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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Séance du jeudi 2 novembre 2006

32e séance de la session ordinaire 2006-2007

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Loi de finances pour 2007

SECONDE PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007 (nos 3341, 3363).

Action extérieure de l’état

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à l’action extérieure de l’État.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères, mes chers collègues, je vous ferai part très brièvement de mes observations sur le projet de budget de la mission « Action extérieure de l’État ».

J’aborderai cette réflexion sous trois angles, ce qui permettra de dresser une sorte de panorama du travail accompli par le Quai d’Orsay au cours de la législature.

Premièrement, le Quai d’Orsay a-t-il su négocier le virage de la modernisation ? En synthèse, je dirai oui et je ferai trois observations.

D’abord, le contrat de modernisation conclu en 2006 pour une durée de trois ans – 2006-2008 – a deux particularités. C’est le premier contrat conclu avec la direction du budget par la direction du ministère des affaires étrangères. Il est très ambitieux, notamment en termes de réduction des dépenses de personnel.

M. Jacques Myard. C’est inadmissible !

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Cette année, par exemple les dépenses de personnel seront réduites de 1,45 %.

M. Jacques Myard. C’est scandaleux !

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Compte tenu de l’ampleur et de la nature des missions du Quai d’Orsay, on peut raisonnablement dire que cet effort est tout à fait remarquable, eu égard aux restrictions budgétaires encore incluses dans le projet de loi de finances pour 2007.

Ensuite, la deuxième réflexion sur ce virage réussi pour la modernisation du ministère par le Quai d’Orsay porte sur la prise en compte des missions que je qualifierai de « non nobles ».

L’ampleur du domaine immobilier du Quai d’Orsay est particulièrement importante, surtout à l’étranger. Jusqu’à présent, il n’avait pas fait de la gestion immobilière l’un des axes de performance de son administration. Depuis trois ans, le Quai d’Orsay s’est totalement investi dans cette mission. Plusieurs cessions ont été réalisées, plutôt très favorablement pour le budget de la France. Il y a tout lieu de s’en féliciter. La dernière d’entre elles concernait la villa Trotty à Monaco, pour un montant de presque 50 millions d’euros, dans le cadre d’une coopération très originale entre la direction des services fiscaux du département des Alpes-Maritimes et la direction des affaires immobilières du Quai d’Orsay, ce qui a conduit à une plus-value record.

Le Quai d’Orsay a donc su prendre en main des missions que l’on qualifiera de « non nobles », eu égard à sa mission diplomatique traditionnelle.

Enfin, j’estime que le Quai d’Orsay a su négocier ce virage de la modernisation, car il a su réfléchir sur ses métiers.

S’agissant par exemple de la cession immobilière, le Quai d’Orsay a dressé le bilan d’une inadéquation entre la formation des diplomates et le métier d’agent immobilier. C’est d’ailleurs tout à son honneur. La direction des affaires immobilières s’est par conséquent attachée à passer un contrat avec un réseau mondial qui puisse l’accompagner dans ses démarches de cessions immobilières. Je qualifie à nouveau cette démarche de remarquable et j’encourage le Quai d’Orsay à poursuivre en ce sens.

Chaque année, environ 2 millions de visas sont délivrés par la France. En 2005, 2 051 915 visas précisément ont été délivrés. Le Quai d’Orsay s’est fixé l’objectif de les délivrer rapidement et avec efficacité. Il était donc nécessaire de mieux gérer la liste des demandes. Une procédure de prise de rendez-vous a donc été créée, sous-traitée à des agences spécialisées par pays. Le Quai d’Orsay n’a confié que le calendrier, estimant que ce n’était pas son métier, conservant uniquement la procédure de délivrance. Je tiens à l’en saluer.

Néanmoins, j’observe que deux points peuvent être perfectionnés : le réseau, dans un périmètre que je définirai sous le nom d’espace Schengen, et les visas à proprement parler.

Sur le réseau, monsieur le ministre, il reste quelques efforts à accomplir. J’ai repéré onze consulats, dans l’espace Schengen, qui pourraient parfaitement être supprimés, ce qui permettrait le redéploiement de leur personnel vers des destinations plus « stratégiques ».

J’ai procédé dans le cadre de mes responsabilités de rapporteur spécial – avec votre accord, et je tiens à nouveau à vous en remercier – à un examen approfondi de plusieurs consulats généraux, afin de voir dans quelles conditions étaient délivrés les visas Schengen. Cela m’a amené à vous proposer un certain nombre de pistes de réflexion, afin de perfectionner l’instruction des visas et la procédure de délivrance. Vous avez rapidement lancé une mission, qui rendra ses conclusions mi-décembre, associant un préfet et un ambassadeur, afin d’envisager la procédure d’instruction des visas sous l’angle d’une plus grande efficacité à l’aune des détournements de procédure, préoccupation de toutes celles et tous ceux qui s’occupent de l’instruction des visas. Je souhaite à nouveau saluer votre action.

Si le Quai d’Orsay a su moderniser son administration de façon incontestable, j’ai aussi voulu voir si sa stratégie était cohérente avec les missions qui sont les siennes.

Il y a, bien sûr, la mission diplomatique. Il faut le reconnaître, c’est l’expérience, c’est l’histoire, c’est la performance de son personnel. Le Quai d’Orsay excelle dans cette mission diplomatique.

Il y a la mission d’influence. Le réseau des écoles est important. Il représente 429 écoles et lycées. Sur ce total, 255 établissements sont soit en gestion directe, soit en contrat avec l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, c’est-à-dire au total 235 000 élèves, dont 160 000 pour le réseau AEFE, qui sont aujourd’hui encadrés par un système scolaire en langue française. Cette influence est considérable. Je voudrais là encore, monsieur le ministre, saluer votre action. Vous avez décidé d’augmenter cette année de 4,6 millions d’euros le budget de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. Cela représente un effort très important, que je tiens à saluer dans cette période budgétaire. J’observe que la régulation de 70,80 millions d’euros accomplie cette année n’a pas concerné les crédits de l’AEFE, et nous aurons l’occasion d’y revenir tout à l’heure.

À côté du réseau des écoles, nous trouvons le réseau des instituts culturels français, le réseau des alliances françaises et un réseau associatif important, qui concourt au développement de la francophonie et de la francophilie. Je tiens à saluer la création de l’Agence Cultures-France – c’est en réalité plus une association qu’une agence –, qui rassemble deux associations : l’association pour le développement artistique et l’association pour le développement de la pensée française, et qui, avec un budget de près de 9 millions d’euros, sera sans doute plus efficace et performante.

En ce qui concerne l’appui économique, de nombreux rapports se sont fait l’écho d’une vision idéale qui consisterait à faire fonctionner ensemble la mission économique – l’ex DREE, désormais incluse dans le périmètre de la direction générale du Trésor et de la politique économique – et les services du quai d’Orsay.

Je voudrais souligner l’action très importante des consulats d’influence, même si, à mon avis, ils pourraient être mieux déployés. Par exemple, en Belgique, il ne me semble pas utile de conserver des consulats d’influence à Liège ou à Anvers.

M. Jacques Myard. Je crois rêver ! Ne voyez-vous pas que la Belgique est en train d’éclater ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur pour avis. Il serait peut-être préférable de redéployer leurs moyens. Je pense par exemple à la Russie, et en particulier au consulat d’Ekaterinbourg, dont vous avez bien voulu, monsieur le ministre, prévoir la création cette année. À cet égard, je pense utile de confier à ce consulat non seulement les missions de consulat d’influence, mais également des missions de délivrance de visas, ce qui pourrait, en particulier, soulager le poste de Moscou, qui, comme vous le savez, est le premier poste de délivrance de visas au monde pour la France, avec plus de 300 000 visas délivrés.

Troisième réflexion : le quai d’Orsay a-t-il les moyens financiers de sa stratégie ? Rappelons les chiffres : 2,26 milliards d’euros en crédits de paiement ; 2,56 milliards d’euros en autorisations d’engagement, soit une progression de 3,28 % cette année.

Le programme « Français à l’étranger et étrangers en France », dont on pourrait modifier le périmètre à l’occasion de ce débat budgétaire, mais nous aurons l’occasion d’en parler tout à l’heure lors de l’examen des amendements, progresse de 4,4 %.

Le programme « Action de la France en Europe et dans le monde » progresse de 3,66 %. Quant au programme « Rayonnement culturel et scientifique », il augmente de 1,69 %. Et si je tiens à nouveau à saluer votre efficacité, monsieur le ministre, s’agissant des moyens de fonctionnement – les moyens en personnel ont été réduits de 1,45 % afin de mettre en adéquation le personnel et les missions du quai d’Orsay –, je tiens néanmoins à vous signaler trois faits de nature à atténuer quelque peu le développement de l’influence française que j’ai louée tout à l’heure.

S’agissant des bourses linguistiques, lesquelles permettent à des étrangers de haut niveau de venir poursuivre leurs études en France, j’ai observé un recul de 12,8 %. S’agissant des missions d’experts, j’ai relevé une réduction de 9,8 %. Quant à l’aide à l’Agence Édufrance, qui assure la promotion de l’enseignement supérieur français à l’étranger, j’ai noté une réduction de 20 % de l’aide que vous aviez accordée. Certes, les montants en jeu ne sont pas considérables, l’aide à Édufrance représente en effet 300 000 euros par an. Il s’agit surtout d’une aide en termes de personnels. Mais à l’heure où la France a intérêt à développer son influence à travers le monde, il est important, monsieur le ministre, que vous trouviez les bons arguments afin de faire en sorte que ces missions ne soient pas réduites et que l’aide à Édufrance soit maintenue. Le fait que ses missions soient reprécisées dans le cadre d’un projet incluant le réseau des alliances françaises et des instituts culturels permettrait soit de maintenir, soit de développer l’enveloppe que vous lui accordez en termes de crédits de fonctionnement.

Depuis plusieurs années, on constate un engouement pour la création de centres culturels franco-allemands, vantant la culture française et allemande en un seul lieu. Permettez-moi de citer l’exemple du centre culturel franco-allemand de Ramallah, qui fonctionne particulièrement bien.

M. Jacques Myard. Gadget !

M. Jérôme Chartier, rapporteur pour avis. Or la Palestine connaît de graves problèmes humains, sociaux et de sécurité. L’existence de ce centre, qui a su faire coïncider deux démarches politiques, entre la France et l’Allemagne, a été un signal fort donné à la présence européenne en Palestine. Nous avons donc multiplié par quatre l’effort financier en faveur de ce centre, s’agissant de la mission « action extérieure de l’État », et donc du budget du quai d’Orsay. L’objectif n’était pas de gagner de l’argent ; il y a toujours deux directeurs et deux équipes administratives, mais tout est fait en commun. Compte tenu de la situation de la Palestine, cette démarche était particulièrement intelligente et adaptée.

En revanche, est-il utile de créer un institut culturel franco-allemand à Moscou, pour la simple raison que nous avons trouvé un bon accord avec un Biélorusse, propriétaire d’un immeuble situé en plein centre de la ville et parce que ce dernier souhaite le voir occupé par quelqu’un présentant toutes les garanties, notamment de paiement ? Je me demande si l’opportunité de disposer d’un immeuble en plein centre de Moscou est justifiée pour relier ce qui est une différence importante entre deux nations, la culture. Que les instructions de visas pour les pays relevant de l’espace Schengen soient faites en commun, cela peut être utile. En revanche, j’estime que l’action culturelle mérite un traitement particulier, même si les pays s’entendent, depuis bien longtemps, notamment dans le périmètre européen.

M. Jacques Myard. C’est évident !

M. Jérôme Chartier, rapporteur pour avis. C’est la raison pour laquelle, quelques exceptions mises à part, il me semble utile de préserver une démarche spécifique s’agissant de l’implantation de nos centres culturels.

Cela dit, monsieur le ministre, la commission des finances a bien voulu, à l’unanimité, accepter de soutenir votre projet de budget.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le rayonnement culturel et scientifique.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le rayonnement culturel et scientifique. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’agissant des crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique » je me bornerai à vous faire part des préoccupations dont j'ai été saisi de la part de ceux qui contribuent au quotidien au rayonnement de la culture française dans le monde. Quelques exemples concrets suffiront à montrer le décalage entre les moyens alloués et les ambitions affichées.

Mon attention a tout d'abord été attirée sur la situation difficile de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger, l’AEFE, au risque de contrarier notre rapporteur spécial ; j’espère qu’il ne m’en voudra pas trop !

Apparemment, la situation financière de cet établissement s'améliore puisque ses crédits augmenteront de 8 millions par rapport à la loi de finances initiale pour 2006. En réalité, la situation de l'AEFE est beaucoup plus préoccupante et ce sont les familles qui supportent l'essentiel du coût du désengagement de l'État.

Rappelons qu'en 2006 les crédits publics affectés à l'AEFE ont diminué, passant de 325 millions d'euros en 2005 à 323 millions d'euros en 2006, tandis que les dépenses de cet établissement public sont en constante augmentation. Cette situation est d'autant plus préoccupante que l'AEFE a subi de plein fouet la régulation budgétaire. Je voudrais savoir si les 16 millions d'euros qui ont été gelés par le ministère du budget sur la subvention 2006 de l'AEFE pourront faire l'objet d'une décision de dégel.

De plus, l'AEFE a reçu des compétences directes sur son parc immobilier et aucune dotation n'est prévue à ce titre ; il faudra donc prélever les crédits nécessaires sur son fonds de roulement.

Je voudrais ici relayer les propos de M. Michel Laurencin, président de la Fédération des professeurs de français résidant à l'étranger, qui montre l'intérêt d'établir une comparaison entre le coût, pour l'État, de la scolarisation d'un élève français en France et de la scolarisation d'un élève français à l'étranger, y compris les bourses scolaires.

Le constat est instructif : en moyenne, la scolarisation d'un élève français de l'AEFE représente pour l'État environ 41 % du coût généré par une scolarisation en France. Dans ces conditions, que doit-on penser des engagements souscrits depuis plusieurs années déjà par deux présidents de la République successifs – vous voyez que je ne suis pas sectaire – tendant à établir l'égalité entre les Français de France et les Français à l'étranger ?

En 1990, lors de la création de l'AEFE, la part de l'État dans le financement de cet établissement public était de 60 % ; elle ne représente plus que 40 % aujourd’hui. Le financement est donc assuré très majoritairement par les parents d'élèves, à hauteur de 60 %. On constate une augmentation progressive de la participation des familles aux dépenses de rémunération des personnels résidents, qui compense la faible évolution de la participation de l'État : entre 1990 et 2000, la participation financière de l'État a augmenté de 67 % tandis que celle des parents d'élèves a progressé de 190 % ! Pourriez-vous, monsieur le ministre, préciser les moyens dont dispose l'AEFE pour entretenir son patrimoine immobilier et moderniser ses établissements ? Il semblerait que des projets existent pour chercher des financements privés afin d’assurer certains travaux immobiliers : qu'en est-il exactement ?

Je voudrais maintenant aborder la question de la politique de coopération culturelle, scientifique et technique.

Après une baisse de l'ordre de 8 % dans la loi de finances pour 2006, les crédits destinés au soutien des échanges scientifiques, techniques et universitaires sont reconduits à hauteur de 43,48 millions d'euros. Ces crédits poursuivent trois objectifs : renforcer l'attractivité du territoire auprès des étudiants et des chercheurs étrangers, promouvoir la science française à l'étranger et contribuer à la gouvernance et aux échanges techniques.

L'évolution de la politique de coopération culturelle, scientifique et technique est très préoccupante. Le nombre de coopérants civils est passé de 23 000 en 1980 à 9 100 en 1990 et 1 300 en 2005. À qui fera-t-on croire qu'une mission de courte durée, sur une année seulement, est de nature à sécuriser de véritables programmes d'assistanat technique ?

La limitation de la durée du contrat, alors que la durée moyenne d'exécution des projets est supérieure, conduit au départ d'assistants techniques en cours de projet, ce qui suscite l'incompréhension des autorités locales et la frustration des intéressés. La baisse des effectifs d'assistants est perçue à l'étranger comme un déclin de la place et de l'aide de la France.

La situation des établissements culturels n’incite pas non plus à l'optimisme quant au dynamisme de la présence française à l'étranger. Sous couvert de rationaliser le réseau culturel, il n'en demeure pas moins que dix-neuf centres culturels ont été fermés entre 2000 et 2006 et que ce mouvement va se poursuivre, l'objectif étant par ailleurs d'obtenir un taux d'autofinancement des établissements de 60 % d'ici à 2010 contre 51,1 % actuellement. J'aimerais savoir comment les établissements culturels pourront atteindre cet objectif d'autofinancement : un effort sera-t-il fait pour rechercher du mécénat ou s'agit-il d'augmenter la participation financière des élèves qui suivent des cours de français ?

J'en viens à la création de la nouvelle agence culturelle « Cultures France ». Issue de la fusion, le 22 juin dernier, de l'Association française d'action artistique – l’AFAA – et de l'Association pour la diffusion de la pensée française – l’ADPF –, Cultures France a reçu pour mission de valoriser l'action culturelle française à l'étranger ; de promouvoir les coopérations en faveur de la diversité culturelle par le biais d’actions de formation dans le secteur de l'ingénierie culturelle et d’échanges entre artistes ; enfin, de contribuer à l'émergence d'une Europe de la culture.

Pouvez-vous nous indiquer comment votre ministère et le ministère de la culture vont coopérer pour gérer cette nouvelle agence ?

Alors que le ministère des affaires étrangères a annoncé de manière très médiatique un plan de renforcement de l'attractivité internationale de la France en mai dernier, il semble que l'accueil des étudiants étrangers en France soit toujours problématique. Ce plan prévoit la création de « Campus France », qui devrait prochainement regrouper Édufrance, Égide et les centres pour les études en France. La mise en place de cette nouvelle structure vise à simplifier la présentation de l'offre universitaire, culturelle et scientifique française et à attirer les étudiants étrangers dits « prometteurs ». Pouvez-vous nous en dire plus, monsieur le ministre, sur la date de création de ce nouvel opérateur ? En quoi l'accueil des étudiants étrangers en France s'en trouvera-t-il amélioré ?

Je voudrais vous dire très solennellement combien nous sommes interpellés quand, en tant que parlementaires, nous voyageons à l'étranger. Nos interlocuteurs étrangers soulignent régulièrement les contradictions de la politique menée par la France pour renforcer l'attractivité des universités française à l'étranger. En fait, de multiples signaux sont envoyés aux jeunes étrangers pour les dissuader de venir s'instruire en France.

M. Gérard Bapt. C’est hélas vrai !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis pour le rayonnement culturel et scientifique. La crainte de l'immigration clandestine conduit à une politique très restrictive dans l'octroi des visas et la complexité des formalités administratives est tout à fait dissuasive.

M. Jacques Myard. Caricature : il n’y a jamais eu autant d’étudiants étrangers en France !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis pour le rayonnement culturel et scientifique. Mais non, monsieur Myard, vous connaissez les chiffres, comme tout le monde ici : la France, malheureusement, n’est plus aussi accueillante que par le passé.

M. Gérard Bapt. Ils vont au Royaume-Uni ou aux États-Unis !

M. Jacques Myard. Ils continuent à venir en France !

M. le président. Monsieur Myard, ménagez-vous pour votre prochaine intervention !

M. Jacques Myard. N’ayez crainte, monsieur le président, j’ai de l’énergie à revendre !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis pour le rayonnement culturel et scientifique. Contrairement au discours officiel qui présente le développement des centres pour les études en France comme un nouveau dispositif de guichet unique, facilitant les démarches pour les étudiants étrangers désireux de venir étudier en France, leur mise en place s’est traduite par une rigueur nouvelle pour obtenir un visa.

Mon attention s’est portée sur le cas des étudiants qui veulent venir en France afin d’apprendre le français pour une durée supérieure à trois mois. Pour obtenir un visa, il faut justifier d'un projet d'études ou d'une inscription dans un cursus d'études supérieures. Or les étudiants qui souhaitent venir en France pour suivre une scolarité de quelques mois dans les centres de français langue étrangère ne répondent pas aux critères d'obtention et sont donc dans l'impossibilité de venir apprendre le français en France, ce qui, à terme, ne joue pas, avouons-le, en faveur de notre langue et de nos universités.

M. Gérard Bapt. Eh oui !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis pour le rayonnement culturel et scientifique. J'aimerais conclure mon propos en déplorant la stabilité des crédits consacrés aux bourses, qui plafonnent toujours à 18,4 millions d'euros.

Ces quelques données permettent de nuancer les grandes déclarations du Gouvernement relatives à l'attractivité des universités françaises pour les étudiants étrangers.

J'aimerais maintenant dire quelques mots de la partie thématique de mon rapport qui est consacrée aux cinq écoles françaises à l'étranger, les EFE : l'École française d'Athènes, l'École française de Rome, l'Institut français d'archéologie orientale du Caire, la Casa Velázquez de Madrid et l'École française d'Extrême-Orient.

Ces écoles sont financées, non par des crédits relevant du ministère des affaires étrangères, mais par des crédits du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il s'agit de laboratoires de recherche de haut niveau dans le domaine des sciences humaines et plus particulièrement dans les disciplines utiles à l'archéologie. Très anciennes – l'École française d'Athènes date par exemple de 1846 –, ces institutions sont bien intégrées dans les pays qui les accueillent. Les écoles françaises à l'étranger sont en charge d'activités de recherche comme l’accueil de chercheurs recrutés par concours et de stagiaires et gèrent des sites de fouilles – l'École française d'Athènes en dirige ainsi en Grèce mais aussi en Bulgarie et en Albanie. En outre, toutes ces écoles octroient des bourses.

Pourquoi avoir choisi dans le cadre d'un rapport budgétaire sur les relations culturelles internationales d'aborder la question de l'avenir de ces cinq écoles françaises à l'étranger ? Il m'a paru intéressant de réfléchir au rôle que peuvent jouer ces établissements pour le rayonnement de la culture française et à leur positionnement vis-à-vis du réseau diplomatique.

Je me suis rendu en septembre à l'École française d'Athènes et j'ai pu constater par moi-même combien cet établissement prestigieux contribue au rayonnement de la culture française en Grèce. Il est aussi un acteur clé dans la politique de coopération culturelle entre les deux pays.

Soucieux de préserver leur vocation première qui est de mener des travaux de recherche de haut niveau, ces établissements tiennent légitimement à affirmer leur autonomie. Héritiers d'une longue tradition d'érudition, ils cherchent à moderniser leur gouvernance. La Cour des comptes est là pour les y aider.

Je me suis attaché à montrer comment ces écoles françaises peuvent s'inscrire dans une politique de coopération avec les pays qui les accueillent. Elles entretiennent en effet des relations très étroites avec les autorités locales, dont elles dépendent pour obtenir des autorisations de fouilles. Certaines écoles ont mis en place de véritables partenariats avec le ministère de la culture de leur pays d'accueil et jouent un rôle important dans la valorisation touristique des chantiers de fouilles. La valorisation du patrimoine culturel du pays d’accueil commune aux cinq EFE a pu revêtir un sens particulier dans les pays ayant reconquis leur souveraineté après la décolonisation. Les chercheurs de ces écoles ont ainsi pu aider ces jeunes nations à se réapproprier leur histoire en mettant en valeur leur passé.

Je me suis aussi interrogé sur la manière de mieux faire coopérer le ministère de l'éducation nationale et le ministère des affaires étrangères pour donner une meilleure audience aux travaux des cinq écoles et leur permettre d'être de véritables ambassadeurs de la recherche française en archéologie. Je suggère ainsi que le ministère de l'éducation nationale, qui a la tutelle de ces établissements, puisse être représenté à la commission des fouilles, qui attribue chaque année des crédits pour subventionner des travaux à l'étranger.

Il est en effet important que les deux ministères puissent se concerter pour décider de l'opportunité de fermer certains chantiers de fouilles, car la reconduite d'année en année de subventions à des chantiers ne présentant plus un grand intérêt empêche que de nouvelles campagnes puissent recevoir des crédits du ministère des affaires étrangères. Des synergies pourraient aussi être trouvées pour une meilleure coopération entre les vingt-sept centres de recherche dépendant du ministère des affaires étrangères, dont certains ont une activité d'archéologie, et le réseau des EFE.

En conclusion, je voudrais témoigner de mon admiration pour ces cinq prestigieuses institutions qui participent au rayonnement de notre pays et offrent, par leurs relations avec le CNRS et nos universités, une belle image de la recherche publique française.

Il me revient également d’informer notre assemblée que je n’ai pas été suivi par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, qui a donné un avis favorable aux crédits du rayonnement culturel et scientifique.

M. Gérard Bapt. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Hervé de Charrette, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

M. Hervé de Charette, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand on examine les chiffres du budget du ministère des affaires étrangères, on éprouve d'abord la satisfaction de constater qu'à 4,5 milliards d'euros, ils sont en légère mais réelle augmentation – + 3,8 % –, mais surtout, on ne peut qu'être frappé par l'apparente contradiction entre, d'un côté, l'extrême modestie des moyens que l'État consacre à sa diplomatie et, d'autre part, les ambitions traditionnellement affichées par les plus hautes autorités de l'État à propos de la politique internationale de la France.

Puisque le budget 2007 sera le dernier de cette législature, je vais consacrer l'essentiel de mon propos à examiner ce qu'il est advenu de cette apparente contradiction au terme de ces cinq années.

Les chiffres, pris globalement pour le ministère, sont impressionnants : toutes missions confondues, les crédits s'élèvent pour 2007 à 4,5 milliards d'euros, soit 1,7 % du budget général de l'État et 0,21 % du PIB. Encore faut-il observer qu'en euros constants et à périmètre budgétaire stable, ce budget a été en baisse légère mais réelle durant la législature, passant de 0,23 % du PIB en 2003 à 0,21 % du PIB en 2007. Ce n'est donc pas la diplomatie française qui creuse le déficit de l'État.

M. Jacques Myard. Absolument !

M. Hervé de Charette, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Bien au contraire, le ministère apporte chaque année sa contribution à la maîtrise des dépenses publiques. Dans mon rapport, j'en apporte la preuve chiffrée : depuis 1993, son budget a baissé d'environ 1 % par an, à périmètre et en euros constants.

Mais il y a mieux. Un examen un peu plus approfondi des données disponibles montre que la présente législature a été marquée par plusieurs évolutions.

Les crédits consacrés aux contributions que nous versons aux organisations internationales ont plus que doublé, passant de 772 millions d’euros en 2002 à 1,759 milliard d’euros en 2007 et de 20 % à 39 % du budget du ministère en cinq ans. Dans le même temps, l'aide publique au développement a connu une très forte hausse, comme l'a rappelé notre collègue Godfrain avant-hier. Les crédits dévolus à la délivrance de visas et à l'examen des demandes d'asile ont également progressé de façon très significative. Pendant cette même période de cinq ans, les dépenses de fonctionnement et de personnel ont fortement baissé, passant du tiers du budget total du ministère en 2002 au quart en 2007. Je ne crois pas qu'aucun autre ministère ait consenti pareil effort.

Tout cela signifie que, durant ces cinq années, une grande partie des ressources nouvelles consacrées aux grandes politiques du ministère – contribution aux organisations internationales, aide publique au développement, visas et immigration – ont été obtenues grâce à la productivité propre du ministère. Je pense, monsieur le ministre, que vous pouvez être satisfait de ce bilan et fier de diriger une administration qui a su montrer une telle capacité d'adaptation et de modernisation.

M. Jacques Myard. Le Quai d’Orsay a précédé tout le monde !

M. Hervé de Charette, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Dans la politique de modernisation de l'État – immense enjeu des années à venir –, le Quai d'Orsay occupe à coup sûr l'un des tout premiers rangs et je souhaite que, par ma voix jointe à celle de M. le rapporteur spécial de la commission des finances, vos équipes sachent que l'Assemblée nationale en est consciente et satisfaite.

C'est le moment d'évoquer, en quelques mots, le contrat de modernisation adopté le 18 avril 2006, au terme de longues discussions techniques et politiques entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'économie et des finances. Ce contrat, qui couvre les trois années 2006, 2007 et 2008, constitue en effet un élément décisif de la programmation du ministère et la référence pour l'élaboration du budget. C'est un document de grande qualité et j'invite ceux de nos collègues que ces questions intéressent à le consulter. Je voudrais seulement en donner ici les grandes lignes.

Il comprend d'abord quatre accords, dits « accords de gestion », convenus entre les deux ministères, et qui sont très importants pour l'avenir, me semble-t-il.

Le premier est destiné à protéger le ministère des affaires étrangères contre le risque de change, sujet récurrent de préoccupation du Quai d'Orsay.

Le deuxième a pour objet d'engager le ministère des finances à remonter par étapes le montant des crédits dédiés aux opérations de maintien de la paix à un niveau réaliste, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui. Ainsi, en 2005, le budget avait inscrit 136 millions d’euros alors que la dépense réelle a été de 251 millions. En 2006, 136 millions sont inscrits, alors que le ministère prévoit que la dépense sera comprise entre 280 et 300 millions d’euros hors FINUL 2. Pour 2007, une première étape de ce que l’on appelle d’un mot un peu sauvage le « rebasage » portera le crédit à 186 millions, soit 50 millions de plus. C'est un progrès, modeste certes, mais réel, même si je note que le ministère s'attend à une dépense réelle de l’ordre de 350 millions d’euros. L'enjeu de ce rebasage est capital, puisque, chaque année, une partie significative des crédits manquants est trouvée par un redéploiement des crédits du ministère et que les crédits évaluatifs ont disparu.

Le troisième accord concerne les investissements immobiliers à l'étranger. Pour les trois années en cours, il est convenu d'inscrire au budget un crédit modeste de 7,9 millions par an, en contrepartie de quoi la totalité du produit des cessions immobilières effectuées dans les postes à l'étranger sera affectée aux investissements immobiliers du ministère.

Enfin, le quatrième accord garantit au ministère que 50 % du produit des recettes de visas resteront dans les caisses du ministère contre 35 % actuellement, ce qui constitue à n’en pas douter une incitation concrète pour améliorer la productivité de cette activité.

Le ministère s'engage par ailleurs à mener à bien seize réformes qualifiées un peu pompeusement de « structurelles » mais qui sont tout de même utiles. Allant de la gestion de l'encadrement supérieur à la politique des achats ou à la simplification des démarches consulaires, elles prévoient d'engager une étude approfondie des doubles emplois entre les postes du ministère et les implantations de l'Agence française du développement dans les pays bénéficiaires de l'aide publique au développement.

Ce contrat est donc bien un acte majeur pour la modernisation de la gestion du ministère. Il sert les intérêts financiers de celui-ci tout en ouvrant de nouvelles pistes pour améliorer la productivité du service. C'est sur cette base qu'a été construit le budget 2007 et que le sera, sans nul doute, le budget 2008.

J'en viens maintenant aux dépenses de fonctionnement et de personnels. C'est là que réside l'essentiel des capacités du ministère à faire des économies et à dégager des ressources disponibles pour d'autres emplois. C'est en tout cas ce qui s'est passé depuis quinze ans de manière quasi-constante, avec des résultats impressionnants mais aussi certaines limites. La question est en effet de savoir jusqu'où il est possible d'aller dans cette voie.

Avec 272 millions d’euros inscrits dans le budget 2007, les dépenses de fonctionnement hors personnel sont évidemment très modestes. Elles représentent 6 % du budget du ministère, alors qu'elles s'élevaient à 9 % du budget en 2002. La réduction, en proportion sinon en valeur absolue, est plus que significative.

C'est un mouvement similaire qui affecte les dépenses de personnel. De 1994 à 2005, les effectifs du ministère sont passés, si l’on s’en tient à l’ancienne définition des postes budgétaires, de 10 137 personnes à 9 141, soit une réduction de 10 % : 1 000 postes supprimés ! Pendant la même période, les effectifs budgétaires civils de l'État ont augmenté de 5,3 %.

Autrement dit, si, pendant cette même période de douze ans, l'ensemble des administrations publiques de l'État avaient fait preuve du même esprit de rigueur que le Quai d'Orsay, les effectifs de l'État – si l’on s’en tient au chiffre de 2,4 millions – auraient été réduits de 250 000 au lieu d'augmenter de 125 000.

M. Jacques Myard. Absolument !

M. Hervé de Charette, rapporteur pour avis. La différence est de près de 400 000 !

Le contrat de modernisation prévoit la poursuite de ce mouvement, avec 257 équivalents temps plein travaillé supprimés en 2007, c'est-à-dire environ une centaine d’emplois.

Mes chers collègues, cet exercice a nécessairement ses limites.

M. Jacques Myard. Déjà dépassées !

M. Hervé de Charette, rapporteur pour avis. Ce n’est pas certain !

En fait, celles-ci tiennent à la volonté, ou non, de réorganiser notre réseau diplomatique. À réseau constant, on ne pourra guère aller plus loin, à moins d’avoir des ambassades sans diplomates, des consulats sans consuls et des centres culturels sans personnels. Si l'on s'en tient aux données fournies par le ministère, cette réorganisation existe et elle est une sorte de mouvement continu. Les chiffres sont frappants : en dix ans, le nombre des ambassades est ainsi passé de 151 à 156, celui des consulats de 116 à 94, celui des centres culturels de 176 à 144. Voilà qui donne une petite idée des priorités internes du ministère, et ce n’est pas la meilleure possible !

Quant au Comité interministériel des moyens de l'État à l'étranger, le CIMEE, ressuscité en juillet dernier après dix ans d'oubli, il a décidé de redéployer 1 500 postes sur trois ans, soit 500 par an, ce qui est considérable, en fonction des nouvelles priorités de la politique étrangère française, notamment en Asie.

Monsieur le ministre, à ce stade, ce qui ne fait pas de doute c'est la volonté de votre administration et de vous-même d'adapter le réseau diplomatique français aux réalités d'aujourd'hui et de le gérer avec une grande économie de moyens. Toutefois, ce qui nous manque, c'est une vision d'ensemble dans une perspective pluriannuelle. Nous recommandons que vous puissiez disposer – et nous aussi par la même occasion –, dans la perspective du prochain budget, d'un plan à trois ou cinq ans, établissant la future configuration de notre réseau diplomatique et les étapes pour y parvenir, avec des indications aussi précises que possible, pays par pays, zone par zone, sur les moyens engagés ou redéployés.

C'est, me semble-t-il, la condition nécessaire pour que la maîtrise de vos crédits dégage de véritables gains de productivité, permettant à notre ministère de maintenir des objectifs ambitieux à un coût moindre, et non pas un rétrécissement pur et simple de la voilure de notre diplomatie.

Dernière observation au chapitre de la bonne gestion du ministère : les grandes opérations immobilières sont abandonnées – à l’exception du projet du campus diplomatique à Pékin – au profit d’opérations plus modestes et de financements dits innovants. Notre commission souscrit pleinement à ces orientations. J'espère cependant que vous pourrez apporter à la représentation nationale des nouvelles rassurantes à propos du projet de Pékin – qui n'en finit pas d'être exprimé au futur – et de celui de Tokyo, pour lequel nous aimerions disposer d’un calendrier précis d'exécution.

Mes chers collègues, je terminerai mon rapport par trois observations qui concernent plus spécialement la mission « Action extérieure de l'État ».

La première concerne les contributions aux organisations internationales. La France fait désormais un effort important pour respecter ses engagements en la matière. Il n'en a pas toujours été ainsi, mais il est dans la logique de notre doctrine diplomatique en faveur du multilatéralisme de payer notre dû aux organisations internationales. Il nous en coûtera, en 2007, près de 600 millions d’euros.

Compte tenu de ce montant élevé, il serait souhaitable que le ministère exerce un contrôle vigilant sur l'emploi de ces fonds, et il ne serait pas forcément de mauvaise méthode que la commission des affaires étrangères y soit associée. Il s'agit d'être sélectifs sur nos efforts, attentifs à la prévalence de nos intérêts, soucieux, lors des nominations, de promouvoir des candidatures françaises, etc. Je sais que vous y êtes sensible, mais j'aimerais être sûr qu'un dispositif spécifique sera mis en place à cette fin.

Ma deuxième observation concerne la politique des visas. La loi du 24 avril 2003 a décidé de recourir aux techniques de la biométrie pour l'identification des bénéficiaires. Mais il a fallu attendre 2005 pour en décider la généralisation à tous les consulats d'ici à 2008.

Cet objectif est d'ores et déjà hors d'atteinte. Qu'il s'agisse des locaux d'accueil, des besoins en personnel, pour lesquels rien n'est prévu, ou de la nécessité de former le personnel à ces nouvelles techniques, les retards s'accumulent. En 2006, trente-cinq consulats devaient être équipés ; vingt et un le seront, dans le meilleur des cas. Pour 2007, malgré la hausse réelle des crédits, vos services ne semblent pas capables de fixer des objectifs précis, ni même de préciser quels consulats seront opérationnels. Tout cela est bien inquiétant.

C'est une affaire sérieuse, car elle concerne l'efficacité de notre action, et un aspect important de notre politique de contrôle de l'immigration. J'aimerais vous entendre à ce sujet.

Ma dernière observation concerne les crédits dédiés à la gestion du droit d'asile. Je note avec satisfaction que les demandes d'asile sont en baisse sensible depuis trois ans. De même, on constate une réduction importante des délais d'examen des demandes. Il semble du reste qu'il y ait un lien de cause à effet entre ces deux informations puisque c'est l'accélération des procédures qui a conduit à réduire le nombre des demandes. Mais, dès lors, comment peut-on à la fois fixer un objectif encore plus ambitieux de réduction des délais d'examen à 60 jours devant l'OFPRA et 90 jours devant la commission de recours, objectif tout à fait souhaitable, et, en même temps, réduire de 10 % les crédits affectés à cette action ? Il y a là un mystère qui a échappé à la commission des affaires étrangères et que, je n'en doute pas, le ministère va éclairer.

Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères a donné un avis favorable au projet de budget concernant la mission « Action extérieure de l'État ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le rayonnement culturel et scientifique.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le rayonnement culturel et scientifique. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme consacré au rayonnement culturel et scientifique de la France concerne la coopération avec les pays développés dans les domaines culturel, scientifique, technique et universitaire.

