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(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.
Ce projet de loi prévoit également la reconnaissance pleine et entière de la profession de diététicien, dont seul l'usage du titre était jusqu'à présent réglementé et protégé par le code de la santé publique.
Je veux revenir tout d'abord sur l'harmonisation des règles de fonctionnement des ordres et la simplification des procédures administratives entourant l'exercice professionnel que ce texte met en place.
Le projet de loi homogénéise les règles de fonctionnement de différents ordres en créant un corpus de règles cohérentes applicables aux différentes professions. Nous avons à cet égard largement consulté les acteurs concernés et veillé à prendre en compte les suggestions, remarques et recommandations qu'ils nous ont soumises, en prenant soin de respecter les spécificités et les contraintes de l'exercice des différentes professions visées par ce texte.
Ce projet de loi renforce aussi les garanties procédurales pour les patients comme pour les professionnels, avec trois changements importants.
En premier lieu, la procédure de conciliation est réorganisée, avec la création d'une commission en charge de la conciliation au sein des conseils départementaux.
Le projet de loi prévoit également explicitement les incompatibilités entre chambres disciplinaires de première instance et chambres d'appel.
Il généralise enfin à l'ensemble des ordres, et en l'occurrence à l'ordre des pharmaciens, la présidence des chambres disciplinaires par un magistrat administratif.
Le projet de loi améliore par ailleurs le fonctionnement des ordres, en créant une autorisation d'absence pour les professionnels salariés et agents publics conseillers ordinaux.
S'agissant de la simplification des procédures administratives entourant l'exercice professionnel, l’un des objectifs de ce texte est de continuer à préparer, pour l'ensemble des professions, la mise en œuvre, pour mars 2007, du répertoire partagé des professions de santé. Ce répertoire, je le rappelle, vise à créer un numéro d'identifiant unique et permanent pour le professionnel. Il remplacera le système actuel, dont nous connaissons la complexité, et dans lequel les professionnels disposent de plusieurs identifiants différents : un auprès de la DDASS, un autre auprès de l'Ordre et un troisième auprès des caisses. Ce système contraint les professionnels à de nouvelles procédures en cas de changement de département.
Avec le répertoire partagé, les démarches administratives des professionnels seront facilitées, ainsi que le suivi statistique des professions de santé. Nous pourrons ainsi mieux connaître le maillage territorial de nos départements et agir plus efficacement pour anticiper l'évolution démographique des professions. Cette réforme, en apparence technique, va profondément faciliter la vie des professionnels de santé.
Simplifier, c'est aussi moderniser les conditions d'établissement et de diffusion des listes de professionnels d'un département, avec la suppression de la transmission obligatoire de ces listes aux parquets et leur mise à disposition sur Internet, ce qui les rendra consultables par tous nos concitoyens.
Simplifier l'exercice professionnel, c'est également faciliter les remplacements en allégeant les procédures. Le régime d'autorisation préalable délivrée par les préfectures sera supprimé et la compétence de l'Ordre élargie dans ce domaine.
S'agissant plus particulièrement des diététiciens, le projet de loi permet d'instituer pour leur profession un statut de profession de santé. Avec cette mesure, nous voulons donner une vraie reconnaissance à cette profession, qui est appelée à jouer rôle plus important dans notre système de santé : le traitement des troubles nutritionnels sera amélioré par des actions de prévention comme l'éducation et le conseil et par la prise en charge des personnes souffrant de pathologies liées à une mauvaise nutrition.
La diététique est devenue un enjeu de santé majeur dans notre pays, à une époque où l'obésité continue de croître et où les pathologies impliquant la nutrition, comme les cancers, les maladies cardiovasculaires, le diabète, touchent plusieurs millions de Français. La nutrition n’est pas seulement un enjeu médical : c’est aussi un enjeu social et sociétal.
Le deuxième PNNS – programme national « Nutrition santé » –, lancé le 6 septembre dernier, prévoit d’ailleurs un plan spécifique de repérage précoce et de prise en charge de l'obésité, cette prise en charge ne pouvant se faire que de manière multidisciplinaire. Les diététiciens sont des interlocuteurs privilégiés dans le cadre des réseaux mis en place, mais aussi, plus globalement, dans les établissements de santé concernés par les problèmes de dénutrition des patients.
Le projet de loi que je vous présente aujourd'hui permet de franchir une étape importante dans la reconnaissance de la profession de diététicien en France. La loi reconnaissait jusqu'à ce jour l'usage du titre, mais elle ne définissait pas l'exercice professionnel du métier de diététicien. Ce texte reconnaît désormais pleinement le diététicien comme un professionnel de santé, avec ses droits et ses obligations.
Plus précisément, l'article 7 du projet de loi prévoit quatre avancées pour la profession.
Tout d’abord, la définition d'un statut. Le diététicien est défini comme un professionnel qui dispense des conseils nutritionnels et, sur prescription médicale, participe à l'éducation et à la rééducation nutritionnelle des patients. Il établit ainsi un bilan diététique personnalisé de la personne prise en charge et contribue au suivi, à l'évaluation et au contrôle de la qualité de l'alimentation servie en collectivité, ainsi qu'aux activités de prévention dans les domaines de santé publique relevant du champ de la nutrition.
Cet article prévoit aussi la création d'un diplôme d'État, qui se substituera aux actuels BTS et DUT. Un arrêté, que je prendrai conjointement avec le ministre de l'éducation nationale, définira le contenu du diplôme et des formations qui y préparent. Nous travaillerons en lien avec les professionnels de santé sur des référentiels pour le métier de diététicien. Cela permettra notamment d'améliorer la qualité de leurs prestations, de les faire reconnaître par les professionnels de santé et, par conséquent, de mieux les intégrer dans la prise en charge des patients.
La profession sera également protégée des usages illégaux du titre de diététicien, des sanctions pénales étant applicables au délit d'exercice illégal.
Les professionnels devront également s'enregistrer sur le fichier national ADELI, ce qui permettra de connaître avec une parfaite précision la démographie de la profession.
Enfin, vous le savez, le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, actuellement discutée à l'Assemblée nationale, a soulevé les interrogations de l'ensemble de la communauté psychiatrique et des associations de familles et d'usagers sur la nécessité d'avoir une approche globale et cohérente des procédures de soins psychiatriques sous contrainte, dans un texte porté par le ministre de la santé.
C'est pourquoi nous proposons aujourd'hui au Parlement, en plein accord avec le ministère de l’intérieur, un amendement permettant d'habiliter le Gouvernement à réviser par ordonnance les dispositions de réforme de la loi de 1990. Cette réforme globale comprendra, outre les éléments concernant les procédures de l'hospitalisation d'office, un volet sanitaire qui « impacte » directement les professionnels de santé de la psychiatrie ; il est donc cohérent et légitime de vous proposer d'adopter cet amendement dans le cadre de la présente discussion.
Je me suis exprimé à ce propos à l'occasion de la discussion générale sur le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, et je vous invite à mesurer les avantages à légiférer par ordonnance : cela permet de disposer, ainsi que je l'ai indiqué, d'un texte appréhendant de manière globale les problématiques liées à l'hospitalisation sous contrainte, d’agir vite, sans négliger l'indispensable concertation avec les acteurs de la santé mentale et de pouvoir enfin disposer d'un texte finalisé dès le début de 2007, ce que n'aurait pas permis le calendrier parlementaire.
Je voudrais saluer le travail qui a été fait par Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, afin de trouver une solution équilibrée, qui corresponde précisément aux attentes des professionnels et des associations.
Mesdames et messieurs les députés, le texte que je vous présente aujourd'hui est un texte de bon sens (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), qui permettra de simplifier la vie des professionnels de santé et l'exercice de leur profession. C'est aussi un texte cohérent avec les ambitions de santé publique du Gouvernement. C'est enfin, par l'amendement que je présenterai, une habilitation à réformer, après concertation, les dispositions relatives aux procédures de soins psychiatriques sous contrainte, qui comprennent notamment un important volet sanitaire. Pour ces raisons, je demande à l’Assemblée d’adopter le projet de loi qui lui est soumis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Ce projet de loi poursuit un mouvement de fond amorcé par la loi d'habilitation du 2 juillet 2003, qui a lancé le plus grand mouvement de simplification administrative depuis 1945, relayée par la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, laquelle a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnances toute une série de mesures visant à simplifier le droit.
Il a pour objet principal de ratifier l'ordonnance du 26 août 2005, tout en modifiant ou complétant certaines de ses dispositions. Il complète ainsi utilement la réforme engagée par la loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, poursuivie par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, en permettant la mise en œuvre effective de cette réforme.
La politique de simplification législative constitue en effet un axe majeur de la politique du Gouvernement, et l'ordonnance du 26 août 2005 s'inscrit dans une démarche à long terme, ambitieuse et suivie de simplification du droit.
Outre la ratification de l'ordonnance relative à l'organisation de certaines professions de santé – médecins, sages-femmes, chirurgiens-dentistes, masseurs-kinésithérapeutes et pédicures-podologues –, le projet de loi comporte également d'autres dispositions qui, d'une part, rectifient ou complètent le dispositif de l'ordonnance et, d'autre part, modifient de façon plus générale le code de la santé publique.
Par ailleurs, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, lors de sa réunion du 22 novembre 2006, a adopté onze amendements – dont dix à l'initiative du rapporteur – qui ont permis d'améliorer et d'enrichir le présent texte. Un amendement a notamment été adopté afin de soumettre les orthophonistes et les orthoptistes à l'obligation de se conformer aux règles professionnelles, qui seront définies par décret en Conseil d'État. Deux autres amendements concernent la profession de diététicien et le régime des hospitalisations d'office des personnes atteintes de troubles mentaux.
Pour ce qui concerne l'ordonnance proprement dite, le nombre important des dispositions qu'elle édicte témoigne à lui seul de la réussite de la politique de simplification. Ces dispositions concernent pour l’essentiel des mesures de clarification de forme, quelques innovations, de nombreuses mesures de simplification et une harmonisation des dispositions répressives applicables aux infractions d'exercice illégal et d'usurpation de titre.
Les mesures de clarification de forme sont, d’une part, des mises en cohérence juridique consistant à regrouper dans des articles communs des dispositions qui figuraient dans les différents chapitres concernant chacun des ordres et, d’autre part, des corrections d'erreurs matérielles.
L'ordonnance contient également quelques nouveautés significatives : une meilleure transparence entre les praticiens et les ordres des professions médicales ; le souci d'une véritable continuité dans le fonctionnement des instances ordinales nationales ; un meilleur respect du principe du double degré de juridiction, notamment au travers de la fixation des conditions d'inéligibilité et d'incompatibilité auxquelles sont soumis les membres des chambres disciplinaires nationales des professions médicales ; un rôle accru du fonctionnement de la commission de conciliation au sein des conseils départementaux des professions médicales ; la création d'une autorisation d'absence pour les conseillers ordinaux des professions médicales leur laissant le temps nécessaire pour participer aux séances du conseil sans diminution de leur rémunération.
L'ordonnance contient également de nombreuses mesures de simplification, parmi lesquelles la simplification de l'organisation et du fonctionnement des ordres des professions de santé. C'est l'objet de l'article 9, qui allège les règles de diffusion des listes de professionnels de santé inscrits aux tableaux de leur ordre en supprimant la transmission des tableaux au parquet du tribunal de grande instance. Le partage efficace des informations réalisé grâce aux nouvelles technologies de l'information devrait, à l'avenir, être encore amélioré par la mise en place d'un répertoire partagé des professionnels de santé.
Elle simplifie également le dispositif d'encadrement des professions réglementées dans les domaines sanitaire et social, de manière à alléger les différentes démarches administratives auxquelles sont soumises les professions de santé. L’allégement, par ailleurs, des procédures d'enregistrement applicables aux psychologues et aux assistants de service social, des procédures de remplacement des professionnels de santé et des procédures de création et de changement d'exploitant des pharmacies sont autant d'exemples significatifs illustrant la démarche de simplification du Gouvernement.
Enfin, l'ordonnance comporte des mesures qui visent à harmoniser les dispositions répressives applicables aux infractions d'usurpation de titre et d'exercice illégal des professions réglementées par le code de la santé publique.
