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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 14 novembre 2006

47e séance de la session ordinaire 2006-2007

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ DOSIÈRE,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

M. le président. Monsieur le ministre de l’outre-mer, mes chers collègues, alors que nous allons aborder la discussion des crédits de l’outre-mer, vous permettrez à votre président de séance d’adresser aux populations qui vivent dans nos collectivités d’outre-mer un très chaleureux et fraternel salut.

Loi de finances pour 2007

SECONDE PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007 (nos 3341, 3363).

outre-mer

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits de l’outre-mer.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Alain Rodet, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’outre-mer, mes chers collègues, la mise en place de la loi organique sur les lois de finances doit permettre une meilleure lisibilité de la politique du ministère de l’outre-mer. En effet, cette nouvelle présentation, en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, est de nature à mieux faire reconnaître le rôle et la place de l’outre-mer dans la communauté nationale. Le passage d’une logique de moyens à une culture d’objectifs et de résultats, rejoignant les missions de la Commission nationale d’évaluation, dote le ministère compétent de nouveaux instruments d’action et de contrôle.

Le présent projet de loi de finances prévoit d’ouvrir pour la mission outre-mer 1 963 millions d’euros de crédits contre 1 898 millions dans le PLF 2006.

Cette comparaison doit cependant intégrer deux modifications de périmètre. La première concerne le financement de la couverture maladie universelle complémentaire des collectivités outre-mer qui, désormais, est assuré par la mission « Santé ». Ce transfert s’établit à 22,66 millions d’euros. La seconde provient d’une correction faisant suite à une surestimation de crédits pour le compte d’affectation spéciale « Pensions » du service militaire adapté, pour un montant de 12,15 millions d’euros.

Il convient de rappeler que la mission ne traduit qu’une partie de l’effort de la nation vers l’outre-mer, soit environ 15 % des crédits dégagés par l’État. L’effort total en faveur de l’outre-mer est en réalité de 13 milliards d’euros, puisque tous les ministères participent, dans leurs secteurs d’activité respectifs, à la mise en œuvre de cette politique.

La LOLF conduit à présenter les crédits au sein d’une seule mission, comportant trois programmes et dix actions.

Les trois programmes de la mission concernent les conditions de vie outre-mer, l’emploi outre-mer et l’intégration et la valorisation de l’outre-mer.

Le contexte économique et social outre-mer reste difficile. L’amélioration de la conjoncture perçue en 2005 et 2006 a certes permis d’enregistrer une décrue du chômage, mais il convient de rester prudent dans la formulation du diagnostic, car on enregistre dans le même temps une forte augmentation du nombre de titulaires du RMI et la situation des collectivités locales de base reste préoccupante, nos collègues députés ultramarins nous le rappellent régulièrement.

Ainsi, pour les départements d’outre-mer, les données publiées par l’institut d’émission des DOM font apparaître des taux de chômage élevés : 26 % pour la Guadeloupe, 26,5 % pour la Martinique, près de 22 % pour la Guyane, près de 32 % pour la Réunion

S’agissant du programme « Emploi outre-mer », les sommes dégagées par la mission s’établiraient pour 2007 à 1 160 millions d’euros. Dans le domaine des aides à l’emploi, 838 millions d’euros sont nécessaires pour financer les compensations d’exonérations de charges sociales.

Les contrats d’accès à l’emploi du secteur marchand seront dotés à hauteur de 16,6 millions d’euros, ceux du secteur non marchand devraient mobiliser une enveloppe de 67,9 millions d’euros. Le rapport est quasiment de un à quatre. La situation n’est guère différente de celle observée l’an dernier. Le secteur de l’économie marchande affiche des résultats bien modestes pour les CAE !

Le programme « Conditions de vie outre-mer » prévoit 175,75 millions d’euros pour l’action dans le domaine du logement. Nos collègues d’outre-mer et l’ensemble des élus locaux ont souligné les retards accumulés en matière de logement social. Le Premier ministre en visite aux Antilles s’est dit lui-même préoccupé par l’importance de ces retards.

Votre rapporteur tient à rappeler ici le rôle central que doit jouer le logement dans le développement de l’outre-mer. Certes, si la défiscalisation a dynamisé la construction de logements et le secteur du BTP, elle a dans le même temps accru les pressions sur le foncier, provoqué de fortes tensions sur le logement social, où la défiscalisation est loin d’avoir trouvé sa place.

Parlons net, l’urbanisation raisonnée et, plus généralement, la planification territoriale ont été plutôt malmenées par le logement défiscalisé de plein droit. Il est sans doute temps d’essayer de corriger ces désordres.

Pour les autres chapitres inscrits dans ce programme, notons les enveloppes suivantes :

Une somme de 101 millions d’euros est consacrée à l’aménagement du territoire, les trois quarts étant destinés aux contrats de plan. Le contrat de développement de la Nouvelle-Calédonie prévu sur la période 2006-2010 mobilisera en 2007 un crédit de 40 millions d’euros.

Au titre de la continuité territoriale, 52,5 millions devraient être inscrits en 2007. Figurent dans cette dotation le passeport mobilité ainsi que les bourses de mobilité des étudiants de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie, de Wallis-et-Futuna et de Mayotte. Y figurent aussi la desserte maritime de Saint-Pierre-et-Miquelon et la desserte aérienne de Wallis-et-Futuna. La dotation de continuité territoriale verra son montant fixé à 32,63 millions d’euros. Les modalités de répartition de cette dotation ont été définies par le décret du 30 janvier 2004. L’éloignement de la métropole et le poids de chaque collectivité dans les déplacements globaux constituent les critères de base de cette répartition, des critères correcteurs étant prévus pour intégrer certaines difficultés de déplacement dues aux insuffisances des communications pour certains territoires.

Par ailleurs, 58,4 millions d’euros sont inscrits pour les affaires sanitaires et sociales et 3 millions d’euros pour les activités culturelles et les actions destinées à la jeunesse. Les crédits inscrits doivent également permettre le démarrage des études et des procédures pour la création d’un centre culturel et d’affaires de l’outre-mer. Un crédit, symbolique mais pas sans signification, est également prévu pour le fonctionnement du comité pour la mémoire de l’esclavage créé par le décret du 5 janvier 2004.

Le programme « Intégration et valorisation de l’outre-mer » s’établit à 412 millions d’euros. Il comprend notamment les dotations versées aux collectivités territoriales et concerne Mayotte, la Polynésie, la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises. L’ensemble de ces concours s’élèvent à 313,3 millions d’euros pour 2007 contre 282,4 millions d’euros en 2006. Ces dotations complètent les dispositions de droit commun versées à ces collectivités pour les aider à compenser certains de leurs handicaps non pris en compte par les procédures habituelles.

Les dépenses fiscales atteindraient un montant global de 2 513 millions d’euros pour l’année 2007.

S’agissant de ce volet essentiel de la politique en direction de l’outre-mer, il faut désormais prendre en compte les travaux de la Commission nationale d’évaluation de la loi de programme.

On peut dès à présent saluer le travail accompli par cette commission. Elle a notamment cherché à savoir s’il était possible, à partir des documents détenus par l’administration fiscale, de connaître la répartition de la dépense totale entre plein droit et agrément, ainsi que le montant total des investissements défiscalisés. Les investigations menées n’ont pas encore permis d’aboutir. Il serait en effet nécessaire de pouvoir exploiter les déclarations fiscales des contribuables, sociétés et personnes physiques, bénéficiaires de la mesure. Or, actuellement, les données figurant dans les déclarations de revenus ne font pas l’objet d’un traitement spécifique. De plus, les informations figurant dans les documents remplis par les investisseurs métropolitains ne comportent ni la localisation, ni la nature des investissements défiscalisés. On peut même regretter que les informations soient moins détaillées depuis 2003, année où l’on a adopté et promulgué la loi de programme pour l’outre-mer !

Cela illustre bien les difficultés de la tâche de cette commission, composée, je le rappelle, de vingt-deux parlementaires, dont douze de nos collègues de l’outre-mer, députés et sénateurs. Cependant, bénéficiant du double concours de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale de l’administration, elle a déjà produit, il faut le reconnaître, des notes et des documents de grande qualité.

Réunie le 4 octobre pour l’examen des crédits figurant dans la mission « Outre-mer », la commission des finances, après avoir entendu votre rapporteur, en a largement débattu et les a votés, à la majorité.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires des économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette dernière année de législature, l’examen du budget présente un caractère particulier, car, au-delà de l’examen des crédits soumis à notre approbation, l’on est tenté de jeter un regard rétrospectif sur l’action conduite par la majorité actuelle pour l’outre-mer.

Je vais donc consacrer quelques minutes de mon intervention à dresser le bilan d’une action foisonnante, marquée par le respect des engagements pris par le Président de la République et par le pragmatisme et la réactivité face aux difficultés de l’outre-mer.

Respect des engagements pris, tout d’abord, avec la loi de programme pour l’outre-mer. Cette loi est notamment venue rompre avec la logique de traitement social du chômage, s’appuyant sur une extension artificielle du secteur non marchand, pour au contraire créer les conditions d’un développement économique vraiment durable, fondé sur la redynamisation du secteur productif.

Plutôt que d’apporter encore une fois des aides publiques, cette loi de programme a fait le pari de la relance de l’investissement et de l’emploi grâce aux allégements de charges sociales et à la défiscalisation. Elle a donné aux populations d’outre-mer les moyens de créer, de construire, d’entreprendre, d’innover, dans un environnement économique plus favorable.

Cette loi de programme a également constitué un progrès considérable en instituant une dotation de continuité territoriale, destinée à surmonter le handicap lié à l’éloignement et à l’insularité de l’outre-mer. Le premier frein au développement des collectivités d’outre-mer est en effet d’ordre géographique : il s’agit d’îles ou de territoires enclavés en bord de mer. À cet égard, la Guyane connaît une situation peu différente, puisqu’elle est coupée du reste du continent sud-américain par la forêt équatoriale, qui occupe 94 % de son territoire. Éloignées de la métropole par une distance variant de 7 500 et 9 000 kilomètres, ces collectivités sont en outre peu intégrées dans leur environnement régional, les courants commerciaux des collectivités d’outre-mer privilégiant nettement les relations avec la France et avec la Communauté européenne. La dotation de continuité territoriale aura ainsi fortement contribué à rapprocher les populations ultramarines et métropolitaines et devrait être prochainement complétée par la création, dans le cadre du projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, d’un billet social pour événement familial, destiné aux ultramarins résidant en métropole.

Respect des engagements pris, également, avec la réforme constitutionnelle de 2003, qui introduit une diversification des statuts de collectivités afin de permettre à chacune, dans le respect de la volonté de ses populations, de trouver sa propre voie institutionnelle au sein d’une République décentralisée. En effet, et comme l’avait déclaré le Président de la République dans son intervention à Madiama en mars 2000, « les statuts uniformes ont vécu, chaque collectivité d’outre-mer doit pouvoir désormais, si elle le souhaite, évoluer vers un statut différencié, en quelque sorte un statut sur mesure ». Cette modernisation du statut des collectivités se poursuit avec le projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer. Au-delà du respect des engagements pris en 2002, le Gouvernement a su répondre énergiquement et avec pragmatisme aux problèmes de l’outre-mer, en particulier le problème de l’immigration clandestine.

À la suite de nombreuses interpellations de parlementaires ultramarins, dont celles votre rapporteur, auteur, avec Mme Gabrielle Louis-Carabin, d’une proposition de loi tendant à renforcer le dispositif de régulation du flux migratoire en Guadeloupe, et du rapport d’information de la commission des lois sur la situation migratoire à Mayotte, le titre VI de la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration est venue renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière en adaptant le droit applicable. Cette loi autorise ainsi, en Guyane, en Guadeloupe et à Mayotte, la visite sommaire des véhicules dans des zones bien déterminées en vue de relever les infractions relatives à l’entrée et au séjour des étrangers, l’immobilisation de véhicules terrestres et d’aéronefs, des vérifications d’identité des personnes dans les zones d’arrivée des clandestins. Elle a également étendu à la Guadeloupe le caractère non suspensif des recours en annulation contre les arrêtés de reconduite à la frontière, déjà en vigueur en Guyane et à Saint-Martin.

C’est avec une détermination et un pragmatisme identiques que le Gouvernement a su préserver les spécificités ultramarines dans un cadre communautaire en pleine évolution. Dès son arrivée au pouvoir, la majorité a été confrontée aux conséquences de l’irresponsabilité du précédent gouvernement sur la question de l’octroi de mer. Cette imposition spécifique aux départements d’outre-mer, relevant de la compétence des conseils régionaux et dont le produit alimente, à titre principal, les budgets des communes des DOM, ainsi que le département de la Guyane, était menacée de disparition pure et simple. Encadré par les autorités communautaires, le régime de l’octroi de mer, qui datait de 1992, devait être réexaminé au plus tard avant le 31 décembre 2002. Le précédent gouvernement avait déposé en catastrophe en mars 2002 une demande auprès de la Commission visant à reconduire le régime en vigueur, demande qu’elle avait rejetée. Ce n’est que grâce au dépôt, en avril 2003, d’une deuxième demande désignant précisément les produits locaux et les écarts de taxation qui étaient demandés, que le régime de l’octroi de mer a pu être prorogé jusqu’au 1er juillet 2014.

C’est également par une action très en amont, en liaison avec les producteurs, que le Gouvernement a pu faire entendre la voix de l’outre-mer dans les négociations relatives aux réformes des organisations communes de marché du sucre et de la banane.

J’en viens maintenant au budget de l’outre-mer pour 2007. Il s’élève à 1,96 milliard d’euros, en légère augmentation par rapport à l’année passée. Près des deux tiers de ces sommes seront consacrées à l’emploi outre-mer, qui, comme en métropole, demeure la priorité du Gouvernement. Le développement de l’emploi durable dans le secteur marchand repose notamment sur des exonérations de cotisations de sécurité sociale, prévues dans la loi de programme pour l’outre-mer. Ainsi 838 millions d’euros financeront l’abaissement du coût du travail et les actions d’amélioration et de structuration du dialogue social.

Il est vrai que le taux de chômage reste élevé, en moyenne 21,3 %, mais le nombre d’emplois salariés dans le secteur marchand a progressé de 2,2 % l’an dernier, soit trois fois plus vite qu’en métropole.

Toute mise en cause de ce dispositif paraît donc inopportune. Cela n’exclut nullement de tenter d’en évaluer la portée, comme la loi de programme elle-même l’envisageait dans son article 5. Le Conseil économique et social s’est prêté à cet exercice, et ses conclusions, publiées dans un rapport au mois de juillet 2006, sont attentivement étudiées par la Commission d’évaluation de la loi de programme pour l’outre-mer. Composée de parlementaires et de représentants de l’État, elle se prononcera, avant la fin du premier trimestre 2007, sur la pertinence des dispositifs d’exonération ainsi que de défiscalisation des investissements. Ceux-ci seront notamment étudiés afin d’apprécier leur impact et leurs éventuels effets pervers sur le logement social.

Le logement social constitue en effet le deuxième axe prioritaire du Gouvernement, qui se traduit par une dotation de 175 millions d’euros en crédits de paiement et de 220 millions d’euros en autorisations d’engagement. Les besoins sont immenses, et les retards de paiement accumulés par l’État considérables. Les parlementaires des Antilles et de la Guyane, dans une motion consacrée au logement social dans les départements français d’Amérique, évoquaient à ce sujet « une crise sans précédent », appelant le gouvernement à une action rapide et énergique.

Lors de son récent déplacement aux Antilles, le Premier ministre a procédé à des annonces témoignant que l’ampleur du problème a été pleinement mesurée et que le Gouvernement entend y remédier sans délai, que ce soit par le règlement des retards de paiement de l’État ou par l’alignement du rythme de progression des dépenses consacrées au logement outre-mer sur celles finançant le logement social en métropole. Le Premier ministre s’est ainsi engagé à ce que la dette de 113 millions d’euros soit réglée avant la fin du premier trimestre 2007. Il a également annoncé que 120 millions d’euros supplémentaires sur trois ans seraient consacrés au logement, dont 60 millions d’euros dès 2007. Je souhaiterais d’ailleurs, monsieur le ministre, que vous puissiez nous indiquer de manière précise comment seront financées ces mesures.

Je soulignerai enfin la forte augmentation des moyens consacrés aux dispositifs de continuité territoriale, notamment au passeport mobilité, dont les crédits connaissent une hausse de 31 %. Il faut espérer que cette hausse permettra de faire face à la demande, le dispositif semblant victime de son succès, puisqu’en Guadeloupe, 800 familles qui avaient avancé le prix du billet d’avion n’ont pu se faire rembourser par le CROUS. J’espère que vous pourrez nous donner toutes assurances à ce sujet, monsieur le ministre.

Pour en venir à des aspects qui ne sont pas directement liés à l’examen du projet de budget mais intéressent particulièrement les collectivités ultramarines, je voudrais saluer la détermination du Gouvernement, qui a permis d’esquisser une solution satisfaisante dans le cadre de la réforme de l’organisation commune du marché de la banane. La réforme du volet interne de l’OCM proposée par la Commission européenne repose sur la prise en compte des handicaps structurels de l’outre-mer et la reconnaissance de l’importance économique de la banane dans les économies ultramarines. Si des précisions doivent être apportées sur les hypothèses envisageables en cas de dégradation du revenu des producteurs, les pistes esquissées à ce jour semblent équilibrées.

Enfin, votre rapporteur se félicite de l’annonce par le ministre de l’outre-mer, au cours de son audition par la commission des affaires économiques, de mesures de compensations financières des pertes subies par les agriculteurs antillais du fait des effets sur leur production de la pollution de certaines surfaces agricoles par le chlordécone. Ce soutien, préconisé par le rapport d’information de la commission des affaires économiques, était très attendu par les agriculteurs qui ont été contraints de renoncer à certaines cultures ou de détruire une partie de leur production dont la teneur en chlordécone excédait la limite maximale de résidus fixée par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments. Je souhaiterais que vous nous précisiez les critères que vous envisagez de retenir pour l’attribution de cette compensation.

Votre rapporteur voit, dans toutes ces mesures, la confirmation de propos tenus par le Premier ministre lors de son allocution devant le conseil général de la Guadeloupe : « J’entends parfois parler ici ou là du désintérêt ou du désengagement vis-à-vis de l’outre-mer. Rien n’est plus éloigné de l’intention du Gouvernement, de la conviction du Président de la République. Rien n’est plus éloigné de la vérité de notre action dans tous les domaines d’intérêt général ou de portée plus locale. Cette exigence de solidarité, de proximité à l’égard de l’outre-mer est permanente. »

Je me fais l’écho de la commission des affaires économiques, qui, à la suite de votre audition et de l’examen des crédits de votre ministère, a donné un avis favorable à ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Didier Quentin, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’être un budget, l’outre-mer est un défi : défi du développement économique de territoires plus pauvres, défi de la desserte d’espaces éloignés et difficiles d’accès, défi de la lutte contre un chômage plus élevé et des crises sanitaires spécifiques, défi d’une pression migratoire sans équivalent en métropole, défi enfin de la diversité pour un État unitaire.

Notre histoire commune et la volonté partagée de vivre ensemble nous imposent de relever tous ces défis. Cette ambition est la raison d’être du ministère de l’outre-mer. Pour le Parlement, elle implique l’adaptation des lois aux réalités locales et le vote des crédits attendus par nos compatriotes ultramarins.

Expression de la solidarité nationale, le budget pour 2007 de la mission « Outre-mer » sera sensiblement équivalent à celui de l’année 2006, puisque les crédits de paiement s’élèveront à 1,96 milliard d’euros. Le projet de loi de finances affecte près de 1,16 milliard d’euros à l’emploi, qui reste ainsi le principal poste de dépense budgétaire : la lutte contre le chômage est bien la priorité du Gouvernement, outre-mer comme en métropole. Les résultats obtenus dans ce domaine sont d’ailleurs encourageants : de juin 2002 à juillet 2006, le taux de chômage est passé de 25,4 à 21,3 % de la population active des départements d’outre-mer. Mais ni la baisse du chômage ni la stabilisation du nombre de bénéficiaires du RMI ne doivent nous faire oublier qu’un long chemin reste à parcourir : les allocataires du RMI y restent plus de quatre fois plus nombreux, et les chômeurs plus de deux fois qu’en métropole. C’est pourquoi, même si l’évaluation de l’impact des mesures fiscales de la loi de programme pour l’outre-mer de 2003 n’est pas achevée, il semble évident qu’il faudra maintenir, outre-mer plus qu’ailleurs, d’importantes incitations pour stimuler les activités économiques, peut-être dans un cadre rénové.

Par ailleurs, les crédits consacrés au logement et à la continuité territoriale atteindront 175,7 millions d’euros, soit une progression de près de 3 %. Il est vrai que de trop nombreuses communes restent confrontées à des problèmes d’habitat insalubre et qu’une croissance démographique cinq fois plus rapide dans les DOM qu’en métropole crée de nouveaux besoins. Je me réjouis donc que l’inquiétude exprimée par certains élus outre-mer ait convaincu le Premier ministre d’engager dès 2007 60 millions d’euros supplémentaires pour le logement social.

Les crédits destinés à l’aménagement du territoire connaissent, quant à eux, une hausse de 7,9 %, pour s’élever à 101 millions d’euros. Enfin, autre signe de l’effort national de solidarité en faveur des collectivités ultramarines les moins favorisées, les dotations du ministère qui leur sont destinées progresseront de 16,8 %, pour atteindre 313,3 millions d’euros. Le ministère de l’outre-mer contribuera cependant à la maîtrise de la dépense publique en ne remplaçant qu’un départ à la retraite sur deux. Il s’agit donc d’un budget à la fois dynamique, rigoureux et généreux.

