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(La séance est ouverte à quinze heures.)
Depuis, les déclarations et les initiatives ne cessent de se multiplier, dans la cacophonie la plus totale.
Comme d’autres parlementaires, je me suis étonné que le ministre de l’intérieur reçoive plusieurs associations de supporteurs samedi dans son ministère. Il aurait été intéressant qu’il vienne nous dire ici ce qu’il leur avait dit.
J’ai lu dans la presse de ce matin un certain nombre de déclarations qui me semblent aller dans le bon sens, mais qui, en même temps, me laissent totalement perplexe. Ainsi, le directeur général de la police nationale dit dans Le Parisien de ce matin qu’il pense devoir dissoudre un certain nombre d’associations de supporteurs du Paris– Saint-Germain, de façon préventive, j’imagine, et, de ce point de vue, je l’approuve. J’aimerais savoir quelles sont les intentions du Gouvernement. Je suis étonné que, s’agissant d’une décision éminemment politique, ce soit un fonctionnaire qui puisse la prendre. Mettre en cause le fonctionnement d’associations est un choix politique que j’assume personnellement et que j’approuve, mais il aurait tout de même été plus logique, s’agissant de décisions d’ordre public, qu’elles soient annoncées par le ministre de l’intérieur.
Je voudrais donc savoir quelle est la position exacte du ministre d’État sur la dissolution de certaines associations. De quelles associations s’agirait-il ? Quels sont les outils juridiques dont il devrait disposer ? A-t-il les moyens d’appliquer sa politique et, si ce n’est pas le cas, qu’est-ce qui lui manque ? Enfin, j’aimerais qu’il nous explique comment il peut convoquer dans son bureau des associations dont il a vocation par la suite à annoncer la dissolution.
Voilà un certain nombre de questions qui devraient être clarifiées si l’on veut donner un tant soit peu de sérieux à nos débats.
Je ne comprends pas pourquoi le ministre de l’intérieur n’applique pas la loi de juillet 2006, qui fait obligation de dissoudre les associations de supporteurs coupables de discriminations, d’actes racistes et d’atteintes aux personnes. C’est exactement ce qui s’est produit jeudi soir. On ne comprend donc pas qu’il n’ait pas évoqué la dissolution de cette association de supporteurs du Paris– Saint-Germain. Seuls certains de ses collaborateurs y ont peut-être fait référence.
Il y a chez le ministre de l’intérieur une sorte de schizophrénie politique. Il nous explique à l’Assemblée – lorsqu’il nous fait l’honneur d’être parmi nous, ce qui est rare, mais on l’entend répondre aux questions au gouvernement –, que la sécurité va être renforcée, il nous annonce à chaque occasion de nouveaux épisodes sécuritaires mais, lorsque les faits sont là, il est défaillant et n’applique même pas les lois que nous avons votées dans cette assemblée et au Sénat – je pense à la loi de juillet 2006.
Par ailleurs, et c’est encore plus dangereux, en recevant les associations, il donne une sorte de légitimité à des associations qui n’en ont plus aucune aujourd’hui en raison de leurs actes répétés, qui sont haineux, discriminatoires, qui visent à la ségrégation, qui sont racistes et antisémites, il faut le dire. Nous ne pouvons pas accepter que dure plus longtemps une telle situation alors que nous avons les moyens juridiques d’y mettre un terme.
D’une certaine manière, le ministre de l’intérieur fait preuve d’un grand laxisme à cette occasion, ce qui est une manifestation supplémentaire de sa duplicité.
Le directeur général de la police nationale en proposera l’application à la fin de la semaine, puisque le dernier décret en examen devant le Conseil d’État sera certainement pris vendredi. Par conséquent, à partir de lundi, la commission prévue par la loi pourra être créée. En effet, la dissolution n’est pas un acte pris en Conseil des ministres, contrairement au régime prévu par le décret de 1936, mais après consultation d’une commission quasi juridictionnelle, composée de magistrats et de représentants du milieu sportif. Il faut donc que cette commission se mette en place afin que les associations, qui sont susceptibles d’être dissoutes, puissent y faire valoir leur défense.
Le ministre de l’intérieur vous répondra demain lors des questions au Gouvernement ; elles sont faites pour cela, sinon à quoi serviraient-elles ?
Au-delà de ces mesures, pour être tout à fait honnête, je souhaite, que l’ensemble de la société réagisse. J’ai demandé ce matin que la subvention allouée chaque année au PSG par le Conseil de Paris – en dépit de mon opposition réitérée – qui s’élève tout de même cette année à la bagatelle de 2,6 millions, soit suspendue.
De la même manière, je souhaite, pour que tout le monde soit concerné, que la Fédération nationale et la Ligue nationale de football prennent des sanctions à l’encontre d’un club qui a failli à sa réputation sportive, qui a sali le Parc des Princes, Paris et la France !
Cet ensemble de mesures est suffisamment vaste pour que M. Mamère et M. Le Guen s’y retrouvent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mais, d’ores et déjà, permettez-moi de dire que la façon dont le ministre de l’intérieur a géré ce dossier ne me paraît pas satisfaisante. Il a tout d’abord agi dans l’urgence et la précipitation. Ensuite, il a convoqué une réunion au ministère de l’intérieur avec les seules instances sportives. Or elles ne sont pas les seules concernées par cette question. Ni le procureur de la République et encore moins les élus, d’aucun bord, n’ont été conviés. Pourtant nous avons une certaine expérience dans ce domaine. Je considère donc que cette réunion n’a pas été organisée dans de bonnes conditions. D’autant plus qu’y participaient semble-t-il deux personnes représentant les clubs de supporters du kop de Boulogne, elles-mêmes interdites de stade.
N’est-il pas singulier que des actes de délinquance, que tout le monde s’accordent à reconnaître comme graves, de surcroît accompagnés de manifestations racistes, ne justifient pas l’ouverture dans cette enceinte d’un débat avec le ministre de l’intérieur ?
Toutefois je regrette d’avoir à vous rappeler que nous vivons dans un État de droit et que dans un État de droit il y a des lois.
Il n’y a pas lieu de tirer prétexte de notre débat de cet après-midi, qui portera sur la coordination des travailleurs sociaux pour prévenir les difficultés sociales des familles, pour en ouvrir ici un autre, sachant que, naturellement, le ministre d’État, ministre de l’intérieur, est prêt à répondre à vos questions lorsque l’ordre du jour de cette assemblée le permettra. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
(La séance, suspendue à quinze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures trente.)
La parole est à Mme Patricia Adam, pour soutenir l’amendement n° 673.
Je suis en revanche surprise par l’absence de M. Estrosi et de M. Sarkozy, alors qu’au moins l’un d’eux était présent jusqu’à maintenant – plus l’un que l’autre d’ailleurs.
Au travers de nos trois propositions d’article additionnel, c’est un texte alternatif à l’article 5, dont nous demanderons bien entendu la suppression, que nous proposons. Il n’est pas normal qu’un texte sur la prévention de la délinquance contienne des dispositions relatives à la protection de l’enfance et à l’action sociale.
Ces trois amendements s’inspirent de rapports, comme celui du sénateur About, que nous rejoignons sur beaucoup de points, ou encore le fameux rapport Bloche-Pecresse, sur l’enfance et la famille, dont les propositions sont tout à fait conformes à ce que nous défendons ; ils s’inspirent également de votre projet de loi sur la protection de l’enfance, ainsi que du plan de cohésion sociale de M. Borloo, notamment du contrat de responsabilité parentale et de la confirmation de la compétence des présidents de conseil général et des maires en la matière.
Conformément à ces textes, nos trois amendements rappellent la nécessité de coordonner l’action des maires et des présidents de conseil général, notamment, pour l’amendement n° 673, dans le domaine de la prévention spécialisée. Nous proposons en effet d’insérer, dans la première phrase du premier alinéa de l’article L. 121-1 du code de l’action sociale, après les mots « action sociale », les mots « et de prévention spécialisée ». Il est ainsi rappelé que la prévention spécialisée est un des domaines de compétence majeurs des conseils généraux, qu’il s’agit en l’espèce d’articuler avec la compétence du procureur.
Il nous semble nécessaire de délimiter à ce moment du texte les compétences de chacun en matière de prévention de la délinquance. Une délimitation claire est particulièrement nécessaire en matière de prévention spécialisée, dont les actions se situent par nature à la frontière de plusieurs compétences. Voilà pourquoi il est important que le texte précise qu’elle relève bien de la protection de l’enfance et de l’action sociale, et à ce titre de la compétence du conseil général.
À l’occasion de l’examen de l’article 2, j’avais démontré, en dépit des dénégations du président de la commission et du ministre présent, que la portée de cet article excède celle de l’article L. 121-1 puisque la modification proposée de l’article L. 121-2 du code de l’action sociale et des familles renvoie notamment aux actions de prévention de la délinquance. On impose ainsi aux acteurs de la prévention spécialisée de sortir de leur mission de protection sociale pour assurer des tâches de prévention de la délinquance. C’est la raison pour laquelle nos collègues du groupe socialiste présentent ces amendements avant l’article 5. Il s’agit de parer à la dérive de la prévention spécialisée organisée par votre projet de loi, que l’examen de l’article 5 fera apparaître de façon éclatante, notamment en ce qui concerne les dispositions relatives au secret partagé et à la confidentialité. Votre projet remet en cause l’essentiel de la mission des travailleurs sociaux, fondée sur la confiance et la confidentialité.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Patricia Adam, pour le soutenir.
Pour vous donner cependant satisfaction, madame Adam, je conclurai en demandant à M. le ministre de nous confirmer clairement que le projet de loi relatif à la protection de l’enfance, déjà adopté par le Sénat en première lecture, sera soumis prochainement à l’examen de l’Assemblée.
En ce qui concerne votre amendement, madame, je tiens à vous préciser que nous avons, avec le ministre de l’intérieur, soigneusement veillé à distinguer le texte relatif à la protection de l’enfance de celui relatif à la prévention de la délinquance, qui n’a pas le même objet. C’est pourquoi le Gouvernement ne souhaite pas qu’une partie des dispositions du texte sur la protection de l’enfance soit réintroduite dans le texte sur la prévention de la délinquance. Nous le souhaitons d’autant moins, madame la députée, que parmi les dispositions en cause, les unes traitent du travail social en général, les autres de l’aide sociale à l’enfance en particulier.
