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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 7 novembre 2006

37e séance de la session ordinaire 2006-2007


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Questions au gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe socialiste.

Chômage dans les Ardennes

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail.

Le Gouvernement se félicite régulièrement de la baisse du chômage, baisse d’ailleurs très relative puisque les derniers chiffres connus sont encore nettement supérieurs à ceux que nous avions enregistrés sous le gouvernement de Lionel Jospin. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il s’agit en outre d’une baisse en trompe-l’œil, due pour une large part à une moindre augmentation de la population active et à des radiations massives de chômeurs. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Dans certains secteurs de l’économie, la réalité reste très préoccupante. Elle est même dramatique dans celui de la sous-traitance automobile et de la fonderie, touché de plein fouet par les délocalisations.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Et les 35 heures !

M. Philippe Vuilque. Dans ces secteurs, la crise touche l’ensemble de notre pays. Dans l’industrie automobile, elle a entraîné une augmentation de près de 40 % des défaillances de sous-traitants. Mon département, les Ardennes, en est l’illustration. Le taux de chômage y est en effet supérieur de 4 points à la moyenne nationale. Près de 2 000 emplois risquent de disparaître dans les mois qui viennent. Thomé-Génot, Bellevret, APM, Delphi, Visteon : la liste est longue des entreprises qui ferment ou qui sont en difficulté ! Elle est longue aussi la liste des femmes et des hommes qui ont perdu ou vont perdre leur emploi. C’est une véritable saignée pour notre département.

À cela, s’ajoute une certaine indifférence, voire une certaine condescendance ministérielle. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Les élus du département ont en effet demandé à être reçus par le ministère du travail, sans succès jusque-là. Pour toute réponse, nous avons droit à des effets d’annonce sans aucune concertation avec les décideurs locaux.

Les salariés de Thomé-Génot à Nouzonville, victimes du pillage de leur entreprise par un patron américain, demandent également à être reçus par le ministère. Je viens d’apprendre que ce sera enfin le cas demain. Mieux vaut tard que jamais ! Ils le demandaient depuis deux semaines.

Ma question est simple : quelles véritables mesures le ministre de l’emploi compte-t-il prendre, en concertation avec les décideurs locaux, pour aider le secteur de la sous-traitance automobile en général, dans les Ardennes en particulier ? En l’absence de plan social, le Gouvernement va-t-il accepter la demande des salariés de l’entreprise Thomé-Génot qui réclament une compensation de 30 000 euros ? J’attends une réponse précise. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le député, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de Gérard Larcher, qui participe, en ce moment même, à une réunion du Conseil Emploi à Bruxelles.

La baisse du chômage dans notre pays est bien réelle. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) On compte ainsi, sur les douze derniers mois, 200 000 créations d’emplois. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

Monsieur le député, vous n’avez pas le monopole des Ardennes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Tant Mme Poletti que M. Warsmann ont, depuis longtemps et comme de nombreux élus, mis en avant les difficultés de ce département. Nous savons tous combien il est confronté au problème du chômage, notamment dans le secteur des équipementiers automobiles. Ce drame humain, chacun le connaît et le respecte. L’objectif du Gouvernement aujourd’hui est de trouver des solutions pour accompagner ce département.

C’est dans cet esprit que nous avons mis en place plusieurs dispositifs dans les Ardennes. Je rappelle l’expérimentation du contrat de transition professionnelle, ou le travail accompli dans le cadre du plan de cohésion sociale, avec la labellisation de la maison de l’emploi à Charleville-Mézières.

M. Bernard Roman. Avec quels résultats ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je citerai également les conventions de rénovation urbaine de Charleville et de Sedan.

S’agissant plus particulièrement de la situation de l’emploi et du reclassement, très difficile, de ces personnes victimes du chômage dans votre département, Dominique de Villepin, à la demande de Bérengère Poletti et de Jean-Luc Warsmann (Murmures sur les bancs du groupe socialiste), a alloué 3 millions supplémentaires au contrat territorial. Le rendez-vous que vous avez sollicité avec Gérard Larcher et François Loos aura effectivement lieu dans les tout prochains jours.

M. Philippe Vuilque. Je suis ravi de l’apprendre !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Comme vous le savez, François Loos a en effet demandé à l’AFI d’examiner de quelle manière pouvait être envisagée une reprise, même partielle, de l’entreprise Thomé-Génot.

M. Philippe Vuilque. Répondez à ma dernière question !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Cela fait partie du programme de travail de l’AFI, en liaison avec le président du conseil général des Ardennes, Benoît Huré.

Vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement est totalement mobilisé au service de l’emploi dans les Ardennes.

M. Philippe Vuilque. Répondez à ma dernière question !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Il est déterminé à proposer rapidement des solutions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Fracture numérique

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Stéphane Demilly. Monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, je souhaite appeler votre attention sur une situation qui n’a que trop duré, je veux parler de l’inégalité territoriale en matière d’accès à la téléphonie mobile et au haut débit. Que ces deux technologies de communication soient d’abord déployées dans les zones urbaines fortement peuplées est compréhensible. Mais qu’elles soient toujours aux abonnés absents dans des zones moins peuplées, et donc moins rentables, plusieurs années après est inacceptable et contraire au principe d’égalité entre tous les citoyens.

Cette fracture numérique renforce l’existence d’une France à deux vitesses : celle de la modernité, et celle qui, telle une réserve d’Indiens, serait laissée pour compte. En effet, l’installation de commerçants, d’artisans et de professions libérales est désormais étroitement liée à la présence de ces réseaux de communication. De plus, dans nos villages, de nombreux habitants en ont assez de devoir monter en haut d’un arbre ou dans le clocher de l’église pour capter un minimum de réseau. (Exclamations sur divers bancs.)

Monsieur le ministre, quelle réponse le Gouvernement entend-il apporter à ce mécontentement grandissant dans le monde rural ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Demilly, nous n’entendons pas les mêmes mécontentements. Je regrette qu’en tant que député de la Somme et membre de la famille politique qui préside le conseil général, vous n’ayez pas incité ce dernier à signer la charte de département innovant avec l’opérateur historique pour accélérer le développement des réseaux Internet ADSL à haut débit sur le territoire de la Somme. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En juin 2005, il y avait 3 000 communes rurales en zone blanche pour la téléphonie mobile : aujourd’hui, elles ne sont plus que 1 500. Il y en avait 27 dans la Somme : il n’y en a plus que 13, à présent.

En matière d’Internet à haut débit, nous étions au plan national à 80 % de foyers desservis : nous sommes à 90 %, aujourd’hui, et même à 91 % dans la Somme. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il reste 9 % de foyers non desservis par le haut débit. Au mois de juillet dernier, nous avons accordé avec le ministre de l’industrie deux licences WiMax par région, pour régler le problème de couverture des dernières zones blanches. Je viens de faire débloquer, avec le Premier ministre et Nicolas Sarkozy, une enveloppe de 10 millions d’euros pour les communes rurales les plus économiquement faibles afin que l’État leur accorde une subvention allant jusqu’à 80 % de l’équipement d’un système satellitaire leur permettant d’accueillir Internet à haut débit.

Nous serons donc à 100 % de couverture de téléphonie et d’internet haut débit d’ici au mois de juin prochain. L’activité en milieu rural et le soutien à la création d’emploi étant très importants, pour les entreprises, c’est le très haut débit – 100 mégabits – que nous apportons dans 2 500 zones d’activité, en sus de 2 mégabits symétriques pour toutes les communes rurales sans zone d’activité. Pour nous, la couverture numérique, c’est une affaire de justice et d’équité pour tous les foyers et toutes les entreprises. Nous sommes aujourd’hui le premier pays de l’Union européenne en matière de couverture numérique, y compris dans les zones les plus fragiles. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Desallangre. En somme, tout va bien !

Panne d’électricité du 4 novembre

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Michel Vaxès. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, samedi soir, 10 millions d’Européens ont été touchés par une panne d’électricité due à une défaillance du réseau électrique allemand. Cette panne s’inscrit dans la lignée des incidents survenus en Europe ces dernières années, en Italie, en Grande-Bretagne, dans le sillon de la libéralisation, c’est-à-dire la déréglementation du secteur.

L’imputation de cette panne aux circonstances climatiques n’est pas crédible : 0 degré de température, ce n’est pas le coup de froid du siècle. Plus sérieusement, la fédération allemande des consommateurs d’énergie dénonce l’état déplorable du réseau. La presse s’interroge. Des responsables politiques exhortent les groupes énergétiques à investir davantage dans les infrastructures de transport. Le manque d’investissement et la gestion trop parcimonieuse des dépenses des entreprises sont des raisons bien plus vraisemblables. Les besoins d’investissement sont d’ailleurs estimés à 1 600 milliards d’euros à l’échelle européenne.

Cette nouvelle défaillance sur le réseau européen apporte une preuve supplémentaire que la décision politique de soustraire le secteur énergétique à la puissance publique n’est pas la bonne solution. Elle justifie l’ouverture d’une commission d’enquête dont le groupe communiste fera la demande dans les prochains jours. Quelle garantie apportez-vous, monsieur le ministre, quant à la fiabilité de notre réseau énergétique dans le contexte européen d’ouverture à la concurrence et de privatisation du secteur que nous condamnons ? Comment comptez-vous défendre le service public, comme le feront demain, dans un autre domaine et à juste titre, les agents de la SNCF ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, effectivement, samedi soir, en Allemagne, on a décidé d’interrompre deux lignes à très haute tension de 400 000 volts pour laisser passer un navire sur l’Elbe. Nous étions à ce moment-là en surcapacité en Europe orientale et en sous-capacité en Europe occidentale. De ce fait, en l’espace de quelques instants, il a manqué 10 000 mégawatts pour faire face à la demande à l’Ouest. L’interconnexion des réseaux a alors fonctionné instantanément. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) En outre, grâce au professionnalisme des équipes d’EDF et de RTE, auxquelles je veux rendre hommage devant la représentation nationale, en l’espace d’une heure et demie, 5 000 mégawatts ont été rendus disponibles pour la production du réseau français, grâce en particulier à la mise en action de notre réseau hydraulique.

Monsieur le député, en 1977, j’étais à New York (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), alors qu’un incident du même type s’est produit. Le black-out a plongé dans l’obscurité toute la côte Est des États-Unis et, pendant 72 heures, la ville de New York. Il a fallu trois jours pour rétablir le réseau. En Europe, on n’a eu besoin que d’une heure et demie.

Effectivement il y a eu un incident en Allemagne, et nous avons demandé qu’une commission d’enquête s’en saisisse, notamment pour connaître l’évolution de la situation et les possibilités de prévision. Mais l’électricité en Allemagne étant pour une grande part produite par des éoliennes, il est difficile d’effectuer des prévisions. Néanmoins, grâce au professionnalisme des personnels, nous avons pu faire face à cette défaillance. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Nous ne sommes pas encore aux États-Unis !

panne d’électricité du 4 novembre

M. le président. La parole est à M. Jean Proriol, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean Proriol. Ma question s’adresse au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, et elle a le même objet que la question précédente. Samedi, peu après vingt-deux heures, une panne d’électricité géante a frappé l’est du continent européen. Le réseau allemand, saturé et défaillant, a fortement sollicité le nôtre auquel il est connecté. Aussitôt, le système de délestage préventif a coupé l’alimentation électrique de cinq millions de foyers sur l’ensemble du territoire, dont 140 000 en Auvergne.

La libéralisation et l’ouverture des marchés n’ont rien à voir avec la liberté de circulation sur une rivière allemande. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ces soixante minutes de trou noir ont évité le pire, et je voudrais à mon tour dire ma reconnaissance aux salariés de RTE et d’EDF, deux bons élèves de l’Europe de l’énergie, car ils ont rempli leur double mission : rétablir le courant dans les meilleurs délais et assurer la solidarité européenne vis-à-vis de l’Allemagne, à l’origine de l’incident.

Cette affaire met en lumière deux évidences fortes : l’insuffisance de la production – qui démontre la nécessité d’investir pour les pays qui ont fait d’autres choix énergétiques que le nôtre – ainsi que la fragilité des lignes de transport, ces autoroutes de l’électricité qui assurent l’interconnexion.

« C’est la fin de l’ère de l’insouciance » a prévenu Pierre Gadonneix, le président d’EDF, dans une formule à la fois jolie et stimulante. Pendant quinze ans, nous avons cru que l’énergie était en excédent : ce n’est plus vrai, le mythe de la surcapacité vient de s’écrouler.

Cette « europanne » est un électrochoc. (Sourires.) Dès lors, monsieur le ministre, ne faut-il pas revoir en urgence nos règles de construction de lignes à haute et très haute tension, et investir dans le transport, qui reste le maillon faible de l’alimentation électrique ? Ne faut-il pas encourager plus encore la diversification des sources d’approvisionnement et les économies d’énergie ?

M. le président. Merci, monsieur Proriol !

M. Jean Proriol. L’énergie sera la grande question du XXIe siècle. Le traité de Rome, dont nous célébrerons le cinquantième anniversaire le 25 mars 2007, eut pour moteur la CECA. L’énergie pourrait bien être à l’avenir celui de l’Europe des vingt-cinq. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur Proriol, je vous remercie : vous avez très bien posé la question. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Face aux enjeux énergétiques, vous avez raison, il faut des groupes transnationaux, qui aient la capacité d’investir massivement pour préparer l’avenir.

M. François Hollande. Monsieur le ministre, rappelez-nous où vous étiez en 1977 !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Grâce à la possibilité que nous lui avons donnée de faire appel aux marchés financiers, EDF va investir dans les cinq ans à venir plus de 40 milliards d’euros, notamment dans le réseau de transport d’électricité et les lignes à très haute tension.

M. André Chassaigne. Et les actionnaires ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Mais il faut que chacun prenne ses responsabilités (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) pour que l’on puisse étendre les réseaux haute tension à l’ensemble du territoire national, y compris dans les régions où ils font défaut.

Enfin, il est indispensable que nous disposions, en France et au dehors, au-delà du parc nucléaire qui assure la consommation quotidienne, de centrales en état de répondre instantanément aux pics de surconsommation.

M. Henri Emmanuelli. On les a fermées !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Ces centrales hydrauliques existent, mais pour faire face à ces défis, monsieur Emmanuelli, il nous faudrait de nouvelles centrales à gaz.

M. Maxime Gremetz. Et à charbon !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. La politique que le Gouvernement mène auprès d’EDF permettra de répondre à ces défis dont l’enjeu dépasse le cadre national. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Le ministre n’est pas très applaudi, !

commande de la sncf à l’entreprise bombardier

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Anciaux, pour le groupe UMP.

M. Jean-Paul Anciaux. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

Monsieur le ministre, à la grande déception de la direction, des syndicats et des salariés d’Alstom, l’entreprise canadienne Bombardier Transports a remporté, le 25 octobre dernier, le contrat de renouvellement des trains régionaux d’Ile-de-France. Il s’agit d’un marché de près de 4 milliards d’euros, financé par la SNCF et le STIF.

En 2001 déjà, Bombardier s’était vu attribuer, au détriment d’Alstom, une commande de 1,6 milliard d’euros pour 500 autorails destinés au trafic régional français.

Le conseil d’administration de la SNCF, dont l’unique actionnaire est l’État et au sein duquel vous êtes, monsieur le ministre, le représentant du Gouvernement, justifie sa préférence pour Bombardier en invoquant des coûts inférieurs de près de 10 % à ceux que proposait Alstom.

Or, c’est parce qu’il s’est vu attribuer sans aucun appel d’offres le marché du métro de Montréal et celui de Toronto que le groupe Bombardier peut proposer aujourd’hui des prix inférieurs à ceux de ses concurrents sur les marchés étrangers.

Le groupe Alstom, spécialiste français des infrastructures d’énergie et de transports, qui représente des dizaines de milliers d’emplois en France, peut légitimement s’indigner, d’autant plus qu’en ne faisant pas d’appel d’offres, le Canada a violé l’accord qu’il a passé avec l’Union européenne dans le cadre de l’OMC.

L’usine Alstom du Creusot, située dans ma circonscription, compte plus de 600 salariés. Ce marché représentait pour elle une commande de plus de 2 000 boggies. Ma question, monsieur le ministre, à laquelle j’associe Pierre Lellouche, député de Paris, et Frédéric Reiss, député du Bas-Rhin, dont la circonscription est également touchée, porte sur trois points : les conditions d’appel d’offres ont-elle été rigoureusement respectées ? Avez-vous des précisions sur des engagements formels de partenariat et de sous-traitance ? Enfin, quel est votre sentiment personnel sur ces contrats ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, je comprends l’émotion de ceux dont vous vous faites le porte-parole, s’agissant d’une entreprise dont je vantais, tout récemment encore, en compagnie du Président de la République et de ses dirigeants, le savoir-faire et les capacités technologiques et industrielles. Il est important de le rappeler.

Vous m’interrogez sur les conditions juridiques des appels d’offres. Nous vivons dans un État de droit. Nous avons examiné ces conditions, en liaison avec le ministère des finances : la procédure d’appel d’offres a été scrupuleusement respectée, il n’y avait donc pas lieu d’en exclure Bombardier, dont l’offre était inférieure de quelque 9 % à celle d’Alstom.

M. Pierre Lellouche. Mais il n’y a pas de réciprocité !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Alstom ayant formé un recours, il appartiendra à la justice de se prononcer.

Le plus important dans cette affaire, c’est l’emploi en France. Or, Bombardier est aussi une entreprise de droit français – c’est la raison pour laquelle elle a pu présenter une telle offre – qui a un certain nombre d’usines dans notre pays. La commande qui lui a été passée est si considérable que la charge de travail devra être répartie.

Comme la présidente de la SNCF, j’ai donc souhaité que des discussions s’engagent entre Bombardier et Alstom pour organiser de façon pertinente cette répartition afin que les usines de Bombardier comme celles d’Alstom puissent apporter leur concours à ce grand projet qu’est l’amélioration des transports en commun en Ile-de-France. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Desallangre. La concurrence est libre, alors…

opérations anti-OGM

M. le président. La parole est à M. Gérard Dubrac, pour le groupe UMP.

M. Gérard Dubrac. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le ministre, depuis quelques années, des autorisations de mise en culture de semences d’organismes génétiquement modifiés sont accordées par le ministère de l’agriculture, sur avis scientifique de la commission du génie biomoléculaire et de la commission du génie génétique.

Or, année après année, des champs d’OGM cultivés en toute légalité sont saccagés en toute illégalité. Une nouvelle fois, samedi, comme l’été dernier dans le Gers, un agriculteur de la Gironde a été victime de ces destructions, José Bové et quelque cent cinquante militants, membres des « faucheurs volontaires » s’étant réunis sur son exploitation pour y dégrader environ 2 000 tonnes de maïs transgénique.

M. Maxime Gremetz. Bravo !

M. Gérard Dubrac. Et pour conforter sa démarche de candidat aux élections présidentielles, caméras et micros ont été convoqués pour relayer ses actions délictueuses !

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est scandaleux !

M. Gérard Dubrac. Monsieur le ministre, la multiplication et l’ampleur des atteintes aux biens d’autrui peuvent conduire à toutes sortes de dérapages. Cette situation est inacceptable. Non seulement les faucheurs s’en prennent à des biens privés, mais ils attaquent également l’intégrité morale de nos agriculteurs, qui sont pourtant totalement dans leur droit. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Gérard Dubrac. Ces actions terroristes sont intolérables ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) L’opinion publique, qui s’émeut à juste titre des agressions commises dans les banlieues, est également scandalisée par les destructions de parcelles transgéniques menées par des militants anti-OGM, qui sont de véritables délinquants ! (« Très bien ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

À l’heure où tous les moyens sont mis en œuvre pour lutter contre la délinquance dans nos banlieues (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), pouvez-vous, monsieur le garde des sceaux, nous dire quelles mesures vous entendez prendre pour assurer le respect de la légalité et défendre nos agriculteurs dans nos campagnes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. En effet, M. José Bové et 150 autres manifestants s’en sont pris à quelque 2 000 tonnes de maïs appartenant à un agriculteur girondin.

M. Maxime Gremetz. M. Dubrac les a traités de terroristes : c’est scandaleux !

Plusieurs députés du groupe UMP. Ce sont des voyous !

M. le garde des sceaux. Je vous rappelle qu’une circulaire de la chancellerie de 2004 rappelle les conditions d’exploitation des parcelles semées d’organismes génétiquement modifiés et les sanctions qu’encourent ceux qui les dégradent.

M. Jacques Desallangre. Et ceux qui les exploitent ?

M. le garde des sceaux. Ainsi, dans l’affaire qui nous intéresse, les peines prévues sont lourdes : elles vont jusqu’à deux ans de prison pour des dommages graves. Si la sécurité des personnes est mise en cause…

M. Jacques Desallangre. Les OGM aussi la mettent en cause !

M. le garde des sceaux.… elles peuvent aller jusqu’à dix ans de prison. La garde à vue dont M. Bové a fait l’objet était donc parfaitement fondée, car nous vivons dans un État de droit dont les règles valent pour tous, y compris les altermondialistes. L’État ne permet les mises en culture d’OGM qu’après avoir strictement appliqué le principe de précaution,…

M. Philippe Martin. C’est faux !

M. le garde des sceaux. …désormais inscrit dans notre Constitution.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Et la loi !

M. le garde des sceaux. Dans ces conditions, nul ne peut s’attaquer aux biens privés des agriculteurs ni remettre en cause leur droit de cultiver des OGM. Les peines prévues dans les textes seront donc appliquées, comme il est normal dans un État de droit. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)


politique de l’énergie

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout, pour le groupe socialiste.

M. Pierre Ducout. Je voudrais d’abord dire à Mme la ministre Vautrin qu’il n’est pas acceptable de répondre uniquement par le mépris à notre collègue Vuilque, alors qu’il exprimait, comme nous aurions pu le faire, la souffrance de nombreux Français qui ont perdu leur emploi. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, je reviens sur la panne géante d’électricité (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) due au passage d’un bateau sous une ligne à haute tension en Allemagne, entraînant une coupure d’électricité pour 10 millions d’Européens et 5 millions de nos concitoyens.

L'interconnexion des réseaux européens est aujourd'hui conçue comme la roue de secours de la dérégulation du secteur de l'énergie. Elle permet de pallier les insuffisances d'investissements des uns par le maintien de la capacité de production et de transport dans de bonnes conditions des autres – c’est le cas de la France. Conséquence : elle ne fait qu'accroître notre vulnérabilité.

Cette conception est d'autant plus condamnable que le ministre de l'industrie a reconnu, hier, qu’il connaissait les risques encourus par l'Europe à cause du réseau électrique allemand depuis 2005.

Il est paradoxal aujourd'hui de constater l'absence d'une politique européenne de l'énergie digne de ce nom, alors que l'Europe s'est construite sur cette nécessité.

Le marché ne doit pas commander la gestion d'un bien public de première nécessité comme l’électricité.

Le manque d'investissement des opérateurs privés dans l'entretien et le développement des infrastructures au bénéfice de la recherche de profit à court terme est dangereux pour la pérennité du service, au moment où la demande ne cesse de croître.

De nombreux responsables du secteur électrique aux États-Unis, que nous avons rencontrés en septembre 2003 – vous avez parlé, monsieur le ministre de l’économie et des finances, de votre expérience aux États-Unis – après le black-out qui a paralysé la côte Est, reconnaissaient que ldes investissements suffisants dans les réseaux de transport ne peuvent être effectués que par des intervenants publics !

M. Alain Néri. Très bien !

M. Pierre Ducout. Monsieur le ministre, comptez-vous demander un moratoire sur l’ouverture totale du marché de l’électricité le 1er juillet 2007, en exigeant le rapport demandé au sommet de Barcelone en 2002 sur les résultats de l’ouverture de ce marché, en particulier en matière de sécurité de production et d’infrastructures ?

Pensez-vous vraiment, par naïveté technocratique (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) ou simplement pour des motifs idéologiques et politiciens, au mépris de la sécurité énergétique et de l’intérêt des Français – et je pense aussi à votre décision de privatiser GDF –, que les questions de puissance et d’indépendance énergétiques sont susceptibles d’être résolues par le marché ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, je suis heureux de constater que – enfin – vous vous posez les bonnes questions (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et que vous admettez qu’il convient de donner à nos grandes entreprises, comme l’a souhaité le Gouvernement, la possibilité d’aller de l’avant ! Je le sais bien : votre solution pour répondre au problème des lignes à très haute tension était le mariage d’EDF avec Gaz de France ! Nous, nous avons d’autres solutions : donner à Électricité de France la capacité d’aller de l’avant dans son métier, d’investir massivement – car c’est de cela qu’il s’agit –, tout en respectant les missions de service public dévolues à EDF.

Dans ce domaine, la France n’a de leçons à recevoir de personne. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) La France a pris ses responsabilités dans le cadre d’un mémorandum de l’énergie qui a été discuté à Bruxelles, puis acté et transformé en Livre vert sur proposition de la France. Oui, la France a aujourd’hui en Europe un rôle et mène un combat exemplaire grâce à nos entreprises et à la souplesse que nous leur avons donnée.

Ce qui est vrai pour EDF est vrai, aujourd’hui, pour Gaz de France et pour le projet sur lequel elle travaille. Ainsi, la France dispose des plus grands groupes énergétiques en gaz, en électricité et dans le nucléaire. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Augustin Bonrepaux. Ce n’est pas vrai !

M. Henri Emmanuelli. C’est vraiment n’importe quoi !

M. Jacques Desallangre. Vous fragilisez les entreprises !

grève à la SNCF

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, pour le groupe UMP.

M. Éric Woerth. Ma question s’adresse au ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer et concerne le préavis de grève déposé par la SNCF. En effet, six des huit syndicats de l’entreprise ont appelé à un mouvement de grève qui débutera ce soir, à vingt heures, pour se terminer jeudi matin, à huit heures – en tout cas qui se prolongera probablement jusque dans la matinée.

Une fois encore, des centaines de milliers d’usagers vont être pris en otage par une minorité de salariés dont les revendications sont extrêmement disparates et ne sont probablement qu’un alibi pour bloquer, une fois de plus, notre pays.

À l’appui de leurs revendications, la défense du fret, que les syndicats ont d’ailleurs largement contribué à couler (Protestations sur quelques bancs du groupe communiste), la défense du service public, de l’emploi et des salaires et même la défense de certains guichetiers d’Île-de-France qui avaient vendu frauduleusement des billets sont autant de prétextes à la relance d’une grève, désormais rituelle et aux contours essentiellement politiques.

C’est une grève contre le service public. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Arrêtez !

M. Éric Woerth. L’échec des tentatives de négociations entre la SNCF et les syndicats de cheminots illustre, une fois de plus, la volonté de ces derniers d’entretenir un dialogue social d’un autre temps avec, en toile de fond, une incapacité à s’entendre entre eux.

M. Henri Emmanuelli. Il faut sortir Mme Idrac !

M. Maxime Gremetz. Le « mur de Berlin » ose dire Mme Idrac !

M. Pierre Lellouche. Vous êtes bien placé pour en parler, monsieur Gremetz !

M. Éric Woerth. Aussi, permettez-moi de dire qu’il serait temps d’instaurer plus de transparence dans la prise de décision d’une grève, notamment en soumettant sa reconduction au vote des salariés.

Dans cette attente, et face à l’exaspération croissante d’un certain nombre de nos concitoyens et de tous les usagers de la SNCF, ma question sera double, monsieur le ministre. Comment conjuguer au mieux la légitimité des actions revendicatives avec la nécessité d’un véritable service minimum pour nos concitoyens ?

M. Henri Emmanuelli. Sortez Mme Idrac !

M. Éric Woerth. Comment une entreprise comme la SNCF peut-elle être aussi en pointe sur le plan technologique et aussi ringarde en matière de dialogue social ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député Woerth, je regrette très profondément cette grève de demain parce que je suis convaincu qu’elle aurait pu être évitée, qu’elle aurait dû être évitée. Pourquoi ?

M. Maxime Gremetz. C’est scandaleux ! Vous n’avez aucun respect pour les syndicats !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur Woerth, comme moi, vous avez noté que six organisations syndicales ont lancé l’ordre de grève il y a plusieurs semaines et que c’est seulement depuis quelques jours que la plate-forme de revendications a été mise au point. J’ajoute que la présidente de la SNCF…

M. Henri Emmanuelli. Sortez-la !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. …a, la semaine dernière, fait un certain nombre de propositions en matière de recrutement, de négociations salariales et de renforcement du fret ferroviaire, ce qui signifie qu’il y avait matière à discuter, à négocier. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Respectez les gens !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Il est donc nécessaire de rappeler, monsieur le député, comme vous l’avez fait, que la grève ne doit être que l’aboutissement d’un désaccord durable – lorsque les négociations ont échoué – et non pas un préalable à la négociation ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe’Union pour la démocratie française.) Elle ne doit pas être l’instauration d’un rapport de forces. C’est cela l’innovation sociale, c’est cela un débat social moderne, et il est nécessaire d’aller dans ce sens. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Le « mur de Berlin » !

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Vous m’avez également posé la question du service garanti. Heureusement, ce service garanti existe, en tout cas dans la région parisienne. Vous le savez, il a fonctionné l’année dernière et il prévoit, en particulier, qu’au moins 30 % de trains circulent. Comme vous, j’ai bon espoir que ce service garanti sera respecté demain.

Enfin, j’ajoute que poser les revendications, négocier et n’arriver à l’exercice du droit de grève qu’en dernière extrémité est la meilleure réponse que l’on puisse apporter à cette recherche inlassable, qui doit être la nôtre, de rendre compatible le droit des usagers et le droit de grève. Cela est indispensable et c’est dans ce domaine que nous devons continuer à innover. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

situation des buralistes

M. le président. La parole est à M. Céleste Lett, pour le groupe UMP.

M. Céleste Lett. Monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, élu d’une circonscription frontalière de la Moselle, je souhaite aborder la question de l'accompagnement des buralistes après la décision – la bonne décision – prise d'interdire de fumer dans tous les établissements publics.

La profession des buralistes a fait entendre, hier, ses inquiétudes sur les conséquences économiques de cette décision. C'est particulièrement vrai pour les buralistes frontaliers, malmenés par la hausse du prix du tabac.

M. le Premier ministre a chargé l'un d'entre nous, Richard Mallié, d'une mission, qu'il mènera d'ailleurs demain en Moselle et en Alsace pour faire un bilan du contrat d'avenir signé en 2003 et aboutir à des propositions concrètes.

Monsieur le ministre, je souhaiterais donc que vous nous indiquiez comment le Gouvernement compte apaiser les inquiétudes d'une profession d'autant plus respectable qu'elle collecte des impôts pour le compte de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député Lett, je voudrais rappeler le contexte. Le Gouvernement a pris un l’engagement de lutter contre le cancer, et les mesures qui ont été prises sur l’interdiction de fumer s’inscrivent dans ce cadre.

Notre objectif est cependant d’apporter une réponse concrète aux buralistes, aux débitants de tabac qui se trouvent dans une situation qui commande de prendre des mesures d’accompagnement, et c’est très exactement à cela que nous travaillons au travers du contrat d’avenir.

La méthode est simple. D’abord, une évaluation du premier contrat d’avenir, permettant de constater – on l’a vu avec les représentants de la profession, en particulier avec le président de la confédération – que nous avons tenu nos engagements budgétaires et que tous les engagements pris ont été tenus. Ensuite, la préparation du futur contrat d’avenir qui va démarrer à partir du début de l’année prochaine. Je m’appuie, pour cela, sur le travail qui a été accompli par Richard Mallié, député en mission, qui va remettre son rapport dans quelques jours.

Il n’y aura aucun tabou : tous les sujets seront évoqués les uns après les autres. Il s’agit, en particulier, de tirer les enseignements de tout ce qui a été fait. Je pense aux différentes mesures d’accompagnement, avec une concentration particulière de l’effort sur les bureaux de tabac situés en zone frontalière et qui sont donc particulièrement exposés à la concurrence. Je pense aussi à l’évolution des missions. Le métier va évoluer dans les prochaines années, notamment dans le partenariat de service public. Nous y travaillons activement et avons mené des expérimentations, par exemple dans le domaine du paiement automatisé des amendes. Ces expérimentations ayant très bien fonctionné, nous allons continuer dans cette voie. La diversification va bien au-delà, et c’est aussi de cela que nous allons parler puisque les discussions ont commencé et que nous attendons les conclusions du rapport de M. Mallié. Enfin, nous étudierons tous les sujets, y compris la rémunération de la vente du tabac, dans un esprit de concertation totale.

Vous le voyez : nous agirons de manière très méthodique. Sans perdre de vue l’objectif de santé publique, nous avons à cœur de veiller à ce que cette profession puisse continuer à construire son avenir en tenant compte des évolutions et des attentes de la société française, aussi bien en zone urbaine qu’en zone rurale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

exercice des missions régaliennes de l’état

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier, pour le groupe socialiste.

M. Bernard Derosier. Monsieur le Premier ministre, une fois de plus, des dysfonctionnements sont apparus dans l’exercice des missions régaliennes de l'État dont vous avez la responsabilité.

Vendredi dernier, nous apprenions par la presse nationale et la presse régionale l'arrestation, dans le sud de la France, d'un trafiquant de drogue.

Le magistrat instructeur, saisi de l'affaire, ordonne une perquisition au domicile de ce trafiquant dans le département du Nord. La gendarmerie de Grenoble est chargée de cette perquisition.

Les gendarmes apprennent alors qu'ils ne pourront pas effectuer leur mission, au prétexte que le domicile à visiter se trouve en zone sensible. Des informations contradictoires circulent.

L'émotion est grande. Cette affaire soulève beaucoup de questions.

Monsieur le Premier ministre, y a-t-il des zones de non-droit sur le territoire de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, l’autorité administrative, c’est-à-dire le préfet, est-elle intervenue pour empêcher la justice de mener à bien sa mission ? Ce serait paradoxal au moment où le ministre de l’intérieur accuse les magistrats de démissionner face à la délinquance. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le Premier ministre, est-ce la hiérarchie de la gendarmerie qui a interdit la perquisition ? Un communiqué du ministre de l’intérieur nous apprend que ni le préfet ni le commandant de gendarmerie n’étaient informés du projet de perquisition : quelle est donc la réalité des faits ? (« La Poste était en grève ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) La représentation nationale est impatiente de vous entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. − Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur Derosier, si les propos que vous tenez n’étaient pas si graves…

Plusieurs députés du groupe socialiste. Du calme !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …je me contenterais de dire que vous ne manquez pas de culot. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Quand on sait la situation que vous nous avez laissée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)…

Plusieurs députés du groupe socialiste. Cinq ans !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …quand on se souvient des cris d’orfraie scandaleux par lesquels vous avez accompagné l’action déterminée des forces de l’ordre…

M. Augustin Bonrepaux. Répondez !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …visant à ce qu’il n’y ait plus un seul centimètre de la République qui soit une zone de non-droit, quand on se souvient que vous n’avez rien fait, que vous n’avez rien voté, et quand on voit que vous vous permettez de donner des leçons, alors, vraiment, monsieur Derosier, on se dit vous auriez mieux fait de vous taire en cet après-midi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. − Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Sa Majesté Sarkozy exige qu’on se taise !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je veux prendre la défense de l’action des gendarmes, que vous insultez gravement par votre question. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Personne n’a donné aux gendarmes l’ordre de ne pas intervenir à Roubaix. Les gendarmes de la section de recherches de Grenoble, qui ont procédé à deux perquisitions et ont renoncé à en faire une troisième, agissaient en qualité d’officiers de police judiciaire, c’est-à-dire sous l’autorité d’un magistrat. Je m’étonne que vous demandiez au Premier ministre et au ministre de l’intérieur de rendre des comptes sur l’action d’un OPJ agissant sous le contrôle d’un magistrat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. − Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Vous me rappeliez, il n’y a pas si longtemps, au respect de l’indépendance de la justice : vous vous trouvez aujourd’hui dans la situation curieuse de l’arroseur arrosé.

M. Frédéric Dutoit. C’est vous, l’arroseur arrosé !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur Derosier, ne vous inquiétez pas : notre politique, celle de M. de Villepin comme la mienne, reste la même. Nous ferons le travail que vous n’avez pas fait. Nous le ferons jusqu’à la dernière minute. Cette perquisition aura lieu quand la justice le souhaitera. Comme toujours, dans le respect de leur indépendance, je mettrai à la disposition de ces messieurs les moyens qu’ils me demanderont. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. − Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Plan Hiver

M. le président. La parole est à M. Patrick Beaudouin, pour le groupe UMP.

M. Patrick Beaudouin. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

La distribution, par une association caritative, de tentes pour les sans-abri a inscrit de façon spectaculaire la question de l’urgence sur l’agenda médiatique. Cet épisode ne doit pas masquer, sous la rhétorique de la nouveauté, l’émergence d’une véritable politique publique structurée et articulée autour du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’insertion.

En mars 2005, ce dispositif a fait l’objet, d’une réflexion globale avec l’ensemble des acteurs et a donné naissance à un référentiel national, sorte de bible commune des travailleurs et des bénévoles de l’urgence sociale. Il s’avère extrêmement utile dans ce secteur où l’État est un acteur de premier plan en tant que coordonnateur des très nombreuses associations qu’il subventionne et qui font, au quotidien, un travail généreux et remarquable en faveur des plus vulnérables et des sans-abri.

Dans mon rapport budgétaire sur la mission « Solidarité et intégration », j’ai salué l’efficacité et la cohérence accrues de cette politique. Pour assurer le devoir de solidarité nationale, le Gouvernement a su activer une politique d’hébergement volontariste, qui repose aujourd’hui sur quatre piliers : le plan de cohésion sociale, le plan triennal 2007-2009, le plan hiver et le rapport de Fleurieu. Ces quatre piliers permettent de mettre véritablement en lien l’urgence et sa finalité, l’insertion. Or, aujourd’hui, l’urgence revêt − et c’est un paradoxe − un caractère permanent. Elle ne se suffit pas à elle-même et doit s’inscrire dans une démarche globale de réinsertion personnalisée.

Vous venez d’annoncer, madame la ministre, le lancement du plan hiver 2006-2007 avec un nombre de places d’hébergement pour les sans-abri revu à la hausse et une pérennisation au-delà de la période hivernale. Je souhaiterais que vous puissiez nous exposer les nouveautés de ce plan et la politique de réinsertion mise en œuvre, et affirmer la volonté qu’ont les différents acteurs de rendre cette politique plus pertinente et plus cohérente. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je voudrais d’abord vous remercier, monsieur le député, du travail que vous avez effectué en rédigeant le rapport sur la mission « Solidarité et intégration ».

Je voudrais ensuite redire les idées qui sous-tendent le plan hiver 2006-2007 qui commence ces jours-ci. L’urgence est la première étape de la réinsertion sociale : cette année, plus encore que les précédentes, nous avons voulu profiter de ce premier contact avec ceux de nos concitoyens qui sont les plus en difficulté, ceux qui sont victimes de l’exclusion, pour entreprendre avec eux ce qui est le début d’une approche de l’insertion.

Rappelons les nouveautés de ce plan. Nous tiendrons d’abord ce qu’avait annoncé le Gouvernement : 100 000 places d’urgence sont à la disposition de nos concitoyens les plus frappés par l’exclusion, ce qui représente plus de 1 milliard d’euros dans le budget de l’État. Cette année, le plan hiver offre 6 000 places dès le 1er novembre et 8 000 places supplémentaires qui peuvent être utilisées en cas de grand froid, voire de froid extrême.

Au-delà, nous expérimentons depuis quelques semaines ce que nous appelons l’« hébergement de stabilisation ». Il s’agit d’un protocole d’accompagnement, vingt-quatre heures sur vingt-quatre − c’est-à-dire sur une période plus longue −, de personnes en situation de grande exclusion, pour leur permettre de redémarrer.

Vous savez, monsieur le député, que la grande difficulté de l’urgence, c’est que tous ces publics sont très hétérogènes. Aussi le Gouvernement se doit-il d’apporter toute une palette de solutions qui permettent d’aider chacun à redémarrer. Tel est le sens de l’engagement du Gouvernement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Conférence de Nairobi sur le climat

M. le président. La parole est à M. Gilbert Meyer, pour le groupe UMP.

M. Gilbert Meyer. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie et du développement durable.

Madame la ministre, lundi matin à Nairobi, au Kenya, s’est ouverte la douzième conférence internationale sur le climat, sous l’égide de l’ONU. Y participent quelque 200 pays qui vont notamment chercher à renforcer les dispositions contre le réchauffement de la planète.

Le rapport de l’économiste Nicolas Stern, rendu public au début de la semaine dernière, dévoile les impacts socio-économiques dévastateurs du réchauffement climatique. Celui de Christian de Boissieu, qui reprend les vingt-huit propositions du groupe « Facteur 4 » mis en place par le Gouvernement, arrive aux mêmes conclusions.

La conférence internationale de Nairobi suscite l’espoir que de nouveaux engagements seront pris pour la réduction des gaz à effet de serre.

En même temps que cette conférence se déroulent les négociations au titre de la convention des parties au traité de Rio, signée par 189 des 192 membres des Nations unies, et la deuxième réunion des parties au protocole de Kyoto, ratifié par 156 pays.

Aussi, madame la ministre, face à l’urgence de la situation et des enjeux vitaux pour l’environnement, pouvez-vous nous faire part des propositions que compte défendre la délégation française à Nairobi et nous dire ce que la France attend concrètement de cette conférence ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie et du développement durable.

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la conférence de Nairobi fait suite à celle qui s’est tenue à Montréal il y a à peu près un an et au cours de laquelle ont été enregistrées des avancées significatives dans les négociations autour de Kyoto et, surtout, de l’après-Kyoto. La dernière heure du dernier jour, sous la pression de plusieurs pays, dont la France, les États-Unis ont accepté de rester à la table des négociations et d’entrouvrir la porte pour l’après 2012.

Nous poursuivons donc aujourd’hui cette première année de discussions sur l’après 2012 : nous avons bien l’intention de ramener les États-Unis à un comportement différent et de retenir le Canada qui, semble-t-il, s’apprête à abandonner le protocole de Kyoto.

Il est évident que la France sera représentée à cette conférence. Notre délégation est déjà partie et je me rendrai moi-même à Nairobi, la semaine prochaine, pour le segment ministériel. Je rappelle que notre pays est très engagé, au niveau national comme au niveau international, et que sa voix porte, par le truchement du Président de la République et du Premier ministre.

À Montréal, nous avions obtenu plusieurs avancées. Il s’agissait de mettre les mécanismes de développement en place, avec des financements qui, jusqu’alors, n’avaient pas été au rendez-vous. La contribution de la France à ce fonds a été extrêmement importante. Nous allons aujourd’hui, au cours de ces négociations, inciter les pays en développement, tels que la Chine et l’Inde, à poursuivre leur croissance, mais en veillant à ce qu’elle soit sobre en carbone. Nous allons engager les autres à entrer dans un cadre plus acceptable.

Au-delà du rapport Stern, qui est extrêmement inquiétant, et du rapport de Christian de Boissieu sur le « Facteur 4 », je rappelle que la France a déjà pris des dispositions. Il y a quelque temps, le Premier ministre a annoncé un pacte national sur le climat et l’environnement, comportant diverses mesures. La France s’est aussi engagée à diminuer par quatre ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050. Au travers de toutes ces mesures, nous avons engagé un processus de lutte contre le changement climatique, que nous allons défendre à Nairobi en tâchant d’y rallier de nombreux pays.

Je rappelle également que la France milite en faveur d’une Organisation des Nations unies de l’environnement. Notre pays, qui est à l’origine de cette idée, a d’abord été seul à la défendre. Il a ensuite été rejoint par l’Allemagne, puis par une centaine de pays, dont, récemment, la Tunisie. Au travers de l’organisation qui commence à émerger, nous espérons avoir un discours beaucoup plus fort et disposer d’une force politique plus importante. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

énergie

Explications de vote et vote
sur l’ensemble d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au secteur de l’énergie.

La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste.

M. François Brottes. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, l'heure n'est pas encore au bilan de l'application de votre texte, mais le moment est venu d'en dénoncer ce que j’appellerai les faux-semblants, avant et après son passage au Sénat.

Souvenons-nous, tout a commencé par un mensonge.

M. Jean-Marc Roubaud. Oh ! Ce n’est pas possible !

M. François Brottes. « Je l'affirme, parce que c'est un engagement du Gouvernement : EDF et GDF ne seront pas privatisées. Le Président de la République l'a rappelé solennellement lors du conseil des ministres. » Ainsi s’exprimait M. Sarkozy, ici même, le 14 juin 2004. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Et quelques mois plus tard, après avoir engrangé plus de 44 % de hausse de ses bénéfices sur le dos des consommateurs, GDF est autorisée à être privatisée. Il fallait présenter à Suez la mariée sous ses meilleurs atours. C'est cela la privatisation : encore et toujours augmenter les dividendes des actionnaires !

Votre loi, c'est tout à la fois un démantèlement par idéologie, le plaisir de casser les grandes entreprises publiques par principe libéral strict, pour donner des gages à ceux qui aiment vous entendre supprimer des milliers de postes de fonctionnaires, mais qui viennent ensuite se plaindre auprès de leur député, qu’il soit de droite ou de gauche, du manque d'enseignants, d'auxiliaires de vie scolaire, de gendarmes ou d'infirmières...

Votre loi, c'est une privatisation sans concertation.

M. André Gerin. Eh oui !

M. François Brottes. D'ailleurs, le juge des référés a, ce matin, ordonné la poursuite de la procédure d'information des représentants des personnels de GDF sur le projet de fusion, à laquelle vous aviez tenté de vous soustraire, monsieur le ministre.

Votre loi, c'est une privatisation sans protection : ni la minorité de blocage, ni l'action spécifique ne constituent des remparts suffisants pour limiter l'augmentation des tarifs ou pour empêcher une OPA de Gazprom, par exemple, sur le nouvel ensemble.

Votre loi, c'est une fusion annoncée sans condition : plus on avance dans le temps, plus vos arguments sur l’attractivité de la fusion tombent, les uns après les autres, et le périmètre gazier et électrique du futur ensemble se réduit jour après jour. «Nous avons fait davantage de concessions que nous l'imaginions » avoue le président de Gaz de France, et ce n'est pas terminé : ni la Commission européenne, ni l'Autorité des marchés financiers, ni les actionnaires de Suez n'ont encore dit leur dernier mot. Oui, monsieur le ministre, c'est un chèque en blanc que vous demandez au Parlement.

Avec votre loi, ce sont des tarifs réglementés qui vont très vite rejoindre les prix du marché, ce sont donc des augmentations annoncées pour tous les usagers. C'est d’ailleurs écrit dans le contrat entre l'État et GDF, et c'est la conséquence mécanique de la mise en œuvre provisoire de votre tarif de retour, que vous appelez d’ailleurs le tarif transitoire d'ajustement du marché.

M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux !

M. François Brottes. Avec votre loi, ce sont les consommateurs qui vont financer le rabais accordé provisoirement aux entreprises puisque EDF, qui aura plus de charges, négociera une augmentation du tarif réglementé, tandis que la CSPE, contribution au service public de l’électricité, qui, en principe, doit financer le service public et les énergies renouvelables, sera, elle aussi, mise à contribution pour consentir une remise, certes nécessaire, aux industriels.

Votre loi, c'est la confirmation de la démission de l'État au profit du régulateur, puisque les programmes d'investissement des transporteurs de gaz naturel seront soumis à 1’approbation de la Commission de régulation de l’énergie ! Vous imaginez les conséquences que cela aura pour la desserte du gaz, notamment en milieu rural ?

Je passe sur la création d'un médiateur « fantoche » ou sur les tarifs sociaux alibi qui servent à faire « passer la pilule » d'une logique strictement financière qui sera destructrice pour les missions de service public et d'aménagement du territoire.

Pour conclure, je veux ajouter que la grande panne de samedi dernier, qui a à voir et avec l'électricité et avec le gaz, confirme la nécessité d'organiser un grand pôle public autour d'EDF et de GDF et d'avoir une approche similaire à l'échelle du continent européen. En frôlant la catastrophe, nous avons mesuré les limites de la dérégulation organisée, de la pénurie orchestrée. L'intérêt du marché et des actionnaires n'est-il pas finalement d'organiser la pénurie et de prendre en otage les usagers pour faire monter les prix ?

Parce que l'énergie est, en effet, un bien de première nécessité, le groupe socialiste considère qu'il n'est ni opportun, ni nécessaire, ni conforme à la Constitution de privatiser Gaz de France.

Votre loi opère la privatisation d'une entreprise publique disposant de la qualité d'un service public national ou de monopole de fait sur son périmètre d'action. En vertu de la Constitution, une entreprise de ce type doit appartenir au secteur public.

Gaz de France, comme monopole de fait, continuera à jouer un rôle en matière de péréquation des tarifs, d'utilisation des réseaux et assumera seul la fourniture de gaz naturel à un tarif réglementé à tous les clients domestiques qui le souhaitent, et à certains clients non domestiques qui le revendiquent.

Votre loi a pour effet de conférer à une entreprise privée un monopole à l'échelon national, à savoir celui de la distribution publique de gaz, comme concessionnaire des communes déjà desservies en gaz naturel, monopole qui en réalité est un bien national.

En imposant aux collectivités de passer d'un monopole public à un monopole privé, votre loi porte atteinte aux deux principes constitutionnels de la libre administration des collectivités locales et de la liberté contractuelle.

Le principe constitutionnel de garantie de la continuité du service impose que l’on débatte de la capacité réelle de l'État et de la pertinence effective des moyens qu'il se donne pour garantir que des biens irremplaçables et indispensables à l'exercice du service public, comme le réseau de transport de gaz par exemple, restent affectés au service public. Or votre loi ne garantit rien en ce domaine.

C'est pour toutes ces raisons et beaucoup d'autres, mais le temps m'est compté, que le groupe socialiste votera contre ce texte qui autorise la privatisation de Gaz de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie, monsieur le ministre délégué à l’industrie, mes chers collègues, nous arrivons au terme d’un très long débat au cours duquel chacun aura eu l’occasion de s’exprimer. Au nom du groupe UDF, je voudrais revenir sur trois sujets qui nous paraissent majeurs.

D’abord, sur la régulation. L’UDF a apporté son soutien à la première partie du texte, à savoir l’ouverture à la concurrence. Mais nous savons bien dans le Sud-Ouest qu’il ne suffit pas d’avoir de grandes équipes pour faire de grands matchs, il faut également un arbitre respecté, et je voudrais vous parler de la Commission de régulation. Il ne peut y avoir de fonctionnement correct de la concurrence sans un régulateur fort. Or la France, le débat l’a bien montré, n’aime pas les régulateurs.

L’UDF avait dénoncé le point d’équilibre auquel nous étions arrivés à l’Assemblée. Tous les jacobins de droite et de gauche que compte cette assemblée y étaient allés à cœur joie, rajoutant qui des parlementaires, qui des consommateurs, chargeant la CRE, qui n’en avait rien à faire, du problème de la médiation… Bref, ce fut un vrai festival anti-européen !

Le Sénat, qui reste un bastion du girondisme, a remis, avec votre appui, monsieur le ministre, les choses à peu près en place. S’en est suivie une grande négociation qui a abouti à une véritable usine à gaz.

