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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 24 octobre 2006

24e séance de la session ordinaire 2006-2007

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt-deux heures.)

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2007

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 (nos 3362, 3384).

Cet après-midi, l’Assemblée s’est arrêtée après le rejet de l’exception d’irrecevabilité.

Question préalable

M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, mes chers collègues, ce dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la législature poursuit le travail de démantèlement de notre protection sociale.

À l'image de ce que l’on a pu observer ces cinq dernières années, le texte n'apporte aucune perspective durable de redressement des comptes et il poursuit une politique de compression des dépenses.

C'est pourquoi il ne nous paraît pas utile de discuter de ce PLFSS tant que le Gouvernement ne sera pas décidé à proposer d'autres sources de financement, tant qu'il poursuivra – avec opiniâtreté, reconnaissons-le – une logique purement comptable de réduction des dépenses.

Cette logique a pour objectif non de bâtir un avenir pour la protection sociale solidaire, mais de préparer sa privatisation, encouragée dans ce mouvement par des compagnies d'assurance comme la MMA, qui, en créant un contrat basé sur le principe du bonus-malus, foulent aux pieds le principe de solidarité.

Ce texte, de plus, ne répond pas aux questions que se posent les citoyens et les professionnels de santé, mais, au contraire, les inquiète en raison des économies prévues sur les soins et des objectifs de dépenses irréalistes qui leur sont assignés.

Permettez-moi d'abord de rappeler, monsieur le ministre, puisque nous avons un débat sur les comptes, qu'en 2002, quand votre majorité est revenue au pouvoir, le solde du régime général était excédentaire depuis trois ans, comme l'indique le rapport de la Cour des comptes.

En juillet 2004, quand M. Douste-Blazy, alors ministre de la santé, a présenté sa réforme de la sécurité sociale, la situation s’était déjà nettement dégradée. Mais M. le ministre nous promettait que cette réforme allait permettre de résorber le déficit et, s’il vous plaît, en 2007 !

C’est pourquoi, malgré l’autosatisfaction que vous affichez, le résultat est sévère et traduit, pour le moins, un échec, puisque le déficit devrait atteindre cette année 9,7 milliards d’euros. Encore est-ce un peu mieux que l’année dernière, je vous en donne acte.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Merci !

Mme Jacqueline Fraysse. Vous ne manquez d’ailleurs pas de vous en féliciter, oubliant toutefois de prendre en compte les effets de la très légère reprise de la croissance, de la diminution du nombre des arrêts de travail, de la limitation du champ des ALD et de la multiplication des déremboursements. Rien de très glorieux ni de très pérenne.

Et encore, ce déficit dont vous vous vantez en flagornant, ne prend-il pas en compte ceux du fonds de solidarité vieillesse et du fonds de financement de la protection sociale agricole. Au total, écrivent les rapporteurs de la Cour des comptes, « le déficit global de l’ensemble des régimes et de leurs fonds de financement est passé de 14.2 milliards d’euros en 2004 à 14.4 milliards en 2005 ». À l’horizon 2009, les mêmes rapporteurs estiment les besoins de financement du régime général et des fonds de financement à plus de 37 milliards. Pas de quoi pavoiser donc, ou alors discrètement.

Pourtant, des modes de financement pérennes de la sécurité sociale sont possibles. M. Bertrand, lorsqu’il n’est pas parmi nous, mais devant la confédération des syndicats médicaux français, ne rechigne pas à déclarer : « À un moment ou à un autre, il faudra se poser la question du financement de la protection sociale. »

M. Jean-Pierre Door. Mais oui !

Mme Jacqueline Fraysse. Que ne la posez-vous pas ici, monsieur le ministre, depuis que nous le demandons !

Si vous voulez des pistes, relisez donc les interventions des députés du groupe communiste et républicain sur cette question.

M. Jean-Pierre Door. On les lit !

Mme Jacqueline Fraysse. Vous y découvrirez que l’on peut, par exemple, créer une contribution sur les revenus financiers des entreprises, ce qui permettrait à la fois d’accroître les ressources de la sécurité sociale et de pénaliser les placements financiers effectués au détriment de l’investissement productif et de la création d’emplois, ces mêmes placements qui privent la sécurité sociale de ressources nouvelles et pérennes.

On peut aussi réformer l’assiette des cotisations selon le ratio masse salariale-valeur ajoutée. Ainsi, les entreprises qui développent l’emploi, la formation, et qui relèvent la part des salaires dans la valeur ajoutée bénéficieraient d’un taux de cotisation relativement plus bas, afin d’inciter à une croissance de la masse salariale, source de rentrées de cotisations. Inversement, les entreprises qui réduisent la part des salaires dans la valeur ajoutée pour privilégier les placements financiers seraient assujetties à des taux de cotisation plus élevés.

II faudra bien que vous trouviez le courage d’affronter la réforme du mode de financement de la sécurité sociale, et de prendre l’argent là où il abonde, si vous voulez tenir vos promesses d’équilibre des comptes, car il n’y a pas d’autre moyen d’équilibrer les comptes.

Jusqu’où irez-vous dans la réduction de la couverture des dépenses de santé ? M. Bas affirme que « le niveau de participation de la sécurité sociale est en nette progression depuis 2002, passant de 75,7 % à 77,1 % en 2005, le reste à charge des ménages se réduisant lui de 10,6 % à 8,7 %. ».

Mais la direction des recherches et des études économiques et statistiques – la DREES – indique également qu’entre 2004, date de la mise en œuvre de la réforme de la sécurité sociale, et 2005, ce niveau de participation a diminué, passant de 77,3 % à 77, l %. De même, le reste à charge des ménages est passé de 8,5 % à 8,7 %. Ainsi, depuis la réforme de 2004, la sécurité sociale rembourse moins bien les dépenses de soins. Les faits sont là – ils sont têtus –, même si vous tentez de les masquer.

Ce refus obstiné d’envisager d’autres modes de financement de la protection sociale ne résulte pas d’une erreur d’appréciation. Il s’inscrit dans une logique aussi limpide que non assumée qui mène à la privatisation rampante de notre protection sociale.

Car, à bien y regarder, le trou de la sécurité sociale n’existe pas. Il n’y a pas de déficit de l’assurance maladie. II n’y a qu’un transfert d’argent public vers des poches privées.

Quatre exemples, dans ce PLFSS, en font la démonstration.

Le premier concerne les exonérations des charges sociales patronales, qui vont coûter plus de 25 milliards d’euros en 2007. Autant de moyens qui pourraient être utilisés pour répondre aux besoins collectifs nationaux ou pour apurer le déficit de la sécurité sociale, par exemple.

Un certain nombre de députés de votre majorité s’interrogent très justement, dans une proposition de loi, en ces termes : « Les exonérations de charges patronales correspondent-elles réellement aux besoins de notre économie ? Les effets pervers provoqués par cette politique – effets de seuil, ralentissement des augmentations salariales – ne pèsent-ils pas sur la croissance et donc sur l’emploi ? Ne pourrait-on pas mieux utiliser l’argent public tout en obtenant de meilleurs résultats pour l’emploi ? »

Dans le même ordre d’idée, les rapporteurs de la Cour des comptes indiquent que, dans certains secteurs, ces exonérations sont venues « conforter les marges des entreprises ». Conforter les marges d’entreprises privées avec de l’argent public : c’est en effet la seule utilité des nouvelles exonérations prévues dans ce PLFSS.

Autre exemple de ce transfert d’argent public vers des poches privées : l’équilibre factice de la branche accidents du travail – maladies professionnelles. Les lecteurs assidus des rapports de la Cour des comptes n’ignorent plus que la contribution versée par la branche accidents du travail –maladies professionnelles à la branche maladie, du fait de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, est manifestement sous-évaluée.

C’est ce qui explique l’équilibre de cette branche. Un équilibre obtenu aux dépens de la branche maladie et de ceux qui y cotisent. Mais aussi, et surtout, un équilibre fort utile à l’heure où, précisément, le Medef négocie une diminution des cotisations des entreprises au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Autre exemple encore : l’aide à la complémentaire santé. La réforme de 2004, en réduisant la couverture de base, a transféré ces dépenses dorénavant non remboursées vers les complémentaires, qui ont donc logiquement augmenté leurs tarifs. Aussi ce PLFSS prévoit-il à son tour de nouvelles aides à la complémentaire. Admirons, mes chers collègues, ce raisonnement par lequel l’État finance l’augmentation du tarif des complémentaires, augmentation dont il est la cause en réduisant le périmètre de prise en charge !

Dans le même ordre d’idée, et ce sera mon dernier exemple, on peut évoquer les assurances médicales. Vous avez décidé que l’assurance maladie financerait les deux tiers de leur augmentation de tarifs, sans même vous interroger sur les causes de cette augmentation. Pourquoi n’existe-t-il aucune étude sérieuse sur la responsabilité civile médicale en France et son coût ? Craignez-vous de devoir reconnaître qu’il serait plus judicieux, et surtout plus économique, de mettre en place une caisse publique et de mutualiser le coût de la réparation des erreurs médicales ?

Ainsi, ce texte, loin de mettre en place un mode de financement pérenne de la sécurité sociale, poursuit de fait le transfert d’argent public vers le privé.

De surcroît, il ne répond pas aux préoccupations des citoyens et des professionnels. Il comporte en effet d’importantes lacunes quant à la formation des professionnels de santé et à l’accès aux soins, dans le secteur hospitalier notamment.

En ce qui concerne la formation, il serait temps, tout d’abord, de solder la question des praticiens à diplômes hors Union européenne. Ces praticiens sont venus compléter leurs études en France au moment même où l’on pensait qu’il suffirait de baisser le numerus clausus pour réduire l’offre de soins et économiser en réduisant la demande. Face à la pénurie ainsi provoquée, ils ont dû boucher les trous dans les hôpitaux. Leur nationalité étrangère et leur statut précaire leur ont notamment offert la chance d’accumuler les gardes dont personne ne voulait, à un salaire dont personne, non plus, ne voulait.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. C’est un peu vrai !

Mme Jacqueline Fraysse. Ce PLFSS entrouvre une perspective de règlement de cette situation ubuesque, avec la création d’un examen permettant à ces praticiens de se présenter devant la commission d’autorisation d’exercice du Conseil de l’ordre. C’est un pas que nous apprécions, mais pourquoi faire passer un nouvel examen théorique à des médecins qui ont déjà été diplômés en France et qui exercent dans les hôpitaux français depuis de nombreuses années ?

Notre groupe défendra un amendement proposant que les praticiens ayant suivi une formation en France, équivalente au cursus du deuxième ou du troisième cycle des études médicales, soient dispensés de cet examen s’ils totalisent trois ans de fonction hospitalière au-delà de leur formation, et, justifient d’au moins une fonction rémunérée au cours des deux ans précédant la publication du PLFSS.

Ces dispositions ne sont que justice. Elles sont, de plus, indispensables pour faire face à la pénurie de médecins que la France va connaître d’ici à dix ans. Une pénurie sans précédent qui risque d’être dramatique dans certaines régions et certains quartiers de nos villes.

De ce point de vue, il convient d’ailleurs de revoir la procédure de répartition et de choix des postes d’internes. C’est pourquoi nous sommes attentifs à la proposition de l’association des étudiants en médecine de France qui invite à une répartition pluriannuelle des postes d’internes, sur la base d’une étude préalable qui recense les besoins réels et les capacités de formation de chaque spécialité, dans chaque région.

La médecine générale sera tout particulièrement touchée par cette pénurie. Selon certaines analyses, 686 postes d’internes en médecine générale manqueront cette année : ils s’ajouteront aux 1500 postes non pourvus en 2004 et 2005.

Cette désaffection résulte pour une grande part de la perception négative qu’ont les étudiants de la médecine générale, discipline non officiellement reconnue à l’université. Il y a quelques jours, M. Bertrand a signé les décrets instaurant une filière universitaire de médecine générale, unanimement réclamée par les différents syndicats de médecins généralistes.

Avec eux, nous veillerons à ce que la mise en œuvre réponde aux besoins, car il ne suffit pas de signer des décrets, encore faut-il engager des moyens. Deux points doivent donc être dès à présent précisés : avec quel budget ? Quel sera le nombre de professeurs associés de médecine générale titularisés ?

Nous avons la même préoccupation pour la profession d’infirmier, à laquelle il est indispensable de redonner de l’attractivité. Là aussi, la pénurie est prévisible, et si des postes de formation ont bien été créés, ils ne sont pas tous occupés. Sans parler des étudiants infirmiers qui abandonnent avant d’obtenir leur diplôme, tant les conditions de formation et d’exercice de leur profession sont perçues comme pénibles et angoissantes.

C’est pourtant une belle activité ! Mais elle est très mal rémunérée compte tenu de l’importance des responsabilités exercées et des astreintes qu’elle comporte. Pourquoi, alors que les études durent trois ans et demi, le diplôme d’infirmier est-il considéré comme un bac + 2 ? Il est impératif de revaloriser cette profession en prenant notamment en compte le niveau réel de formation, les contraintes et les responsabilités exercées.

Au passage, je veux relayer l'inquiétude exprimée aujourd'hui à l’échelle nationale par les praticiens hospitaliers quant à la réforme de leur rémunération et de leur statut. Asseoir une partie de la rémunération sur le rendement est inadmissible.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Il ne s’agit pas de rendement mais de mérite !

Mme Jacqueline Fraysse. La rémunération de la pratique médicale ne peut se concevoir ainsi, monsieur le président, particulièrement à l’hôpital, auquel je suis extrêmement attachée.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Mais nous aussi !

Mme Jacqueline Fraysse. Votre volonté de transformer des professeurs de médecine de si haut niveau en producteurs de soins, avides de gains, me laisse pantoise. Je regrette que l’on ose faire de telles propositions dans notre pays.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Vous nous poignardez !

Mme Muguette Jacquaint. Vous semblez toujours bien vivant !

Mme Jacqueline Fraysse. Concernant l'accès aux soins, Médecins du Monde observe que l'année 2005 a confirmé un fort recul dans l'accès aux soins, dû essentiellement à l'application des différentes mesures votées ces dernières années pour limiter le nombre de bénéficiaires de la CMU et de l'AME. En outre, une récente enquête du fonds CMU montre que plus de 44 % des gynécologues et la moitié des psychiatres refusent la CMU complémentaire. Un tel comportement n'est pas simplement contraire à toute déontologie, il est aussi scandaleux d'un point de vue moral. Il exige donc que des mesures soient prises pour rappeler ces médecins à leurs responsabilités.

Enfin, permettez-moi de redire ici mes plus vives inquiétudes quant à l'avenir de l'hôpital public en France. Cette année encore, selon la Fédération hospitalière de France, il manquera environ 780 millions d'euros aux hôpitaux publics pour boucler leur budget, dont 240 millions pour les seuls CHU.

J’entends les propos tenus sur la nécessité de faire des économies et de procéder à des réorganisations, et je les partage. Mais je sais aussi dans quelles conditions travaillent aujourd’hui les équipes. Manifestement, si nous poursuivons dans cette voie, nous allons briser toutes les qualités reconnues de nos hôpitaux publics.

Cette situation est d'autant plus intenable que, pour la première fois, les établissements hospitaliers publics ne pourront pas reporter leur déficit sur l'exercice suivant. Comment équilibreront-ils l'exercice 2006 et a fortiori celui de 2007 ? C'est impossible, vous le savez, mais vous maintenez sciemment cette asphyxie budgétaire, ce qui est irresponsable.

Les travaux de modernisation et de remise aux normes prévus au début de l'année seront sans doute repoussés à des jours meilleurs et risquent de se faire encore attendre, étant donné le contenu de ce PLFSS.

Pourtant, vous prévoyez bien une augmentation de 3,5 % de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie pour l'hôpital. Mais c’est une croissance en trompe-l'œil car, dans le même temps, outre les déficits accumulés, l'hôpital voit ses missions s'élargir. Ainsi, les plans de santé publique se traduisent par la création de nouvelles dépenses à la charge des hôpitaux. Et l’on peut penser qu’ils ne pourront y faire face.

C'est peu dire que l'avenir est sombre pour l'hôpital public. La Fédération hospitalière de France va jusqu'à prévoir pour l'année prochaine un déficit compris entre 800 millions et 900 millions d'euros. Dans ces conditions, que signifie un PLFSS déficitaire avant même d'avoir été voté ?

Cette pénurie organisée, niée puis finalement assumée, a des conséquences sur la qualité des soins. Je le constate tous les jours dans ma circonscription. À l'hôpital Foch, à Suresnes, pour des raisons comptables, soixante postes d'infirmières vont être supprimés afin de réduire le déficit, alors même qu'il manque actuellement cinquante-cinq postes pour répondre aux besoins. La preuve est faite que l'État préfère subventionner un plan de licenciements plutôt que de verser les 7,5 millions d'euros qu'il doit à cet établissement de soins, pour n’avoir pas honoré certaines conventions passées antérieurement. Autre exemple : à Garches, l'hôpital Raymond-Poincaré devrait voir disparaître son service de restauration. Comme vous le savez, cet hôpital accueille des pathologies exigeant des séjours de longue durée, ce qui donne une importance particulière à la qualité des repas, jusqu'à présent unanimement reconnue et appréciée. Mais les logiques comptables ne s'embarrassent pas de telles considérations pour les patients, puisque nous en sommes au point d'économiser sur tout, même sur la qualité des soins.

Une comparaison résume assez bien votre politique. Les 400 millions d'euros que coûteront cette année l'allégement de l'ISF à travers la mise en place du bouclier fiscal correspondent au double du déficit des CHU et permettraient de résorber la moitié du déficit de l'ensemble des hôpitaux pour cette année. Décidément, la politique n'est qu'une affaire de choix, et les vôtres sont à la fois iniques et inquiétants, permettez-moi de vous le dire.

La situation de la médecine de ville est également préoccupante. À vouloir corseter les dépenses comme vous le faites, vous vous enferrez là aussi dans des objectifs de dépenses irréalistes. L’évolution de l'ONDAM, fixé dans le texte à 0,8 %, a fait vivement réagir les professionnels, d’autant qu'il faudra composer avec une augmentation certaine de 2,5 % à 3 % des honoraires et une diminution beaucoup moins sûre des prescriptions. D'ailleurs, vous avez dû vous résoudre à lâcher du lest puisque vous proposez une augmentation de cet objectif. J'ose espérer que ce ne sera pas au détriment des moyens hospitaliers, car les deux secteurs sont insuffisamment dotés. Plutôt que de tenter de les opposer, comme je l’ai vu dans la presse, mieux vaudrait donner à chacun les moyens de travailler en réseau, en complémentarité et non en concurrence. La commission a adopté une proposition pour l'ONDAM de ville, nous demandons une démarche similaire pour l'hôpital, prenant en compte ses besoins.

Comme vous le voyez, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce dernier PLFSS de la législature ne répond pas aux défis posés à notre système de sécurité sociale. Il n'assure pas la pérennité de son financement. Le patchwork de petites recettes – un de nos collègues parlait de « mesurettes » – comme la compression des dépenses utiles et les économies de bouts de chandelle continuent d'aggraver les inégalités d'accès aux soins en faisant le lit de la privatisation, sans pour autant résoudre le problème du financement dont vous parlez tous, y compris le Président de la République.

Non seulement ce PLFSS ne répond pas aux problèmes qui sont posés mais, de surcroît, il va servir de cheval de Troie pour asséner un mauvais coup au monde du travail. L'amendement UMP remettant en cause l'arrêt du Conseil d'État relatif à la réduction du temps de travail dans l'hôtellerie-restauration est un véritable déni de justice. À rebours du discours volontariste du chef de l'État en faveur du dialogue social, la majorité, par cette attitude cavalière, empêche les organisations syndicales d'ouvrir de nouvelles négociations en vue d'un accord majoritaire autour d’une réduction du temps de travail à la fois progressiste, créatrice d'emplois et sans modération salariale. Compte tenu du fait que les droits sociaux des salariés de ce secteur sont déjà bien malmenés, c'est à nos yeux une attitude profondément inadmissible, je tiens à le dire.

Ces raisons sont suffisantes pour affirmer qu'il n'y a pas lieu de discuter d'un tel texte. Je vous invite donc à adopter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, chaque année, le bon jardinier taille sa haie pour stimuler sa vitalité. De même, chaque année, le Gouvernement vous présente un nouveau projet de loi de financement de la sécurité sociale pour renforcer la vitalité de notre protection sociale.

Nous avons un attachement tout particulier pour le modèle social français, qui est aujourd’hui au cœur de l’idéal républicain : c’est le patrimoine commun de tous les Français. C’est la raison pour laquelle nous devons veiller à le préserver en faisant en sorte qu’il ne soit pas emporté par la marée montante des déficits que nous avons connue, à cause de l’ampleur débridée des dépenses qui s’étaient multipliées au cours de la législature précédente.

Souvenons-nous que les dépenses excessives non contrôlées d’une période, ce sont les déficits du lendemain. Nous avons pu le constater sans tarder à réagir puisque, dès 2004, nous avons lancé la grande réforme de l’assurance maladie, un an après celle des retraites.

Je voudrais vous dire, madame la députée, que cet effort de réduction des déficits, nous le conduisons essentiellement parce que nous avons la volonté de maintenir en France un haut niveau de protection sociale. Ce n’est pas pour nous une fin en soi, mais un impératif dans la défense de notre sécurité sociale. Cette action, nous la menons avec une exigence forte, qui est d’éviter de réduire la couverture des dépenses de santé par notre sécurité sociale.

À ce titre, je voudrais vous redire ce que j’ai déjà dit publiquement lors du débat d’orientation budgétaire et que je vous ai récemment confirmé dans ma lettre du 6 octobre : le taux de couverture des dépenses remboursables s’agissant des soins de ville hors indemnités journalières est passé de 77,7 % en 1994 à 79, 8 % en 2004. Sur l’ensemble du champ des dépenses remboursables, y compris les dépenses d’hospitalisation hors dotations globales aux établissements, ce taux de couverture atteint même un niveau encore supérieur, puisqu’il est de 82,8 % cette année. Si l’on prend en compte l’agrégat « consommation de biens et services médicaux », suivi par la commission des comptes de la santé, on constate également que le niveau de participation de la sécurité sociale est en nette progression puisqu’il est passé de 75,7 % en 2002 à 77,1 % en 2005, le reste à charge des ménages se réduisant, quant à lui, de 10,6 % à 8,7 %.

Ces chiffres, madame la députée, suffisent à démontrer que la question préalable, compte tenu de la motivation que vous lui avez donnée, est sans objet. J’appelle donc votre assemblée à la rejeter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.).

M. le président. Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe UMP.

M. Bernard Perrut. Madame Fraysse, j’ai retenu dans vos propos, que j’ai écoutés avec attention, un mot juste qui pourrait tous nous réunir, celui d’opiniâtreté. Effectivement, le Gouvernement et la majorité parlementaire mettent tout en œuvre pour redresser les comptes sociaux. Et, comme le disait Xavier Bertrand il y a quelques jours, nous n’accentuons pas, mais nous ne relâchons pas l’effort. Par conséquent, nous sommes d’accord avec vous, au moins quant à l’opiniâtreté.

En revanche, vous vous doutez bien que ne sommes pas d’accord avec les autres termes que vous avez utilisés. Vous voudriez aujourd’hui faire accroire aux Françaises et aux Français qu’il n’y a pas lieu de débattre alors que de grandes réformes ont été entreprises par le Gouvernement : retraites, journée de solidarité, mise en place de la CNSA, loi d’août 2004, loi organique de 2005. C’est sur un long chemin que nous nous sommes engagés. Si, en 2004, les comptes de la sécurité sociale étaient mauvais, s’ils étaient encore préoccupants en 2005, ils se sont nettement améliorés cette année et l’on ne peut le nier.

En 2006, le déficit du régime général devrait être ramené à 9,7 milliards d’euros et celui de la branche maladie à 6 milliards. Ce redressement a été obtenu grâce aux efforts importants qui ont été menés, afin d’infléchir le rythme de progression des dépenses, notamment des dépenses de soins de ville, de médicaments et celles liées aux indemnités journalières. Il faut saluer un tel engagement collectif.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous examinons aujourd’hui doit nous permettre d’aller plus loin grâce aux mesures qui nous sont proposées et qui permettront de ramener, en 2007, le déficit du régime général à 8 milliards d’euros et celui de la branche maladie à 3,9 milliards. Ces chiffres sont particulièrement encourageants. L’ONDAM proposé, quant à lui, est réaliste, tout comme les principaux postes d’économies qui ont été déterminés.

Le présent projet permettra également de tenir des engagements importants en faveur des entreprises, et notamment de celles de moins de vingt salariés, avec la suppression de toutes les charges sociales au niveau du SMIC. Ceci correspond à la poursuite d’une politique menée dans le domaine de l’emploi dont nous voyons aujourd’hui tous les résultats.

Des mesures sont prises également en faveur des plus fragiles de nos concitoyens, avec l’application du plan « Solidarité grand âge », les actions de prévention pour les plus de soixante-dix ans ou encore l’amélioration du dispositif d’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, qui constitue une grande mesure de solidarité mais sur laquelle vous avez peu insisté.

Vous ne pouvez ignorer non plus que les mesures prises dans le cadre de la conférence de la famille seront mises en œuvre, comme le congé de soutien familial et le prêt pour les jeunes.

En crèche, ce sont 10 000 places qui sont créées en 2006 quand quelques centaines seulement l’avaient été en 2000 par un gouvernement auquel vous apparteniez.

Vous comprendrez bien, madame la députée, que le groupe UMP ne peut que rejeter votre proposition qui consiste à ne pas discuter parce vous défendez une position irresponsable. Au contraire, nous appelons nos concitoyens à la responsabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Muguette Jacquaint. Bien évidemment, nous voterons cette question préalable.

Monsieur Perrut, vous dites que nous ne voulons pas discuter. Au contraire, nous voulons parler de l’avenir de la protection sociale, qui est l’une de nos préoccupations depuis plusieurs années. D’ailleurs, nous faisons des propositions parce que, comme l’a rappelé Mme Fraysse, ce sont surtout les recettes qui manquent à la protection sociale. Mais le Gouvernement refuse d’en discuter. Tant que nous ne parlerons pas d’un nouveau financement de la protection sociale, les inégalités ne cesseront de s’accroître, de même que les difficultés pour les plus modestes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe UDF.

M. Jean-Luc Préel. Je suis quelque peu perplexe, madame Jacquaint. Vous prétendez vouloir débattre alors que Mme Fraysse vient de défendre une question préalable dont l’objet est précisément l’inverse. Il faudrait vous mettre d’accord !

Pour ma part, j’estime qu’il est urgent de débattre du PLFSS, qui sert à financer la politique de santé, les retraites et la politique familiale, même lorsque l’on n’est pas d’accord avec le texte.

Mme Muguette Jacquaint. C’est ce que j’ai dit !

M. Jean-Luc Préel. Certes, Mme Fraysse a soulevé de graves problèmes, notamment en ce qui concerne le financement de la protection sociale, point sur lequel M. Perrut s’est montré discret. Il me semble me souvenir qu’on avait expliqué que les comptes seraient équilibrés en 2007, à tel point que les reports sur la CADES s’arrêtent en 2006 et que rien n’est prévu aujourd’hui pour financer le déficit à partir de 2007. Or sommes-nous à l’équilibre ? Le déficit du régime général est évalué à 8 milliards, auxquels s’ajoute celui du FFIPSA qui s’élève à 2,1 milliards et dont le déficit cumulé atteint 7 milliards. Or les ministres n’ont rien dit, tant en commission qu’ici même. Peut-être, monsieur Bas, nous le direz-vous, car c’est une question essentielle.

Mme Fraysse a évoqué la démographie des professionnels de santé et notamment des infirmières. Vous savez que les infirmières et les sages-femmes réclament depuis longtemps la prise en compte de leur niveau de formation, revendication qui me paraît tout à fait justifiée. Monsieur le ministre, pourquoi n’est-ce pas le cas ?

J’aimerais évoquer également les problèmes des praticiens à temps partiel. Vous le savez, ces praticiens, dont on parle peu mais qui participent grandement au fonctionnement des hôpitaux, souhaiteraient voir résoudre des problèmes qu’ils connaissent depuis longtemps. Ils ne sont rémunérés que sur six-onzièmes du temps passé et ne cotisent à la retraite que sur les deux tiers de leur rémunération. Est-ce normal ? En outre, ils ne bénéficient pas de la prime d’exercice exclusif à l’hôpital, contrairement aux praticiens employés à temps plein, et ne bénéficient que de six jours de formation continue.

Pourquoi ces demandes, qui me semblent tout à fait justifiées, n’ont-elles pas été traitées, notamment dans le cadre de la réforme des praticiens hospitaliers ?

Si le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale n’est pas parfait – il n’indique pas notamment comment sera financé le déficit –, il est nécessaire pour assurer, en 2007, la prise en charge de notre protection sociale. Aussi je ne voterai pas la question préalable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Paul Bacquet. Après M. Mattei et son libéralisme flamboyant (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) qui devait nous conduire à la privatisation de la sécurité sociale, après les certitudes et la suffisance de M. Douste-Blazy,…

M. Bruno Gilles. C’est petit et hors sujet !

M. Jean-Paul Bacquet. …nous avons maintenant, pour terminer cette législature, M. Bertrand dont je dois reconnaître la compétence et la prudence. Mais vous, monsieur Bas, vous n’êtes pas encore à sa hauteur ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Seule certitude que nous ayons : contrairement à ce qui avait été promis, les comptes ne seront pas équilibrés en 2007.

La protection sociale a reculé car vous avez appliqué les recettes habituelles : augmentation des cotisations et baisse des remboursements. Vous demandez toujours plus d’efforts aux plus faibles et aux professionnels de santé. Comme l’a dit M. Rolland tout à l’heure, les contrôles tatillons ont été multipliés et les professionnels de santé croulent sous la paperasserie. Il était très en dessous de ce que dénonçaient il y a quelques années dans cet hémicycle M. Bardet et M. Accoyer, alors que les mesures étaient beaucoup moins contraignantes.

Monsieur le ministre, vous avez abordé la discussion en demandant aux hôpitaux de vendre leurs biens immobiliers le plus vite possible. Alors qu’il manque 250 millions, on sait que cela servira de trésorerie et que l’on vendra l’argenterie pour payer le loyer. De la même façon, la commission a modifié l’ONDAM – et je ne remets pas en cause la nécessité de le faire – à la demande, pour ne pas dire sous la pression, des organisations professionnelles. Tout cela relève plus d’une maîtrise comptable dans un contexte préélectoral que de décisions à caractère médical.

Oui, monsieur le ministre, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui s’inscrit dans un contexte préélectoral, est sans ambition et complètement inconsistant. C’est un coup pour rien mais, surtout, il diminue l’accès à la protection sociale.

Vous l’aurez compris, nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, pour le groupe socialiste.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous examinons étant le dernier de la législature, je saisis cette occasion pour faire le point sur votre politique en faveur des personnes âgées dans le domaine médico-social. Comment les nombreux engagements qui ont été pris se traduisent-ils dans votre projet ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Par de grands progrès !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. S’agissant de l’allocation personnalisée d’autonomie,...

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Créée sans financement !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. ...l’acte fondateur de votre politique en faveur des personnes âgées consista, en 2002, à en réduire le montant pour un grand nombre de bénéficiaires, notamment pour ceux dont les revenus sont les plus modestes. L’effet a été immédiat : une moins bonne prise en charge des personnes à domicile. C’est d’autant plus regrettable, monsieur le ministre, que, grâce à l’APA, les personnes peuvent rester à leur domicile en moyenne deux ans de plus. L’âge de ceux qui demandent à entrer en établissement est ainsi passé de quatre-vingt-cinq ans à quatre-vingt-sept ans aujourd’hui. Certes, l’APA a un coût financier, mais il n’est rien au regard du bonheur de nos aînés. Je tiens donc à remercier Mme Guinchard pour cette merveilleuse mesure qui permet à de nombreuses personnes de vivre plus longtemps et mieux à leur domicile. L’allongement de la vie, je continue à le penser, est une chance.

Vous avez annoncé plusieurs mesures, monsieur le ministre, mais vous avez laissé de côté les problèmes liés au maintien à domicile, notamment le manque criant de places d’hospitalisation à domicile – HAD –, l’absence de coordination entre l’HAD, les services infirmiers de soins à domicile – SSIAD – et l’aide à domicile, ainsi que le besoin de centres d’accueil de jour qui, même lorsqu’ils existent, sont vides parce que, avec 1 000 euros d’APA, on ne peut pas se payer à la fois deux ou trois heures d’aide à domicile par jour et un centre d’accueil de jour. S’y ajoute aussi la difficulté des déplacements, qui doit être impérativement surmontée pour maintenir les personnes âgées à domicile.

Après la canicule de l'été 2003, vous avez quelque peu changé d'approche. Nous contestons toujours la suppression d'un jour férié pour assurer le financement du plan « vieillissement et solidarité », car elle est injuste, mais il est vrai que la création de la Caisse nationale pour l'autonomie et la solidarité – la CNSA – a été jugée positive par les professionnels du secteur.

M. Jacques Domergue. Merci !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Elle permettra en théorie de recenser les besoins et de dégager les moyens financiers pour assurer la prise en charge des personnes en perte d'autonomie. Cela étant, et je vous renvoie au rapport de la Cour des comptes, l'effort réalisé est loin d'être à la hauteur de l'enjeu, et il reste même très en deçà des engagements pris. Je nourris deux griefs importants auxquels votre budget n’apporte aucune réponse.

Il faut renforcer les pouvoirs du Parlement afin que l’utilisation des crédits gérés par la CNSA soit conforme aux orientations définies par le Parlement et fasse l’objet d'un bilan qui lui serait présenté. Le PLFSS pour 2007 est muet sur le sujet. Comme vous l'avez souvent fait depuis 2002, et particulièrement en matière sociale, vous dépossédez le Parlement de ses prérogatives. C'est une erreur car, dans ce domaine comme dans les autres, nous avons besoin de davantage de transparence, de débat et de démocratie.

Par ailleurs, j'ai lu avec beaucoup d’attention votre plan « vieillissement et solidarité », présenté en juin dernier. C’est le deuxième en moins de trois ans. Leurs contenus comportent certes des avancées incontestables mais, en réalité, les ressources n'y sont pas ! Nous ne trouvons pas la concrétisation budgétaire de ces plans sur le terrain. En attestent les déclinaisons au plan départemental des crédits d'assurance maladie dédiés au fonctionnement des structures œuvrant dans le champ médico-social, à savoir les SSIAD et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD. Vous pouvez toujours annoncer la création de nombreuses places en SSIAD, nous connaissons les difficultés pour recruter des infirmières et les orientations fixées par le ministère, qui limitent le taux d'activité en fin d'année. Je souhaiterais sincèrement que vos annonces se traduisent en actes ! De même, moi qui travaille avec de nombreux collègues conseillers généraux, j’entends constamment dire que, alors que les départements dégagent les moyens pour investir dans des EHPAD, lors du passage en comité régional d’organisation sanitaire, sociale et médicosociale, les budgets de soins ne sont pas affectés. Les exemples abondent.

Concernant les EHPAD, et les acteurs de terrain le savent, la limitation trop stricte de leurs budgets soins – en particulier le plafonnement à la dotation minimale de convergence + 35 % – n’est plus acceptable car elle conduit à un manque de prise en charge sanitaire. Le sous-effectif de personnels sanitaires, qu’il s’agisse des aides soignantes ou des infirmières, est criant, alors que les personnes accueillies sont de plus en plus dépendantes : d’après une enquête récente, elles entrent en établissement à quatre-vingt-sept ans, avec une moyenne de sept pathologies.

Monsieur le ministre, les personnels des EHPAD sont épuisés ! Et ils risquent de l'être encore davantage. Il est de notre devoir à tous, si nous voulons relever le défi du vieillissement de la population française, de prendre la mesure de l’attente de ceux qui travaillent dans un secteur que la lourdeur de ses missions rend peu attractif. Vous le savez, vous qui citez souvent l’exemple du Canada, là-bas, le premier poste sollicité par les infirmières est très majoritairement une affectation dans les services gérontologiques. Pourtant, ni votre plan ni le PLFSS ne proposent des solutions visant à rendre ces métiers plus attractifs chez nous. Vous avez évoqué l’amélioration de la formation des personnels s’occupant des handicapés. Que ne faites-vous la même chose pour ceux qui s’occupent de nos aînés !

J'avais dénoncé l'année dernière votre volonté de transformer les unités de soins de longue durée des hôpitaux en lits relevant des EHPAD, financés par la CNSA. Or les lits hospitaliers sont mieux dotés en budget soins que les maisons de retraite. Je prends acte que votre réforme annoncée l'an dernier pour le 1er janvier 2007 est désormais étalée jusqu'en 2009. Mais, pour la mettre en place, vous avez effectué, dans les unités de soins de longue durée, une étude sur la base de coupes transversales, destinée à vérifier que les patients nécessitaient bien des soins médicaux importants. Or le référentiel utilisé, nommé PATHOS, a été contesté par de nombreux gériatres dans la mesure où il ne tient pas compte de la perte d'autonomie. Les résultats oublient, on le voit dans l’étude réalisée à l’Assistance publique, les démences sévères ou les troubles neuropsychiatriques. Je vous accorde que certains patients peuvent être accueillis en EHPAD, mais pas ceux qui ont besoin de soins plus importants, et pas avec les moyens actuels.

On peut a priori penser que 10 % à 15 % des 400 000 lits d'EHPAD accueillent des personnes – on les appelle les hospitalo-requérants – relevant d'une prise en charge sanitaire lourde telle qu’elle existe dans les USLD. C’est plus que le nombre de lits USLD que vous avez souhaité transformer en EHPAD. Le problème est d’autant plus aigu que, d'après les spécialistes, la reprise des naissances après la Grande Guerre date de 1924 : c'est donc au tournant de la décennie – la moyenne d’âge étant de quatre-vingt-sept ans à l’entrée en établissement – que les besoins vont devenir beaucoup plus importants. Est-ce le moment de supprimer des lits de soins de longue durée qui feront défaut d’ici trois à quatre ans ? Les EHPAD ne peuvent pas accueillir aujourd’hui des personnes polypathologiques avec un médecin coordinateur qui n’est présent que quelques heures par semaine, des soignants en nombre limité et une absence de permanence des soins la nuit. On peut imaginer d’améliorer la coordination entre les hôpitaux gériatriques et les maisons de retraite, et je pense à une forme d’HAD en maison de retraite.

Je vous ai demandé à plusieurs reprises – c’est l'objet de plusieurs amendements – d’étudier le profil des personnes accueillies en EHPAD, afin d'engager une politique adaptée à l'égard de ceux qui souffrent. Je prends acte de votre circulaire en date du 17 octobre. Cette étude, réclamée par de nombreux conseils généraux et de nombreux gériatres, doit être réalisée très rapidement, comme celle menée dans les USLD. Après l’hôpital, il faut étudier les EHPAD, de manière à connaître l’ensemble du terrain.

Ma seconde réserve sur le plan « vieillissement et solidarité » a trait aux augmentations de personnel. Elles sont prévues – pardonnez-moi d’être un peu technique – au-delà d'un GIR moyen pondéré de 800. Fréquentant des établissements pour personnes âgées du matin au soir, je considère que le seuil devrait être ramené à 700. Je ne fais que relayer la demande de nombreuses fédérations d'établissements.

Nous avons en outre reçu avec mon collègue Denis Jacquat, dans le cadre du groupe d'études qu'il préside, le docteur Vetel, l’inventeur du modèle PATHOS que je viens d'évoquer. Il reconnaît lui-même que, pour mettre en place votre réforme et prendre en charge en maison de retraite ceux qui n'ont pas médicalement besoin d'être à l'hôpital, il faut donner aux EHPAD les moyens nécessaires. Nous serons donc vigilants, au moment du renouvellement des conventions tripartites, pour que ces établissements soient dotés d'un budget soins à la hauteur.

Si nous ne voulons pas qu'ils deviennent des mouroirs, il faut satisfaire le besoin crucial de psychologues, qui relèvent du forfait dépendance. Il en va de même pour les animateurs, indispensables à la convivialité et à la vie même, et dont le coût se reporte sur le « reste à charge » des résidents, rendant le coût insupportable pour certains. Vous êtes souvent interpellé sur ce point, monsieur le ministre, vous l’évoquez dans votre plan, mais je ne vois aucune mesure concrète.

Enfin, vous avez bien voulu – et c'est à votre honneur – faire une premier pas pour limiter l'impact des prêts sur travaux sur le prix de journée facturé aux résidents. Il reste timide, puisque voilà quatre ans que je ne cesse d’interpeller le Gouvernement sur ce point. Lorsqu'une collectivité accorde à une maison de retraite une subvention pour travaux, elle est amortie par l'établissement – ce n’est pas le cas quand il s’agit d’une crèche ou d’une piscine –, ce qui se répercute sur le prix de journée. Je remercie la MECSS d’avoir signalé cette anomalie. J’ai proposé un amendement car il suffirait de changer les règles comptables. Mme Vautrin m’avait confirmé il y a deux ans à cette tribune que le contribuable payait bien deux fois. Les membres des commissions m’ont fait l’honneur de voter mon amendement et j’aimerais qu’il en soit de même en séance publique.

Sans céder à la polémique, nous voyons bien que la situation est souvent loin des plans annoncés à grand renfort de communication. Notre rôle est de veiller à ce que les financements suivent. Nous aimons nos aînés, comptez sur notre vigilance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean-Luc Préel. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous entamons l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, événement majeur de l’année parlementaire puisque nous sommes appelés à nous prononcer sur la somme considérable de 402 milliards d'euros relative aux dépenses concernant la santé, la retraite et la famille. Il nous appartient également de juger si l’affectation de ces dépenses correspond aux besoins et aux priorités, ainsi que de veiller à leur financement et à la façon dont il est réparti, tout en sachant qu’il pèse sur l'économie du pays, notamment sur le coût du travail.

Le contexte est particulier avec, au cours de l’année 2007, les élections présidentielle et législatives. Un quinquennat s’achève, au cours duquel le Gouvernement et l’UMP auront eu les pleins pouvoirs. Qu’en ont-ils fait ?

M. Pascal Terrasse. Rien !

M. Jean-Luc Préel. Ainsi, après les réformes des retraites en 2003 et de l’assurance maladie en 2004, et alors que les déficits avaient été confiés jusqu’en 2006 à la CADES, c'est-à-dire mis à la charge de nos enfants, il nous avait été annoncé que l’équilibre serait atteint en 2007 et qu’il n’y aurait donc plus de déficit à financer.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Jamais !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. C’est de la mauvaise foi !

M. Jean-Luc Préel. J’ai bien entendu, monsieur Dubernard, que le déficit serait réduit à zéro en 2007. Ce ne sera pas le cas. Une fois les réformes passées, où en sommes-nous ?

Nous nous étions tous accordés pour qualifier d'historique le déficit de 2004, puisqu'il atteignait la somme faramineuse de 11,9 milliards d’euros.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. A qui la faute ?

M. Jean-Luc Préel. En tout cas, pas à moi !

Le déficit de 2005 a été, hélas, du même ordre – 11,6 milliards –, les quatre branches étant déficitaires. En 2006, il y a une légère amélioration, puisque le déficit a été ramené à 9,7 milliards, mais il convient de noter que si celle-ci est liée, assurément, à une légère décélération des dépenses maladie, notamment en matière d’indemnités journalières, elle a été obtenue surtout grâce à des recettes nouvelles de l'ordre de 4,5 milliards, dont 2,1 milliards issus de la mesure exceptionnelle concernant les plans d'épargne logement, sans oublier les mesures relatives à la C3S – un euro –, aux droits sur le tabac et aux médicaments, etc. Diminuer les déficits en augmentant les recettes n’est pas très difficile, monsieur le ministre ! Peut-être est-ce pour cela que vous n’êtes pas très bavard sur le sujet, alors même que reconnaître une augmentation des recettes en 2006 de 4,5 milliards permettrait à chacun de mieux comprendre la situation.

L’année 2007, je le répète, devait être celle de l'équilibre, mais vous prévoyez à nouveau un déficit, de l’ordre de 8 milliards. Deux questions essentielles méritent dès lors d'être posées. Ce déficit ne sera-t-il pas dépassé ? Comment sera-t-il financé ?

Sans doute sera-t-il dépassé car – j'y reviendrai – le niveau de l’ONDAM, très volontariste, n'est guère réaliste. De plus, il convient de ne pas oublier les déficits prévisionnels du FSV, de l’ordre de 0,6 milliard, et du FFIPSA : 2,1 milliards. Le régime agricole, du temps du BAPSA, était équilibré par une subvention, qui a disparu aujourd'hui,…

M. Pascal Terrasse. Heureuse époque !

M. Jean-Luc Préel. …si bien que le déficit cumulé atteint 7 milliards. Le Gouvernement autorise le FFIPSA à emprunter : est-ce raisonnable ? L'État ne ferait-il pas mieux, sinon d’apporter les financements nécessaires à son équilibre, du moins de financer les intérêts des emprunts ? Ne serait-ce pas le strict minimum ?

Au total, les déficits de l'année 2007 prévus par le Gouvernement s’élèvent donc à 10,7 milliards.

La question relative au financement de ces déficits est tout aussi essentielle. Il n'y aura pas, paraît-il, de transfert à la CADES, et c'est heureux car le report sur les futures générations est moralement inacceptable et plus personne n’en veut. Monsieur le ministre délégué, je vous ai posé la question en commission sans obtenir de réponse. Certainement allez-vous nous éclairer au cours des débats sur cette question majeure et nous faire part de la décision que le Gouvernement a prise pour financer le déficit en 2007. Vous ne sauriez évidemment envisager le recours à l’emprunt, encore que vous prévoyiez une ligne de trésorerie de 28 milliards, dont je ne connais pas la signification.

Quant à vos prévisions de recettes, que je ne discuterai pas, sans doute convient-il de noter qu’elles sont un peu optimistes, puisqu’elles s’appuient sur une prévision de croissance de 2 à 2,5 % et d’augmentation de la masse salariale de 4,6 %. Certes, l’expérience nous a appris qu’il est toujours difficile de prévoir l'avenir, surtout en économie où interviennent un grand nombre de paramètres que nous ne maîtrisons pas. Toutefois, ne mégotons pas notre plaisir et acceptons l'augure, en cette année électorale, d'un relatif optimisme.

Pour améliorer les comptes sociaux, il suffirait que l'État honore ses dettes, que la Cour des comptes estime à 5 milliards d’euros. Au lieu de cela, vous avez rédigé un article 21, par lequel le Gouvernement demande à être dispensé de la compensation des exonérations de cotisations sociales qu’il accorde au titre de sa politique visant à favoriser l’emploi. Si l'intérêt de telles exonérations est largement discuté, l'État est libre de les décider, mais la loi lui fait alors obligation de les compenser. C'est pourquoi l'UDF a déposé un amendement de suppression de cet article.

Venons-en aux dépenses, et d’abord à celles de l'assurance maladie. La réforme de 2004, présentée à l’époque comme la « der des der », a-t-elle permis de résoudre tous les problèmes, c'est-à-dire de remettre d’aplomb notre système de santé et de combler les déficits ? Je ne le pense pas.

M. Pascal Terrasse. Nous non plus !

M. Jean-Luc Préel. Puisque vous venez de nous rejoindre, monsieur le ministre de la santé, je vous dirai que vous défendez et même que vous « vendez » très bien votre réforme, avec un air souriant et convaincu…

M. le ministre de la santé et des solidarités. Convaincant aussi, j’espère.

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur. C’est parce qu’il y croit !

M. Jean-Luc Préel. …qui pourrait être contagieux, ce que je ne vous reproche pas.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Alors laissez-vous contaminer ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Préel. Vous êtes dans votre rôle. Mais il ne s’agit précisément pas d’un jeu de rôle.

Vous prenez trois critères. Le premier, c’est que les Français ont choisi leur médecin traitant. Soit. Mais avaient-ils une autre possibilité pour être normalement remboursés ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. On m’avait assuré que ça ne marcherait pas !

M. Jean-Luc Préel. Le deuxième est le taux de pénétration des génériques. Or le seul intérêt des génériques est d'être moins chers que les princeps, puisqu’ils ne contribuent en aucune manière ni à renforcer la qualité des soins ni à améliorer l'organisation du système.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ils contribuent à la responsabilisation !

M. Jean-Luc Préel. Le troisième critère, enfin, est la diminution du déficit, qui, selon vous, aurait dû être plus important si vous n’aviez rien fait.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Juste quatre fois plus !

M. Jean-Luc Préel. Dois-je encore vous rappeler que vous vous étiez engagé à atteindre l'équilibre en 2007 ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Non ! Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Luc Préel. Alors, c’est le ministre précédent !

M. Pascal Terrasse. Eh oui ! Il suffit de se reporter au Journal officiel.

M. Jean-Luc Préel. Quoi qu’il en soit, nous en sommes loin !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur Préel, vous avez proféré cinq mensonges consécutifs !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Il s’agit plutôt de péchés par omission.

M. le président. Laissez l’orateur s’exprimer !

M. Jean-Luc Préel. La diminution du déficit est surtout liée à l'augmentation des recettes, avec non seulement l’augmentation plus importante que prévue de la masse salariale et donc des rentrées supplémentaires de cotisations – n’est-ce pas vrai, monsieur le ministre ? –…

M. le ministre de la santé et des solidarités. Une fois n’est pas coutume !

M. Jean-Luc Préel. …mais également avec 4,6 milliards d’euros de recettes nouvelles, à l’instar des 2,1 milliards provenant des plans épargne logement.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Pour le régime général, pas pour l’assurance maladie !

M. Jean-Luc Préel. Et je maintiens qu’il n’est pas particulièrement difficile de réduire les déficits en augmentant les recettes !

Quant à la réduction des dépenses, elle est due pour l'essentiel à la diminution très forte des indemnités journalières, obtenue grâce à des contrôles renforcés. D'après le directeur général de la CNAM, cette diminution est moins importante depuis quelques semaines et elle ne se poursuivra pas au même rythme en 2007, en raison de la reprise économique et de la diminution du chômage que celle-ci entraîne.

D’ailleurs, l'ONDAM 2006 sera dépassé de quelque 700 millions – cela aurait pu être pire. Le contexte demeure tendu pour l’ensemble du secteur de la santé : établissements publics et privés, professions de santé et industrie du médicament.

Monsieur le ministre, vous défendez votre réforme en expliquant que vous avez opté pour la maîtrise médicalisée par opposition à la maîtrise comptable.

M. Jean-Pierre Door. C’est vrai.

M. Jean-Luc Préel. Quels sont selon vous les critères qui les différencient ? De même, vos critères de la fin août sont-ils ceux d'une maîtrise médicalisée ?

L'ONDAM, en dépit de demandes multiples, n'est toujours pas médicalisé. Il s'agit d'un ONDAM économique décidé en octobre par Bercy de manière pifométrique : un taux d'augmentation appliqué aux dépenses prévisionnelles de l'année en cours. Des sous-objectifs définis selon la même méthode sont ensuite attribués à chaque secteur. Depuis la réforme de 2004, un comité d'alerte doit demander au Gouvernement et à la CNAM de prendre les mesures pour revenir dans les clous lorsque les dépenses dépassent l'objectif de 0,75 %.

Or, en août, les clignotants étaient au rouge…

M. le ministre de la santé et des solidarités. J’assume mes responsabilités.

M. Jean-Luc Préel. …et le comité d'alerte allait se réunir. Mais vous ne souhaitiez évidemment pas qu'il sonne l'alarme, cela aurait fait mauvais effet.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Luc Préel. Vous avez donc, dans l'urgence et par anticipation, pris trois mesures sans aucune concertation :…

M. le ministre de la santé et des solidarités. Mais si !

M. Jean-Luc Préel. : …baisse de 3 % du tarif des cliniques, gel de crédits destinés aux hôpitaux et mesures sur le médicament. S’agit-il de maîtrise comptable ou de maîtrise médicalisée ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. De maîtrise des comptes…

M. Jean-Luc Préel. Je vous remercie de me répondre, mais j'ai ma petite idée, comme tous ici, du reste. Quoi qu'il en soit, ces décisions ont eu un effet psychologique désastreux, d'autant que les chiffres manquent de transparence.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Pas du tout ! Merci pour la Cour des comptes !

M. Jean-Luc Préel. L'UDF avait préconisé un « INSEE santé », organisme indépendant chargé de recueillir toutes les données, de les traiter et de les restituer à tous. Nous manquons cruellement d’un tel outil, car vous l’avez refusé. Ce n'est pas l'ersatz prévu dans la loi, mais qui n’est pas encore fonctionnel, qui pourra remplir ce rôle.

Le maîtrise médicalisée implique un ONDAM construit sur des données médicales, des relations de confiance bâties avec tous les professionnels et des contrats passés dans la transparence et respectés par tous, notamment par l'État.

L’ONDAM 2007, à 144,6 milliards, est en augmentation de 2,5 %, avec un sous-objectif « soins de ville » à 66,5 milliards : plus 0,8 %, et un sous-objectif « établissements » à 47,5 milliards : plus 3,5 % pour les hôpitaux.

Le vote de sous-objectifs « soins de ville », « établissements » et « médico-social » est regrettable, en raison surtout – c’est un des reproches majeurs que chacun fait à notre système de santé – de la séparation inopportune qu’il crée entre prévention et soins, ambulatoire et établissements, sanitaire et médico-social. Au nom de l'UDF, je m'étais opposé au vote de ces sous-objectifs, demandant le vote de sous-objectifs régionaux établis sur des critères objectifs.

Je regrette également que l’ONDAM ne prenne en compte que les dépenses remboursables par le régime général. Il conviendrait de les recadrer dans les dépenses de santé du pays afin que nous puissions discuter du régime de base, des assurances complémentaires et des dépenses de prévention et d'éducation à la santé. D’autant qu’un grand nombre de nos concitoyens ont hélas beaucoup de mal à avoir accès à des médecins de secteur 1, surtout dans certaines régions, et sont ainsi confrontés à des dépassements d'honoraires souvent importants, plus ou moins remboursés selon les complémentaires. Nos discussions sont donc déconnectées de la réalité.

Cet ONDAM, je l’ai dit, ne sera vraisemblablement pas tenu. L’ONDAM « soins de ville », en augmentation de 0,8 %, est totalement irréaliste. Certes, la commission l’a doté de 300 millions d’euros supplémentaires – que vous ramenez, semble-t-il à 200 millions – mais il est toujours loin de correspondre aux besoins et aux attentes. L'ONDAM « soins de ville » 2006, je le rappelle, était en progression de 0,9 % et sera dépassé de 700 millions malgré une baisse considérable des indemnités journalières. Proposer en 2007 une augmentation inférieure est quasiment de la provocation !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Luc Préel. La décroissance des indemnités journalières va probablement se ralentir. Vous demandez 610 millions d’euros d'économies nouvelles ; les syndicats médicaux attendent, quant à eux, l'alignement justifié du C sur le CS, c’est-à-dire de la consultation de généraliste sur celle de spécialiste, puisque la médecine générale devient une spécialité.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Vous êtes d’accord ?

M. Jean-Luc Préel. J’ai cru comprendre que vous le proposiez à la fin de l’année 2007. Ce sera l’affaire du ministre suivant !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Pourquoi ? Il y aura un ministre suivant ?

M. Jean-Luc Préel. Les syndicats attendent également la deuxième phase de la CCAM technique et la mise en œuvre de la CCAM clinique, sans parler du secteur optionnel. Ils maintiendront certainement la pression puisque ceux qui avaient soutenu votre réforme et signé une convention incompréhensible par le commun des mortels créant une médecine à plusieurs vitesses…

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Luc Préel. …ont été désavoués lors des élections du printemps aux URML.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ce n’était pas un référendum sur la convention !

M. Jean-Luc Préel. Les autres professions de santé, notamment les infirmières, attendent la revalorisation des actes infirmiers et des frais de déplacement.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est légitime.

M. Jean-Luc Préel. Oui, monsieur le ministre, mais ces dépenses n’entreront pas moins dans l’ONDAM « soins de ville ».

Certes, celui-ci comporte les honoraires et les prescriptions, dont le médicament. Toutefois la croissance de ce dernier secteur aura été proche de zéro en 2006. Vous prévoyez une croissance négative en 2007 – moins 2,6 % – avec 1,8 milliard d'économies et le maintien de la surtaxe exceptionnelle sur le chiffre d'affaire à 1 %, alors qu'elle aurait dû revenir à 0,6 %.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Nous la diminuons !

M. Jean-Luc Préel. L’année dernière, elle était d’un montant exceptionnel. Vous auriez donc dû revenir au stade antérieur, ou alors je ne comprends plus le français !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ce n’est pas ce qui avait été dit l’année dernière !

M. Jean-Luc Préel. Pensez-vous ainsi rétablir des relations de confiance, dynamiser la recherche pour découvrir et développer les médicaments qui nous permettraient de guérir les malades dits aujourd’hui incurables ? De plus se pose le problème majeur de la protection des brevets, que l’on a évoqué tout à l’heure et auquel nous reviendrons lors des débats.

L’ONDAM « établissements », fixé à 47,5 milliards d’euros, augmente de manière asymétrique. Pour les hôpitaux, l’augmentation annoncée est de 3,5 %, avec une T2A fixée à 50 %, sauf pour la chirurgie ambulatoire où elle est de 100 %, mais quelle somme sera effectivement déléguée à chaque établissement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. 3,5%.

M. Jean-Luc Préel. Non, monsieur le ministre. Une augmentation de 3,5 % est de toute façon estimée insuffisante par la Fédération hospitalière de France, qui évalue à 800 millions le déficit des établissements conduisant à des reports de charges. En 2006, vous aviez fixé le taux d’augmentation à 3,43 %, demandant à plusieurs reprises qu’il soit respecté, mais vous n’avez pas délégué aux établissements la totalité de cette somme.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Nous ne sommes pas encore à la fin de l’année !

M. Jean-Luc Préel. Attendez deux secondes…

M. le ministre de la santé et des solidarités. Et vous, attendez la fin de l’année !

M. Jean-Luc Préel. Certes, une partie a été gardée en réserve pour être déléguée en fin d’année, mais cela n’empêche pas que l’on demande aux établissements de voter entre mars et juin des EPRD en équilibre, sans qu’ils connaissent la totalité des recettes qu’ils pourront percevoir. La logique ne serait-elle pas de voter un EPRD prévoyant une subvention d’équilibre pour atteindre les 3,5 % annoncés ? Finalement, quelle somme allez-vous attribuer réellement aux établissements ? Merci là encore, monsieur le ministre, de me répondre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Celle qui est prévue !

M. Jean-Luc Préel. La T2A était attendue par beaucoup avec espoir. Elle allait remplacer le budget global tant décrié. Comme l’annonçait Jean-François Mattei, chaque établissement, chaque service, chaque pôle allait construire son budget à partir de son activité. Les établissements privés, grâce à la convergence, espéraient une amélioration de leurs ressources. Mais la mise en œuvre technocratique s’avère d’une telle complexité que tout le monde déchante : l’EPRD est voté sans connaître toutes les recettes ; de multiples forfaits sont prévus sans transparence ; les contrats d’objectifs, signés sous la contrainte des ARH, viennent brider les bonnes volontés : si l’activité augmente plus que prévu, les tarifs baissent.

La convergence tarifaire public-public, privé-privé, et surtout public-privé, n’est pas pour demain ni même pour après-demain.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est pour 2012.

M. Jean-Luc Préel. La Cour des comptes préconise de ralentir, voire de suspendre sa mise en œuvre. J’en suis à me demander, monsieur le ministre, si vous n’allez pas tuer une bonne idée.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Une marche en avant n’est pas une mauvaise idée !

M. Jean-Luc Préel. Le plan Hôpital 2007, surtout son volet investissement, était intéressant. Mais vous demandez, à l’article 19, que les établissements reversent à l’assurance maladie le prix de la vente de l’immobilier, qui contribue habituellement et logiquement au financement de l’investissement. Quelle logique est-ce là, alors que l’État perçoit par ailleurs la TVA et donc attribue globalement une subvention négative ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ce n’est pas pareil. Vous le savez bien, monsieur Préel.

M. Jean-Luc Préel. L’État dit qu’il aide et prélève la TVA : quel est finalement l’aide de l’État dans le plan de financement ? J’aimerais que vous me fassiez un dessin !

L’hospitalisation privée, dont la place dans notre système de soins est très importante, pour la cancérologie et la chirurgie notamment,…

M. le ministre de la santé et des solidarités. Et pas seulement !

M. Jean-Luc Préel. …demande plus de transparence dans les données comptables, la prise en compte de son rôle réel dans les missions d’intérêt général, dans les urgences et – pourquoi pas ? – dans la formation des chirurgiens. Elle souhaite une convergence des tarifs, ce que devrait permettre la T2A pour les mêmes GHS en intégrant, bien entendu, les honoraires des praticiens. Cette convergence permettrait d’harmoniser à terme les rémunérations des personnels.

Au terme de ce quinquennat, notre système de santé est-il sur la bonne voie ?

À l’UDF, nous ne le pensons pas. La crise demeure profonde, à la fois organisationnelle, morale et financière. Les défauts majeurs perdurent : le système est toujours très orienté vers le curatif et reste toujours aussi médiocre pour la prévention et l’éducation à la santé ; nous avons aggravé la séparation ville-hôpital, sanitaire et médico-social. Tous les professionnels sont aujourd’hui, à tort ou à raison, désabusés et inquiets. Les élections aux URML sont à ce titre très éclairantes. Le questionnaire que l’UDF a adressé aux pharmaciens, et les 2 500 réponses reçues, confirment que cette profession, qui pourrait être considérée comme privilégiée, est très inquiète, même si beaucoup d’entre eux souhaitent s’impliquer davantage et devenir acteurs.

C’est pourquoi, à l’UDF, nous pensons qu’il est nécessaire de revisiter cette réforme, qu’au niveau régional chacun puisse s’impliquer, être associé en amont aux décisions, en aval à la gestion dans des conseils régionaux de santé élus.

Où en sont les ARS expérimentales, que chacun appelle des ses vœux ? Même si le concept n’est pas le même pour tous, l’idée commune est d’avoir un responsable unique pour la santé au niveau régional. À l’UDF, nous souhaitons une décentralisation vraie et récusons totalement l’idée saugrenue d’une agence nationale, présidée par le ministre, regroupant les ARS : où serait le progrès ? J’ai même vu que vous aviez fait une grande déclaration à ce propos lorsque le parti auquel vous appartenez plus ou moins…

M. le ministre de la santé et des solidarités. Plutôt plus que moins !

M. Jean-Luc Préel. …a fait sa grande intervention sur la santé. Cette centralisation aboutie viderait de son sens la volonté de responsabiliser tous les acteurs de la santé, condition pourtant indispensable pour une maîtrise médicalisée et une optimisation des dépenses.

Pour l’hôpital, nous souhaitons une réelle autonomie des établissements, une responsabilisation des conseils d’administration, une évolution vers des contrats, une prise en compte réelle de l’activité et un fonctionnement en réseau. L’essentiel, c’est bien la prise en compte des besoins de la population, une politique de santé de proximité et l’égal accès de tous à des soins de qualité. Nous avons donc encore un long chemin à parcourir pour y parvenir.

Quelques mots sur les autres branches, avant de conclure.

La branche retraite sera déficitaire de 2,4 milliards en 2006, le FSV de 1,2 milliard. En 2007, le déficit prévu est respectivement de 3,5 milliards et de 0,6 milliard. Il est dû pour l’essentiel au départ de ceux qui ont commencé à travailler tôt, de l’ordre de 350 000 depuis 2005, et au début du papy boom. Il doit s’aggraver ces prochaines années et devrait être de l’ordre de 5 milliards en 2009. On constate donc que la réforme des retraites de 2003 n’a pas résolu le problème de financement, d’autant qu’elle a laissé de côté les régimes spéciaux.

Je rappelle, monsieur le ministre – car vous dites ne pas avoir entendu nos propositions – que l’UDF avait proposé : premièrement, une gestion paritaire du régime de base responsabilisant les partenaires sociaux ; deuxièmement, l’extinction progressive des régimes spéciaux, dans un amendement qui avait été refusé par François Fillon – et il est piquant de l’entendre aujourd’hui en réclamer la mise en œuvre. Que ne l’a-t-il pas fait en 2003 en acceptant notre amendement ? Troisièmement, surtout, l’UDF préconise l’évolution vers une retraite par points permettant à la fois le libre choix de son départ à la retraite et l’équilibre financier du régime.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Vous n’effacez plus les quinze plus mauvaises années ?

M. Jean-Luc Préel. Je suis prêt à en discuter.

M. le président. Préparez-vous plutôt à conclure.

M. Jean-Luc Préel. La dépendance est l’un des défis majeurs que nous devons relever. La création de la caisse autonomie dans laquelle certains voient l’amorce d’une cinquième branche a complexifié un système déjà fort compliqué avec des responsables multiples et des financements croisés. L’important est de prendre à bras-le-corps ce problème de la dépendance, de définir clairement les responsabilités, de se donner les moyens de favoriser le maintien à domicile en coordonnant les multiples intervenants, en prônant la qualité des soins et en l’évaluant. Il convient également de permettre un hébergement en établissement adapté lorsqu’il est devenu indispensable, et de financer les soins et la dépendance en fonction de l’état de chaque personne.

L’article 42 prévoit à nouveau de mieux répartir les crédits des unités de soins de longue durée entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que cet article devrait être complété de manière symétrique pour prendre en compte l’état des personnes en EHPAD qui devraient relever d’unités de soins de longue durée ? Car si on dit que certains de ceux qui sont en unité de soins de longue durée devraient être en EHPAD, on devrait logiquement prendre en compte de la même façon ceux qui sont en EHPAD alors qu’ils devraient être en longue durée.

Concernant les veufs et veuves, la réforme de 2003 a transformé la pension de réversion en une allocation sociale révisée chaque année et a pénalisé les jeunes veuves. Deux amendements que j’ai présentés pour améliorer le sort des conjoints survivants ont été votés par la commission. Je souhaiterais que vous les acceptiez.

Peu d’articles concernent la branche famille. Je retiendrai que vous voulez supprimer un mois de la PAJE, ce qui n’est guère acceptable.

Il resterait à débattre du financement de la protection sociale… Vaste sujet ! Le Président de la République avait annoncé une réforme importante pour cette année. Nous ne voyons rien venir. Avions-nous mal entendu ? Pourtant, il faudrait que notre protection sociale dépende moins de l’emploi et que les financements pèsent moins, dans un contexte concurrentiel, sur le coût du travail. C’est pourquoi il serait nécessaire de diminuer les cotisations pour relever le salaire net et d’aller vers un système mixte basé sur la CSG et une TVA sociale. Mais nous aurons l’occasion ces prochains mois d’en débattre.

En conclusion, après les réformes de l’assurance maladie et de la retraite,…

M. le ministre de la santé et des solidarités. Et celle de la dépendance !

M. Jean-Luc Préel. …et après l’annonce d’un équilibre en 2007, nous constatons que cette loi de financement de la sécurité sociale prévoit un déficit, avec le FFIPSA, de 10,7 milliards. Rien n’est prévu pour le financer, et c’est un vrai problème. Pour la santé, l’ONDAM non médicalisé est irréaliste et ne sera pas tenu. Le conseil d’administration de la CNAM a rendu un avis négatif. Tous les secteurs de la santé sont en crise. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Luc Préel. La séparation soins-prévention, hôpital-ville, sanitaire - médico-social, a été aggravée. Le pouvoir d’achat des retraités n’est pas garanti, et pourtant la branche vieillesse est en déficit.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Si, il est garanti depuis la réforme de 2003 !

M. Jean-Luc Préel. Sauf une modification profonde et improbable de cette loi en cours des débats, l’UDF, à son grand regret, ne pourra pas la voter. (« Oh non ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Door. Est-ce possible ?

M. Jean-Claude Flory. Quel dommage !

M. Gérard Charasse. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ça commençait si bien et ça finit si mal !

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face à la dégradation structurelle des comptes de la sécurité sociale, on assiste à une campagne idéologique de grande ampleur qui pousse à réduire les régimes de protection sociale à un filet de sécurité minimal pour les plus modestes, les autres étant poussés à recourir à des assurances privées. D’où la méthode employée de manière constante par le Gouvernement, à savoir multiplier les déremboursements et les franchises à la charge des malades.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ce n’est pas vrai !

Mme Muguette Jacquaint. Or les députés communistes et républicains ne cessent de répéter qu’il n’y aura pas d’amélioration de la situation de la sécurité sociale tant qu’on se limitera à une maîtrise comptable des dépenses et qu’on se refusera à dégager de nouvelles sources de financement durables. Le Gouvernement se refuse en effet à élargir l’assiette de financement au nom de la sacro-sainte stabilité des prélèvements obligatoires.

Le résultat de cette politique, nous le voyons aujourd’hui : les prévisions de déficit pour 2006 restent toujours extrêmement élevées : près de 10 milliards, dont 6 milliards pour la branche maladie. Comme l’an dernier et suivant une tendance alors nouvelle, toutes les branches du régime général sont déficitaires. La légère amélioration constatée depuis le déficit historique de l’an dernier est essentiellement due au léger frémissement de la croissance et au sursaut de l’emploi, qui ont amené des rentrées fiscales et sociales supplémentaires.

Le Président de la République et le Gouvernement ont promis à l’unisson que 2007 verrait le retour à l’équilibre, notamment grâce à la récente loi relative à l’assurance maladie. Or, même dans les prévisions les plus optimistes, force est de constater que la promesse ne sera pas tenue.

Dans ce contexte, les préconisations de la Haute autorité de santé rendues publiques jeudi dernier sont inquiétantes. Cet organisme consultatif propose en effet le déremboursement total de 89 médicaments, et celui partiel de 44 autres. Or des médicaments destinés à soulager les personnes âgées sont dans la ligne de mire, notamment les vasodilatateurs, ce qui va à l’encontre de la nécessaire prise en charge d’une population âgée toujours plus nombreuse. Ces nouveaux déremboursements, s’ils sont repris par le Gouvernement, viendraient s’ajouter aux 82 médicaments déremboursés en 2003 et aux 156 déremboursements de l’an dernier. Est-ce ainsi que vous voulez faire des économies pour la sécurité sociale ?

Faute de toucher en profondeur au financement, le Gouvernement se limite dans ce projet de loi à rechercher des recettes tous azimuts sans grande cohérence, et le plus souvent au détriment du malade lui-même. Il est ainsi prévu que le forfait hospitalier passe de 15 à 16 euros, avec l’instauration d’un reste à charge pour les malades de 18 euros pour les actes lourds. Rappelons qu’il y a quelques années, ce forfait n’était que de 10 euros. Or cette mesure implique un coût important pour les patients, notamment pour les personnes hospitalisées pour une longue durée.

Le Gouvernement poursuit de même la maîtrise médicalisée, l’objectif étant de contenir les prescriptions de produits de santé, notamment pour les affections de longue durée.

Pourtant, l'avis de la Cour des comptes montre que, depuis 1999, ces mesures ne fonctionnent pas. En effet, les médecins ne tiennent pas les engagements souscrits par leurs syndicats, alors que les revalorisations tarifaires ont représenté 2 milliards d'euros de dépenses annuelles.

Pour ce qui est des recettes, le Gouvernement se livre à un tour de passe-passe entre les comptes de la sécurité sociale et ceux de l'État, notamment pour compenser la suppression de 370 millions d'euros de cotisations patronales au niveau du SMIC. Plutôt que de rechercher de nouveaux financements, le Gouvernement propose donc de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Or même cette compensation est partielle, et l'exonération de charges sociales continue à peser sur les comptes de la « sécu ». Rappelons au passage que l'État doit à celle-ci 5 milliards d'euros, sans qu'aucune conséquence en soit tirée dans ce projet de loi, hormis la prise en charge par l'État – c’est le moins qu’il puisse faire – des frais de cette dette.

Notons encore au passage le cadeau fait aux laboratoires pharmaceutiques, leur contribution passant de 1,76 % à 0,76 % de leur chiffre d'affaires. Pourtant, la situation financière de cette industrie est florissante.

Du côté des dépenses, le Gouvernement poursuit sa chasse aux « abus » et aux « fraudes ». Sur le principe, on ne peut bien sûr s'opposer à cet objectif. Mais qui pâtira d'un contrôle toujours plus sévère de la condition de résidence, sinon des familles aux conditions de vie précaires et à l'hébergement instable ? Et combien coûtera l'installation du Comité national de lutte contre les fraudes ? Nous craignons que, sous couvert de la lutte contre la fraude, les plus défavorisés soient à nouveau sanctionnés.

Enfin, contrairement aux effets d'annonce, le Gouvernement ne prend pas à bras-le-corps la grave situation de nos établissements de santé. Le déficit des hôpitaux est de 1 milliard d'euros, et plus des deux tiers des établissements sont en déficit. La Fédération hospitalière de France réclamait par conséquent une progression de l'ONDAM « établissements » de 4,21 %. Or le Gouvernement se limitera à une augmentation de 3,5 %, ce qui implique un écart de 700 millions d'euros entre les besoins et les moyens alloués. Il est donc à craindre que l'offre de soins ne continue de diminuer et que les fermetures d'établissements de proximité ne se poursuivent, ainsi que les réductions d’emplois. Les carrières des personnels hospitaliers ne seront pas revalorisées, au détriment de l'attractivité des métiers. Parallèlement, le Gouvernement persiste à développer la tarification à l'activité, qui se traduit par la sélection des malades et l'explosion des tarifs.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est faux !

Mme Muguette Jacquaint. Une ligne de partage se dessine entre le privé, qui se spécialise dans des actes rentables de haute technicité, et le public, cantonné à l'urgence et à la prise en charge des situations sociales les plus difficiles.

Face à cette situation, les députés communistes et républicains ne proposent pas, comme le Gouvernement, de réduire encore les dépenses, et de remettre ainsi en cause le régime de la sécurité sociale, mais au contraire de mettre en œuvre des mesures qui pourraient répondre à ses difficultés. Le choix doit consister non à réduire les dépenses, mais au contraire à accroître l'offre de santé. Il faut en effet savoir que, selon le ministère de la santé lui-même, un tiers des chômeurs et 18 % des ouvriers affirment renoncer souvent à se soigner pour des raisons financières. Nous proposons donc d'assurer un égal accès à une médecine de qualité et de proximité, en finançant cet effort par une augmentation modulée de cotisations patronales, ainsi que par une cotisation additionnelle sur les revenus financiers des entreprises et des banques. Ce ne serait d'ailleurs qu'un juste retour des choses puisque, rien qu'en 2007, le montant des exonérations patronales s’élèvera à près de 25,6 milliards d'euros !

Le redressement des comptes de la « sécu » passe aussi par l'augmentation des salaires et la lutte effective contre le chômage et l'emploi précaire, puisque la protection sociale dépend des revenus issus du travail. Pour assurer l'accès aux soins, il faut en premier lieu abroger la réforme Douste-Blazy et toutes celles qui organisent une médecine à deux vitesses, faisant le lit des assurances et des grands groupes de cliniques privées. Nous proposons également d'aller vers une sécurité sociale universelle visant le remboursement à 100 %. Le plan Hôpital 2007 et la tarification à l'acte doivent être abandonnés. Un plan d'urgence doit être lancé pour la formation de milliers de professionnels, dont 40 000 infirmiers et 9 000 médecins par an – vous nous en avez annoncé 7000, mais quand seront-ils disponibles ? Enfin, nous proposons la création d'un pôle public du médicament pour écarter les logiques du profit.

Comme vous le voyez, nous ne nous contentons pas de dénoncer : nous faisons au contraire des propositions concrètes, en rupture avec une gestion libérale de la sécurité sociale. Nous y reviendrons en défendant nos amendements, qui réorientent en profondeur la politique menée. Leur rejet nous contraindrait une fois encore, monsieur le ministre, à voter contre votre projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Door. Après le froid, soufflons le chaud !

En juin dernier, le débat d'orientation budgétaire, le premier du genre, permettait au Parlement de prendre connaissance des orientations étendues aux finances sociales. Il confirmait aussi la possibilité d’un retour à l'équilibre du régime général de la sécurité sociale à l’horizon 2010.

Moderniser et améliorer notre système d'assurance maladie, c'est vouloir le sauvegarder. C'est également choisir entre la responsabilité et le démagogie. En cela, la réforme du 13 août 2004 restera un acquis incontestable de cette législature. Préparée par Philippe Douste-Blazy et vous-même, monsieur le ministre, et parfaitement pilotée, la réforme de 2004 a conjugué le défi de redressement financier avec une politique de santé modernisée, la maîtrise médicalisée, l’évolution des comportements des assurés comme des professionnels de santé, le développement de la prévention, tout en maintenant un haut niveau de protection sociale. Telles sont les clefs de sa réussite.

L'organisation réussie du parcours de soins, avec la mise en place du médecin traitant, est un pied de nez aux Cassandre de tous bords. C’est ce que confirme l'UNCAM : 80 % des assurés et 99 % des généralistes respectent ce parcours, et la proportion des consultations s’y inscrivant est de 80 % – soit seulement 20 % hors parcours.

Avec efficacité, le Gouvernement a donc rétabli la confiance, et les Français ne s'y trompent pas, qui se montrent rassurés, dans les sondages d'opinion, de pouvoir bénéficier d'un système de santé dont ils sont fiers.

Après un déficit de la branche maladie de 11,6 milliards d'euros en 2004, puis de 8 milliards en 2005 et de 6 milliards en 2006, le cap ambitieux de 3,9 milliards d’euros en 2007 n'est pas hors d'atteinte. Ce redressement est dû essentiellement à la réduction des dépenses de soins de ville – dont la progression a été ramenée à 1,5 % en 2006, après l’avoir été à 3 % en 2005, contre 6 et 7 % en 2001 et 2002. La progression des dépenses de médicaments est presque nulle en 2006 – contre 7 et même 8 % auparavant – et les indemnités journalières continuent leur décroissance, pour atteindre un taux négatif. Une telle réduction, jamais vue dans ces deux postes, est un réel motif de satisfaction.

En somme, après avoir toujours échoué – même pendant les années socialistes –, l’ONDAM de soins de ville est respecté pour la première fois depuis neuf ans. Un tel résultat a été rendu possible grâce à l'implication responsable de tous les acteurs de santé.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Door. On ne peut dès lors que regretter l'absence d'encouragements de ceux qui n'ont pas voulu soutenir la réforme. Et contrairement aux idées fausses qu'ils se complaisent à colporter, la feuille de route pour 2007 décrite dans ce PLFSS a toutes les raisons de contribuer à poursuivre le redressement des comptes du régime général de la sécurité sociale.

Vous misez, monsieur le ministre, sur un dynamisme des recettes grâce à l'accroissement de la masse salariale lié à la reprise nette et continue de l’emploi ainsi qu’au transfert d’une part des droits de tabac – 160 millions –, que nous aurions pu souhaiter plus conséquente, mais ce n’était qu’un rêve ! Alors que vous diminuez la taxation de l'industrie pharmaceutique de 1,76 % à 1 %...

M. Pascal Terrasse. C’est un scandale !

M. Jacques Desallangre. Et un beau cadeau !

M. Jean-Pierre Door. …vous procédez, dans l'article 5, à une augmentation de la contribution des grossistes répartiteurs. Certes, les réactions des uns et des autres peuvent se comprendre. Mais je crois savoir que, fort de ses succès, le CSIS – Conseil stratégique des industries de santé – va reprendre ses travaux,…

M. le ministre de la santé et des solidarités. Au début du mois de décembre, en effet.

M. Jean-Pierre Door. …ce dont je vous remercie, tant cet organisme est important pour négocier l'avenir de notre industrie pharmaceutique, deuxième richesse de notre économie.

M. Jacques Desallangre. L’industrie pharmaceutique se porte fort bien, ne nous inquiétons pas pour elle !

M. Jean-Pierre Door. Pour conclure sur le chapitre des recettes, je vous rappelle, monsieur le ministre, la proposition que je vous avais faite l’an dernier de créer, par voie d’amendement, un groupe de travail parlementaire sur le financement de la protection sociale.

Au chapitre des dépenses, des sous-objectifs de l'ONDAM tels que la détermination à 0,8 % des dépenses de soins de ville m'interpelle, comme elle interpelle d'autres collègues. Monsieur le ministre, on ne fait pas de médecine sans les médecins, ni sans les infirmières.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Nous avons toujours fait confiance aux professionnels !

M. Jean-Pierre Door. La désertification médicale, les inégalités territoriales, le déficit de la permanence des soins, même s'il y a d'autres causes, doivent être pris en compte, non pas dans les discours mais dans les actes, et à bras-le-corps. Je connais, monsieur le ministre, votre engagement total, notamment après les rapports des professeurs Berland et Grall. Alors que le secteur ambulatoire a participé pleinement à la maîtrise des prescriptions, la fixation des dépenses à 0,8 % serait risquée pour lui. Cet objectif n’est pas tenable et doit être relevé. Merci, monsieur le ministre, de nous avoir entendus et d’avoir accepté de desserrer l’étau pour les soins de ville,…

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ce n’était pas un étau, et nous l’avons aussi fait pour les patients.

M. Jean-Pierre Door. …même si nous regrettons quelque peu que le chiffre retenu soit finalement inférieur aux 300 millions d’euros proposés par la commission.

L'ONDAM hospitalier, fixé à 3,5 % – pour une dotation de 2 milliards d'euros supplémentaires – permettra de répondre à l'accroissement de la masse salariale et de poursuivre le plan Hôpital 2007. Une nouvelle étape sera franchie au sujet de la TAA pour atteindre l'objectif intermédiaire de 50 % que nous avons voté en 2005.

L’hospitalisation privée, quant à elle, joue un rôle essentiel dans notre système de santé. Prisée par nos concitoyens, elle souffre du prélèvement inattendu et exceptionnel, vous nous l’avez confirmé tout à l’heure, qu’elle a subi en octobre dernier.

La commission a par ailleurs adopté un amendement très intéressant, qui valide la création d’un observatoire économique de l’hospitalisation publique et privée, lequel élaborera un système de partage des informations entre les divers partenaires.

Monsieur le ministre, je souhaite aussi vous alerter sur l’écart salarial existant entre les rémunérations des personnels de la fonction publique hospitalière et celles du secteur privé. Vos services ont évalué cet écart à 12 % sur les salaires nets, et il risque de s’accentuer prochainement.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ce n’est pas une fatalité !

M. Jean-Pierre Door. La réponse que vous avez tenté d’apporter sera transmise aux personnels concernés.

L'ONDAM médico-social représente un effort considérable pour nos anciens et les personnes handicapées : plus 6,5 %, soit 650 millions d’euros supplémentaires, ce qui permet 6 000 places de plus en services de soins infirmiers à domicile et 5 000 lits en établissements hospitaliers pour personnes âgées dépendantes.

Dans ce PLFSS 2007 parfaitement équilibré, vous prévoyez d’autres mesures intéressantes, comme l'assouplissement des obligations des assurés en cas d'arrêt de travail, ce qui facilitera leur quotidien.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est déjà fait par circulaire.

M. Jean-Pierre Door. Vous prévoyez aussi l'autorisation pour les infirmières de prescrire des dispositifs médicaux, ce qui évitera des consultations médicales itératives, liées aux renouvellements d'ordonnances. Mais à quand la même la même possibilité pour les pharmaciens, surtout dans les zones dites fragiles et prioritaires ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. En ont-ils parlé avec les médecins ?

M. Jean-Pierre Door. Le plan médicament est poursuivi ; il doit être étendu aux prescriptions hospitalières – je pense aux génériques comme aux référentiels.

Concernant toujours le médicament, je vous propose un amendement visant à renforcer la traçabilité du produit dans toute sa chaîne, depuis la fabrication jusqu'à l'utilisation, pour diminuer les risques de malfaçon, de fraude ou de trafic. La création, aujourd'hui même, d'un Comité national de lutte contre les fraudes est un outil supplémentaire qui permettra de combattre toutes les formes de malhonnêteté en matière de médicament.

Les mesures de participation financière à la permanence des soins ou à la construction de maisons médicales et au développement des réseaux sont reconduites à l’article 50, avec le Fonds d’aide à la qualité des soins de ville, doté pour 2007 de 178 millions d’euros.

Le Fonds de modernisation des établissements est maintenu lui aussi, à l'article 49, avec une dotation de 376 millions d’euros, destinée à soutenir l'investissement dans le cadre du plan Hôpital 2007.

Monsieur le ministre, je ne peux qu'être favorable à la création, à l'article 51, d'un établissement public dénommé « Fonds Biotox et situation sanitaire exceptionnelle » – vous connaissez mon implication dans ce domaine. Il est primordial de créer ce fonds pour que la France puisse continuer à se préparer dans les meilleures conditions aux risques de pandémie liés au virus H5N1.

La mission MECSS avait rendu en 2005 son rapport sur la gestion et l'organisation de la sécurité sociale. J’ai pu voir avec satisfaction que certaines de ses préconisations avaient été reprises dans le COG 2006-2009, voté en août dernier.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Nous vous avons entendus !

M. Jean-Pierre Door. Nous proposons avec Pierre Morange de franchir un pas supplémentaire en développant, d’une part, un répertoire national identifiant avec numéro unique – type INSEE – afin de simplifier les démarches administratives interbranches, et en opérant, d’autre part, la mutualisation des moyens de fonctionnement pour une plus grande efficience dans la gestion et dans la qualité du service rendu aux assurés.

Monsieur le ministre, ils sont nombreux sur le terrain, professionnels de santé comme assurés, à saluer votre courage autant que votre ambition de vouloir à tout prix remettre à flot notre système de santé, avec une approche aux antipodes de celles de l'opposition. Il est vrai que le programme socialiste ne contient guère de propositions innovantes, si ce n’est des mesures de contrainte en matière d’installation des professionnels de santé ou l’ouverture de 500 maisons de santé, sans que leur statut – fonctionnarisé, peut-être ? – soit précisé…

Le président Dubernard citait tout à l’heure la maison de Pont-d’Ain, près de chez lui. J’ai, moi aussi, dans ma commune, l’exemple d’une maison médicale de garde qui associe 53 médecins libéraux et qui a pu voir le jour grâce à des financements de la collectivité locale. C’était une des premières en France et son succès est largement lié à l’implication de ces médecins ; le maire que je suis ne peut que les remercier.

Sans aucune autosatisfaction, le groupe UMP constate et enregistre les résultats encourageants de la réforme de 2004. Elle a porté ses fruits, notamment en ambulatoire. Continuons donc, avec attention et détermination, dans la voie de cette réforme, sans relâcher les efforts demandés aux professionnels et aux assurés et en privilégiant la maîtrise médicalisée des dépenses de santé, y compris dans le tissu hospitalier. Nous ferons alors ensemble, monsieur le ministre, vivre longtemps notre excellent système d'assurance maladie.

Le groupe UMP votera avec enthousiasme le PLFSS pour 2007, le dernier d'une législature qui aura eu le courage de sauvegarder le système français, si cher à tous. Cette réforme réussie restera, j’en suis sûr, dans l'histoire politique déjà longue de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour le groupe socialiste.

M. Pascal Terrasse. Avec M. Door, nous n’avons à l’évidence pas lu le même texte de loi. Il nous explique que le PLFSS est équilibré.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est vrai !

M. Pascal Terrasse. Mais on nous demande aujourd’hui de voter un budget en déséquilibre de 8 milliards d’euros. Encore ce chiffre n’inclut-il pas les quelques milliards supplémentaires au titre du FAPA et du FSV, qui élèvent à 11 milliards le montant du déficit !

Monsieur le ministre, il n’est pas sérieux de faire voter un taux de progression de l’ONDAM à 2,5 %. Aujourd’hui, tous les spécialistes s’accordent pour dire que, si l’on tient compte du vieillissement de la population, du développement des nouvelles technologies et de la croissance, l’évolution normale des dépenses traditionnelles d’assurance maladie tournent autour de 3 %. En dessous de ces 3 %, la réponse sanitaire proposée ne peut pas être correcte et ne permet pas le bon fonctionnement de l’assurance maladie. On aura l’occasion de le vérifier tout au long de la législature, de ce qu’il en reste, du moins.

Repartons de la loi de 2004 qui, d’après les membres de la majorité, constitue un acte fondamental en matière de réponse au problème posé par les déficits de l’assurance maladie. Lors des débats qui s’étaient tenus dans cet hémicycle, M. Douste-Blazy avait évoqué la triple crise que traversait le système : crise de légitimité, crise d’organisation et crise financière. À ce triptyque, quel bilan de la réforme les socialistes peuvent-ils opposer aujourd’hui ?

M. Jean-Pierre Door. Un bon bilan !

M. Pascal Terrasse. Celui d’un triple échec : politique, social et financier.

Échec politique d’abord.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Pour vous !

M. Pascal Terrasse. Aujourd’hui encore, les urgentistes étaient en grève. Le mouvement a été particulièrement suivi…

M. le ministre de la santé et des solidarités. Donnez des chiffres : 1,21 % de grévistes, voilà la vérité !

M. Pascal Terrasse. L’hôpital public meurt de l’asphyxie due aux sous-dotations : c’est la Fédération hospitalière de France qui le dit.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est faux ! On n’a jamais vu un hôpital fermer le 30 novembre !

M. Pascal Terrasse. Il n’y a peut-être pas eu de fermetures, mais de nombreux hôpitaux ont voté des budget en déficit.

Les médecins ont rejeté massivement les conventions que vous avez passées au titre du médecin référent et je n’ai pas besoin de vous rappeler le résultat des élections aux URML.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ils ont été 98 % à devenir médecins traitants.

M. Pascal Terrasse. Les pharmaciens et les laboratoires pharmaceutiques se plaignent de manquer de lisibilité.

Restent les cliniques privées. Au regard des bénéfices que font ces établissements, au moins auraient-ils dû, eux, se montrer satisfaits, compte tenu notamment de la réforme de la tarification. Eh bien, ils manifestaient à leur tour leur mécontentement, il y a quelques heures à peine, devant l’Assemblée nationale.

Si donc je parle d’échec politique, c’est que, à l’évidence, l’essentiel des professions de santé récuse aujourd’hui votre politique.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est faux !

M. Pascal Terrasse. Échec social ensuite. Les assurés sociaux constatent qu’un certain nombre de praticiens dépassent les honoraires médicaux et que vous laissez filer ces dépassements d’honoraires.

M. Jean-Paul Bacquet. C’est scandaleux !

M. Pascal Terrasse. Ils voient les files d’attente s’allonger dans les hôpitaux et l’aide médicale de l’État être remise en cause par vos propres services, …

M. le ministre de la santé et des solidarités. Prouvez-le !

M. Pascal Terrasse. …alors même qu’on célébrait il y a quelques jours la journée mondiale de la misère.

Échec financier enfin. Il n’est pas question ici de comparer les mérites respectifs des bons ministres Bertrand, Douste-Blazy et Mattei, encore que vous soyez sans doute le moins pire des trois.

M. Jean-Paul Bacquet. Il n’y a pas photo !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je n’en demandais pas tant ! Vous allez finir par me compromettre.

M. Pascal Terrasse. Mais vous n’êtes en réalité que l’exécuteur testamentaire d’un projet de loi porté par votre prédécesseur, dont j’aurai tout à l’heure l’occasion de rappeler certains propos.

Suivre d’une année sur l’autre l’évolution d’un déficit est intéressant, mais le moment n’est pas encore venu, aujourd’hui, de comparer l’exercice budgétaire en cours aux précédents.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est dommage, car 4 milliards au lieu de 16, c’est assez éloquent !

M. Pascal Terrasse. Il est temps en revanche de dresser le bilan de votre législature, de regarder ce qui a été accompli sous les cinq années du gouvernement de gauche et sous les cinq années de votre gouvernement. Pour cela, un audit indépendant sur les déficits serait très utile.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je ne demande que ça ! Comparons sans réforme et avec réforme !

M. Pascal Terrasse. Je serais donc heureux que vous acceptiez notre proposition d’un audit indépendant.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Et la Cour des comptes ? Elle n’est pas indépendante ?

M. Pascal Terrasse. Justement ! Que dit la Cour des comptes ? Que constate aussi le Sénat ? Que, sous votre législature, le déficit cumulé a atteint 50 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien. Ces 50 milliards sont renvoyés à la CADES et seront payés jusqu’en 2022. Cela signifie très concrètement que nous nous faisons soigner à crédit et que l’enfant qui naît aujourd’hui paiera nos soins lorsqu’il entrera dans la vie active. Vous avez inventé l’impôt sur les naissances !

M. le ministre de la santé et des solidarités. On a créé la PAJE !

M. Pascal Terrasse. C’est sur ce passif que l’on vous jugera le moment venu !

Mais j’en viens à quelques questions que j’aimerais vous poser en m’appuyant sur la transcription au Journal officiel de déclarations antérieures du Gouvernement ou de la majorité.

Le président de la commission des affaires culturelles, Jean-Michel Dubernard, a parlé du transfert à la CADES des dettes pour les années 2004, 2005 et 2006, en reconnaissant que ce n’était pas une bonne méthode de gestion mais en ajoutant que le retour à l’équilibre en 2007 permettrait de renouer avec une comptabilité plus sereine. Je vous le demande donc : qu’en est-il aujourd’hui de cette sérénité retrouvée sur le plan comptable et politique ?

Le 29 juin 2004, Philippe Douste-Blazy, en réponse à une question de Jean-Marc Ayrault, avait affirmé qu’il obtiendrait 15 milliards de ressources nouvelles et le retour à l’équilibre en 2007.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Le retour vers l’équilibre !

M. Pascal Terrasse. Non ! Il a bien annoncé 15 milliards de ressources nouvelles et un retour à l’équilibre dès 2007.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Vers l’équilibre !

M. Pascal Terrasse. M. Bertrand, quant à lui, affirmait, le même jour : « D’ici à la fin 2006, chaque Français doit pouvoir disposer d’un dossier médical, qu’il partagera avec son médecin traitant. » J’aimerais aussi avoir plus d’informations sur le dossier médical personnalisé.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Aujourd’hui, 30 000 personnes bénéficient d’un DMP ! Mes déclarations sont constantes !

M. Pascal Terrasse. Nous sommes loin des 60 millions prévus !

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est pour 2007.

M. Pascal Terrasse. Où en est la mise en place du DMP, notamment après les amputations du FASQ, lequel, me semble-t-il, contribue au financement de la mise en place du FSV. À cet effet, 195 millions d’euros seraient prévus, mais j’aimerais en savoir davantage.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Les financements sont garantis.

M. Pascal Terrasse. M. Bertrand affirmait aussi, très tranquillement, qu’il y aurait retour à l’équilibre en 2007.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Lisez la phrase exacte que j’ai prononcée !

M. Pascal Terrasse. Vous déclariez encore, monsieur le ministre, le 29 juin 2004 : « Le texte prévoit que tout transfert de charges entre l’État et l’assurance maladie devra être compensé. » J’aimerais savoir pourquoi, cette année, contrairement aux propos que vous teniez à l’époque, 4,2 milliards d’euros n’ont pas été compensés par l’État.

Enfin, vous déclariez : « Les rapports entre les caisses et les professionnels de santé ont parfois été difficiles. Mais ce gouvernement croit au dialogue social, dans le domaine de l’assurance maladie comme dans les autres. » Je ne vous parlerai pas du CPE, mais je me demande comment vous allez financer l’augmentation des honoraires, celle-ci n’étant pas prévue dans la loi.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Et comment cela s’est-il passé cette année ?

M. Pascal Terrasse. Pensez-vous qu’il soit nécessaire de faire passer la consultation de généraliste au niveau de celle de spécialiste ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Et vous, monsieur Terrasse, qu’en pensez-vous ?

M. Pascal Terrasse. Je vous le dirai plus tard.

Quant à la carte Vitale, M. Douste-Blazy déclarait – toujours le 29 juin 2004 – que figureraient dorénavant sur la carte la photo d’identité et les empreintes du titulaire.

M. Jean-Paul Bacquet. Encore du blabla !

M. Pascal Terrasse. Où en est cette fameuse carte Vitale ? (M. le ministre et M. le ministre délégué montrent leur nouvelle carte Vitale.) Vous l’avez, mais peu de gens sont dans ce cas.

M. Jean-Paul Bacquet. Les ministres sont pistonnés !

M. Jean-Pierre Door. Comment se fait-il que M. Terrasse n’ait pas sa nouvelle carte Vitale ?

M. Pascal Terrasse. Si vous en possédez une, monsieur Door, je serai le premier surpris ! Celle que vous me montrez est la carte de l’UMP ! (Rires.)

J’en viens d’ailleurs, monsieur le ministre, avant de vous présenter les nôtres, aux propositions de votre parti : je pense à celles faites par le président de l’UMP dans le cadre de sa dernière convention sur la santé. Partagez-vous son opinion sur l’application d’une franchise à tous les soins ? Ou encore sur la mise en place des ARS ? Nous l’avions proposé lors du débat sur la santé, mais vous l’avez refusé.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est faux ! Je n’ai jamais refusé !

M. Pascal Terrasse. Le ministre de l’intérieur lui-même en a fait son cheval de bataille. Je voulais savoir si vous partagiez son avis.

J’en viens à quelques propositions socialistes.

M. le président. Pour conclure, monsieur Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Nous considérons qu’il faut en terminer avec le médecin traitant.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Oh !

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour les recettes et l’équilibre général. Plus de médecin traitant ?...

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est démagogique !

M. Pascal Terrasse. Nous sommes pour un parcours de soins renouvelé, avec un autre mode de rémunération, plus moderne que la rémunération à l’acte. Je partage sur ce point le sentiment de Jean-Michel Dubernard qui, avec beaucoup de lucidité, a essayé de vous expliquer qu’aujourd’hui les choses ont bien changé.

Nous souhaitons une mise en place rapide des évaluations médicales, la médecine nécessitant des évaluations régulières et pérennes.

Nous voulons que la formation universitaire évolue, notamment pour la médecine de soins primaires.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Là-dessus, vous êtes en retard, cela a été signé vendredi !

M. Pascal Terrasse. Il faut trouver un système permettant une meilleure répartition des professionnels de santé sur l’ensemble du territoire et poser la question de l’obligation de s’installer dans des zones déficitaires.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Vous n’en ferez pas une question, mais une réponse, et une mauvaise réponse !

M. Pascal Terrasse. Pour ce qui est de la prévention, nous proposons la création d’une carte santé jeunes, d’un service public de la médecine du travail.

Nous voulons aussi lancer un véritable plan de santé mentale…

M. le ministre de la santé et des solidarités. Vous voulez casser la médecine libérale, voilà la vérité !

M. Pascal Terrasse. …car nous pensons, contrairement à vous, monsieur le ministre de la santé, que ce n’est pas au ministre de l’intérieur d’en décider. Mais nous aurons l’occasion de vous entendre à ce propos.

S’agissant de la réforme de la tarification, nous récusons la T2A, qu’il faut moduler…

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est le contraire du programme socialiste !

M. Pascal Terrasse. C’est moi qui l’ai écrit.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Et moi, je l’ai lu !

M. Pascal Terrasse. Je vous le ferai livrer dès demain.

M. le président. Monsieur Terrasse, il faut conclure !

M. Pascal Terrasse. Nous sommes contre la convergence entre le secteur privé et le secteur public.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Vos vérités sont à géométrie variable !

M. Pascal Terrasse. Nous voulons ouvrir des maisons de santé et non pas des maisons médicales. Nous sommes favorables à une loi sur l’assistance médicale pour mourir dans la dignité – loi que vous n’avez pas mise en place. Nous sommes pour le rétablissement de l’AME, que vous avez supprimée.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est faux ! Vous n’avez pas le droit de dire cela !

M. Pascal Terrasse. Nous sommes pour une véritable politique contre les addictions et pour la mise en place d’une fondation nationale visant à lutter contre les maladies chroniques et les cancers. Voilà quelques-unes de nos propositions.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Pour être responsable de la santé dans un parti politique, il faut être crédible !

M. Pascal Terrasse. Monsieur le ministre, j’aurai grand plaisir à vous faire livrer l’ensemble de nos propositions. Vous pourrez constater que mes propos reflètent parfaitement ce que j’ai moi-même écrit dans le projet socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre de la santé et des solidarités. De la main droite ou de la main gauche ?

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe communiste et républicain.

Ensuite, nous lèverons la séance.

M. Jacques Desallangre. Un rappel d’abord : l'accès aux soins de qualité pour tous et sur tout le territoire est un droit fondamental et un élément essentiel de notre pacte social. La sécurité sociale symbolise l'attachement de notre nation à cet idéal de solidarité. C'est un héritage de la République.

Un constat ensuite : notre régime est en crise. Depuis cinq ans, le déficit se creuse…

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Non, il se réduit.

M. Jacques Desallangre. …alors qu'il se réduisait avant 2002. Depuis son arrivée aux responsabilités, la droite a endetté la sécurité sociale de 56 milliards d'euros. Cette année, ce sont plus de 11,4 milliards qui manqueront dans les caisses, tandis que les exonérations en tout genre s'élèvent à 25,6 milliards pour la seule année 2007 et ont progressé de 13 % en deux ans. C'est une crise du financement, avec un effet de ciseaux entre deux tendances opposées : d'une part, la hausse continue des dépenses sous l'effet du progrès technique, de l'augmentation de la population et de son vieillissement et, d'autre part, les difficultés économiques, avec notamment un chômage endémique.

Les logiques libérales qui ont inspiré les mesures de réduction des dépenses publiques sociales se sont toutes révélées un échec. Elles n'ont pas atteint leur objectif d'équilibre. Depuis plus de treize ans, les différents plans de redressement se sont traduits par une réduction des remboursements. Cette politique de restriction des dépenses de santé remboursables et de rationnement budgétaire n'a contribué ni à réduire les inégalités ni à résoudre la question du déficit. Gardons-nous de demander, comme M. Bas, une nouvelle réduction des dépenses, et donc de la redistribution, pour transférer les financements à la sécurité sociale. Gardons-nous aussi de croire à la prévision de l’OFCE, selon laquelle la perspective du plein emploi est de nouveau d’actualité. On croit rêver !

Notre régime est fondé sur l'universalité, mais l'égalité d'accès aux soins n'est pas un acquis. C'est un combat, car les inégalités devant la maladie et la mort se creusent à nouveau. La part globale des dépenses couvertes par l'assurance maladie s'élève à 75 %. Depuis vingt ans, la part croissante laissée à la charge des patients – aujourd’hui un peu plus de 25 % – empêche une partie de nos concitoyens de se soigner. Faute de moyens financiers suffisants, 14 % de la population et 30 % des chômeurs ont déjà renoncé à des soins.

Si nous ne surmontons pas ces difficultés financières, elles donneront des arguments à ceux qui proposent d'instaurer un système inégalitaire, à l'américaine, où chacun se paie la médecine qu'il peut et non celle dont il a besoin. Nous devons donc réformer notre système de sécurité sociale pour conforter le principe selon lequel chacun reçoit les soins dont il a besoin et contribue selon ses moyens. Je vous proposerai en conséquence deux réformes préservant nos valeurs et assurant l'équilibre.

Le financement de la sécurité sociale, fondé sur des cotisations prélevées sur les salaires, trouvait en 1946 son fondement dans l'origine professionnelle du régime. Cette source de recettes était alors logique et suffisait à couvrir les dépenses. Mais le chômage de masse et la diminution de la part du facteur travail dans la création de richesses ont réduit comme peau de chagrin l'assiette servant de base au financement du régime.

Pour ne pas s'opposer de front à l'idéologie dominante, les gouvernements sont restés volontairement passifs face au déficit de recettes. Pourtant, le mal profond de la sécurité sociale est bien là. Alors qu'il y a vingt ans, la part des salaires dans la valeur ajoutée était encore de 73 %, elle n'est plus aujourd'hui que de 60 % et elle continue de décroître régulièrement. Dans le même temps, les gains de productivité ont quasiment permis de doubler le PIB, qui devrait encore doubler dans les vingt prochaines années. Pour résumer, la nation est deux fois plus riche, tandis que la rémunération du facteur travail ne cesse de décroître.

Il est dès lors économiquement absurde de prétendre réformer le financement de la sécurité sociale en continuant à faire reposer les recettes sur la seule masse salariale. Le seul vrai moyen permettant de sauvegarder à long terme la sécurité sociale consiste à élargir l'assiette de cotisations à la richesse produite par la nation. Par cette réforme, nous obtiendrions une meilleure répartition de l'effort et, indirectement, un rééquilibrage des charges pesant sur l’emploi. Seraient ainsi mis équitablement à contribution les revenus du travail et ceux du capital. Les entreprises participeraient à hauteur de leur réelle capacité contributive et non, comme c'est le cas aujourd'hui, proportionnellement à leur intensité de main-d'œuvre.

Outre cette réforme de l'assiette, je propose de créer une nouvelle recette prélevée non sur la production, mais sur les produits importés de zones extra-européennes dans lesquelles se pratique le dumping social. Cette taxe différentielle, que j'ai déjà présentée dans une proposition de loi, permettrait d'accroître les recettes de la sécurité sociale, mais aussi de juguler les délocalisations qui désagrègent notre tissu industriel et détruisent les emplois. Ce prélèvement « au passage » créerait les conditions d'une juste concurrence en compensant la différence de traitement social entre les salariés français – ou européens – et ceux du pays producteur.

Pour instituer une juste réforme, il nous faut prélever la juste part de la solidarité sur la richesse, là où elle se trouve et parfois là où elle se cache. Nous aurions alors la sécurité sociale que la richesse nationale permet de financer. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le ministre de la santé et des solidarités. Au moins, il y a des idées.

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Aujourd’hui, à quinze heures, première séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, n° 3362 :

Rapport, n° 3384 tomes I à V, de MM. Pierre-Louis Fagniez, Jean-Marie Rolland, Mme Marie-Françoise Clergeau et M. Denis Jacquat, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,

Avis, n° 3388, de M. Yves Bur, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 25 octobre 2006, à zéro heure trente.)