Conformément au principe d’interprétation juridique qui s’impose à tous, la loi spéciale, c’est-à-dire la loi sur la protection de l’enfance, déroge à la loi générale, à savoir la loi sur l’organisation du travail social, pour ce qui ne relève pas de la protection de l’enfance. Il faut donc nous garder de mélanger les deux textes, pour éviter toute confusion.
Cela étant, madame Adam, je vous remercie, ainsi que l’ensemble du groupe au nom duquel vous vous êtes exprimée, de l’intérêt que vous portez au texte sur la protection de l’enfance. Le fait que vous repreniez, sans en modifier un mot, certaines des dispositions de ce projet de loi pour les inscrire dans le texte sur la prévention de la délinquance augure bien du soutien que vous apporterez certainement à ce texte lorsqu’il viendra en discussion.
Nous étions donc tous d’accord, sur tous les bancs de cette assemblée, pour dire qu’il fallait examiner le texte de protection sociale de l’enfance avant toute réflexion sur la prévention de la délinquance. S’il est bien, en effet, deux textes et deux sujets qui ont un lien, ce sont bien ceux-là. Au lieu de quoi on nous propose un texte fourre-tout, où il est question de santé mentale et de mille choses qui n’ont rien à voir avec la prévention de la délinquance. Il est bien dommage qu’un texte qui aurait un lien aussi direct avec le sujet n’ait pas été intégré à celui-ci ou, du moins, suffisamment préparé pour que nous puissions en tenir compte.
La semaine dernière, on a pu, à propos du texte que nous examinons, parler de « mascarade ». Il ne faudrait pas que nos collègues nous demandent d’aller trop vite dans la discussion, car il semble qu’ils aient encore beaucoup de choses à débattre entre eux. Nous savons par la presse que se livre en coulisse une bataille extraordinaire sur certains des articles que notre assemblée examinera dans les prochains jours. On voit le rapporteur ou tel de nos collègues, le ministre de l’intérieur ou le garde des sceaux s’étriper dans des réunions qui n’ont d’ailleurs rien à voir avec le Parlement. Nous sommes dépossédés du débat tandis que les arbitrages sur le texte à venir subissent de profondes modifications.
Nous apprenons incidemment que le ministre d’État, ministre de l’intérieur, sera présent en séance à l’occasion de l’examen de certains amendements, qui d’ailleurs concernent essentiellement le garde des sceaux ! C’est la presse qui nous informe que le ministre d’État, ministre de l’intérieur, daignera passer dans l’hémicycle pour répondre sur tel ou tel article, alors qu’il n’est jamais là quand il s’agit d’en discuter dans sa globalité.
C’est une véritable mascarade parlementaire ! On trouve dans le texte des choses qui n’ont rien à y faire, et on n’y trouve pas des éléments qui ont directement trait au sujet. La discussion a lieu hors de l’hémicycle et, tandis que l’actualité fait apparaître des problèmes qui relèvent directement de l’action du ministère de l’intérieur et de la prévention de la violence et de la délinquance, celui-ci prend des positions de plus en plus contradictoires. M. Goasguen se fait le porte-parole – sans doute bien informé – du ministre de l’intérieur pour nous expliquer en l’occurrence que la loi va être mise en application, que le décret qui aurait dû être pris depuis des mois le sera à la fin de la semaine,…
Nous avons en outre le sentiment, depuis quelques jours que nous discutons de ce projet, d’assister à la fois à un recul du ministre de l’intérieur et de ses amis au sein du Gouvernement et à une sorte de foire d’empoigne opposant les partenaires de la majorité sur un texte qui est d’abord électoraliste, un texte d’affichage, un texte qui ne résoudra rien et n’aura d’autre effet que de continuer à monter une partie de la population contre l’autre et d’accroître excessivement les responsabilités du maire, ce qui ne manquera pas de miner ce qu’il reste de fondements démocratiques dans notre société.
Cependant, la réalité est que – pour employer une rhétorique chère à M. le ministre de l’intérieur, à qui s’applique d’ailleurs tout particulièrement cette analyse – vous serez un jour ou l’autre, qui ne saurait tarder, comptables devant les Français de ce braconnage sur les terres de l’extrême droite,…
Madame Adam, je partage pleinement le point de vue qu’exprime l’amendement que vous proposez. Vous le savez bien, d’ailleurs, tant nous avons mené ensemble de combats et partageons de convictions quant à la protection de l’enfance.
Je pense également comme vous, monsieur Le Guen, que la différence est ténue entre les enfants victimes et les enfants délinquants. Le fait qu’une grande majorité des détenus dans nos prisons sortent des dispositifs de protection de l’enfance prouve l’échec de notre système de protection de l’enfance. Nous attendons donc tous avec impatience le texte que M. Bas nous présentera prochainement.
Cependant, nous éprouvons tous ici, sur les bancs de la majorité comme sur ceux de l’opposition – reconnaissons-le honnêtement –, la même difficulté à situer la frontière entre les deux textes, tant sont étroitement liées les questions dont ils traitent.
Nous nous efforçons donc, comme l’a souligné le ministre, de séparer les questions quand nous le pouvons. En l’occurrence, nous serons bientôt saisis d’un projet de loi consacré à la protection de l’enfance : si vous déposez ce même amendement lors de l’examen de ce texte, madame Adam, je le voterai très volontiers. Je ne souhaite pas, en revanche, le voter aujourd’hui, et m’abstiendrai s’il est mis aux voix. Mieux vaudrait donc que vous le retiriez et que nous en débattions prochainement.
Sur le fond, je le répète, je pense comme vous que la frontière est fluctuante, mais je fais toute confiance à M. le ministre délégué pour nous présenter très prochainement son texte relatif à la protection de l’enfance, qui nous donnera l’occasion de discuter des enfants en danger, qui sont l’objet de votre amendement. Aujourd’hui, en effet, il est question de la prévention de la délinquance.
La réalité, c’est que les moyens n’ont pas été donnés à ceux qui sont en charge de la protection de l’enfance.
Ne perdons pas de temps, alors que nous pouvons gagner bien des jours de discussion : demandez la suppression des articles 18 à 24 et remplacez-les – ce serait beaucoup plus juste – par les articles pertinents de la loi sur la protection sociale de l’enfance.
Nul ne contestera qu’il s’agit bien là d’un rappel au règlement. J’attends maintenant que le ministre nous réponde sur le fond.
Je mets aux voix l'amendement n° 708.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Patricia Adam, pour le soutenir.
Je regrette que l’amendement n° 708 ait été repoussé. Je ne puis laisser dire, monsieur le ministre, que les deux textes évoqués n’ont rien à voir ! Ainsi, le texte que nous examinons aborde le secret professionnel partagé, que prévoit également votre texte : on peut s’étonner de la divergence.
Par ailleurs, même si nous nous réjouissons de votre présence, nous sommes surpris de l’absence de M. Estrosi qui – à la différence de M. Sarkozy, d’ailleurs – était présent depuis le début des débats. Il semble au reste que vendredi soir M. Estrosi n’aurait pas été fâché que l’article 5 soit abordé en votre absence, et il a d’ailleurs tout fait pour cela.
Cet amendement, qui s’inscrit parfaitement dans l’esprit de ce texte sur la prévention de la délinquance, est indispensable pour répondre aux inquiétudes qu’expriment aujourd’hui de nombreux professionnels de l’action sociale. En effet, sans la relation de confiance, qui est le fondement même de l’action sociale et qui est inscrite dans tous les textes de référence, il ne pourra plus y avoir d’action sociale ni de travail social dans l’intérêt des familles et de leurs enfants.
L’amendement n° 709, qui pose ce principe, est donc indispensable à la continuité de nos travaux. Je ne vois donc pas pourquoi il ne pourrait pas être accepté, et cela d’autant moins qu’il ne contredit en rien les dispositions de la loi sur la protection de l’enfance.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Noël Mamère.
Rappelons que régulièrement, depuis plusieurs années, le débat autour du secret partagé a été relancé, et que lors de l'examen de la loi du 22 juillet 1992 sur le nouveau code pénal, le Parlement avait refusé de consacrer la notion de secret partagé. Dans une circulaire conjointe du ministère de la justice et du ministère de la santé du 21 juin 1996, une sorte de mode d'emploi du secret partagé a été donné : « Il convient, dans cette hypothèse, de ne transmettre que les éléments nécessaires, de s'assurer que l'usager concerné est d'accord pour cette transmission ou tout au moins qu'il en a été informé ainsi que des éventuelles conséquences que pourra avoir cette transmission d'informations et de s'assurer que les personnes à qui cette transmission est faite sont soumises au secret professionnel et ont vraiment besoin, dans l'intérêt de l'usager, de ces informations. »
La rédaction de l'article 5 est donc très éloignée de ces réflexions. Votre texte part du principe qu’une bonne politique de prévention de la délinquance passe notamment par une clarification des missions qui visent à assurer la continuité et la cohérence de l'action sociale et éducative. C'est dans ce cadre qu’il autorise le partage d'informations, mais sans faire à aucun moment référence à l'accord préalable de la personne concernée. Or si les atteintes à la confidentialité sont possibles, elles doivent être strictement encadrées et compatibles avec le respect de la vie privée. C’est ce que nous défendons depuis le début de l’examen de ce texte.
La confidentialité constitue en effet un principe fondamental du travail social ; elle est même consubstantielle à son exercice puisqu’elle permet de travailler en confiance avec les familles. De telles dispositions conduiraient à soumettre la vie privée et familiale des personnes ainsi que leur vie personnelle à un contrôle administratif à la fois très lourd et intrusif.
La CNIL – qui a examiné pour avis le projet de loi le 13 juin 2006 – rappelle que « le partage d'informations entre travailleurs sociaux relatives à des personnes identifiées est légitime dès lors qu'il est strictement nécessaire à leur prise en charge et est réalisé dans l'intérêt des personnes concernées ». Si la CNIL considère que le projet va en ce sens, elle souligne toutefois que « demeure la disposition selon laquelle les informations confidentielles nécessaires à l'exercice des compétences dans les domaines sanitaire, social et éducatif peuvent être révélées au maire ou à son représentant par le professionnel intervenant seul et le coordonnateur ».
Ce texte, s'il était adopté, se révélerait inefficace, anticonstitutionnel et dangereux.