Certes, nous avons évité le pire, il n’y a plus de parlementaires – nous commencerons peut-être à essayer de faire notre travail avant de faire celui de la CRE. Certes, la fonction de médiation avec les consommateurs, qui n’a strictement rien à voir avec la CRE, ne lui est plus confiée. Mais, au final, nous avons quand même, à notre avis, quelque chose de compliqué et de confus.

La CRE par exemple surveille les marchés, mais un comité est chargé du règlement des différends et des sanctions. Nous estimons qu’il y aura des litiges entre ces deux composantes.

Nous avons également des consommateurs et là, nous le disons très clairement, le projet est un peu pervers. La CRE est soupçonnée d’être anti-tarifs. Peut-être, nous l’avons dit à juste titre. Mais plutôt que de dire clairement à la CRE que les tarifs aux consommateurs ne sont pas son affaire, qu’elle doit s’occuper de la régulation, du transport et de la distribution et qu’ainsi les vaches seront bien gardées, l’État préfère mettre deux consommateurs dans les pattes de la CRE.

Nous avons, à l’UDF, le plus grand respect pour le mouvement des consommateurs. Nous aidons à son essor. Mais nous sommes là dans la confusion et l’UDF le dénonce.

Le deuxième sujet est le tarif de retour. Le débat est essentiel. Il est politique. C’est celui de la rente nucléaire et de son appropriation. Nous étions tous d’accord pour dire qu’il faut qu’EDF investisse fortement dans le renouvellement de ses réseaux de transport et qu’il faut trouver une solution pour les entreprises qui ont subi des hausses allant jusqu’à 70 %. Reste, à la fin de ce débat, un vrai malaise et une vraie déception. J’ai entendu une personnalité aussi respectable que Pierre Méhaignerie dire : « Je ne crois plus aux chiffres, ni à ceux de Bercy ni à ceux d’EDF ». De fait, nous ne disposions pas des chiffres pour arriver à un bon compromis. Nous dénonçons la confusion entretenue sur les chiffres. Quel est le prix de revient du kilowattheure nucléaire ? Est-ce vingt-cinq euros, trente euros ou quarante euros ? Après deux mois de débat, nous ne le savons toujours pas, et cela nous a empêché de légiférer dans la clarté.

M. François Sauvadet. C’est exact !

M. Jean Dionis du Séjour. Le troisième sujet, c’est la privatisation de GDF. Le groupe UDF estime que c’est une faute. Une faute, car nous sommes dans le secteur énergétique, non devant une crise, mais devant une révolution. Une faute, car l’importance du gaz ira en croissant – 20 % de l’énergie consommée aujourd’hui en Europe, 40 % annoncés pour 2030 –,…

M. Yves Cochet. Ah non !

M. Jean Dionis du Séjour. …et que c’est une énergie stratégique pour la satisfaction des besoins en électricité en semi-pointe et en pointe de nos demandes. Même s’il faut se garder des amalgames populistes, comment ne pas voir la panne de ce week-end comme un signal d’alerte sur la fragilité de notre organisation énergétique ?

M. François Sauvadet. C’est très vrai !

M. Jean Dionis du Séjour. La privatisation de GDF est une faute car, nous l’avons dit, c’est la responsabilité de l’État de rapprocher énergie et environnement puisque les trois quarts des émissions de gaz à effet de serre viennent de l’énergie. C’est à l’État de tenir, par une politique de l’énergie, nos engagements à long terme en matière d’environnement, et dans ce combat, vital pour la lutte contre le réchauffement climatique, le gaz est appelé à jouer un rôle majeur.

La privatisation de Gaz de France privera l’État d’un levier d’action majeur de sa politique énergétique au moment même où le gaz devient de plus en plus stratégique, à un moment de révolution énergétique où les énergies fossiles disparaissent,…

M. François Sauvadet. Absolument !

M. Jean Dionis du Séjour. …où la demande augmente et où les considérations environnementales prennent une importance croissante.

Le groupe UDF ne retrouve pas, dans la privatisation de Gaz de France, l’intérêt national. En conséquence, il votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Avant de donner la parole aux deux orateurs suivants, je vais faire annoncer le scrutin.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Daniel Paul. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les textes sur l’énergie passent et, hélas, se ressemblent ! Ceux qui ont été discutés ces deux dernières années n’ont fait que réduire toujours plus la place de la puissance publique dans la conduite et le contrôle de la politique énergétique, pour laisser la place aux intérêts financiers privés et au marché.

Ce texte marque, à ce titre, une nouvelle étape, gravissime, en livrant à la finance un pan supplémentaire de notre économie nationale, en l’occurrence des activités hautement stratégiques : l’achat, le transport, le stockage et la distribution de gaz. Sans compter la généralisation de la concurrence pour la fourniture d’électricité et de gaz, la filialisation des réseaux de distribution, la privatisation rampante de la distribution de gaz et celle, ouverte, du réseau de transport !

L’énergie concentre pourtant des enjeux économiques, environnementaux et sociaux cruciaux. Et cette décision politique intervient à un moment où le capitalisme industriel laisse la place à un capitalisme financier, avec l’abandon entre les mains d’agents boursiers des intérêts industriels, économiques et sociaux de notre pays.

Les « réformes » que vous introduisez n’en sont que plus graves, car non seulement vous privatisez un bien public, mais le capitalisme financier auquel vous livrez ce bien rend sa gestion encore plus incertaine. Comment admettre que, pour ce qui a trait à la négociation des contrats de long terme ainsi qu’à l’approvisionnement du pays et à la fourniture de nos concitoyens en énergie, aux choix d’investissements dans les infrastructures gazières, dans les oléoducs et les terminaux méthaniers, ainsi qu’aux orientations stratégiques de la recherche sur l’énergie, le poids des actionnaires privés sera plus lourd que celui des représentants de l’État et des salariés de l’entreprise ?

La première considération qui guidera désormais les décisions industrielles en matière de politique gazière de la France sera avant tout d 'ordre financier et devra avant tout satisfaire des intérêts privés. Et n’allez pas nous faire croire au patriotisme économique des actionnaires ! La débâcle de France Télécom, l’affaire EADS, sont autant de preuves de l’incompatibilité entre la satisfaction de l’intérêt général et la priorité donnée à la rentabilité financière !

De façon significative, d’ailleurs, les prétendus avantages de ce projet, qualifié abusivement de projet industriel, ont fait long feu. Les contreparties attendues par la Commission européenne constituent, pour GDF, des attaques directes contre le caractère intégré de l’entreprise, qui était pourtant un point fort pour les synergies industrielles de l’entreprise gazière : il lui permettait notamment d’opérer une péréquation de ses investissements entre ses différentes activités, inégalement rentables.

Et ce n’est pas tout. Les contrats de long terme sont eux aussi directement attaqués, et le nouveau groupe créé devrait se voir contraint d’en céder une partie à ses concurrents, comme de renoncer à tout développement portuaire, par exemple, sur le territoire national – c’est un comble ! Quant au périmètre du nouveau groupe, il est particulièrement rabougri par rapport au géant que vous évoquiez, du fait des coups de boutoir de la Commission européenne qui sont autant d’exigences de sa part.

Si votre majorité est réellement soucieuse du projet industriel, pourquoi casser les synergies entre EDF et GDF, leur culture d’entreprise commune, les missions similaires, leurs services communs ? Quel sens cela a-t-il d’avoir, en 2004, scindé l’entreprise publique d’électricité et de gaz pour, deux ans plus tard, faire le choix d’une alliance de GDF avec un autre électricien ?

Je rappellerai, une fois de plus, que la possibilité de fusion n’a été sérieusement étudiée ni par la commission Roulet ni par notre assemblée et que, pour le projet de fusion qui nous occupe aujourd’hui, votre majorité n’a pas fait montre d’autant de prudence vis-à-vis de l’avis de la Commission européenne sur le rapprochement des entreprises. Il est vrai qu’il s’agit de casser un opérateur public au profit d’un groupe privé !

Alors certes, tout le monde ne sera pas perdant dans cette opération ! Les cinq ou six euros supplémentaires rognés par les actionnaires lors de la discussion des modalités financières de la fusion devraient permettre à ceux-ci d’empocher au final quelque cinq à six milliards d’euros supplémentaires. Autant d’argent qui ne pourra répondre aux besoins du pays ! Allez-vous, monsieur le ministre, vous opposer à cette spoliation supplémentaire de notre peuple, volé de cet argent public ? Prenez-vous l’engagement de revenir devant le Parlement si les prétentions des actionnaires de Suez sont confirmées ?

Peut-être la question des coopérations entre entreprises énergétiques est-elle pertinente. Les problèmes de la raréfaction des énergies fossiles, des incertitudes du secteur, du contexte géopolitique de certains pays producteurs, de la déréglementation des différentes activités de production et de fourniture, sont effectivement nombreux. Mais votre réponse, au lieu de résoudre ces problèmes, ne fait qu’alimenter la « machine de guerre » dans le domaine énergétique.

Et cette guerre énergétique, vous avez largement contribué à l’organiser en livrant à la concurrence et aux capitaux privés des entreprises publiques qui avaient su faire preuve de leur efficacité ! Vous avez préféré suivre aveuglément le dogme libéral, sans vous soucier de la capacité de ce marché à assurer une répartition équitable des ressources, un prix modéré pour les consommateurs, des relations stables avec les pays producteurs, une continuité d’approvisionnement et des installations gazières et électriques sécurisées.

Dans quelques minutes, mes chers collègues de la majorité, vous prendrez la décision, lourde de conséquences, de voter la privatisation de GDF, entreprise nationale, puis entreprise publique, reniant ainsi la parole de l’État donnée en son temps par un ministre de la République. Mais l’histoire ne s’arrêtera pas au vote d’une majorité de passage. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.– Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) )

M. François Brottes. Très bien !

M. Daniel Paul. Nous l’avons déjà dit, nous oeuvrons à une organisation fort différente du secteur énergétique, au service des citoyens et du service public, avec un pôle public regroupant EDF et GDG, 100 % public, oeuvrant à des coopérations en France et en Europe. C’est donc sans hésitation que les députés communistes voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Serge Poignant. Messieurs les ministres, mes chers collègues, nous allons nous prononcer définitivement sur un texte de loi important ayant fait l’objet d’un accord majoritaire en commission mixte paritaire avec nos collègues du Sénat hier, 6 novembre.

Permettez-moi, tout d’abord, sur la forme, de penser que notre débat fera référence dans notre législature. Référence pour ce que nous, députés, pouvons faire de bien. Tout le mois de juillet a été mis à profit pour écouter et prendre le temps de nous faire une opinion argumentée. Merci encore à vous, messieurs les ministres, d’avoir bien voulu nous donner ce temps, à vous, monsieur le président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, d’avoir bien voulu l’organiser très judicieusement et à vous, monsieur le rapporteur, Jean-Claude Lenoir, d’avoir longuement et pertinemment travaillé, y compris sur d’éventuelles solutions alternatives. Merci également à vous, monsieur le président de la commission des finances, Pierre Méhaignerie, et à vous, monsieur le rapporteur pour avis, Hervé Novelli, qui avez également fait des propositions dont nous avons bien évidemment discuté.

Notre débat sera une référence peut être, parce que nous avons très largement débattu depuis le 7 septembre avec un premier vote le 3 octobre dernier.

Une référence certainement pour ce que nous pouvons faire de nettement moins bien, et c’est un euphémisme ! Je veux parler des dizaines de milliers d’amendements déposés par vous, chers collègues de l’opposition, qui vous êtes, en cours de débat, heureusement rendu compte de votre erreur. Puisse cet exemple servir de leçon pour le futur !

Mais venons-en très vite au fond. Le texte de la CMP confirme et complète ce que nous avons voté le 3 octobre. Face à l’ouverture totale des marchés européens au 1er juillet 2007 et à l’augmentation des prix, il nous fallait légiférer et les nouveaux consommateurs professionnels comme les nouveaux consommateurs domestiques, s’ils le demandent, pourront demeurer au tarif réglementé.

Le tarif d’électricité transitoire d’ajustement, voté le 3 octobre, sera amélioré en faveur des PME-PMI tout en maintenant un équilibre nécessaire avec les capacités d’investissement de l’opérateur. Merci, messieurs les ministres, d’avoir bien voulu considérer que nous votons sur un plafond à ne pas dépasser et que vous ajusterez ce tarif au mieux de l’intérêt général, et notamment des PME.

Quant à l’article 10, dont vous faites un casus belli, chers collègues de l’opposition, eh bien oui, nous pensons avec le Sénat et avec le Gouvernement qu’il était nécessaire de permettre à GDF d’avoir les moyens de nouer efficacement des alliances et de ne pas rester dans l’immobilisme dans le contexte de concentrations sans précédent que nous connaissons aujourd’hui.

Vous nous avez parlé ce matin de risques de pénurie, de rupture d’approvisionnement, et c’est bien dans ce contexte que nous nous plaçons pour légiférer.

Vous nous avez parlé de choix du profit par rapport au service public parce que nécessité de rémunérer des actionnaires. Nous affirmons notre volonté de maintenir le service public, …

M. Henri Emmanuelli. C’est faux !

M. Serge Poignant. …spécificité bien française, comme l’a dit ce matin François Loos, mais pas nécessairement au seul sein d’entreprises strictement publiques, car il nous faut considérer notre environnement et l’économie de marché qui est une réalité, que vous le vouliez ou non.

On nous parle de dogmatisme ou de reniement de la parole de Nicolas Sarkozy. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Puisque vous venez encore d’insister sur ce point, chers collègues François Brottes et Daniel Paul, je vous rappellerai une dernier fois les déclarations de Laurent Fabius en 2001 et Dominique Strauss Kahn en 2002 (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), tous les deux aujourd’hui candidats aux plus hautes responsabilités : « Une entreprise investie de missions de service public peut, sans tabou, nouer des partenariats industriels qui se traduisent par une alliance capitalistique. C’est dans ce cadre qu’avec pour objectif un projet industriel et social ambitieux, nous serons ouverts pour faire évoluer, le moment venu, le statut de Gaz de France ». Ou encore : « Le changement de statut d’EDF et l’ouverture de son capital sont compatibles avec le maintien de service public. La part de l’État devra être suffisante pour assurer un ancrage incontestable, sans pour autant graver dans le marbre le seuil de 50 % ».

Où sont le dogmatisme et l’idéologie, chers collègues de l’opposition ? Ayez au moins l’honnêteté intellectuelle d’accorder à Nicolas Sarkozy, comme à Laurent Fabius et à Dominique Strauss-Kahn, le droit d’adapter son avis à l’évolution des contextes.

Monsieur le ministre de l’économie, vous vous êtes engagé ce matin, comme lors de la discussion du projet de loi initial, à revenir devant la commission des affaires économiques, voire rapidement, pour la tenir informée de l’avance du projet de fusion entre GDF et Suez, que je pense personnellement être un bon projet.

Pour l’heure, le groupe UMP votera, dans sa grande majorité, je dois le préciser, comme il l’a déjà fait le 3 octobre, le texte qui revient de la CMP. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vais mettre aux voix par scrutin public l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

( Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale a adopté l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Jean-Luc Warsmann.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LUC WARSMANN,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

suspension des travaux de l’assemblée

M. le président. La conférence des présidents propose à l’Assemblée de suspendre ses travaux, en application de l’article 28, alinéa 2, de la Constitution, la dernière semaine de décembre 2006, ainsi que la première semaine de janvier 2007.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Loi de finances pour 2007

SECONDE PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007 (nos 3341, 3363).

Sécurité et sécurité civile

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la sécurité et à la sécurité civile.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour la sécurité.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour la sécurité. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la ministre de la défense, mes chers collègues, les deux programmes que nous examinons, « Police nationale » et « Gendarmerie nationale », relèvent de la même mission « Sécurité ». Cette mission est singulière, car elle est au cœur de l’État régalien, qui dispose du monopole de la violence légitime. Elle est difficile, car il s’agit de métiers exposés, observés, à risques, ainsi que nous l’ont démontré les événements de l’automne 2005. Elle demande de ceux qui l’exercent autorité, endurance et sang-froid. Enfin, elle est exigeante, car nos concitoyens nous fixent non pas une obligation de moyens, mais une obligation de résultats.

Je tenterai, au cours de cet exposé, de répondre à trois questions : nos policiers et nos gendarmes ont-ils les moyens de travailler ? Obtiennent-ils les résultats souhaités ? Concourent-ils à la nécessaire réforme de l’État ?

S’agissant des moyens, les crédits de paiement du programme « Police nationale » s’élèvent, pour l’année 2007, à 8,199 milliards, soit une hausse de 2,3 % ; ceux du programme « Gendarmerie nationale » à 7,484 milliards, soit une hausse de 2,9 %. Au-delà de l’annualité budgétaire, je souhaiterais dresser un bilan de la LOPSI, dont nous abordons l’ultime année d’application. Si ce bilan est globalement satisfaisant, il convient néanmoins de le détailler chapitre par chapitre.

Pour les personnels, la LOPSI est respectée. En 2007, 1 000 emplois seront créés dans la police, ce qui portera le total des créations de postes au titre de la LOPSI à 6 200 emplois de personnels actifs, pour un objectif de 6 500. Le taux de réalisation est donc de 95,4 %. Pour la gendarmerie, 950 emplois seront créés en 2007 et il conviendra d’en créer 950 autres pour atteindre les 7 000 emplois prévus dans la LOPSI.

L’évolution n’est pas seulement quantitative, elle est également qualitative, grâce à deux opérations considérables qui sont en cours. Dans la police, l’opération « Corps et carrières » vise à amaigrir l’encadrement supérieur et à renforcer l’encadrement intermédiaire, c’est-à-dire les corps d’exécution et de contact, qui bénéficieront d’une reconnaissance financière et qui verront leur professionnalisation s’accroître, puisque le nombre d’OPJ augmentera. Actuellement, un tiers des OPJ sont des gradés et gardiens ; bientôt, la moitié des officiers de police judiciaire seront issus de ce corps plutôt que de l’ancien corps des inspecteurs, devenus officiers. Dans la gendarmerie, le PAGRE – programme d’adaptation aux grades et aux responsabilités exercées – permettra de doubler le nombre d’officiers de gendarmerie. En sept ans, nous allons créer 5 000 postes d’officiers de gendarmerie et, dès 2007, 750 postes de sous-officiers seront transformés en postes d’officiers. Parmi les brigades, actuellement commandées par des adjudants, des adjudants-chefs et des majors, certaines le seront bientôt par des officiers, voire par de brillants élèves issus de nos grandes écoles militaires.

Les personnels de la police et de la gendarmerie sont également mieux utilisés grâce à différentes réformes, notamment l’entrée en vigueur de la nouvelle carte de la police et de la gendarmerie. En 2002, on prétendait que la réforme du zonage des compétences respectives de la police et de la gendarmerie relevait de l’utopie. Aujourd’hui, cette réforme est achevée en métropole et elle le sera en 2007 outre-mer. Je peux témoigner que, dans le département des Côtes-d’Armor, que je connais mieux que d’autres, ce nouveau zonage est de qualité, qu’il est apprécié des professionnels et compris des élus et des populations.

Par ailleurs, la « zonalisation » appliquée aux unités mobiles – gendarmes mobiles et CRS – est un gage d’efficacité et d’économie, puisqu’elle permet de réduire le nombre d’indemnités de déplacement. Cette réforme améliore également la vie des personnels concernés, puisque ceux-ci exercent leur métier plus spécialement dans la zone où ils résident, même si ce principe a connu quelques exceptions lors des événements de l’automne 2005.

L’effectif départemental de fonctionnement annuel – EDFA –, dont l’objectif est d’améliorer l’affectation des policiers, en particulier des gradés et gardiens, représente un effort de rationalisation. Il s’agit de fixer, non pas un effectif théorique ou un objectif de référence, mais un effectif souhaité dans chaque département et chaque unité de police. Cet outil est précieux pour permettre une allocation optimale des jeunes sortant des écoles.

La réussite de la LOPSI est également totale en ce qui concerne le matériel et les équipements. Les tenues des policiers et gendarmes ont été entièrement transformées en quelques années. Ceux-ci disposent désormais systématiquement d’un gilet pare-balles, ce qui était encore exceptionnel il y a cinq ans, et la distribution d’un nouveau pistolet, qui équipe les deux corps, s’achèvera en 2007. J’insisterai davantage sur le développement du système sécurisé de transmission propre à la police, Acropol. Alors que, en 2002, celui-ci progressait à une vitesse excessivement lente, il couvrira l’ensemble de la métropole au cours du premier semestre de 2007. J’ajoute que la mise en place de ce système en collaboration avec EADS est l’un des plus importants partenariats public-privé, en dehors du secteur de l’immobilier, conclus au cours de cette législature.

J’en viens maintenant à l’immobilier, pour lequel je serai moins louangeur car, dans ce domaine, nous n’atteignons pas les objectifs que nous nous étions fixés dans la LOPSI. Pour la police, nous n’en sommes pas très éloignés, puisqu’en 2005, 2006 et 2007, nous nous approchons de la construction des 100 000 mètres carrés annuels de locaux et de bureaux prévus. En revanche, pour la gendarmerie, un peu plus de 30 % du programme immobilier restera à réaliser fin 2007. Le sujet est sensible car, pour les gendarmes, ce n’est pas seulement leur lieu de travail qui est en jeu, mais aussi leur lieu de résidence et celui de leurs familles, auxquelles je souhaite rendre hommage.

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la gendarmerie. Très bien !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la sécurité. Pour l’année 2007, la progression est réelle, puisque 4 000 logements sont mis en chantier, contre un peu moins de 2 500 en 2006, mais force est de constater que nous avons pris un certain retard à l’allumage. Ce retard s’explique en partie par le fait que nous n’avions peut-être pas pris toute la mesure de l’état des locaux, dont je puis vous dire, pour avoir visité certaines gendarmeries avec mes collègues rapporteurs, qu’ils étaient presque indignes de personnels qui prennent des risques pour assurer notre sécurité. Le retard à rattraper était donc important. Il convient également de mentionner la lenteur de la maîtrise d’ouvrage publique, qui n’est pas spécifique à la police ou à la gendarmerie. Je veux enfin signaler que les partenariats public-privé, en particulier dans le cadre d’autorisations d’occupation temporaires – AOT –, qui étaient prévus à l’article 3 de la LOPSI, ont démarré avec un certain retard, des conservatismes divers s’exprimant au Conseil d’État ou parmi les architectes. Désormais, les chantiers sont lancés, même s’ils ne sont pas encore achevés, comme nous l’aurions souhaité.

Qu’en est-il des résultats obtenus au regard des moyens alloués ? En matière de délinquance, les résultats peuvent être appréciés en référence à un outil statistique constant, l’état 4001, qui n’a pas été modifié depuis une quinzaine d’années maintenant. Entre 1996 et 1997, la délinquance a baissé légèrement de 1,9 %. Entre 1998 et 2002, elle a augmenté de 15,4 %. Entre 2002 et 2005, depuis que nous sommes aux affaires, elle a diminué de 8,2 %, baisse qui se poursuit en 2006.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est faux !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la sécurité. Les résultats sont donc incontestables.

L’état 4001 révèle que ce sont 338 000 crimes et délits de moins qui ont été commis sur notre territoire. C’est une réalité objective. Cette baisse est particulièrement spectaculaire pour certains types de délinquance, puisqu’elle est de 16 % pour la délinquance de voie publique. Certes, les crimes et délits contre les personnes ont progressé. Mais, à ceux qui nous opposent cet argument,…

M. Jean-Pierre Blazy. C’est la réalité !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la sécurité. …je réponds que cette catégorie d’infractions comprend notamment les violences conjugales qui, naguère, étaient dissimulées, masquées, et qui font maintenant l’objet d’une déclaration et d’une plainte.

Les résultats s’apprécient également à l’aune d’autres indicateurs objectifs, notamment le taux d’élucidation, c’est-à-dire le taux de crimes et délits dont l’auteur est identifié, confondu et arrêté.

En 2002, le taux d’élucidation de l’ensemble des crimes et délits par les forces de police et de gendarmerie était de 26 % ; ce taux atteint aujourd’hui 33 %. Cette amélioration très concrète concerne l’ensemble des crimes et délits, quelle que soit leur nature, et l’ensemble des autorités, qu’il s’agisse de la police ou de la gendarmerie – étant précisé que le taux s’est accru encore plus rapidement en ce qui concerne la gendarmerie.

L’effort est également très net en matière de sécurité routière. Sous l’impulsion du Président de la République, qui a fait de cette question un enjeu national, nous sommes passés sous la barre des 5 000 tués par an, ce qui constitue un progrès considérable pour l’ensemble de la nation, auquel policiers et gendarmes ont pris leur part.

La LOLF, parfois critiquée, présente en tout cas l’indéniable avantage de permettre certaines agrégations. On peut ainsi constater qu’en équivalents temps plein, ce sont aujourd’hui 11 000 policiers et 12 600 gendarmes qui se consacrent en permanence à la lutte contre toutes les formes de délinquance routière. C’est dire l’importance des moyens en personnels affectés à cette activité majeure.

Il est toutefois un secteur de la sécurité routière où beaucoup de progrès restent à accomplir, je veux parler des motocyclistes. À kilométrage égal, les risques courus par ceux-ci sont vingt fois supérieurs à ceux des automobilistes. Il conviendra par conséquent de faire des efforts en termes de sensibilisation et d’alerte à l’égard de cette catégorie d’usagers de la route qui, par ailleurs, sont souvent bien plus jeunes que les autres victimes de la route.

