigue en cordialité, en gestes comme en paroles, Édouard Landrain était la synthèse parfaite de la bienveillance et de la malice, jamais dupe, mais toujours généreux, trouvant à chacun des circonstances qui atténuent les travers.

Né breton, à Lorient, le 1er juillet 1930, dans une famille qu’il se plaisait à qualifier de modeste – son père termine sa carrière professionnelle comme chef de gare à Vannes –, c’est à Nantes qu’il fera ses études de médecine dentaire et c’est dans cette grande métropole qu’il vous rencontrera, madame.

Édouard Landrain était un homme du grand large, un marin, qui effectua son service militaire sur Le Richelieu et qui réalisa en 1970 le plus cher de ses rêves d’enfance en traversant l’Atlantique à la voile avec deux de ses amis. Parce qu’il aimait la mer, il mena un farouche combat pour la répression des navires polluants.

Mais Édouard Landrain fut, avant tout, un vrai sportif, non seulement un grand amateur de sport, mais aussi un champion, une figure du basket-ball français dans les compétitions internationales interuniversitaires. Plus encore, il était un homme habité par les qualités que nous enseigne le sport, à savoir la persévérance, la combativité, l’endurance, l’esprit d’équipe, le sens de l’effort, l’humilité et cette formidable envie d’aller toujours de l’avant.

Ce sont les hasards d’un remplacement professionnel saisonnier chez un collègue dentiste qui le conduisent en novembre 1956 dans cette terre d’adoption que fut son cher pays d’Ancenis, territoire qu’il considérait comme breton, en dépit de la géographie administrative.

De là naquit une histoire extraordinaire entre un homme et une ville.

Sans la moindre inclinaison naturelle pour la politique et sans aucune ambition personnelle, Édouard Landrain accepta pourtant de rejoindre, à l’invitation de nombre de ses amis, une liste aux élections municipales de mars 1965, date à laquelle il entra au conseil municipal de la ville d’Ancenis, où il siégea sans discontinuer jusqu’en mars 2001.

Maire d’Ancenis pendant près d’un quart de siècle, de 1977 à 2001, il constata rapidement que, pour porter plus haut les intérêts de ses concitoyens et l’avenir de sa ville, il lui fallait prendre de nouvelles responsabilités. Et c’est ainsi qu’il se présenta pour la première fois aux élections cantonales de 1979, où il fut élu conseiller général de la Loire-Atlantique, puis réélu, là encore sans interruption, jusqu’en mars 2004.

Édouard Landrain aimait à rappeler que cette confiance toujours renouvelée, jamais entamée par les grandes alternances politiques, était non seulement sa plus grande fierté, mais aussi ce qui donnait du sens à son action inlassable pour faire du pays d’Ancenis un modèle de développement.

Ce chef-lieu d’arrondissement paisible se réveilla sous son impulsion pour devenir le centre d’un riche bassin d’emploi de 80 000 habitants, à la croisée de quatre grandes villes : Nantes, Angers, Rennes et Cholet.

Rapidement, Édouard Landrain fut reconnu comme l’un des acteurs marquants de la vie politique locale. Dès 1982, il fut élu vice-président du conseil général de Loire-Atlantique et c’est en juin 1988 qu’il fut élu pour la première fois député de la cinquième circonscription de son département.

Édouard Landrain était un homme du centre, par mesure au moins autant que par prudence. Sur le terrain politique, il fut donc légitimement un pilier du centre-droit, proche de Jean Lecanuet, et membre du Centre des démocrates sociaux dès son élection à la mairie d’Ancenis en 1977. Il resta toujours attaché à ce grand courant humaniste et chrétien dont il partageait les valeurs, les combats et les ambitions.

Pour tout programme, Édouard Landrain écrivit à ses électeurs ces deux phrases simples qui me semblent si bien résumer son action politique : « Je ne vous fais qu’une seule promesse : celle de continuer à me battre toujours à vos côtés. Il y a tant à faire ! »

Dans cet hémicycle, il fut un ambassadeur remarquable du monde sportif. Il n’était pas seulement un excellent expert de ce dossier, qu’il connaissait intimement dans toute sa diversité ; il sut aussi nous rappeler inlassablement ce que le sport représentait dans notre pays, où le baron de Coubertin réinventa la forme la plus élaborée de l’esprit sportif, loin des paillettes, plus loin encore des excès de l’argent, dont il dénonçait régulièrement les conséquences. Oui, le sport était un exercice indispensable à la jeunesse et l’important était de participer.

À la tribune de cette assemblée, Édouard Landrain savait merveilleusement nous convaincre, au-delà de tous les clivages politiques, des valeurs profondément républicaines que portait l’esprit sportif : école de l’effort, de l’apprentissage, du dépassement, école de la solidarité et du respect de l’autre. Le sport retrouvait toute sa dimension lorsque Édouard Landrain nous rapportait combien il était un facteur prodigieux d’intégration qui permettait, à un moment donné, à tout un peuple de savoir profondément ce qui le rassemble.

Édouard Landrain rendait évidente cette certitude que le sport est d’abord l’école de la vie, une école qui intègre, pacifie et reconstruit, une école de la solidarité.

Durant ces quatre dernières législatures, Édouard Landrain ne manqua aucun débat relatif au sport. En particulier, il fut un précurseur dans l’ardent combat législatif qu’il mena contre toutes les formes de dopage, qui fit l’objet de sa toute première intervention dans cet hémicycle.

Nous nous rappelons tous aussi l’hommage vibrant qu’il rendait en permanence à ce million et demi de bénévoles qui font vivre le sport en France en faisant partager à tous leur passion.

Édouard Landrain fut un collègue généreux, un opposant toujours respectueux, un partenaire exigeant avec ses propres amis. Il acceptait mal le temps perdu, l’immobilisme ou les réformes insuffisantes. Certains, dans cette assemblée, se souviendront, comme moi, de cette apostrophe lancée à un ministre de la jeunesse et des sports : « Alors qu’il aurait fallu légiférer de façon coordonnée, on le fait par petits bouts, en chapelet. Un grain par-ci, un grain par-là : on psalmodie la réforme. »

Oui, Édouard Landrain fut un parlementaire rigoureux, profondément attaché aux prérogatives de cette assemblée, et par là même attentif à ce qu’elle légifère à bon escient. Je voudrais encore citer deux brèves interventions qu’il prononça dans cet hémicycle et qui me sont encore présentes à l’esprit. Elles illustrent, il me semble, cette bonne pratique qui caractérise ceux qui ont une haute conscience de leurs responsabilités : « À trop vouloir aller dans le détail, nous sombrons dans notre péché mignon qui est de faire ici une petite réglementation. » Et d’ajouter dans un autre débat : « De grâce, que notre assemblée ne se mêle pas de ce qui ne doit pas relever d’elle tant qu’il n’est pas question de l’intérêt général ! » Oui, mes chers collègues, occupons-nous de l’intérêt général, et non des petits intérêts particuliers !

Mes chers collègues, Édouard Landrain était un de ces hommes qui savent vivre toute chose avec passion, avec une passion intérieure, avec un enthousiasme contagieux, un plaisir singulier et un bonheur de vivre. Autant de choses qui n’entamaient jamais pour autant sa faculté à rester mesuré dans l’expression et le respect de l’autre.

Aujourd’hui, c’est un ami que nous honorons, c’est un collègue que nous saluons, c’est un élu de la nation que nous regrettons.

À vous, madame, à ses enfants, Martine, Pierre et Françoise, à ses proches, à ses amis, je voudrais en cette occasion solennelle renouveler notre émotion et notre sentiment de profonde sympathie.

Monsieur le ministre délégué aux relations avec le Parlement, vous avez la parole.

M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement souhaite s’associer à l’hommage qui est aujourd’hui rendu à Édouard Landrain, député de Loire-Atlantique.

Au-delà des clivages politiques, chacun sur ces bancs regrette l’homme de grande qualité, qui savait être fidèle à ses convictions et les exprimait sans équivoque. Jusqu’au bout, il se sera investi dans sa tâche ; jusqu’au bout, il aura défendu ses idées avec sérénité. Avec Édouard Landrain disparaît un élu de la nation comme la République sait les forger : un homme respectueux, attentif aux autres, une personnalité toujours accessible, disponible, soucieuse de servir son pays.

Breton de naissance, Édouard Landrain a été très vite adopté par le département de la Loire-Atlantique et la commune d’Ancenis, où il s’était installé. Son métier de chirurgien-dentiste le conduit à rencontrer chaque jour beaucoup de ses concitoyens. Il aime écouter, comprendre, proposer et surtout agir. C’est tout le sens de son engagement politique. Pour lui, les mandats sont moins la récompense du travail accompli qu’un encouragement à servir davantage encore l’intérêt général. Il faisait sienne la maxime de Guillaume d’Orange selon laquelle « point n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ».

En 1965, Édouard Landrain entre au conseil municipal d’Ancenis. Il sera élu maire de cette commune, dont il connaît chaque habitant, en 1977. Jusqu’en 2001, les Anceniens lui renouvelleront sans discontinuer leur confiance et leur estime. Au conseil général de Loire-Atlantique, dont il est l’un des vice-présidents de 1982 à 2004, ou encore au conseil régional, il multiplie les initiatives pour améliorer le cadre de vie de ses concitoyens.

Profondément attaché au développement de la culture, il a permis à la maison de la culture de Loire-Atlantique de devenir un centre exemplaire de diffusion culturelle en milieu rural.

Le Premier ministre, dans l’hommage qu’il a rendu à Édouard Landrain, a rappelé que, tout au long de sa carrière, il a « fait preuve d’un engagement et d’une activité inlassables, tant sur le terrain local que dans ses travaux parlementaires ». Lorsqu’il entre à l’Assemblée nationale en 1988, Édouard Landrain manifeste le même enthousiasme et le même dévouement au service des autres. Ses collègues, à quelque groupe qu’ils appartiennent, apprécient unanimement son ouverture d’esprit et son humanisme.

Homme de dévouement et d’engagement, il exerçait avec passion ses responsabilités publiques. Membre assidu de la commission des affaires culturelles, il était écouté et respecté par l’ensemble de ses collègues, en particulier en raison de son excellente connaissance des milieux sportifs. Pleinement impliqué dans la vie de votre assemblée, ce passionné de sport, ancien basketteur, président du groupe d’études sur le sport et l’éducation sportive, avait fondé, puis présidé l’Amicale parlementaire du football, regroupant plus de 150 députés et sénateurs.

Le travail de fond qu’il a réalisé sur le sport et son sens de la persuasion lui ont permis de convaincre ses collègues et de réaliser de nombreuses avancées, notamment en matière de financement des activités sportives. La dernière loi sur la réforme du sport professionnel adoptée en 2004 lui doit beaucoup.

Toute sa vie, quelles qu’aient été les épreuves qu’il aura dû affronter, Édouard Landrain aura été un homme d’action, sincère, se dépensant sans compter pour tous ceux qu’ il aimait. Son humanisme et sa joie de vivre nous ont marqués.

À son épouse, à ses enfants, à toute sa famille, à ses collègues, j’exprime, au nom du Gouvernement et en mon nom personnel, notre profonde tristesse et notre solidarité dans l’épreuve qu’ils traversent.

(Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)

M. le président. Je vous remercie.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Maurice Leroy.)

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,
Vice-président

M. le président. La séance est reprise.

LOI DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 2007

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 (nos 3362, 3384).

La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le président, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 est conforme à la feuille de route tracée depuis 2004 : le redressement des comptes de la sécurité sociale et, plus particulièrement, le retour vers l’équilibre de la branche maladie. La législature a d’ailleurs été marquée par plusieurs réformes majeures visant à pérenniser et améliorer notre système de sécurité sociale, qui est lui-même au cœur de notre pacte républicain. Elles ont été mises en œuvre par les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin, conformément à la volonté du Président de la République et avec l’appui de la majorité.

Tout d’abord, en ce qui concerne les retraites, dont la réforme a été si longtemps différée, notre majorité a eu le courage et la responsabilité d’adopter la loi d’août 2003 : celle-ci, qui vise à préserver à moyen terme l’équilibre financier du régime par répartition, aura également permis, fin 2006, à 350 000 salariés qui avaient commencé à travailler entre quatorze et seize ans de partir avant l’âge de soixante ans. C’était une mesure de justice sociale très attendue.

S’agissant ensuite de la dépendance, il fallait, après les grands discours, passer enfin aux actes, ce qui a été fait avec la loi du 30 juin 2004 et la création de la journée de solidarité, laquelle finance la CNSA – Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie – et permet de relever le défi de la dépendance tant pour les personnes âgées que pour les personnes handicapées.

De plus, la dimension solidaire de notre système de sécurité sociale a été renforcée durant la législature avec la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, avec la prestation d’accueil du jeune enfant et avec l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé prévue dans la loi d’août 2004, relative à l’assurance maladie, loi qui a permis l’amélioration de la gestion et de l’organisation de notre système de soins et replacé celui-ci sur la voie du retour vers l’équilibre financier, en vue d’affronter les défis de demain.

N’oublions pas non plus la loi organique du 2 août 2005, qui est venue réformer en profondeur la présentation et le contenu des lois de financement de la sécurité sociale, renforçant la crédibilité de ces lois et améliorant le contrôle du Parlement sur les finances sociales.

Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, toutes ces réformes indispensables ne sont certainement pas derrière nous, car tant qu’une réforme n’est pas entrée complètement dans le quotidien de nos concitoyens, pour eux, elle n’existe pas vraiment. Et ils ont raison. Ces réformes doivent rester présentes à notre esprit comme l’exigence d’une tâche à poursuivre, d’efforts à prolonger, et surtout de résultats à consolider. C’est pourquoi le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 s’inscrit dans la continuité de ces réformes structurelles qui ont conservé les principes républicains de notre protection sociale tout en la modernisant pour les années à venir.

Avant de vous présenter plus en détail les mesures figurant dans le PLFSS 2007, je veux vous rappeler les principes qui fondent notre action.

Continuité, tout d’abord, dans la mise en œuvre des réformes engagées. Elles doivent être menées dans la durée, avec persévérance et vigilance, si nous voulons obtenir des résultats durables. C’est toujours ce que nous avons indiqué et c’est ce que nous faisons. Le PLFSS conforte cette dynamique, et je me félicite de constater que les Français adhèrent largement aux principes, à l’esprit et aux modalités de cette réforme. C’était bien une évolution des comportements que nous souhaitions engager. Cette évolution est en route, les faits le confirment.

Détermination ensuite, afin de parvenir au redressement des comptes. La réduction significative du déficit du régime général se poursuit en 2006 puisqu’il devrait passer, notamment grâce à l’amélioration des comptes de l’assurance maladie, de 11,6 milliards d’euros à 9,7 milliards d’euros. Le PLFSS 2007 marquera une nouvelle étape décisive dans la réduction de ce déficit, qui sera ramené à 8 milliards d’euros. Fins connaisseurs de la matière sociale, vous savez pertinemment qu’une diminution du déficit de 2 milliards par an est déjà un effort important, puisque la seule évolution tendancielle des dépenses nous amène à solliciter un effort de l’ordre de 5 milliards par an.

La branche maladie continuera son redressement, avec un déficit de 3,9 milliards d’euros. Je voudrais faire un bref rappel : au moment Philippe Douste-Blazy et moi avons engagé la réforme, les prévisions de déficit tendanciel pour 2005 étaient de 16 milliards d’euros, pour la seule branche maladie. Fin 2007, le déficit sera inférieur à 4 milliards d’euros. C’est du jamais vu. Les efforts des Français portent leurs fruits. Une division de ce déficit par quatre en moins de trois ans : voilà la réalité du bilan que nous pouvons présenter aujourd’hui.

La branche vieillesse devrait en revanche voir son déficit se creuser à 3,5 milliards d’euros, sous l’effet de la poursuite du succès des départs anticipés, pour les carrières longues, et de l’arrivée à l’âge de la retraite des premières générations du baby boom.

La branche famille enregistrera, quant à elle, un redressement significatif de ses comptes, réduisant quasiment de moitié son déficit, tandis que la branche ATMP renouera avec l’équilibre, et sera même très légèrement excédentaire.

La réduction des déficits n’est bien évidemment pas notre seul objectif. Ce qui compte avant tout, c’est de pouvoir mieux prendre en charge les assurés et d’être au rendez-vous des attentes des professionnels en sachant investir dans la santé.

Le troisième principe qui guide notre action est celui de la solidarité. Conformément au souhait du Président de la République, le dispositif d’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé sera étendu significativement, avec un nombre de bénéficiaires potentiels de près de trois millions de personnes contre deux millions aujourd’hui. Je pense aussi à la mise en place du plan « solidarité grand âge » et au renforcement des moyens consacrés à l’amélioration de la qualité de vie des personnes handicapées.

M. Gérard Cherpion. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Cette année encore, nous rembourserons pour plus d’un milliard d’euros de nouveaux traitements, notamment de traitements innovants. Je suis particulièrement fier que notre système puisse prendre en charge intégralement de vraies innovations – ce qui n’est pas le cas, nous le savons, dans tous les pays européens – comme le traitement de la polyarthrite rhumatoïde,…

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. …qui coûte 1 375 euros par mois.

Parallèlement, une disposition du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de rendre possible la prise en charge des produits ne disposant pas d’une AMM en France mais l’ayant obtenue dans un autre État membre, ce qui évitera de recourir à la procédure, trop complexe à mes yeux, de l’ATU nominative. Cela permettra de soulager beaucoup plus vite les patients attendant ces thérapeutiques : accès plus rapide, et surtout prise en charge qui n’existait pas auparavant.

Enfin, les marges d’action que nous dégageons nous permettent d’investir dans la prévention. À cet effet, j’ai ouvert le 16 octobre dernier les États généraux de la prévention, afin de déterminer de nouveaux chantiers prioritaires mais aussi de sensibiliser de nouveaux acteurs de la prévention. Après l’ostéodensitométrie – remboursée d’ores et déjà depuis le 1er juillet – et les visites prévues pour les enfants de six et douze ans en matière bucco-dentaire – avec prise en charge intégrale de tous les soins consécutifs –, ce PLFSS permettra de mettre en place les consultations de prévention pour les plus de soixante-dix ans.

Parce que la solidarité ne va pas sans la responsabilité et parce que la sécurité sociale constitue un bien commun dont nous devons tous nous sentir responsables, nous renforcerons notre action de lutte contre les abus et contre les fraudes. J’ai installé ce matin même un comité national de lutte contre les fraudes, qui rassemble tous les organismes de sécurité sociale et les administrations concernées, afin de coordonner plus efficacement les actions. Les moyens octroyés aux caisses pour le contrôle des droits et du bien-fondé du versement des prestations seront également renforcés.

Le débat qui s’ouvre sera ainsi l’occasion d’examiner plusieurs dispositions importantes, dont deux viennent d’être déposées par le Gouvernement sous forme d’amendements. Ceux-ci visent, d’une part, à améliorer le contrôle des ressources des demandeurs de prestations sous conditions de ressources, notamment en permettant aux caisses de mieux prendre en compte le train de vie et les revenus patrimoniaux, et, d’autre part, à s’assurer que seuls les assurés sociaux résidant effectivement en France bénéficient de notre couverture sociale – toute personne qui quitte la France pour installer sa résidence à l’étranger devra rendre sa carte Vitale. Je note également avec satisfaction qu’à l’initiative de Pierre Morange, à la suite des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, notamment du rapport présenté en novembre 2005 par Jean-Pierre Door, un amendement a été déposé, qui vise à créer un répertoire unique, commun à tous les organismes de sécurité sociale. Ce répertoire devrait constituer un outil décisif pour améliorer la qualité de service, mais aussi pour renforcer la lutte contre les fraudes.

Nous savons toutes et tous que, dans le système de sécurité sociale, nous cotisons pour notre santé et pour la santé ; nous ne cotisons pas pour cautionner les abus ou les fraudes de quelques-uns. Nul n’est plus attaché que moi à la gratuité des soins pour les plus démunis, et il n’est pas question de changer quoi que ce soit à ce système ; mais il est normal de vérifier qu’ils sont les seuls à bénéficier de la CMU. C’est pourquoi nous avons déposé le premier amendement dont je viens de parler, qui permettra d’ailleurs de mettre un terme aux idées fausses qui circulent sur le coût de la CMU. Celle-ci fait honneur à notre système de santé, mais nous devons veiller à ce que ce soit bien les plus démunis qui en bénéficient.