Il repose sur l’idée selon laquelle le secret professionnel serait un obstacle à la protection des personnes. La fin justifierait donc les moyens : la protection des personnes vulnérables vaudrait bien une petite entorse à la vie privée de chacun ; une meilleure coordination des services sociaux serait un moyen d'efficacité accrue et aurait permis d'éviter certains drames.
Ce texte, ensuite, est contraire à nos engagements internationaux. L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui prévoit les exceptions rendant possible la levée du secret professionnel, ne mentionne pas le cas des difficultés sociales, éducatives ou matérielles. De surcroît, la formulation vague du texte n’est pas conforme au principe de précision de la loi pénale, principe ayant valeur constitutionnelle et nécessaire à la sécurité juridique des citoyens. Ceux qui s'adressent aux services sociaux éprouvent tous des difficultés sociales, éducatives ou matérielles nécessitant en général l'intervention de plusieurs acteurs : tous seraient donc susceptibles d'être signalés au maire.
Le secret professionnel est un indicateur de la valeur démocratique des sociétés. Seuls les pays soucieux de tolérance protègent les personnes dans ce qui relève de leur santé, leurs mœurs, leur appartenance ethnique, politique, religieuse et philosophique. L'agonie du secret professionnel, dispositif juridique destiné à protéger ces informations, marque un danger pour nos institutions et crée de l'inquiétude pour le citoyen qui se veut libre. Ce texte établit de surcroît un lien dangereux entre difficultés sociales et délinquance. Il obligerait en outre les travailleurs sociaux à signaler au maire les personnes en situation d'irrégularité, qui, par définition, connaissent des difficultés matérielles, sachant qu’en tant qu'officier de police judiciaire, le maire doit signaler les délits au procureur de la République. Cet article transformerait ainsi les professionnels du secteur social en de véritables délateurs obligés. C’est la raison pour laquelle, à juste titre, tous ceux qui travaillent dans ce secteur ont multiplié les collectifs, les adresses aux députés, au Gouvernement.
J’ajoute que l’article 5 est crucial parce qu’il reconnaît le rôle prééminent de l’action sociale et de l’action éducative dans la lutte contre la délinquance. Je suis fière que, sur les bancs de mon groupe, on reconnaisse cela. Qu’on parle d’action sociale, ça ne devrait pas vous déranger, bien au contraire.
Je rappelle la genèse de cette question du partage d’informations soumises au secret professionnel. Vous savez que dans le cadre de la mission d’information sur la famille dont j’ai été la rapporteure et que Patrick Bloche présidait – Mme Adam a parlé du « rapport Bloche-Pecresse », mais c’est me faire beaucoup d’honneur que de considérer Patrick Bloche comme le co-auteur d’un rapport que j’ai écrit,…
Dans le cadre de cette mission d’information sur la famille, nous avons tous été unanimes, à droite et à gauche, pour reconnaître qu’il y avait un problème de cloisonnement des services publics s’agissant de la protection de l’enfance et de l’action sociale. Nous avons montré qu’entre le département, qui a compétence générale en matière de protection de l’enfance, et les maires qui, eux, sont confrontés aux difficultés quotidiennes de la prévention de la délinquance, il n’y avait pas toujours de dialogue et de coopération. M. Lagarde ici présent, maire de Drancy, se souvient d’un exemple parlant : celui d’un cas de maltraitance à propos duquel la mairie de Drancy et le conseil général de Seine-Saint-Denis avaient eu du mal à se parler. Le constat est donc celui-ci : difficultés de coopération, cloisonnement entre les services publics, cloisonnement entre les différentes collectivités. Le consensus a été atteint sur l’idée que lorsqu’il existe des informations préoccupantes faisant craindre que la vie d’un enfant est en danger, il est nécessaire, même si l’intimité de la vie privée des personnes est en jeu, que les professionnels, qu’il s’agisse des enseignants, des travailleurs sociaux, des médecins, des personnels des collectivités locales ou de l’État, se parlent.
Cette mission d’information portait sur la protection de l’enfance ; aujourd’hui nous débattons de la prévention de la délinquance. Ce texte a le mérite de reconnaître au maire un rôle qui est désormais central dans sa vie publique : celui de prévenir la délinquance dans sa commune. Se pose, là aussi, la question très délicate des informations qui lui sont communiquées et de son accès aux informations préoccupantes concernant les habitants de sa commune, particulièrement les plus jeunes d’entre eux. Il faut évidemment que nous définissions à cet article 5 les conditions dans lesquelles ce partage d’informations va être effectué. Et il faut que ces conditions soient en cohérence avec le projet de loi sur la protection de l’enfance, même si les dispositifs ne peuvent être totalement identiques. En effet, je ne rejoins pas ma collègue Patricia Adam : je crois qu’il ne peut pas y avoir un article identique à celui du projet de loi sur la protection de l’enfance parce qu’il y a des contraintes particulières liées à la prévention de la délinquance, en termes de sécurité publique et de sécurité des personnes – par exemple, c’est le maire et non le président du conseil général qui sera amené à intervenir.
Quels sont les cinq piliers…
Le premier principe, c’est la précaution : il faut que les informations communiquées soient strictement nécessaires à l’exercice des compétences d’action sociale du maire. C’est ce que dit le texte.
L’article 5 prévoit également une coopération étroite entre le maire et le président du conseil général – ce qu’il faudra faire aussi dans le projet de loi relatif à la protection de l’enfance. C’est un sujet extrêmement délicat compte tenu des susceptibilités, à la fois personnelles et politiques, qui peuvent se manifester sur le terrain.
En outre, il y a la question de l’information des familles. Mme Adam en a parlé, mais je crois qu’il faut faire attention : si informer des familles pour leur faire partager certaines données qui les concernent est envisageable, c’est à condition que cette information ne mette pas en cause la sécurité des personnes ni l’efficacité des politiques menées.
Dès lors cet article 5 est totalement cohérent avec le dispositif prévu en matière d’action sociale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Nous sommes tous d’accord sur la coordination. Mais encore faut-il en définir les conditions, les références juridiques, et préciser les compétences de chacun : les lois de décentralisation, la loi relative à la protection de l’enfance et le décret publié début septembre sur le contrat de responsabilité parentale délimitent clairement, à cet égard, les rôles respectifs du maire et du président du conseil général. Or, selon ces textes, c’est bien ce dernier qui coordonne et met en œuvre les politiques d’action sociale.
Vous m’objecterez que le texte dont nous débattons n’a rien à voir avec la loi relative à la protection de l’enfance. Il évoque pourtant les mêmes thèmes, et se réfère au même code.
Je voudrais simplement citer le rapport de M. le sénateur About. Bien que n’étant pas du même bord politique que moi, il a écrit des choses que je pourrais cosigner. Ses propositions sont d’ailleurs cohérentes avec les demandes des acteurs de l’action sociale et des personnes qui travaillent depuis longtemps sur le sujet.
Je le cite : « le texte fait abstraction des compétences d'ores et déjà attribuées à d'autres échelons de collectivité en la matière. Or, la coordination de l'action sociale relève, depuis les premières lois de décentralisation, du département et, malgré certaines imperfections, on ne peut que se féliciter de la façon dont les conseils généraux assurent cette mission.
« Par ailleurs, il convient d'éviter une confusion des rôles » – je souscris tout à fait à ce point –, laquelle « pourrait conduire à des malentendus regrettables : l'action sociale en faveur des familles en difficulté a une vocation beaucoup plus large que d'assurer la seule prévention de la délinquance. Ainsi, si le maire est le mieux placé pour veiller à la sécurité au niveau local, il n'est pas certain qu'il en aille de même en matière d'action sociale, car la plupart des moyens d'intervention disponibles en la matière » – nous le savons bien – « ne relèvent pas de la commune », mais bien du président du conseil général.
Voilà ce qu’a écrit M. About, qui propose, comme nous le faisons d’ailleurs dans nos amendements, de confier au président du conseil général – après que celui-ci en aura discuté avec le maire –,…
Après l’incohérence, la confusion : j’en viens à la sécurisation des informations. M. About écrit à ce sujet que la procédure de partage des informations « risque de semer la confusion parmi les travailleurs sociaux dans la mesure où elle diffère de celle retenue dans le cadre de la protection de l’enfance ».
Comment en effet les travailleurs sociaux pourront-ils savoir s’ils doivent ou non transmettre les informations, sachant notamment que certaines familles ont des problèmes qui peuvent relever à la fois de la prévention de la délinquance, de la protection de l’enfance et de l’action sociale ?
« C'est pour résoudre ces difficultés, poursuit M. About, que votre commission propose de prévoir un dispositif de secret professionnel partagé sur le modèle de celui retenu par le projet de loi relatif à la protection de l'enfance. »
Je veux bien, monsieur Bas, que le présent texte n’ait rien à voir avec la loi relative à la protection de l’enfance, mais lorsque le rapporteur pour avis au Sénat écrit et signe le contraire, je ne saisis plus très bien la cohérence entre votre action et celle de M. Sarkozy ! Ces deux textes, je le répète, se réfèrent au même code, visent les mêmes professionnels et les mêmes employeurs : en matière d’action sociale, c’est, pour l’essentiel, le président du conseil général qui coordonne les choses – les associations œuvrant en ce domaine utilisant les budgets qui leur sont alloués par ce dernier. Mieux vaudrait donc que les deux textes soient cohérents !
Votre projet est donc incohérent et dangereux. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de pointer, avec certains amendements que j’ai lus attentivement, d’autres incohérences et d’autres dangers encore. Si en particulier le secret professionnel, fondement de la confiance entre les professionnels et les familles, n’est plus assuré, c’est le travail social lui-même qui ne pourra plus s’exercer. Dès lors, et peut-être est-ce le souhait de M. Sarkozy, une politique exclusivement sécuritaire remplacera l’action sociale, l’aide et l’accompagnement des familles.
En ce qui concerne l’article, je voudrais insister sur trois points, qui illustrent les ambiguïtés, les dangers et l’inefficacité du texte : le rôle que l’on veut confier au maire, la tension entre l’action sociale et l’ordre public et enfin le problème du dépistage.