Concernant la lutte contre l’immigration irrégulière, le travail de la police aux frontières – la PAF, qui a été réorganisée et renforcée par l’arrivée de 1 100 agents supplémentaires en 2002 – a été très efficace. En 2002, la police et la gendarmerie françaises ont éloigné 19 000 personnes en situation irrégulière. Au premier semestre 2006, ce sont 23 000 personnes qui ont été éloignées : ainsi, rien qu’au cours de ce premier semestre, nous avons fait mieux qu’au cours de la totalité de l’année 2002 ! C’est un vrai progrès et, à ce titre, je salue les efforts de la PAF, de la gendarmerie et de la sécurité publique. J’ajoute que la gendarmerie et la PAF contribuent substantiellement à renforcer les centres de rétention administratifs nécessaires pour permettre un éloignement effectué dans des conditions humaines et auxquels le budget de 2007 consacre 48 millions de crédits de paiement. De nouveaux centres sont d’ailleurs en cours de création.

Cette évolution positive résulte d’une remotivation des personnels – constatée dès 2002, sous l’influence de l’énergie déployée par Nicolas Sarkozy, et avant même la mise en œuvre des premières mesures nouvelles –, des personnels qui se sentent désormais dirigés, soutenus sur le plan matériel, et reconnus par l’opinion publique. Les policiers peuvent en outre se concentrer sur des attributions strictement policières : en effet, 2 000 emplois administratifs ont été créés depuis 2002, ce qui a permis de libérer les policiers de tâches qui ne relevaient pas de leur compétence – ni, la plupart du temps, de leur préférence. Autre élément d’efficacité, concernant cette fois la gendarmerie : l’organisation en communautés de deux ou trois brigades, qui permet d’obtenir un effectif global de 18 à 20 gendarmes. Cette organisation est la condition nécessaire à une présence nocturne sur le terrain, une brigade isolée de 7 à 9 gendarmes n’étant pas en mesure d’assurer cette présence de nuit, c’est-à-dire au moment où les délinquants agissent. J’insiste sur ce point, puisque certains évoquent à nouveau les débats que nous avons eus en 2002 sur la police de proximité : les délinquants agissent de nuit. Le but n’est pas de voir des uniformes uniquement pendant la journée…

M. Jean-Pierre Blazy. Les délinquants agissent aussi pendant la journée !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la sécurité. …mais d’assurer une présence des forces de l’ordre, en particulier de la gendarmerie, au moment où les délinquants sont le plus actifs, c’est-à-dire la nuit.

Le FNAEG, fichier national automatisé des empreintes génétiques, n’en était qu’à ses balbutiements en 2002. Nous nous perdions alors dans des débats théoriques. Désormais, ce fichier existe, il contient 300 000 profils génétiques et a facilité 4 821 rapprochements permettant de confondre des coupables ou d’innocenter des personnes injustement soupçonnées. Plus largement, c’est toute la police scientifique qui se développe : entre le travail de terrain et l’institut national de la police scientifique, ce sont plus de 1 500 policiers qui se consacrent à cette tâche et concourent à offrir un service extrêmement satisfaisant à l’ensemble de la police. Enfin, le logiciel Ariane va constituer un outil moderne permettant aux policiers et aux gendarmes de travailler sur des éléments communs.

D’autres gains de productivité peuvent encore être réalisés. Je pense en particulier aux gardes statiques, que j’évoque dans mon rapport, ainsi qu’aux transfèrements et extractions pour le compte de la justice, dont les progrès sont encore timides. Ce sujet tenait à cœur à notre regretté collègue Gérard Léonard, qui l’a souvent évoqué à cette tribune et avait déterminé des objectifs à atteindre dans ce domaine. La justice doit prendre sa part des efforts à accomplir. J’ai visité il y a un an un superbe tribunal construit sur la zone d’attente de Roissy, qui a coûté fort cher…

M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale, pour la sécurité civile. C’est la gauche qui l’a construit !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la sécurité. …mais se trouve toujours inoccupé à ce jour. Il me paraît scandaleux que des magistrats refusent de s’y rendre pour des raisons de principe, alors que cela permettrait de travailler dans des conditions de sécurité bien meilleures et éviterait aux forces de l’ordre de nombreux déplacements.

De même, il doit être possible d’aller plus loin s’agissant de l’installation de caméras de surveillance – une question qui donne lieu, dans la presse, à des débats très théoriques. À Strasbourg, 148 caméras couvrent l’essentiel de l’espace urbain, à la fois le centre-ville et les quartiers sensibles. Ce réseau a été cofinancé par la ville et la communauté urbaine et donne, me semble-t-il, toute satisfaction aux policiers qui y ont recours. Les résultats obtenus démontrent l’efficacité de cet outil, qui a contribué à la reconquête de la ville. D’autres communes se sont dotées d’un réseau de vidéosurveillance, notamment Lyon – où son déploiement, entamé par la précédente municipalité, a été poursuivi par l’équipe actuelle. Les caméras peuvent également être installées dans les transports en commun. Elles sont ainsi systématiquement présentes à bord des tramways de Strasbourg, et l’extension de cette solution à d’autres moyens de transport permettrait de disposer d’un système d’alerte et de réponse opérationnelle le plus rapide possible. La préfecture de Paris, quant à elle, est sous-dotée puisque l’on dénombre seulement 295 caméras sur le domaine public parisien, essentiellement à des fins de maintien de l’ordre public. Je regrette le recours largement insuffisant à cet outil pourtant très utile. J’ai en effet visité des salles de commandement de la Préfecture de police pendant les manifestations anti-CPE et pu vérifier en cette occasion que les caméras servaient à identifier et à appréhender un certain nombre de délinquants qui commettaient des vols pendant les manifestations, parfois au préjudice des jeunes manifestants eux-mêmes. J’espère que nous progresserons sur cette question et que, pour cela, nous saurons éviter de nous attarder à des considérations par trop théoriques.

Police et gendarmerie ont-elles contribué à la nécessaire réforme de l’État ? Ce qui s’est passé dans ce domaine est extrêmement intéressant. Nous avons assisté ces dernières années à la multiplication de marchés communs entre les deux institutions, notamment en ce qui concerne l’achat de pistolets – ce qui était impensable il y a encore cinq ans, chacun des deux corps invoquant sa propre spécificité. La mise en place, puis la banalisation de ces marchés communs, ont permis, grâce aux effets de seuil, de réaliser de très substantielles économies.

De même, je salue l’initiative de M. Sarkozy qui a permis de faire gagner du temps et de l’argent aux policiers grâce à la possibilité de rachat de jours de RTT. Cette mesure, qui répondait à l’attente des personnels de police, a ensuite été étendue aux gendarmes, et mériterait de l’être à d’autres administrations. Il en va de même s’agissant de la réserve, un système qui permet de disposer de personnels compétents et volontaires ; fonctionnant de façon très satisfaisante dans la gendarmerie, il a également été appliqué dans la police.

La réforme de l’État, c’est aussi la création de nouvelles voies de promotion interne. La voie d’accès professionnelle se développera en 2007. Cela implique aussi de nouvelles formes de recrutement : je suis très attaché au système des cadets, créé en 2004, qui permettra à de nombreux jeunes de tester leur vocation et éventuellement, s’ils satisfont aux exigences de recrutement, de travailler demain dans la police et de s’y trouver parfaitement intégrés. Il s’agit d’un élément très positif, notamment pour les jeunes issus de quartiers ou de milieux défavorisés. Je songe enfin aux classes préparatoires intégrées existant dans les grandes écoles de police, qui favorisent de réelles promotions.

Je terminerai par un élément qui, s’il a fait débat, constitue toutefois un vrai signe de la réforme de l’État, à savoir les primes de résultats. Il existait dans la police et la gendarmerie des primes attribuées en fonction d’éléments objectifs – compétence, travail de nuit, etc. – mais pas de primes de résultats. Celles-ci ne cessent de monter en puissance depuis leur mise en place puisqu’elles s’élevaient à 10 millions en 2005 dans la police, à 15 millions en 2006 et qu’elles seront de 20 millions en 2007. L’attribution de ces primes revêt un caractère exceptionnel, c’est-à-dire qu’elles n’ont pas vocation à bénéficier à l’ensemble des personnels, mais à distinguer ceux qui, par des actions individuelles ou par leur appartenance à une unité particulièrement performante, ont permis l’obtention de résultats exceptionnels. Nous devrions d’ailleurs nous inspirer de ce type de méthodes pour d’autres administrations, tout en évitant le saupoudrage ou la banalisation.

Enfin, les centres « Défense deuxième chance » permettent de mettre en valeur les compétences pédagogiques des personnels militaires. Je sais que la gendarmerie y contribue grandement.

En conclusion, monsieur le président, et en vous remerciant de votre bienveillance à mon égard parce que j’ai été un peu long, la commission des finances a suivi son rapporteur et conclu à la nécessité d’adopter le budget pour 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour la sécurité civile.

M. Georges Ginesta, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour la sécurité civile. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, les crédits de la mission « Sécurité civile » s’élèvent à 429,4 millions d’euros pour 2007. Ils représentent cependant moins de 8 % de l’effort national en faveur des services d’incendie et de secours, les SDIS.

M. Bernard Derosier. Eh oui !

M. Georges Ginesta, rapporteur spécial pour la sécurité civile. Si l’on comptabilise également les dépenses des autres ministères qui concourent à la sécurité civile, on aboutit à un total de 902,4 millions d’euros pour l’ensemble des services de l’État.

À cela s’ajoutent les services opérationnels fournis par les services départementaux d’incendie et de secours. L’ensemble des dépenses des SDIS s’élevait à 4,7 milliards d’euros dans le budget 2006. Au total, la sécurité civile représente donc un budget global de 5,6 milliards d’euros. Ces crédits en font l’une des grandes politiques publiques de notre pays, avec un coût supérieur à celui de l’action extérieure de l’État – 2,3 milliards d’euros –, de la culture – 2,7 milliards d’euros –, de l’agriculture – 3 milliards d’euros – et proche de celui de la justice – 6,3 milliards d’euros.

Depuis 2001, date de fin de mise en place de la départementalisation, les dépenses des SDIS ont augmenté en moyenne annuelle de 9,5 %. Force est de constater que l’augmentation a encore été de 5,3 % entre 2005 et 2006.

M. Jean-Paul Bacquet. Eh oui !

M. Georges Ginesta, rapporteur spécial pour la sécurité civile. Les structures créées par la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 n’ont donc pas encore réussi à enrayer cette évolution.

Le niveau de la dépense maintenant atteint est à la limite du supportable pour les contribuables.

M. Jean-Paul Bacquet. Il faudra le dire aux pompiers !

M. Georges Ginesta, rapporteur spécial pour la sécurité civile. Les services rendus en matière de secours n’ont pas justifié une telle évolution. Les ressources qui y sont maintenant affectées font défaut dans d’autres secteurs tout aussi prioritaires de l’action publique locale.

L’article 10 de la LOLF prohibe les crédits évaluatifs. Trois lignes budgétaires de la sécurité civile étaient systématiquement sous dotées en loi de finances initiale. La DDSC, la Direction de la défense et de la sécurité civile du ministère de l’intérieur a réalisé des efforts importants dans le projet de loi de finances pour 2007 pour doter suffisamment les dépenses de carburant et de produits retardant. En revanche, les crédits des colonnes de renfort ont été dimensionnés a minima ; un abondement devra donc intervenir avant la fin de l’année 2007.

Votre rapporteur spécial aurait souhaité qu’en application de l’article 51-1 de la LOLF l’échéancier des crédits de paiement relatifs aux flottes aériennes figure dans le projet annuel de performances.

Le transfert de l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers à Aix-en-Provence est prévu avant l’été 2007. Le contrat d’établissement entre l’État et l’École devrait être conclu rapidement, s’agissant d’une obligation dans le cadre de la LOLF.

Il faudrait également homogénéiser le niveau de recrutement et de formation des sapeurs-pompiers, afin d’éviter les comportements répréhensibles d’éléments radicaux de certains départements lors de manifestations où le commandement lui-même se voit contesté.

Le rapport du comité interministériel d’audit des programmes de mai 2006 a estimé que la DDSC n’avait pas mis en œuvre les procédures internes adéquates pour laisser aux responsables de budgets opérationnels de programme une autonomie de gestion suffisante. La DDSC oppose qu’elle ne dispose pas de services déconcentrés, mais délocalisés. Elle fait également valoir la spécificité de la sécurité civile où la grande volatilité des dépenses justifie un système de gestion prudentiel.

La constitution de la maquette de la LOLF avait été l’occasion de débats fournis sur la question de savoir s’il fallait limiter la mission « Sécurité civile » aux services du ministère de l’intérieur ou s’il fallait l’étendre aux interventions des autres ministères chargés de la prévention. Votre rapporteur spécial soutient, tout comme la commission des finances du Sénat, la démarche du ministre de l’intérieur visant à la création d’une mission interministérielle.

La DDSC assume la fonction de pilotage national des SDIS et des personnels qu’ils emploient. Celle-ci est la conséquence de l’article 1er de la loi de modernisation de la sécurité civile, qui dispose que « l’État est garant de la cohérence de la sécurité civile au plan national. Il en définit la doctrine et coordonne ses moyens. » Dans le respect du principe de la libre administration des collectivités, la DDSC devrait néanmoins renforcer son action en la matière.

La question qui se pose est de savoir si le service public de la sécurité civile est piloté ou pas dans sa globalité. Jusqu’à la loi de modernisation de la sécurité civile, la situation était déséquilibrée : l’État prenait les décisions et les collectivités en supportaient les conséquences financières.

M. Bernard Derosier et M. Jean-Paul Bacquet. Cela n’a pas changé !

M. Georges Ginesta, rapporteur spécial pour la sécurité civile. Pour pallier cette contradiction, la loi de modernisation de la sécurité civile a créé la Conférence nationale des services d’incendie et de secours. La CNIS est présidée par le sénateur Éric Doligé qui œuvre énergiquement pour lui donner sa dimension d’instance de concertation et de dialogue. Elle doit donner aux conseils généraux les éléments pour s’opposer à l’accroissement des dépenses des SDIS.

M. Jean-Paul Bacquet. Ce sont des vœux pieux !

M. Georges Ginesta, rapporteur spécial pour la sécurité civile. Votre rapporteur spécial estime néanmoins que la loi devrait la renforcer et lui donner un droit de consultation obligatoire avec avis conforme.

Les causes de l’augmentation des coûts des SDIS sont connues. Certes, ce sont désormais les conseils généraux qui votent les budgets des SDIS, mais leur gestion manque encore trop souvent de transparence.

M. Jean-Paul Bacquet. Très juste !

M. Georges Ginesta, rapporteur spécial pour la sécurité civile. Les conseils généraux négocient actuellement des conventions avec les SDIS, qui devraient permettre une programmation des investissements et une maîtrise de l’endettement.

La mutualisation des moyens des SDIS est encore embryonnaire. La loi de modernisation de la sécurité civile a donné aux SDIS la possibilité de créer des établissements publics interdépartementaux, mais cette disposition n’a pas encore été mise en œuvre.

M. Jean-Paul Bacquet. Les pompiers y sont opposés !

M. Georges Ginesta, rapporteur spécial pour la sécurité civile. Il faudrait utiliser le fonds d’aide à l’investissement des SDIS, le FAI, comme levier. On estime que des économies de 20 % à 25 % sont possibles par ces procédures de mutualisation. Sur un total estimé à plus de 350 millions d’euros d’achats par an, les élus locaux se priveraient ainsi chaque année de l’équivalent d’un FAI, soit 70 millions d’euros.

La coordination entre les différents acteurs de secours devrait être renforcée – SAMU, sapeurs-pompiers et ambulanciers –, avec notamment le développement de plates-formes communes « 15-18 ».

M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !

M. Georges Ginesta, rapporteur spécial pour la sécurité civile. Les SDIS n’ont pas encore pris le tournant de la gestion publique par la performance.

M. Jean-Paul Bacquet. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Georges Ginesta, rapporteur spécial pour la sécurité civile. La DDSC a élaboré un outil unifié de recueil et de traitement de l’information statistique relative aux SDIS, dénommé Infosdis. Il s’agit de faire encore évoluer cet outil pour constituer un ensemble d’indicateurs, de ratios et de référentiels permettant aux SDIS de se comparer entre eux.

Il serait utile d’informer les contribuables sur les dépenses des SDIS par une mention spécifique sur leur feuille d’impôts locaux…

M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !

M. Alain Gest. C’est indispensable !

M. Jean-Pierre Blazy. Très judicieux !

M. Georges Ginesta, rapporteur spécial pour la sécurité civile. …afin de susciter une prise de conscience de nos concitoyens sur le coût réel de ces services.

On comptabilise 10 000 sapeurs-pompiers professionnels de plus entre 1997 et 2005. Le décret du 31 décembre 2001 sur la réduction du temps de travail n’explique plus la poursuite des recrutements puisque le nombre de sapeurs-pompiers professionnels a encore augmenté de 958 entre 2004 et 2005.

M. Jean-Paul Bacquet. Surtout pour effectuer des tâches administratives !

M. Georges Ginesta, rapporteur spécial pour la sécurité civile. Une pause dans les recrutements s’avère donc nécessaire.

M. Alain Gest. Très bien !

M. Georges Ginesta, rapporteur spécial pour la sécurité civile. Depuis le décret de décembre 2001, les sapeurs-pompiers professionnels assurent entre 90 et 100 jours de garde de vingt-quatre heures par an, ce qui signifie 270 jours chômés par an. On sait que grosso modo 70 % de l’activité est concentrée sur 50 % du temps. Or, dans de très nombreux SDIS, on constate encore une présence en effectifs du même ordre à trois heures du matin – où il y a moins d’événements – et à seize heures. Une plus grande souplesse des régimes de garde est donc nécessaire.

M. Jean-Paul Bacquet et M. Alain Gest. Très bien !

M. Georges Ginesta, rapporteur spécial pour la sécurité civile. Le faible nombre annuel de gardes de vingt-quatre heures n’est pas sans dommage, tant au niveau personnel que professionnel. Il faut refonder la cohésion des équipes de secours et pour cela il faut travailler plus.

M. Alain Gest. Quel bon rapport !

M. Georges Ginesta, rapporteur spécial pour la sécurité civile. Le décret de décembre 2001 a prévu une évaluation du régime des gardes avant le 1er juin 2007. Sans anticiper ces travaux, on devrait examiner la possibilité d’harmoniser les régimes de garde au niveau national, afin de ne plus autoriser de gardes supérieures à douze heures, ce qui aboutirait à environ 135 jours de présence dans les casernes.

En conclusion, votre rapporteur spécial vous propose d’adopter les crédits de la mission « Sécurité civile ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Derosier. Quel dommage de conclure ainsi, vous aviez si bien commencé !

M. Alain Gest. Voilà un rapport courageux !

M. Jean-Paul Bacquet. C’est un bon rapport !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la gendarmerie nationale.

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la gendarmerie nationale. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, l’examen des crédits de la gendarmerie est une excellente occasion d’évoquer le travail accompli par les militaires de l’arme.

N’ayant que cinq minutes, soit deux fois moins de temps que mes collègues pour la police et la sécurité civile, j’y mettrai deux fois plus d’ardeur à défaut d’être deux fois plus concis.

L’action de la gendarmerie outre-mer tout comme celle des unités intervenant dans des secteurs particuliers comme la montagne ou le milieu aquatique constituent autant d’illustrations de la nécessité impérieuse de préserver le statut militaire des gendarmes, thème sur lequel j’avais insisté l’an passé.

Toute démocratie se doit d’avoir un système dual de forces de police Comme nombre de pays méditerranéens, la France dispose d’un système civil avec la police, militaire avec la gendarmerie. Il est important de veiller à le préserver.

M. Jean-Paul Bacquet. Il fallait le dire !

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis pour la gendarmerie nationale. J’ai constaté en Guyane que les gendarmes accomplissent leurs missions dans des conditions particulièrement difficiles. Leur engagement sans réserve mérite le respect, l’hommage et le soutien de la représentation nationale. Dans ce département, il existe des enclaves de non-droit, aux mains d’étrangers en situation irrégulière, et le contexte dans lequel travaillent nos militaires s’apparente à celui d’une OPEX. Malgré une insuffisance de moyens matériels et un contexte juridique pas toujours adopté, la gendarmerie s’attache à remplir efficacement ses missions.

Les instruments juridiques et les règles d’engagement doivent tenir compte de l’importance de l’immigration illégale et de la grande perméabilité des frontières. En matière de lutte contre l’orpaillage illégal, l’État dispose de moyens dont il convient de poursuivre la coordination. Aujourd’hui, une cellule réunissant, sous son autorité, le préfet, le procureur et le commandant supérieur des forces armées en Guyane définit la stratégie globale en la matière. Il est indispensable que la gendarmerie soit associée à cette démarche au plus haut niveau.

En Guyane, comme en Guadeloupe où j’étais la semaine dernière, il est nécessaire d’encourager le recrutement local, actuellement insuffisant. Parallèlement, les gendarmes métropolitains affectés outre-mer bénéficiant d’une indemnité, une forme de réciprocité qui, de fait, rétablirait une certaine égalité, se justifierait pleinement.

Faute de temps, je ne pourrai pas évoquer le manque de moyens en matière d’aéromobilité, les modalités de relève et la durée de la présence des escadrons de gendarmerie mobile, l’insuffisance du soutien sanitaire, en particulier pour les opérations Anaconda, l’insuffisance des moyens de communication,…

M. Jean-Pierre Blazy. Quel bilan négatif !

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis pour la gendarmerie nationale. …l’inadaptation de certains moyens de locomotion – les quads pourraient être particulièrement utiles – et la participation des forces armées en Guyane, les FAG, à des actions menées avec la gendarmerie – destructions à l’occasion d’opérations Anaconda – et le dimensionnement des moyens nécessaires à la surveillance du centre spatial guyanais.

Dans les milieux particuliers que constituent la montagne et le milieu aquatique, la gendarmerie est appelée à remplir des missions de secours et de police judiciaire. Le partage des missions de secours avec les CRS ou les pompiers n'a pas fait la preuve de son efficacité. Il ne tient pas compte de l'aspect judiciaire des interventions et génère des surcoûts qu'il est contestable de faire supporter par le contribuable. Une clarification sur l'ensemble du territoire serait donc utile. Puisque toutes les zones montagneuses sont situées en zone de gendarmerie, les missions de secours, à l'instar des missions de police judiciaire, devraient relever exclusivement de sa compétence. Ne serait-il pas plus logique d’envoyer des CRS en zone de police comme la banlieue où il y a tant de besoins, plutôt qu’en zone de montagne ?

Par ailleurs, je me suis rendu auprès de la gendarmerie des transports aériens. J'ai constaté que les missions qui lui sont confiées sont de même nature que celles accomplies par l'ensemble des gendarmes et justifient pleinement son appartenance au programme « Gendarmerie ». Je prends part ainsi au débat initié par la commission des finances l’an passé.

J’attire l'attention de la représentation nationale sur deux points que j'évoque dans mon avis. Le premier concerne le centre national de prospective de la gendarmerie sur la légitimité duquel je m'interroge, et le second la gestion des achats : je souhaite que soient plus largement ouvertes les possibilités d'allotissement, pour permettre à des PME et PMI de soumissionner sur un ou plusieurs lots.

Les dotations inscrites dans le projet de loi de finances pour le programme de la gendarmerie s'élèvent à 7,884 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 7,484 milliards d'euros en crédits de paiement, ce qui correspond respectivement à une progression de 6,18 % et 2,92 %. Cette augmentation illustre l'importance de la mission « Sécurité » en général et de l'action de la gendarmerie en particulier.

L'année 2007 est la dernière annuité d'exécution de la loi d'orientation pour la sécurité intérieure. Force est de constater aujourd'hui que les objectifs qu’elle s’était fixés ne seront pas atteints. Le projet de loi de finances prévoit la création de 950 emplois supplémentaires au titre de la LOPSI. Fin 2007, ce sont 6 050 emplois sur les 7 000 prévus par la loi qui auront été créés, soit un déficit de 950 postes au regard de l'objectif initial.

Les crédits d'investissements alloués au titre de la LOPSI s'élèvent à 220 millions d'euros, soit respectivement une diminution des autorisations d'engagement de 17 %,...

M. Jean-Pierre Blazy. Voilà un rapporteur honnête !

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis pour la gendarmerie nationale. ...mais une progression des crédits de paiement de 10 % par rapport aux montants inscrits pour 2006. Ces montants ne combleront pas le retard accumulé. Seule la prorogation de la loi pour une année supplémentaire en permettrait la pleine exécution en ce qui concerne tant les emplois que les équipements.

Les crédits d'investissements permettront de maintenir un taux de disponibilité des hélicoptères de la gendarmerie supérieur à 80 %, de poursuivre leur renouvellement et de lancer une commande, que je réclame depuis deux ans, de soixante-dix-huit engins blindés, les véhicules de l’avant blindés pour le maintien de l’ordre, destinés à remplacer les véhicules blindés à roue de la gendarmerie qui sont hors d’âge.

Un abondement exceptionnel de 400 millions d'euros est destiné au financement de projets immobiliers. La mise en œuvre des procédures de partenariat public-privé avec autorisation d'occupation temporaire du domaine public aura un impact fort sur le développement et la modernisation du parc domanial, et cette dotation exceptionnelle permettra, entre autres, de lancer cinq opérations majeures. Toutefois, votre rapporteur s’interroge sur le bien-fondé des modalités juridiques de l’une d’entre elles pour laquelle une solution entièrement domaniale aurait été préférable – il s’agit du siège de la Direction nationale de gendarmerie nationale à Issy-les-Moulineaux – sous réserve qu’ait été affecté à la gendarmerie le produit de la vente de certaines des emprises délaissées par les services après le regroupement de la direction générale.

Depuis 2002, je dénonce la situation préoccupante du parc immobilier en général, et du parc domanial en particulier, qui subit un décrochage par rapport au parc locatif. Malgré l'augmentation des charges de loyer qui en résulteront, le recours au bail emphytéotique administratif – BEA – permettra d’apporter une réponse à une situation intolérable.

Si j’avais eu un peu plus de temps, j’aurais abordé d’autres sujets aussi importants pour la gendarmerie, mais, je vous rassure, monsieur le président, je me contenterai de les citer : la charge trop lourde des transfèrements qui devrait logiquement être du ressort de l’administration pénitentiaire ; les capacités d’intervention complémentaires au groupe d’intervention spécial de la gendarmerie nationale que sont les pelotons d’intervention interrégionaux de la gendarmerie – les PI2G – et les groupes de pelotons mobiles – les GPM ; enfin, l’action et les moyens des réserves, très opérationnelles, de la gendarmerie.

Avant de conclure, je veux rendre un hommage tout particulier au professionnalisme, au courage, au dévouement et à l’efficacité des gendarmes dans leurs difficiles et périlleuses missions, qu’ils accomplissent souvent au péril de leur vie.

La commission de la défense a donné un avis favorable aux crédits du programme de la gendarmerie pour 2007, et j’invite l'Assemblée à se prononcer dans le même sens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour la sécurité.

M. Guy Geoffroy, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour la sécurité. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la ministre, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, comme l’a dit le rapporteur spécial pour la mission « Sécurité », le budget pour 2007 constitue la dernière année de la mise en œuvre de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure que nous avons votée au tout début de la législature. Et, même s’il reste, malgré tout, des efforts à accomplir, en particulier en faveur de la gendarmerie, le bilan est extrêmement satisfaisant.

Il faut se rappeler que la précédente loi d’orientation et de programmation pour la sécurité qui remontait à 1995 avait connu un début de mise en œuvre en 1996 et en 1997, et permis d’obtenir quelques résultats dans la lutte contre la délinquance.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est une contre-vérité !

M. Alain Gest. Mais non !

M. Guy Geoffroy, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité. Mais force est de constater qu’à l’issue des deux premières années, une rupture est intervenue à la fois dans les orientations et dans la programmation. La police de proximité n’aura pas suffi à tenir quitte de sa gestion le gouvernement qui a dirigé notre pays de 1997 à 2002 et à considérer qu’il avait respecté les principes contenus dans la loi. Il n’a pas obtenu de diminution substantielle de la délinquance et de la criminalité.

M. Jean-Pierre Blazy. On en reparlera !

M. Guy Geoffroy, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité. En revanche, la LOPSI mérite bien son nom de loi d’orientation – les axes qu’elle a définis étaient forts et ils ont été suivis tout au long de la législature – et de programmation puisque les objectifs ont été respectés année après année. Si bien qu’aujourd’hui, la quasi-totalité des engagements sont tenus. En tout cas, pour la police nationale, le compte y est, et il y est presque pour la gendarmerie. Bref, s’agissant de la mission « Sécurité intérieure », la satisfaction est au rendez-vous.

L’avis que j’ai rendu au nom de la commission des lois revient sur les orientations fixées. La LOPSI que la majorité, unie et solidaire, a adoptée dès le début de la législature, a procédé à une véritable refondation de l’organisation de la sécurité intérieure sur notre territoire.

Au niveau national, tout d’abord. L’une des premières décisions du quinquennat a été la création, par décret du 15 mai 2002, du conseil de sécurité intérieure présidé par le chef de l’État, et qui est appelé à améliorer encore la coordination de l’action des forces de sécurité intérieure. Il a ensuite été décidé de placer sous commandement unique l’ensemble des forces – la police nationale et la gendarmerie – et de mettre en chantier une refonte, ambitieuse et réussie, des dispositifs concourant à la sécurité intérieure grâce à une meilleure coordination interministérielle.

Au niveau local, ensuite. Le redéploiement sur le territoire de la police et de la gendarmerie a été mis en œuvre. Il est quasiment achevé, Marc Le Fur l’a rappelé, alors qu’il n’avait pas abouti. Il y avait bien eu sur le sujet un rapport, excellent au demeurant, de MM. Carraz et Hyest, mais il était resté lettre morte. Aujourd’hui, soixante-cinq départements sont concernés et c’est une réussite. Nos dispositifs sont plus lisibles, plus clairs, et l’efficacité est au rendez-vous.

La LOPSI aura aussi été l’occasion de définir une nouvelle doctrine de l’utilisation des forces mobiles, et nous avons pu en vérifier l’impact positif l’an passé au moment des troubles de novembre 2005. Elle repose sur un commandement national pour ce qui reste de responsabilités nationales et sur la déconcentration au niveau des préfets des compétences qui peuvent et doivent être déléguées. Ainsi sept départements peuvent-ils en permanence recourir immédiatement aux forces mobiles.

Autre mesure, courageuse mais nécessaire, celle qui a recentré les forces de sécurité sur leurs missions fondamentales, qui, outre la prévention, demeurent l’arrestation des criminels et des délinquants, et la traduction de ceux-ci le plus rapidement possible devant la justice.

En parallèle, l’action judiciaire a été renforcée : 25 % de plus des effectifs de la police nationale disposent désormais de pouvoirs d’officier de police judiciaire. La gendarmerie n’est pas en reste avec une augmentation de plus de 20 %. Ce mouvement s’est traduit par une plus grande efficacité du travail de nos forces de sécurité, c’est-à-dire par davantage d’arrestations et de dossiers transmis à l’autorité judiciaire, donc, finalement, par une baisse incontestable de la délinquance et de la criminalité. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Pour obtenir de tels résultats, il fallait une programmation financière ambitieuse, que nous avons soutenue malgré les difficultés budgétaires et qui a été intégralement respectée. Le budget pour 2007 s’inscrit dans la continuité et il concourra au respect à 100 % des engagements – à quelques décimales près pour la police et très près des objectifs pour la gendarmerie.

S’agissant des personnels, l’objectif était fixé à 6 500 policiers supplémentaires. Nous en serons à 6 200 à la fin de l’année 2007 et l’effectif total aura dépassé 150 000. En ce qui la concerne, la gendarmerie partait de beaucoup plus loin et l’effort était encore plus ambitieux : il fallait ajouter 7 000 gendarmes de plus aux 100 000 déjà en place. À l’arrivée, nous en sommes à plus de 6 000. Nous pouvons affirmer que le contrat est respecté et nous pouvons, nous qui avons voté la LOPSI et, après année, les budgets correspondants, être fiers du travail accompli sous l’égide du Gouvernement.

Les efforts ont également porté sur les équipements. À l’occasion de mes déplacements, j’ai entendu dire, et c’est sans précédent, que les véhicules sont plus nombreux, mieux entretenus, donc plus disponibles. Ainsi, la police et la gendarmerie peuvent mieux faire leur travail.

Nous avons tous constaté l’effort sans précédent en matière de sécurité des forces avec l’attribution individuelle de gilets pare-balles adaptés, en remplacement des anciens qui étaient encombrants, difficiles à porter et en nombre insuffisant, au point que les hommes devaient se les partager !

Des moyens sont également consacrés à l’amélioration technique : le FNAEG – fichier national automatisé des empreintes génétiques – est à ce titre une véritable réussite, qu’il n’est plus la peine de commenter. Mais je tiens aussi à mentionner les rapprochements entre fichiers, notamment l’interconnexion des bases de données STIC et JUDEX, qui se prolongera cette année dans le cadre des interfaces mis en place. Toutefois, Ariane permettra bientôt de remplacer les systèmes existants, les policiers et les gendarmes pouvant dès lors disposer dans leur travail d’une base commune de recherches criminelles.

En outre, les carrières sont reconfigurées dans le cadre du protocole de 2004 pour la police et, pour la gendarmerie, dans celui du PAGRE – Plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées –, que Marc Le Fur a évoqué. Les résultats sont incontestables : en effet, plus d’un policier sur deux aura bénéficié, au terme du processus, d’une promotion professionnelle au-delà des promotions ordinaires. Par ailleurs, ce programme s’est accompagné de dispositifs nouveaux en matière sociale, que nous avons eu l’occasion d’évoquer, monsieur le ministre d’État, en commission et que vous vous êtes engagé à continuer de privilégier à l’avenir. Si des efforts ont été faits notamment en matière de prêt à taux zéro ou de création de places de crèche pour les enfants de nos policiers nationaux, ces efforts devront être prolongés afin de répondre aux besoins de la vie quotidienne.

Si ces résultats sont encourageants – à ce titre la baisse de la délinquance est considérable, au regard surtout de la hausse constatée sous le gouvernement de Lionel Jospin –, des interrogations demeurent, qui prouvent que les efforts engagés doivent être poursuivis. De même les succès en matière de sécurité routière – Marc Le Fur les a rappelés – ou de lutte contre le terrorisme ou l’immigration clandestine, qui doivent être poursuivis, ne doivent pas occulter deux sujets qui restent préoccupants : le premier, c’est l’augmentation des violences contre les personnes,…

M. Jean-Pierre Blazy. La très forte augmentation !

M. Guy Geoffroy, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité. …qui est le signe d’une évolution de la délinquance vers la criminalité : il faudra en la matière durcir notre politique et la rendre plus efficace.

M. Alain Gest. Absolument !

M. Jean-Pierre Blazy. Le bilan est donc négatif !

M. Guy Geoffroy, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité. Le second sujet de préoccupation, c’est le fait que la délinquance touche davantage aujourd’hui qu’hier les mineurs et la jeunesse dans son ensemble. Un tel constat doit entraîner de notre part une plus grande fermeté et la mise en place d’un dispositif de prévention de la délinquance mieux adapté – nous examinerons bientôt à ce sujet un projet de loi qui, nous le savons, nous permettra d’apporter des réponses encourageantes.

Le budget pour 2007 de la sécurité permet de poser la dernière pierre à l’édifice : en effet, avec 8,5 milliards d’euros, le budget de la police nationale connaît par rapport à 2006 une augmentation de 2,3 %, un effort considérable au regard de la progression moyenne du budget de la nation – 0,8 %. Quant à la gendarmerie, elle bénéficie d’un budget de 7 milliards d’euros, ce qui représente une augmentation plus importante que celle de la police puisqu’elle frôle les 3 %, mais le retard à combler était, lui aussi, plus important : l’effort devait être à la hauteur de l’enjeu.

La commission des lois vous propose d’adopter les crédits de la sécurité intérieure parce qu’ils nous permettront d’avancer considérablement. Il nous restera cependant encore beaucoup à faire pour prolonger l’effort en faveur de la police nationale et l’accentuer en direction de la gendarmerie. La commission des lois a, à cet effet, d’ores et déjà proposé une année supplémentaire pour la mise en œuvre complète de la loi d’orientation votée en 2002.

Ce projet de budget pour 2007 nous permet d’assumer totalement notre ambition et de mieux garantir, en toute responsabilité, la sécurité de nos concitoyens. Toutefois, je le répète, l’effort devra être prolongé. Nous avons été à la hauteur de l’enjeu : espérons que nos concitoyens nous permettent de l’être encore à l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour la sécurité civile.

M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour la sécurité civile. Monsieur le président, Monsieur le ministre d’État, madame le ministre, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, lorsque je me suis présenté devant vous pour la première fois à l’automne 2002 en tant que rapporteur pour avis de la commission des lois, je saluais l’augmentation significative du budget de la sécurité civile pour 2003, augmentation qui devait permettre d’accomplir sa modernisation. Je me réjouis aujourd’hui que cet effort ait été maintenu au cours des cinq années écoulées. Les crédits de paiement pour 2007 s’inscrivent dans cette perspective en insistant sur la modernisation des moyens, qu’il s’agisse des moyens aériens et de communications ou de ceux permettant de lutter contre les risques NRBC – nucléaire, radiologique, biologique et chimique.

En 2002, j’avais également souligné les quatre chantiers majeurs que nous devions mener à bien : le fonds d’aide à l’investissement des SDIS, les mesures en faveur des personnels, le développement des moyens techniques de la sécurité civile et l’adaptation aux nouvelles menaces.

Je souhaite saluer les efforts de tous ceux qui ont contribué à honorer ces promesses, dont la loi de modernisation de la sécurité civile constitue le meilleur exemple.

Clé de voûte de la rénovation, ce texte fait en effet l’objet d’une application déterminée de la part du ministère de l’intérieur puisque, à ce jour, près de 80 % des décrets d’application sont publiés. J’aurai l’occasion d’y revenir en détail lors de la présentation en début d’année prochaine du rapport sur la mise en application de ladite loi, prévu par l’article 86, alinéa 8, de notre règlement. C’est pourquoi, ne faisant qu’évoquer cette loi pourtant fondatrice d’une politique de sécurité civile française adaptée aux enjeux de demain, je consacrerai mon intervention à démontrer que les engagements pris en 2002 ont été tenus.

Alors que sa mise en place avait été accueillie très favorablement, le fonds d’aide à l’investissement des SDIS, outil incontournable de la solidarité nationale, suscite aujourd’hui des critiques unanimes et répétées, tant sur l’insuffisante consommation des crédits que sur la pertinence des investissements financés ou encore sur la complexité de la procédure.

Après trois années d’expérience, vous avez souhaité, monsieur le ministre d’État, et je vous en félicite, revenir à l’esprit qui avait présidé à la création du FAI, en privilégiant son affectation à la mutualisation des moyens interdépartementaux et au financement d’équipements stratégiques. Cette réorientation fera l’objet d’un décret annoncé par le ministre de l’intérieur accompagnant la simplification de la procédure déjà initiée, ce qui va dans le bon sens.

D’ores et déjà, afin de renforcer l’incitation au déploiement d’ANTARES, le Gouvernement a, pour 2007, décidé de flécher une fraction des crédits du FAI en sa faveur : 13,182 millions d’euros en crédits de paiement et 118,638 millions en autorisations d’engagement.

Par ailleurs, la demande légitime de reconnaissance de la dangerosité du métier et des missions de sapeur-pompier, longtemps demeurée sans réponse, est désormais satisfaite par son inscription dans la loi de modernisation. Celle-ci n’est pas restée lettre morte, puisque le dispositif de fin de carrière des sapeurs-pompiers professionnels a été amélioré, sans qu’il ait été toutefois satisfait aux revendications en matière d’âge de départ à la retraite. Il nous faut donc explorer de nouvelles pistes, afin de trouver pour les sapeurs-pompiers finissant leur carrière des emplois adaptés à leur condition physique.

La crise du volontariat, quant à elle, qui se manifeste par la baisse des effectifs et la diminution de la durée de leur engagement, inquiète depuis longtemps les responsables de la sécurité civile. Le Gouvernement n’a pas, en la matière non plus, ménagé ses efforts pour tenter d’y remédier, en multipliant les instruments tant en faveur des volontaires eux-mêmes que de leurs employeurs. La création de la prestation de fidélisation et de reconnaissance permet ainsi de récompenser financièrement le dévouement des volontaires. Plus récemment, la signature d’un plan d’actions en faveur du développement du volontariat assigne aux différents partenaires, État, SDIS et employeurs, des objectifs pour contribuer à l’encouragement du volontariat. Ce plan vient s’ajouter au dispositif fiscal mis en place l’année dernière, qui permet aux entreprises mettant à disposition leurs employés sapeurs-pompiers de bénéficier d’une réduction d’impôt.

La modernisation de la sécurité civile ne peut se dispenser d’un effort particulier en matière de formation des personnels. Afin d’accroître les capacités de formation, le transfert complet de l’École nationale des officiers de sapeurs-pompiers à Aix-en-Provence et à Vitrolles a été avancé à l’été 2007, tandis que le pôle de défense civile de Cambrai fonctionnera dès le début de l’année prochaine.

Alors que l’année 2005 avait été tragique pour la sécurité civile, celle-ci a été relativement épargnée en 2006, même si plusieurs accidents dramatiques sont à déplorer. Toutefois, si les accidents demeurent un sujet de préoccupation constante, la problématique de la sécurité des sapeurs-pompiers s’est déplacée sur le terrain des incivilités. Les sapeurs-pompiers, comme d’autres représentants de l’autorité publique, sont désormais confrontés, au cours de leurs interventions, à la violence. En 2005, 728 actes d’incivilité ou agressions touchant 1 124 sapeurs-pompiers ont été recensés par la Direction de la défense et de la sécurité civiles, à partir des données fournies par soixante-neuf départements. Une telle atteinte à l’intégrité d’hommes et de femmes qui se consacrent au secours de la population est intolérable. Je soutiens donc les initiatives annoncées par le Gouvernement visant à renforcer l’arsenal juridique en vue de sanctionner plus sévèrement les agressions dont sont victimes les sapeurs-pompiers.

Par ailleurs, la structure et le dimensionnement de la flotte d’avions de la sécurité civile correspondent aux besoins recensés pour la lutte contre les incendies. Le bilan des interventions du bombardier gros porteur Dash 8 au cours de l’été devrait convaincre les dernières réticences quant à ses qualités dans la lutte contre les incendies. Il convient, de surcroît, de souligner la rentabilité de cet appareil qui, à la différence des Canadair ou des Tracker, ne reste pas inactif en dehors de la saison des incendies mais exécute des missions de transport de fret et de personnes, principalement pour le compte de la Direction générale de la police nationale. Le processus de renouvellement de la flotte d’hélicoptères, quant à lui, est parvenu à son terme – je rappelle qu’une personne par heure est sauvée grâce aux hélicoptères dans le secours à personne.

Une attention particulière est, en outre, portée à la sécurité des interventions aériennes. Les dramatiques accidents de l’été 2005 et de juin dernier ont ainsi donné lieu à des enquêtes et à des groupes de travail, afin d’améliorer constamment la doctrine d’emploi, la formation des équipages ou les équipements des appareils qui constituent les principaux paramètres d’une mission.

Le programme ANTARES répond également au souci de modernisation des moyens techniques de la sécurité civile. L’objectif d’interopérabilité des réseaux de communication doit permettre d’améliorer les conditions d’intervention, tant en matière de sécurité des personnels que d’efficacité opérationnelle. L’État prend en charge financièrement et techniquement, au travers d’Acropol, le projet d’infrastructure complémentaire qui devrait être achevé en 2010 tandis que les SDIS sont responsables de la migration de leurs équipements propres. Ce projet fait l’objet de plusieurs expérimentations dans l’Ain, l’Eure-et-Loir, la Gironde et les Vosges. Ayant déploré par le passé le retard pris dans l’extension de l’infrastructure, je me réjouis de l’effort accompli dans ce projet de budget pour parvenir au déploiement rapide d’un outil jugé par tous indispensable.

Les nombreuses catastrophes en tous genres de ces dernières années – AZF, inondations, attentats terroristes – confirment la nécessité pour la sécurité civile d’être en mesure de répondre à ces nouveaux défis. La clarification de l’organisation des secours, la révision des plans d’intervention, l’accentuation des formations aux risques NRBC ainsi que l’acquisition de matériels à haute technologie participent, dans le cadre de ce budget, à cette adaptation incontournable.

Le bilan satisfaisant des incendies de l’été 2006 témoigne de la pertinence des choix opérés depuis plusieurs années. En effet, nous avons connu cette année approximativement le même nombre de départs de feux que l’année passée mais les surfaces brûlées ont été divisées par trois : 1 100 départs de feux et 5 200 hectares ravagés en 2006, contre 17 800 hectares pour 900 départs en 2005. Les choix opérés depuis plusieurs années – le prépositionnement des moyens aériens et au sol, le guet aérien armé, le renfort du Dash 8 ainsi que le quadrillage systématique du terrain – constituent donc les éléments d’une stratégie préventive qui semble aujourd’hui porter ses fruits. La coopération avec Météo France, le suivi judiciaire des incendies et le débroussaillement contribuent également au succès de cette politique de prévention.

Toutefois, en ce qui concerne le débroussaillement, si je me félicite qu’il permette d’associer nos concitoyens à la lutte contre les incendies, l’obligation de l’effectuer sur une profondeur de cinquante mètres peut entraîner certaines aberrations. C’est pourquoi je prends acte que le ministre du budget et vous-même, monsieur le ministre d’État, vous soyez engagés lors de vos auditions en commission à trouver une solution permettant de minimiser les frais d’un tel débroussaillement pour ceux de nos concitoyens dont la facture en la matière se révèle trop onéreuse.

Nos successeurs, quels qu’ils soient, devront s’attacher à construire une véritable culture de sécurité civile afin que cette préoccupation trouve un écho dans la population hors des circonstances dramatiques. La sensibilisation des élèves et l’apprentissage des gestes de premier secours, prévus par la loi de modernisation, doivent ainsi être encouragés avec force par les ministères de l’intérieur et de l’éducation nationale. Le financement des services d’incendie et de secours est à nouveau posé du fait du prochain report de la suppression des contributions communales. Parallèlement, le renforcement de la coopération européenne devra figurer parmi les futures priorités.

Au terme de mon intervention, je souhaite remercier les 250 000 sapeurs-pompiers professionnels et volontaires sans lesquels la politique de modernisation serait restée un vœu pieux. Leur dévouement, leur courage et leur conscience professionnelle sont autant de gages pour que la mutation de la sécurité civile se poursuive sereinement dans les années à venir.

Pour toutes ces raisons, la commission des lois a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurité civile » et je vous demande, mes chers collègues, de suivre cet avis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame le ministre, monsieur le ministre, mes premiers mots seront pour évoquer le souvenir de Gérard Léonard. J’avoue avoir un peu de mal – M. Geoffroy le comprendra – à m’habituer à présider ces débats hors la présence d’un député qui faisait honneur à l’Assemblée nationale…

M. Jean-Pierre Blazy. Vous ne présidez pas ces débats !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Présider en tant que ministre, chacun comprend bien ce que j’ai voulu dire.

Passionné par les questions de police, M. Léonard était un homme d’une grande fidélité à ses idées et qui a accompli un travail remarquable au sein de la commission des lois entre 2002 et 2005.

Mme Maryse Joissains-Masini. Très juste !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. J’espère qu’au-delà des seuls bancs de l’UMP, chacun comprend pourquoi j’ai voulu évoquer la mémoire de cet homme.

M. Jean-Pierre Blazy. Tout à fait !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Vous le savez, le souvenir de ce qu’on a fait doit rester, ne serait-ce que pour montrer que sa vie n’a pas été inutile. En outre, la disparition de son fils quelques semaines après lui rend ces souvenirs d’autant plus douloureux.

Je remercie les rapporteurs pour leur présentation passionnée, précise et argumentée de ce dernier budget de la sécurité de la législature, qui est aussi le dernier de la LOPSI. Sous cette législature, l’examen du budget est heureusement devenu celui des résultats obtenus autant que celui des moyens déployés. Depuis 2002, j’ai la responsabilité de l’emploi de la police et de la gendarmerie. Ainsi, depuis cette même année, sous l’autorité du Président de la République, avec les Premiers ministres successifs, avec Mme Alliot-Marie, M. de Villepin lorsqu’il était ministre de l’intérieur et moi-même, nous avons engagé une nouvelle politique de sécurité.

Les résultats sont au rendez-vous et les chiffres ne peuvent être contestés par personne puisque l’appareil statistique n’a pas été modifié pendant cette législature. Il ne doit d’ailleurs pas être si mauvais puisque pendant les cinq années du Gouvernement de M. Jospin non plus, il n’a pas été modifié. Que disent les chiffres qui ne devraient donc faire l’objet d’aucune polémique ? Entre 1997 et 2002, la délinquance a augmenté de 15 %. Or, cet outil de mesure qui était le même qu’aujourd’hui, indique que, depuis 2002, la délinquance générale a reculé de 8,8 %. Ainsi, en cinq ans de socialisme, la délinquance a augmenté de 15 %, tandis qu’en cinq ans, notre gouvernement l’a fait reculer de 8,8 % ! De plus, si la tendance se confirme en décembre, il s’agira de la cinquième année consécutive de baisse. Je ne m’en satisfais pas, reste que c’est du jamais vu.

Les chiffres montrent, par ailleurs, l’ampleur de l’engagement des forces de gendarmerie et de police, qui ne saurait être contestée là non plus, à moins de bafouer la compétence professionnelle des 150 000 policiers et des 120 000 gendarmes. En effet, en 2002, le même appareil statistique indiquait que les forces de gendarmerie et de police trouvaient un coupable sur quatre ; les mêmes, en 2006, trouvent un coupable sur trois. Comment mieux exprimer le fait qu’avec les mêmes forces, nous avons obtenu de meilleurs résultats ? Ces données ne sont pas le produit du hasard et demeurent irréfutables pour tout observateur de bonne foi.

De même, on ne peut nier que notre politique de sécurité routière a permis de sauver 8 500 vies depuis 2002, dont 609 depuis le début de l’année. J’affirme aux représentants de la souveraineté nationale que vous êtes, qu’il s’agit de la meilleure récompense possible face à l’agacement de quelques-uns de vos électeurs devant la multiplication des radars ou la fermeté de certains contrôles. Je ne suis pas de ceux qui prétendent qu’une politique est entièrement positive ou entièrement négative. Vous avez accepté et surmonté ces protestations et, au final, vous pouvez vous enorgueillir de ce que 8 500 familles n’ont pas eu à pleurer un proche. Si l’on met en balance 8 500 vies sauvées d’un côté et l’agacement des particuliers de l’autre, je crois que votre choix était le bon.

De la même façon, s’agissant des chiffres de la lutte contre l’immigration clandestine, et toujours selon le même appareil statistique, la France a expulsé 10 000 personnes en 2002. J’ai fixé pour objectif l’expulsion de 28 000 personnes en 2007 et je l’assume. Nous expulserons donc trois fois plus en 2007 qu’en 2002. J’attire votre attention sur le fait que si l’on n’expulse pas ceux qui n’ont pas de papiers, il ne sert à rien de donner des papiers à ceux qui en demandent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Dans une République, dans un État de droit, un ministre de l’intérieur doit exécuter les décisions de justice. À ce titre, je tiens à dire que j’ai été très choqué par les propos extrêmement blessants à l’endroit de nos compatriotes qui ont connu la déportation et la Shoah, propos établissant une comparaison des plus choquantes entre l’expulsion de personnes sans papiers et la déportation.

Mme Maryse Joissains-Masini. Cette comparaison est ridicule !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. C’était, j’insiste, choquant vis-à-vis de ceux qui ont connu la déportation. J’aimerais d’ailleurs qu’on m’explique en quoi raccompagner un étranger dans son pays d’origine serait, si peu que ce soit, assimilable à la déportation.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est scandaleux !

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis pour la gendarmerie nationale. C’est une comparaison indécente !

Mme Maryse Joissains-Masini. Absolument !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Les chiffres sont là, et ils sont incontestables. Observons-les, y compris ceux qui augmentent car je n’ai pas l’intention de fuir mes responsabilités. Menons le débat franchement et parlons donc des violences aux personnes qui s’accroissent. Elles représentent 10 % des actes de délinquance dans notre pays ; aussi, 90 % de ces actes diminuent. Sur ces 10 % qui augmentent…

M. Jean-Pierre Blazy. Ce sont les plus graves !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. J’y viens. Vous êtes un spécialiste, monsieur Blazy, qui a besoin d’affiner sa spécialité. Attendez la suite de mon propos : les faits vont vous contraindre à la modestie.

M. Lionnel Luca. Vous n’êtes pas encore ministre, monsieur Blazy !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Sur les 10 % d’actes violents envers les personnes, 5 % sont des violences dites crapuleuses et 5 % sont des violences dites intrafamiliales. Je résume mon propos : 90 % des crimes et délits baissent…

M. Jean-Pierre Blazy. On peut en douter.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.… tandis que les 10 % restants – les violences aux personnes – sont en hausse. Or, parmi ces dernières, les 5 % de violences crapuleuses – celles subies par un individu qui ne connaît pas son agresseur – baissent. La catégorie qui augmente est celle des violences intrafamiliales.

M. Jean-Pierre Blazy. Vous ne parlez pas de la délinquance économique et financière qui augmente, elle aussi !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je ne minimise pas la portée de ces chiffres qui restent inadmissibles. En effet, une victime, qu’elle soit celle d’un bourreau qu’elle ne connaît pas ou de quelqu’un de sa famille, reste une victime. J’attire simplement l’attention de la représentation nationale sur la question suivante : ces violences intrafamiliales, scandaleuses, augmentent-elles ou doit-on plutôt considérer que la chape de plomb qui interdisait qu’on en parle se lève, ce qui serait heureux ? Voilà la réalité !

M. Jean-Pierre Blazy. C’est trop facile, comme argument !

M. Lionnel Luca. Vos arguments étaient les mêmes quand vous étiez aux affaires, monsieur Blazy !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je ne me dérobe pas, je le répète, ce n’est pas mon genre ! J’assume mes responsabilités ! J’essaie de comprendre un phénomène contre lequel ni la gendarmerie ni la police ne sont préparées. Pourquoi ? Comprenez bien qu’on n’arrête pas un délinquant qui maltraite une victime dans la rue, comme on intervient dans une famille où le mari, le concubin ou le conjoint, se comporte comme un bourreau. Je l’affirme : il faut porter un diagnostic exact afin d’essayer de trouver la bonne réponse. Je ne cherche pas à m’exonérer de mes responsabilités, mais qu’on m’indique comment, sans établir un diagnostic précis, on pourrait trouver le remède adéquat ! J’ai dit au directeur de la police générale comme au directeur général de la gendarmerie que nous devons réfléchir à de nouvelles méthodes d’action pour intervenir au sein des familles.

Le projet de loi de prévention de la délinquance que je défendrai très prochainement devant l’Assemblée prévoit de répondre aux violences familiales par l’obligation de suivi thérapeutique du conjoint violent. La violence est une maladie qui doit être soignée. Ce n’est pas parce que la violence a lieu dans le cadre familial qu’elle serait plus acceptable. Aussi ai-je prévu la création d’une infraction autonome permettant de sanctionner ceux qui se livrent à des violences habituelles au sein du couple. Il est également prévu, surtout, que c’est au bourreau de quitter le domicile conjugal et non pas à la victime de le fuir, en pleine nuit – ce qui est proprement inadmissible. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Blazy. Nous sommes bien d’accord !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Pour mieux lutter contre la hausse des violences et les mauvais traitements infligés aux enfants, j’entends qu’on mette en place une véritable coordination du travail social. Il est bien beau de parler du secret professionnel. Il est sans doute utile, mais que signifie-t-il quand neuf travailleurs sociaux accompagnent un même enfant sans partager les informations dont ils disposent à son sujet, tel le petit Nicolas, dans le quartier Hautepierre, à Strasbourg, il y a quelques années, mort sous les coups d’un bourreau qui n’était autre que son oncle ou ses parents. Le secret professionnel doit s’effacer devant la protection absolue d’un enfant martyrisé. L’information doit être partagée.

Mme Maryse Joissains-Masini. Tout à fait !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. S’agissant des violences aux dépositaires de l’autorité publique, elles augmentent aussi. Depuis le début de l’année, presque 3 000 policiers et gendarmes ont été victimes de violences. Chiffre évident, mesdames et messieurs les députés, puisqu’on leur demande d’aller au contact, d’entrer dans des cités, de démanteler les bandes et d’interpeller les suspects, et non pas de se contenter de regarder de loin ce que font certains. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Maryse Joissains-Masini. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Blazy. C’est un effet de manche facile !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Policiers et gendarmes ont payé un lourd tribut parce qu’ils sont entrés dans les cités où pendant des années on leur avait demandé de ne pas pénétrer ! Voilà la réalité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Blazy. C’est faux !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. C’est pour cette raison que policiers et gendarmes sont devenus une cible. Quand j’entends certaines explications selon lesquelles la police fait l’objet de davantage d’agressions parce qu’elle interpelle davantage, je réponds qu’un policier n’est pas un travailleur social ni un animateur sportif !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la sécurité. Exactement !

M. Jacques Desallangre. C’est facile !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Son rôle n’est pas de faire des relations publiques auprès des délinquants. (Applaudissements quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) D’habitude, le rôle de la police, c’est d’interpeller et de déférer à la justice. Entre parenthèses, c’est pour cela que la police comme la gendarmerie méritent notre respect.

Le projet de loi de finances contient des dispositions pour soutenir les forces de l’ordre. Je partage les préoccupations de M. Geoffroy sur l’importance de fidéliser nos personnels dans les postes difficiles – c’est d’ailleurs une préoccupation de M. Geoffroy depuis des années.

Le budget du programme « Police nationale » pour 2007 comportera 33 millions d’euros consacrés à l’action sociale, avec un effort sensible pour la fidélisation des fonctionnaires, notamment dans les régions difficiles : deux cents prêts à taux zéro, cent places de crèche, mille logements réservés supplémentaires pour la seule région Île-de-France.

Se pose aussi la question du statut. Dans les régions plus difficiles, il faut que l’administration aide un certain nombre de fonctionnaires à devenir propriétaires de leur logement, car c’est la meilleure façon de les fidéliser. À défaut, ils repartent dans leur région d’origine sans être restés assez longtemps dans les régions difficiles.

Notons cependant qu’aux termes de la réforme des corps et carrières que nous avons initiée en 2003, un gardien de la paix ou un lieutenant de police a désormais l’obligation statutaire de rester cinq ans dans sa première région administrative d’affectation. On ne le sait pas assez et j’attire l’attention de M. le président des finances sur ce point. Cela n’existait pas, nous l’avons fait : on peut avoir des policiers immergés dans la réalité de leur quartier, bons connaisseurs de la population et de ses difficultés, sans pour autant verser dans le gaspillage de moyens. J’ajoute, en plein accord avec Mme Alliot-Marie, que les mesures prises pour la fidélisation des policiers ont leur équivalent exact pour les gendarmes. Je me rappelle, lors de ma rencontre avec la famille du petit Mathias dans la Nièvre, que nombre d’habitants avaient regretté que les gendarmes ne restent pas assez longtemps dans les brigades : une rotation trop rapide ne leur laisse pas le temps de s’imprégner du milieu local et d’en avoir une bonne connaissance.

Par ailleurs, lorsque les agressions de policiers ou de gendarmes deviennent des guets-apens, comme aux Tarterêts, aux Mureaux ou à Épinay, ce sont, je le dis comme je le pense, des crimes, et les criminels qui font cela ne vont pas au tribunal correctionnel : ils vont aux assises. Tous ceux qui s’en prendront aux forces de l’ordre doivent savoir que le rendez-vous est désormais fixé aux assises ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Pour parvenir à des résultats, nous vous avons soumis au début de la législature une loi d’orientation. Le temps passe vite, mais je me souviens très bien des débats que nous avions eus. C’était au printemps 2002. La majorité nous a accordé sa confiance, tandis que l’opposition soutenait qu’il ne servait à rien de présenter un texte définissant seulement des orientations, arguant qu’il ne s’agissait là que de pétitions de principe et que l’on jugerait sur les faits. Je la comprends, d’ailleurs : la parole de l’État a tant de fois été bafouée ! Eh bien, l’honnêteté qui à l’époque poussait certains au scepticisme devrait, à l’occasion du vote de ce budget, les inciter à la lucidité. Vous nous aviez posé des questions en 2002, vous avez les réponses en 2006 : voilà les faits !

La parole a-t-elle été tenue ?

Concernant les effectifs, nous avions promis en 2002 de recruter six mille deux cents fonctionnaires supplémentaires en cinq ans.

M. Jean-Pierre Blazy. Six mille cinq cents !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ce recrutement a été fait et, pour la première fois, la police nationale dépasse les cent cinquante mille agents. Quelles conclusions en tire l’opposition ?

M. Jean-Pierre Blazy. Je vous répondrai tout à l’heure, monsieur le ministre.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. S’agissant des équipements, nous avions promis une nouvelle arme, le Sig-Sauer, une nouvelle tenue, un gilet pare-balles pour chacun et de nouvelles armes non létales. Tous les policiers sont dotés du Sig-Sauer, tous auront la nouvelle tenue avant la fin de l’année, et nous avons acquis mille pistolets à impulsion électrique. Là encore, les réponses aux questions posées en 2002 vous sont apportées en 2006. Quelles conclusions en tirez-vous, messieurs de l’opposition ?

J’en viens maintenant à une mesure qui n’avait pas fait l’objet d’un engagement de ma part, mais que nous avons réalisée : je crois beaucoup à l’efficacité des caméras embarquées dans les véhicules de police, notamment lors des violences urbaines. Les voyous ont davantage peur de la caméra, qui apporte une preuve judiciaire, que des canons à eau. (« Absolument ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous allons maintenant généraliser les caméras embarquées. Depuis quelques jours, quatre cents véhicules légers supplémentaires en sont équipés dans dix-sept départements, et je souhaite étendre la mesure à la police de nuit. L’avantage est double : la caméra permet de consolider nos procédures en fournissant des preuves, mais elle met aussi policiers et gendarmes à l’abri de polémiques sur de prétendues brutalités. S’il y en a, je n’hésite pas à les sanctionner. Mais les forces de l’ordre représentent la République, et la brutalité que je veux dénoncer, c’est celle des délinquants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Dans le même ordre d’idées, est-ce un hasard si, depuis que j’ai fait installer des caméras dans la zone d’attente pour personnes en instance d’expulsion – où, je le rappelle, des associations sont admises – et que je fais filmer les embarquements, il n’y a plus aucune polémique sur de prétendues brutalités de la part de la police de l’air et des frontières ? J’ai bien expliqué aux policiers que cela les mettait à l’abri des insultes et de la polémique. Je souhaite qu’à l’avenir tous les policiers et tous les gendarmes soient dotés d’armes non létales dont ils pourront se servir et que leurs interventions soient filmées. Une fois encore, quelles conclusions l’opposition en tire-t-elle ?

Parole tenue aussi sur l’immobilier, qui était sans doute le dossier le plus difficile. Comme en 2005 et en 2006, nous atteindrons l’objectif fixé par la LOPSI de cent mille mètres carrés de locaux mis en chantier par an, alors que l’on jugeait cela irréalisable au départ. Si nous n’avons pas réussi en 2003 et 2004, c’est qu’il a fallu instaurer une nouvelle procédure : aujourd’hui, en France, quand on dépose un permis de construire, il faut s’attendre à sept ans de procédure avant même de poser la première pierre ! J’en suis à inaugurer des commissariats dont la construction a été décidée par mon antépénultième prédécesseur. Ce n’est pas raisonnable !

Depuis quatre ans, nous avons achevé les hôtels de police de Nîmes, Bordeaux, Bobigny et Montpellier, les commissariats centraux des 4e et 11e arrondissements à Paris, les commissariats de police des quartiers Nord et Noailles à Marseille et les centres de rétention administrative de Marseille, Toulouse, Lille, Vincennes. Les CRA offriront bientôt deux mille quatre cents places, contre huit cents à mon arrivée.

Voilà des faits et des chiffres incontestables !

En 2007 seront livrés les grands projets immobiliers de Lyon, de Lille et de l’hôtel de police d’Argenteuil. Nous lancerons aussi la construction du commissariat de Clichy-sous-Bois, les travaux du commissariat central du 20e arrondissement de Paris, du pôle logistique national à Limoges. Nous poursuivrons le grand chantier de la DDSP de Seine-Saint-Denis à Bobigny, le grand projet immobilier de Nantes, dont on parle depuis vingt ans, et le chantier de l’hôtel de police de Pointe-à-Pitre. L’acquisition d’un nouvel immeuble dans le 19e arrondissement permettra enfin un regroupement beaucoup plus fonctionnel des services de la Préfecture de police.

En entendant les noms des villes que je cite, vous aurez remarqué, mesdames et messieurs les députés, que Gouvernement a agi avec le souci de la population, et non de la famille politique du maire. Cela aussi fait partie notre conception de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je ne demande qu’une chose : que l’on compare, bilan contre bilan, ce que nous avons accompli et ce qui a été fait auparavant.

Cela étant, je sais bien, monsieur Le Fur, que les objectifs immobiliers sont les plus difficiles à tenir, car l’administration ne maîtrise pas toujours tous les délais. C’est la raison pour laquelle a été intégré dans la LOPSI un article 3 prévoyant des dispositions dérogatoires permettant d’accélérer la réalisation des projets immobiliers.

Au-delà du parachèvement de la LOPSI, je voudrais maintenant souligner quelques avancées spécifiques à l’année 2007.

Tout d’abord, le budget de la police nationale pour 2007 s’élève à un peu plus de 8 milliards d’euros, soit une progression de 2,5 % par rapport au budget de 2006 et un point et demi de plus que l’évolution moyenne du budget de l’État. Pour moi, cela crée une obligation. Je ne viens pas ici, monsieur le président de la commission des finances, pour vous dire : « Formidable, j’ai obtenu une augmentation ! » En effet, cet argent que vous nous accordez depuis cinq ans et qui est le fruit du travail des Français nous oblige à obtenir des résultats. Je l’ai dit aux policiers et aux gendarmes : la nation fait des sacrifices pour votre efficacité, vous devez y répondre par vos résultats. Plus de moyens pour plus de résultats, tel est le contrat de confiance. Qui pourrait accepter que l’on donne plus de moyens, comme on l’a fait pour l’éducation nationale il y a quelques années, et que l’on ait moins de résultats ? Je veux être jugé sur cette question : qu’avons-nous fait des moyens que vous nous avez donnés ?

Je ne suis pas un magicien et sais fort bien ce qu’il a fallu accomplir pour obtenir ces résultats. Si l’on relâchait la pression, la tendance à la hausse ne tarderait pas à se faire jour de nouveau. Je le dis aux organisations syndicales de la police et à la hiérarchie de la gendarmerie : les moyens qui vous sont donnés vous obligent beaucoup. Ils impliquent que l’on travaille davantage encore.

Plus qu’un budget, donc, je vous présente aujourd’hui un projet annuel de performance. J’ai fixé des objectifs et cela n’a pas manqué de soulever une polémique. Mais qu’attend-on de moi ? Que j’édicte des « orientations » et que je demande aux agents de mon ministère de les respecter s’ils en ont envie, ou s’il fait beau, s’il ne pleut pas trop, s’il n’y a pas trop de vent ?... Non, j’ai fixé des objectifs précis : faire baisser la délinquance de voie publique d’au moins 2 %, réaliser quatre mille interpellations d’« aidants » à l’immigration irrégulière, augmenter d’un point le taux d’élucidation des crimes et délits, réaliser vingt-huit mille expulsions. Je veux être jugé sur les résultats. Si le responsable d’un ministère qui représente, avec les sapeurs-pompiers, un demi-million de personnes ne fixe pas de tels objectifs, y a-t-il une seule chance pour que ces chiffres soient un jour atteints ?

Ce que je défends, mesdames et messieurs les députés, c’est la culture du résultat.

Mme Maryse Joissains-Masini. Eh oui !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ce budget comporte d’ailleurs une véritable révolution puisque j’y ai fait inscrire 20 millions d’euros de prime de résultat, et cela – rendez-vous compte ! – sans qu’aucune organisation syndicale ne le conteste. Je suis curieux de savoir si celui qui me succédera supprimera ces 20 millions d’euros de pouvoir d’achat en plus.

La prime vient récompenser environ trente mille fonctionnaires. Par exemple, lorsque je me suis rendu à Marseille mercredi dernier, j’ai demandé au directeur général de la police de primer la BAC des quartiers nord, dont l’une des capitaines nous a fourni des renseignements capitaux pour retrouver les criminels. J’ai demandé que l’on récompense également la police judiciaire, qui a mené remarquablement les interrogatoires de certains parents et des présumés coupables que nous avions arrêtés, ainsi que les forces mobiles présentes sur place, qui ont fait un excellent travail de collecte de renseignements sur le terrain. Les fonctionnaires qui sont parvenus en trois jours à déférer à la justice les présumés coupables d’un crime aussi odieux – transformer en torche vivante une jeune fille de vingt-six ans –, ce qui revient à résoudre l’affaire, du moins en ce qui concerne son volet policier, eh bien, j’estime qu’ils ont fait un peu plus que leur travail et qu’ils méritent d’être récompensés : voilà ma conception de la République française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ces femmes et ces hommes qui, pendant les quarante-huit heures de garde à vue, n’ont pas dormi une minute, se sont relayés pour les interrogatoires, ont démonté des alibis fabriqués, faisaient-ils seulement leur travail de fonctionnaire ? Ne se sont-ils pas dit qu’ils se devaient de retrouver les présumés criminels pour cette jeune fille qui était entre la vie et la mort et qui souffrait le martyre ?

Lors des émeutes de novembre 2005, pendant vingt-sept nuits, il y a eu jusqu’à 14 000 personnes sur le terrain. Nous pouvons être fiers de la police républicaine française et de la gendarmerie nationale : pas une victime parmi les forces de l’ordre, pas un mort parmi les émeutiers. Quelle démocratie peut en dire autant ? Pas les États-Unis, pas la Grande-Bretagne. La France a montré au monde entier qu’elle avait la maîtrise du maintien de l’ordre, alors que dans tant de pays démocratiques, les forces de l’ordre ont ouvert le feu en pareilles circonstances. Nos policiers et nos gendarmes sont d’autant plus remarquables que, tout en contenant les émeutiers, ils ont interpellé 7 000 coupables sans jamais tirer, alors même que onze d’entre eux ont été blessés par balle au cours de ces nuits. Ils devraient être applaudis sur tous les bancs de cette assemblée pour cette performance !

Mme Maryse Joissains-Masini. Très bien !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Nous pouvons vraiment être fiers de la maîtrise et de la compétence de nos forces de l’ordre. En présentant ce budget, je me devais, avec Mme Alliot-Marie, de rendre hommage aux gendarmes et aux policiers de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Le montant moyen de la prime est de 400 euros. Qui contestera qu’il s’agit d’une récompense vraiment significative ? Elle a été versée à un quart des effectifs. C’est une nouvelle culture dans la fonction publique : nous ne retirons rien à celui qui fait simplement son devoir, mais nous donnons plus à celui qui fait plus que son devoir. L’égalité républicaine, ce n’est pas donner la même chose à tout le monde, c’est donner plus à celui qui en fait davantage. C’est une véritable révolution dans l’administration française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

S’agissant du système ACROPOL, en 2002, je recevais chaque semaine des plaintes sur son fonctionnement. À la fin du premier semestre 2007, les forces de police disposeront du même système de transmission sur la totalité du territoire. Entendez-vous aujourd’hui une seule plainte sur le fonctionnement d’ACROPOL ? Le problème est réglé !

Plus de 300 bornes seront connectées au fichier des empreintes digitales à la fin de l’été 2007. Quant au fichier des empreintes génétique, j’ai encore sur le cœur la polémique outrageante qu’il m’a valu lorsque j’ai décidé de le créer.

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n’est pas vous qui l’avez créé, c’est nous !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. On m’a accusé de porter atteinte aux libertés fondamentales quand ce fichier aurait permis d’éviter que Guy Georges ne viole douze jeunes filles ! Cent fois plus d’empreintes et de profils qu’en 2002 y sont inscrits aujourd’hui. Et on ose prétendre que ce fichier existait !

M. Jean-Pierre Blazy. Il n’en était qu’à ses débuts, mais il existait !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Avant mai 2002, il n’avait permis d’élucider que trois affaires ; au 1er octobre de cette année, nous en avons résolu 4 821 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ce ne sont là ni des mots ni des discours. Ce sont des chiffres pour vous montrer, mesdames, messieurs les députés, ce que nous avons fait des moyens que vous nous avez alloués. Ils ont notamment permis l’élucidation de près des deux tiers des crimes sexuels.

Armes non létales, caméras, fichiers, méthodes de police scientifique, tels sont les outils de modernisation de la police et de la gendarmerie que je souhaite développer pour enfin abandonner la culture de l’aveu et embrasser celle de la preuve.

À la suite de la proposition de loi sur la violence dans les stades de M. Goasguen, nous avons interdit administrativement une centaine de voyous. Je n’accepte pas que, dans nos stades, des gens poussent des cris de singe quand un joueur de couleur touche le ballon ou fassent le salut nazi.

Mme Maryse Joissains-Masini. Très juste !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ces gens-là sont des malades dont la place est à l’hôpital psychiatrique, pas dans un stade français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Quel que soit le club concerné, un supporter qui lance des engins explosifs et qui est responsable de l’amputation de deux doigts d’un jeune pompier doit en rendre compte devant la justice. Ce n’est pas la fête, c’est un scandale !

M. Jacques Desallangre et M. Jean-Pierre Blazy. Nous en sommes tous d’accord !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. La délinquance explosait dans nos TER, dans nos RER, dans nos métros parce que les transports en commun ignorent les logiques administratives : la police dans les trains et dans les bus était faite par les policiers de la circonscription géographique et, de ce fait, jamais les terminus n’étaient contrôlés. C’est pourquoi j’ai tenu à créer le service de la police ferroviaire, qui est composé de 2 500 policiers et gendarmes. Depuis sa mise en place, ce service a permis de faire reculer la délinquance de 3,4 %. On ne parle plus de la délinquance dans les trains et nous ferons en sorte qu’il en soit de même dans les bus. Depuis le 26 octobre, 4 000 policiers et gendarmes supplémentaires sont affectés à ce service.

L’action des CRS et des gendarmes mobiles est remarquable. Alors que ceux-ci étaient employés exclusivement au maintien de l’ordre public, j’essaie de les affecter au maximum au maintien de la sécurité publique. Je leur ai d’ailleurs expliqué comment ma confiance envers eux se traduisait dans les faits : à eux, les quartiers les plus difficiles aux heures les plus difficiles. À quoi bon des patrouilles dans les quartiers aux heures où les voyous ne sont pas levés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Elles doivent avoir lieu du milieu de l’après-midi jusqu’au moment où les voyous vont se coucher. D’ailleurs, ceux-ci ne s’y trompent pas : quand les gendarmes mobiles ou les CRS sont sur le terrain, à condition d’avoir une bonne coordination avec la sécurité publique, les résultats ne se font pas attendre.

Vous aurez constaté que l’on voit beaucoup moins de cars de CRS ou de gendarmes mobiles traverser la France du Nord au Sud ou d’Est en Ouest, beaucoup moins de cars où l’on tape le carton pendant des heures en attendant une hypothétique manifestation.

Mme Chantal Brunel et M. Léonce Deprez. C’est vrai !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Au lieu d’envoyer des convois de 150 gendarmes ou policiers, nous les faisons travailler maintenant en petites unités. Plutôt que de passer de rien à tout, j’ai préféré assurer une présence continue, ce qui m’a permis d’envoyer 4 000 hommes en renfort dans les quartiers difficiles.

Il reste, certes, beaucoup à faire, notamment s’agissant des mineurs. Cette question, je n’ai pas peur de la poser et je la poserai tant qu’il le faudra. Je maintiens qu’un mineur de 2006 n’est pas comparable à un mineur de 1945. C’est pourquoi je propose de traiter les mineurs multirécidivistes de plus de seize ans et de moins de dix-huit ans comme des majeurs (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), surtout quand ils ont laissé une jeune fille entre la vie et la mort. L’ordonnance de 1945 avait été prise alors que la majorité était à vingt et un ans. Depuis, elle a été portée à dix-huit ans et nous devons en tirer les conséquences.

M. Lionnel Luca. Tout à fait !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. La question des multirécidivistes est elle aussi en suspens. Sachant que 5 % des délinquants sont responsables de 50 % de la délinquance, la société française est-elle décidée à se défendre contre ces 5 % -là ? Quand un délinquant comparaît pour la quarante-cinquième fois devant le même tribunal correctionnel, doit-il être puni pour la gravité de la quarante-cinquième infraction ou pour n’avoir pas compris quarante-quatre fois l’avertissement que lui a lancé la société ? Comme il existe des peines plafond, il doit exister des peines plancher. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Si la peine plafond ne porte pas atteinte à l’individualisation de la peine et à la liberté du magistrat de choisir cette peine, au nom de quoi la peine plancher y porterait-elle atteinte ? Une maison avec un plafond et pas de plancher n’est pas meilleure qu’une maison avec un plancher et pas de plafond ! Je demande donc un plafond et un plancher afin d’assurer les récidivistes que la sanction tombera d’emblée. Dans l’affaire de Marseille, on a dit que les criminels « risquaient » jusqu’à trente ans de prison. Moi, je veux qu’ils aient une certitude, pas seulement un risque ! (Mêmes mouvements.) Car, quand la petite sortira de l’hôpital – si elle en sort –, elle gardera toute sa vie les stigmates de ce crime. La première des préventions, c’est la certitude de la sanction ! (Mêmes mouvements.)

Il y aurait encore beaucoup à dire à propos de ce budget, qui renforce les moyens et qui tend à moderniser l’organisation de la police, mais le temps me manque. Aussi, je terminerai en évoquant la mission « Sécurité civile », dont le budget 2007 marque l'aboutissement d'un cycle de modernisation accélérée. En cinq ans, nous aurons diversifié et modernisé la flotte de bombardiers d'eau. Le Dash, M. Mariani le sait, a fait l’objet d’une polémique, aujourd’hui éteinte. Nous disposons aujourd’hui de deux Dash pour un total de 58 millions d’euros. Non seulement, avec douze tonnes de retardant, cet avion a une capacité deux fois plus grande qu’un Canadair, mais on peut l’utiliser en dehors de la saison des feux, ce qui est un avantage certain. Or, M. Ginesta le sait bien, celle-ci dure au plus quatre mois et on ne peut pas laisser une flotte inutilisée pendant les huit autres mois de l’année. Nous avons également procédé à l'acquisition d'un douzième Canadair. Le projet de loi de finances amorce aussi le remplacement des Alouette III, qui seront retirées du service en 2008, et inscrit l’achat de trois hélicoptères EC 145 supplémentaires.

Je suis très satisfait du fonctionnement de ce tout nouvel appareil. Plus rapide de 100 kilomètres heure que les anciens hélicoptères, il peut embarquer des commandos, ce qui, du point de vue de la sécurité est très important : en cas de braquage, l’hélicoptère peut être décisif pour éviter les courses-poursuites. Si nous n’avons eu aucun problème avec la gendarmerie, nous avons en revanche connu deux drames en haute montagne, dans des circonstances que j’ai étudiées de près. Il est toujours difficile de mettre en cause une erreur de pilotage : je ne le fais pas mais je dis que j’ai confiance dans la machine. D’ailleurs, je suis sans doute l’un de ceux qui voyagent le plus sur les EC 145.

J’ai demandé que les Canadair et les avions ne soient envoyés qu’en cas de risque de mort d’homme au sol. Je ne veux pas revivre l’été 2005, que j’ai passé à me rendre à Marseille aux enterrements de pilotes très – peut-être trop – courageux. Je ne veux pas qu’un pilote de Canadair meure pour un feu de garrigue. Les avions doivent être réservés pour sauver des populations. C’est, M. Mariani le sait, notre doctrine d’emploi de la flotte en cas d’incendie. En Corse, région montagneuse où des courants d’air chaud sont renforcés par la chaleur du feu, nous avons perdu un équipage pour des raisons toujours inconnues.

M. Paul Giacobbi. Défaut de construction !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je demande à nos pilotes d’hélicoptère de respecter strictement les consignes. Ceux qui viennent de la gendarmerie le font toujours. Les pilotes de la sécurité civile, eux, sont des femmes et des hommes remarquables, qui ont bien souvent accompli des milliers d’heures de vol. Ils ont une grande expérience et, de ce fait, une capacité d’adaptation aux circonstances, qui peut parfois les conduire à négliger les procédures. Ma responsabilité est engagée chaque fois qu’un de nos collaborateurs ne rentre pas à la maison. C’est douloureux pour les familles et pour les hommes. Je préfère donc qu’ils soient plus prudents. Je ne leur demande pas de réaliser des exploits. Est-ce que je me fais bien comprendre ?

J’ai autorisé un certain nombre de personnels à ne pas voler, pendant quelques semaines, sur les EC 145, parce que j’estimais que, pour des raisons psychologiques, ils n’étaient pas prêts à le faire. Il ne s’agissait pas d’un manque de confiance dans la machine.

Nous avons eu également – MM. Mariani et Ginesta, l’ont dit – une bonne saison de feu. Nous travaillons mieux aussi – disons les choses comme elles sont – parce que la justice a pris la mesure de la gravité des actes criminels et que des incendiaires ont été condamnés lourdement. Cela a fait réfléchir un certain nombre de personnes.

Je remercie M. Mariani pour ses propos. J’ai aussi entendu les inquiétudes du rapporteur Ginesta sur le pilotage du système. Je veux le rassurer et lui dire que le système des SDIS est piloté. J’accepterai, au nom du Gouvernement, l’amendement qu’il propose, s’agissant des dépenses des SDIS dans le document de politique transversale « Sécurité civile ».

Je voudrais aussi, messieurs Mariani et Ginesta, exprimer mon accord quant à votre diagnostic sur le fonds d'aide à l'investissement des SDIS. Vos critiques sont pertinentes. Le projet de réforme du décret du 16 septembre 2003 permettra, me semble-t-il, de recentrer le fonds vers les orientations nationales que vous désirez.

J’indique au rapporteur pour la gendarmerie nationale, au rapporteur pour la sécurité et au rapporteur pour la sécurité civile que je suis parfaitement conscient de l’étendue de la tâche restant à accomplir. Tous les jours – croyez-moi – je vois tout ce qui reste à faire. Mais je connais aussi le proverbe : « Quand je m’ausculte, je m’inquiète. Quand je me compare, je me rassure. » (Sourires.) Aussi, je dis à la majorité : « Regardez avant 2002 ! Regardez depuis 2002 ! Et vous n’aurez pas à rougir du bilan que le Gouvernement vous propose. » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en arrivons aux orateurs inscrits.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Monsieur le ministre de l’intérieur, je vais vous décevoir, en rompant avec le ton laudatif et un peu autosatisfait que vous avez employé.

Au moment d'examiner ce budget important, auquel l'actualité récente donne un poids particulier, je voudrais commencer par rappeler ce mot de Montesquieu qui, je le crois, résume l'idée que nous nous faisons tous, en tant que républicains, du caractère fondamental du droit à la sûreté, à savoir : « La liberté politique consiste dans la sûreté ou du moins dans l'opinion que l'on a de sa sûreté. »

De toute évidence, au regard de la préservation de cette liberté publique fondamentale, notre pays traverse une crise grave. La sûreté recouvre une large réalité, comprenant certes la préservation de l'intégrité physique de sa personne et de ses biens, mais aussi le droit à des conditions d'existence décentes : le droit à la santé, le droit à un logement, l'ensemble des droits fondamentaux propres à garantir le respect des principes républicains et la cohésion sociale.

Or, force est de constater que, par-delà les faiblesses intrinsèques à votre politique en matière de sécurité publique, sur lesquelles je reviendrai, toute l'action à laquelle vous prenez votre part depuis 2002 n'a contribué qu'à l'aggravation des conditions d'existence de centaines de milliers de nos concitoyens.

Rien n'a été fait dans la période récente pour favoriser par exemple la mixité sociale, notamment au travers de la politique de construction de logements sociaux. Vous vous êtes, au contraire, attachés à vider pour partie de son contenu la loi SRU et les mesures visant à rendre obligatoire la présence de 20 % de logements sociaux dans chaque commune.

Rien n'a été fait pour promouvoir les services publics, améliorer l'encadrement éducatif, lutter contre la précarisation de l'emploi, qui est aussi une insécurité. Vous n'avez cessé, au contraire, de promouvoir des politiques d'austérité au nom de la réduction du déficit tout en consentant, au passage, des cadeaux fiscaux aux plus aisés et aux grandes entreprises, hélas ! en pure perte.

De la même façon, vous avez, avec acharnement, organisé la casse sociale, la désorganisation des services publics, du secteur hospitalier au secteur postal, en passant par le secteur éducatif, où vous avez supprimé cette année 8 500 postes.

Pourtant, même des sénateurs de droite ont réclamé dans leur rapport des actions dans les domaines du logement social, de l’éducation, de la formation, de l’aide à la vie associative, de la présence des services de santé, domaines dans lesquels le service public aurait fort à faire ! Tant à faire ! Vos amis réclament encore plus de médiation sociale et concluent : « II ne peut y avoir de sécurité sans la population », après avoir assuré : « La diminution des moyens consacrés à la médiation sociale, la reconquête des quartiers par de nouvelles méthodes d’intervention ont éloigné la police de la population. »

Ce dont nos quartiers et leurs habitants ont besoin aujourd'hui dans l'urgence, c'est précisément d'un engagement résolu de l'État à leurs côtés. Dans le rapport sur la mission d’information sur les politiques conduites dans les quartiers en difficulté, les sénateurs critiquent l’approche sécuritaire aujourd’hui privilégiée par le Gouvernement dans les banlieues. Si les sénateurs de droite le disent, pourquoi ne pas les croire ?

Ce dont nos quartiers et leurs habitants ont aujourd’hui besoin dans l’urgence, je le répète, c’est d’un engagement résolu de l’État à leurs côtés.

Nous pouvons tous admettre que l'emploi de la force est parfois nécessaire, mais c’est souvent l'aveu d'un échec, tant en matière extérieure avec la force armée qu'en matière intérieure avec les forces de police. C'est le dernier recours qui révèle souvent les défaillances qui l'ont précédé.

Sans trahir la pensée de Sun Tzu, le bon général n'est pas celui qui se met en péril pour tenter de triompher au prix d'un engagement total mais celui qui gagne la guerre avant même d'avoir à la mener. La guerre contre le crime et la délinquance ne se gagnera pas par des opérations « coups de poing » spectaculaires, mais en renforçant le travail méticuleux ou quotidien par des forces présentes en tout point du territoire, et surtout en tout temps. Une police de proximité active, dont la principale force sera la dissuasion plutôt que la répression, même vos amis politiques au Sénat l'ont réclamée. Vous ne pouvez évacuer le problème en lançant aux policiers, de manière tout à fait caricaturale : « Vous n'êtes pas des travailleurs sociaux, vous n’êtes pas là pour jouer au football. »

II est préférable pour nos concitoyens que l'État dissuade, empêche la commission des infractions, notamment les plus graves, portant atteinte aux personnes. Votre politique, monsieur le ministre, est à ce titre un échec. Les atteintes à la personne sont en augmentation et la baisse globale de 8 % du nombre des crimes et délits appelle quelques commentaires. Car si les vols ont reculé depuis 2002 – moins 14,7 % –, sous l'effet conjugué d'une surveillance accrue des services de police, du plan Vigipirate et des dispositifs antivols adoptés par les particuliers et les constructeurs automobiles, les crimes et délits contre les personnes sont, eux, en très forte augmentation – plus 16,8 % depuis 2002. Il en est de même des infractions à la législation sur les stupéfiants – plus 33,4 %.

Les premières victimes de ces atteintes aux biens et aux personnes sont aujourd'hui les habitants des quartiers les plus modestes. Le taux d'atteinte aux biens en 2004 est de 35 % dans les quartiers difficiles, contre 15 % dans les communes rurales et 25 % en moyenne Or, même si votre budget laisse globalement apparaître une augmentation, les crédits visant la sécurité et la paix publiques sont, eux, en recul de près de 90 millions d'euros !

Vous retirez notamment des moyens aux missions de lutte contre la délinquance, pour abonder ceux consacrés au maintien de 1’ordre. Ces chiffres viennent contredire vos propos. Voilà ce qui s'appelle, à mes yeux, faire de la politique spectacle. À l'évidence, vous renforcez les moyens des actions « coups de poing », médiatiquement plus porteuses, au détriment des moyens concrets de sauvegarde des personnes et des biens, qui devraient pourtant constituer le cœur d'une politique efficace de lutte contre la délinquance.

La hausse de l'utilisation des CRS, dont vous vous glorifiez tout à l’heure, est, à ce titre, symptomatique. Ce seul indice révèle que vous ne maîtrisez plus la délinquance urbaine et que vous êtes incapable de prévenir les mouvements et d'empêcher la violence. L'État a déserté les quartiers difficiles et vous n'y revenez que ponctuellement avec le déploiement des CRS et le renfort des caméras de télévision. Pourtant, les policiers et les magistrats sont très majoritairement opposés à la sur- médiatisation que vous menez à des fins de propagande politique.

Ainsi, Yves Louis, responsable d’un syndicat de police, a déclaré : « Les policiers ne sont pas des marionnettes, avec qui on joue. La politique spectacle a ses limites, surtout lorsqu’elle fait de nous des boucs émissaires, accusés de tous les maux. »

La politique de sécurité spectacle qui est la vôtre n'apporte aucune réponse aux maux qui affectent nos concitoyens. Alors que l'efficacité policière demanderait moins de spectacles et plus de présence, vous avez supprimé la police de proximité mise en place par Jean-Pierre Chevènement. Vous avez cassé un outil qui devait permettre de faire baisser le niveau de tension en assurant une présence constante de femmes et d'hommes qui connaissent leur territoire et qui ont su, grâce au temps, nouer des relations avec leurs concitoyens.

La police de proximité aurait pu être le facteur principal de dissuasion, car ce qui empêche les délinquants potentiels de commettre une infraction, ce n'est pas tant la lourdeur de la peine encourue que la conviction que le risque de se faire prendre est élevé, comme en matière de sécurité routière. Ce ne sont pas les CRS ou les troupes mobiles qui peuvent l'assurer, mais bien les policiers de quartier.

Je vais me référer une fois encore au rapport sénatorial, qui souhaite qu’on réhabilite la police de proximité : « La plus innovante des propositions de la mission consiste à réactiver une véritable police de proximité ayant la confiance de la population et des jeunes. » À l’appui de ce rapport viennent les témoignages des élus et des associations entendus par les membres de la mission, qui insistent aussi sur l’importance de la police de proximité, dont le rôle n’est pas de faire de la répression, mais de rappeler, d’expliquer les règles, de jouer le rôle de capteur d’informations et de réduire la fréquence du recours à l’intervention de la force publique.

Parlons maintenant de la performance du budget. Certains des indicateurs de performance, créés par la LOLF pour faciliter l'évaluation des programmes de chaque ministère, sont mauvais. D'autres ne sont même pas renseignés. Vous avez, à ce titre, un indicateur 8.4 évaluant le taux de remise en liberté pour vice de procédure imputable à vos services dans le cadre des rétentions administratives. Cet indicateur aurait été fort utile pour le contrôle parlementaire. Mais vous n'avez pas jugé bon de nous fournir les renseignements. En effet, l'ensemble des cases est vide et vos prévisions pour 2007 sont inexistantes.

D'une manière générale, nous avons de grandes difficultés à obtenir des chiffres ou statistiques précis de la part de vos services, alors que nous sommes – vous l’avez vous-même rappelé – collectivement chargés de contrôler l'action du Gouvernement et aussi celle de votre ministère. Aujourd'hui encore, un parlementaire n'a pas la possibilité d'obtenir les chiffres précis pour son département de la délinquance et des effectifs de police. Cela n'est plus acceptable !

M. Guy Geoffroy, rapporteur pour avis pour la sécurité. Ils figurent dans mon rapport !

M. Jacques Desallangre. Vous avez plus de chance que moi !

Ces chiffres vous dérangent-ils ? À quoi sert de créer un indicateur s'il n'est pas renseigné ?

Pour lutter contre cette opacité, je propose de renforcer le contrôle parlementaire et je souhaite que ces indicateurs soient multipliés et généralisés à l'ensemble des infractions. Nous obtiendrions ainsi une meilleure perception de la qualité juridique des procédures menées. L'évolution de cet indicateur dans le temps permettrait de mesurer l'impact de la formation et la rigueur des opérations.

Les quelques données à notre disposition semblent indiquer une dégradation de ce ratio de vices de procédure qui s'élèverait à près de 25 %. Cela semble donc signifier que, dans un cas sur quatre, vous êtes, par votre faute, obligé de remettre en liberté un individu car vous n'avez pas respecté les procédures.

Ce constat inacceptable me conduit à présenter une autre proposition visant à renforcer la formation et à améliorer l'interface police-justice – j’en reparlerai tout à l’heure dans le cadre d’une question. Il est, en effet, insupportable de penser qu'un délinquant ayant commis un délit ou un crime soit, après sa garde à vue, remis en liberté par le juge au seul motif que la procédure n'a pas été respectée ou que le dossier est insuffisant.

Face à ce constat sévère, vous avez tenté de vous dédouaner en accusant de tous les maux les magistrats. En allumant un contre-feu, vous avez essayé de camoufler votre part de responsabilité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ce type de manipulation est, à moyen terme, contre-productif, car il tend à opposer deux camps – la police et les magistrats – qui doivent au contraire travailler ensemble.

L'efficacité suppose de mettre un terme aux propos manichéens et à la politique spectacle que vous menez. Par la mise en scène de certaines de vos actions, vous transformez des opérations policières nécessaires en mesquine propagande ministérielle.

Faire accompagner les forces de polices par des journalistes que vous avez préalablement sélectionnés (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)…

Vous ne regardez sans doute jamais la télévision, mes chers collègues ?

Mme Maryse Joissains-Masini. C’est lamentable !

M. Thierry Mariani. C’est insultant pour les journalistes !

M. Jacques Desallangre. …n'augmente en rien la sécurité de nos concitoyens. Au contraire, elle décrédibilise vos actions, surtout lorsque celles-ci se soldent par un fiasco – par exemple, lorsqu’on mobilise des centaines de policiers pour ne procéder qu'à une ou deux interpellations. Ce sont des choses qui arrivent, on ne vous en tient pas rigueur. C’est la manière dont vous procédez qui est condamnable !

La sécurité est une affaire sérieuse : ce n'est pas de l'exhibition. Moins de spectacle et plus d'efficacité : voilà ce qu’attendent nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le ministre délégué, l’année 2007 sera celle de tous les changements dans la vie politique française. Mais ce qui, pour l’UMP, ne changera pas, c’est notre détermination à tenir nos objectifs et les promesses faites aux Français. Ce budget vous le prouve.

M. Maxime Gremetz. C’est encore M. Mariani qui intervient ? Vous n’avez pas d’autre orateur disponible ?

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Nous sommes là !

M. le président. Poursuivez, monsieur Mariani.

M. Thierry Mariani. Nous voulons terminer le travail et nous engager sur l’avenir.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Thierry Mariani. À l’heure des bilans, nous pouvons nous féliciter des bons résultats de votre action, monsieur le ministre. Bref, nous avons été, depuis 2002, très efficaces,…

M. Maxime Gremetz. Incroyable !

M. Thierry Mariani. …et la France, si l’on se souvient de l’état dans lequel vous nous l’avez laissée, en avait bien besoin.

Monsieur Gremetz, après une augmentation de 15 % en cinq ans, le seuil des quatre millions de crimes et délits avait été franchi en 2002, « grâce » au gouvernement Jospin que vous souteniez alors. Depuis cette date, la délinquance générale, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, a reculé de 8,8 % et elle a baissé de 0,9 % depuis le début de l’année.

M. Maxime Gremetz. J’ai déjà entendu ce discours dans la bouche du ministre : il était lénifiant !

M. Thierry Mariani. La délinquance de voie publique a baissé de 23,7 % depuis 2002 et de 4,10 % depuis janvier ; 2006 est la cinquième année consécutive de baisse. Les résultats sont là !

M. Maxime Gremetz. Arrêtez ! En Picardie, cela augmente car nous sommes complètement délaissés !

M. le président. Monsieur Gremetz, merci de respecter l’orateur. Vous seul, monsieur Mariani, avez la parole.

M. Maxime Gremetz. Les chiffres de la délinquance augmentent en Picardie !

M. le président. Vous n’avez pas la parole, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Mais il dit n’importe quoi !

M. le président. Poursuivez, monsieur Mariani.

M. Thierry Mariani. Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, qui a été adopté par nos collègues sénateurs, viendra, dans les prochaines semaines, en discussion au sein de notre assemblée.

M. Maxime Gremetz. Donnez-nous les chiffres par région !

M. Thierry Mariani. Ce projet nous donnera une nouvelle occasion de soutenir les victimes et de punir les délinquants.

Je voudrais à l’occasion de notre débat saluer le professionnalisme et l’engagement des forces de sécurité intérieure, qui oeuvrent quotidiennement pour la sécurité des Français. Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, le taux d’élucidation continue de progresser par rapport à l’an dernier. En 2005, un fait sur trois a été élucidé. Depuis le début de l’année 2006, le taux est de 33,41 %. Rappelons qu’en 2002, sous votre majorité, chers collègues de l’opposition, il était à peine d’un sur quatre.

M. Guy Geoffroy, rapporteur pour avis pour la sécurité. Tout à fait !

M. Thierry Mariani. Les violences aux personnes, qui représentent 10 % du total de la délinquance, ont augmenté de 48 % entre 1998 et 2002. Pour la première fois depuis 2002, ces violences ont stagné et même diminué de 0,5 % depuis le début de l’année 2006. Concernant les violences contre les forces de l’ordre, cet automne 2006 est déjà beaucoup trop riche en exemples. Le policier récemment agressé aux Tarterêts a été frappé à la tête durant quatre minutes par une vingtaine de personnes. De tels actes sont des crimes. Vous pouvez donc, d’ores et déjà, monsieur le ministre, être assuré de notre soutien à l’amendement qui criminalisera les violences contre les représentants des forces de l’ordre.

En matière de lutte contre l’immigration clandestine, les résultats en cinq ans sont également au rendez-vous. En métropole, près de 20 000 reconduites à frontière ont été exécutées en 2005, chiffre déjà dépassé en 2006. Pour 2007, vous avez fixé, monsieur le ministre de l’intérieur, l’objectif à 28 000. Au vu de la tendance, cet objectif sera atteint. Rappelons à cet égard, qu’en 2002, à peine 10 000 reconduites à la frontière ont été exécutées.

Quant aux centres de rétention administrative, c’est un sujet sur lequel la gauche devrait se montrer le plus modeste. Au-delà des belles déclarations et des rapports fournis, quelle majorité a humanisé les centres de rétention administrative ?

M. Maxime Gremetz. Sangatte !

M. Thierry Mariani. Quelle est la majorité qui a instauré des conditions décentes dans ces centres ?

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Nous !

M. Thierry Mariani. En effet, c’est notre majorité !

M. le ministre de l’intérieur a, il y a quelques instants, énuméré la liste des centres que notre majorité a réhabilités.

M. Maxime Gremetz. Le ministre est parti !

M. Jean-Pierre Blazy. Parce qu’il a peur !

M. Thierry Mariani. Vous pouvez toujours ironiser, messieurs ! C’est vous qui nous avez laissé des centres dans un état déplorable.

M. Maxime Gremetz. Il n’y a plus de ministre de l’intérieur en séance ! Mme Alliot-Marie a la décence de nous entendre, elle !

M. Thierry Mariani. L’année 2007 sera la cinquième et dernière année d’application de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. Pour la première fois, une loi de programmation aura été, même si cela vous dérange, monsieur Gremetz, scrupuleusement respectée. Les postes ont été créés, les crédits ont été mobilisés et les résultats sont au rendez-vous. Le projet annuel de performance 2007 s’inscrit dans la continuité et fixe de nouveaux objectifs : faire baisser à nouveau la délinquance de voie publique d’au moins 2 % : procéder à 4 000 interpellations d’« aidants » à l’immigration irrégulière ; augmenter d’un point le taux d’élucidation des crimes et délits.

Pour atteindre ces objectifs, le budget de la police nationale pour 2007 s’élève à 8,2 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une progression de 2,5 %, supérieure d’un point et demi à l’évolution moyenne du budget de l’État.

Le budget de la gendarmerie s’élèvera à 7,48 milliards, en hausse de 2,9 % .

En ce qui concerne les effectifs et les ressources humaines, la remise à niveau engagée depuis 2002 se poursuit en 2007 : 1 000 nouveaux recrutements, 850 gardiens de la paix, soit 6 200 fonctionnaires supplémentaires recrutés en cinq ans.

M. Maxime Gremetz. Le ministre a déjà dit tout cela ! Et en plus, il lit mieux que vous !

M. Thierry Mariani. Même si cela vous dérange, monsieur Gremetz, les effectifs de la police nationale dépasseront pour la première fois les 150 000 policiers.

Ce sont, au total, 42,3 millions d’euros qui sont consacrés au financement des mesures statutaires et indemnitaires. Elles viennent concrétiser la tranche 2007 de la réforme du protocole « corps et carrières », qui diminue les effectifs des commissaires et officiers pour augmenter ceux de l’encadrement de terrain. Une dotation additionnelle de 5 millions d’euros sera consacrée à la prime de résultat exceptionnel, qu’un quart des policiers touchera en 2006.

Pour ce qui est de l’équipement des forces de sécurité intérieure, notre bilan prouve que les engagements ont été tenus. Le ministre l’a rappelé : déploiement de la nouvelle arme individuelle avec l’acquisition de 28 200 pistolets Sig- Sauer, gilets pare-balles.

En outre, 400 véhicules légers supplémentaires sont équipés de caméras embarquées, qui permettront de réunir les preuves judiciaires et de protéger les policiers et les gendarmes accusés de brutalité.

S’agissant de la coopération entre services et ministères, la modernisation des moyens dans le domaine technologique se poursuivra en 2007, avec l’achèvement de la couverture ACROPOL, la création de centres de formation et de commandement dans vingt-cinq départements et la poursuite de la montée en puissance des fichiers d’identification.

Enfin, le caractère interministériel de la mission « Sécurité » amène le ministre de l’intérieur et celui de la défense à collaborer davantage. Le redécoupage des zones de police et de gendarmerie est désormais achevé avec succès, en métropole, depuis le 1er septembre.

M. Maxime Gremetz. Avec la fermeture des commissariats, à Albert par exemple !

M. Thierry Mariani. L’ensemble de ces nouveaux moyens et la rationalisation ont permis d’atteindre l’objectif fixé : la réduction de la délinquance de près de 9 % en quatre ans.

La coopération entre police et gendarmerie mérite d’être soulignée. Une réalisation concrète en 2007 vient illustrer cette coopération avec le lancement du projet ARIANE, application de rapprochements, d’identification et d’analyse pour les enquêteurs, fusion des actuels fichiers JUDEX et STIC.

Je voudrais revenir sur les violences auxquelles sont confrontés les sapeurs-pompiers. J’ai, en tant que rapporteur, rappelé tout à l’heure les chiffres et le bilan des incendies pour 2006. Là aussi, nous n’en sommes plus au stade des promesses : les résultats sont bel et bien au rendez-vous.

M. Maxime Gremetz. C’est suspect quand on insiste autant !

M. Thierry Mariani. En conclusion, mes chers collègues, le résultat des quatre dernières années est probant et évident. L’opposition ne peut persister à nier les bienfaits d’une politique de sécurité plus ferme.

M. Maxime Gremetz. Oh !

M. Thierry Mariani. Il est vrai, monsieur Gremetz, qu’il est plus facile à l’opposition socialiste et communiste de critiquer que de proposer, mais, en même temps, c’est moins dangereux pour les Français !

M. Maxime Gremetz. Que dites-vous de cela ? Il a fallu trente policiers pour sortir un gréviste de la faim du conseil régional hier ! N’ont-ils donc rien d’autre à faire ? C’est cela la réalité !

Mme Maryse Joissains-Masini. Désinformation !

M. Thierry Mariani. La réalité, monsieur Gremetz, c’est une progression de 15 % de la délinquance pendant que vous étiez au gouvernement.

La seule proposition concrète de Laurent Fabius, Ségolène Royal et de leurs amis socialistes, c’est la police de proximité ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C’est votre seule proposition et elle a déjà été mise en œuvre entre 1997 et 2002.

M. Paul Giacobbi. Cela marche à l’étranger : il faut voyager un peu !

M. Thierry Mariani. Or, pendant cette période, la délinquance a augmenté de 15 %.

Non, nous ne ferons pas la police de proximité.

M. Maxime Gremetz. Heureusement qu’un certain nombre de députés de l’UMP ne partagent pas votre point de vue !

M. Thierry Mariani. Nous préférons quant à nous être réalistes et pragmatistes, fermes et justes, avec la sécurité de proximité, qui consiste à affecter et à mobiliser les moyens des forces de sécurité intérieure pour combattre la délinquance où et quand il le faut.

Comme vous le voyez, mes chers collègues, en 2007, nous poursuivrons notre objectif : faire baisser la délinquance, lutter pour la sécurité des Français et des forces de l’ordre. Nous continuerons à créer le sentiment de sécurité, fondé sur la réalité.

M. Maxime Gremetz. Le « sentiment » de sécurité. Quelle erreur !

M. Thierry Mariani. Pour toutes ces raisons, le groupe de l’UMP votera le budget pour 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre délégué, je regrette d’autant plus le départ du ministre d’État qu’il s’est, à plusieurs reprises, dans son discours, tourné vers l’opposition en l’interpellant sur son bilan. Je souhaiterais néanmoins lui répondre sur quelques points.

C'est, à nouveau, dans un contexte de violences et de tensions dans les quartiers de nos villes, notamment marqué par le drame de Marseille, que nous examinons le dernier budget « sécurité » de la législature. C'est dans ce contexte de crise et de montée de la violence que sonne l'heure du bilan. Depuis plus de quatre ans, les lois et les budgets Sarkozy passent, mais la violence demeure. Les chiffres sont implacables.

M. Bernard Derosier. Eh oui !

M. Jean-Pierre Blazy. Au mois de septembre dernier, selon l’Observatoire national de la délinquance, les violences « non-crapuleuses » avaient augmenté de 5,6 % sur les douze derniers mois et les atteintes aux personnes avaient progressé de 6,2 %.

M. Maxime Gremetz. Voilà !

M. Jean-Pierre Blazy. Les escroqueries et infractions économiques et financières augmentent à nouveau : plus 4 % en un an. Les violences scolaires se sont intensifiées : 82 000 faits graves ont été recensés dans les collèges et lycées publics en 2005-2006. Et surtout, nous le constatons quotidiennement, les violences urbaines ont atteint un niveau sans précédent plus d'un an après les émeutes de l'automne 2005.

Nous avons constaté au début de cet automne la multiplication des agressions prenant pour cible des policiers : nous en sommes, le ministre l’a indiqué, à plus de 3 000 depuis le début de l’année. Ce chiffre est inacceptable.

Nous adressons naturellement un message de soutien à l'ensemble des policiers, mais cette nouvelle dégradation de la situation dans les banlieues relève de la responsabilité du Gouvernement. La gravité de la situation actuelle mérite mieux que des déclarations sur un éventuel renvoi aux assises des auteurs de ces agressions, dont on sait qu'il n'est pas réaliste et qu'il serait synonyme de complications et de lourdeurs sans pour autant être la garantie d'une sanction efficace.

M. Paul Giacobbi. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Blazy. La très grande majorité des syndicats de policiers ne le demandent d’ailleurs pas. En revanche, ils demandent l'application efficace de la loi en vigueur.

Plus grave, vous osez prétendre en commission, monsieur le ministre d’État… mais il est vrai que le ministre a quitté l’hémicycle. M. Sarkozy est désormais un ministre à temps partiel (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est Hollande qui l’a dit !

M. Jean-Pierre Blazy. Certes, mais c’est bien ce que nous constatons ce soir !

M. Jean-Pierre Blazy. M. le ministre d’État a donc déclaré tout à l’heure que si le nombre de violences non crapuleuses augmente, c'est parce que les femmes osent davantage porter plainte pour les violences qu'elles subissent au sein de la cellule familiale. C’est un peu court. Il nous a également expliqué que si les agressions de policiers se multiplient, c'est parce que désormais les policiers et les gendarmes vont dans les quartiers alors qu’ils n’y allaient pas avant, du temps de la gauche, bien évidemment. Cela n’est pas vrai.

M. Guy Geoffroy, rapporteur pour avis pour la sécurité. Bien sûr que si !

M. Jean-Pierre Blazy. Cessez de travestir vos échecs ! Cessez cette fuite en avant, elle ne saurait constituer une politique de sécurité efficace. Nous vous prenons au mot et nous vous jugeons sur les résultats.

Vous répétez sans cesse que vous faites mieux que nous en matière de délinquance générale. Mais regardez les chiffres. Son niveau est aujourd’hui aussi élevé qu’il y a six ans, avant le pic de 2001-2002 dont je conviens qu’il a bel et bien existé : 3 775 838 crimes et délits constatés en 2005 contre 3 777 849 en 2000. Il n’y a pas lieu de tirer une grande gloire de cette situation. Prenons maintenant les violences non crapuleuses : les indicateurs donnés lors de la conférence de presse du ministre de l’intérieur en juin montrent qu’elles ont augmenté sous la gauche et qu’elles ont continué d’augmenter sous la droite. Contrairement aux promesses réitérées depuis 2002, nous restons sur les hauts plateaux de la délinquance générale, qui est à un niveau beaucoup trop élevé.

Nous arrivons au terme de l'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure dont ce projet de budget est censé couvrir la dernière tranche. Ses crédits avaient, je le rappelle, été adoptés en 2002 à l'unanimité moins une voix. Elle prévoyait la remise annuelle au Parlement d'un rapport retraçant son exécution, or aucun ne nous a jamais été communiqué. Je note que les rapporteurs ne l’ont même pas relevé, ce qui est un oubli fâcheux alors que nous sommes censés contrôler l’exécution des budgets. J’ai interrogé M. le ministre d’État à ce sujet en commission, il n’est pas là pour répondre maintenant. Et c’est seulement tout à l’heure, dans un couloir, que l’un de ses collaborateurs m’a remis le seul rapport que nous ayons jamais eu. Il est regrettable de traiter ainsi le Parlement.

Quoi qu’il en soit, certaines données en notre possession nous obligent à relativiser la prétendue bonne exécution de la LOPSI. On peut d’abord se demander si les personnels promis sont au rendez-vous. Selon les syndicats des commissaires et des hauts fonctionnaires de la police, nous en sommes seulement à 4 861 emplois sur les 6 500 prévus par la LOPSI – et non 6 200. Rappelons tout de même qu’entre 1993 et 1997, vous avez créé 1 000 postes alors qu’entre 1997 et 2002, nous en avons créé 3 440, et si l’on y ajoute les adjoints de sécurité, 15 121.

M. Nicolas Perruchot. Et combien de grands frères !

M. Maxime Gremetz. C’est du racisme de dire ça !

M. Nicolas Perruchot. Ne dites pas n’importe quoi !

M. Jean-Pierre Blazy. Il ne s’agissait pas de grands frères mais d’adjoints de sécurité, et je note que vous vous êtes aperçu de la nécessité de les conserver dans la police nationale, même si c’est sous une autre forme.

De toute évidence, la seule véritable priorité de ce projet de budget semble être la lutte contre de l'immigration, au détriment de la sécurité et de la paix publiques. L'augmentation de votre budget tient essentiellement au développement de la police de l'immigration. Le programme « Sécurité et paix publiques » enregistre quant à lui une chute de 3 % de ses crédits, amputés de 81 millions d’euros par rapport à 2006. Est-ce à dire que le maintien de la sécurité publique n'est plus une priorité pour le Gouvernement ?

La priorité donnée à l'immigration dite « choisie », à la suite des lois récemment adoptées, se fait au détriment de la sécurité, voilà la vérité. Il est vrai que les infractions au droit du séjour des étrangers permettent de gonfler le taux d'élucidation puisque un fait constaté est en l’espèce un fait élucidé. Toutefois quel est le rapport entre le nombre de décisions d'expulsions du territoire prononcées et le nombre d'expulsions effectives ? Combien coûte chaque reconduite d'un étranger en situation irrégulière et quel est le taux d'échec ? Ces reconduites d’étrangers en situation irrégulière sont nécessaires, nous ne le nions pas, mais les réponses à ces questions seraient utiles pour évaluer la gestion de ces infractions qui se révèle très coûteuse car elle exige beaucoup de personnels – ce qui nécessairement se fait au détriment d’autres missions.

Ce sont les effectifs de police dans les quartiers qui devraient être renforcées. L’actualité en fournit tous les jours la preuve : les effectifs actuels ne sont pas adaptés à la réalité de la délinquance, notamment dans les banlieues. La note du préfet Cordet de Seine-Saint-Denis en septembre dernier décrivait une « situation explosive » et mettait en évidence les graves carences en matière d'effectifs de sécurité publique.

En matière de personnels, vous vous vantez d'avoir dépassé les 150 000 fonctionnaires de police nationale en janvier 2007 ; or, en réalité, il y en avait plus de 151 000 en 2002.

M. Guy Geoffroy, rapporteur pour avis pour la sécurité. Comparons ce qui est comparable !

M. Jean-Pierre Blazy. Nous reprendrons les chiffres ensemble, monsieur Geoffroy, et vous verrez que, de surcroît, vous avez hérité de la création de 3 000 postes lors du budget de 2002.

Malgré les créations d’effectifs, les problèmes demeurent. Que faites-vous au sujet de la répartition géographique inégale ? Entre le moment où les jeunes policiers sortent de l’école et où ils reçoivent leur première affectation, il y a un trop long délai : que faites-vous pour le raccourcir ? Sur ces questions-là, je ne crois pas que vous ayez beaucoup avancé. Nous avons besoin de policiers sur le terrain et non pas pour réaliser des tâches administratives. II faut ouvrir davantage de postes administratifs au concours pour que les actifs soient sur le terrain. Vous l’avez fait, mais pas assez.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la sécurité. Deux milles créations de postes !

M. Jean-Pierre Blazy. Les effectifs de police restent largement inadaptés à la réalité géographique de la délinquance. Le redéploiement des forces de police et de gendarmerie est loin d'avoir tout réglé.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la sécurité. Vous vous étiez contentés d’en parler, sans rien faire !

M. Jean-Pierre Blazy. Le problème n’est pas nouveau, certes, mais il n’a toujours pas été résolu. Vous avez peu avancé sur cette question cruciale pour la gestion des effectifs dans la police nationale.

Faute de police de proximité, on en est réduit à des interventions sporadiques rapides des BAC ou des CRS, qui laissent entre temps la population démunie face aux violences. Vous ne perdez pas une occasion de célébrer l'action des GIR, mais les opérations « coups de poing » ne remplacent pas le travail quotidien des forces de police. Qu'il s'agisse de la lutte contre l'économie souterraine, contre le recel ou le trafic de stupéfiants, le bilan des GIR semble en réalité bien maigre.

Que pensez-vous, madame la ministre, monsieur le ministre délégué, du très intéressant rapport sénatorial, qui propose la relance de la police de proximité ? Que pensez-vous de la déclaration que le Premier ministre a faite aujourd’hui même en faveur de la création d’une police de tranquillité publique ? N’est-ce pas reconnaître que le démantèlement de la police de proximité auquel vous avez procédé a constitué une erreur sur laquelle il est urgent de revenir ?

J’aurais aimé que M. le ministre d’État soit présent pour répondre à cette question. La police de proximité que nous avons créée, loin d’être la « police des voyous », comme on l’a dit, était une police au contact des citoyens : elle accomplissait des petites tâches judiciaires et de renseignement, complémentaires de l’action des BAC et des CRS, qui pouvaient intervenir dans les quartiers quand cela était nécessaire. Tout montre aujourd’hui que vous vous êtes trompés en la démantelant.

J’aurai également souhaité obtenir des explications de la part du ministre d’État à propos de l'Institut national des hautes études de sécurité à la tête duquel il vient de nommer Pierre Monzani. Pourquoi la responsable des Cahiers de l’INHES, Anne Wyvekens, a-t-elle été relevée de ses fonctions à la faveur de ce remaniement ? Pourquoi n’avoir pas renouvelé Christian Mouhanna ? Pourquoi avoir supprimé le département recherche qu'il présidait ? De toute évidence, les chercheurs de l’INHES ne sont plus libres dans leurs recherches. Certaines réalités de la délinquance, qui vont à l’encontre des grands discours ministériels, semblent déranger puisque on ne veut plus qu'une réflexion scientifique, sérieuse et indépendante soit menée à ce sujet. Par ailleurs, nous avons appris que le ministre avait nommé Charles Pasqua au conseil d'administration de l’institut. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Un vrai connaisseur !

M. Jean-Pierre Blazy. L'INHES va-t-il devenir un instrument de la campagne présidentielle du ministre d’État ? D'une instance scientifique passerait-on à un service du ministère chargé de défendre le bilan du ministre ?

Lors du prochain examen du projet de loi de prévention de la délinquance, nous aurons l'occasion de revenir sur votre bilan depuis 2002. Il apparaît aujourd'hui très clairement que ni la mise en œuvre de la LOPSI, ni l'inflation législative sécuritaire à laquelle vous avez procédé et à laquelle vous nous invitez encore à la veille des échéances de 2007 ne seront parvenues à apporter de véritables réponses aux questions de sécurité qui accablent toujours autant nos concitoyens, et même plus encore qu'avant 2002 s'agissant des violences aux personnes, des violences urbaines et des violences scolaires.

Je note au passage que ce projet de budget ne contient évidemment aucune mesure permettant de financer votre future loi. Pire, il réduit les moyens de la sécurité publique.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre délégué, comme chaque année, j’interviens sur le budget de la sécurité non pour le critiquer mais pour essayer de traduire ce que je pense et ce que pensent nombre de nos concitoyens.

La sécurité est un sujet concret qui concerne tous les Français dans leur vie quotidienne. Il y a quelques jours, l’incendie d’un autobus à Marseille, où une jeune étudiante a été transformée en torche vivante, est venu nous rappeler la gravité des faits qui se déroulent sous nos yeux. Dans le même temps, un jeune sapeur-pompier niçois perdait l’usage de sa main en interceptant un explosif artisanal lancé depuis les tribunes « visiteurs » du stade de Nice.

Ces faits exceptionnels de gravité sont malheureusement en train de se banaliser tant leur nombre augmente. On ne compte plus désormais les voitures brûlées, les véhicules de police ou de pompiers caillassés, les quartiers transformés, la nuit tombée, en camps retranchés. Cette situation est devenue totalement intolérable.

Il faut donc y remédier. Vous le faites à votre manière. Vous avez lancé une politique répressive pour faire changer l’insécurité de camp. Cela partait d’une bonne volonté que je ne saurais mettre en doute, mais force est de constater que, pour autant, la situation n’est pas en voie d’amélioration. Il ne s’agit pas de citer des statistiques, toujours sujettes à caution, mais de traduire le sentiment de nos concitoyens.

Néanmoins, certains chiffres fournis par l'Observatoire national de la délinquance demeurent éloquents. La mise en œuvre de la LOLF a permis désormais d'intégrer dans le budget des objectifs et des indicateurs, notamment pour les statistiques de la délinquance. À la lecture de ces chiffres, un constat s'impose. Si la délinquance a baissé dans l'ensemble en 2005 – moins 0,77 % –, la tendance actuelle se confirme puisque, si l'on compare les huit premiers mois de l'année avec les huit premiers mois de 2005, la baisse est de 0,4 %. Cette baisse est très significative depuis quelques années mais nous ne pouvons nier un regain de violence corroboré par les chiffres récents. Car si les atteintes aux biens sont en diminution de 2,7 %, les vols avec violence sont, eux, en augmentation de 5,2 % sur les huit premiers mois de l'année et les atteintes volontaires à l'intégrité physique en hausse de 6,7 %.

Néanmoins, ces chiffres nationaux sont bien moindres au regard des statistiques dans certaines villes de France, notamment à Drancy où les vols avec violence ont augmenté de 92 % depuis huit mois et les vols à main armée de 142 %. Face à ce déchaînement de violence, on ne peut se prévaloir d'une action efficace ni se féliciter d'une baisse de la délinquance.

Depuis quelque temps, on ressent la curieuse impression de courir après les problèmes sans pouvoir les rattraper. Que la gauche, cependant, ne vienne pas donner des leçons en la matière, monsieur Blazy. Elle revient aujourd’hui avec son concept de police de proximité. J'ai vécu cette époque sur le terrain. La police de proximité consistait à disposer d'effectifs d'îlotiers la journée mais à n'avoir aucun effectif la nuit ou les week-ends.

M. Jean-Pierre Blazy. Mais non !

M. Rudy Salles. Puis la politique de la gauche a consisté à généraliser les 35 heures, ce qui a conduit à réduire le nombre de policiers sur le terrain.

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis pour la gendarmerie nationale. C’est vrai !

M. Rudy Salles. Et sur ce point, je voudrais rappeler la triste réalité des chiffres. Nice, avec 400 000 habitants compte le même nombre de policiers qu'en 1945 alors que la population était moitié moindre.

Par ailleurs, le nombre d'heures de travail hebdomadaire ayant également diminué, du fait notamment des 35 heures, vous comprendrez que je réclame toujours avec autant de force un renforcement des effectifs de police.

Les chiffres de la délinquance, au-delà de leur accroissement spectaculaire, devraient être utilisés pour mieux répartir les effectifs de police sur le terrain. Il est en effet inconcevable que les quartiers qui nécessitent le plus de renforts en soient autant dépourvus.

M. Jean-Pierre Blazy. Absolument !

M. Rudy Salles. Non seulement la répartition géographique des nouveaux effectifs demeure très inégale, mais se pose également le problème de la fidélisation.

L'objectif de fidélisation doit être encouragé, mais il est encore très insuffisant, comme l’a souligné le ministre d’État, tout à l’heure. Car même si, statutairement, pèse sur les personnels une obligation de rester cinq ans en poste, il n 'en demeure pas moins que, passé ce délai, il existe un turn over trop important et préjudiciable au bon fonctionnement de l'action de la police. Trop de jeunes inexpérimentés se retrouvent dans des quartiers difficiles et au moment où ils commencent à connaître le quartier dans lequel ils évoluent, au moment où se tissent des liens de même nature qu’avec une police de proximité qui a complètement disparu, au moment où leurs rapports avec la population génèrent moins de tension, ils demandent une nouvelle affectation.

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis pour la gendarmerie nationale. Eh oui !

M. Rudy Salles. Il importe en effet que les policiers puissent connaître le quartier dans lequel ils sont amenés à évoluer, qu'ils puissent identifier ceux à qui ils ont affaire, ces mécanismes contribueront à faire baisser les tensions sur le terrain. Le rapport sénatorial intitulé Un nouveau pacte de solidarité pour les quartiers a mis en lumière une dégradation des relations entre la police et la population.

M. Jean-Pierre Blazy. Eh oui !

M. Rudy Salles. Ces évolutions ont contribué à éloigner la police de la population…

M. Jean-Pierre Blazy. Voilà le résultat d’une mauvaise politique !

M. Rudy Salles. … et, comme l'ont souligné les rapporteurs de cette mission d'information, il ne peut y avoir de sécurité sans la population. De plus, entre leurs départs et de nouvelles arrivées, les périodes de carence sont bien trop longues et les effectifs s'en trouvent considérablement réduits. Il est grand temps de mettre en place des systèmes de fidélisation tels que des aides d'accession à la propriété ou encore des primes pour ceux travaillant dans des zones sensibles afin de donner envie à ces policiers de rester dans ces quartiers plutôt que d'attendre impatiemment le terme de la période de cinq ans pour les quitter.

Le groupe UDF réclame depuis longtemps la mise en place de telles mesures. Je constate d'ailleurs que le rapport sénatorial mentionné précédemment a esquissé plusieurs pistes de réflexion, notamment celle visant à assurer une rémunération et des perspectives de carrières gratifiantes aux policiers et gendarmes qui interviennent dans les ZUS.

Toutefois, je n'ai pas l'intention d'apporter ici des critiques car aujourd'hui cet exercice est dérisoire. Si les résultats ne sont pas au rendez-vous, c'est que les problèmes sont beaucoup plus profonds. La crise des banlieues de 2005 était révélatrice d'un malaise existant au cœur de notre société. Ce ne sont pas simplement des problèmes de police ou de justice, même si je ne sous-estime pas ces responsabilités très importantes. Il y va des questions relevant de l'éducation, de l'emploi, de l'urbanisme, de la culture, bref d'une multitude de points sur lesquels il n'y a plus d'adéquation avec la société telle qu'elle est. Et franchement, si l'on veut relever le défi qui est devant nous, le temps de la guéguerre politicienne pour savoir qui a tort et qui a raison est révolu.

Les Français nous demandent des solutions pragmatiques qui débouchent sur une amélioration de la situation. Ils désespèrent de constater que les gouvernements successifs se trouvent toujours dans la même impasse. Ils demandent de la cohésion nationale car ils estiment que ces questions sont essentielles non seulement pour le maintien de la paix civile mais aussi pour l'avenir de la société dans laquelle grandissent nos enfants.

C'est pourquoi je ne me sens plus en mesure de donner des bons points ou de formuler des critiques tant je crois venu le moment de changer totalement notre façon d'appréhender et de régler les problèmes. Je demande tant au ministre de l'intérieur qu'à l'opposition d'accepter, avec humilité, de faire ce constat qui nous conduit à mesurer l'incapacité des mesures prises par les gouvernements depuis vingt-cinq ans en la matière. Vouloir faire croire à nos concitoyens que chacun dans son camp aurait raison et que l'autre camp, par définition, aurait tort, n'a plus aucune crédibilité dans l'opinion publique.

C'est pourquoi j'en appelle à l'esprit de responsabilité des uns et des autres pour qu'enfin, on apporte des solutions concrètes et durables aux problèmes de sécurité auxquels sont confrontés, dans leur vie quotidienne, nos concitoyens. La discussion de ce budget, le dernier de la législature est l'occasion de faire le bilan mais aussi et surtout de tracer des perspectives pour l'avenir. C'est pourquoi j'en appelle à une nouvelle politique, différente de toutes celles qui ont été menées depuis vingt-cinq ans, une politique qui fasse appel au réalisme, à la responsabilité et, surtout, au sens de la cohésion nationale. Sans quoi la dérive que nous connaissons n'a aucune raison de cesser et les conséquences de cette spirale seront alors redoutables pour l'avenir de notre société.

Enfin, je ne ferai aucun commentaire sur le budget de la gendarmerie faisant miennes les excellentes observations contenues dans le rapport de Philippe Folliot.

Pour conclure, je tiens à souligner que, globalement, les orientations de la loi d'orientation étant tenues, l'heure n'est certainement pas à l'abandon des efforts nécessaires au maintien et au renforcement de la sécurité de nos concitoyens. Nous devons même y être particulièrement attentifs. C'est pourquoi, le groupe UDF, en responsabilité, votera ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007, no 3341 :

Rapport, no 3363, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

Sécurité ; sécurité civile (suite) :

Rapport spécial, no 3363, annexe 30, de M. Marc Le Fur, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan,

Rapport spécial, no 3363, annexe 31, de M. Georges Ginesta, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan,

Avis, no 3367, tome X, de M. Philippe Folliot, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées,

Avis, no 3368, tome VII, de M. Guy Geoffroy, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République,

Avis, no 3368, tome VIII, de M. Thierry Mariani, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Administration générale et territoriale de l’État :

Rapport spécial, no 3363, annexe 2, de M. Jean-Pierre Gorges, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan,

Avis, no 3368, tome I, de M. Pierre Morel-A-L’Huissier, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)