M. Gérard Cherpion. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Enfin, je veux vous montrer que la politique de l’emploi, cette priorité qui guide toute l’action du Gouvernement, permet d’améliorer la situation de la sécurité sociale, qui va bénéficier l’an prochain d’une progression de la masse salariale plus rapide que les années précédentes. Ces bonnes nouvelles ne sont pas le fruit du hasard. Le dynamisme de la masse salariale est la traduction concrète de la réussite de la politique du Gouvernement dans le domaine de l'emploi. Et faire reculer le chômage, c'est aussi le meilleur moyen de préserver notre protection sociale. Afin d'amplifier le redressement de la situation de l'emploi, le PLFSS pour 2007 propose d'ailleurs plusieurs mesures importantes en faveur de l'emploi : je pense à la poursuite de l'allégement des charges sociales pour les entreprises de moins de vingt salariés, à l'extension et à la simplification du dispositif d'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprises, à des mesures d'incitation à la poursuite d'activité conformément aux annonces du plan national pour l'emploi des seniors, que Philippe Bas évoquera plus en détail, ou encore à des mesures d'encouragement au développement des services à la personne, notamment en faveur des personnes âgées et dépendantes.

Je veux vous détailler les différentes mesures proposées pour la branche maladie. J’ai eu l’occasion de les présenter à diverses reprises, mais je souhaite m’étendre sur certains points. Je l’ai dit, l'assurance maladie continue son net redressement. En 2005, le déficit de l'assurance maladie aura été finalement de huit milliards d’euros, légèrement inférieur aux 8,3 milliards prévus dans le PLFSS ; pour 2006, le déficit devrait être de 6 milliards d’euros, légèrement inférieur, encore une fois, aux prévisions initiales. Cela montre que tous les efforts portent leurs fruits. Cela montre également la sincérité des différentes prévisions qui ont été faites dans chacun des projets de loi de financement de la sécurité sociale.

À quoi est dû ce redressement ? Il est dû à l'infléchissement du rythme de progression des dépenses. C’est ce qu’il y a de plus durable et de plus efficace. Pour la première fois depuis des années, le niveau de l'ONDAM – l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie – voté par le Parlement pour 2005 a été quasiment respecté, à 135 milliards d’euros. En 2006, l'ONDAM ne devrait progresser que de 2,7 %, ce qui constitue une nouvelle inflexion remarquable de tendance. Sur certains postes, les inflexions de tendance sont spectaculaires : les dépenses de soins de ville, dont la croissance atteignait des rythmes de 6 % à 7 % en 2002 et 2003, n'ont progressé que de 3 % en 2005 et ne devraient augmenter que de l'ordre de 1,5 % en 2006. Après des années de hausse de l'ordre de 10 % par an, les dépenses d'indemnités journalières ont décru en 2005 de 1,4 %, et de 2,9 % sur les huit premiers mois de l’année 2006. Quant aux dépenses de produits de santé, elles enregistrent un ralentissement historique, avec une prévision d'évolution de 0 % pour 2006, alors que la progression était de plus de 5 % en 2005 et de 6 % en 2004. Certains nous disaient qu’il serait impossible de limiter l’évolution des dépenses des produits de santé : les faits ont prouvé le contraire.

Tout cela nous montre que chacun – patients comme professionnels de santé, établissements de santé comme industriels du médicament et pharmaciens – a pris conscience de la nécessité de faire évoluer les comportements, et que ces efforts portent leurs fruits.

Mais si l'assurance maladie va mieux, beaucoup mieux, elle n'est pas encore complètement guérie : nous sommes en effet en train d'engranger les résultats des actions engagées, mais nous ne réussirons que si nous maintenons fermement le cap et ne relâchons pas nos efforts, et si nous continuons à vouloir organiser mieux l’offre de soins. Voilà pourquoi aujourd’hui nous pouvons compter sur un certain nombre d’atouts.

En effet, par leur adhésion au parcours de soins, les assurés sociaux ont montré leur adhésion à une réforme structurelle, comme le montre d’ailleurs une enquête de la DREES de septembre dernier : plus des deux tiers des Français considèrent que le dispositif du médecin traitant est un moyen d'améliorer le suivi des patients. Cette année, les assurés ne seront pas davantage sollicités par rapport à ce qui était prévu. Je préfère qu'ils choisissent leur médecin traitant et jouent le jeu ; je préfère qu'ils choisissent et jouent le jeu des génériques. Voilà ce qui m’intéresse ; voilà ce qui marche.

Les professionnels de santé, dont je veux saluer l'implication dans la réforme, devront poursuivre la mise en œuvre de la maîtrise médicalisée. Souvenez-vous, mesdames, messieurs les députés, ce que nous avions entendu en 2004 et encore en 2005 : la maîtrise médicalisée, ça ne marcherait jamais !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis et M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l’assurance vieillesse. Et ça marche !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Eh oui, ça a marché. Il faut savoir que l'engagement conclu en 2005 dans le cadre de la convention médicale a entraîné des économies pour l'assurance maladie de l'ordre de 800 millions d’euros, et permis une revalorisation des honoraires qui était attendue. En 2006, les objectifs de limitation des prescriptions sont atteints, que ce soit pour les statines, les psychotropes ou les antibiotiques. Cette maîtrise médicalisée s’applique aussi à l’hôpital. Les médecins hospitaliers devront intensifier leur engagement dans la maîtrise médicalisée : grâce aux accords de bonne pratique hospitalière, c'est une économie de 100 millions d’euros qui est attendue sur les prescriptions hospitalières en ville. De même, la mise en œuvre du référentiel sur les transports sanitaires, dont plus de 60 % sont prescrits à l'hôpital, devrait générer 100 millions d’euros d'économies. Enfin, les mesures relatives à la tarification de certains actes de biologie devraient entraîner un effet report de 60 millions d’euros sur 2007, ces mesures ayant été prises en 2006.

Le PLFSS 2007 est aussi l'occasion de faire évoluer les pratiques. Il consacre ainsi le nouveau droit des infirmiers à prescrire des dispositifs médicaux.

M. Gérard Cherpion. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Par ailleurs, comme je m'y étais engagé, il sera également proposé dans ce PLFSS une adaptation de la procédure d'autorisation d'exercice des professions médicales à diplômes hors Union européenne. Il n’était que temps ! On nous avait assurés, en 1999, que le problème était définitivement réglé…

M. Pascal Terrasse. Oui, on l’avait réglé !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Si le problème était réglé, ça se saurait, et on n’aurait pas l’occasion d’y revenir aujourd’hui, monsieur Terrasse ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Ce sujet fait, paraît-il, l’objet d’un consensus dans les déclarations publiques ; nous verrons ce qu’il en sera dans les débats.

M. Pascal Terrasse. Absolument !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Une chose, en tout cas, est certaine : il nous faut sortir durablement les professionnels concernés de l’impasse dans laquelle ils se trouvent, que ces derniers aient envie de suivre leur carrière hospitalière ou, bénéficiant de la plénitude d’exercice, qu’ils souhaitent s’installer où ils le veulent.

Le secteur du médicament sera également appelé à poursuivre sa contribution à la réforme de l’assurance-maladie. Les résultats sont d’ores et déjà encourageants : l’évolution des dépenses de médicaments devrait ainsi rester quasi stationnaire en 2006, ce qui atteste le changement des comportements. La progression des génériques se poursuit : en trois ans, leur part dans l’ensemble des prescriptions est passée de 10,8 à 16,7 % en mai 2006. L’accord entre l’UNCAM et les syndicats de pharmaciens prévoit un objectif de taux de substitution de 70 % en décembre : cet objectif sera également atteint. Au total, l’ensemble des mesures relatives aux génériques auront permis une économie de 750 millions d’euros en 2006. Quant aux baisses de prix de certains médicaments sous brevet, elles donneront leur plein rendement en 2007.

Ces bons résultats, il faut bien sûr les conforter et les approfondir. Il n’y aura pas d’accentuation des efforts dans ce secteur, mais une poursuite vigilante de la mise en œuvre des mesures engagées, et je veillerai à ce que le médicament soit payé, chaque fois que c’est possible, à son plus juste prix.

Le PLFSS prévoit également de réduire le taux de la taxe sur le chiffre d'affaires des médicaments remboursables. Ce taux, qui avait été porté à titre exceptionnel l'an dernier de 0,6 % à 1,76 %, sera ainsi ramené à 1 %. Par ailleurs, comme je l’ai annoncé au début du mois de septembre, la taxe sur le chiffre d’affaires pour 2006 de la vente en gros fera l’objet d’une augmentation exceptionnelle, pour un rendement de 50 millions d’euros. Une réflexion est parallèlement engagée avec les grossistes pour envisager les moyens d’adapter leurs obligations de service public aux contraintes du marché.

Les mesures d’économies s’inscriront donc dans la continuité de la politique déjà engagée. Ainsi, sur 1,8 milliard d’euros d’économies attendu dans le secteur du médicament, 1,67 milliard correspond à des effets de report ou à l’engagement de mesures déjà décidées, et seulement 150 millions d’euros aux mesures nouvelles dont je vous expliquais à l’instant la philosophie. Ces mesures s’organisent autour de deux axes : payer le médicament à son plus juste prix ; continuer à promouvoir le bon usage des produits de santé.

Je voudrais insister sur la poursuite de la politique de développement du générique, qui nécessite à mon sens que soit clarifiée la question de la propriété intellectuelle. En effet, certains d’entre vous m’ont alerté sur le risque lié à la mise sur le marché des génériques avant l’expiration du brevet du princeps.

M. Jean-Pierre Door. C’est vrai.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Sur ce sujet, il convient de trouver une solution qui satisfasse l’ensemble des parties concernées mais qui, surtout, garantisse à la fois le respect des brevets et la fluidité de l’arrivée des génériques.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ces dernières semaines, mes services et ceux du ministère de l’industrie ont travaillé sur cette question : une solution recueillant l’accord des différentes parties est en cours de négociation ; elle devrait figurer dans le prochain avenant à l’accord cadre, lequel pourrait également être complété par une mesure législative.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Compte tenu de ces mesures, le projet initial du Gouvernement aboutissait à une proposition de progression de l’ONDAM soins de ville de 0,8 %. La commission des affaires sociales a adopté des amendements présentés par ses rapporteurs pour l'équilibre général et l'assurance maladie, MM Pierre-Louis Fagniez et Jean-Marie Rolland, qui augmentent les recettes, ce qui permettra de porter le taux de progression de l'ONDAM soins de ville à 1,1 %. Cette augmentation de l'ONDAM restera neutre pour le solde de la CNAMTS.

Si nous relevons l'ONDAM soins de ville, c'est avant tout pour améliorer la prise en charge des assurés sociaux. Voilà pourquoi, avant la fin du premier trimestre 2007, l'assurance maladie prendra en charge les actes de prévention réalisés par les pédicures-podologues pour les diabétiques. Cette mesure nouvelle bénéficiera à 250 000 personnes.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. L'initiative de votre assemblée permettra aussi, ensuite, de conforter les marges d'action pour faire vivre la négociation conventionnelle avec des rendez-vous très attendus par l'ensemble des partenaires, que ce soient les infirmiers ou les sages femmes – qui attendent depuis bien longtemps, notamment les infirmières, la conclusion des enquêtes de représentativité préalable à la mise en œuvre des négociations conventionnelles.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. La reconnaissance de la médecine générale comme spécialité crée, avant la fin de 2007, de nouvelles responsabilités, comme l’a rappelé aujourd’hui même le Conseil de l’ordre.

Ces nouveaux moyens nous permettront également de poursuivre notre politique ambitieuse en ce qui concerne la démographie des professions de santé. Les mesures que j'ai annoncées au début de cette année sont pour la plupart déjà mises en œuvre ou en voie de l'être, comme l’augmentation du numerus clausus, porté à 7 000. Ce chiffre, qui nous offre une meilleure lisibilité jusqu’en 2010, devra néanmoins être revu avant cette échéance, notamment en raison du développement du temps partiel, qui ne concerne pas seulement les femmes : c’est une évolution en profondeur vers laquelle se tourneront de nombreux professionnels de santé. Nous devrons ainsi tenir compte, dans le relèvement du numerus clausus, des nouvelles délégations de tâches confiées à d’autres professionnels de santé – dans le cadre par exemple des maisons de santé ou des cabinets pluridisciplinaires.

Autres mesures mises en œuvre : l’alignement de la durée de congé de maternité pour les femmes professionnelles de santé exerçant en libéral, ainsi que l’augmentation d'un tiers du montant du cumul entre retraite et activité : avant que le relèvement du numerus clausus ne porte tous ses fruits, il nous faut en effet redonner envie aux professionnels de santé proches de la retraite de poursuivre leur activité.

J’évoquerai aussi la préparation par l'assurance maladie d'une stratégie d'information des étudiants et d'accompagnement des nouveaux installés. J'ai demandé à l'assurance maladie et aux syndicats de mettre pleinement en œuvre leurs obligations conventionnelles en la matière et de négocier enfin – pour qu’ils nous prouvent leur bonne volonté – les aides qui seront versées dans les zones sous-médicalisées. Trouvant que les partenaires conventionnels passaient trop de temps sur le sujet, j’ai demandé aux ARH et aux URCAM de redéfinir ces zones conformément aux besoins sur le terrain.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Il faut savoir ce que l’on veut, et je suis prêt à accepter que ces professionnels soient mieux payés pour s’installer dans ces zones. En la matière, je ne crois qu’à l’incitation et au volontariat. Ainsi, j’ai été stupéfait de constater la méconnaissance du sujet par certains candidats socialistes à l’investiture, qui ont affirmé qu’il fallait obliger les jeunes médecins à s’installer dans telle ou telle région. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Ce sont des jurys populaires qui en décideront : démocratie participative !

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est méconnaître leurs aspirations et la réalité du fonctionnement libéral de notre système. Refuser de conventionner les médecins qui s’installeraient là où ils le désirent, ou les obliger de s’installer quelque part, voilà des propositions qui, en tout état de cause, ne pourraient être mises en œuvre que dans dix ans. Il serait alors trop tard, et il ne nous resterait que nos yeux pour pleurer ! Si l’on modifie les règles, il faut donc le faire sur la base du volontariat : aucune autre solution ne marchera, et je comprends que les spécialistes de la santé au sein du Parti socialiste ici présents soient gênés par ces propositions démagogiques. Nous avons besoin de bon sens et d’ambition : nul ne peut s’improviser spécialiste de la santé.

M. Bruno Gilles. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. En outre, je recevrai prochainement les conclusions du rapport que j'ai demandé au doyen Berland sur la démographie hospitalière. Nous voulons aussi étendre ces dispositions à d'autres professions : chirurgiens-dentistes, infirmières et masseurs kinésithérapeutes. Par ailleurs, je me félicite de l'initiative de M. Jean-Claude Lemoine, qui a déposé un amendement visant à étendre la possibilité pour les collectivités territoriales d'accorder des aides aux étudiants en médecine et en chirurgie dentaire.

M. Jean-Pierre Door. En effet, dès le départ !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Voilà le type de dispositifs qui fonctionne !

Enfin, nos efforts vont continuer à porter sur le volet hospitalier de la réforme. Le monde hospitalier est engagé depuis 2003 dans un mouvement de réforme de grande ampleur : gouvernance, règles de planification, modernisation de la gestion, ou encore tarification à l’activité. Ce sont des réformes de fond, qui nécessitent un temps d’adaptation pour tous les acteurs. Je n'ignore pas la situation financière de nombre d'établissements de santé, ni le défi considérable que représente la mise en œuvre des réformes. C'est pourquoi je souhaite accompagner les établissements dans leurs efforts d'adaptation et de modernisation, afin de mieux répondre aux besoins des Français.

La part de la TAA – tarification à l'activité – dans les établissements financés jusqu'alors par dotation globale a été fixée à 35 % en 2006. Comme j’en avais pris l’engagement, cet effort sera poursuivi en 2007, avec une part de 50 %.

Les moyens des établissements de santé progresseront de plus de 2 milliards d'euros en 2007, soit une progression de l'ONDAM hospitalier de 3,5 %. Ce taux, sensiblement supérieur à la croissance moyenne des dépenses de santé, montre l'attention constante que le Gouvernement accorde, depuis plusieurs années, aux missions et à la modernisation des établissements de santé.

Ces ressources supplémentaires permettront de poursuivre l'effort d'investissement, notamment grâce à une meilleure valorisation du patrimoine des établissements. Le PLFSS pour 2007 prévoit ainsi qu'une partie des produits de cession soit reversée à l'assurance maladie et dédiée précisément aux investissements du FMESPP. Nous aurons l'occasion de débattre d'amendements adoptés par la commission des affaires sociales et la commission des finances pour mieux préciser et encadrer l'objet et les modalités de cette mesure.

Ces moyens nouveaux seront également destinés aux personnels hospitaliers. L’année 2007 sera la première au cours de laquelle un accord ambitieux, signé avec les organisations syndicales, FO, CFDT, CFTC, CGC et les autonomes, sera mis en œuvre, de façon à améliorer concrètement – si cela n’avait pas été le cas, les syndicats n’auraient pas signé l’accord – les conditions de travail et à renforcer l'attractivité des métiers, notamment de la filière soignante. Cet accord, qui était très attendu par les 900 000 agents de la fonction publique hospitalière, permettra non seulement de donner envie d’aller travailler à l'hôpital, mais aussi d'y rester. Nous savons que dans les dix ans qui viennent, 40 % de ces agents partiront à la retraite ; il faut donc surtout éviter une crise des vocations. Il faut aussi revaloriser la rémunération des infirmières en fin de carrière : dès le mois de décembre 2006, celles-ci toucheront une prime de 400 euros. Nous devons en effet être au rendez-vous de ces attentes, et investir dans la santé. Je n'oublie pas non plus les besoins d'accords sociaux dans les établissements privés, qui seront également pris en considération dans l’ONDAM.

Il nous faudra aussi poursuivre les efforts en ce qui concerne le volet hospitalier du plan de réforme de l'assurance maladie, à travers l'amélioration de la politique des achats et de la gestion interne des établissements, qui devront donner lieu à 275 millions d’euros d'économies. Nous financerons les plans de santé publique : urgences, cancer, addictologie, périnatalité, santé mentale et maladies rares.

Je voulais enfin vous dire l'importance que j'accorde à l'informatisation hospitalière, qui permettra d'améliorer la qualité des soins. Nous devrons à cet égard doubler les dépenses d’investissement en informatique hospitalière d’ici à 2012. La nouvelle carte Vitale II, plus sécurisée et plus personnalisée, sera quant à elle la porte d'entrée vers le dossier médical personnalisé. Ces nouvelles cartes commenceront à être distribuées dès le mois de novembre en Bretagne, puis le seront dans toute la France. Le dossier médical personnel, DMP, sera comme prévu au rendez-vous en juillet 2007. C'est un investissement d'un milliard d'euros sur cinq ans que nous réaliserons pour la réussite de ce projet.

Le PLFSS pour 2007 s'inscrit dans la continuité d'une politique ambitieuse, qui vise à préserver notre système de santé. Il nous permettra de poursuivre la maîtrise médicalisée en ville comme à l'hôpital, d'approfondir notre politique du médicament sans remettre en cause la politique de l'innovation. À cet égard, une réunion du comité stratégique des industries de santé aura lieu au début du mois de décembre, pour réfléchir à la façon de continuer à valoriser l’innovation dans notre pays.

C’est à condition de réussir la réforme de l’assurance maladie que nous pourrons pérenniser et améliorer notre système de santé. L’ambition du Gouvernement et de la majorité est de réduire les déficits. Telle est en effet la condition pour garantir un avenir à notre système de santé, à notre système d'assurance maladie. C'est aussi se donner aussi la possibilité d'investir dans la santé. C'est tout ce que nous faisons grâce à ce PLFSS que nous vous demandons d'approuver. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.


M. Philippe Bas,
ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, madame et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, je voudrais, après Xavier Bertrand, souligner à mon tour l’amélioration très nette de nos comptes. Elle permet une réduction du déficit de 20 %, en 2006 comme en 2007, menée en préservant un haut niveau de protection sociale. C’est ainsi que 77 % de nos dépenses de santé sont prises en charge par l'assurance maladie, ce qui fait de notre système de protection sociale l’un des plus performants du monde.

En misant sur la responsabilité de tous pour défendre ce patrimoine commun à tous les Français qu'est notre sécurité sociale, nous avons fait le bon choix. Des comportements que l'on croyait immuables changent. C'est particulièrement vrai pour nos habitudes en matière d'arrêts de travail et de prescription de médicaments. Mais nous savons les uns et les autres que dans le domaine de l'assurance maladie, rien n'est jamais définitivement acquis. Nous devons donc impérativement poursuivre notre effort dans la durée.

Réserve faite de l'assurance vieillesse, l'amélioration est particulièrement nette du côté des dépenses des autres branches de la sécurité sociale. Le déficit de l'assurance maladie a été divisé par quatre depuis la réforme de 2004 ; le déficit de la branche famille se réduira de moitié en 2007 ; quant à la branche accidents du travail, son déficit est supprimé, puisque nous sommes parvenus, en 2006, à ramener les comptes à l'équilibre et qu’ils le seront encore l’an prochain, avec même un léger excédent.

La réduction des déficits dans les différentes branches est d'autant plus remarquable que nous continuons de renforcer la solidarité vis-à-vis des personnes très âgées, des personnes handicapées et des familles.

Dans cette perspective, le projet de loi met tout d’abord en œuvre le plan « Solidarité grand âge », que j’ai présenté le 27 juin dernier. Aujourd'hui, les personnes de plus de 85 ans sont un peu plus d'un million ; dans dix ans, elles seront près du double. Il faut donc adapter notre système de soins à ce changement radical. Nous allons pour cela mobiliser des moyens financiers très importants. Pour la deuxième année consécutive, l'augmentation des crédits sera de 13 %, soit 650 millions d'euros de plus en 2007 qu’en 2006, qui s'ajoutent aux 587 millions d’euros de mesures nouvelles déjà réalisées cette année. Cet effort exceptionnel est permis grâce à la Journée de solidarité et à la réduction des déficits de l'assurance maladie. Il est le fruit des effort de nos compatriotes.

Pour donner aux personnes âgées le libre choix de rester chez elles, nous vous proposons de créer 6 000 places supplémentaires en services de soins infirmiers à domicile en 2007. Le coût de ces places est certes plus important pour l'assurance maladie que celui des places en établissement, mais il s'agit de répondre aux attentes des Français, qui veulent pouvoir rester chez eux le plus possible. Là est la priorité.

Le maintien à domicile n’est toutefois pas toujours possible. C’est pourquoi nous proposons également, pour les personnes les plus dépendantes, d’augmenter l’offre des maisons de retraite médicalisées, en créant, en 2007, 5 000 places en établissements d'hébergement – soit 2 125 places d'accueil de jour et 1 125 places d'hébergement temporaire.

Ce progrès n'est pas seulement quantitatif, il implique aussi une prise en charge mieux adaptée. Je vous propose donc que l'assurance maladie prenne désormais en compte non seulement le degré de dépendance, mais aussi les besoins en soins liés aux maladies du grand âge. Les moyens des maisons de retraite étaient jusqu'à présent figés pendant cinq ans, ils seront dorénavant ajustés chaque année en fonction des besoins. Concrètement, cela signifie de nouveaux moyens pour augmenter les personnels.

Il faut aussi moderniser nos maisons de retraite. En 2006, vous m'avez autorisé à lancer un plan d'investissement exceptionnel de 350 millions d’euros – 500 millions en comptant les établissements pour personnes handicapées. Il faut aller plus loin et permettre aux établissements de continuer à engager, année après année, les travaux dont ils ont besoin. Trop souvent en effet, les maisons de retraite hésitent à se lancer dans des travaux par crainte d'augmenter le prix de journée. Nous souhaitons donc offrir aux établissements des prêts à taux zéro, afin que les travaux engagés n'entraînent pas de hausse insupportable du tarif payé par les résidents.

Enfin, pour mieux prévenir la dépendance, nous allons dès 2007 proposer à toutes les personnes de plus de 70 ans une consultation gratuite de prévention chez leur médecin généraliste.

Notre projet de loi traduit aussi la priorité accordée à la politique du handicap, comme l'a souhaité le Président de la République en 2002. Je vous propose de porter l'effort de l'assurance maladie en faveur des personnes handicapées à 7,2 milliards d'euros, soit une augmentation de 5,5 % des crédits par rapport à l'année dernière, c'est-à-dire 385 millions d'euros supplémentaires.

L'année 2007 verra ainsi l'achèvement du plan très ambitieux de création de places engagé en 2003. Au total, plus de 40 000 places en établissements et services auront été créées en cinq ans, soit deux fois plus que sous la précédente législature ! Il faut dire que la France avait à rattraper un retard très important. Comme il est indispensable que cet effort se poursuive et reste une priorité des années à venir, le texte prévoit, pour le volet 2007 du plan, la création de 6 800 places en établissements et services, soit 1 800 pour les enfants et 5 000 pour les adultes ; il prévoit également la création de 44 centres d'action médico-sociale précoce et centres médico-psycho-pédagogiques.

Cet engagement très fort pour les personnes âgées et les personnes handicapées se traduira par d'importants recrutements. Le projet de loi permettra ainsi très directement la création de 20 000 emplois dans le secteur médico-social, dont 14 000 dans les maisons de retraite ou les services de soins infirmiers à domicile et 5 500 dans les établissements consacrés au handicap.

La sécurité sociale vient ainsi soutenir la politique de l'emploi, et je veux à cet égard attirer l'attention sur une mesure importante du projet : la création d'un fonds spécifique pour financer la formation des professionnels appelés à intervenir auprès des personnes handicapées.

Nous poursuivons aussi notre effort en faveur des familles, tout en réduisant de près de moitié le déficit de la branche famille. Dans le passé, cette branche structurellement en excédent a financé, année après année, la trésorerie des autres branches. Le déficit des dernières années était exceptionnel – conjoncturel et non structurel –, comme je vous l’ai dit l’an dernier. Il n'était que la conséquence de la relance de la politique familiale engagée en 2002 et du succès d'une réforme très positive pour les familles : la prestation d'accueil du jeune enfant. Après trois ans, nous pouvons dresser un bilan favorable de cette réforme, tout en constatant l'amélioration de la situation financière de la branche.

Par rapport au dispositif antérieur, ce sont aujourd'hui 250 000 familles supplémentaires qui bénéficient d'une aide pour la garde de leur enfant. Au total, plus de 90 % des familles ayant un enfant en bas âge ont accès à la prestation d'accueil du jeune enfant. Pour un couple de salariés dont les salaires sont au SMIC, la prestation d’accueil du jeune enfant représente une augmentation de 54 % des prestations par rapport au dispositif antérieur.

Nous avons également conforté notre modèle familial en augmentant fortement le nombre de places en crèches depuis 2002. Car ce que les couples demandent désormais, ce n'est pas nécessairement davantage de prestations, c'est surtout davantage de services pour pouvoir travailler à deux en faisant garder les enfants. Entre 2002 et 2008, 72 000 places supplémentaires de crèches auront été créées. Ainsi, en 2005, nous avons créé 8 500 places et, cette année, nous en créons 10 000, alors qu'en l'an 2000 seules 264 places avaient été créées pour toute la France. Il y a là, vous pouvez le constater, un changement radical de politique par rapport à la période précédente.

Je tiens à le souligner : nous faisons cet effort sans précédent tout en redressant très fortement les comptes de la branche famille. Le retour à l'équilibre est rapide, comme je l'avais annoncé l'an dernier malgré le scepticisme de l'opposition.

En outre, les mesures que nous avons prises, en accord avec la Caisse nationale des allocations familiales, pour organiser la croissance des actions du Fonds national d'action sociale, portent leurs fruits. Les nouvelles règles sont très favorables au développement des crèches : plus des trois quarts des dépenses de fonctionnement continueront à être prises en charge par la branche famille. J'ai apporté la garantie de l'État à une augmentation de 7,5 % par an des crédits d'action sociale et familiale des caisses. Cette garantie sera respectée. Elle donne les moyens à chaque caisse de financer ses nouvelles actions et de respecter tous les contrats qui ont déjà été passés. Si des difficultés sont apparues ici ou là, elles tiennent à des problèmes ponctuels de gestion et il appartient aux responsables des caisses locales de les surmonter, avec l'aide de la Caisse nationale. Elles peuvent naturellement compter sur mon plein appui.

Enfin, je soumets à votre examen une mesure de bonne gestion qui consistera à verser l'allocation de base de la prestation d'accueil du jeune enfant à compter du premier jour du mois suivant la naissance de l'enfant, comme c'est déjà le cas pour la totalité des prestations familiales. Cette mesure permettra une économie de 100 millions d'euros.

Par ailleurs, nous allons continuer de renforcer la solidarité à l'égard des jeunes, des personnes âgées et des personnes handicapées. Pour cela, je vous propose de mettre en œuvre les mesures décidées par la Conférence de la famille en juillet dernier.

Pour aider les jeunes qui entrent dans la vie active et dont les parents ont peu de moyens, le projet de loi prévoit de créer un prêt à taux zéro garanti par le Fonds de cohésion sociale d'un montant maximal de 5 000 euros par jeune.

Pour nos concitoyens, de plus en plus nombreux, qui veulent par ailleurs s'occuper d'un parent dépendant ou d'un enfant handicapé, nous vous proposons aussi un congé de soutien familial. La personne qui bénéficiera de ce congé sera assurée de retrouver son emploi au bout d'un an et continuera d'acquérir des droits à la retraite durant son congé – ce qui était la revendication principale des familles.

Nous prévoyons enfin d'organiser le partage des allocations familiales entre le père et la mère en cas de garde alternée. C'est une garantie d'équité.

La branche vieillesse est la seule qui voit son déficit s'accroître en 2007. Après 2,4 milliards d'euros cette année, le déficit devrait atteindre 3,5 milliards d’euros l'année prochaine. Plusieurs facteurs expliquent cette évolution.

Il y a d'abord les départs à la retraite anticipés, dus au dispositif des carrières longues. Ils sont plus nombreux que prévu, et nous nous en réjouissons. Cette mesure de justice sociale avait été refusée par le gouvernement Jospin. Il est vrai que le refus d'engager la nécessaire réforme des retraites avait privé la majorité de l'époque de toute capacité d'agir en faveur des travailleurs âgés. A l'inverse, la réforme des retraites d'août 2003 a rendu possible ce grand progrès social. A la fin de l'année, il aura bénéficié à près de 320 000 personnes qui avaient commencé à travailler à l'âge de 14, 15 ou 16 ans. Le succès du dispositif représente un coût de 2 milliards d'euros.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. C’est un vrai progrès social !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le deuxième facteur d’augmentation des dépenses n'est en rien une surprise, car c'est lui qui rendait si nécessaire la réforme des retraites. C'est l'arrivée à l'âge de la retraite des classes nombreuses de l'après-guerre. Depuis 2005, nous sommes entrés dans la phase du « papy boom ».

Par ailleurs, nous mettons en œuvre l'indexation des retraites sur les prix. Ajoutée à la garantie que toute pension doit être au moins égale à 85 % du SMIC pour une carrière complète, cette indexation est l'une des avancées de la réforme des retraites. La loi de 2003 a également prévu qu'une conférence nationale sur l'évolution des pensions se tiendrait en 2007. Le décret organisant son fonctionnement sera pris d'ici la fin de l'année. Le Gouvernement est profondément attaché à toutes ces garanties, car elles sont la juste contrepartie des efforts demandés aux Français pour sauver leur assurance vieillesse. Mais, naturellement, elles ont aussi un coût.

Enfin, les mécanismes d'incitation à la prolongation de l'activité pour ceux qui le souhaitent ont sans doute été insuffisamment dimensionnés lors de la réforme de 2003. Nous vous proposons donc aujourd'hui de les renforcer, dans le cadre du plan pour l'emploi des seniors. J'y reviendrai dans un instant.

L'assurance vieillesse s'engage à chaque départ en retraite sur plusieurs décennies. Une réforme des retraites ne peut produire ses effets qu'à moyen terme car, dans ce domaine, les évolutions sont par nature progressives. Elles sont progressives d’abord dans leur application : il a fallu dix ans avant que la réforme de 1993 achève, pour l'essentiel, sa montée en régime ; il faudra cinq ans pour que les principaux éléments de celle de 2003 soient entièrement appliqués. Progressive, la réforme des retraites l'est aussi dans ses effets financiers puisque son impact ne sera complet que lorsque vingt classes d'âge seront successivement parties en retraite en application des nouvelles règles.

L’objectif, qui est de sécuriser nos retraites à l’horizon 2020, sera tenu car, quel que soit le nombre de départs à la retraite enregistrés cette année, l’équilibre à moyen terme reste inchangé. À l’horizon 2020 – le seul qui compte pour nous –, nous n’aurons pas eu plus de déficit, mais celui-ci, pour partie, sera arrivé un peu plus tôt que prévu.

La retraite par répartition repose sur la confiance dans les garanties loyales que nous sommes en mesure d’apporter à nos compatriotes. Je vous propose d’adopter cette année plusieurs garanties nouvelles.

Une première mesure est individuelle. Nous prenons, auprès de tous nos compatriotes qui accepteraient de retarder leur départ à la retraite, l’engagement que celle-ci sera calculée, le jour venu, en application des règles actuelles, sans tenir compte des changements qui pourraient intervenir en 2008. Il n’y aura donc pas de raison d’anticiper son départ si l’on veut et si l’on peut continuer à travailler.

La deuxième garantie est collective : nous proposons une nouvelle ressource d’appoint pour consolider le Fonds de réserve des retraites. J’ai tenu à ce que ce fonds conserve les ressources pérennes qui lui sont affectées : le prélèvement social de 2 % sur les revenus du capital lui rapporte ainsi 1,5 milliard d’euros par an. En outre, la loi de finances rectificative pour 2005 a prévu que les produits des privatisations pourraient lui être en partie affectés. Cette année, nous voulons encore renforcer ses ressources en le dotant des avoirs en déshérence de l’assurance-vie.

Enfin, pour garantir l’avenir de notre système par répartition, nous agissons sur les comportements grâce au plan national d’action concerté pour l’emploi des seniors, préparé avec Gérard Larcher. Ce plan interdit la mise à la retraite d’office avant soixante-cinq ans. Il porte la surcote à 5 % de bonus par an au-delà de soixante-cinq ans, ce qui est beaucoup plus incitatif que le dispositif adopté en 2003. Il élargit les règles de cumul emploi-retraite pour les bas salaires. Enfin, il encourage la retraite progressive.

Le cap est donc tenu, la réforme se poursuit et le rendez-vous de 2008 se présente dans des conditions plus favorables que nous ne pouvions le prévoir en 2003. Nous constatons en effet deux évolutions structurelles encourageantes. Il y a d’abord la forte réduction du chômage depuis près de dix-huit mois, qui permet d’augmenter l’emploi des seniors. Elle facilitera en outre le redéploiement progressif d’une partie des cotisations de l’assurance chômage vers le financement du régime général. Enfin, elle augmente la masse salariale et donc les recettes de l’assurance vieillesse.

Le second facteur encourageant, c’est notre natalité. Le modèle familial français porte ses fruits, grâce notamment au succès de la prestation d’accueil du jeune enfant et aux très nombreuses créations – sans précédent – de places en crèche.

Notre pays connaît aujourd’hui une meilleure santé démographique que tous ses voisins : en 2005, 807 000 enfants ont vu le jour. Cette vitalité démographique a permis à l’INSEE de revoir ses prévisions à la hausse. En 2002, on estimait qu’il y aurait, à l’horizon 2050 1,1 cotisant pour un retraité. Aujourd’hui, nous prévoyons, à cette même échéance, 1,4 cotisant pour un retraité. Cela change la donne et nous encourage à poursuivre une politique familiale ambitieuse.

Je voudrais enfin dire un mot sur les régimes spéciaux. Nous avons pris l’engagement que l’adossement des régimes spéciaux, que ce soient ceux de la RATP ou de La Poste, se ferait de façon neutre pour le régime général. Nous avons tenu l’an dernier à inscrire ce principe dans la loi, à l’occasion du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il ne peut être question que les actifs et les retraités du régime général supportent, de quelque manière que ce soit, le financement, même partiel, de ces adossements. Cette garantie est absolue, et le Gouvernement la confirme.

Après les dépenses, j’en viens aux ressources de la sécurité sociale. Le débat sur l’avenir de son financement est aujourd’hui ouvert et, avec le Centre d’analyse stratégique et le Conseil d’orientation de l’emploi, nous l’avons fait avancer. C’était aussi la volonté de votre mission d’évaluation et de contrôle des comptes de la sécurité sociale, dont je salue le travail. L’exigence de maîtrise des dépenses est plus que jamais d’actualité. Parce que nous aurons su les maîtriser durablement, grâce aux réformes de l’assurance maladie et des retraites, nous serons plus forts pour exiger aussi, dans la fidélité aux principes fondateurs de notre sécurité sociale, que lui soient affectées des recettes progressant au même rythme que les dépenses de solidarité. Ce débat est essentiel pour l’avenir. La conférence nationale des finances publiques mise en place par le Premier ministre devra se pencher tout particulièrement sur les financements à mobiliser pour affronter les coûts sociaux liés au vieillissement de la population. Ce serait une illusion de croire que nous pourrons assurer l’avenir de notre protection sociale sans lui assurer des ressources plus dynamiques qu’aujourd’hui.

Je voudrais cependant souligner cette année un premier effort de l’État – d’autant plus méritoire que chacun sait combien la situation des finances publiques est tendue –, qui devra se poursuivre au cours des prochaines années. Pour la première fois, en 2007, l’État paiera des intérêts pour sa dette envers la sécurité sociale, à hauteur de 160 millions. C’est important, car la dette de l’État à l’égard du régime général s’établit actuellement à 5 milliards d’euros.

Je souhaite par ailleurs évoquer la situation du Fonds de solidarité vieillesse et du Fonds de financement des prestations sociales agricoles. Nous continuons de réduire le déficit du Fonds de solidarité vieillesse dont nous avions hérité. En 2005, ce déficit était encore de 2 milliards d’euros. De 1,2 milliard cette année, il devrait être ramené à 660 millions d’euros en 2007.

Le déficit du Fonds de financement des prestations sociales agricoles, quant à lui, reste stable, à 1,9 milliard. Cette situation n’est pas satisfaisante, mais l’État continue à garantir le versement des prestations sociales agricoles, dans l’attente d’une solution définitive pour assurer un financement stable. La Cour des comptes a justement rappelé que le montant de la dette de l’État à l’égard de ces deux fonds est aujourd’hui de l’ordre de 9 milliards d’euros. C’est considérable. Nous souhaitons donc qu’en réduisant sa dette publique au cours des cinq prochaines années, l’État donne la priorité à son désendettement vis-à-vis de la sécurité sociale et, en particulier, à l’égard du Fonds de solidarité vieillesse. Car rendre confiance aux Français, c’est d’abord les rassurer sur leurs retraites et sur leur protection sociale, ce qui leur fera envisager l’avenir avec sérénité et rendra inutiles des comportements d’épargne qui risqueraient de pénaliser la consommation, la croissance et l’emploi.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale n’a pas d’autre objectif que de maintenir dans notre pays un très haut niveau de protection sociale, tout en réduisant les déficits, celui de la sécurité sociale, mais aussi celui de l’État.

La sécurité sociale continue en effet – et, dans des limites raisonnables, ce n’est pas illégitime – à contribuer directement au financement de grandes politiques publiques, qu’il s’agisse de la santé, de l’emploi ou du logement, en acceptant de renoncer à une petite partie des ressources qui lui sont normalement affectées et en prenant à sa charge des dépenses publiques importantes qui ne relèvent pas directement de la protection sociale. Le Gouvernement reconnaît pleinement, à travers les comptes qui vous sont présentés, la contribution essentielle de la sécurité sociale à l’objectif de diminuer de 1 % en volume les dépenses de l’État en 2007. En réduisant son déficit de près de 20 % l’an prochain, la sécurité sociale contribue aussi à ramener l’ensemble des déficits publics au-dessous de 2,5 % de la richesse nationale. En trois ans, son déficit aura diminué de moitié. Ces bons résultats doivent nous encourager à continuer.

La sécurité sociale fait partie du patrimoine de tous les Français. Comme l’école de la République, elle est au cœur de l’exigence républicaine. Sa sauvegarde et son avenir doivent tous nous rassembler. Je compte sur votre assemblée pour apporter à la poursuite des réformes le soutien politique qui leur est nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l’équilibre général.

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l’équilibre général. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, cet imposant projet de loi de soixante et onze articles, onzième projet de loi de financement, le dernier de notre législature, est l’occasion d’établir un bilan des quatre dernières lois de financement de la sécurité sociale, bilan dans lequel s’inscrit pleinement le présent projet.

La majorité peut être fière du travail accompli en matière sociale. D’abord, elle a eu le courage d’adopter en 2003 la réforme des retraites, réforme responsable, mais toujours repoussée, car réputée impossible. Cette réforme a notamment permis à des milliers de salariés ayant commencé à travailler très jeunes de partir à la retraite de manière anticipée, réforme, là encore, toujours repoussée sous la précédente législature.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Eh oui !