Nous connaissons tous l’importance que revêtent aujourd’hui, pour l’opinion publique, les questions relatives à la sécurité. Certains maires sont soumis aux demandes pressantes de la population en ce domaine et, voulant y répondre, se laissent quelque peu griser par l’espoir de tout savoir et de tout maîtriser. Pourtant, ces problèmes les dépassent comme ils dépassent, par certains aspects, les pouvoirs publics. Cette surenchère effrénée pour maîtriser la situation est au mieux vouée à l’échec et au pire, conduit à un monde orwellien, où le maire, au nom de l’efficacité de l’action publique, devient le dépositaire de toutes les informations touchant à ses administrés. Perspective d’ailleurs utopique, notons-le au passage : si l’on peut en effet concevoir que, dans une commune de 10 000 ou 15 000 habitants, le maire puisse avoir connaissance de certaines situations, dans des communes plus importantes, ce n’est évidemment plus le cas.
Deuxième point : la tension permanente, dans ce texte, entre protection de l’enfance et prévention de la délinquance. Les travailleurs sociaux missionnés par la puissance publique – conseil général, municipalité ou État – le sont-ils au nom de la défense de l’enfant ou de l’ordre public ? Cette question fondamentale touche à la déontologie de leur mission. Certains médecins savent très bien, par exemple, combien un tel problème peut s’avérer douloureux. Pour ma part, je crois que toute la déontologie du travailleur social repose sur la défense de l’intérêt de l’enfant. Et si le texte sur la protection de l’enfance, que l’on peut améliorer sur ce point, permet un partage du secret professionnel entre différents intervenants, c’est précisément parce que ces intervenants sont liés par une même déontologie et ont un même objectif de base : la défense de l’intérêt de l’enfant. On ne peut pas demander à ces travailleurs sociaux, sauf à vouloir les plonger dans une sorte de schizophrénie, de retourner leur veste et de se mettre à défendre l’ordre public ! Celui-ci doit évidemment être défendu, ce n’est pas moi qui dirai le contraire, mais comment, sauf dans des cas où l’éthique l’exige clairement, le demander à un travailleur social, ou d’ailleurs à un médecin ?
Passer d’un texte à l’autre, à cet égard, c’est changer de monde : qu’elle le fasse ou non avec fracas, la machine va se bloquer ! On ne peut demander à ceux qui cherchent toute la journée à gagner la confiance des familles de trahir, le soir, leur mandat ! L’ordre public doit être défendu, mais autrement : vous ne pouvez pas, je le répète, plonger les travailleurs sociaux dans une telle schizophrénie professionnelle. Cela serait particulièrement dangereux pour les libertés individuelles, compte tenu de la tension permanente entre celles-ci et la nécessité de l’ordre public.
Il y a bien sûr des liens entre troubles mentaux, troubles sociaux et troubles à l’ordre public. Mais au nom de ce que nous avons construit depuis des dizaines d’années, en France et dans tous les pays occidentaux, sur la base des acquis des sciences sociales, gardons-nous de subvertir l’action sociale pour en faire un outil de répression : c’est inefficace et dangereux.
La parole est à M. Pierre Cardo.
Cela étant, le secret professionnel ne doit en aucun cas être utilisé au détriment de celui qui doit en bénéficier, et tout la difficulté tient dans le fait que, dans certains cas, la rétention d’informations, qui découle de ce secret professionnel, peut elle aussi provoquer des dégâts.
J’ai noté avec surprise qu’on a tendance à inclure les maires parmi les responsables de l’ordre public. Or, je considère, pour ma part, que mon rôle est d’essayer de maintenir la paix sociale.
Compte tenu de la multiplication des acteurs sur le territoire communal, il peut paraître logique de demander aux maires de mettre en place des politiques territoriales, pour coordonner les différentes interventions. La seule difficulté, c’est qu’il n’existe pour cela ni procédure ni chef d’orchestre, ce qui induit de forts risques de dysfonctionnement.
La délinquance n’est pas un statut On y vient, mais on peut aussi en sortir – c’est en tout cas l’objectif de la prévention, qui vise à éviter qu’un individu s’installe de manière durable dans un mode de comportement délictueux. Un gamin suit tout un itinéraire avant d’arriver à se comporter d’une manière jugée intolérable par la société, car il est un danger, non seulement pour lui, mais aussi pour les autres. Or le drame français, c’est que l’on considère qu’un spécialiste est en mesure de régler le cas de ce gamin, alors que la multiplicité des problèmes qui l’ont conduit là où il est relève de plusieurs intervenants.
Vous dites que c’est au conseil général de coordonner ces différentes interventions et d’organiser le travail en réseau : je ne suis pas tout à fait d’accord. Il me semble, au contraire, que, sur les territoires communaux, la seule instance exécutive qui puisse prendre des décisions et insuffler une dynamique dans le travail de tous les acteurs, c’est plutôt le maire. Je ne vois pas pourquoi, en effet, on ferait davantage confiance aux présidents de conseils généraux – qui n’ont souvent aucune expérience du terrain – qu’aux maires, trop souvent diabolisés.
J’illustrerai mon propos par un exemple très concret. En 1990, à la suite des premières émeutes dans des communes de la région parisienne et d’ailleurs, les travailleurs sociaux et les enseignants se sont réunis avec l’ensemble des acteurs concernés pour trouver des solutions et identifier les responsables. Quarante mineurs connus des enseignants, du milieu associatif, des services municipaux et de la police ont été recensés. Ils étaient en revanche inconnus des services sociaux, à l’exception de la famille de l’un d’entre eux, parce qu’elle avait fait appel à leur aide – le mineur en tant que tel n’étant donc pas directement concerné.
Pour des raisons que je ne vais pas analyser maintenant, on assiste aujourd’hui, dans les quartiers difficiles, à un désengagement institutionnel qui fait que les travailleurs sociaux ne sont pas forcément les mieux informés sur la situation des familles ni les mieux à même pour détecter les risques de délinquance. D’autres acteurs possèdent, eux, cette information, qu’il convient de partager et de faire circuler pour identifier, le plus rapidement possible, les enfants et les familles les plus exposés au risque de délinquance. Le rôle du maire, tel que le définit ce texte, est très important dans ce domaine, et il est positif qu’il puisse s’investir dans la coordination d'un projet qui permette de détecter les problèmes et d’agir en amont, avant que soient impliqués le conseil général ou le juge des enfants.
On fait donc un procès injuste à ce texte, qui a le mérite d’aborder la question, rarement évoquée, du statut du maire. Encore faudrait-il le traiter en profondeur, au lieu de parler du Paris–Saint-Germain et de plein d’autres choses moins essentielles. Ce n’est pas parce que je suis maire que je ne suis pas compétent et que le travail de mes services ne peut pas aider des enfants et des familles à s’en sortir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Le premier concerne le partage d’informations confidentielles entre les professionnels de l’action sociale. Or, ils partagent déjà entre eux des informations utiles, en bonne intelligence et avec discernement, dans le respect de la vie privée et dans l’intérêt des personnes dont ils ont la charge.
Le second est celui de la communication systématique au maire de ces informations à caractère confidentiel. Là encore, ces informations sont d’ores et déjà révélées au maire lorsque les cas d’espèce justifient son intervention. L’essentiel est donc fait aujourd’hui.
J’entends bien ce que disait Valérie Pécresse, à savoir qu’il peut exister des conflits entre travailleurs sociaux relevant de collectivités distinctes. Mais cela se réglera-t-il par la loi et par la contrainte ? L’idée sous-jacente qui s’est introduite subrepticement dans le débat, c’est qu’il existerait des conflits entre le président du conseil général et les collectivités locales et qu’il s’agirait de les régler en consacrant la primauté du maire. Or ce n’est pas à un dispositif d’action sociale qu’il appartient de régler ce type de problèmes.
Les sénateurs ont modifié la rédaction du projet de loi pour intégrer le président du conseil général au dispositif de prévention. Sans rien changer à sa philosophie générale, cela va susciter – nos débats le prouvent – autant d’interprétations des dispositions prévues qu’il y aura de lecteurs, d’intervenants sociaux, de présidents de conseil général et de maires.
D’autre part, se pose la question de la compatibilité de cet article avec l’article 9 du code civil, relatif au respect de la vie privée, et avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui énonce que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. La CNIL relève d’ailleurs, dans son avis du 13 juin 2006, que ces dispositions « apparaissent disproportionnées au regard des objectifs poursuivis » et souligne que « si le maire a vocation à connaître de façon ponctuelle des données sur les personnes sollicitant des aides facultatives qui relèvent traditionnellement de ses compétences, il n’a pas à être rendu systématiquement destinataire des informations que les professionnels de l’action sociale sont conduits à recueillir auprès des personnes et des familles en difficulté, dans le cadre des relations de confiance qu’ils nouent avec elles et des garantie de confidentialité qu’ils leur apportent. Le fait que désormais le maire pourrait accéder à ces informations sociales sensibles est de nature à remettre en cause les relations de confiance et d’efficacité de l’action sociale entreprise. »
L’exposé des motifs du projet de loi justifie ces dispositions disproportionnées par l’existence d’obstacles institutionnels à la coordination des interventions. Pourtant, le texte relatif à la protection de l’enfance, discuté en première lecture au Sénat, devrait lever les obstacles juridiques et légaliser le secret partagé, qui existe déjà dans les faits. Aussi aurait-il mieux valu faire les choses dans l’ordre et discuter de ce texte-là avant l’examen du projet sur la prévention de la délinquance.
Cela me conduit à penser que le projet a peut-être d’autres objectifs que ceux qu’il avoue, et qu’il entend organiser le contrôle social, grâce à la constitution par le maire de fichiers sur les mineurs et les familles en grande difficulté. Je pose alors la question : comment garantir aux citoyens qu’il sera toujours fait un bon usage de ces fichiers ?
Comme le souligne fort justement la CNIL, le partage obligatoire d’informations ne manquera pas de rompre le lien de confiance entre le travailleur social et les familles les plus en difficulté. La défiance les rendra de moins en moins accessibles à l’aide et au soutien des professionnels.
C’est la raison pour laquelle je crains que cet article ne soit contre-productif. Nous n’avons rien à gagner à éloigner les personnes en difficulté des dispositifs d’aide sociale en suscitant leur méfiance.
Le Gouvernement a choisi sa voie, qui consiste à mettre le maire au centre de la prévention. Il s’agit en théorie de prévention de la délinquance, mais, plus globalement, cela revient à faire de la prévention de la détresse sociale – ce qui, jusqu’à présent, ne rentrait pas dans ses attributions. Fidèle à la ligne que j’ai annoncée en début de discussion, je soutiendrai donc cet article.