Doté de 526 millions d'euros – soit une quasi-reconduction par rapport à 2006 –, il représente environ le quart des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

Le périmètre du programme a sensiblement évolué par rapport à l'an passé puisqu'il inclut désormais les crédits de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l’AEFE. En revanche, il ne comprend plus les crédits de l'audiovisuel extérieur, regroupés dans un programme spécifique « Audiovisuel extérieur », débattu au sein de la mission interministérielle « Médias ».

Le programme 185 se limite aux pays non éligibles à l'aide publique au développement, dont la liste, établie par l'OCDE, varie d'une année sur l'autre. Cette distinction entre les pays bénéficiaires de l'APD et les autres n'est pas pertinente au regard de la politique culturelle et crée une rigidité inutile.

En réalité, les lignes de partage sont ailleurs. Je pense en particulier à la nécessité de définir une stratégie durable auprès des pays émergents que sont la Chine, l'Inde, le Brésil et la Russie. La France a plus que jamais une carte à jouer dans ces pays et elle doit se donner les moyens d'aller à la conquête de nouveaux publics qui ne sont pas, par tradition, dans notre sphère d'influence.

La politique de rayonnement culturel et scientifique de la France s'appuie sur un réseau d'établissements culturels parmi les plus denses au monde. Ce réseau de centres culturels, d'instituts français, d'alliances françaises et de centres de recherche est un atout que beaucoup nous envient. Cela dit, notre réseau doit évoluer, notamment en Europe.

Depuis 2002, une dizaine de centres culturels ont été fermés sur le territoire de l'Union. Vingt-deux des cinquante-deux établissements culturels que comptait le réseau en 1994 dans l'Europe des Quinze ont été fermés. L'adaptation de notre réseau sur le territoire européen n'est pas toujours facile à mettre en œuvre, mais elle est nécessaire. Toutefois, elle ne doit pas répondre à une logique exclusivement comptable. Pour mémoire, la subvention que verse chaque année l'État à l'Opéra de Paris est cinq fois plus importante que le coût de fonctionnement de l'ensemble du réseau culturel français sur le sol européen. Pardon de cette comparaison, mais elle est significative.

L'évolution de la carte de nos implantations devrait, à mon sens, aller de pair avec une unité d'appellation de nos structures. À l'instar du Goethe Institut ou du British Council, la France devrait en effet disposer d'une marque de fabrique, d'un label facilement identifiable, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, chacun en convient. Je suggère que l'on réfléchisse à l'appellation de « Maisons de la France ».

Indépendamment des structures, l'évolution de la carte des implantations pourrait aussi s'accompagner d'une européanisation des missions de notre réseau. Au moment où la construction européenne marque malheureusement un coup d'arrêt,…

M. Jacques Myard. Heureusement !

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis, pour le rayonnement culturel et scientifique. Je n’en attendais pas moins de vous, monsieur Myard !

…la valorisation des cultures nationales devrait aller de pair avec la contribution à la formation d'une identité culturelle européenne. C'est pourquoi je pense que ce qui existe déjà à travers les centres culturels franco-allemands pourrait progressivement être ouvert à d'autres pays de l'Union, comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur spécial.

Rayonnement culturel et scientifique : la formulation est ambitieuse. Mais que recouvre-t-elle exactement ? Comment se mesure notre rayonnement ? Avons-nous des raisons de céder au discours ambiant sur le déclin de notre pays ?

M. Charles Cova. Sûrement pas !

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis, pour le rayonnement culturel et scientifique. Comme dans tout bilan – et cette fin de législature s'y prête –, il y a du bon et du moins bon.

Permettez-moi de commencer par ce qui me paraît être le plus préoccupant : la situation de notre langue dans le monde, en particulier en Europe.

L'usage du français régresse et les crédits consacrés à la coopération linguistique aussi. Depuis 2002, ils ont diminué de 23 % en euros constants. En dix ans, le nombre d'Européens qui apprennent le français a reculé de près de 15 %.

Quant à l'usage du français au sein des institutions européennes, il tend à devenir marginal. Les derniers chiffres publiés par la Commission européenne sont sans appel sur le décrochage brutal et manifestement durable de l'utilisation du français à Bruxelles. En 2005, seulement 16,4 % des documents de la Commission ont fait l'objet d'une rédaction d'origine en français, contre 29 % en 2002 et 38 % il y a dix ans.

Monsieur le ministre, je prends acte des efforts déployés par le Gouvernement et du plan de relance du français que vous avez présenté au printemps dernier, lequel prévoit notamment la formation de 10 000 professeurs de français dans le monde. Ces mesures suffiront-elles à inverser la tendance ? Espérons-le !

Comment évoquer la langue française sans parler de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE ? Les établissements scolaires français à l'étranger scolarisent de plus en plus d'élèves. Selon des données encore provisoires, ils auraient été 163 500 lors de la dernière rentrée. En quinze ans, les effectifs ont progressé de 10 %. En revanche, le budget de l'AEFE est loin d'avoir connu une telle progression. Pour tout dire, il est resté globalement stable, ce qui signifie qu'il a baissé en euros constants, alors qu'au même moment l'AEFE s'est vu attribuer de nouvelles compétences immobilières pour l'entretien de ses établissements.

La densité du réseau de l'AEFE, présent sur les cinq continents, représente donc un atout dont aucun autre pays au monde ne peut se prévaloir. Il s'agit d'un outil essentiel au rayonnement culturel et linguistique de notre pays, si l'on considère que c'est au sein des lycées français que se joue le rayonnement durable de la France dans le monde.

Or, en 2006, l'État a versé une subvention de 324,3 millions d'euros à l'AEFE, ce qui représente un peu plus de la moitié de son budget. L’établissement public dépend donc, pour une large partie et dans une proportion croissante, des droits de scolarité acquittés par les familles.

Le projet de loi de finances pour 2007 affiche une subvention de 332 millions d’euros, en augmentation de 8 millions d'euros. Cette présentation – pardonnez-moi de le dire, monsieur le ministre – est trompeuse car l'AEFE a subi de plein fouet la régulation budgétaire : 16 millions d'euros sont toujours gelés par Bercy sur la dotation pour 2006, d’où mon intervention auprès du ministre du budget. Par conséquent, l'AEFE ne pourra atteindre cette année l'équilibre budgétaire qu'au prix d'un prélèvement de 44,7 millions d'euros sur son fonds de roulement. De 75,7 millions d’euros à la fin de l’année 2005, correspondant à soixante-trois jours de fonctionnement, le fonds de roulement de l’Agence est passé il y a quelques semaines à 28,8 millions, l’équivalent de vingt-quatre jours de fonctionnement. Et l’annulation des crédits mis en réserve en 2006, soit 5 % des dotations, ne pourra être compensée que par un nouveau prélèvement de 16 millions, qui ramènera le fonds de roulement à 12,8 millions d’euros, soit onze jours de fonctionnement. L'AEFE est en quelque sorte victime de sa bonne gestion.

M. Gérard Bapt. C’est alarmant !

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis, pour le rayonnement culturel et scientifique. N'oublions pas que, in fine, ce sont les parents d'élèves qui font les frais de la régulation budgétaire.

La commission des finances a adopté un amendement qui prévoit de rattacher les crédits relatifs aux bourses scolaires et d'excellence attribuées et gérées par l'AEFE – soit 49 millions d'euros – au programme « Français de l'étranger et étrangers en France ». Je souhaite exprimer mon opposition à cette mesure qui revient sur ce que nous avions décidé l'an dernier, à savoir le transfert intégral des crédits de l'AEFE au programme « Rayonnement culturel et scientifique ». Scinder ainsi la subvention de l'AEFE entre deux programmes compliquera la gestion des crédits et risque surtout, à terme, de limiter les montants consacrés aux bourses. Ne prenons pas de risques inutiles.

Contrairement à ce qu'indiquait le premier exposé des motifs de cet amendement – mais il a été rectifié –, les bourses attribuées par l'AEFE ne bénéficient pas aux seuls élèves français. À la différence des bourses scolaires, les bourses dites d'excellence sont exclusivement réservées aux élèves étrangers. Ces crédits participent donc pleinement au rayonnement culturel et scientifique de notre pays et ils ont toute leur place au sein du programme 185.

Sous réserve de ces observations, la commission des affaires étrangères a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget pour 2007 du ministère des affaires étrangères augmente de 3,8 %, s'élevant ainsi à 4,5 milliards d'euros dont 1,451 milliard pour le programme « Action de la France en Europe et dans le monde ». Nous pourrions nous en réjouir, d'autant plus que la contribution française aux organisations internationales augmente de 60 millions d’euros, dont 50 millions destinés aux opérations de maintien de la paix. Dans le contexte mondial actuel, le maintien de la paix mérite largement cette augmentation, mais notre contribution ne se résume pas à des chiffres ; son contenu importe aussi et, à ce sujet, il y a beaucoup à dire.

Les interventions de la France sont soumises aux normes impératives du droit international. Pourtant, notre pays a usé de son statut de membre permanent au Conseil de sécurité pour s'ingérer dans la politique intérieure de pays africains, et dernièrement de la Côte d’Ivoire. Elle a ainsi fait abroger les normes constitutionnelles d'un État souverain. Loin de contribuer au renforcement et à la transparence des institutions démocratiques ivoiriennes, cela obérera plutôt toute chance de construire de paix. Je m'étonne que la France ait pu se laisser aller au point de modifier des dispositions constitutionnelles relatives aux compétences du Premier ministre ivoirien. Imaginons un peu que le Conseil de sécurité abroge nos institutions démocratiques, impose un président et délimite ses compétences ! Quelle serait alors, monsieur le ministre, monsieur le président, chers collègues, notre réaction ?

En ce qui concerne la guerre qui a secoué et ravagé une grande partie du Liban l’été dernier, je passe sur la situation d’une région mise à feu et à sang et au bord de l'implosion, mais force est de constater que la plupart des États, dont le nôtre, se sont mis dans l'incapacité de respecter et de faire respecter les principes et les conventions qu’ils ont eux-mêmes signés. Ainsi, l’État d’Israël continue de violer quotidiennement la résolution 1701 adoptée par le Conseil de sécurité. Je vous renvoie au rapport du Secrétaire général sur l'application de cette résolution : « il y a eu toutefois une grave violation de la cessation des hostilités lorsque les forces israéliennes ont effectué un raid dans la partie orientale du Liban le 19 août ». Il semble bien qu’il n’y ait aucune volonté ferme de faire respecter une décision dont la valeur juridique contraignante équivaut à celle qui a été prise pour la Côte d’Ivoire. Chaque situation a ses spécificités mais on ne peut que s'étonner que l’on continue d’utiliser deux poids, deux mesures.

Au lieu de participer à des opérations de maintien de la paix dont les conditions sont floues parce que imposées par certains pays en position dominante, la France devrait œuvrer pour faire respecter les notions les mieux établies du droit international : la crise actuelle se traduit par des manifestations allant de l’érosion de l'interdiction du recours à la force armée à la mise en application de la notion de « guerre préventive ». Tout le système de sécurité collective est en passe d’être démantelé avec la remise en cause du principe de légitime défense, ouvrant ainsi la voie à la défense préventive. C'est la nature même du système de sécurité collective, de coopération et, plus généralement, l’ordre international, qui sont en jeu.

J’ajoute que, lorsqu’il a décidé de participer à la FINUL, le Gouvernement français aurait dû demander que cette force de maintien de la paix soit déployée aussi bien au sud Liban qu'au nord d'Israël. N'oublions pas, comme notre gouvernement a tendance à le faire, que, depuis 2000, de multiples violations de l'espace aérien et maritime libanais ont eu lieu, bien avant l'enlèvement sur le territoire libanais et non israélien, de deux soldats. Notre gouvernement aurait dû veiller à faire la différence entre agresseur et agressé et à mieux respecter, dans cette crise grave, les normes impératives du droit international. L'État français, plutôt que de s'immiscer dans les affaires d'États souverains et de dépenser l'argent public pour de telles actions, devrait œuvrer au règlement pacifique des différends, à la coopération internationale et au développement.

Autre exemple, celui des territoires palestiniens occupés, où la France ne tient pas compte de ses obligations au regard du droit international. Je rappelle que la construction du mur d'annexion a été déclarée illégale par la Cour internationale de justice le 9 juillet 2004, et que l'Assemblée générale des Nations unies a enjoint à l'État d'Israël de se conformer à cet avis, le 20 juillet suivant. L'avis de la Cour pénale internationale précisait que les États parties se devaient de respecter et de faire respecter les normes du droit international. Or rien n'a été fait dans ce sens par le Gouvernement. Pourtant la France est bien signataire de la IVe Convention de Genève et de ses protocoles ! Elle s'honorerait d'être le fer de lance des pays travaillant au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et en particulier à la reconnaissance des droits du peuple palestinien tels qu'ils ont été affirmés par les nombreuses résolutions du Conseil de sécurité. Il est temps que l'État palestinien voie le jour et que l'occupation israélienne cesse !

S’agissant aussi du tramway de Jérusalem, on pourrait demander des comptes aux compagnies françaises ayant emporté le contrat puisqu’elles ont feint d’ignorer non seulement qu’une partie du tracé remettait en cause le statut de Jérusalem comme future capitale de l'État palestinien, mais aussi qu’il obérait le processus de paix puisqu’il serait construit au-delà de la Ligne verte. Il ne faut pas oublier que l'État français a aidé ces entreprises à obtenir ce marché au prix d’une violation du droit international.

Chacun voit bien que les opérations pour le maintien de la paix se contentent surtout de faire deux poids, deux mesures sous la pression des États-Unis. À quoi bon, dès lors, augmenter les crédits, si la paix se mesure à l'aune de « l'axe du bien » au détriment du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, du droit des États à leur souveraineté, du droit des peuples à disposer de leurs propres ressources naturelles et à choisir librement leur système politique ? Il ne s’agit alors que de faire régner la loi du plus fort en violant les normes impératives du droit international. De telles opérations font courir un grave danger à l'ensemble de l'humanité car elles ne garantissent aucunement le maintien de la paix ; elles favorisent plutôt la dérégulation des relations internationales.

Passons à l'aide publique au développement. La France avait, dès mars 2002, adopté un calendrier officiel pour porter le niveau de son APD à 0,50 % du revenu national brut d'ici à 2007, et à 0,70 % en 2012, conformément à une recommandation de l'ONU. En 2005, l'APD a représenté 0,47 % du PIB. Mais la qualité de l'aide est tout aussi importante que sa quantité. Une fois de plus, il s'agit d'une augmentation en trompe-l'œil car l’évolution récente de l'APD française révèle un paradoxe. Si la France se classe en tête des pays européens dans ce domaine, elle dégage pourtant peu de ressources nouvelles pour financer le développement.

L’augmentation de l’aide provient avant tout de la mise en œuvre de plans d'annulation de dettes décidés au niveau multilatéral. Ces annulations de dettes, qui représentaient 40 % de l'APD française en 2003, relèvent pour leur grande majorité d'un simple effacement comptable de créances impayables : les pays bénéficiaires, très pauvres, étaient tombés pour la plupart dans la spirale du surendettement et se trouvaient dans l'incapacité de payer. Ces annulations ont par conséquent un impact très limité pour les pays « bénéficiaires ».

La France comptabilise toujours au titre de l’APD certaines dépenses à destination de territoires d'outre-mer ou des crédits de rayonnement culturel et de diffusion du français à l'étranger qui n’ont rien à voir avec l’aide au développement. Si l’on n’en tient pas compte, la contribution de la France au financement du développement se réduit considérablement : l'aide « réelle » de la France ne progresse pas, plafonnant à 60 % du niveau officiellement affiché.

Par ailleurs, au-delà de son montant, l'aide française souffre d’un déficit de crédibilité qui provient d’un manque de lisibilité et de transparence, de la faible prévisibilité des flux et de l’absence de coordination avec les autres donateurs. Il serait temps que la France relève le défi et augmente son APD « réelle » pour atteindre l’objectif de 0,70 %. Cela suppose un véritable effort budgétaire, et non une politique en trompe-l'œil.

Le développement et la redistribution des richesses à l’échelle mondiale pourraient être financés par des taxes internationales responsabilisant les États, les entreprises privées et les institutions financières, plutôt que les individus. Par exemple, instaurons une taxe sur le kérosène, et non pas sur les billets d'avion – je rappelle que notre groupe s'est abstenu sur cette proposition –, ou sur les flux de capitaux. Il faut aussi recentrer la politique française de coopération au développement sur les objectifs de lutte contre la pauvreté et le respect des droits humains fondamentaux, en consacrant au minimum 20 % de notre APD au financement des services sociaux de base.

Une autre mission du ministère des affaires étrangères mérite attention, celle qui contribue à la maîtrise des flux migratoires. Il semble qu’elle ne soit envisagée que sous un angle purement comptable. La dotation de 16 millions d'euros pour la mise en place des visas biométriques est-elle de nature à répondre à la demande de millions de personnes chassées de leur pays soit par la guerre, soit par la famine ou la pauvreté extrême ? Si le traitement sécurisé des passeports est nécessaire, il ne devrait pourtant pas se faire au détriment des demandeurs d’asile. Je ne peux pas ne pas faire le rapprochement entre cette mesure et la loi sur l’immigration et l’intégration, qui subissent l’influence grandissante de l'idéologie sécuritaire.

La même remarque vaut pour l'OFPRA qui se voit doter, dans le cadre d'un plan d'urgence, d'une subvention de 45,56 millions affectée essentiellement aux moyens personnels, dans le seul but de réduire les délais de traitement des demandes d'asile. Un tel objectif est louable, dans l'absolu, mais cette précipitation risque, faute de temps, ou, plus grave encore, faute d'investigation poussée, de se solder par des refus. Il n’est question que de rendement sans considération pour la situation des personnes. Encore une fois, la logique est la même que celle de la loi sur l’immigration. Est-ce digne d’une politique extérieure de l'État et, a fortiori, d’une bonne gestion des flux migratoires ?

Je pourrais, hélas, multiplier les exemples. La France n'est pas à la hauteur de ses obligations sur le plan international car elle favorise les décisions bilatérales, voire unilatérales, au détriment d'un développement des relations multilatérales propres à rééquilibrer durablement les relations internationales. Ce faisant, elle viole certaines de ses obligations internationales, jette le discrédit sur de nombreux instruments internationaux et contribue à l'érosion des institutions internationales. Ce n'est tout de même pas son rôle !

Non contente d'être en panne sur le plan international, la France l'est aussi sur le plan européen. Elle refuse toujours d'entendre les aspirations au changement social et démocratique exprimées lors du référendum sur le projet de Constitution européenne. Le Gouvernement fait même preuve d'autisme en continuant à discuter de la construction européenne comme si de rien n’était. Une telle attitude a quelque chose d’insultant à l'égard des 54,67 % de citoyennes et de citoyens qui ont exprimé leur choix d'une Europe sociale et démocratique !

Devant la politique extérieure que le Gouvernement a choisi de mener, et qui ignore les vraies ambitions comme la défense des principes de la Charte des Nations unies, notre groupe ne peut que voter contre ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Bourg-Broc, pour le groupe UMP.

M. Bruno Bourg-Broc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France a une exigence en matière de diplomatie. Notre histoire et notre conception commune des relations internationales, fondée sur l’humanisme et la solidarité, nous conduisent à mettre en œuvre une efficace diplomatie de mission voire, parfois, une difficile diplomatie de combat. C'est l'honneur de la France d'être présente à travers le monde sur le terrain diplomatique, culturel, intellectuel, économique et scientifique, et d’être souvent partie prenante dans la résolution de nombreux conflits internationaux. C’est donc dans cette perspective que le budget que nous discutons aujourd'hui doit s'analyser.

Pour peser sur les choix de notre monde, nous devons être présents dans le débat d'idées, mais aussi sur le terrain par l’intermédiaire de nos ambassades, de nos centres culturels ou au sein des institutions internationales... Pour cela, il n’existe qu’une seule voie possible : l'influence.

Il est impératif que la France mette en place une réelle et efficace stratégie d'influence internationale. Nous devons à cet effet mobiliser tous les moyens dont nous disposons.

La question que nous devons nous poser est la suivante : le budget de la mission « Action extérieure de l'État » répond-il à cet objectif ? Même si des efforts doivent encore être consentis, je dirai clairement oui, et ce pour deux raisons : premièrement, l'État donne à notre outil diplomatique au sens large les moyens de ses objectifs. Ainsi, et personne ici ne peut ni le contester ni le regretter, les moyens de la mission « Action extérieure de l'État » enregistrent, hors crédits de personnel, une hausse de 6 %. C'est une bonne décision qui va dans le sens de l'intérêt de la France.

Secondement, et sans oublier, monsieur le ministre, les bémols que les rapporteurs ont émis, le présent budget assure et renforce une fois encore la présence de notre pays à travers le monde. Avec 159 ambassades, la France détient le troisième réseau diplomatique mondial. Chacun de ces postes assure la présence de notre pays et permet de rendre visible notre action. Il faut donc poursuivre dans la voie engagée à cet effet depuis 2002 : rationaliser notre réseau afin de valoriser notre présence.

À cet égard, les efforts du ministère des affaires étrangères sont d’autant plus remarquables que l’exigence de présence diplomatique s'inscrit, nul ne l’ignore, dans un contexte budgétaire contraint. D'une part, les moyens d'intervention du ministère bénéficient d'une hausse significative, d'autre part, ce budget marque la volonté claire de contribuer à une meilleure gestion de l'argent public au travers, à la fois, d’une baisse des effectifs de la fonction publique d'État et d’une gestion immobilière innovante. Ainsi la masse salariale du ministère des affaires étrangères connaîtra l'année prochaine une baisse de 1,4 % qui s'inscrit dans le cadre des engagements pris dans le contrat de modernisation en faveur de la mise en place d'une gestion prévisionnelle des ressources humaines, de l'évolution de la structure d'encadrement, de la modernisation des régimes de rémunération et de la réforme de la politique de l'emploi local.

Du reste, ce budget permet une nouvelle fois au ministère des affaires étrangères, en matière de modernisation et de gestion innovante de ses ressources et de ses moyens, de faire preuve d'innovation et de se placer à ce titre parmi les ministères les plus volontaristes. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

De plus, ce budget consacre une part importante de ses crédits au rayonnement culturel et scientifique de la France. Ainsi, le réseau des établissements culturels français chargés de mettre en œuvre notre politique culturelle extérieure assure ce rôle d'étendard de notre pays sur chaque continent. Avec quarante-neuf services de coopération et d'action culturelle directement intégrés aux ambassades, cinquante-neuf centres et instituts culturels dotés de l'autonomie financière, soixante-treize alliances françaises s'autofinançant pour leur activité propre, c'est-à-dire, pour l'essentiel, les cours de langues, et sept centres de recherches compétents dans les domaines de la recherche en archéologie et en sciences sociales, notre pays a la claire ambition d'être acteur dans les pays où il est présent.

Tout en faisant évoluer la carte du réseau, ce qui s'accompagne malheureusement de la fermeture de certains centres, laquelle est en partie compensée – il convient de le reconnaître – par un redéploiement au profit de certains réseaux prioritaires, ce budget s'efforce de moderniser ces établissements et d'améliorer leurs performances et l'offre des services qu'ils proposent.

Attention cependant à en assurer la cohérence : la multiplication de l’offre n'est en rien synonyme d'efficacité. Alors que les contraintes budgétaires, dont nous avons tous conscience, vous conduisent, monsieur le ministre, à fermer certains établissements, nous devons prendre garde à ce que ces fermetures ne se traduisent pas in fine par la mise en place d'une, voire de plusieurs nouvelles structures. Dans son rapport au nom de la commission des finances, notre collègue Jérôme Chartier a ainsi souligné le cas de Porto où, non seulement, un consulat d'influence a été créé, mais où, de plus, un projet de mise en place de centre culturel franco-allemand est actuellement à l'étude. Évitons les doublons et, dans un souci de plus grande efficacité, concentrons nos efforts. À cet égard, nous devrions accompagner l'évolution de notre réseau culturel d'une européanisation des missions du réseau culturel. Sur le modèle des centres franco-allemands, la France pourrait être à l'initiative d'un nouveau projet européen qui identifierait l'Europe à travers le monde. Ces maisons culturelles européennes, que j'appelle de mes vœux, nous permettraient à la fois, et sans qu’il y ait contradiction, de valoriser nos différentes cultures nationales et de participer à l'émergence d'une identité culturelle européenne. Je me permets à ce sujet de féliciter notre collègue François Rochebloine pour les réflexions pertinentes contenues dans son rapport et qui vont dans ce sens.

M. Hervé de Charette, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Un excellent rapport !

M. Bruno Bourg-Broc. Par ailleurs, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui est un autre acteur stratégique de notre action extérieure – François Rochebloine l’a rappelé –, voit ses objectifs et ses ambitions confirmés puisque, après deux années de baisse budgétaire, sa dotation publique bénéficie de 8 millions d'euros supplémentaires, atteignant plus de 332 millions d'euros en 2007. À ce propos, monsieur le ministre, j'espère que le Gouvernement décidera de libérer les 16 millions d'euros gelés en 2006 sur le budget de l'Agence – il n’est pas encore trop tard.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour le rayonnement culturel et scientifique et M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Bruno Bourg-Broc. Dans un contexte d'augmentation continue des effectifs depuis plusieurs années, la bonne réputation des lycées français de l'étranger les conduit à scolariser non seulement des élèves français mais également et surtout un nombre croissant d'élèves étrangers qui, bien souvent, appartiendront plus tard à l'élite de leur pays. C’est pourquoi, il serait déraisonnable d'amputer l'agence d'une partie de ses moyens : il est au contraire à mes yeux essentiel de lui permettre d’atteindre les objectifs que nous lui avons fixés, d’autant que ses succès constituent ses meilleurs arguments.

Je souhaite également aborder un thème qui m'est cher : la francophonie, en faveur de laquelle nous ne faisons pas assez.

M. Jacques Myard. C’est vrai !

M. Bruno Bourg-Broc. Bien souvent nos actes ne corroborent pas nos paroles, qui sont nombreuses en la matière. De plus, la nouvelle présentation budgétaire dilue malheureusement les crédits alloués à la francophonie dans plusieurs missions et, au sein même de ces missions, dans plusieurs programmes, si bien que notre action en faveur de la francophonie perd automatiquement en lisibilité.

C’est d’autant plus regrettable qu’avec la francophonie nous disposons d'un outil culturel et diplomatique sans précédent que nous ne valorisons pas assez, ce que je regrette vivement. N’oublions pas en effet que la francophonie s’appuie sur une donnée universelle, puisqu’elle est partagée par tous ceux qui s'en réclament : le français, notre langue. Or, depuis 2002, les crédits alloués à la coopération linguistique ont subi une érosion continue, en baisse de 23 % en euros constants. Depuis trop longtemps nous avons négligé ce combat et aujourd'hui nous en payons le prix puisque l'usage du français – cela a été rappelé – est constamment en baisse dans les institutions internationales. En 2005, seuls 16 % des documents de la Commission européenne ont été publiés initialement en français contre près de 40 % il y a dix ans. Dans ces conditions, avec François Rochebloine je me réjouis très sincèrement du plan triennal de relance de la langue française dans le monde que vous avez annoncé au début de l'année, monsieur le ministre, et qui prévoit notamment la formation de 10 000 professeurs de français. Pour 2007, la mise en œuvre de ce plan se traduit par un effort de plus de 46 millions d'euros, dont quelque 9 millions sont rattachés au programme 185 de notre mission. Cet effort est non seulement louable mais indispensable, même si, je le répète, il n'est pas suffisant.

Vous avez également choisi de moderniser l'action extérieure de notre pays en décidant la création de deux nouvelles agences : Cultures France, issue de la fusion entre l'Association française d'action artistique et l'Association pour la diffusion de la pensée française, et Campus France, qui devrait prochainement regrouper Édufrance, Égide et les centres pour les études en France. La mise en place de ces nouvelles structures vise à simplifier la présentation de l'offre universitaire, culturelle et scientifique française et à attirer les étudiants prometteurs. C'est une bonne nouvelle qui s'inscrit parfaitement dans la logique de rationalisation et de modernisation de l'action du ministère des affaires étrangères, logique que nous retrouvons, du reste, dans vos choix en faveur de l'intégration progressive de la biométrie dans les visas, ce qui se traduit par une augmentation de 16 millions d'euros des crédits affectés à ce dispositif. Parallèlement, les crédits affectés au traitement des demandes d'asile connaissent une légère baisse qui s'explique par celle du nombre de dossiers traités par l'OFPRA en raison du raccourcissement du délai de traitement : in fine, le nombre des demandes d'asile injustifié diminuera, ce dont je me réjouis. L'esprit de modernisation et de responsabilité budgétaires a donc des effets secondaires que, dans ce domaine notamment, nous ne pouvons constater qu’avec satisfaction.

Enfin, si je tiens à souligner que ce budget est ambitieux, puisqu’il répond en grande partie aux exigences de notre temps, il n’en reste pas moins que la LOLF nous permet de constater plus facilement les carences qui sont les nôtres. La France manque réellement d'une stratégie pour développer son action extérieure dans certains domaines. Il serait peut-être nécessaire de lancer un grand débat national relatif à la stratégie d'influence de notre pays : il permettrait de réunir tous les acteurs concernés par un tel enjeu. Le président Balladur a ainsi suggéré que tous les ministres intervenant dans l'action extérieure se réunissent régulièrement en vue de définir les objectifs de notre action extérieure. Cette idée, je l'espère, ne restera pas sans suite.

M. Gérard Bapt. Ne le font-ils pas déjà ?

M. Bruno Bourg-Broc. Peut-être le font-ils, mais insuffisamment.

De même notre pays, qui est reconnu pour son identité culturelle forte, doit, dans la définition et l'affirmation d'une stratégie d'influence que j'appelle de mes vœux, se doter d'une unité d'appellation de référence qui couvrirait toutes les structures participant au rayonnement culturel et scientifique de la France : son ambition serait de valoriser l’« atout France » au service d'un objectif transversal : le renforcement de l'influence de notre pays.

En dépit de ces quelques remarques, qui traduisent autant de souhaits, votre budget, monsieur le ministre, nous paraît bon et le groupe UMP le votera naturellement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste.

M. Gérard Bapt. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, j’interviens aujourd'hui au nom du groupe socialiste à un moment important, l'examen du dernier budget d'une législature permettant de juger une évolution sur cinq ans. Certains rapporteurs, y compris de la majorité, même s’ils ont masqué in fine leurs sentiments profonds, me rejoignent sur ce point, ainsi que des parlementaires qui, à la commission des affaires étrangères ou dans divers groupes d’études ou d’amitié, suivent la question des relations que la France entretient avec le monde, un monde si proche de notre pays qu’aucun problème extérieur ne lui est étranger.

Or, en raison de la stagnation, voire de la baisse, année après année, de ce budget, en dépit des majorations de crédits, dans le cadre des réserves de précaution et des annulations budgétaires qui mettent à mal les lois de finances initiales, nous faisons sur l’ensemble de la législature un constat négatif, notamment en ce qui concerne le rayonnement culturel et scientifique dont, chacun pour sa part, M. Rochebloine et M. Bloche ont excellemment traité.

Il s’agit aussi de porter un regard rétrospectif sur la politique d’un président, de son gouvernement et de sa majorité : quelles ont été les grandes orientations de politique étrangère ayant déterminé l'affectation des moyens financiers et humains votés par le Parlement ? Les moyens engagés ont-ils répondu aux ambitions initiales ? Les responsables de la politique extérieure du pays ont-ils été en mesure de mettre en œuvre cette politique ? L'heure est au bilan, qu’il s’agisse des réussites ou des échecs ; bilan que vous allez dresser dans votre intervention, monsieur le ministre, je n’en doute pas.

Le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, notre collègue Hervé de Charette, a porté un jugement qui résume assez bien, nous semble-t-il, l'état de notre politique étrangère. Elle est, selon lui, en quête de « consensus large » mais reste « relativement vague ». Le propos peut paraître sévère, mais il nous semble juste. La nouvelle méthodologie budgétaire impose un mélange audacieux – peut-être politiquement risqué et sans doute contestable dans son esprit – de chiffres et d'évaluations. Voilà pourquoi je ne résiste pas au plaisir de citer un certain nombre de notes que la LOLF vous a amené à vous attribuer.

Ainsi, en matière européenne, l'indicateur de performance s’établit à 4,2 sur 5 pour 2005 et 2006. C’est très précis ! La gestion des grandes crises internationales a pour sa part obtenu la note, selon la même grille, de 3,9 sur 5 – peut mieux faire ! En ce qui concerne l'appréciation donnée sur la politique française en Syrie et au Liban, l'excellence aurait été de mise avec un 5 sur 5 – pourvu que l’avenir proche justifie cette notation, et nous y reviendrons. En Afghanistan, en Haïti, dans la région des Grands Lacs, au Haut-Karabakh, au Kosovo ou en Irak, la note que le Gouvernement se donne sur sa politique étrangère est plus modeste, mais reste, avec 4 sur 5, très nettement au-dessus de la moyenne. « Tout semble donc être pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles pour notre diplomatie », aurait dit le professeur de Candide, Pangloss, dont on se demande s’il n’a pas fait des adeptes au Quai d’Orsay. Permettez-moi, à ce stade, de m'étonner de l'absence, dans cette liste, du Soudan et du Tchad, de la Somalie et de la Tchétchénie, de la Corée du Nord et du Tibet, de la Colombie et de Timor. Ces crises n'auraient-elles donc pas mobilisé la France en 2005 et 2006 ? Ou bien les évaluateurs auraient-ils, sur ces dossiers, donné des notes inférieures à 2,5 à la politique française, qui n’aurait donc pas obtenu la moyenne ?

Quant aux valeurs attribuées à votre politique dans certaines parties du monde, elles interpellent la raison et le bon sens. La gestion de l'affaire libanaise a-t-elle été aussi limpide et parfaite au point de mériter un 5 sur 5 ? Sur le plan diplomatique, les annonces ont-elles toujours été suivies d'effet immédiat ? D'aucuns, aux Nations unies, s'en sont pourtant récemment inquiétés. L'image de la France en a souffert. En effet, plus de 1 500 soldats devaient être envoyés au Liban et seul un petit millier a été déployé jusqu’à présent. Ce retard trahit-il un doute, une hésitation, que ne reflète pas le projet annuel de performance ?

La note de 4 sur 5 attribuée à la gestion de la crise ivoirienne n’est pas plus compréhensible. De bout en bout, la gestion de cette crise s’est révélée hésitante. En autorisant la montée en puissance de rebelles ayant pris les armes contre un gouvernement élu, la France a envoyé un signal négatif à l'Afrique. Elle a dû passer le relais à plusieurs pays de la région. Des militaires français ont été bombardés ; dix d'entre eux ont même été tués à Bouaké. Les auteurs de cet acte ont été, semble-t-il, arrêtés puis relâchés. Des milliers de nos compatriotes en danger ont été contraints à l'exil. Le fiasco diplomatique est patent. En témoigne, ces derniers jours, votre difficulté à faire adopter par le Conseil de sécurité de l'ONU une résolution sur la situation de la Côte d'Ivoire. Ce gâchis, qui plus est, a des conséquences financières. L'erreur diplomatique ivoirienne pèse lourd sur le budget de la France : en quatre ans, l'opération Licorne a coûté un milliard d'euros. Pourquoi ce milliard, pourquoi ces morts de Bouaké, pourquoi ces milliers de compatriotes rapatriés ?

M. Jacques Myard. Et moi, et moi, et moi ?

M. Gérard Bapt. Cet exercice chiffré prêterait à sourire s'il s'agissait de tout autre chose que de la politique extérieure de la France. L'autoévaluation, monsieur le ministre, est-elle « budgétisable » ? Au-delà de la méthode, elle nous a permis de mesurer à quel point elle allait de pair, selon nous, avec une autosatisfaction à bien des égards injustifiée.

Notre collègue rapporteur pour avis a fait un excellent travail de présentation et de synthèse, qui résume en quelques têtes de chapitre une politique et ses grandes articulations.

M. le ministre des affaires étrangères. C’est vrai !

M. Gérard Bapt. Notre politique étrangère repose manifestement sur deux priorités. La première est d'empêcher l'entrée d'étrangers sur notre territoire. La seconde est de serrer au maximum les cordons de la bourse. Je ne peux que convenir du constat de notre collègue, mais je m'étonne et je conteste ces priorités. Je note en effet une dérive de certains ministères, et le Quai d'Orsay s'est fâcheusement rapproché de la Place Beauvau et de Bercy.

La place Beauvau a soufflé avec succès sur la direction des étrangers en France. Des moyens nouveaux lui ont été donnés pour bloquer « l'étranger » aux frontières de façon plus efficace. Une part croissante du budget a donc été affectée à l’attribution des visas, à la recherche de technologies de plus en plus sophistiquées. Il s'agit aussi de bouter hors de France, le plus rapidement possible, ceux qui y seraient entrés sous couvert d'asile politique. Les moyens de remédier à cette situation jugée insupportable par certains ont été donnés à l'OFPRA.

Quant au rapprochement avec Bercy, il est tout aussi préoccupant. Comme l'écrit notre collègue Hervé de Charette, ce budget s'efforce de poursuivre la réduction des effectifs, laquelle, en quatre ans, a été de 10 %. Elle pourrait s’accélérer, nous dit-on, par un recours plus actif à l'externalisation déjà pratiquée par certains consulats. À ce rythme, dans dix ans, mes chers collègues, le ministre des affaires étrangères risque d'être bien seul en son Palais ; à moins qu’on n’étende l'externalisation à un point tel que les diplomates soient, à terme, chargés des intérêts des entreprises.

De dérive en dérive, qui pourrait s'étonner d'une érosion professionnelle et éthique ? Les affaires malheureuses qui ont touché divers consulats mais aussi, et c’est nouveau, la maison mère, au-delà des personnes incriminées, ternissent l'image et la crédibilité de toute une corporation, celle de notre diplomatie.