Concernant l'usurpation de titre, la rédaction des articles du code de la santé publique renvoyant à l'article 433-17 du code pénal, relatif à l'usurpation de titre, différait jusqu'ici, suivant les professions, quant à la définition de l'infraction. La nécessité d'informer correctement ceux qui seraient tentés d'usurper le titre d’une profession de santé réglementée est indispensable au regard des risques sanitaires qui s'attachent à une telle usurpation. Il était donc urgent d'harmoniser la définition de l'infraction relative au délit d'usurpation de titre pour l'ensemble des professions concernées.
Pour ce qui concerne l'exercice illégal, la question est différente. En effet, se prévaloir d'un titre dont on ne dispose pas – c’est l’usurpation de titre – s'oppose à la pratique d'actes et à l'exercice d'une profession pour laquelle on n'est pas habilité – c’est l’exercice illégal –, acte pouvant entraîner de graves conséquences en matière de sécurité sanitaire. Dès lors, il importait que l'exercice illégal ne soit pas puni moins sévèrement que l'usurpation de titre, elle-même punie à titre principal d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. En pratique, on constatait que la répression de l'exercice illégal des professions de santé variait considérablement d'une profession à une autre. Inexistante pour la profession de diététicien, simple contravention pour la profession d'orthophoniste, mais délit pour les professions médicales. L'ordonnance harmonise les dispositions répressives, en mettant fin à l'extrême hétérogénéité actuelle de l'échelle des peines, sans les uniformiser pour autant.
Pour la profession de diététicien notamment, il est apparu nécessaire de définir préalablement l'exercice de cette profession, avant de fixer des sanctions pénales relatives à l'exercice illégal. L'habilitation législative ne permettait pas de procéder à cette définition dans le corps de l'ordonnance. C'est la raison pour laquelle elle figure dans le cadre de l'article 7 du présent projet de loi. Avec son article 8, celui-ci fixe également les règles propres à l'encadrement de l'enseignement et de l'exercice de la profession de diététicien.
À titre personnel, je regrette d'ailleurs que le projet de loi ne comporte pas, parallèlement, d’articles fixant des règles similaires pour la profession de psychothérapeute.
Il s'agit d'une avancée très importante, attendue depuis des années par les professionnels. Cette mesure s'inscrit dans le programme national « Nutrition santé », relancé en septembre 2006 par le ministre de la santé, qui place notamment le rôle des réseaux de conseils, de prévention et de soins au cœur d’un dispositif qui intègre donc les diététiciens.
Ces articles posent le principe d'un diplôme d'État français. Par ailleurs, l'enregistrement de la profession par numéro ADELI permettra en retour d'obtenir un comptage précis de ses membres.
Un amendement a été adopté par la commission afin de combler le vide juridique qui entourait la situation de certaines personnes autorisées, par dérogation, à continuer à exercer la profession de diététicien et à en porter le titre, sans pour autant être titulaire ni du nouveau diplôme d'État ni de l'autorisation spécifique réservée aux membres de l’Union européenne. L'ordonnance réglait en effet la situation de ces personnes à compter de la date d'entrée en vigueur de l'acte réglementaire fixant le programme de formation du nouveau diplôme d'État français de diététicien, mais elle ne disait rien de la période comprise entre la promulgation de la loi et l'entrée en vigueur de cet acte réglementaire. Cet amendement permet de combler ce vide et donc d'assurer à ces personnes une meilleure sécurité juridique dans l'exercice de leur profession de diététicien, dès la promulgation de la loi, sans attendre l'édiction de l'acte réglementaire fixant le programme de formation au diplôme d'État.
Par ailleurs, la présence de dispositions relatives au régime des hospitalisations des personnes atteintes de troubles mentaux, dans les articles 18 à 24 du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, a suscité interrogations et inquiétudes de la part des professionnels de santé et des associations d'usagers représentant les patients et les familles.
Attendue de très longue date, une réforme globale de la loi du 27 juin 1990, relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation, pourra ainsi être mise en œuvre, en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés par ce problème majeur de santé publique, avant la fin de la législature.
Ce projet de loi apporte indéniablement des avancées importantes…
Nous savons également qu’un certain nombre de crimes sont commis par des malades mentaux…
Pour autant, je comprends la position des professionnels de santé. On pense toujours aux psychiatres, mais il n’y a pas qu’eux.
Face à cette situation, j’estime que la position du Gouvernement relève du bon sens : elle permet de satisfaire les professionnels choqués par le fait que l’on puisse considérer leurs malades comme des délinquants, même si c’est parfois vrai.
Les milieux de la psychiatrie attendent d’autre part une révision de la loi de 1990. Je ne peux imaginer que l’opposition soit choquée par la nécessité de cette révision. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Eu égard à la complexité du sujet, qui dépasse les clivages politiques, monsieur le ministre, ne pourrait-on associer les députés qui s’intéressent à cette question à la préparation de ce texte ?
Monsieur le ministre, je vous félicite d’avoir renoué le contact avec les professionnels lors de la réunion du 15 novembre, à laquelle tout le monde ne souhaitait pas participer. Ce n’était pas chose facile. Mais, au final, les participants sont venus. Vous avez désormais un programme de concertation. J’espère donc que nos collègues pourront être associés à l’élaboration du texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Serge Blisko.
Permettez-nous d’abord de nous indigner de la méthode choisie par le Gouvernement.
Je rappellerai la chronologie ubuesque de ce texte.
Vous avez décidé initialement d'insérer un volet « santé mentale », les articles 18 à 24, dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Les critiques, tant sur la forme que sur le fond, ont été vives et immédiates. Ces dispositions relatives à la santé mentale, prises sans grande concertation, assimilent en effet malades et délinquants et ne répondent en rien aux attentes légitimes d'une réforme globale de la loi de 1990.
Devant l'indignation des professionnels de santé, des associations de malades et des familles, la majorité a décidé de faire machine arrière. Mais comment faire sans vexer le ministre de l’intérieur, ou président de l’UMP, ou candidat à l’élection présidentielle ? Avec tant de casquettes, je ne peux m’empêcher de penser à Fregoli ! Le président de la commission des affaires sociales, Jean-Michel Dubernard, a jugé « préférable », dans la presse, le 8 novembre, de retirer le volet « santé mentale » du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Mais il n’est pas maître du projet de loi : le Gouvernement a décidé de légiférer par ordonnance, obligeant la majorité parlementaire à céder sa « niche ». Ont donc été enlevés de l’ordre du jour les textes qui devaient nous être soumis ce matin, pour présenter un texte servant de support à un article additionnel qui permet de légiférer par ordonnance sur l'hospitalisation psychiatrique.
Mais cette procédure abracadabrantesque – pour reprendre un mot célèbre – ne s'arrête pas là. La majorité parlementaire a jugé que, finalement, « par précaution », les dispositions relatives à la psychiatrie – les fameux articles 18 à 24 – seraient maintenues et votées dans le cadre du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Nous sommes révoltés par ce procédé. Ce bricolage est intolérable : il n’est ni logique ni cohérent. Votre méthode reflète votre précipitation, votre absence de vision à long terme et, on l’a bien compris, votre embarras. Vous vous êtes en outre livrés auprès de la presse à un véritable travail de désinformation pour désamorcer la colère, légitime, des professionnels de santé,…
D’abord, nous sommes, avec cet article additionnel, face à un cavalier législatif. Quel est son rapport avec le projet de loi que vous soumettez ce matin aux parlementaires ? Ce texte traite en effet des diététiciens, des pédicures podologues et de la création d’un conseil régional de l'Ordre des médecins en Corse. Tout cela est sans doute important, voire positif pour les diététiciens, par exemple. Mais ajouter la réorganisation de l’hospitalisation sous contrainte aux problèmes des diététiciens ou des podologues serait simplement, si l’on ne touchait aux libertés des personnes, une sinistre plaisanterie. Quel manque de sérieux ! Les cavaliers, symboles de la mauvaise pratique législative, ne peuvent être tolérés. Le Conseil constitutionnel a été très clair dans sa décision du 19 janvier 2006 : un amendement doit obligatoirement avoir un lien avec l'objet du texte déposé. Nous attendons que vous nous expliquiez le lien entre la réglementation de la profession de pédicure et les dispositions relatives aux soins psychiatriques sans consentement !
Je critiquerai maintenant votre méthode du double emploi, qui est très politicienne. Si nous vous suivons bien, votre logique se résume à : « Il vaut mieux deux fois qu'une ». Les dispositions relatives à la santé mentale demeurent dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, mais devraient également faire l'objet d’une ordonnance. Faudra-t-il maintenant faire voter deux fois, en l’espace de quelques semaines, par des voies différentes, chaque disposition pour être certain qu'elles soient bien adoptées ? Vous avez sans doute peur du Conseil constitutionnel tant vous savez votre dispositif critiquable. Vous essayez de faire plaisir à la fois à ceux qui vous ont critiqués et au ministre de l’intérieur, en lui garantissant que, par la voie du projet de loi ordinaire, les articles 18 à 24 seront néanmoins votés. Je vous rappelle qu’il s’agit d’un débat sur des mesures essentielles touchant aux libertés fondamentales. Sur le « manque de sincérité dans la procédure parlementaire », je vous renvoie à la décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 2006.
Tout cela ne fait que traduire l’absence de respect du rôle du législateur. Des dispositions aussi importantes que celles touchant à la santé mentale, donc aux libertés individuelles, sont du ressort du législateur et non du Gouvernement. Si ce n'est pas le cas, il va falloir expliquer aux Français le rôle du Parlement et de sa représentativité. M. Le Guen ne disait-il pas tout à l’heure qu’il faudrait inventer le Parlement pour débattre de problèmes qui intéressent des millions de Français ?
L'usage des ordonnances est du reste strictement encadré. Si l'on se réfère aux décisions du Conseil Constitutionnel – rendues lors de la première cohabitation – n° 86-207 des 25 et 26 juin 1986 et n° 86-208 des 1er et 2 juillet 1986, et confirmées par la décision n° 2003-473 du 26 juin 2003, le Gouvernement est dans l'obligation d'indiquer avec précision au Parlement la finalité des mesures qu'il se propose de prendre par ordonnances, ainsi que leur domaine d'intervention. Vous conviendrez que la précision n'est pas de mise dans l’article additionnel qui nous est proposé. Le Parlement ne peut se dessaisir, dans un domaine qui touche autant la santé publique que les libertés individuelles, sans connaître exactement l'objectif du Gouvernement.
L’article 66 de la Constitution dispose que « nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». Nous avons donc toutes les raisons de soulever l'inconstitutionnalité de ce texte. Du reste, je ne suis absolument pas surpris de voir le ministre de l’intérieur se moquer à ce point des libertés publiques. L’actualité de ces derniers mois montre en effet que les juges l’importunent et que la garantie des libertés est un obstacle au déploiement de sa campagne électorale. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Nous vous estimons assez, monsieur le ministre, pour savoir que les articles 18 à 24 ne sont pas de votre plume.
De projet en projet, vous ne cessez de mettre en avant la sécurité, fonds de commerce d’une campagne présidentielle haineuse.
Dans le pays où sont nés les plus grands psychiatres – Henri Ey, Jean Delay, Jacques Lacan, Françoise Dolto –, nous sommes vraiment navrés que la seule fois où l'on parle de la psychiatrie à l'Assemblée nationale depuis 2002 et la discussion du texte sur le droit des malades, ce soit pour entretenir la confusion entre délinquance et maladie mentale. Les craintes des professionnels sont malheureusement confirmées.
Leurs attentes sont pourtant tout autres à l’heure où la psychiatrie française, publique comme privée, est en crise. L'offre en soins psychiatriques est insuffisante : dans le public, il faut entre trois et six mois d'attente pour avoir un rendez-vous dans un centre médico-psychologique. En secteur libéral, ce n’est pas mieux.
La situation des adolescents est particulièrement critique. Il aura fallu que Mme Chirac, très sensibilisée, s'implique fortement pour que l’on crée enfin – mais seulement à Paris – une maison des adolescents, confiée au grand spécialiste Marcel Rufo.
L’humanisme médical n’est ni de droite, ni de gauche, et tout son effort, depuis deux cents ans, est de libérer la psychiatrie de son image d'enfermement, de traitement de maladies incurables. Alors que les patients et leurs familles s’impliquent pour que le malade ne soit plus mis à l’écart et cherchent à faire comprendre à un pays qui l’accepte mal que la maladie mentale peut frapper n’importe lequel d’entre nous, vous ruinez tous ces efforts en faisant de cette maladie une question sécuritaire, au nom du danger potentiel que représentent les malades mentaux. Certes, le problème est réel et nombreux, ici, sont ceux qui peuvent en témoigner.
J’en suis désolé, monsieur le ministre, mais vous resterez celui qui n’aura pas su comprendre ni défendre la psychiatrie face à la tentation sécuritaire.
Mais votre texte est aussi dangereux pour les libertés publiques, comme le prouve la création d'un traitement national de données à caractère personnel. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Vous entendez ficher les personnes qui, parfois en raison d'un accident de vie, doivent subir des soins psychiatriques. C’est intolérable pour la préservation des libertés personnelles et de la vie privée. Vous proposez un modèle de société où le fichage à vie et la suspicion sont la règle. Le secret ne sera plus garanti et la réinsertion des patients deviendra très problématique. « Vous êtes fiché, mon vieux. On ne peut pas vous prendre pour ce boulot ! » : voilà ce qu’entendront certains !
Alors qu’une personne vulnérable doit bénéficier le plus tôt possible d’une consultation médicale, certains préféreront renoncer à recourir au système public de psychiatrie par peur d’être fichés. Une telle mesure va donc à l’encontre de l’objectif recherché.
Autre danger, celui d’édulcorer la procédure d'hospitalisation d'office, qui remonte à la loi de 1838 et qui, réformée en 1990, est extrêmement encadrée par le juge des libertés. Enfermer quelqu’un contre son gré, pour des motifs de santé – et donc non judiciaires – est en effet un acte très délicat, source de nombreuses incompréhensions. Il peut donner lieu à des dérives : dans de nombreux États dictatoriaux, on le sait, l’enfermement psychiatrique est un substitut à la prison. Or, le mot « circonstancié » disparaît dans le texte de l’ordonnance au profit de la notion, beaucoup plus floue, du banal « avis médical ». C’est pourtant un domaine où chaque mot a son importance !
Autre exemple : à Paris, la compétence de droit commun est transférée du préfet au commissaire de police, ce qui n'est pas tout à fait la même chose.
À ce propos, mes chers collègues, il existe à Paris un établissement qui préfigure le système Sarkozy (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), un établissement spécialisé créé par Vidocq : l'IPPP, infirmerie psychiatrique de la préfecture de police, exorbitante du droit commun.
L’hospitalisation dans ce curieux établissement a été reconnue contraire aux principes de la Convention européenne des droits de l'homme, qui utilise à son égard le terme de « rétention ». Nous avons en plein Paris non un hôpital, fût-il fermé, mais bien un centre de détention !
Évidemment, les maires sont garants de la tranquillité publique. Mais c'est d’abord une fonction régalienne du ministère de l'intérieur et la police nationale. Souvenez-vous : lors de l'affaire Human bomb, à Neuilly, un jeune maire, courageux, était dans son rôle en réconfortant les parents et les enseignants. Mais il n’a pas aidé le Raid à tuer le preneur d’otages ! Il n’a fait que son travail d’élu local. Vous voulez faire du maire ce que M. Sarkozy n’a pas voulu être à l’époque !
Il est quand même surprenant de mettre le maire constamment en avant sous prétexte qu’il est une autorité de proximité, alors que vous avez supprimé la police de proximité. C’est incohérent, et la situation sera intenable pour des élus dont la responsabilité sera constamment mise en jeu. Dans l’affaire du panneau de basket, vous avez pourtant reconnu à juste titre que le maire ne pouvait pas avoir toutes les responsabilités. Aujourd’hui, vous souhaitez qu’il puisse enfermer des malades !
Les études montrent que 12 % de la population française souffrent de troubles anxieux, 3 % de syndromes plus graves d'allure psychotique et 15 % de tendances suicidaires. Vous allez ainsi aujourd’hui mettre en danger des centaines de milliers de personnes. Si, demain, un suicidaire ne veut plus se rendre à une consultation de psychiatrie publique, de crainte d’être fiché, vous n’aurez pas fait, mes chers collègues, votre travail qui est de protéger les plus faibles. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Dans la pensée des pionniers que nous saluons, l'hôpital doit être moins central, mais vous prônez aujourd’hui, hélas, le contraire.
Dans le même ordre d’idée, la psychiatrie a pénétré, outre le champ du travail social, des secteurs nouveaux de la médecine comme la périnatalité, l'enfance ou la pédiatrie. Elle est donc une discipline à la frontière du soin individuel et du soin collectif. Vous êtes en train de saboter soixante ans de travail ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) En confondant justice et psychiatrie, prison et hôpital, enfermement et soin, vous éloignez la psychiatrie de la médecine publique et remontez les murs de l'asile.
Ce qui rend l'affaire totalement détestable, c'est bien sûr votre méthode, ce détournement de la procédure parlementaire et la désinformation visant à faire croire que les articles 18 à 24 allaient être retirés du projet de loi relatif à la délinquance. Mais c'est aussi votre aveuglement face à ce qui se passe dans nos sociétés qui comptent beaucoup de gens fragilisés, des sans-domicile-fixe, des personnes très âgées, perdues, des handicapés, des malades. Dans nos sociétés, l’équation est toujours la même : le rôle du législateur est de protéger les plus faibles, alors que le ministre de l'intérieur tente avec son Kärcher sanitaire d'éradiquer la déviance et la différence. (« Allons ! allons ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le ministre, il y a dans ce pays une vision humaniste qui considère la personne fragile à la fois comme une victime et comme un symptôme du malaise social. On la retrouve aussi bien dans la pensée progressiste de gauche que dans le personnalisme de Mounier. Il apparaît aussi une autre vision : celle d'une société plus dure, où une forme édulcorée de l'eugénisme social consiste, certes, à soigner les plus faibles – que je ne vous accuse pas de refuser de soigner –, mais en les tenant soigneusement à l'écart du reste de la société. Notre pays a toujours privilégié, en particulier dans ce domaine, la solidarité, tant dans le cadre familial que dans la sphère publique. Votre projet glacial tourne le dos à cet humanisme d'origine laïque ou religieuse en négligeant la solidarité et en faisant des individus des êtres isolés où les meilleurs prendront le pas sur les autres.
Vous comprendrez pourquoi nous refusons absolument, sur la forme et sur le fond, de livrer des malades à l'arbitraire, qu’il soit d’État ou municipal. Les Droits de l'homme et du citoyen sont inaliénables, les troubles psychiques ne les annulent en aucun cas. Nous souhaitons que les malades soient soignés, éventuellement gardés, mais jamais détenus ou retenus.
Nous dénonçons cette mascarade parlementaire et regrettons que vous vous soyez laissé déborder par votre collège de la place Beauvau ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Personne ne souhaite qu’il y ait d’amalgame sur un tel sujet. Or vous faites en la matière exactement ce que vous dénoncez ! Nous avons entendu le message et avons cherché des solutions pour disjoindre ces articles.
Votre discours aurait pu s’entendre si cette disposition n’avait pas été proposée. Un travail important a, vous le savez, été accompli et nous ne nous sommes pas contentés de disjoindre les articles : nous y avons ajouté la réforme de la loi de 1990 attendue par tous. Cela fait maintenant de nombreuses semaines que nous travaillons avec ces professionnels, depuis que nous avons rempli le préalable qu’ils avaient posé. Votre argumentation aurait pu être valable à l’unique condition que nous n’ayons pas fait ce travail.
Par ailleurs, vous n’avez à aucun moment parlé du plan de santé mentale. Vous n’avez pas dit qu’en dix-huit mois 41 % des crédits promis ont déjà été débloqués.
Vous n’avez pas dit que, dans toutes les régions, les projets sont d’ores et déjà sur pied et que les investissements sont attendus. Omettre tout cela, ce n’est pas critiquer le Gouvernement, mais c’est mépriser d’une certaine façon le travail des professionnels (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) qui se mobilisent autour de ce plan de santé mentale ! Si vous n’avez pas de respect pour nos idées et notre action, ayez-en au moins pour eux, je pense qu’ils en seront heureux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Blisko a excellé, ce matin. Excellé dans l’excès, la caricature, l’arrogance et l’amalgame. Comme vient de le souligner M. le ministre, on a assisté à une véritable mascarade parlementaire.
Je comprends que nos méthodes perturbent M. Blisko…
Nous ne voterons donc pas l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Quant au fond, je regrette que des sujets sérieux, dont certains sont d’ailleurs traités de façon positive, comme celui de la profession de diététicien, soient abordés de cette façon. Et que dire du traitement réservé à la nécessaire révision de la loi du 27 juin 1990 ? C’est lamentable ! Face à l’ampleur des problèmes, à leur complexité qui touchent à la santé, au respect de la personne, à la sécurité et aux libertés individuelles, la santé mentale mérite autre chose qu’une acrobatie politicienne pour sortir votre ministre sécuritaire d’un mauvais pas ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
Monsieur le ministre de la santé, vous avez souvent manifesté, et sans doute sincèrement, la volonté de faire avancer la santé dans ce pays. Accepter une telle manœuvre pour rendre service à votre fameux ministre de l’intérieur n’est pas brillant. La santé mentale mérite mieux, elle mérite une vraie loi, un vrai débat avec tous, et des moyens pour traiter et pour suivre les patients. Vous avez évoqué le drame de Nanterre. Parlons-en ! Il y a sans doute eu effectivement manquement dans le suivi du patient, mais aussi dans le traitement administratif de son dossier. En effet, ce patient a été signalé par son psychiatre, qui lui-même avait été menacé par une arme. Or la suite a fait défaut : on n’est pas allé reprendre le permis de port d’armes ni récupérer les armes !
Cette façon de procéder est extrêmement méprisante à l’égard de tous et n’a pas le sérieux requis. Ce sont les raisons pour lesquelles je soutiens sans réserve cette exception d’irrecevabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
En effet, contrairement à ce que vous prétendez, monsieur le ministre, les articles 18 à 24 du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance seront discutés et votés. Peut-être ne seront-ils pas définitivement adoptés, parce que vous ne voulez pas, par principe, voter les mêmes mesures que le Sénat. Toutefois, si, par hasard, l’Assemblée souveraine votait le même texte que le Sénat, ils s’imposeraient comme loi ! C’est bien ce que nous allons faire cet après-midi. Nous discuterons et voterons un texte intégré au projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Quand je dis « prévention », c’est pour rappeler formellement le titre du projet de loi, car nous avons déjà mesuré hier qu’il s’agit plutôt de répression.
Je comprends, monsieur le ministre, combien votre protestation est forte. En effet, votre situation est douloureuse. Il n’est pas facile, c’est le moins qu’on puisse dire, pour un ministre de la santé, d’être à ce point négligé dans les arbitrages interministériels : c’est, en effet, à quelques jours du vote, par un artifice absolument inouï, que l’on ressort des questions de santé mentale – je ne parle même pas de la toxicomanie – d’un projet de loi dans les tuyaux, puisqu’il a été adopté en Conseil des ministres ! Vous êtes ministre de la santé, vous étiez présent au Conseil des ministres. Que s’est-il alors passé ? Pourquoi n’avez-vous vu à l’époque que l’affaire était mal embarquée ? Je comprends votre énervement. Et, si nous intervenons aujourd’hui, c’est pour souligner qu’il y avait déjà une énorme faute dans le processus législatif.
La deuxième faute, c’est évidemment que l’on va légiférer par ordonnance. C’est une question de fond. Aucun parlementaire, sur quelque banc que ce soit, ne peut considérer comme secondaire le fait que, sur ces questions aussi essentielles, le Parlement se dessaisisse au profit du Gouvernement ! C’est évident ! Cela soulève des problèmes de constitutionnalité. Serge Blisko a eu raison de souligner que le Conseil constitutionnel trouverait certainement à y redire. Et je ne parle même pas ici du ridicule du fait que le groupe majoritaire renonce à sa faculté d’initiative, aussi limitée soit-elle par notre Constitution, pour permettre de trouver une porte de sortie – un soupirail –, au Gouvernement et, en l’occurrence, au ministre de l’intérieur !
Nous confions ainsi à l’exécutif non seulement des questions de santé essentielles, mais aussi, excusez du peu, des problèmes d’équilibre entre sécurité publique et libertés individuelles. Dans quel parlement d’un pays occidental verrait-on ça ? Il n’y a qu’en France qu’on puisse voir des choses pareilles, et c’est la première fois. En 1838 et en 1990, c’est le Parlement qui s’était saisi de ces questions.
Nous nous sommes souvent félicités, à juste titre en grande partie, d’avoir pris le temps qu’il fallait pour travailler sur les questions de bioéthique. Celles dont nous parlons aujourd’hui ne sont-elles pas aussi fondamentales ? Or vous décidez de vous décharger de votre responsabilité et vous trouvez parfaitement habile que le Gouvernement agisse par ordonnance.
Nous voulons garder la gravité qui s’impose et nous ne tomberons pas dans la polémique autour de la polémique. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
(L’exception d’irrecevabilité n’est pas adoptée.)
La parole est à Mme Marylise Lebranchu.
J’ai entendu plusieurs fois demander pourquoi on n’avait pas agi avant. Lorsque vous vous présenterez aux élections en milieu d’année 2007,…
Beaucoup de questions ont été abordées, beaucoup de rapports ont été écrits, en particulier sur l’organisation de la psychiatrie en France, qui, je le rappelle, n’est pas toute la santé mentale. Nous n’avons pas pu aller au bout des choses en présentant un texte, mais nous avons malgré tout réussi à aborder un sujet très fort : les droits des malades. Nous avons trouvé une première base de travail, et je pense que les parlementaires de la majorité ont voté ce texte.
Je suis particulièrement sensible à ces questions pour plusieurs raisons. Dans les fonctions qui ont été les miennes de 2000 à mai 2002, j’ai visité un grand nombre d’établissements pénitentiaires. Avec Dominique Gillot et Bernard Kouchner ensuite, nous avons constaté à quel point la frontière était devenue fine entre la prison et la psychiatrie. Il y a à l’intérieur des établissements pénitentiaires des gens qui ont commis des délits, parfois des crimes, et qui, selon les rares médecins qui sont à l’intérieur de des établissements, relèvent de la psychiatrie. On a créé quelques établissements qui permettent de conjuguer prison et psychiatrie, mais dans quelles conditions ?
On aurait donc dû prendre le sujet à bras-le-corps en organisant des concertations avec l’ensemble des acteurs, les professionnels, les familles de malades, qui sont organisées depuis peu de temps, et les anciens malades, qui sont organisés depuis très peu de temps.
Le ministre de l’intérieur a entendu parler à un moment donné d’une difficulté ou d’une autre, parce qu’on lui a dit quelque chose un matin ou qu’il a reçu une note.
Le ministre de l’intérieur s’est alors dit qu’il devait faire quelque chose, parce qu’il était là pour ça. Il fait toujours quelque chose…
Parce que, dans un cas, la chaîne n’a pas marché, parce que quelqu’un n’a pas osé peut-être, parce que la personne n’était pas persuadée qu’elle avait accès aux soins, parce que sa famille n’a pas vu venir les choses, parce que les voisins n’ont pas compris, on va faire quelque chose de lourd, de grave, et avec les maires, qui vont être entraînés dans une spirale dont, majoritairement, ils ne veulent pas. J’ai cru entendre au congrès des maires de France des maires expliquer que ce n’était pas leur rôle.
À partir d’un cas ou d’une histoire qu’on lui a racontée, le ministre de l’intérieur a décidé de réformer tout seul la loi de 1990. Il a sans doute oublié que celui qui est en charge de ce dossier, c’est le ministre de la santé. Il ne peut pas être ce qu’il est aujourd’hui aux yeux des parlementaires que nous sommes, et aussi aux yeux des citoyens, le tuteur du ministre de la justice, on l’a vu hier, le tuteur du ministre de l’éducation nationale, parce que c’est lui qui va créer les internats, tout en oubliant de donner un peu de son budget au ministre de l’éducation nationale, le tuteur du ministre de la santé et de beaucoup d’autres.
Je parlais de justice et de psychiatrie. C’est parce que, trop longtemps, on a confondu les deux. Lorsque, dans une famille, quelqu’un a une maladie très grave, un cancer par exemple, on en parle, on partage sa peine, on cherche du soutien.
Convaincre quelqu’un d’accepter une hospitalisation à la demande d’un tiers pour une personne de sa famille, en lui expliquant qu’elle est tellement mal que c’est la seule chose à faire, c’est extrêmement difficile. Alors, de temps en temps, on finit par une hospitalisation d’office parce que la personne est dangereuse, pour elle-même surtout, parfois pour les autres.
Quand vous regardez la liste des gens hospitalisés dans ces conditions, parce qu’il y a des statistiques intéressantes, vous trouvez un grand nombre de personnes dangereuses pour elles-mêmes, avec beaucoup de mélancolies ou autres maladies dont je ne connais pas le nom car je ne suis pas psychiatre. Mais vous trouvez aussi des gens qui ne peuvent plus vivre normalement à l’intérieur d’un habitat collectif, des gens qui ont tout laissé tomber, qui ne sortent plus les poubelles, qui provoquent des désordres tels qu’il faut prendre la décision de les hospitaliser.
On réussit parfois, pas toujours, à expliquer le sens de cette décision de privation de liberté, parce que c’en est une, pour des raisons de maladie. Quelqu’un qui refuse de se soigner pour une maladie organique, quelqu’un qui a fait, par exemple, une grève de la faim et qui est dans une situation grave, on peut l’hospitaliser sans son consentement.
Nous en sommes à un moment de notre histoire où il faut arriver à parler de façon sereine, apaisée. Si nous sommes dans cette situation, c’est que la maladie mentale n’est pas acceptée. Tout le monde a peur d’être touché, plus encore peut-être que par n’importe quelle autre maladie. Et quand on craint une maladie, on évite d’en parler, d’aller voir.
J’ai présidé le conseil d’administration d’un hôpital qui comporte des services « ordinaires » – chirurgie, maternité, médecine, pneumologie, etc. – et des services de psychiatrie importants. C’est un ancien hôpital départemental qui reçoit énormément de malades, même si le nombre de personnes enfermées a été divisé par quatre depuis quelques années. Les membres du conseil d’administration ont tous visité les services de chirurgie, de médecine, les urgences, la cardiologie, la pneumologie, mais trois d’entre nous seulement ont visité les services de psychiatrie. On ne veut pas voir, on préfère ne pas savoir. Les conditions d’hospitalisation en psychiatrie ne sont pas les mêmes que dans les autres services. Il n’y a pas le même confort, le même personnel, le même accueil. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
C’est encore comme cela. Il faut voir les choses telles qu’elles sont !
La capacité des familles et des malades eux-mêmes de s’exprimer et de réclamer est très récente. En mettant ce sujet dans une loi de prévention de la délinquance, on casse la reconnaissance du besoin de soins, du droit des malades, y compris psychiatriques, qui est en train de se construire.
Je peux comprendre que le ministre de l’intérieur se soit trompé, encore qu’en tant que ministre d’État il serait normal qu’il soit mieux renseigné,…
Nous sommes favorables à la révision de la loi de 1990, à un plan de santé mentale, un vrai. Nous ne sommes pas fiers de ne pas l’avoir fait – Jean-Marie Le Guen le disait tout à l’heure. Il aurait fallu se poser la question du manque de psychiatres. Il y a actuellement, dans les hôpitaux publics, énormément de postes vacants et peu de psychiatres acceptent encore d’être experts auprès des tribunaux. Un terrible problème d’organisation va se poser.
Après le certificat des soixante-douze heures – avant, il y avait les certificats des vingt-quatre heures et des quinze jours ; tout le monde connaît par cœur le système, en tout cas je l’espère – il faudra trouver deux médecins extérieurs au service pour donner un avis et on se tournera alors vers les experts inscrits près les tribunaux, et il y en a de moins en moins.
Je crains – c’est un des points qu’il faut travailler – que l’on ait beaucoup de mal à trouver ces deux avis. Certains médecins psychiatres nous disent que le délai de soixante-douze heures sera intenable. Le temps de trouver les deux psychiatres qui acceptent de voir le malade – parce qu’il faut quand même le voir, et peut-être un peu plus de dix minutes –, il se passera beaucoup plus d’heures que prévu. C’est un vrai problème d’organisation.
Nous avions proposé qu’en augmentant le numerus clausus des médecins, cassant l’idée que ce n’est pas parce qu’il y a davantage de médecins que la sécurité sociale va exploser – et cela a été parfois difficile à démontrer – on essaie de convaincre les jeunes médecins de se tourner vers la psychiatrie. Ils vont facilement vers la chirurgie,…
Les jeunes, qui voient à la télévision la grande, la superbe réalisation de notre président de la commission des affaires sociales, ne voient pas celui qui, pendant dix ans, a permis que la jeune mère de famille ne fasse pas une nouvelle tentative de suicide. Pour lui, pas de belles revues à papier glacé. Nous sommes à ce point dans une société de l’image que la psychiatrie est devenue – je l’ai souvent entendu – dans un État laïque un sacerdoce auquel se destineraient ceux qui ont eu à connaître dans leur famille ce genre de situations, ou de vrais littéraires qui étudient la médecine pour des raisons familiales et se retrouveraient à faire de la psychiatrie par goût de la philosophie, de la sociologie, de l’anthropologie et auraient envie de parler de l’humain. Bref, on ne motive pas les jeunes pour aller aujourd’hui vers la psychiatrie.
Le ministre de l’intérieur, en faisant encore se confondre – souvenez-vous des mouvements des années soixante-dix, même si certains les fustigent – la délinquance et la psychiatrie – et j’ai apprécié tout à l’heure la pudeur de celle qui s’est exprimée au nom du groupe communiste –, même s’il y a un vrai problème, se rend-il compte de l’image que nous allons donner de la psychiatrie aux jeunes médecins qui pourraient encore choisir cette spécialité ?
Ceux qui étudient la médecine ne se sentent pas prêts à être de nouveau ce que l’on appelait les « chiens de garde ». Ils n’ont pas fait médecine pour être propriétaires des clés. Certes, ils acceptent, à l’intérieur des hôpitaux psychiatriques, de gérer des cas extrêmement difficiles. Allez à Cadillac, allez à Sarreguemines ! Allez voir, dans les services de psychiatrie fermés, ce qu’est la vie des personnels lorsqu’il faut expliquer à une famille les raisons d’une hospitalisation d’office. Allez expliquer aux médecins, aux infirmiers, aux infirmières, aux aides-soignants, à tous ceux qui travaillent à l’intérieur de ces services, que leur mission première, c’est la sécurité. Leur mission première reste une mission de soins : ce sont des soignants et ils entendent le rester. Et s’ils acceptent des conditions difficiles et des portes fermées à clé, c’est qu’ils sont conscients, comme nous tous, qu’une personne peut être dangereuse pour elle-même ou pour les autres.
Mais n’allons pas au-delà, n’essayons pas, à travers un texte mal venu, mal pensé, mal ficelé,…
Une concertation tardive, sous contrainte, parce que les professionnels, monsieur le ministre de la santé, se sentent contraints à la concertation rapide…
Il n’y a pas assez de médecins. Les postes d’infirmier sont vacants. Il n’y a pas assez de personnes dans ces services. En même temps, les psychiatres estiment – et je pense qu’ils ont raison – avoir de plus grands besoins de formation continue que la plupart de leurs collègues. Il ne faut pas qu’ils restent enfermés dans leur service. Ils doivent jouer des rôles que d’autres médecins n’ont pas. Il faut, par exemple, qu’ils rencontrent les partenaires médico-sociaux, pour préparer des sorties dans de bonnes conditions. La moitié, voire les deux tiers, des personnes ne sont plus à l’hôpital, mais dans des appartements thérapeutiques ou des CATTP. Pendant que les équipes sont dans ces lieux-là, il n’y a plus personne dans les services, qui se retrouvent parfois quarante-huit heures sans équipe.
Il nous faut un programme collectif ambitieux pour la psychiatrie et non rentrer par la petite porte, en révisant uniquement la loi de 1990, parce que le ministre de l’intérieur l’a absolument voulu. Je suis persuadée, monsieur le ministre de la santé, que vous connaissez parfaitement ce dossier. Ce rapt, dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, fait du mal.
Cette niche parlementaire, pour autoriser le Gouvernement à prendre des ordonnances, est un constat d’échec. On gâche une occasion de modifier dans de bonnes conditions la loi de 1990 !
Le mieux – et c’est pour cela que nous avons décidé de nous investir beaucoup ce matin – est de nous remettre au travail. Auditionnons, rendons-nous sur place pour échanger avec les acteurs de la psychiatrie, rencontrer les élus, les malades et leurs familles, les anciens malades, qui apportent des témoignages intéressants ! En procédant ainsi, je suis sûre que nous pourrions voter à l’unanimité un texte révisant la loi de 1990.
Il est très tard. S’il s’agit de prévenir des drames tels que celui de Nanterre, rappelons-nous que ce drame n’est pas dû à un dysfonctionnement de l’hospitalisation d’office, mais à un défaut dans la procédure de signalement. C’est une défaillance du signalement qui a débouché sur l’horreur. Le suivi des signalements souffre aujourd’hui de graves dysfonctionnements. Il faudrait prendre pour modèle la procédure dite des alcooliques dangereux, qui visait à convaincre la personne en cause d’accepter l’hospitalisation ; ce n’est que si cette tentative échouait qu’on allait vers une hospitalisation d’office.
En tant que ministre de la santé, vous devriez plutôt vous préoccuper du grand nombre de signalements transmis par les services de la direction des affaires sanitaires et sociales auxquels les services préfectoraux ne donnent pas suite, et demander des comptes au ministre de l’intérieur à ce sujet. Nous avons tous des exemples de signalements restés sans suite pendant plus d’un an – je connais un exemple tout récent de signalement resté sans suite pendant dix-neuf mois.
Au lieu de traiter ces vrais sujets, vous êtes en train de casser l’image de la maladie mentale. Un représentant de l’Union nationale des amis et familles des malades psychiques, l’UNAFAM, nous disait récemment avoir beaucoup appris auprès des malades mentaux : ce sont souvent des personnes intéressantes, intelligentes, mais souffrantes. C’est cette souffrance qu’on renonce aujourd’hui à traiter, pour céder à l’urgence de convaincre la population qu’on a des solutions toutes faites.
Adopter ce texte constituerait une erreur, d’abord en ce qu’il remet en cause les formidables progrès accomplis en France en matière d’appréciation des malades mentaux, qui sont désormais vus comme des personnes souffrantes, et non comme des êtres méprisables : des chefs d’entreprise avaient fini par comprendre qu’on pouvait embaucher quelqu’un qui sortait de l’hôpital psychiatrique. C’est une œuvre considérable que vous allez défaire. Demandez donc aux familles ou aux anciens malades ce qu’est l’exclusion par la maladie mentale, qui interdit, même aux plus qualifiés, de trouver un emploi. Cette exclusion de et par la maladie mentale est une exclusion quotidienne.
C’est cette exclusion que vous renforcez par cet amalgame dangereux entre délinquance et maladie mentale. Ce message envoyé à la société française est une formidable régression.
Même si vous n’en êtes pas totalement responsable, monsieur le ministre de la santé, il vous était loisible depuis plusieurs mois de tuer dans l’œuf ce projet et de nous proposer un texte révisant la loi de 1990. C’était l’occasion, par la concertation et l’information, de faire progresser la société française sur le sujet de la maladie mentale. La France, pays des droits de l’homme et de la consécration de la liberté de l’individu, qui a enseigné au monde que la psychiatrie ne devait pas être qu’un instrument au service de l’État, ce pays s’apprête aujourd’hui à faire un pas en arrière. C’est regrettable, mais il n’est pas trop tard. Nous pouvons, monsieur le ministre, prendre ensemble conscience de la gravité de l’erreur que nous allons commettre avant qu’elle ne devienne une faute. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Il s’agit de ne pas faire l’économie, tout spécialement sur un tel sujet, de la concertation avec les professionnels et les associations. J’ai demandé, notamment à l’inspection générale des affaires sociales, qu’on fasse le point et qu’on évalue les dispositifs en place. Il s’en est dégagé un accord général sur la nécessité de la réforme de la loi de 1990.
Je partage tout à fait votre opinion quant à la nécessité de promouvoir la psychiatrie afin d’inciter un grand nombre d’étudiants à faire le choix de cette spécialité médicale. Je reconnais également avec vous la nécessité d’une politique volontariste de prévention des suicides. Dans notre pays, le suicide fait chaque année 15 000 morts, soit trop fois plus que les accidents de la route, dont le nombre a été réduit grâce aux actions de sécurité routière. Je sais, monsieur le ministre, que vous vous êtes attelé à ce problème, auquel vous êtes très sensible.
À l’occasion de nos travaux autour du projet de loi de prévention de la délinquance, nous avions découvert, avec notre collègue Bénisti, que les professionnels de la pédopsychiatrie étaient insuffisamment associés aux actions de prévention de la délinquance. J’ai déjà souligné hier soir que prévention de la délinquance et protection de l’enfance n’étaient pas suffisamment liées faute de vraies actions de prévention spécialisées sur le terrain.
En revanche, chère madame, je ne vous rejoins pas quand vous déplorez l’absence d’un vrai débat, alors que l’amendement qu’on nous propose et la disjonction des articles qu’il permet nous donne au contraire l’opportunité de débattre. Il va aujourd’hui nous engager vers une vraie réforme de la loi du 27 juin 1990. C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas votre motion.
La deuxième raison en est que nous ignorons quel sort sera réservé aux articles 18 à 24 du projet de loi de prévention de la délinquance. La représentation nationale n’a pas à accepter de telles conditions de travail.
Le seul moyen de sortir par le haut d’une situation aussi peu glorieuse, monsieur le ministre, est de retirer les articles 18 à 24 du projet relatif à la prévention de la délinquance, et de déposer un texte spécifiquement consacré à la problématique d’ensemble de la santé mentale, après concertation avec l’ensemble des acteurs et des professionnels. Le Parlement devra pouvoir débattre de ce texte avec toute la sérénité que réclame un sujet aussi important. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
Il y a un problème, monsieur le ministre : alors que cela fait plusieurs années que le ministre de l’intérieur s’est saisi du sujet avec l’impétuosité qu’on lui connaît, je ne comprends pas pourquoi vous n’avez pas, de votre côté, mis ces derniers mois à profit pour lancer une concertation.
Une telle concertation n’aurait pourtant pas été inutile, comme le prouvent les interventions qui ont ce matin encore associé pathologie mentale et dangerosité, ce qui est à la fois vrai et faux. Il serait tout aussi légitime d’associer la dangerosité à d’autres pathologies. J’ai reçu il y a quelques jours un mèl d’un homme d’une trentaine d’années : celui-ci est aujourd’hui paraplégique à la suite d’un accident de la route provoqué par une personne d’un certain âge souffrant de la maladie d’Alzheimer. Nous n’allons pas pénaliser la maladie d’Alzheimer au nom de sa dangerosité, alors que celle-ci est incontestable, les patients risquant par défaut de mémoire provoquer des accidents nuisibles à eux-mêmes et à leur entourage.
En matière de sécurité routière, on pourrait également parler de la dangerosité des diabétiques, ou tout simplement des personnes victimes de troubles cardiaques, qui leur font courir le risque de provoquer des accidents.
Personne ne peut donc nier que la pathologie mentale, au même titre que d’autres pathologies, peut être source de dangerosité. Mais réduire la question de la pathologie mentale à la dangerosité est une stigmatisation évidente.
Il en va de même lorsqu’on fait de l’hospitalisation un critère de la dangerosité des malades. Beaucoup savent ici que des malades peuvent être hospitalisés de façon chronique ou durable sans pour autant présenter de danger.
Ainsi, les problèmes d’alcoolisation aiguë et trop fréquente qu’évoquait Marylise Lebranchu à propos de la Bretagne peuvent entraîner des hospitalisations, mais pas nécessairement – hormis dans le cas de la conduite automobile – une dangerosité chronique qui s’exprimerait par un comportement violent.
A contrario, l’actualité nous présente des cas effrayants et bouleversants de mamans qui commettent des infanticides. Allons-nous en conclure pour autant que la maternité est un facteur de dangerosité ? De même, lorsque des personnes en situation de rupture familiale grave s’attaquent à leur entourage et commettent des actes terribles, des actes odieux, comme on l’a encore constaté récemment, allons-nous en conclure que les personnes qui sont en procédure de divorce ou en rupture affective représentent automatiquement un danger pour elles-mêmes ou pour autrui ? Nous savons bien, pourtant, que ces ruptures émotionnelles sont à la source d’au moins autant de drames et de problèmes de sécurité que les problèmes psychiatriques.
Nous contestons donc fondamentalement le lien inclusif que vous établissez entre les problèmes de santé mentale et la dangerosité. C’est un retour en arrière considérable que de vouloir faire du malade mental un individu potentiellement dangereux pour la société.
Ceux d’entre vous qui sont allés à l’hôpital parisien de la Salpêtrière y ont vu la statue de Pinel, qui s’est illustré à l’époque de la Révolution française en libérant de leurs chaînes les aliénés, jusque-là considérés comme dangereux. C’est en effet à la Révolution qu’a commencé ce mouvement de la psychiatrie française qui s’est affirmé ensuite avec Charcot et bien d’autres encore après lui et qui reposait sur l’idée d’une libération profonde des aliénés, désormais considérés comme des malades, et non plus comme des délinquants. Voilà tout le mouvement de l’histoire de la psychiatrie dans ce pays à nul autre pareil, ce pays où s’est construite dans une large mesure la psychiatrie moderne !
Je sais, monsieur le ministre, que ce n’est pas le sens des textes que vous entendez proposer, mais les articles 18 à 24 que nous allons examiner – et probablement voter – cet après-midi ou dans les jours qui viennent représentent, non seulement du point de vue de la procédure, mais aussi du fait de leur contenu, des textes profondément rétrogrades. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Nous ne pouvons pas accepter un amendement qui nous propose d’avancer par ordonnances : c’est un rideau de fumée qui masque la réalité politique et culturelle dont témoignent les débats que nous allons avoir ici, à la suite de son examen en conseil des ministres et au Sénat, sur un texte qui traite à la fois de la santé mentale et de la délinquance.
Il faut être clair : donnez un coup d’arrêt à ce processus et retirez ce texte. L’urgence ne justifie pas que l’on travaille en quelques semaines, voire en quelques jours, sur un texte dont l’élaboration exigerait plusieurs mois – à condition, qui plus est, qu’on laisse travailler le Parlement et qu’on ne le dessaisisse pas de cette responsabilité éminente. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
(La question préalable n'est pas adoptée.)
(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à onze heures cinquante-cinq.)
Il n’est pas acceptable en effet que le Gouvernement joue ainsi avec l’ordre du jour du Parlement, au mépris de la représentation nationale. Quand il ne dépose pas des amendements en dernière minute sur des textes qui n'en sont pas le support, sans concertation et au forceps, il modifie les travaux du Parlement à sa guise. Et ça, ce n’est pas admissible. Ces procédés nuisent considérablement à la qualité de nos débats et de nos délibérations.
Je regrette que le président de notre commission n'ait pas davantage résisté à cette pression du Gouvernement, qui a demandé d’inscrire ce projet de loi en commission hier pour être débattu en séance publique ce matin. Comment travailler sérieusement à l'élaboration de la loi quand une convocation vous informe le vendredi que la commission examinera le mercredi suivant ce projet de loi de dix articles ratifiant une ordonnance de près de vingt-cinq pages pour quinze articles. C'est bien peu respectueux de notre travail de député.
Enfin, comment examiner ce texte alors que nous n'avons pas eu le temps d'auditionner les organisations syndicales sur ce sujet, alors que nous ne pouvons même pas prendre connaissance dans le détail du rapport pour en maîtriser tous les enjeux ? Ce n'est pas parce que l'on est en fin de législature, monsieur le ministre, que vous êtes autorisé à tout vous permettre, sans foi ni loi, comme si les institutions n'existaient pas, et les membres qui la composent non plus.
Tout cet artifice de procédure ne vise en réalité qu'à vous sortir, ainsi que votre ministre de l'intérieur, d'une mauvaise passe. Ce n'est pas le contenu de ce projet de loi qui justifie son inscription précipitée à l'ordre du jour, mais l'opportunité qu'il procure au Gouvernement, et à M. Sarkozy en particulier, de sortir de la fronde légitime soulevée par les articles 18 à 24 du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, actuellement en cours d'examen, et de l’inadmissible amalgame qu'il introduit entre santé mentale et délinquance. Il s'agit de les intégrer, par voie d'amendement, au projet de loi de ce matin autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnance.
Oui, il faut réformer la loi du 27 juin 1990 relative aux soins psychiatriques et aux hospitalisations sous contrainte. Et je suis bien placée pour le savoir. Mais pas de cette façon, et certainement pas en introduisant cette réforme dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, ce qui revient à mettre en cause le long processus de déstigmatisation des maladies mentales dont nous avons beaucoup parlé ce matin, et que je ne développe pas. D'ailleurs, cette façon de procéder a été largement critiquée par les professionnels, comme le reconnaît l'exposé des motifs de l'amendement du Gouvernement.
Quant au recours à l’ordonnance, il n'est pas davantage acceptable. Sur un sujet aussi sensible et complexe, il y a besoin d'un vrai débat, dans le cadre d'un projet de loi spécifique pour une réforme globale des soins psychiatriques, travaillée de concert avec les professionnels, l'ensemble des structures et associations, mais aussi les familles concernées, qui attendent cela depuis dix ans. Ce qui est en train de se passer est pour le moins peu glorieux. En effet, à quoi rime notre discussion de ce matin, alors que dans le même temps se poursuit l'examen du projet de loi de M. Sarkozy, et singulièrement les articles 18 à 24 qui seront discutés, peut-être amendés, et adoptés. Outre le temps perdu, les parlementaires peuvent légitimement s'interroger sur le réel devenir de ces articles. Il en est de même pour les professionnels, qui attendent des changements concrets, dans la concertation.
J'ajoute que la question des moyens devra être posée. Car, si modifier les dispositions législatives est une nécessité, donner les moyens à la psychiatrie, notamment de suivre ses patients après leur sortie de l’hôpital, est tout aussi incontournable.
Un vrai débat sur un vrai texte aurait permis d'aborder toutes ces questions brûlantes. Il aurait été beaucoup plus efficace que le projet de loi du ministre de l'intérieur, beaucoup plus pertinent que la manoeuvre acrobatique à laquelle vous vous livrez dans le contexte peu brillant qui guide cette discussion, contexte dans lequel s’inscrit l'amendement déposé.
Pour ce qui est du contenu de ce projet de loi, trois objectifs sont visés : la ratification de l'ordonnance du 25 août 2005, le toilettage et l'harmonisation du fonctionnement des différents ordres, et enfin la création d'un diplôme d'État pour l'exercice de diététicien.
Concernant le recours à l'ordonnance, je n’y reviens pas, vous connaissez notre position : c'est un déni du droit des parlementaires. Il est certes autorisé par notre constitution, mais ne devrait être utilisé que de façon exceptionnelle, la marge de manœuvre du Parlement étant extrêmement limitée.
Nous soutenons toutes les initiatives raisonnables qui permettent de clarifier, de contrôler et de mieux sanctionner celles et ceux qui se proclament détenteurs d’un titre, alors que ce n’est pas le cas. Toutefois, un peu plus de temps nous aurait permis de prendre connaissance de l’ampleur du phénomène et de mieux apprécier les mesures proposées.
Le deuxième point de ce projet de loi apporte plusieurs modifications législatives sur le fonctionnement des ordres des professions médicales. Vous le savez, nous ne sommes pas favorables aux ordres professionnels et ne souhaitons pas élargir leurs compétences permettant de régir l’exercice des professions médicales et paramédicales. Cette opinion vaut également pour le texte, que nous aurions dû examiner ce matin, concernant la création d’un ordre infirmier. C’est pourquoi nous ne voterons pas les dispositions prévues aux articles 1er à 6, qui visent à renforcer la légitimité des ordres, que nous contestons.
Visiblement, nos préoccupations sont bien éloignées des vôtres. Là encore, nous aurions préféré un vrai débat sur l’ensemble des professions, au regard de leur condition d’exercice, d’installation et de formation. Nous aurions pu, au terme d’un échange, prendre des mesures courageuses pour répondre au défi de la démographie médicale, notamment au problème de la désertification dans certaines régions, faire des propositions de réforme des études médicales, qui montrent aujourd’hui leurs limites, ou encore avancer sérieusement sur l’encadrement et la reconnaissance de certaines pratiques. Je pense notamment à l’exercice de l’ostéopathie ou de la chiropractie. Au lieu de tout cela, nous sommes cantonnés au fonctionnement des structures ordinales.
Le projet de loi contient un seul élément positif : l’article 7, concernant l’exercice de la profession de diététicien. L’initiative proposée est la bienvenue. Mais il est dommage qu’elle intervienne dans un tel contexte.
Comme le souligne le rapport du professeur Michel Krempf, qui a servi de base à la réforme soumise à notre examen, l’alimentation est une préoccupation contemporaine pour la santé de nos concitoyens. Elle est considérée comme un élément central des stratégies de prévention et joue de ce fait un rôle important dans la politique de santé publique. Les traitements diététiques médicaux sont également, pour beaucoup de pathologies, la première ligne d’intervention et permettent de réduire la prescription de médicaments. Pour toutes ces raisons, la place et la formation des diététiciens doivent évoluer et être mieux appréciées.
Les représentants de cette profession sont d’ailleurs satisfaits de vos propositions. Ils y voient le gage d’une sécurisation de leur exercice et d’une reconnaissance de leur activité, avec un statut de professionnels de santé à part entière, en tant qu’experts de l’éducation nutritionnelle dans le domaine préventif et thérapeutique. Cette sécurisation permettra également de lutter contre la pratique sans qualification. Nous soutiendrons donc sans réserve cette disposition.
Je regrette que ce projet de loi – particulièrement les dispositions relatives à la profession de diététicien – soit pollué par la manœuvre du Gouvernement. Il est en effet dommage que les avancées législatives concernant les professionnels de la nutrition ne soient abordées qu’au prétexte d’un inconfort du ministre de l’intérieur. Je répète que, par ailleurs, nous n’acceptons pas le recours abusif aux ordonnances pour légiférer.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre l’ensemble du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
Cet après-midi, nous poursuivrons la discussion du projet de loi de ratification de l’ordonnance relative à l’organisation de certaines professions de santé, avant de reprendre l’examen du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
La première est qu’il va permettre la ratification d’une ordonnance qui simplifie et harmonise plusieurs dispositions du droit relatif à certaines professions de santé. En outre, il apporte une réponse aux diététiciens, dont la profession attend une véritable reconnaissance.
La seconde, sur laquelle je reviendrai plus longuement, est qu’il doit enfin permettre, grâce à un amendement très opportun du Gouvernement, que nous soutenons, d’engager une réforme de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation, attendue depuis très longtemps par les professionnels de la santé mentale dans notre pays.
Je serai bref sur le premier point qu’a longuement développé notre brillant rapporteur Pascal Ménage. Conformément à son objet, ce texte doit notamment permettre de ratifier une ordonnance comportant plusieurs mesures de simplification et d’harmonisation du droit des professions de santé : simplification de l’organisation et du fonctionnement de certains ordres de professionnels de santé, harmonisation des dispositions répressives applicables aux infractions d’usurpation de titre et d’exercice illégal des professions réglementées, simplification des procédures d’enregistrement applicables aux psychologues et aux assistants de service social, de remplacement des professionnels de santé et de création ou de changement d’exploitant des pharmacies.
Ce projet de loi doit également permettre de répondre à une attente forte et ancienne des diététiciens, notamment en définissant l’exercice de leur profession et en créant un diplôme d’État. Je crois que nous pouvons nous féliciter de cette mesure, qui va dans le sens d’une meilleure reconnaissance de la profession, au moment où, monsieur le ministre, vous venez de présenter le deuxième programme nutrition-santé pour la période 2006-2010.
L’obésité est un véritable fléau : elle concerne aujourd’hui un enfant sur six, contre un enfant sur vingt en 1980. D’ailleurs, ce problème est largement évoqué à l’Assemblée nationale par la représentation nationale, au sein d’un groupe d’étude brillamment présidé par M. Jean-Marie Le Guen, auprès duquel je suis heureux de travailler sur ce sujet.
Cette mesure s’inscrit enfin et surtout dans le cadre plus général de la politique de lutte contre le cancer, chantier déclaré prioritaire par le Président de la République. Faut-il rappeler que, grâce à une meilleure hygiène de vie, plus d’un cancer sur trois pourrait être évité chaque année en France ? À l’évidence, les diététiciens ont un rôle majeur à jouer en termes de prévention et d’éducation nutritionnelle. Il est donc heureux et juste que ce projet de loi contribue à la reconnaissance de leur profession.
Je profite de l’occasion pour évoquer un autre problème de santé publique : la protection et la formation des personnes suivant une psychothérapie. L’article 52 de la loi du 9 août 2004 prévoit d’encadrer l’usage du titre de psychothérapeute et renvoie à un décret d’application. Nous attendons la publication de celui-ci depuis trois ans.
J’en viens maintenant à la réforme de la loi du 27 juin 1990, attendue par l’ensemble des professionnels de la santé mentale, que ce projet de loi va enfin permettre de réaliser grâce à un amendement déposé et adopté hier en commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Cet amendement habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai resserré de deux mois, des dispositions législatives relatives aux soins psychiatriques.
Avant d’aborder au fond la réforme que vous nous proposez et que chacun appelle de ses vœux, je souhaite faire trois remarques.
Tout d’abord, si, sur la forme, le cheminement qui nous a conduits à aborder ce matin ce sujet essentiel peut paraître sinueux, je crois que nous pouvons nous réjouir que la réforme de la santé mentale soit enfin en débat devant notre assemblée. Compte tenu de l’importance de ce texte, le groupe UMP n’a d’ailleurs pas hésité à céder au Gouvernement sa séance d’initiative parlementaire.
Enfin, j’approuve le fait que vous ayez privilégié la voie de l’habilitation à légiférer par ordonnance. Vous savez combien les parlementaires que nous sommes sont d’ordinaire réservés sur une telle procédure. Néanmoins, compte tenu de l’encombrement du calendrier parlementaire, nous pouvons comprendre l’intérêt qu’elle présente.
Je veux dire avec force, pour les professionnels de santé mentale qui nous écoutent, que c’est la garantie, la seule qui était d’ailleurs envisageable, que cette réforme de la loi de 1990, attendue avec impatience, soit non seulement engagée, mais menée à son terme avant la fin de cette législature, comme l’a d’ailleurs souligné le président Dubernard.
Les médecins, les associations de familles et les directeurs d’établissement l’attendent. Nous ne devons pas les décevoir. Pourquoi ? Parce qu’il est urgent de parvenir à une réforme des soins psychiatriques dans le cadre de la révision de la loi du 27 juin 1990, objectif poursuivi depuis dix ans par les professionnels, l’ensemble des structures et associations, mais aussi les familles concernées. Le rapport de mai 2004 de la mission conjointe de l’inspection générale de l’administration, de l’inspection générale de la police nationale et de l’inspection de la gendarmerie nationale sur les problèmes de sécurité liés aux régimes d’hospitalisation sans consentement, ainsi que le récent rapport de notre collègue Jean-Paul Garraud, l’ont clairement souligné.
Je ne m’étendrai pas sur les lacunes du système actuel que chacun connaît et reconnaît : l’augmentation sensible du recours aux hospitalisations sans consentement et l’ampleur prise par l’utilisation des procédures d’urgence sont autant de points faibles auxquels nous devons remédier.
L’amendement déposé par le Gouvernement et adopté par la commission des affaires sociales permettra d’engager la réforme globale qu’attendent les psychiatres, les associations de famille et les directeurs d’établissements.
Le champ de l’habilitation, tel qu’il est défini dans l’amendement, doit en effet permettre non seulement de reprendre les dispositions qui figurent dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, et qui font globalement l’unanimité, mais aussi, plus largement, de réformer la loi de 1990. De ce point de vue, le texte répond bien à la nécessité d’une réforme globale de la loi de 1990, et pas seulement de ses aspects relatifs à la délinquance. C’était un souhait de l’ensemble des professionnels.
Pour finir, je souligne un aspect qui me semble essentiel pour réussir ensemble cette réforme : la concertation. Je sais que vous avez engagé, depuis déjà plusieurs mois, une négociation avec l’ensemble de la profession et les associations de patients, laquelle doit permettre d’aboutir à une réforme approuvée par tous. Sur ce point essentiel, je souhaiterais que vous puissiez donner toutes les assurances à la représentation nationale et que vous lui indiquiez clairement où en est cette concertation.
Le texte que nous examinons ce matin constitue une chance – sans doute la dernière – d’engager et de faire aboutir la réforme de la loi de 1990.
Pour cette raison, le groupe de l’Union pour un mouvement populaire votera le projet de loi et apporte son soutien à la réforme des soins psychiatriques. Nous vous faisons confiance pour la mener à bien, selon la feuille de route que vous nous avez précisée et selon le calendrier serré qui est le nôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Aujourd’hui, il s’agit de tout autre chose. Vous avez été victime, monsieur le ministre, d’une injonction, non pas thérapeutique, mais sécuritaire – encore que la thérapie et la sécurité soient de plus en plus souvent confondues. Saisissant l’opportunité que lui offrait un texte relatif à la petite enfance, votre ministre délégué, M. Bas, y a échappé, s’agissant des mesures de dépistage des troubles du comportement chez le jeune enfant, mesures qui étaient également voulues par la place Beauvau sur la base d’un rapport de l’INSERM. Du reste, heureusement que M. Bas a été efficace, car, très récemment, l’INSERM a fait son autocritique et il est revenu sur les premières conclusions de ce rapport.
Le problème est que, avec cette procédure curieuse, vous vous retrouvez à défendre des articles du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance – avant qu’ils soient peut-être supprimés par la CMP – qui, sur le fond, contredisent votre plan de santé mentale, dont j’espère que vous nous présenterez un premier rapport d’étape à l’occasion de cette discussion.
L’AMF et l’OMS, mais aussi l’UNAFAM et la Fédération nationale de la psychiatrie, ont ainsi lancé une campagne intitulée : « Non aux préjugés en matière de troubles psychiques ». Selon le dossier de presse du 15 mars 2005, l’enquête nationale du centre collaborateur de l’OMS a montré que les troubles psychiques concernent environ 30 % des Français, que près de 37 % d’entre eux ont déjà pris des médicaments psychotropes et que les troubles psychiques sont la deuxième cause des arrêts de travail. Personne n’est donc à l’abri d’un problème de santé mentale. Chacun de nous connaît, dans sa famille, dans son voisinage ou dans son entourage professionnel, une situation douloureuse liée à un problème de ce type. Depuis quelques années, le regard porté par la société a peu à peu changé, grâce notamment aux médias, qui évoquent régulièrement certains troubles psychiques, tels que la dépression, les troubles anxieux et alimentaires, et leurs traitements.
Les préjugés négatifs ont néanmoins la vie dure et l’image de la psychiatrie est complexe et contradictoire, ainsi que Jean-Marie Le Guen l’a très bien expliqué tout à l’heure, lors de son explication de vote. Les professionnels de la psychiatrie ont du mal à expliquer leur action et à travailler avec leurs partenaires dans la cité. Les élus sont souvent perplexes face aux problèmes de santé mentale de leurs concitoyens. Malheureusement, chaque fait divers relance la dramatisation des questions liées aux troubles psychiques et les interrogations vis-à-vis des patients et du système de soins révèlent trop souvent un réflexe d’exclusion.
Pour vaincre les nombreuses résistances qui se sont exprimées dans le monde de la psychiatrie et des associations de familles de malades – qui ont, hélas ! été moins entendues que pour la petite enfance –, M. Brice Hortefeux a déclaré, dans une interview au Bulletin national de l’Observatoire des pratiques de santé mentale, avant l’examen du texte par le Sénat : « Il n’y a rien de choquant à inclure les hospitalisations d’office dans les dispositions d’un projet de loi qui vise à prévenir les comportements délinquants et, plus largement, les troubles à l’ordre public que constituent les comportements dangereux pour soi-même ou pour autrui. Cela ne veut pas dire pour autant que nous confondons les malades et les délinquants. » Pourtant, ce projet de loi confond bien les dispositions concernant la psychiatrie avec celles relatives à la prévention de la délinquance. Le message ainsi donné est totalement négatif et justifie l’opposition des milieux de la psychiatrie.
Confondre délinquance et maladie est une régression profonde.
Nous demandons donc le retrait de ces dispositions, afin de sortir de la confusion actuelle et de faire en sorte que la santé mentale puisse donner lieu à une véritable concertation, sans contrainte. Les problèmes sociaux, qui sont souvent révélés par des problèmes de nature psychologique, doivent être traités par la société tout entière.
En outre, c’est bien l’une des premières fois que le Parlement ratifie une ordonnance. Celles-ci sont très critiquées, car elles permettent au Gouvernement de dessaisir le Parlement de son droit de discuter et, surtout, d'amender. Certes, comme il est prévu dans la Constitution que le Gouvernement doit déposer un projet de loi de ratification, beaucoup croient que, à cette occasion, le pouvoir du Parlement est rétabli. Mais, en réalité, il suffit au Gouvernement de déposer un projet de loi de ratification pour que celle-ci soit tenue pour acquise. Le Parlement est donc habituellement dessaisi lorsque le Gouvernement légifère par ordonnance.
C'est pourquoi les gouvernements, et particulièrement celui-ci, ont la fâcheuse habitude de recourir à cette procédure. Il serait d’ailleurs intéressant de rechercher ainsi combien de fois cette procédure a été utilisée depuis cinq ans. Tous les partis demandent aujourd’hui un rééquilibrage des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif. Le recours trop fréquent aux ordonnances contribue à rabaisser le rôle du Parlement, essentiel en démocratie.
Dès lors, pourquoi demander la ratification de cette ordonnance ? Le sujet est-il si fondamental ? Certainement, puisque l'ordonnance du 26 août 2005 est relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation des titres et de l'exercice illégal. Mais elle date de quinze mois, alors que la ratification est prévue dans les trois mois après sa promulgation. Il s'agit certainement d'une grossesse prolongée. (Sourires.)
Il est vrai que vous profitez de ce projet de loi pour compléter ou rectifier certaines dispositions très importantes, en particulier pour permettre l'élection des conseillers départementaux par voie électronique, sujet fondamental s’il en est…
Toutes ces mesures, monsieur le ministre, auraient pu, auraient dû trouver leur place dans un DMOS, voire dans la loi de financement de la sécurité sociale. Celle-ci a été totalement détournée cette année, puisqu’elle termine son parcours avec 140 articles, dont beaucoup n’ont aucun rapport avec le financement de la protection sociale. Le Conseil constitutionnel devrait très logiquement annuler tous les cavaliers de la loi de financement de la sécurité sociale.
Un DMOS aurait été nécessaire pour légiférer dans de nombreux domaines de la santé, afin d’adapter nos textes à la pratique et, si possible, de simplifier les procédures.
Beaucoup de questions de santé demeurent aujourd’hui en suspens au sujet de la qualité des soins, de la démographie médicale, du transfert de tâches entre les professions, de la formation initiale et continue, de la rémunération des professionnels. Vous auriez sans doute dû revoir le rôle, la formation et l’évaluation des psychothérapeutes, mais aussi des ostéopathes, qui attendent avec impatience que soit définie leur profession et que soient mieux réparties les compétences entre leur discipline et celle des kinésithérapeutes – je me réjouis de voir M. Vitel m’approuver en hochant la tête…
Pour ce qui est de la forme, tout d’abord, il est pour le moins curieux de profiter d’un texte de ratification d’ordonnance pour demander une nouvelle autorisation de légiférer par voie d’ordonnance. Ce point de vue n’a pas été évoqué ce matin, ce qui me paraît assez étonnant car il est permis de s’interroger sur la validité juridique d’un tel procédé.
Surtout, j’ai peine à comprendre que l’on puisse demander une autorisation d’ordonnance pour légiférer sur des articles en cours de discussion. La logique voudrait que soient adoptés concomitamment des amendements de suppression de ces mêmes articles dans la loi de prévention de la délinquance. Comment concilier ces deux voies divergentes ?
En outre, une ordonnance doit être ratifiée par le Parlement.
Sur le fond, deux questions se posent également. La première concerne l’erreur d’avoir inclus dans le texte relatif à la prévention de la délinquance des articles concernant l’hospitalisation psychiatrique sous contrainte. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Cette assimilation des malades psychiatriques à des délinquants a suscité une vive émotion chez les professionnels de la santé mentale, notamment les médecins et les infirmières, mais aussi les patients et leurs familles, ce qui est bien compréhensible.
Un premier pas a heureusement été franchi grâce à la commission des affaires sociales et à son président, auquel je rends hommage, qui s’est saisi du texte pour donner son avis sur les articles concernant les familles et la santé, en particulier les articles 18 et 24. La logique aurait toutefois voulu que, reconnaissant son erreur, le Gouvernement retire les articles incriminés et dépose un projet de loi spécifique.
Tel n’est pas le cas : la loi relative à la prévention de la délinquance va poursuivre son cheminement législatif, les articles incriminés vont être discutés et sans doute votés, et le risque de voir assimiler les malades psychiatriques et les délinquants persistera donc (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
En effet, s’il est nécessaire de revoir et d’améliorer sur de nombreux points la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux, s’il est indispensable de revoir les dispositions concernant l’hospitalisation d’office, l’hospitalisation à la demande d’un tiers, s’il est nécessaire de surveiller et de soigner les personnes présentant un danger, il s’agit là de problèmes fondamentaux touchant à la liberté de l’individu.
Je n’accuse pas le Gouvernement actuel, notamment M. le ministre de la santé,…
En revanche, il est inadmissible d’utiliser cette voie dans un domaine touchant à la liberté des personnes, où il convient de légiférer avec prudence et précaution, en écoutant tous les acteurs, en permettant un vrai débat dans le pays…
Je suis très satisfait du dépôt de cet amendement, qui permettra, si celui-ci est adopté, de disjoindre du projet de loi sur la prévention et la délinquance les articles 18 et 24. Cet amendement me paraît nécessaire car il permettra l’indispensable révision de la loi de 1990 sur les hospitalisations sans consentement – hospitalisations d’office ou à la demande d’un tiers dans un hôpital à vocation psychiatrique.
Si j’interviens, mes chers collègues, ce n’est ni en tant que médecin, ni en tant que soignant, mais simplement en tant qu’élu, ayant été pendant vingt-quatre ans le maire d’une ville où est implanté depuis cent soixante ans le plus important centre de psychiatrie du Bas-Rhin, ainsi qu’en tant que président du conseil d’administration de cet établissement depuis quinze ans.
Les centres de soins spécialisés dans le traitement de la maladie mentale ont un caractère particulier et très sensible. Dans mon enfance, durant l’après-guerre, on parlait d’asiles d’aliénés.
La loi de 1838 a régulé les admissions de façon satisfaisante pendant cent cinquante ans, permettant d’éviter les internements abusifs. La loi de 1990 a actualisé cette loi, toujours dans le même objectif. Cette loi efficace mettait cependant en œuvre des procédures très complexes pour protéger le malade interné sans son consentement et lui permettre de conserver toute sa dignité, pour assurer sa propre protection et celle de la société.