Je voudrais également souligner le succès de l’action du ministère de l’outre-mer en matière sanitaire : en dépit d’une période critique au début de l’année 2006, il a réussi, en mobilisant jusqu’à 2 870 personnes pour lutter contre ce virus, à endiguer l’épidémie de chikungunya à la Réunion, même si le nombre de personnes atteintes – 266 000 – reste bien sûr trop élevé. La vigilance sanitaire et les actions de prévention contre l’ensemble des maladies à transmission vectorielle doivent évidemment être poursuivies dans cette île, ainsi qu’à Mayotte, où la dengue et le paludisme menacent encore.

La commission des lois manifeste, comme il se doit, un intérêt particulier pour les actions visant à assurer le respect de la loi outre-mer. Des progrès significatifs sont également enregistrés à cet égard. Les statistiques qui m’ont été communiquées montrent que l’action des services de police et de la justice gagne progressivement en efficacité outre-mer. Après s’être stabilisée en 2005, l’insécurité a commencé à reculer : au cours des huit premiers mois de l’année 2006, la délinquance de voie publique a baissé de 12,7 % et les violences aux personnes de 6,5 %.

La mobilisation des forces de l’ordre face à l’immigration clandestine a également donné de bons résultats. Dans les DOM, le nombre d’éloignements a progressé de 14,4 %. en 2005. À Mayotte, le renforcement des équipes de la police aux frontières, désormais dotées de deux nouveaux radars, devrait permettre de dépasser l’objectif fixé de 12 000 éloignements dans l’année. Nous avons également voté au printemps 2006 des mesures législatives qui permettront de mieux combattre le travail illégal, les actes frauduleux, les détournements de procédures, et faciliteront la recherche et la reconduite à la frontière des clandestins. Cependant ces mesures, bien qu’indispensables, ne supprimeront évidemment pas les causes profondes et durables de cette immigration : celles-ci sont à rechercher avant tout dans l’écart de richesses entre nos espaces ultramarins et les pays sources, dont le revenu par habitant est souvent de neuf à quinze fois inférieur. C’est pourquoi il me semble urgent, comme je l’avais préconisé avec René Dosière dans notre rapport d’information de la commission des lois sur la situation de l’immigration à Mayotte, de mettre en place dans les pays sources une aide au développement mieux ciblée et contrôlée, et d’améliorer notre coopération, notamment sur le plan policier, avec des pays tels que le Guyana et les Comores.

Par ailleurs, la lutte contre les trafics illicites s’est intensifiée. Les saisies de cocaïne ont connu une forte augmentation dans les Caraïbes, et l’outre-mer a représenté 43 % du total national des saisies en 2005, contre seulement 9 % en 2004. De même, la lutte contre le blanchiment d’argent, qui pose traditionnellement des problèmes particuliers dans les îles guadeloupéennes, a été renforcée, comme en atteste l’augmentation du nombre de déclarations auprès de TRACFIN, cellule de coordination entre la police et la justice.

Enfin, l’effectif des magistrats en poste outre-mer a augmenté en 2005 comme en 2006, tandis que la surpopulation carcérale a diminué et qu’un recentrage du contrôle de légalité a permis une diminution des litiges. Autant de signes, là encore, que le Gouvernement se donne les moyens de faire mieux respecter l’État de droit sur l’ensemble du territoire national.

Je voudrais enfin dire quelques mots des évolutions institutionnelles outre-mer.

Les 30 et 31 octobre derniers, le Sénat a examiné deux projets de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer. Ces projets visent à créer ou à modifier divers statuts pour tenir compte de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, qui a notamment remplacé les anciennes catégories de territoire d’outre-mer, les TOM, et de collectivité territoriale à statut particulier par les collectivités d’outre-mer, les COM, nouvelle catégorie de collectivités territoriales encore mal connue du public. Outre diverses modifications du droit électoral et la création des deux nouvelles collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, dont les modalités devront être précisées, ces projets permettront d’accorder aux départements et régions d’outre-mer de nouveaux pouvoirs normatifs, ou encore de rapprocher Mayotte du droit commun et de la départementalisation tant attendue de sa population. Ce n’est pas notre collègue Mansour Kamardine qui me démentira !

Sur le plan institutionnel toujours, un projet de loi constitutionnelle a été déposé au printemps dernier pour compléter l’article 77 de la Constitution relativement à la définition du corps électoral de la Nouvelle-Calédonie. Vous nous avez indiqué en commission, monsieur le ministre, que ce projet de loi constitutionnelle devrait être examiné et adopté avant la fin de cette législature. On peut donc espérer qu’après une longue période de confusion politique et juridique, une telle initiative apportera la clarification attendue sur ce sujet, avec l’accord de toutes les parties concernées en Nouvelle-Calédonie : il me semble primordial d’obtenir un réel consensus politique sur un tel sujet, qui influe directement sur le destin collectif des Calédoniens.

Je dirai en conclusion que le projet de loi de finances préserve le financement des instruments prioritaires du développement de l’outre-mer, tout en prenant en compte l’impératif de maîtrise de la dépense publique. La police et la justice disposent, non seulement d’un cadre législatif adapté aux spécificités locales, mais aussi de moyens nouveaux en hommes et en matériel, leur permettant de mieux combattre la délinquance et l’immigration clandestine. Enfin, la rénovation des institutions de l’outre-mer se poursuit.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, la commission des lois a émis, le 18 octobre, un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2007 de la mission « Outre-mer ».

M. le président. Nous allons entamer la discussion, dans laquelle de nombreux orateurs sont inscrits pour cinq minutes. Certains dépasseront vraisemblablement leur temps de parole : parler de l’outre-mer en cinq minutes, même avec le débit d’une mitraillette, est un exercice difficile. C’est pourquoi le président fera respecter les temps de parole d’une façon très compréhensive.

Je souhaite néanmoins que nous évitions les abus et que nous restions dans le domaine des « accommodements raisonnables », comme disent les Québécois. C’est pourquoi je me permettrai s’il y a lieu de vous signaler discrètement qu’il est temps de conclure.

La parole est à M. Michel Vaxès, premier orateur inscrit.

M. Michel Vaxès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de budget pour 2007 étant le dernier de la législature, il est l’occasion de dresser le bilan de la politique du Gouvernement en direction de l’outre-mer.

« Le chômage est plus de deux fois supérieur en outre-mer qu’en métropole. Le produit intérieur brut par habitant est nettement inférieur à celui du reste du territoire national. Les conflits sociaux sont nombreux. Des discriminations perdurent. L’insalubrité de nombre de logements est importante. Certains territoires sont menacés de déstabilisation par une immigration clandestine massive. Ces situations ont pu être à l’origine d’un certain désenchantement par rapport aux espérances suscitées par le plein rattachement à la France ». Vous ne pourrez pas reprocher à ce premier constat de la politique menée depuis cinq ans par le Gouvernement en outre-mer son caractère partisan puisqu’il est dressé par l’UMP elle-même dans le cadre de la présentation de sa convention outre-mer.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes, monsieur le ministre : ils expliquent tout à la fois les attentes des acteurs locaux de la vie politique, économique et sociale en matière d’évolutions institutionnelles, et votre difficulté à dresser un bilan positif de ce quinquennat, malgré un taux de chômage annoncé à la baisse. Du reste, un taux de chômage en baisse ne signifie pas une baisse du nombre de demandeurs d’emploi. Mais tenons-nous en aux chiffres officiels, sans nous y attarder puisqu’on vient de les rappeler. Le taux de chômage dépasse les 22 % en Martinique ; il est de 24 % en Guadeloupe, et il dépasse 26 % en Guyane, 29 % à Mayotte à et 33 % à la Réunion.

Le dernier rapport de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale est tout aussi alarmant : celui-ci relève que « dans les départements d’outre-mer, la situation du marché de l’emploi est très dégradée, avec un taux de chômage trois plus élevé qu’en métropole et un chômage de longue durée plus important. Ces difficultés tiennent notamment à une faible qualification de la main d’œuvre : près de la moitié des actifs des DOM n’ont aucun diplôme contre 16 % de ceux de la métropole. Toutefois, à niveau de formation égal, le chômage est bien plus élevé dans les DOM : les jeunes et les femmes sont particulièrement pénalisés. [...] La pauvreté est plus importante et plus diffuse qu’en métropole, notamment en Guyane. Elle se caractérise par des difficultés d’accès aux services de base, tels que l’eau et l’électricité. »

Aujourd’hui dans les DOM, plus de 200 000 personnes survivent grâce aux minima sociaux. Les bénéficiaires du RMI, qui représentent 10 % de la population nationale, représentent 26 % de celle des DOM. Une situation sociale aussi dégradée exigeait un budget pour 2007 bien plus ambitieux que celui qui nous est soumis, d’autant plus que c’est l’ensemble des budgets outre-mer de la législature qu’il faudrait compenser. En effet, le budget de l’outre-mer a sensiblement diminué depuis 2002. Cette diminution est d’autant plus alarmante qu’elle touche principalement les priorités absolues que sont l’emploi et le logement. Les dépenses destinées à l’emploi diminuent de 61 millions d’euros et les crédits destinés aux emplois aidés régressent de 40 % sur quatre ans !

Concernant le logement, nous nous réjouissons avec vous que l’État ait enfin décidé que la dette de 113 millions d’euros en direction des différents bailleurs sociaux sera réglée avant fin 2007. Nous accueillons tout aussi favorablement l’annonce que 120 millions d’euros supplémentaires sur trois ans seront consacrés au logement, dont 60 millions dès 2007. Pour autant, ces rallonges budgétaires ne suffisent pas à nous rassurer quant à l’avenir du logement social en outre-mer. En effet, les opérateurs sociaux de la filière d’aide à l’amélioration de l’habitat des quatre DOM font état d’un besoin de 300 millions d’euros de crédits de paiement par an sur cinq ans. Sachez, monsieur le ministre, que nous partageons votre impatience de connaître les propositions que la Commission d’évaluation de la loi de programme pour l’outre-mer formulera sur la pertinence des dispositifs dérogatoires au droit commun et sur leur éventuelle réorientation pour accompagner les priorités du développement social.

Dans cette attente, vous sembliez toutefois anticiper une orientation d’une partie de la défiscalisation vers le logement social, tout en reconnaissant que ce n’était pas la panacée. Si nous souscrivons à cette analyse, nous ne pensons pas que cette mesure permettra pour autant de produire plus vite des logements sociaux, compte tenu des besoins, ni qu’une telle défiscalisation puisse être considérée comme une alternative réaliste à la mise en place des crédits budgétaires qu’exige l’évolution urgente du parc de logements sociaux.

Une autre inquiétude tient au transfert de gestion du RMI aux départements. Réunie en septembre dernier, l’Assemblée des départements de France observait que le différentiel non compensé s’élèvera probablement à 100 millions d’euros en 2006 à la Réunion et à 15 millions d’euros par an en moyenne pour les autres DOM. Ce n’est malheureusement pas ce projet de budget qui permettra une compensation satisfaisante de la compétence transférée, d’autant que la situation financière des collectivités d’outre-mer ne cesse de se dégrader.

Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, le groupe des députés communistes et républicains ne votera pas ce projet de budget pour l’outre-mer.

Mme Christiane Taubira, Mme Huguette Bello et M. Philippe Edmond-Mariette. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Alfred Almont.

M. Alfred Almont. Il faut bien reconnaître, monsieur le ministre, que nous abordons cette année le débat budgétaire dans un climat singulièrement différent de celui qui prévalait l’an dernier, quand la mise en œuvre d’une grande réforme fiscale dont la France a sans aucun doute besoin mettait sérieusement à mal les moyens consacrés par la loi à un véritable développement de l’outre-mer.

Je me réjouis que les engagements pris alors de part et d’autre au terme de discussions complexes aient été tenus. La Commission d’évaluation de la loi de programme pour l’outre-mer s’est mise au travail, les choses avancent et, même si les outils d’évaluation ne sont pas encore tout à fait au rendez-vous, il est désormais manifeste que les dispositions d’un tel cadre stratégique ne sont pas sans résultat sur l’activité et l’emploi et qu’elles méritent de s’étendre sur la durée prévue initialement par le texte pour atteindre véritablement à l’efficacité.

S’agissant du budget pour 2007, nous ne pouvons que nous féliciter que, dans un contexte marqué par de fortes contraintes pesant sur le budget de l’État, le Gouvernement manifeste, par son engagement en faveur du développement économique et social de l’outre-mer, son attachement à nos régions. En maintenant le niveau des crédits de la mission « Outre-mer » et en renforçant l’implication de l’ensemble des ministères au moyen d’un document de politique transversale, le projet de budget pour 2007 me paraît en mesure de conforter l’action interministérielle, tout en prenant pleinement en compte nos particularismes régionaux.

Je ne me livrerai donc pas à une analyse de votre projet de budget que j’approuve dans sa globalité, mais formulerai les observations que m’inspirent les grandes exigences auxquelles nous demeurons malgré tout confrontés.

Le programme « Emploi » demeure l’axe majeur, car l’outre-mer n’est malheureusement pas épargnée par la situation plus que préoccupante de l’emploi – bien au contraire ! La très grande fragilité économique de nos régions et les différents handicaps structurels et naturels qui caractérisent nos économies nécessitent plus qu’ailleurs des réponses appropriées, eu égard à l’ampleur du défi que constitue un nombre de chômeurs trois fois plus important qu’en métropole. Aussi faut-il sans cesse favoriser l’abaissement du coût du travail et, dès lors, tirer le meilleur parti des conclusions, rendues en avril dernier, de l’audit de modernisation relatif aux exonérations de charges outre-mer pour compléter un dispositif indispensable à l’accompagnement de l’effort national pour l’emploi.

Dans un tel contexte, les contrats aidés – qu’il s’agisse des contrats d’accompagnement dans l’emploi ou des contrats d’avenir – représentent des mesures conjoncturelles d’ajustement pour l’emploi propres à l’encourager, en priorité dans le secteur marchand, et il faut s’en réjouir. Si je note avec intérêt le renforcement des moyens mis à la disposition du SMA, dont l’utilité pour la formation et l’insertion des jeunes est aujourd’hui avérée, il me faut aussi souligner que les conventions État-régions et les programmes opérationnels pour la période 2007-2013 devront réserver une part plus importante de leurs crédits au soutien à l’investissement productif dans les entreprises, qui est générateur d’activité, de valeur ajoutée et d’emplois.

Je tiens aussi, monsieur le ministre, à appeler de nouveau votre attention, dans le cadre de ce débat, sur un secteur qui a des effets induits sur l’emploi, l’activité et l’expansion de l’industrie locale et conditionne la cohésion et le combat contre la précarité : le logement social, auquel sont consacrés 48 % des crédits du programme « Conditions de vie outre-mer ».

Le Premier ministre a clairement annoncé, lors de son récent déplacement aux Antilles, des mesures déterminantes pour ce secteur outre-mer. Il a indiqué notamment que la dette de la LBU, qui est d’environ 83 millions d’euros, serait réglée au plus tard à la fin du premier trimestre de 2007 et qu’un complément d’engagement de 60 millions d’euros sera délégué en 2007 pour les quatre DOM.

Il importe donc que des crédits soient réellement consacrés à l’apurement de cette dette, et je compte sur vous, monsieur le ministre, tant pour veiller à l’exécution budgétaire pour la part déjà inscrite au budget de l’outre-mer pour 2007, soit environ 9 millions d’euros, que pour intervenir, lors des arbitrages, avec la vigilance et l’énergie que nous vous connaissons pour assurer, dans le cadre de la loi de finance rectificative pour 2006, les crédits de paiement nécessaires pour couvrir le solde, qui devront être à la hauteur des engagements.

Pouvez-vous également nous indiquer comment vous envisagez la mise en place concrète des crédits annoncés et leur répartition entre les quatre DOM, notamment quelle sera la part affectée à la Martinique, compte tenu de la singularité que confère à ce département la place prépondérante de l’aide à l’amélioration à l’habitat ?

Si l’efficacité de la politique ambitieuse que nous entendons consolider pour le logement social passe évidemment par la reconnaissance de besoins croissants, qui résultent d’une évolution démographique caractérisée par son dynamisme, elle suppose aussi la prise en compte de publics prioritaires et la parfaite adéquation du dispositif du parc de logements locatifs très sociaux.

À cet effet, monsieur le ministre, au-delà des conclusions des audits pratiqués en 2005 et 2006, il faudra renforcer le dialogue que vous avez su nouer avec l’ensemble des professionnels de la branche afin de rationaliser à terme le rôle de l’État dans la résorption de l’habitat insalubre. Je salue votre proposition de déconcentrer les décisions au niveau du préfet et d’établir des conventions pluriannuelles entre l’État et les communes sur les opérations de logement, d’aménagement urbain et de résorption de l’habitat insalubre, permettant ainsi de limiter la spéculation foncière qui empêche aujourd’hui un grand nombre de nos compatriotes d’accéder à la propriété et au logement.

Il faut donc préserver l’élan en mobilisant durablement les crédits nécessaires à la poursuite d’une politique énergique de réhabilitation et de construction, qui est la condition d’un vrai développement.

L’augmentation des financements destinés au logement social outre-mer favorisera dans nos départements la voie de la responsabilité, propre à faciliter la sortie rapide de l’insalubrité, en particulier pour les personnes âgées demeurant ainsi propriétaires, et l’accession des jeunes ménages à la propriété.

Ce vrai développement que nous appelons de nos vœux est cependant menacé par un certain durcissement de la position de la Caisse centrale de réassurance, qui bénéficie d’une garantie de l’État, quant à la couverture des risques de catastrophes naturelles dans les DOM, à l’horizon de janvier 2007. Une telle position serait de nature à provoquer très rapidement une flambée des montants des primes d’assurance pour les entreprises et les collectivités ou une résiliation en masse de leurs contrats par les assureurs, qui ne pourraient plus se réassurer dans des conditions acceptables auprès de cette caisse. Une prorogation d’au moins une année de la couverture apportée par la CCR aux assureurs des DOM doit donc être envisagée pour permettre de trouver et de mettre en œuvre une solution pérenne propre à sécuriser les investissements futurs dans nos régions qui en ont tant besoin.

Malgré les efforts accomplis, beaucoup reste encore à faire dans le domaine de la continuité territoriale, qui concerne pourtant des liaisons domestiques. L’amélioration de la compétitivité du secteur productif des DOM nécessite, on le comprend, une compensation des surcoûts liés à l’éloignement du territoire continental, des centres d’approvisionnement et des grands marchés. La compétitivité, qui conditionne l’expansion de nos territoires, implique en effet une réelle compensation des coûts du transport maritime pour les relations entre l’Europe et les DOM et entre les DOM eux-mêmes.

Ce qui vaut pour le transport des biens vaut aussi pour le transport des personnes, en raison de l’insuffisance des capacités offertes et du coût élevé du billet, qui alimentent un sentiment d’expatriation encore largement ressenti de part et d’autre de l’océan. Il faut évoquer aussi le problème du coût du transport du son et de l’image, qui affecte les activités de la nouvelle économie, génératrices de valeur ajoutée et, par conséquent, de richesse pour le développement.

Dans le même esprit, la TVA non perçue récupérable est un véritable instrument d’aide publique à la compensation des surcoûts affectant certains matériaux et équipements importés ou fabriqués dans les DOM. Ce dispositif permet de contenir les coûts, en particulier dans les secteurs de l’industrie des matériaux de construction, du bâtiment et des travaux publics, où il contribue le plus souvent à une baisse mécanique des prix de l’ordre du montant de la taxe, soit 8,5 %. Ce régime d’aide publique, essentiel à ces secteurs, doit être sauvegardé : il ne s’agit pas, monsieur le ministre, de protéger, mais de compenser.

Enfin, si les engagements qui sont inscrits dans ce projet de budget pour consolider les dotations spécifiques à nos collectivités locales sont de nature à nous rassurer, ils n’en justifient pas moins notre mobilisation constante. Il importe en effet de tenir compte plus que jamais de leurs spécificités pour leur donner les moyens de renforcer leurs capacités financières et leur permettre ainsi de contribuer à l’investissement. Il s’agit de leur procurer des ressources justes correspondant à leurs charges réelles, généralement plus élevées que dans la métropole, c’est-à-dire des ressources répondant à leurs contraintes et à leurs besoins réels de financement. J’entends donc soutenir la démarche du Gouvernement visant à instituer un droit additionnel à l’octroi de mer, qui permettrait aux villes-centres des DOM d’augmenter leurs ressources financières et de faire face ainsi aux exigences qui s’imposent à elles.

Monsieur le ministre, avec les engagements que vous prenez pour l’outre-mer au titre de l’exercice 2007, nous sommes sur la bonne voie. C’est pourquoi je voterai ce projet de budget, qui contribue incontestablement à mettre en place de bons outils de développement pour nos régions, dont les populations aspirent elles aussi à la cohésion au sein de la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelles conclusions pouvons nous dégager de ce projet de loi de finances pour 2007 concernant l’outre-mer ?

Je tiens à rappeler, tout d’abord, que ces crédits ne représentent qu’une partie de l’effort budgétaire consacré à l’outre-mer. En effet, au montant de 1,96 milliard d’euros prévu pour 2007 s’ajoutent les 13 milliards d’euros correspondant aux dotations des autres ministères, qui devraient elles aussi être débattues à l’occasion de l’examen ce budget, pour éviter de tronçonner l’effort destiné à l’outre-mer.

Ce budget prévoit une diminution de 28 millions d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 1,4 % – c’est-à-dire de plus de 3 % en euros constants –, alors même que nos collectivités d’outre-mer s’inquiètent de la situation critique que connaissent deux domaines majeurs : le logement et l’emploi.

Le logement social connaît en outre-mer une crise grave et profonde. La réponse budgétaire apportée à cette crise consiste en une diminution des autorisations d’engagement de 47 millions d’euros. L’offre de logement social est insuffisante au regard des besoins liés à une forte croissance démographique et au retard criant de l’effort national en direction de l’outre-mer. Un effort soutenu et permanent s’impose donc pour améliorer le parc de logements déjà existants et accroître l’offre de logements sociaux. Plusieurs représentants du logement social en outre-mer, ainsi que des associations, comme le collectif des Antillais, Guyanais et Réunionnais, se sont élevés face à la situation catastrophique du logement. Le groupement interprofessionnel des opérateurs sociaux de Martinique a mis en lumière la dette de l’État envers les opérateurs sociaux dans les quatre DOM, qui a explosé en 2006, passant au premier semestre de 60 à 110 millions d’euros. Cette situation met directement en péril 1 100 entreprises et 6 000 emplois dans le secteur de l’amélioration de l’habitat. Entre 2000 et 2005, 2 600 logements seulement, en moyenne, ont été réhabilités chaque année. À ce rythme, il faudrait vingt-sept ans pour retrouver une situation normale.

De plus, il faudrait 27 000 logements sociaux supplémentaires pour atteindre d’ici à 2011 le même ratio de logements locatifs sociaux par habitant qu’en métropole. Encore cette estimation ne tient-elle pas compte de la proportion plus importante outre-mer de personnes éligibles au logement social, ni du dynamisme de la croissance démographique.

Lors de son voyage aux Antilles, le Premier ministre a annoncé une rallonge budgétaire de 120 millions d’euros sur trois ans, qui doit permettre d’aligner le rythme de progression des crédits au logement outre-mer sur celui qui a été fixé pour la métropole dès 2004 par le plan Borloo. Bien qu’excessivement tardive, nous ne pouvons que soutenir une telle mesure, qui s’accompagne également d’un apurement de la dette de 110 millions d’euros envers les opérateurs sociaux.

En réalité, sur les 66 millions prévus en crédits de paiement au titre de la ligne « Logement locatif social », 59 millions doivent couvrir les opérations antérieures. Il ne reste dès lors que 7 millions pour financer des opérations nouvelles. De même, s'agissant de la résorption de l'habitat insalubre, les opérations nouvelles ne reçoivent que 2,7 millions d’euros. Pourquoi continuer à laisser la situation du logement se dégrader à ce point ?

L’effort, si j’ose dire, pour l’emploi représente quant à lui quasiment les deux tiers de la mission « Outre-mer », mais il enregistre une baisse considérable des crédits de paiement, avec 61 millions d’euros en moins pour 2007, soit 5,2 %. Cette diminution affecte surtout l'abaissement du coût du travail : 44 millions d'euros sont ainsi économisés sur la compensation des exonérations de charges. S'agissant des mesures d'insertion et des aides directes à l'emploi, la diminution de 27 millions d'euros se fait au détriment des dépenses en faveur de l'emploi aidé. Malgré l'évolution favorable de l'emploi outre-mer, la situation de celui-ci n'en demeure pas moins préoccupante puisque les chiffres du chômage restent très élevés : 21,3 % en mai dernier. L'effort budgétaire en faveur de l'emploi n'aurait donc pas dû se traduire par une baisse de crédits.

Les deux pôles principaux de la vie en outre-mer, l'emploi et le logement, sont maltraités dans votre budget : ils connaîtront tous les deux en 2007 une diminution de crédits. Nous ne pensons pas que cette méthode soit la bonne pour montrer à nos compatriotes que l'outre-mer n'est pas délaissé.

Permettez-moi maintenant, monsieur le ministre, d’en venir à trois points d’actualité, avant de conclure par un sujet qui me tient particulièrement à cœur.

D’abord, s’agissant des réformes institutionnelles que vous allez nous présenter et dont nous débattrons bientôt, si l’UDF était opposée au référendum qui a eu lieu en Guadeloupe et en Martinique, elle ne l’était pas à celui concernant le statut de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy. Les travaux menés au Sénat nous laissent penser que Saint-Barthélemy est aujourd’hui bien préparé aux nouveaux transferts de responsabilité envisagés. À Saint-Martin, en revanche, l’accélération des transferts de compétences prévue par le Sénat serait précipitée du fait de la situation financière très dégradée de la collectivité, des pressions migratoires très fortes et de l’absence d’harmonisation avec la partie hollandaise de l’île. J’espère que vous faites toujours vôtre cette position qui nous paraît sage, monsieur le ministre.

Pour ce qui concerne la Polynésie française, dont je reviens, j’observe d’abord que l’économie est en panne, et que les acteurs sociaux, qu’il s’agisse des représentants des entreprises ou des représentants des salariés, se plaignent fortement que les discussions politiques y soient toujours impossibles, ou très difficiles. Malheureusement, dans ce territoire, la maturité démocratique ne suffit pas encore à faire avancer les choses. Je crains que le gouvernement issu des dernières élections ne parvienne pas à redresser la situation. Vous pourriez en revanche vous appuyer sur le président de l’assemblée territoriale, qui, lui, arrive à réunir des interlocuteurs autour d’une même table – vous avez compris que je voulais parler de Philippe Schyle.

Je voulais aborder un point sensible s’il en est, celui du coefficient de majoration des retraités de la fonction publique territoriale en Polynésie. Tant décrié, parfois même dans nos rangs, celui-ci nous semble parfaitement justifié. Encore faudrait-il, pour arrêter les attaques qui, ici ou au Sénat, se font jour régulièrement sur ce sujet, qu’on établisse clairement aux yeux de tous les écarts de coût de la vie afin de démontrer la justification de cette majoration. Des représentants syndicaux nous ont dit que le ministre de l’économie et des finances, à l’époque Nicolas Sarkozy, avait commandé un rapport d’audit sur le sujet : il doit exister, mais n’a jamais été communiqué. Il serait souhaitable qu’il le soit afin que ces polémiques cessent.

Nous avons proposé, Hervé Morin et moi-même, mais également Béatrice Vernaudon, une modification du mode de scrutin en Polynésie. J’avais abordé ce sujet l’an dernier lors de mon intervention, et vous m’aviez expliqué que vous souhaitiez le consensus sur ce sujet. À l’époque de l’adoption du nouveau mode de scrutin, l’UPLD, aujourd’hui au pouvoir, souhaitait maintenir la situation antérieure, de même que le parti socialiste, le parti communiste et l’UDF. Seule l’UMP, y compris l’UMP locale, souhaitait à l’époque un tel changement, mais la situation a bien changé : les élus locaux de l’UMP souhaitent un retour à l’ancien mode de scrutin ! Comme je ne peux pas croire que l’UPLD ait changé d’avis, non plus que les autres partis et notre président de séance, un consensus me semble désormais possible. Il suffirait que l’Assemblée de Polynésie soit saisie de cette question, ce que vous pourriez utilement faire, monsieur le ministre, afin que nous puissions en discuter lors du prochain projet de loi organique.

Enfin, s’agissant de la Nouvelle-calédonie, j’aimerais que vous nous disiez ce que vous pensez de la situation de la mine de Koniambo, puisque, depuis l’an dernier, nous avons eu des échanges sur ce sujet. Malgré certaines évolutions capitalistiques, bien des incertitudes pèsent encore, c’est le moins qu’on puisse dire, sur le démarrage de ce projet, si nécessaire pourtant au rééquilibrage de ce territoire.

vous comprendrez bien évidemment que je ne puisse éviter de dire un mot sur ce qui secoue manifestement l’île : l’affaire du corps électoral. Vos amis ici présents, notamment M. Frogier, mettent régulièrement en avant ce sujet pour régler des comptes politiques…

M. Pierre Frogier. Je ne vous permets pas de dire cela !

M. Jean-Christophe Lagarde. …et pour essayer d’obtenir le leadership au sein de ce qui fut le RPCR.

M. Pierre Frogier. C’est un scandale !

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le ministre, nous croyons que cette position est dangereuse. Toutefois, nous observons avec satisfaction – je tiens sur ce point à soutenir le Gouvernement – que vous entendez respecter les principes posés par l’accord de Nouméa, à savoir le « corps électoral gelé », qui devrait trouver une traduction législative dans les semaines qui viennent. Ayant lu les déclarations de notre collègue dans Les Nouvelles Calédoniennes, j’ai découvert que François Bayrou, en visite récente en Nouvelle-Calédonie, serait devenu un irresponsable indigne de devenir Président de la République, puisqu’il veut respecter l’accord de Nouméa. J’imagine que selon notre collègue, vous êtes indigne d’être ministre de la République, et Jacques Chirac d’être Président de la République !

M. Pierre Frogier. N’importe quoi !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je trouve ce genre de polémiques regrettables. Au moment où Koniambo est en difficulté, cela me paraît dangereux. Mais vous comprendrez également, monsieur le ministre, puisque nous aurons à en débattre, que je vous demande si, après la discussion à l’Assemblée et au Sénat, le Gouvernement a l’intention d’aller jusqu’au Congrès. Faute de quoi, les engagements pris par le Chef de l’État à Kone ne seraient pas respectés. On pourrait alors craindre, à l’occasion des élections présidentielles, un renouveau des tensions que nous avons malheureusement déjà connues par le passé.

Je termine en vous parlant du sujet qui me tient à cœur et sur lequel j’insiste chaque année : il s’agit des Domiens d’ici, des Domiens vivant en métropole, de ceux qui devraient avoir le droit à la continuité territoriale complète, mais qui n’ont droit qu’à la fracture : fracture aéronautique, compte tenu du prix des billets d’avion, prix sur lequel nous n’avons toujours pas fait l’effort nécessaire ; fracture numérique, avec des conditions et des coûts d’accès absolument exorbitants et qui, là encore, freinent la capacité de maintenir des liens familiaux et de pouvoir mener une vie normale ; fracture téléphonique, sujet sur lequel l’État devrait également faire un effort.

Lors de la discussion sur la loi d’orientation avec votre prédécesseur, j’avais expliqué qu’on fait moins d’efforts pour les Domiens que pour les Corses, alors qu’évidemment le coût et les distances ne sont pas les mêmes. Je ne crois pas qu’un Guadeloupéen, un Martiniquais, un Guyanais ou un Réunionnais aime moins sa famille qu’un Corse. Ce n’est pas parce qu’on ne pose pas de bombes dans nos territoires d’outre-mer qu’il ne faut pas faire le même effort au niveau national pour permettre la continuité territoriale avec ces territoires. Il y a aujourd’hui des situations dramatiques : certains ne peuvent pas se rendre dans leur famille à l’occasion d’événements familiaux tels que les décès ou les mariages, d’autres ne peuvent tout simplement pas avoir de vie de famille. Monsieur le ministre, nous devrions faire un effort. Au bout de cinq ans, l’égalité avec les Corses, c’est le minimum que les Domiens présents en métropole puissent demander ! J’espère que les électeurs le feront comprendre lors des prochaines échéances électorales.

Vous comprenez bien que, compte tenu des diminutions de crédits que j’ai évoquées, dans le domaine de l’emploi et dans celui du logement, le groupe UDF ne votera pas ce budget.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. C’est dommage !

M. le président. La parole est à M. Bertho Audifax.

M. Bertho Audifax. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, encore une fois cette année, comme par hasard à l'heure du vote du budget de l'outre-mer, un ou plusieurs articles de la presse nationale visent à influencer l'opinion publique en présentant l'outre- mer sous la récurrente image ringarde de « danseuse de la France », en dessinant les contours d'une France lointaine, dolente, insouciante et injustement favorisée, l'opposant ainsi en filigrane à une France métropolitaine luttant au quotidien pour s'en sortir. Cela devient lassant et navrant ! Mais nous en avons pris l'habitude. La seule question que se posent tous les députés domiens est : à qui profite le crime ?

Pourtant les choses ont beaucoup évolué au fil des années dans la connaissance mutuelle de la métropole et des départements d'outre-mer, et je sais – notre collègue Alfred Almont l’a rappelé tout à l’heure – que nous abordons les discussions et l'étude du budget de l'outre- mer pour 2007 dans un climat très différent de celui de l'année dernière.

Souvenez-vous, nous nous étions heurtés en 2005, parfois de façon musclée, dans des polémiques liées à la défiscalisation outre-mer, à l'exonération des charges sociales. Que d'échanges ont eu lieu au sein des commissions avant que nous n'aboutissions à un consensus et à un respect des engagements pris en 2003 lors du vote de la loi de programme pour l'outre-mer.

Depuis, d'éminents parlementaires ont bien voulu me faire confiance en acceptant de se rendre à la Réunion en voyage d'études afin de mieux appréhender les problématiques outre-mer et de juger en toute objectivité l'efficacité et l'utilisation des mesures spécifiques. Votre aide, monsieur le ministre, ainsi que celle du président de l'Assemblée nationale, m'ont été précieuses à cette occasion. Je voudrais solennellement ici remercier mes collègues Bernard Accoyer, Gilles Carrez, Hervé Mariton et Jean Luc Warsmann qui, en pleine crise du chikungunya, ont accepté mon invitation à la Réunion. Je pense pouvoir dire, sans trahir leur pensée, qu'ils ont aujourd'hui une autre vision, plus proche de la réalité, des spécificités outre-mer, qu'ils ont découvert un monde de travail, d'audace, de courage, d'initiative au sein de nos entreprises réunionnaises. Depuis, je suis avec attention les contacts qui se sont instaurés entre nos acteurs économiques et les parlementaires à Paris, et je suis satisfait de constater que désormais nous parlons un même langage, que désormais un climat de confiance s'est créé et qu'un vrai partenariat est engagé. Je l'ai constaté à l'occasion des échanges sur ce budget, mais aussi à l'occasion de la mise en place de la Commission d'évaluation de la défiscalisation. Nos amis des autres départements d'outre-mer l'ont d’ailleurs bien compris et des échanges du même type sont menés par la Martinique, grâce à Alfred Almont, et par la Nouvelle- Calédonie.

Nous avons gagné en sérénité, et l'évaluation de la loi programme au sein de la commission que vous avez mise en place, monsieur le ministre, confirme l'efficacité de cette loi, la nécessité de sa pérennité sur quinze ans et la volonté partagée par tous les acteurs d'en maîtriser les rouages, d'en détecter les moindres abus pour y porter remède. Il y va de la crédibilité de l'outre-mer tout entier, et cela est essentiel au climat de confiance dont je viens de parler. Cette évaluation permettra aussi de relever les faiblesses du dispositif et d'envisager les mesures nécessaires à son amélioration, s’agissant notamment du logement social.

Dès 2003, lors du débat sur la loi de programme, j'avais regretté qu'on ne porte pas une plus grande attention à une défiscalisation orientée sur le logement social.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est vrai !

M. Bertho Audifax. Aujourd'hui, pour compenser les difficultés budgétaires et le plafonnement de la LBU, on souhaite apporter au logement social un complément par le biais de la défiscalisation. C'est une bonne initiative et c'est aussi à cela que sert l'évaluation. Je suis convaincu que la défiscalisation peut apporter une aide dans le logement intermédiaire pour des revenus se situant juste au-dessus des plafonds sociaux actuels. Cependant, il faudra créer un mécanisme nouveau pour le faire efficacement parce que je ne crois pas que le seul aménagement des processus d'investissement immobilier suffira dans les régions d'outre-mer. Les ménages dont le revenu oscille entre deux et trois SMIC attendent de nous une possibilité d'acquérir leur logement ; c'est pour eux que LBU et défiscalisation doivent se combiner en contribuant à la mixité sociale dans tous nos programmes d'aménagement. Ce sont les oubliés de la loi de programme, et, en tant que rapporteur de la Commission d'évaluation, je me dois de proposer une évolution en ce sens pour remédier à cette injustice.

Je voudrais aussi vous redire, monsieur le ministre, combien les entreprises de recherche-développement d’outre-mer pourraient profiter de la défiscalisation qui leur a été à l'origine refusée : je ne peux passer sous silence cette revendication légitime que je défends depuis 2003.

Dans ce budget, vous avez inscrit très justement les crédits nécessaires aux outils d'évaluation des politiques d’outre-mer. Cette amélioration des statistiques nationales et régionales, ainsi que l'instauration de modèles économétriques, permettront une évaluation juste et encore plus convaincante de la loi de programme dans trois ans.

Vous connaissez, monsieur le ministre, toute l'action que je mène depuis plusieurs mois pour que soit préservé le congé de solidarité, puisque le gouvernement socialiste précédent avait prévu la fin de cette disposition au 31 décembre 2006. Un examen approfondi de cette mesure a été programmé pour 2007. Après de nombreuses séances de travail avec les acteurs économiques de la Réunion et vos services, j'ai déposé un amendement pour que ce congé de solidarité soit prorogé. Cet amendement tombant sous le coup de l'article 40, je m'en remets à la sagesse du Gouvernement pour que la poursuite du dispositif puisse se faire en 2007 dans les conditions envisagées ensemble lors de nos séances de travail.

Pour terminer, je ne peux manquer de rappeler ici les conséquences économiques et sociales de la dramatique épidémie de chikungunya à la Réunion, lesquelles pèseront forcément sur ce budget. À ce titre, je voudrais remercier le Gouvernement de l'effort consenti depuis le début de cette année face à une maladie qui nous a surpris par son ampleur sans précédent et qui s'est avérée totalement différente de sa description classique. Je sais pouvoir compter sur votre engagement pour que toutes les mesures prévues au titre de la prévention, de la recherche et du soutien socio-économique soient mises en œuvre et constamment évaluées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Victor Brial.

M. Victor Brial. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous avons bien noté la volonté de l'État de maintenir ses engagements en matière de crédits alloués à l’outre-mer, malgré les difficiles contraintes budgétaires : ces crédits augmentent de 0,35 %. Ils représentent un peu plus de 2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 1,96 milliard d'euros en crédits de paiement.

En accord avec l'engagement fort du Président de la République en matière d'emploi, la répartition des crédits est dans une majeure partie – à hauteur de 59 % – directement dédiée à l'emploi. En tenant compte des dépenses des autres ministères, ce sont plus de 13 milliards d'euros qui contribueront aux financements de l'État en faveur de nos collectivités d'outre-mer.

Plus généralement, monsieur le ministre, vous avez activement encouragé et accompagné la politique publique de l'aménagement de chacune des collectivités et pays d'outre-mer, et avez poursuivi le soutien de l'emploi par l'amélioration des dispositifs existants. Je me félicite de la volonté de l'État de tenir compte des spécificités de l'outre-mer français.

Je souhaite maintenant m'exprimer sur ma circonscription de Wallis-et-Futuna. Nos archipels souffrent de retards importants au niveau structurel par rapport aux autres collectivités. Si la dotation du ministère de l'outre-mer pour 2007 confirme les engagements de l'État, elle révèle aussi, monsieur le ministre, votre empreinte personnelle et votre volonté de traiter les dossiers prioritaires pour les îles de Wallis-et-Futuna, tels que le désenclavement, la continuité territoriale – pour la desserte aérienne et les télécommunications notamment –, ou encore l'Agence de santé de Wallis-et-Futuna.

Les financements de la piste de Vele, la convention de l'enseignement primaire pour la période de 2007-2011, le contrat de développement pour 2007-2011 également, l'installation récente, le 11 novembre dernier, du premier sous-préfet de l’île de Futuna, sont autant de décisions importantes prises par le Gouvernement, sur vos propositions. Les populations de Wallis-et-Futuna ne sont donc pas oubliées. Qu'il me soit permis, au nom des autorités locales et aussi des populations de Wallis-et-Futuna de vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que l'ensemble de vos collaborateurs et toutes les administrations qui se sont investies dans ces dossiers.

Nous pouvons également saluer l'action de la France du point de vue de la politique régionale, avec les avancées formidables de ces dernières années. Je citerai, pour mémoire, l'organisation du sommet France-Océanie de Papeete en juillet 2003 et celui de Paris en juin 2006. Les échanges avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont été nombreux : vous y avez vous-même, monsieur le ministre, effectué des déplacements et signé des conventions de partenariats. Je rends hommage au Président de la République et au Gouvernement pour le soutien permanent en faveur de nos territoires d’outre-mer.

L'accession récente de notre collectivité au rang d'observateur du Forum Pacifique s'inscrit dans la volonté d'intégration régionale, mais également dans les orientations fixées par les collectivités françaises du Pacifique, en accord avec la France. Ces points sont de nature à faire progresser nos collectivités dans leur environnement et à renforcer la coopération régionale dans le secteur géographique Asie-Pacifique. Je rappelle que la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française ont, parallèlement, accédé au statut de membres associés du Forum.

Nous sollicitons un accompagnement de la part de l'État dans ces relations nouvelles avec le Forum et les États voisins, notamment pour permettre la réussite de l'intégration de Wallis-et-Futuna dans un environnement de progrès, avec la mise en place du plan Pacifique adopté par les États membres du Forum et des instruments comme le PICTA et le PACER. Les performances de la Communauté du Pacifique doivent guider notre démarche.

La dotation du fonds Pacifique nous sera précieuse dans la finalisation des futurs partenariats aux niveaux culturel, éducatif, sportif, mais également pour permettre les financements de missions et programmes de recherche. L'opportunité du concours de l'Europe, via le FED – fonds européen de développement –, dans la réalisation des grands ouvrages des collectivités françaises n'est pas négligeable : ce concours doit être utilisé parallèlement à l'intervention de l'État. Le 9e FED se concentre à Wallis-et-Futuna sur la mise en place d'une unité technique de gestion, la construction d'un port de pêche, la modernisation du port de commerce et la réalisation d'infrastructures scolaires. Ces projets sont toujours en attente, mais j'ai bon espoir de voir leur réalisation dans les tout prochains mois. Le 10e FED, quant à lui, devrait contribuer à la gestion et à la conservation des ressources naturelles. Il devrait aussi permettre de développer les ressources humaines, de favoriser les formations diplômantes, notamment celle des cadres intermédiaires, et d'assurer le développement du secteur productif lié aux énergies renouvelables.

Monsieur le ministre, je termine mon intervention en sollicitant à nouveau le soutien de votre ministère. En effet, le territoire de Wallis-et-Futuna a absolument besoin d'être accompagné dans la recherche de solutions pour permettre de limiter les effets néfastes de la vie chère, pour améliorer les dispositifs d'aides destinés aux entreprises locales du secteur privé, pour améliorer les dotations de l'habitat social, moderniser les dispositifs du crédit lié à l'habitat, afin que les familles ayant des revenus faibles et moyens puissent accéder à la résidence principale, pour moderniser enfin les dispositifs sociaux en faveur des familles nombreuses sans revenus.

Aussi, je formule le vœu que l'État puisse nous accompagner dans la mise en place d’une aide au transport entre la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna : je suis convaincu de la nécessité de prendre en compte les préoccupations de la communauté wallisienne et futunienne de Nouvelle-Calédonie.

Enfin, tout comme mes collègues de l’outre-mer ici présents, je reste attentif aux avancées et aux évolutions des thèmes évoqués à l'occasion des colloques organisés en 2005 et 2006 à l'initiative de l'intergroupe des parlementaires d'outre-mer et de son président. Le transport aérien, la couverture sociale, le logement, les formalités d'inscription, le quatrième terme des bourses du CROUS pour les étudiants du Pacifique, sont des sujets qui préoccupent nos jeunes étudiants ultramarins. Je vous remercie, monsieur le ministre, de tout mettre en œuvre auprès de vos collègues du Gouvernement et de M. le Premier ministre, pour parvenir à des arbitrages favorables sur ces sujets.

Je vous accorde ma confiance et je voterai ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Éric Jalton.

M. Éric Jalton. Avec votre indulgente permission, monsieur le président, mon intervention durera une douzaine de minutes.

Monsieur le ministre, nous étudions aujourd'hui les crédits budgétés pour l'outre-mer relevant de votre ministère, lesquels, comme on le sait, ne recouvrent qu’une partie de l’action de l’État en outre-mer. Force est néanmoins de constater que, depuis quatre ans, à périmètre constant, le budget de l'outre-mer diminue. Pour 2007, cette baisse s'effectue au détriment des actions en faveur de l'abaissement du coût du travail et du dialogue social, des mesures d'insertion et d'aide directe à l'emploi, de l'action sanitaire et sociale, de la culture, de la jeunesse, du sport et de l'éducation, et enfin de la coopération régionale.

Certes, d'autres actions bénéficient en apparence d’une hausse de crédits, telles celles consacrées au soutien et à l'état-major, aux collectivités territoriales, à la continuité territoriale, à l'aménagement du territoire et au logement. Mais globalement, on déshabille Pierre pour habiller Paul.

Ainsi, l'emploi en outre-mer, proclamé comme une priorité par le Gouvernement, voit ses crédits diminuer substantiellement, alors qu'en Guadeloupe, à titre d'exemple, le chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans a augmenté en un an – de septembre 2005 à septembre 2006 – de 3 %. Le chômage des seniors, quant à lui, augmente de 6,6 % et celui des demandeurs d'emploi de longue durée de 2,6 %. Celui des femmes, qui augmente également, n’est pas en reste, et le nombre de RMIstes ne cesse de croître. Pas de quoi pavoiser sous les tropiques : cela devrait au contraire vous inciter à la modestie ! Et nous sommes loin de la coupe aux lèvres, compte tenu des 10,4 % de diminution du taux de chômage en France hexagonale, pour la même période.

Vous devez donc comprendre notre frustration, monsieur le ministre, lorsque nous entendons le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, M. Jean-Louis Borloo, qui nous annonce d’ailleurs une visite aux Antilles depuis 2003, se réjouir d’une baisse du chômage de plus de 20 % en un an dans certaines zones du territoire national, alors que nos jeunes domiens sont de plus en plus nombreux à être au chômage. S'il y a une fracture territoriale, mais aussi sociale et citoyenne, c’est bien là qu’elle se situe, monsieur le ministre !

Au-delà de la loi de programme pour l’outre-mer, il y a donc des mesures ciblées à prendre pour faciliter l'embauche de nos jeunes, en améliorant, par exemple, les dispositifs de contrats – en alternance, de qualification et de professionnalisation –, afin que davantage d’entre eux émargent à ces dispositifs de formation professionnelle et d'entrée dans la vie active, et que davantage d'entrepreneurs jouent le jeu de l'embauche de jeunes cadres locaux. Soit dit en passant, le chômage en outre-mer aura augmenté de 5 % sur l'ensemble de la législature, et en quatre ans, les sommes dédiées aux emplois aidés au niveau du FEDOM auront diminué de 40 %.

En matière de logement, force est de constater des divergences de plus en plus grandes entre, d’une part, les stratégies et les moyens mis en œuvre dans l'Hexagone, et, d’autre part, ceux déployés dans les DOM. Et ce ne sont pas, je le crains, les crédits inscrits dans votre mission, ni ceux annoncés par le Premier ministre lors de sa récente visite aux Antilles – crédits d’ailleurs essentiellement consacrés à solder les dettes antérieures vis-à-vis des différents opérateurs et à compenser les baisses des années précédentes – qui vont inverser la tendance ou modifier la donne quant à l'écart croissant entre les besoins et l'offre de logements, notamment sociaux, dans les DOM.

Le prêt à taux zéro, quant à lui, reste un fiasco et le logement en accession différée à la propriété, une expérimentation pour l'instant sans lendemain. Les familles attendent désespérément un logement, en particulier les jeunes couples, contraints de rester dans le giron familial ou tentés par des constructions sauvages, au détriment du foncier agricole. Pour le trop plein de salariés du BTP, c'est le chômage en perspective ou la migration contrainte vers la métropole. Encore une fracture territoriale non réduite entre les DOM et l'Hexagone, et nous en viendrions presque à envier les banlieues parisiennes et marseillaises ! (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Des parlementaires des départements français d’Amérique ont, en relation avec les partenaires sociaux, adressé au Premier ministre une motion éloquente et prospective sur le logement, dont le Gouvernement devrait s'inspirer. Je vous y renvoie.

En matière d'aide aux collectivités, d'aménagement du territoire et de continuité territoriale, j'aimerais que vous consacriez une part des crédits réservés à ces actions à corriger certaines injustices.

Tout d'abord, l'injustice dont sont victimes les îles du sud de l'archipel guadeloupéen, qui souffrent de leur double insularité. Je vous encourage vivement à mobiliser des moyens spécifiques orientés vers ces collectivités et à compléter leur budget par des dotations et financements adaptés à leurs spécificités et handicaps, lesquels ne sont pas pris en compte par le droit commun.

Vous pouvez également utiliser une part des crédits de l'activité « Desserte intérieure » de l'action « Continuité territoriale », afin de rétablir la desserte aérienne entre le « continent guadeloupéen » et les îles du sud, mais aussi pour compenser les surcoûts générés par le fret maritime et le surstockage induits par la double insularité.

Ce faisant, vous honorerez en partie les engagements que votre prédécesseur, Mme Girardin, et vous-même il y a un an, avez pris devant la représentation parlementaire. Dois-je vous rappeler que, l’un comme l’autre, vous vous étiez engagés à mettre en œuvre, au-delà de la loi de programme pour l’outre-mer, des dispositifs particuliers – je vous cite quasiment mot pour mot – afin de tenir compte des handicaps spécifiques des îles du sud de l’archipel guadeloupéen ? Marie-Galante, les Saintes, la Désirade attendent que le ministère de l’outre-mer concrétise ses engagements solennels.

Le constat que, dans notre république désormais prétendument décentralisée, il vaut mieux être Corse que Guadeloupéen ou Ultramarin incite à corriger une autre injustice. Comment expliquer, en effet, que les citoyens de Corse, situés à un bras de mer de l'Hexagone et dont le PIB est supérieur à celui des DOM, disposent d'une zone franche globale et d'une dotation de continuité territoriale d’environ 200 millions d'euros pour une population de 261 000 habitants, alors que l'outre-mer ne disposera pour 2007 que de 54 millions d'euros de dotation, pour une population bien supérieure, avec une loi de programme sur quinze ans, que l'on veut remettre en cause chaque année et qui est loin de contenir l'ensemble des dispositifs avantageux de la zone franche globale corse ? Deux poids, deux mesures !

Au-delà des déclarations d'amour, d'affection et des incantations lyriques – auxquelles nous ne sommes pas insensibles sous les tropiques –, les chiffres et les faits parlent, et personne ne peut les contester. Ce ne sont ni les vingt hectares d'extension de zones franches urbaines accordés à la conurbation Pointe-à-Pitre-Abymes, ni les dotations supplémentaires a minima concédées à la ville centre d'activités de Pointe-à-Pitre qui pourront effacer l'injustice territoriale et citoyenne criante. Nous sommes loin de l'égalité territoriale et de la croissance sociale proclamées par le Premier ministre aux Antilles.

En matière sanitaire et sociale, je souhaiterais attirer votre attention sur la situation du CHU en Guadeloupe. Il fonctionne désormais au rythme périodique, quasi chronique, de grèves plus ou moins larvées, mais aussi de décisions non suivies d'effets, ballotté qu’il est entre un directeur général plus que jaloux des ses prérogatives, un syndicat de personnel toujours exigeant, parfois intransigeant, un conseil d'administration qui cherche fébrilement, mais sûrement à s'affirmer, sans oublier une ARH qui ne sait plus où donner de la tête. Au milieu de ce capharnaüm, il y a les malades et les professionnels de santé, qui fuient de plus en plus vers l'hospitalisation privée.

Nous nous devons donc, à moins de proclamer la mort de l'hospitalisation publique en Guadeloupe, de replacer ce centre sur les rails des enjeux stratégiques de santé publique et de recherche, cela dans le cadre d'une restructuration globale et prospective, appuyée sur la mise en œuvre des récentes réformes du financement et du fonctionnement des établissements de santé.

En matière de lutte contre l'immigration clandestine et de sécurité, si l'arsenal juridique a été renforcé, les moyens ne sont pas à la hauteur des ambitions déclarées. Il est vrai que les grands diseurs ne sont pas les grands faiseurs. Le ministre de l'intérieur demande de façon péremptoire des résultats, sans donner à la police les moyens élémentaires, matériels et humains, de faire face aux nouvelles missions qu'on lui impose. A cet égard, nos policiers attendent toujours cette Arlésienne d'hôtel de police dans le quartier de Laffont aux Abymes, ainsi que des moyens modernes de communication et de locomotion et des armes à feux adaptées. Ce ne sont pas les redéploiements de personnels îlotiers de proximité et la substitution d'adjoints de sécurité et de contractuels en uniforme qui vont régler le problème des sous-effectifs et de la violence en recrudescence, notamment aux abords des établissements scolaires.

En matière de culture de jeunesse de sport et d'éducation, les associations, les sportifs, le monde de l'art et de la culture ainsi que le personnel de l'éducation, attendent de façon croissante un accompagnement par les politiques publiques, pilotées notamment par l'État, compte tenu du rôle croissant qu'ils jouent pour la cohésion sociale dans nos sociétés en proie à tous les bouleversements. Je crains que vos crédits en baisse n'accroissent davantage leurs inquiétudes.

En matière de coopération régionale, nous subissons là aussi une baisse de 3 millions d'euros, dont nous n'avons pas l'ombre d'un début d'explication, alors que les Guadeloupéens et plus généralement les citoyens des collectivités d'outre-mer, après être entrés un peu plus dans leur histoire, veulent aujourd'hui entrer davantage dans leur géographie.

Avant le printemps électoral et son cortège de promesses, et pour conclure, monsieur le ministre, nous attendons, alors que la patience n'est pas une vertu tropicale, que les exploitants agricoles antillais, victimes du chlordécone, soient convenablement indemnisés et aidés dans leur reconversion, et que les responsabilités politiques et administratives soient dégagées dans cette affaire.

Nous attendons toujours la loi spécifique pour l'agriculture et la pêche outre-mer, deux secteurs qui, au-delà de la banane, du sucre et du rhum, méritent davantage de considérations aux niveaux national et européen.

Nous attendons, plus de trois ans après le vote de la loi de programme pour l’outre-mer, les évaluations triennales des mesures d'exonération de charges et de défiscalisation des investissements, qui nous auraient été bien utiles aujourd’hui, au moment où nous examinons la dernière mission « Outre-mer » de cette législature.

Nous attendons que les victimes de la liquidation abusive de mutuelles guadeloupéennes soient indemnisées et que toute la lumière soit faite sur cette affaire.

Nous attendons enfin que des structures ambulatoires en nombre suffisant pour la prise en charge des victimes de l'alcool et de la toxicomanie soit érigées sur le territoire guadeloupéen.

Et dans l’attente, monsieur le ministre, nous ne pouvons nous satisfaire de la configuration de la mission « Outre-mer » pour 2007, mais nous vous remercions toutefois de nous avoir écoutés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce dernier exercice budgétaire de la XIIe législature aurait pu être celui du sursaut de la politique du Gouvernement en faveur de l'outre-mer. Il n'en est rien. Et il nous faut bien constater que le désengagement se poursuit.

Le logement social outre-mer restera l'un des grands échecs de la politique gouvernementale de ces cinq dernières années. La diminution constante des moyens financiers et les annulations budgétaires massives qui se sont succédé ont mis à mal l'investissement public dans ce secteur. La production de logements sociaux est sinistrée, alors que les besoins ne cessent d'augmenter. Illustré par les listes d'attente qui s'allongent constamment, ce paradoxe est une grave atteinte à la cohésion sociale. De plus, il se double d'une inégalité de traitement puisque, dans la même période, des moyens importants ont été votés pour la France continentale, au point que le ministre de la cohésion sociale se félicite tous les jours de l'augmentation historique du nombre de logements sociaux en construction.

Depuis plusieurs années, les élus et l'ensemble des opérateurs sociaux n'ont cessé, de façon unanime, d'alerter le Gouvernement et de proposer des solutions pour sortir de la crise. Il aura fallu attendre le rapport d'une mission d'audit pour que le Premier ministre annonce, il y a un mois, un premier train de mesures en faveur du logement social outre-mer.

C'est une première étape, accueillie favorablement, mais il va de soi que c'est l'ensemble de la chaîne de construction qui devra faire l'objet d'un traitement particulier si l'on souhaite vraiment remédier à la pénurie actuelle, lutter contre l'insalubrité, faciliter les parcours résidentiels, répondre à l'aspiration légitime des Réunionnais, y compris les plus modestes, à devenir propriétaires de leur logement. Le diagnostic a été établi à maintes reprises de façon précise, ainsi que la liste des pistes à explorer. Si la volonté politique est au rendez-vous, la relance de ce secteur devrait donc pouvoir être très rapide.

L'emploi est toujours le programme prioritaire de la mission « Outre-mer ». Avec des taux de chômage de l'ordre de 30 %, les variations annuelles d'un ou deux points ne peuvent suffire pour évaluer le bien-fondé d'une politique. En revanche, l'analyse des résultats des différentes mesures, spécifiques ou non, qui visent à favoriser l'emploi outre-mer nous propose deux enseignements.

Le premier est que, dans leur grande majorité, les dispositifs pour créer des emplois, aussi bien dans le secteur solidaire que dans le secteur marchand, ont été plébiscités. Les Réunionnais veulent travailler. Cette année encore, les créations d'emplois ont été importantes, y compris par le biais de créations d'entreprises. À cet égard, un soutien particulier mériterait d'être apporté aux créateurs d'entreprise, surtout durant les toutes premières années.

Le deuxième enseignement est plus directement lié aux lois d'orientation et de programme pour l'outre-mer de 2000 et de 2003. Pour nécessaires qu'elles soient à la relance de l'emploi et de l'investissement privé, elles révèlent aussi les limites d'une logique. Les interventions publiques sur les deux facteurs de production – le capital et le travail – ont, bien sûr, permis de développer des secteurs d'activités et des emplois – c'est le cas, par exemple, pour les énergies renouvelables –, mais ce type d'intervention ne suffit plus, surtout parce que la population active continue à augmenter fortement. Nous ne pouvons guère compter sur les départs à la retraite pour créer des emplois et rééquilibrer le marché du travail, si ce n'est de façon modeste avec le congé solidarité. La reconduction de ce dispositif est d'ailleurs souhaitée par l'ensemble des organisations syndicales, et cela doit se faire.

De façon générale, les années à venir devront être celles du maintien et de la stabilité de dispositifs qui ont fait leurs preuves. L'emploi restera sans doute le meilleur révélateur de notre capacité à articuler les ensembles politiques et géographiques auxquels nous appartenons.

Nous ne pouvons plus temporiser ni différer. Tous les indicateurs annoncent une aggravation de la précarité. Le pouvoir d'achat est, lui aussi, sérieusement mis à mal : la hausse des loyers et des carburants est continue, les prix à la consommation ont augmenté de près de 40 % en quinze ans. Pour de nombreux ménages, les dépenses se calculent à l'euro près. C'est pourquoi je me permets de vous interroger, monsieur le ministre, sur l'état d'avancement du décret d'application de l'article 29 de la loi d'orientation pour l'outre-mer, qui prévoit d'étendre l'allocation de parent isolé aux départements d'outre-mer dans un délai de sept ans, c'est-à-dire en 2007. Nous y sommes, ou presque.

Comment ne pas évoquer aujourd'hui la terrible épreuve que la Réunion vient de traverser avec l'épidémie de chikungunya, une des plus graves crises de ces dernières décennies ? Nous l'avons affrontée avec courage et responsabilité. L'arrivée de l'été austral incite à la vigilance et à vous interroger sur les modalités de la veille sanitaire, particulièrement sur la mise en place d'un service de lutte antivectorielle pérenne. Aucun secteur n'a été épargné par cette crise, mais celui du tourisme, première activité économique de l'île, a été atteint de plein fouet : le nombre de visiteurs aurait chuté de 50 %. On en devine les conséquences.

Cette évolution conduit à inclure, parmi les leçons principales de cette crise, la question de la desserte et du désenclavement aériens. Elle nous montre à quel point le principe de continuité territoriale, tel qu'il est appliqué aujourd'hui, est insuffisant. Tant que les prix des billets d'avion resteront aussi élevés – et notons qu'ils le sont restés même en période de crise –, ils constitueront l'obstacle majeur à la libre circulation sur l'ensemble du territoire national. Il suffit d'écouter les originaires de l'outre-mer résidant en France métropolitaine pour s'en convaincre.

Il n’était venu à l’esprit de personne de demander au Gouvernement de régler en cinq ans les difficultés de l’outre-mer. Toutefois la sagesse aurait voulu que l’on veille à ce qu’elles ne s’amplifient pas, surtout au moment où nous devons affronter de nouveaux défis, liés pour une bonne part à la mondialisation.

Dans la recherche d’un monde multipolaire, l’heure n’est plus à l’uniformité ou au mimétisme : plus de centre, plus de périphérie ! Être soi-même avec et parmi les autres, La Réunion veut l’être en France, en Europe, dans l’océan Indien et dans le monde entier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Michel Buillard.

M. Michel Buillard. Lors de la présentation de votre budget pour 2007, monsieur le ministre, vous avez souligné que l’effort collectif de l’État pour l’outre-mer est passé de 11 milliards d’euros en 2006 à 13 milliards en 2007, soit une augmentation de 18 %. Il s’agit d’un effort significatif soulignant l’intérêt du Gouvernement pour l’outre-mer.

Je retiens particulièrement, dans ce budget pour 2007, la dotation de 57,5 millions d’euros pour la continuité territoriale, dont 20 millions seront consacrés au passeport mobilité. Ce dernier bénéficie donc d’une augmentation de plus de 30 %, au bénéfice des jeunes d’outre-mer poursuivant leurs études ou une formation en métropole.

L’effort du ministère de l’outre-mer se concentre par ailleurs sur l’emploi et sur le logement social. Comme vous l’avez rappelé, les progrès déjà réalisés dans ces domaines résultent pour une part des incitations fiscales dont bénéficient les économies ultramarines grâce aux exonérations de charges patronales et à la défiscalisation. Je me réjouis des nouvelles méthodes mises en œuvre lors de l’examen de ce projet de loi de finances pour 2007, s’agissant notamment de la défiscalisation.

La commission nationale d’évaluation de la loi de programme pour l’outre-mer, dont j’ai l’honneur de faire partie, a reçu pour mission d’évaluer les conséquences économiques des dispositifs d’incitation fiscale. Nous pourrons donc, pour la première fois, nous prononcer sur le fondement d’études et d’expertises, et non de préjugés.

Dans son avis présenté en juillet 2006, le Conseil économique et social souligne qu’en Polynésie française, la défiscalisation a contribué à développer des activités productives telles que l’hôtellerie et les activités liées au tourisme. Il confirme en outre que les effets sur l’emploi sont manifestes au cours de la décennie passée. La croissance des emplois dans le secteur privé a été plus rapide que dans le secteur public : en dix ans, les emplois dans l’industrie ont augmenté de 34 %.

La méthode est également nouvelle s’agissant de l’examen de la question des indexations des traitements et pensions des fonctionnaires d’État : l’un de nos collègues est chargé d’un rapport d’évaluation. Nous pourrons donc, sur ce sujet également, nous prononcer à partir d’une étude rigoureuse et sans préjugés.

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous sommes d’accord.

M. Michel Buillard. Il était temps que l’UDF ouvre les yeux sur ce dossier !

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous tenons depuis longtemps le même discours !

M. Michel Buillard. Vous devriez dire à M. de Courson de rejoindre également nos positions !

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous n’avons pas l’habitude de changer d’avis, comme vous s’agissant des élections !

M. Michel Buillard. Ces indexations ont pour objet de compenser le coût plus élevé de la vie en outre-mer. Je porte à la connaissance de certains de nos collègues, qui évaluent l’écart de prix à seulement 20 % en Polynésie française, les prix de quelques produits de base, relevés dans deux supermarchés d’une même enseigne, en métropole et à Tahiti : si un litre d’eau minérale vaut 0,52 euro en métropole, il est à 1,45 euro en Polynésie ; un litre de lait, 0,65 euro contre 4 euros ; un pack de quatre yaourts importés, 0,79 euro contre 7 euros ; un pain non subventionné, un euro contre 2,15 euros.

Il en va de même s’agissant du prix de l’électricité : 1 kWh d’électricité, 0,07 euro en métropole et 0,0884 euro à 0,3127 euro, selon les tranches, en Polynésie. Cet écart est encore plus criant dans les îles éloignées de Tahiti.

Ce ne sont que quelques exemples, mais je pense qu’ils sont symptomatiques.

Les coûts sont tout aussi disproportionnés pour le logement, les frais de santé, les télécommunications et les biens de consommation importés. C’est pourquoi, comme pour les mesures d’incitations fiscales, attendons les rapports d’évaluation avant de remettre en question ces dispositifs, au risque de mettre en péril l’équilibre de nos économies ultramarines.

La poursuite du développement économique de la Polynésie française dépend aussi des transferts financiers de l’État. Pour la première fois depuis 2000, l’agence internationale de notation financière Standard and Poor’s a baissé en juillet dernier la note attribuée à la Polynésie française, notamment en raison des baisses de transferts financiers, dus au fait que le renouvellement des conventions avec l’État n’a pas été sollicité. De même, l’agence estime que la situation politique « entraîne un manque de visibilité financière à moyen terme » tandis que – je cite toujours ce cabinet privé indépendant et reconnu au niveau international – « les appels répétés d’Oscar Temaru en faveur de l’indépendance pourraient provoquer une diminution de l’aide financière de la métropole ».

L’obsession indépendantiste du président de la Polynésie française, son absence de politique de développement, de même que le refus de tout dialogue et de toute concertation de son gouvernement, mais aussi la volonté du vice-président de créer de nouvelles taxes iniques ainsi que les divisions du gouvernement polynésien ont fini par liguer syndicats et patrons contre le pouvoir en place. La ministre de la santé, privée de moyens pour mieux financer le train de vie du président et du gouvernement, vient de démissionner, invoquant « les conséquences » de cette politique « à brève échéance en termes de responsabilités humaines ». Le ministre des finances, quant à lui, n’arrive pas à boucler son budget. Pour la première fois de son histoire, le budget de la Caisse de prévoyance sociale est en déséquilibre, le Gouvernement n’apportant pas sa contribution de 13,5 millions d’euros.

L’État apporte un soutien décisif à notre jeunesse. C’est notamment le cas pour favoriser la formation des jeunes en métropole, avec la création du passeport mobilité et la mise en place de la continuité territoriale. C’était une promesse de la campagne présidentielle, qui se trouve ainsi honorée. Lors d’un colloque organisé à l’Assemblée nationale en mai dernier, nos étudiants d’outre-mer ont demandé à votre représentant, monsieur le ministre, de bien vouloir prendre en compte le statut d’étudiant pour l’attribution du passeport mobilité – et pas seulement le critère de l’âge – afin d’encourager les étudiants qui entreprennent de longues études. Pouvez-vous nous dire où en est ce dossier ? Ils ont également souhaité que les compagnies aériennes desservant l’outre-mer accordent des tarifs préférentiels aux étudiants et pas seulement aux plus jeunes.

Je veux également relayer les attentes des étudiants de Polynésie française. Lors de votre venue en avril dernier, monsieur le ministre, vous les avez rencontrés. Ils ont regretté l’absence d’aide spécifique pour le logement, comme peuvent en bénéficier les étudiants de métropole. Vous avez alors souligné que leur demande était « légitime et acceptable ». Pouvez-vous nous communiquer les suites réservées à cette requête ?

Enfin, j’ai déjà attiré votre attention, ainsi que celle du ministre de l’éducation nationale, M. de Robien, sur le manque de moyens de l’enseignement secondaire et de l’université de la Polynésie française. Davantage de moyens sont nécessaires pour qu’elle offre de nouvelles formations répondant aux besoins du pays, ainsi que pour construire une résidence universitaire.

Pour l’avenir de nos enfants, nous devons construire une Polynésie apaisée, prospère, tournée vers le développement économique, assurant la cohésion sociale dans le respect de nos traditions et de nos spécificités dans le cadre de la République. Monsieur le ministre, je voterai ce budget, parce qu’il offre des perspectives d’avenir à notre pays, qui en a fort besoin actuellement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Frogier, à qui je souhaite, avec deux jours d’avance, un bon anniversaire. (Sourires.)

M. Pierre Frogier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année, comme les précédentes, l’effort du Gouvernement en faveur de l’outre-mer est soutenu, malgré un contexte budgétaire difficile et contraint. Je note en particulier avec satisfaction l’augmentation des crédits destinés à la dotation de continuité territoriale et au passeport mobilité, dispositifs particulièrement utiles et appréciés en Nouvelle-Calédonie. Nous vous remercions, monsieur le ministre, de poursuivre cette politique qui honore la France et fait bien des envieux chez nos voisins, que ce soit dans le Pacifique, dans la Caraïbe ou dans l’océan Indien.

Je partage entièrement le sentiment de notre excellent collègue Didier Quentin, rapporteur pour avis de la commission des lois, sur le bilan encourageant des mesures dites de défiscalisation dont bénéficient les activités économiques dans nos collectivités, et qui plaide en faveur du maintien de ce dispositif. Je me réjouis que l’examen de ce budget n’ait pas été l’occasion de nouvelles tentatives de remettre en cause les pensions de retraite et les rémunérations des fonctionnaires de l’État outre-mer.

Il y a un an, à cette même tribune, je vous faisais part de mes inquiétudes pour le projet d’usine métallurgique de nickel dans le nord de la Nouvelle-Calédonie, projet indispensable à un véritable rééquilibrage économique entre le nord et le sud de notre territoire. Aujourd’hui, je suis plus que jamais inquiet quant à son avenir.

En effet, le massif minier du Koniambo, l’un des derniers grands gisements de nickel encore inexploité dans le monde, a été transféré, le 31 décembre dernier, à la société qui doit être le support juridique de la future usine. Toutefois, depuis cette date, le partenaire industriel pressenti, Falconbridge, a été absorbé par le groupe anglo-suisse XSTRATA et, à ce jour, les dirigeants de ce groupe n’ont pris aucun engagement clair concernant la réalisation de cette usine.

Il n’est plus possible, près de neuf ans après la signature de l’accord de Bercy, de maintenir les populations du nord et l’ensemble des Calédoniens dans une telle incertitude. Je réitère donc mon vœu, monsieur le ministre, que l’État reprenne l’initiative dans ce dossier stratégique à dimension nationale et internationale, ainsi que ma proposition visant à se tourner vers le groupe français Eramet-SLN, présent en Nouvelle-Calédonie depuis plus de 150 ans, pour la construction d’une usine métallurgique dans le nord.

À cette incertitude majeure, s’ajoute la dégradation continue et préoccupante du climat social au cours des deux dernières années, lequel se traduit par des conflits de plus en plus durs et longs, qui affectent la confiance de la population et portent atteinte à l’image de la Nouvelle-Calédonie. Le dialogue et la négociation entre partenaires sociaux ont manifestement atteint leurs limites.

Aussi, partant de ce constat, ai-je proposé au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie que l’État, garant du respect des grands principes républicains contenus dans la Constitution de 1958 et dans le Préambule de celle de 1946, prenne l’initiative de solliciter un certain nombre de personnalités calédoniennes indépendantes et dont l’autorité morale est reconnue pour constituer une mission du dialogue social afin de remettre à plat les relations sociales dans notre collectivité et de s’interroger sur le rôle et les finalités du syndicalisme, pour tenter de définir les bases d’un nouveau contrat social. Je déplore, monsieur le ministre, que, plus d’un mois après cette initiative, votre représentant n’ait pas accusé réception mon courrier.

Enfin, je veux évoquer devant vous, monsieur le président, qui êtes un expert en la matière, la question du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, qui vient d’ailleurs d’être soulevée de façon provocante, dérisoire et politicienne par M. Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Assumez votre attitude !

M. Pierre Frogier. Je rappelle tout d’abord que le projet de loi constitutionnelle déposé par le Gouvernement a pour objet d’interdire aux Français arrivés en Nouvelle-Calédonie postérieurement au 8 novembre 1998 de prendre part aux élections des assemblées de province.

Contrairement à ce qui est indiqué à deux reprises dans l’exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle, cette restriction du droit de vote ne correspond pas aux intentions des signataires de l’accord de Nouméa. Jamais le RPCR, devenu Rassemblement-UMP, n’a donné son accord à un tel dispositif.

Reconnaissez au moins, monsieur le ministre, qu’exiger aujourd’hui le gel du corps électoral, c’est, contrairement à ce que prétendent certains, ne pas appliquer l’accord de Nouméa. C’est donc modifier la Constitution, puisque les dispositions de l’accord ont été inscrites dans la loi fondamentale en juillet 1998 – par une majorité qui n’était d’ailleurs pas la nôtre, même si nous étions favorables à l’idée de donner à l’accord une telle force normative – avant que, quelques mois plus tard, en 1999, le Gouvernement ne cherche à revenir dessus.

Par ailleurs, il est inexact d’affirmer que le Président de la République se serait engagé sur le fond de cette affaire. Que ce soit à Paris en juillet 2002 ou en Nouvelle-Calédonie en juillet 2003, il s’est certes engagé à résoudre ce problème avant la fin de son quinquennat, mais sous réserve qu’un consensus local soit trouvé. Or ce n’a pas été le cas.

M. Jean-Christophe Lagarde. Alors, pourquoi le projet de loi qui va nous être présenté ?

M. Pierre Frogier. Si la Constitution était modifiée comme cela est envisagé, des milliers d’électeurs seraient, en Nouvelle-Calédonie, définitivement privés de leur droit de vote aux élections locales. En effet, si l’accord de Nouméa a prévu son propre terme – vingt ans à partir de 1998 –, il n’en va pas de même pour la loi organique portant statut de la Nouvelle-Calédonie et des institutions qu’elle crée.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il suffit de l’amender !

M. Pierre Frogier. Soyez donc assuré, monsieur le ministre, que je me battrai jusqu’au bout contre ce qui me paraît porter atteinte à l’un des principes fondamentaux de notre république et à l’honneur de la France.

M. Jean-Christophe Lagarde. Chirac aurait donc trahi l’accord de Nouméa ? Le ministre saura défendre le Président de la République, injustement attaqué !

M. Pierre Frogier. En revanche, je voterai avec enthousiasme le projet de budget de l’outre-mer pour 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Le devoir de réserve est quelquefois difficile à assumer pour un président de séance. J’aurai cependant l’occasion de m’exprimer le 12 décembre prochain sur ces questions.

La parole est à M. Louis-Joseph Manscour.

M. Louis-Joseph Manscour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons à débattre, aujourd'hui, du dernier projet de budget pour l’outre-mer de cette douzième législature. Plus qu'à une bataille de chiffres, l'heure est au bilan.

Le 6 avril 2002 à Madiana, Fort-de-France, le Président de la République, alors en campagne présidentielle, a présenté aux Martiniquais et, au-delà, à tous les ultramarins, une feuille de route. Celle-ci proposait pour l’outre-mer une dynamique de croissance, la lutte contre la précarité, le soutien à l'emploi et le rattrapage du retard structurel. Le 18 octobre 2006, lors de votre audition par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, vous estimiez, monsieur le ministre, que cette feuille de route était remplie. J'ai bien peur que la grande majorité des populations ultramarines, au vu des faibles progrès que connaissent nos sociétés, ne partage pas cet avis. Dans toutes les couches de la population, qu'il s'agisse des plus démunis, des chômeurs, des agriculteurs, mais aussi des fonctionnaires, des professions libérales, des chefs d'entreprises, des élus eux-mêmes, chacun ne peut que constater que les promesses n'ont pas été tenues.

Ce dernier projet de budget illustre encore cette déception. Je ne m'attarderai pas sur les chiffres car je sais trop bien qu'un budget, même en baisse, peut être efficace. La seule vraie question, à cette heure du bilan, est de savoir si les crédits affectés depuis cinq ans à l'outre-mer ont contribué à son développement. Je crains fort que, sur ce point, nos avis ne divergent.

Quelles sont vos priorités affichées ?

La première est l’emploi. Comment pourrait-il en être autrement avec un taux de chômage outre-mer trois fois supérieur à celui de la métropole ? En toute objectivité, les indicateurs officiels tendent à s’améliorer. Cependant, je m'interroge sur la nature et sur la pérennité des emplois marchands créés. En effet, la baisse du taux de chômage ne saurait nous faire oublier la hausse du nombre de RMIstes ni la crise des secteurs de l'agriculture et du tourisme, principaux pourvoyeurs d'emplois.

Est-ce en ne remplaçant qu'un départ à la retraite de fonctionnaires sur deux et en diminuant de 5 % les moyens de la politique de l'emploi outre-mer que vous faites de celle-ci votre première priorité ? Pour 2007, 61 millions d'euros manqueront pour les mesures d'insertion par l'économique, le financement des contrats aidés, l'aide et le soutien des jeunes créateurs d'entreprises. En Martinique, le chômage des jeunes a progressé de 8 % entre juin 2005 et juin 2006. L'avenir de notre jeunesse est en jeu.

Être critique ne m’empêche pas de reconnaître les actions positives de votre ministère. Je salue ainsi la mise place du passeport mobilité, qui permet à nos jeunes de bénéficier d'une formation en France métropolitaine. Cependant ce dispositif a été affecté, cette année encore, par de graves dysfonctionnements. Il a fallu la mobilisation des étudiants, des élus, du président du CROUS et de vous-même, monsieur le ministre, pour qu’une solution soit trouvée. De toute évidence, le dispositif manque de moyens. Et que dire du passeport logement ? Trop complexe et opaque, il trouve de toute façon ses limites dans la discrimination dont sont victimes de nombreux originaires des DOM-TOM à la recherche d'un logement en métropole. Pouvez-vous m'indiquer le montant des crédits qui seront affectés au financement de ce dispositif pour 2007 ? Je n'en n'ai trouvé trace ni dans le projet de budget de l'outre-mer ni dans celui du logement.

S’agissant de la continuité territoriale, nous redisons, comme chaque année, qu’il existe une véritable discrimination entre l’outre-mer et la Corse.

M. Bertho Audifax. Vous parlez d’un dispositif qui n’existait pas auparavant !

M. Louis-Joseph Manscour. Ce n'est pas la Corse qui est privilégiée mais bien l'outre-mer qui est déconsidéré.

Lorsque les inégalités s'accroissent sur une partie de son territoire, la France doit mettre en œuvre des politiques adaptées de rattrapage et de solidarité. Ce qui vaut pour l'emploi vaut également pour le logement. Or le logement social connaît, outre-mer, une crise historique pour laquelle les 120 millions d'euros promis par le Premier ministre lors de sa visite aux Antilles ne sauraient suffire. Octroyés sur trois ans, dont la moitié pour la seule année 2007, ces crédits ne serviront qu'à combler la dette accumulée par l'État depuis cinq ans. En effet, celle-ci s'élèvera à 113 millions d'euros à la fin de 2006, tandis que les besoins en logements sociaux sont estimés à 27 000 pour l'ensemble des départements d'outre-mer.

Monsieur le ministre, vous annonciez le 17 octobre dernier, en réponse à une question d'actualité de ma collègue Juliana Rimane, que le volet logement du plan de cohésion sociale s'appliquerait outre-mer et que 120 millions d'euros seraient débloqués sur trois ans, dont 60 dès 2007. Les 120 millions promis par le Premier ministre sont-ils les mêmes que ceux prévus dans le plan Borloo ? Les opérateurs du logement social attendent, comme moi, une réponse claire à cette simple question.

La situation du logement des plus démunis exige aussi une intervention adéquate de l'État. L'ensemble des départements d'outre-mer compte près de 70 000 logements insalubres, la plupart occupés par des personnes en grande précarité, notamment des personnes âgées. Ces logements ont besoin d'être réhabilités d’urgence. On imagine les conséquences dramatiques d'une catastrophe naturelle, cyclone ou tremblement de terre. Alors qu’il serait urgent d’agir, les aides à l'amélioration de l'habitat sont en constante régression depuis plusieurs années.

Avec les crises de l’emploi, du logement, de l'agriculture, c'est toute l'organisation socio-économique de l’outre-mer qui se délite. La route tracée par le Président de la République, qui prévoyait de lutter contre la précarité, semble bien cahoteuse.

Le nombre de RMIstes ne cesse de s'accroître dans les départements d’outre-mer : il dépasse désormais les 150 000. Pour la seule Martinique, qui compte 395 000 habitants, on dénombre plus de 32 000 titulaires du RMI, 9 000 chômeurs de longue durée, 4 000 bénéficiaires de l'allocation parent isolé, 4 000 personnes âgées dépendantes, plus de 6 000 personnes qui vivent avec l'allocation aux adultes handicapés et 95 000 bénéficiaires de la CMU.

À la lecture de tels indicateurs, comment ne pas s’étonner de la baisse sensible des crédits affectés à l'action « Sanitaire et social » ? Comment l’expliquer alors que l’outre-mer est confronté à des problèmes particuliers de santé publique avec le paludisme, le chikungunya, la dengue, et que le nombre de porteurs du VIH et de personnes dépendantes à l'alcool et à la drogue y est préoccupant ?

Élu d'une circonscription agricole, je ne saurais oublier de vous suggérer, monsieur le ministre, d'intégrer dans la mission « Outre-mer » une action spécifique en matière de protection de l'environnement, qui prendrait notamment en charge l'indemnisation des agriculteurs dont les terres ont été polluées au chlordécone.

Emploi, logement, continuité territoriale, politique sanitaire et sociale, les moyens mobilisés par le Gouvernement pour répondre aux attentes et aux besoins de l’outre-mer n'ont pas été à la hauteur des engagements pris. Les collectivités locales ont donc été amenées à compenser les carences de l'État.

J'entends dire, ici et là, que l’outre-mer coûte trop cher. Pendant cinq ans, les parlementaires des DOM TOM sont restés vigilants face aux attaques contre la défiscalisation et les exonérations de charges sociales, ainsi que face aux velléités d’aménagement – pour ne pas dire de suppression – d'avantages tels que les congés bonifiés, les congés solidarité, la majoration des pensions de retraites, ou la prime « vie chère ». Ceux qui dénoncent les prétendus « privilèges » de l’outre-mer gagneraient pourtant à mieux le connaître. Ils mesureraient alors toutes les richesses qu’il offre à la France.

L’outre-mer n’a pas à avoir de complexes. Le jour viendra où il faudra mettre sur le plateau de la balance ce qu’il apporte à la métropole et ce que lui apporte celle-ci : on sera surpris de constater de quel côté penche la balance. L’outre-mer, c’est plus que cela. L’outre-mer, c’est un dynamisme démographique qui prépare la jeunesse de demain. C'est une situation géostratégique enviée par les grandes puissances de ce monde. C'est ce métissage du vivre ensemble. L'outre-mer, ce sont des sportifs de haut niveau, des écrivains, des poètes et des musiciens qui font la fierté de la France métropolitaine. M. le ministre ne me dira pas le contraire. L'outre-mer, c'est un creuset pour l'innovation et la recherche, une réserve environnementale pour la France, un fort potentiel de développement économique. L’outre-mer – je devrais dire, « les outre-mers » – c'est aussi la chance de la France de pouvoir se regarder avec fierté dans le miroir de la diversité.

Je conclus par une citation : « Je ne conçois pas la France sans l'outre-mer. Je ne conçois pas notre pays sans cette richesse humaine, cette variété d'horizons, ces frontières nouvelles. Je ne conçois pas la France sans le message universel que l'outre-mer insuffle à notre République.» Ces propos sont ceux d'un homme que vous connaissez très bien, monsieur le ministre : le Président de la République française, Jacques Chirac. Force est de reconnaître qu’il n’a pas su remplir avec efficacité la feuille de route qu'il avait lui-même tracée en 2002. C'était, il est vrai, une promesse électorale ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marc Roubaud. Ce n’est pas vrai !

Mme Christiane Taubira. Bien sûr que c’est vrai !

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Non, c’est faux !

M. Jean-Marc Roubaud. C’était un beau discours, mais il a capoté !

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Oui, votre discours était superbe jusque-là, monsieur Manscour, mais là, ce n’est plus le cas !

M. Louis-Joseph Manscour. Pour toutes ces raisons, je regrette de ne pouvoir voter votre budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Grignon, le député qui vient du froid !

M. Gérard Grignon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous parlerai de Saint-Pierre-et-Miquelon pendant ces cinq minutes, les dernières dont je disposerai à ce sujet dans cette législature.

Saint-Pierre-et-Miquelon se porte mal, monsieur le ministre. Il n'est pas exagéré d'affirmer qu'après le séisme économique consécutif à l'échec de la France lors de l'arbitrage frontalier de New York, l'archipel, sans en être jamais totalement sorti, est à nouveau plongé dans une crise économique et sociale paroxystique.

Jamais – et je n’exagère pas –, le moral de la population n’a été aussi atteint qu'actuellement et le doute sur son avenir aussi présent : vingt-deux familles ont quitté l'archipel en 2005 – ce qui est considérable, compte tenu du faible taux de population – ; les commerces ferment et nombreuses sont les entreprises qui sont au bord du dépôt de bilan, la grande majorité des salariés du secteur privé se demande comment elle réussira à passer l'hiver qui, comme vient de le souligner M. le président, y est froid ; plus de 60 % des pensionnés du secteur privé et de l'ENIM, tous au minimum vieillesse, doivent faire le choix entre se chauffer ou se nourrir. J'ai d'ailleurs demandé à vos services, monsieur le ministre, la reconduction de l'aide au chauffage pour 2007. Les jeunes sont fortement touchés par le chômage et quittent le pays, ou n'y reviennent pas, souvent après de brillantes études en métropole, faute d’emplois. Le budget de la collectivité territoriale est exsangue. Je pourrais continuer cette bien sombre description.

Pourtant, monsieur le ministre, Saint-Pierre-et-Miquelon ne manque pas d'atouts : nous sommes la France et l'Europe à la porte de l'Amérique du Nord ; nous sommes situés en plein cœur d'une région extrêmement riche en hydrocarbures offshore comme l'ont démontré les récentes réunions d'Ottawa ; une équipe jeune, dynamique et motivée vient de prendre les rennes de la collectivité territoriale avec pour ambition de remettre l'archipel sur la voie du développement et de la diversification économique pour les dix prochaines années.

Cependant que peut faire cette nouvelle majorité si l'État ne lui donne pas le coup de main nécessaire pour solder le bien sombre héritage budgétaire qui est le sien et ne l'accompagne pas dans son programme de développement, et si la France ne défend pas ses droits souverains dans cette partie du monde ?

Il faut solder l'héritage budgétaire. À cet égard quelle est la réalité monsieur le ministre ? Budgétairement, la nouvelle majorité est confrontée à deux problèmes majeurs immédiats. Tout d’abord, elle hérite un passif équivalent à l'ensemble des recettes fiscales propres annuelles de la collectivité : 5,6 millions de déficit au compte administratif de 2005, 3,75 millions de subventions inscrites au budget primitif de 2006 et non perçues, une subvention de 1,18 million inscrite à tort au même budget primitif que nous avons annulée, soit environ 10 millions d'euros. Elle enregistre, de plus, une baisse due au manque d'activités des recettes fiscales, de l'ordre de 10 %, soit une perte de plus de 1 million en 2006.

Quant aux subventions de l'État sur la LBU, la collectivité territoriale n'a reçu, à ce jour, sur les autorisations d'engagement 2006, que 115 000 euros sur les 3,850 millions d’euros inscrits à son budget et ne devrait obtenir en tout et pour tout que 200 000 euros. S'agissant du FIDOM, la collectivité territoriale ne bénéficierait d'aucune subvention, alors que sont inscrits 850 000 euros. En outre, la collectivité territoriale a inscrit 1,5 million d'emprunt à l'AFD non encore débloqué.

Fin novembre, les dépenses de la collectivité territoriale atteignent 2,820 millions d’euros avec seulement 1,4 million de recettes prévisionnelles en face, auxquelles il faut ajouter une dette de 3 millions d’euros correspondant à l'emprunt de trésorerie auprès d'une banque locale que nous ne pouvons rembourser d'autant que l'organisme financier l'a fermée. Ainsi, si l'aide de l'État n'intervient pas très rapidement, la collectivité territoriale sera bientôt en cessation de paiement et les entreprises ne pourront résister. Les conséquences de l'effondrement de l'économie de la collectivité territoriale et la perte de la confiance qui en résulterait seraient telles qu'elles anéantiraient pour longtemps les perspectives de développement pourtant réelles.

La nouvelle majorité a déjà fait un effort qu'elle entend poursuivre pour réduire les dépenses de fonctionnement, mais l'investissement doit être maintenu, car il constitue un facteur de confiance et de soutien essentiel au dynamisme local et est générateur de recettes réinjectées dans l'économie locale. C'est pourquoi, monsieur le ministre, il est impératif dans l'immédiat qu'une subvention d'équilibre vienne couvrir le passif de la collectivité territoriale dont a hérité la nouvelle majorité, que soit débloqué le prêt de 1,5 million d’euros à l'AFD, qu'une avance de l'État à remboursement différé vienne combler la ligne de trésorerie afin de mettre fin aux intérêts qui grèvent le budget, dans l'attente de l'audit demandé à la chambre régionale des comptes.

Telles sont, monsieur le ministre, les propositions immédiates sans lesquelles, demain, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon se trouvera en cessation de paiement.

Il y a également, monsieur le ministre, l'accompagnement de l'État dans le développement économique dans le projet de la nouvelle majorité, l'avenir proche – 2007 – et l'avenir plus lointain.

Pour 2007, l'investissement de la collectivité doit être fortement soutenu par l'État à un niveau au moins égal à la moyenne des dix dernières, années afin d'enrayer la part de la dégradation due au passif hérité par la nouvelle majorité.

S'agissant de l'avenir plus lointain, nous avons demandé au Gouvernement la signature d'une convention de développement avec l'État sur sept ou dix ans. J'en avais indiqué les grands principes généraux et tracé les grandes lignes fin juillet. Le document est aujourd'hui largement et suffisamment étoffé suite à un travail effectué en collaboration et en concertation avec les services de l’État. Vous deviez, monsieur le ministre, venir signer cette convention qui engage l'avenir et redonnera confiance à la population avant la date limite du 15 décembre. Tous les éléments sont aujourd'hui rassemblés et entre les mains des services compétents pour aboutir à la signature d'un document acceptable par tous. Y êtes-vous toujours attaché, monsieur le ministre ?

Pour ce qui concerne la défense des droits souverains de la France, les récentes réunions d'Ottawa sont certes utiles, mais vous savez très bien, monsieur le ministre, que ce n'est pas dans ce cadre que les droits et les intérêts fondamentaux de notre pays seront défendus. En effet, vous n’ignorez pas que le Canada ne négociera que s'il y est contraint par le droit international. La meilleure preuve est que, en 2005, il a rejeté, de la manière la plus ferme, la simple suggestion de la France de discuter des intentions de notre pays sur le dépôt d'un dossier commun sur le plateau continental. Il est donc évident que la seule stratégie possible de la France pour défendre ses intérêts fondamentaux dans cette partie du monde est, conformément au droit international, de déposer unilatéralement ce dossier, d'officialiser cette position et, surtout, d'en annoncer le calendrier. Cela étant, il me semble avoir déjà très largement défendu ce dossier. Je n’insisterai donc pas.

Je ne manquerai pas d'écouter avec intérêt, monsieur le ministre, les réponses que vous m'apporterez sur ces différents sujets. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira.

Mme Christiane Taubira. Monsieur le ministre, comme d’autres députés l’ont rappelé, ce budget est le dernier de la législature. Je ne vous surprendrai donc pas en vous disant que nous aurions attendu de ce débat une réflexion, un échange sur le bilan de l’action gouvernementale et une évaluation de cette action publique sur ces cinq dernières années, plutôt que cet exercice convenu auquel nous nous livrons tous les ans et au cours duquel il nous est répété, d’année budgétaire en année budgétaire, l’attachement du Gouvernement à l’outre-mer – le terme n’est pas de moi –, cet attachement qui fait que le budget augmente, même lorsqu’il baisse, que les efforts sont soutenus, même lorsqu’ils ne suffisent pas à arriver au terme de l’année budgétaire.

Les représentants de l’outre-mer sont les seuls pour lesquels la session budgétaire n’est pas seulement un exercice politique, mais également un acte d’amour. Quelles que soient vos intentions, que je n’ai aucune raison de suspecter, monsieur le ministre, il faut comprendre que cette manie de la déclaration affective révèle surtout la résurgence têtue d’une vision de territoires qu’il faut assister, de populations qu’il faut cajoler, de catégories socioprofessionnelles qu’il faudrait amadouer et d’une classe politique sans antagonisme qu’il faudrait ménager.

Vous avez assez circulé, monsieur le ministre, et rencontré, outre-mer, les acteurs économiques, sociaux, politiques, institutionnels, associatifs…

M. Jean-Marc Roubaud. Ça c’est vrai !

Mme Christiane Taubira. …et vous connaissez suffisamment les réalités de l’outre-mer pour savoir que des statistiques peuvent recouvrir des situations très inégales et que de bons chiffres peuvent parfois dissimuler, assez mal d’ailleurs, des échecs cinglants.

Alors, oui, nous aurions préféré un bilan avec des indicateurs économiques et sociaux d’une année sur l’autre, mais surtout à travers leur trajectoire sur les cinq dernières années, et une évaluation qui, partant d’un état des lieux qui reste à dresser, aurait indiqué les difficultés de l’action publique outre-mer.

Le rapport de la Cour des comptes indique que, malgré la modification de l’ordonnance de 1959 et la mise en application de la LOLF et de ses prescriptions sous la précédente législature, votre ministère n’a pas choisi entre une logique de gestion et une logique de mission. Aux termes de ce rapport, l’organigramme, meilleure mesure de ces difficultés, n’a pas été modifié depuis que ce ministère n’est plus rattaché au ministère de l’intérieur et est devenu autonome. On y trouve de nombreuses unités opérationnelles aux attributions enchevêtrées, toujours selon le rapport de la Cour des comptes. Un tiers des agents n’appartiennent pas à une structure identifiable. De nombreux fonctionnaires sont détachés d’autres ministères pour des périodes brèves, ce qui provoque une très forte rotation des responsables dans ce ministère.

Il est un fait que l’on n’a pas fortement ressenti le poids de ce ministère de l’outre-mer sur des questions interministérielles. Je retiens, par exemple, l’attribution à la société minière Rexma d’un titre minier par le ministère de l’industrie, que le ministère de l’environnement a contesté fort heureusement, mais très tardivement, suivi en cela par le maire de Saül, les collectivités et plusieurs administrations. Votre arbitrage, que nous aurions souhaité, aurait évité cette situation de conflit assez inextricable pour l’instant.

Je pense également, bien entendu, à la situation très dégradée de nos trois hôpitaux publics en Guyane, des centres de santé, et au problème des évacuations sanitaires.

Dans des dossiers à caractère plus transversal sur l’ensemble de l’outre-mer impliquant le ministère des affaires sociales et celui des finances, votre ministère n’a également pas beaucoup pesé sur les arbitrages, ce qui n’a pas forcément à voir avec votre personne. Ainsi, s’agissant des congés bonifiés, l’harmonisation entre les administrations d’État, territoriales et hospitalières n’a pas été réalisée.

Que dire de la rupture d’égalité entre ces primes et indemnités attribuées, conformément à la loi, aux fonctionnaires qui servent outre-mer, alors que les fonctionnaires d’outre-mer qui viennent servir, ici, en France, n’en reçoivent pas, sauf à rencontrer mille tracasseries et difficultés ? Je pense à ce que Le Figaro a appelé « le scandale des retraites outre-mer ». Et puisque notre collègue de l’UDF a précisé tout à l’heure qu’il fallait prendre en considération la hausse du coût de vie outre-mer, je voudrais qu’on la prenne également en considération pour les ouvriers, les personnes à petits revenus, le secteur privé et les agriculteurs qui ne bénéficient pas de cette compensation des surcoûts de l’outre-mer.

Je signale un autre dossier transversal très important : celui de la continuité territoriale, que vous pensez avoir réglé de façon satisfaisante en prévoyant 32 millions d’euros par année budgétaire, c’est-à-dire une misère à côté des 600 millions d’euros accordés aux 200 000 Corses, alors que la somme affectée à l’outre-mer concerne un million de ressortissants.

Du même coup, vous avez enterré l’annonce que le Gouvernement avait faite, dès juillet 2002, par l’intermédiaire de votre collègue chargé du tourisme, et qui a été répétée depuis à plusieurs reprises : celle d’une seconde compagnie aérienne, notamment pour la Guyane, ainsi que du maintien de la concurrence et des obligations de service public pour le reste des destinations et provenances d’outre-mer.

Du fait de ce système de dotation annuelle, les ressortissants d’outre-mer subissent une vraie dépendance à l’égard des fonds d’État pour ce qui est de leur mobilité, alors que partir pour suivre des études, pour effectuer une formation ou pour acquérir une expérience est toujours une bonne chose, du moins quand il s’agit d’un choix. Dans notre cas, malheureusement, le but est plutôt de fuir une situation de marasme économique ou la rareté des emplois, peu accessibles aux natifs. Souvent, ceux qui sont partis pour des études ou une formation n’ont pas l’opportunité de revenir mettre leurs compétences au service du développement économique local. Il n’empêche que ces départs font très opportunément baisser le taux de chômage.

Pour rester sur le chapitre de la continuité territoriale, voilà au moins deux ans que nous vous répétons qu’il faudrait la considérer non pas seulement du point de vue des liaisons entre l’outre-mer et la France, mais en prenant également en compte l’intérieur des territoires. En effet, la Guyane est enclavée ; quant à la Guadeloupe, la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie, elles connaissent, en tant qu’archipels, des contraintes particulières.

En ce qui me concerne, j’ai déposé deux amendements. L’un, que j’estimais être un amendement de repli, a été considéré comme irrecevable. Il en reste un autre, que je défendrai cet après-midi. Je dois cependant vous prévenir dès à présent que si cet amendement, issu de la proposition de loi n° 3260, que j’ai déposée en juillet 2006, n’est pas adopté aujourd’hui, je le déposerai à nouveau lorsque le projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer viendra en discussion à l’Assemblée nationale.

Bien qu’il soit sans doute utile, notre débat de ce jour a l’air un peu vain. En effet, nous ne traitons ni des blocages de l’économie d’outre-mer, ni des contraintes induites par la concurrence et la compétition des économies voisines, ni des pesanteurs et des inerties dues à des situations de rente. L’exercice paraît d’autant futile que nous traitons de moins d’un cinquième des fonds d’État injectés outre-mer.

En outre, monsieur le ministre, même quand vous considérez que les chiffres dont vous disposez sont satisfaisants, vous connaissez trop les réalités de l’outre-mer pour ignorer que l’augmentation des reconduites à la frontière ne témoigne pas de l’efficacité de la lutte contre l’immigration clandestine, puisqu’un tiers des reconduits reviennent sur le territoire. De même, la baisse apparente des chiffres de la délinquance sur la voie publique traduit peut-être moins une diminution réelle qu’un découragement des victimes qui renoncent à porter plainte.

Récemment, quand le Premier ministre a annoncé en fanfare une augmentation des crédits du logement social, l’un des rapporteurs vous a demandé s’il ne s’agissait pas d’un simple transfert. Vous avez confirmé la réalité de l’augmentation. Peu importe, selon vous, le ministère qui apporte ces crédits ; ce qui compte est que l’on parvienne à résorber la dette, avec la première tranche, au premier trimestre de 2007, car il n’est question que d’apurer une dette et de régler des factures. L’État vit à crédit sur le dos des collectivités et des bailleurs sociaux. Il est mauvais payeur et, lorsqu’il se décide enfin à régler ses dettes, il fait passer cela pour de la générosité.

Ajoutons encore les effets inflationnistes sur le foncier, dus à la défiscalisation, qui n’est pas corrigée, ou la baisse des autorisations de programmes, afin de la rendre compatible – pour reprendre une formule qui n’est pas de moi – non avec les besoins, mais avec les crédits de paiements !

Monsieur le ministre, vous avez l’art de transformer des turpitudes en vertu, mais je crains que le Gouvernement, à force de se mirer dans une flaque complaisante, ne finisse comme Narcisse : noyé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, à qui, avec un jour d’avance cette fois, je souhaite également un bon anniversaire.

M. Alfred Marie-Jeanne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nul n’ignore que la dette de la France est obèse et que les finances publiques sont fortement contraintes. Le projet de budget pour 2007 des pays dits d’outre-mer pâtit certainement d’un tel contexte.

Un crédit de paiement globalisé à hauteur de 2 milliards d’euros est annoncé, dont on peut considérer, au regard des retards accumulés, dus au non-respect des engagements de l’État, qu’il aurait pu être plus abondant. Pour commencer, pourquoi ne pas s’en tenir à une répartition des fonds déclinée par pays respectifs, pour favoriser la transparence et éviter les déconvenues de dernière minute ?

C’est justement sur les nombreuses déconvenues constatées, que je veux vous interpeller, monsieur le ministre, en relevant quelques cas bien précis.

Je citerai d’abord l’exemple du logement social.

Au-delà du déblocage des 120 millions étalé sur trois ans pour tout l’outre-mer, la question du paiement des arriérés demeure entière pour la Martinique. Au moment où je vous parle, les factures non honorées se monteraient à environ 10 millions d’euros. Selon les estimations, la dette, hors résorption de l’habitat insalubre, atteindrait, à la fin de l’année, 33 millions d’euros. Or 15 000 logements sont en état d’insalubrité avancée. Ce sont les mal-logés et les petits artisans qui sont directement atteints.

Le deuxième exemple concerne le passeport mobilité.

À cet égard mille dossiers sont en attente de règlement, faute de crédits suffisants. Il s’agit d’étudiants ou de parents ayant fait l’avance du prix des billets d’avion. La dette du CROUS envers la compagnie Air France dépasse les 2 millions d’euros et des intérêts moratoires sont réclamés. Cette fois, ce sont les étudiants et la structure elle-même qui sont directement frappés.

Le troisième exemple porte sur la décentralisation.

Le transfert des moyens financiers ne compense pas, comme prévu, le transfert des charges correspondant. Des milliers d’euros, sinon des millions, manquent déjà à l’appel. Les compensations s’effectuent mois par mois, sans qu’il soit possible de les identifier. Or il est indispensable que les crédits soient clairement identifiés par compétence transférée, car toute situation qui ne se laisse pas aisément décortiquer devient aussitôt suspecte. À ce jour, aucune dotation de transfert n’a été versée dans le secteur des TOS, des bourses paramédicales et sociales, de l’institut de formation ou de la valorisation des acquis de l’expérience.

Le conseil régional s’est vu obligé de faire l’avance de 3,2 millions d’euros en attendant les dotations de 2006. La collectivité régionale est donc directement visée et lésée. Est-ce là le but recherché ?

J’en viens au quatrième exemple.

Aux termes du DOCUP 2000-2006, la participation financière initiale de l’État était contractualisée précisément à hauteur de 278,71 millions d’euros. Au 30 septembre 2006, seuls 29 % du total ont été réellement payés. Ce retrait massif et inattendu provoque directement des dommages en cascade.

Le cinquième exemple concerne le transport collectif en site propre.

L’État s’est totalement retiré – je dis bien totalement – de ce dossier important, qui a déjà été mis en route : 38,72 millions d’euros ont été effacés d’un coup, ce qui a mis tout le monde devant le fait accompli, sans parler du risque de faire capoter le projet.

Monsieur le ministre, comment élaborer valablement un nouveau budget si les engagements antérieurs sont carrément passés par pertes et profits ? Est-ce une main invisible et innocente qui a procédé à ces coupes claires, définitives et regrettables ? Honorez vos engagements ! Nous n’en demandons pas plus.

Étant donné la situation et la montée en charge des imprévus, il paraît opportun de pérenniser la taxe d’embarquement qui viendra à expiration le 31 décembre 2006. Dans le même ordre d’idée, une attaque ne venant jamais seule, les recettes de l’octroi de mer sont menacées. À cet égard, j’ai déposé une proposition de loi visant à améliorer le dispositif, afin de préserver les ressources des collectivités et de colmater une brèche juridique qui permet à une entreprise ayant déjà répercuté le produit de la taxe sur le consommateur final d’en solliciter quand même le remboursement.

Je conclurai sur la politique des visas vis-à-vis des ressortissants de la Caraïbe.

L’un des freins aux échanges est l’obligation d’obtenir un visa pour séjourner en Martinique. C’est une entrave considérable au tourisme et à la coopération régionale. Même si une bonne prévision, je l’admets, n’est pas toujours totalement réalisée, au moins il ne faut pas casser l’élan ni démobiliser.

Vous transférez les charges totalement et crescendo, et les moyens tardivement et diminuendo. Vous conservez le pouvoir essentiel ; or son transfert est indissociable du mouvement général, pour permettre une meilleure adaptation et une meilleure prise en compte de ces situations préjudiciables à plus d’un titre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce budget revêt une importance toute particulière, car il vient au terme d’une législature qui a posé les jalons d’une dynamique nouvelle pour les régions ultramarines : celle de l’action pragmatique, du courage et de la détermination. En rupture avec la mandature précédente, les élus de la majorité et le Gouvernement se sont enfin donnés les moyens de surmonter les fragilités économiques et sociales de nos régions, aussi diverses soient-elles.

Le défi à relever était considérable, en raison d’un contexte budgétaire restrictif et de la nécessité de corriger certaines erreurs passées, en particulier la sous-consommation des crédits. Il faut, par conséquent, saluer l’effort financier global de l’État en faveur des régions d’outre-mer. Depuis 2004 notamment, il est en constante augmentation, puisqu’il est passé de 7,8 à 15 milliards d’euros.

Il s’agit non pas de séduire un électorat ou de gérer l’outre-mer au gré de crises ou de demandes, mais de se fixer d’emblée des objectifs précis, pragmatiques et volontaires, pour favoriser le développement économique et social, et valoriser les conditions de vie de nos compatriotes.

Les engagements pris ont été tenus, et les résultats sont au rendez-vous, n’en déplaise à certains. Je n’en citerai que quelques-uns.

Notre majorité a donné du contenu à la notion de continuité territoriale, expression du désenclavement des territoires. Certes, elle pouvait donner plus, mais c’est grâce à elle que l’outre-mer dispose désormais de cette continuité. Le passeport mobilité ouvre d’autres horizons aux jeunes ultramarins en formation et la dotation de continuité territoriale a au moins le mérite d’exister.

L’impact de la loi-programme pour l’outre-mer se fait déjà ressentir : la situation de l’emploi s’améliore, même si l’on doit constater que le chômage perdure et touche encore la jeunesse, car le dynamisme démographique des DOM amène chaque année un nombre élevé de jeunes sur le marché du travail.

Le nombre d'emplois salariés dans le secteur marchand a augmenté de 2,2 % en 2005 et, en fin de mois, la demande d'emploi a diminué de 2,6 % dans les DOM, après des baisses de 2,1 % en 2004 et de 7,6 % en 2003. La Commission d'évaluation chargée d'optimiser les dispositifs de la loi-programme pour l'outre-mer qui, je le rappelle, a été votée pour quinze ans, rendra prochainement ses conclusions.

Le succès du service militaire adapté – le SMA –, qui permet aux jeunes ultramarins de recevoir une formation professionnelle dans un cadre militaire, est tel que l'outre-mer est pris en exemple pour instituer ce type de formation professionnelle en métropole. Je salue l'objectif de ce dispositif, qui est de former 3 000 jeunes. En 2007, environ 72 % seront intégrés dans la vie professionnelle.

S’agissant de la lutte contre l'immigration clandestine, des progrès significatifs ont été enregistrés, notamment avec les récentes dispositions de la loi sur l'immigration, dans laquelle l'outre-mer figure en bonne place, avec un volet important sur la maîtrise des flux, la reconduite immédiate à la frontière et la gestion des demandes d'asile. Nous sommes ainsi passés d'une politique de laxisme à une politique d'action. Grâce à de nouveaux instruments juridiques, l'immigration sera mieux maîtrisée.

Je rappelle que, en 2005, les éloignements effectués à partir des départements d'outre-mer avaient déjà progressé de 14,4 %. Toutefois, il est important, monsieur le ministre, que nous disposions de moyens matériels et humains accrus, afin d'intensifier la lutte contre l'immigration clandestine. Il est également urgent de conforter les actions et projets de coopération destinés à soutenir le développement des principaux pays fournisseurs d'immigrés clandestins.

Le soutien financier de l'État aux collectivités locales s'est accru, notamment grâce à la préservation et à la modernisation de l'octroi de mer, qui assure un niveau pertinent de recettes aux collectivités bénéficiaires, et à la progression plus dynamique qu'en métropole de la dotation globale de fonctionnement.

Pour l'agriculture, en particulier pour les filières banane et canne, des solutions ont été mises en œuvre afin de soutenir nos producteurs. Toutefois, la diminution du prix du sucre, qui devrait être de 36 % d'ici à 2009, laisse augurer des difficultés à venir pour la filière. À ce propos, je me fais la porte-parole de l'usine Gardel, dernière sucrerie de la Guadeloupe continentale, présente dans ma circonscription, dans ma ville. Cette unité souhaite obtenir une subvention exceptionnelle pour continuer à moderniser l'outil industriel dans l'intérêt de la filière.

Le problème du maintien des secteurs de la banane et du sucre se pose avec une certaine acuité. Aussi la diversification doit-elle s'intensifier pour éviter que le secteur agricole guadeloupéen ne soit le grand perdant de la concurrence internationale exacerbée.

Enfin, l’important changement institutionnel des communes de Saint-Martin et Saint-Barthélémy, qui deviendront une collectivité d'outre-mer, devrait intervenir, conformément aux engagements du Président de la République. L'Assemblée nationale en débattra dans quelques semaines.

Par ailleurs, monsieur le ministre, je souhaite vous interpeller sur le sujet sensible de l'insécurité en Guadeloupe.

Sa diminution a été évaluée à 12,7 % dans les DOM, mais la population n'en ressent pas les effets. L'augmentation des faits de délinquance est une source d'inquiétude. Les vols avec violence ainsi que les violences sexuelles sont plus nombreux qu'en métropole et les vols violents avec armes représentent une part supérieure à 40 %. Au-delà des chiffres, l'État de droit doit prendre le pas sur l'État de non-droit. Il importe que les atteintes aux biens et à l'intégrité physique des personnes soient maîtrisées. Quelles mesures l'État entend-il mettre en œuvre pour consolider l'État de droit en Guadeloupe ?

La gestion et le traitement des ordures ménagères ont pris du retard dans notre région. C'est un sujet important pour notre environnement. Aujourd'hui, les communes, en particulier celles de ma circonscription, souhaitent être accompagnées afin de mettre en place cette gestion à moindre coût. Les communes ne peuvent être en règle que si l'État les accompagne, particulièrement pour le transport des déchets et les taxes imposées par la douane du fait de la pollution. Dans quelle mesure l'État pourra-t-il aider les communes de la Guadeloupe ?

Quant au logement social, qui connaît quelques difficultés, le Premier ministre a annoncé, lors de son voyage dans les DOM, que l'outre-mer bénéficierait d'une rallonge budgétaire afin d'accélérer sa relance. La pression y est considérable et il importe que l'effort soit maintenu. Comme en métropole, la relance du logement s’impose.

Il est essentiel, pour l'outre-mer, d'aller encore plus loin dans la dynamique d'un développement économique et social au plus près des réalités locales. Durant cette législature, volonté politique et volonté économique ont porté leurs fruits, afin que l'outre-mer soit mieux connu et mieux compris. Je constate d’ailleurs que, depuis deux ans, nous examinons le budget de l’outre-mer le matin, c’est-à-dire à une heure d’écoute. Le Gouvernement a donc fait un effort, même si je regrette que très peu d’élus métropolitains soient présents.

M. Victor Brial. On les applaudit !

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Oui, je remercie d’autant plus ceux qui sont là !

Monsieur le ministre, je renouvelle ma confiance en vos actions en votant ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Juliana Rimane.

Mme Juliana Rimane. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de cette législature, l'heure est au bilan. Je remarque que l'écoute et l'intérêt pour l’outre-mer n'ont jamais été aussi grands chez ceux qui nous gouvernent. On le doit au Président de la République, dont on connaît le profond attachement pour ces régions lointaines, mais aussi aux gouvernements successifs, particulièrement sensibles à la situation de nos collectivités ultramarines.

La stabilisation, voire une légère augmentation des crédits de la mission « Outre-mer », cette année comme les précédentes, participe de cette volonté politique de doter l'outre-mer des conditions nécessaires lui permettant d'assurer durablement son développement.

Je constate que des avancées importantes ont été acquises au cours de cette législature : la réforme constitutionnelle, qui permet une meilleure reconnaissance de l'outre-mer et de ses spécificités ; la consolidation des mesures d'exonération des charges sociales des entreprises et de la défiscalisation ; l'instauration du passeport mobilité et la création de la dotation de continuité territoriale. Seule, la région Guyane a refusé de gérer cette dernière. Or je vous assure, monsieur le ministre, que la population guyanaise attend avec impatience de pouvoir bénéficier de cette aide au voyage.

En ce qui concerne plus particulièrement la Guyane, département d'outre-mer qui connaît les plus grandes difficultés, outre le plan d'urgence, le contrat de projets 2007-2013 prévoit une dotation quatre fois supérieure à la moyenne nationale par habitant, un pôle d'excellence rurale est mis en place pour préserver l'est de notre région et le pôle universitaire guyanais a été créé. Toutefois, malgré cette volonté politique forte d'engager l'outre-mer dans la voie du développement et une implication accrue des fonctionnaires, les moyens financiers mis en place – dans un contexte budgétaire contraint, il faut le reconnaître – n'ont pas été à la hauteur des enjeux. À vrai dire, nos collectivités reviennent de loin. Elles sont toutes confrontées à des handicaps structurels lourds nécessitant des réponses exceptionnelles et adaptées.

Lors de ma première intervention sur le budget de l'outre-mer, j'avais déjà souligné non seulement les retards considérables que connaît la Guyane par rapport à la métropole et aux autres DOM en matière d'infrastructures et d'équipements de base, mais également les disparités criantes au sein même du territoire entre la zone côtière et les communes isolées de l'intérieur. Les moyens consentis pour la remise à niveau des infrastructures publiques n'ont malheureusement pas été suffisants au regard des besoins sans cesse croissants, du fait d'une démographie naturelle dynamique et d'un flux migratoire clandestin très important. Dois-je rappeler que les populations sont encore contraintes de faire plusieurs heures de pirogue pour effectuer des démarches administratives et que de nombreux ménages ne bénéficient toujours pas d'eau potable, d'électricité et du téléphone ?

La présence massive d'étrangers sur le territoire accroît les problèmes de sous-équipement de la Guyane, mais elle est aussi responsable des difficultés budgétaires de nombreux services publics. Ainsi, les patients étrangers n'ayant pas de droits ouverts au titre de l'aide médicale de l'État peuvent, dans certains cas, bénéficier d'une prise en charge au titre des soins urgents. Pour les hôpitaux, la dette liée à cette dépense atteint 43 millions au niveau national et 14 millions pour les trois seuls établissements hospitaliers de Guyane. Une dotation exceptionnelle est-elle envisagée ?

Les dotations aux collectivités locales demeurent insuffisantes, bien que, là encore, des dispositions aient été prises pour assurer une répartition plus juste et pour en augmenter le volume.

La fragilité de la situation financière des collectivités de Guyane constitue un frein puissant à leur capacité d'investissement et, en conséquence, à leur possibilité d'agir favorablement sur la vie de leurs administrés. En outre, la non-compensation par l'État des charges générées par le transfert des compétences accentue cette fragilité. Ainsi, pour le seul RMI, le département se retrouve avec une dette cumulée sur deux ans de plus de 25 millions d'euros. De même, le financement du transport scolaire fluvial coûte plus de 1,7 million d'euros. Quelles solutions proposez-vous, monsieur le ministre ?

En matière de lutte contre l'insécurité et l'immigration clandestine, je salue l'action du Gouvernement pour renforcer les effectifs des forces de l'ordre, adapter la législation aux situations locales, favoriser la coopération entre la police et l'armée et promouvoir les accords avec les pays voisins. Toutefois, en dépit de ces mesures, l'insécurité explose en Guyane. Le sentiment de peur et l'exaspération de la population grandissent face à la multiplication des actes de violence. Les pétitions circulent, des manifestations et des opérations ville morte sont régulièrement organisées. Récemment encore, les habitants de Kourou, dont de nombreux commerçants, excédés par les vols et agressions dont ils sont victimes au quotidien, ont manifesté leur ras-le-bol en défilant dans les rues et en fermant boutique. Quelles réponses le Gouvernement pense-t-il apporter à la population ?

Monsieur le ministre, j'ai eu l'occasion de vous interpeller récemment sur la crise de financement du secteur du logement social dans les DOM et je me réjouis que le Gouvernement ait annoncé l'affectation de crédits supplémentaires de 120 millions d'euros pour le logement social et l'application du plan Borloo. En Guyane, au manque de logement et au mauvais état du parc immobilier existant, s'ajoute le problème sensible des occupations et des constructions illicites sur les terrains privés et publics. Quels moyens envisagez-vous de mettre en place pour permettre aux autorités locales de lutter efficacement contre ce fléau ?

Enfin, le développement économique passe par le soutien de certains secteurs porteurs. Je souhaite que la répartition de l’enveloppe financière du fonds européen pour la pêche prenne en compte l'importance de cette filière dans mon département, ainsi que ses capacités à créer des richesses et de l'emploi. De même, le secteur du biocarburant, très développé au Brésil, mériterait de bénéficier de mesures incitatives. Quelles sont vos intentions en la matière ?

Beaucoup a été fait en Guyane. Pourtant, tout reste encore à faire dans ce territoire grand comme le Portugal et longtemps laissé à l’abandon. Cela est vrai non seulement pour les domaines que je viens d’évoquer, mais aussi en matière éducative, sanitaire et culturelle. Je ne doute pas que, dans les prochains mois, le Gouvernement aura à cœur de poursuivre, voire d’intensifier, son action en faveur du développement de l'outre-mer en général et de la Guyane en particulier. Le projet de budget que nous examinons aujourd'hui en est la preuve. C'est pourquoi je le voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Payet.

M. Christophe Payet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget pour l’outre-mer soumis à notre examen ne présente pas d’augmentation significative. Qu’il soit en légère hausse ou en légère baisse ne présente finalement qu’un intérêt très relatif. Les variations sur telle ou telle ligne de crédits ne peuvent en effet occulter la constance de nos problèmes, rappelés ici année après année.

C’est pourquoi, aujourd’hui, nous souhaitons simplement poser avec mesure et objectivité le diagnostic d’une réalité marquée par quelques avancées, des stagnations et aussi des reculs dans bien des domaines.

À La Réunion, sur le plan de l’emploi, nul ne saurait nier quelques améliorations, notamment dans le secteur du BTP, qui affiche un nombre jamais atteint de plus de 21 000 emplois.

Cette singularité réunionnaise s’explique doublement : par les effets certes contrastés, mais incontestables, de la défiscalisation sur ce secteur, mais aussi et surtout par la politique active et volontariste de La Réunion en faveur des grands chantiers. Ainsi, les effets très positifs du chantier de la route des Tamarins sur la situation de l’emploi, au-delà même du secteur du BTP, sont reconnus de tous. Cette route attendue par la population de l’Ouest et du Sud devrait contribuer au développement des Hauts comme à la structuration et au rééquilibrage de notre territoire. Elle sera, nous l’espérons, complétée par le tram-train, un projet également très attendu.

Le Gouvernement conviendra-t-il que c’est la voie à suivre ? Est-il prêt à soutenir les efforts locaux au moment même où sont engagées les discussions sur les crédits des contrats de projet État-région et des programmes européens ?

La Réunion a également su tirer le meilleur parti des mesures en faveur de la défiscalisation pour le recours aux énergies renouvelables. Le dynamisme des entreprises, notamment dans le secteur de l’énergie solaire, est tout à fait exemplaire. Je rappelle que, chaque année, nous installons à La Réunion autant, sinon plus de panneaux solaires que dans toute la France.

Alors même que sont engagés des travaux d’évaluation de la loi de programme, notamment du dispositif de défiscalisation, il importe de combler un manque et d’envisager la défiscalisation pour le secteur de la recherche, en cohérence avec la nécessaire valorisation des pôles d’excellence.

S’agissant des charges sociales, il conviendrait de consolider et non de remettre en cause l’exonération des charges pour le transport aérien, ce secteur étant celui dans lequel le taux de création d’emplois a été le plus élevé.

Dans cette évaluation de la loi de programme, c’est une logique de progrès qui doit primer. Cela signifie que nous nous opposerons à toute mesure qui, sous couvert d’évaluation de la défiscalisation, viserait à faire participer l’outre-mer, au-delà de ses possibilités, à la politique de réduction des dépenses publiques. Au contraire, nos régions, singulièrement La Réunion, ont besoin d’une politique de rattrapage dans tous les secteurs. À ceux qui perçoivent l’outre-mer par le seul prisme réducteur du « combien ça coûte », opposons une vision positive et affichons sans complexe que les investissements outre-mer participent au rayonnement de la nation tout entière.

Cela me conduit à dire deux mots sur les propositions de l’inspection générale des finances relatives à la réforme des régimes spéciaux des retraites versées outre-mer. Il n’y a pas de sujet tabou ; tout doit être mis sur la table, mais dans la transparence et la concertation.

Sur le plan du logement, force est de constater que les effets de la défiscalisation sont contrastés et que celle-ci doit nécessairement être accompagnée de mesures pour pallier ses effets pervers et les distorsions créées. Jamais la pression sur le foncier et la spéculation n’a été si forte. Jamais l’offre de logements sociaux n’a été si faible. Jamais les personnes les plus démunies et les classes intermédiaires n’ont eu autant de difficulté pour se loger.

Nous prenons acte de la position du Gouvernement tendant à faire bénéficier le logement social de la défiscalisation. Il importe à présent d’engager au plus vite les discussions avec les opérateurs, les bailleurs sociaux et les élus, mais il faut aller plus loin. Les annonces du Premier ministre aux Antilles ne répondent que partiellement aux propositions des acteurs du logement…

M. Éric Jalton. Très bien !

M. Christophe Payet. …portées à La Réunion notamment par l’ARMOS. Ces propositions sont connues, évaluées, soutenues par les élus. Il est plus que temps de les concrétiser pour ne pas laisser la situation continuer à se détériorer.

Le constat fait à La Réunion est aussi celui de l’aggravation des inégalités et de l’exclusion, constat largement partagé, au-delà des appartenances politiques. C’est ce qui ressort d’ailleurs des travaux d’une délégation du Sénat conduite par le sénateur UMP Alain Gournac et chargée d’étudier la situation sociale à La Réunion.

Les chiffres de ce rapport parlent d’eux-mêmes. En 2004, à La Réunion, le nombre de RMIstes a augmenté de 7,7 %. Sur une population de 775 000 habitants, près de 200 000 Réunionnais sont aujourd’hui tributaires de cette allocation, et près de la moitié de la population relève de la couverture maladie universelle. Quand en France métropolitaine 2,4 % de la population vivent du RMI, à La Réunion il s’agit de près de 10 %. Quand en métropole, 8 % des ménages bénéficient des minima sociaux, à La Réunion c’est 37 %.

Le chômage y est massif, avec un tiers de la population qui se trouve privé d’emploi et 42 % des ménages qui comptent au moins un chômeur. Telle est la réalité de notre île qui, parfois en dépit des apparences, demeure l’une des sociétés les plus fracturées et les plus inégalitaires de la République.

En ce qui concerne l’emploi, en dépit de la légère baisse du taux de chômage – qui serait passé sous la barre des 30 % alors qu’en métropole il vient de passer sous les 9 % – La Réunion détient toujours le record en la matière et cela est insupportable.

Depuis l’an 2000, le nombre de RMIstes a augmenté de 3 000 par an, passant de 60 000 à plus de 75 000 en 2005. Après la suppression pure et simple des anciens contrats aidés – CES, CIA, contrats emplois jeunes –, avec les nouveaux contrats – CAE et contrats d’avenir –, le Gouvernement a transféré de nouvelles charges financières sur les collectivités locales déjà exsangues.

Nous réitérons donc notre demande de création d’un centre de préparation aux métiers de l’administration, afin d’offrir à notre jeunesse diplômée, mais au chômage, de réelles chances de s’insérer dans le monde du travail.

Nous l’avions dit au moment de la discussion de la loi de programme pour l’outre-mer : la structure démographique de notre société oblige au volontarisme dans le champ de l’économie sociale. Il est illusoire de croire et de faire croire que seule l’économie marchande sera suffisante pour offrir une perspective durable d’insertion aux milliers de jeunes actuellement privés d’emplois, et aux milliers qui arrivent chaque année sur le marché de l’emploi.

M. Louis-Joseph Manscour. Très juste !

M. Christophe Payet. Tout cela participe à la détérioration du pouvoir d’achat des Réunionnais. Il s’agit d’une question complexe compte tenu de la structure des salaires et des mécanismes opaques de formation des prix. La loi d’orientation pour l’outre-mer avait prévu, en son article 75, la création d’un observatoire des prix et des revenus afin de faire la transparence sur cette question. À ce jour, le décret d’application n’a toujours pas été pris. Ma question est simple, monsieur le ministre : avez-vous l’intention de concrétiser la volonté du législateur en prenant ce décret ?

Je terminerai en évoquant rapidement la question agricole.

La réforme de l’OCM sucre accorde aux planteurs de canne un sursis avec la mise en œuvre de compensations jusqu’à 2013. La convention usiniers-planteurs revêt un aspect capital pour que la situation des producteurs, notamment des plus petits d’entre eux, ne s’en trouve pas aggravée. La substitution projetée d’un prix de référence à l’actuel prix d’intervention suscite des inquiétudes chez nos planteurs de canne. Nous vous demandons d’être vigilant lors de la discussion de ce projet.

Pour conclure je dois souligner que, en dépit de quelques avancées, ce budget n’est pas de nature à opérer un changement d’échelle pour engager l’outre-mer sur la voie d’un vrai développement et atténuer les effets d’une situation sociale marquée par un chômage massif. C’est pourquoi il ne nous sera pas possible d’adopter votre projet de budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Vernaudon.

Mme Béatrice Vernaudon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en janvier 1996 a eu lieu à Mururoa le dernier des 193 essais nucléaires français qui ont été effectués sur plus de trente ans en Polynésie française, entraînant notre collectivité dans une mutation économique sociale et culturelle extrêmement rapide, avec ses bons et mauvais aspects.

Durant les huit ans qui ont suivi, la Polynésie a connu une période de stabilité qui lui a permis, avec l’aide renforcée de la solidarité nationale, de développer ses ressources propres, de rééquilibrer le développement en faveur des archipels et de renforcer la cohésion sociale.

En janvier 2004, nous avons voté, ici même, une nouvelle loi organique renforçant le statut d’autonomie de la Polynésie. Après sa promulgation, le Président de la République a accédé à la demande des autorités locales de dissoudre l’Assemblée de Polynésie. Une nouvelle majorité s’est dégagée des élections et M. Oscar Temaru, leader depuis vingt ans du mouvement indépendantiste, a été élu Président de la Polynésie.

Dans son discours d’investiture, il a lui-même reconnu que la population n’avait pas voulu remettre en cause la situation institutionnelle de la Polynésie, mais souhaitait l’instauration d’un autre mode de gouvernance par une meilleure utilisation des fonds publics, plus de décentralisation, une répartition plus équitable des richesses, une attention prioritaire portée à la protection de l’environnement et à la préservation de l’identité polynésienne et de sa culture.

Malgré ces engagements, M. Temaru a progressivement réorienté son discours et son action en direction d’un processus d’accession à l’indépendance de la Polynésie. Or des sondages confirment que 75 % de la population ne souhaitent pas cette évolution et ne se reconnaissent pas dans les déclarations de leur Président.

Le dialogue avec le gouvernement central est pour ainsi dire interrompu, la majorité à l’Assemblée de Polynésie est sans cesse menacée et le climat social est dégradé.

À ce stade de mon intervention, je tiens à saluer le sang-froid et le professionnalisme dont a fait preuve Mme le haut-commissaire en Polynésie lors des récents événements qu’a connus Papeete, en obtenant, par la négociation, le déblocage de la ville et celui des institutions, grâce à un recours ferme et mesuré à la force publique.

De mon point de vue, l’absence de stabilité et de visibilité dans laquelle s’installe la Polynésie trouve son origine dans le changement de mode de scrutin introduit dans notre statut de 2004, car il a favorisé à l’extrême les deux partis politiques principaux.

L'ensemble des partis politiques et la population elle-même étaient favorables à la suppression de la prime majoritaire. C’est un processus démocratique, et non pas une motion de censure pour faire tomber l’actuel gouvernement, qui ramènera la sérénité en Polynésie.

Les prochaines élections à l'Assemblée de la Polynésie auront lieu en 2009 ; il faut auparavant supprimer cette prime majoritaire. Tel est l'objet de la proposition de loi que j'ai déposée devant notre assemblée le 17 octobre dernier. Monsieur le ministre, je souhaite que, comme le prévoit notre statut, vous transmettiez cette proposition de loi à l’examen de l’Assemblée de la Polynésie pour recueillir son avis.

La Polynésie a d'autant plus besoin de retrouver la sérénité que les secteurs les plus porteurs de l'économie locale donnent des signes encourageants : le tourisme se développe avec une augmentation des visiteurs, et la perle noire de Tahiti connaît un nouvel essor grâce aux efforts consentis pour en promouvoir la qualité.

Ces signes encourageants sont les effets de la défiscalisation et, surtout, de la mise en œuvre de la dotation globale de développement économique, qui permet à la Polynésie de poursuivre les efforts d’équipement et de communication que requièrent l’éloignement et la dispersion des archipels de notre collectivité. Cela étant, cette dotation ne justifie pas l’abandon de la politique contractuelle entre la Polynésie et l’État. Or la Polynésie française se trouve, me semble-t-il, être la seule collectivité de la République exclue des engagements pluriannuels. Pourtant, de 1994 à 2004, c’est ce contrat de développement qui a permis des améliorations significatives en matière de logement social, de construction d’établissements scolaires et d’internats dans les archipels.

Aujourd’hui, bien que le logement social soit une priorité dans la mise en œuvre des mesures de cohésion sociale, nous devons nous contenter de montages provisoires et aléatoires d'une défiscalisation complexe et sans visibilité à moyen terme.

Notre politique de logement est en panne. Cette situation ne permet ni de maintenir l'espoir des 7 000 familles qui attendent un toit pour mener une vie familiale décente ni de poursuivre les programmes de résorption d'habitat insalubres que vous avez constatés vous-même dans l'agglomération de Papeete et autour de la piste de l’aéroport de Faa’a.

Par ailleurs, la défiscalisation ne débouche pas sur des loyers en conformité avec les revenus des ménages modestes. Je souscris donc aux propos de tous les intervenants qui m’ont précédée et j’insiste sur l’urgence de réorienter la politique de défiscalisation en matière de logements. Monsieur le ministre, quels moyens pourraient être apportés à ce secteur, dès 2007, pour lui permettre de remplir sa mission ?

L'éducation et la formation de notre jeunesse constituent un enjeu fondamental. Le transfert des compétences dans ce domaine devait s'accompagner d'un transfert des moyens. La détermination de notre ministre de l'éducation et la qualité de dialogue de M. de Robien et de ses services laissent espérer que le retard affiché par la mise en œuvre des crédits d'État devrait être en partie comblé dès cette année pour assurer la sécurité et l'accueil des élèves polynésiens.

Merci, monsieur le ministre de nous confirmer l'effort qui a été décidé par le Gouvernement dans ce domaine.

En ce qui concerne les étudiants, je rejoins mon collègue Michel Buillard. Je vous rappelle que, lors de votre passage, vous avez répondu favorablement à leur demande d'extension en Polynésie de l'allocation logement. Ils se sont réjouis de cette avancée et souhaitent que les autorités de la Polynésie et de l'État trouvent rapidement un terrain d'entente pour la mettre en œuvre.

Le temps qui nous est imparti ne me permet pas d'aborder d'autres points du budget que nous allons adopter. Néanmoins, je tiens à saluer le travail qui a été engagé pour donner enfin à nos communes une situation d'autonomie comparable à celle de métropole.

M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !

Mme Béatrice Vernaudon. Je veux remercier en cela votre ministère, monsieur Baroin, car il n’a pas ménagé ses efforts dans tous les domaines pour mener à bien ces deux réformes que sont le statut de la fonction publique communale et l’adaptation du code général des collectivités territoriales.

M. Jean-Christophe Lagarde. Très juste ! Bravo, monsieur le ministre !

Mme Béatrice Vernaudon. Enfin, les exercices organisés récemment par le Haut-commissariat ont mis en évidence une fois encore la grande vulnérabilité de nos îles aux catastrophes naturelles. Nous souhaitons que la prévention soit davantage développée et que des mesures de protection des populations soient mises en œuvre.

Pour terminer, je ne voudrais pas manquer de vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir accédé à la demande des élus polynésiens de visiter chacun des cinq archipels en vous rendant dans notre collectivité au mois de mars dernier.

Cette démarche, vos qualités d'écoute, de dialogue et de neutralité républicaine ont rassuré les Polynésiens et confirmé la volonté de l'État d'exercer pleinement ses prérogatives et de garantir aux Polynésiens les mêmes droits qu’aux citoyens français parmi lesquels, en priorité, le droit à une éducation de qualité et le droit à un logement. C’est pourquoi, en vous remerciant de m’apporter des garanties tangibles dans ces deux domaines, je voterai sans réserve votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. René-Paul Victoria.

M. René-Paul Victoria. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, tout d’abord, de saluer toutes les personnes présentes dans les tribunes, en particulier, les représentant de la ville de Saint-Denis de La Réunion qui, après avoir découvert, hier, le Parlement européen, découvrent aujourd’hui le Parlement national avec les parlementaires au travail.

Au moment de nous prononcer sur le dernier projet de loi de finances de la législature, je tiens à remercier chaleureusement le président Jean-Louis Debré pour la place importante qu'il a accordée, au sein de notre assemblée, à tous les territoires de la France du grand large au cours de son mandat. Il a su prendre la mesure de toute l'attention que l'outre-mer porte à la nation et, inversement, de l'attachement de la nation à l'outre-mer dont les territoires, par leur diversité et leur environnement régional, sont d'excellents ambassadeurs de la France dans leurs espaces géographiques respectifs.

Je veux également saluer nos collègues métropolitains qui, chaque année, ont participé avec beaucoup de passion à la discussion sur le budget de l'outre-mer. Il est très important, à mon sens, que l'ensemble de la représentation parlementaire nationale fasse valoir ses idées et défende des propositions quant à l'évolution de nos régions, départements, territoires et collectivités d'outre-mer.

Aujourd'hui, nous sommes donc à l'heure du bilan. Qu'est-ce qui a changé en outre-mer au cours des cinq dernières années ? Quels sont les points positifs de notre action ? Quelles sont aussi les insuffisances à corriger pour les années à venir afin de répondre aux attentes quotidiennes de nos compatriotes ?

Au préalable, il convient de rappeler quelques données intangibles qui caractérisent La Réunion : nous sommes situés à 12 000 kilomètres de la métropole, avec une problématique îlienne, une démographie importante – 32 % de la population à moins de dix-huit ans –, et une diversité culturelle liée à notre histoire.

Ensuite, au niveau du rattrapage structurel, grâce aux actions engagées par le Gouvernement et avec le soutien du Parlement, nous avons beaucoup progressé. Néanmoins, des difficultés perdurent, notamment en ce qui concerne le réseau routier.

La forte augmentation du parc automobile de La Réunion, ces dernières années, a renforcé en effet les contraintes sur des axes routiers importants : la traversée de Saint-Denis, axe stratégique de communication pour le secteur économique entre le port et l'aéroport, entre l'est et l'ouest de l'île, demeure toujours problématique.

De plus, comme vous le savez, monsieur le ministre, la route du littoral, connue pour être très dangereuse nécessite une nouvelle architecture. La concertation a permis de dégager une solution raisonnable et pérenne. Aujourd'hui, les Réunionnais ne veulent plus attendre ; il importe que les travaux démarrent le plus rapidement possible.

Le projet de tram-train, mis en œuvre par la région, devrait constituer une alternative complémentaire.

Au niveau de la continuité territoriale, nous avons amorcé un véritable projet. Dans le budget pour 2007, les crédits alloués progressent de plus 9 % pour atteindre 57,5 millions d'euros en autorisations d'engagement. Cependant, dans ce domaine, nous rencontrons toujours quelques difficultés.

Ainsi, le coût des transports demeure un handicap, tant pour la population que pour l'économie réunionnaise. Par exemple, malgré les dispositifs de prise en charge, les étudiants et les jeunes issus de familles à faibles revenus, éprouvent des difficultés pour aller étudier en métropole.

De même, nous n'avons toujours pas de réponse appropriée pour les transports à caractère sanitaire, dont les coûts élevés privent souvent les parents d'une présence indispensable auprès des enfants malades. Il en est de même pour les rapatriements en cas de décès.

Enfin, la continuité territoriale doit s'appliquer aussi aux matières premières, aux technologies de l'information et de la communication. À La Réunion, comme dans les autres DOM, les coûts d'accès à l'internet sont bien plus élevés qu'en métropole alors que rien ne justifie une telle disparité.

Dans le domaine social, c'est grâce au Gouvernement qu'une solution a pu être dégagée pour des milliers de personnes âgées, oubliées par les socialistes, qui ne pouvaient alors prétendre à la part complémentaire de la CMU. Aujourd'hui, il est nécessaire, monsieur le ministre, d'élargir le périmètre d'attribution de la CMU pour que l'ensemble de notre population, surtout la plus fragile, soit couverte au titre du risque maladie.

Cette solidarité sociale s'est également exprimée à l'occasion de la grave crise sanitaire qui a frappé La Réunion, il y a un an exactement, avec le virus du chikungunya. Dans ces moments difficiles, des milliers de familles réunionnaises ont pu compter sur le soutien humain et financier de l'État pour combattre la maladie et, surtout, prévenir une nouvelle reprise de l'épidémie. À l'avenir, par un renforcement de la veille sanitaire, nous devrons opposer la même capacité de réaction face aux maladies émergentes en liaison, bien sûr, avec les pays de la zone océan Indien.

Concernant l'emploi, il y a cinq ans, des Cassandre, dans cette même assemblée, reprochaient au Gouvernement d'organiser une prétendue casse sociale outre-mer. Avec le recul, non seulement la catastrophe annoncée n'a pas eu lieu, mais nous avons même enregistré un sérieux progrès. Ainsi, à La Réunion, le chômage est en net repli grâce aux mesures de la loi de programme votée par notre assemblée en 2003, et aux efforts constants de l'État pour les emplois aidés et les solutions d'insertion.

Je souhaite, monsieur le ministre, que ces efforts soient également maintenus pour les exonérations de charges sociales et les possibilités de défiscalisation des entreprises qui créent de la valeur ajoutée et des emplois.

Je vous réitère, en outre, ma demande restée sans réponse, afin que le dispositif du congé de solidarité soit poursuivi au-delà de cette année 2006, dans la mesure où il a contribué à améliorer la situation de l'emploi. En effet 3 000 jeunes ont pu être embauchés à La Réunion dans le cadre de ce dispositif. Toutefois, le chantier de l'emploi reste encore très difficile, avec un taux de chômage trois fois supérieur à la moyenne nationale.

Enfin, vous connaissez, monsieur le ministre, la problématique des personnels non titulaires des collectivités territoriales. À Saint-Denis, plus de 1 800 agents attendent leur titularisation, mais la commune ne peut faire face, seule, à ces charges supplémentaires.

La question du logement, surtout du logement social, demeure une grande préoccupation pour La Réunion. Certes, M. le Premier ministre, a annoncé, lors de sa récente visite aux Antilles, un dégel conséquent des crédits de la ligne budgétaire unique qui effacerait partiellement la dette accumulée ces dernières années. Néanmoins, nous devons rester vigilants en raison de plusieurs contraintes, d’abord du fait que la demande des Réunionnais en logement reste élevée, et que le coût du foncier demeure prohibitif, malgré le dispositif FRAFU.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, telles sont les grandes préoccupations de nos compatriotes d'outre-mer. En cinq ans, nous avons apporté de l'espoir aux familles et aux jeunes. Nous n'avons pas à rougir de notre bilan. Au contraire, nous souhaitons que toutes les énergies soient mobilisées, tant au plan local qu’à l’échelon national, pour résorber les difficultés qui demeurent.

La représentation nationale a su, au cours des cinq dernières années, manifester le plus grand intérêt pour le développement de nos régions d'outre-mer, et nous ne doutons pas de son engagement pour l'avenir. Monsieur le ministre, je voterai votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Philippe-Edmond Mariette, dernier orateur inscrit.

M. Philippe Edmond-Mariette. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en politique, aujourd’hui plus que jamais, l’exigence de transparence, de sincérité et de vérité s’impose à nous.

L’examen du dernier budget de la législature nous offre cette occasion. Fidèle à la règle que je me suis fixée d’une opposition constructive, je dois reconnaître qu’il contient quelques avancées : la continuité territoriale, la réforme de l’octroi de mer et peut-être aussi, même s’il n’est pas achevé, le débat institutionnel.

Force est de constater que, depuis de nombreuses années, budget après budget, nous nous heurtons à la mentalité d’un certain nombre de nos collègues, de droite comme de gauche, qui appréhendent mal l’outre-mer et résument notre débat à une unique question – combien ça coûte ? – alors que la vraie question devrait être : quel partage et pour quelle responsabilité ?

Monsieur le ministre, le budget que vous nous proposez n’a de sens que quand il est comparé aux précédents. Dès lors, je n’oublie pas les combats incessants que nous menons, nous parlementaires de ces régions, soutenus par quelques collègues instruits des désordres occasionnés par les graves manquements dans l’exécution du budget.

Comment nommer autrement les désordres du passeport mobilité et, surtout, le scandale du logement social, reconduit d’année en année, peut-être aujourd’hui en sursis depuis la visite du Premier ministre aux Antilles ? Je sais, monsieur le ministre, que vous souhaitez tenir parole, mais ce dossier a subi diverses distorsions et variations sous l’influence de Bercy, où les détenteurs du cordon de la bourse conjuguent arithmétique et politique, au détriment de ces régions tellement éloignées.

En 2007, quel sera l’état de notre budget ? Je souhaite que la transparence soit la règle et que la continuité territoriale, déjà insuffisante, soit mieux respectée. Je voudrais, en particulier, que le passeport mobilité ne connaisse plus de gels inadmissibles qui, frappant des CROUS asphyxiés, mettent en péril leur mission première, c’est-à-dire le soutien aux étudiants ultramarins.

S’agissant du logement, on répète ici depuis cinq ans qu’il est la priorité du Gouvernement, sans que cela se traduise dans les autorisations de programme et les crédits de paiement, au point de créer un tel désordre dans le logement social que c’est la parole même de l’État qui se trouve décrédibilisée.

Les interrogations subsistent. Il convient que la conférence nationale pour le logement social outre-mer soit préparée en concertation avec tous les partenaires et sur un calendrier clair et précis, afin d’éviter un nouveau cérémonial technique et politique, médiatisé à souhait, d’autant que nous serons à la veille d’échéances politiques majeures.

Un autre volet du programme « Logement », celui qui touche à la zone dite des 50 pas géométriques, doit être revu et complété, afin de donner aux plus déshérités la capacité d’obtenir un titre de propriété et de le transmettre aux générations futures.

Pour ce qui est des conditions de vie outre-mer, il faut regretter l’absence d’une vraie politique de prévention, de santé, et environnementale. Je ne parlerai pas de l’épidémie de chikungunya ni du mercure en Guyane, mais, en ce qui concerne le chlordécone, avec le rapporteur de la commission des affaires économiques Joël Beaugendre, je cherche encore dans les eaux polluées le concours promis par le ministère de l’agriculture : aucune aide à la reconversion, pas la moindre indemnisation n’a été à ce jour versée aux professionnels.

Quelle sincérité peut avoir l’autre priorité du budget, c’est-à-dire l’emploi, quand les statistiques du Gouvernement sur la baisse du chômage ne tiennent pas compte des demandeurs d’emploi enregistrés dans les régions d’outre-mer, estimés à près de 200 000 personnes ?

Puisque nous parlons de sincérité, comment ne pas rappeler que la pauvreté touche 12 % des ménages à la Martinique, 13 % en Guadeloupe, 21 % en Guyane, et bien plus encore à La Réunion, alors qu’établie à 6 % des ménages dans l’hexagone, elle est déjà intolérable !

Puisque le Gouvernement dans son ensemble est mobilisé pour l’emploi, je vous en prie, monsieur le ministre, faites en sorte que les dispositions de l’article 15 de la loi d’orientation pour l’outre-mer, reprises par la loi de programme – j’ai nommé le congé solidarité, seul dispositif qui ait vraiment donné des résultats en matière de départs à la retraite et d’emploi des jeunes – soient prolongées pour une durée de deux ans.

À la Martinique, plus de 18 000 personnes de plus de cinquante-cinq ans, figurant dans les fichiers de la sécurité sociale, pourraient bénéficier de ce dispositif, et plus de 15 000 jeunes de moins de trente ans pourraient les remplacer. Qu’attend l’État pour le faire ? Vous me direz : avec quel argent ? Mais avec celui du FEDOM et de la TVA prélevée outre-mer ! Il est tout à fait possible de mettre en place ce dispositif de justice sociale, que nous pourrions étendre aux personnes handicapées, sans limite d’âge, pour lutter contre les discriminations à l’embauche dont elles sont victimes.

La vérité est parfois plus simple que les chiffres de la fiscalité. Comment peut-on accepter que des dispositions votées par le législateur soient battues en brèche par l’administration de Bercy ? Le comble est atteint quand une entreprise déficitaire se voit notifier un refus au motif que les investisseurs seraient exposés à un trop grand risque, tandis qu’une entreprise dont la situation financière est saine se le voit refuser au motif que sa capacité d’autofinancement est importante !

Monsieur le ministre, pouvez-vous demander à votre collègue du budget de fournir la liste des dossiers soumis à agrément afin de permettre à la représentation nationale d’outre-mer de connaître les critères de détermination de la base défiscalisable et la confirmation de ce qu’ils ne revêtent pas un caractère discrétionnaire, mais également de vérifier dans quelle mesure les entreprises hexagonales bénéficient d’agréments pendant que nos entreprises locales se les voient refuser ? Sommes-nous assurés, par exemple, que, dans le transport aérien, des avions financés par ce moyen ne seront exploités que sur les destinations ultramarines ?

L’outre-mer souffre depuis de longues années de modifications législatives incessantes.

Enfin, en ce qui concerne le programme « Intégration et valorisation de l’outre-mer », je souhaite que l’objectif d’optimisation de l’aide aux victimes et aux collectivités touchées par les catastrophes naturelles soit maintenu, du fait des nouveaux accords des professionnels de l’assurance et de la caisse centrale de réassurance.

À toutes ces questions, l’outre-mer attend des réponses.

Mesdames et messieurs, il y a longtemps, très longtemps, une grande partie des richesses initiales de la France n’a pas été trouvée en Europe, mais dans les sols et les sous-sols de nos régions. Toutes ne sont pas taries. Il en existe une aujourd’hui dans nos têtes, dans notre jeunesse, dans l’intelligence que nous pouvons mettre dans l’articulation d’outils nouveaux au service du développement économique et social des régions ultramarines.

Face aux attaques toujours renouvelées à propos des congés bonifiés, des retraites, du complément de salaire dû à la vie chère, nous devons être conscients qu’un jour ou l’autre – mais plutôt tôt que tard – nous devrons accepter sur tous les bancs de cet hémicycle d’ouvrir ensemble les premières pages du Livre blanc de l’outre-mer, livre historique et comptable de l’apport de ces régions à la France, avec l’impérieuse obligation de l’écrire au futur simple. Pas seulement au passé, car notre passé n’a jamais été simple – c’était un passé décomposé – ni au futur antérieur. Pour ma part, j’aimerais l’intituler : Du profit colonial au partage équitable dans une République diverse et plurielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Éloge funèbre de Nathalie Gautier ;

Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007, n° 3341 :

Rapport, n° 3363, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

Outre-mer ; article 50 (suite) :

Rapport spécial, n° 3363, annexe 20, de M. Alain Rodet, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan,

Avis, n° 3365, tome IV, de M. Joël Beaugendre, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3368, tome V, de M. Didier Quentin, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Politique des territoires :

Rapports spéciaux, n° 3363, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan : annexe 21 de M. Louis Giscard d’Estaing, annexe 22 de M. Pascal Terrasse,

Avis, n° 3365, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire : tome V de M. Jacques Le Nay, tome VI de M. Jean-Michel Couve, tome VII de M. Jacques Bobe.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures dix.)