La priorité donnée au combat contre l'entrée d'étrangers dans notre pays ne vous a-t-il pas fait négliger, monsieur le ministre, la défense des centaines de milliers de nos compatriotes vivant à l'étranger ? La réduction des moyens humains et celle des crédits qui leur sont affectés engendrent des conséquences dont je souhaite relever deux aspects très concrets. D’abord, la délivrance de certificats de nationalité française, document de plus en plus exigé et donc nécessaire, suppose dix mois d'attente pour l'obtention d'un accusé de réception ; délai auquel il faut ajouter celui du traitement du dossier, qui prend environ un ou deux ans. Le tribunal d'instance de Paris, chargé de la gestion de ces demandes, ne sait plus où donner de la tête depuis 2005. Les consulats, accaparés par le traitement des visas, n'assurent plus la préparation du dossier des demandeurs.

Ensuite, j’attire votre attention sur le fait que 8 300 de nos compatriotes victimes de vos incertitudes diplomatiques ont été contraints de quitter la Côte d'Ivoire. Certains ont laissé derrière eux l'œuvre de toute une vie. À leur arrivée en métropole, ils ont reçu une aide de 750 euros par personne, le droit à une année de CMU et un accès au RMI. Ils s'estiment aujourd’hui victimes d'une politique. Ils considèrent que, de CMU en RMI, leur situation a été passée par pertes et profits. Aucune ligne budgétaire n'a été prévue pour ces sinistrés de la crise ivoirienne qu’il serait de l’honneur de la France d’indemniser. Ils s'en étonnent et ils protestent à juste titre. Pour avoir rencontré certains d’entre eux dans ma circonscription, je me fais ici l'écho de leurs préoccupations et de leur impatience.

Avons-nous encore un cap en politique étrangère ? On peut s'interroger. S'agit-il encore de politique extérieure, ou déjà du volet extérieur du ministère de l'intérieur ? Il manque un grand dessein à notre pays, mais il lui manque aussi confiance et identité. Comment en serait-il autrement avec une diplomatie en partie double ? Il y a celle du Président de la République et celle du ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy. Elles ne s'accordent pas, elles différent et même, souvent, se contredisent.

M. Sarkozy est dans son droit de candidat quand il réclame un soutien à la diplomatie des États-Unis en Irak. M. Sarkozy est dans son droit de candidat quand il revendique, en Afrique, la fermeture des frontières françaises.

M. Jacques Myard. C’est un peu caricatural !

Mme Muguette Jacquaint et M. Pierre Cohen. Non, c’est juste !

M. Thierry Mariani. J’adore l’imagination, mais il y a des limites !

M. le président. Monsieur Mariani, laissons M. Bapt conclure !

M. Gérard Bapt. Je comprends, monsieur Mariani, que cela vous pique personnellement, mais je ne souhaite pas entrer dans les problèmes de courants au sein de l’UMP,…

M. Jacques Myard. Les vôtres vous suffisent ! Ségolène, Ségolène !...

M. le président. Monsieur Bapt, votre temps de parole étant déjà écoulé, il vous faut conclure ! Et j’invite MM. Mariani et Myard à se taire !

M. Gérard Bapt. …car de mon côté j’ai suffisamment à faire !

Vous aurez loisir de dire ce que vous voudrez sur les positions de l’opposition, mais l’opposition peut s’exprimer…

M. Thierry Mariani. Tant qu’elle reste l’opposition, ça va !

M. Gérard Bapt. …sur les incohérences manifestes entre les orientations du Président de la République et celle du président de l’UMP.

M. Jacques Myard. Des incohérences, il n’y en a pas que chez nous !

M. Gérard Bapt. Le ministre de l'intérieur a été chahuté à l'occasion d'un déplacement au Mali. Une trentaine de députés ont publiquement estimé que cette visite était « indésirable ». Le président sénégalais, Abdoulaye Wade, s'est étonné des nouvelles orientations de la politique de la France à l'égard des Africains. Il a adressé de sévères critiques à Nicolas Sarkozy.

M. Thierry Mariani. Et à Ségolène Royal ?

M. Gérard Bapt. À ma connaissance, le président sénégalais n’a rien dit sur Ségolène Royal.

M. Thierry Mariani. Cela vaut mieux !

M. Gérard Bapt. Abdoulaye Wade a dit : « Il n'est pas honnête » que, sous couvert d'immigration choisie, « vous nous preniez nos meilleurs fils ».

M. Charles Cova. Il n’a qu’à les garder !

M. Gérard Bapt. Son prédécesseur, Abdou Diouf, secrétaire général de la Francophonie, a lui aussi vivement critiqué l’idée d’une immigration choisie, qu'il a qualifiée de « politiquement et moralement inacceptable ». Mais s'agit-là de la politique de la France, ou de celle d'un précandidat, abusant de sa charge ministérielle, pour asseoir une notoriété contestable auprès d'un certain électorat ?

Le commentaire déconcertant du Président de la République concernant la présence du ministre de l'intérieur aux États-Unis en septembre dernier a été, permettez-moi de vous le rappeler, monsieur Mariani, le suivant : « Le ministre [de l'intérieur] a été chargé par moi d'être le représentant de la France aux cérémonies du 11 septembre, puisqu'il s'y trouvait. » Comprenne qui pourra, en France comme à l'étranger, l’expression «  puisqu'il s'y trouvait ». Comment voulez-vous qu’un tel climat de cacophonie et de défiance au sein du Gouvernement ne soit générateur de doutes légitimes à l'étranger ? Le groupe socialiste ne peut approuver une diplomatie qui s'attribue elle-même des mérites bien éloignés de la réalité. Aussi, monsieur le ministre, notre groupe n'aura d'autre choix que de voter contre votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jacques Myard. Ah ! Enfin !

M. le président. La parole est à M. Bernard Schreiner.

M. Bernard Schreiner. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par un bref rappel historique. Au lendemain de la Libération, l'Europe sort déchirée, meurtrie, ruinée par cinq ans de guerre. Les États sont résolus à restaurer leur économie détruite, à retrouver leur influence et, surtout, à écarter définitivement toute nouvelle tragédie.

Ainsi, en 1946, à Zurich, Winston Churchill évoque le premier la solution. Il demande qu'un terme soit mis à la querelle entre la France et l'Allemagne et que les deux pays, rapprochés en une alliance sincère, forment le noyau d'une sorte d’« États-Unis d'Europe ». Le 5 mai 1949, quatre ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, dix pays d'Europe occidentale, dont la France, décident donc de s'unir au sein d'une nouvelle institution afin de défendre des valeurs communes : les droits de l'homme, l’État de droit et la démocratie. En implantant son siège à Strasbourg – symbole de la réconciliation franco-allemande –, le Conseil de l'Europe relance ainsi un concept millénaire : l'unité de l'Europe.

Créée sur la base d'un traité intergouvernemental, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe peut être considérée comme la plus ancienne assemblée parlementaire pluraliste internationale composée de parlementaires élus démocratiquement. Structure intergouvernementale, sans grands moyens financiers, le Conseil de l’Europe a toujours fait figure de parent pauvre dans la galaxie des institutions européennes. Il réunit pourtant aujourd'hui 46 pays et bientôt 47.

Venons-en au fond. Les compétences du Conseil sont très larges : économiques, sociales, culturelles, scientifiques et juridiques. Malgré la faiblesse de ses moyens, il a donné naissance à un véritable espace juridique européen avec 200 conventions ou traités ayant force de loi sur des questions comme les droits de l'homme, la lutte contre le crime organisé, la prévention de la torture, la protection des données et la coopération culturelle.

Outre l’Assemblée parlementaire regroupant six cent trente membres issus de quarante-six Parlements nationaux, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, le Centre européen de la jeunesse ou encore la Pharmacopée européenne, le Conseil de l’Europe, c’est aussi la Cour européenne des droits de l’homme, dont les nombreux arrêts ont permis de faire évoluer les législations nationales.

La fin de la guerre froide a donné une nouvelle orientation au Conseil de l’Europe : l’assistance politique et technique aux pays d’Europe centrale et orientale pour permettre leur passage à l’État de droit et pour les aider à consolider les réformes politiques, législatives et constitutionnelles parallèlement aux réformes économiques.

Or ni ces nouvelles orientations ni les mandats qui lui ont été confiés lors des sommets de Vienne, de Strasbourg et de Varsovie n’ont été suivis d’abondements budgétaires. En clair, on demande au Conseil de l’Europe de faire plus avec une croissance budgétaire égale à zéro,…

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le rayonnement culturel et scientifique. Absolument !

M. Bernard Schreiner. …sachant que vingt-trois nouveaux États l’ont rejoint depuis 1990 et que, de l’avis général, il n’est pas question d’obérer les moyens de la Cour européenne des droits de l’homme, qui siège désormais à plein temps et où environ quatre-vingt mille requêtes sont en cours.

Devant cette situation financière alarmante, le Conseil de l’Europe a déjà fait de nombreuses économies tant en termes de structures que d’organisation, en rationalisant les lieux de réunion ou en ramenant le nombre de ses commissions de quatorze à dix par exemple.

Pour survivre, devra-t-il maintenant renoncer à aider tous ces pays qui ont besoin de son expérience et de ses expertises dans le domaine des droits de l’homme ou dans celui de la démocratie locale ? Devra-t-il procéder à des coupes claires en matière d’éducation, de culture, de jeunesse, de cohésion sociale ? Devra-t-il supprimer des campagnes en faveur des droits des enfants ou de la lutte contre le racisme et la xénophobie ?

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le rayonnement culturel et scientifique. Très juste !

M. Bernard Schreiner. Étouffer une organisation internationale comme le Conseil de l’Europe est simple : il suffit d’accroître ses responsabilités en lui refusant les ressources dont elle a besoin. C’est ce qui est en train de se produire en ce moment sous le regard indifférent de la France, son pays hôte.

L’adhésion, depuis 1949, de quarante-six et bientôt quarante-sept pays d’Europe à ses principes lui a permis d’acquérir une véritable dimension paneuropéenne, jusqu’à devenir l’organisation de la grande Europe. Veut-on que cette grande aventure qui a permis à la paix et à la démocratie de se développer sur notre continent cesse par asphyxie, ou accepte-t-on de lui donner des moyens pour poursuivre ?

Bien des pays dans le monde nous envient cette organisation, sauf, apparemment, ceux qui en bénéficient le plus.

En tant que vice-président de l’Assemblée parlementaire et en tant que président de la délégation française, je demande instamment au Gouvernement de faire un effort financier substantiel dans sa participation au budget de fonctionnement du Conseil de l’Europe. Ce geste de la part du pays hôte est indispensable pour obtenir les concours financiers des autres pays contributeurs.

Mon vote, monsieur le ministre, dépendra de votre réponse. J’espère de votre part un engagement ferme, positif et précis à ce sujet. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le rayonnement culturel et scientifique. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Thierry Mariani. Enfin un modéré !

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Grâce à lui, la Turquie sera dans l’Europe !

M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, permettez-moi de saluer en vous la voix de la France.

Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour analyser la réalité de la situation internationale : elle est mauvaise, très mauvaise même, et tend vers l’exécrable.

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Tout en nuances !

M. Jacques Myard. Les crises régionales se multiplient et s’amplifient au Proche et au Moyen-Orient, au Darfour, en Afghanistan, dans le cadre général d’une rupture géostratégique et démographique entre Nord et Sud. À deux heures d’avion de Paris, c’est un continent entier, l’Afrique, qui part à la dérive : 250 millions d’habitants en 1950, un milliard aujourd’hui et 1,5 milliard dans trente à quarante ans.

Le tout sur fond de reprise de la prolifération nucléaire et de montée de la haine. L’affrontement des cultures n’est plus un sujet académique, c’est une réalité tangible, amplifiée par le dernier conflit au Proche-Orient. Le terrorisme devient pour certains un véritable acte de défense : nous le savons, même si nous ne le comprenons pas et s’il est de notre devoir de le condamner.

Enfin, ce qui se passe sur le front de l’environnement accroîtra encore les incompréhensions et les affrontements entre les pays développés et les pays émergents.

Face à cette situation, que fait la France ? La question doit être abordée sous l’angle de l’outil diplomatique d’abord, sous celui de la politique étrangère ensuite.

S’agissant de l’outil diplomatique, les cinq programmes répartis sur trois missions – « Action extérieure de l’État », « Aide publique au développement », « Médias » – connaissent une croissance réelle, notamment du fait de l’augmentation de l’APD. J’ai dit à Mme Girardin combien cet effort était opportun : c’est notre survie qui se joue là.

En revanche, les crédits affectés à la mission « Action extérieure de l’État », dont votre ministère a la charge, n’augmentent que de 2,4 %, soit juste un peu plus que l’inflation. Surtout, comme l’a dénoncé à juste titre M. de Charette, la suppression de deux cent cinquante-sept emplois est inadmissible. Depuis maintenant plus de dix ans, les affaires étrangères subissent la cure d’amaigrissement que l’État devrait faire par ailleurs. Ici même, on s’est réclamé de la « modernisation » pour justifier la poursuite de cet exercice. C’est intolérable ! On ne peut mettre ainsi en péril l’outil diplomatique de la France. Incorrigibles comptables, qui font fi de la réalité du monde !

Cette nouvelle baisse des effectifs est inutile et dangereuse : inutile car, je le répète, il y a longtemps que le ministère des affaires étrangères a consenti les efforts que les autres départements ministériels seraient bien avisés de fournir à leur tour ; dangereuse, car nous avons besoin d’un outil pour analyser et réagir : le monde ne nous attendra pas !

À ceux qui pratiquent une politique dont les relents font penser à celle de Laval, je veux rappeler qu’à la nécessité de faire des économies s’oppose la réalité du monde – ce monde implacable qui risque fort de se rappeler à nous ! Nous devons disposer d’un outil à la hauteur des enjeux, à la hauteur de ce qui se trame à nos portes. J’ai entendu qu’il fallait supprimer un consulat général à Liège, alors même que la Belgique est en train d’éclater sous nos yeux !

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Pas un consulat général : un consulat d’influence !

M. Jacques Myard. Justement ! Vous feriez mieux de voir le monde comme il est, monsieur le rapporteur spécial de la commission des finances, et non comme vous le rêvez à travers vos comptes et vos ratios !

Quant à notre action extérieure, elle doit rester fondée sur l’indépendance de la diplomatie française. Le monde attend notre voix, et ce n’est pas du chauvinisme que de le dire. Ceux qui ironisent, notamment les Anglo-Saxons, sur notre volonté de grandeur se trompent : chaque fois que nous parlons d’une voix indépendante, nous sommes écoutés, entendus et nous faisons bouger les lignes. Je vous invite à poursuivre dans ce sens, monsieur le ministre. Que ce soit à propos de l’Irak, du Proche et du Moyen-Orient, de l’APD ou de l’environnement, nous avons des choses à dire et nous devons les répéter à satiété.

Aussi, ne perdez pas votre temps avec des chimères telles que l’Europe puissance : vous valez beaucoup mieux que cela ! Il est clair que l’Europe puissance, c’est la paralysie. Comment voulez-vous qu’un machin de vingt-sept États puisse se mettre d’accord sur autre chose que d’envoyer des fleurs à Mme Arafat ? On sait bien que cette Europe, c’est une idée d’avenir et qui le restera longtemps !

En revanche, nous devons prendre des initiatives dans plusieurs crises. La dernière guerre israélo-arabe a abouti à fusionner la crise du Proche et du Moyen-Orient dans un front anti-occidental. Aussi devons-nous faire entendre notre voix et ne pas hésiter à reconnaître dans l’Autorité palestinienne un État palestinien : il faut, comme je l’ai dit, faire bouger les lignes et il est urgent que la feuille de route soit relancée.

Mme Muguette Jacquaint. Très bien !

M. Jacques Myard. Il est urgent aussi de faire revenir la Syrie dans le jeu diplomatique : quels que soient nos a priori sur ses dirigeants, elle doit faire partie du règlement de paix, sans quoi les affrontements continueront éternellement. Dans la crise du Proche-Orient se joue toute la paix du monde, jusque dans nos banlieues ! À la différence de certaines puissances, nous sommes en première ligne. Il faut rompre le lien qui s’est créé entre les crises du Proche et du Moyen-Orient afin de pouvoir progresser de nouveau dans le sens fixé par la feuille de route.

On doit regretter à cet égard l’inflexibilité américaine sur le retraitement civil de l’uranium, auquel les Iraniens ont droit d’après le traité de non-prolifération. Nous devons adopter une attitude beaucoup plus constructive, même s’il n’est pas facile, j’en conviens, de négocier avec les Perses.

Nous devons aussi mettre en place une véritable stratégie d’influence à long terme. Des efforts ont déjà été faits, notamment pour la promotion de la langue française. Notre culture et notre langue sont en effet des atouts majeurs pour éveiller le monde à la réalité française. Il faut poursuivre, réfléchir à une politique publique d’influence s’appuyant notamment sur la francophonie, et être offensifs !

À ce propos, j’ai déjà eu maille à partir avec votre collègue des affaires européennes sur la façon dont on laisse filer la langue française dans l’Union, monsieur le ministre. Il n’est pas admissible que l’on continue à accepter des textes en anglais au Conseil européen et à les diffuser à travers notre réseau diplomatique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Il y a là une incohérence que nous allons payer cher. Montrons-nous inflexibles, parce que nous défendons non seulement notre identité, mais aussi une certaine vision du monde, celle de la France, différente de celle des Anglo-Saxons, des Allemands, des Américains ou des Arabes.

Défendons nos intérêts, monsieur le ministre, et surtout ne baissons pas notre garde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Grignon.

M. Gérard Grignon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les propos pleins de détermination de M. Myard, je voudrais vous parler de l’extension du plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le cadre de la convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982.

M. Hervé de Charette, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Ce n’est pas facile de succéder à M. Myard à la tribune !

M. Gérard Grignon. En effet, mon cher collègue !

J’avais déjà soulevé cette question lors de la discussion de l’an dernier sur les crédits de l’action extérieure de l’État. Où en sommes-nous après une année d’interventions auprès de l’ensemble des autorités concernées ? À la création de deux groupes de travail franco-canadiens et à des déclarations d’intentions.

Le 24 février en effet, le ministre de l’outre-mer m’a fait savoir que « le Gouvernement tente de trouver la voie d’une coopération qui puisse satisfaire les deux parties et qui s’inscrirait dans les perspectives offertes par l’accord sur les hydrocarbures signé le 17 mai 2005 », et que deux groupes de travail seraient proposés, « destinés à approfondir la coopération entre la France et le Canada et à garantir à Saint-Pierre-et-Miquelon le bénéfice de retombées économiques pérennes ».

Les déclarations d’intentions, quant à elles, se résument à une lettre du Premier ministre du 3 avril 2006, par laquelle celui-ci m’indique que « l’extension du plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon fait partie des dossiers sensibles que nous souhaitons relancer avec les autorités canadiennes ». « Je tiens à vous confirmer, ajoute-t-il, que Saint-Pierre-et-Miquelon figure dans le programme EXTRAPLAC, pour que nous puissions nous réserver la possibilité de déposer un dossier d’extension auprès de la commission des limites du plateau continental. »

Tout cela n’est pas négatif, bien entendu, mais la position du Gouvernement ne m’en semble pas moins incertaine, frileuse, hésitante. En tout cas, elle ne répond pas aux attentes légitimes exprimées par la population de Saint-Pierre-et-Miquelon. D’ailleurs, quelle est l’enveloppe budgétaire réservée à ces groupes de travail ?

Vous imaginez bien qu’en plus de quatre siècles de présence en Amérique du Nord les Saint-Pierrais et les Miquelonnais ont, dans les secteurs les plus variés – économie, commerce, sport, culture, santé, etc. –, très largement coopéré et échangé avec leurs voisins des provinces maritimes atlantiques canadiennes. La coopération régionale existait de fait bien avant la commission mixte franco-canadienne créée en 1994 par les Premiers ministres Chrétien et Balladur et dont il serait bien difficile de citer une seule réalisation concrète en douze années d’existence.

Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, que la population de l'archipel demeure perplexe lorsque son avenir semble suspendu aux seuls effets d'une coopération régionale institutionnalisée et étatisée. D'ailleurs, ayant participé aux réunions d'Ottawa les 2 et 3 octobre derniers, j'ai pu constater que, lorsque nous interrogeons nos homologues canadiens sur les questions essentielles, par exemple sur la notion de concurrence équitable dans l’avitaillement des plateformes pétrolières offshore et plus particulièrement pour savoir si la loi sur le cabotage canadien s'applique aux navires immatriculés à Saint-Pierre-et-Miquelon dans les zones transfrontalières d'exploitation, on nous répond que la délégation présente n’est pas compétente. En revanche, la même délégation nous fait part de son intérêt à ce que notre Parlement ratifie rapidement l'accord franco-canadien de mai 2005 sur les modalités d'exploitation des zones transfrontalières d'hydrocarbures. En même temps, elle nous informe d'un futur forage au sud de la zone économique exclusive française, là où la France et le Canada ont des droits concurrents sur le plateau continental. Vous comprendrez donc ma prudence s’agissant de la ratification de cet accord. Quant à la responsable de la délégation du tourisme, elle n'a pas hésité à nous rappeler que son objectif était d'accroître le nombre de visiteurs français au Canada et non d'en envoyer à Saint-Pierre et Miquelon ! Ces groupes de travail à Ottawa, fort sympathiques, ne sont certes pas inutiles et peuvent contribuer à maintenir une bonne ambiance bilatérale, mais ce n'est pas dans ce type d'enceinte que les droits et les intérêts fondamentaux de notre pays seront défendus, et notamment la question du plateau continental, que je considère comme une condition au maintien de la France dans cette partie du monde.

D'ailleurs, monsieur le ministre, vous savez que le Canada ne négociera avec la France que s'il y est contraint par le droit international. La meilleure preuve, c'est qu'en 2005, le Canada a rejeté de la manière la plus ferme la simple suggestion de la France de discuter des intentions de notre pays sur le dépôt d'un dossier commun auprès de la Commission des limites du plateau continental. Il est donc évident que la seule stratégie possible pour défendre nos intérêts fondamentaux dans cette partie du monde est de déposer unilatéralement ce dossier et d'officialiser cette position en faisant connaître les intentions de notre pays et surtout le calendrier prévu. Je rappelle à ce sujet que la Commission des limites du plateau continental n'a pas mandat pour examiner les demandes en présence de différends entre les pays concernés. Le dépôt du dossier de la France relatif à Saint-Pierre-et-Miquelon contraindrait donc le Canada à négocier et, vous le savez, monsieur le ministre, rien ne s'y oppose. En effet, lors de l'arbitrage frontalier de New York, la France avait revendiqué des droits sur le plateau continental au-delà des 200 milles de ses côtes et, bien que la désastreuse sentence de 1992 pour Saint-Pierre-et-Miquelon ait limité sa compétence à 200 milles des côtes de l'archipel, le tribunal avait heureusement réservé la question de la coexistence potentielle de droits concurrents de la France et du Canada sur le plateau continental au sud du tuyau déterminé par la sentence, donc au-delà des 200 milles marins. Par ailleurs, la convention sur le droit de la mer de 1982 dispose que les espaces maritimes relèvent de deux catégories d'espaces distincts qui reposent sur des équités différentes : la zone économique exclusive jusqu'aux 200 milles marins, d'un côté, et le socle, c’est-à-dire le plateau continental jusqu’au rebord externe de la marge continentale, de l’autre côté.

Si je défends ce dossier avec autant d'obstination,…

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. C’est vrai !

M. Gérard Grignon. …c'est évidemment parce que l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon est plongé dans un marasme économique sans précédent depuis l’arbitrage frontalier de New York et le moratoire sur la morue qui a suivi. C'est aussi parce que je suis intimement convaincu que si le Canada étend sa juridiction sur le sous-sol marin à 370 milles de ses côtes sans que notre pays lève le doigt, le maintien de la présence française dans cette partie du monde sera très sérieusement compromis.

Je me bats depuis trop longtemps sur ce dossier, monsieur le ministre, pour me satisfaire de réponses floues, hésitantes, n’affichant pas une détermination du Gouvernement. Comme M. Schreiner, mon vote dépendra des précisions que vous m’apporterez.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Guillet, dernier orateur inscrit.

M. Jean-Jacques Guillet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais aborder le problème de la méthode et des outils. Le projet de budget que nous examinons aujourd'hui, les rapporteurs l’ont souligné de manière unanime, reflète les réels efforts engagés par le ministère des affaires étrangères pour rationaliser son fonctionnement et améliorer son efficacité dans un contexte budgétaire exigeant. On ne peut, certes, que se réjouir d'un tel effort et saluer ce souci de modernisation, comme l’a fait le rapporteur de la commission des affaires étrangères. Toutefois, il est important de veiller à ce que ces efforts renforcent la capacité de la France à peser sur les grands débats qui dominent aujourd'hui la scène internationale, ainsi que l’ont souhaité le Président de la République et le Premier ministre. Je sais que telle est aussi votre volonté, monsieur le ministre, mais force est parfois de constater un certain décalage entre les discours et les actes.

Les objectifs du millénaire, le changement climatique, la sécurité énergétique appellent des réponses mondiales qui justifient plus que tout autre problème notre engagement en faveur du multilatéralisme comme notre volonté de modifier l'architecture des Nations unies. Notre pays est très présent dans les enceintes internationales, où il joue un rôle actif en lançant des initiatives fortes, en transmettant une véritable vision, comme le projet de création d'une organisation des Nations unies pour l'environnement, préalable à une organisation mondiale de l’environnement ou d’un mécanisme international d’expertise scientifique sur les biodiversités, par exemple, destiné à renforcer la gouvernance internationale de l'environnement. Mais au-delà de ces intentions, nous devons être en mesure de répondre à ces défis à l’échelle mondiale. La France dispose incontestablement des instruments d'analyse et de prospective nécessaires pour bénéficier d'une vision stratégique à moyen et long terme et définir des principes d'action. Or nous sommes souvent confrontés à la trop grande verticalité de nos structures administratives, là où nous avons besoin de transversalité. La dernière conférence des ambassadeurs a d'ailleurs été consacrée à la sécurité énergétique, problème transversal s'il en est, et l’on voit bien que les structures du ministère des affaires étrangères sont les premières concernées. À cet égard, même si comparaison n'est pas raison, on peut examiner les expériences engagées chez certains de nos voisins européens pour adapter l'organisation de leurs ministères des affaires étrangères à cette nouvelle donne, afin de nous interroger sur notre propre organisation.

En Belgique, par exemple, le ministère des affaires étrangères dispose aujourd'hui d'une direction générale des affaires multilatérales et de la mondialisation, au sein de laquelle une direction de la mondialisation suit les questions d'environnement, de développement durable et de migrations internationales, d'un point de vue global.

M. Hervé de Charette, rapporteur pour avis. Comment font-ils ?

M. Jean-Jacques Guillet. Au Royaume-Uni, dont on connaît la qualité de la diplomatie, il existe également une direction générale de la mondialisation, au sein de laquelle une direction des affaires économiques globales est compétente pour les questions liées au changement climatique, à l'énergie et au développement durable. Pour leur part, les Finlandais ont mis en place un département des affaires globales, dont une des missions est également le suivi des questions environnementales et de développement durable sur le plan international. Je rappelle à ce propos que, dans le cadre des négociations relatives au changement climatique et aux gaz à effet de serre, nous ne disposons à la mission interministérielle pour l’effet de serre que d’une seule personne – un Britannique –, qui défend avec beaucoup de talent et de pertinence les dossiers français au sein de l’ensemble des groupements d’expertise internationale sur l’effet de serre.

Ces exemples illustrent les efforts engagés par certains de nos voisins pour développer une approche transversale sur des questions complexes, dont le traitement dépasse les cadres d'intervention traditionnels et appelle bien souvent une réponse globale. Certes, tous les pays n'ont pas adopté cette voie et les réponses qu'a apportées la France lors des crises récentes montrent que nous disposons d'une capacité de réaction tout à fait opérationnelle. Néanmoins, en qualité de rapporteur pour avis des crédits de l'écologie et du développement durable, j'ai pu constater, par exemple, que la mise en œuvre des conventions internationales issues du Sommet de la terre de Rio ou de Johannesburg fait l'objet d'un suivi éclaté entre différentes directions du ministère des affaires étrangères. Cette organisation, qui privilégie une approche sectorielle, conduit à une relative dispersion des efforts et ne favorise pas une prise en compte globale des enjeux de ces conventions.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, il me semble que l'effort de rationalisation que vous avez engagé, à la suite de vos deux prédécesseurs, pourrait revêtir une dimension supplémentaire afin d'adapter notre capacité de réponse aux nouvelles priorités inscrites sur l'agenda international du fait de la mondialisation. Je ne doute pas que ces préoccupations soient largement partagées et je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous préciser vos intentions dans ce domaine. Vous avez décidé le 17 octobre dernier la création d'un conseil des affaires étrangères chargé de formuler des avis sur les grandes orientations de la politique étrangère ainsi que sur l'évolution de l'organisation et du fonctionnement de l'action extérieure de l'État. La création de ce « conseil des sages » répond notamment au souci d'évaluer et de faire évoluer l'action du ministère à la lumière des expériences menées par nos partenaires. Une réflexion sur les aspects que je viens d'évoquer pourrait-elle être engagée au sein de ce nouveau conseil, au moment où, je le rappelle, nous préparons la présidence française de l’Union européenne pour le deuxième semestre 2008 ?

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de remercier l'ensemble des rapporteurs des différentes commissions et de vous dire le plaisir que j'ai à être parmi vous cet après-midi, mais aussi mes regrets de n'avoir pas pu participer à la séance de la commission élargie consacrée ce matin à l’examen de la mission interministérielle « Médias » en raison du conseil des ministres. Messieurs les rapporteurs, vous avez bien voulu saluer ce budget, valoriser même son caractère « vertueux », pour reprendre l'heureuse expression de M. Jérôme Chartier. Je me félicite en effet qu'au terme de cette législature, comme le rappelait M. Bapt, ce budget prenne pleinement acte des évolutions en profondeur qu'appelait la nouvelle loi organique sur les lois de finances.

Mesdames, messieurs les députés, vous le savez mieux que quiconque, pour répondre aux crises qui sollicitent sans relâche notre pays et conduire nos projets au service de la France et de ses intérêts dans le monde, nous avons besoin d'initiatives fortes, audacieuses et d'actions mobilisatrices. Le projet de budget pour 2007 que j'ai l'honneur de vous présenter a vocation à nous permettre de conduire cette politique à la juste hauteur de nos ambitions. Il s'établit, pour cinq programmes répartis en trois missions, à 4,5 milliards d'euros, soit une hausse globale de 3,8 %. Je me réjouis de cette augmentation, qui traduit dans les faits la volonté du Gouvernement de faire face à nos engagements internationaux.

Je m'attacherai plus particulièrement aujourd'hui à la mission « Action extérieure de l'État », qui regroupe trois programmes pour un montant de 2,26 milliards d'euros. Le programme « Action de la France en Europe et dans le monde » voit ses crédits, hors masse salariale, croître de plus de 7,5 %. Comme l’a souligné M. Braouezec, 50 millions de crédits supplémentaires sont ainsi affectés à la couverture des seize opérations de maintien de la paix des Nations unies et 10 millions complémentaires à nos autres contributions internationales. Cette augmentation est conforme aux dispositions du contrat de modernisation que j'ai conclu avec le ministre du budget en avril dernier et qui prévoit, M. de Charette l’a rappelé, le rebasage de ces contributions sur trois ans.

Toutefois, il importe d'en avoir conscience, la résolution des crises échappe souvent à un cadre planifié, comme l'ont montré les événements du Liban de cet été. Si la Finul renforcée s'est effectivement mise en place, je m’associe à ce que vous avez dit, monsieur Braouezec, sur l’importance du respect de la souveraineté nationale : il faut empêcher les survols aériens du Liban tout en contrôlant l’embargo sur les armes à destination du Hezbollah.

La budgétisation de ces dépenses nouvelles n'est pas encore achevée, comme MM. Chartier et de Charette l’ont rappelé. Les travaux en cours aux Nations unies laissent à penser qu'un appel de contributions sera lancé au début de l'année 2007, pour un montant qui sera vraisemblablement supérieur à 50 millions d'euros. Permettez-moi à cet égard, de rappeler à votre attention la séquence budgétaire particulière propre à cette opération de maintien de la paix.

En 2006, le ministère de la défense a engagé nos forces sous casque bleu sur un budget d’opérations extérieures. En 2007, le ministère des affaires étrangères répondra à l’appel de fonds des Nations unies au titre des opérations de maintien de la paix. Ce n’est finalement qu’en 2008 que les Nations unies procéderont à des remboursements au Trésor public, effectués au prorata de notre engagement militaire.

Les mêmes remarques valent pour l’opération projetée depuis maintenant presque deux ans au Darfour et toujours, comme vous le savez, en phase de négociation.

Au total, les contributions multilatérales mobiliseront donc pour l’année 2007 plus de 40 % des crédits de ce ministère, aide au développement incluse. Cet effort, s’il est à la mesure de l’importance que nous accordons à ces forums internationaux, et notamment au Conseil de l’Europe dont se préoccupe à juste titre M. Schreiner, doit aussi nous inviter à faire preuve de la plus grande attention, comme nous y invite M. de Charette, quant à l’emploi et à l’efficacité de ces crédits.

Pour ce qui concerne les opérations de maintien de la paix, nous avons bien sûr mis en place des moyens de contrôle a priori et a posteriori, que nous devons renforcer.

J’évoquerai d’un mot le Conseil de l’Europe, monsieur Schreiner, puisque vous m’avez invité à en parler et avez même indiqué que vous voteriez en fonction de mes propos. Nous sommes très attachés au Conseil de l’Europe et à la Cour européenne des droits de l’homme. Cet attachement se traduit, pour mon ministère, par une contribution de 34 millions d’euros pour 2007, soit la deuxième de nos contributions internationales. Pour 2007, je m’assurerai, en accord avec Bercy, que nous tiendrons nos engagements, même si le budget devait être finalement supérieur à nos estimations.

Ce souci de vigilance explique au demeurant que la majorité des indicateurs de performance du programme ait été conçue d’une manière plus qualitative que quantitative. M. de Charette, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, ne s’y est d’ailleurs pas trompé puisqu’il consacre une partie de son rapport à la difficulté d’appliquer l’analyse de la performance à l’action diplomatique.

M. Jacques Myard. Tout à fait !

M. le ministre des affaires étrangères. Je le remercie de son commentaire. Comme vous, monsieur le ministre, j’ai tendance à penser que cette réflexion est à la fois « prometteuse mais inachevée ». Je prends, en toute hypothèse, bonne note de votre suggestion. Nous devons en effet étudier s’il est possible de confier au tout nouveau Conseil des affaires étrangères que je viens de mettre en place un tel travail d’évaluation, portant sur des outils qui sont au premier chef destinés aux travaux de votre commission ces affaires étrangères.

J’espère que nous répondrons ainsi au souci de M. Bapt de mieux évaluer notre action diplomatique. Je précise d’ailleurs, monsieur Bapt, pour répondre à votre question, que la résolution 1721 sur la Côte d’Ivoire a été adoptée dans la nuit.

La réflexion sur une direction des enjeux globaux, dont vous venez, monsieur Guillet, d’évoquer l’existence chez certains de nos voisins, pourrait, trouver place dans cette démarche.

Au-delà de l’action diplomatique stricto sensu, permettez-moi d’évoquer à présent notre activité consulaire, décrite dans le programme « Français à l’étranger et étrangers en France ». Dans le cadre de la politique du Gouvernement en faveur de la maîtrise des flux migratoires, ce programme, sur lequel M. Chartier, au nom de la commission des finances et en accord avec moi, a précisément beaucoup travaillé, voit également ses crédits augmenter. Je note d’ailleurs à cet égard, monsieur Chartier, vos propositions de fermeture de consulats en Europe.

L’introduction de la biométrie dans les visas est une priorité, avec en perspective la mise en œuvre d’une base européenne de données. Lancée en 2005 à titre expérimental dans cinq consulats, la biométrie sera étendue à vingt postes avant la fin de cette année, soit un total de vingt-cinq consulats équipés. Sous réserve que les emplois nécessaires puissent être dégagés, elle doit être généralisée à partir de 2008 à l’ensemble du réseau consulaire. 16 millions d’euros supplémentaires seront affectés à ce dispositif en 2007, conformément aux dispositions du contrat de modernisation qui prévoit, comme vous l’avez souligné, un retour de 50 % de la recette des visas au profit du ministère des affaires étrangères.

À cet égard, je tiens à rappeler que mon ministère a conduit avec succès la négociation sur les frais de dossiers des visas Schengen, dont le montant passe de 35 à 80 euros. Cette disposition, effective au 1er janvier 2007, ne doit naturellement pas amener les consulats à « faire du chiffre » sur les dossiers de demandes de visas au détriment de leur mission régalienne, comme certains, dont M. Chartier, ont pu le craindre, puisque les recettes seront encore versées avant tout au budget général.

La délivrance des visas constitue, il est vrai, un élément important de notre action diplomatique et, si nos postes consulaires jouent en amont un rôle majeur dans la lutte contre l’immigration irrégulière, ils sont aussi, comme vous le rappelez très justement, monsieur Bloche, un vecteur important de l’attractivité de la France.

Je ne cesse de plaider pour le renforcement des moyens humains et budgétaires alloués à la mission consulaire. Comme MM. Chartier, Bapt et de Charette ont bien voulu le rappeler, la bonne gestion de cette politique appelle des moyens humains supplémentaires que je négocie d’ores et déjà pour l’extension, puis la généralisation, de la biométrie. Je tiens à cette occasion à saluer le travail difficile accompli par les agents consulaires de mon ministère au service d’une politique qui s’attache en permanence à concilier des objectifs de nature très diverse par définition.

Monsieur Bapt, la politique des visas poursuit un double objectif : encourager la venue en France d’étrangers, qui concourent bien évidemment à la vitalité de nos échanges, et maîtriser l’immigration irrégulière. C’est pour favoriser le travail en commun de toutes les administrations qu’a été créé le comité interministériel de contrôle de l’immigration. Nos consulats sont en première ligne dans la mise en œuvre de cette politique.

S’agissant du consulat de Moscou, il est vrai, comme l’a souligné M. Chartier, que la création du consulat d’Ekaterinbourg le soulagera, comme M. Mariani m’en avait fait part lors d’un déplacement commun à Moscou.

La maîtrise de l’immigration dépend également d’autres paramètres, comme la lutte contre la fraude documentaire et la reconduite des étrangers en situation irrégulière, qui appellent de notre part un dialogue courtois, mais sans complaisance, avec les pays d’origine. C’est dans ce même esprit que j’ai souhaité engager la mise en œuvre d’une politique de l’asile cohérente, conforme à nos traditions d’accueil, mais qui ne doit pas être détournée de ses objectifs.

La réduction des délais de traitement des demandes d’asile par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, se trouve aujourd’hui bien engagée. Ses premiers effets bénéfiques sont là, comme en témoigne la diminution des demandes en instance. Je serai particulièrement vigilant, M. Chartier, pour que la légère décrue des moyens budgétaires que nous autorise cette amélioration de la situation de l’OFPRA ne remette pas en cause à l’avenir le respect des objectifs de délais rappelés en juillet par le Président de la République.

Par ailleurs, l’OFPRA a fait un effort particulier d’audition des demandeurs. Les taux de convocation et d’entretiens, qui se situent respectivement à 83 % et 61 %, ont beaucoup augmenté, et la qualité de la décision, totalement indépendante, ne saurait être remise en cause.

Le budget de ce programme « Français à l’étranger et étrangers en France » prévoit, vous le savez, le déploiement d’un minimum de moyens dédiés à la sécurité de nos compatriotes, autour de l’organisation d’une veille sécuritaire et de la mise en place de réseaux de communication et de stocks de sécurité.

Permettez-moi de vous rappeler aussi que des opérations exceptionnelles ou imprévisibles, comme l’évacuation du Liban cet été, rendent nécessaire l’ouverture de crédits nouveaux, comme en témoigne le décret pris pour dépenses accidentelles et imprévisibles sur le budget de 2006, pour un montant de 9,3 millions d’euros.

Pour ce qui est du programme « Rayonnement culturel et scientifique », je vous remercie, monsieur Bourg-Broc, pour les propos que vous avez tenus, notamment sur notre réseau. Je partage, monsieur Myard, votre jugement sur l’importance d’une diplomatie d’influence. Pour 2007, les crédits sont en hausse de 9 millions d’euros, dont 8 millions consacrés à notre réseau scolaire à l’étranger, dont M. Rochebloine connaît toutes les particularités.

Ce faisant, messieurs Chartier, Bloche, Bourg-Broc et Rochebloine, notre objectif est bien de donner à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger les moyens d’améliorer son offre de bourses scolaires au profit de nos concitoyens les plus défavorisés.

Au-delà du dégel partiel de la mise en réserve des crédits 2006,…

M. François Rochebloine. Partiel seulement ?

M. le ministre des affaires étrangères. …j’ai obtenu, monsieur Bloche, monsieur Bourg-Broc, avec mes autres collègues tuteurs d’établissements publics, que les règles de mise en réserve de crédits pour 2007 ne pénalisent pas les établissements qui ont de fortes dépenses de personnel, à l’image de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. Je ne doute pas que vos craintes, monsieur Rochebloine, monsieur Bloche, reposent sur de bonnes intentions, mais j’espère qu’elles se révéleront, in fine, exagérées.

Comme vous l’avez souligné au demeurant, et pour répondre à votre remarque, monsieur Bloche, l’Agence poursuit effectivement à ma demande un important programme de travaux de rénovation et de construction de lycées français, avec plusieurs projets en partenariat public-privé, notamment au Caire, à Londres, au Vietnam et en Espagne, où toutes les solutions pertinentes seront étudiées en liaison étroite avec les parents d’élèves. Un audit de modernisation a également été mené à ma demande pour dresser un diagnostic partagé entre mon ministère et celui du budget sur les conditions dans lesquelles devra être financée la nouvelle compétence immobilière de l’Agence. Nous disposons désormais d’un cadre plus clair. Il est cependant évident que nous devons faire beaucoup plus d’efforts encore pour les lycées et collèges français à l’étranger.

Enfin, si les crédits consacrés à la coopération avec les pays développés restent stables, j’ai souhaité prendre l’initiative de redéploiements favorables à la promotion de la langue française en Europe, et particulièrement dans les nouveaux États membres. Il nous faut en effet, pour reprendre l’expression de M. Rochebloine, « replacer l’Europe au centre de la stratégie de rayonnement culturel ». Je partage d’ailleurs son souci d’améliorer la visibilité de notre action en réunissant sous une même bannière les multiples dénominations sous lesquelles la France intervient, comme le font d’ailleurs les Britanniques avec le British Council ou les Allemands avec le Goethe Institut, et ainsi que vous venez, monsieur Bourg-Broc, d’en exprimer le souhait.

J’ai également souhaité engager un plan de relance de la langue française pour stopper la décrue des crédits consacrés à cette action, que le budget de ce ministère enregistrait depuis cinq ans. M. Rochebloine et M. Bourg-Broc soulignent très justement l’enjeu que représente l’Europe pour l’avenir de notre langue. L’un de nos objectifs est précisément de soutenir le plurilinguisme dans les systèmes éducatifs de nos partenaires européens. C’est une chance pour le français.

Au-delà, ce plan tire profit de redéploiements pour financer quelques initiatives que j’ai jugées prioritaires : le soutien à la création de centres de formation au Maghreb, autre zone prioritaire pour le français, pour la formation des maîtres, un plan triennal de formation de 10 000 professeurs de français dans le monde, un programme d’utilisation renforcée des technologies de l’information et de la communication au service de l’enseignement et du développement des supports audiovisuels.

Au total, ce sont 46 millions d’euros qui sont consacrés à la langue française pour l’année 2007 sur les deux programmes « rayonnement » et « solidarité avec les pays en développement ». Qu’il faille davantage de coordination interministérielle pour atteindre nos différents objectifs, comme le rappelle M. Rochebloine, c’est parfaitement évident et c’est d’ailleurs pourquoi j’ai lancé l’idée d’une meilleure articulation avec les ministères de la culture et de l’éducation, dans le cadre de la réflexion autour de nos opérateurs. Celle-ci trouve aujourd’hui son aboutissement, M. Chartier l’a souligné d’emblée, avec la fusion dans « CulturesFrance » des anciennes associations françaises d’action artistique – l’AFAA – et de diffusion culturelle. La suggestion de M. Rochebloine de créer un établissement public industriel et commercial rejoint exactement ma propre analyse et je tiens à vous assurer que mes équipes y travaillent, en liaison étroite avec le ministère de la culture et la nouvelle agence « CulturesFrance ». J’espère, monsieur Bloche, que cela répond à votre question.

Monsieur Bourg-Broc, la concertation se poursuit aussi très activement avec les différents acteurs universitaires et le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche pour donner naissance au futur opérateur Campus France dans les meilleures conditions possibles.

Je rejoins ici l’analyse de M. Rochebloine sur la nécessaire clarification à effectuer entre les missions des différents opérateurs intervenant dans l’accueil et la gestion des bourses des étudiants étrangers. C’est l’objet des discussions en cours entre mes services et ceux du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont je compte qu’elles aboutiront très prochainement. L’accueil des étudiants étrangers est une priorité.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le rayonnement culturel et scientifique. Très bien !

M. le ministre des affaires étrangères. Je vous précise à cet égard la progression des visas délivrés aux étudiants : 46 300 en 2000, 61 300 en 2005. Je le précise, monsieur Bapt, parce que vous semblez remettre en cause cette action de ma politique.

Enfin, s’agissant du programme « Rayonnement culturel », j'ai bien noté les interrogations et les critiques de M. Rochebloine, ainsi que celles de M. Chartier sur le projet franco-allemand de Moscou. Je ne crois pas, pour ma part, que notre pilotage global souffre de la séparation en deux programmes de notre action de coopération culturelle et scientifique extérieure, car nous poursuivons des objectifs souvent différents dans les pays développés et dans les pays en développement. Mais je comprends le sens de leurs remarques ; c’est pourquoi il conviendra d’y apporter des réponses détaillées dans le cadre de l'étude qui sera lancée prochainement sur l'architecture du budget 2008.

M. Hervé de Charette, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Très bien !

M. le ministre des affaires étrangères. Une précision, monsieur Bloche, sur les écoles françaises à l’étranger : elles entretiennent des relations de travail étroites et complémentaires avec des instituts français de recherche à l’étranger dépendant de mon ministère.

Mesdames, messieurs les députés, le programme « Audiovisuel extérieur », dont vous avez approuvé la création l’an dernier, a été intégré cette année au sein de la mission « Médias », placée sous l’autorité du Premier ministre. Il vous a été présenté ce matin même par mon collègue Renaud Donnedieu de Vabres. Notre objectif, vous le savez, est de faciliter le pilotage de ces aides spécifiques, sachant que cette mission regroupe par ailleurs un programme « Presse » et un programme « Chaîne d'informations internationales » consacré à France 24.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le rayonnement culturel et scientifique. Quelle affaire !

M. le ministre des affaires étrangères. J'ai bien noté les réserves de M. Bloche sur ce rattachement interministériel, et le souhait de plusieurs d'entre vous, dont M. Rochebloine, de voir le programme consacré à France 24 fusionner avec celui des autres opérateurs de l'audiovisuel extérieur…

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le rayonnement culturel et scientifique. Absolument !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour le rayonnement culturel et scientifique. Et sous votre tutelle, monsieur le ministre !

M. le ministre des affaires étrangères. …et placé au sein de la mission « Action Extérieure de la France ». C'est là une préoccupation que je partage tout à fait dès lors que l'action de TV5 est préservée. Il conviendra donc d'envisager une telle évolution dans le prochain budget.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le rayonnement culturel et scientifique. En ce cas, il faut vite agir pour qu’on retrouve TV5 Monde dès demain en Roumanie !

M. le ministre des affaires étrangères. Certainement, monsieur Rochebloine. Pour améliorer le pilotage interministériel de ce secteur, j’ai proposé au Premier ministre la réactivation du Conseil audiovisuel extérieur de la France. Les ministres concernés doivent pouvoir réfléchir ensemble aux questions stratégiques de l’audiovisuel extérieur, et décider collectivement, sous l’autorité du Premier ministre, des améliorations à apporter à notre dispositif. Ce conseil pourrait avoir trois objectifs : tout d'abord, l'amélioration de notre capacité d'analyse et de décision stratégiques ; ensuite, la réalisation de véritables arbitrages budgétaires ; enfin, la promotion d’une meilleure visibilité de l’action de l’État. À cet égard, je souscris totalement à l’opinion de M. de Charette selon laquelle il serait précieux d’avoir une visibilité à quatre ou cinq ans du budget de ce ministère. J’ajoute qu’un rapport du Gouvernement sur l'action audiovisuelle extérieure serait dès lors rendu chaque année, afin que notre politique audiovisuelle extérieure devienne enfin plus compréhensible, visible et lisible, pour le Parlement comme pour l'opinion publique.

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial, M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le rayonnement culturel et scientifique, et M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour le rayonnement culturel et scientifique. Très bien !

M. le ministre des affaires étrangères. Dans le cadre du projet de loi de finances 2007, les crédits du programme « Audiovisuel extérieur » restent stables, mais un rééquilibrage est opéré en faveur de TV5, qui voit ses moyens s'accroître de 2,5 millions d'euros…

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le rayonnement culturel et scientifique. C’était nécessaire !

M. le ministre des affaires étrangères. …afin de financer la politique de sous-titrage de la chaîne.

Enfin, le dynamisme de la redevance, d'une part, et les économies dégagées par Radio France Internationale, d'autre part, ont rendu possible une légère diminution des moyens budgétaires accordés par mon département ministériel pour 2007. Je tiens néanmoins à vous rassurer : Radio France Internationale bénéficie de l’entier soutien de ce ministère dans les réformes qu’elle a engagées, notamment pour la transition majeure qu’elle amorce vers le multimédia.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le rayonnement culturel et scientifique. C’est bien, mais ça ne suffit pas !

M. le ministre des affaires étrangères. Mesdames, messieurs les députés, vous avez bien voulu voter la mission « Aide publique au développement » que Mme Brigitte Girardin vous a présentée mardi après-midi. Notre pays sera ainsi en mesure d'atteindre l'objectif de 0,5 % du produit intérieur brut consacré à l'aide publique au développement pour 2007, conformément à l'objectif qui nous avait été assigné par M. le Président de la République. Permettez-moi, en tant que ministre de tutelle, de mettre l'accent sur un aspect particulier de cette mission. Je tiens à le souligner devant vous : notre pays accomplit aujourd'hui un effort important dans la lutte contre la grande pauvreté et en particulier contre les grandes pandémies, qui en sont la première conséquence. C'est là un domaine essentiel pour notre action diplomatique, car la fracture sanitaire, par ses conséquences économiques, migratoires, culturelles, sociétales, est d'abord une question éminemment politique. 90 % des nouveaux cas de maladies infectieuses, nous le savons, surviennent dans les pays du Sud, avec des effets dévastateurs pour les populations et potentiellement déstabilisants pour nos démocraties.

Aussi, je me réjouis que la France ait accordé pour l'année 2007 une dotation de 300 millions d'euros au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Il s'agit bien d'une orientation fondamentale de notre aide publique au développement, qui bénéficiera en outre cette année d'un mécanisme de financement pérenne et innovant, avec la contribution de solidarité sur les billets d'avion. Je regrette du reste la remarque de M. Braouezec sur cette première démarche citoyenne mondiale. Le produit de cette initiative, portée par notre pays et à laquelle dix-neuf pays se sont déjà ralliés, sera affecté à une facilité internationale d’achat de médicaments. J’ai présidé il y a quelques semaines, à Genève, le premier conseil d'administration d’Unitaid, aux côtés des représentants de la Norvège, du Brésil, du Chili, de la Grande-Bretagne, mais aussi de grandes organisations internationales comme l'OMS, ainsi que de nombreuses organisations non gouvernementales. D'ores et déjà, avec un budget prévisionnel de 300 millions d'euros pour 2007, de premières actions ont été lancées, l'objectif étant de mettre sous traitement 250 000 enfants d'ici à la fin de l’année prochaine.

Le tableau que je viens de brosser devant vous resterait incomplet si je n'évoquais pas l’action que je conduis, avec le soutien de mes services, en faveur de la modernisation de ce ministère.

Comme vous l'avez souligné, monsieur de Charette, monsieur Chartier, le Premier ministre a réuni, le 25 juillet dernier, le comité interministériel sur les moyens de l'État à l'étranger. C'était presque une première, la dernière réunion de ce comité datant de 1996, il y a donc dix ans, à l’époque où vous étiez, monsieur de Charette, ministre des affaires étrangères. Une directive nationale d'orientation des ambassades a été approuvée et des orientations données pour favoriser le redéploiement progressif du réseau vers les pays émergents, en Asie ou en Europe orientale notamment. Des principes de mutualisation interministérielle ont également été fixés, en particulier pour mieux adapter notre gestion à l'étranger aux contraintes de la loi organique relative aux lois de finances. On peut, comme notamment M. de Charrette, qui porte un regard lucide sur cet exercice interministériel difficile, se demander si ce renouveau du CIMEE sera durable. Je répète que je retiens votre idée, monsieur de Charette, de disposer d’une analyse sur l’évolution de notre réseau et de nos missions à quatre ou cinq ans. Nous voulons apporter des solutions pérennes et durables à de vrais enjeux. L'impulsion donnée au redéploiement de notre réseau vers la Chine, l'Inde ou la Russie en témoigne ; et l’on ne comprendrait pas, monsieur Chartier, que la France n'ouvre pas dans ces grands pays de nouveaux consulats, ce qui peut conduire naturellement à en fermer ailleurs, notamment en Europe.

Les efforts que nous avons consentis et négociés dans notre contrat de modernisation reposent aujourd'hui, et personne ne doit en douter dans cet hémicycle, sur un cadrage politique précis et clair : d'un côté, nous bénéficions d'une hausse de nos moyens d'intervention, d'une clarification de nos conditions de gestion – M. Chartier a bien voulu souligner, par exemple, l'amélioration de notre politique immobilière et la mise en place d'une couverture contre le risque de change – ; de l'autre, nous contribuons légitimement, et je remercie M. de Charette de reconnaître notre effort, à la baisse des effectifs de la fonction publique de l'État, notre masse salariale diminuant de 1,4 %. Mais surtout, je tiens à souligner, monsieur Myard, que mon département ministériel est aujourd’hui assuré de conserver l’intégralité du fruit de ses efforts de productivité. C'est évidemment un élément fondamental si nous voulons poursuivre dans de bonnes conditions la modernisation de ce ministère que nous avons engagée avec détermination et persévérance, en ayant la volonté d'agir dans la durée pour affirmer et renforcer l'efficacité de notre action diplomatique.

Un mot, pour finir, sur l’Europe-puissance, monsieur Myard,…

M. Jacques Myard. Elle n’existe pas !

M. le ministre des affaires étrangères. …et un autre pour vous répondre, monsieur Grignon.

S’agissant de l’Europe, c’est bien parce qu’elle a des valeurs propres à faire prévaloir qu’elle peut occuper une place sur la scène internationale.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le rayonnement culturel et scientifique. Eh oui !

M. le ministre des affaires étrangères. C’est vrai pour des dossiers comme celui de l’Iran. Aujourd’hui même, au Conseil de sécurité des Nations unies, la résolution qui circule depuis vingt-quatre heures a été cosignée par les Britanniques, par les Allemands et par nous-mêmes.

M. Jacques Myard. Trois ça ne suffit pas, quand on est vingt-cinq !

M. le ministre des affaires étrangères. S’agissant de la question que vous m’avez posée, monsieur Gérard Grignon, je tiens tout d’abord à louer la ténacité dont vous faites preuve dans la défense des intérêts des Saint-Pierrais et des Miquelonnais, et je partage totalement cette cause qui est la vôtre. Sachez que l’avenir de l’archipel est une question qui mobilise l’action du ministère des affaires étrangères, et que j’y suis particulièrement attentif. En ce qui concerne l’extension du plateau continental et le dépôt d’un dossier auprès de la commission des limites du plateau continental –la CLPC–, je vous confirme, après François Baroin mercredi dernier, que l’option reste ouverte. Saint-Pierre-et-Miquelon figure toujours sur la liste préparatoire en vue de la présentation d’une demande d’extension du plateau continental. Il faut naturellement veiller à ce que le dépôt d’un tel dossier ne porte pas tort à l’intégration économique de l’archipel ni, bien sûr, aux relations franco-canadiennes.

M. Gérard Grignon. Aucun risque !

M. le ministre des affaires étrangères. Tout d’abord des difficultés d’ordre juridique existent, car notre analyse est que la zone économique exclusive de Saint-Pierre-et-Miquelon est enclavée dans la zone canadienne, mais vous me rassurez sur ce point ; ensuite, une telle annonce sans concertation préalable avec la partie canadienne pourrait avoir un effet négatif sur les relations entre les deux pays : vous me rassurez sur ce point également, et c’est tant mieux – ; enfin, les campagnes scientifiques préalables nécessiteront la traversée des eaux canadiennes, pour laquelle nous serons juridiquement contraints de solliciter une autorisation motivée. Compte tenu de son objet, cette campagne nous serait très probablement refusée, ce qui engendrerait une perte de confiance réciproque et l’impossibilité d’entreprendre ces recherches. Lors d’un déplacement à Ottawa, en mars dernier, j’ai appelé personnellement à la mise en place des groupes de travail franco-canadiens. Il s’agit de développer de nouvelles coopérations dans des domaines aussi variés que le tourisme, la pêche, la gestion des déchets, la pollution ou encore, bien sûr, les hydrocarbures. La réponse canadienne a été positive et, comme vous le savez puisque vous y avez assisté, la première réunion s’est tenue à Ottawa au début de ce mois, avec des résultats très encourageants.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, telles sont les réponses que je souhaitais apporter aux questions fort intéressantes qui m’ont été posées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Questions

M. le président. Nous en arrivons aux questions.

Pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire, la parole est à M. Marc Reymann.

M. Marc Reymann. Monsieur le ministre, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, qui représente plus de 800 millions de citoyens, a exprimé le 3 octobre dernier son inquiétude face à l’enlisement des discussions au sein du comité des ministres et au refus de ce dernier de consentir une augmentation des crédits de cet organisme.

Cette augmentation, malgré les économies déjà réalisées, est indispensable, notamment pour faire face aux besoins de la Cour européenne des droits de l’homme. Cette attitude est d’autant plus incompréhensible que les pays de l’Union européenne s’apprêtent à créer une agence des droits fondamentaux, parfaitement inutile puisqu’elle est destinée à remplir les missions dont le Conseil de l’Europe s’acquitte déjà.

La position de la France, pays hôte du Conseil de l’Europe à Strasbourg, est attendue avec impatience. À un moment où, dans le cadre de la réforme de l’État, on essaie de supprimer les organismes inutiles, vous soutenez un organisme qui serait un véritable doublon du Conseil de l’Europe. Les crédits pour les organisations internationales sont certes en nette progression, sauf pour le Conseil de l’Europe, dont la qualité des débats depuis 1949 est une véritable avancée pour la construction européenne.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre des affaires étrangères. Comme vous, monsieur Reymann, et comme le président Schreiner, plusieurs parlementaires m’ont fait part de leurs préoccupations sur le budget du Conseil de l’Europe. Je sais que ce sujet vous intéresse depuis longtemps.

La France est profondément attachée à cette organisation et à sa mission au service des droits de l’homme, de la démocratie et surtout de l’État de droit. Nous souhaitons donc lui donner les moyens nécessaires à cette mission, notamment pour permettre à la Cour européenne des droits de l’homme de répondre au nombre croissant de requêtes des citoyens des quarante-six États membres. J’ai d’ailleurs cru comprendre que la plupart des demandes de créations de postes concernaient cette dernière institution.

Les négociations du budget pour 2007 ne font que commencer à Strasbourg. Les contributeurs, notamment les grands pays, n’ont pas encore exposé leurs vues. Pour notre part, comme je l’ai indiqué, nous aborderons ce débat avec le souci de permettre au Conseil de l’Europe et à la Cour européenne des droits de l’homme d’assurer au mieux leurs missions. Nous nous efforcerons, en tant qu’État hôte du Conseil de l’Europe, de rechercher avec les autres payeurs une solution permettant de concilier le bon fonctionnement de ces institutions avec les contraintes budgétaires que tous les pays membres connaissent.

L’attachement que nous manifestons à cette institution, comme vous l’avez bien rappelé, et comme l’a rappelé aussi le Premier ministre que vous aviez interrogé sur ce sujet, se traduit par une contribution importante : 12,15 % du budget de l’institution. Dans le projet de loi de finances que je vous présente pour 2007, cela se traduit par 34 millions d’euros en provenance du Quai d’Orsay. Je précise que ce chiffre place le Conseil de l’Europe au deuxième rang des contributions de mon ministère au budget des organisations internationales.

Si la négociation à Strasbourg aboutit à ce que le budget du Conseil de l’Europe soit fixé à un niveau supérieur à nos estimations actuelles, je m’assurerai que nous trouvions dans notre gestion, en accord avec le ministère du budget, les solutions permettant à notre pays de tenir ses engagements. Voilà, je pense, une réponse de nature à vous rassurer.

M. Bernard Schreiner. Pas du tout ! C’est toujours la croissance zéro !

M. le président. La parole est à M. Émile Blessig.

M. Émile Blessig. Ma question portait sur la mise en place du système de visas biométriques. Dans le prolongement des interventions des différents rapporteurs, monsieur le ministre, vous y avez largement répondu. Je ferai cependant une observation : la mise en place du visa biométrique suppose la comparution personnelle de tous les demandeurs de visa, alors qu’actuellement c’est le cas de seulement 40 % d’entre eux. Cela va à coup sûr modifier l’organisation du travail au sein des consulats. Permettez-moi une brève question d’ordre régional. La complexification de la distribution des visas risque d’entraîner des difficultés pour les associations telles que celle qui, en Alsace, reçoit pendant l’été les enfants de Tchernobyl. Ne pourrions-nous pas introduire un peu de souplesse en leur faveur ?

Seconde observation, liée à la première : dans nos 226 consulats, l’obtention d’un visa s’apparente souvent à un parcours du combattant. Or, pour les futurs étudiants, les citoyens ou les entreprises, ce premier contact est très important pour l’image de notre pays.

J’aurai donc deux questions, monsieur le ministre : où en est l’évaluation qualitative de l’accueil dans nos consulats ? Qu’en est-il également de l’indice de performance, qui ne saurait se limiter à la consultation d’un site Internet ? Je me réjouis que vous ayez annoncé la fongibilité des crédits, mais sans ces deux indices essentiels, elle risque de ne pas profiter aux secteurs qui en ont le plus besoin.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre des affaires étrangères. M. Blessig, avec sa concision habituelle, a posé trois questions très complexes, et je voudrais profiter de son intervention pour préciser mes intentions en ce qui concerne ce sujet majeur qu’est la biométrie.

Comme je viens de le dire, nous disposons enfin d’un taux de retour de 50 % de la recette fiscale sur les frais de dossier de visas pour financer l’équipement, la formation et les travaux nécessaires. Vous soulevez cependant la question, très pertinente, des emplois, et le risque d’engorgement de nos consulats. Il est exact que l’introduction de la biométrie ne va pas sans poser des difficultés pour nos postes consulaires, compte tenu, notamment, de nos faibles moyens en personnels : M. Chartier a longuement évoqué ce point dans son rapport.

Comme l’indique le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances, la comparution personnelle de tous les demandeurs de visas – contre seulement 40 % en moyenne aujourd’hui –, ainsi que la prise des empreintes et d’une photographie ont évidemment pour conséquence d’augmenter le temps de traitement de chaque demande. Le coefficient multiplicateur à cet égard est compris entre 1,5 et 3, et les charges de personnels sont accrues en conséquence.

Il est donc indispensable que des emplois supplémentaires soient ouverts dans les services visas, afin de leur donner les moyens de mettre en œuvre la biométrie en 2007, et ce d’autant plus qu’en l’état actuel des choses les consulats n’ont pas suffisamment de personnels. Il serait donc illusoire et surtout dangereux d’espérer absorber le déploiement de la biométrie uniquement en réalisant des gains de productivité. J’ai ainsi estimé le besoin pour l’extension de la biométrie en 2007 au minimum à 100 emplois de titulaires – 25 cadres B et 75 cadres C. Il n’apparaît en effet désormais plus possible de recourir à des recrutés locaux, comme l’observe fort justement M. Chartier dans son rapport, et l’encadrement de nos services visas doit être renforcé pour éviter les dérives.

Votre deuxième question porte sur l’évaluation générale des performances du réseau consulaire français. Je comprends les difficultés que vous venez d’évoquer, et dont on me fait part, d’ailleurs, chaque fois que je me déplace dans un pays. Nous nous efforçons de les résoudre autant que possible dans le respect de la mission très large qui incombe à notre réseau consulaire : comme vous le savez, aucun réseau dans le monde n’offre à ses ressortissants autant de services que le réseau français. On omet parfois de le rappeler : il n’est donc pas inutile de le faire.

Pour ce qui concerne les visas, je partage pleinement votre souci : les consulats sont l’un des premiers contacts des étrangers avec notre pays, et ils doivent à ce titre en donner une image positive. C’est pourquoi j’attire votre attention sur la nécessité de concilier, dans notre politique de délivrance de visas, des impératifs tels que la lutte contre l’immigration irrégulière d’une part, et notre souhait d’attirer des étudiants, des chercheurs ou des hommes d’affaires, qui concourent à la vitalité de notre pays, d’autre part. À cet égard, vous avez certainement noté que le deuxième objectif du programme 151 tel qu’il figure dans le projet annuel de performance est justement d’assurer un service consulaire de qualité. Je considère comme vous que cela doit être notre priorité. À ce titre, nous suivons de près les indicateurs de délais de délivrance de titres – passeports et cartes d’identité –, et je prête la plus grande attention à notre objectif de délivrer 80 % des visas dans un délai de moins de onze jours. Je tiens à ce que cet objectif soit tenu, ce qui suppose, comme nous l’avons dit, que des moyens suffisants soient dégagés, notamment pour faire face au déploiement de la biométrie.

Je termine par quelques précisions pour répondre à votre troisième question sur les indicateurs de performance du programme 105 et la possibilité d’utiliser la fongibilité des crédits pour assurer aux gestionnaires efficaces un retour sur leurs éventuelles économies. Il s’agit évidemment d’un point fondamental, comme je le disais tout à l’heure à M. Myard. En cette première année de mise en œuvre de la LOLF, les indicateurs de performance n’existent aujourd’hui qu’au niveau de l’administration centrale, sans déclinaison à l’échelon local, la réflexion sur ce sujet n’ayant pas encore abouti. Il a en effet été jugé préférable de commencer par valider la pertinence et la viabilité de ceux déjà élaborés avant de déterminer la liste d’indicateurs de performance locaux spécifiques ou liés à l’administration centrale. En revanche, la mise en place d’indicateurs de gestion communs à tous les postes à l’étranger est en cours, et devrait être achevée à la fin de 2007. Enfin, puisque vous en avez parlé, des objectifs de performance sont fixés aux ambassadeurs, même s’ils ne sont pas accompagnés aujourd’hui d’un suivi chiffré.

En ce qui concerne le retour d’efforts tant attendu au bénéfice des gestionnaires, je partage tout à fait votre analyse. C’est dans cet esprit, de manière beaucoup plus large, qu’a été négocié et conclu le contrat de modernisation de mon département ministériel. Aujourd’hui, les gains de productivité obtenus localement par les agents sont partiellement réaffectés aux postes, dans une démarche d’encouragement « gagnant-gagnant ». La fongibilité est courante au sein des crédits du titre II, qui vise les rémunérations, ainsi qu’au sein du titre III, mais elle est encore utilisée de façon mesurée pour les investissements du titre V. Le principe de fongibilité asymétrique interdit en revanche de transformer les gains de productivité – titre III – en primes pour les agents – titre II.

J’espère ainsi, monsieur le député, avoir répondu à vos questions.

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Ma question sera double. Je souhaite dans un premier temps savoir où en est le projet d'ouverture d'un consulat de France à Ekaterinbourg en Russie. J'ai déjà eu l'occasion, monsieur le ministre, de vous interroger sur cette question qui reste, mois après mois, d'actualité. Troisième ville industrielle de Russie, Ekaterinbourg accueille en effet de nombreux investisseurs français qui participent à la création d'un grand centre d'affaires international.

Les relations économiques entre la France et la région de Sverdlovsk, dont Ekaterinbourg est la capitale, ont été multipliées par huit au cours des dix dernières années. Comme votre collègue Christine Lagarde a pu le constater sur place il y a quelques semaines, la plupart des projets de cette capitale de l’Oural sont aujourd’hui réalisés par des entreprises françaises.

L'ouverture d'un consulat dans cette ville permettrait donc à la France de renforcer sa présence dans une région particulièrement dynamique, d'autant qu'une dizaine de pays ont déjà ouvert des postes consulaires dans cette ville et que les autorités locales, notamment le gouverneur de la région de Sverdlovsk, sont particulièrement demandeurs. Je sais que notre rapporteur, Jérôme Chartier, a lui aussi bien perçu cette problématique, et je partage son analyse.

De plus, aujourd'hui, la France ne bénéficie que de deux consulats en Russie, l’un à Moscou et l’autre à Saint-Pétersbourg. Ce faible nombre de consulats pour un pays aussi vaste et porteur d’avenir pénalise les habitants de ces régions, et surtout les entreprises françaises qui ont choisi de s’y implanter.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le rayonnement culturel et scientifique. Absolument !

M. Thierry Mariani. Il est absolument indispensable que ce futur consulat prenne la forme d'un consulat de plein exercice et non pas seulement celle d'un consulat d'influence. Ce futur consulat, pour être vraiment utile, devra pouvoir offrir tous les services à nos ressortissants. Aussi ma question est-elle simple : ce consulat sera-t-il de plein exercice ? Si oui, quand ouvrira-t-il ses portes ?

Ma deuxième question concerne l'organisation des prochains scrutins électoraux pour les Français vivant à l’étranger. Comme l'ensemble de nos concitoyens, ce sont quelque 600 000 Français installés à l'étranger qui seront appelés à voter au cours du premier semestre 2007 pour l'élection présidentielle.

Nos expatriés ont certes fait le choix de partir travailler ou étudier à l'étranger et d'y porter en quelque sorte la voix de la France. Ils n'ont pas pour autant renoncé à leur citoyenneté, qui s'exprime notamment à travers le vote.

Aussi, monsieur le ministre, je souhaiterais d’abord savoir si des campagnes d'information sont actuellement en cours ou prévues pour encourager les inscriptions consulaires, les inscriptions sur les listes électorales et les demandes de vote par procuration. Peut-on en effet attendre d'un citoyen français qu'il effectue un trajet long et coûteux à travers le pays qui l'héberge pour effectuer ces seules démarches ?

Par ailleurs, je souhaite savoir si des actions sont prévues en vue d'encourager la participation, comme cela est parfois fait sur le territoire national. Je pense à l'insertion d'encarts publicitaires, à la diffusion de spots télévisés ou à internet, par exemple.

D'autre part, nombre de nos compatriotes sont souvent installés très loin de leur consulat et devront parfois prendre l'avion pour aller simplement voter. Pour l’élection présidentielle, certaines personnes devront ainsi effectuer deux allers-retours. Je souhaite donc savoir s'il est envisagé de multiplier le nombre des bureaux de vote et de rapprocher ainsi le service public et la démocratie de nos compatriotes expatriés à l’étranger.

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. le ministre des affaires étrangères. Monsieur Mariani, j’ai aujourd’hui le plaisir de vous confirmer que j’ai pris la décision, à la suite de la récente visite du président Poutine en France, d’aller plus loin dans le renforcement des relations bilatérales avec la Russie, notamment en matière économique, en créant, en 2007, un consulat général de plein exercice à Ekaterinbourg.

Vous avez raison de souligner l’extrême importance économique de cette ville et de la région de Sverdlovsk, qui tend à devenir l’un des plus importants centres d’affaires de Russie et où de nombreux investisseurs français sont d’ores et déjà implantés. Ce mouvement ne fera d’ailleurs que s’accroître, et c’est une des grandes nouveautés de la Russie d’aujourd’hui que cette montée en force des provinces.

J’ai donc pris cette décision pour appuyer la présence de nos entreprises, car notre diplomatie s’attache à soutenir les intérêts économiques de notre pays à l’étranger. On ne le fait encore que trop peu. Je l’ai fait aussi pour améliorer les services offerts à nos compatriotes dans cette région dynamique où les Allemands et les Britanniques ont déjà des consulats généraux.

Pour ce qui concerne votre seconde question, je tiens à vous dire combien le problème de la participation des Français établis hors de France aux élections est un souci majeur pour notre ministère. Des mesures ont déjà été prises pour favoriser l’inscription sur les listes électorales ; d’autres seront mises en œuvre pour favoriser la participation.

J’apporte ici une précision. A ce jour, sur près de 830 000 français inscrits sur les listes électorales consulaires en 2006, 693 000 Français ont fait le choix de voter à l’étranger pour l’élection du Président de la République et près de 137 000 celui de rester inscrits sur les listes de communes françaises.

L’inscription sur les listes électorales est facilitée par son caractère automatique, notamment pour les jeunes majeurs : tous les jeunes inscrits au registre, ayant dix-huit ans au plus tard le 28 février 2007, recevront prochainement un courrier leur indiquant qu’ils seront inscrits sur les listes électorales consulaires 2007, sauf refus de leur part exprimé avant le 31 décembre 2006. Tous les Français qui s’inscrivent au registre des Français établis hors de France sont désormais inscrits sur les listes électorales et n’ont plus besoin d’effectuer une démarche supplémentaire.

Pour ce qui concerne la participation, d’autres mesures seront mises en œuvre. En premier lieu, l’établissement des procurations de vote valables à l'étranger va être facilitée, puisque les consuls honoraires de nationalité française sont désormais compétents pour le faire et que notre réseau comprend un peu plus de cinq cents consuls honoraires. Comme cela se fait traditionnellement, les agents des postes consulaires se déplaceront dans les principales villes du pays pour recueillir les procurations, c’est ce qu’on appelle les « tournées consulaires ».

Enfin, l’urne sera rapprochée de l’électeur par la création de bureaux de vote décentralisés. Ce sont au total plus de quatre-vingts bureaux de vote décentralisés qui devraient être ouverts pour l’élection présidentielle dans les villes où réside une forte communauté française.

Afin de faire connaître toute ces dispositions, une campagne d’information par voie de presse, accompagnée de messages diffusés sur TV5 et de l’envoi de courriers électroniques sera lancée pour favoriser l’inscription d’abord, puis pour inciter les Français établis hors de France à participer à l’élection du Président de la République.

Le 16 novembre, une conférence de presse réunissant le directeur des Français à l’étranger et des étrangers en France, le président de l’UFE et celui de l’ADFE sera organisée sur ce thème.

Je vous précise que, pour les élections législatives, les Français établis hors de France ne peuvent voter que par procuration. Ils seront incités à faire établir ces procurations en faveur de Français inscrits sur le territoire national.

M. le président. Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Ma première question, monsieur le ministre, concerne la présence militaire française en Afrique. La France est présente militairement sur le continent en vertu d'accords de longue date avec divers pays, la Côte d'Ivoire, Djibouti, le Gabon, le Sénégal et le Tchad. Elle participe aussi à des actions de maintien de la paix dans le cadre de l'ONU ou de l'Union européenne, en Côte d'Ivoire et en République démocratique du Congo.

Dans l'un comme dans l'autre cas, les soldats français peuvent se trouver confrontés à des situations de guerre. Mais leur feuille de route n'est pas toujours très explicite. Nos soldats, par exemple, ne sont pas intervenus quand des rebelles ont tenté par la force de renverser le président élu de la Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo, alors qu'ils ont mis leur moyens aériens et logistiques au service du président tchadien, Idriss Deby, aux prises avec une contestation intérieure militarisée.

Ma question concerne donc la situation des forces françaises positionnées dans des pays africains en vertu d'accords bilatéraux : Quels sont les critères déterminant la mise à disposition de nos forces ou leur non-utilisation lorsqu'elle est sollicitée par des gouvernements que nous reconnaissons et dans les pays desquels nous avons des forces ?

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. le ministre des affaires étrangères. Je rappelais tout à l’heure à propos de la Côte d’Ivoire que le Conseil de sécurité a voté cette nuit à l’unanimité la résolution 1721, laquelle prévoit une nouvelle et dernière prolongation de la transition ivoirienne qui devrait s’achever le 31 octobre prochain. Cette résolution reprend les recommandations de l’Union africaine et de la CDAO en y apportant les précisions nécessaires, notamment sur la mise en place, dans cette dernière étape, d’un processus électoral régulier, avec des listes électorales transparentes.

Le texte prévoit en particulier que le Premier ministre pourra disposer de tous les pouvoirs nécessaires à la conduite du processus et qu’aucune des parties ivoiriennes ne pourra se prévaloir d’une disposition juridique nationale pour faire obstacle à la sortie de crise.

Vous demandez qui décide de notre présence militaire dans ces pays. C’est d’abord le chef de l’État, en fonction de plusieurs critères : la paix, mais aussi les décisions du Conseil de sécurité des Nations unies. On a, d’un côté, l’exemple de la Côte d’Ivoire et d’une résolution votée à l’unanimité ; de l’autre, celui du Soudan, dont les autorités n’acceptent pas la présence de forces onusiennes sur leur sol. Cela s’appelle le respect de la souveraineté de l’État et cela fait partie des principes qui sous-tendent la politique internationale de la France, au même titre que l’indépendance nationale et l’intégrité territoriale. Tels sont les motifs qui déterminent l’intervention ou non de la France.

Quant au Tchad, nous avons choisi d’agir au vu des effets dévastateurs de l’afflux de réfugiés du Darfour. Aider un pays en difficulté est normal, à condition de respecter sa souveraineté territoriale.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour une seconde question.

M. Gérard Bapt. Ma seconde question concerne la situation au Liban. Les déclarations du général Pellegrini à New York posent la question de l’engagement de la FINUL et de son rôle exact face aux violations de l’espace aérien libanais. A cet égard, la déclaration de Mme le ministre de la défense a été très claire, et je considère comme elle qu’il ne doit pas y avoir deux poids, deux mesures, que, de part et d’autre de la frontière libano-israélienne, la sécurité et la souveraineté ont la même valeur.

Or il se trouve que le Liban s’interroge actuellement sur le possible élargissement de son gouvernement à un gouvernement d’union nationale, ce qui inquiète jusqu’à Washington, puisque le porte-parole de la Maison blanche déclarait hier qu’il possédait des preuves tangibles d’un complot fomenté par l’Iran, la Syrie, le Hezbollah et ses alliés et visant à renverser le gouvernement légitime libanais. On sait ce que valent les preuves détenues par la Maison blanche depuis l’affaire des armes de destruction massive censées justifier l’intervention déplorable en Irak ; cependant, j’aimerais savoir, monsieur le ministre, si, dans cette affaire, la France va se comporter en amie du Liban, c'est-à-dire aider à la concertation et au dialogue interne, sans lesquels le pays ne parviendra jamais à la stabilité.

Lors de la réunion extraordinaire de la commission des affaires étrangères qui s’est tenue en juillet, lorsque la guerre a éclaté, je vous avez déjà mis en garde contre les risques d’ostracisme. Aucun interlocuteur ne doit être ostracisé, ni l’ancien Premier ministre Sélim Hoss, ni l’ancien président de l’Assemblée nationale libanaise, Hussein El Husseini, ni le général Aoun. Concernant ce dernier, qui est aujourd’hui le chef de l’opposition parlementaire, il est d’ailleurs assez déconcertant qu’il ait été ostracisé à l’époque de son séjour en France, parce qu’il passait pour un ennemi irrédentiste de la Syrie, et qu’il le soit aujourd’hui au motif qu’il serait un allié honteux de cette même Syrie.

Monsieur le ministre, dans cette phase délicate que traverse aujourd’hui le Liban, la France va-t-elle se comporter en amie de toutes les communautés, par-delà les clivages politiques qui les traversent, et contribuer à ce qu’elles continuent de coexister dans la tolérance au Proche-Orient ?

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. le ministre des affaires étrangères. M. Bapt, qui connaît particulièrement bien le Liban, comprendra évidemment l’importance de la résolution 1701. Sa mise en œuvre a abouti au retrait presque total des forces israéliennes, à l’exception de Ghajar, au sujet duquel la FINUL et les parties ne sont pas encore parvenues à un accord.

L’armée libanaise s’est déployée dans le sud du pays avec l’appui de la FINUL et je rappelle par ailleurs que 1 600 soldats français sont positionnés sur le terrain, tandis que la composante maritime de la FINUL – allemande, pour l’essentiel – se met également en place correctement.

Reste que cet équilibre est fragile est qu’il faut encore consolider la résolution 1701. Cela passe par l’arrêt des survols israéliens, le respect de l’embargo et l’intensification des efforts pour parvenir à un règlement politique et à un cessez-le-feu permanent.

Sur l’attitude de la Syrie, notre position n’a pas changé. Ayant participé à plusieurs réunions du Conseil de sécurité des Nations unies, je puis vous dire que l’ensemble de la communauté internationale attend de la Syrie des gestes concrets montrant son engagement réel à respecter les demandes du Conseil de sécurité. Or, après avoir rejeté publiquement les résolutions 1559 et 1680, la Syrie refuse toujours de délimiter sa frontière avec le Liban. Une telle délimitation permettrait de progresser dans la recherche d’une solution, en particulier sur la question des fermes de Chebaa, comme l’a écrit Kofi Annan dans son rapport. Vous le savez, monsieur Bapt, la Syrie n’a toujours pas établi de relations diplomatiques complètes avec le Liban en procédant à un échange d’ambassadeurs.

Enfin, le cinquième rapport de la commission d’enquête montre que la méthode adoptée par le juge Brammertz produit ses résultats. Parallèlement, le projet de statut du tribunal international est en cours de finalisation à New York où des consultations informelles se poursuivent. Il reviendra prochainement aux autorités libanaises de donner leur aval à ce projet avant que le Conseil de sécurité ne se prononce à son tour.

Enfin, on ne peut parler du Liban de manière exhaustive sans rappeler que le Président de la République a proposé une grande conférence internationale sur la reconstruction de ce pays, qui aura lieu à Paris dans la deuxième quinzaine de janvier 2007. La France est déterminée à accompagner le gouvernement libanais dans la préparation de cette conférence, notamment afin de s’assurer d’une participation de niveau ministériel – affaires étrangères et finances – pour la reconstruction de ce pays que nous aimons tant.

M. Hervé de Charette, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Très bien !

M. le président. Nous avons terminé les questions.

Mission « Action extérieure de l’État »

M. le président. J’appelle maintenant les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », inscrits à l’état B.

État B

M. le président. Sur l’état B, je suis saisi d’un amendement no 34.

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour le soutenir.

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Année après année, nous essayons, dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances, de simplifier la lecture des différents programmes de la mission « Action extérieure de l’État ». L’an dernier, nous avions proposé, au moyen d’un amendement qui devait être adopté par l’Assemblée, de transférer les crédits de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger du programme « Français à l’étranger » vers le programme « Action culturelle et scientifique ». En effet, 56 % des élèves des établissements français à l’étranger sont étrangers. Par conséquent, les crédits de l’AEFE relèvent davantage de la coopération culturelle et scientifique que des crédits des Français à l’étranger. La Haute Assemblée, dans sa sagesse, avait proposé une autre solution, notamment sous l’impulsion des sénateurs des Français de l’étranger – pour lesquels nous avons tous estime et respect –, mais la commission mixte paritaire avait finalement décidé de maintenir la version votée par l’Assemblée nationale. Nous ne parlerons pas d’orthodoxie budgétaire, mais de simplification, ce qui permettra une meilleure lecture.

Cette année, dans ce travail d’affinement des imputations budgétaires, il nous a paru opportun de nous intéresser aux bourses. Elles représentent 49 millions d’euros par an, dont 46 millions vont aux familles françaises installées à l’étranger et 2,4 millions – sous le vocable de « bourses d’excellence » – aux familles étrangères dont les enfants fréquentent nos établissements. C’est pourquoi il nous a semblé plus utile, par le biais de l’amendement n° 34, de faire relever ces bourses du programme « Français à l’étranger et étrangers en France » plutôt que du programme « Rayonnement culturel et scientifique », 97 % de ces bourses allant aux familles françaises.

Dans un souci de simplification, et sous l’autorité et le contrôle de son président, la commission des finances a adopté cet amendement, que je propose à l’Assemblée d’adopter à son tour.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des affaires étrangères. Favorable. Cet amendement est cohérent. Mais, au-delà du souci de cohérence budgétaire, nous avons intérêt à défendre l’idée que notre enseignement sert le rayonnement de la France, mais aussi le service public. Comment pourrions-nous refuser d’aider davantage les boursiers de nos établissements à l’étranger ? Dans le contexte de la mondialisation, il importe avant tout de développer les lycées et les collèges français à l’étranger.

M. Thierry Mariani. Nous sommes d’accord !

M. le ministre des affaires étrangères. Récemment, j’étais en Chine avec le Président de la République. Si les Allemands reçoivent deux fois plus d’étudiants chinois que nous, c’est parce que nous n’avons pas suffisamment fait d’efforts en ce sens. j’espère en tout cas que nous accueillerons toujours dans ces établissements 50 % de Français et 50 % de personnes issues des pays où ils sont installés.

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial, et M. Hervé de Charette, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Je ne veux pas faire de peine au ministre, mais je ne partage pas son analyse, et ce pour plusieurs raisons.

Comme je l’ai dit dans mon intervention, je suis opposé à cet amendement, ne serait-ce que par cohérence avec le vote de l’an dernier. Comme le disait Hervé de Charrette, ce n’était pas la peine d’avoir fait, l’an passé, tant de bruit à ce sujet !

M. Hervé de Charette, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Je l’ai dit tout bas !

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. Cela n’a rien à voir !

M. François Rochebloine. Si cet amendement est adopté, je crains que cela ne complique la gestion et ne conduise à terme à bloquer le montant des bourses de l’AEFE.

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial. C’est inexact !

M. François Rochebloine. Il suffit de regarder la forte augmentation du montant des bourses ces dernières années. Il n’est pas certain que son évolution soit identique dans les années à venir.

Enfin, je rappellerai comment se déroule l’attribution de ces bourses. Les demandes sont instruites par les services consulaires, qui apprécient la situation et les ressources familiales du demandeur au regard du barème d’attribution. Après examen, les demandes sont présentées à une commission locale des bourses scolaires, où siègent les principaux représentants de la communauté française. Les propositions formulées par cette instance sont ensuite transmises à l’AEFE qui décide de leur attribution définitive, après avis de la commission nationale des bourses scolaires.

Vous avez rappelé la demande de nos collègues sénateurs. Dans le premier exposé des motifs de cet amendement, monsieur le rapporteur spécial, vous aviez indiqué : « Cet amendement a pour objet de rattacher les crédits relatifs aux bourses scolaires d’excellence attribuées et gérées par l’AEFE au programme “Français à l’étranger et étrangers en France”, ce qui constitue une imputation budgétaire plus pertinente. En effet, ces bourses bénéficient aux seuls élèves français et ne participent aucunement au rayonnement culturel et scientifique français. » Entre-temps, vous avez vu la contradiction et vous avez modifié votre exposé sommaire, en précisant qu’il ne s’agissait pas de toutes les bourses, les bourses d’excellence étant réservées aux seuls élèves étrangers. Mais je maintiens mon opposition.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la parole. Je n’en abuserai pas.

J’irai dans le même sens que François Rochebloine. Pour nos compatriotes vivant à l’étranger dont les enfants sont scolarisés dans des établissements gérés par l’AEFE, c’est le volume des bourses qui importe et le souci d’égalité républicaine dont elles témoignent, qu’elles proviennent des crédits « Français à l’étranger et étrangers en France » ou des crédits « Rayonnement culturel et scientifique ».

En revanche, pour tous les élèves étrangers – et vous avez su, monsieur le ministre, au-delà de nos clivages, traduire notre volonté collective d’augmenter ces bourses, pour renouer avec une vocation historique d’accueil –, le maintien de ces bourses dans les crédits du rayonnement culturel et scientifique serait un signe politique fort. En outre, vous iriez dans le sens de la LOLF : en termes de lisibilité, on ne gagnerait rien à découper les crédits de l’AEFE pour les répartir entre le programme « Rayonnement culturel et scientifique » et le programme « Français à l’étranger et étrangers en France »

Pour toutes ces raisons, je suis opposé à l’amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 34.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », inscrits à l’état B, modifiés par l’amendement no 34.

(Les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », ainsi modifiés, sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à la mission « Action extérieure de l’État ».

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

santé

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la santé.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Monsieur le président, monsieur le ministre de la santé et des solidarités, mes chers collègues, pour ce qui concerne la mission « Santé », le présent budget s'inscrit dans la continuité de la loi de finances pour 2006. Les autorisations d'engagement, en hausse de 4,3 %, s’élèvent à 427 millions d'euros, et les crédits de paiement augmentent de 7,8 % pour atteindre 430 millions d'euros.

Comme en 2006, cette hausse des dotations est surtout imputable au plan national de lutte contre le cancer, qui entre dans sa troisième phase en 2007 et bénéficie de 23 millions d'euros supplémentaires. Hors plan cancer, les moyens de la mission sont en quasi-stagnation : les crédits de paiement progressent de 2 %, tandis que les autorisations d'engagement accusent une baisse de 1,3 %.

En conséquence, c'est une évolution contrastée qui caractérise les trois programmes de la mission : forte hausse, liée au plan cancer, pour le programme « Santé publique et prévention » ; tassement pour le programme « Offre de soins et qualité du système de soins » ; contraction de 33,9 % pour le programme « Drogue et toxicomanie ».

La justification au premier euro du projet annuel de performances est en voie d’amélioration, mais les détails de la progression des crédits de nombreuses actions de santé publique, et notamment des plans de santé publique, ne sont pas précisés. J’imagine que votre ministère lui-même rencontre des difficultés à en cerner tous les contours, ce qui nuit à la lisibilité de la mise en place de ces plans.

Persiste aussi le brouillage des compétences. C’est sans doute une des explications à la difficulté de retracer l’ensemble des crédits, quelle que soit leur provenance, pour la mise en œuvre de tel ou tel plan de santé publique. La plus grande partie du financement des politiques de santé publique est désormais assumée par l’assurance maladie, l’État se contentant du pilotage. L’assurance maladie se trouve ainsi amenée à soutenir une multiplicité de plans gouvernementaux ciblés sur des pathologies ou des risques déterminés, sans avoir pu participer à un quelconque arbitrage, alors même que le financement par le budget général se limite souvent à un saupoudrage.

La loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 dispose, en son article 7, que les dépenses de personnels des programmes d’actions doivent figurer par action. Or, comme l’année passée, la mission « Santé » ne comprend pas de dépenses de personnels : celles-ci sont encore regroupées, pour 2007, dans la mission « Solidarité et intégration », au sein d'un programme support, alors même que celui-ci précise la répartition des personnels au sein des trois programmes de la mission « Santé ». Pourquoi ne pas rattacher ces dépenses de personnels à cette mission ? Cela s’avérerait d’autant plus opportun que l’article 7 de la loi organique serait ainsi respecté. Un tel transfert contribuerait, en outre, à la lisibilité des politiques en matière de santé publique et à l'évaluation de l'effort de l'État dans ce domaine régalien.

Je dirai également un mot de la difficulté du travail du rapporteur spécial, en cette fin de législature, pour accéder à l'information. L'article 49 de la loi organique fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 59 % seulement des réponses étaient parvenues. Ce taux reste encore insuffisant.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Il est en progrès ! J’ai connu des époques où vous aviez plus de difficultés, même pour entrer au ministère !

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial. À l’époque, je n’étais pas rapporteur du budget de la santé, monsieur le ministre !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Si et vous étiez, tout comme moi, membre de la commission des finances !

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial. Je rapportais sur le travail et sur l’emploi !

Concernant l'épreuve de la performance, l'architecture des budgets opérationnels de programme étant inchangée, la stratégie initiée en 2006 se poursuit à la recherche de la stabilisation des objectifs et des indicateurs de performance qui leur sont associés.

Quelques modifications ont été apportées pour 2007 ; certaines sont justifiées, d'autres le sont moins. Ainsi, la suppression de l'objectif d'amélioration de la connaissance de l'état de santé de la population en réduisant les délais de traitement par l'INSERM des certificats de décès n'apparaît pas justifiée, d'autant qu'elle semble liée au retard pris dans la diffusion du système de transmission électronique des certificats. Le délai moyen était en 2004 de quatre-vingt-dix jours pour la transmission et de trois ans pour le traitement et l'analyse. Les délais cibles pour 2008 étaient respectivement de trente jours et de onze mois. Rappelons qu'il s'agissait de la réforme décidée au vu des conclusions des commissions d'enquête constituées, notamment après le drame sanitaire causé par la canicule d'août 2003.

L'exécution budgétaire en 2006 a été principalement marquée par des annulations budgétaires de 2,7 millions d'euros, destinées à gager les décrets d'avance dans le cadre de la lutte contre la dengue et le chikungunya. Sans doute aurez-vous à cœur, monsieur le ministre, de faire le point sur cette question à votre retour de la Réunion.

Par ailleurs, la réserve de précaution, qui s'élève à 5 % des crédits en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, ne tient pas compte des crédits annulés au titre du plan banlieue 2006, voté en loi de finances initiale pour 2006, et qui porte sur 2,12 millions d'euros au sein de la mission « Santé ».

Le programme « Santé publique et prévention » vise à concevoir et piloter la politique de santé publique, à promouvoir l'éducation pour la santé, à diminuer la mortalité prématurée et la morbidité par des actions de prévention, à améliorer la qualité de vie des personnes malades et à réduire les inégalités de santé et d'accès à la prévention. La loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004 a précisé le rôle d'orientation de l'État et l'organisation, notamment régionale, qui doit permettre une optimisation de la coordination des moyens et de la mise en œuvre de la politique de santé publique. En 2005 et 2006 devaient être mis en place les principaux dispositifs prévus par cette loi aux niveaux national et régional : conférence nationale de santé, conférences régionales de santé, Haut conseil de la santé publique, Comité national de santé publique, plans régionaux de santé publique, groupements régionaux de santé publique – GRSP. L'année 2006 a été également consacrée à la tenue d'États généraux de la prévention afin de renforcer l'impulsion de cette politique et la mobilisation de tous ces acteurs, dont les réalisations devront être amplifiées au cours de l'année 2007. C'est pourquoi le programme se décompose en un budget opérationnel de programme national – BOP –, piloté par la Direction générale de la santé, qui subventionne notamment l'Institut national de la prévention et de l'éducation à la santé – INPES – et l'Institut national du cancer et en vingt-six BOP régionaux, qui subventionnent notamment les groupements régionaux de santé publique. Ce programme devrait être doté en 2007 de 289,9 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement, soit respectivement une progression de 14,5 % des autorisations de programme et de 19,9 % des crédits de paiement par rapport à 2006.

Cette hausse est d'abord liée à la poursuite des principales actions dans des domaines stratégiques : le plan national de lutte contre le cancer sera poursuivi avec la mise en place de sa dernière tranche et une augmentation de l'ordre de 23 millions d'euros des crédits qui lui sont dévolus sur le programme « Santé publique et prévention » ; l'année 2007 consacre également le lancement effectif du plan psychiatrie et santé mentale 2005-2008 et du deuxième programme national nutrition santé, ainsi que l'entrée en vigueur du contrat d'objectifs et de moyens signé avec l'INPES pour l'amélioration de la prévention et de l'éducation à la santé.

L'augmentation des dotations du programme tient ensuite à deux changements de périmètre : la lutte contre les infections sexuellement transmissibles voit ses crédits progresser de 44,91 %, cette hausse découlant de la recentralisation de certaines compétences jusque-là confiées aux départements par la loi relative aux responsabilités ; la lutte contre les pratiques à risque – alcool, tabac, drogues illicites – reste une priorité : à ce titre, 18 millions d'euros de crédits qui étaient affectés en 2006 au programme « Drogue et toxicomanie » seront réintégrés en 2007 au sein du programme « Santé publique et prévention ».

Les dépenses de fonctionnement de l'action « Pilotage de la politique de santé publique » augmentent de 86 % à 4,3 millions d'euros, en raison de l’installation progressive des instances régionales de santé publique prévue par la loi du 9 août 2004. Mais la progression de l'ensemble de l'action n'est que de 12 %. Après un retard préoccupant dont je m'étais alarmé l'an passé, dix-huit plans régionaux de santé publique – PRSP – sur vingt-six avaient été arrêtés par les préfets de région au mois d'août. Le seront-ils tous, monsieur le ministre, avant la fin de l'année ? À la même date, seuls deux groupements régionaux de santé publique, constitués sous forme de GIP, avaient été créés. Chargés du financement et du suivi des PRSP, la lenteur de leur mise en place nuit à la mise en œuvre de la politique de santé publique.

Le pilotage de la santé publique, c'est aussi l'accès aux soins des plus démunis. À cet égard, une fois encore, je ne peux que déplorer le désengagement de l'État de cette action de solidarité : 7,3 millions d'euros pour 2007, contre 10 millions en 2006, après 11,9 millions en 2005, 14 millions en 2004, 23,5 millions en 2003 et 36 millions en 2002 ! Ces crédits ont été divisés par cinq en cinq ans, avec transfert sur l'assurance maladie.

De la même façon, les crédits d'État de la mission « Solidarité et intégration », destinés au fonds de la couverture médicale universelle complémentaire auraient été divisés par neuf en quatre ans, passant de plus d'un milliard d'euros en 2004 à 114 millions d'euros en 2007. Même si l'on tient compte du transfert de 232 millions d'euros lié aux droits sur le tabac, ils auraient été divisés par trois, ce qui implique le transfert vers l'assurance maladie complémentaire du financement de la solidarité en matière d'accès aux soins. Enfin, avec les difficultés accrues d'accès à l'aide médicale d’État pour les étrangers et l'échec de l'aide à l'acquisition d'une couverture complémentaire pour les personnes dont les revenus sont situés en dessous de 110 euros du plafond de la CMUC, on ne peut que constater une aggravation des inégalités d'accès aux soins pour certaines catégories de notre population.

Concernant l’INPES, dont la mission est de mettre en œuvre les politiques de prévention et d'éducation à la santé, j’appelle votre attention sur le manque d'informations relatives aux prévisions budgétaires pour 2007. En effet, seul le montant de la subvention d'État au titre de la mission « Santé » est connu. Le manque de visibilité budgétaire de l'INPES, eu égard à ses responsabilités nouvelles, est très regrettable.

S’agissant de l'action « Déterminants de santé », le transfert interne à la mission de 18 millions d'euros au titre de l'addictologie masque une baisse de 23 % à périmètre constant. Étant en cause l'alcool, le tabac et la nutrition, tous facteurs déterminants de mortalité prématurée, cette baisse, sans doute compensée par l'assurance maladie, est regrettable, s'agissant de grands programmes de santé publique.

Pour ce qui est du plan national nutrition santé, les crédits régressent de 12,7 %, passant de 3,46 à 3 millions d'euros. Cette baisse apparaît de surcroît dérisoire face aux enjeux de l'épidémie d'obésité. Mais il est vrai qu'il s'agit d'abord d'enjeux sociaux concernant ce que l'on pourrait désigner comme une « fracture gastronomique », qui sépare désormais les couches sociales. Une association de consommateurs vient de pointer du doigt l'augmentation de 30 à 40 % en trois ans des fruits et légumes, accentuant encore cette fracture. Pourriez-vous faire le point, monsieur le ministre, sur la réglementation de l'étiquetage nutritionnel, qui devait s'appliquer au plus tôt, ainsi que sur celle de la publicité télévisée concernant les produits alimentaires ?

La conclusion qui s'impose eu égard au financement des déterminants de santé ne peut donc être qu'une impression de saupoudrage des crédits, lié à la multiplication de plans de santé publique dotés de moyens insuffisants.

Il en va de même pour l’action « Pathologies à forte morbidité et mortalité », qui bénéficie de 220,5 millions d'euros en 2007, soit une hausse de 10 %, dont 23 millions d'euros au titre du plan cancer. En effet, en dehors de ce dernier et de la recentralisation d'actions de prévention sanitaire des infections sexuellement transmissibles jusque-là exercées par les départements, les financements des plans de santé publique sont à la baisse : moins 50 % pour les maladies rares ou pour l'hépatite, et stagnation à la baisse pour la santé mentale. Il s’agit là, monsieur le ministre, de la part de l’État, de messages négatifs adressés aux assurés sociaux, et en particulier aux associations d’usagers.

Le plan cancer, à l'opposé, poursuit sa mise en œuvre : il est financé à hauteur de 50,6 millions d'euros, en augmentation de 11,8 millions d'euros sur 2006. Les problèmes de gouvernance rencontrés par l'INCa ont conduit cet été à une remise à plat : une nouvelle feuille de route a été fixée, qui apporte les modifications et les ajustements nécessaires au fonctionnement de l'Institut. Je ne peux que me réjouir du travail de concertation qui est en cours afin de favoriser une gouvernance rénovée, que j'avais moi-même préconisée dans mon rapport sur la mise en œuvre du plan cancer. Toutefois, le développement de la recherche sur le cancer et la montée en charge des « cancéropôles » supposent un développement stable. Il est regrettable que l'INCa, qui a vocation à soutenir les activités des « cancéropôles », ne soit pas assuré de cette stabilité : en effet, 8 millions d'euros de crédits au titre de la subvention du ministère chargé de la recherche n'ont pas été versés en 2006.

Le programme « Offre de soins et qualité du système de soins » tend à ce que le dispositif de soins puisse répondre aux besoins de santé de la population en assurant, d'une part, une offre de soins de qualité et, d'autre part, une offre de soins suffisante et répartie de manière à être accessible aux usagers, dans le respect des objectifs de dépense déterminés par le législateur. Toutefois, la plus grande partie des actions menées au titre du programme est financée sur le budget de l'assurance maladie, le budget de l'État n'intervenant que pour moins de 1 % du total des dépenses effectuées au titre de l'offre de soins. Les crédits demandés au titre de ce programme s'élèvent en 2007 à 100,6 millions d'euros d'autorisations d'engagement, soit une baisse de 0,4 % par rapport à 2006, et à 104,2 millions d'euros de crédits de paiement, soit une hausse de 1,6 %. Cette légère hausse s'explique par une augmentation de 3,2 millions d'euros au titre des frais de justice, qui font désormais l'objet de crédits limitatifs. Les ARH voient leur dotation augmenter de 3 millions d'euros et l’Agence technique pour l’information hospitalière – ATIH – bénéficiera d'une augmentation de ses effectifs avec une dotation budgétaire satisfaisante. Il serait d’ailleurs souhaitable, monsieur le ministre, que la demande qui semble correspondre à l’augmentation budgétaire des huit emplois créés pour l’ATIH, eu égard à ses nouvelles responsabilités, soit honorée. Cette progression est compensée par la baisse substantielle de la subvention de l'État à la Haute Autorité de santé, justifiée par l'importance de son fonds de roulement.

L'action « Niveau et qualité de l’offre de soins » concerne la formation initiale médicale et l'année recherche, respectivement dotées de 56,6 millions et 5,5 millions d'euros, mais l’organisation de stages dès le deuxième cycle d'études en médecine générale, décidée en janvier 2006, pour un coût estimé à 5 millions d'euros, n'est pas financée. Pour la formation, la dette cumulée atteint donc au total 25 millions d'euros : celle-ci n'est susceptible d'être allégée que par le seul recours à la réserve de précaution ou par l'ouverture de crédits complémentaires en loi de finances rectificative. La dotation de 63,1 millions d'euros destinée à financer la formation initiale médicale est donc clairement insuffisante pour couvrir les besoins et le retard accumulé. Il s'agit pourtant de financer la qualité de la formation et la revalorisation de la médecine générale, éléments importants de la réforme de l'assurance maladie. L'ATIH concourt à la modernisation du système de soins. À sa mission initiale de mise en œuvre du programme de médicalisation des systèmes d'information et d'élaboration des nomenclatures s'est ajoutée depuis 2002 la mise en place de la T2A.

Le budget des ARH progresse de 12 %, pour s’établir à 22,1 millions d'euros, afin de leur donner les moyens du pilotage stratégique qu'elles doivent désormais conduire pour la mise en place des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens, négociés avec chaque établissement de santé. Leur action sera mesurée par l'indicateur de performance lié à l'objectif d'optimisation du pilotage de l'offre de soins.

Monsieur le ministre, la loi du 13 août 2004 portant réforme de l'assurance maladie avait prévu des expérimentations d'agences régionales de santé sur quatre ans : où en est-on ? Cela ne semble pas être une préoccupation pour votre ministère, à moins que ce ne soit un échec résultant de l’adoption à l’unanimité d’un amendement parlementaire au cours de l’été 2004.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Non, on ne peut pas dire cela !

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial. En 2006, aucune expérimentation n'a eu lieu. Ne faut-il pas déplorer l'absence totale de conclusions tirées de cet échec ? Peut-être les tirerez-vous aujourd’hui devant notre assemblée. Il pourrait être opportun, en tout cas, de créer l’an prochain, dès le début de la nouvelle législature, une mission d’information à ce sujet.

Le programme « Drogue et toxicomanie » concerne la seule MILDT, mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, qui pilote le plan gouvernemental 2004-2008 de lutte contre les drogues illicites, l’alcool et le tabac.

Au-delà du transfert de 18 millions d’euros vers le programme « Santé publique et prévention », revenant sur le transfert opéré l’an dernier par voie d’amendement sénatorial, la baisse des crédits affectés au programme, à périmètre constant, s’élève à 0,7 million d’euros. Elle concerne surtout la gestion des politiques sanitaires pour le même nombre d’emplois. Il est dommage que les moyens de la MILDT ne soient pas au contraire renforcés, au moment où les consommations d’alcool et de tabac repartent à la hausse, notamment chez les jeunes, de même que la consommation de cocaïne, qui prend des proportions très inquiétantes.

Par ailleurs, le réseau des CIRDD, les centres d’information régionaux sur les drogues et dépendances, ne concerne encore que douze régions, alors qu’ils doivent contribuer à renforcer la cohérence des politiques publiques, qui sont multiples puisqu’elles concernent non seulement la santé mais aussi la délinquance, la sécurité routière, la politique de la ville ou le milieu carcéral.

Il est également regrettable que l’action d’expérimentation de nouveaux dispositifs partenariaux voie ses crédits diminuer de 42 %, à 3,1 millions d’euros. C’est la même action d’expérimentation des consultations cannabis qui a conduit à leur généralisation, reprise par l’assurance maladie. La MILDT va lancer un nouvel appel à projet auprès du réseau associatif, visant à expérimenter de nouvelles approches de prévention et de respect de la loi. Une telle expérimentation sera très opportune.

Le réseau associatif a bien besoin de cette action, créditée de 1 million d’euros, déconcerté qu’il est par les jugements négatifs portés par certains milieux politiques, en ce qui concerne notamment ses activités de réduction des risques, déconcerté encore par la politique développée par le ministère de l’intérieur, exclusivement axée sur la répression. J’imagine qu’en tant que ministre de la santé, vous aurez votre mot à dire au cours de la discussion du projet de loi de prévention de la délinquance.

La commission des finances, dans sa majorité, a adopté les crédits de la mission « Santé », l’opposition s’y étant opposée.

M. le président. La parole est à M. Michel Heinrich, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Michel Heinrich, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer les efforts budgétaires consentis par le Gouvernement en matière de santé. L’augmentation de près de 8 % des crédits de la mission « Santé » prévue par le projet de loi de finances pour 2007 confirme que la santé est bien une priorité politique et budgétaire de ce gouvernement et de cette majorité. En cela, ce budget s’inscrit dans la continuité des efforts que nous avons entrepris au travers de la loi relative à la politique de santé publique et de la réforme de l’assurance maladie.

Cette hausse significative des crédits répond aux priorités de santé publique qu’ont définies le Président de la République et le Gouvernement. Ainsi, l’augmentation des crédits de l’Institut national du cancer est bien le symbole de notre volonté de mener à bien le plan national de lutte contre le cancer. De même, les programmes de lutte contre les infections sexuellement transmissibles et contre le sida voient leurs crédits renforcés, afin de répondre au mieux à cet autre enjeu majeur de santé publique.

Ce budget s’inscrit également dans le cadre fixé par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, en confortant les investissements du pilotage de la politique de santé et des grands plans de santé publique.

Ce projet de budget met aussi l’accent sur la modernisation de l’offre de soins et de la qualité des soins.

Je voudrais surtout traiter le thème, retenu en commission des affaires sociales, des drogues illicites.

La toxicomanie doit être envisagée dans une perspective globale de lutte contre les addictions. Comment renforcer l’efficacité de l’action publique en matière de lutte contre les drogues illicites ? Une politique publique doit d’abord et avant tout reposer sur la volonté d’utiliser tous les leviers de l’action publique mais aussi savoir mobiliser tous les acteurs concernés : usagers, parents, enseignants, éducateurs, policiers, juges, soignants, chercheurs et associations.

Pour faire face à ce problème majeur de santé publique, le Gouvernement a engagé un programme ambitieux de lutte contre les drogues pour 2004-2008. Synonyme d’isolement et de souffrance pour l’homme, la drogue présente également un coût social élevé pour la collectivité. Si, à l’exception du cannabis, les drogues illicites semblent concerner un nombre limité de personnes, bien que le nombre de consommateurs d’ecstasy et de cocaïne ait doublé ces dernières années, les conséquences sanitaires et sociales sont particulièrement lourdes. Ainsi le coût social estimé par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies – OFDT – est de 2,8 milliards en 2003, dont plus de 900 millions de dépenses publiques, d’où la nécessité d’un programme global et pluriannuel de lutte contre la drogue tel qu’il a été envisagé en 2004, qui vise à diminuer les consommations en luttant contre les pratiques addictives et contre les trafics, ainsi qu’à améliorer la politique de réduction des risques.

La mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie a un rôle central dans la mise en œuvre de ce programme. Placée sous l’autorité du Premier ministre, c’est elle qui donne l’impulsion de l’action publique et coordonne les actions de tous les ministères concernés par la lutte contre les drogues. Elle constitue la colonne vertébrale du dispositif français de lutte contre les drogues. Son action est essentielle pour assurer la cohérence des actions engagées, tant au niveau national qu’au niveau international. La MILDT assure ainsi des missions en matière d’observation, de recherche, de prévention, de formation des professionnels, de prise en charge des toxicomanes et de coopération internationale.

Plus que jamais, le projet de budget pour 2007 consacre les prérogatives de la MILDT. La réduction de son budget est due à un effet d’optique, et s’explique par la réaffectation d’une partie de ses crédits au programme « Santé publique et prévention ».

Si son rôle reste central, on ne peut qu’être frappé par le nombre important d’acteurs intervenant dans ce domaine. Son budget, 36 millions, ne représente en effet qu’une faible partie de l’ensemble des moyens, plus de 900 millions, consacrés à la lutte contre la drogue et la toxicomanie.

Dans ce contexte, il semble nécessaire d’engager une réflexion approfondie sur l’amélioration de la visibilité de l’action publique. Une meilleure lisibilité des moyens engagés faciliterait notamment le contrôle parlementaire de cette politique et l’évaluation de son efficacité. Il serait par exemple possible de créer, au niveau budgétaire, une mission interministérielle relative à la toxicomanie, voire de rattacher les crédits de la MILDT au budget du Premier ministre, puisque cette mission est déjà placée sous son autorité. Dans le même sens, il pourrait également être envisagé d’annexer au projet de loi de finances un document de politique transversale afin de présenter la stratégie, les objectifs et l’effort financier consacré par l’État à la lutte contre la toxicomanie.

Cette remarque mise à part, il convient de souligner encore une fois l’importance des missions de la MILDT. Ainsi, elle contribue à hauteur de 8,8 millions au financement des trois opérateurs qui, par leurs activités diverses, contribuent à la mise en œuvre du programme « Drogue et toxicomanie ».

Le centre interministériel de formation antidrogue, le CIFAD, a pour objet d’organiser des actions de formation spécialisées en matière de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances.

L’ Observatoire français des drogues et des toxicomanies joue aujourd’hui un rôle majeur dans le recueil, l’analyse, la synthèse et la valorisation des connaissances sur le phénomène de la drogue. Cet outil est indispensable pour mieux appréhender les enjeux des questions liées à la drogue. Il est dès lors regrettable que la part des crédits de l’OFDT consacrés aux études soit passée de 60 à 40 % entre 2001 et 2005. Il est par ailleurs surprenant que l’évaluation des politiques mises en œuvre par la MILDT relève principalement de l’OFDT, qui est financée par elle et placée sous son autorité. À l’avenir, il pourrait être plus pertinent, au moins à titre expérimental, de confier l’évaluation de certains programmes à des experts extérieurs indépendants.

Les crédits de la MILDT contribuent enfin au financement du groupement de téléphonie social « drogues alcool tabac info service », DATIS, qui constitue l’un des outils de communication grand public de l’État dans la lutte contre les addictions. Les résultats de cet organisme ne sont pas à mettre en cause, mais son organisation en un pôle national et cinq pôles régionaux pose un problème de rationalité économique. Il serait nécessaire d’engager une réflexion sur le regroupement des différents services de DATIS dans un lieu unique.

Les crédits de la MILDT permettent aussi le financement d’importants programmes expérimentaux de prévention et de prise en charge des toxicomanes. De plus, les moyens qui lui sont alloués en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants et de coopération internationale augmenteront considérablement en 2007.

Les crédits consacrés par l’État à la lutte contre la drogue doivent nous permettre de répondre à d’importants enjeux de santé publique, mais aussi d’ordre public et de cohésion sociale. Ainsi, nous devons traiter avec la plus grande fermeté le problème de la banalisation du cannabis, même si, pour la première fois, la consommation semble s’être stabilisée en 2005.

Le cannabis est aujourd’hui, et de loin, la première drogue illicite consommée dans notre pays : 1 200 000 consommateurs réguliers, 550 000 consommateurs quotidiens. Les Français sont les plus gros consommateurs de cannabis en Europe. Or cette substance est la source de problèmes de santé tels que des perturbations psychomotrices et des troubles de la mémoire ; elle est aussi une cause d’échec scolaire et de mauvaise intégration sociale pour les consommateurs réguliers, notamment les plus jeunes.

Contre le cannabis, la prévention doit être la première des priorités. Il est par exemple nécessaire de reconduire régulièrement la remarquable campagne d’information et de communication qui avait été menée en 2005. Ce type de campagne a certes un coût élevé, mais elle se révèle essentielle et ne doit pas se réduire à un effort occasionnel.

Dans cette logique, il convient de saluer les programmes de prévention contre les addictions en milieu scolaire, mis en œuvre à partir de 2004 et repris par l’éducation nationale en 2006 du CM2 à la terminale.

De même, l’expérience des consultations cannabis doit être pérennisée et renforcée. Ce réseau de consultations anonymes et gratuites a été mis en place en 2005 afin d’apporter une aide aux consommateurs et à leur entourage. Elles ont rencontré un important succès et doivent être poursuivies. Quelque 30 000 consultations ont été enregistrées en dix mois. Elles relèvent désormais de l’assurance maladie.

Il faut également souligner l’importance du rôle que jouent les autres professionnels de santé, notamment les médecins généralistes, dans l’écoute et l’aide des jeunes consommateurs de cannabis. À côté des dispositifs dédiés, il importe donc de veiller à ce que la formation initiale et continue des médecins comporte un module spécifique pour la prise en charge des addictions.

L’interdit social doit être réaffirmé. La dépénalisation est bien sûr exclue, mais il est essentiel que la peine encourue soit applicable. Il est donc normal de réformer la loi du 31 décembre 1970, ce qui sera fait dans le cadre de la loi de prévention de la délinquance, en s’orientant, pour les usagers, vers des peines de substitution comme des stages de citoyenneté ou de sensibilisation au danger d’usage afin d’opérer un changement durable dans le comportement et les mentalités.

Enfin, la réduction des risques sanitaires encourus par les toxicomanes est un enjeu de premier ordre. Il s’agit de prévenir la transmission des infections, la mortalité par surdose, ainsi que les dommages sociaux et psychologiques liés à la toxicomanie. La mise en œuvre de ces objectifs passe par les traitements de substitution comme la méthadone ou la buprémorphine à haut dosage ou subutex. L’impact de ces traitements a été globalement très positif, tant du point de vue sanitaire que du point de vue social, et cette démarche a été consacrée par la loi relative à la politique de santé publique de 2004. On avait constaté 400 décès par surdose en 1994 contre 69 en 2004. En 1995, un tiers des toxicomanes-héroïnomanes étaient séropositifs au VIH ou au VHC, contre 3 % aujourd’hui.

On constate cependant un mésusage du subutex : 20 à 25 % des quantités vendues seraient détournées de l’usage thérapeutique. La proposition de classer le subutex comme stupéfiant, qui a été abandonnée par le ministère de la santé,…

M. Jean-Marie Le Guen. À juste titre !

M. Michel Heinrich, rapporteur pour avis. …est en effet inopportune et inefficace.

M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui !

M. Michel Heinrich, rapporteur pour avis. En revanche, la désignation d’un couple médecin-pharmacien pour ceux qui feraient un usage détourné du subutex, assortie le cas échéant d’un protocole de soins, constitue une mesure efficace pour veiller au bon usage, et c’est ce qui a été proposé et voté dans le PLFSS pour 2007.

De même, le dossier pharmaceutique, financé entièrement par la profession, qui sera créé à partir du second semestre de 2007, sera un outil important de lutte contre le mauvais usage et le trafic des traitements de substitution. Il aurait pu être envisagé que les pouvoirs publics participent à son financement.

En conclusion, je voudrais souligner la nécessité pour l’État d’engager deux chantiers prioritaires en matière de réduction des risques.

Les efforts de lutte contre les hépatites doivent être intensifiés. Les toxicomanes sont en effet particulièrement concernés. Un travail d’accompagnement doit être réalisé afin de faciliter le dépistage et l’accès aux soins. Il faut améliorer la couverture vaccinale contre l’hépatite B, et il serait aussi intéressant d’inclure le filtre non réutilisable dans les stéribox tout en conservant leur prix public d’environ un euro. Cela suppose une dépense supplémentaire de 750 000 euros.

La diversification de l’offre de soins pour les toxicomanes est également nécessaire. L’arrivée prochaine d’une forme sèche de méthadone et la mise sur le marché d’une buprémorphine qui ne produit aucun effet en cas d’injection, le suboxone, ainsi que l’étude de la primo-prescription de la méthadone en médecine de ville vont certainement dans le sens d’une diminution des risques.

Les expérimentations de communautés thérapeutiques doivent être encouragées. Trois sont prévues en 2007. Je suggère également d’expérimenter la création de salles de consommation dans le cadre d’un cahier des charges précisément défini.

En conclusion de ses travaux, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a approuvé les crédits de la mission « Santé ».

M. le président. Nous en venons aux orateurs inscrits.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Muguette Jacquaint. « Ce n’est pas parce qu’un budget progresse que c’est un bon budget »…

M. le ministre de la santé et des solidarités. Tout de même !

Mme Muguette Jacquaint. C’est vous-même, monsieur le ministre, qui l’avez rappelé lors de l’examen du PLFSS, en référence au budget de la santé pour 2007.

Nous vous l’accordons et c’est ce sentiment qui domine à la lecture des lignes budgétaires qui nous sont soumises. Certes, le budget de la mission « Santé » progresse tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement, respectivement de 4,3 % et de 7,8 %. Mais cette hausse s’explique essentiellement par le financement, utile, de la dernière phase du plan cancer. C’est une grande cause nationale et nous y souscrivons sans réserves ; toutefois nous regrettons qu’elle accapare l’essentiel des moyens, reléguant au second plan les autres interventions publiques importantes dans le champ de la mission « Santé ». Mais à bien y réfléchir, comment pourrait-il en être autrement à budget constant ?

Pour le reste en effet, les moyens de cette mission sont en quasi-stagnation, quand ils ne diminuent pas. En dépit des hausses affichées – notamment grâce à des écritures comptables ou à des transferts de comptes – à périmètre constant, une diminution des crédits est à souligner. Ce constat vaut notamment pour l’action « Déterminants de santé », pour le traitement des risques alcool et tabac, pour le plan national visant à limiter l’impact sur la santé de la violence, pour la lutte contre les pratiques à risques, pour le plan national nutrition santé et pour le plan national santé environnement.

Ce budget ne nous satisfait pas car, sous des aspects vertueux, grâce des jeux comptables qui laissent croire à une augmentation de crédits, se cachent en réalité des reculs préoccupants que l’investissement massif en faveur du plan cancer ne saurait atténuer.

Avant de conclure, je souhaite appeler l’attention de notre assemblée sur l’avenir des médecins inspecteurs de santé publique. Nous avons été sollicités – et c’est légitime – par l’intersyndicale de ces professionnels qui nous a alertés sur l’ampleur du champ qu’ils ont à couvrir – mise en œuvre, animation, évaluation et contrôle des politiques nationales de santé publique, de développement social et lutte contre les exclusions – au regard des effectifs dont ils disposent.

Dans près de cinquante DDASS les effectifs sont de cinquante agents soit, une fois déduit l’ensemble des personnels chargés du fonctionnement administratif, moins de trente-cinq agents disponibles pour assurer le suivi de la politique sanitaire et sociale de ces départements. Il est impossible à ces services de fonctionner normalement avec moins de 1 % des effectifs de la fonction publique d’État et c’est, au bas mot, 10 000 postes qu’il serait nécessaire de créer.

Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à rencontrer les représentants de cette profession pour négocier une révision de son statut et son rapprochement avec celui des praticiens hospitaliers, un plan de formation et la création de postes d’envergure afin d’offrir à nos concitoyens une administration sanitaire et sociale qui dispose des moyens nécessaires pour garantir la santé et la cohésion sociale sur l’ensemble du territoire, y compris les départements et territoires d’outre-mer ? Quelles sont vos intentions en ce domaine ?

Au regard de ces éléments d’analyse, vous admettrez qu’il ne nous est pas possible de voter le projet de budget de la mission « Santé » pour 2007. Et je reprendrai en écho mon constat de départ : ce n’est pas parce qu’un budget progresse – j’ajouterai en apparence – que c’est un bon budget.

M. le président. La parole est à M. Serge Roques, pour le groupe UMP.

M. Serge Roques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, forte de ses trois programmes, la mission « Santé » offre une visibilité précise – en complément du volet assurance maladie du projet de loi de financement de la sécurité sociale – de l’action de l’État en faveur de la santé de nos concitoyens. Elle est centrée sur les interventions du ministère de la santé et des solidarités et regroupe trois programmes : « Santé publique et prévention », « Offre de soins et qualité du système de soins » et « Drogue et Toxicomanie » ; 70 % des dépenses sont des dépenses d’intervention.

La mission connaît une forte hausse passant de 399 millions d’euros pour 2006 à 431 millions d’euros pour l’année prochaine. Cette hausse est due en partie au financement de la dernière phase du plan cancer qui bénéficie de 23 millions d’euros supplémentaires.

« Existe-t-il pour l’homme un bien plus précieux que la santé ? » se demandait déjà Socrate.

M. Jean-Marie Le Guen. Il aurait fait un excellent ministre ! (Sourires.)

M. Serge Roques. Alors que nous y consacrons 10 % de notre produit intérieur brut, ce qui est considérable, nous avons le devoir de nous demander si cet effort est utilisé de manière optimale et pour le bien de tous.

L’État est en effet stratège en matière de détermination des objectifs de santé publique et de définition des programmes de prévention et d’adaptation de l’offre de soins. Je m’attarderai pour ma part, sur le programme le plus important de cette mission, « Santé publique et prévention », auquel j’associerai, dans sa finalité, le troisième programme « Drogue et toxicomanie » car il me semble important de faire un bilan d’étape et de souligner l’immense travail accompli en faveur de la prévention.

Si la France est le pays dans lequel l’espérance de vie est la plus élevée du monde après soixante ans, et si l’Organisation mondiale de la santé reconnaît notre système de soins comme l’un des plus performants, nous connaissons un taux assez élevé de décès prématurés avant soixante-cinq ans.

L’OCDE vient de classer notre pays en sixième position pour les dépenses de prévention, leur montant total atteignant 12 millions d’euros en 2005.

Si de très nombreuses vies ont été sauvées par les politiques volontaristes que nous menons en la matière, il reste encore beaucoup à faire. Nous pouvons – et nous devons – toujours faire plus et mieux. En effet, chaque année plus de 160 000 décès prématurés sont attribuables à des facteurs en amont, sur lesquels nous pouvons agir directement. Le diagnostic tardif de pathologies lourdes et les accidents – en milieu domestique et sur la voie publique – ont un impact important sur la qualité de vie de nos concitoyens.

En outre, l’accès effectif aux soins se répartit encore inégalement selon les régions, les genres ou les catégories socioprofessionnelles : sept ans d’espérance de vie séparent les catégories les plus défavorisées des autres.

Les lois du 4 mars 2002 et du 9 août 2004 ont jeté les bases du développement et du renforcement des politiques de prévention dans notre pays, en concentrant l’effort sur la santé et la façon de la préserver, et non plus sur la maladie. Ces textes permettent de donner une cohérence accrue à l’ensemble des actions menées en la matière. La loi de santé publique d’août 2004 a notamment précisé le rôle d’orientation de l’État et l’organisation qui doit permettre d’optimiser la coordination des différents acteurs.

Après la mise en œuvre des différents dispositifs prévus par la loi, l’année 2006 a été notamment consacrée à la tenue d’États généraux de la prévention. Vous avez, monsieur le ministre, installé une commission d’orientation présidée par le docteur Toussaint, à laquelle les directions des agences sanitaires, des instituts et des ministères concernés apportent leur concours. Après un premier rapport d’étape, rendu début septembre, qui propose une stratégie d’action et des recommandations tendant à une meilleure cohérence entre prévention et soins, afin de faciliter les choix éclairés de nos concitoyens et valoriser la place du médecin traitant comme acteur central du dispositif, vous avez organisé des États généraux de la prévention dont nous attendons la synthèse pour la fin du mois. Ce seront ensuite des forums régionaux qui seront organisés en décembre 2006 et janvier 2007.

Il s’agit d’établir une continuité entre un système de soins encore essentiellement basé sur le curatif et les nouveaux enjeux de prévention dans une démarche qui intègre les préventions primaire, secondaire et tertiaire. La prévention est plébiscitée par les patients comme par le personnel médical. En décloisonnant les nombreux acteurs qui y contribuent, qu’ils agissent dans les milieux éducatif, médical, paramédical, social ou de la recherche, et en les rassemblant autour d’un objectif commun, nous améliorerons la qualité de vie des Français en leur donnant tous les moyens de préserver leur capital santé.

Concrètement, cinq plans stratégiques de santé publique ont été arrêtés. Le plan cancer constitue l’un des grands chantiers présidentiels. Le plan santé environnement, doté de 1,7 million d’euros, a pour objet de mieux connaître l’impact des milieux par un repérage des situations à risque et un dépistage actif des personnes exposées, puis de mettre en œuvre des mesures permettant de réduire l’exposition à ces risques. Le plan maladies rares vise à assurer l’équité et la qualité de la prise en charge des malades atteints d’une des 7 000 maladies rares identifiées. Il a notamment pour objectifs de diminuer l’errance diagnostique, d’améliorer l’information et la formation des professionnels de santé et de soutenir les associations de malades. En 2007, 608 000 euros seront destinés à la mise en œuvre de ce plan, dont la moitié pour financer Orphanet, base de données sur les maladies rares.

Enfin, nous attendons la concrétisation de deux nouveaux plans. Le plan « violence, comportements à risques et conduites addictives » aborde les relations entre la santé et diverses formes de violences et concerne des populations diverses – enfants et adolescents, personnes âgées, handicapées, dépendantes… – dans des cadres divers : famille, milieu professionnel, institutions médico-sociales, prisons, établissements scolaires. Le plan « maladies chroniques et qualité de vie 2006-2010 », dont les travaux de préparation sont désormais achevés, développe une approche transversale des maladies chroniques en vue de limiter leur impact sur la qualité de vie, l’un des enjeux majeurs se situant autour de la coordination et de la prise en charge des malades.

La loi de finances pour 2007 met en place la dernière phase du plan cancer. Les sommes nouvelles inscrites cette année vont permettre, entre autres, de généraliser sur l’ensemble du territoire le dépistage du cancer du sein, une des premières causes de mortalité chez la femme. En outre, l’un des enjeux de l’année est d’assurer et de préparer la suite du plan, avec notamment l’élaboration prévue d’un contrat d’objectifs et de moyens avec l’Institut national du cancer.

La lutte contre les pratiques à risques doit rester une priorité et je pense, bien sûr, en tout premier lieu à l’interdiction totale de fumer dans les lieux publics, qui nous concerne tous que nous soyons fumeurs ou pas. Sur les 66 000 personnes dont la mort est imputable au tabac chaque année, 5 000 sont victimes du tabagisme passif, dont beaucoup n’ont jamais fumé la moindre cigarette.

L’interdiction devra aller de pair avec la poursuite des aides aux personnes cherchant à réduire ou stopper leur consommation, et avec des actions visant à la « dénormalisation » de l’image du tabac. Alors qu’aujourd’hui une femme sur quatre, un homme sur trois et, surtout, un jeune sur deux fument, le cancer du poumon qui est l’un des plus dangereux et dont le taux de guérison demeure très faible, pourrait tuer deux fois plus de personnes dans moins de vingt ans.

Dans ce domaine, la médecine curative ou la chirurgie ont fait bien peu de progrès depuis vingt ans, et la prévention reste en 2006 le seul moyen de réduire massivement la mortalité due au cancer du poumon.

D’autres actions stratégiques seront menées en 2007 en matière de santé publique, dont je rappellerai les principales.

En matière de lutte contre le SIDA, qui reste très menaçant, le programme d'action 2005-2008 sera poursuivi. En l'absence de vaccin ou de traitement susceptible d’éradiquer l'infection, il s'agit de réduire sa transmission chez les personnes à risque et d'optimiser la prise en charge des personnes atteintes.

En matière de santé mentale, 2007 verra la mise en place d'une campagne d'information sur les troubles dépressifs, à destination du grand public comme des professionnels, et la définition d'une nouvelle stratégie d'action face au suicide, dans le cadre de la poursuite de la mise en œuvre du plan « psychiatrie et santé mentale ». Je rappelle que le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les jeunes de quinze à vingt-quatre ans après les accidents de la route, et la première chez les jeunes de vingt-cinq à trente-quatre ans. Cette stratégie a pour but d’assurer le dépistage précoce des troubles mentaux et d’améliorer la prise en charge sanitaire et sociale des personnes atteintes de ces pathologies.

L'année 2007 sera aussi la première année d’application du deuxième plan national « nutrition santé » lancé le 6 septembre dernier, qui sera doté de 3 millions d'euros, et dont l’axe stratégique prioritaire est la lutte contre l'obésité.

Grâce au renforcement de la sécurité routière, à la lutte antitabac, au plan national de lutte contre le cancer, à notre combat contre l'obésité, le suicide et bien d'autres fléaux qui affligent l'espèce humaine, le Gouvernement, vous-même, monsieur le ministre, et notre majorité ont permis à la prévention de quitter le champ de l'incantation et de la posture pour entrer dans celui de l'action concrète, déterminée, minutieusement organisée, année après année. La prévention ne nous permettra pas seulement de sauver de très nombreuses vies et d’éviter beaucoup de souffrances et de graves handicaps ; elle générera des économies importantes, qui permettront de supporter plus facilement la croissance exponentielle des dépenses de santé entraînée mécaniquement par le vieillissement de la population et les progrès de la médecine. De cela nos concitoyens doivent être intimement convaincus, ce qui suppose tout un travail de communication. Vous l’avez engagé, monsieur le ministre, en lançant les États généraux de la prévention, qui seront relayés par des forums régionaux. Je me suis moi-même permis de proposer la création d'une Journée nationale de la prévention qui permettrait d'en présenter les multiples aspects et tous les magnifiques résultats.

Le budget que nous examinons va permettre d'avancer encore et de consolider les résultats déjà acquis dans ce domaine. Il permettra de poursuivre et même d’amplifier méthodiquement l’effort, comme l’exige une politique de prévention, qui ne peut se construire que dans la durée, la constance et la persévérance. C'est pourquoi, monsieur le ministre, le groupe UMP ne peut que l'approuver et le soutenir avec conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Faire le choix, monsieur le ministre, de la journée des Trépassés pour engager le débat sur le budget de la santé relève peut-être moins du goût du paradoxe, voire de la provocation, qu’il n’exprime une espérance : à en croire les promesses formulées par l’orateur du groupe UMP qui m’a précédé à cette tribune, il vous sera bientôt possible de faire disparaître cette célébration du calendrier ! (Sourires.)

Plus sérieusement, il est nécessaire de rappeler, avant même d’analyser un à un ses programmes, le caractère très particulier du point de vue institutionnel de la mission « Santé », sans même parler de l’importance de la mission « Sécurité sanitaire » pour votre ministère.

M. le rapporteur spécial vient de rappeler combien la complexité des relations entre le ministère et l’action de l’État d’un côté, l’assurance maladie de l’autre, nuit à la lisibilité de l’action publique, en dépit des chiffres et des informations fournis par votre administration. Le fait que l’affectation des crédits à telle ou telle action relève des circonstances plutôt que d’une répartition logique du point de vue de l’organisation ajoute encore à la confusion. Il n’est pas étonnant que le pouvoir exécutif ait du mal à se faire une idée exacte des moyens à la disposition de ses politiques, et que ceux-ci échappent au contrôle parlementaire, tant l’enchevêtrement des financements est complexe. En outre le budget de l’État n’est pas le moteur essentiel de la politique de santé, ni même de santé publique, de notre pays.

Avant d’examiner les différents programmes, je voudrais dire quelques mots de ce ministère. Relativement aux responsabilités dont il a la charge, qui sont de plus en plus écrasantes du fait des attentes de l’opinion publique, puisqu’il s’agit de véritables enjeux de société pour nos concitoyens, les moyens dont ils disposent sont faibles. Cela ne date pas de votre arrivée à la tête du ministère : depuis toujours il dispose de moyens, notamment humains, de beaucoup inférieurs à ceux de ministères dont les responsabilités sont au plus équivalentes.

Nous devons donc réfléchir aux renforts, en termes de personnels supplémentaires ou d’améliorations statutaires, qu’il convient d’apporter à l’ensemble des acteurs de ce ministère. Ma collègue du groupe communiste et républicain a évoqué à juste titre la situation des médecins inspecteurs de santé publique. D’une façon générale, nous savons qu’il y a beaucoup à faire, en termes de moyens financiers et humains, pour permettre à l’ensemble des personnels d’être des acteurs des politiques publiques encore plus efficaces.

J’en viens aux programmes de ce budget. En ce qui concerne le programme « Santé publique et prévention », je m’arrêterai plus particulièrement sur deux actions, qui démontrent que si les moyens financiers sont nécessaires, ils ne suffisent pas à définir une action politique.

La politique de lutte contre l’alcoolisme pêche par sa discrétion excessive. Vous avez certes, monsieur le ministre, organisé des États généraux de la lutte contre l’alcoolisme, conformément à la loi sur la politique de santé publique ; mais le moins qu’on puisse dire est qu’ils n’ont pas vraiment mobilisé l’opinion, ni nos collègues parlementaires, et je le regrette. S’ils ont été nombreux à s’exprimer dans cet hémicycle pour défendre les intérêts de la viticulture, et s’ils ont manifesté une conception très claire de ce que devait être la lutte contre l’alcoolisme dans notre pays, les mêmes se sont faits plus discrets à l’occasion de ces États généraux. Ils n’ont pas suscité un débat nourri autour de la question de la lutte contre l’alcoolisme, et de ce fait nous manquons d’une définition des moyens de santé publique susceptibles de réduire cette pathologie dans notre pays. C’est indiscutablement une grave lacune. C’est à juste titre, monsieur Heinrich, que vous avez insisté dans votre rapport sur la question de la lutte contre les drogues illicites, qui mobilise chacun d’entre nous, quoique de façon différente. Mais on ne peut pas oublier que l’alcool est la première cause de la mortalité, de la morbidité, de la violence, de la misère sociale, et du coût économique, puisque vous avez également abordé cette question, consécutifs à l’addiction à des produits toxiques. Malheureusement, on ne traite pas cette question avec tout le sérieux qui conviendrait.

Le plan national nutrition santé et la lutte contre l’obésité ont également retenu plus spécialement mon attention. On nous apprend que cette action est dotée de 3 millions d’euros pour 2007. Je ne vous reprocherai pas le caractère dérisoire de cette somme, monsieur le ministre : il ne peut en être autrement eu égard à la gravité du problème, qui exige de nous une réflexion collective. Sachant que le budget publicitaire de l’industrie agroalimentaire est d’un milliard d’euros par an, je n’aurai pas la prétention de dire qu’une autre majorité donnerait au ministère de la santé les moyens financiers de lutter à égalité avec ce secteur. Dans de telles conditions, le rôle du ministère n’est pas tant de mobiliser des moyens financiers que de mobiliser, dans le cadre de politiques transversales, les moyens de l’État au service d’objectifs prioritaires, en l’espèce l’amélioration de la nutrition et la lutte contre ce fléau social qu’est l’obésité. Seule la mobilisation de tous les ministères concernés, celui de l’agriculture et celui de l’éducation nationale notamment, voire ceux qui ont la charge des questions d’urbanisme, permettra une évolution réelle de nos comportements alimentaires propre à freiner une épidémie d’une telle ampleur aujourd’hui que personne ne peut désormais la contester.

Vous n’ignorez pas que nous avons soutenu le lancement du plan cancer, même si nous avions formulé des réserves sur certains points. Nous avions en particulier contesté son caractère prétendument novateur, alors qu’il était pour l’essentiel le prolongement d’actions déjà engagées, notamment par Bernard Kouchner. Nous avions également formulé quelques réticences en ce qui concerne la création de l’Institut national du cancer, l’INCa, et les compétences qui lui étaient attribuées par la loi relative à la politique de santé publique. Ce qui s’est passé depuis a prouvé que nos préventions n’étaient pas totalement infondées et que son fonctionnement n’avait pas été défini d’une façon suffisamment claire.

Cela étant, il s’agissait d’une avancée nécessaire, et j’espère que nous allons continuer dans cette voie, le cancer étant évidemment un problème majeur de santé publique. Si elles se déroulent conformément aux ambitions de départ, les actions prévues par ce plan seront des éléments fertilisants pour l’ensemble de notre système de soins. Je pense notamment à tout ce qui concerne la restructuration de l’offre de soins, la qualification des acteurs, l’association des malades, à la fois à titre individuel et à titre collectif via leurs associations. Voilà pourquoi il est nécessaire que nous soutenions cette action, et le fait que les crédits consacrés à ce plan soient en progression est tout à fait encourageant.

Il ne faudrait pas pour autant se contenter d’approuver des moyens financiers sans s’enquérir de leur traduction en termes d’actions concrètes. Je songe en particulier à la lutte contre le cancer du sein, dont la complexité ne saurait être réduite par des moyens purement financiers. Il ne suffit pas de décréter un dépistage systématique, dont nul ne conteste la nécessité : bien qu’il ait été annoncé depuis des années par vos prédécesseurs, des obstacles subsistent. Quand ils sont simplement de nature administrative, comme c’est le cas dans certains départements, on peut espérer qu’ils seront levés dans l’avenir. Mais l’on sait qu’il y a aussi des réticences socioculturelles, et c’est sur elles que nous devons réfléchir si nous voulons que toutes les Françaises bénéficient d'un accès égal à ce dépistage.

En un mot, si on veut mesurer véritablement l’efficacité des actions de santé publique, il est important de les considérer sous leur aspect budgétaire, mais on ne saurait les y réduire.

Cette question du plan cancer me donne l’occasion de déplorer que vous ne vous appuyiez pas davantage sur les quelques instruments de démocratie sanitaire que le Parlement avait réussi à sauver contre ce que prévoyait initialement le projet de loi relatif à la politique de santé publique. Nous nous étions bagarrés sur divers bancs. Finalement, une majorité, pour ne pas dire l’unanimité des parlementaires, s’était prononcée pour le maintien des conférences régionales de santé. Mais, là encore, nous n’avons pas l’impression que le Gouvernement croie vraiment en leur utilité. Il considère plutôt que les conférences régionales de santé sont des procédures nécessaires, incontournables, qu’il faut valider juridiquement. Nous pensons au contraire que ce seraient des éléments de mobilisation pour avancer sur les questions de société. Nous savons en effet que ce n’est pas la médecine toute seule ou l’État tout seul qui peuvent faire avancer la santé publique dans ce pays, mais que des mobilisations sociales sont nécessaires pour nombre de ces problèmes.

J’évoquerai pour terminer la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie. Nous y reviendrons dans le cadre de l’examen du projet de loi de prévention de la délinquance – vous y avez fait référence, monsieur le rapporteur pour avis. Le ministre de l’intérieur s’était mobilisé, pensant que la loi de 1970 serait réformée par là même. Les discussions engagées jusqu’à présent, au Sénat ou ailleurs, ne sont pas à la hauteur de cette ambition, c’est le moins que l’on puisse dire.

On continue, en revanche, à avoir une approche très marquée par une optique sécuritaire, guidée essentiellement par le ministère de l’intérieur, de ces questions de santé publique. Sur les 907 millions d’euros consacrés à la lutte contre la toxicomanie, 277 seulement sont affectés au ministère de la santé. Le reste va vers le ministère de la justice, le ministère de l’intérieur, les douanes… Je disais, il y a quelques instants, que les crédits budgétaires ne sont pas les seuls témoignages de l’action du ministère de la santé, et j’en suis tout à fait convaincu. Je n’entamerai donc pas automatiquement un procès à partir de la lecture de ces chiffres. Mais je pense que tant que nous n’aboutirons pas à un consensus dans notre pays pour affirmer que la lutte contre la toxicomanie et plus précisément contre la consommation de cannabis est un problème de santé publique, qui doit être traité comme tel, non seulement nous créerons des divisions et des polémiques, mais nous n’obtiendrons aucune efficacité.

Si le but est bien d’obtenir une réduction significative de la consommation de cannabis – objectif majeur de santé publique qu’il est impératif de se fixer –, nous devons prendre conscience que, pour être crédibles, il nous faut aborder l’usage massif du produit dans notre société en termes de santé publique. L’interdiction, pour laquelle je me prononce, est une approche totalement secondaire et n’a aucun sens pratique, même s’il est vrai que la levée de la pénalisation, à laquelle je m’oppose personnellement, aurait un impact négatif. Il est clair, en effet, que ce n’est pas en agissant avec les forces et la volonté du ministère de l’intérieur ou du ministère de la justice que l’on arrivera à résoudre cette question. Nous ne pouvons en discuter avec les jeunes que si nous parlons santé. Si nous parlons règles, normes, lois, si nous satanisons, diabolisons un produit d’un usage aussi banal dans leur environnement pour en faire tout d’un coup un produit qui serait par nature et par essence d’une dangerosité quasi absolue, nous ne serons ni crus, ni entendus. Pour retrouver le chemin de la lutte contre la toxicomanie, il faut entamer un véritable dialogue sur des faits réels et non sur des statistiques plus ou moins orientées, non pas quantitativement, mais qualitativement.

Je voulais rapidement m’exprimer sur ces sujets. Notre collègue Gérard Bapt s’est prononcé sur de nombreux points. Il a été, monsieur le ministre, un rapporteur scrupuleux de votre budget. Il a mis le doigt sur les problèmes posés, relativisé les mouvements d’enthousiasme, peut-être excessifs, et essayé, je le crois et je soutiens son rapport, de faire avancer le travail parlementaire pour mieux faire comprendre aujourd’hui les quelques avancées qui devraient tous nous rassembler autour de la santé publique. Je ne peux malheureusement, que confirmer le vote émis en commission. Le groupe socialiste votera contre ce budget, mais vous vous en doutiez sans doute un peu.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Non ! Je n’ai jamais d’idées préconçues ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe UDF.

M. Jean-Luc Préel. Monsieur le ministre, vous nous présentez aujourd'hui le budget de la santé pour 2007. Ce budget est bien modeste et il est loin de refléter la politique de santé de la nation, puisque les crédits de la mission « Santé » représentent 430 millions d'euros, non compris les dépenses de personnel, en augmentation de 7,75 %, ce que beaucoup d’intervenants ont déjà fait remarquer. Nous venons de débattre pendant une semaine de la loi de financement de la sécurité sociale. Les dépenses remboursées par l'assurance maladie sont prévues à hauteur de 144,6 milliards d'euros. Quant aux dépenses courantes de santé, elles se sont élevées à 195 milliards en 2005. Il s’agit là du total des dépenses engagées par les divers financeurs : sécurité sociale, assurances complémentaires, ménages, indemnités journalières, subventions, recherche et formation. En regard, le budget du ministère de la santé est donc extrêmement modeste. Il est dommage, monsieur le ministre, que nous ne puissions jamais avoir un vrai débat sur les sommes que la nation consacre aux dépenses de santé pour la prévention, les soins, la recherche, la formation et sur les différents financeurs qui interviennent : l’assurance maladie, les complémentaires, les ménages, l’État et donc les contribuables. Le Parlement devrait pourtant pouvoir se prononcer, chaque année, de manière transparente sur le rôle et la place de l'État, de l'assurance maladie, des agences diverses et variées.

Je suis de ceux qui plaident pour un vrai ministère de la santé, ayant des moyens correspondant à ses missions élargies. Le ministère de la santé pourrait en particulier être responsable de la formation des professionnels en veillant à une formation aux métiers de la santé de qualité. L'UDF souhaite que la formation soit adaptée aux besoins de la population. C'est pourquoi nous préconisons un numerus clausus régional par spécialité, une nouvelle répartition des tâches entre les professionnels. Il est grand temps de prendre en compte le niveau de formation réelle des infirmières et sages-femmes et de les intégrer dans le LMD.

Vous savez, monsieur le ministre, que la santé est l'une des préoccupations majeures des Français. Ils sont inquiets parce qu'ils constatent que, malgré les réformes successives, malgré les sommes considérables consacrées à la santé, l'équilibre financier n'est pas atteint mais surtout que tous les secteurs sont en crise ou connaissent encore de grandes difficultés.

Je ne reviendrai pas sur les débats de la loi de financement de la sécurité sociale. Mais je cherche en vain un secteur, une profession où règne non pas la béatitude mais la simple sérénité. Qu'en est-il des établissements publics et privés, des secteurs ambulatoires et des différentes professions – médecins, infirmières, kinésithérapeutes, dentistes, etc., mais aussi pharmaciens et industriels du médicament ? Il y a, je crois, beaucoup à faire pour résoudre la crise financière mais aussi morale, qui est au moins aussi importante, avec le besoin de reconnaissance que tous ces professionnels attendent.

Monsieur le ministre, votre tâche est immense, mais elle est passionnante. Vous devez assurer l'égal accès de tous à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire et veiller à la formation initiale et continue des professionnels, à l'évaluation des pratiques et des activités, à la permanence des soins, à l'organisation des urgences, à la meilleure prise en charge des pathologies. Mais, plutôt que de guérir, vous devez essayer de prévenir et de veiller non seulement aux soins mais à la santé de nos concitoyens.

Vous avez hérité dde la loi de santé publique, qui a prévu la création des groupements régionaux de santé publique, présidés par les préfets de région. Vous avez ainsi aggravé la coupure entre le soin et la prévention. Les GRSP vont-ils fonctionner ? Fort peu fonctionnent aujourd’hui, d’après M. Bapt, qui en a rarement trouvé trace dans notre pays. Il serait souhaitable de disposer au niveau régional d'un responsable unique de la santé.

La loi réformant l'assurance maladie a prévu des agences régionales de santé expérimentales qui devaient voir le jour avant la fin de 2005. Où en sont-elles ? Quelles seront leurs missions ? Comprendront-elles la prévention, l'éducation à la santé, la formation ? Aucun crédit n'est prévu pour elles en 2007. Cela veut-il dire que vous y avez renoncé ? Pourront-elles fonctionner sans la fongibilité des enveloppes, que vous avez refusée dans la loi organique, proposant au contraire des sous-objectifs : ambulatoire, établissements, handicapés, personnes âgées ?

Pourtant, beaucoup pensent aujourd'hui que la régionalisation de la santé est souhaitable. Mais les résistances sont fortes, notamment au sein du ministère de la santé, de celui des finances et, il faut le reconnaître, du corps préfectoral.

Allez-vous, monsieur le ministre, mettre en place des agences régionales de santé et surtout leur donner les moyens de fonctionner avec l'attribution d'enveloppes régionales ?

Allez-vous, dans le même temps, en profiter pour clarifier le rôle des préfets, des DRASS et des DDASS ? Il conviendrait également d'être clair sur la place respective de l'État et de l'assurance maladie.

Votre ministère manque de moyens humains et financiers pour assurer toutes ses missions. Vous devriez donc vous concentrer sur les missions essentielles, sur la définition et le suivi des grandes orientations, et faire davantage confiance aux hommes et aux femmes compétents dans les structures décentralisées et notamment les établissements hospitaliers.

Alors que tout le monde demande une simplification administrative, allez-vous réduire considérablement le nombre et le volume des arrêtés, des circulaires, qui tombent chaque jour ? Pourquoi voulez-vous tout prévoir, tout contrôler ? Faites confiance et lâchez un peu la bride.

Il est un corps sur lequel vous vous appuyez beaucoup, à qui vous demandez toujours plus : je veux parler des médecins et pharmaciens inspecteurs de la santé. Ils sont aujourd'hui 645. Ils ont eu des promesses, certaines récentes de votre part, en particulier celle de l'intégration au sein du corps des praticiens hospitaliers.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je tiens toujours mes promesses !

M. Jean-Luc Préel. Alors, ils seront bientôt heureux ! Vous savez qu'il existe de nombreux postes vacants, au moins 70, que leur rôle est majeur dans la prévention des risques, la surveillance de l'état sanitaire du pays, des établissements etc. Ils ont besoin de reconnaissance, vous avez besoin d'eux. Écoutez-les !

J'aurais aimé que soit effectué un point sur les 100 objectifs quantifiés de la loi de santé publique. Nous sommes à mi-chemin. Qu'en est-il de la réalisation des objectifs ? J'avais exprimé, au nom de l'UDF, mon scepticisme. Je serais très heureux d'être démenti par les faits et par vous-même, monsieur le ministre.

Cette année, les moyens financiers sont en augmentation et vous semblez les concentrer sur les comportements de la prévention : sida, dépistage des cancers, alcool et tabac. Vous renforcez également la lutte contre les pratiques addictives. Je vous approuve, en sachant qu'il y a beaucoup à faire et que les structures mises en place ne sont pas forcément adaptées. Pour être efficace, il convient de s'appuyer sur les hommes et les femmes de terrain, sur les associations impliquées localement. C'est pourquoi je plaide pour que l'on revoie le rôle des CODES et qu'on leur donne les moyens humains et financiers nécessaires pour coordonner les actions dans chaque département et pour pouvoir intervenir dans les établissements d'enseignement, dans les communes, dans les quartiers.

Le dépistage des cancers doit être étendu : cancer colorectal, de la prostate, etc. Mais la problématique n'est pas simple. Pour être efficace, il convient – et le relatif échec du dépistage du cancer du sein le montre bien – d’atteindre l'ensemble de la population, notamment celle qui n'a pas accès habituellement aux examens complémentaires.

Dans votre budget, on trouve également l’Institut national du cancer. Cette idée a été jugée par beaucoup intéressante. J’étais pour ma part plus dubitatif. Il y a en effet autant de cancers que d’organes. Comment comparer le cancer de la peau, celui de l’intestin et celui du foie ? Il y avait déjà les centres anticancéreux, il y a beaucoup de services hospitaliers s’occupant de cancers. Vouloir coordonner est une bonne chose, mais cela ne conduira-t-il pas demain à avoir autant d’instituts que de pathologies ?

J'aurais aimé aborder de nombreux sujets qui me tiennent à cœur : la permanence des soins, la démographie des professions de santé, les réseaux de santé, l'hospitalisation à domicile, la prise en charge de la douleur, les soins palliatifs, le dossier médical personnel. Quelles suites comptez-vous donner au rapport très critique du professeur Girard sur la veille sanitaire ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est moi qui ai demandé ce rapport !

M. Jean-Luc Préel. Vous êtes en charge, monsieur le ministre, d'un secteur majeur, qui intéresse, passionne tous les Français, car chacun, à juste titre, veut demeurer en bonne santé et avoir accès à des soins de qualité. Il est dommage que nous ne puissions avoir un débat annuel portant sur l’ensemble de notre système de santé.

Au nom de l’UDF, je plaide pour un responsable unique de la santé au niveau régional, qui serait chargé de l'ambulatoire, des établissements, de la prévention, de l'éducation à la santé et de la formation, responsable unique contrôlé démocratiquement par une conférence régionale de santé élue.

Je plaide aussi pour un ministre de la santé de plein exercice, garant de l'égalité sur le territoire, définissant les grandes priorités. Votre tâche est ardue. J'espère que vous parviendrez à améliorer notre système de santé qui connaît aujourd'hui une crise profonde à la fois morale, organisationnelle et financière. Je vous ai posé quelques questions, j'attends vos réponses, monsieur le ministre, avec le plus grand intérêt et je vous remercie pour votre écoute particulièrement attentive.

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, domaine prioritaire pour le Gouvernement, la santé mérite un budget prioritaire. C’est la raison pour laquelle la mission « Santé », dotée de 430 millions d’euros, est en progression de 8 % par rapport à 2006. C’est une évolution importante, compte tenu des contraintes qui pèsent sur nos finances publiques. Je vous remercie de l’avoir souligné, monsieur Heinrich, et je ne laisserai personne affirmer le contraire, les chiffres sont là.

D’après l’Organisation mondiale de la santé, notre système de santé est considéré comme l’un des meilleurs au monde. Comme vous le disiez, monsieur Roques, le défi que la France se doit de relever désormais est celui de la réduction de la mortalité prématurée avant soixante ans qui demeure trop élevée dans notre pays.

Nous devons amplifier nos efforts, tout particulièrement dans le domaine de la prévention, priorité sur laquelle nous nous retrouvons les uns les autres, au-delà des clivages politiques. Nous devons engager une politique de prévention beaucoup plus ambitieuse.

La mission « Santé » concerne tout d’abord la mise en œuvre de la politique de santé publique et de prévention avec les plans de santé publique, au premier rang desquels se situent le plan de lutte contre le cancer, mais aussi la lutte déterminée contre le VIH et les IST. Cette mission recouvre également le programme « Drogue et toxicomanie » et permet la modernisation du pilotage de l’offre de soins. Près de 290 millions d’euros sont alloués au programme « Santé publique et prévention », soit une progression de plus de 20 % par rapport à 2006. Cette mission permet d’apporter une nouvelle impulsion à la prévention et renforce le rôle de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, auquel des crédits d’un montant de près de 24 millions d’euros sont dévolus sur le budget de l’État, ce qui marque une progression de 1,4 million d’euros par rapport à l’an dernier. Cette augmentation permettra d’engager de nouvelles campagnes de prévention et d’information, notamment autour de la nutrition, du plan cancer et du plan contraception.

Ce budget conforte des évolutions majeures qui intéressent non seulement notre système de soins, mais aussi la société tout entière. Le patient est de plus en plus associé à la concertation et à la mise en œuvre des politiques de santé publique. La Conférence nationale de santé et les vingt-six conférences régionales, créées par la loi de santé publique du 9 août 2004, sont des lieux de débat citoyen.

Oui, monsieur Bapt, j’en conviens, cela a pris du temps, mais cela a permis de procéder à une réelle concertation avec l’ensemble des acteurs. Tout comme vous, je suis attentif à l’entière mise en œuvre de la régionalisation, le plus rapidement possible. Mais pour mettre en œuvre les ARS, sujet que nous avons évoqué dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il faut des candidats.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Il y en a !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Lors de nos débats, j’ai indiqué qu’il nous fallait procéder à des expérimentations. Aujourd’hui, il faut admettre qu’entre l’idée et sa réalisation, il y a un pas. Je le constate lorsque je vois à quel point il nous faut négocier pour parvenir à un accord, notamment dans la région Nord-Pas-de-Calais, qui a pourtant souhaité s’engager, et je veux saluer cet effort. Nous devons trouver une solution afin que d’autres expérimentations puissent voir le jour, car la régionalisation constitue l’une des pistes d’avenir de notre système de santé.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Tout à fait !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Au niveau régional, la modernisation s’est traduite par la mise en place des groupements régionaux de santé publique, les GRSP. Le plan régional de santé publique est l’outil commun de la politique de santé publique de l’État, de l’assurance maladie et des collectivités territoriales qui s’y associent : je pense bien évidemment au conseil régional, dont j’évoquais le rôle à l’instant.

Vous avez parlé, madame Jacquaint, du rôle des DDASS et des DRASS. Nous revalorisons le statut des responsables des services déconcentrés après avoir revalorisé leurs indemnités en 2005. Nous sommes en train de passer en revue la ventilation des effectifs entre les services déconcentrés. Nous avons su également faire jouer la solidarité nationale pour apporter les moyens nécessaires, notamment à l’île de La Réunion, en renforçant les capacités de lutte antivectorielle. Je ne sais pas, monsieur Bapt, si vous souhaitez que nous évoquions le sujet aujourd’hui ou lundi, dans le cadre de la mission « Sécurité sanitaire ». Nous avons pu installer le système de prophylaxie attendu et confirmer les engagements pris par le Premier ministre, notamment s’agissant de la mise en place du CHR. Nous devons rester vigilants et mobilisés : ce n’est pas parce que les chiffres sont aujourd’hui inférieurs à ceux de l’an dernier, que cela nous autorise à penser que l’épidémie de chikungunya est derrière nous.

En tout état de cause, nous attendons une meilleure conjugaison de la prévention et des soins à l’échelle des territoires de façon à pouvoir harmoniser le développement réciproque des plans régionaux de santé publique, les PRSP, et des schémas régionaux d’organisation sanitaire, les SROS. L’année 2007 verra un effort tout particulier de résorption des inégalités de santé, qu’elles soient sociales ou géographiques. Vous avez fait remarquer, monsieur Heinrich, que la coordination de la politique de santé publique au niveau régional avec les organismes dédiés, conforte bel et bien le pilotage d’une politique favorable à la réduction des inégalités de santé.

Conformément à la volonté exprimée par le Président de la République, nous avons fait ensemble de la lutte contre le cancer une priorité nationale. Le plan cancer bénéficie ainsi de 120 millions d’euros. Au total, les moyens dévolus à cette priorité progressent de près de 25 %. Nous voulons généraliser le dépistage du cancer du sein avec pour objectifs la participation de 70 % des femmes de la tranche d’âge concernée fin 2006 et de 85 % fin 2007, en orientant notre action vers les femmes les plus défavorisées et les plus difficilement atteignables. Ces chiffres montrent, monsieur Préel, que la généralisation du dépistage est bel et bien en voie d’être réalisée, mais qu’il nous faut aussi tenir compte des réalités de terrain, et surtout des raisons pour lesquelles un certain nombre de femmes ne se tournent pas vers le dépistage. Il nous faut comprendre les causes de leurs réticences, que nous ne lèverons qu’avec l’aide des médecins généralistes, pour arriver à un dépistage à 100 %.

Nous n’avons attendu personne pour nous fixer comme objectif la généralisation du dépistage du cancer colorectal, deuxième cancer chez la femme, il est important de le rappeler. La moitié des départements verront cette généralisation renforcée à la fin 2006. Un troisième appel d’offres organisé par le comité stratégique des dépistages des cancers début 2007 permettra aux autres départements de généraliser le dépistage.

Nous avons aussi la volonté de prévenir l’apparition des causes de cancer et de diminuer notablement le nombre de décès prématurés grâce à la lutte contre l’alcoolisme et les addictions, et à l’engagement que nous avons pris d’interdire le tabagisme dans l’ensemble des lieux publics. Vous connaissez les chiffres : un cancer sur quatre est lié au tabagisme avec pour conséquence 34 500 décès sur les 66 000 décès liés au tabac. Le rôle de l’INCa comme tour de contrôle de l’ensemble du plan se voit confirmé grâce aux 50 millions d’euros qui lui sont octroyés.

L’effort public concerne aussi la prévention et le traitement des infections sexuellement transmissibles, du sida et des hépatites, avec près de 100 millions d’euros consacrés en 2007 à ces politiques, ce qui représente une progression de 12 millions d’euros par rapport à cette année. Cette forte augmentation nous permet d’avoir des marges de manœuvre à plusieurs titres : le rôle des associations se voit largement confirmé ; les crédits consacrés à la lutte contre le VIH seront reconduits à l’identique en 2007, et ceux de l’INPES représentent 23,3 millions d’euros. Ces montants nous permettent de poursuivre les actions de prévention et d’information sur les comportements en orientant nos campagnes d’information vers certains publics. Parmi les plus touchés : les migrants, les homosexuels, les populations des départements des Antilles françaises. Ces crédits vont nous permettre de renforcer la prise en charge extra-hospitalière et les actions de proximité en collaboration avec les associations locales.

Nous voulons bien sûr persévérer dans le champ de la prévention. Le préservatif à 20 centimes d’euro comme la mise en place généralisée de distributeurs dans les lycées et les hôpitaux doivent contribuer à changer les comportements, comme c’est le cas en Italie, en Allemagne et en Angleterre. Il s’agit enfin d’améliorer la qualité de vie des personnes atteintes du sida tant à domicile qu’à l’hôpital et de leur apporter un soutien accru en termes de thérapies tout en changeant le regard, comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, sur les personnes séropositives. C’est la raison pour laquelle nous financerons cette année encore 150 nouvelles places en appartements de coordination thérapeutique.

D’autres actions importantes témoignent de notre volonté de nous mobiliser sur chaque plan de santé publique. Avec le deuxième programme national nutrition santé, le PNNS 2, lancé le 6 septembre dernier, et auquel nous consacrerons 47 millions d’euros en 2007, dont près de 5 millions d’euros au titre de la mission « Santé », nous entendons améliorer l’état de santé de la population en agissant sur l’un de ses déterminants principaux, mais pas le seul, l’alimentation. Dès la fin de l’année, les industriels signeront les premiers engagements qui porteront sur la composition nutritionnelle des aliments, sur leur présentation et leur promotion.

Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec vous, monsieur Le Guen, : il est vrai que si nous raisonnons uniquement « budget du ministère de la santé » contre « budget de l’agroalimentaire », je ne suis pas certain que nous obtiendrons des résultats durables. En revanche, l’évolution des comportements est non seulement possible, mais j’ai tendance à croire qu’elle est en marche de la part des industriels. Mais nous ne devons pas nous contenter de ces premiers signes si nous voulons éviter une forme de dérive à l’américaine, qui, pour moi, n’est pas une fatalité. J’ai le sentiment que la lutte contre l’obésité transcende nombre de clivages politiques.

Une chose est certaine : un plan global de prise en charge de l’obésité garantira aussi le dépistage précoce et l’orientation des personnes atteintes de surcharge pondérale. Je suis aussi très attaché au développement des pratiques curatives. Prévenir est une chose, mais nous devons aussi guérir. Dans cet esprit, je me suis engagé à mettre en place des structures hospitalières qui nous permettent de prendre en charge dans chacune des régions les personnes obèses.

Avec le programme « Santé mentale » qui finance une partie du plan « Psychiatrie et santé mentale » à hauteur de plus de 6 millions d’euros, nous avons voulu adopter une démarche globale de prise en charge des troubles de la santé mentale afin d’offrir à l’ensemble des patients, à tout moment de leur pathologie, des soins adaptés et de qualité. En 2007, notre objectif sera de renforcer la prévention de la dépression et du suicide, notamment grâce à des campagnes d’information de l’INPES et à la formation des professionnels. Prochainement, nous aurons l’occasion d’en débattre dans le cadre du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.

Nous avons l’ambition de poursuivre nos efforts dans le domaine des maladies rares afin de garantir à l’ensemble de nos concitoyens qui souffrent de telles pathologies une prise en charge de qualité : près de 736 000 euros seront consacrés à cette politique.

Avec la mission « Santé » nous voulons améliorer la qualité de vie des malades. C’est tout l’enjeu du plan « Qualité de vie et maladies chroniques », que nous lancerons avant la fin 2006. Plus globalement, la mission « Santé » contribue à hauteur de 6,610 millions d’euros au plan « Qualité de vie et handicap ». C’est également le sens du plan « Périnatalité » auquel elle consacre près de 1,25 million d’euros, qui doivent permettre d’améliorer l’information de la femme enceinte sur les pratiques à risques pendant la grossesse.

Améliorer la qualité du système de soins, c’est aussi prendre en compte l’ensemble des déterminants pouvant conduire à l’apparition de symptômes et de maux. Le plan « Violence et santé » qui sera présenté avant la fin de l’année s’assigne pour objectif de lutter contre les comportements violents : l’année 2007 sera consacrée à la mise en œuvre, tant au niveau national que régional dans le cas des PRSP, des recommandations qui seront issues du plan.

Notre système de santé doit prendre en compte les défis de demain. Vous le savez, la lutte contre la maladie d’Alzheimer sera proclamée grande cause nationale en 2007. Nous voulons, l’année prochaine, mieux prendre en compte l’ensemble des maladies liées au vieillissement. Cette priorité, qui a toujours été au cœur du projet politique du Gouvernement, se traduit par une multiplication par six des crédits consacrés à la prise en charge de ces pathologies, qui passent de près de 159 000 euros à un million d’euros en 2007. Plus globalement, et grâce aux crédits de la CNSA et de l’ONDAM médico-social, nous avons fait de la prise en charge de la dépendance un des grands chantiers de la législature.

Je veux insister également, comme vous l’avez fait les uns et les autres, sur la lutte contre toutes les formes d’addiction : le tabagisme, bien sûr, l’alcoolisme aussi, mais pas seulement. Plus de 11 millions d’euros sont consacrés dans le budget de l’État à des actions de prévention et de prise en charge des toxicomanes, ainsi qu’à la formation des professionnels de terrain.

La prévention est un élément central du programme de lutte contre les drogues et les toxicomanies, et je remercie Michel Heinrich d’avoir mené une étude sur la lutte contre ce fléau.

Le plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies est à nouveau doté d’importants moyens en 2007. Nous voulons renforcer notamment la coordination des différents volets et accentuer le rôle du centre interministériel de formation anti-drogues. J’ai bien conscience aussi qu’il nous faut opérer une plus grande clarification des rôles entre l’administration du ministère, qui dispose des structures adaptées pour la gestion des crédits, et la Mission interministérielle de lutte contre les toxicomanies, la MILDT, recentrée sur son rôle de coordination interministérielle. Cela suppose notamment que les crédits qui ont été transférés l’année dernière vers ce programme soient réintégrés au sein du programme « Santé publique et prévention » afin de financer les actions dans le domaine des addictions. Je me réjouis que les rapporteurs approuvent ce rétablissement des crédits.

S’agissant du manque de visibilité des moyens en matière de lutte contre la toxicomanie, sujet que vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, sachez que je suis tout à fait ouvert à une réflexion sur les méthodes permettant d’améliorer le contrôle parlementaire.

Je vais par ailleurs annoncer à la mi-novembre, conformément aux vœux du Président de la République, un plan global de lutte contre les addictions, qui aura pour ambition d’améliorer leur prise en charge. La mise en œuvre du plan sera assurée par le ministère de la santé et son suivi sera confié à la commission « addictions ».

Notre objectif demeure la poursuite de la politique de réduction des risques, qui – je partage votre analyse, monsieur le rapporteur – a largement démontré son efficacité. En dix ans, la proportion de toxicomanes infectés par le VIH a été divisée par quatre tandis que l’usage des drogues est devenu marginal dans les causes de nouvelle contamination : moins de 2 %. Les overdoses mortelles ont, quant à elle, été divisées par cinq. Mais il n’est pas question aujourd’hui de se livrer à un bilan qui pourrait être assimilé à un quelconque exercice d’autosatisfaction. Nous devons nous donner les moyens de continuer à œuvrer dans cette direction.

Il s’agit d’abord, vous l’avez dit les uns et les autres, de réduire le nombre de nouveaux consommateurs par la prévention de l’usage des drogues. Il importe notamment de mener des actions d’information et d’éducation pour la santé dans tous les milieux que fréquentent les jeunes, au premier rang desquels l’école. Nous ne pouvons considérer comme une fatalité l’explosion de la consommation de telle ou telle drogue. Il faut souligner que la séance annuelle de prévention prévue par la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004 est aujourd’hui bien mise en œuvre, mais cela ne saurait suffire.

Il s’agit ensuite de soigner les consommateurs et surtout de les aider à renoncer à l’usage de drogues. C’est la mission des 250 centres de soins spécialisés pour les toxicomanes. Quatre communautés thérapeutiques devraient ouvrir d’ici au premier semestre 2007, dont l’une outre-mer, en Guyane. C’est également l’un des objectifs du plan global de prise en charge des addictions que j’évoquais à l’instant.

Il s’agit, enfin, de réduire les conséquences graves liées à l’usage de la drogue, tant que son arrêt n’est pas acquis. Je pense notamment aux éventuelles contaminations par le virus de l’hépatite C. C’est la raison pour laquelle j’ai tenu à écrire à tous les directeurs de centre pour les inviter à délivrer un message de prévention systématique à tous leurs patients.

Je voudrais également vous présenter le programme « Offre de soins et qualité du système de soins », doté d’un peu plus de 104 millions d’euros, ce qui représente une augmentation de 2,29 % par rapport à l’an dernier.

Garantir la meilleure offre de soins, c’est assurer une offre de soins de qualité mais aussi une offre de soins suffisante et accessible aux usagers.

Il s’agit tout d’abord de pérenniser et d’améliorer le bon niveau de l’offre de soins avec une dotation de 67 millions d’euros. Cela concerne la formation, la mise en place d’une politique de dynamisation de la recherche à l’hôpital et le financement des avancées dans le domaine de la télémédecine. Un effort tout particulier a été fait en faveur de la formation, notamment grâce à la mise en place du stage de médecine générale pendant le deuxième cycle auquel ce programme consacre 5 millions d’euros pour la présente année universitaire. L’objectif est de faire connaître le plus tôt et le mieux possible le métier de généraliste en cabinet libéral pour améliorer l’attractivité de cette spécialité de premier recours.

Plus globalement, je m’attache et je m’attacherai en permanence à donner à la médecine générale la place centrale qui lui revient. Cela passe par l’ouverture – enfin ! diront certains – de la filière universitaire. J’ai ainsi signé le 26 octobre, aux côtés du ministre de l’enseignement supérieur, un arrêté inscrivant la médecine générale au Conseil national des universités. J’ai bien conscience que le travail du ministre de la santé n’est pas achevé en la matière.

Autres professions qui retiennent toute notre attention, rassurez-vous, monsieur Préel, celles des sages-femmes et des infirmières, avec lesquelles nous travaillons : au-delà même des conditions d’exercice, les conditions de formation nécessitent des réponses, même si elles ne sont pas sans conséquences financières et économiques : ne nous voilons pas la face.

Le programme « Offre de soins » a aussi vocation à soutenir la modernisation de notre système de santé. Nous accompagnent dans ce cadre les agences nationales, telles que la Haute autorité de santé ou l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation, mais aussi les instances régionales. Ainsi les ARH bénéficieront-elles d’un soutien financier à hauteur de près de 22 millions d’euros pour leur mission de coordination. L’ATIH, quant à elle, recevra les moyens d’employer des personnels supplémentaires pour mieux piloter les établissements de santé et leur système d’information médicalisée.

L’année 2007 nous donnera aussi l’occasion d’améliorer la gestion des carrières des directeurs d’établissement et des praticiens hospitaliers. La création du Centre national de gestion, doté de moyens jusque-là affectés à la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, répondra à ce besoin tout en permettant à l’administration centrale de se recentrer sur ses compétences stratégiques.

Ambition et détermination sont les principes qui caractérisent notre action en matière de santé publique et qui se concrétisent avec l’effort sans précédent que représente la mission « Santé » dans le projet de loi de finances pour 2007. Nous voulons toutes et tous un système de santé plus moderne, mieux coordonné, moins cloisonné et certainement davantage tourné vers les patients. Nous sommes déterminés à lutter contre les fléaux de santé publique et à faire reculer les barrières de l’espérance de vie. En outre, parce que nous avons bien compris, les uns et les autres, que l’enjeu n’est pas seulement la quantité de vie mais aussi la qualité de vie, nous devons également agir en respectant les principes qui sont au fondement même de notre pacte républicain : la justice, l’équité et la solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Questions

M. le président. Nous en venons aux questions.

Pour le groupe communiste et républicain, la parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le ministre, ma collègue Jacqueline Fraysse n’ayant pas obtenu de réponses claires à propos de la médecine générale et des conditions de formation des étudiants dans le cadre de l’examen du PLFSS, nous souhaitons vous interroger encore plus précisément sur ces thèmes.

D'ici à dix ans, la France va connaître une pénurie sans précédent de praticiens, qui touchera tout particulièrement la médecine générale, premier maillon du parcours de soins. Selon l'Association nationale des étudiants en médecine de France, 686 postes d'internes en médecine générale manqueront cette année et viendront s’ajouter aux 1 500 postes non pourvus en 2004 et 2005. D'après Le Quotidien du médecin, de nombreux CHU du Centre, du Nord-Est et de l’Ouest de la France devront faire face cette année encore à une pénurie d'internes en médecine générale : 47 postes sur 130 seront ainsi vacants à Nancy, 34 sur 95 à Dijon, 41 sur 91 à Reims, 44 sur 95 à Caen, 47 sur 120 à Tours, 20 sur 55 à Angers et 26 sur 100 à Amiens.

Cette désaffection résulte pour une grande part du manque d'attractivité de cette discipline et des conditions difficiles d'exercice comme de rémunération. Autant d'éléments qui freinent les étudiants dans leur engagement en faveur de la médecine générale, discipline non officiellement reconnue à l'université.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Plus maintenant !

Mme Muguette Jacquaint. C'est pourquoi nous soutenons la nécessaire création d'une filière universitaire de médecine générale, unanimement réclamée par les différents syndicats de médecins généralistes. Nous savons que les décrets sont prêts et signés : quand seront-ils publiés et quand prendront-ils effet concrètement ?

J'ajoute que cette décision nécessite des financements que nous n’avons pas retrouvés dans ce budget.

Enfin, dans le cadre de cette filière, nous souhaitons savoir si vous êtes prêt à satisfaire la proposition de mise en place d'un stage de médecine générale pendant le deuxième cycle des études de médecine et si vous comptez titulariser rapidement les professeurs associés de médecine générale.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Madame Jacquaint, je précise d’abord que je viens de signer, le 26 octobre, l’arrêté créant l’option de médecine générale au sein du Conseil national des universités.

S’agissant de la médecine générale, je ne partage pas votre sentiment. Nous revenons de très loin et tout n’est pas réglé, mais cela va quand même mieux. Il nous faut continuer ce mouvement de reconnaissance, qui passait par la création d’une filière universitaire.

Nous n’allons pas nous livrer à une bataille de chiffres mais il est utile de préciser qu’en 2005, près de 900 postes n’étaient pas pourvus en médecine générale contre 331 en 2006, soit presque trois fois moins. Mais il en reste 331 et ce n’est pas dans cinq ou dix ans qu’il faudra pleurer en se disant que si l’on avait su, on aurait mis en œuvre une véritable politique en faveur de la médecine générale. Les postes non pourvus, nous le savons, se situent davantage dans le Nord-Est, le Nord-Ouest et à l’Ouest. Ce n’est pas l’attractivité de la discipline en elle-même qui pose problème mais le fait qu’il y a dans ces régions davantage de zones sous-médicalisées, ce qui alourdit la charge de travail. Nous sommes avant tout confrontés au problème des conditions d’exercice du métier. Et c’est sur ce point que nous devons apporter des réponses : nous en avons déjà abondamment parlé lors du PLFSS.

J’ai bien conscience qu’il faut traiter le problème en amont, d’où la nécessité de la création d’une filière universitaire et de la mise en place du stage. Cela fait des années que des mesures en ce sens auraient dû être prises, mais c’est seulement maintenant qu’on les finance. Reste que les conditions d’exercice sont tout aussi importantes. Si l’on considère que la médecine de premier recours joue un rôle vital dans notre pays, il faut lui donner des moyens. Mais cela ouvre un autre débat qui ne relève pas du budget de l’État mais du projet de loi de financement de la sécurité sociale. À partir du moment où la médecine générale devient une spécialité, il faut en tirer les conclusions qui s’imposent, notamment s’agissant de la rémunération des médecins. J’ai cru comprendre des débats parlementaires que ce point faisait consensus. Il faudra simplement en assumer les conséquences économiques.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour une seconde question.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le ministre, depuis le 19 juin 1999, vingt-neuf pays dont la France ont ratifié la déclaration de Bologne visant à la création d'un espace européen de l'enseignement supérieur.

L'instauration du LMD demande une réorganisation, voire une création, de parcours pour certaines professions, notamment pour les filières médicales, pharmaceutiques et paramédicales, parmi lesquelles on compte les kinésithérapeutes et les sages-femmes. Dans ce contexte, les ministères de la santé et des solidarités et de l'enseignement supérieur ont mis en place une commission sur l'intégration de ces filières. À la suite de la publication du rapport Thuillez issu de ses travaux, les étudiantes sages-femmes ont manifesté leur mécontentement devant l'absence de prise en compte de leurs aspirations pour faire évoluer la formation de leur profession. En effet, elles souhaitent voir intégrer dans le cadre de la réforme LMD une filière universitaire destinée à la formation aux métiers de la santé et, en son sein, une filière liée à la périnatalité, dimension complètement écartée par le rapport. Aussi défendent-elles légitimement un parcours de formation en cinq années d'études sanctionné par un diplôme national de master concomitant à l'obtention du diplôme d'État. Ces options n’ont pas été retenues par le rapport malgré l'intérêt qu'elles suscitaient.

En conséquence, nous souhaitons savoir si le Gouvernement entend prendre en compte les propositions des étudiantes sages-femmes ? Compte-t-il poursuivre la concertation avec leurs représentants pour faire aboutir l'élaboration d'un master obtenu sur cinq ans de formation, avec un contenu qui pourrait être constitué d'un choix de professionnalisation ou de recherche ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Madame Jacquaint, la réponse est oui !

Après la ratification d’un tel accord, il ne faut pas traîner les pieds mais il ne faut pas non plus se voiler la face. En effet, chaque fois que l’on agit sur la qualification d’une profession, cela a des conséquences sur sa rémunération. La question se pose pour les sages-femmes mais aussi pour l’ensemble des professions paramédicales, et notamment pour les infirmières et infirmiers. Je leur ai dit que les conséquences étaient loin d’être minimes.

Pour ma part, je veux anticiper une crise des vocations. Voilà pourquoi nous avons besoin de confirmer aux professions concernées la direction engagée. Vous avez parlé de concertation. Nous en sommes même au temps des décisions, quant au calendrier et aux modalités. Et il conviendra même de revoir la maquette des contenus, car ce sont aussi ces questions-là qui sont posées.

Bien évidemment, se pose en aval la question des conditions d’exercice et de rémunération, mais aussi du contenu. Oui, nous travaillons sur ce sujet et nous avons besoin de finaliser toute une méthode de travail pour avoir une démarche conjointe entre l’éducation, l’enseignement supérieur et la santé. Car on a eu bien souvent le sentiment que tel ministère renvoyait la balle à tel autre. En réalité, aujourd’hui, la détermination est la même. Et voici venu, je le répète, le temps des décisions.

Mme Muguette Jacquaint. Je m’en félicite !

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Denis Merville. Monsieur le ministre, mon collègue Denis Merville, qui n’a pu nous rejoindre, m’a prié de poser sa question.

La santé publique, avec ses hommes, ses locaux et ses équipements, est un objectif majeur de notre politique sociale, économique et d’aménagement du territoire. En Haute-Normandie, la santé est une préoccupation de longue date. Mais aujourd’hui, de nombreux indicateurs sont mauvais. Si notre pays est l’un des premiers au monde en matière de densité médicale, il souffre d’une mauvaise répartition de ses effectifs, tant libéraux que publics.

Selon une récente enquête, la région havraise est mal placée. Elle est en effet à la trente-sixième et dernière place en matière d’offre de soins, à la vingt-cinquième pour l’état de santé et à la trente et unième pour l’environnement. Les raisons sont anciennes et nombreuses : elles sont liées à la pollution, à l’environnement, à l’alcoolisme, aux problèmes sociaux et d’exclusion. Certes, des efforts ont été réalisés ces dernières années, mais la sous-médicalisation demeure dans la région havraise et le bassin de la Seine.

La Haute-Normandie est confrontée à un grave déficit de démographie médicale qui s’accroîtra dans les prochaines années, notamment en raison du vieillissement de la population. Notons d’ailleurs qu’un haut normand bénéficie de 1 400 euros par an, soit 21 % de moins que la moyenne nationale, qui est de 1 790 euros.

Ce déséquilibre de la démographie médicale se retrouve en termes de morbidité et de mortalité selon la formule « les malades sont au nord, les médecins sont au sud ». La Seine-Maritime est le département le plus en souffrance en matière de surmortalité et de surmorbidité. Aussi le rééquilibrage de la démographie médicale est-il un combat à mener aujourd’hui mais également dans les années à venir.

Monsieur le ministre, quel levier d’action proposez-vous pour améliorer la démographie médicale ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, il faut tout d’abord relever le nombre de médecins et c’est pourquoi le numerus clausus a été augmenté de 50 %, entre 2002 et 2007, passant de 4 300 à 7 000. Ce chiffre sera maintenu jusqu’en 2010, même s’il faudra sans doute aller au-delà de 7 000 avant cette date, en raison notamment du développement du temps partiel. Et que l’on ne me réponde pas que la féminisation de la profession est la seule responsable de ce temps partiel : les hommes sont aussi concernés !

Comme je l’ai déjà dit dans le cadre du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, je crois à l’incitation, mais il faut se donner le temps de l’évaluation. Les professionnels de santé doivent être mieux rémunérés s’ils s’installent dans les zones sous-médicalisées ; encore faut-il qu’elles soient bien définies. À cet égard, j’ai demandé aux missions régionales de santé de revoir le premier zonage qui avait été effectué pour qu’on n’hésite pas à dépasser la barrière administrative, par exemple du canton.

En attendant l’arrivée des nouveaux médecins, il faut donner la possibilité à ceux qui sont près de la retraite de prolonger leur activité de quelques années. Voilà pourquoi j’ai relevé le plafond du cumul entre activité et retraite.

Enfin, s’agissant des conditions d’exercice, l’avenir est sans doute aux cabinets de groupe, et plus particulièrement dans les zones sous-médicalisées, avec une logique de maisons de santé, qui regrouperaient des médecins généralistes, dont certains pourraient très bien avoir ouvert un cabinet secondaire, mais aussi des infirmières, des kinésithérapeutes, voire des chirurgiens-dentistes. On pourrait y disposer d’un matériel portable qui ne pose aucun problème en termes d’accès aux soins.

J’ai la faiblesse de croire que l’incitation est la seule voie. La coercition ne marcherait pas. En tout état de cause, elle ne peut pas changer les règles du jeu pour des étudiants qui sont déjà engagés dans les études de médecine.

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-l’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu votre réponse sur la démographie médicale, mais je veux appeler votre attention sur les problèmes qui se posent dans les territoires ruraux. Soucieux d'y attirer des professionnels de santé pour pallier la pénurie de médecins généralistes et spécialistes, je m'interroge sur la complexité et la diversité des dispositifs mis en place dernièrement. Manifestement, les professionnels et les administrations ne s'y retrouvent pas et se retournent vers nous, élus locaux, qui avons beaucoup de mal à leur répondre.

Et pour cause ! Aux mesures votées dans le cadre de la loi sur les territoires ruraux en faveur du maintien et du développement de l'activité des professions de santé dans les zones déficitaires, doivent s'articuler celles de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie et les nouvelles mesures annoncées dans le cadre du plan de démographie médicale. Chaque dispositif, qui concerne des aides de l'État mais également des ARH, des URCAM, de la DGE, de la DDR, ainsi que des collectivités locales, s’accompagne de critères d'éligibilité qui se superposent sans articulation aucune. À titre d'exemple, seules 56 communes sur les 185 que compte la Lozère sont répertoriées comme zones sous-médicalisées et peuvent donc bénéficier à ce titre de mesures de soutien aux médecins selon la loi relative à l'assurance maladie, alors même que l'ensemble du département est classé en zone de revitalisation rurale, condition pour bénéficier des dispositions de la loi relative au développement des territoires ruraux de février 2005.

Tout cela sans compter que les médecins spécialistes sont les grands oubliés de ces mesures, tout comme les médecins déjà installés, qui seraient presque prêts à partir pour mieux revenir.

Il conviendrait, me semble-t-il, dans un souci de cohérence, d'homogénéiser l’ensemble de ces mesures.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, je connais votre engagement en la matière. Je me souviens de m’être rendu dans votre département avec le Premier ministre et d’avoir vu que vos nombreux efforts étaient couronnés de succès.

Je vous rappelle que je tenais les mêmes propos que les vôtres lors de l’examen du texte sur le développement des territoires ruraux. J’avais d’ailleurs indiqué que l’amendement qui avait été adopté, à l’initiative d’un de vos collègues bretons, risquait de soulever des problèmes de compatibilité avec le plan de démographie médicale. Le Gouvernement avait été battu sur ce sujet. Mais force est de reconnaître aujourd’hui qu’en matière d’articulation on aurait pu mieux faire.

Voilà pourquoi je souhaite que le nouveau zonage, qui sera opérationnel au début de l’année prochaine, ne prenne en compte que des critères identiques et que l’ont n’ait pas de problèmes existentiels pour savoir dans quelle zone on se situe et si l’on est éligible ou non à tel ou tel dispositif.

Les médecins déjà installés bénéficieront ipso facto des mesures si tant est qu’un jour les partenaires conventionnels que sont l’assurance maladie et les syndicats de médecins daignent enfin appliquer avec un an de retard ce qui a été voté à l’unanimité par le Parlement. Ça commence à bien faire ! Mais il faut croire que la vie conventionnelle est tellement intense qu’ils n’ont pas trouvé le temps de le faire ! Le fait n’est pas suffisamment courant pour que je me plaise à répéter que ce débat avait dépassé les clivages gauche-droite.

J’ajoute que ceux qui exercent en dehors d’un cabinet de groupe peuvent bénéficier du même dispositif quand ils se font remplacer. J’ai veillé avec pragmatisme à ce que personne ne soit oublié.

Nous avons également souhaité mettre en place une forme de guichet unique pour donner toutes les informations nécessaires. Enfin, nous avons repris un amendement d’un parlementaire pour que les collectivités locales puissent intervenir en plus des dispositifs gouvernemental et conventionnel.

C’est vrai, il y a beaucoup d’acteurs et de nombreuses aides, mais c’est tout simplement parce les besoins sont importants et anciens.

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Monsieur le ministre, ma question concerne deux établissements hospitaliers de ma circonscription, dans le Vaucluse.

En ce qui concerne le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le passage à la T2A à 50 % dans les hôpitaux publics de façon uniforme sur le territoire, ne serait-il pas plus juste de revoir et d'adapter cette tarification à l'activité en fonction des établissements et de leurs missions en tenant compte de l'aménagement du territoire et des difficultés conjoncturelles de démographie médicale dans certains établissements ?

Dans ma circonscription, deux établissements pâtissent de l'application uniforme de cette réforme. Le centre hospitalier d'Orange, dont l’activité ne cesse de croître, est pénalisé par de trop faibles dotations globales et une MIGAC insuffisante. Il souhaiterait passer à une T2A supérieure à 50 %.

À l’inverse, le centre hospitalier de Valréas, dont je préside le conseil d'administration, connaît une double difficulté. Le remplacement de deux praticiens spécialistes a entraîné une baisse importante de l'activité et par conséquent des recettes pour l'exercice 2006. Avec une T2A à 35 %, c'est relativement pénalisant. Ensuite, la MIGAC est particulièrement faible en comparaison avec d'autres hôpitaux ayant une même mission de service public. Ainsi certains établissements de même taille ont-ils une dotation pérenne de plusieurs centaines de milliers d'euros par an. Cette allocation, selon les termes du décret du 8 avril 2005 pour maintenir une maternité sécurisée et autonome, représenterait pour le centre hospitalier de Valréas un soutien précieux au maintien du service public, et en particulier à la prise en charge des femmes enceintes dans un centre périnatal de proximité, actuellement totalement soumis à la T2A.

Monsieur le ministre, avec l’ensemble des membres du conseil d’administration, nous avons sollicité un rebasage à titre exceptionnel d'un montant de 300 000 euros pour le centre hospitalier de Valréas, et une aide conséquente pérenne pour le centre hospitalier d'Orange, autour d’un million d’euros au titre de l'aide à la contractualisation.

Je me doute que vous devez recevoir un certain nombre de demandes similaires, mais je me permets d’insister car le centre hospitalier de Valréas, géographiquement situé à l’extrême nord du Vaucluse, dessert en réalité le sud de la Drôme et de la région Rhône-Alpes. Pour une fois – et c’est rare – M. Mariton serait d’accord avec moi ! Je crois que nous serions côte à côte pour défendre cet établissement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, il est vrai que les demandes sont nombreuses, mais je vous rappelle que, chaque année, vous avez voté une augmentation du budget des hôpitaux de 2 milliards d’euros. Cela me permet de tordre le cou à une idée communément reprise par certains, selon laquelle il n’y aurait pas d’argent pour financer l’hôpital. Je n’ai jamais vu, dans notre pays, un hôpital fermer ses portes le 30 novembre faute de financement, et je n’ai pas vu non plus de patients moins bien pris en charge en décembre qu’en janvier. Il y a des moyens pour l’hôpital ; l’important est de savoir comment les utiliser au mieux.

Voilà pourquoi je pense que l’avenir, s’il n’est pas aux fermetures d’hôpitaux, est certainement aux complémentarités. La mise en œuvre de la tarification à l’activité permet de progresser dans la voie d’une rémunération par l’activité mais aussi de tenir compte, surtout au début, des ajustements nécessaires.

Nous avons constaté que l’activité progresse au centre hospitalier d’Orange, même si des questions se posent quant au recouvrement des recettes. Les procédures devront certainement être harmonisées, mais une chose est certaine : nous avons besoin d’aider ce centre hospitalier. Voilà pourquoi une aide exceptionnelle lui sera attribuée pour un montant de 1,1 million avant la fin de l’année 2006. Nous en avons parlé avec l’ARH de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur. L’ARH sera aux côtés du centre hospitalier pour savoir de quelle façon nous pouvons aussi donner de la lisibilité et de la visibilité pour l’avenir.

S’agissant du centre hospitalier de Valréas, il faut aussi donner des gages pour l’avenir. Nous avons décidé de lui octroyer 300 000 euros reconductibles en attendant la signature d’un contrat de retour à l’équilibre. Cette somme sera bien versée avant la fin de l’année. Ce montant pourra être pérennisé dans le cadre de la conclusion d’un contrat d’objectifs et de moyens, et l’État assumera tous les engagements qu’il aura contractualisés.

Monsieur le député, je sais que ces dossiers vous tiennent à cœur. L’État, quant à lui, aura à cœur de donner de la lisibilité et de la visibilité à ces établissements et donc à la population.

M. le président. La parole est à M. Gérard Grignon.

M. Gérard Grignon. Monsieur le ministre, j'attire votre attention sur l'extrême vétusté, voire la dangerosité, de l'établissement hospitalier François-Dunan à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Déjà, en janvier 1995, voici onze ans, la commission de sécurité qui avait, à ma demande, visité l'établissement, avait émis un avis défavorable à la poursuite de l'exploitation. Elle avait même suggéré « qu'une mesure de fermeture immédiate soit prononcée par le préfet de l'Archipel ». Vous imaginez bien que les travaux urgents et coûteux réalisés ces dix dernières années sur ce vieil édifice sont loin d’avoir résolu tous les problèmes. Dès 1995, donc, le conseil général de la collectivité territoriale a pris la décision de construire un nouvel hôpital. L’opération a été inscrite au quatrième contrat de plan État-région pour la période 2000-2004 mais, pour différentes raisons d’ordre local, comme des hésitations sur le lieu d’implantation ou les difficultés rencontrées par les entreprises pour procéder à des estimations financières, seuls quelques travaux de terrassement ont été exécutés.

Malgré ces vicissitudes, dont votre département ministériel n’est en rien responsable, le Gouvernement a-t-il l’intention de maintenir la construction de ce nouvel hôpital ? Considère-t-il qu’il s’agit d’une priorité ? Si oui, quel est le calendrier de réalisation des travaux ? Sachant que l’enveloppe budgétaire semble arrêtée à 42 millions d’euros, quelle sera la contribution de l’État, compte tenu du grave déséquilibre budgétaire dont a hérité la nouvelle équipe qui vient de prendre en main la destinée de la collectivité et de la faible marge de manœuvre financière de l’établissement François-Dunan ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. À vos deux premières questions, je réponds oui, monsieur le député. Vous êtes mobilisé sur ce dossier depuis longtemps et les réponses sont en attente depuis longtemps aussi.

L’appel d’offres qui a été lancé s’est révélé infructueux en raison du dépassement de l’enveloppe initiale. Cela étant, il faut tenir compte des spécificités de l’archipel. Saint-Pierre-et-Miquelon a besoin d’un hôpital qui puisse garantir une mission de recours. Cela fait aussi un certain temps que les premiers projets ont été conçus, si bien que les devis doivent aujourd’hui être revus.

Voilà pourquoi un nouvel appel d’offres va être lancé au début de l’année 2007. Il tiendra compte des besoins réels et les enveloppes initiales seront actualisées. En tout état de cause, nous avons bien conscience que l’établissement n’a pas les mêmes capacités d’autofinancement que d’autres. Je peux vous garantir que l’État assumera ses responsabilités et qu’ayant le souci de construire l’avenir du territoire en termes de santé, il permettra à l’hôpital de Saint-Pierre-et-Miquelon d’exercer une mission de recours, conformément à vos attentes et surtout à celles de la population.

M. le président. Nous passons aux questions du groupe Union pour la démocratie française.

La parole est à M. Gilles Artigues.

M. Gilles Artigues. Monsieur le ministre, ma question, à laquelle s’associe François Rochebloine, concerne la situation des sages-femmes dans le département de la Loire, qui déplore l’absence d’école spécialisée. Saint-Étienne est la seule ville universitaire de France à en être dépourvue depuis que, en juin 2001, Brest et Nice ont ouvert la leur.

Les nombreuses démarches entreprises en particulier par l’ordre des sages-femmes du département, dont la présidente assiste à nos débats, sont restées lettre morte. Résultat : une fois leur première année de médecine terminée, les étudiantes doivent quitter la Loire pour rejoindre les établissements de Lyon ou de Bourg-en-Bresse, qui accueillent respectivement sept et cinq Ligériennes par promotion, avec, pour les parents, les contraintes financières que représente la location d’un logement. Après avoir suivi leur quatre années d’études, les douze apprenties sages-femmes reviennent presque systématiquement dans la Loire pour faire leur stage dans l’un des sept établissements concernés : Feurs, Firminy, Montbrison, Saint-Chamond, Roanne, le CHU et le CHPL de Saint-Étienne. Une préoccupation de proximité est donc couplée à celle des effectifs.

En tout, la Loire compte 255 sages-femmes pour plus de 10 000 naissances chaque année, et des postes sont vacants dans les sept maternités ligériennes. Au niveau stéphanois, tout est prêt pour que cette école fonctionne : le besoin actuel de sages-femmes, les douze étudiantes sages-femmes recrutés selon le numerus clausus en vigueur, le potentiel humain en professionnels de la naissance et de nouveaux bâtiments prévus en 2008.

Pourriez-vous m’indiquer, monsieur le ministre, les dispositions que vous entendez prendre, en liaison avec le conseil régional de Rhône-Alpes qui a désormais compétence en la matière, pour que cette école voie le jour dans les meilleurs délais ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je sais, monsieur le député, que le sujet vous tient particulièrement à cœur et que vous êtes mobilisé depuis bien longtemps sur ce dossier.

Le besoin d’une école de sages-femmes existe à Saint-Étienne et les conditions sont réunies pour sa création. Vous l’avez rappelé, depuis la loi de 2004, ce sont les collectivités locales, notamment les régions, qui sont compétentes en la matière. Mais je ne me contenterai pas dans ma réponse de vous renvoyer vers le conseil régional, car je pense qu’un travail de concertation doit être mené. Et je suis prêt à vous accompagner dans ce projet.

L’effectif des sages-femmes a beaucoup progressé, de l’ordre de 15 % au cours des dernières années, et le numerus clausus aussi, qui est passé de 729 à près de 1 000. Encore faut-il former les étudiantes sur place pour qu’ils puissent rester sur place. Il nous faut dès lors prévoir davantage de lieux de formation, en particulier à Saint-Étienne.

Le ministère, disais-je, est prêt à vous accompagner, tant auprès de la région que des instances hospitalières et universitaires de Bourg-en-Bresse et de Lyon, pour permettre cette implantation. Je vous propose donc d’organiser une réunion de travail entre tous les acteurs concernés afin de faire aboutir ce projet.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Monsieur le ministre, que deviennent les agences régionales de santé expérimentales qui devaient voir le jour avant la fin de 2005 ? Vous nous avez apporté tout à l’heure un début de réponse, mais notre système de santé continue de souffrir d’une séparation artificielle entre la prévention et les soins, entre la médecine de ville et l’hôpital, entre le sanitaire et le médico-social. La loi de santé publique a aggravé ce cloisonnement en créant les groupements régionaux de santé publique présidés par les préfets, tout comme la loi organique qui a institué des sous-objectifs alors que l’UDF souhaitait des objectifs régionaux.

La région est en effet le niveau pertinent pour la politique de santé. Il serait judicieux de disposer à cet échelon d’un responsable unique de la santé qui s’occuperait, outre des soins de ville et d’établissement, de la prévention, de l’éducation à la santé et de la formation des professionnels de santé.

L’UDF souhaite la création d’agences régionales de santé. Nous demandons que leur directeur ne soit pas un préfet sanitaire, mais qu’il soit contrôlé, comme cela est normal en démocratie, par des conseils régionaux de la santé, élus par collèges et dans lesquels siégeraient tous les acteurs de la santé, qui seraient ainsi associés à la décision en amont et à la gestion en aval. Les conseils régionaux auraient la responsabilité de l’ONDAM régionalisé, établi sur des critères objectifs. Ce serait, de notre point de vue, le seul moyen d’obtenir une véritable maîtrise médicalisée des dépenses de santé. L’UDF ne souhaite pas, comme certains le préconisent, une agence nationale, présidée par le ministre de la santé et coiffant les ARS. Le pivot doit être le conseil régional de la santé.

Qu’en est-il des agences régionales expérimentales qui étaient prévues pour la fin 2005 ? Quel sera leur périmètre ? Seront-elles viables sans fongibilité des enveloppes ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je n’ai pas la réponse à votre dernière question, monsieur le député, mais, pour qu’ARS il y ait, encore faudrait-il des candidats. Je vous l’ai dit, je n’attends que cela. Alors que vous réclamiez, lors de la discussion du projet de loi sur l’assurance maladie, la généralisation des ARS, je vous avais répondu qu’il fallait auparavant des expérimentations complémentaires. Je ne me suis pas trompé, nous avons du mal à trouver ne serait-ce que deux régions candidates ! Beaucoup de collectivités se sont déclarées intéressées, mais cela ne suffit pas : il faut vouloir s’engager.

Certains élus aspirent à la régionalisation de la santé. Je me permets de citer M. le président de la commission des finances, qui souhaite expérimenter chez lui une agence régionale de santé, pour pouvoir coller à la réalité en définissant au plus près les besoins. Mais cette action doit être portée par l’ensemble de la collectivité. Or, aujourd’hui, force est de reconnaître que nous n’avons pas de projet bien établi.

Des ARS, oui, mais pour quoi faire ? Quelle est leur vocation ? À ces questions de fond, les réponses peuvent diverger au sein d’une même région. Nous n’en sommes pas à nous demander qui va diriger les ARS ! De manière plus générale, il faudrait qu’aux côtés des acteurs de santé, l’ensemble des élus s’impliquent davantage dans les questions de santé. On le voit, les conférences régionales de santé ne valent bien souvent que par le rôle moteur que peuvent jouer les élus. Je leur lance donc un appel pour expérimenter les ARS. Je n’attends que cela et les projets seront mis en œuvre sans délai : les textes réglementaires ont été publiés.

La seule demande émane de la région Nord-Pas-de-Calais où, contrairement à ce que j’ai cru entendre, l’État ne s’oppose à rien. Il faut seulement se mettre d’accord. Une région doit entrer au conseil d’une ARH avec un objectif précis. Faire de la présence ne suffit pas, il faut aussi accompagner et porter des projets. Je ne demande en aucun cas aux régions de se substituer à l’État. Encore faut-il se mettre d’accord sur la répartition des rôles.

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Monsieur le ministre, je voudrais revenir quelques instants sur l'état d'avancement des travaux relatifs à la prise en charge des actes de traitement des agénésies dentaires multiples par l’assurance maladie. Ces maladies rares tardent à être reconnues par notre système de santé, ce qui est très difficile à vivre lorsque l'on a pas les moyens de financer les indispensables traitements implanto-prothétiques.

Le 28 février dernier, je vous ai interrogé ici même sur ce dossier, en vous donnant lecture de courriers concernant deux cas particulièrement émouvants, et illustrant, s'il en était encore besoin, les difficultés et la souffrance des jeunes adultes atteints par cette maladie orpheline. Vous m'aviez alors fait savoir que la procédure de reconnaissance de l'agénésie dentaire sous ses différentes formes était en cours d'examen auprès de l'instance compétente qu'est l'UNCAM, après avis de la Haute autorité de santé et de l'UNOCAM. D'après les informations en ma possession, des décisions pourraient être prises prochainement ; il semblerait toutefois qu’à l’exception de quelques départements, l'incertitude reste entière quant à une prise en charge satisfaisante pour les assurés.

Ma question est simple, monsieur le ministre : pourriez-vous nous préciser les objectifs du Gouvernement sur cet important dossier ? Pouvez-nous nous confirmer que les actes nécessaires pour le traitement des agénésies dentaires seront réellement inscrits sur la liste des actes remboursables et qu'ainsi tous les malades pourront bénéficier de soins adaptés dans un délai raisonnable ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Oui, monsieur le député, ces soins seront remboursés. Si l’UNCAM n’inscrit pas ces traitements sur la liste des actes remboursables, je le ferai.

Les choses durent parce que les procédures sont lourdes, longues et complexes. Les assurés sociaux ont du mal à s’y retrouver.

Bien que nous discutions du projet de loi de finances, je reviens au PLFSS, qui est le texte destiné à réduire les déficits et à mieux prendre en charge certains soins qui soulagent des affections particulièrement lourdes et douloureuses.

Comme je vous l’avais écrit mi-mars, j’ai saisi la Haute autorité de santé le 23 avril 2006. Pour définir avec précision dix-sept actes médicaux, elle a engagé un travail important et, comme la loi l’y autorise, elle a demandé pour mener à bien son étude une prolongation de six mois. Une fois qu’elle aura rendu son avis, il restera à saisir l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, qui décidera ou non d’inscrire ces traitements sur la liste.

M. François Rochebloine. Ils y figurent déjà dans certains départements.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Quelle que soit la position de l’UNCAM, je prendrai mes responsabilités, comme je l’ai fait pour l’ostéodensitométrie, à propos de laquelle j’ai dû me montrer insistant pour que les délais soient tenus.

Aujourd’hui, les frais liés à l’agénésie dentaire peuvent être pris en charge, mais uniquement avec l’accord des commissions d’action sociale qui peuvent prendre en compte les besoins de personnes aux revenus modestes. Je souhaite que le remboursement soit un droit, indépendant de la saisine des commissions d’action sociale. Nous allons attendre la décision finale de la HAS et de l’UNCAM, mais, si pour une raison ou pour une autre, elle n’était pas positive, je procéderais moi-même à l’inscription.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Monsieur le ministre, Olivier Jardé aurait aimé vous poser lui-même cette question qui porte sur la diminution de l’enveloppe budgétaire consacrée au financement des réseaux de santé, et plus particulièrement à la filière relative aux soins palliatifs.

Avec l'allongement de la durée de la vie, le développement des soins palliatifs devient une nécessité évidente dont la gestion sera de plus en plus lourde. Or, dans son décret du 6 septembre dernier qui modifie l'arrêté du 29 mars 2006 portant répartition de la dotation nationale de développement des réseaux pour 2006, le Gouvernement a réduit de 20 % cette enveloppe budgétaire. Une telle décision risque de compromettre gravement le fonctionnement des réseaux existants de soins palliatifs, qui concourent à l'évolution de notre système de santé en permettant une organisation globale autour du patient pour une prise en charge sanitaire et médico-sociale.

L'allégement de la dotation financière aura donc des conséquences sur la prise en compte et la qualité de la vie des patients atteints d'une maladie grave et celle de leurs proches dans le soutien pratique, émotionnel et médical qui leur est apporté. De fait, cette mesure contribue à fragiliser l'application même de la loi du 9 juin 1999 visant à garantir un droit d'accès aux soins palliatifs.

Afin de ne pas perdre les bénéfices humains et économiques des investissements réalisés depuis cinq ans en la matière, nous souhaitons savoir si cette disposition budgétaire ne risque pas non seulement de fragiliser ces réseaux de santé érigés pour favoriser le recours aux soins palliatifs, mais également de remettre en cause les valeurs de solidarité et d'intégration qui leur sont liés.

Enfin, cette disposition est-elle ponctuelle ou risque-t-elle d'être reconduite dans le budget de 2007 ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, vous participez aux travaux du PLFSS avec une grande assiduité et en faisant montre d’une grande vigilance : vous connaissez donc vous-même la réponse à votre dernière question.

M. Jean-Luc Préel. C’est Olivier Jardé qui la pose ! (Sourires.)

M. le ministre de la santé et des solidarités. Vous vous êtes assurément fait son porte-parole, mais je doute que vous n’ayez pas eu l’occasion d’évoquer ce sujet avec lui : les dotations aux réseaux progresseront en 2007 de 11 millions d’euros par rapport à 2006. Je tiens du reste à vous remercier de me permettre de tordre le cou à une information, ou plutôt une rumeur distillée par certains : aucun projet ne sera remis en cause, aucun ! Le montant total des dépenses relatives aux réseaux progressera même en 2006 de 20 millions d’euros par rapport à 2005 – 130 millions d’euros contre 110 millions. En effet, sur un sujet comme les soins palliatifs, il n’est évidemment pas question de faire moins ni même de faire autant, mais de faire plus et mieux.

L’Assemblée nationale a voté à l’unanimité une loi sur la fin de vie – elle porte le nom de Jean Leonetti, mais elle pourrait porter celui de chacun des parlementaires – : il n’est pas question aujourd'hui d’être en retrait par rapport à l’objectif qu’elle a fixé. Si nous voulons éviter des débats sur la fin de vie, il faut non seulement appliquer cette grande et belle loi, mais également s’en donner les moyens. Telle est la raison pour laquelle il n’y aura aucune remise en cause des réseaux : nous continuerons à les doter comme ils doivent l’être. Ils ont du reste été multipliés depuis 2002.

Nous continuerons dans ce sens également pour une autre raison, monsieur Préel : les réseaux permettent de décloisonner un système de santé qui a bien besoin de l’être.

M. le président. Nous revenons aux questions du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Monsieur le ministre, c’est au nom de M. Merville et en mon nom personnel que je souhaite vous poser cette question. En matière de santé, rien ne vaut la prévention. Nous avons ainsi connu les problèmes liés à l'amiante et au cancer, peut-être demain connaîtrons-nous des problèmes liés aux lignes à haute tension. Aujourd'hui vous poursuivez le plan cancer et nous vous en félicitons. La lutte contre le tabac entre dans cet objectif.

Toutefois, comme élu local, nous sommes également attachés au précieux réseau de commerces de proximité que constituent les bars-tabac, ainsi qu'au rôle essentiel qu'ils jouent dans l'aménagement du territoire : la vie de nos collectivités locales, petites et moyennes, et celle des quartiers difficiles en dépendent, qu’il s’agisse de la Seine-Maritime ou du Vaucluse. C’est pourquoi, afin d'éviter la disparition de ces lieux de convivialité et d'aider les professionnels à poursuivre leurs efforts de diversification, quelles actions, monsieur le ministre, notamment en matière de délai, de compensation et d’aide à la diversification, entendez-vous mener avec eux dans le cadre de la mise en œuvre de cette mesure ? De même, pensez-vous les rencontrer de nouveau, comme ils le souhaitent, à la veille d’entamer un nouveau mouvement – il est annoncé pour lundi prochain ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Votre question concerne la prévention dans le cadre de la lutte contre les méfaits du tabagisme, notamment du tabagisme passif.

J’ai déjà rencontré les représentants de cette profession à de nombreuses reprises et je continuerai à le faire. En ce qui concerne les « compensations » – je vous laisse la paternité du mot –, nous menons aujourd'hui une action qui entre dans le cadre d’un contrat d’avenir, dont le pilotage est assuré par le ministre en charge des petites et moyennes entreprises et du commerce. Par ailleurs, les conclusions du rapport que doit rendre votre collègue Richard Mallié sur le sujet sont très attendues par la profession.

En ce qui me concerne, j’ai voulu tenir compte à la fois des objectifs de santé publique et de l’expérience menée dans les autres pays où, pour certains types d’établissements, un délai plus long a été décidé en vue de permettre leur nécessaire adaptation.

Je rappelle que la mesure d’interdire le tabac dans tous les lieux publics, y compris les bars-tabac, a été prise en vertu de l’arrêt du 30 juin 2005 de la Cour de cassation, aux termes duquel tout salarié, quel que soit le lieu de son exercice, doit être protégé du tabagisme passif. Cette décision ne peut évidemment souffrir aucune dérogation permanente, car elle constitue un impératif de protection. Du reste, les restaurateurs comme les buralistes, loin de remettre en cause le principe de l’interdiction de fumer – pour avoir noté ce qui s’est passé sur le plan européen ils savent bien qu’une telle interdiction est à la fois évidente et inéluctable –, s’étaient seulement mobilisés pour obtenir un délai plus long. Or, même en ce cas, comment protéger les salariés du tabagisme passif et comment mettre à l’abri les gérants des établissements concernés contre d’éventuels recours de leurs salariés ? Il n’y a pas de solution ! Telle est la raison pour laquelle, je le répète, leurs remarques ont toujours porté sur le délai et jamais sur la remise en cause du principe d’interdiction lui-même.

À ce sujet, je tiens à vous faire part de l’expérience personnellement vécue par un patron de restaurant quelques mois avant que nous n’ayons pris cette décision, une expérience qui l’a profondément marqué. Alors qu’il était allé voir un médecin pour passer une radio des poumons, celui-ci lui a demandé, au vu de leur état, s’il n’était pas fumeur. Comme il a répondu qu’il avait arrêté de fumer depuis trente ans, le médecin lui a alors spontanément demandé s’il ne travaillait pas dans la restauration…

Ainsi, le tabagisme passif n’est ni une fable ni une simple thèse scientifique invoquée à l’appui de telle ou telle décision politique : c’est une réalité. Nous le savons : sur les 66 000 personnes qui décèdent chaque année du tabagisme, 6 000 ne fumaient pas ! Allons plus loin : ce n’est pas seulement dans les lieux publics que le tabagisme passif peut frapper, mais également dans les lieux privés : à domicile – là où il n’est pas question d’intervenir par la loi –, il peut atteindre toute personne vivant de façon permanente aux côtés d’un fumeur.

Nous devons enclencher un véritable changement des mentalités et des comportements, afin de faire pour le tabac ce que nous avons réussi en matière de sécurité routière : sauver des vies. C’est pourquoi, même si, ici ou là, des revendications surgissaient sur les modalités de son application, il n’en reste pas moins que l’interdiction par principe de fumer dans les lieux publics est attendue par tous depuis longtemps.

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Monsieur le ministre, ma question, à laquelle je tiens à associer Jean Proriol et Serge Roques, porte sur le financement des maisons de retraite, problème récurrent dans notre pays.

Je souhaite tout d’abord saluer les efforts réalisés par vous-même et par Philippe Bas, notamment dans le cadre du plan « Solidarité grand âge » qui, annoncé récemment, doit conduire à la création de 5 000 places nouvelles en EHPAD, de 6 000 places de services de soins infirmiers à domicile, de 2 125 places d’accueil de jour et de 1 125 places d’hébergement temporaire – mesures qui vont dans le bon sens mais ne sont pas suffisantes.

En effet, la parole se délie sur un sujet considéré jusqu’alors comme un tabou. Nos modes de vie ayant changé, force est aujourd'hui de constater que nous avons de plus en plus de mal à nous occuper de nos anciens, d’autant qu’ils deviennent de plus en plus dépendants. Depuis quelques années, le taux moyen des GMP augmente régulièrement, l’âge moyen des personnes accueillies en structure d’hébergement étant de 83 ou 84 ans. L’entrée dans un établissement reste, autant pour la personne directement concernée que pour ses proches, un traumatisme psychologique, auquel s’ajoute un traumatisme économique, les familles devant souvent supporter le coût de l’hébergement, qui se révèle très élevé.

Je n’ignore pas les difficultés du régime d’assurance maladie, mais il convient de relever cet enjeu du vieillissement, en envisageant des pistes de réflexion sérieuses et pérennes en matière d’hébergement des personnes âgées et en offrant un accompagnement adapté aux patients, ce qui passe par une meilleure formation du personnel à la dépendance et à la maladie d’Alzheimer.

Dans ma commune de Fournels, j’ai créé une maison de retraite de trente-six lits et je suis confronté à un grand nombre de difficultés liées aussi bien aux 35 heures qu’à l’encadrement, l’ergothérapie ou l’animation, sans compter toutes celles auxquelles doit ordinairement faire face une maison de retraite.

Ma question s’apparente à un coup de gueule, mais que faire, monsieur le ministre, pour améliorer le financement des maisons de retraite ? Des réflexions sont-elles menées à leur sujet ainsi que sur la dépendance et sur la maladie d’Alzheimer ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, ce ne sont pas seulement des réflexions qui sont menées, mais également des actions, et vous le savez, puisque c’est un sujet sur lequel vous vous êtes particulièrement investi, que ce soit dans votre département ou au plan national. Nous avons besoin de continuer l’effort d’investissement tout en veillant à peser le moins possible sur le prix payé par le résident. C’est une question de solidarité nationale et de prospective, pour laquelle les élus doivent dépasser le seul cadre de leur mandat et se projeter dans l’avenir.

Nous vivons de plus en plus longtemps : c’est à la fois un fait et une excellente nouvelle. Il convient toutefois d’en tirer toutes les conclusions. Or force est de reconnaître que la réflexion sur le sujet est récente, alors même que la situation exige que nous en tirions déjà des leçons ! Nous avons décidé de le faire. La journée de solidarité, avec la mise en place de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, constitue une des réponses : elle procure chaque année 2 milliards d’euros qui nous permettent de quitter les grands discours sur la dépendance pour aller au rendez-vous des besoins. À cet égard, il faut savoir que la CNSA a permis de financer un plan d’aide à la modernisation des maisons de retraite de 350 millions d’euros. Chacun peut donc porter le jugement qui lui convient sur la journée de solidarité : toujours est-il qu’elle existe et qu’elle nous permet tout simplement d’agir.

Je tiens à rappeler également que les maisons de retraite sont désormais éligibles aux prêts locatifs sociaux, en vertu d’une circulaire de mars 2006, ce qui entraîne d’ores et déjà une baisse de la TVA sur les travaux ainsi qu’une exonération de la taxe foncière durant vingt-cinq ans. De même, les résidents ont désormais la possibilité de bénéficier de l’APL.

Telles sont les mesures qui ont été prises. Je souligne que celle relative à la journée de solidarité et à la CNSA est à la fois structurelle et structurante : elle nous permettra de créer un plus grand nombre de places comme de postes d’aidants et de mettre ainsi plus de personnels à la disposition des établissements concernés, afin de relever le formidable défi de la longévité.

M. le président. La parole est à M. Gérard Grignon.

M. Gérard Grignon. Monsieur le ministre, ma première question est relative à l’ordonnance visant à étendre à Saint-Pierre-et-Miquelon des prestations familiales comme l’allocation de rentrée scolaire ou la PAJE, ainsi que la retraite anticipée pour les salariés qui ont commencé à travailler tôt. Je ne compte plus le nombre des interventions effectuées par les responsables de la caisse de prévoyance sociale et par moi-même sur ce dossier depuis maintenant quatre ans. Vous ne l’ignorez pas. Sur votre initiative, du reste, un projet d’ordonnance, devant être appliqué au 1er août 2005, fut soumis pour avis au conseil général le 5 juillet 2005, avant de s’égarer dans les dédales des couloirs ministériels puis de réapparaître, victime d’un pushing ball entre les ministères concernés. Bref, en novembre 2006, l’ordonnance n’est toujours pas appliquée. Elle serait en attente d’un IRM au Conseil d’État, à la CNAF ou à la CNAM, nul ne le sait !

Tout cela devient franchement ridicule, voire grotesque, d’autant qu’après l’ordonnance doit arriver le décret. Ma question est simple : où en est-on ? Le Gouvernement veut-il oui ou non étendre les dispositions susdites à Saint-Pierre-et-Miquelon et quand ?

Je tiens également à appeler votre attention sur le pouvoir d’achat des salariés du secteur privé à Saint-Pierre-et-Miquelon. Vous le savez, une loi a institué en juillet 1987 un système, spécifique à l’archipel, d’assurance vieillesse : les pensions sont revalorisées automatiquement du même taux et à la même date que dans le régime général de la sécurité sociale, mais avec une revalorisation supplémentaire, décidée par les ministres de la sécurité sociale et du budget, lorsque l’évolution des salaires dans l’archipel diffère dans une proportion déterminée de celle constatée en métropole. Or la vie est extrêmement chère à Saint-Pierre-et-Miquelon, notamment en raison de l’augmentation considérable du prix du fioul domestique, qui représente une part importante du budget des ménages, et du fait que le prix des denrées de première nécessité y est deux, trois, voire quatre fois supérieur à ce qu’il est en métropole. Une proportion importante de la population se retrouve ainsi dans des situations insurmontables : 60 % des retraités du secteur privé sont au minimum vieillesse, soit 732 euros bruts mensuels pour une personne seule, le plus souvent des femmes.

Sachant que se chauffer, au plus froid de l’hiver, représente une charge mensuelle de plus de 500 euros et qu’une mutuelle coûte 90 euros par mois, ces personnes sont placées devant un choix dramatique : se chauffer ou se nourrir ! Depuis plus de trois ans, des notes ont été transmises à vos services, visant à justifier la demande d’une revalorisation des pensions du secteur privé d’un minimum de 6 %, ainsi que la modification de l’article 13 de la loi de 1987, afin que la revalorisation devienne annuelle et s’appuie systématiquement sur l’indice local des prix à la consommation. Ces deux dernières demandes totalement justifiées semblant, elles aussi, s’être égarées dans les dédales des couloirs ministériels, je vous demande aujourd'hui, monsieur le ministre, si le Gouvernement a l’intention de laisser les pensionnés et les personnes âgées s’enliser dans leurs difficultés ou, au contraire, de répondre positivement à leurs légitimes revendications.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. À propos de l’ordonnance que vous évoquez, monsieur le député – et je sais que le sujet vous tient à cœur –, il n’y a pas de punching ball ni d’errance des dossiers dans les couloirs de tel ou tel ministère. Seulement, les discussions interministérielles sont longues, tant il est vrai, ne nous voilons pas la face, qu’on doit tenir compte, à chaque fois, des enjeux financiers. Or j’ai pour ma part l’habitude de déterminer le chiffrage avec exactitude afin de savoir de quoi l’on parle et où l’on va. Où est donc cette ordonnance aujourd’hui ? Elle n’a pas à être transmise au Conseil d’État puisqu’elle s’y trouve déjà. Nous sommes parvenus à un accord interministériel. Je sais que les discussions ont pris du temps et que vous vous êtes impliqué depuis longtemps sur ce dossier, mais nous sommes dans la dernière ligne droite.

S’agissant du décret, il n’est pas question de le renvoyer aux calendes grecques dès lors que l’accord interministériel est acquis. Une fois que le Conseil d’État l’aura examiné, nous ferons diligence pour qu’il s’applique le plus rapidement possible. Encore une fois, c’est la nécessité de trouver un accord interministériel qui explique de tels délais.

En ce qui concerne les retraites, il est difficile de savoir si l’on doit les indexer sur les salaires ou sur les prix. Il apparaît aujourd’hui que l’indexation sur le salaire n’est certainement pas la bonne solution pour Saint-Pierre-et-Miquelon. Et quand la base choisie n’est pas bonne, on ne peut pas être satisfait.

Nous parlons d’un effort de 262 000 euros, que la branche vieillesse est prête à fournir. Nous avons toutefois besoin d’obtenir une réponse du ministère du budget afin de définir précisément les modalités de notre action. Il reste – et je m’exprime en tant que ministre de la santé et des solidarités – que nous sommes prêts à financer ce rattrapage de 6 % au titre de la branche vieillesse.

Je sais le degré et la durée de votre engagement, monsieur le député. J’insiste donc sur le fait que les discussions interministérielles prennent toujours plus de temps. Nous attendons aujourd’hui de connaître la position du ministère du budget mais, quoi qu’il en soit, au nom de la solidarité nationale, nous sommes prêts à faire cet effort.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Monsieur le ministre, j’ai écouté avec beaucoup d’attention vos observations sur la prévention. Nous avons besoin de références géographiques pour que les politiques de prévention soient « contagieuses ».

Néanmoins, je souhaite avant tout vous interroger sur vos propos – que j’ai appréciés – relatifs aux agences régionales de santé. S’agit-il bien de transférer une enveloppe globale de santé aux organisations professionnelles sans qu’interviennent nécessairement les élus, et de permettre l’établissement d’orientations spécifiques, au niveau régional, sans que les orientations nationales soient nécessairement prises en compte ? Est-ce bien là votre idée ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. le ministre de la santé et des solidarités. J’ai décidé d’organiser des États généraux de la prévention pour que nous dépassions le stade des grands discours. La France est championne du monde en grandes déclarations, mais seulement sixième en termes d’actions de santé. Or nous pouvons très bien, dans les cinq années à venir, nous retrouver dans les trois premiers, ce qui suppose la définition de nouveaux thèmes, l’émergence de nouveaux acteurs et la mise en œuvre de nouvelles actions.

En leur qualité d’acteurs, aux côtés de l’État et de l’assurance maladie, les organismes complémentaires peuvent prendre une plus grande importance, notamment grâce aux « contrats responsables » que nous avons mis en place. En outre, le monde du travail et les employeurs ont tout intérêt à considérer les avantages qu’ils auraient à engager des actions de prévention et à prendre à bras-le-corps la question de la santé au travail.

Cela implique qu’on aille plus loin dans les actes, plus loin encore que les actions que j’ai engagées en 2006 avec la prise en charge de l’ostéodensimétrie et le développement des dépistages, notamment en matière dentaire pour les enfants âgés de six à douze ans. Comme vous l’avez dit, nous devons comparer notre action à celle des collectivités locales, qui sont désormais de réels acteurs de prévention. Et je sais, pour être allé dans votre région à plusieurs reprises, monsieur Méhaignerie, que vous n’avez pas attendu les états généraux pour mettre la prévention en œuvre.

Avec les états généraux, qui auront un caractère aussi bien national que régional, il s’agit de faire remonter les bonnes pratiques pour pouvoir, je reprends votre juste expression, les rendre « contagieuses ». Chacun doit en effet pouvoir se les approprier. Les outils financiers et les outils humains existent, les acteurs doivent le savoir. Je ne demande pas aux collectivités locales d’agir à la place de l’État ou de l’assurance maladie : là n’est pas l’enjeu. Mais il faut se rendre compte qu’une sensibilisation au thème de la prévention constitue un investissement utile pour la santé, mais aussi pour la santé de notre système de santé. La prévention peut rendre chacun plus responsable et permettre d’éviter durablement qu’un fossé ne se creuse entre l’évolution de la richesse nationale et celle des dépenses de santé.

Concernant les ARS, je ne nourris à leur égard aucun préjugé, pourvu qu’on ne remette pas en cause le principe de solidarité qui fonde notre système de santé. Comme l’ont montré nos débats de juillet 2004 sur la réforme de l’assurance maladie et sur la fongibilité des crédits, si une collectivité décide de mener des politiques spécifiques en termes de prévention, elle peut recourir aux enveloppes existantes.

La question ne se limite pas à l’implication des organisations professionnelles. On peut compter, certes, sur des acteurs comme les ARH ou les URCAM, mais les élus politiques – et je ne pense pas aux seuls élus régionaux –, dont la vision dépasse le cadre de la santé, ont un rôle déterminant à jouer en matière sanitaire mais aussi médico-sociale. J’insiste sur le fait que je suis très favorable à des politiques innovantes par leurs priorités et par leurs thèmes d’action sanitaire. Et du côté des ressources, il existe déjà suffisamment de leviers financiers et juridiques. Ainsi, en matière d’expérimentation, il ne s’agit ni de brimer ni de brider les talents et l’imagination de personne. J’ai longtemps pensé, par exemple, que le moment était venu pour certaines régions comme la Bretagne ou l’Alsace de déposer leur candidature en matière d’ARS.

M. le président. Nous avons terminé les questions.

Mission « santé »

État B

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Santé », inscrits à l’état B.

Je mets aux voix ces crédits.

(Les crédits de la mission « Santé », inscrits à l’état B, sont adoptés.)

M. le président. La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Vendredi 3 novembre 2006, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007, n° 3341.

Rapport, n° 3363, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

Recherche et enseignement supérieur ; article 51 :

Rapport spécial, n° 3363, annexe 24, de M. Jean-Michel Fourgous, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan ;

Rapport spécial, n° 3363, annexe 25, de M. Michel Bouvard, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan ;

Avis, n° 3364, tome VI, de M. Jean-Jacques Gaultier, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Avis, n° 3364, tome VII, de M. Jean-Paul Anciaux, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Avis, n° 3365, tome VIII, de M. Michel Lejeune, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

Avis, n° 3365, tome IX, de M. Jean-Marie Binetruy, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

Avis, n° 3365, tome X, de M. André Chassaigne, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

Développement et régulation économiques : articles 44, 45, 46 et 47 :

Rapport spécial, n° 3363, annexe XI, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan ;

Avis, n° 3365, tome II, de MM. Jacques Masdeu-Arus, Serge Poignant, Alfred Trassy-Paillogues, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

Avis, n° 3366, tome VI, de M. Jean-Paul Bacquet, au nom de la commission des affaires étrangères.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures vingt-cinq.)