Mais, si le maire n’est pas informé par les travailleurs sociaux, comment peut-il prendre des mesures de prévention adaptées aux situations les plus difficiles, puisque, dans un contexte d’aggravation de la délinquance, ce sont celles-ci qui sont visées ? Comment peut-il faire de la prévention auprès de jeunes qui connaissent de graves difficultés si on ne lui transmet pas l’information ? Et lorsque le maire est – enfin ! – informé par la police, c’est qu’il est déjà trop tard. Où est la logique ? On reproche au maire de ne pas en faire assez, mais on ne l’informe pas. Personnellement, j’avoue que, si je ne suis pas informé, je ne peux rien faire.
Il y a quelques jours, Jean-Yves Le Bouillonnec, qui connaît bien ces sujets, demandait, lors d’un rappel au règlement, pourquoi inscrire ce dispositif dans la loi, puisqu’on l’applique déjà dans les faits. J’estime pour ma part qu’il vaut mieux agir dans le cadre de la loi. D’autant que, malheureusement, la coordination se fait la plupart du temps en cas de crise. On réunit tout le monde – enseignants, assistants sociaux, intervenants du service jeunesse, médecins, représentants du procureur et de la police – mais seulement quand la maison a brûlé, rappelait Pierre Cardo. Pourquoi ne pas réunir tous ces intervenants avant que ne survienne un drame ? D’autant que, ensemble, ils sont plus efficaces. Je le vois aujourd’hui en ma qualité de maire, comme je m’en apercevais déjà il y a quelques années dans mes fonctions d’intervenant social auprès de l’éducation nationale : il n’y a pas assez de coordination autour des jeunes en difficulté.
J’ai bien compris vos propos sur la déontologie, monsieur Le Guen, mais l’ordre public n’entre pas en contradiction avec l’intérêt de l’enfant, bien au contraire : l’intérêt de l’enfant est de ne pas devenir un délinquant, et l’ordre public n’en sera que mieux garanti ! Je peux comprendre certaines réticences sur ce sujet, mais je crois qu’elles tiennent surtout au fait que ce texte est proposé par le ministre de l’intérieur, par ailleurs candidat à l’élection présidentielle.
Je vais maintenant vous expliquer comment, en l’absence de cadre législatif, cela se passe sur le terrain. Mme Pecresse a évoqué un événement dont on a beaucoup entendu parler, sans doute parce qu’il était un des plus choquants de ces dernières années et que, s’étant déroulé au cœur de l’été, les journalistes avaient pu s’y consacrer pleinement.
Dans ma commune de Drancy, vivait un couple, apparemment sans histoires, avec ses cinq enfants. Les parents ayant refusé que la PMI suive les enfants, l’alerte n’a pas été donnée. L’éducation nationale avait repéré, chez les plus grands, des troubles de comportement et des problèmes d’hygiène. Elle a donc saisi le tribunal pour enfants afin que des mesures soient prises. Ensuite, il ne s’est plus rien passé entre ces services qui disposaient pourtant du même signalement. Il ne s’agit pas là de prévention de la délinquance, dont cet article, d’ailleurs, ne traite pas…
Je vous livre ce témoignage en tant que maire, et sans porter le moindre jugement : le tribunal pour enfants, la PMI, la brigade des mineurs et l’ASE – l’aide sociale à l’enfance – savaient qu’il y avait un problème et qu’il fallait faire une enquête. Mais ils n’y a eu aucune concertation entre eux.
Je n’accuse personne : il y a eu dysfonctionnement par manque de coordination entre les services. Que s’est-il passé depuis ? J’ai été auditionné par la commission, ainsi que M. Gilles Garnier, vice-président du conseil général, et ce dernier a lancé des investigations pour tenter de mettre fin à ces dysfonctionnements.
Le 16 novembre dernier, je reçois un courrier à propos d’un cas que j’avais signalé quinze jours auparavant. Traumatisés par les récents événements, plusieurs habitants d’un immeuble m’avaient en effet informé qu’une femme, déjà mère de deux enfants confiées à la DDASS, passait ses journées à crier sur son dernier enfant, âgé d’environ un an et que, peut-être, elle le frappait.
Cet enfant étant suivi par la PMI, j’alerte celle-ci et je demande au directeur des centres de santé de ma municipalité de s’informer de la situation – tout en tenant compte du secret professionnel, que je ne conteste pas.
Or, le 16 novembre dernier, le directeur de la PMI – pourtant employé de la mairie, même si son poste est financé par le conseil général…
Le 16 novembre dernier, le directeur de la PMI m’écrit qu’après avoir évalué la situation, il a fait part de l’affaire à l’inspectrice de l’aide sociale à l’enfance ; toutefois, la responsable de circonscription de la PMI étant seule garante de l’exécution de la convention entre le conseil général et la municipalité, et compte tenu des obligations légales de secret professionnel, il n’est pas possible, m’indique-t-on, de me transmettre les documents.
De son côté, la responsable de la PMI, en tant que représentante pour les missions de PMI du conseil général à Drancy et garante de l’exécution de la convention entre la municipalité et le conseil général, me rappelle que tous les professionnels de la PMI sont soumis au secret professionnel – je pense au cas, que j’ai évoqué, des cinq enfants et du bébé de quatorze mois pesant 3,4 kg –, mais qu’ils sont autorisés à le rompre pour signaler les enfants en danger aux services du conseil général, en charge de la protection de l’information. Elle me rappelle aussi que les services municipaux n’ont pas reçu cette compétence et elle conclut en me demandant pourquoi je désire avoir connaissance de cette information puisque les services compétents suivent ces affaires. Circulez, il n’y a rien à voir ! Après ce qui s’était déjà passé dans ma commune, c’est inacceptable !
Si ce projet de loi porte sur la prévention de la délinquance, l’article 5, quant à lui, ne traite que de la prévention sociale. Compte tenu des difficultés que nous éprouvons pour travailler en compagnie des travailleurs sociaux dans des affaires relevant de la simple prévention sociale, vous imaginez les difficultés qui nous attendent en matière de prévention de la délinquance si ce texte n’est pas voté !
J’accepterai toutefois les mesures qui nous sont présentées, car on ne m’enverra plus dans le mur quand je signalerai des enfants en danger. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt les propos de M. Lagarde. Il y a effectivement eu des dysfonctionnements dans la coordination entre certains services. C’est indéniable. Tout le monde ici pourrait en donner des exemples…
Il faut trouver le moyen de renforcer la coordination des politiques : le maire doit avoir pour rôle de coordonner les objectifs et les politiques menées,…
Le texte évoque « l’aggravation des difficultés sociales, éducatives ou matérielles ». En quoi de telles difficultés constitueraient-elles un terreau pour la délinquance ? Comme l’a souligné Jean-Marie Le Guen, vous nous reprochez de faire un lien entre origine sociale et délinquance, mais vous faites vous-même ce lien ! Allez-vous à nouveau identifier les classes populaires aux classes dangereuses ? Certains laissent même entendre que les enfants de mères célibataires ont le profil de délinquants potentiels. Ce n’est pas acceptable. Il est des jeunes issus de milieux populaires qui ne posent aucun problème alors que d’autres, de milieux très riches, deviennent des délinquants. Associer difficultés sociales et prévention de la délinquance est inadmissible.
Que se passera-t-il si le maire est défaillant ? Après tout, les élus sont comme tous nos concitoyens, plus ou moins capables ; et les meilleurs d’entre eux peuvent se retrouver débordés. À qui ferez-vous appel pour remplacer un maire qui lui-même se sera substitué à des services en proie à des dysfonctionnements ? Ce n’est pas sérieux !
Lorsque nous avons commencé à évoquer la question du partage du secret professionnel, chaque participant a fait part de son expérience. Je ne citerai pas de nom, mais je me souviens en particulier de l’histoire d’un député communiste, maire d’une commune située dans la banlieue lyonnaise.
Il s’agit de cas concrets, de faits qui se produisent toutes les semaines. M. Vaxès, qui a été maire, le sait pertinemment.
Le maire est placé au cœur de tout, notamment depuis les émeutes urbaines de l’année dernière. Il est mis en avant et présenté comme le seul capable de répondre aux problèmes de notre société et de se faire entendre de la population. C’est le signe d’un recul de la parole politique au niveau national et, plus généralement, du rôle de l’État au niveau local. Maire d’une ville de 50 000 habitants, j’assume toutes sortes de responsabilités, parfois au-delà même de celles que nous confère la loi. Comme tous mes collègues, je souhaite un échange d’informations et une coordination avec les autres collectivités territoriales, mais j’attends surtout que l’État joue son rôle.
Je dois attirer l’attention de mes collègues sur le risque de dérive porté par l’article 5. Bien d’autres sujets peuvent en effet intéresser les élus locaux. Demain, peut-être, le maire voudra assumer les responsabilités du commissaire de police – à en entendre certains, nous n’en sommes pas loin. Avec la levée du secret professionnel, il pourrait également vouloir assumer celles du procureur. Après tout, dans ma ville, le palais de justice n’est qu’à quelques mètres de la mairie...
Mais il importe précisément que l’organisation des pouvoirs publics soit fondée, dans notre république, sur des règles claires, et que les citoyens puissent aisément connaître le rôle de chacun. Que ce soit en matière de sécurité, de prévention de la délinquance, de politique sociale ou familiale, les compétences de l’État, du conseil général, de la commune sont délimitées précisément. Mais le texte que vous nous proposez – et notamment son article 5 – entretient la confusion, au risque de compromettre la légitimité de chacun à intervenir. Et je n’évoque pas la question des moyens.
De plus, vous vous êtes arrêtés au milieu du gué. Ou bien il fallait aller jusqu’au bout de votre logique de démantèlement du rôle de l’État et proposer un texte modifiant de fond en comble l’organisation territoriale de notre pays et faisant du maire, comme dans d’autres pays, le pivot de tout. C’est ce que souhaitent certains d’entre vous,…
C’est si vrai qu’aujourd’hui même, à Élancourt, le ministre de l’intérieur a demandé une nouvelle loi d’orientation et de programmation pour la police et la gendarmerie, oubliant sans doute qu’il est ministre depuis quatre ans, et a ajouté qu’il « ne faut pas laisser l’État se faire galvauder, abaisser, ridiculiser par les facilités et le renoncement. » Le ministre aurait dû être présent parmi nous aujourd’hui : il aurait pu mesurer combien ce texte abaisse le rôle de l’État sur le terrain, notamment dans le domaine social et dans celui de la prévention. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Coordination des interventions en matière d’action sociale en faveur des familles en difficulté et secret professionnel partagé sont les principales dispositions de cet article. Je ne suis pas choqué, pour ma part, que le maire reçoive la mission de coordonner l’action sociale sur le territoire de sa commune.
Il ne me choque pas que le maire autorise – sous certaines conditions, nous restons très prudents – le partage d’informations entre professionnels intervenant auprès d’une même famille, ni que ces informations soient divulguées au maire ou au président du conseil général, dans la mesure où cela apparaît nécessaire pour l’accomplissement de leurs missions.
L’objectif recherché est de décloisonner les interventions de différents « spécialistes » qui ne connaissent la situation sociale de la famille que sous un angle particulier et d’éviter que des situations dramatiques ne s’aggravent encore, faute d’une autorité ayant une vision globale de la situation de telle ou telle famille. Il revient donc au maire, sur proposition du président du conseil général et après accord de l’autorité dont relève l’intéressé, de désigner un coordonnateur parmi les travailleurs sociaux. Je ne vois pas comment on peut être choqué par cet effort de coordination.
Le second volet vise à donner une base légale à une pratique qui existe déjà dans le travail social : l’échange d’informations à caractère secret entre professionnels relevant d’autorités différentes. Certains d’entre eux sont, on le sait, soumis au secret professionnel ou tout au moins à un devoir de discrétion. Le texte limite strictement ces échanges d’informations à la détection des situations sociales graves et vise à protéger des personnes vulnérables. Qui pourrait s’en offusquer ? D’autant plus que le Sénat a remanié très profondément le dispositif du secret professionnel partagé afin de mieux l’encadrer. Je n’entrerai pas dans le détail, puisque des amendements portent sur ce sujet. Ce mécanisme de partage des informations confidentielles se situe à deux niveaux : d’une part, entre professionnels de l’action sociale, pour permettre une prise en charge globale et efficace, dans l’intérêt des bénéficiaires de l’accompagnement social ; d’autre part, au profit du maire et du président du conseil général, afin de leur permettre d’exercer leurs compétences respectives en matière d’action sociale et éducative. Ces dispositions adoptées au Sénat sont le fruit d’un compromis entre les « départementalistes », donc les membres des conseils généraux – et Dieu sait qu’ils sont nombreux au Sénat ! –, et les partisans d’une autorité de proximité, laquelle est représentée par le maire. Ce compromis a été trouvé davantage pour faciliter la coordination de l’action sociale que pour aider à la prévention de la délinquance, mais, on le sait, les deux vont souvent ensemble.
Cet article, je le répète, ne vise pas en premier lieu les familles dont les enfants sont en situation de délinquance, il s’agit beaucoup plus largement d’accompagnement social.
Enfin, il faut garder à l’esprit que certaines familles – et nous avons déjà eu l’occasion d’aborder ce sujet – pourront relever du dispositif de protection de l’enfance. Si la famille connaît, par ailleurs, une situation sociale complexe, le mécanisme de la coordination des interventions sociales sera mis en place. C’est la raison pour laquelle les deux textes – prévention de la délinquance et protection de l’enfance –, doivent être coordonnés. Je salue donc votre présence, aujourd’hui monsieur le ministre !
Je reviendrai pour ma part au texte. Certaines critiques me paraissent fort éloignées du contenu réel du projet qui vous est aujourd’hui soumis.
Comme vient de le souligner le président Dubernard, c’est tout simplement un texte d’équilibre. Il ne s’agit en effet certainement pas, comme le prétend M. Mamère, d’assister à l’agonie du secret professionnel et d’un appel à la délation. Nous entendons préserver le secret professionnel, nécessaire à la confiance qui doit présider entre les familles, les personnes aidées et les travailleurs sociaux, tout en assurant, dans l’intérêt même de ces personnes, une bonne coordination. Quand une famille ou des membres de la famille sont suivis par plusieurs travailleurs sociaux pour des raisons différentes, ceux-ci, même s’ils sont tenus au secret professionnel, doivent pouvoir échanger les informations nécessaires à une bonne prise en charge des problèmes rencontrés par la famille.
Le secret professionnel est important. Il existe en matière médicale comme en matière de justice, avec le secret de l’instruction.
Quant au maire, il exerce d’ores et déjà des responsabilités qui l’amènent à être informé d’un certain nombre d’éléments relevant de la vie privée de nos concitoyens. Heureusement qu’il en est ainsi quand il préside une commission locale d’insertion ! Heureusement qu’il en est ainsi quand il doit instruire un dossier pour obtenir l’aide sociale du département !
Je répéterai, pour que personne ne s’y trompe, ce qui est très clairement mentionné dans le texte. Ainsi, quand un travailleur social s’apercevra que des collègues aident la même famille, il le signalera alors au maire,…
En revanche, monsieur Le Guen, il est vrai qu’il peut arriver que le maire ait une décision à prendre. Il est alors normal, en application de nos textes actuels et non de ce projet particulier, que le travailleur social donne au maire les informations nécessaires pour qu’il puisse mettre en œuvre les dispositions légales qui relèvent de sa compétence. Nous ne faisons que reprendre dans ce texte sur la prévention de la délinquance ce qui se fait en matière de protection de l’enfance.
Ce texte est équilibré. Le secret professionnel demeure, mais il doit pouvoir être partagé dans des conditions strictes entre professionnels également assujettis au secret dans l’intérêt des familles et des personnes. Le maire, quant à lui, doit veiller à ce que le travail social s’effectue dans de bonnes conditions, ce qui n’implique pas qu’il accède au secret. En revanche, quand il a une décision à prendre dans le cadre de nos textes de lois, il est normal que les informations nécessaires – et seulement celles-là –, lui soient transmises.
Voilà de quoi nous parlons réellement ; nous ne parlons pas d’autre chose ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)
Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 33, 303 et 699, qui tendent à la suppression de l’article 5
Sur le vote de ces amendements, je suis saisi, par le groupe des député-e-s communistes et républicains, ainsi que par le groupe socialiste, d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 33.
Nul besoin d’être député-maire pour disserter sur ce que doit être la fonction de maire – comme, de la même façon, il n’est pas besoin d’avoir fait la guerre pour en parler. Cessons de mettre en avant les vertus de l’exemple et du terrain. Le maire, qui est souvent le dernier interlocuteur social, ne peut être également shérif, substitut du procureur, travailleur social et éducateur.
N’en déplaise au ministre, le secret professionnel ne sera pas totalement respecté puisque les travailleurs sociaux devront transmettre au maire des informations confidentielles sur des personnes privées, ce qui dépasse largement le secret partagé entre des professionnels – principe auquel Mme Billard et moi-même ne sommes pas opposés.
En tant que coordinateur des politiques sociales, le maire est jusqu’à présent informé de faits qui résultent d’un contexte général, mais non d’informations à caractère privé.
J’ajoute que la transformation d’un travailleur social en coordonnateur tend à personnaliser sa fonction alors même qu’il dépend d’une structure associative.
Je l’ai dit dans la discussion générale, un certain nombre de textes votés par la majorité actuelle renforcent déjà le pouvoir des maires : ainsi, la troisième loi sur l’immigration, votée à l’initiative du ministre de l’intérieur, permet déjà au maire de distinguer les bons et les mauvais immigrés en fonction de leurs capacités à s’intégrer.
Loi après loi, vous donnez au maire des responsabilités qui ne sont pas les siennes : c’est dangereux pour la vitalité démocratique et l’équilibre social. Loi après loi, c’est le contrôle social que vous renforcez. C’est un monde orwellien que vous êtes en train de nous fabriquer !
Personne ici ne conteste les dysfonctionnements de notre société, mais légiférer sans cesse et ajouter de nouvelles lois n’est pas la meilleure façon d’y remédier.
Le président Dubernard a beaucoup parlé de « social », mais le seul substantif auquel l’adjectif « social » peut être associé dans ce texte, c’est le mot « contrôle » : comme l’a rappelé Noël Mamère, il s’agit bien d’un contrôle social,…
De la même façon, il est bon de rappeler l’avis de la CNIL sur l’article 5, dans une délibération du 13 juin 2006.
La CNIL estime que « ces dispositions, dans la mesure où elles semblent autoriser le maire à obtenir communication de l'ensemble des données relatives aux difficultés sociales de ses administrés, apparaissent, compte tenu de leur caractère très général, disproportionnées au regard des objectifs poursuivis. En effet, si le maire a vocation à connaître, de façon ponctuelle, de données sur les personnes sollicitant des aides sociales facultatives qui relèvent traditionnellement de ses compétences, il n'a pas à être rendu systématiquement destinataire des informations que les professionnels de l'action sociale sont conduits à recueillir auprès des personnes et des familles en difficulté dans le cadre des relations de confiance qu'ils nouent avec elles et des garanties de confidentialité qu'ils leur apportent. Le fait que désormais le maire pourrait accéder à ces informations sociales sensibles est de nature à remettre en cause ces relations de confiance et l'efficacité de l'action sociale entreprise. »
La CNIL rappelle que les traitements comportant des appréciations sur les difficultés sociales des personnes sont soumis à son autorisation préalable. Là encore, vous n’en avez pas tenu compte.
J’ajoute que cet article 5 ne nous permettra pas d’être plus efficaces en matière de protection de l’enfance puisque le maire n’aura pas plus de moyens. Les cas exposés par M. Bénisti et M. Lagarde se reproduiront demain ou après-demain, mais, cette fois, le maire en sera tenu pour responsable. Comme l’a expliqué Manuel Valls, c’est une bonne manière pour l’État de se défausser de certaines de ses responsabilités sur les collectivités locales et, plus particulièrement, sur les maires avec tous les dangers que cela comporte, car certains d’entre eux risquent de se transformer en shérifs.
Il faut bien sûr – et nous en avons discuté dans le cadre du projet de loi relatif à la protection sociale de l’enfance – améliorer le travail social. La nécessité de renforcer la coordination et le rôle du secret partagé n’avait d’ailleurs posé de problème à personne.
Le problème est que nous n’examinons pas un texte sur l’action sociale, mais un texte sur la prévention de la délinquance. On demande au maire d’être destinataire d’informations recueillies dans le cadre des politiques sociales pour mener des politiques de prévention de la délinquance, sans d’ailleurs déterminer précisément quelle sera sa responsabilité in fine, ce qui est un autre sujet.
Actuellement, les informations recueillies dans le cadre de l’aide sociale, y compris celles ayant un caractère judiciaire, le sont toujours avec un seul objectif : la défense de l’enfant, de l’individu.
Ce que prévoit le projet de loi de prévention de la délinquance est tout autre, sauf à estimer – comme je l’ai entendu tout à l’heure dans une sorte de sophisme – que, en faisant de la prévention de la délinquance, on mène une action sociale de défense de l’enfant. Ce n’est pas le cas, car faire de la prévention de la délinquance – au demeurant parfaitement légitime – ne procède pas de la même action.
Notre collègue Lagarde nous a fait part d’un cas dramatique, mais, dans cette affaire, il ne s’est pas posé la question du recours au représentant de l’action publique, à savoir le procureur,…
Il est légitime que le maire pointe les dysfonctionnements dans sa commune, mais doit-il pour autant assurer, ensuite, la gestion de l’ensemble des cas concernés ? Il y a là une dérive. Vous dites que le maire doit disposer des informations pour pouvoir gérer les cas. (« Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Poursuivez, monsieur Le Guen.
Il est frappant de constater, à travers l’ensemble de vos témoignages, que nous sommes déjà au-delà de la critique du fonctionnement de l’État. Et comme il y aura, bien sûr, d’autres lois après ce projet de loi qui ne règle pas grand-chose, je trouve que tout cela comporte beaucoup d’enseignements pour la future législature.
Le rapporteur va nous donner maintenant l’avis de la commission sur les amendements de suppression. Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.
Nous sommes tous d’accord – et, que je sache, nous n’avons pas eu de désaccord sur ce point en examinant l’article 1er – pour coordonner l’action en matière de prévention de la délinquance, car c’est bien de cela dont nous parlons. Nous sommes d’accord pour que le maire s’assure que les discussions avec le président du conseil général, avec la justice, avec la police et la gendarmerie sont correctement coordonnées.
Ayant été maire d’un quartier de plus de 20 000 habitants, je me suis intéressée aux questions de sécurité ; j’en avais la responsabilité. Je suis aujourd’hui vice-présidente d’un conseil général. Je vous le dis très clairement : je pense qu’aujourd’hui un certain nombre de conseils généraux n’exercent pas correctement les responsabilités qui leur sont confiées !
Permettez-moi de citer le rapport que le ministre des solidarités, de la santé et de la famille avait commandé en 2004 à M. Martin Hirsch.
(Il est procédé au scrutin.)
L’Assemblée nationale n’a pas adopté.
Je suis saisi d’un amendement n° 680 rectifié.
J’indique d’ores et déjà que sur le vote de cet amendement, je suis saisi, par le groupe socialiste, d’une demande de scrutin public.
La parole est à Mme Patricia Adam, pour soutenir l’amendement n° 680 rectifié.
Il vise, d’une part, à clarifier la désignation de l’autorité élue habilitée à recueillir des informations collectées par les professionnels de l’action sociale et, d’autre part, à mieux déterminer les circonstances dans lesquelles peut intervenir leur transmission aux maires. Il précise notamment les protections dont elles peuvent bénéficier sous l’autorité hiérarchique et fonctionnelle du président du conseil général.
De même, il propose l’institution d’une commission qui serait chargée de recevoir les recours en cas de désaccord des travailleurs sociaux, des maires et du président de conseil général. Avec le texte proposé par le Gouvernement, cela ne manquera pas de se produire : le projet de loi ne prévoit rien à cet égard et nous devons y remédier.
Cet amendement propose donc une articulation complète des dispositifs, sans pour autant remettre en cause le rôle, attribué au maire, de coordonnateur des services en liaison avec le président du conseil général. Tous ces acteurs doivent se concerter et nommer les autorités nécessaires. On ne peut pas dire que tout repose sur le maire, car ce serait prendre le risque d’invraisemblables incohérences. L’Assemblée des départements de France, dont c’est le rôle, s’est fait le porte-parole des conseils généraux qui ont organisé leurs services sociaux, comme le préconisait M. Martin Hirsch, en prévoyant une action territorialisée, un référent, un coordonnateur. Si, demain, votre texte permet au maire de décider que, finalement, ce n’est pas M. ou Mme Untel, mais quelqu’un d’autre, il sera, comme le notait M. About, inapplicable et source d’innombrables contentieux. Notre amendement propose donc une rédaction complète de l’article 5.
Vous nous proposez une réécriture complète de l’article : le maire ne serait plus le pivot de la coordination des interventions d’action sociale et le partage d’informations entre travailleurs sociaux et élus ne pourrait se faire qu’avec l’accord de la personne concernée, ce qui est envisageable, mais pas toujours possible.
Les sénateurs ont profondément remanié le texte du Gouvernement : bien qu’ils soient très départementalistes, ils ont essayé de trouver un équilibre entre le souci de donner au maire, qui est l’interlocuteur de proximité des familles, le rôle de coordonnateur des interventions d’action sociale auquel la plupart des maires qui se sont exprimés ont confirmé qu’ils étaient très attachés, et le respect de la compétence attribuée au conseil général pour l’ensemble de la politique d’action sociale. Il est vrai que certaines communes ne disposent pas de compétences propres en matière d’intervention sociale, même si, par l’intermédiaire de leur centre communal d’action sociale, elles peuvent aider des familles en difficulté.
La commission des affaires sociales n’a pas examiné cet amendement, mais, comme il me paraît contradictoire avec tous les propos que nous avons tenus au début de l’examen de cet article, j’y suis, à titre personnel, défavorable.
Ce n’est pas au ministre de la famille que je vais rappeler quelles sont les compétences du conseil général en matière de protection de l’enfance et de politique sociale.
L’amendement de notre collègue Patricia Adam est très important, car, grâce à sa rédaction de l’article 5, nous nous conformerions à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme sur la question de la confidentialité. En effet, il ne faut pas se laisser berner par les propositions que vous formulez : non seulement vous donnez au maire des pouvoirs exorbitants, qui ne sont ni de son ressort ni de sa compétence, mais vous remettez en cause, pour les travailleurs sociaux, le principe de la confidentialité, dont dépend la confiance. Le maire n’a pas à être le destinataire de ces informations confidentielles. Comme nous allons le voir avec l’article suivant, relatif au Conseil pour les droits et devoirs des familles, il s’agit purement et simplement de placer les familles en difficulté sous tutelle et sous contrôle. Bref, comme l’a dit tout à l’heure Mme Billard, il semble que votre vision de la société soit très archaïque, très xixe siècle. Pour vous, il y a dans ce pays des classes dangereuses dont il faut se méfier.
Par certains côtés, l’amendement n° 680 rectifié n’est pas inintéressant : il est bien à sa place dans un projet de loi relatif à la délinquance, puisqu’il parle de « faits caractérisant un trouble grave à l’ordre public ». Contrairement à ce qu’a dit tout à l’heure Mme Adam, l’amendement n’a rien de rédactionnel : il réécrit le fond du sujet. En revanche, je suis en total désaccord avec l’amendement lorsqu’il organise les conditions d’information du maire : « Lorsque la demande d’information du maire s’adresse à un professionnel de l’action sociale […] et porte sur une personne suivie par celui-ci, le professionnel en avise le président du conseil général qui peut alors soit s’opposer à la délivrance de cette information soit autoriser le professionnel à la délivrer au maire. » Vous noterez que, aujourd’hui, le professionnel ne se pose même pas la question, puisqu’il n’informe pas le président du conseil général et répond au maire que cela ne le regarde pas. « Le professionnel évalue si la délivrance de cette information au maire correspond à l’intérêt de la personne concernée et, sauf opposition de celle-ci, le professionnel transmet au maire les éléments utiles à l’accomplissement de sa mission. » Il faut donc que tout le monde soit d’accord : le président du conseil général, le professionnel, la personne concernée elle-même. Encore l’alinéa suivant précise-t-il qu’« un professionnel de l’action sociale » sollicité « peut transmettre au maire les informations qu’il estime utiles à l’accomplissement de sa mission ». C’est donc le professionnel social qui va estimer ce qu’est la mission du maire, alors que je ne suis pas sûr que sa formation lui permette de l’apprécier : tout cela n’est-il pas un peu hasardeux ?
En revanche, bien que ne dirigeant pas les services sociaux d’un conseil général, j’ai écouté ce que vous disiez, madame, concernant l’organisation territoriale des conseils généraux. Je suis très sensible à la question et, pour ne pas perturber cette organisation, j’ai d’ailleurs retiré certains de mes amendements. Je souhaitais que le maire puisse désigner de façon beaucoup plus directive les professionnels en question, mais il est vrai qu’on peut se heurter à des problèmes d’organisation des conseils généraux. Cela dit, le maire a le droit d’être informé, sans passer par le filtre du président de conseil général, du professionnel, de la personne concernée.
(Il est procédé au scrutin.)
Nombre de votants 30
Nombre de suffrages exprimés 30
Majorité absolue 16
Pour l’adoption 12
Contre 18
L'Assemblée nationale n'a pas adopté l’amendement n° 680 rectifié.
Nous en venons à l’amendement n° 388, sur le vote duquel je suis également saisi, par le groupe socialiste, d’une demande de scrutin public.
La parole est à Mme Patricia Adam, pour défendre l’amendement.
Nous proposons, disais-je, que si les communes doivent pouvoir se doter d’outils afin de coordonner la prévention de la délinquance – j’ai exprimé très fermement notre accord sur ce point tout à l’heure –, seules celles qui disposent d’un centre communal d’action sociale puissent avoir communication de renseignements confidentiels à caractère social.
Il faut être cohérent. On ne peut demander que le maire ait connaissance de l’ensemble des informations détenues par les professionnels intervenant auprès des familles, sans exiger que la commune dispose de tous les outils nécessaires pour engager une action sociale pour ces familles.
Or, d’une manière générale, les maires n’ont pas besoin d’avoir connaissance de l’ensemble des données, souvent très confidentielles, concernant les familles, pour engager des actions en matière sociale, en particulier en direction de celles qui sont dans la plus grande difficulté.
Notre souci, je le répète, est un souci de cohérence – une cohérence que nous ne retrouvons pas dans le texte. Je reprendrai à cet égard une considération de l’UNIOPSS. L’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux nous a en effet adressé un courrier – que vous avez dû recevoir également, monsieur le ministre – dans lequel on peut lire que cet article invraisemblable est à ce point contradictoire avec les textes en vigueur, qu’il est pratiquement impossible de l’amender et que l’on ne peut qu’en demander sa suppression au Gouvernement.
Vous le savez comme moi, madame Adam, 30 % des communes n’ont pas de CCAS, et ce sont souvent les plus petites d’entre elles. Je ne puis imaginer un seul instant que vous soyez hostile à la prévention de la délinquance et à l’aide aux familles en difficulté dans les petites communes, et je ne m’explique donc pas que le groupe socialiste ait pu demander un scrutin public sur ce point !
C’est d’ailleurs une bonne chose qu’un scrutin public ait été demandé : cela montrera qui veut exclure du dispositif les petites communes dépourvues de moyens !
Nombre de petites communes ont en effet en partage, dans le cadre de l’intercommunalité, un centre intercommunal d’action sociale. Le critère de l’existence ou non d’un centre d’action sociale dans la commune est donc un mauvais critère.
En fait, voilà en fait un moment que je veux dire que, dans ce débat, j’ai l’impression que l’on fait le procès des maires.
Les maires sont au cœur de l’action sociale.
Nous, les maires, nous rencontrons les gens dans les CCAS, nous voyons leurs enfants dans les garderies périscolaires, dans les crèches, dans les cantines, autant de services dont nous avons la responsabilité. Et l’on voudrait nous dénier le droit d’intervenir pour aider les familles (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...
(Il est procédé au scrutin.)
Nombre de votants 31
Nombre de suffrages exprimés 31
Majorité absolue 16
Pour l’adoption 12
Contre 19
L'Assemblée nationale n'a pas adopté l’amendement n° 388.
L’intervention du ministre et celle de Mme Martinez nous ramènent au cœur du débat, c’est-à-dire le démantèlement de l’action sociale menée par l’État ou par les conseils généraux. En effet, en transférant aux maires une responsabilité en matière sociale qu’ils n’ont pas les moyens d’assumer, on change totalement la donne. Nous demandons une suspension de séance pour que nous examinions la situation.
J’ai cependant une bonne nouvelle : une partie d’entre nous pourra en effet bientôt croiser le ministre de l’intérieur, puisque les députés de la majorité sont invités à dîner demain place Beauvau ! Ils pourront, à cette occasion, l’interroger puisque nous ne pouvons lui poser de questions à l’Assemblée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) En tout cas, si, par hasard, j’étais invité, je me ferais un plaisir de venir. (Sourires.)
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)
Je suis saisi d’un amendement n° 701.
La parole est à Mme Patricia Adam, pour le soutenir.
Nous sommes toujours sur le même sujet : la coordination des services sociaux, l’efficacité du suivi des personnes en difficulté, mais également le respect du secret professionnel et du secret de la vie privée tout simplement. Des situations sociales complexes, nous en connaissons tous. Cessez d’affirmer, madame Martinez, que nous cherchons à opposer le maire et le président du conseil général.
Dans le présent projet de loi, on oublie qu’il y a des familles au cœur des dispositifs. Ces familles ont droit à un minimum de respect de leurs libertés individuelles, d’autant que, la plupart de temps, il s’agit de familles touchées par la précarité, nous le savons bien. Je ne pourrai jamais accepter que l’on confonde le travail social et le travail de la police. Ce n’est pas le même travail. Que la police informe sur tous les éléments en sa possession, c’est normal – la police et la gendarmerie travaillent sous la responsabilité du procureur –, mais les travailleurs sociaux, eux, doivent transmettre les informations dans l’intérêt de la personne.
Il existe déjà, dans les lois sur la protection de l’enfance, un certain nombre de situations où les professionnels ne sont pas tenus au secret, où il leur est même fait obligation de transmettre les informations préoccupantes qu’ils détiennent de façon à protéger les enfants et à prévenir des drames. Le malheur, vous l’avez, à juste raison, indiqué, monsieur Lagarde, c’est que la coordination est parfois mauvaise et le travail mal fait, ainsi que l’ont montré les exemples très médiatisés, et c’est normal qu’ils le soient, que nous connaissons tous.
Les travailleurs sociaux n’ont pas à communiquer au maire toutes les informations, mais seulement les informations « utiles » comme je le demandais tout à l’heure dans un autre amendement, pour que le maire puisse remplir sa mission en matière de prévention de la délinquance. C’est cela qui est important, nous le savons bien.
Quand ce projet de loi sera voté, car il le sera inévitablement, toutes ces questions très concrètes que nous sommes en train de soulever se poseront. Et il faudra rédiger des décrets d’application, des circulaires, pour expliquer les choses, pour déterminer comment les uns et les autres travailleront ensemble, si toutefois le temps qui vous reste, compte tenu des élections – présidentielle et législatives – qui approchent, le permet, ce dont je doute.
À titre personnel, j’y serais plutôt défavorable. Si un professionnel, constatant une aggravation des difficultés d’une famille, appelle l’intervention de plusieurs professionnels, c’est évidemment dans l’intérêt des personnes concernées.
Surtout, cet amendement n’a aucun sens là où il est placé. Le but de l’amendement serait, d’après l’exposé sommaire, de transmettre une information au maire ou au président du conseil général, « dans l’intérêt des personnes concernées ». Dans l’intérêt des personnes se rapporte à la transmission d’informations. Or ce n’est pas ce que nous comprenons. Permettez-moi, pour vous en convaincre, de lire la première phrase de l’alinéa 2 telle qu’elle serait modifiée par l’amendement : « Lorsqu’un professionnel de l’action sociale […] constate que l’aggravation des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d’une personne ou d’une famille appelle, dans l’intérêt de ces personnes, l’intervention de plusieurs professionnels ». Il aurait mieux valu, me semble-t-il, si je comprends bien le sens de l’amendement, insérer les mots « dans l’intérêt de ces personnes » en fin de phrase, laquelle se lirait ainsi : « il en informe le maire de la commune de résidence et le président du conseil général, dans l’intérêt de ces personnes. »
En conclusion, cet amendement est donc non seulement inutile, mais il donne au texte un sens tout à fait contraire à celui que vous dites poursuivre, madame Adam. Voilà pourquoi il doit être rejeté.
Je ne sais pas quelle est la stratégie du groupe socialiste dans l’analyse de ce texte,…
L’alinéa 2 est déjà assez touffu. Je considère que la commission a bien fait de rejeter cet amendement.
J’irai même plus loin. Dans l’exposé sommaire de son amendement identique, Mme Boutin demandait que la possibilité d’informations entre les travailleurs sociaux et le maire soit soumise à une exigence principale : celle de l’intérêt des personnes concernées. Je propose de mentionner que l’accord des personnes concernées doit être recueilli. Ainsi, l’intention de l’amendement serait plus explicite et ce serait encore plus volontiers que nous soutiendrions l’amendement n° 701. Je propose donc de rectifier l’amendement en insérant les mots « après que leur accord a été recueilli ».
La parole est à M. Serge Grouard.
Cela étant, je me réjouis qu’ayant commencé nos travaux à quinze heures, nous entrions enfin, à dix-huit heures quarante-cinq, dans le vif du sujet ! Nous souhaitons tous ici faire œuvre utile. J’ai, pour ma part, déposé deux amendements, nos 559 et 560, qui seront examinés plus tard, visant à ce que le maire puisse, dans certains cas, désigner comme coordonnateur un professionnel socio-éducatif extérieur à l’équipe qui intervient auprès de la famille, ce qui peut être de nature à garantir davantage de sérénité.
Nous avons proposé, avec Mme Boutin, que ne soient transmis au maire que les éléments « nécessaires ». Il n’est pas utile, en effet, pour que le maire puisse remplir sa mission de prévention de la délinquance, que les travailleurs sociaux transmettent toutes les informations dont ils peuvent disposer sur une famille si celle-ci ne le souhaite pas, ce qui est son droit – un droit républicain – le plus élémentaire.
(L’amendement n’est pas adopté.)
J’indique d’ores et déjà que, sur le vote de cet amendement, je suis saisi, par le groupe socialiste, d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement no 102 rectifié.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
En revanche, il me semble utile de supprimer les mots « relevant des compétences du maire ». L’article 5 prévoit que lorsque l’aggravation des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d’une famille appelle l’intervention de plusieurs professionnels dans les domaines sanitaire, social et éducatif relevant des compétences du maire, le professionnel de l’action sociale doit en informer le maire et le président du conseil général. Cela va dans le sens de ce que nous souhaitons, car les dispositifs existants ne sont pas suffisants. Mais restreindre le champ d’intervention de cette mesure aux domaines « relevant des compétences du maire » pose un problème, car on restreint les capacités d’intervention du maire.
En tout cas, au moment où l’on signale l’aggravation, le maire n’est peut-être pas concerné, mais des services sociaux qui sont sous son autorité peuvent l’être. Il me paraît donc préférable de supprimer « relevant des compétences du maire », parce que c’est l’aggravation de la situation qui justifie que le travailleur social interpelle le président du conseil général et le maire, afin qu’ils se mettent autour d’une table pour comprendre pourquoi les dispositifs dysfonctionnent.
En revanche, je le répète, si l’on maintient l’expression « relevant des compétences du maire », on restreint de façon dommageable la capacité d’intervention de cet élu.
Nous, qui n’avons cessé de déplorer, depuis le début du débat, le caractère illisible du texte, propre à entretenir la confusion, nous sommes heureux d’être ainsi rejoints par M. Dubernard. (Sourires.)
C’est pourquoi nous sommes opposés à cet amendement.
(Il est procédé au scrutin.)
Nombre de votants 30
Nombre de suffrages exprimés 30
Majorité absolue 16
Pour l’adoption 18
Contre 12
L'Assemblée nationale a adopté.
En conséquence, l’amendement no 526 de M. Lagarde tombe.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Suite de la discussion du projet de loi, no 3338, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance :
Rapport, no 3436, de M. Philippe Houillon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ;
Avis, no 3434, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton