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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 21 novembre 2006

59e séance de la session ordinaire 2006-2007

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

prévention de la délinquance

Suite de la discussion d’un projet de loi
adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance (nos 3338, 3436).

Cet après midi, l’Assemblée a commencé à entendre la défense de l’exception d’irrecevabilité présentée par notre collègue Jean-Pierre Blazy. Celui-ci ayant été victime d’un malaise, c’est M. Jean-Yves Le Bouillonnec qui va poursuivre cet exposé.

Nous espérons que M. Blazy va mieux et nous lui souhaitons de retrouver très rapidement la pleine forme.

Exception d’irrecevabilité (suite)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, merci pour ces vœux, que vous avez présentés en notre nom à tous et que je transmettrai à M. Blazy. Je vous remercie également de me permettre de poursuivre l’intervention qu’il avait commencée.

Monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, mes chers collègues, comme M. Blazy l’a indiqué, ce projet de loi est irrecevable et pas seulement de par les aspects inconstitutionnels qu’il comporte. Ainsi qu’il l’a montré, ce qui est irrecevable, en premier lieu, c’est le bilan des quatre ans d’activité du ministre d’État, place Beauvau.

Si la prévention de la récidive constitue un volet important de la prévention de la délinquance, elle ne saurait s’y substituer. Mais il est plus facile de rebondir sur des faits divers tragiques et de proposer sans cesse de nouvelles sanctions. Le véritable renouveau de la politique de prévention aurait consisté à trouver un point d'équilibre entre les réponses aux causes des comportements déviants, et les réponses concernant à la fois les auteurs mais aussi les victimes, celles-ci devant être placées au cœur de l'action publique.

Nous considérons pour notre part qu'il ne suffit pas d'être dur avec le crime mais qu'il faut aussi être dur avec les causes du crime. Nous estimons qu'aucune prévention ne peut être envisagée sans une action forte contre les inégalités, la pauvreté et la précarité. Elle doit aller de pair avec la lutte contre l'habitat insalubre et l'enclavement des quartiers, et la conduite d'une politique volontariste en matière de présence des services publics et de promotion de la mixité sociale. Il ne faut surtout pas opposer ou séparer la prévention sociale dite primaire, la prévention situationnelle, la dissuasion et la sanction, la sanction qui serait éducative et celle qui ne le serait pas, la priorité à accorder aux individus par rapport aux territoires qui doivent être ciblés, ou l'inverse. Il faut à la fois combattre les comportements violents et agir sur les causes sociales de la violence.

Nous n'avons pas la culture de l'excuse sociale, mais si l'on nie tout rôle à l'environnement social du mineur dans le processus délinquant, alors il faut quand même expliquer pourquoi les délinquants se retrouvent massivement dans certains quartiers et fort peu dans d’autres.

À ce titre, la politique de prévention se doit d'abord d'être interministérielle. Nous estimons d'ailleurs que cette politique doit être directement rattachée au Premier ministre et non pas au ministre de l'intérieur.

La politique de prévention doit aussi passer par la mise en place d'une nouvelle police de proximité. Nous voyons aujourd'hui les conséquences de la suppression de celle-ci. Nous ne sommes plus les seuls à partager ce constat si l’on en croit les récentes déclarations de Dominique de Villepin sur la création d'une police de « tranquillité publique ». Je pense aussi au récent rapport sénatorial dans lequel des élus de toutes tendances préconisent le retour de cette police de proximité. Il n'y a plus que le ministre d’État pour continuer à la caricaturer.

M. Serge Grouard. C’est inexact !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Toujours est-il que M. Sarkozy a creusé le fossé entre la police et les citoyens et encore plus entre la police et les jeunes. Le rétablissement d'une relation républicaine et pacifiée entre jeunes – que nous ne confondons pas avec les délinquants – et police doit être une priorité. Dans ces conditions, nous ne croyons guère en ce service volontaire citoyen de la police national pour parvenir à instaurer des rapports apaisés, rapports que le ministre de l’intérieur a précisément dégradés, notamment au travers de ses dérapages verbaux.

« Trop souvent nous avons laissé s'insinuer l'idée pernicieuse qu'un jeune était un délinquant en puissance » : ces quelques mots prononcés par Michèle Alliot-Marie au dernier conseil national de l'UMP montrent que nous ne sommes pas les seuls à faire ce constat. Si M. Sarkozy refuse d’entendre l'opposition, qu’il écoute au moins son propre camp.

Une large partie de ce texte implique le maire. Nous partageons l'idée selon laquelle le maire doit être le pivot de la prévention de la délinquance. Mais nous ne pouvons pas accepter les dispositions de ce projet de loi. Du reste, les maires eux-mêmes les refusent ! Contrairement à ce que veut faire croire le ministre de l’intérieur, les maires, y compris ceux de la majorité, sont très réservés. L'Association des maires de France ou l'Association des maires des grandes villes de France se font l'écho de ces inquiétudes et réclament l'adoption de certains amendements, amendements que M. Sarkozy a rejetés au Sénat. Est-ce ainsi qu’il prétend répondre aux attentes des maires ?

Le Conseil national des villes, bien que le ministre de l’intérieur ne l’ait pas sollicité, a rendu son avis le 14 novembre 2006. Il réaffirme la nécessité d'une architecture appropriée pour mener à bien l'objectif de prévention de la délinquance. Le maire doit certes devenir le chef d'orchestre de la politique de prévention de la délinquance. Mais cette coordination doit s'exercer dans le respect des compétences dévolues à l'État et à chacune des collectivités territoriales par les lois de décentralisation. Elle nécessite des délégations de compétences et de moyens du conseil général dans les zones urbaines importantes. Elle ne pourra être mise en œuvre sous réserve que les divers organismes qui interviennent bénéficient désormais des moyens territorialisés en phase avec les problématiques locales de la délinquance.

Il y a certes une demande des maires en matière de prévention, mais ce n'est pas ce texte qui va la satisfaire, bien au contraire. Il organise en réalité une défausse de l'État sur le maire en matière de sécurité. Comment les maires pourront-ils réussir là où l'État est défaillant alors qu'ils ne bénéficieront pas de moyens supplémentaires ? Nous le rappelons, le budget de la mission budgétaire « Sécurité », adopté le 7 novembre dernier, ne contient aucun financement supplémentaire pour le projet de loi de prévention de la délinquance. Ce sera un nouveau transfert de charges non financées alors que l'État ne respecte déjà pas ses promesses budgétaires. Les effectifs de policiers, de gendarmes, de magistrats, d'éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse mais aussi les médecins scolaires et les enseignants ne sont pas au rendez-vous là où ils sont attendus, dans les quartiers.

Mme Élisabeth Guigou. Très juste !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Un amendement sénatorial a créé le fonds de prévention de la délinquance. Comment sera-t-il financé ? Par redéploiement ? Le ministre de l’intérieur va-t-il ponctionner les crédits de la politique de la ville alors même que débutent les négociations des nouveaux contrats urbains de cohésion sociale qui sont censés également intervenir sur le champ de la prévention de la délinquance ? Va-t-il confirmer l’hypothèse d'un financement par une partie du produit des amendes de police et des radars ?

Nous présenterons un amendement permettant de financer de façon sûre et pérenne le fonds de prévention de la délinquance par une taxe sur les bénéfices de la grande distribution, des compagnies d'assurance et des entreprises de sécurité privée qui prolifèrent depuis de nombreuses années.

Les maires ne veulent pas être des shérifs pas plus que des délégués du procureur ou du préfet. Au niveau local, le maire doit, certes, être un acteur majeur des politiques partenariales de sécurité et de prévention.

M. Guy Geoffroy. C’est ce que prévoit le texte !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est déjà le cas. Une loi n’était donc pas utile !

M. Serge Grouard. Où est le problème si c’est déjà le cas ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le maire est un acteur majeur, mais dans le strict respect de la séparation des pouvoirs et des compétences, ce qui exclut toute incursion dans la chaîne pénale.

Mme Élisabeth Guigou. Évidemment !

M. Jacques-Alain Bénisti. Il ne s’agit pas d’une incursion !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Au contraire, le ministre de l’intérieur prévoit de nouveaux dispositifs pour parvenir, au final, à la confusion la plus totale, on ne sait plus qui fait quoi, du procureur, du maire ou du préfet. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il en va de même en matière pénale : les sanctions s'ajoutent, se surajoutent, se cumulent. Il n'y a plus aucune lisibilité de la loi et de la sanction.

Nous présenterons par voie d'amendements des propositions alternatives en matière d'architecture de la politique de prévention de la délinquance. Pour lutter contre la violence et prévenir la délinquance, il faut que la chaîne des acteurs fonctionne dans le respect des compétences de chacun et des engagements pris. C'est tout le contraire du choix fait par M. Sarkozy et qui consiste à se défausser sur les collectivités locales. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Mais non !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le maire doit être le coordinateur de la politique publique territoriale de prévention de la délinquance sans pour autant être « l'homme-orchestre » auquel on demandera de tout faire sans moyens, y compris de sanctionner les jeunes déviants et leurs familles démissionnaires. Il faut aussi encourager la signature de conventions entre le président du conseil général et le maire pour permettre à ce dernier d'organiser au plus près du terrain les actions de la prévention spécialisée.

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est prévu !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. S'agissant du secret partagé dont le maire serait le destinataire via un professionnel coordonnateur désigné par lui-même, le leurre est double. Les professionnels de santé et les travailleurs sociaux travaillent ensemble en confiance sur le fondement d'une déontologie claire : l’information échangée sous le sceau du secret commun ne peut servir que l'intérêt du sujet et ne peut être divulguée. En même temps, il ne peut être question de se défier du maire. Celui-ci est déjà destinataire de nombreuses informations individuelles et confidentielles et il dispose sur ce plan d'une véritable légitimité. Pour autant, il s'agit non pas de faire du maire un super-travailleur social mais de favoriser l'articulation entre les différentes compétences professionnelles…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est déjà fait !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …pour trouver des réponses ciblées dans l'esprit des cellules de veille éducative créées par la gauche en 2001.

À ce sujet, pourquoi le projet de loi relatif à la protection de l'enfance n'a-t-il toujours pas été inscrit à l'ordre du jour ?

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est pour bientôt !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce texte équilibré, qui a réuni un relatif consensus, aurait dû être examiné d'abord. Quelle sera la cohérence entre les deux textes ?

M. Jacques-Alain Bénisti. La complémentarité !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Une fois de plus, c'est la confusion qui prévaut.

En matière de délinquance des mineurs, le ministre de l’intérieur ne nous propose rien de moins que la quatrième réforme de l’ordonnance de 1945 depuis 2002, avec toujours le même fil conducteur : aligner de plus en plus le droit applicable aux mineurs sur celui applicable aux majeurs. Il avance à grand pas vers la fin de la justice des mineurs, même s’il n’ose pas l’avouer. Fidèles à nos principes, nous sommes au contraire attachés à la justice des mineurs et à un traitement différencié pour eux.

M. Sarkozy veut revenir sur ces principes car, selon lui, les mineurs d’aujourd’hui ne seraient plus les mêmes que ceux de 1945…

M. Guy Geoffroy. C’est vrai !

Mme Arlette Franco. Hélas !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je voudrais à ce propos citer la phrase suivante : « Les statistiques les plus sûres comme les observations les plus faciles prouvent, d’une part, que la criminalité juvénile s’accroît dans des proportions fort inquiétantes et, d’autre part, que l’âge moyen de la criminalité s’abaisse selon une courbe très rapide ». Il s’agit d’une phrase d’Émile Garçon, écrite en 1922. La délinquance des mineurs constituait déjà une véritable inquiétude !

M. Jacques-Alain Bénisti. Vous avez de bonnes références !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais dans ce domaine comme dans d’autres, légiférer constitue sans doute la solution de facilité.

Ne nous accusez pas de laxisme, et sortons des caricatures. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. En effet, vous devriez en sortir !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’ordonnance de 1945 n’est ni un totem ni un tabou. Nous ne sommes pas opposés à sa refonte, dès lors que l’objectif est d’apporter des réponses efficaces et justes.

M. Jacques-Alain Bénisti. Enfin !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il n’est cependant pas question de battre en brèche l’essence de l’ordonnance de 1945, qui est un texte répressif…

M. Jacques-Alain Bénisti. Pas du tout !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …mais qui contient les principes de spécialisation et de personnalisation de la peine ainsi que la primauté de l’éducatif. Car on ne pourra résoudre les problèmes que pose l’enfant délinquant sans s’attaquer à ceux qu’il vit.

Sortons des contrevérités que le ministre de l’intérieur entretient à plaisir. Il n’existe aucune impunité pénale systématique en dessous de l’âge de treize ans : tout mineur doté de discernement peut être déclaré coupable d’infractions pénales. C’est beaucoup plus sévère que dans bien des pays européens. En l’état actuel de notre droit, un jeune de seize ans peut être condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour un crime.

Mme Élisabeth Guigou. Bien entendu !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’atténuation de peine liée à la minorité est loin d’être absolue : la cour d’assises ou le tribunal pour enfants peuvent écarter l’excuse de minorité pour les mineurs de plus de seize ans quand la gravité des faits ou la personnalité des mineurs le justifient.

La misère actuelle de la justice des mineurs est un obstacle majeur à son efficacité et à sa réactivité. Il faut plus de ressources humaines : nous manquons de juges, de greffiers, d’éducateurs et de personnels de la protection judiciaire de la jeunesse. Les juges pour enfant disposent d’une vaste palette de mesures, mais, faute de moyens, nombre de décisions restent inappliquées. Ce qui importe, c’est de prendre en charge immédiatement le mineur délinquant – c’est ce que nous voulons faire –, ce qui n’est pas la même chose que de prononcer une peine immédiate !

Le texte comporte enfin un volet relatif à la santé mentale et aux hospitalisations d’office. Nous estimons que ce sont des questions de santé publique qu’il convient de traiter en tant que telles dans le cadre d’une grande loi de santé publique et de prévention. L’amalgame entre malades et délinquants est dangereux…

M. Guy Geoffroy. C’est pour cela que les choses doivent évoluer !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …et dénoncé par le monde de la psychiatrie, médecins comme usagers. Tous sont opposés à une modification de la loi de 1990 dans le cadre d’un texte relatif à la prévention de la délinquance, qui entretient une confusion entre maladie mentale et délinquance…

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est dépassé !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …et remet en cause des pratiques qui se construisent progressivement entre services de santé mentale, maires, policiers, et services sanitaires et sociaux. Nous souhaitons que les adaptations nécessaires de la loi de 1990 s’effectuent, pour tenir compte des évolutions de l’environnement, dans le cadre de sa révision périodique. Nous demandons donc le retrait de ces dispositions. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’une grande confusion règne dans la majorité : jeudi matin, à la place de la niche réservée au groupe UMP, sera discuté un texte habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance dans ce domaine.

Mme Élisabeth Guigou. Et voilà !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Toutefois, cela n’empêchera pas la discussion sur les articles 18 à 24 de se poursuivre, avant, peut-être, que ces articles soient supprimés en seconde lecture ou en CMP. Quelle clarté dans le travail législatif !

En matière de toxicomanie, M. Sarkozy constate l’hypocrisie de la loi de décembre 1970 – qui n’est pas appliquée – mais il n’en tire pas les conséquences. Faisant le même constat, nous proposerons un amendement tendant à correctionnaliser la consommation de cannabis. Il ne s’agit pas d’engager – comme cela est fait – une dépénalisation rampante, mais d’infliger au consommateur de cannabis une sanction effective, c’est-à-dire une amende au montant approprié.

J’en arrive à la troisième partie de cette intervention, dont l’objet est de démontrer l’irrecevabilité de ce texte au regard de la Constitution, car un certain nombre de mesures qu’il contient sont contraires aux principes fondamentaux des lois de la République. Ainsi, les dispositions tendant à prévenir la délinquance des mineurs heurtent non seulement les principes constitutionnels, mais aussi certains de nos engagements internationaux.

La spécificité de la justice des mineurs est l’un des principes fondamentaux de notre droit pénal, consacré par le Conseil constitutionnel le 11 août 1993. Elle est également inscrite dans les textes internationaux ratifiés par la France. L’article 14, alinéa 4, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose en outre que : « La procédure applicable aux jeunes gens qui ne sont pas encore majeurs au regard de la loi pénale tiendra compte de leur âge et de l’intérêt que présente leur rééducation ». De même, la Convention internationale des droits de l’enfant, dans son article 40, invite les États parties à : « promouvoir l’adoption de lois, de procédures, la mise en place d’autorités et d’institutions spécialement conçues pour les enfants suspectés, accusés ou convaincus d’infraction à la loi pénale ».

Or, la nouvelle procédure de présentation immédiate des mineurs devant le juge des enfants ne leur garantit pas le respect des droits de la défense, en raison de la quasi-absence de délai avant la comparution. Il ne faut pas confondre rapidité et précipitation : les délais de cette nouvelle procédure ne permettront pas de procéder à l’enquête de personnalité, pourtant indispensable à un jugement approprié.

La spécificité de la justice des mineurs est également mise en cause puisque vous étendez aux mineurs la composition pénale. Or, avant seize ans, un mineur n’a pas la possibilité de contracter. Pourquoi transposer le « plaider coupable » aux moins de seize ans ? Aucune garantie n’est prévue pour assurer la prise en considération de l’état de minorité du jeune mis en cause. Or, selon l’article 40 de la Convention internationale des droits de l’enfant, un mineur ne peut s’auto-accuser !

Mme Élisabeth Guigou. C’est juste !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cette nouvelle procédure n’est donc pas conforme à la Constitution.

La Convention internationale des droits de l’enfant, toujours dans son article 40, préconise de : « prendre des mesures, chaque fois que cela est possible et souhaitable, pour traiter ces enfants sans recourir à la procédure judiciaire, étant cependant entendu que les droits de l’homme et les garanties légales doivent être pleinement respectés ». Est-il sûr que ce principe soit respecté ?

En vérité, ce sont non seulement les normes internationales qui sont aujourd’hui remises en cause, mais également les fondements mêmes de l’ordonnance de 1945, à savoir la complémentarité entre l’assistance éducative et le pénal.

Faut-il rappeler la décision du Conseil constitutionnel du 29 août 2002, qui pose les principes constitutionnels régissant le régime juridique du droit pénal applicable aux mineurs ? Le principe selon lequel « la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées » se combine avec l’ordonnance du 2 février 1945, qui n’écarte pas la responsabilité pénale des mineurs et n’exclut pas, en cas de nécessité, que soient prononcées à leur égard des mesures restrictives de liberté, notamment pour les mineurs de plus de treize ans.

Le primat de l’éducatif sur le répressif et l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge sont les contours du principe fondamental reconnu par les lois de la République et mis en évidence par le Conseil constitutionnel dans sa décision de 2002.

Le ministre de l’intérieur méconnaît ces principes : en systématisant les sanctions et les mesures privatives de liberté à l’encontre des mineurs, le risque est pris de priver le juge des enfants de la possibilité d’apprécier librement la pertinence de la sanction, donc de tenir compte de leur personnalité, en violation du principe constitutionnel que je viens d’énoncer. La tentation de considérer un mineur récidiviste comme un majeur est, du point de vue pénal et donc constitutionnel, très révélatrice.

M. Jacques-Alain Bénisti. Quelle réponse faites-vous à la victime ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Toujours à propos des principes du droit pénal, et à titre préventif, je voudrais également vous alerter sur les velléités de certains amendements qui pourraient aller à l’encontre des principes fondamentaux de notre droit. Je pense à la tentation des « peines plancher », contraires au principe d’individualisation des délits et des peines. J’ajoute que la Commission nationale consultative des droits de l’homme, consultée en 2002 sur le projet de loi relatif à la sécurité intérieure, observait déjà que : « L’inflation des règles encadrant l’exercice des libertés publiques, et parfois même la vie privée des individus, suscite l’inquiétude de notre société démocratique ». Le présent projet de loi ne fait qu’accentuer cette tendance.

M. Bernard Carayon. L’autorité de cette commission serait-elle supérieure à celle du Parlement ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. J’attire l’attention sur l’article 28 de ce projet de loi, qui prévoit un important durcissement des sanctions – une amende de 75 000 euros – en cas de circonstance aggravante pour l’usage de produits stupéfiants par certaines personnes dans l’exercice de leur fonction. Nous sommes à la limite de l’erreur manifeste d’appréciation eu égard au principe de proportionnalité des délits et des peines. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

De la même manière, l’article 34 institue une circonstance aggravante lorsque certaines infractions sont commises sous l’emprise manifeste d’un produit stupéfiant ou en état d’ivresse. La commission des lois du Sénat a soulevé le problème de la hiérarchie et de l’individualisation des peines, d’autant que « l’état ou l’emprise manifeste », difficile à apprécier, peut conduire à l’arbitraire.

Cela vaut pour l’ensemble du texte : toutes les peines et les sanctions encourues sont aggravées, ce qui peut poser un problème de proportionnalité. Le Conseil constitutionnel se prononcera, mais qui peut penser que nous sommes encore dans le domaine de la prévention ?

En ce qui concerne les contrôles d’identité dans les transports, le texte propose de donner aux agents habilités par l’exploitant un pouvoir équivalent à celui des agents de police judiciaire adjoints pour relever l’identité des auteurs d’infraction à la police des chemins de fer, ainsi qu’un pouvoir de rétention dans l’attente de l’arrivée des forces de police. Or, ces personnels nommés par les sociétés de transport ne bénéficient d’aucun agrément. Outre le risque de dérives, ces dispositions sont inconstitutionnelles car il y a transfert d’un pouvoir régalien sans aucune garantie.

M. le président. Il faut songer à conclure !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, je suis obligé de lire lentement ce texte, que je ne connais pas !

M. le président. J’en ai tenu compte. Poursuivez !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quant à la multiplication des fichiers informatiques, elle est d’autant plus inquiétante que le nombre des personnes habilitées à les consulter ne cesse de croître. Tout cela paraît bien disproportionné eu égard à leur finalité et au danger qu’ils représentent pour les personnes concernées. Dans son avis du 13 juin dernier, la CNIL avait estimé que les dispositions de l’article 5 initial du projet de loi, qui autorisent les maires à obtenir la communication des données relatives aux difficultés sociales de leurs administrés, étaient disproportionnées. Je la cite : « Si le maire a vocation à connaître de façon ponctuelle des données sur les personnes sollicitant des aides sociales facultatives qui relèvent traditionnellement de ses compétences, il ne devrait pas être rendu systématiquement destinataire des informations que les professionnels de l’action sociale sont conduits à recueillir auprès des personnes et des familles en difficulté ». Je ne suis pas certain que la nouvelle rédaction évite cet écueil.

L’article 6 du projet de loi institue un conseil pour les droits et devoirs des familles. Là encore, la CNIL a estimé que : « Dans la mesure où des informations individuelles sensibles, relevant de l’intimité de la vie privée des familles, seraient ainsi recueillies, traitées et conservées, il appartient au législateur, pour assurer le respect du principe de proportionnalité, de définir précisément les garanties qui devraient être apportées afin qu’un tel dispositif d’accompagnement soit mis en place dans le respect des droits des personnes et, en particulier, le respect de leur vie privée ».

Nous nous interrogeons sur cette volonté de constituer à tout prix des fichiers nouveaux. Un problème nouveau, un nouveau fichier ? Il s'agit bien là, une fois de plus, de mesures d'affichage qui ont bien peu à voir avec une politique de prévention de la délinquance.

Le chapitre relatif à la prévention des actes violents pour soi-même ou pour les autres nous interpelle également, malgré les modifications apportées par le Sénat. Nous l'avons déjà dit, il ne faut pas confondre maladie mentale et délinquance. Certes, le dispositif des sorties d'essai d'établissements psychiatriques a été supprimé par le Sénat. Fort heureusement, car le caractère coercitif et systématique du dispositif violait très certainement le principe constitutionnel d'aller et de venir. Toutefois, les dispositions de l'article 21, qui modifie la procédure applicable aux hospitalisations d'office en transférant du préfet au maire la compétence de principe permettant de détenir la personne pendant une phase d'observation de 72 heures pour juger de son état avant que le préfet confirme ou infirme la mesure conservatoire prise par le maire, se heurtent au risque d'arbitraire. La décision du Conseil constitutionnel des 19 et 20 janvier 1981 pose le principe selon lequel la détention préventive, mesure privative de liberté – comme l'internement en hôpital psychiatrique –, doit être prise pour la période la plus courte possible. Or, trois jours, c'est beaucoup, c'est même plus que la durée classique de garde à vue.

Le projet de loi comporte par ailleurs un certain nombre d’approximations qui pourraient heurter le Conseil constitutionnel. Le pouvoir de proposition du « conseil pour les droits et devoirs des familles » prévu à l'article 6, alinéa 8, proposition faite au maire pour réorienter l'utilisation des prestations familiales, manque de précision.

Le Conseil constitutionnel pourrait bien estimer que le degré de précision exigé par le principe de légalité des délits et des peines en droit pénal pourrait trouver à s'appliquer ici au droit social. Le rappel à l'ordre par le maire, prévu à l'article 8, pose lui aussi problème. Il ne s'agit pas d'une sanction pénale, que le maire n'a d'ailleurs pas le droit de prononcer. Alors de quoi s'agit-il ? Et qu'est-ce que l' « atteinte au bon ordre » ? Ce n'est pas une notion juridique.

Enfin, nous nous interrogeons sur la constitutionnalité de l’article 12 ter, adopté à la suite d'un amendement sénatorial et qui concerne les gens du voyage. En cas de stationnement irrégulier, le maire ou le propriétaire du terrain occupé peut demander au préfet une mise en demeure aux occupants pour quitter les lieux dans un délai qui peut être réduit à 24 heures. Les familles peuvent alors, dans cette même journée, demander son annulation au tribunal administratif, recours qui serait suspensif, le tribunal devant statuer sous trois jours. Sinon ou faute de départ volontaire, le préfet, sur sa seule décision, peut procéder à l'évacuation forcée du terrain.

Cette disposition, si elle était votée, pourrait bien être considérée par le Conseil constitutionnel comme étant contraire à la Constitution du fait de la suppression de l'intervention préalable de l'autorité judiciaire, qui est, en vertu de l'article 66 de la Constitution, garante du respect des libertés individuelles. Cette disposition semble aussi inconstitutionnelle en raison de l'atteinte flagrante au principe d'inviolabilité du domicile, en l’occurrence les caravanes qui constituent l'habitat permanent des gens du voyage et qui pourraient être évacuées sans aucun contrôle de la procédure par le juge judiciaire, comme l’avait déjà rappelé le Conseil constitutionnel en 2003. Enfin, nous craignons que cette disposition marque une rupture de l'égalité des citoyens devant la justice avec une atteinte aux droits de la défense des seuls gens du voyage et avec un délai de recours qui peut varier d'une situation à l'autre, d'un préfet à l'autre, et qui peut être réduit à une seule journée.

Les questions que je viens d'évoquer me paraissent de nature à justifier l'irrecevabilité d'une partie au moins du texte pour méconnaissance des principes fondamentaux de notre Constitution en matière de libertés individuelles et de garantie des droits de la personne.

Un an après les émeutes de 2005, le ministre de l’intérieur persiste et signe. Il ne s'agit pas ou plus de prévenir la violence en intervenant sur les causes, mais il s’agit essentiellement de condamner sans éduquer, en réprimant les seuls effets de cette violence.

Mme Nadine Morano. Alors, il ne faut rien faire ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Dans cette myopie, réside le véritable laxisme. C'est, demain, la certitude d'une nouvelle aggravation à la fois de l’insécurité, de la violence et de la crise de confiance envers les institutions démocratiques. Nous nous opposerons à ce texte inutile et dangereux et nous défendrons aussi, avec conviction, les propositions alternatives constituant une véritable solution démocratique pour la sécurité.

J’invite donc mes collègues à voter cette triple irrecevabilité, celle du bilan du ministre de l’intérieur,…

M. Bernard Corayon. Le vôtre a été accablant. Les socialistes ont toujours échoué dans ce domaine !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …celle de ces nouvelles dispositions, à la fois inutiles et dangereuses, et celle de l’inconstitutionnalité d'une partie de ces dispositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Au nom du ministre d’État, de Philippe Bas, présent à mes côtés aux banc des ministres, et de l’ensemble du Gouvernement, je voudrais présenter à Jean-Pierre Blazy tous nos vœux de prompt rétablissement.

Pour le reste, c’est une évidence, j’appelle au rejet de cette exception d’irrecevabilité.

M. le président. Nous en arrivons aux explications de vote sur l’exception d’irrecevabilité.

La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe de l’UMP.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, au nom de tous mes collègues du groupe UMP, je m’associe bien sûr à vos propos et à ceux du ministre : nous souhaitons revoir très rapidement notre collègue Jean-Pierre Blazy parmi nous dans la forme que nous lui connaissons.

S’agissant de l’exception d’irrecevabilité, exposée avant et après l’interruption du dîner, je voudrais apporter un certain nombre d’éléments qui nous amèneront à conclure, sans surprise, à son rejet.

D’abord, une remarque d’ordre général : j’ai trouvé la montée en puissance de cette motion d’irrecevabilité bien laborieuse. Les arguments constitutionnels ont été abordés tard et de façon très parcimonieuse. Si l’on se limitait à cet aspect – pourtant le seul à devoir être traité –, il n’y aurait guère de quoi justifier le vote de cette motion.

Toutefois, vous avez jugé utile de présenter une triple exception d’irrecevabilité, qui témoigne, en fait, de votre incapacité à envisager le texte en termes politiques. En effet, lorsqu’on veut s’attaquer aux racines de la délinquance, comme le projet de loi se propose de le faire, en essayant de mieux cerner les problématiques de prévention et de répression, on entre dans un véritable débat politique. Cette motion nous conforte dans l’idée que nous ne parlons pas des mêmes choses et que, même si nous avons, à de multiples égards, les mêmes valeurs républicaines, certains propos datent, alors que d’autres se veulent non pas seulement modernes, mais tout simplement réalistes et pragmatiques.

Mme Élisabeth Guigou. Ah bon !

M. Guy Geoffroy. Ensuite, vous vous êtes interrogé sur les difficultés d’application de ce texte, et Jean-Pierre Blazy a parlé des quinze décrets d’application qui ne verraient certainement jamais le jour. Vous en avez déduit trop hâtivement qu’il s’agissait d’un texte d’affichage qui témoignait de l’échec absolu de la politique menée depuis 2002. Il n’en est rien. Les résultats sont là, et l’on peut en débattre honnêtement, ce qui tranche singulièrement avec l’attitude du gouvernement de la période 1997-2002.

Oui, la violence s’est aggravée. Elle s’est déplacée dans sa gravité et dans ses contours parce que nous avons, nous, fait l’effort de mieux la cerner, de mieux la combattre. Mais dans une société comme la nôtre, la violence ne disparaît pas du jour au lendemain : elle nécessite patience, détermination et suite dans les idées. Certaines violences n’ont pas attendu une période récente pour exister. Par exemple, les violences scolaires s’amplifient, c’est une réalité, et l’on en parle également davantage. À cet égard, je voudrais vous faire part d’une anecdote.

Avant d’être député, j’étais à la tête d’un établissement situé en « zone violence », où s’y exerçait – quotidiennement – une violence, qui n’a cessé de s’aggraver entre 1997 et 2002. Huit ans après mon arrivée en 1994, j’ai pu mesurer combien le gouffre s’était creusé. À l’époque, le ministre de l’éducation s’appelait Jack Lang et disait : « la violence s’installe dans le pays, mais, grâce à notre politique, elle n’est pas présente dans l’école » ! Je me souviens de la réaction effarée de mes collègues, de droite comme de gauche, se demandant comment il était possible d’entendre de telles absurdités ! Car la violence à l’école existait, mais elle était niée. Aujourd’hui, elle n’est plus niée, elle est combattue –, il faut accentuer le combat sous toutes ses formes –, et votre argument des emplois-jeunes pour l’éradiquer ne tient pas, étant donné la politique que vous avez menée et les évolutions qui s’en sont suivies.

Contrairement à ce qui a été dit, ce projet de loi n’est pas un nouveau texte de répression, mais un texte de clarification, d’évolution et de responsabilité.

Il reconnaît aux maires leur rôle de pivot. C’est ce que beaucoup, y compris parmi nous, voulaient et font déjà, mais dans des conditions insuffisamment précisées. Ce rôle de pivot est essentiel, mais ne signifie pas que l’État se défausse de ses responsabilités sur les maires. Le Gouvernement l’a dit et le répétera : il n’entend pas se défausser de ses responsabilités en matière de délinquance, il veut simplement que la manière de la prévenir et de la traiter permette à chaque acteur de jouer son rôle dans un partenariat mieux compris, mieux conçu et plus efficace.

Pour cela, des moyens seront mis en place. Le fonds pour la prévention de la délinquance est une nouveauté – vous l’avez pourtant critiqué. Les nouveaux contrats de ville, désormais appelés contrats urbains de cohésion sociale, vont, comme les contrats de ville, inclure les données des contrats locaux de sécurité. Ces avancées font de ce projet de loi, loin de votre caricature, un texte de projection et de mise en cohérence, qui permettra de progresser.

Quant aux ressources humaines, vous et vos collègues avez reconnu, lors de leur examen, que les crédits de la police et de la justice étaient en constante augmentation. Ils permettront d’améliorer la situation. Ce n’est pas avec des rêves idéologiques que l’on règle les problématiques de la prévention et du traitement de la délinquance, mais avec de l’humilité, de l’efficacité et de la persévérance. C’est ce à quoi nous invite ce texte, une raison parmi tant d’autres pour le groupe UMP de ne pas voter cette exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Michel Vaxès. Je veux, moi aussi, m’associer aux vœux formulés pour le prompt rétablissement de notre ami Jean-Pierre Blazy, et je vous signale que les informations que nous avons eues à son sujet sont rassurantes.

Monsieur Geoffroy, ce n’est pas l’exception l’irrecevabilité qui a été laborieuse, c’est votre explication de vote : vous êtes resté sans cesse sur la défensive,…

M. Guy Geoffroy. Non !

Mme Élisabeth Guigou. Si !

M. Michel Vaxès. …et je vous promets que vous y resterez tout au long du débat. Vous n’avez pas dit un mot sur les raisons qui motivent l’irrecevabilité !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Il n’y en a pas !

M. Michel Vaxès. Parmi toutes les raisons évoquées, et que j’approuve, par notre collègue pour justifier l'exception d'irrecevabilité, permettez-moi d’insister plus particulièrement sur l'une d’entre elles.

Le 2 mars 2004, le Conseil constitutionnel rappelait que « l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du XXe siècle ».

Incontestablement, et nous aurons à en discuter, le texte ne respecte pas sur ce point les lois de la République, et il nous fait retourner au XIXe siècle !

Mme Nadine Morano. N’importe quoi !

M. Guy Geoffroy. Ce siècle, vous ne l’avez jamais quitté !

M. Michel Vaxès. Qu'en est-il au regard des textes internationaux ? Sans les rappeler tous, il est tout de même essentiel de ne jamais perdre de vue les principaux.

Le préambule de la déclaration de Genève à la Société des nations en 1924 (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), texte fondamental que vous devriez prendre au sérieux, précise : « les hommes et les femmes de toutes les nations reconnaissent que l'humanité doit donner à l'enfant ce qu'elle a de meilleur ». Ce n’est pas le chemin proposé par le projet de loi.

Vient ensuite, dans l’ordre chronologique, la Convention internationale des droit de l'enfant que la France a ratifiée. Cette Convention dispose notamment, dans son article 40 : « les États parties reconnaissent à tout enfant suspecté, accusé ou convaincu d'infraction à la loi pénale le droit à un traitement [...] qui tienne compte de son âge ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société ».

M. Guy Geoffroy. Cela n’est pas remis en cause !

M. Michel Vaxès. Ce même article ajoute que « les États parties s'efforcent de promouvoir l'adoption de lois, de procédures, la mise en place d'autorités et d'institutions spécialement conçues pour les enfants suspectés, accusés ou convaincus d'infractions à la loi pénale et en particulier […] de prendre des mesures, chaque fois que cela est possible et souhaitable, pour traiter des enfants sans recourir à la procédure judiciaire ». Vous avez bien entendu !

Les différents textes qui ont été adoptés par votre majorité, et celui-ci en particulier, mettent en place des procédures qui tendent au contraire à nier la spécificité du droit des mineurs…

M. Guy Geoffroy. Vous ne leur rendez pas service !

M. Michel Vaxès. …en le faisant glisser vers celui des majeurs.

Après le vote de la loi relative à la répression de la récidive, dont les mineurs n’étaient pas exclus, et la création du fichier des auteurs d'infractions sexuelles où ils figurent en bonne place, le mouvement d'alignement de leur traitement sur celui des majeurs se poursuit, dans ce texte, avec l'extension à leur égard de la composition pénale, l'élargissement du contrôle judiciaire ou encore l'introduction de la comparution immédiate.

Bref, le Gouvernement est en contradiction manifeste avec les orientations des textes internationaux que je viens d’évoquer, et je voudrais enfin vous rappeler les principes directeurs des Nations unies pour la prévention de la délinquance juvénile, dits « principes directeurs de Riyad ». Ceux-ci ont été adoptés par l’assemblée générale de l’ONU en 1990 et semblent avoir été perdus de vue par les auteurs de ce projet de loi. Ils précisent qu’« il faudrait reconnaître la nécessité et l'importance d'adopter des politiques de prévention de la délinquance [...] », qui « devraient comporter les éléments suivants : […]

« Conscience que, d'après l'opinion prédominante des experts, qualifier un jeune de “déviant” et de “délinquant” ou de “prédélinquant” contribue souvent au développement chez ce dernier d'un comportement systématiquement répréhensible ».

Manifestement, la France a décidé non seulement d'ignorer ces recommandations, mais d'en prendre le contre-pied.

Pour toutes ces raisons, ajoutées à celles exposées par notre collègue, nous voterons cette exception d'irrecevabilité.

Pour conclure, permettez que je me fasse l'écho de l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille,…

M. Bernard Carayon. Qu’ils jugent et se taisent !

M. Michel Vaxès. …qui demande la tenue d'un large débat public s'inscrivant dans la mise en place d'états généraux de la jeunesse, et appelle à une réforme de l'ordonnance de 1945…

M. Jacques-Alain Bénisti. Ah, nous y voilà !

M. Michel Vaxès. …devenue inefficace, incompréhensible et dangereuse par la multiplication d’ajouts à caractère répressif – alors que l’orientation initiale était éducative –, ce qui lui enlève toute cohérence et autorise une multiplicité d'interprétations. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Lilian Zanchi, pour le groupe socialiste.

M. Lilian Zanchi. La prévention de la délinquance, c’est tout, sauf ce que le Gouvernement nous propose dans le présent projet de loi. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

C’est tout, sauf ces propos placés sous le signe de la répression qu’a tenus le ministre de l’intérieur au début de nos débats.

C’est tout, sauf cette loi « fourre-tout », par laquelle quatre ministre ont dû se plier aux exigences du ministre d’État, comme nous l’avons entendu lors des débats en commission des lois.

Selon nous, prévenir la délinquance, c’est agir sur les causes profondes de la désocialisation et des discriminations, dont les jeunes sont les premières victimes.

Mme Nadine Morano. On l’a vu !

M. Lilian Zanchi. C’est aussi traiter les causes de la montée du communautarisme, bref, c’est agir pour un accès de tous, sans discriminations, à l’emploi, l’éducation et la santé.

Mais de tout cela, il n’est pas question dans le projet de loi. Celui-ci ne repose sur aucune évaluation de l’arsenal pénal des six textes précédents, de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité de 2002 à celle relative au traitement de la récidive des infractions pénales.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très juste !

M. Lilian Zanchi. Ce projet de loi n’apporte rien en matière de prévention : c’est une mauvaise copie, ou au mieux une copie bâclée, qui trahit des contresens et des erreurs sur certains droits fondamentaux, notamment ceux de l’enfant. J’en veux pour preuve l’article 317, alinéa 1, du code civil, qui dispose que l’autorité parentale « appartient aux père et mère […] pour […] protéger [l’enfant] dans sa sécurité, sa santé et sa moralité ». Ainsi, selon le même article, « les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité ».

Cet article est celui que nous prononçons en tant qu’officiers d’état civil lors des mariages. Or, tout à l’heure, le ministre d’État a déclaré que l’autorité en matière de santé et de moralité devait appartenir aux maires. Il y a là un glissement,…

M. Alain Marty. Caricature !

M. Lilian Zanchi. …et j’espère, mes chers collègues, que lorsque vous célébrerez des mariages, vous expliquerez aux nouveaux mariés que vous les déchargez de l’autorité parentale, qui désormais vous appartient !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour in mouvement populaire. N’importe quoi !

M. Lilian Zanchi. Ajoutez les arguments juridiques avancés dans l’exception d’irrecevabilité, les propos tenus par le ministre d’État tout à l’heure, ses interventions médiatiques – « la meilleure des préventions, c’est la sanction », déclarait-il par exemple à Toulouse il y a trois ans –, et vous comprendrez, mes chers collègues, que le groupe socialiste vous invite à adopter cette exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Rodolphe Thomas, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Rodolphe Thomas. Le groupe UDF ne votera pas l’exception d’irrecevabilité (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais il n’en pense pas moins !

M. Rodolphe Thomas. Nos collègues socialistes ont la mémoire courte : nous devons surtout éviter un nouveau 21 avril 2002.

Depuis quelques années, nous observons une montée de la délinquance. À cet égard, le projet de loi n’est peut-être pas la panacée, mais il a le mérite de placer le maire au cœur d’un dispositif…

Mme Nadine Morano. Très bien !

M. Rodolphe Thomas. …qui, je pense, permettra à chacun d’assumer ses responsabilités en face des citoyens.

Certes, il reste des inquiétudes et des imperfections, pour lesquelles le groupe UDF proposera des amendements, qui, je l’espère, seront votés, notamment en ce qui concerne la participation de la police municipale aux missions de la police nationale et sur le financement des mesures. Mais au vu de ce que l’on a observé ces dernières années, on ne peut rester inactif : une bonne partie de nos concitoyens attendent des mesures fermes en direction d’une jeunesse qui a tendance à dériver vers la délinquance.

Celles-ci compléteront les politiques qui, comme on l’a rappelé tout à l’heure, sont déjà mises en œuvre, avec la rénovation urbaine, le logement ou le plan de cohésion sociale. Tout cela devrait apporter des solutions à une population laissée pour compte.

J’espère donc que, grâce à ses amendements, le groupe UDF pourra faire adopter des mesures efficaces, afin que le maire devienne le véritable chef d’orchestre du dispositif. Il faudra en prévoir les moyens, notamment financiers. Par ailleurs, la police municipale ne doit pas, demain, faire le travail de la police nationale : ne mélangeons pas les choses, je le dis notamment au nom de tous ceux qui ont su mettre en œuvre des politiques de prévention avec les policiers municipaux.

Tout cela mérite une réflexion de fond comme de forme au cours de nos débats ultérieurs. En tout état de cause, comme je l’ai indiqué, le groupe UDF ne votera pas l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, le projet de loi relatif à la « prévention de la délinquance », qui vient en lecture après un passage au Sénat, mérite un certain nombre de remarques préalables.

Loin d'intervenir dans le champ de la prévention, il concerne essentiellement celui de la répression. Il modifie quatorze codes, dont le code pénal – avec 73 articles concernés – et le code de procédure pénale – avec 10 articles. Il concerne aussi deux ordonnances – celle de 1945 bien sûr, mais aussi celle des transports en Île-de-France – et six lois.

Ce projet de loi part du principe que la délinquance des mineurs a fortement augmenté. Or les données statistiques révèlent que ces derniers constituent une part minoritaire dans la délinquance globale et que leur récidive est encore faible. Les chiffres relatifs à la délinquance, qui étayent certains discours alarmistes sur l'explosion de la délinquance des mineurs, ont une fiabilité régulièrement mise en question. Ce n'est pas pour rien que 115 experts ont sollicité la création d'un observatoire indépendant du ministère de l'intérieur. Quand leur demande sera-t-elle entendue ?

Ce texte repose sur quatre orientations, qui relèvent essentiellement d'une politique sécuritaire. Il remet en cause le socle fondateur de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui dispose que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits »,...

Mme Arlette Franco. Et en devoirs !

M. Patrick Braouezec. …puisqu’il ne s’agit plus d’égalité des droits mais d’égalité des chances.

Libre à vous, madame Franco, de réécrire la Déclaration universelle des droits de l’homme, mais la rédaction actuelle de son article 1er est celle que je viens de citer !

Le projet de loi met en place une politique d'exclusion des personnes en difficultés scolaire, éducative et/ou sociale, et celles souffrant de problèmes psychiatriques. Il affirme que pour lutter contre l'insécurité, seule la répression est opérante. Les migrants, les chômeurs et, plus largement, une bonne partie des habitants des quartiers populaires, se trouvent particulièrement visés.

Je terminerai par la dernière orientation, qui vise à déqualifier les professionnels de la justice, de l'action sociale et de la protection judiciaire de la jeunesse. Ce secteur de la prévention est désormais détourné de sa mission avec le projet de loi.

Avec la création de fichiers, c'est l'essence même du travail social qui est remise en cause : il est demandé aux professionnels de se transformer en délateurs, ce qui rendra impossible tout travail de prévention, d'éducation et de soin. La relation de confiance, indispensable à un accompagnement thérapeutique, social et éducatif, est mise à mal par l'obligation de croiser les informations recueillies et de participer à des fichages.

Plus globalement, à la lecture de ce projet de loi, sont touchées l'action sociale, l'action éducative et la psychiatrie publique, dont les objectifs sont radicalement transformés.

Mme Nadine Morano. On a vu les résultats qu’elles ont donné jusqu’à présent !

M. Patrick Braouezec. Leur finalité sera désormais la « lutte contre l'insécurité », et non plus l'aide, l'assistance aux familles et le soin aux malades. Si l'article 1er du projet de loi précise que « le maire anime […] la politique de prévention de la délinquance » et la « coordonne », l'ensemble du projet de loi assimile la prévention de la délinquance à la lutte contre l'insécurité.

Ainsi, après avoir articulé la police et la justice dans une même « chaîne pénale », grâce à une succession de lois pénales entièrement vouées depuis quatre ans à lutter contre l'insécurité et dont l’inefficacité est admise au-delà des bancs de gauche de cette assemblée, notamment par un certain nombre de syndicats de la justice et de la police, le Gouvernement attache aujourd'hui, l'action sociale, la psychiatrie et la prévention de la délinquance à cette même chaîne, dont le maillon fort est la police. L'expression « chaîne pénale » n'est d’ailleurs pas de mon fait, je l'emprunte au ministre de l'intérieur, qui l'a utilisée dans la circulaire du 4 février 2004 pour désigner l'assimilation de la justice et de la police dans une même entreprise sécuritaire de tolérance zéro. Je rappelle juste que l’article 66 de notre Constitution définit la justice comme une « autorité indépendante » destinée à garantir les libertés individuelles ; elle ne doit donc pas être au service des initiatives policières.

Or, nous assistons à une remise en cause des institutions mais aussi à une inversion de leurs objectifs. C’est le cas, avec le droit pénal des mineurs, tel que le conçoit l'article 6 de ce projet, emblématique de cette inversion puisqu’il remplace l'action éducative et sociale, l'aide éducative et l'assistance aux familles par la lutte contre l'insécurité.

Depuis 1945, il apparaissait que la responsabilité pénale d'un mineur devait être atténuée par rapport à celle d'un adulte et que les sanctions pénales des enfants devaient être avant tout éducatives. La philosophie qui, à l'époque, avait animé sa rédaction n'était pas, loin s'en faut, révolutionnaire, utopiste ou angélique. Elle relevait, en revanche, d'une démarche humaniste, progressiste, partant du principe que la jeunesse est le bien le plus précieux d'une société, puisque en elle réside son avenir, et que tout jeune, tout adolescent, est un être en construction, par définition accessible aux actions d'éducation et dont on ne peut jamais affirmer qu'il est « irrécupérable ».

Comme le disait le préambule de l'ordonnance du 2 février 1945, créant le droit pénal des mineurs et écrite au retour des camps de concentration par des résistants instruits de la réalité carcérale : « La France n'est pas assez riche d'enfants pour qu'elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains ». Aujourd'hui, d'aucuns préfèrent parler de ces mêmes enfants en termes de « racailles », de « sauvages » ou de « de géants noirs des banlieues », comme l’a dit le ministre de l'intérieur lors du conseil des ministres du 28 juin 2006.

La remise en cause de la différence de traitement pénal entre les enfants et les adultes a commencé avec la loi Perben I de septembre 2002, qui a créé des centres fermés pour mineurs s'apparentant à de la prison et a instauré la comparution à délai rapproché, proche de la comparution immédiate, et les sanctions éducatives dès dix ans, qui ressemblent à des sanctions pénales.

Le projet sur la prévention de la délinquance de 2006 termine l'assimilation pénale de l'adolescent à l'adulte, en appliquant à l'enfant de plus de seize ans les mêmes mesures judiciaires qu'au majeur : le « plaider coupable » et les comparutions immédiates ; le contrôle judiciaire et la détention provisoire en matière de délits ; la mesure d'activité de jour, comparable au travail d'intérêt général.

En ce qui concerne la comparution immédiate des mineurs, permettez-moi de préciser que la transposition d'une telle procédure aux mineurs méconnaît la spécificité de l'enfant, tant sur le plan juridique qu'éducatif. En effet, le recours à cette procédure nécessite le consentement de l'intéressé, ce qui est contraire à l’incapacité juridique du mineur.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Évidemment !

M. Patrick Braouezec. Au plan éducatif, il est acquis, d’autre part, qu'un temps est nécessaire pour la prise en compte de l'acte et de ses conséquences. La prise de sanction rapide sera donc contre-productive d'un point de vue préventif et ne contribuera nullement à la lutte contre la récidive.

Les principales mesures prévues par cette loi dite de prévention de la délinquance ne font qu'augmenter l'attirail répressif, dans un fourre-tout dangereux – bien au-delà de la simple question des mineurs – pour la démocratie : nouvelles compétences du procureur en matière de prévention ; pouvoirs coercitifs du maire ; création de fichiers éducatifs et psychiatriques ; garde à vue psychiatrique de 72 heures ; aggravation des sanctions pénales en matière de violences volontaires, d'entrave à la circulation des trains et d'usage de stupéfiants ; légalisation des indicateurs en matière d'infractions sexuelles ; légalisation de la provocation policière en matière de stupéfiants ; durcissement de la sanction en cas de récidive et des conditions permettant la réhabilitation pénale ; extension des pouvoirs pouvant déboucher sur l’arbitraire de la police municipale et des contrôleurs des sociétés de transports en matière de contrôle d'identité et de rétention – et j’en passe. Poursuivant la frénésie législative, ces nouvelles dispositions modifient d'ailleurs des lois qui viennent à peine d'être votées, comme la loi sur la récidive de décembre 2005 ou celle sur l'égalité des chances de mars 2006 !

Ce projet de loi étend au domaine social et sanitaire des mesures imposées depuis cinq ans dans le domaine strictement pénal : le fichage, le contrôle d'identité, la garde à vue et la pénalisation des problèmes sociaux.

À propos du fichage, il me faut remarquer que, depuis cinq ans, chaque loi pénale a créé ou étendu un nouveau fichier. Sous prétexte de démarche scientifique, il s'agit en réalité de cibler des populations dites « criminogènes », sorte d'assignation à origine, grâce à de nouvelles techniques, de préférence venues des Etats-Unis comme le profilage des délinquants, les méthodes de psychologie cognitive, les prélèvements d'ADN, la vidéosurveillance ou les audiences en téléconférence. Rappelons que notre pays ne manque déjà pas de fichiers : le STIC, système de traitement des infractions constatées, concerne 24 millions de personnes – la CNIL a d’ailleurs dénoncé un taux d’erreurs de 25 % dans les données du fichier ; le fichier national des empreintes génétiques, qui contient plus de 270 000 profils génétiques ; le fichier des délinquants sexuels ; celui des demandeurs de visas ; le fichier Éloi, qui recense les personnes hébergeant des étrangers et les visiteurs des étrangers retenus – je pourrais poursuivre l’énumération.

Avec ce projet de loi, la démarche de fichage pénal atteint l'action éducative et sociale, en créant le fichier des élèves de l'éducation nationale, qui sera croisé avec celui des prestations familiales et avec celui des conseils pour les droits et devoirs des familles, sous la « coordination » du maire. Ce dernier coordonnera à la fois les nouveaux fichiers et les professionnels de l'action sociale et éducative, partageant avec eux leur secret professionnel. Mais est-il prévu de demander aux personnes concernées leur accord, avant que des éléments privés de leur vie soient ainsi transmis et partagés ?

Par ailleurs, je rappelle que le Parlement, lors du débat sur la loi du 22 juillet 1992, portant réforme des dispositions générales du code pénal, avait refusé de consacrer la notion de secret partagé. Plusieurs tentatives ont depuis eu lieu, il est vrai, pour y revenir. Pour mémoire, le secret professionnel est l’un des indicateurs de la valeur démocratique de toute société. Notre gouvernement devrait donc se soucier d'être en congruence avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans lequel sont précisées les exceptions rendant possible la levée du secret professionnel ; n'y sont aucunement mentionnées les difficultés sociales, éducatives ou matérielles.

Ce projet touche aussi aux libertés individuelles. En effet, il prévoit, à l’article 46, de généraliser les contrôles d'identité – normalement destinés à la recherche des délinquants – à l'ensemble de la circulation des personnes, en dotant les contrôleurs et agents agréés des entreprises de transport – publiques ou privées – des mêmes pouvoirs que les policiers et en leur permettant même de décider de quasi gardes à vue, ce qui constitue une sérieuse atteinte à la liberté d'aller et de venir. Cette possibilité est aussi octroyée, par l’article 21, au maire, qui pourra décider, même sans avis médical, d'une rétention de 72 heures, si l'ordre public est perturbé par des personnes souffrant de troubles mentaux.

Mais ce n'est pas tout ! Ce projet, qui prétend prévenir la délinquance, ne fait que prévoir de nouvelles sanctions pour les plus démunis, pénalisant la misère au lieu de la soulager. En matière pénale, la loi sur la sécurité intérieure du 18 mars 2003 avait déjà créé des infractions de la pauvreté : mendiants, prostituées et nomades se voyant punis d'amendes et d'emprisonnement. Ce nouveau projet, combiné avec la loi sur l’égalité des chances du 31 mars 2006, étend les sanctions des populations en difficulté, en abolissant la frontière entre difficultés sociales, absentéisme scolaire et délinquance. Ainsi, ce sont de véritables sanctions judiciaires – suspension des allocations familiales, admonestation, travail d'intérêt général de 30 heures – qui seront prononcées par les autorités administratives contre des familles endettées ou dépassées par l'éducation de leurs enfants, dans une totale confusion des pouvoirs ! Jusqu'à présent, seuls les juges des enfants et les juges des tutelles étaient compétents pour décider, après une procédure contradictoire et l'exercice des droits de la défense, de telles atteintes aux libertés.

Aux termes de l’article 6, en cas de non respect du contrat de responsabilité parentale, c'est désormais le maire lui-même qui sanctionnera les familles, en violation flagrante de la séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire. Comme le précise Évelyne Sire-Marin, ancienne présidente du syndicat de la magistrature, nous assistons, avec cette transformation du maire en shérif, à une « municipalisation de la justice ».

Il se trouve que ce débat parlementaire débute le jour même où l'Association des maires de France tient son congrès. Ce matin, dans un quotidien, son président, Jacques Pélissard, interrogé à propos du projet de loi, précisait qu'il était « hors de question que les maires jouent un rôle répressif ». « Le pouvoir de sanction relève de l'État à travers ses services de police et de justice », déclarait-il, et les maires « n'ont pas pour mission d'exercer un rôle de sanction ou de tutelle sur les allocations familiales ».

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Ce n’est pas dans le texte !

M. Patrick Braouezec. Espérons que nous l'entendrons ! Espérons aussi que ce gouvernement entendra la demande des nombreuses associations familiales qui ne comprennent pas pourquoi aucun représentant des familles ou des associations n'est associé, selon l’article 6, aux conseils des droits et devoirs des familles présidés par le maire.

Permettez-moi, à ce propos, de m'étonner des termes, « droits et devoirs », derrière lesquels se profile un relent d'ordre moral reposant sur la dénonciation de familles en situation sociale précaire.

Si ce projet est voté, le pouvoir de police du maire remplacera définitivement l'action sociale, dans un objectif obsessionnel de lutte contre l'insécurité. Une telle perspective ignore délibérément les conditions sociales d'origine ou d'existence pour faire de la responsabilité individuelle la pierre angulaire de la délinquance, du chômage, de la folie, de la misère ou des difficultés éducatives.

Cette ignorance volontaire des causes sociales de la délinquance est une régression considérable par rapport à tous les acquis depuis 1945 en matière de traitement de la délinquance, en vertu desquels, selon le principe de défense sociale, il était prioritaire de combattre la pauvreté et d'améliorer l'éducation pour éradiquer la délinquance.

Ce projet est le signe d'un choix de société au caractère idéologique très fort. Quelques mois après la loi sur l'immigration et l'intégration, dans laquelle de nombreux droits fondamentaux ont été bafoués, le Gouvernement présente un texte qui s'attaque à des droits et des libertés à valeur constitutionnelle, notamment le respect de la vie privée, la dignité et les droits de la défense. Il s'agit non seulement d'un texte d'affichage, dans la perspective des prochaines élections de 2007, mais également d’un texte qui vise la jeunesse tout entière, comme cela avait déjà été le cas lors de l’élection présidentielle de 2002, avec la mise en avant de politiques sécuritaires, notamment à l’encontre des mineurs délinquants.

Ce projet de société repose sur les valeurs de l’économie libérale, dont l’ambition n’est pas de partager les richesses avec l'ensemble de la société mais de laisser une partie de la population sur le bord de la route, sans perspectives d'intégration sociale ou professionnelle. La décennie qui vient de s'écouler a vu s'amplifier l'injustice sociale, le chômage et la précarité, avec leurs atteintes insupportables à la dignité : des parents chômeurs à vie, déclassés et déconsidérés ; une vie indigne dans des logements insalubres ; des expulsions ; un accès à la santé de plus en plus difficile ; une école de moins en moins porteuse d'ascension sociale.

Ces phénomènes se sont durablement installés, créant de véritables poches de misère. Dans ces quartiers populaires, la jeunesse a perdu l'espoir de trouver une place dans la société. Cette absence de perspectives d'avenir, cette perte de lien social et l'exacerbation de l'idéologie individualiste ont eu, et continuent d'avoir, des conséquences particulièrement graves sur les jeunes les plus fragiles de notre société. Leurs réactions désespérées et violentes suscitent des réflexes sécuritaires, alors qu'il faudrait s'attaquer aux causes de la montée de cette violence. Or, au lieu de cela, les victimes du système sont renvoyées à leur propre responsabilité, et les pauvres comme les jeunes sont aujourd'hui lourdement pénalisés s'ils n'acceptent pas de s'engager dans les voies étroites, le plus souvent sans issue, qui leur sont proposées.

C'est pourquoi les politiques libérales menées par votre gouvernement, parce qu'elles génèrent de la souffrance et de la révolte, ont besoin d'un État qui contrôle ces « populations à risque ». Celui-ci se dote, dès lors, de moyens pour réprimer ceux qui se révoltent plutôt que de mener les politiques économiques et sociales qui favoriseraient un emploi pour tous et une place pour chacun. Ainsi, de même qu'une partie de la jeunesse se trouve désormais mise à l'écart, les franges de la population les plus fragiles subissent aujourd'hui différentes formes de pénalisation en lieu et place de l'aide à la réinsertion et de l'accès aux droits fondamentaux que sont le logement, la santé, l’emploi.

De même, l'ensemble des discours stigmatisant les habitants de ce territoire de la République qu'est la Seine-Saint-Denis – et certains l’ont encore fait tout à l’heure –concourt à les marquer du sceau de l'infamie humaine, les excluant ainsi de la communauté nationale. En faisant cela, vous portez une responsabilité lourde, car au lieu de recoudre le territoire, vous en abandonnez des pans entiers. Ce n’est pas parce que le 9-3 est en crise que la société française va mal, mais bien parce qu’il y a une crise de l’État, une crise institutionnelle, une crise sociale et économique que la population la plus fragile de ce département va mal !

Il n’est pas étonnant que la place du travail social dans son ensemble soit fortement remise en question par ces orientations politiques, le contrôle des populations se substituant à l’aide à l’intégration sociale. Cela a commencé par les conseils de sécurité intérieure, initialement créés pour lutter contre le terrorisme, mais qui, sous l'impulsion de ministres de l'intérieur successifs, se sont transformés en machine de guerre gouvernementale contre le nouvel ennemi intérieur : la jeunesse.

C'est dans ce cadre qu'ont été développés les outils répressifs ou de contention à l’encontre des jeunes, mais aussi de leurs parents. Cela s'est poursuivi par des modifications successives de l'ordonnance de février 1945 relative à la justice des mineurs. Modifiée plus d'une vingtaine de fois en soixante ans, cette ordonnance est loin d'être obsolète, comme le clament ses détracteurs. Ces dernières années, les modifications successives de cette ordonnance ont toutes eu pour but d'aligner la justice des mineurs sur celle des majeurs, je l'ai déjà dit. Mais un pas supplémentaire a été franchi avec la nomination massive d'éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse dans des établissements pénitentiaires pour mineurs, dont les premiers voient le jour cette année.

Derrière le glissement du champ d'intervention de la PJJ entraînant une confusion des champs éducatif et répressif, se cache le projet de rechercher principalement les solutions aux problèmes des mineurs délinquants dans la sphère du carcéral. Cela renvoie à une conception de l'éducation qui s’inspire largement des théories comportementalistes. Il ne s'agit plus d'éduquer, d'accompagner dans la vie réelle et de favoriser l'accès à l'autonomie et à la responsabilité par la confrontation aux échecs et aux succès, il s'agit de redresser la jeunesse. Pure illusion pourtant que de croire que la menace et la contention favorisent l'évolution des adolescents, les aident à intégrer les normes sociales et réparent des enfances fracassées.

Cette jeunesse serait-elle pire et davantage encline à commettre des actes préjudiciables que ne l'a été celle de mon époque, par exemple ? Croyez-vous que la répression, déjà à l'œuvre, permette de réduire le nombre des incivilités ? L'observatoire de la délinquance, institué par le ministre de l'intérieur, vient de communiquer que les violences contre les personnes avaient augmenté de 7,5 % depuis juillet 2005 : la répression n'est donc pas dissuasive. Dès lors, il serait judicieux de prendre le temps de l'analyse et de quelques remises en cause, voire d’une certaine distanciation. Mais il n'en est rien.

Tout cela est extrêmement grave et aboutit à la stigmatisation et à la mise à l’écart de pans entiers de notre société. On parachève ainsi la pénalisation de la pauvreté, à l'oeuvre depuis des années, et le traitement de la délinquance se substitue à l'éducation des mineurs en grande difficulté.

Il importe de nous interroger sur le sens donné aux concepts de prévention et de délinquance. Traditionnellement, la loi pénale considérait les publics vulnérables comme des personnes devant être accompagnées. Aujourd'hui, en stigmatisant des publics fragiles, ce projet les assimile à des délinquants qu'il faut sanctionner ou réprimer. Quand, en préalable à toute loi, sera-t-il procédé à une analyse sémantique des termes visés, de façon à éviter leur amalgame et la généralisation abusive qui ne permet plus de distinguer la prévention du traitement de la délinquance ? En effet, ce projet ouvre la porte à toutes les confusions entre prévention, action éducative, action sociale et action policière. Si les unes et les autres sont nécessaires, il n'en demeure pas moins que chacun doit être identifié dans ses responsabilités et ses missions.

Le Gouvernement eût été bien inspiré de relire les principes directeurs des Nations unies pour la prévention de la délinquance juvénile : « Pour que la prévention de la délinquance juvénile porte ses fruits, il faut que la société tout entière assure le développement harmonieux des adolescents en respectant leur personnalité et en favorisant l'épanouissement des jeunes dès la plus tendre enfance. Les jeunes devraient avoir un rôle actif de partenaires dans la société et ne pas être considérés comme de simples objets de mesures de socialisation et de contrôle. »

C'est ce dernier aspect qui a été privilégié, et ce projet ne porte aucune vision constructive de la jeunesse. Une société qui a peur de ses jeunes est une société malade. Alors, oui, messieurs les ministres, je regrette que ce projet de loi traduise une vision pessimiste des familles et des jeunes. Cette vision alarmiste vous inspire des réponses radicales qui vont accentuer l'exclusion de nombreuses personnes. Avec un tel projet, vous portez un coup violent à la société dans son ensemble et vous continuez votre entreprise de déstabilisation des Françaises et des Français. Après vous être attaqués aux migrants et aux travailleurs, vous vous en prenez aux jeunes et, pis encore, aux enfants. Il eût mieux valu choisir des politiques de fond permettant de s'attaquer durablement à la racine du problème : l'insécurité sociale.

Il serait plus pertinent d’améliorer l'accès à l’emploi pour le plus grand nombre – parents ou jeunes accédant au marché du travail –, à des logements décents et bien desservis, à des infrastructures installées au plus près de l'habitat, de qualité – et gratuites pour ceux qui n'ont pas les moyens –, en matière de loisirs, de culture, de soutien scolaire, de sport. Il vaudrait mieux multiplier les postes de travailleurs sociaux de prévention, ceux de la protection judiciaire de la jeunesse, de l'éducation nationale, de la pédopsychiatrie, des PMI et de la santé scolaire. Il vaudrait mieux développer un véritable partenariat – non au niveau des directions administratives, mais à celui des intervenants directs de terrain – entre PJJ, conseil général, éducation nationale et associations diverses de prévention afin de mener un travail éducatif, social et sanitaire en réseau, en dehors de toute considération d'ordre public et de fichage.

M. Gérard Dubrac. Que ne l’avez-vous fait avant !

M. Patrick Braouezec. Tel n'est pas le cas. Notre jeunesse va en payer le prix, et il y a fort à parier que, ne parvenant pas à enrayer tous les actes de délinquance, vous soyez tentés de réprimer, d’enfermer, de contenir et de contraindre encore un peu plus. Voilà le choix de société que vous nous proposez !

C’est parce que nous refusons ce modèle de société, c’est parce que nous refusons l’amalgame entre pauvreté et délinquance, c’est parce que nous voulons prendre date par rapport à un texte lourd de conséquences pour la démocratie que nous avons déposé cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Baouezec, je ne commenterai pas l’ensemble de vos propos.

M. Patrick Braouezec. C’est dommage !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Mais il est une idée que nous partageons : la jeunesse est le bien le plus précieux. Pour le reste, monsieur Braouezec, vous n’avez cherché qu’à caricaturer ce texte, qui est tout le contraire de ce que vous dites. Il marque avant tout notre volonté – celle que vous n’avez jamais eue – d’accompagner les jeunes les plus en difficulté, grâce à une politique fondée sur la justice et l’équité.

Nous enrichissons – mais vous nous le reprochez –l’ordonnance de 1945 afin de diversifier les réponses à la délinquance des mineurs et de l’adapter aux mineurs de 2006. C’est dans cet esprit que nous essayons d’améliorer la coordination des interventions autour des familles en difficulté, que nous créons le conseil des droits et des devoirs des familles, que nous renforçons le suivi de l’assiduité scolaire.

Il nous faut lutter contre la déscolarisation. Comment pouvez-vous nous reprocher de veiller à ce que les gamins soient en classe, plutôt que dans la rue ? (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Patrick Braouezec. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. C’est ce que vous avez laissé entendre ! Pourtant, comme l’a rappelé le garde des sceaux, votre département est particulièrement concerné par la déscolarisation. Mieux vaudrait, monsieur Braouezec, vous montrer plus modéré à cet égard.

En matière pénale, contrairement à ce que vous dites, ce projet ne crée aucune mesure privative de liberté pour les mineurs.

M. Patrick Braouezec. Certains vont être déçus !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il s’agit seulement d’apporter une réponse plus rapide, mais aussi plus adaptée à chaque âge. Comment pouvez-vous nous reprocher les mesures d’activité de jour, l’exécution de travaux scolaires, les stages de sensibilisation aux dangers de la drogue ? Nous n’avons qu’un souci : protéger les jeunes et, en les guidant vers l’insertion sociale, les aider à tourner le dos à la délinquance.

Vous niez que la délinquance des mineurs ait augmenté ces dernières années.

M. Patrick Braouezec. En effet !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Lorsque nous vous indiquons que la délinquance des mineurs a augmenté de 80 %, vous prétendez que c’est faux. En tout cas, ce n’est pas le sentiment de nos concitoyens. Et vous commettez une erreur majeure, qui consiste à toujours amalgamer jeunesse et délinquance.(Exclamations et rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ça, c’est incroyable ! C’est le summum de la mauvaise foi ! Mais quel culot !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous refusons cette caricature. Je vais vous donner un seul chiffre : aujourd’hui, 5 % seulement des délinquants commettent 50 % des actes de délinquance.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est ce que nous vous disons !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Cela montre bien qu’une grande majorité de notre jeunesse est belle, digne, ambitieuse et qu’elle a besoin que nous l’accompagnions pour pouvoir accéder à l’ascenseur social.

Tel est l’objectif de ce texte : l’égalité des chances pour tous et l’accompagnement des familles les plus en difficulté. C’est cela que vous combattez, monsieur Braouezec, notamment lorsque vous combattez le nouveau positionnement des maires. Tout à l’heure, vous avez pris à témoin le président de l’Association des maires de France : Jacques Pélissard. Or celui-ci n’a fait que réaffirmer le refus des maires de devenir des shérifs. Nous ne le voulons pas non plus, mais qui est le mieux placé pour coordonner l’ensemble des actions auxquelles sont confrontés nos élus locaux, si ce n’est le maire ? C’est lui qui est au carrefour des interventions. Il est le représentant de l’État sur sa commune. Vous qui êtes maire, monsieur Braouezec,…

M. Patrick Braouezec. Je ne le suis plus.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …n’oubliez pas que vous êtes le représentant de l’État et de la population résidant sur votre commune.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il a été maire avant même que vous ne sachiez ce que représente cette fonction !

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, calmez-vous !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le maire doit être le pivot du dispositif, mais il ne sera en rien un maire shérif ou un maire éducateur. Son rôle s’arrête là où commence celui des travailleurs sociaux.

Mme Jacqueline Fraysse. Ce n’est pas ce qu’ils disent !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Aucun pouvoir de sanction ou de coercition ne lui est confié.

Nous voulons relever un véritable défi : pour la première fois, c’est l’ensemble des problèmes, de la prévention à la sanction, qui est traité dans un grand texte transversal. Nous ne voulons plus qu’une petite minorité puisse pourrir la vie de toute une population.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Alors, occupez-vous de cette minorité !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous visons cette petite minorité, organisatrice de trafics en tous genres – drogue, voitures volées, etc. –, que les gens ne supportent plus. Ils nous supplient, du fond de leur détresse, d’apporter à ce problème une réponse efficace. C’est pourquoi j’appelle au rejet de cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jacques-Alain Bénisti, pour le groupe de l’UMP.

M. Jacques-Alain Bénisti. Je me contenterai d’apporter quelques précisions complétant celles que vient de donner M. le ministre.

Je m’adresse à l’ancien maire de Saint-Denis plutôt qu’au député…

M. Patrick Braouezec. Vous pouvez aussi vous adresser à l’ancien instituteur.

M. Jacques Remiller. Spécialisé !

M. Jacques-Alain Bénisti. Comme l’a dit M. le ministre, nous n’avons sans doute pas lu le même projet de loi et nous ne devons pas connaître les mêmes quartiers sensibles. (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Patrick Braouezec. Je ne parlais pas des quartiers sensibles des banlieues chics !

M. Jacques-Alain Bénisti. Je suis maire de Villiers-sur-Marne, qui abrite une cité sensible de 6 500 habitants, avec beaucoup de familles en difficulté !

Je suis en total désaccord avec vous quand vous dites que la délinquance vient automatiquement de familles en grande difficulté sociale.

Mme Arlette Franco. Très juste !

M. Patrick Braouezec. Il est de notoriété publique que la bourgeoisie contribue à la grande délinquance !

M. le président. Monsieur Braouezec, laissez votre collègue s’exprimer !

M. Jacques-Alain Bénisti. Il existe, dans ces familles, des jeunes qui réussissent dans la vie, dans leur parcours de citoyen, et ce n’est pas parce qu’une famille est en grande difficulté qu’elle va automatiquement produire un délinquant. Je pense que nombreux sont les maires à refuser ce cliché.

Nous ne faisons pas fi des difficultés rencontrées par les familles : c’est pour y répondre que nous créons le conseil des droits et devoirs des familles. L’aide à la parentalité constitue un des volets du projet de loi, et, contrairement à la caricature que vous en faites, il ne s’agit pas de condamner les parents du délinquant.

M. Patrick Braouezec. Vous les culpabilisez !

M. Jacques-Alain Bénisti. S’agissant des dispositions relatives aux malades psychiatriques, je veux répondre à vos critiques à partir d’un exemple survenu dans ma ville : interné à la demande de sa mère, mais autorisé à sortir par le psychiatre de permanence, un dément, une fois rentré chez lui, a jeté le chien du deuxième étage. Il a ensuite suivi sa mère qui emmenait l’animal chez le vétérinaire et poignardé celui-ci ainsi que le chien ! Voilà un fait concret – vous en avez sans doute connu de similaires lorsque vous étiez maire. Voilà ce que nous subissons tous les jours !

M. Patrick Braouezec. Où voulez-vous en venir ?

Mme Jacqueline Fraysse. Ce sont des malades !

M. Jacques-Alain Bénisti. À aucun moment vous n’avez eu de pensée pour les victimes ! (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Prenons un autre exemple concret – car nous ne devons pas raisonner en termes idéologiques. Dans ma commune, sur 1 517 délits constatés, 75 ont été élucidés, donnant lieu à seulement 23 peines prononcées ! Que répondez-vous aux 1 414 victimes qui n’ont pas obtenu satisfaction ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Frédéric Dutoit. Et vous, que leur répondez-vous ?

M. Jacques-Alain Bénisti. Je propose donc le rejet de la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Michel Vaxès. Notre collègue Patrick Braouezec a exposé les multiples raisons d’adopter la question préalable. Pour ma part, j’insisterai sur deux d’entre elles, essentielles.

La première – et la plus évidente – est l’absence de lien entre l’objet du texte, la prévention, et son contenu. Nous avons dû en lire et relire les articles, tant nous ne pouvions y croire : il n’est nullement question de prévention de la délinquance dans ce projet de loi qui nous ramène deux millénaires en arrière.

Laissez-moi en effet vous lire une excellente définition de la prévention, proposée il y a près de 2 300 ans par un certain Aristote : « éduquons les enfants, nous n’aurons pas à punir les adultes ». Cette voix, vous refusez de l’entendre, comme vous refusez d’entendre celle, plus proche, de Victor Hugo, qui nous invite à ouvrir des écoles afin de pouvoir fermer les prisons.

M. Gérard Dubrac. Que ne l’avez-vous fait !

M. Michel Vaxès. Est-il question d’éducation dans ce projet de loi ? En était-il davantage question dans les textes précédents : lois Perben I et II, lois sur la récidive ou sur la sécurité intérieure ? Non ! Et j’y reviendrai lors de la discussion générale…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Non, c’est inutile !

M. Michel Vaxès. Oh si, vous devrez supporter nos interventions jusqu’à la fin de ce débat.

Ce texte méritait un autre intitulé que celui que le Gouvernement nous propose. Il eût été plus honnête de l’appeler « projet de loi pour la présomption de la délinquance et sa répression », car il se contente de désigner les publics à risques susceptibles de glisser vers la délinquance. Les différents dispositifs proposés n’ont pour objectif que de donner une nouvelle définition du prédélinquant, de désigner celui qui, en raison de sa situation sociale, scolaire, psychologique, familiale, médicale ou de son habitat, doit être regardé comme potentiellement dangereux. Pas pour l’aider, non, mais pour le signaler aux maires, l’inscrire dans un fichier, pour mieux le surveiller en attendant, demain, de le punir parce que l’on en aura a priori décidé ainsi. Rien, strictement rien ne s’apparente à une mesure préventive dans ce texte ! Vous ne cherchez qu’à faire de la répression.

Seconde raison essentielle d’adopter la question préalable : ce texte sera source d’insécurité juridique et fragilisera toute action en direction des publics visés. Selon le Conseil constitutionnel, l’accessibilité et l’intelligibilité de la loi sont des exigences de valeur constitutionnelle. Quant au Parlement, il doit veiller à assurer aux personnes physiques et morales un environnement juridique décemment stable, intelligible et paisible. Nous en sommes loin, convenons-en. Ces principes, si précieux, sont pour le moins malmenés : dans le domaine de la chaîne pénale – justice et police –, nous en sommes, depuis quatre ans, à la dixième loi sur l’insécurité !

M. Patrick Braouezec. C’est une véritable obsession !

M. Michel Vaxès. Peut-on considérer que la sécurité de nos concitoyens est envisagée de manière sereine par le Gouvernement dès lors qu’il nous propose deux à trois textes par an sur ce même thème ? S’il avait une politique claire dans ce domaine, devrait-il si souvent remettre l’ouvrage sur le métier ? Aurait-il besoin de modifier des lois qu’il vient à peine de faire adopter et de proposer une nouvelle loi au lendemain de chaque fait divers ? Dans un domaine aussi sérieux que celui de la sûreté, les tergiversations et les modifications législatives réalisées dans l’urgence, au coup par coup, sont dangereuses. Elles trahissent la fébrilité du Gouvernement et son incapacité à traiter au fond les problèmes qui l’occupent.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Vaxès.

M. Michel Vaxès. J’en termine, monsieur le président.

Nous sommes tout aussi loin de l’objectif de clarté de la loi. Déjà, le citoyen était censé ne pas ignorer les lois que nous avons adoptées il y a quelques mois sur la récidive ou les violences au sein du couple. Or un certain nombre de dispositions proposées ici vont venir empiéter sur d’autres textes – loi de programmation pour la cohésion sociale, loi pour l’égalité des chances ou projet de loi réformant la protection de l’enfance, qui reste à examiner par notre assemblée. Toutes ces dispositions vont se chevaucher, se superposer, plutôt que de se compléter. Or toutes concernent les populations les plus vulnérables ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Vaxès…

M. Bernard Carayon. C’est ce qui s’appelle parler pour ne rien dire !

M. Michel Vaxès. Comment, dans ces conditions, pouvons-nous espérer une prise en charge sérieuse des publics concernés ?

Pour ces raisons, nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Monsieur le président, vous agiterez-vous tout autant lorsque certains, de l’autre côté de l’hémicycle, dépasseront leur temps de parole ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Rassurez-vous, monsieur Vaxès, je fais respecter notre règlement de manière équitable.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Dans le discours de Patrick Braouezec, un mot se détache plus particulièrement : celui de prévention. Celle-ci implique un travail éducatif et social, une action sur le cadre de vie, la mise en place de réseaux, l’accès à la santé, la lutte contre la toxicomanie, le travail dans les quartiers (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),

M. Michel Vaxès. Cela vous agace ?

Mme Jacqueline Fraysse. C’est normal, il n’y a rien de tout cela dans le texte !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Vous ne savez donc pas lire ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …et elle se fait par le biais de l’intervention des éducateurs, des animateurs, des conseils de prévention, des conseils intercommunaux de sécurité, des adultes référents ou des adultes relais. Tels sont, selon nous, les instruments de cette prévention.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Tout cela existe déjà !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Votre texte est le fruit d’une manipulation. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous manipulez la prévention pour mieux cacher le sixième texte sécuritaire de la législature !

M. Bernard Carayon. S’il en faut dix, nous n’hésiterons pas !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La prévention de la délinquance n’est pas ce que servent les modifications, voire les bouleversements auxquels vous procédez. C’est ce qui se place avant,…

M. Bernard Carayon. Avant, il y avait Jospin !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …là où se trouvent les causes, sur lesquelles nous pouvons agir, et non dans le processus de sanction.

M. Bernard Carayon. Il faut envoyer des sociologues, alors ? Cela fait vingt-cinq ans que l’on entend ces bêtises !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Croyez-vous qu’un maire ne peut pas, aujourd’hui, se placer au cœur de la dynamique de prévention ? Quand on en a la volonté, on n’a pas besoin de la loi pour cela ! Les maires n’ont pas eu besoin de nouveaux instruments légaux pour être au cœur des conseils communaux de prévention, des comités de quartier, des centres socioculturels ! Ils n’avaient que la volonté d’agir en faveur de la cohésion sociale, même si, à l’époque, cela ne s’appelait pas encore ainsi.

M. Bernard Carayon. Cela ne veut rien dire ! C’est du baratin !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Du baratin ? Cela fait vingt-cinq ans que je porte une politique de prévention dans ma commune ! Et quand j’ai commencé, la loi n’attribuait pas aux maires des pouvoirs exorbitants de la légitimité qu’ils tirent du suffrage ni des responsabilités qu’ils exercent à l’égard des citoyens !

Quand je demandais un placement en hôpital psychiatrique, monsieur Bénisti, j’ai toujours su si la personne concernée ressortait ou si elle restait internée. Comme c’était un de mes administrés, je voulais connaître sa situation. Chaque fois que le préfet confirme l’hospitalisation, il m’en informe, de même que le fait le médecin psychiatre chaque fois qu’il décide d’autoriser la sortie d’un patient. Car c’est de lui que relève cette décision, et de nul autre, maire ou préfet. À cet égard, l’exemple que vous nous avez donné était tout sauf pertinent : comment pourriez-vous l’empêcher de décider que le patient doit sortir ou non ?

M. Jacques-Alain Bénisti. Lisez le projet de loi !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je rappellerai enfin le rôle des conseils intercommunaux de prévention de la délinquance – ils sont parfois installés dans des communes qui n’avaient nullement obligation de le faire, et leur action peut faire l’objet de contrats de projet signés dans le cadre de la politique de la ville.

M. Bernard Carayon. Peut-on mettre un terme à tout ce blablabla ? Nous n’avons pas de temps à perdre !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ces conseils fonctionnent et portent de vrais enjeux de prévention. Or le texte que vous voulez nous faire voter et que nous allons combattre détourne ces enjeux pour se contenter de stigmatiser certaines populations, certaines catégories et certains quartiers.

M. Richard Mallié. Cessez de faire de l’angélisme !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Purement sécuritaire, votre réponse est totalement inadéquate. C’est pourquoi nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Bernard Carayon. Laxistes !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il convient de rappeler les objectifs des différentes motions de procédures. L’une vise à renvoyer en commission un texte insuffisamment préparé. L’autre considère qu’un projet ou une proposition est contraire à la Constitution et n’est donc pas recevable. La question préalable, elle, tend à affirmer qu’il n’y a pas lieu à délibérer.

M. Patrick Braouezec. Pas sur ce projet, non !

M. Jean-Christophe Lagarde. Or, selon moi, les situations causées par la délinquance doivent faire l’objet d’un débat. Il m’apparaîtrait donc inapproprié, voire dommageable, d’adopter la question préalable. J’ai d’ailleurs du mal à comprendre, compte tenu des controverses que je viens d’entendre, qu’il n’y ait pas lieu de débattre.

Par ailleurs, qu’est-ce qu’un projet de loi de prévention de la délinquance ?

M. Patrick Braouezec. Tout sauf ce texte !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je siégeais sur ces bancs, en tant que porte-parole de l’UDF, lors de la discussion du projet de loi sur la sécurité intérieure. À l’époque, un certain nombre de collègues souhaitaient une loi sur la prévention de la délinquance. Pour ma part, j’étais perplexe : en quoi une loi pouvait-elle créer ou gérer la prévention de la délinquance ? En effet, il me semblait que l’on ne pouvait y parvenir que grâce à des moyens ou, éventuellement, j’en conviens, grâce à une loi de programmation.

Je vous rappelle toutefois, chers collègues, que nous ne votons pas le titre d’une loi…

M. Patrick Braouezec. Il ne vaut mieux pas, en l’occurrence !

M. Jean-Christophe Lagarde. …puisqu’il n’apparaît pas dans les codes et n’influe donc pas sur la vie des Français. Le titre n’est qu’un instrument de communication. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Jacqueline Fraysse et M. Patrick Braouezec. C’est de l’affichage politique !

M. Jean-Christophe Lagarde. En l’occurrence, il consiste à lui donner le sens désiré.

Le ministre de l’intérieur s’était engagé – à la demande de M. Blazy, si mes souvenirs sont bons – à présenter un texte sur la prévention de la délinquance. On ne peut donc pas affirmer ici qu’il n’y a pas lieu de débattre ou que ce texte ne présente pas de mesures pouvant être utiles, monsieur Le Bouillonnec !

Je vous répondrai avec humilité, cher collègue. Après vous avoir écouté, j’ai cru comprendre qu’en tant que maires, vous obteniez tous les renseignements que vous souhaitiez. Il se trouve que je ne parviens pas, quant à moi, à savoir si une personne que j’ai mise en hospitalisation d’office en est sortie, si ce n’est par courrier du préfet que trois mois plus tard. Soit je suis un mauvais maire,…

M. Jacques-Alain Bénisti. Moi aussi, je dois être un mauvais maire !

M. Jean-Christophe Lagarde. …soit le préfet fait preuve de mauvaise volonté, soit les médecins ne disposent pas de moyens administratifs suffisants.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Soit, il n’y a pas de raisons !

M. Jean-Christophe Lagarde. Toujours est-il que je me suis ainsi retrouvé dans mon bureau face à une personne manifestement dangereuse et sortie d’un hôpital psychiatrique qui nous est commun, cher collègue, sans en avoir été prévenu. Or il était impératif de couper le gaz dans son logement d’un immeuble social, parce que cela pouvait représenter un danger. Je déposerai donc un amendement pour que le maire soit informé quarante-huit heures à l’avance, en vertu de la loi et non du fait des bonnes volontés ou des plus ou moins bonnes relations que les uns entretiennent avec les autres.

J’ai participé, hier, à une réunion entre les maires de Seine-Saint-Denis et le procureur de la République de Bobigny pour discuter d’une procédure de composition pénale, dans le cadre de la médiation pénale, qui ne passerait pas par le juge des enfants et serait donc plus rapide. Ce n’est pas stupide, même si vous la qualifiez de mesure répressive. La prévention de la délinquance dans un département comme le mien – et, je le crois, dans tous les départements de France – a besoin, je le répète, d’un budget de la justice qui soit à la hauteur de ce que demande normalement une grande démocratie occidentale. On ne peut admettre que, dans un département, vingt-cinq éducateurs gèrent, chacun, 250 à 300 personnes. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Jacqueline Fraysse. Nous sommes d’accord !

M. Patrick Braouezec. C’est ce que j’ai dit !

M. Jean-Christophe Lagarde. Dont acte ! Est-ce que, pour autant, cela exclut la composition pénale, qui peut s’avérer utile afin de ne pas laisser un gamin à la dérive pendant dix, voire dix-huit mois ? Est-ce que cela exclut tout travail de jour pour les mineurs, qui peut-être utile à la collectivité et marque qu’une faute ne reste pas impunie ? Est-ce que cela exclut que l’on puisse convoquer les parents qui nient les actes de leurs enfants ? Monsieur Le Bouillonnec, vous avez beaucoup de chance si les parents que vous convoquez se rendent à la mairie. Pour ce qui me concerne, tel n’est pas le cas. Si une institution me permet d’y parvenir, pourquoi pas ?

Je vais parler maintenant, non pas en tant que maire, mais en tant qu’ancien surveillant d’externat ou « pion » dans des collèges de Seine-Saint-Denis. Un jeune qui a glissé dans la délinquance n’est pas délinquant à plein-temps. Il se trouve de temps en temps dans un club de foot, dans une association culturelle, dans le service municipal de la jeunesse, chez l’assistante sociale, ou avec la personne qui suit la mesure judiciaire prononcée à son encontre. Le problème, c’est que tous ces gens ne se parlent pas.

M. Jacques-Alain Bénisti. Très juste ! Voilà la réalité du terrain !

M. Jean-Christophe Lagarde. Il n’y a que si je les réunis autour de la table qu’ils y parviendront. Je préfère honnêtement ce système.

La délinquance des quartiers de votre ville, monsieur Braouezec, n’est pas la même que celle que je trouve chez moi. Elle n’a pas les mêmes origines. Je donnais, il y a quelque temps, l’exemple du quartier d’Orgemont, tristement célèbre depuis l’assassinat d’une personne qui photographiait un réverbère et, plus récemment, pour le traquenard tendu aux forces de police. Contrairement au maire d’Épinay, je ne rencontre pas dans ma ville ce genre de problèmes.

M. Patrick Braouezec. Moi non plus ! De plus, Orgemont, ne se trouve pas en Seine-Saint-Denis, mais à Épinay-sur-Seine !

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est ce que j’ai dit. Si vous m’aviez écouté, vous l’auriez entendu !

M. le président. Monsieur Braouezec, on ne vous a pas interrompu pendant votre intervention, alors, soyez correct !

M. Patrick Braouezec. Mais M. Lagarde m’interpelle, monsieur le président !

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous m’auriez écouté, plutôt que de brailler, vous auriez entendu que je parlais d’Orgemont à Épinay !

Cela ne se passe pas non plus de la même façon au Mirail à Toulouse, dans les quartiers nord de Marseille, ou à Clichy-sous-Bois. On ne peut pas davantage comparer Drancy ou Le Blanc-Mesnil, alors que ces deux villes ne sont séparées que par une voie ferrée.

En tant que maire, j’ai besoin que l’on s’intéresse et que l’on s’adapte à la situation réelle des quartiers de ma commune. Je n’appelle pas cela une absurdité.

On ne peut en tout cas pas affirmer qu’il n’y a pas lieu de débattre, et je voterai donc contre cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n’est pas adoptée.)

Rappel au règlement

M. Jean-Marie Le Guen. Rappel au règlement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marie Le Guen. Je remercie mes collègues d’avoir accepté cette discussion entre parlementaires. Je m’étonne toutefois de l’absence du ministre de l’intérieur aux bancs du Gouvernement,…

M. Augustin Bonrepaux. Ce n’est pas normal !

M. Jean-Marie Le Guen. …qui ne me paraît pas tout à fait normale pour un texte de cette importance et qui lui tient tellement à cœur ! Je demande donc une suspension de séance d’un petit quart d’heure pour lui laisser le temps de nous rejoindre. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous ne voudrions pas laisser croire qu’il ne s’intéresse pas au débat parlementaire ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Et Ségolène ?

M. le président. Pour être recevable, monsieur Le Guen, une telle demande doit être formulée par M. Le Bouillonnec, qui détient la délégation de votre groupe.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pour les excellentes raisons énoncées par Jean-Marie Le Guen, je demande un quart d’heure de suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante, est reprise à vingt-trois heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Rodolphe Thomas.

M. Rodolphe Thomas. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, insécurité sociale et économique grandissante dans les quartiers, chômage important, crise du logement, manque de mixité sociale, incivilités, agressions, telles sont, malheureusement, les réalités vécues au quotidien par ceux qui souffrent de l’insécurité, et c’est à cela que nous essayons d’apporter des réponses.

Pour ce faire, depuis trois ans, les grandes orientations d’une politique globale en faveur des quartiers en difficulté – plan de cohésion sociale, lois sur la rénovation urbaine, sur le logement, sur l’égalité des chances – permettent aux maires, lorsqu’ils le veulent, de contribuer positivement à l’amélioration de la vie des habitants dans les cités.

Toutes ces actions initiées par l’équipe de Jean-Louis Borloo commencent à porter leurs fruits, mais, sur le champ de la délinquance, beaucoup reste à faire.

Aujourd’hui, ce n’est donc pas un nouveau débat que nous engageons.

Ce projet de loi, nous le comprenons tous ici, ne permettra pas de résoudre l’ensemble des difficultés. Néanmoins, il doit être un nouvel outil d’action, notamment pour les maires, pivots de la politique de prévention de la délinquance, en quelque sorte de véritables chefs d’orchestre car, même s’ils ne jouent pas de tous les instruments, ils coordonnent l’esprit d’équipe : eux seuls connaissent, avec leurs partenaires, par leurs contacts et leur proximité, ce que sont en droit d’attendre leurs concitoyens.

Grâce à la création en 2001 d’une équipe de police municipale en partenariat exemplaire avec la police nationale, le taux de délinquance dans ma commune a baissé de plus de 30 % à la suite d’actions menées au plus près des habitants.

Il est essentiel que le maire entretienne de bons rapports avec la police nationale pour que l’on puisse mener à bien une politique de prévention.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est vrai !

M. Rodolphe Thomas. En tant qu’élus locaux, nous avons des pouvoirs qui restent limités et, souvent, nous nous sentons impuissants pour résoudre certains cas de délinquance plus que révoltants.

Nous sommes pris en otage car l’État, d’une part, ne nous donne pas les moyens d’agir et, d’autre part, n’agit pas toujours lorsque nous lui demandons de le faire.

Je pense sincèrement que la police nationale a un rôle majeur à jouer en redéployant ses moyens au plus près des habitants avec des actions visibles et rassurantes. Je parle ici de présence sur le terrain. Ne vous en déplaise, monsieur le ministre, la police de proximité et d’îlotage doit être rétablie.

Une politique de sécurité, où la prévention retrouverait toute sa place, est le seul moyen d’établir un lien de confiance et de concertation avec la population et de lutter contre le climat de peur.

Aujourd’hui, l’État semble sous-traiter une grande partie de l’action préventive auprès des maires. Ils doivent pallier, avec leurs effectifs de police municipale et des budgets restreints, les baisses des actions de prévention de la police nationale. Si vous voulez aller dans ce sens, augmentons alors les moyens alloués aux polices municipales – pourquoi pas dans le cadre du fonds de prévention pour la délinquance ?

En ce qui concerne le fonctionnement des CLSPD, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, tous les partenaires – préfets, police nationale, police municipale, éducateurs, animateurs, éducation nationale, mais aussi associations de prévention et services de transports en commun – participent activement à l’élaboration de véritables actions de prévention, et les résultats sont là dans ma commune.

Aussi, je ne voudrais pas que les bons élèves soient sanctionnés par la baisse des effectifs des commissariats et que la police municipale fasse le boulot des autres sous prétexte que c’est elle qui connaît le mieux la sociologie de la ville. (« Absolument ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Il a raison !

M. Rodolphe Thomas. Voilà comment nous pourrons lutter efficacement contre les zones de non droit et rassurer les Français, qui se sentent abandonnés.

Votre texte parle de prévention. Réfléchissez donc bien à cet aspect important du travail de terrain de la police nationale. N’est-ce pas une solution pour rétablir un dialogue entre jeunes et policiers et éviter ainsi les discours et actes de haine dans les banlieues difficiles ?

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

M. Rodolphe Thomas. Tous les Français ont droit au même niveau de sécurité, rappelons-le, et cela indépendamment de la volonté des municipalités de mener de bonnes politiques de prévention de la délinquance.

Très souvent, dans les quartiers de ma ville, je rencontre des habitants indignés par le sentiment d’impunité qui règne dans certains quartiers.

M. Jacques-Alain Bénisti. Voilà un élu de terrain !

M. Rodolphe Thomas. Je ne parle pas ici de tolérance zéro mais de situations révoltantes non sanctionnées.

Dans un premier temps, sans un système répressif adapté, aucune prévention ne peut porter ses fruits. Aucune infraction, quelle que soit sa gravité, ne doit rester impunie. À chaque acte délictuel doit donc correspondre une sanction adaptée pour mettre un terme à ce sentiment d’impunité qui règne dans nos quartiers difficiles.

Comment ne pas être révolté face à certaines remises en liberté de mineurs ? Elles sont parfois abusives et, surtout, sources de récidives. Et quid des délais parfois interminables de prise en charge des mineurs délinquants par les services spécialisés ? Nos concitoyens, vous le savez tous, attendent des réponses fermes. Il s’agit, entre autres – et je ne suis pas le seul à l’exprimer –, d’un problème d’application des peines.

Que se passe-t-il concrètement dans les quartiers qui ont subi des violences urbaines ? On assiste en partie à une aggravation des trafics de stupéfiants, véritable économie souterraine dans les banlieues, qui génère de facto la ghettoïsation de certains quartiers de non-droit, où il est plus facile de dealer que de travailler. Vos propositions en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants vont dans le bon sens. Il n’en demeure pas moins que seule une affectation suffisante d’agents de police nationale sur ces missions est garante de succès.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est vrai !

M. Rodolphe Thomas. Cela fait des décennies que l’on en parle sans rien entreprendre pour stopper cet état de fait.

Les émeutes des banlieues montrent qu’au-delà des groupes de jeunes impliqués dans ces violences, il y a aussi toute une population qui est en décrochage, en perte de repères, en manque de perspectives d’avenir, en déficit de reconnaissance, de respect et d’écoute. C’est pour cela que nous devons tous travailler ensemble afin de résoudre les difficultés et d’accompagner une population qui se sent laissée pour compte.

M. le président. Je vous prie de conclure.

M. Rodolphe Thomas. Les actions préventives en termes d’éducation que vous proposez – lutte contre l’absentéisme, accompagnement parental, création du conseil pour les droits et devoirs des familles, rappel à l’ordre, nouvelles sanctions éducatives – ont le mérite de coordonner les interventions de tous les acteurs en charge de la prévention de la délinquance. C’est un axe essentiel pour une bonne cohésion sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes collègues Patrick Braouezec et Michel Vaxès ont déjà dit et diront ce que les députés communistes et républicains pensent de ce texte qui prétend prévenir la délinquance, mais qui, en réalité, ne fait que stigmatiser les personnes en difficulté sociale.

Usant et abusant de l’exaspération légitime de nos concitoyens face aux actes de délinquance qui pourrissent leur vie quotidienne, ce texte met en place des dispositions aussi inacceptables qu’inefficaces.

Tout d’abord, monsieur le ministre, vous ne proposez rien au plan social pour prévenir l’installation des comportements délinquants, car, je vous le rappelle, on ne naît pas délinquant, on le devient.

M. Jacques-Alain Bénisti. Très juste !

Mme Jacqueline Fraysse. C’est la misère sociale qui est le terreau de la délinquance,…

M. Bernard Carayon. Quelle bêtise !

Mme Jacqueline Fraysse. …et non, comme on a pu l’entendre, la polygamie ou l’origine ethnique.

Monsieur Carayon, vous pourriez être poli à mon égard. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Vous pouvez sortir si la bêtise vous gêne ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Muriel Marland-Militello. On n’est pas encore dans un régime totalitaire marxiste !

Mme Jacqueline Fraysse. Vous pouvez m’écouter et me respecter pour ce que je suis.

M. Bernard Carayon. Quand on se réclame de la plus grande idéologie criminelle de ce siècle, on se tait ! (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. C’est inacceptable !

M. le président. Laissez Mme Fraysse parler !

M. Bernard Carayon. Quand on est l’héritière d’une idéologie criminelle, on ferait mieux de parler un ton en dessous !

M. le président. Calmez-vous. Nous avons quinze jours pour débattre. Arrêtez de vous invectiver et laissez Mme Fraysse poursuivre.

M. Augustin Bonrepaux. C’est M. Carayon qui est l’agresseur !

Mme Jacqueline Fraysse. Vous vous cantonnez, monsieur le ministre, au renforcement de la surveillance et à l’instauration de peines de plus en plus sévères, particulièrement à l’égard des mineurs, contre l’avis des professionnels et en dépit du grave constat d’échec que nul ne peut nier.

M. Jean-Louis Léonard. Un délinquant mineur, c’est un délinquant !

Mme Jacqueline Fraysse. Si, face à un délit, la nécessité de la sanction ne se discute pas, son contenu, en revanche, doit avoir pour objectif la non-récidive et le retour à la vie normale. Rien dans ce texte n’est proposé pour prévenir en amont et réinsérer en aval. Aucun moyen pour les professionnels concernés, notamment pour ceux qui s’occupent de la jeunesse.

J’ai une autre préoccupation, celle de la grande délinquance, étonnamment absente de ce texte, qui, pourtant, alimente bien des trafics, manipule beaucoup d’argent, et dont les protagonistes logent dans les beaux quartiers. Je pense par exemple à la délinquance financière, la délinquance « d’en haut » en quelque sorte (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),

M. Jean-Louis Léonard. Ce n’est pas elle qui fait brûler les bus !

M. Bernard Carayon. Ce n’est pas elle qui s’attaque à une jeune noire en la faisant brûler à Marseille !

Mme Jacqueline Fraysse. …moins visible effectivement, cependant désastreuse tant par l’exemple qu’elle donne que par ses conséquences sociales concrètes. La fraude fiscale sur la TVA et l’impôt sur les sociétés coûtent chaque année à l’État entre 45 et 50 milliards d’euros.

On pourrait également citer comme exemple de cette délinquance en col blanc cette grande entreprise française d’électroménager qui a fait faillite en 2001, laissant 3 000 salariés sur le carreau et un trou de plus d’un milliard d’euros.

M. Bernard Carayon. Hors sujet !

M. Jean-Louis Léonard. En 2001, c’est la gauche qui était au pouvoir. Elle aurait dû s’occuper de cela, au lieu de ne rien faire !

M. Bernard Carayon. En effet, le PC participait au gouvernement de l’époque !

Mme Jacqueline Fraysse. Curieusement, l’information judiciaire ouverte pour faillite frauduleuse est en train de s’enliser, et l’on se dirige discrètement vers la prescription. Les banques, qui étaient au courant dès 1999 mais touchaient des intérêts colossaux sur les dettes, ou l’ancien PDG, parti juste avant que le bateau ne coule en empochant 2 millions d’euros de prime de départ, ne seront probablement jamais inquiétés.

M. Bernard Carayon. Qui étaient au gouvernement à l’époque ? Vous et vos amis !

Mme Jacqueline Fraysse. Dois-je vous rappeler encore que personne n’a été condamné pour le scandale du Crédit Lyonnais, qui a coûté 200 milliards d’euros à la collectivité ?

Mme Arlette Franco. Et Bernard Tapie, c’était le ministre de qui ?

Mme Jacqueline Fraysse. Pourquoi une telle impunité ?

M. Jean-Louis Léonard. C’est à vous qu’on le demande !

Mme Jacqueline Fraysse. Tout simplement parce que la justice, dans le cas présent la justice financière, ne dispose pas de moyens suffisants à la hauteur de ses tâches, comme le souligne lui-même le procureur de la République de Paris, mais également parce que les pressions sont fortes de la part des milieux économiques et politiques directement concernés.

M. Bernard Carayon. Et l’impunité des criminels communistes ?

Mme Jacqueline Fraysse. Cette réalité décrédibilise tous vos serments sur la lutte contre la fraude, la sanction et la tolérance zéro. Elle ne fait qu’illustrer une fois encore le caractère profondément inégalitaire de cette société dans tous les domaines.

Pour rééquilibrer ce texte dit de prévention de la délinquance, afin de vous permettre de manifester votre volonté de ne pas réserver la tolérance zéro à quelques-uns, ceux d’en bas, je vous invite à voter les amendements que nous avons déposés sur ce point.

L’un d’eux prévoit notamment de faire figurer le délit de corruption sur la liste des infractions pour lesquelles les moyens procéduraux d’exception prévus par la loi Perben II pourront être utilisés. C’est l’occasion de montrer que la corruption n’est pas une infraction bénigne.

Un autre amendement vise à rendre le Service central de prévention de la corruption indépendant du ministère de la justice et à lui conférer le pouvoir de conduire des enquêtes préliminaires qui pourraient être transmises au Parquet.

Nous proposons d’accorder la même indépendance à la mission interministérielle d’enquête sur les marchés publics, ainsi que le pouvoir de prendre l’initiative d’enquêtes, car, s’il faut sans aucun doute réprimer les voyageurs sans tickets, il doit rester plus grave de truquer un marché public de fourniture d’autobus que de voyager sans titre dans ces mêmes autobus.

M. Michel Vaxès. Très juste !

Mme Jacqueline Fraysse. Je l’ai dit, la justice manque de moyens d’investigation. Un autre amendement prévoit donc la possibilité pour les Parquets et les juges d’instruction de travailler avec quelques officiers de police judiciaire qui seraient détachés de leur administration d’origine.

Un autre, enfin, vise à prévenir les fraudes aux aides publiques en donnant aux comités d’entreprise l’information nécessaire sur les aides dont bénéficie leur société, ce qui leur permettrait d’alerter les autorités si ces aides ne sont pas utilisées conformément à leur objet.

Nous pensons que c’est un bon moyen de lutter contre les « patrons voyous » dont parle le ministre de l’intérieur, mais qu’il se garde bien de faire sanctionner.

M. le président. Veuillez conclure, madame Fraysse.

M. Michel Vaxès. Elle a été interrompue !

M. le président. J’en ai tenu compte.

Mme Jacqueline Fraysse. Vous le voyez, mes chers collègues, il est impératif de corriger ce déséquilibre flagrant, qui ruine toute crédibilité et prouve que l’on est dans une démarche stigmatisante et politicienne.

Il est important que tous nos concitoyens, notamment les jeunes, vérifient qu’il n’y a pas deux poids deux mesures, contrairement à ce qu’ils peuvent légitimement croire, et que le Gouvernement n’adapte pas sa politique selon que l’on est puissant ou misérable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Braouezec. Les choses sont enfin dites !

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, depuis trois ans maintenant, la commission Prévention du groupe d’études sur la sécurité intérieure créée par Christian Estrosi, s’est attachée à comprendre pourquoi les six plans de prévention mis en place ces dernières années ont tous échoué. Nous nous sommes également attachés à comprendre pourquoi, à un moment de sa vie, un jeune prend le chemin de la délinquance. C’est à partir de ces deux postulats, et grâce aux auditions de l’ensemble des acteurs de la prévention, mais aussi forts de nos expériences d’élus de terrain, que nous avons rédigé le rapport qui a servi de base au projet de loi que vous nous avez présenté, monsieur le ministre.

Je tiens d’ailleurs à vous remercier d’abord d’avoir rendu hommage en commission des lois, au travail de cette commission Prévention et, surtout, d’avoir entendu le message de ces acteurs de terrain qui, malheureusement, n’ont jamais trouvé, jusqu’à maintenant, l’écoute légitime qu’ils étaient en droit d’attendre de la part de leur gouvernant.

Le texte qui nous est présenté est ambitieux, mais aussi réaliste, et il répond pleinement à ces enjeux. Lors de nos travaux nous avons été particulièrement frappés de constater que, malgré le nombre important d’institutions et d’associations qui agissent au quotidien, la communication et le dialogue entre ces derniers étaient difficiles, voire quelquefois inexistants. Votre texte répond à ce dysfonctionnement en instituant une meilleure coordination par la désignation d’un référent et la nomination du maire, comme pilote et animateur de cette politique.

Si nous devons apporter des réponses à nos concitoyens qui subissent au quotidien des nuisances occasionnées par une poignée de mineurs tombés dans la spirale infernale de la délinquance, il faut aussi répondre à ces jeunes en souffrance dont les difficultés s’accumulent parfois depuis leur plus jeune âge.

La législation en vigueur n’est plus adaptée à la délinquance à laquelle nous faisons face. En effet, les mineurs bénéficient d’une immunité presque totale, levée à leur dix-huitième anniversaire, qui les mène malheureusement souvent directement en prison. Cela n’est pas acceptable.

D’autres réponses doivent être trouvées pour prévenir le plus tôt possible la délinquance des mineurs, tout en punissant avec fermeté les actes commis. Il faut envoyer des signaux forts qui mettent fin au sentiment d’impunité qu’ont les mineurs délinquants, sentiment également partagé par la population. Dans ma ville, par exemple, l’année dernière, sur 1 517 délits constatés, 75 seulement ont été élucidés et 23 peines prononcées. Quel message envoyons-nous à ces jeunes ? Et, surtout, quelles réponses donnons-nous aux 1 494 victimes dont les agressions n’ont pas été punies ?

La commission a aussi fait ressortir l’erreur commise depuis des années, d’avoir concentré en un même lieu des milliers de familles dont bon nombre étaient déjà en grandes difficultés d’insertion ou d’intégration.

M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien ! C’est le point clé !

M. Jacques-Alain Bénisti. Cette erreur politique n’a fait qu’aggraver le mal-être qu’ils pouvaient déjà avoir de par leur déracinement et a créé ces phénomènes de bandes qui encouragent les actes délictueux en réunion et accentuent la gravité des faits.

M. Jean-Christophe Lagarde. Tout à fait !

M. Jacques-Alain Bénisti. Il faut mettre fin à cette politique de ghettoïsation, entretenue notamment par les bailleurs publics, comme l’OPAC de Paris par exemple.

La politique de prévention doit avoir un objectif d’efficacité, ce qui passe par le renforcement des échanges d’informations entre les différents acteurs qui entourent les jeunes et par la désignation d’un pilote pour mener cette politique.

À ce titre, je ne peux qu’être tout à fait satisfait que le projet de loi reprenne quatorze des vingt-quatre propositions que nous avions formulées dans le rapport de la commission Prévention.

Permettez-moi cependant de regretter que trois autres propositions importantes n’y figurent pas.

La première vise le dépistage précoce des adolescents concernés ; ce serait la base d’une prévention en amont indispensable pour endiguer le plus tôt possible les premiers troubles du comportement qu’ils soient d’ordre médical ou, comme très souvent, d’ordre sociologique.

Vous avez choisi, monsieur le ministre, de placer ces propositions dans un texte sur la protection infantile et je ne manquerai pas de les suivre de près. Sachez simplement qu’il y a urgence et je souhaite ardemment que ce texte puisse être examiné dans les meilleurs délais par la représentation nationale car il est indissociable du reste de nos mesures.

Si de nombreux outils figurent dans ce projet de loi, vous n’avez par retenu la boite à outils, l’ESCALE, l’espace socioculturel et d’aide à l’emploi. Cette plateforme municipale interactive vise à regrouper en un seul lieu l’ensemble des dispositifs de prévention, d’insertion, de réinsertion, d’intégration et d’action socioculturelle, au centre desquels il faut placer la formation et l’emploi, seuls moyens pour un jeune en déshérence de s’en sortir, car 98 % des délinquants ne travaillent pas.

Au travers des actions de remise à niveau scolaire, d’alphabétisation et de socialisation, il s’agit d’aider ces jeunes à reprendre en main leur parcours de citoyen en leur proposant un lieu d’ancrage et de reconstruction, notamment au travers d’un métier et d’un emploi. J’ai déposé un amendement en ce sens. Nous aurons donc l’occasion d’en discuter lors de nos débats.

Enfin…

M. le président. Oui, car il faudrait conclure.

M. Jacques-Alain Bénisti. …si ce texte remédie aux problèmes de gouvernance et de coordination au niveau local et départemental, qu’en est-il au niveau gouvernemental où pas moins de cinq ministères sont concernés par la prévention de la délinquance ? Il aurait été souhaitable – et je sais que cela a été proposé tout à l’heure – d’envisager la fédération de ces actions par la création d’un secrétariat d’État à la prévention de la délinquance. Directement rattaché au ministère de l’intérieur, ou au Premier ministre, son rôle serait d’assurer la pérennisation et la coordination des actions engagées par ces cinq ministères.

En effet, la délinquance constitue le problème majeur d’une grande partie de nos compatriotes, qui subissent, dans les quartiers sensibles, cette violence au quotidien. Il me semble que cela aurait été un signal fort que de créer ce secrétariat d’État, car cela aurait clairement marqué non seulement l’importance accordée à ces enjeux, mais aussi la force de l’engagement politique et les moyens alloués pour changer cette tendance qui mine notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Monsieur le ministre, j’adresse mon propos à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur,…

M. Jean-Marie Le Guen. Qui ?

Mme Marylise Lebranchu. …Nicolas Sarkozy…

M. Jean-Marie Le Guen. Qui ?

M. le président. Monsieur Le Guen !

Mme Marylise Lebranchu. …lequel aurait dû être présent, au moins jusqu’à la fin de la discussion générale. Je me souviens de ce qui avait été dit lors d’un autre débat, alors que le ministre responsable s’était absenté vingt minutes. Le respect du Parlement, cela compte.

Je vais essayer de tordre le cou à ce refrain que j’entends depuis 2002, nous accusant, et moi en particulier, de laxisme et d’angélisme. C’est absolument insupportable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Absolument !

Mme Marylise Lebranchu. J’ai toujours dit – mais il est très difficile d’être entendu quand on ne hurle pas – que la sanction, en particulier pour un jeune, était absolument indispensable.

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

Mme Marylise Lebranchu. Dire à un jeune qu’on ne le sanctionne pas parce qu’il est jeune ou que ses parents sont en difficulté, c’est l’humilier.

M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !

Mme Marylise Lebranchu. Le premier droit d’un jeune, c’est la reconnaissance de la République, donc l’application de la loi.

M. Jean-Louis Léonard. Et son premier devoir, c’est quoi ?

Mme Marylise Lebranchu. Apparemment, vous ne m’avez pas écouté, mais ce n’est pas grave.

M. Jean-Louis Léonard. Quel est son premier devoir ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Marylise Lebranchu. Je vous parle de la sanction.

M. Jean-Marie Le Guen. Son premier devoir, c’est de payer votre retraite !

M. le président. Je vous en prie.

Veuillez poursuivre, madame Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. J’expliquais, monsieur Léonard, que la République, c’est aussi le droit à la loi, donc à la sanction si l’on ne respecte pas la loi. Cela me semble un concept extrêmement simple.

M. Jean-Louis Léonard. Son devoir, c’est de respecter la loi !

Mme Marylise Lebranchu. La société devient, sans doute parce que les moyens sont insuffisants, de plus en plus violente. Et ce qui m’a déplu dans le discours du ministre de l’intérieur, présentant ce qu’il appelle une loi de prévention de la délinquance, c’est qu’il a cherché à montrer comment se débarrasser des jeunes, ou des moins jeunes, qui ont failli à la loi, comme on cache la poussière, en la poussant sous le tapis. Ce n’est plus le fait d’une société équilibrée où s’exerce la justice, mais celui d’une société déséquilibrée, dans laquelle on prône la vengeance.

Or je pense qu’une démocratie éclairée, avancée assoit ses fondements sur la justice. Chaque fois qu’elle fait appel à la vengeance, donc à la violence, elle recule. Ce qui me fait peur, c’est que j’ai l’impression que nous reculons.

Le ministre utilise souvent un langage de défi, même s’il ne l’a pas fait ici, bien qu’il en ait été tenté. Or un défi est fait pour être relevé. Et c’est pourquoi vous voyez plus en plus de jeunes encapuchonnés essayer de gagner contre la police ou de se faire arrêter pour gagner une aura… Dans ce jeu permanent du défi, auquel s’ajoute celui de la vengeance, la société ne peut devenir que de plus en plus violente.

M. Pierre Cohen. Bien sûr !

Mme Marylise Lebranchu. On constate que les bornes sont dépassées – j’ai entendu parler tout à l’heure de barbarie – mais toutes ces attitudes y concourent. Nous devons donc être tous vigilants, y compris quant aux mots que nous employons.

Le ministre d’État a aussi dit que l’ordonnance de 1945 ne permettait ni d’arrêter ni de sanctionner les mineurs, ou seulement très longtemps après, ce qui n’a plus de sens. C’est vrai qu’il s’agit d’un des problèmes majeurs, mais il n’est dû ni à l’ordonnance de 1945, ni à la procédure pénale, ni au code pénal. Les magistrats prononcent des sanctions, mais il n’y a plus personne pour les appliquer : soit pour accueillir le jeune, soit pour lui offrir un travail d’intérêt général. Il n’y a pas non plus assez de centres de placement immédiat. Nous les avions créés parce que, parfois, quand un quartier est en difficulté, du fait de quelques personnes, il faut trouver une solution.

M. Jean-Christophe Lagarde. Très juste !

Mme Marylise Lebranchu. Les centres de placement immédiat en sont une, mais on n’en crée plus. Il n’y a donc plus assez de places et, du coup, placer un jeune devient impossible.

Le ministre veut placer les jeunes en internat, mais où sont les internats ? Combien de places y a-t-il ? Que va faire un magistrat qui proposera un travail de jour, avec un internat de nuit ? Un centre de semi-liberté et d’accueil en internat pour les jeunes devait voir le jour à Paris, assurant la scolarité ou l’apprentissage le jour, et l’internat obligatoire la nuit. Ce projet a été déposé fin 2001, mais il n’a toujours pas abouti.

Ce n’est donc pas la peine de proclamer que vous allez placer les mineurs parce que vous ne savez pas où ! Certes il y a des centres éducatifs fermés de plus, mais cela ne suffit pas. Il n’y a toujours qu’une école de la deuxième chance à Beauvais ; elle fonctionne bien. Pourquoi n’y en a-t-il pas eu d’autres ? N’a-t-on pas eu le temps de les réaliser ? En quatre ans, vous auriez pu créer quelques places.

Au lieu de prendre le temps d’expliquer pourquoi cela ne marche pas – parce qu’effectivement la réponse pénale doit venir vite – on corrige. On en arrive alors à la présentation immédiate, sous prétexte que les peines sont actuellement prononcées six mois, voire un an après les inspections.

Selon la loi, elles doivent être prononcées au plus tôt dans les dix jours, et dans les deux mois au plus tard. En fait le problème sera de savoir que faire d’eux une fois la peine prononcée, puisqu’il n’y aura pas de places.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

Mme Marylise Lebranchu. La possibilité de reconnaissance préalable de culpabilité dans le cadre de la présentation immédiate est une autre erreur en ce qu’elle interdit toute enquête. Si, en matière de justice des mineurs, elle a toujours été récusée par les textes européens et les conventions internationales relatives aux droits des enfants, notamment la Convention européenne des droits de l’homme, c’est qu’elle fait le jeu des réseaux criminels qui ont recours à des mineurs : il leur suffit de recommander à ces jeunes de reconnaître d’emblée leur culpabilité, sous prétexte de faire diminuer leur peine, pour se mettre à l’abri de toute enquête.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Tout à fait d’accord ! C’est pourquoi nous voulons nous attaquer aux réseaux !

Mme Marylise Lebranchu. Si l’erreur est humaine, nous devons collectivement refuser de voter une mesure qui serait applaudie par le crime organisé.

La recrudescence de la violence des jeunes est un constat d’échec, car, après tout, ces enfants sont les nôtres. Je serais même prête à assumer une part dans cet échec : nous avons peut-être manqué du courage de reconnaître que nous avons-nous même trouvé, au début des années 2000, la tâche difficile. Nous savions que nous n’étions pas au bout de nos peines au cas où nous aurions à continuer à exercer les responsabilités après 2002. Nous aurions pu travailler avec vous à trouver des réponses à cette violence, plutôt que de baisser définitivement les bras et nous résigner à enfermer ces jeunes.

Il ne s’agit pas d’angélisme de ma part : je suis la première à penser qu’un jeune qui a commis un crime grave mérite toute la peine prévue. À cet égard je vous rappelle que, pour l’incendie du bus de Marseille, ceux qui ont moins de seize ans encourent déjà quinze ans de prison, et ceux qui sont âgés de seize à dix-huit ans en risquent trente : ce ne sont pas de petites peines.

M. Pierre Ducout. Exactement !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Les mises sous écrou ont baissé de 15 % en Seine-Saint-Denis.

Mme Marylise Lebranchu. Même si j’estime que nous devons aujourd’hui inventer des peines alternatives, la prison ne me fait pas peur s’agissant de jeunes qui ont commis des crimes, voire de graves délits, à condition qu’ils puissent, à l’intérieur de la prison, avoir accès à l’école, à l’apprentissage, à la culture.

M. Pierre Ducout. Tout à fait !

M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !

Mme Marylise Lebranchu. Ce n’est pas de l’angélisme que de refuser qu’on aggrave encore une fois les peines, surtout dans un texte dont l’objectif affiché est la prévention.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le texte ne change rien au quantum des peines ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Marylise Lebranchu. Il n’est pas question des quantums ; je parle de tout ce que nous a proposé M. Sarkozy.

M. Pierre Cohen. Cette aggravation a occupé une demi-heure de l’audition de Sarkozy par la commission !

M. le président. Monsieur Cohen ! Seule Mme Lebranchu a la parole.

Mme Marylise Lebranchu. Je n’ai fait que répondre point par point à ce qu’a dit M. Sarkozy.

Quant aux injonctions thérapeutiques, en ce qui concerne les délinquants sexuels notamment, vous lui direz, puisqu’il n’est pas là, qu’il faut parfois attendre plusieurs mois voire plus d’un an, avant qu’elles soient décidées du fait de la pénurie de psychiatres.

Je suis prête, là encore, à partager la responsabilité de cet état de fait : nous aurions dû augmenter le numerus clausus afin d’avoir plus de médecins et de psychiatres. La situation étant ce qu’elle est, multiplier les injonctions thérapeutiques ne revient qu’à accroître les délais sans résultat garanti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Exactement !

Mme Marylise Lebranchu. Tout cela prouve qu’il faut aujourd’hui parler à nouveau de justice, notamment de justice sociale, plutôt que de continuer à parler de vengeance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des député-e-s communistes et républicains, du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Cette intervention raisonnable honore l’Assemblée !

M. le président. La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard. Je consacrerai mon propos aux dispositions des deux premiers chapitres du projet de loi, qui précisent le rôle des maires. Elles appellent de ma part quatre observations.

Premièrement, monsieur le ministre, le texte a l’intérêt de faire jouer au maire un rôle de pivot des actions de prévention de la délinquance. Un tel rôle respecte l’essence même de la mission du maire, élu de terrain par hypothèse proche de la population. Investi de la confiance des habitants, il a pour rôle de créer du lien social, ce qui le rend parfaitement à même d’être le coordonnateur de ces actions de prévention de la délinquance. Le texte va donc dans la bonne direction en la matière.

Deuxièmement, pour jouer ce rôle de pivot, le maire doit être informé, et d’abord par le procureur. En ce domaine, mes chers collègues, je vous rappelle que nous avions déjà amélioré le dispositif par la loi du 9 mars 2004 ; mais le système était d’un fonctionnement inégal selon les territoires et les personnes, et l’information des maires n’était pas toujours satisfaisante. Voilà pourquoi, monsieur le président de la commission des lois, je salue les amendements proposés dans ce domaine. Le Sénat a déjà permis une avancée en supprimant la limitation de l’obligation d’informer aux cas d’infractions graves. Le texte de la commission des lois prévoit l’information sans délai des maires en cas de simple trouble à l’ordre public ainsi que la transmission à ceux-ci d’informations sur les suites judiciaires données aux infractions commises sur le territoire de leur commune.

C’est un progrès, mais il faudrait peut-être, monsieur le président de la commission, aller plus loin : à défaut d’une information complète, le maire ne peut pas assurer le rôle de coordination des actions de prévention de la délinquance que lui assigne le texte. Voilà pourquoi je proposerai un amendement prévoyant la possibilité que la nature des informations qui devront être portées à sa connaissance fasse l’objet d’une contractualisation entre le maire et le procureur de la République, à charge pour le maire d’assurer le respect des règles de confidentialité.

Le maire coordonnateur doit également, monsieur le ministre, être informé par les travailleurs sociaux. Ces derniers oublient parfois que nous sommes, nous les maires, officiers de police judiciaire, non pas par délégation du procureur de la République, mais par notre statut même d’élu, par la confiance dont nous sommes investis. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques-Alain Bénisti. Il est bon de le rappeler !

M. Jacques Pélissard. Cette qualité d’officier de police judiciaire nous autorise à être les détenteurs d’un secret partagé qui nous permet de mener à bien notre mission de prévention de la délinquance.

Troisièmement, tout en reconnaissant l’intérêt de certains outils prévus par le texte, nous souhaitons qu’ils soient simplement facultatifs. Le texte impose notamment aux communes de plus de 10 000 habitants l’obligation de créer un conseil des droits et devoirs des familles. Or les communes qui comptent moins de 10 000 habitants affrontent elles aussi des problèmes de délinquance. En outre leur caractère obligatoire risque de faire de ces conseils des coquilles vides.

M. Jacques-Alain Bénisti. Tout à fait !

M. Jacques Pélissard. C’est pourquoi l’Association des maires de France souhaite que la création de ces conseils soit laissée à l’initiative du maire et fasse l’objet d’une délibération du conseil municipal. L’utilisation de cet outil dépendant du choix du conseil municipal, on a la certitude qu’il ne s’agira pas d’une coquille vide, et qu’il permettra effectivement de mettre en œuvre la politique communale de prévention de la délinquance.

Mon quatrième point, monsieur le ministre, sera l’affirmation de notre position quant à la nécessité de distinguer prévention et répression. Les maires sont des hommes et des femmes de la prévention, du fait de notre proximité avec la population et de la confiance qu’elle place en nous. Ce serait confondre les rôles et les genres que de faire de nous des hommes et des femmes de la sanction et de la répression.

M. Pierre Ducout. Nous ne sommes pas des shérifs !

M. Jean-Christophe Lagarde. Ce n’est pas dans le texte !

M. Jacques Pélissard. Nos débats doivent être l’occasion pour nous d’affirmer clairement que tel n’est pas l’esprit du projet de loi, pour que ne subsiste aucune ambiguïté en la matière ; je pense notamment à la question des allocations familiales.

Monsieur le président, monsieur le ministre, les deux premiers chapitres de ce texte apportent des solutions qui peuvent être intéressantes, sous réserve que les amendements que je viens de décrire rapidement soient adoptés. Cela étant, chers collègues, au-delà des outils juridiques, ce qui compte, c’est la volonté des maires, qui, chaque jour, recousent le tissu social, d’être dans ce domaine de la cohésion sociale et de la prévention de la délinquance des acteurs quotidiens de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je veux d’abord remercier Marylise Lebranchu d’avoir donné du sens à ce débat. Elle a montré qu’il opposait deux conceptions de la prévention de la délinquance et, plus largement, de la société. Comme vous l’avez dit, Marylise, à l’escalade de la violence et de la vengeance s’oppose la vision humaniste d’une société de droit.

Il faut noter également que ce débat, intervenant à la fin de la législature, est pour nous tous le moment de dresser le bilan de l’action menée par le Gouvernement depuis plus de quatre ans. Les événements qui se sont déroulés dans les banlieues montrent de façon flagrante l'échec de votre politique de sécurité, si cela était encore nécessaire.

M. Éric Raoult. Et votre héritage ?

Mme Patricia Adam. Au bout de quatre ans cet argument n’est plus valable. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Ce n’est pas nous qui avons construit les HLM !

M. le président. Monsieur Raoult !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais si c’était vous !

M. Pierre Cohen. Vous avez tous les culots, monsieur Raoult !

Mme Patricia Adam. Ils montrent de façon encore plus flagrante l’échec de la politique qui doit l’accompagner pour endiguer les risques sociaux. En effet, comme l’ont souligné certains de ceux qui m’ont précédée à la tribune, parler de prévention c’est parler avant tout de politique sociale.

Je vais, pour illustrer mes propos, rappeler les décisions par lesquelles, depuis quatre ans et demi, votre gouvernement ne fait qu'aggraver la situation sociale de nombreux quartiers transformés en ghettos, en proie à une précarité, à un isolement et à une insécurité qui laissent toute la place à la détresse, au découragement des familles et, bien entendu, à la violence.

M. Éric Raoult. Merci Mitterrand !

M. Jean-Marie Le Guen. Et Voltaire, qu’a-t-il fait ?

M. Éric Raoult. Il est tombé par terre !

M. Pierre Cohen. C’est vous qui tombez, monsieur Raoult !

Mme Patricia Adam. Vous avez ainsi supprimé les emplois jeunes…

M. Jacques-Alain Bénisti. Parlons-en ! Ils sont morts de leur belle mort !

Mme Patricia Adam.… pour redécouvrir trois ans après que la situation sociale imposait l’urgence de recréer un dispositif similaire d’emplois aidés, même si on ne les appelle plus emplois-jeunes.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui !

Mme Patricia Adam. Vous avez fortement diminué la présence d'adultes dans les collèges et lycées, alors qu’on sait combien elle est nécessaire. Vous avez réduit les aides aux fédérations d'éducation populaire, qui sont souvent les seules dans ces quartiers à assister les élus et les travailleurs sociaux. Vous avez diminué les moyens de la protection judiciaire de la jeunesse et mis en cause son existence même ; on la voit aujourd’hui revenir en grâce et retrouver auprès des conseils généraux et des juges le rôle qu’elle avait perdu ces derniers temps. Vous avez supprimé la police de proximité.

Vous avez accru la précarité des plus bas salaires ; je pense en particulier aux salariés employés dans les services à la personne. Vous avez supprimé les actions « jeunesse et sport » dans les quartiers. Vous avez transféré la mission d’insertion aux conseils généraux – ce qui n’est pas en soi illégitime – mais sans respecter vos engagements d’en compenser la charge à l'euro près.

Et comme si cela n'était pas suffisant, nous apprenons par la Caisse nationale des allocations familiales votre désengagement progressif des contrats « enfance et jeunesse » signés par les maires, alors qu’ils sont pour eux un outil indispensable de la prévention véritable.

Nous ne cessons de constater, dans l’exercice de nos mandats locaux, le désengagement de l'État du rôle qu’il doit tenir à nos côtés. Celui-ci se limite aujourd’hui à des interventions souvent intempestives, voire autoritaires, qui méconnaissent les réalités locales par défaut de concertation.

Les élus locaux, de gauche comme de droite, s’inquiètent de se voir confier de nouvelles responsabilités en matière de prévention de la délinquance, sans les moyens nécessaires pour les assumer. Ces élus s'inquiètent aussi de l'incohérence des dispositifs que vous envisagez de mettre en place en matière de délimitation des pouvoirs des maires et des présidents de conseil général. En effet ce projet de loi de prévention de la délinquance est, de ce point de vue, en contradiction manifeste avec le projet de loi de réforme de la protection de l'enfance, en cours d'examen, ainsi qu'avec les dispositions de la loi pour l’égalité des chances relatives au contrat de responsabilité parentale et, bien sûr, avec les lois de décentralisation.

Les professionnels de l'action sociale manifestent aussi une vive inquiétude d'être désormais obligés, sans avoir leur mot à dire, de transmettre aux maires des informations confidentielles touchant les personnes dont ils assurent l’accompagnement, au risque de rompre une relation de confiance jusqu'alors préservée grâce à cette confidentialité, seule garante d’une évolution positive des familles et des enfants.

Nous nous interrogeons donc sur deux points.

D’abord, qu’entend ce gouvernement par « politique de prévention de la délinquance » ?

Ensuite, si nous reconnaissons les vertus du débat interne, il nous apparaît pour le moins inquiétant pour un gouvernement que ses ministres ne parviennent pas à se mettre d’accord sur une formule cohérente concernant les dispositifs de coordination des politiques de prévention de la délinquance menées par les maires en collaboration avec les préfets, et de coordination de l’action sociale relevant de la compétence des conseils généraux.

Sachant qu’une confusion des pouvoirs irait à l’encontre d’une réelle efficacité des politiques menées à l’échelle locale, le groupe socialiste propose donc, avec les amendements qu’il a déposés, une autre conception de la décentralisation, cohérente avec les textes en vigueur :…

M. Éric Raoult. Les militaires ?

Mme Patricia Adam. …au maire et au préfet, la prévention de la délinquance et le respect de l’ordre public par le biais des contrats locaux de sécurité ; au président du conseil général, la coordination de l’action sociale, qui recouvre notamment l’aide sociale à l’enfance et la prévention spécialisée ; à l’État, la police, la gendarmerie, la justice et la prise en charge de l’enfance délinquante, à travers la justice des mineurs et la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ.

Ce texte envisage ainsi, à son article 5, d’imposer aux travailleurs sociaux de communiquer au maire des informations relatives à des personnes dont ils assurent le suivi. Il confie aussi au maire le soin de nommer un coordonnateur chargé de suivre une même personne ou une famille rencontrant des difficultés.

Ces points soulèvent plusieurs interrogations.

D’abord, ces travailleurs sociaux – quelle que soit leur autorité de tutelle – ont-ils leur mot à dire sur l’opportunité de cette transmission ? Bien entendu, votre réponse est négative. Les travailleurs sociaux seraient-ils alors, pour le Gouvernement, incompétents, irresponsables ou inconséquents au point d’être incapables d’évaluer cette opportunité ? Quelle méconnaissance de la réalité !

Pourtant, le projet de loi relatif à la protection de l’enfance – et je regrette, à cet égard, que M. Bas soit parti – comporte en son article 7 une formule instituant un secret professionnel partagé, approuvé par les professionnels. Ce texte, plus consensuel, a fait l’objet d’un travail constructif entre majorité et opposition et a donné lieu à des votes unanimes sur certaines propositions de la majorité et de l’opposition, à l’inverse du texte que nous examinons. Nous nous interrogeons donc sur la raison qui vous conduit à tenter d’imposer dans ce texte un système si décrié et si contesté.

Enfin, la nomination par le maire d’un coordonnateur intervenant auprès d’une personne ou d’une famille, présentée comme relevant de la compétence du maire, n’est-elle pas de nature à contredire le dispositif de l’article 5 du projet de loi réformant la protection de l’enfance, qui prévoit, quelle que soit l’institution qui emploie le travailleur social, la nomination d’un coordonnateur de l’action sociale nommé par le président du conseil général dans l’exercice de ses compétences ? Il y a évidemment entre ces deux textes une contradiction et un risque d’empiétement des compétences.

De surcroît, le décret du 1er septembre 2006 relatif au contrat de responsabilité parentale confirme la coordination de ce dispositif par le président du conseil général. Il va sans dire que cette confusion des pouvoirs induite par votre projet de loi par rapport aux autres textes précités n’est ni dans l’intérêt des élus ni dans celui des personnes suivies au titre des différents dispositifs.

Aussi proposons-nous que soit confirmée la compétence du département en matière d’action sociale. Nous concevons sans peine qu’en certaines circonstances les maires puissent accéder à des informations utiles à l’exercice de leur mission de sécurité publique, mais il n’est pas concevable que le président du conseil général et les professionnels détenant ces informations ne puissent évaluer la pertinence et l’opportunité de transmettre certaines informations au maire.

Nous proposons donc, à cet effet, une procédure selon laquelle le respect des libertés individuelles sera contrôlé par une commission réunissant le président du conseil général, les travailleurs sociaux et les élus locaux, ainsi que les usagers, que l’on oublie trop souvent. Un tel dispositif me semble indispensable dans une société de droit.

M. Éric Raoult. Le syndicat des voyous ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Patricia Adam. Je n’ai jamais entendu dire que le président du conseil général et les élus locaux constituent un syndicat de voyous !

M. Éric Raoult. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

Mme Patricia Adam. Je n’ai pourtant cité que ces élus !

M. Éric Raoult. Vous vivez dans un autre monde !

M. Pierre Cohen. S’il y a quelqu’un qui vit dans un autre monde, c’est bien vous !

M. Éric Raoult. Assez de double langage ! On ne peut pas tenir des discours différents dans l’hémicycle et dans sa circonscription !

Mme Marylise Lebranchu. Ça suffit, monsieur Raoult !

M. Éric Raoult. Ça vous gêne que je dise la vérité !

M. le président. Monsieur Raoult, je vous en prie !

Mme Patricia Adam. De même, nous proposons que, pour permettre aux maires de remplir leur mission, l’action sociale du département soit organisée territorialement et fasse l’objet de conventions de partenariat organisant la concertation et le travail en réseau, comme l’a évoqué l’un de nos collègues. C’est en effet aux élus qu’il revient de définir le cadre de travail et les responsabilités des travailleurs sociaux.

Nous avons également jugé indispensable de développer une approche globale de la prévention de la délinquance, raison pour laquelle nous exprimons une vive inquiétude face à l’incertitude du calendrier des travaux parlementaires.

M. le président. Il faut conclure, madame Adam.

Mme Patricia Adam. Alors que s’ouvre aujourd’hui le congrès des maires de France, je soulignerai pour conclure que, dans une démocratie vivante, l’écoute des élus est le gage d’une société juste et équilibrée. Les maires, dont vous semblez méconnaître la réalité quotidienne,…

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il n’y a que des maires, ici !

Mme Patricia Adam. …n’ont pas besoin qu’on leur dicte la nécessité de rencontrer leurs concitoyens, car ils le font tous les jours, ni celle de travailler avec les travailleurs sociaux, car ils le font également, comme ils le font aussi avec les forces de police et de gendarmerie. Quant aux rappels à l’ordre, les maires ont tous les jours l’occasion d’en adresser aux familles.

Laissons, s’il vous plaît, l’intelligence citoyenne et le pragmatisme des situations vécues s’exercer entre élus locaux, en fonction des responsabilités qu’ils exercent pleinement. Quant à l’État, comme je l’ai rappelé dans mon introduction, qu’il apporte son soutien et remplisse ses missions, sans se défausser. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne.

M. Alfred Marie-Jeanne. Quelles que soient nos différences d’approche du phénomène de la délinquance et de la violence multiforme qui l’accompagne, il serait indécent de nier leur montée en puissance. Ne pas réagir serait se montrer laxiste, voire complice, et s’autodéclarer coupable. La divergence d’appréciation ne peut donc se situer qu’au niveau des mesures retenues pour lutter contre ces agissements qui, trop souvent, tournent au drame affreux pour des motifs futiles et dérisoires.

Aucun pays n’est épargné, et certainement pas la Martinique.

Au cours des quatre dernières semaines, deux jeunes ont été assassinés et huit autres incarcérés à la suite de bagarres à l’arme blanche ; des braquages en série et des vols à main armée ont été commis ; de jeunes adolescentes ont été violées et un agent de la brigade anticriminalité a été agressé et n’a eu la vie sauve que parce que l’arme dirigée contre lui s’est enrayée ; enfin, 4 tonnes de cocaïne ont été saisies au large de nos côtes.

Pour les dix premiers mois de l’année 2006, 17 360 crimes et délits ont été relevés, le nombre des infractions constatées en matière de stupéfiants a déjà augmenté de 16 % et le trafic d’armes se poursuit. Aucun personnage n’est à l’abri, fût-il procureur de la République : celui de Fort-de-France vient d’être bastonné.

De plus, les délinquants mineurs n’ont jamais été aussi nombreux, aussi jeunes, aussi violents, ni aussi répandus, et ce phénomène touche de plus en plus le sexe féminin. La politique mise en place, quels que soient les chiffres avancés, n’a manifestement pas produit les effets escomptés.

Face au désenchantement de ce bilan global, on nous propose un arsenal répressif encore plus blindé.

Il fut un temps où le châtiment était infligé pour causer autant de douleur que la faute. Il y a belle lurette, cependant, que cette démarche du tout-répressif a montré ses limites, au point que le législateur lui-même l’a abandonnée. Il ne s’agit plus de punir pour punir, mais de le faire en insistant fortement sur la régénération du condamné, afin de lui assurer un meilleur retour dans la société. Réprimer, c’est, selon moi, chercher à améliorer ; ce n’est pas là un inconciliable paradoxe. L’échec que nous constatons aujourd’hui tient à ce que cet objectif, qui figure pourtant encore dans les textes, est démenti par les faits.

Dans ce cas, à qui faut-il s’en prendre ? En effet, les jeunes délinquants – pour ne citer qu’eux – ne procèdent pas d’une génération spontanée issue de nulle part : ils sont la résultante négative des actions et des négligences passées. Comment prétendre, alors, briser le cercle pernicieux de la violence et de la répression si les jeunes restent inoccupés, si les associations qui les encadrent ne sont pas aidées, si la formation professionnelle n’est pas soutenue, y compris en prison, si la prévention n’est pas prise en compte très tôt et si la sanction n’est pas appliquée ?

Vouloir traiter les faits délictueux sans traiter franchement les causes, c’est aller à coup sûr vers l’effet inverse.

C’est dire que les moyens coercitifs, certes nécessaires, ne sont pas suffisants en cette matière, délicate entre toutes. Le traitement de la délinquance se situe en effet aux frontières de l’humanité et de l’autorité, ce qui implique nécessairement d’assurer un constant équilibre et une articulation sensée entre les termes du triptyque que constituent la répression, la prévention et la réhabilitation.

Dans ces conditions, une réforme en bonne et due forme de la société semble s’imposer en dernier ressort. La manière de la réaliser demeure une question d’actualité, car les effets destructeurs du délitement des liens sociaux cassent la solidarité, accroissent les inégalités, engendrent les exclusions et renforcent le facteur criminogène.

Ce diagnostic, si utile soit-il, n’est pas une fin en soi : le diagnostic est une chose, mais le traitement de choc en est une autre.

Dois-je rappeler à cet égard que j’avais déposé en févier 2000 une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête relative à la prévention et à la lutte contre le trafic des stupéfiants dans les départements d’outre-mer ? Cette requête a été purement et simplement rejetée, au motif – écoutez bien ! – qu’elle « ne pourrait qu’alimenter les suspicions et risquerait, par là même, d’aggraver un contexte économique et social difficile. » Quelle turpitude ! Quelle absurdité !

Lors de la conférence du CARIFORUM de mars 2000, tenue en Guadeloupe sous la présidence du Président de la République, j’avais été personnellement chargé du rapport relatif à la coopération dans le domaine de la prévention et de la lutte contre le trafic de stupéfiants et le blanchiment d’argent dans la Caraïbe. Ce rapport a contribué aux décisions prises depuis. Le 10 mai 2005, j’interpellais ici même le Premier ministre sur l’escalade inquiétante du trafic d’armes à feu et du nombre d’armes trafiquées, qui alimente une violence d’une ampleur exceptionnelle.

À ce jour, la situation reste critique.

Monsieur le ministre, je n’attends pas de miracles, car il s’agit là d’une tâche de longue haleine, qu’il faudra poursuivre sans relâche et qui requiert une prospection de tous les possibles, dont le but final est de retrouver l’homme.

Ce serait là, dans toute sa beauté, une vraie culture du résultat. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président. La parole est à M. Hugues Martin.

M. Hugues Martin. Monsieur le ministre, le texte que vous soumettez à la représentation nationale est très intéressant à plus d’un titre, et vient à son heure.

Mon propos se bornera au rôle dévolu au maire, enfin confirmé légalement comme le pivot de la politique de prévention. Ce texte a en effet le grand mérite de clarifier le rôle des maires, clarification d’autant plus nécessaire qu’ils sont en effet, depuis longtemps, en première ligne sur ce sujet.

J’insisterai donc sur la fonction de pilote dévolue au maire – à lui, et non, je le précise, au président de l’intercommunalité –, fonction qui est fondamentale pour une politique efficace de prévention.

Ainsi ont été créés, en 2002, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Vous souhaitez aujourd’hui les renforcer en les rendant obligatoires dans les plus grosses communes, et je souscris à cette proposition. Ces conseils ont permis de nouer entre le maire, la justice, l’enseignement, la police, des liens qui préfigurent une dimension nouvelle contre la violence et l’insécurité.

Le maire est devenu un acteur essentiel d’une politique globale, tant les contrats constituent au plan local l’instrument privilégié de développement des actions de prévention et de sécurité. Il convient, monsieur le ministre, que vous lui donniez les moyens d’action nécessaires à la mise en place de ces nouvelles responsabilités. Mes collègues qui sont maires, et moi-même lorsque je l’ai été, avons eu à déplorer souvent le manque de moyens concrets mis à notre disposition, pas seulement au niveau financier mais aussi pour exercer notre rôle et nos pouvoirs vis-à-vis des autres collectivités territoriales. Tel est l’objet de quelques amendements que j’ai déposé, notamment avec mon collègue Serge Grouard, amendements élaborés en concertation avec l’association des maires des grandes villes de France. Puissiez-vous leur réserver un accueil favorable.

En tout premier lieu, le maire étant le pivot des actions de prévention, il semble préférable de transformer l’obligation prévue dans le texte en matière d’intercommunalité en une libre discipline de l’établissement public de coopération, un libre choix.

Deuxièmement, il est essentiel aussi de renforcer et de clarifier le partenariat entre la commune et le conseil général en déterminant le rôle de chacun. Dans la mesure où le maire se voit transférer les compétences de prévention, il doit avoir à sa disposition l’ensemble des moyens pour rétablir ses prérogatives le plus efficacement possible.

Je pense également que le maire doit pouvoir assurer ce rôle de pivot que lui confère le texte en recevant des informations précises et préalables, certes de l’autorité judiciaire, mais également de l’académie pour mettre en œuvre l’accompagnement social des jeunes en rupture ou qui pourraient le devenir.

Sur le plan technique, notamment s’agissant des systèmes de vidéo-surveillance, qui ont fait leurs preuves, il faut pallier le manque de moyens financiers et juridiques. Il me paraît indispensable de mettre en place une procédure d’autorisation rapide pour pouvoir le plus efficacement possible installer ou étendre des systèmes de vidéo-surveillance.

Je conclurai, monsieur le ministre, sur un problème qui me tient à cœur, et nombreux sont mes collègues qui m’ont suivi sur ce terrain en co-signant une proposition de loi que j’avais déposée au printemps dernier : il s’agit des violences urbaines commises en bandes organisées, lors d’événements qui ont malheureusement tendance à se répéter.

Il ne faut pas confondre les jeunes en général et les délinquants. Une très faible minorité sont délinquants. Or nos concitoyens ne supportent plus de voir ces délinquants, j’emploie bien ce mot, casser, agresser, brûler, maltraiter d’autres personnes, sans risques, pour beaucoup d’entre eux, d’être poursuivis puisque chacun des individus composant le groupe ne peut être tenu pour responsable des violences commises par un ou plusieurs autres membres de cette bande organisée. Cela relève du principe législatif de la responsabilité du fait personnel. Il convient de mettre en œuvre une responsabilité collective.

Il faut commencer par une prévention qui s’oppose aux causes du mal avant de s’attaquer au mal lui-même. Néanmoins cette prévention doit inévitablement s’accompagner d’une politique fermement dissuasive, qui elle-même sera la première des préventions contre la violence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Mignon.

M. Jean-Claude Mignon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d’abord, un constat s’impose : les Français en ont assez de subir tout ce qu’ils endurent au quotidien dans leur ville, dans leur quartier, pour des raisons qui sont tout à fait inexpliquées ; ils en ont marre aussi de cet irrespect dont ils sont les victimes ; ils en ont assez de ces violences urbaines qui, la plupart du temps, sont gratuites : pourquoi sinon brûler les véhicules de celles et ceux qui sont les plus faibles, les plus humbles, et habitent dans des quartiers qui sont difficiles ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Très juste !

M. Jean-Claude Mignon. Imaginez-vous, mesdames, messieurs, ce que ressent l’habitant d’un quartier difficile qui, un matin, alors qu’il s’apprêtait à partir travailler, ne retrouve plus sa voiture parce qu’elle est devenue la cible de délinquants ?

Les violences urbaines et la délinquance, c’est le problème de tout le monde, que ce soit à gauche ou à droite ; c’est également celui, qu’on le veuille ou non, des journalistes, qui doivent, eux aussi, prendre leurs responsabilités. Les députés, les maires, les enseignants, ne peuvent pas tout faire. Il est bien évident que, ces dernières semaines, on a vu que la surmédiatisation de ce qui s’était passé avait eu des conséquences tout à fait dramatiques. À cet égard je tiens à rendre hommage à nos policiers, à nos sapeurs-pompiers, qui travaillent dans des conditions de plus en plus difficiles. Ils se font agresser, caillasser, insulter. On ne sait plus si ces policiers sont en sécurité lorsqu’ils habitent dans certains quartiers, parce que leur adresse est repérée et que leurs familles sont souvent molestées.

Il faut que la justice prenne, elle aussi, sa part de responsabilité. Le droit est fait pour être appliqué, et lorsqu’un parlementaire vote une loi, on demande à celles et à ceux chargés de la faire appliquer qu’ils ne l’interprètent pas, mais qu’ils l’appliquent dans l’esprit dans lequel elle a été votée.

On parle beaucoup de prévention ou de répression. Même si on ne m’écoute plus sur les bancs de gauche, à cette heure avancée de la nuit (« Si ! Si » sur les bancs du groupe socialiste), j’ai écouté quant à moi un certain nombre d’arguments : si on explique à un automobiliste qu’il faut rouler prudemment, mais que, s’il franchit la ligne blanche ou brûle un stop, ce n’est pas grave, il pourra continuer ; alors on fera peu pour la sécurité routière ; il faut au contraire lui expliquer qu’il doit respecter certaines règles. De même, un jeune a aussi besoin de comprendre qu’il doit respecter certaines règles de vie.

Mme Patricia Adam. C’est ce que nous disons !

M. Jean-Claude Mignon. Prévention ou répression ? Je pense qu’il n’y aura pas de prévention si ne sont pas prises certaines mesures répressives fortes.

Que n’a-t-on pas dit sur le rôle des maires ? Je suis maire depuis 1983, et je n’ai jamais eu vocation à me transformer en shérif. Je me vois difficilement ainsi. Cependant nous savons tous que, lorsqu’il y a un problème dans la ville, ce n’est pas le préfet ou le procureur que l’on va voir, mais le maire.

M. Jean Lassalle. C’est vrai !

M. Jean-Claude Mignon. Or celui-ci est souvent démuni parce qu’il ne peut pas répondre à toutes les questions qui lui sont posées.

M. Lionnel Luca. Absolument !

M. Jean-Claude Mignon. Lorsque le maire, en pleine nuit, se retrouve dans un quartier qui a été mis à sac, il souhaiterait avoir d’autres moyens que ceux dont il dispose pour faire face à cette situation.

M. Lionnel Luca. Bien sûr !

M. Jean-Claude Mignon. Oui, il faut que le maire soit le coordinateur de cette politique de prévention, comme c’est prévu dans votre projet de loi, monsieur le ministre. Oui, il faut que le maire soit informé, alors que, souvent, il ne l’est qu’après les médias, après ses propres concitoyens, par lesquels il apprend, en les croisant et en buvant un café, que, dans la nuit, des évènements ont sinistré sa ville.

On a aussi beaucoup parlé des éducateurs et des travailleurs sociaux. Je n’ai rien contre eux. Je considère simplement qu’il est normal qu’ils rendent des comptes.

M. André Schneider. Tout à fait !

M. Jean-Claude Mignon. Le maire a des comptes à rendre à ses électeurs. Dans la vie, nous avons tous des comptes à rendre. Je ne vois pas pourquoi un éducateur spécialisé ou un travailleur social n’aurait pas de comptes à rendre au maire.

Mme Patricia Adam. Tout à fait !

M. Jean-Claude Mignon. Quant aux personnels de l’éducation nationale, je les salue, parce qu’ils font un travail de plus en plus difficile, et dans des conditions de plus en plus compliquées. On continue à parler d’éducation nationale, mais ne devrions-nous pas parler enfin, monsieur le ministre, d’instruction nationale et ré-expliquer aux parents, comme lors de la célébration du mariage, que ce sont eux qui sont responsables de l’éducation des enfants ?

Quant au conseil général, je trouve qu’il est un peu éloigné de tout ce dont nous parlons. Bien sûr, tout dépend de la taille des départements, mais lorsqu’on est élu d’un département comme le mien, qui représente 50 % du territoire de la région Île-de-France, on voit que la plupart des conseillers généraux sont tout de même bien étrangers aux problèmes qui se posent dans nos cités. J’ai la faiblesse de penser que le président de l’EPCI en est beaucoup plus proche.

M. le président. Il faut en venir à votre conclusion.

M. Jean-Claude Mignon. S’agissant du CLSPD, je pense qu’il doit avoir un rôle beaucoup plus accru.

Enfin, il faut bien sûr réformer l’ordonnance de 1945 : nous ne sommes plus en 1945, mais en 2006.

Il faut aussi responsabiliser les parents. Le système d’allocations familiales à points que j’avais préconisé il y a quelques années n’est pas complètement stupide. S’il était en place aujourd’hui, il réglerait manifestement bien des problèmes.

Je conclurai sur la rénovation urbaine.

Le Gouvernement a eu le courage de mettre en place une politique amitieuse en ce domaine. Il est indéniable que, grâce aux projets de rénovation urbaine, on va régler bien des problèmes.

Monsieur le ministre, je voterai avec plaisir ce projet de loi que vous défendez devant l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Monsieur le ministre, chers collègues, aujourd'hui, la violence touche toutes les couches sociales, toutes les tranches d'âge ; elle a tendance à prendre le pas sur l'État de droit puisque aucun citoyen n'est épargné.

Si l'on note une baisse de l'insécurité, la population n'en ressent pas les effets car les faits de délinquance sont devenus de plus en plus violents, de plus en plus cruels, certains, pendant longtemps, ayant laissé faire, par laxisme, voire par angélisme : vols avec violence, violences sexuelles, embuscades, braquages, ponctuent régulièrement la vie de nos compatriotes.

Au-delà de ce constat, l’État de droit doit prendre le pas sur l’État de non-droit. Il importe que les atteintes aux biens, les atteintes aux personnes, soient rapidement maîtrisées. Pour les prévenir de façon efficace, vous mettez l'élu local, particulièrement le maire, au cœur de l'action d'où : premièrement, l'importance du droit à l'information ; deuxièmement, l’importance de la coordination entre les différents acteurs de la prévention : famille, acteurs sociaux et médicaux, police, gendarmerie, justice. C'est dire que votre projet de loi a le mérite de tenir compte des réalités actuelles de la délinquance, qui touche de plein fouet une grande partie de notre jeunesse.

Par conséquent, en tant qu’élus responsables et pragmatiques, nous avons le devoir de faire évoluer les dispositifs législatifs afin d’apporter une réponse adaptée, et attendue par une très large majorité de notre population.

Toutefois, monsieur le ministre, je veux appeler votre attention sur ma région, la Guadeloupe, où l'alcool et la drogue font de plus en plus de ravages dans notre jeunesse. Face à une telle situation, l'action des associations, des élus locaux, s'avère particulièrement difficile et limitée. Je rejoins à cet égard les propos tenus ce soir par notre collègue, président du conseil régional de la Martinique, qui vient de décrire ce qui se passe dans sa région, à cause des armes, de la drogue, et aussi de l’alcool. Il faut en effet noter que, en dépit de l'existence de quelques structures d'accueil des jeunes en difficultés, il nous faudrait plus de moyens ciblés sur la prévention, en particulier un centre de désintoxication pour accompagner ceux qui, sous l'effet de la drogue, commettent des actes répréhensibles alors que, actuellement

Ils sont dirigés d’office en psychiatrie bien qu’ils ne relèvent ni de la psychiatrie ni de la prison. Il faudrait aussi un centre de réinsertion, sur le modèle du centre Saint-Jean-Bosco, aujourd’hui fermé mais qui, en son temps, a permis à nombre de nos jeunes de se reconstruire, de se réinsérer.

Monsieur le ministre, une fois de plus, cette législature est marquée par des actes forts de courage, d’engagement et de responsabilité que tout élu se doit de soutenir. C’est pourquoi je voterai votre projet. Je suis maire d’une commune qui connaît beaucoup d’actes de délinquance et dont la population est en émoi. Les jeunes y ont dégradé des maisons de quartier, si bien que les adultes ne veulent plus s’occuper de leur jeunesse. Cependant, comme je le leur ai dit, s’ils renoncent à parler à ces jeunes, tôt ou tard, ils ne pourront plus sortir de chez eux, ni le soir ni le jour, car ils auront laissé le champ libre aux délinquants et aux drogués. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Diefenbacher.

M. Michel Diefenbacher. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons a au moins deux mérites.

Le premier est d’exister : c’est en effet la première fois qu’un gouvernement traite dans un texte unique les aspects les plus divers de la prévention ; et il le fait en fixant non pas des orientations générales, mais des mesures concrètes. La prévention quitte enfin le domaine de l’incantation pour entrer dans celui de l’action.

Le deuxième mérite de la loi est de faire preuve de réalisme. C’est parce que les effets de l’onde de choc de la folie libertaire de mai 1968 ne sont pas encore éteints que nous devons traiter, aujourd’hui encore, la disparition des repères, l’ignorance des règles de la vie en société, le mépris pour la loi et, parfois, l’aversion pour ceux qui l’incarnent.

Prenant en compte l’ensemble de ces éléments, ce texte veut traiter à la fois de l’action sociale et du rappel à la loi.

Pour prévenir la délinquance, l’action sociale est évidemment nécessaire. Elle a tout son sens lorsqu’une dérive est constatée, mais qu’aucun acte de délinquance n’a été commis. Président du conseil général de mon département, je tiens à saluer l’action préventive des travailleurs sociaux. Néanmoins je mesure aussi que, dans les cas les plus difficiles, aucun travailleur social ne peut agir isolément et que seul un réseau peut être efficace. Le réseau, il faut l’animer et le coordonner. Confier cette responsabilité au maire, élu de proximité par excellence, relève du simple bon sens. La solution préconisée par le Gouvernement est la bonne et les précautions prises par le Sénat pour préserver le secret professionnel sont, à mes yeux, tout à fait pertinentes.

Toutefois, si l’action sociale a toute sa place avant qu’un acte de délinquance ait été commis, le rappel à la loi s’impose dès lors qu’une infraction est constatée. Or ce rappel n’est crédible que si la sanction légale est alors appliquée avec toute la rigueur nécessaire. C’est à ce prix que se construisent les repères sans lesquels aucune vie sociale n’est possible.

Certains prétendent que cette fermeté est liberticide. Je n’en crois rien. Ce qui serait liberticide, ce serait au contraire de laisser la délinquance s’installer et le mimétisme de la violence se généraliser. Chacun sait où conduirait ce processus. À terme, on trouverait face à face les caïds d’un côté et l’autodéfense de l’autre.

La vraie question que l’on doit se poser face à ce texte, ce n’est pas de savoir s’il va trop loin, mais au contraire s’il va assez loin. Je veux à ce stade, monsieur le ministre, évoquer la question des peines minimales en cas de récidive. C’est un sujet qui divise, parce qu’il passionne. Raison de plus pour le traiter aussi objectivement et aussi sereinement que possible. Or il n’y a rien de plus objectif que les chiffres. J’en citerai trois : 17 % des délinquants récidivent après une première condamnation, mais ils sont 63 % à récidiver après une deuxième condamnation et, dans nos prisons, 71 % des détenus avaient déjà été condamnés à des peines de prison − ferme ou avec sursis − ou à des travaux d’intérêt général.

Les pays comparables à la France connaissent des situations voisines, mais ils ont réagi plus vite que nous. La plupart d’entre eux, même ceux où la tradition juridique est, comme en France, celle de la liberté d’appréciation du juge dans la détermination de la peine, ont progressivement instauré des peines minimales. C’est le cas des pays anglo-saxons : au Canada, depuis 1977, des peines minimales sont appliquées pour une quarantaine d’infractions ; en Angleterre, la majorité travailliste a fait de même en 1997 en réservant toutefois les peines minimales obligatoires aux cas de récidive.

Les pays anglo-saxons ne sont pas seuls à s’engager dans cette voie. Chez la plupart de nos voisins d’Europe continentale, notamment en Allemagne, en Italie, en Espagne, le code pénal associe à la plupart des infractions une peine minimale et une peine maximale. Que je sache, le Canada, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne ne sont pas moins attachés que nous au respect des libertés, à l’indépendance des juges et à la dignité de l’homme.

On fait souvent valoir que l’enjeu de la peine minimale, c’est la liberté du juge. Cela est faux, puisque le juge peut toujours décider de ne pas sanctionner. L’enjeu de la peine minimale est en réalité d’une toute autre nature : c’est d’éviter une récidive, c’est-à-dire de protéger tout à la fois la victime contre son agresseur et le délinquant contre lui-même.

C’est pour cela que nous avons déposé, avec Claude Goasguen, un amendement dont l’objet est d’appliquer une peine minimale lorsque l’infraction sanctionnée constitue une atteinte à la vie ou à l’intégrité de la personne, et qu’il s’agit d’une récidive.

Lorsque, avant de passer à l’acte, un récidiviste saura exactement à quelle sanction minimale il s’expose, lorsqu’il aura mesuré qu’aucune circonstance atténuante ne pourra l’en exonérer, les règles de la vie collective seront alors parfaitement claires. Nul ne pourra être puni par surprise. J’ai pour ma part la conviction que c’est à ce prix que le sentiment d’impunité pourra être éradiqué. Et c’est lorsque le sentiment d’impunité aura disparu que la prévention pourra atteindre sa réelle efficacité. Ce débat mérite, je crois, d’être abordé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Lilian Zanchi.

M. Lilian Zanchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, permettez-moi, en préambule, de m’étonner − pour la regretter − de l’absence des cinq ministres coresponsables du texte, alors que l’heure est venue de sonner le tocsin de la vérité sur l’état de la délinquance en France, avant que les Françaises et les Français ne fassent sonner le glas du bilan du ministre de l’intérieur.

Évoquons d’abord les chiffres, sujet délicat, car ils sont souvent incomplets et soumis à de multiples interprétations. Depuis quatre ans, le ministre de l’intérieur trompe nos concitoyens par une présentation subjective de chiffres statistiquement justes, mais politiquement fallacieux.

Ainsi, le dernier communiqué de presse du ministère, daté du 13 novembre 2006 et intitulé Évolution de l’activité des services de la police et de la gendarmerie nationales en octobre 2006, ne donne nullement le détail des chiffres de la délinquance. Ceux qu’il cite ne reflètent que la « proactivité des services », c’est-à-dire les contrôles effectués tous azimuts par les forces de sécurité, sur ordre du ministre, sans permettre aucune analyse de l’évolution de la délinquance dans notre pays.

Ce communiqué énonce par exemple que les « infractions révélées à l’initiative des services » ont augmenté de 16,39 % en un an. Mais de quoi s’agit-il ? Ce sont essentiellement des infractions à la législation sur les stupéfiants et sur les étrangers représentant, à elles deux, 74 % des mis en cause selon l’observatoire national de la délinquance. C’est une manière simple de faire augmenter artificiellement, par des contrôles faciles, le taux de mises en cause et le taux d’élucidation. Ainsi, le ministre de l’intérieur croit qu’il agit quand il se contente de stigmatiser publiquement les jeunes et les étrangers, les montrant du doigt comme coupables de facto des faits de délinquance.

Le temps est venu de dire la vérité sur les chiffres. Pourquoi le ministre de l’intérieur ne dit-il pas que seuls 11,2 % des mis en cause pour ces infractions sont des mineurs, chiffre en diminution de 7,3 % en 2006 ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Excellent résultat !

M. Lilian Zanchi. Pourquoi le ministre de l’intérieur ne dit-il pas que, par rapport à 2001, le nombre des mineurs mis en cause a progressé de 12,9 %, soit 2 200 mineurs de plus en cinq ans, alors que celui des majeurs a augmenté de 63 %, soit 57 100 majeurs de plus ?

Pourquoi le ministre de l’intérieur ne dit-il pas haut et fort que la part des étrangers mis en cause pour ces infractions se situe seulement à 13 % et est stable depuis quatre ans ?

Pourquoi le ministre de l’intérieur ne dit-il pas à nos concitoyens que, au cours de ces douze derniers mois, si les atteintes aux biens ont diminué de 2,2 %, on enregistre un accroissement de 5,6 % des vols avec violence, de 6,6 % des atteintes volontaires à l’intégrité physique et de 5,8 % des escroqueries et infractions à caractère économique et financier ?

M. le ministre de l’intérieur, absent, devrait se souvenir de ses déclarations de février 2006 : « Cacher les choses ne mène à rien et faire mine de dissimuler la réalité des faits conduit, au bout du compte, à l’immobilisme et à l’inaction. ». Ces propos sont aujourd’hui un commentaire de son bilan.

Nous le savons tous, les évolutions de la criminalité et de la délinquance se mesurent par les plaintes enregistrées auprès des services de sécurité, mais elles ne sauraient refléter, malheureusement, la réalité des actes de délinquance que subissent nos concitoyens. En effet, la peur des représailles et le sentiment d’impunité, d’insécurité et d’inefficacité des plaintes amènent bon nombre de nos concitoyens à se taire.

C’est pourquoi des enquêtes nationales de victimation sont conduites par l’observatoire national de la délinquance et par le forum français pour la sécurité urbaine qui regroupe 140 collectivités locales de gauche comme de droite. Ce dernier, dont je suis administrateur, m’a confié le pilotage national de ces enquêtes qui permettent de mesurer le chiffre noir de la délinquance, c’est-à-dire le nombre de faits de délinquance que subissent réellement nos concitoyens, mais dont certains ne font l’objet d’aucun renvoi, d’aucune plainte aux services de sécurité.

Ces enquêtes constituent une approche complémentaire des statistiques policières de la délinquance. Elles permettent surtout d’élargir le traitement de l’insécurité, de ne plus y accéder seulement à travers la porte de l’auteur des faits, mais également par celle de la victime. Elles cherchent à décrire les rapports entre les victimes et les services de police et de gendarmerie, à situer certaines atteintes aux personnes et aux biens dans leur contexte, à mesurer les conséquences de la victimation dans la vie quotidienne, à évaluer le sentiment d’insécurité et, enfin, à connaître plus précisément les motivations du non-recours aux institutions.

Ces enquêtes de victimation révèlent, par exemple, que, si le taux de plaintes pour cambriolages est de 77 %, il n’est que de 30 % pour les agressions et se situe à moins de 20 % pour les victimes d’agressions sexuelles. Ces quelques chiffres nous montrent l’ampleur des défis que nous devons relever et le chemin qu’il nous reste à parcourir pour briser la loi du silence.

Plus encore, quand nous questionnons les victimes sur les raisons pour lesquelles elles ont ou n’ont pas déclaré l’agression auprès des services de sécurité, nous apprenons que seules 20 % déclarent une agression « parce qu’il faut le faire ». Les autres le font pour « punir les coupables » ou pour « éviter que ça se reproduise ». C’est bien la preuve que, comme nous, comme moi, s’ils souhaitent la punition des coupables, nos concitoyens s’inscrivent davantage dans une logique de prévention que dans une logique de répression. Les raisons qu’évoquent nos concitoyens révèlent bel et bien l’écart entre un discours politico-médiatique sur l’insécurité et l’insécurité elle-même telle qu’elle est perçue par ceux qui la vivent au quotidien.

Par ailleurs, si 11,2 % des actes de délinquance sont commis par des mineurs, ces enquêtes nous révèlent que 12,7 % des mineurs sont victimes d’actes de violences physiques et que c’est la tranche d’âge la plus victimisée. C’est donc bien une politique de prévention et de protection des mineurs qui doit être menée, et non cette politique aveugle de répression que vous nous proposez avec ce texte.

Face à ces constats, le Gouvernement est resté sourd depuis quatre ans. La seule réponse du ministre de l’intérieur à ces cris d’alerte et, parfois, de désespoir, a été de stigmatiser les jeunes vivant dans les quartiers sensibles, en les qualifiant de « racailles » et en déclenchant des opérations policières médiatisées de « nettoyage au Kärcher ». (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Le bilan de ces opérations s’est traduit par une hausse de 9 % des violences policières. La population est apeurée par ces actions coups-de-poing pendant que les véritables délinquants continuent à incendier les voitures, les bus et à agresser policiers et sapeurs-pompiers.

M. Lilian Zanchi. Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous nous présentez un projet de loi sur la prévention de la délinquance, mais, permettez-moi de vous le dire, le ministre de l'intérieur présente un texte hors sujet parce qu'il confond répression et prévention.

M. Lionnel Luca. Pas du tout !

M. Lilian Zanchi. Il s’enferme dans la même logique que lorsqu’il déclarait à Toulouse que la meilleure des préventions était la sanction.

Oui, ce texte est hors sujet parce qu’il n’est qu’un fourre-tout répressif propulsant le maire, ainsi que cela découle des articles 5 à 9, contrôleur général en chef des actions sociales, sanitaires et éducatives menées auprès de ses concitoyens. Il est hors sujet parce qu’il fait l'amalgame entre populations défavorisées et populations à risque, comme s'il y avait obligatoirement – voyez à cet égard les articles 12 ter et 44 – un lien de cause à effet entre l’exclusion sociale et les actes de délinquance.

Lorsqu’à Villeurbanne – ville que vous avez visitée récemment – j'étais adjoint au maire, chargé de la prévention et de la sécurité, j'attendais que vous nous présentiez un projet global et clair sur la prévention de la délinquance. Or le projet de loi que nous étudions ne répond en rien aux attentes des élus locaux. Celui que j’appelle de mes vœux devrait, selon moi, reposer sur deux axes.

Le premier, que je qualifierais de prévention réactive, consisterait à condamner les délinquants proportionnellement aux actes commis ; à améliorer encore le taux de réponse pénale, qui est de 75 % pour l'ensemble des affaires poursuivables et de 82 % pour le parquet des mineurs ; à améliorer l'effectivité de la peine et, enfin, à définir un véritable programme de réinsertion sociale.

Le second axe, que j’appellerais la prévention proactive, aurait pour objectif d'empêcher le passage à l'acte. Exigeant un travail de fond, car il appelle des mesures de prévention situationnelle, technique et technologique, il repose sur un accompagnement à la socialisation des jeunes comme des adultes, qu’ils soient auteurs ou victimes. La Grande-Bretagne, par exemple, mène depuis 2003 un programme d'inclusion des jeunes, l'objectif étant qu'au moins 75 % des jeunes ciblés comme ayant un comportement déviant bénéficient d’au moins cinq heures par semaine de l'intervention d'un professionnel.

Mauvaise définition du sujet « prévention », analyse volontairement tronquée des données, réponses confuses et hors sujet, dans le seul but de justifier auprès des Françaises et des Français une politique et des propos toujours plus répressifs du ministre de l’intérieur : votre copie n'est donc pas recevable en l'état, parce que prévenir, ce n'est pas surveiller ; prévenir, ce n'est pas punir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca. Monsieur le président, mesdames, messieurs, qu’il me soit d’abord permis de saluer la présence du ministre délégué, qui a été le rapporteur de tous les textes majeurs concernant la sécurité dans notre pays depuis 2002 et qui est donc pleinement compétent pour assumer, avec toute l’efficacité qu’on lui connaît, la responsabilité gouvernementale qui lui incombe.

Mme Henriette Martinez. Très juste !

M. Lionnel Luca. Depuis 2002, les gouvernements qui se sont succédé se sont attachés, comme le Président de la République s’y était engagé, à inverser la tendance catastrophique, celle d’une délinquance croissante, qui aura caractérisé le gouvernement Jospin et qui, d’ailleurs, aura écarté ce dernier du second tour des élections présidentielles. Pas moins de quatre lois auront été nécessaires concernant respectivement la justice, la sécurité intérieure, l’évolution de la criminalité et le traitement de la récidive.

Des moyens conséquents ont été consentis, tant pour le recrutement d’effectifs, compensant la baisse tragique due aux trente-cinq heures, que pour le matériel, donnant ainsi aux forces de l’ordre une nouvelle motivation et une efficacité remarquable ; la plupart du temps aujourd’hui, lorsqu’un acte criminel se produit, ne retrouve-t-on pas dans les meilleurs délais ses auteurs, alors qu’hier le cas était fort rare ?

Cette réussite est à mettre au crédit du ministre de l’intérieur, dont il faut saluer le courage, car il ne se contente pas d’indiquer les objectifs à atteindre : il se donne les moyens d’y parvenir tout en rendant public les résultats obtenus. Aujourd’hui, les faits sont là : non seulement la délinquance ne progresse plus, mais elle recule, même s’il faudra du temps pour aboutir à des résultats plus amples. Toutefois, la délinquance des mineurs reste préoccupante, ce qui n’est pas satisfaisant. Aussi un texte était-il nécessaire pour parachever le travail législatif afin d’obtenir, dans ce domaine également, des résultats concrets.

Pourtant, quelle que soit la qualité des textes que nous aurons votés, il va de soi qu’ils n’ont de sens que s’ils sont appliqués tant à la lettre que dans l’esprit. Or on ne peut que douter d’une telle application à voir des syndicats de magistrats attaquer les lois votées par le Parlement pour les faire invalider.

L’intérêt majeur de ce texte est de reconnaître aux maires le rôle important qui est le leur. Au moment où se réunit le congrès des maires de France, cela a valeur de symbole.

Loin d’en faire des shérifs, comme le prétend une gauche qui s’enthousiasme pour sa candidate, qui n’a d’ailleurs rien trouvé de mieux que de militariser les centres éducatifs pour adolescents, il les consacre comme des sages de la République, chefs de la famille citoyenne de leur commune. Certes, la plupart du temps, les maires jouent déjà, de fait, un rôle d’animateur et de coordonnateur entre les différents partenaires concernés. Désormais, ce rôle sera consacré par la loi, ce qui leur procurera une meilleure protection tout en leur permettant de bénéficier des informations nécessaires à la prévention. Comment pourrait-on s’en offusquer alors que les maires sont officiers de police judiciaire et que ce sont souvent eux qui, du fait de leur connaissance des réalités de leur commune et de leur proximité avec les habitants, fournissent les informations aux autres intervenants ?

J’en viens à un problème qui, sauf dans certains quartiers, peut paraître marginal, celui des chiens dangereux. Il ne fait en effet l’objet d’aucun volet éducatif donc préventif dans le texte, qui m’apparaît de ce fait trop répressif voire uniquement répressif sur ce point. Si l’animal est dangereux, c’est que son propriétaire l’est déjà, volontairement ou inconsciemment.

Mme Henriette Martinez. Tout à fait !

M. Lionnel Luca. Je souhaite donc que la possession d’un animal de première ou de deuxième catégorie soit subordonnée à l’obtention d’un certificat de sociabilité et d’aptitude, comme c’est le cas pour tous ceux qui font participer leur animal à des concours canins.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Très bien !

M. Lionnel Luca. Un tel dispositif présenterait l’avantage de responsabiliser le maître, de l’aider à gérer son animal et de réduire les risques d’accidents, donc de limiter les cas d’euthanasie. J’ai présenté un amendement en ce sens en commission des affaires sociales, et la commission des lois l’a adopté après qu’il eut été défendu par Georges Fennec et repris par le rapporteur. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous l’acceptiez à votre tour.

En conclusion, nous soutiendrons ce texte, parce que c’est ce qu’attendent les Français (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. André Schneider.

M. André Schneider. Monsieur le président, mes chers collègues, monsieur le ministre, au moment même où nous entamons le débat sur ce texte qui met le maire au cœur du dispositif de prévention, s’ouvre le quatre-vingt-neuvième congrès des maires de France : j’y vois une concomitance significative. Aussi n’étonnerai-je personne si, en ma qualité également de maire, je centre mon intervention sur cet aspect du projet de loi.

Ce dernier consacre donc le maire comme animateur et coordonnateur de la politique de prévention de la délinquance. Ceux qui, comme moi, assument cette éminente fonction ne me démentiront pas : c’est vers nous que, naturellement, se tournent nos concitoyens lorsqu’un trouble survient dans la commune.

Mme Henriette Martinez. Eh oui !

M. André Schneider. Le maire a en effet, avec ses administrés une proximité, qu’aucun autre chef d’exécutif ne peut revendiquer, car il est le pivot en matière de coordination des politiques locales de prévention. Agissant en sa qualité d’officier de police judiciaire, c’est lui qui, sans uniforme, connaît le mieux son territoire communal. Écartons donc cette idée d’un maire « super-flic » véhiculée par certains.

Que n’avons-nous d’ailleurs entendu à ce propos, y compris ici ! Pourquoi tant de réactions épidermiques à propos des maires, mes chers collègues, alors que la majorité d’entre nous, me semble-t-il, assume cette fonction ?

M. Lionnel Luca. Bonne question !

M. André Schneider. En quoi leur respectabilité, leur honorabilité, leur compétence seraient-elles moindres que celles des travailleurs sociaux, des assistantes sociales voire des magistrats ?

M. Lionnel Luca. Excellent !

M. André Schneider. Selon certains, ce texte serait un acte de défiance à l’encontre des magistrats, plus particulièrement des juges pour enfants. Faudrait-il comprendre dans ces conditions que cette méfiance vaut également pour les premiers magistrats de nos communes que sont les maires ? (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

On dit également, monsieur le ministre, que vous chercheriez à opposer maires et présidents de conseil général. D’aucuns parlent même de transferts de compétences. Il n’en est évidemment rien, et vous le savez bien, mes chers collègues : le partenariat entre les communes et les départements existe de fait depuis longtemps ; il évolue, c’est tout. Enfin, à ceux des détracteurs du projet de loi qui cherchent à opposer le maire et son conseil communal d’action sociale, faut-il rappeler que c’est le maire qui préside ce dernier ?

M. Lionnel Luca. Très juste !

M. André Schneider. Avec ce texte, il s’agit, pour l’essentiel, de conforter le rôle central du maire, déjà principal intervenant en matière de prévention dans sa cité puisque c’est lui qui anime et coordonne la politique de prévention de la délinquance. Il assume en effet ce rôle au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, dans les villes de plus de 10 000 habitants, depuis juillet 2002. Il est en outre, dans les conseils des droits et devoirs des familles, le relais entre le conseil général, le directeur de la CAF, le juge pour enfants et le procureur de la République. Le fait que le maire puisse rappeler à l’ordre le mineur évitera peut-être à ce dernier de gravir les échelons de la délinquance.

Le maire a aussi un rôle à jouer avec tous les partenaires impliqués dans le traitement de l’absentéisme scolaire et, en cas de nécessité, dans la suppression des allocations familiales ; je pourrais à cet égard, en ma qualité de maire et donc de pédagogue, vous citer de nombreux exemples.

S’agissant du partage des informations entre le maire, les travailleurs sociaux, les professionnels de la santé et les intervenants des autres services publics, il est nécessaire de clarifier les choses.

Nombre de bonnes initiatives, isolées, sont lancées sur le terrain sans toujours porter de fruits, faute de mise en commun. Le maire pourra désormais, en cas de pluralité d’interventions, nommer, après concertation, un coordonnateur : où est le drame ? La communication entre les différents acteurs intervenant sur le terrain n’est-elle pas essentielle ? Je sais que les travailleurs sociaux, dont je tiens à saluer le travail effectué au quotidien, sont réservés voire hostiles s’agissant du partage avec les maires des informations qu’ils détiennent. Il paraît qu’on les transforme en délateurs. Soyons sérieux ! On ne va pas, pour les faire parler, les soumettre à la question ! Il s’agit simplement d’éviter des situations dramatiques, comme celle que j’ai eue à connaître dans ma circonscription et que M. le ministre d’État a rappelée au Sénat : qui ne se souvient de ce garçon de neuf ans du quartier difficile de Hautepierre, à Strasbourg, mort des suites des mauvais traitements que lui infligeait sa famille, alors même que plusieurs travailleurs sociaux, de différents services, avaient connaissance de la situation ? Une mise en commun de leurs informations aurait pourtant pu éviter ce drame.

Enfin, ce texte répond à l’évolution de la délinquance des mineurs qui, on a pu le constater au fil des ans, a, d'une part, augmenté de 80 % en dix ans et, d'autre part, changé de nature en se diversifiant. Il était donc essentiel de modifier l’ordonnance de 1945 qui n’était plus adaptée aux réalités actuelles, faute de répondre de manière adéquate et graduée aux premières manifestations d’un comportement délictueux de jeunes, qu’il s’agisse du trafic de drogue ou encore du marché souterrain.

Il est nécessaire d'adapter la sanction à la gravité des actes commis par des mineurs. Comment oublier le drame vécu par Mama Galledou, cette jeune femme grièvement brûlée dans l’incendie criminel d’un bus, à Marseille, il y a quelques semaines ?

Notre mission collective est, au fond, de mettre en commun nos compétences afin de permettre à nos concitoyens de vivre sereinement et, pour ce qui nous concerne, de rattraper tous les gamins qui, pour une raison ou une autre, restent au bord du chemin. Oui, la prévention est notre mission fondamentale, et le maire, par sa proximité du terrain, est un acteur majeur d’un partenariat qui se doit d’être efficace et de fonctionner dans un climat de confiance et de sérénité.

Cependant, lorsque toutes les mesures de prévention ont échoué, la répression devient nécessaire, pour protéger la société des auteurs de faits de délinquance. L’émergence de cette nouvelle délinquance appelait des réponses. Monsieur le ministre, votre projet de loi permettra, j’en suis sûr, de les apporter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Arlette Franco, qui sera le dernier orateur de cette séance.

Mme Arlette Franco. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à préciser, dès le début de mon intervention, que j’ai enseigné durant quinze ans dans des classes de jeunes âgés de quatorze à seize ans en situation délicate, cela pour expliquer que je me situerai au niveau du vécu.

Si certains de mes élèves ont fini en prison ou dans la rubrique des faits divers, j’ai retrouvé 70 % d’entre eux dans la vie dite normale, dans tous les secteurs et à tous les échelons de la société. Je suis donc, par expérience, totalement convaincue du besoin de responsabilisation des jeunes, donc de la nécessité de la prévention mais également de la sanction.

Les ados non responsabilisés arrivent, par escalade personnelle, à se construire, à se former contre les parents, contre les directives de la société et si cela semble leur réussir sans conséquences pour eux-mêmes, aucune limite ne leur paraîtra exister.

Néanmoins tout acte à un prix. Nous acceptons et favorisons les prix valorisants, diplômes, médailles, progression sociale. Acceptons le prix de la transgression. Vivre en société et cela dès trois ans, à la crèche, à la maternelle, nécessite une connaissance et une acceptation des règles et des conséquences de leur transgression. Jamais un élève ne m'en a voulu de s’entendre dire que, au-delà de telle limite, son ticket n'est plus valable et de s’en voir appliqué les conséquences.

Par ailleurs, la prévention doit correspondre à l'obligation des devoirs des mineurs, donc des parents. L'obligation de la scolarité doit mener au contrôle et aux sanctions envers les parents. Sans les connaissances scolaires minimales, aucune chance n'existe, que l’on parle ensuite de prévention ou de sanction.

Je veux insister sur l'intervention des maires introduite par ce texte.

Je suis peut-être hors la loi, mais j’interviens déjà, car, connaissant parfaitement les causes des dérapages, je peux justement agir, grâce à l'articulation des services de proximité, dans le domaine de la prévention ou pour que la sanction soit adaptée : réparation des dégâts en cas de tags, contrôle des lieux interdits aux mineurs, rencontre avec les éventuels acteurs de l'environnement social. D'ailleurs, la présence des élus dans les conseils d'administration des établissements scolaires, obligatoire d’après les textes, signifie autre chose, j’espère, que le simple suivi matériel des équipements.

Je veux également évoquer les centres fermés.

Le terme est plus dur que ne l'est le principe. Croire, comme cela s’est produit, que placer ces jeunes sur un navire qui fait le tour du monde est un moyen de leur apprendre la réalité du quotidien est une belle idée, une belle expérience mais ce ne peut être une solution : d’une part cela ne peut concerner que quelques cas ; d'autre part, le retour à la vie citadine, avec des transports moins exotiques et un travail plus astreignant peut-être, s’accompagne d’une déception encore plus traumatisante que si on les avait laissés dans leur quotidien sordide.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quand on revient à terre, c’est la galère ! (Sourires.)

Mme Arlette Franco. Le centre doit leur permettre d’acquérir des connaissances ou la formation à un emploi. Il faut retirer de milieux dangereux des jeunes qui ont perdu tout sens des valeurs, leur apprendre un métier et, surtout, une discipline qui n'est autre que celle que nous nous imposons tous pour faire partie de cette société.

La prison traditionnelle non, mais la liberté totale, facteur de récidive, ou un faux environnement idyllique non plus.

L'internat n'a jamais été un bagne, même s’il doit être adapté à des mineurs en danger pour eux et pour les autres. Et puis ne soyons pas misérabilistes, toute la délinquance des jeunes ne vient pas des quartiers ou des banlieues. Nous avons trop lu les textes d’Eugène Sue, de Victor Hugo, d’Émile Zola. (Sourires.)

La loi est la même pour tous les jeunes délinquants et les habitants de ces quartiers que nous traumatisons parfois ont droit à une vie normale.

La récidive en revanche est intolérable. Si un individu mineur ou majeur n'a pas le sens de la responsabilité, il doit être mis en demeure de payer les préjudices qu'il occasionne volontairement car, quand il réitère un acte, il ne peut plus ignorer qu'il est malfaisant. Je suis désolée pour ceux qui croient que la société n'est faite que pour amnistier ou laisser agir les individus qui refusent de saisir une première chance.

Des élus de gauche souhaitaient le permis de conduire et le droit de vote à seize ans. On ne peut affirmer la maturité pour certains actes – la conduite peut engendrer la mort – et considérer l'innocence pour d'autres actes pouvant entraîner la mort, comme les incendies de bus.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Très bien !

Mme Arlette Franco. Dans toutes les disciplines sportives – et Dieu sait si les jeunes délinquants admirent les sportifs ! – il existe des règles, des arbitres, et des sanctions. Même celui que tout le monde a le plus aimé a reçu une sanction, quoi qu’en pense chacun d’entre nous. Pourquoi ces jeunes refuseraient-ils les mêmes principes dans la vie courante ?

Je maintiens que la scolarité obligatoire et contrôlée, l'éducation concertée, la formation et le travail sont les vraies solutions et que les mineurs doivent relever de certaines attitudes responsables, par l’intermédiaire de la prévention ou de sanctions adaptées, et non d'un laxisme démagogique.

Je terminerai par là ou j'ai commencé.

Mes élèves habitaient Perpignan, d’où de tristes échos vous sont parvenus l’année dernière. Je ne leur ai jamais fait de concessions et je sais, car je les rencontre souvent, qu'ils ne regrettent pas l'obligation qu'ils ont eue de reconnaître et d'accepter les règles du jeu.

Je vous livre un dernier exemple d’intervention en tant que maire.

Je convoque, depuis déjà longtemps, les mineurs et leurs parents…

Mme Patricia Adam. Eh oui ! comme tous les maires !

Mme Arlette Franco. …avec le risque qu’un jour des parents de mauvaise foi portent plainte parce que ce n’est pas légal.

M. Lionnel Luca. Absolument !

Mme Arlette Franco. Je convoque donc les mineurs et leurs parents lorsque les adolescents ont été signalés au moins trois fois sur les rapports de police. Un jour, une mère s'est excusée du fait que son gamin de douze ans ait été récupéré à trois heures du matin, ivre. « Si je l'empêche de sortir, il fuguera » me disait-elle « et je serai dans l’angoisse. » Je lui ai demandé ce qu'elle ferait si on ramenait son gamin dans un cercueil ou dans un fauteuil roulant ? Elle m'a répondu qu'elle n'avait pas envisagé une telle situation. Je lui ai rétorqué que c’était pourtant bien ainsi qu’il fallait envisager les choses. Je n'ai plus eu à l'« inviter ». Je sais qu'elle et son gamin ont réussi à discuter et que le gamin, aujourd’hui, ne boit plus de rosé, même si le rosé de mon département est bon. (Sourires.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous auriez dû nous en apporter !

Mme Arlette Franco. Je voterai cette loi parce qu'elle est nécessaire. Le monde de la violence et du « rien n’est interdit » sera stoppé par notre prise de responsabilité et notre acte de courage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Aujourd’hui, à quinze heures, première séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion du projet de loi, n° 3338, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance :

Rapport, n° 3436, de M. Philippe Houillon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ;

Avis, n° 3434, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 22 novembre 2006, à zéro heure cinquante.)