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Ensuite, la loi de 2004, relative à l’assurance maladie, a permis de sauvegarder les finances de l’assurance maladie et de les orienter de manière plus vertueuse. La prise en charge de la dépendance a été renforcée, la création de la prestation d’accueil du jeune enfant, comme l’a souligné M. le ministre, a permis d’améliorer la situation de milliers de familles et les difficultés des personnes handicapées commencent enfin à trouver des solutions dignes d’un grand pays comme la France. La gouvernance du système de la sécurité sociale a été profondément modernisée, qu’il s’agisse de l’assurance maladie, de la création du régime social des indépendants ou des conditions de la discussion parlementaire des projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Le présent projet de loi de financement s’inscrit dans cette continuité. S’agissant des finances de la sécurité sociale pour 2007, je dirais que le patient a entamé une convalescence très encourageante, mais que la surveillance et les soins doivent rester constants. (Sourires.)

M. le ministre de la santé et des solidarités. Voilà un avis d’expert !

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Je vois deux causes principales à ce redressement spectaculaire.

D’abord, ce succès reflète les efforts et les succès de la majorité dans la bataille pour l’emploi, la croissance économique, devenue plus tonique au cours de l’année 2006, ayant un impact sur le nombre d’emplois créés, ce qui permet d’envisager 2007 avec sérénité du point de vue des recettes. Je voudrais d’ailleurs souligner que les prévisions de recettes 2007 me paraissent tout à fait sincères.

M. Jean-Marie Le Guen. J’allais le dire !

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Du côté des dépenses, le présent projet de loi confirme le vigoureux redressement des comptes de l’assurance maladie, au prix d’efforts partagés de manière équitable par tous les acteurs : les caisses, les professionnels de santé et, bien sûr, les assurés. La réforme, n’en déplaise aux Cassandre de tout poil, si vous voyez ce que je veux dire, monsieur Le Guen…

M. Jean-Marie Le Guen. De toute façon, vous n’écoutez pas ! Vous ne faites que parler !

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. …porte ses effets. Les dépenses d’assurance maladie ont désormais retrouvé le chemin de la maîtrise, comme en témoigne le respect de l’ONDAM, en 2005 pour la première fois, puis en 2006. Le déficit 2007 de la branche maladie du régime général passe en dessous de la barre des 4 milliards d’euros, ce qui devrait réjouir tout le monde – et pas seulement le ministre de la santé.

S’agissant de l’ONDAM, je me dois d’évoquer une des décisions principales de la commission, en félicitant nos collègues Jean-Marie Rolland et Jean-Pierre Door de leur excellente initiative et en remerciant les ministres qui ont su entendre nos demandes. Compte tenu du vieillissement de la population et de la maîtrise médicalisée des dépenses, partagée par tous les acteurs, il était difficile de présenter un taux d’ONDAM de ville de 0,8 %. C’est dans cet esprit que je présenterai un amendement destiné à augmenter les recettes de 200 millions, pour augmenter l’ONDAM de ville sans dégrader le solde budgétaire.

Je voudrais maintenant consacrer mon propos à deux points précis. Il s’agit d’abord du financement de la sécurité sociale. Certes, la question des dépenses et de leur maîtrise est incontournable. Cependant, il ne fait pas de doute qu’une réflexion doit être engagée pour préparer les conditions d’une réforme du financement de la sécurité sociale et, sur ce point, je rejoins complètement mon prédécesseur M. Jean-Pierre Door, qui avait fait adopter l’an passé un amendement tendant à la création d’un groupe de travail consacré au financement de la sécurité sociale.

M. Pascal Terrasse. C’est très important !

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Au moment où l’Allemagne procède à une réforme d’envergure de son État social en augmentant le taux de TVA et en réduisant certaines cotisations, …

M. Jean-Marie Le Guen. Quel courage !

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. …la France serait-elle condamnée au statu quo ou pire, à l’absence totale de réflexion sur ce sujet ? À propos du financement de la sécurité sociale, j’avoue être toujours à la recherche des solutions proposées par nos collègues du groupe socialiste, …

M. Gérard Bapt. Parlez-nous plutôt des vôtres !

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. …toujours plus imaginatifs en matière de dépenses que de recettes !

Cette réforme du financement, rendue nécessaire par la mondialisation des échanges et la concurrence des pays à faible coût de main-d’œuvre, devra répondre à un triple impératif : solidité, pour répondre aux besoins ; équité, pour être acceptée de tous ; et simplicité, pour être comprise de tous. C’est ce cahier des charges qui a sans doute conduit à abandonner la modification de l’assiette de la cotisation employeur, initiative lancée au début de l’année et qui avait fait l’objet d’une expertise particulièrement intéressante. Parmi les hypothèses en circulation, la création d’une TVA sociale me paraît une piste à suivre. Qu’en pensent les ministres ?

M. Jean-Marie Le Guen. Bonne question !

M. Pascal Terrasse. Partagent-ils l’avis de Sarkozy ?

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Préalablement à cette réforme, l’État devra sans doute apurer sa dette vis-à-vis des régimes de la sécurité sociale. Et j’en viens là à mon second point. Il concerne l’amputation des recettes de la sécurité sociale par des décisions de l’État, à quoi s’ajoutent les dépenses qu’elle assume au nom de l’État et que celui-ci ne lui compense pas, comme celles de l’aide médicale d’État, qui sont en constante augmentation et pèsent sur la trésorerie de l’assurance maladie. Certes, sur ce sujet délicat, où les compétences de Bercy et de Ségur convergent, il faut se garder de s’en prendre au messager. Pourtant, messieurs les ministres, la commission propose, contre mon avis, de supprimer l’article 21 du projet, qui prévoit la non-compensation de trois mesures. Je ne sais pas si tous les partisans de cette suppression ont été jusqu’au bout de leur raisonnement, qui devrait les conduire à se demander comment la loi de finances procédera à la compensation qu’ils appellent légitimement de leurs vœux. Veulent-ils accroître les dettes de l’État vis-à-vis de la sécurité sociale, qui atteignent 5 milliards d’euros et devraient encore augmenter en 2006 et 2007 ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mes chers collègues, débattre des allégements de cotisations sociales est-il aujourd’hui devenu impossible ? Je le crains, alors même que les éléments de réflexion sur cet aspect de la politique de l’emploi « à la française » ne manquent pas et que, pour une fois, les appréciations de beaucoup d’acteurs qui comptent en matière de sécurité sociale convergent pour mettre en question l’efficacité de ces allégements.

J’ai ainsi lu avec intérêt la communication que la Cour des comptes a transmise à la commission des finances sur ce sujet. Cette étude « sur les exonérations de charges sociales en faveur des peu qualifiés » permet de conclure, s’agissant des allégements généraux, à une « efficacité globale », mais à des « effets très faibles dans nombre de secteurs ». L’effet net sur l’emploi se traduirait plutôt par de moindres destructions que par des augmentations nettes. Quant aux dispositifs ciblés, ils seraient « à la fois nombreux, instables et d’efficacité très inégale. La Cour plaide pour une réduction de leur nombre et une stabilisation sur les formules les plus efficaces ».

La partie de la communication la plus intéressante est sans doute celle relative aux éclairages sectoriels. Elle montre notamment que les exonérations n’ont en fait pas profité aux secteurs les plus exposés à la concurrence internationale, et particulièrement à celle des pays à bas coût de main-d’œuvre, mais plutôt à des entreprises du secteur tertiaire ; la Cour cite ainsi la restauration collective et la grande distribution. Ce dernier secteur « suscite le plus d’interrogations. Il bénéficie, en effet, d’un taux élevé d’exonérations alors même que le coût salarial ne semble pas être le facteur déterminant de l’emploi. Par contre, le coût est élevé pour les finances publiques ». Messieurs les ministres, que penser de ces conclusions qui, d’ailleurs, n’abordent pas l’autre effet négatif des exonérations de charges sur le travail peu qualifié que sont les « trappes à bas salaires » ? Quand et où allons-nous discuter de l’utilité de ces dispositifs ?

À ce sujet, la proposition d’un des candidats à l’investiture socialiste pour la présidentielle d’augmenter de 100 euros le SMIC au 1er juillet 2007, ce qui représente une progression de près de 8 %, aurait des conséquences extrêmement lourdes sur les finances sociales, …

M. Jean-Marie Le Guen. Des conséquences positives, au contraire !

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. …le coût d’un grand nombre de dépenses des régimes et des fonds étant largement indexé sur cet indice – c’est notamment le cas des exonérations de cotisations de sécurité sociale. Cette proposition irresponsable coûterait des milliards d’euros à la sécurité sociale et à l’État. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je conclurai en évoquant la situation du Fonds de financement des prestations sociales agricoles. Elle est inquiétante…

M. Jean-Marie Le Guen. Ah oui ?

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. …bien que les pouvoirs publics semblent s’en satisfaire. Je sais bien que la triple tutelle du FFIPSA ne facilite pas une prise de décision rapide, mais le problème doit être résolu. Les prestations des agricoles non-salariés risquent d’être financées par l’emprunt, ce qui est déraisonnable ! Les ministres pourraient-ils nous donner leur avis sur les pistes ouvertes par le rapport Chadelat ?

Les finances de la sécurité sociale s’améliorent. Pourtant, en dépit des évolutions positives, force est de reconnaître que la situation des finances sociales exigera à moyen terme des mesures de redressement, tant conjoncturelles que structurelles, en raison du caractère préoccupant des déficits cumulés, comme le montrent d’ailleurs les évolutions pluriannuelles annexées au projet de loi.

Dès 2007, la nouvelle majorité, quelle qu’elle soit, devra prendre des décisions difficiles si elle souhaite sauvegarder notre système de sécurité sociale. Elle devra notamment affronter le sujet de son financement. Espérons qu’elle ne choisira pas la voie de la facilité en reportant la dette sociale sur les générations futures, solution que la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale rend plus difficile, et je m’en félicite. Sauver la sécurité sociale nécessitera plus que jamais du courage politique, une forte détermination et un sens aigu de l’intérêt général.

Au terme de ces réflexions, la commission vous propose d’adopter le projet de loi de financement, sous réserve de ses amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l’assurance maladie et les accidents du travail.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue chaque année un temps fort des travaux du Parlement et un élément essentiel du contrôle démocratique de la dépense sociale. S’il est vrai que sa complexité comme son volume peuvent, de prime abord, en dérouter plus d’un, il faut pourtant garder à l’esprit qu’il concerne la vie quotidienne des Français et recouvre des enjeux sociaux et économiques de premier plan. C’est tout particulièrement le cas de l’assurance maladie, et notre ambition doit être que sa réforme réussisse.

Dans la continuité de la réforme engagée par le Gouvernement à l’été 2004 et des efforts importants déployés depuis lors par l’ensemble des acteurs concernés, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 marque un progrès incontestable dans le redressement des comptes de la branche.

Quel que soit le jugement que l’on porte sur la réforme, il faut bien constater avec honnêteté que ses résultats sont tangibles. Alors qu’en 2004 les prévisions les plus sombres laissaient craindre que le déficit ne dépasse les 16 milliards à la fin de l’année 2006, il devrait être divisé par quatre et atteindre 3,9 milliards d’euros d’ici à l’année prochaine.

Compte tenu de l’ampleur du déficit de l’ensemble des branches de la sécurité sociale, l’heure n’est cependant pas au triomphalisme béat,…

M. Jean-Marie Le Guen. C’est le moins qu’on puisse dire !

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. …car la partie n’est pas encore gagnée. Ces résultats n’en sont pas moins encourageants et prouvent l’efficacité des principes phares de la réforme que sont la maîtrise médicalisée des dépenses et le changement des comportements, non seulement pour redresser durablement les comptes de la branche maladie, mais aussi et surtout pour améliorer la qualité du système de soins.

Avant de poursuivre, je voudrais exprimer ici un regret. Alors que la dépense sociale représente près de 400 milliards d’euros en 2006 pour les seuls régimes obligatoires de base, soit davantage que les dépenses de l’État, le délai dont nous avons disposé pour examiner ce projet de loi, qui comporte soixante et onze articles et quelque 850 pages d’annexes, a été particulièrement court : moins d’une semaine s’est écoulée entre son inscription à l’ordre du jour du conseil des ministres et son examen en commission. Même si, cette année, un avant-projet de loi a été transmis aux rapporteurs dès le lendemain de la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale, au mois de septembre, il faut encore améliorer le contrôle parlementaire des finances sociales.

Nous aurons l’occasion tout au long du débat qui s’ouvre aujourd’hui d’aborder de nombreux sujets, concernant l’assurance maladie, les accidents du travail et les maladies professionnelles. Je pense en particulier à l’aide à l’acquisition d’une assurance complémentaire, à la politique du médicament, au remboursement de produits de santé pour les personnes atteintes de maladies rares, à la prescription des infirmiers, à l’amélioration de la tarification à l’activité dans les hôpitaux suite au rapport de la MECSS, aux praticiens ayant obtenu leur diplôme hors de l’Union européenne, au fonds de prévention des risques sanitaires, au fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante.

Mais je voudrais insister plus particulièrement sur cinq points : la prévention, la qualité du soin, l’amélioration de la relation entre l’assurance maladie et les professionnels de santé, le médecin de famille et le meilleur remboursement de certaines prestations.

S’agissant de la prévention de la dépendance, le PLFSS pour 2007 organise une consultation pour les personnes de plus de soixante-dix ans. Après le remboursement de l’ostéodensitométrie, la meilleure prise en charge des soins dentaires des enfants et la lutte contre le tabagisme, la prévention de la dépendance est un nouvel enjeu important dans une société où la durée de vie s’accroît de trois mois par an. La consultation de prévention, confiée à un médecin généraliste formé à cet effet, reposera sur un protocole comprenant un questionnaire et une batterie d’examens standardisés. Son coût serait de l’ordre de 25 millions d’euros par an.

Le parcours de soins se met en place, il donne des résultats probants mais doit être encore amélioré : des changements d’habitudes sont nécessaires, de même qu’une meilleure coordination entre les praticiens et les établissements. Le parcours de soins repose en effet sur la coopération de tous les acteurs de santé. À cet égard, le dossier médical personnalisé sera un moyen de l’améliorer.

M. Jean-Pierre Door. Eh oui !

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Il faut également, et j’insiste sur ce point, améliorer les relations des professionnels de santé avec les caisses d’assurance maladie. Personne ne conteste plus les mesures de contrôle ni la lutte contre les abus et le mauvais usage des soins. Les mesures à caractère pédagogique ont d’ailleurs fait la preuve de leur efficacité. Je pense ainsi aux échanges entre médecins et délégués de l’assurance maladie, qui n’existent actuellement que dans le secteur de ville et gagneraient à être étendus au secteur hospitalier.

Les actions sur le bon usage du médicament, le respect de la procédure pour les affections de longue durée, l’ordonnancier bizone, la plus grande utilisation des médicaments génériques ont cependant entraîné une débauche de contrôles et à une inflation de paperasses : une simplification s’impose donc. Savez-vous, mes chers collègues, qu’un médecin est amené à remplir 33 formulaires différents dans le cadre de ses relations avec l’assurance maladie ? Il est donc important de mieux utiliser les technologies de la communication pour faciliter les échanges entre caisses et professionnels de santé. Ces échanges sont nécessaires, mais ils ne doivent pas entraîner une réduction du temps que les professionnels de santé consacrent à leurs malades.

M. Jean-Pierre Door. Très bien !

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Je voudrais également rendre hommage à la qualité des soins dispensés dans l’immense majorité des cas par les équipes hospitalières, publiques et privées. Mais les obligations imposées à la médecine de ville en matière d’examens complémentaires, de prescriptions du médicament, d’indemnités journalières, de transports devraient également être expliquées et contrôlées, et leur non-respect éventuel sanctionné, dans tous les établissements de santé.

Notre système comprend un secteur privé et un secteur public. Vous avez souligné tout à l’heure, monsieur le ministre, l’intérêt de l’accord historique que vous avez signé avec les représentants des personnels de la fonction publique hospitalière. Je vous rappelle à ce propos que vous vous étiez engagé, lors de l’annonce de la baisse des tarifs des cliniques privées en septembre dernier avec application au mois d’octobre, à ce que le PLFSS de 2007 permette un rattrapage de l’écart salarial.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je l’ai indiqué tout à l’heure !

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Le quatrième point que je voudrais aborder concerne le médecin de famille. Permettez à l’ancien médecin de campagne qu’est votre rapporteur d’insister sur les problèmes de démographie médicale, de permanence des soins, mais aussi sur l’attractivité de la profession de médecin généraliste. Pour la troisième année consécutive, vous le savez les nouveaux internes ont délaissé la médecine générale lors du choix des spécialités qui vient de se dérouler. Certes, cette année, ils sont un peu plus nombreux à avoir choisi la médecine générale, mais 324 postes n’ont pas été pourvus sur 2 353 postes ouverts dans la discipline. Les étudiants en médecine ont changé. La féminisation de la profession, la recherche de rythmes de travail plus « tranquilles », sans contraintes, mais probablement aussi l’ignorance d’un métier associant l’humain et le technique, la rencontre d’une confiance et d’une conscience, ont éloigné des générations de ce travail de terrain. Tout ce qui sera fait pour faire découvrir ce métier, susciter des vocations, permettre de travailler en équipe, améliorer les conditions de travail, lutter contre le risque de déserts médicaux sera un bon investissement pour l’organisation de notre système de santé, le maintien de l’équilibre de nos territoires et l’avenir du monde rural, mais aussi pour préparer nos étudiants à exercer entièrement le rôle de « médecin pivot », d’organisateur principal du parcours de soins.

Vous avez signé, monsieur le ministre, avec Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et la recherche et François Goulard, ministre délégué chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, les textes – attendus depuis de nombreuses années – officialisant la reconnaissance universitaire de la médecine générale et mettant en place un stage chez le généraliste pour les étudiants de DCEM 2. C’est la reconnaissance de la médecine générale comme une spécialité universitaire, au même titre que les autres spécialités médicales. Cela va dans le bon sens.

Enfin, et je vous ai écouté avec beaucoup de plaisir, monsieur le ministre, je me félicite de l’amélioration du remboursement de certaines prestations aux assurés sociaux. Je pense, en particulier aux diabétiques. Vous savez que 20 à 25 % de ceux-ci consultent au moins une fois dans leur vie pour des problèmes trophiques des membres inférieurs et que six à huit diabétiques sur 1 000 subiront une amputation à la suite de ces troubles. Il y a là une piste à suivre. J’ai bien entendu que c’est ce que vous comptiez faire, ce dont je vous remercie.

Notre commission, comme l’a rapporté Pierre-Louis Fagniez, a accepté un amendement portant sur le montant de l’ONDAM médecine de ville, présenté par vos deux rapporteurs, Nous souhaitions qu’il soit augmenté de 300 millions d’euros afin de mieux travailler sur plusieurs points – notamment sur ceux que je viens d’évoquer –, d’améliorer les remboursements de certains soins pour des patients atteints de pathologie de longue durée, de permettre le fonctionnement correct des conventions avec les professionnels de santé, en particulier les infirmières.

Nous devons répondre aux grands enjeux de notre société en matière de santé, c’est-à-dire exercer notre responsabilité de prévenir, en utilisant au mieux chaque euro dépensé et en permettant à chaque Français de bénéficier des meilleurs soins. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l’assurance vieillesse.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l’assurance vieillesse. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’assurance vieillesse est aujourd’hui, confrontée à l’arrivée à la retraite des générations du baby-boom. Ce « papy-boom ou mamy-boom » était attendu. Il a été préparé par la loi Fillon du 21 août 2003, qui a permis de lisser les départs en retraite en rendant possible les départs anticipés pour longue carrière.

M. Pascal Terrasse. Sans financement ! Je croyais que vous étiez président du conseil de surveillance de la CNAV !

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l’assurance vieillesse. Cependant, le choc démographique se ressent sur les objectifs de dépenses votés en loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. En effet, un déficit de 1,4 milliard d’euro y était prévu. Il est aujourd’hui porté à 2,4 milliards dans le présent projet de loi.

M. Pascal Terrasse. Peut mieux faire !

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l’assurance vieillesse. Ce milliard de déficit supplémentaire résulte des dépenses plus élevées de 1,6 milliard et des recettes accrues de 700 millions.

La hausse des recettes est un indicateur de la meilleure santé de l’économie française, puisqu’elle traduit une meilleure rentrée de cotisations. La hausse des charges tient essentiellement à celle des versements de droits propres, qui ont crû de 5,6 % au lieu des 4,3 % prévus initialement. Ce relèvement tient, pour 100 millions d’euros, aux départs anticipés à la retraite plus nombreux en raison du nombre plus élevé que prévu de salariés ayant validé des armées d’apprentissage et surtout à une anticipation des départs en retraite et à l’absence d’effets des mesures de surcote. Par ailleurs, l’abaissement de cinquante-cinq à cinquante-deux ans de l’âge d’ouverture du droit à la réversion a généré une dépense supplémentaire non prévue de 170 millions.

Ces évolutions soulignent l’importance pour l’équilibre des comptes des régimes de retraite de base obligatoires du maintien dans l’emploi des travailleurs qui sont en mesure de rester actifs. L’avancement d’un mois des liquidations de pension de retraite coûte, sur une année, 350 millions d’euros à la CNAV.

Le projet de loi propose donc un ensemble de mesures favorables à la poursuite de l’activité des seniors. Ces mesures s’inscrivent dans une démarche concertée avec les partenaires sociaux et traduites dans le plan national d’action concerté présenté par le Gouvernement le 6 juin dernier. Elles consistent à mettre un terme aux accords professionnel abaissant l’âge de mise à la retraite d’office ; à assouplir les conditions d’accès à la retraite progressive et améliorer le niveau des droits à pension définitifs servis dans le cadre de ce régime ; à élargir les possibilités de cumul du bénéfice d’une pension de retraite et d’une activité professionnelle rémunérée en faveur des bas salaires, de sorte que le cumul d’un revenu d’activité et d’une ou plusieurs pensions de retraite puisse dépasser le montant du dernier salaire, dans la limite d’une somme égale à 1,6 fois le salaire minimum de croissance ; à réévaluer le taux de surcote pour le porter à 4 % par année travaillée au-delà de la première année d’activité après soixante ans et à 5 % pour les années accomplies à partir de l’âge de soixante-cinq ans. Pouvez-vous nous dire, messieurs les ministres, quand le décret sera publié et si vous avez bon espoir que les régimes complémentaires s’alignent sur cette réforme ?

Le projet de loi essaie ainsi d’influer sur le comportement des assurés des régimes de retraite et de corriger un facteur puissant de déséquilibre des comptes. La commission des affaires sociales apporte donc, messieurs les ministres, son entier soutien aux mesures que vous proposez.

Les comptes du régime général sont, par ailleurs, affectés d’un déséquilibre grave tenant à l’aggravation des charges financières. La CNAV ne dispose d’aucune réserve de trésorerie du fait que ses excédents sont reversés au Fonds de réserve pour les retraites. Pour financer son déficit, les retards de paiement de l’État au titre des exonérations de cotisations à compenser, et surtout le remboursement avec deux ans de retard des cotisations vieillesse correspondant aux périodes validées de chômage et de préretraite dues par le Fonds de solidarité vieillesse, la CNAV est contrainte d’emprunter.

M. Pascal Terrasse. Cela coûte très cher, d’ailleurs !

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l’assurance vieillesse. Je vois que vous êtes très attentif lors des séances du conseil de surveillance de la CNAV ; son président vous en remercie, monsieur Terrasse !

En 2004, ses charges financières s’élevaient à 17,8 millions d’euros ; en 2005 elles ont atteint 91,7 millions ; elles devraient augmenter de 278 % en 2006 et encore de 91 % en 2007 pour atteindre 488 millions. En 2006, 96,5 millions des 163,3 millions d’euros de charges supplémentaires supportées par la CNAV résulteront du financement de la dette du FSV.

Cette situation tient au sous-financement du FSV. Le Gouvernement prévoit qu’il sera de nouveau à l’équilibre fin 2009. Mais à cette date, son déficit cumulé atteindra 6 milliards d’euros. Or, de par la loi, ses excédents sont reversés au FRR. Ce reversement est déterminant, car une étude du Conseil d’orientation des retraites montre que dans le scénario optimiste d’un taux de chômage de 4,5 % à compter de 2015, la moitié des abondements au FRR jusqu’en 2020 sera fournie par les excédents du FRR. Comment le Gouvernement compte-t-il donc éponger la dette cumulée du FSV ?

Ces considérations ont amené votre rapporteur à étudier la situation du Fonds de réserve pour les retraites. Conçu comme un fonds de lissage, il a été mis en place en 1999. Son objet est de contribuer à la consolidation du financement des retraites servies par le régime général et les régimes alignés en constituant des provisions destinées à pérenniser le système par répartition au moment où la transition démographique difficile pour les comptes du régime général à partir de 2020. Mais aucune stratégie n’a été définie pour l’emploi dans le temps des actifs accumulés par le FRR, ni sur la période de mise en action des réserves. La constitution de réserves d’un montant de 152 milliards d’euros, valeur 2000, en 2020 ne résulte que d’une déclaration gouvernementale. Mais quel que soit le montant des réserves atteint, le plus fondamental est de déterminer leur utilisation à partir de 2020. C’est dès à présent qu’il convient de s’atteler à cette tâche.

Deux questions doivent être tranchées par la loi. Quels sont les bénéficiaires des actifs placés auprès du FRR ? À quel financement seront affectés les fonds débloqués par le FRR à partir de 2020 ? La réponse à cette dernière question exige en outre de répondre à deux autres questions. Quelles nouvelles réformes seront apportées aux régimes d’assurance vieillesse des salariés, artisans et commerçants ? À quel rythme seront décaissées les réserves du fonds ou à quelle échéance celles-ci seront-elles épuisées ?

Votre rapporteur est attaché, depuis la création de ce fonds en 1999, à un périmètre d’intervention circonscrit au financement des retraites du régime général et des régimes des salariés agricoles, des artisans et des commerçants et industriels. L’élargissement du fonds aux exploitants agricoles, aux professions libérales et à la fonction publique non seulement diluerait fortement l’intervention en consolidation du FRR, mais créerait aussi une forme d’inégalité, car, contrairement aux salariés, les fonctionnaires ont les collectivités publiques pour consolider leurs pensions de retraite. Les professions libérales ont, quant à elles, fait le choix d’un système indépendant de retraite fondé sur une gestion propre aux besoins et attentes des professions libérales. En outre, si le régime des fonctionnaires était englobé, la séparation entre le Fonds de réserve pour les retraites et le budget de l’État s’effacerait et la tentation d’une affectation d’une partie des actifs du FRR au Trésor public pourrait devenir une réalité.

La mission la plus claire pouvant être assignée à l’emploi des actifs du FRR à partir de 2020 pourrait être de financer une fraction des besoins de financement du régime général et des régimes des artisans, commerçants et industriels pour le paiement des pensions de retraite, sur une période à déterminer. À titre d’illustration, si l’on maintient la moyenne des abondements réalisés depuis 2000, le Fonds de réserve pour les retraites serait en mesure de fournir les ressources nécessaires aux quatre régimes éligibles pour financer un tiers de leurs besoins de financement sur 2020-2040.

L’abondement annuel du FRR n’en reste pas moins important, car si aucune mesure n’est prise en faveur d’un abondement substantiel du FRR, la réforme des retraites à réaliser pour financer les besoins de l’assurance vieillesse pour les années 2020 à 2050 sera d’une ampleur très supérieure à toutes celles réalisées de 1993 à 2003.

Sur un autre plan, j’ai souhaité consacrer une partie de mon rapport à l’analyse de la situation des veuves et des veufs en France, que j’ai comparée avec le traitement du veuvage par l’assurance vieillesse allemande. Il en ressort que, si la réforme de l’ouverture des droits à pension de réversion réalisée en 2003 est équilibrée, certains aspects du régime de la réversion mériteraient d’être revus. Il conviendrait, en premier lieu, de renforcer le soutien aux jeunes veuves. Le veuvage précoce n’est pas une situation anecdotique en France. En 1999, 1,3 million de personnes déclaraient avoir perdu au cours de leur vie leur conjoint, époux ou concubin, avant l’âge de cinquante-cinq ans. Parmi ces veufs précoces, 80 000 étaient âgés de moins de vingt-cinq ans au moment du décès de leur conjoint, 241 000 avaient entre vingt-cinq et trente-cinq ans et 385 000 entre trente-cinq et quarante-cinq ans.

Je propose donc trois pistes d’étude. La première consisterait à ranger les veuves et veufs sans emploi, ayant un ou plusieurs enfants à charge ou ne bénéficiant pas d’une pension de réversion au moins égale à l’allocation aux vieux travailleurs salariés, parmi les publics prioritaires traités par l’ANPE pour la recherche d’un emploi. Une telle priorité d’inscription existait avant 2002 et elle ne coûterait pas un centime.


Deuxième piste, assurer l’égalité de traitement des orphelins par rapport aux enfants des couples divorcés, dont la situation matérielle est nettement meilleure. Le régime général accorde une majoration forfaitaire pour charge d’enfants aux conjoints survivants, mais cette majoration n’est que de 86,21 euros par mois et ne varie pas en fonction du nombre d’enfants orphelins restant à charge. Une véritable assurance orphelin, distincte du droit dérivé de réversion ou de l’assurance veuvage, pourrait être mise en place au bénéfice des enfants de moins de vingt et un ans à la charge du parent survivant ou d’un autre membre de la famille. Elle existe au sein de la fonction publique, pour les cadres agricoles et les professions libérales, ainsi qu’au sein des régimes de retraite complémentaire des salariés du régime général et des cadres du régime général et du régime agricole.

Les couvertures de protection sociale facultatives fournissent une prévention de ce type, mais tous les assurés n’en disposent pas. Il ne serait pas choquant qu’une cotisation ad hoc soit perçue pour couvrir ce risque.

Troisième et dernière piste, appliquer un plancher à la majoration de 10 % pour enfants à charge. Il serait équitable d’introduire une certaine forfaitisation de la majoration pour enfants afin que les montants accordés ne soient pas ridiculement bas – vingt euros pour certains – vu les charges qu’elle est censée aider à financer.

Plus ponctuellement, j’appelle l’attention du Gouvernement sur la situation de détresse de nombreuses veuves de combattants et veuves de guerre qui vivent dans le dénuement le plus complet avec leur très faible pension de réversion.

Enfin, l’étude des réversions m’a conduit à m’interroger sur les règles de calcul des liquidations de pension. Le salaire annuel moyen est en effet calculé sur des années civiles, ce qui pénalise les assurés ayant des carrières fractionnées entre plusieurs régimes et les travailleurs frontaliers amenés à alterner les contrats de travail entre la France et nos voisins. Il faudrait étudier la possibilité d’avoir un calcul par trimestres et de retenir ainsi les cent meilleurs trimestres d’une carrière. En outre, il est étrange qu’en application d’une circulaire du directeur de la CNAV datant de 1973, l’année de liquidation d’une pension de retraite ne soit pas prise en compte dans les vingt-cinq meilleures années de revenus. Il faut réétudier ces questions dans la perspective de la révision des paramètres des régimes de retraite en 2008. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 affiche de grandes ambitions : rééquilibrer les comptes, préparer l’avenir, renforcer la solidarité. C’est en ces termes, monsieur le ministre, que vous l’avez présenté lors de votre audition par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales le 11 octobre dernier.

Affichant un optimisme surprenant, vous annonciez que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale renforcerait la solidarité à l’égard des jeunes, des personnes âgées et des personnes handicapées, tout en permettant un retour rapide de la branche famille à l’équilibre.

Selon vous, le déficit de la branche devrait diminuer de moitié en 2007, passant de 1,3 milliard à 700 millions d’euros, grâce à des mesures d’économies et à la réforme des mécanismes de financement de l’action sociale.

J’ai du mal à me laisser convaincre par de tels effets d’annonce, qui ont du mal à masquer certaines réalités concrètes défavorables aux familles.

En 2005, le Gouvernement s’était engagé à faire de la question des enfants pauvres sa priorité. Un groupe de travail avait alors été mandaté pour travailler sur le thème « familles, vulnérabilité, pauvreté ». Il était présidé par M. Martin Hirsch et a rendu public un rapport très novateur qui incite à avoir une approche totalement nouvelle pour éradiquer la pauvreté. Cet excellent rapport complétait les travaux du CERC qui, en 2004, évaluait à près de 2 millions le nombre d’enfants vivant dans la précarité économique. Pourtant, contrairement aux engagements du Premier ministre, aucune mesure significative n’a été annoncée.

Au terme de cette législature, je constate une fois de plus, avec regret, que les aides individuelles au logement n’assurent plus une solvabilisation correcte de l’accès au logement, les familles devant consacrer une part croissante de leurs revenus pour se loger.

La dernière revalorisation de l’allocation logement, en septembre 2005, après le retard cumulé des trois années précédentes, est nettement insuffisante pour compenser l’augmentation des loyers.

J’espère qu’une réforme de ces aides personnelles au logement sera possible dans un proche avenir pour mieux prendre en compte les difficultés de logement de l’ensemble des familles, et en particulier celles des jeunes en voie d’insertion professionnelle et des familles recomposées, qui, proportionnellement aux autres familles, supportent des frais de logement supérieurs pour pouvoir accueillir les enfants dont elles n’ont pas la charge à temps plein.

Je réitère également ma demande concernant les aides personnelles au logement inférieures à 24 euros mensuels.

Notre commission a adopté un amendement pour que les prestations logement de faible montant soient versées semestriellement. Il ne sera pas discuté en séance en raison de son irrecevabilité financière, mais je vous demande, monsieur le ministre, de faire un geste en faveur des familles vulnérables et de respecter l’engagement de l’État en ce domaine.

Abordons maintenant les articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Les articles relatifs à la famille s’apparentent un peu à un chèque en blanc : les parlementaires sont invités à se prononcer sur des principes, sans qu’il soit possible de savoir comment ces derniers seront mis en œuvre concrètement.

C’est le cas par exemple de l’article 63 du projet de loi, qui vise à permettre aux parents qui auront recours à des modes de garde expérimentaux de bénéficier de l’allocation dite de complément de libre choix du mode de garde. La définition de ces modes de garde innovants et expérimentaux étant renvoyée au décret, le législateur va donc voter un article sans en connaître réellement le champ d’application.

L’UNIOPSS a d’ailleurs attiré l’attention sur les risques de dérive de ces établissements expérimentaux. Elle préconise qu’ils restent financés, comme tous les autres établissements d’accueil de la petite enfance, par le biais de la prestation de service unique versée par la caisse d’allocations familiales et non par cette prestation qui solvabilise les familles.

Pouvez-vous nous en dire plus sur vos intentions quant aux micro-structures de garde ? S’agit-il essentiellement de permettre à des assistantes maternelles de se regrouper dans un local mis à disposition par la commune ? Si tel est le cas, prévoyez-vous un encadrement de ces professionnelles par les services sociaux de la mairie ou par les services de la PMI ? Ces professionnels seront-ils payés par la collectivité locale ou par les familles ?

Le risque est que ces établissements pratiquent soit des prix très bas mais au détriment de la qualité de l’accueil, soit des tarifs élevés mais au détriment de la mixité sociale et du respect du barème des participations familiales mis en place par la CNAF pour l’ensemble des crèches. Va-t-on vers un système d’accueil de la petite enfance à deux vitesses ?

L’article 65 prévoit pour les parents séparés dont les enfants vivent sous le régime de la garde alternée la possibilité de se partager le droit aux allocations familiales. Il s’agit d’un principe louable, mais dont les conséquences concrètes ne peuvent être évaluées en l’état. Un groupe de travail vient seulement d’être constitué pour étudier la faisabilité d’un tel partage. Il y tout lieu de craindre que l’application de cet article pose des difficultés considérables qui n’auront pu être détectées avant qu’il ne soit voté.

Le dispositif de prêt à taux zéro pour aider à l’insertion professionnelle des jeunes risque également d’être une coquille vide. En effet, l’article 67 du projet de loi sera voté avant même que la Caisse des dépôts et consignations n’ait été en mesure de négocier avec la profession bancaire pour distribuer ce type de prêts de faible montant destinés à une clientèle considérée à risques.

Je tiens par ailleurs à vous faire part de mon incompréhension au sujet de l’article 64, qui reporte d’un mois l’allocation de base de la PAJE. Le signal envoyé aux familles est totalement incompréhensible et incohérent : cette prestation a pour objet de compenser le coût que représente un enfant, et vous proposez qu’elle ne soit plus versée le mois de la naissance de l’enfant, alors même que les familles doivent faire face à des dépenses importantes à ce moment-là. Cela va à l’encontre du bon sens, ce qui a d’ailleurs conduit notre commission à adopter à l’unanimité un amendement de suppression de l’article.

Il s’agit de la deuxième mesure de restriction de la PAJE puisque, l’an dernier, vous aviez déjà privé de son bénéfice les enfants nés avant le 1er janvier 2004. Pourquoi un tel acharnement ? Pourquoi de telles économies de bout de chandelle qui pénaliseront d’abord les allocataires les plus modestes ?

J’aurais aimé me féliciter des amendements relatifs à la branche famille adoptés par la commission et tout particulièrement de celui visant à réformer le congé de paternité, qui aurait pu mettre un terme à une discrimination à l’encontre des familles homoparentales. Il aurait permis aux couples de femmes homosexuelles d’être pleinement reconnues comme porteuses d’un projet parental même si l’enfant n’est biologiquement lié qu’à un seul membre du couple. Malheureusement, cet amendement, comme les autres, n’arrivera pas en discussion.

Je voudrais revenir sur les différents « plans crèches » mis en place depuis 2000, afin d’éclairer notre assemblée. On annonce en effet, de nombreux chiffres sur le nombre de places réellement créées, et ce ne sont d’ailleurs jamais les mêmes.

Je tiens à rappeler que c’est à l’initiative de Mme Ségolène Royal (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), alors ministre déléguée à la famille, que le premier plan en faveur de l’investissement des crèches a été lancé à la fin de 2000, dans le PLFSS de 2001.

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Attention aux jurys populaires ! (Sourires.)

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille. Son succès fut tel qu’il fallut augmenter très rapidement les crédits prévus au fonds d’investissement à la petite enfance. Le deuxième plan intitulé « aide exceptionnelle à l’investissement », l’AEI, fit l’objet d’un avenant à la COG en mai 2002 mais a été conçu en 2001, dans le PLFSS de 2002.

Au total, c’est bien grâce à une ministre socialiste chargée de la famille que 450 millions de crédits ont pu être consacrés aux équipements de la petite enfance, ce qui représente plus de 80 % des places de crèches financées entre 2000 et 2005. Ainsi, sur les 29 506 places financées sur cette période, plus de 26 000 relèvent de la précédente majorité et du gouvernement Jospin. L’actuelle majorité est loin de pouvoir avancer un tel bilan.

Vous vous engagez jusqu’en 2008 sur des places qui ne sont pas financées …

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Comme celles de 2001 !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille. Non ! Le premier plan prévoyait 228 millions d’euros pour le FIPE. Les engagements ont été pris en 2001 mais je vous parle de places réellement financées en 2002, 2003, 2004 et 2005, et il y en aura également en 2006. En 2008, ce sont non pas 72 000 mais 55 000 places qui auront été financées au total, dont plus de la moitié grâce aux plans de la majorité à laquelle j’appartenais à l’époque.

Avant de conclure, j’aimerais aborder la question de la réforme de l’action sociale de la branche famille et faire part de mon inquiétude quant à ses conséquences pour les collectivités locales.

Le Gouvernement n’ayant pas répondu favorablement à la demande du conseil d’administration de la CNAF d’augmenter de 12 % les dépenses d’action sociale afin de satisfaire aux besoins et aux engagements contractuels, la CNAF ne dispose pas des moyens suffisants et se trouve obligée de réduire les financements en faveur des collectivités qui ont déjà bénéficié des crédits d’action sociale. Elle recentre sa politique sur les territoires sous-dotés en équipement.

Pourtant, ces aides financières de la branche famille ont eu des résultats remarquables en termes d’amélioration des services aux familles, par la création de place de crèche et par l’accès à des loisirs de qualité pour la majorité des enfants. Ces crédits ont clairement permis aux familles de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale.

Le nouveau dispositif contractuel de la branche famille intitulé « contrat enfance jeunesse », qui fusionne les dispositifs préexistants du contrat enfance et du contrat temps libre, prévoit un taux de participation unique de 55 %, en forte baisse par rapport aux contrats précédents qui pouvaient aller jusqu’à 70 % du montant des dépenses.

Ce désengagement de la branche famille sera préjudiciable aux collectivités locales, déjà fortement pénalisées par d’autres transferts de charges du fait de l’État.

Mesurez vous les risques d’un tel désengagement de la branche famille ? Je ne donnerai qu’un exemple de la traduction immédiate des nouvelles règles de financement de l’action sociale : la ville de Nantes verra sa subvention au seul titre des activités de loisirs amputée de 300 000 euros pour l’année 2006.

L’offre de modes d’accueil est déjà insuffisante et qu’en sera-t-il demain si les collectivités locales ne sont plus assurées d’un financement pérenne de la part de la branche famille ?

Ce risque est d’autant plus fort que, contrairement à vos prévisions optimistes, monsieur le ministre, la Cour des comptes estime que le dérapage des dépenses d’action sociale de la branche famille sera difficile à maîtriser. La CNAF ne sera-t-elle pas alors contrainte de limiter encore ses interventions ?

En conclusion, j’aimerais souligner la nécessité de revoir les compétences respectives de l’État, des collectivités territoriales et de la branche famille pour l’accueil des jeunes enfants et les activités socio-éducatives de la jeunesse.

Faire dépendre ces équipements de dispositifs extralégaux, qui reposent uniquement sur le libre engagement des collectivités locales, a montré ses limites.

Une seule question se pose : les familles pourront-elles continuer à bénéficier d’équipements et de services de qualité pour accueillir leurs jeunes enfants et les adolescents pourront-ils accéder à des centres de loisirs ouverts à tous ?

Monsieur le ministre, les besoins des familles ne sont pas suffisamment pris en considération qu’il s’agisse du logement, de l’accueil des enfants ou de la lutte contre la précarisation. Il est temps qu’une nouvelle politique familiale soit proposée aux Français !

M. Jean-Pierre Door. C’est la meilleure !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pendant longtemps mes interventions sur le PLFSS ont privilégié l’homme en devenir – l’enfant –, l’homme dont la vie ralentit avant de décliner, l’homme handicapé, l’homme accidenté du travail et, bien sûr, l’homme malade. Je viens d’énumérer les personnes les plus fragiles de notre société. Notre honneur est de les aider, de les protéger, quel que soit notre niveau de responsabilité politique – nationale, bien sûr, mais aussi municipale, départementale, régionale. C’est pourquoi, il est si important que, depuis dix ans, nous discutions du financement de la sécurité sociale dans cet hémicycle. Mais, de grâce, sachons nous démarquer de l’aspect purement comptable pour rester fidèles aux valeurs des fondateurs de la sécurité sociale : solidarité et générosité, des valeurs qui traversent le temps et gagnent progressivement en puissance en France, en Europe et dans le monde.

De ce point de vue, la réforme des retraites en 2003, puis la réforme de l’assurance maladie en 2004, la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et bientôt, la loi pour la protection de l’enfance constituent de grands pas en avant. La réforme de l’assurance maladie porte déjà ses fruits en termes financiers, vous l’avez dit avec force, monsieur le ministre. Mais surtout, elle dessine une amélioration de la qualité des soins dont les prémices se font déjà sentir et qui prendra toute son ampleur lorsque des mesures comme celles relatives au médecin traitant, au dossier médical personnel et beaucoup d’autres seront appliquées.

Dans Sauvons la Sécu, ouvrage écrit il y a quatre ans avec un ami journaliste et un ami médecin, je mettais aussi en avant la nécessité de réfléchir à l’organisation du travail d’une autre catégorie de femmes et d’hommes : les professionnels de santé exerçant dans le secteur public mais aussi en libéral.

Dans un autre livre écrit il y a dix ans, L’hôpital a oublié l’homme, j’évoquais bien des problèmes que le plan hôpital 2007 permet de régler, mais je soulevais déjà la question de l’organisation du travail des professionnels de santé dans les établissements publics de santé, et notamment à l’hôpital. Il est temps en effet de se pencher sur la vie professionnelle de ces femmes et de ces hommes qui prennent en charge notre santé en ville ou à l’hôpital pour que le malade soit traité dans les meilleures conditions. Il faut que ces professionnels soient heureux, et ce n’est pas uniquement le passage du C de 20 à 23 euros ou l’accélération du passage d’un échelon à l’autre qui sont de nature à apporter une vraie réponse.

M. Jean-Marie Le Guen. C’est juste ! Très bien !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Comment mieux intégrer et mieux souder, tous les professionnels concernés, dans l’intérêt du malade en ville et dans les établissements de soins ?

M. Jean-Marie Le Guen. Très bonne question !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. En ville, les schémas traditionnels ne tiennent plus.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Très bien.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Curieusement, le système de santé britannique, tant décrié pendant des années – système étatisé, avec des médecins fonctionnaires mais dont le salaire est néanmoins fixé par capitation ; solitude du médecin, à la disposition de ses patients – c’était vrai au début – 365 jours par an et vingt-quatre heures sur vingt-quatre –, perd aujourd’hui son image négative. Il commence même à apparaître pour certains comme un modèle dans la médecine de ville.

M. Pascal Terrasse. L’avez-vous dit à la CSMF à Cannes ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Les médecins britanniques se sont regroupés ; ils ont obtenu de se voir associer des infirmières, des secrétaires ; la délégation de tâches, comme la surveillance de la tension, le renouvellement de certaines ordonnances, le deuxième pansement sont devenus la règle et tout le monde y trouve son compte.

M. Jean-Marie Le Guen. M. Dubernard brûle ses vaisseaux !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Il y a cinq ans, une étude, le Livre blanc des internes d’Île-de-France – internes qui se destinent pour la plupart à une spécialité – indiquait que 30 % d’entre eux, envisageaient de travailler en cabinet de groupe et 25 % en établissements de soins pluridisciplinaires. Seuls 3,7 % se projetaient dans un exercice en solitaire, surtout des psychiatres et quelques gynécologues.

M. Pascal Terrasse. Quelle lucidité !

M. Jean-Marie Le Guen. Très beau discours !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Les études plus récentes sur la démographie médicale montrent que les futurs médecins généralistes, hommes ou femmes – de plus en plus nombreuses – souhaitent pouvoir aménager leur temps de travail et consacrer un maximum de leur temps libre à leur famille.

Le choix de leur installation se fonde sur le contexte économique démographique en privilégiant les conditions de vie, bien avant le revenu espéré. De plus, l’aménagement du territoire pèse de façon importante dans la décision du lieu d’exercice – travail du conjoint, scolarisation des enfants, etc.

Le désir d’exercer en groupe est devenu prépondérant dans le choix professionnel des jeunes médecins. C’est un élément primordial pour mieux s’organiser, échanger, s’évaluer, se former et surtout, lutter contre le sentiment d’isolement souvent bien réel.

Les maisons de santé, apparaissent comme une réponse possible à ces attentes, notamment en milieu rural.

M. Pascal Terrasse. Absolument.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Il en existe déjà. Combien ?

M. Pascal Terrasse. Il en faut 500.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Personne ne le sait… Peut-être une centaine, environ une par département, toutes différentes. Mais un interlocuteur compétent m’a cité les expériences de Baume-les-Dames, de Besançon dans le Doubs, de Bréhand dans le Morbihan, ce Saint-Amand-en-Puisaye dans la Nièvre, et de Val-de-Reuil dans l’Eure. Une seule semble réunir les acteurs du sanitaire et du social — deux domaines dont la séparation purement artificielle est une erreur que l’on corrige trop lentement. Elle se situe à Pont-d’Ain à une vingtaine de kilomètres de Bourg-en-Bresse. Depuis que j’ai eu l’honneur de l’inaugurer – parce que j’ai été au lycée avec le maire – je ne cesse de la citer en exemple, mais elle est citée aussi dans le rapport Berland sur la démographie médicale.

Dans un même bâtiment cohabitent un groupe médical pluridisciplinaire, une pharmacie à financement privée – celle des professionnels – et un centre social à financement public. Une opération blanche pour les contribuables. La municipalité et le conseil général ont donné le feu vert. Le maire a accepté que le centre social, initialement situé dans la mairie, intègre la nouvelle structure. La commune a financé environ 25 % de la réalisation, mais le loyer que paye le conseil général pour le centre social couvre le remboursement de l’emprunt. Bref, c’est la gestion municipale bien comprise.

Depuis juin dernier, Pont-d’Ain dispose donc, à la satisfaction générale, d’un centre qui regroupe quatre médecins généralistes, deux kinésithérapeutes, trois orthophonistes, un psychologue deux infirmières, deux pharmaciens, une diététicienne, un podologue et un neuropsychiatre à trois quarts de temps, qui sous-loue son cabinet à une association de personnes âgées qui y tient sa permanence deux fois par semaine. Au centre social travaillent trois assistantes sociales, une conseillère économique et sociale, une puéricultrice et un médecin de PMI. La cohabitation de tous ces professionnels facilite les échanges et la résolution de bien des problèmes, pour une population d’environ 10 000 habitants.

L’architecte, le moteur de cette institution, le docteur Pierre de Haas, dit qu’il est un généraliste heureux. Le maire de Pont-d’Ain, André Ferry, se dit ravi d’avoir aidé ce dossier relativement complexe à aboutir, mais regrette que le centre n’assure pas de permanence des soins, un vrai problème qui implique une réflexion complémentaire.

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. C’est en effet un vrai problème aujourd’hui.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Pourquoi citer ce que je crois être un modèle ? Pour rappeler que les expériences de terrain, les expériences d’en bas peuvent effectivement devenir des modèles qui représentent l’avenir ou des formes de l’avenir. Elles devraient pouvoir interférer avec les démarches administratives venues d’en haut. Certaines mesures administratives, on le sait, dévient et sont parfois en inadéquation avec la volonté politique qui les a inspirées. Il ne s’agit pas d’une question d’homme ou de femmes ; il ne s’agit pas de bonne ou de mauvaise volonté. Ce qui est en cause, ce sont les mécanismes d’application des décisions politiques, et leur logique organisationnelle. Il s’agit de questions fonctionnelles sur lesquelles nous devons nous pencher pour faire en sorte que cette adaptation se pérennise. Il en va de l’avenir des réformes que nous proposons, dans ce domaine et bien d’autres, et je crois que nous serons d’accord sur tous les bancs pour faire ce constat.

M. Pascal Terrasse. Absolument. Surtout pour les maisons de santé.

M. Jean-Marie Le Guen. Quelle lucidité !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. À l’hôpital, les ordonnances de mai et septembre 2005 et de nombreux décrets ou mesures, que vous avez fait appliquer avec rapidité, ont apporté une réponse positive à la question de la gouvernance hospitalière, qu’il s’agisse du conseil d’administration et de son recentrage stratégique, du directeur et du conseil exécutif – cette nouvelle instance qui associe mieux les praticiens –, de la commission médicale d’établissement et de ses sous-commissions, dont les attributions, les compétences et les missions sont mieux précisées, comme celles du comité technique d’établissement ou de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médicotechniques.

Mais ce sont les pôles d’activité qui devraient permettre aux professionnels de santé de mener une vie professionnelle heureuse. Leur mise en place s’effectue plus rapidement que prévue et avec souplesse. Enfin, cette idée inspirée des États-Unis, défendue par Claude Évin en 1991 – les départements – puis par Alain Juppé en 1996 – les centres de responsabilité – se concrétise. Ces pôles apparaissent, souvent hétérogènes – ce qui n’est pas choquant car les situations d’un grand ou d’un petit hôpital, d’un hôpital général ou d’un CHU sont très différentes ! La fonction du responsable, assisté par un cadre administratif et un cadre de santé, se précise. Les conseils de pôle représentent bien les différentes catégories de personnel, avec un nombre d’élus qui peut aller jusqu’à trente. La contractualisation – avec son corollaire l’évaluation – devient la règle. L’effort de rapprochement des décisions vers la base est manifeste, même s’il nécessite d’être davantage expliqué, car il manque encore de lisibilité. Cet effort indispensable de communication doit se doubler d’un effort de formation.

Si l’administration hospitalière comprend qu’elle doit enfin moderniser sa gestion, si la réforme de la gouvernance est pleinement appliquée et se traduit par une réduction du nombre des réunions, commissions et comités divers, alors le rapprochement entre le corps médical et le corps gestionnaire des cadres infirmiers se renforcera. Apparaîtra alors une forme d’autorité si nécessaire dans l’application des décisions administratives et médicales, différente de celle des technocrates ou des mandarins que nous critiquons souvent. Cette autorité n’aura qu’un seul objectif : la qualité des soins.

L’information de tous les personnels reste à organiser. La concertation, doit être prioritaire. Se concerter, c’est, selon la définition du Petit Larousse, « s’entendre pour agir ensemble. » C’est ce qui manque dans les services hospitaliers qui fonctionnent mal et c’est ce qui explique le bon fonctionnement de la plupart des services de pointe ; cela va bien au-delà de l’accord avec les principaux syndicats dont je salue la signature la semaine dernière.

La concertation doit être associée à des formes d'intéressement. Je sais que vous êtes sensibilisé, monsieur le ministre, à cette question et que des réflexions sont en cours. S’il existe déjà certaines formes d’intéressement, c’est vers des primes aux équipes, voire aux personnes, qu’il faut s’orienter aujourd’hui.

Concertation et intéressement sont les deux paramètres définissant la participation qui doit s’implanter dans la fonction publique. Nous avons, avec Patrick Ollier, exprimé, lors d’un débat récent, notre volonté qu’on aille plus loin dans cette direction. En ville comme à l'hôpital, la réflexion, l'expérimentation, l’action doivent porter sur la dimension humaine de l'organisation de l'association de tous les professionnels de santé au fonctionnement de la structure dans laquelle ils travaillent, pour le plus grand bénéfice du malade. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.– M. Jean-Marie Le Guen applaudit également.)

M. Jean-Marie Le Guen. Bravo Dubernard !

M. Pascal Terrasse. Quelle audace !

M. Jean-Luc Préel. Quel talent !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, deux réformes auront marqué cette législature : celle des retraites et celle de l'assurance maladie. Leur mérite aura été de rester fidèle à l'idéal de solidarité qui est la marque de notre modèle social, que ce soit pour faire face à la maladie, à la vieillesse, au chômage ou pour aider les familles à assumer leur responsabilité parentale.

Nous pouvons être fiers d'avoir eu le courage, que d'autres, aveuglés par les intérêts électoraux, n'ont jamais eu, d’engager les Français dans la rénovation d'un système de solidarité, impuissant jusqu’ici à faire face au défi du vieillissement et à l'explosion du progrès médical pour tous. Grâce à la pédagogie de la réforme, les esprits ont évolué et ils sauront accompagner les adaptations exigées par la nécessité de sauvegarder cette solidarité sans la mettre par la dette à la seule charge des générations futures.

La faiblesse de ces réformes est leur caractère progressif : s’il laisse le temps de la pédagogie, il nous permet aussi de continuer à nous accommoder des déficits et du recours à l'endettement pour éviter de brusquer des Français encore trop souvent persuadés qu'un modèle comme le nôtre a vocation à être universel, donc quasi immuable, alors qu'il sécrète de plus en plus d'inégalités et trop d'exclusions. Il est vrai que cela ne semble pas contrarier les conservateurs de tout poil, qui, aujourd'hui comme hier, rechignent à rénover notre système de solidarité, alors que c’est la condition de sa pérennisation. L'assurance maladie a engagé une évolution salutaire fondée sur le changement des comportements de chacun des acteurs de la chaîne de soins, y compris les assurés. Tous doivent prendre une plus grande conscience de leur responsabilité propre afin d'optimiser l'utilisation des moyens mobilisés au service de la solidarité. Cette évolution positive sera renforcée à l'avenir par l'implication de l'assurance maladie dans la gestion du risque ; elle cessera ainsi d’être un guichet ouvert aux abus de consommation pour devenir enfin un acheteur de soins avisé. De plus l’importance croissante du rôle de la Haute autorité de santé garantira aux assurés la qualité et les préservera de l'inefficience.

La question du financement propre à assurer durablement l’équilibre reste cependant posée et devra être tranchée bientôt. Mais il ne s’agit pas de faire croire aux Français, comme ce fut le cas lors d'un débat récent, qu’il suffira de régler les problèmes de démographie médicale par des installations obligatoires, ou ceux de l'accès aux soins pour que l'ensemble des problèmes liés à la santé et à son financement soit réglé comme par magie !

Les progrès permis par notre réforme n’ont cependant pas, à mon sens, mis fin à l’insuffisance structurelle de financement de notre système de solidarité, et son traitement sera à l'évidence le chantier prioritaire de la prochaine législature. Selon les hypothèses de chômage retenues, le financement de nos retraites durant la montée en charge de la réforme de 2003, qui ne s’achèvera qu'en 2020, coûtera entre 3 et 5 milliards d’euros par an à l'horizon 2010. Même une baisse continue du chômage ne suffirait pas à faire basculer de 0,2 point la cotisation UNEDIC avant 2011, date retenue pour son désendettement.

De plus, la remise à plat du financement du FFIPSA devra se faire en même temps que celle des régimes spéciaux, dans un souci d’équité envers les agriculteurs et en tenant compte du poids d’une démographie pénalisante

Oui, mes chers collègues, c’est bien la question du financement qui doit devenir centrale, si on veut mettre un terme à la recherche désespérée, année après année, de recettes nouvelles, voire d’expédients propres à atténuer l'impact des déficits. À défaut, le financement par la dette continuera d’être le signe de notre irresponsabilité collective au détriment de nos enfants. Nous ne pouvons moralement plus nous soustraire au devoir de trancher entre les diverses possibilités de répartition de cette charge entre les contribuables, les actifs, les revenus du patrimoine et les entreprises, sans pénaliser la compétitivité ni l'emploi.

Concernant les dépenses entrant dans le champ de l'ONDAM, il faut saluer la modération de la progression des soins de ville, qui n’a porté atteinte ni à l'accès aux soins ni à leur qualité, bien au contraire. Grâce au soutien actif des professionnels de santé, nous sommes entrés dans le cercle vertueux de la dépense maîtrisée, celle qui, sans nuire à la santé des assurés, rend financièrement supportable le progrès médical et l’explosion des besoins liés au vieillissement de la population. S'agissant d'une maîtrise médicalisée, c'est bien le respect des engagements conventionnels de chacun des acteurs sur chacun des objectifs de santé publique qui doit être pris en compte. Nous sommes nombreux à souhaiter la revalorisation du rôle du généraliste. La convention l’a liée au respect des objectifs de maîtrise médicalisée. Or en raisonnant prorata temporis au vu des résultats obtenus à la fin du mois d’août, il manque encore 80 millions d’euros d’améliorations à réaliser, soit à peu près un tiers du coût en année pleine de la revalorisation d’un euro de la consultation.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Mais non !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. C’est le fruit de mes calculs, monsieur le ministre, mais je me trompe peut-être !

Nous souhaitons, messieurs les ministres, que les engagements soient respectés par tous : oui à la revalorisation des honoraires, mais à la condition que tous les objectifs de maîtrise médicalisée soient respectés.

C'est le même esprit contractuel qui doit présider à la politique du médicament. Aucun responsable ne peut s'opposer à un bon usage du médicament et prétendre que dépenser mieux dans ce domaine mettrait en danger notre système de santé. Notre politique volontariste visant à mettre fin à l'exception française de surconsommation médicamenteuse et de sous-consommation de génériques, résultant d'habitudes de prescription essentiellement hexagonales, est légitime. Il permettra en effet de financer, au profit de tous les malades, des innovations de plus en plus coûteuses, qui doivent être protégées par notre droit des brevets. Dans cet esprit, le respect par l'ensemble des acteurs de la chaîne du médicament de leurs engagements conventionnels devrait conduire à la suppression des taxes qui ne seraient pas prévues dans un cadre conventionnel.

La France n'a pas à avoir honte de mener une politique du médicament rationnelle, même si elle se traduit par un ralentissement de la croissance des ventes dans ce secteur. Au demeurant ce ralentissement n’est pas un phénomène spécifiquement hexagonal, mais mondial : je rappelle que la croissance du chiffre d’affaire de l’industrie américaine du médicament est passée en six ans de plus de 16 % à un peu moins de 5 %.

Le secteur de l'hôpital conserve des potentiels de modernisation et d'optimisation considérables, mais qui me semblent insuffisamment mobilisés. Il ne s'agit en aucune manière d'affaiblir l'hôpital public, mais de le mettre en mouvement pour l’adapter à une organisation territoriale plus équilibrée, aux aspirations des usagers en matière de qualité et d'accueil, à l'évolution des modes de prise en charge des patients, auxquels l'hospitalisation privée semble plus attentive, et pour relever le défi du progrès médical et du nécessaire travail en réseau qui suppose davantage de décloisonnement et de partenariat.

Mais ce mouvement reste encore peu visible, et je regrette que l'hôpital public ne se fasse entendre que pour réclamer toujours plus de moyens, sans jamais accepter de débattre de ce qui freine la modernisation.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Pourtant, les réflexions que mène la Fédération hospitalière de France…

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Parce qu’elle réfléchit ?

M. Yves Bur, rapporteur pour avis.… témoignent que la solution est à chercher ailleurs que dans la fuite en avant des moyens supplémentaires, notamment dans le choix d’une stratégie de groupe à l'échelon régional en lieu et place d'une vision défensive de l’établissement isolé.

Je regrette l'impréparation qui a présidé à la mise en œuvre de la tarification à l’activité, la T2A.

M. Pascal Terrasse. Absolument !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Il semble qu’on l’ait réduit au rôle d’un système de facturation en perdant de vue qu'elle doit être un outil au service d'une meilleure performance de l’ONDAM hospitalier, induisant des redistributions et des réorganisations, qu’elles soient internes aux établissements ou externes, dans le cadre des schémas régionaux d’organisation sanitaire, les SROS, sans que globalement cela impacte l’emploi hospitalier.

M. Pascal Terrasse. Quelle lucidité !

M. Yves Bur, rapporteur pour. Je vous le dis comme je le pense, messieurs les ministres : j'ai le sentiment que l'on continue d’acheter la paix sociale à coups de centaines de millions d'euros en prenant soin de ne bousculer aucun des conservatismes qui affaiblissent l'hôpital public, au nom d'une conception désuète du service public.

Comment expliquer autrement que les dépenses de personnel représentent 70 % des 3,5 % d’augmentation de l’ONDAM hospitalier, alors que dans le même temps le projet de loi de finances, dont nous venons de voter la première partie, ne prévoit qu'une augmentation de 0,8 % des crédits consacrés à la fonction publique d’État. Les personnels représentaient en 2004 804 551 en équivalents temps plein contre 731 438 en 2001 : on ne peut pas dire que l’hôpital manque de moyens !

Les travaux de notre commission des finances ont débouché sur l'adoption de 26 amendements. Elle veut, par ces propositions, renforcer l'équité des contributions sociales et limiter les pertes de recettes induites par la multiplication des niches sociales qui créent des évasions d'assiette. Nous avons aussi souhaité renforcer les actions de bon usage du médicament et faciliter la gestion des flux de feuilles de soins en faisant de la télétransmission de ces dernières la règle pour tous les praticiens conventionnés : c'est une facilité pour l'assuré et une économie pour les caisses primaires.

Je terminerai mon propos en évoquant les relations financières entre l'État et la sécurité sociale, qui font l’objet d’un débat récurrent. L'État joue le jeu de la transparence, puisqu’il compense intégralement, au bénéfice de la sécurité sociale, les nouveaux allégements de charges sociales, et même au-delà quand il y a, comme cette année, un surplus fiscal au bénéfice de la sécurité sociale ou quand il compense aussi les cotisations pour la part non recouvrée par les URSSAF. Il faut donc arrêter de dire que les déficits de la sécurité sociale sont dus aux dettes de l'État vis-à-vis de la sécurité sociale et de réclamer sans cesse à un État lui-même en déficit de contribuer davantage à la sécurité sociale.

Mme Muguette Jacquaint. Et les cinq milliards de dettes ?

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. En 2007 le budget de l'État participera pour 49 milliards d'euros au financement de la sécurité sociale, ce qui représente plus de 12 % de ses ressources. Les dettes de l'État envers la sécurité sociale, qui s’élèvent, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, à 5 milliards d'euros, ne pèsent qu'en trésorerie et l'État a décidé de payer les frais financiers afférents…

Mme Jacqueline Fraysse et Mme Muguette Jacquaint. Encore heureux !

M. Jean-Marie Le Guen. Il était temps !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. …même si leur montant fait encore débat. Mais ces cinq milliards d’euros ne réduiront pas d’un euro le déficit de la sécurité sociale !

En fait, ces relations financières sont assez équilibrées. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pascal Terrasse. Les Échos de ce matin font dire le contraire à M. Bas !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Il est donc souhaitable de dépassionner ce débat et d'arrêter ces vaines querelles, monsieur Terrasse, pour se concentrer sur l'essentiel : consolider une meilleure maîtrise des dépenses sociales, et, à partir d'un diagnostic partagé, apurer définitivement le passé sur la base d'un contrat de confiance réciproque. Un tel contrat ne pourra voir le jour qu’une fois que le débat sur les finances sociales aura été mené jusqu’à son terme et qu’une solution aura été trouvée pour remédier à la crise que connaissent actuellement le fonds de solidarité vieillesse, FSV, et le FFIPSA, sans issue en l'état des finances publiques et sociales : leur déficit cumulé devrait atteindre 12 milliards d'euros fin 2006, et 22 milliards d'euros d'ici 2010 si rien n'est fait.

Le recours au déficit de l'État ne peut rester la seule réponse au besoin de financement de notre protection sociale. Ayons le courage, après les échéances démocratiques, d'aborder ce débat afin de consolider durablement notre système de solidarité, clé de voûte d'un modèle social rénové. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pascal Terrasse. Il y a des vérités dans cette intervention !


Exception d’irrecevabilité

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d’irrecevabilité, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est en effet irrecevable – moins, à vrai dire, par ce qu’il contient que par ce qu’il ne contient pas.

Il présente trois défauts majeurs. Tout d’abord, il est incapable de redresser nos comptes sociaux. Ensuite, il ne respecte pas les engagements légaux – voire moraux – de l’État envers la sécurité sociale. Enfin, il présente, notamment à propos de l’assurance maladie, des prévisions qui nous semblent peu fiables.

Si donc je ne parvenais pas à vous convaincre immédiatement de voter cette motion d’irrecevabilité, il nous faudra saisir le Conseil constitutionnel. En outre, si des amendements fragiles du point de vue constitutionnel venaient à être présentés au cours de la discussion de ce texte, le Conseil constitutionnel serait, à son tour, amené à s’en saisir. Sans préjuger des interventions de certains de mes collègues, je tiens donc à ce que nous ayons tous cette donnée présente à l’esprit.

Ce qui ne figure pas dans ce projet de loi, c’est la sauvegarde de nos finances sociales, car ce texte sans ambition ne contient aucune mesure structurelle de nature à relever les défis auxquels nous sommes confrontés. Ce gouvernement demeure passif, essentiellement soucieux de masquer l’échec des réformes qu’il a engagées au cours de cette mandature et d’escamoter un bilan que nous jugeons catastrophique. Il ne faut donc pas s’étonner que le texte qui nous est soumis ne comporte que des mesurettes conjoncturelles et que la majorité, en la personne notamment du rapporteur pour l’équilibre général, M. Fagniez, essaie d’y inclure des dispositions qui s’apparentent plus à des mesures électoralistes qu’à une politique de santé.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Électoraliste, M. Fagniez ? Allons donc ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. Malgré la croissance et la réussite économique de ce gouvernement, que vous ne cessez de célébrer,…

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Et qui vous gênent, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. …malgré le mouvement considérable de l’emploi que vous voyez poindre enfin dans la cinquième année de votre mandat – car votre politique économique produirait, dites-vous, des résultats –, vous présentez, pour la cinquième fois, des comptes sociaux accusant un déficit de 10 milliards d’euros supplémentaires. On pourrait, à force, s’habituer à ces chiffres, ou même s’en lasser, mais il s’agit tout de même de montants considérables !

Votre politique est celle du sapeur Camember : votre présentation budgétaire revient à creuser un trou pour pouvoir en combler un autre.

Je citerai, à cet égard, quelques chiffres et quelques évidences. Si, par exemple, vous relativisez virtuellement et visuellement le déficit de l’assurance maladie par les financements d’État qui viennent abonder les recettes – financements que vous n’aviez d’ailleurs pas trouvés lors des arbitrages budgétaires avec Bercy – c’est au détriment du FIPSA et du FSV, que l’État laisse s’enfoncer dans les déficits. Ces tours de passe-passe ne sauraient, bien entendu, changer une réalité que décrivent tous les observateurs : nous aurons besoin de 27 milliards d’euros à la fin de 2007 pour refinancer notre sécurité sociale. C’est le résultat de votre impéritie : régime par régime, caisse par caisse, risque par risque, tous les comptes sont pratiquement déficitaires.

La deuxième raison de notre insatisfaction et de notre intention de saisir le Conseil constitutionnel, déjà soulignée par plusieurs intervenants, est que, même si M. Bur vient de le nier en se réclamant de la politique générale, l’État se défausse de son déficit sur la sécurité sociale. Comme l’ont constaté la Cour des comptes et la Commission des comptes, ce sont déjà 6,5 milliards d’euros qui manquent en 2006, et ce chiffre sera encore de l’ordre de 5 milliards en 2007.

À ceux qui pourraient penser que mon jugement est sévère, je citerai les travaux de nos collègues du Sénat. Ainsi, le président de la commission des affaires sociales, M. About, et le rapporteur, M. Vasselle, font part de leurs interrogations et de leurs critiques après la présentation du projet de budget de la sécurité sociale pour 2007.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Ils ont raison.

M. Jean-Marie Le Guen. Ils continuent de s’interroger sur les comptes sociaux de 2007 et notent que cette évolution globalement positive repose toutefois sur des projections macroéconomiques optimistes et cache une nouvelle dégradation des résultats de l’assurance vieillesse, dont le déficit progressera de plus d’un milliard d’euros, pour atteindre 3,5 milliards en 2007. Ils jugent que le projet de loi n’apporte aucune réponse sérieuse au problème des obligations de l’État envers les organismes de sécurité sociale, que ceux-ci ne bénéficient d’aucune subvention du ministère des finances pour combler les déficits structurels – il est ici question, bien entendu, du fonds de solidarité vieillesse, le FSV –, et reprochent au ministère des finances et à l’ensemble du Gouvernement de n’avoir fait aucun geste dans le sens d’un apurement au moins partiel des créances détenues par les organismes de sécurité sociale sur l’État – qui s’élèvent, comme je le rappelais tout à l’heure, à un montant de l’ordre de 7 milliards d’euros. Pour eux, il est inadmissible que l’État améliore la présentation de ses comptes en leur réservant tout le bénéfice de l’amélioration des rentrées fiscales et en se défaussant de ses obligations à l’égard de la sécurité sociale. Ils soulignent enfin que les finances sociales ne peuvent constituer la variable d’ajustement du budget de l’État. Je ne saurais mieux dire, car je souscris, pleinement à ce diagnostic et à cette évidence. Tel est donc, selon moi, le deuxième point, qui est extrêmement grave : l’incapacité de ce projet de loi – et, plus globalement, de l’action du Gouvernement – à défendre les intérêts de la sécurité sociale face à l’État.

Le troisième point concerne la fiabilité des prévisions annoncées, sur lequel nous sommes nombreux à nous interroger. Je porterai cependant à cet égard le jugement le plus mesuré possible, car si je pense, comme la plupart des commentateurs, que les prévisions de croissance et de progression de la masse salariale sont très optimistes, je considère aussi qu’il existe – du moins peut-on l’espérer – de véritables marges de manœuvre permettant une progression et qu’il n’est pas impossible que la France finisse un jour par bénéficier, au moins pour partie, de la croissance mondiale et européenne.

Pour ce qui est des dépenses, en revanche, l’optimisme semble malheureusement exagéré et risque de faire oublier les précautions qui s’imposent en la matière. Je ne me fais pas tant l’écho, monsieur le ministre, des nombreuses critiques provenant de votre propre majorité quant à votre capacité de tenir vos objectifs politiques et le chiffre de l’ONDAM de ville que vous aviez prévu, que des interrogations importantes relatives à l’hôpital et, plus généralement, aux résultats de la maîtrise.

Ces résultats, auxquels votre politique consacre une grande attention, sont très partiels : ils concernent pour l’essentiel les indemnités journalières, qui sont certes un élément important du problème, mais dont les marges de progression finiront bien par s’essouffler un jour. N’est-ce pas, d’ailleurs, déjà arrivé, si l’on en juge par les chiffres d’août et septembre ? Je me garderai toutefois d’extrapoler ces mauvais résultats, tout comme je me suis abstenu d’amplifier avec exubérance les bons résultats obtenus précédemment. Toujours est-il que la situation actuelle illustre à quel point les acquis restent fragiles et très limités.

Je regrette la baisse des crédits affectés à l’innovation, et notamment aux réseaux de soins, qui diminuent de 20 % pour des raisons purement administratives. J’espère cependant encore que nous ne verrons pas se retourner la conjoncture dont nous avons vu les prémices. En effet, certains facteurs structurels vont dans le sens de la maîtrise, comme le passage de nombreuses molécules du statut de « princeps » à celui de générique. Je note au passage que les génériques sont de mieux en mieux acceptés par la population française.

Mais ces éléments ne peuvent masquer le bilan de cinq années dévastatrices pour les finances sociales. Beaucoup de temps a été perdu pour la modernisation de notre système de protection sociale et nous avons connu un grand recul de l’égalité et de la protection sociales. Cela se vérifie dans tous les domaines : maladie, vieillesse, famille, comme dans les perspectives d’avenir dessinées dans ce projet de loi – car c’est un des mérites de celui-ci que de présenter des orientations structurelles.

Rappelons en un mot l’avenir de notre système de protection sociale au-delà de 2007. Le poids de la dette a été très lourdement aggravé : la CADES, à qui avait été transférée une charge de 35 milliards d’euros lors de la réforme de 2004, supporte aujourd’hui une dette de plus de 98 milliards d’euros. En outre, selon les prévisions de la Cour des comptes, ce sont encore 39 milliards d’euros qui s’ajouteront à la dette sociale d’ici 2009, sans compter la dette spécifique du FIPSA.

Cet accroissement est évidemment lié au déficit de l’assurance vieillesse, qui croît plus vite que prévu, et aux retards – pour ne pas employer un autre terme – du retour à l’équilibre de l’assurance maladie. En effet, monsieur le ministre, la loi de 2004 promettait, grâce notamment à l’arrivée magique du DMP, un retour à l’équilibre pour 2007. Aujourd’hui, malgré les manipulations comptables que j’ai déjà évoquées, vous n’avez bien évidemment pas les moyens d’atteindre cet objectif et promettez un retour à l’équilibre pour 2009. Or en 2009, selon les prévisions que vous avez vous-même annexées à votre projet de loi, le déficit sera toujours de 3,5 milliards d’euros, malgré les éléments de conjoncture particulièrement optimistes que vous avez retenus – chiffres volontaristes, mais à dire vrai peu crédibles : une croissance de 2,5 % continue jusqu’à 2009, une croissance de la masse salariale de 4,4 % et une maîtrise des dépenses limitant à 2,2 % la croissance annuelle des dépenses.

Avec une telle dette et de telles prévisions, il est temps de reconnaître que le chemin sur lequel est aujourd’hui engagé notre système de protection sociale illustre l’échec des réformes conduites pendant cette mandature.

Pour ce qui est, tout d’abord, des retraites, malgré l’autosatisfaction largement affichée, par M. Fillon notamment, quant à la capacité qu’aurait eue le Gouvernement d’engager des transformations structurelles fondamentales, le déficit enfle de plus en plus vite. Comme le soulignait tout à l’heure M. le ministre, cet élément fondamental que devrait être la confiance des Français, et notamment des salariés, envers cette réforme fait pratiquement défaut. On ne recourt guère au système de bonus et de malus, de surcote et de décote mis en place par la réforme, mais les Français se hâtent de valider leurs droits, redoutant qu’après les modifications qui interviendront en 2008, le mode de calcul soit moins favorable qu’aujourd’hui.

La troisième dimension fondamentale de l’échec de la réforme des retraites est l’affaiblissement considérable – sinon même l’abandon – du fonds de réserve des retraites, qui ne bénéficie pas des efforts financiers qu’avait programmés le gouvernement de Lionel Jospin afin de constituer la réserve de 40 milliards permettant d’assurer l’avenir du régime de retraites par répartition.

Cet avenir est donc sacrifié. Chacun a bien compris aujourd’hui qu’il faudra reprendre complètement le dossier des retraites. Vous savez, à cet égard, que nous ne souhaitons pas une loi aussi brutale et inéquitable que celle que vous avez mise en œuvre en 2003 : l’État doit assumer ses responsabilités dans le financement du fonds de réserve des retraites, et il faut inciter les partenaires sociaux à négocier véritablement une réforme des retraites qui prenne en compte les problèmes de la pénibilité, des petites pensions et des carrières discontinues.

J’en viens à la politique de la famille. Même si son évolution s’inscrit, pour l’essentiel, dans la continuité de celles menées précédemment, Mme Clergeau en a bien signalé toutes les insuffisances et les incertitudes. Et si on la rapporte à votre politique fiscale, on peut constater que ce sont les familles les plus riches qui ont le plus profité de votre politique familiale.

Avant de revenir sur la situation de notre système de santé, je souhaite aborder certains points qui continuent d’inquiéter à juste titre nombre de nos compatriotes. En premier lieu, j’observe que si certains peuvent prendre à la légère le déficit du régime agricole, il faudra bien, un jour, le combler. En attendant, ce déficit pèse lourdement sur les finances de la Mutualité sociale agricole et décrédibilise le système des prestations. Aussi serait-il intéressant de connaître la philosophie du Gouvernement et de la majorité, afin de savoir qui paiera les dettes du FFIPSA. L’État prendra-t-il ses responsabilités ou, comme on le sent poindre, demandera-t-on aux régimes sociaux, et notamment à la caisse nationale d’assurance maladie et au régime des travailleurs salariés, de reprendre à leur compte ce déficit au nom d’une prétendue péréquation, d’une prétendue solidarité professionnelle ? Ces questions de principe, au-delà de simples questions financières, sont trop importantes pour n’être pas traitées. Nous devons savoir où se situent les mécanismes de solidarité.

Le deuxième point sur lequel je souhaite attirer l’attention est la branche AT-MP. Ici encore, nous sommes choqués d’entendre dire que cette branche serait équilibrée au point d’envisager, en 2007, une réduction des cotisations patronales. Nous estimons que dans notre pays, confronté au drame humain, social et financier de l’amiante, la solidarité nationale doit jouer largement pour que plus personne ne soit laissé à l’abandon, comme cela a été le cas, et pour qu’en cas de besoin l’on puisse bénéficier d’un minimum de solidarité et de la reconnaissance de ses droits. Il serait en effet parfaitement immoral que les cotisations de la branche AT-MP diminuent, surtout quand on sait que les maladies professionnelles ne sont pas suffisamment déclarées et donc prises en compte, et que, de ce fait s’opère un transfert massif des dépenses de la branche AT-MP vers les branches de la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés. Aussi nous demandons-vous de refuser la baisse des cotisations patronales.

Enfin, dernier point important, en ce qui concerne l’évolution du secteur médico-social, je ne reprendrai pas tous nos désaccords sur ce fiasco que constitue votre initiative à propos du lundi de Pentecôte. Néanmoins, alors que vous multipliez les déclarations sur votre volonté de prendre en compte le problème de la dépendance, celui du vieillissement de notre société,…

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Bien sûr, que nous avons cette volonté !

M. Jean-Marie Le Guen. …nous ne pouvons que constater le grand décalage entre vos promesses et les moyens que vous proposez. La progression de ces derniers est inférieure à celle de l’année dernière.

J’en viens maintenant à notre système de soins. Si, comme l’a dit le président Dubernard, il est nécessaire de parler des questions financières, il est tout aussi important de savoir comment l’argent est utilisé et de savoir ce que devient notre système de santé. Je ne traiterai pas des questions touchant à la santé publique, qu’il s’agisse de l’insuffisance de notre politique en matière de nutrition, des reculs dans la lutte contre l’alcoolisme, des carences de la politique de santé au travail – j’en ai déjà parlé –, et des hésitations concernant la mise en œuvre d’une politique anti-tabagique. Je n’aborderai pas non plus – le temps m’est compté – le fait que vous n’accordiez pas la priorité à la médecine scolaire, comme en témoigne la récente manifestation des médecins des écoles.

Certes, monsieur le ministre, vous avancez une idée intéressante : la consultation pour les personnes âgées de plus de soixante-dix ans. Cette mesure nous paraît toutefois largement insuffisante par rapport à l’ampleur des problèmes de santé chez les personnes âgées. Je n’oublie pas non plus, par ailleurs, la question dramatique de la santé dans les prisons, que nous rappelle l’actualité récente. Si l’on ne peut imputer au Gouvernement de plus lourdes responsabilités qu’à ses prédécesseurs, il n’en reste pas moins, objectivement, très en deçà de ce qu’il doit réaliser. Enfin, c’est évident, je ne porterai pas le même jugement que le Gouvernement sur l’AME – nos divergences sont connues.

D’une manière plus générale, je tiens à souligner l’absence, pendant cinq ans, d’une grande politique de santé mentale. Nous avons en effet passé notre temps à discuter du fameux amendement Accoyer…

M. Claude Évin. C’était un leurre !

M. Jean-Marie Le Guen. …qui, monsieur le ministre, doit vous occuper encore aujourd’hui. Nous sommes donc vraiment passés à côté, nous le constatons tous les jours, des sujets essentiels.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ah oui ?

M. Jean-Marie Le Guen. Nous le verrons à nouveau, peut-être, à l’occasion de l’examen du projet de loi de prévention de la délinquance, à supposer que vous participiez à sa discussion. Si c’est le cas, j’imagine que vous aurez votre mot à dire pour défendre les principes d’une politique de santé publique mis à mal, précisément, par ce projet de loi.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Vous allez être surpris !

M. Jean-Marie Le Guen. À l’évidence, là encore, nous passons à côté de la définition d’une politique de santé mentale certes complexe, difficile à mettre en œuvre, mais qu’il est nécessaire de développer en France.

J’en viens à notre inquiétude au sujet des difficultés croissantes d’accès aux soins. Depuis quelques mois, on observe une nette dégradation de la situation, qui n’est certes pas liée uniquement à la réforme de l’assurance maladie, mais aussi à des évolutions structurelles. Tous les élus, monsieur le ministre, vous diront leur inquiétude sur l’avenir de l’accès aux soins primaires, ainsi qu’à certaines spécialités. Ce phénomène ne concerne pas que les campagnes mais également les villes, les banlieues où l’accès aux soins primaires et aux soins spécialisés devient physiquement difficile. De plus, la permanence des soins n’est pas toujours assurée. On ne peut non plus négliger la généralisation des dépassements tarifaires que j’ai déjà eu l’occasion de dénoncer.

M. Pascal Terrasse. C’est exact, et c’est très grave !

M. Jean-Marie Le Guen. Par ailleurs, nous avions perçu, sans en mesurer sans doute l’ampleur, la discrimination dont sont victimes les titulaires de la CMU et de l’AME. Monsieur le ministre, vous l’avez déplorée, le Conseil de l’ordre des médecins en a parlé, mais je pense qu’il est temps pour nous tous de hausser le ton. Il est politiquement, socialement, moralement inacceptable de songer que des médecins généralistes ou des médecins spécialistes n’accueillent pas dans les mêmes conditions les titulaires de la CMU ou de l’AME et les autres patients. Il convient d’agir avec fermeté contre cette discrimination inqualifiable.

En ce qui concerne l’aide à la mutualisation, vous nous proposez d’élargir la base, sauf que ceux qui sont déjà à la base ne cotisent à aucune mutuelle. Ce qui m’amène à évoquer quelques points fondamentaux, en partie abordés par le professeur Dubernard.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Pas « professeur » mais « président » Dubernard ! L’immense président Dubernard !

M. Jean-Marie Le Guen. Soit : l’immense président Dubernard ! (Sourires.)

Je souhaite dire quelques mots sur l’amendement de notre collègue Fagniez, visant à relever de 300 millions d’euros l’ONDAM de soins de ville. Tous ici, nous avons été démarchés – et le mot est faible.

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. L’augmentation n’est pas de 300 millions d’euros mais de 200 millions !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez bien raison d’insister parce qu’il s’agit vraiment d’une discussion de marchands de tapis.

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Pas du tout ! C’est vous qui êtes brouillé avec les comptes !

M. Jean-Marie Le Guen. Et vous avez raison d’insister sur les nuances que je dois respecter car, mon cher collègue, nous avons tous été interpellés très crûment par des organisations syndicales de médecins sur la nécessité d’augmenter l’ONDAM de soins de ville.

Sans parler des prévisions, évoquons seulement votre démarche. La manière dont vous avez rédigé l’exposé sommaire de votre amendement est tout de même extraordinaire : quand je constate qu’il s’agit de donner plus d’argent aux infirmières, mon cœur est bouleversé, quand il s’agit de favoriser l’hospitalisation à domicile, alors là, je suis transporté ! Mon cher collègue, il vaudrait mieux appeler un chat un chat : si la majorité a l’intention de satisfaire les exigences clientélistes d’une organisation syndicale, qu’elle l’assume clairement ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Vous savez bien que c’est faux, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. Or, comme le disait fort justement Jean-Michel Dubernard, votre amendement ne résoudra pas le malaise des médecins ni celui des assurés qui n’ont plus accès aux soins primaires.

Nous devons donc travailler ensemble avec pour but, à partir de points de vue différents, de nous retrouver sur les grandes lignes d’une profonde réforme de l’exercice de la médecine. Nous devons réfléchir au regroupement, aux conditions dans lesquelles les médecins peuvent faire face aux exigences sociales et administratives, enfin, à leur formation. Il faut aussi en finir avec l’idée que le paiement à l’acte serait le seul mode de rémunération possible, avec tous ses effets négatifs.

M. Pascal Terrasse. Absolument ! Très bien !

M. Jean-Marie Le Guen. J’en viens au secteur conventionnel optionnel pour les chirurgiens. Monsieur le ministre, je ne crois pas que vous pourrez mener à bien une négociation sur le sujet, même si vous deviez aller à Canossa en autorisant tous les médecins à faire partie du secteur II. Mais je ne vous prête pas cette intention, et je persiste à penser que vouloir instituer un secteur conventionnel optionnel est une erreur considérable.

On sait les difficultés que connaît la profession de chirurgien, notamment en matière d’assurance, et le manque d’attrait qui en résulte pour cette profession. On sait aussi le développement des phénomènes de iatrogénie. En outre, si la Haute autorité en avait eu le temps, elle se serait penchée sur le « surinterventionnisme » chirurgical pratiqué en certains lieux, tandis qu’ailleurs on émettra une réserve de bon aloi sur la nécessité d’une intervention chirurgicale pour privilégier des actes cliniques. Le paiement à l’acte accentue donc sans doute cette dérive parce que la nomenclature n’a pas été suffisamment rééquilibrée entre les actes techniques et les actes cliniques.

Si ces questions ne sont pas examinées, la fuite en avant se poursuivra puisque plus les chirurgiens opéreront, plus ils disposeront d’un haut niveau de revenus, ce dont il n’y a pas lieu de se satisfaire ni pour des raisons de santé publique ni pour les chirurgiens eux-mêmes. Or, si jamais nous devions continuer dans cette voie, nous entrerions dans un système où le prix de l’assurance complémentaire serait tel – il faudrait prendre en charge le secteur optionnel –, que nous nous retrouverions confrontés à des difficultés considérables en termes d’accès à la couverture complémentaire pour les plus jeunes et pour les plus défavorisés, problème que vous ne parvenez d’ailleurs hélas pas à régler, mais il est vrai qu’il est difficile à résoudre.

Nous serions donc dans une situation où la sécurité sociale serait amenée à réintervenir massivement pour l’aide à la couverture complémentaire. Cela coûterait énormément d’argent, mais, si elle ne le faisait pas, l’accès aux soins, et en l’occurrence aux actes chirurgicaux, deviendrait hautement problématique.

J’aurais voulu aborder aussi les problèmes de financement que connaît l’hôpital public…

M. Pascal Terrasse. Nous y reviendrons !

M. Jean-Marie Le Guen. …mais je m’en tiens pour l’instant à la question stratégique de la médecine générale et de la chirurgie. Je ne sous-estime aucune des autres formes d’exercice médical, mais force est de constater que nous sommes là au cœur de l’appareil de production de soins et de la question de l’égalité d’accès aux soins.

Vous êtes à la croisée des chemins, monsieur le ministre. Je vous demande de bien réfléchir avant d’agir. Des choix très importants vont être faits et vous ne pouvez faire l’économie ni d’une réflexion globale sur l’exercice médical et sur les soins primaires ni d’une discussion en profondeur avec les chirurgiens sur l’avenir de leur exercice dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, j’ai écouté avec beaucoup d’attention, comme chacun d’entre vous, les arguments de M. Jean-Marie Le Guen à l’appui de sa motion d’exception d’irrecevabilité.

Vous contestez les résultats obtenus grâce aux réformes engagées par les gouvernements soutenus par l’actuelle majorité pour redresser notre protection sociale et assurer sa sauvegarde, monsieur Le Guen. Vous refusez de reconnaître le redressement des comptes. On est pourtant passé de 16 milliards d’euros de déficit en 2005 pour l’assurance maladie – une tendance que l’on disait à l’époque inéluctable –,…

M. Jean-Marie Le Guen. Ça, c’était M. Mattei !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. …à un déficit de l’ordre de 6 milliards cette année et à un objectif de 3,9 milliards pour 2007.

Mme Jacqueline Fraysse. Vous savez bien que vous n’arriverez jamais à l’équilibre !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le déficit aura été divisé par quatre. La réduction s’élève à 20 % en 2006, à 20 % encore en 2007. Qu’est-ce donc, sinon un redressement des comptes ?

Vous contestez la fiabilité des prévisions de notre texte. J’ai le regret de vous objecter qu’elles recueillent le consensus des prévisionnistes : aucun économiste ne conteste aujourd'hui que la masse salariale progressera en 2006 de 4,3 %, alors que nous n’avions prévu, dans notre grande prudence, que 3,7 %. C’est la politique menée ces dernières années qui a permis ce redressement de l’économie, lequel fait régresser le chômage et augmenter, grâce à l’accroissement de la masse salariale, les recettes de la sécurité sociale.

Vous êtes allé rechercher une explication facile et maintes fois entendue : « C’est la faute de l’État ! » À vrai dire, vous n’êtes pas le mieux placé pour stigmatiser la politique suivie par le Gouvernement : faut-il vous rappeler qu’entre 1998 et 2002 vous avez mis à la charge de la sécurité sociale la majoration de l’allocation de rentrée scolaire – un milliard d’euros –, que vous avez considérablement aggravé, pour financer les 35 heures, le déficit du Fonds de solidarité vieillesse en lui retirant les recettes de CSG qui lui étaient affectées, que vous avez prélevé sur la sécurité sociale des cotisations pour les régimes complémentaires des chômeurs et que vous avez puisé dans les recettes de la Caisse nationale d’assurance maladie pour financer le FOREC et les 35 heures ?

M. Pascal Terrasse. Il n’empêche que tout cela était équilibré !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Voilà qui permet de mesurer le degré de sincérité de vos propos lorsque vous accusez par exemple l’État de se défausser de son déficit sur la sécurité sociale – ce qui, naturellement, est faux.

En outre, si le Fonds de réserve des retraites était, comme vous le dites, la réponse au problème de la sauvegarde de l’assurance vieillesse, cela se saurait depuis longtemps.

Mme Jacqueline Fraysse. Si les exonérations de cotisations patronales avaient un effet quelconque, cela se saurait aussi !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Si la seule réponse que vous pouvez apporter au problème des retraites consiste à mettre de côté des « économies », lesquelles ne peuvent constituer qu’un appoint dans le cadre d’un fonds de lissage, alors les Français ont vraiment lieu d’être inquiets pour leurs retraites !

J’ajoute que le Fonds de solidarité vieillesse n’est nullement à la dérive. D’un déficit qui avait atteint 2 milliards il y a deux ans, nous passons à 1,2 milliard en 2006 et à 600 millions en 2007, pour parvenir à l’équilibre en 2009.

La politique familiale, pour sa part, ne profiterait selon vous qu’aux riches. Dois-je vous rappeler qu’avec l’instauration de la prestation d’accueil du jeune enfant les aides à la garde d’un jeune enfant, pour un couple de salariés payés au SMIC, ont augmenté de 54 % ? Ce n’est pas votre majorité qui l’a fait, c’est la nôtre !

Mme Muguette Jacquaint. Si tout va aussi bien que vous le dites, comment expliquez-vous que les inégalités se creusent à se point ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le nombre de bénéficiaires de l’allocation logement a considérablement augmenté au cours des dernières années. Le rythme annuel de construction de logements sociaux, qui était tombé à 39 000 en 2001, a été porté à 80 000 l’an dernier et atteindra 100 000 l’année prochaine.

Je précise enfin que nous ne diminuons pas l’effort en faveur des établissements pour personnes âgées par rapport à l’année dernière : au contraire, nous l’augmentons, puisqu’il passera de 587 millions à 650 millions d’euros.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement invite l’Assemblée à rejeter cette exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote sur l’exception d’irrecevabilité, la parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l’UMP.

M. Jean-Pierre Door. M. Le Guen a mis moins de temps que d’habitude pour défendre sa motion. Je crois savoir qu’il était pressé car on l’attendait à une autre réunion…

Mme Muguette Jacquaint. Mais non ! C’est le règlement qui a été changé !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Merci M. Debré !

M. Jean-Pierre Door. Je constate d’ailleurs qu’il est parti…

M. Pascal Terrasse. Il va revenir !

M. Jean-Pierre Door. Il a donc jugé ce texte irrecevable, tout en conservant, selon ses dires – et c’est assez rare pour être signalé –, un jugement « aussi mesuré que possible ».

Notez que ses critiques n’en sont pas moins cinglantes : « échec », « catastrophe », « déficit financier », « mesures électoralistes », « prévisions peu fiables », « manipulation », et j’en passe… Il cite aussi avec délectation les écrits qu’un sénateur a commis l’an dernier, tout en sachant bien que ce parlementaire votera, comme d’habitude, ce PLFSS. Tout cela pour démontrer l’inconstitutionnalité de ce texte !

Il est donc temps de remettre les choses en place et de fonder nos réflexions sur la vérité : un ONDAM jamais vu – c’est la première fois depuis dix ans qu’il est « dans les clous » –, une décroissance nette des indemnités journalières, une évolution de la consommation de médicaments ramenée à 0 %, le succès du parcours de soins – plus de 80 % des assurés sociaux ont choisi leur médecin traitant –, la modification des comportements des professionnels de santé et des assurés sociaux…

Mme Jacqueline Fraysse et Mme Muguette Jacquaint. Bref, tout va bien !

M. Jean-Pierre Door. M. Le Guen devrait également se garder d’oublier les nouveaux progrès : mise en place d’un acte de prévention pour les plus de soixante-dix ans, renforcement des moyens de lutte contre les fraudes, extension de l’aide à l’acquisition d’une assurance complémentaire de santé. Le fait est que le Parti socialiste n’a strictement aucune solution innovante à proposer !

Ce texte n’ayant absolument rien d’inconstitutionnel, nous ne voterons pas l’exception d’irrecevabilité.

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour le groupe socialiste.

M. Pierre Micaux. Rebelote ! C’est reparti pour trente minutes !

M. Pascal Terrasse. Jean-Marie Le Guen a dit des choses justes,…

M. Jean-Pierre Door. Il n’y a que vous qui le croyez !

M. Pascal Terrasse. …notamment sur la possibilité d’une saisine du Conseil constitutionnel. Il faut en effet dire les choses comme elles sont : un amendement parlementaire, dont l’initiative revient en réalité au Gouvernement, sera déposé sur les 35 heures dans l’hôtellerie-restauration. Soit le Gouvernement souhaite réellement répondre aux organisations patronales et aux chambres syndicales pour remédier aux problèmes liés aux 35 heures dans ce secteur, et il lui faut présenter un projet de loi, soit il dépose, de son propre chef ou par l’intermédiaire d’un parlementaire, un amendement dont il sait pertinemment que c’est un cavalier législatif. Nous vous aurons prévenu : si demain un tel amendement arrive en discussion, cela signifie que vous ne voulez pas répondre aux demandes formulées par les chambres syndicales.

Mme Jacqueline Fraysse. Ils le savent bien ! Ce qu’ils veulent, c’est gagner du temps !

M. Pascal Terrasse. Il faut être bien clair : lors d’un débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, on parle de la sécurité sociale, on ne parle pas des 35 heures.

Au surplus, cet amendement contreviendrait au fameux dialogue social que le Président de la République a pourtant récemment appelé de ses vœux. Il y aura pour le moins divergence entre ces souhaits exprimés par le Président et la manière dont vous traitez les partenaires sociaux sur la question des 35 heures !

Comme l’a dit très justement Jean-Marie Le Guen, il n’est plus temps de comparer le travail d’un ministre par rapport à un autre – celui de M. Xavier Bertrand et celui de M. Douste-Blazy ou de M. Mattei, par exemple. Il est temps de dresser le bilan de votre législature.

M. le ministre de la santé et des solidarités. L’heure n’est pas aux bilans, monsieur Terrasse, l’heure est encore aux projets !

M. Pascal Terrasse. Les dispositifs mis en place au cours de cette législature correspondent-ils à ce qui avait été annoncé lors des campagnes électorales ? Votre bilan est-il satisfaisant ?

Il faut bien constater un triple échec, politique, social et financier. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Lors des débats sur la réforme des retraites et sur la réforme de l’assurance maladie, vous annonciez que vos mesures allaient tout changer.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Vous essayez de masquer votre manque d’idées, monsieur Terrasse. Ces réformes, nous avons eu le courage de les faire, pas vous !

M. Pascal Terrasse. Or les retraités sont descendus dans la rue il y a quelques semaines pour vous dire que leur niveau de vie est en train de diminuer. Les assurés sociaux vous disent la même chose, ainsi que les professionnels de santé dans leur ensemble. Aujourd'hui même, 80 % des urgentistes étaient en grève.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est faux !

M. Pascal Terrasse. Quant aux médecins, concernés au premier chef par votre parcours de soins, ils vous ont mis en minorité lors des élections aux URML.

Enfin, la législature se solde par un drame financier : 50 milliards d’euros de déficit en cinq ans ! Avec le peu de courage qui vous caractérise, vous avez préféré renvoyer ce déficit à la CADES en 2022. Vous venez de créer un impôt sur les naissances !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Nous venons surtout de créer la PAJE !

M. Pascal Terrasse. L’enfant à naître devra payer nos soins d’aujourd'hui lorsqu’il entrera dans la vie active (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), parce que vous n’avez pas eu la volonté de résoudre le problème du financement des retraites, des régimes d’assurance maladie ou de la branche famille, qui connaissent tous des déficits tendanciels – 3 milliards d’euros pour l’assurance vieillesse, par exemple – auxquels vous n’avez jamais essayé de répondre.

Nous aurons l’occasion de vous faire des propositions au cours de la discussion. Quoi qu’il en soit, pour le groupe socialiste, le seul crédit que l’on puisse accorder aux gouvernements successifs de la législature, c’est d’abord leur passif !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe UDF.

M. Jean-Luc Préel. M. Le Guen ne m’a pas convaincu de l’inconstitutionnalité du texte.

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Nous non plus !

M. Jean-Luc Préel. Certes, certains articles et amendements, acceptés ou à venir, ont sans doute peu de rapport avec une loi de financement de la sécurité sociale et risquent fort d’être retoqués  par le Conseil constitutionnel, mais globalement le projet répond aux critères constitutionnels et à la loi organique que nous avons votée l’année dernière.

Notre collègue a surtout profité de cette motion pour dire tout le mal qu’il pense de la situation actuelle de la protection sociale.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Il ne le pensait pas vraiment !

M. Jean-Luc Préel. Moi-même, j’aurai l’occasion d’indiquer que l’équilibre des comptes, que les réformes des retraites et de l’assurance maladie étaient censées assurer pour 2007, ne semble pas être au rendez-vous. Le déficit de 2007 devra être financé. Or il est inquiétant de constater que le texte ne prévoit rien pour ce financement, ni pour celui du FFIPSA, qui pose un vrai problème. La caisse d’assurance maladie sera même autorisée à emprunter 28 milliards d’euros ! Le chiffre donne le vertige.

À la fin d’un quinquennat soutenu par une majorité imposante, notre protection sociale est-elle sauvée ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Oui !

M. Jean-Luc Préel. Les retraites de base sont-elles garanties à l’avenir ? Il ne semble pas.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Bien sûr que si !

M. Jean-Luc Préel. Monsieur le ministre, je ne sais pas de quel côté vous êtes exactement pour la prochaine élection présidentielle.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. À droite !

M. Jean-Luc Préel. Je trouve piquant que M. Fillon, qui avait refusé, alors qu’il était ministre, ma proposition de mettre fin aux régimes spéciaux, le demande aujourd’hui !

Notre système de santé fonctionne-t-il correctement, permet-il l’égal accès de tous à des soins de qualité, comme nous le demandons régulièrement ? Je crois que la crise demeure et qu’elle est à la fois organisationnelle, financière et morale. Malgré tout, cette loi de financement est très attendue, car elle consacre 402 milliards d’euros à notre protection sociale, à travers des mesures concernant la retraite, la santé et la famille. Nous commençons aujourd’hui la discussion de ce projet de loi, qui, pour l’UDF, n’est pas anticonstitutionnel. Il est important de pouvoir en débattre en démocrates. À cet égard, j’espère que les amendements que nous avons déposés pour l’améliorer seront acceptés. Je ne doute pas que chacun saura reconnaître que ce sont de bons amendements. Nous ne voterons pas l’exception d’irrecevabilité !

Mme Muguette Jacquaint. Le groupe communiste, pour sa part, la votera !

M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

M. le président. La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour
de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt-deux heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, n° 3362 :

Rapport, n° 3384 tomes I à V, de MM. Pierre-Louis Fagniez, Jean-Marie Rolland, Mme Marie-Françoise Clergeau et M. Denis Jacquat au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,

Avis, n° 3388, de M. Yves Bur, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures trente-cinq.)