Aujourd’hui, ces centres sont devenus des hôpitaux comme tous les autres, c’est-à-dire des établissements de soins ayant pour objet de soigner, de guérir, et de permettre au malade de retrouver sa place dans la société.
L’amendement qui nous est proposé devra améliorer les textes sur trois plans. Premièrement, en simplifiant les procédures d’admission, de contrôle, de vérification, afin d’éviter tout abus ; deuxièmement, en mettant en place une meilleure information des maires lors des levées de soins : sans qu’il puisse y avoir remise en cause du secret médical, le maire qui s’est vu dans la pénible obligation de demander l’hospitalisation sans consentement est en droit de connaître la date de sortie du malade ; troisièmement, en évitant les récidives et les troubles de l’ordre public, tout en favorisant la protection du malade ainsi que celle de la société, notamment les proches et le personnel soignant.
(M. Éric Raoult remplace M. Maurice Leroy au fauteuil de la présidence.)
Pour conclure, je pense que cet amendement évitera de faire un rapprochement néfaste, inutile, voire dangereux, entre la délinquance et la maladie mentale.
Cet amendement contribuera également à améliorer l’image de marque des centres de soins psychiatriques, une image encore trop souvent négative dans l’esprit populaire, alors qu’on y accomplit un travail remarquable et positif. Comme le prévoit l’amendement visant à prévenir les incidents au sein de l’hôpital même, il y a lieu, monsieur le ministre, de poursuivre l’implantation des SMPR, ces services de santé mentale dans les maisons de détention, où l’action des médecins psychiatres et des équipes soignantes est également tout à fait remarquable. Enfin, cet amendement doit, dans le dialogue et la concertation entre tous les acteurs, permettre d’améliorer les soins aux malades, qui restent au centre de nos préoccupations.
Pour terminer, je tiens à souligner combien j’admire l’action des médecins et de leurs équipes, ainsi que des cadres de direction. Je salue leur dévouement et leur abnégation, car ils exercent leur profession dans des conditions souvent difficiles, voire dangereuses. Par cet amendement, nous voulons améliorer les textes afin de leur permettre de travailler dans la sérénité et l’efficacité, au profit des malades. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le ministre, cette intervention me permettra de clore l’échange que nous avons eu tout à l’heure, d’autant que, M. Raoult ayant quitté l’hémicycle, j’aurai moins de difficulté à m’exprimer… L’ensemble du texte ne nous pose pas de problème majeur, nonobstant les questions relatives à la création des ordres, mais tout cela se discute. Il en va autrement des aspects relatifs à la maladie mentale.
N’est-il pas temps de dire que l’enfermement et les techniques de l’enfermement ne doivent peut-être pas faire l’objet de nos priorités ? Beaucoup d’élus le savent bien, hors de l’hôpital, des malades meurent faute de soins. Comme j’ai tenté de l’expliquer tout à l’heure, nous avons un énorme travail à accomplir pour faire comprendre à ces personnes non hospitalisées qui souffrent qu’elles sont malades et qu’on peut apporter une réponse médicale à leur mal-être. Des personnes meurent aussi faute de place dans les hôpitaux, donc faute de soins. En effet, on les fait sortir très vite de l’hôpital. Après une tentative de suicide, qu’on appelle simplement une TDS – quel monde ! –, la personne ne passe que quelques jours en service de psychiatrie quand elle quitte les urgences, puis se retrouve dehors. Or, dans ce cas-là, l’équation est simple : sortie égale rechute égale mort.
Voilà un problème de santé mentale auquel nous devons nous attaquer ! Monsieur le ministre, et vous avez d’ailleurs contribué à cela, partout des groupes se forment pour essayer de « porter » ces hommes et ces femmes. Il n’en reste pas moins qu’en ce début de XXIe, en France, des personnes meurent faute de soins.
L’urgence est donc au soutien aux familles qui, souvent, ne savent pas gérer ces situations dramatiques. Il n’est pas rare qu’un père de famille, dont le fils ou la fille a besoin d’être hospitalisé, demande à l’élu local de l’aider, ne sachant lui-même comment y parvenir.
La démographie médicale pose également un problème. Dans les discussions que nous avons avec les ARH à propos de l’affectation de tel ou tel poste, ou du maintien ou non de tel ou tel service, il apparaît que c’est l’absence de médecin qui justifie la décision prise. Voilà un autre point important qu’il faut traiter.
Paulette Guinchard souhaitait évoquer la question de l’injonction thérapeutique. On ajoute ici de nouvelles mesures d’injonction thérapeutique pour les violences conjugales, les violences intra-familiales, pour les comportements d’addiction. Or les psychiatres expliquent que, très souvent, les personnes soumises à ces mesures viennent les voir parce qu’elles y sont obligées mais n’ont aucune envie de suivre un traitement. L’injonction thérapeutique, c’est bien. Mais encore faut-il avoir les moyens de la mettre en œuvre.
Cela montre que tout le système doit être revu. Cela commence par la formation et l’information des généralistes auxquels il faut aussi apporter de l’aide car ils sont souvent débordés par des situations nouvelles. Nous avons tous en tête des exemples de généralistes agressés.
S’agissant des fichiers, on nous dit qu’ils seront contrôlés. Mais avez-vous pensé qu’un élu local ne prononcera peut-être pas une mesure d’hospitalisation d’office au motif que la personne qu’il connaît et qui traverse, certes, une situation difficile, sera fichée pendant plusieurs années ?
Monsieur le ministre, je vous demande une fois de plus, car je suis persuadée que vous savez que nous avons raison, du moins en partie, de prendre cette ordonnance pour les points cités tout à l’heure – nous reviendrons cet après midi sur les diététiciens –, mais de revoir votre position sur les articles 18 à 24. La société française vaut beaucoup mieux que cela. À n’en pas douter, vous trouverez nombre de personnes capables de travailler avec vous sur ce sujet très difficile. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Tout d'abord, je ne peux que me féliciter de la simplification de l'organisation et du fonctionnement qu'elle apporte aux ordres des professions médicales. Pour appartenir moi-même à un ordre, je sais trop combien la structuration d'une telle machine est compliquée. Une simplification de leur fonctionnement est donc toujours la bienvenue.
De même, il me semble tout à fait opportun de permettre à ces organismes d'être en adéquation avec leur temps. Autoriser le vote électronique pour l'élection des conseillers départementaux est un bon moyen, monsieur Préel, de donner la preuve à tous les détracteurs des structures ordinales que ces instances ne sont en aucun cas d'un autre âge.
Avec Maryvonne Briot, nous avons en effet essuyé, venant des bancs de gauche de l’Assemblée, de nombreux quolibets sur le caractère « dépassé », voire inutile, des instances ordinales lors de la présentation de notre proposition de loi visant à la création d'un ordre infirmier en juin dernier. Je ne doute pas d'ailleurs que le prochain examen du texte en seconde lecture sera de nouveau l'occasion pour nos détracteurs de s'en donner à cœur joie. La ratification de l'ordonnance qui nous est proposée aujourd'hui nous donne une nouvelle preuve du contraire : un « nettoyage » législatif régulier de leur fonctionnement doit permettre à ces structures de s'adapter.
Contrairement à ce que vous disiez, monsieur Préel, les ordonnances doivent être ratifiées par le Parlement. La Constitution le prévoit ainsi. En outre, cela permet aux parlementaires d’amender le texte s’ils l’estiment nécessaire.
La seconde raison pour laquelle la ratification de cette ordonnance me semble très opportune concerne l'encadrement de la profession de diététicien qu'elle apporte. La création d'un diplôme d'État relatif à cette profession était une revendication de longue date des diététiciens, et je ne peux qu'exprimer ici ma satisfaction de voir aboutir cette demande légitime.
Par ailleurs, il me semble particulièrement important, vis-à-vis de nos concitoyens, d'entourer cette profession d'un cadre réglementaire plus strict, leur garantissant ainsi une prestation de qualité et conforme aux exigences de santé publique. En effet, les questions relatives à la diététique, notamment dans notre société où l'obésité va croissant, tiennent une place de plus en plus importante dans le paysage de la santé – n’est-ce pas, monsieur Le Guen ? Or, en ce domaine comme ailleurs, nous ne pouvons malheureusement échapper à la menace de charlatans exploitant sans scrupule et sans vergogne la faiblesse ou la naïveté de certains de nos concitoyens. La mise en place d'un diplôme d'État apportera donc une réponse attendue aux abus qui ont pu être constatés en la matière.
Pour terminer, je souhaiterais évoquer brièvement l'amendement que j'ai déposé avec Marc Bernier, Philippe Dubourg, Jean-Claude Thomas et Jean Ueberschlag, tous chirurgiens-dentistes de profession, et qui sera soumis à l'examen de notre assemblée. L'objectif de cet amendement est simple : il s'agit de reconnaître les assistantes dentaires comme relevant des professions de santé.
Si, il y a trente ans, une assistante dentaire effectuait avant tout des tâches administratives, voire d'accueil et d'entretien, et apportait au praticien un soutien essentiellement logistique, il n'en est plus de même aujourd'hui. La profession a évolué, et ces professionnelles interviennent de plus en plus dans des domaines qui requièrent des compétences et des connaissances accrues.
La parole est à M. le ministre.
Monsieur le rapporteur, vous avez eu raison de souligner que ce texte s’inscrit dans le cadre d’un vaste mouvement de simplification mis en œuvre à la fois par les lois de juillet 2003 et juillet 2004, qui dépasse le champ de cette seule ordonnance. La majorité considère en effet que, dans le domaine de la santé aussi, nous avons, vis-à-vis de nos concitoyens, un devoir de lisibilité et de simplification des règles de droit.
S’agissant des psychothérapeutes, évoqués par Philippe Vitel, je vous indique que le décret visant à assurer une formation de qualité fait l’objet d’une concertation très large avec l’ensemble des professionnels. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Si c’était simple, cela se saurait ! Ce décret sera transmis au Conseil d’État avant la fin de cette année, comme je m’y étais engagé. Il en va de même pour les ostéopathes. Ce n’est pas simple, mais je continue à avancer sur ces dossiers et je vous affirme qu’ils aboutiront.
Concernant les assistants dentaires, monsieur Mallié, je partage pleinement votre objectif de valorisation de leur rôle. Mais, et nous y reviendrons lorsque nous examinerons les amendements, je vous proposerai un chemin différent pour parvenir à cet objectif. Puissions-nous emprunter ce chemin ensemble ! Il ne tiendra qu’à vous de le faire.
S’agissant des questions relatives à la psychiatrie soulevées par Mmes Fraysse et Lebranchu et par M. Bapt, j’ai déjà répondu en m’exprimant sur l’exception d’irrecevabilité. Peut-être interviendrez-vous à nouveau, mesdames, monsieur, dans le cadre de la discussion des articles 18 à 24.
Je donne acte à Mme Fraysse de son soutien aux dispositions concernant les diététiciens. Nous le savons tous : ces mesures étaient très attendues par les professionnels.
M. Préel reprochait au Gouvernement de soumettre au Parlement la ratification de l’ordonnance du 26 août 2005. C’est pourtant ce que prévoit la Constitution, qui précise les conditions de ratification. S’agissant précisément de l’ordonnance qui réformera la loi de 1990, l’amendement du Gouvernement apporte également la réponse : l’ordonnance sera prise dans un délai de deux mois et un projet de loi de ratification sera ensuite déposé dans les deux mois suivant la publication de l’ordonnance.
Telles sont les procédures que je tenais à rappeler ici. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Suite de la discussion du projet de loi, n° 2674 rectifié, ratifiant l’ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l’organisation de certaines professions de santé et à la répression de l’usurpation de titres et de l’exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique :
Rapport, n° 3453, de M. Pascal Ménage, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Suite de la discussion du projet de loi, n° 3338, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance :
Rapport, n° 3436, de M. Philippe Houillon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ;
Avis, n° 3434, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
À vingt et une heures trente, troisième séance publique :
Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton