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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 27 novembre 2006

67e séance de la session ordinaire 2006-2007


PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

prévention de la délinquance

Suite de la discussion d’un projet de loi
adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance (nos 3338, 3436).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Vendredi après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 673, portant article additionnel avant l’article 5.

Rappels au règlement

M. Jean-Marie Le Guen. Je demande la parole, pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marie Le Guen. Vendredi, nous avons évoqué à plusieurs reprises les événements graves qui se sont produits jeudi soir à Paris. Le ministre d’État, ministre de l’intérieur, n’était pas là pour répondre aux questions posées sur tous les bancs à la suite de ces graves incidents, mais il s’exprimait par contre sur le fond de l’affaire dans les médias. Le Premier ministre, M. de Villepin, de son côté, faisait des déclarations pour suggérer de nouvelles dispositions législatives contre ce type de violences inacceptables et dramatiques.

Depuis, les déclarations et les initiatives ne cessent de se multiplier, dans la cacophonie la plus totale.

M. Manuel Valls. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous avons donc besoin d’entendre le Gouvernement. M. Bas, ici présent, risque de nous dire qu’il n’est pas fondamentalement mandaté pour répondre à ce type de questions. Je ne sais pas quel club il soutient, mais j’imagine qu’il est le supporteur de la République. Il pourra peut-être nous dire un certain nombre de choses.

Comme d’autres parlementaires, je me suis étonné que le ministre de l’intérieur reçoive plusieurs associations de supporteurs samedi dans son ministère. Il aurait été intéressant qu’il vienne nous dire ici ce qu’il leur avait dit.

J’ai lu dans la presse de ce matin un certain nombre de déclarations qui me semblent aller dans le bon sens, mais qui, en même temps, me laissent totalement perplexe. Ainsi, le directeur général de la police nationale dit dans Le Parisien de ce matin qu’il pense devoir dissoudre un certain nombre d’associations de supporteurs du Paris– Saint-Germain, de façon préventive, j’imagine, et, de ce point de vue, je l’approuve. J’aimerais savoir quelles sont les intentions du Gouvernement. Je suis étonné que, s’agissant d’une décision éminemment politique, ce soit un fonctionnaire qui puisse la prendre. Mettre en cause le fonctionnement d’associations est un choix politique que j’assume personnellement et que j’approuve, mais il aurait tout de même été plus logique, s’agissant de décisions d’ordre public, qu’elles soient annoncées par le ministre de l’intérieur.

Je voudrais donc savoir quelle est la position exacte du ministre d’État sur la dissolution de certaines associations. De quelles associations s’agirait-il ? Quels sont les outils juridiques dont il devrait disposer ? A-t-il les moyens d’appliquer sa politique et, si ce n’est pas le cas, qu’est-ce qui lui manque ? Enfin, j’aimerais qu’il nous explique comment il peut convoquer dans son bureau des associations dont il a vocation par la suite à annoncer la dissolution.

Voilà un certain nombre de questions qui devraient être clarifiées si l’on veut donner un tant soit peu de sérieux à nos débats.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Comme Jean-Marie Le Guen, je m’étonne que M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, ait reçu les associations de supporteurs du Paris–Saint-Germain, y compris celle qui est à l’origine des faits racistes que l’on connaît aujourd’hui et qui sont prouvés.

Je ne comprends pas pourquoi le ministre de l’intérieur n’applique pas la loi de juillet 2006, qui fait obligation de dissoudre les associations de supporteurs coupables de discriminations, d’actes racistes et d’atteintes aux personnes. C’est exactement ce qui s’est produit jeudi soir. On ne comprend donc pas qu’il n’ait pas évoqué la dissolution de cette association de supporteurs du Paris– Saint-Germain. Seuls certains de ses collaborateurs y ont peut-être fait référence.

Il y a chez le ministre de l’intérieur une sorte de schizophrénie politique. Il nous explique à l’Assemblée – lorsqu’il nous fait l’honneur d’être parmi nous, ce qui est rare, mais on l’entend répondre aux questions au gouvernement –, que la sécurité va être renforcée, il nous annonce à chaque occasion de nouveaux épisodes sécuritaires mais, lorsque les faits sont là, il est défaillant et n’applique même pas les lois que nous avons votées dans cette assemblée et au Sénat – je pense à la loi de juillet 2006.

Par ailleurs, et c’est encore plus dangereux, en recevant les associations, il donne une sorte de légitimité à des associations qui n’en ont plus aucune aujourd’hui en raison de leurs actes répétés, qui sont haineux, discriminatoires, qui visent à la ségrégation, qui sont racistes et antisémites, il faut le dire. Nous ne pouvons pas accepter que dure plus longtemps une telle situation alors que nous avons les moyens juridiques d’y mettre un terme.

D’une certaine manière, le ministre de l’intérieur fait preuve d’un grand laxisme à cette occasion, ce qui est une manifestation supplémentaire de sa duplicité.

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. J’espère que ma réponse va pleinement satisfaire mes collègues de l’opposition, même s’ils se croient obligés à ce propos de faire un procès d’intention au ministre de l’intérieur.

M. Pierre Cardo. Cela ne date pas d’aujourd’hui !

M. Claude Goasguen. Certains semblent s’étonner que le directeur général de la police nationale soit intervenu dans la presse. Or je rappelle que selon la loi de 2006, que je connais un peu, la dissolution des associations de fait ou de droit n’est pas une décision politique, mais une décision administrative.

Le directeur général de la police nationale en proposera l’application à la fin de la semaine, puisque le dernier décret en examen devant le Conseil d’État sera certainement pris vendredi. Par conséquent, à partir de lundi, la commission prévue par la loi pourra être créée. En effet, la dissolution n’est pas un acte pris en Conseil des ministres, contrairement au régime prévu par le décret de 1936, mais après consultation d’une commission quasi juridictionnelle, composée de magistrats et de représentants du milieu sportif. Il faut donc que cette commission se mette en place afin que les associations, qui sont susceptibles d’être dissoutes, puissent y faire valoir leur défense.

Le ministre de l’intérieur vous répondra demain lors des questions au Gouvernement ; elles sont faites pour cela, sinon à quoi serviraient-elles ?

M. Manuel Valls. C’est vrai que la loi ne sert pas à grand-chose !

M. Claude Goasguen. J’envisage, en tant que député de la circonscription, de lui poser cette question. L’Assemblée sera informée de l’étendue et de la nature des dispositions qui seront nombreuses et variées en réponse à ces graves incidents : interdictions de stade, application de la loi de 2006, responsabilités pénales aggravées, car il s’agit d’actes commis avec des intentions racistes et antisémites. De tout cela, le ministre s’expliquera demain.

Au-delà de ces mesures, pour être tout à fait honnête, je souhaite, que l’ensemble de la société réagisse. J’ai demandé ce matin que la subvention allouée chaque année au PSG par le Conseil de Paris – en dépit de mon opposition réitérée – qui s’élève tout de même cette année à la bagatelle de 2,6 millions, soit suspendue.

De la même manière, je souhaite, pour que tout le monde soit concerné, que la Fédération nationale et la Ligue nationale de football prennent des sanctions à l’encontre d’un club qui a failli à sa réputation sportive, qui a sali le Parc des Princes, Paris et la France !

Cet ensemble de mesures est suffisamment vaste pour que M. Mamère et M. Le Guen s’y retrouvent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Je vous remercie, monsieur le président, de nous donner l’occasion d’aborder rapidement cette question. Le groupe socialiste ne manquera pas d’interpeller demain le ministre de l’intérieur lors des questions d’actualité.

Mais, d’ores et déjà, permettez-moi de dire que la façon dont le ministre de l’intérieur a géré ce dossier ne me paraît pas satisfaisante. Il a tout d’abord agi dans l’urgence et la précipitation. Ensuite, il a convoqué une réunion au ministère de l’intérieur avec les seules instances sportives. Or elles ne sont pas les seules concernées par cette question. Ni le procureur de la République et encore moins les élus, d’aucun bord, n’ont été conviés. Pourtant nous avons une certaine expérience dans ce domaine. Je considère donc que cette réunion n’a pas été organisée dans de bonnes conditions. D’autant plus qu’y participaient semble-t-il deux personnes représentant les clubs de supporters du kop de Boulogne, elles-mêmes interdites de stade.

M. Jean-Marie Le Guen. Des fascistes, interdits de stade, dans le bureau du ministre !

M. Claude Goasguen. Le bureau du ministre n’est pas un stade !

M. Christophe Caresche. Que le ministre de l’intérieur ait organisé une réunion sur la sécurisation du Parc des Princes en présence de deux personnes interdites de stade, c’est pour le moins faire preuve de légèreté.

M. Jean-Marie Le Guen. On croit rêver !

M. Claude Goasguen. Et alors que dire de l’octroi d’une subvention annuelle de près de 3 millions d’euros au PSG ?

M. Christophe Caresche. Le plus choquant, monsieur Goasguen, c’est qu’à l’issue de cette réunion ont été prises toute une série de mesures dont certaines sont positives, comme les interdictions de stade…

M. Jean-Michel Dubernard, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Il faut que les voyous soient encadrés par des militaires, au PSG, comme dans les banlieues !

M. Christophe Caresche. …mais dont une est tout à fait scandaleuse, puisqu’elle consiste à confier la gestion de la billetterie aux clubs de supporteurs…

M. Claude Goasguen. Non, à la leur enlever ! Vous avez mal compris ou mal lu la presse !

M. Christophe Caresche. …qui, depuis des années sont complices des agissements racistes et violents de certains de leurs membres. Cela est absolument inacceptable !

M. Claude Goasguen. Mais c’est le contraire !

M. Christophe Caresche. Nous n’accepterons pas, monsieur Goasguen, que les associations de supporteurs, qui ont encouragé certains agissements, soient chargées de la billetterie. Et, comme M. Mamère, nous demandons que la loi que nous avons votée ici, avec vous, monsieur Goasguen, autorisant la dissolution des clubs de supporteurs, soit rapidement mise en œuvre.

M. Jean-Pierre Soisson. Ce n’est pas le sujet !

M. Christophe Caresche. Le ministre de l’intérieur a cette capacité. Il faut maintenant que des décisions sérieuses soient prises.

M. Claude Goasguen. Monsieur Caresche, vous dites des contrevérités ! Vous avez mal compris les mesures qui ont été annoncées ! C’est exactement le contraire de ce que vous dites !

M. Jean-Marie Le Guen. Le ministre de l’intérieur invite des voyous racistes dans son bureau ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Cardo. C’est une attaque personnelle !

M. le président. Monsieur Le Guen, je vous en prie !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. À l’Olympique lyonnais nous n’avons pas ces problèmes !

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Je trouve assez consternant d’entendre dire, par la voix de M. Goasguen, que la dissolution des clubs de supporteurs, relevant maintenant de la décision administrative et non plus du Gouvernement, il n’y a pas lieu que le ministre de l’intérieur, qui porte le projet de loi dont nous sommes saisis, soit là pour tirer avec la représentation nationale les leçons des événements de la semaine dernière.

N’est-il pas singulier que des actes de délinquance, que tout le monde s’accordent à reconnaître comme graves, de surcroît accompagnés de manifestations racistes, ne justifient pas l’ouverture dans cette enceinte d’un débat avec le ministre de l’intérieur ?

M. Claude Goasguen. Si, mais demain.

M. Pierre Cardo. Il y a une procédure pour cela.

M. Michel Vaxès. Monsieur Goasguen, vous ouvrez le débat en formulant des propositions qui vont au-delà de celles annoncées dans la presse.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas moi qui ai ouvert le débat !

M. Michel Vaxès. Et ces propositions viennent contredire votre affirmation première selon laquelle il n’y aurait pas lieu de débattre.

M. Claude Goasguen. C’est le contraire !

M. Michel Vaxès. S’il y a des propositions, il faut bien en débattre et le mieux eût donc été que ce soit avec le ministre de l’intérieur.

M. Claude Goasguen. Nous en discuterons demain !

M. Michel Vaxès. Depuis le début de l’examen de ce projet de loi, le ministre de l’intérieur n’a jamais été là, hormis lors de son intervention liminaire et pour répondre aux quatre porte-parole des groupes. C’est dire le peu de cas qu’il fait de la représentation nationale. Je le regrette et je tenais à le dénoncer avec fermeté.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Mesdames, messieurs les députés, les événements qui se sont produits la semaine dernière à l’issue du match de football sont tragiques. De ce point de vue, les discussions que nous pouvons avoir en ce début d’après-midi, alors que le texte qui est inscrit à l’ordre du jour porte sur la prévention de la délinquance, peuvent avoir quelque utilité.

Toutefois je regrette d’avoir à vous rappeler que nous vivons dans un État de droit et que dans un État de droit il y a des lois.

M. Christophe Caresche. Qu’on les applique !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Toute dissolution d’une association de droit ou de fait suppose une procédure contradictoire, afin que chacun puisse présenter sa défense. En démocratie, nous nous honorons de prendre le temps nécessaire pour conduire ces procédures à leur terme…

M. Christophe Caresche. Ce n’est pas ce qui a été décidé samedi !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. …dans le respect des droits de chacun.

Il n’y a pas lieu de tirer prétexte de notre débat de cet après-midi, qui portera sur la coordination des travailleurs sociaux pour prévenir les difficultés sociales des familles, pour en ouvrir ici un autre, sachant que, naturellement, le ministre d’État, ministre de l’intérieur, est prêt à répondre à vos questions lorsque l’ordre du jour de cette assemblée le permettra. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Noël Mamère. Rappel au règlement !

M. le président. Non. Nous en venons à l’examen des amendements avant l’article 5.

M. Noël Mamère. Pour répondre au ministre !

M. le président. Monsieur Mamère, on ne répond pas au ministre dans le cadre d’un rappel au règlement.

M. Jean-Marie Le Guen. Comme vous voulez. Nous allons donc demander une suspension de séance !

M. le président. Monsieur Le Guen, nous pouvons nous parler sans nous menacer.

M. Jean-Marie Le Guen. Il ne s’agit pas de menace !

M. le président. Dans un souci de pluralisme, j’ai donné la parole à chacun des groupes pour un rappel au règlement. Il y a eu près de vingt-cinq minutes de rappels au règlement…

M. Noël Mamère. Et un mort !

M. Jean-Marie Le Guen. On est en pleine panade ! Le ministre de l’intérieur n’est même pas là !

M. le président. Monsieur Le Guen, vendredi, à plusieurs reprises, vous êtes intervenu pour demander que M. Philippe Bas soit présent. Il est là. Nous en venons à l’amendement n° 673 qui concerne l’action sociale et la prévention spécialisée.

Mme Patricia Adam. Monsieur le président, je demande une suspension de séance.

M. le président. Elle est de droit.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Avant l’article 5 (Amendements précédemment réservés)

M. le président. Avant l’article 5, je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels, précédemment réservés.

La parole est à Mme Patricia Adam, pour soutenir l’amendement n° 673.

Mme Patricia Adam. Je veux d’abord, monsieur Philippe Bas, vous remercier de votre présence. Comme le savent ceux qui étaient présents dans cet hémicycle, nous avons vendredi exprimé avec force le souhait que vous participiez à la discussion sur l’article 5, l’un des plus contestés de ce projet de loi, au même titre que ceux qui concernent les malades mentaux.

Je suis en revanche surprise par l’absence de M. Estrosi et de M. Sarkozy, alors qu’au moins l’un d’eux était présent jusqu’à maintenant – plus l’un que l’autre d’ailleurs.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas le même sujet !

M. Jean-Marie Le Guen. Alors pourquoi est-ce dans la même loi ?

M. Charles Cova. Il y a un ministre au banc du Gouvernement, c’est l’essentiel !

Mme Patricia Adam. Il était d’ailleurs jusqu’à maintenant de règle que les textes nous étaient présentés par les ministres concernés. Cela étant dit, monsieur le ministre, nous nous félicitons que vous ayez répondu à notre invitation, et nous sommes ravis de vous accueillir.

Au travers de nos trois propositions d’article additionnel, c’est un texte alternatif à l’article 5, dont nous demanderons bien entendu la suppression, que nous proposons. Il n’est pas normal qu’un texte sur la prévention de la délinquance contienne des dispositions relatives à la protection de l’enfance et à l’action sociale.

M. Patrick Braouezec. Tout à fait d’accord.

Mme Patricia Adam. Hormis les mesures qui visent à assurer la nécessaire coordination de l’action de maires et des présidents de conseil général, les dispositions qui portent sur cette matière, comme celles relatives au secret professionnel ou encore celles qui visent à l’harmonisation des différents dispositifs, n’ont rien à faire dans ce texte. Ils devraient figurer dans le projet réformant la protection de l’enfance. que nous sommes beaucoup à attendre, et que nous déplorons de devoir examiner après ce texte-ci. Cette opinion est partagée par beaucoup d’associations et de professionnels spécialisés dans ces questions.

Ces trois amendements s’inspirent de rapports, comme celui du sénateur About, que nous rejoignons sur beaucoup de points, ou encore le fameux rapport Bloche-Pecresse, sur l’enfance et la famille, dont les propositions sont tout à fait conformes à ce que nous défendons ; ils s’inspirent également de votre projet de loi sur la protection de l’enfance, ainsi que du plan de cohésion sociale de M. Borloo, notamment du contrat de responsabilité parentale et de la confirmation de la compétence des présidents de conseil général et des maires en la matière.

Conformément à ces textes, nos trois amendements rappellent la nécessité de coordonner l’action des maires et des présidents de conseil général, notamment, pour l’amendement n° 673, dans le domaine de la prévention spécialisée. Nous proposons en effet d’insérer, dans la première phrase du premier alinéa de l’article L. 121-1 du code de l’action sociale, après les mots « action sociale », les mots « et de prévention spécialisée ». Il est ainsi rappelé que la prévention spécialisée est un des domaines de compétence majeurs des conseils généraux, qu’il s’agit en l’espèce d’articuler avec la compétence du procureur.

Il nous semble nécessaire de délimiter à ce moment du texte les compétences de chacun en matière de prévention de la délinquance. Une délimitation claire est particulièrement nécessaire en matière de prévention spécialisée, dont les actions se situent par nature à la frontière de plusieurs compétences. Voilà pourquoi il est important que le texte précise qu’elle relève bien de la protection de l’enfance et de l’action sociale, et à ce titre de la compétence du conseil général.

M. le président. La parole est à M. le président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république.

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La commission n’a pas examiné cet amendement, monsieur le président, mais j’y suis défavorable à titre personnel. En effet, il est déjà satisfait par l’article L. 121-2 du code de l’action sociale, qui assigne déjà cette compétence au département. Il n’est donc pas besoin de le préciser à l’article précédent.

M. le président. La parole est à M. le président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, saisie pour avis.

M. Jean-Michel Dubernard, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Je rejoins tout à fait l’avis du président Houillon. L’article L. 121-1 est un article synthétique à vocation très générale, qui parle de la « définition des orientations en matière d’action sociale » et de « leur mise en œuvre ». Si on précise qu’elle englobe la prévention spécialisée, pourquoi ne pas préciser aussi qu’elle comporte également l’aide aux handicapés, l’aide aux familles vulnérables, etc. ?

M. Patrick Braouezec. Bonne idée !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. J’émets donc le même avis que le président Houillon.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Mon désaccord est juridique et ne porte pas sur le fond. Il est inutile d’ajouter une précision qui figure déjà à l’article suivant du code de l’action sociale, sauf à se livrer à une énumération qui enlève toute portée générale à l’article concerné. Il faudrait dans ce cas que l’énumération soit complète, ce qui est impossible.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Nous déplorons, monsieur le ministre, que vous n’ayez pas participé à nos débats vendredi. En effet, nous avions soulevé alors cette question de la prévention spécialisée et de sa place au sein de l’action sociale, et nous avions à cette occasion évoqué les articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de l’action sociale et des familles.

À l’occasion de l’examen de l’article 2, j’avais démontré, en dépit des dénégations du président de la commission et du ministre présent, que la portée de cet article excède celle de l’article L. 121-1 puisque la modification proposée de l’article L. 121-2 du code de l’action sociale et des familles renvoie notamment aux actions de prévention de la délinquance. On impose ainsi aux acteurs de la prévention spécialisée de sortir de leur mission de protection sociale pour assurer des tâches de prévention de la délinquance. C’est la raison pour laquelle nos collègues du groupe socialiste présentent ces amendements avant l’article 5. Il s’agit de parer à la dérive de la prévention spécialisée organisée par votre projet de loi, que l’examen de l’article 5 fera apparaître de façon éclatante, notamment en ce qui concerne les dispositions relatives au secret partagé et à la confidentialité. Votre projet remet en cause l’essentiel de la mission des travailleurs sociaux, fondée sur la confiance et la confidentialité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 673.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 708.

La parole est à Mme Patricia Adam, pour le soutenir.

Mme Patricia Adam. Cet amendement vise à mettre ce texte en cohérence avec le projet de loi sur la protection de l’enfance que cet hémicycle attend. En effet, il reprend en partie les termes du 3° de l’article 5 du projet de loi relatif à la réforme de la protection de l’enfance, qui a été adopté par le Sénat en première lecture. Il vise à organiser l’échange d’informations entre le président du conseil général et le procureur. Cet échange d’informations est légitime, surtout en cas de danger pour un enfant et sa famille. Le projet de loi de prévention de la délinquance prévoyant également un échange d’informations entre le maire et le procureur en matière de sécurité et d’ordre public, la cohérence impose que toutes informations soient transmises au procureur, tant dans le domaine de la sécurité qu’en matière de protection de l’enfance et d’action sociale. Les éléments portés à la connaissance de cette autorité lui permettent d’assurer la cohérence de la transmission des informations, soit au maire, soit au président du conseil général. Une telle disposition permettrait de faire l’économie de beaucoup de solutions contestables, notamment en matière de secret professionnel. Son adoption nous permettrait de travailler ensuite à l’échange d’informations entre les maires et le président du conseil général par le biais du procureur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission ; j’y suis défavorable à titre personnel, pour la raison que vous avez vous-même indiquée, madame Adam : ce que vous proposez se trouve déjà en partie dans le projet de loi relatif à la réforme de la protection de l’enfance. Par conséquent nous n’avons qu’à attendre l’examen de ce texte : nous n’allons pas dépecer les projets en cours pour les réintroduire par morceaux dans d’autres projets !

Pour vous donner cependant satisfaction, madame Adam, je conclurai en demandant à M. le ministre de nous confirmer clairement que le projet de loi relatif à la protection de l’enfance, déjà adopté par le Sénat en première lecture, sera soumis prochainement à l’examen de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Je n’ai rien à ajouter à ce que vient de dire le président Houillon, sinon que, sur tous ces bancs, les membres de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, notamment Mme Pecresse, attendent avec impatience que ce texte arrive devant notre assemblée.

Mme Valérie Pecresse. Eh oui !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. C’est bien volontiers, monsieur le président Houillon et monsieur le président Dubernard, que je vous confirme que ce texte, auquel le Gouvernement est particulièrement attaché, sera inscrit prochainement à l’ordre du jour prioritaire de l’Assemblée nationale, en vue de son adoption très rapide.

En ce qui concerne votre amendement, madame, je tiens à vous préciser que nous avons, avec le ministre de l’intérieur, soigneusement veillé à distinguer le texte relatif à la protection de l’enfance de celui relatif à la prévention de la délinquance, qui n’a pas le même objet. C’est pourquoi le Gouvernement ne souhaite pas qu’une partie des dispositions du texte sur la protection de l’enfance soit réintroduite dans le texte sur la prévention de la délinquance. Nous le souhaitons d’autant moins, madame la députée, que parmi les dispositions en cause, les unes traitent du travail social en général, les autres de l’aide sociale à l’enfance en particulier.

Conformément au principe d’interprétation juridique qui s’impose à tous, la loi spéciale, c’est-à-dire la loi sur la protection de l’enfance, déroge à la loi générale, à savoir la loi sur l’organisation du travail social, pour ce qui ne relève pas de la protection de l’enfance. Il faut donc nous garder de mélanger les deux textes, pour éviter toute confusion.

Cela étant, madame Adam, je vous remercie, ainsi que l’ensemble du groupe au nom duquel vous vous êtes exprimée, de l’intérêt que vous portez au texte sur la protection de l’enfance. Le fait que vous repreniez, sans en modifier un mot, certaines des dispositions de ce projet de loi pour les inscrire dans le texte sur la prévention de la délinquance augure bien du soutien que vous apporterez certainement à ce texte lorsqu’il viendra en discussion.

M. Patrick Braouezec. Ce n’est rien moins que sûr !

M. Jean-Marie Le Guen. Une chose est sûre, en tout cas, c’est le consensus qui s’exprime chez tous les professionnels de l’enfance pour faire des textes relatifs à la protection de l’enfance une pierre angulaire de la réflexion en la matière. Chacun sait que dans la très grande majorité des cas, avant d’être des délinquants dont nul ne conteste qu’ils doivent être sanctionnés, les mineurs violents sont des enfants qui ont, d’une façon ou d’une autre, subi des violences. Toutes les statistiques sont très claires à cet égard.

Nous étions donc tous d’accord, sur tous les bancs de cette assemblée, pour dire qu’il fallait examiner le texte de protection sociale de l’enfance avant toute réflexion sur la prévention de la délinquance. S’il est bien, en effet, deux textes et deux sujets qui ont un lien, ce sont bien ceux-là. Au lieu de quoi on nous propose un texte fourre-tout, où il est question de santé mentale et de mille choses qui n’ont rien à voir avec la prévention de la délinquance. Il est bien dommage qu’un texte qui aurait un lien aussi direct avec le sujet n’ait pas été intégré à celui-ci ou, du moins, suffisamment préparé pour que nous puissions en tenir compte.

La semaine dernière, on a pu, à propos du texte que nous examinons, parler de « mascarade ». Il ne faudrait pas que nos collègues nous demandent d’aller trop vite dans la discussion, car il semble qu’ils aient encore beaucoup de choses à débattre entre eux. Nous savons par la presse que se livre en coulisse une bataille extraordinaire sur certains des articles que notre assemblée examinera dans les prochains jours. On voit le rapporteur ou tel de nos collègues, le ministre de l’intérieur ou le garde des sceaux s’étriper dans des réunions qui n’ont d’ailleurs rien à voir avec le Parlement. Nous sommes dépossédés du débat tandis que les arbitrages sur le texte à venir subissent de profondes modifications.

Nous apprenons incidemment que le ministre d’État, ministre de l’intérieur, sera présent en séance à l’occasion de l’examen de certains amendements, qui d’ailleurs concernent essentiellement le garde des sceaux ! C’est la presse qui nous informe que le ministre d’État, ministre de l’intérieur, daignera passer dans l’hémicycle pour répondre sur tel ou tel article, alors qu’il n’est jamais là quand il s’agit d’en discuter dans sa globalité.

C’est une véritable mascarade parlementaire ! On trouve dans le texte des choses qui n’ont rien à y faire, et on n’y trouve pas des éléments qui ont directement trait au sujet. La discussion a lieu hors de l’hémicycle et, tandis que l’actualité fait apparaître des problèmes qui relèvent directement de l’action du ministère de l’intérieur et de la prévention de la violence et de la délinquance, celui-ci prend des positions de plus en plus contradictoires. M. Goasguen se fait le porte-parole – sans doute bien informé – du ministre de l’intérieur pour nous expliquer en l’occurrence que la loi va être mise en application, que le décret qui aurait dû être pris depuis des mois le sera à la fin de la semaine,…

M. Claude Goasguen. Mais non !

M. Jean-Marie Le Guen. …et que dès lundi va se réunir une commission qui traitera du sujet, alors que personne ne nous dit aujourd’hui quelles seront les associations de supporteurs concernées.

M. Claude Goasguen. Je n’en sais rien !

M. Jean-Marie Le Guen. Toutes les associations de supporteurs seront-elles concernées, ou seulement certaines d’entre elles ? On ne sait rien. On est dans la confusion généralisée.

M. Pierre Cardo. La confusion, c’est vous qui la créez !

M. Jean-Marie Le Guen. C’est vraiment une mascarade !

M. Pierre Cardo. Pourrions-nous travailler, maintenant ?

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Pierre Cardo. Zig et Puce !

M. Noël Mamère. J’abonderai dans le sens de mon collègue Le Guen :…

M. Claude Goasguen. Laurel et Hardy ! Ou plutôt Doublepatte et Patachon !

M. Noël Mamère. …il y a manifestement une absence de coordination entre les différents ministres de ce gouvernement, et en particulier entre M. le ministre de l’intérieur et M. le ministre chargé de la famille. Vous devez avoir, en effet, beaucoup de difficultés à défendre ce texte, qui est en contradiction avec les orientations que vous avez présentées devant le Sénat en première lecture. On comprend que vous ayez mis longtemps à répondre à notre sollicitation pour venir vous expliquer devant nous et qu’aujourd’hui vous ne marquiez pas un grand enthousiasme à défendre ce texte qui tord le cou aux orientations que vous aviez choisi de donner à la protection de l’enfance.

Nous avons en outre le sentiment, depuis quelques jours que nous discutons de ce projet, d’assister à la fois à un recul du ministre de l’intérieur et de ses amis au sein du Gouvernement et à une sorte de foire d’empoigne opposant les partenaires de la majorité sur un texte qui est d’abord électoraliste, un texte d’affichage, un texte qui ne résoudra rien et n’aura d’autre effet que de continuer à monter une partie de la population contre l’autre et d’accroître excessivement les responsabilités du maire, ce qui ne manquera pas de miner ce qu’il reste de fondements démocratiques dans notre société.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Rien de moins !

M. Noël Mamère. Il faut prendre le temps de la discussion, de la confrontation et de la réfutation : c’est la fonction de l’opposition. Notre fonction est aussi de faire des contre-propositions, des propositions alternatives : elles sont formulées dans les amendements que nous présentons.

Cependant, la réalité est que – pour employer une rhétorique chère à M. le ministre de l’intérieur, à qui s’applique d’ailleurs tout particulièrement cette analyse – vous serez un jour ou l’autre, qui ne saurait tarder, comptables devant les Français de ce braconnage sur les terres de l’extrême droite,…

Mme Valérie Pecresse. On parle d’une question sociale !

M. Noël Mamère. …et de cette instrumentalisation de la sécurité à des fins politiciennes et pour une ambition présidentielle. Je souhaite, pour la France et pour l’honneur de la République,…

M. Richard Dell’Agnola. Pas vous ! Pas ça !

M. Noël Mamère. …que les électeurs le fassent payer, le moment venu, à celui qui joue impunément avec la sécurité, dont il fait une variable d’ajustement de ses ambitions présidentielles.

Mme Valérie Pecresse. L’utilisation du Front national, c’est vous !

M. le président. La parole est à Mme Henriette Martinez.

Mme Henriette Martinez. Je regrette que l’examen de ce texte difficile prenne un tour aussi polémique. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Madame Adam, je partage pleinement le point de vue qu’exprime l’amendement que vous proposez. Vous le savez bien, d’ailleurs, tant nous avons mené ensemble de combats et partageons de convictions quant à la protection de l’enfance.

Je pense également comme vous, monsieur Le Guen, que la différence est ténue entre les enfants victimes et les enfants délinquants. Le fait qu’une grande majorité des détenus dans nos prisons sortent des dispositifs de protection de l’enfance prouve l’échec de notre système de protection de l’enfance. Nous attendons donc tous avec impatience le texte que M. Bas nous présentera prochainement.

Cependant, nous éprouvons tous ici, sur les bancs de la majorité comme sur ceux de l’opposition – reconnaissons-le honnêtement –, la même difficulté à situer la frontière entre les deux textes, tant sont étroitement liées les questions dont ils traitent.

Nous nous efforçons donc, comme l’a souligné le ministre, de séparer les questions quand nous le pouvons. En l’occurrence, nous serons bientôt saisis d’un projet de loi consacré à la protection de l’enfance : si vous déposez ce même amendement lors de l’examen de ce texte, madame Adam, je le voterai très volontiers. Je ne souhaite pas, en revanche, le voter aujourd’hui, et m’abstiendrai s’il est mis aux voix. Mieux vaudrait donc que vous le retiriez et que nous en débattions prochainement.

Sur le fond, je le répète, je pense comme vous que la frontière est fluctuante, mais je fais toute confiance à M. le ministre délégué pour nous présenter très prochainement son texte relatif à la protection de l’enfance, qui nous donnera l’occasion de discuter des enfants en danger, qui sont l’objet de votre amendement. Aujourd’hui, en effet, il est question de la prévention de la délinquance.

M. Patrick Braouezec. Il ne s’agit pas de prévention de la délinquance, mais de répression !

M. Noël Mamère. Monsieur le président, je demande la parole.

M. le président. Monsieur Mamère, vous venez d’intervenir. Je ne puis vous donner la parole, à moins que ce ne soit pour un rappel au règlement.

M. Noël Mamère. Merci de cette suggestion, monsieur le président ! Je demande donc la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour un rappel au règlement. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Ce n’est pas sérieux !

M. Noël Mamère. L’intervention de Mme Martinez n’est nullement polémique et je la remercie de sa contribution. Au demeurant, lorsque Mme Martinez évoque l’échec de notre politique de protection de l’enfance, l’échec que nous constatons est plutôt celui des moyens qui lui sont donnés.

M. le président. Monsieur Mamère, je vous en prie !

M. Noël Mamère. Regardons les effectifs de la protection judiciaire de la jeunesse…

M. le président. Monsieur Mamère, ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Noël Mamère. …ou ceux des travailleurs sociaux ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La réalité, c’est que les moyens n’ont pas été donnés à ceux qui sont en charge de la protection de l’enfance.

M. Jean-Marie Le Guen. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marie Le Guen. Comme vous, mes chers collègues, nous souhaitons gagner du temps. Pour ce faire, je vous suggère de supprimer les articles 18 à 24.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Nous y venons !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez en effet voté mardi dernier un texte qui permet au Gouvernement de recourir aux ordonnances et le président de la commission des affaires sociales a lui-même demandé qu’on retire ces articles.

Ne perdons pas de temps, alors que nous pouvons gagner bien des jours de discussion : demandez la suppression des articles 18 à 24 et remplacez-les – ce serait beaucoup plus juste – par les articles pertinents de la loi sur la protection sociale de l’enfance.

Nul ne contestera qu’il s’agit bien là d’un rappel au règlement. J’attends maintenant que le ministre nous réponde sur le fond.

Mme Patricia Adam. Monsieur le président, je demande la parole.

M. Jean-Marie Le Guen. Mme Adam a un droit de réponse !

M. le président. Le règlement n’institue pas de « droit de réponse » !

Mme Patricia Adam. Je souhaite néanmoins répondre.

M. le président. Chacun a pu s’exprimer.

Je mets aux voix l'amendement n° 708.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 709.

La parole est à Mme Patricia Adam, pour le soutenir.

Mme Patricia Adam. Je le soutiendrai d’autant plus volontiers que vous ne m’avez pas donné la parole alors que je la demandais.

Je regrette que l’amendement n° 708 ait été repoussé. Je ne puis laisser dire, monsieur le ministre, que les deux textes évoqués n’ont rien à voir ! Ainsi, le texte que nous examinons aborde le secret professionnel partagé, que prévoit également votre texte : on peut s’étonner de la divergence.

Par ailleurs, même si nous nous réjouissons de votre présence, nous sommes surpris de l’absence de M. Estrosi qui – à la différence de M. Sarkozy, d’ailleurs – était présent depuis le début des débats. Il semble au reste que vendredi soir M. Estrosi n’aurait pas été fâché que l’article 5 soit abordé en votre absence, et il a d’ailleurs tout fait pour cela.

M. Jean-Marie Le Guen. Et on prétend que c’est nous qui créons des problèmes !

Mme Patricia Adam. L’amendement n° 709 a pour objet que les informations nominatives détenues par une personne tenue au secret professionnel ne soient transmises qu’à des personnes elles-mêmes soumises au secret professionnel et que les sanctions prévues pour les manquements à cette obligation soient les mêmes pour toutes les personnes qui y sont tenues.

Cet amendement, qui s’inscrit parfaitement dans l’esprit de ce texte sur la prévention de la délinquance, est indispensable pour répondre aux inquiétudes qu’expriment aujourd’hui de nombreux professionnels de l’action sociale. En effet, sans la relation de confiance, qui est le fondement même de l’action sociale et qui est inscrite dans tous les textes de référence, il ne pourra plus y avoir d’action sociale ni de travail social dans l’intérêt des familles et de leurs enfants.

L’amendement n° 709, qui pose ce principe, est donc indispensable à la continuité de nos travaux. Je ne vois donc pas pourquoi il ne pourrait pas être accepté, et cela d’autant moins qu’il ne contredit en rien les dispositions de la loi sur la protection de l’enfance.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. J’y suis, à titre personnel, défavorable pour des raisons de forme : c’est l’article 5 qui traite des questions relatives au secret professionnel, et vous verrez, madame Adam, qu’un sous-amendement de Mme Pecresse reprend votre idée. Ne compliquons pas les choses, et traitons du sujet que vous abordez là où il doit être traité, c’est-à-dire à l’article 5.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Nous allons bientôt, je l’espère, entrer dans le vif du sujet, et vous constaterez alors, madame Adam, que l’article L. 226-13 du code pénal permet déjà de s’assurer que toute personne non soumise au secret professionnel qui viendrait à recevoir une information de la part d’une personne soumise au secret professionnel, et qui la divulguerait, pourrait faire l’objet de sanctions au titre de cet article du code pénal. Je suis donc défavorable à l’amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 709.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 5 (précédemment réservé)

M. le président. Sur l’article 5 précédemment réservé, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Le secret professionnel est sérieusement mis à mal par l’article 5, qui est l’épine dorsale de ce projet de loi.

Rappelons que régulièrement, depuis plusieurs années, le débat autour du secret partagé a été relancé, et que lors de l'examen de la loi du 22 juillet 1992 sur le nouveau code pénal, le Parlement avait refusé de consacrer la notion de secret partagé. Dans une circulaire conjointe du ministère de la justice et du ministère de la santé du 21 juin 1996, une sorte de mode d'emploi du secret partagé a été donné : « Il convient, dans cette hypothèse, de ne transmettre que les éléments nécessaires, de s'assurer que l'usager concerné est d'accord pour cette transmission ou tout au moins qu'il en a été informé ainsi que des éventuelles conséquences que pourra avoir cette transmission d'informations et de s'assurer que les personnes à qui cette transmission est faite sont soumises au secret professionnel et ont vraiment besoin, dans l'intérêt de l'usager, de ces informations. »

La rédaction de l'article 5 est donc très éloignée de ces réflexions. Votre texte part du principe qu’une bonne politique de prévention de la délinquance passe notamment par une clarification des missions qui visent à assurer la continuité et la cohérence de l'action sociale et éducative. C'est dans ce cadre qu’il autorise le partage d'informations, mais sans faire à aucun moment référence à l'accord préalable de la personne concernée. Or si les atteintes à la confidentialité sont possibles, elles doivent être strictement encadrées et compatibles avec le respect de la vie privée. C’est ce que nous défendons depuis le début de l’examen de ce texte.

La confidentialité constitue en effet un principe fondamental du travail social ; elle est même consubstantielle à son exercice puisqu’elle permet de travailler en confiance avec les familles. De telles dispositions conduiraient à soumettre la vie privée et familiale des personnes ainsi que leur vie personnelle à un contrôle administratif à la fois très lourd et intrusif.

La CNIL – qui a examiné pour avis le projet de loi le 13 juin 2006 – rappelle que « le partage d'informations entre travailleurs sociaux relatives à des personnes identifiées est légitime dès lors qu'il est strictement nécessaire à leur prise en charge et est réalisé dans l'intérêt des personnes concernées ». Si la CNIL considère que le projet va en ce sens, elle souligne toutefois que « demeure la disposition selon laquelle les informations confidentielles nécessaires à l'exercice des compétences dans les domaines sanitaire, social et éducatif peuvent être révélées au maire ou à son représentant par le professionnel intervenant seul et le coordonnateur ».

Ce texte, s'il était adopté, se révélerait inefficace, anticonstitutionnel et dangereux.

Il repose sur l’idée selon laquelle le secret professionnel serait un obstacle à la protection des personnes. La fin justifierait donc les moyens : la protection des personnes vulnérables vaudrait bien une petite entorse à la vie privée de chacun ; une meilleure coordination des services sociaux serait un moyen d'efficacité accrue et aurait permis d'éviter certains drames.

Ce texte, ensuite, est contraire à nos engagements internationaux. L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui prévoit les exceptions rendant possible la levée du secret professionnel, ne mentionne pas le cas des difficultés sociales, éducatives ou matérielles. De surcroît, la formulation vague du texte n’est pas conforme au principe de précision de la loi pénale, principe ayant valeur constitutionnelle et nécessaire à la sécurité juridique des citoyens. Ceux qui s'adressent aux services sociaux éprouvent tous des difficultés sociales, éducatives ou matérielles nécessitant en général l'intervention de plusieurs acteurs : tous seraient donc susceptibles d'être signalés au maire.

Le secret professionnel est un indicateur de la valeur démocratique des sociétés. Seuls les pays soucieux de tolérance protègent les personnes dans ce qui relève de leur santé, leurs mœurs, leur appartenance ethnique, politique, religieuse et philosophique. L'agonie du secret professionnel, dispositif juridique destiné à protéger ces informations, marque un danger pour nos institutions et crée de l'inquiétude pour le citoyen qui se veut libre. Ce texte établit de surcroît un lien dangereux entre difficultés sociales et délinquance. Il obligerait en outre les travailleurs sociaux à signaler au maire les personnes en situation d'irrégularité, qui, par définition, connaissent des difficultés matérielles, sachant qu’en tant qu'officier de police judiciaire, le maire doit signaler les délits au procureur de la République. Cet article transformerait ainsi les professionnels du secteur social en de véritables délateurs obligés. C’est la raison pour laquelle, à juste titre, tous ceux qui travaillent dans ce secteur ont multiplié les collectifs, les adresses aux députés, au Gouvernement.

M. Jacques-Alain Bénisti. Vous avez une bien belle opinion des maires, monsieur Mamère ! Ils deviendraient selon vous des délateurs !

M. Noël Mamère. Monsieur Bénisti, il y a effectivement une attaque contre la confidentialité, contre les fondements du travail social, et une perversion parce que les travailleurs sociaux ne souhaitent pas devenir des délateurs obligés, pas plus que le maire ne veut devenir le réceptacle d’informations strictement privées et avoir des comptes à rendre sur ce sujet au procureur de la République. Nous ne sommes pas dans la société orwellienne de 1984, ni dans celle du Big Brother D’Aldous Huxley.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Quelle outrance.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pecresse.

Mme Valérie Pecresse. Nous nous expliquons assez mal l’ampleur de la polémique qui agite les bancs de la gauche sur ce texte. À bien y réfléchir, je crois que l’opposition est très dérangée par l’idée que, dans notre politique de lutte contre la délinquance, nous allons inclure un grand volet préventif. Elle est très perturbée par l’idée qu’un texte porté principalement par le ministre de l’intérieur puisse venir la concurrencer sur le terrain social. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

J’ajoute que l’article 5 est crucial parce qu’il reconnaît le rôle prééminent de l’action sociale et de l’action éducative dans la lutte contre la délinquance. Je suis fière que, sur les bancs de mon groupe, on reconnaisse cela. Qu’on parle d’action sociale, ça ne devrait pas vous déranger, bien au contraire.

Je rappelle la genèse de cette question du partage d’informations soumises au secret professionnel. Vous savez que dans le cadre de la mission d’information sur la famille dont j’ai été la rapporteure et que Patrick Bloche présidait – Mme Adam a parlé du « rapport Bloche-Pecresse », mais c’est me faire beaucoup d’honneur que de considérer Patrick Bloche comme le co-auteur d’un rapport que j’ai écrit,…

Mme Patricia Adam. Il vous a précédé sur ce sujet et le rapport a été voté à l’unanimité !

Mme Valérie Pecresse. …d’autant qu’il a tout de même voté contre in fine, madame Adam,…

M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez raison : vous n’êtes pas polémique !

Mme Valérie Pecresse. …même si sur le volet « protection de l’enfance » nous étions unanimes, ce qui m’a fait énormément plaisir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christophe Caresche. Voilà ce que cachait votre ton doucereux, madame Pecresse !

M. le président. Chers collègues, n’oubliez pas que le temps des femmes est venu, y compris pour nous-mêmes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Valérie Pecresse. Mais il n’y a que certaines femmes qui ont le droit de finir de s’exprimer au Parti socialiste. (Mêmes mouvements.)

Dans le cadre de cette mission d’information sur la famille, nous avons tous été unanimes, à droite et à gauche, pour reconnaître qu’il y avait un problème de cloisonnement des services publics s’agissant de la protection de l’enfance et de l’action sociale. Nous avons montré qu’entre le département, qui a compétence générale en matière de protection de l’enfance, et les maires qui, eux, sont confrontés aux difficultés quotidiennes de la prévention de la délinquance, il n’y avait pas toujours de dialogue et de coopération. M. Lagarde ici présent, maire de Drancy, se souvient d’un exemple parlant : celui d’un cas de maltraitance à propos duquel la mairie de Drancy et le conseil général de Seine-Saint-Denis avaient eu du mal à se parler. Le constat est donc celui-ci : difficultés de coopération, cloisonnement entre les services publics, cloisonnement entre les différentes collectivités. Le consensus a été atteint sur l’idée que lorsqu’il existe des informations préoccupantes faisant craindre que la vie d’un enfant est en danger, il est nécessaire, même si l’intimité de la vie privée des personnes est en jeu, que les professionnels, qu’il s’agisse des enseignants, des travailleurs sociaux, des médecins, des personnels des collectivités locales ou de l’État, se parlent.

M. Patrick Braouezec. Ils se parlent déjà ! Heureusement d’ailleurs !

Mme Valérie Pecresse. C’est pour faciliter cette communication que nous avons proposé la création d’une cellule de signalement unique qui coordonnerait et rassemblerait l’ensemble des informations préoccupantes. Cela évitera que l’irréparable soit commis avant que la puissance publique puisse réagir, alors que chacun avait une pièce du puzzle.

Cette mission d’information portait sur la protection de l’enfance ; aujourd’hui nous débattons de la prévention de la délinquance. Ce texte a le mérite de reconnaître au maire un rôle qui est désormais central dans sa vie publique : celui de prévenir la délinquance dans sa commune. Se pose, là aussi, la question très délicate des informations qui lui sont communiquées et de son accès aux informations préoccupantes concernant les habitants de sa commune, particulièrement les plus jeunes d’entre eux. Il faut évidemment que nous définissions à cet article 5 les conditions dans lesquelles ce partage d’informations va être effectué. Et il faut que ces conditions soient en cohérence avec le projet de loi sur la protection de l’enfance, même si les dispositifs ne peuvent être totalement identiques. En effet, je ne rejoins pas ma collègue Patricia Adam : je crois qu’il ne peut pas y avoir un article identique à celui du projet de loi sur la protection de l’enfance parce qu’il y a des contraintes particulières liées à la prévention de la délinquance, en termes de sécurité publique et de sécurité des personnes – par exemple, c’est le maire et non le président du conseil général qui sera amené à intervenir.

Quels sont les cinq piliers…

M. Jean-Marie Le Guen. De la sagesse !

Mme Valérie Pecresse. …qui doivent soutenir cet article, cinq principes qu’on retrouve dans le texte et que nous proposerons d’améliorer par certains amendements ?

Le premier principe, c’est la précaution : il faut que les informations communiquées soient strictement nécessaires à l’exercice des compétences d’action sociale du maire. C’est ce que dit le texte.

M. Noël Mamère. Comment le vérifier ?

Mme Valérie Pecresse. Et il n’y a pas d’atteinte à la vie privée si les informations communiquées sont strictement nécessaires.

M. Noël Mamère. Qui définirait leur nécessité ?

Mme Valérie Pecresse. De la même façon, pour conforter les travailleurs sociaux dans leur mission de soutien et d’assistance aux familles sans pour autant compromettre l’efficacité de notre politique, le texte propose, à très juste titre, la désignation d’un coordonnateur parmi les professionnels. Cela veut dire que les travailleurs sociaux s’en remettront à l’un d’entre eux, qui sera soumis à leurs règles de déontologie, pour ce partage d’informations. C’est une disposition cardinale de ce projet de loi.

L’article 5 prévoit également une coopération étroite entre le maire et le président du conseil général – ce qu’il faudra faire aussi dans le projet de loi relatif à la protection de l’enfance. C’est un sujet extrêmement délicat compte tenu des susceptibilités, à la fois personnelles et politiques, qui peuvent se manifester sur le terrain.

En outre, il y a la question de l’information des familles. Mme Adam en a parlé, mais je crois qu’il faut faire attention : si informer des familles pour leur faire partager certaines données qui les concernent est envisageable, c’est à condition que cette information ne mette pas en cause la sécurité des personnes ni l’efficacité des politiques menées.

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

Mme Valérie Pecresse. Il faut donc être très attentif sur ce point. Et il n’est évidemment pas question de solliciter l’accord des familles s’agissant d’informations sur le danger couru par un enfant ou en matière de prévention de la délinquance. On n’obtiendrait jamais cet accord.

M. Pierre Cardo. C’est évident !

Mme Valérie Pecresse. Enfin, la dernière condition, c’est la nécessité de soumettre au secret professionnel les maires et les présidents de conseil général qui deviennent détenteurs d’informations relevant elles-mêmes du secret professionnel. Cela a été prévu dans le texte du Sénat. Un amendement du rapporteur risquerait de supprimer cette disposition, alors qu’il faut la conserver parce que les sénateurs ont très justement estimé que, dès lors qu’on était détenteur d’une information couverte par le secret professionnel, on devait être soi-même tenu au secret.

Dès lors cet article 5 est totalement cohérent avec le dispositif prévu en matière d’action sociale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. J’entends bien ce que vient de dire Mme Pecresse : nous avons beaucoup travaillé ensemble, nous sommes tombées d’accord sur certaines questions…

M. Jacques-Alain Bénisti. Ah, tout de même !

Mme Patricia Adam. …et en désaccord sur d’autres. Rassurez-vous, il n’y aura pas d’unanimité !

Nous sommes tous d’accord sur la coordination. Mais encore faut-il en définir les conditions, les références juridiques, et préciser les compétences de chacun : les lois de décentralisation, la loi relative à la protection de l’enfance et le décret publié début septembre sur le contrat de responsabilité parentale délimitent clairement, à cet égard, les rôles respectifs du maire et du président du conseil général. Or, selon ces textes, c’est bien ce dernier qui coordonne et met en œuvre les politiques d’action sociale.

Vous m’objecterez que le texte dont nous débattons n’a rien à voir avec la loi relative à la protection de l’enfance. Il évoque pourtant les mêmes thèmes, et se réfère au même code.

Mme Valérie Pecresse. C’est un contresens absolu ! Les mineurs ne sont pas tous délinquants !

Mme Patricia Adam. Je vous ai écouté, madame Pecresse : laissez-moi poursuivre.

Je voudrais simplement citer le rapport de M. le sénateur About. Bien que n’étant pas du même bord politique que moi, il a écrit des choses que je pourrais cosigner. Ses propositions sont d’ailleurs cohérentes avec les demandes des acteurs de l’action sociale et des personnes qui travaillent depuis longtemps sur le sujet.

Je le cite : « le texte fait abstraction des compétences d'ores et déjà attribuées à d'autres échelons de collectivité en la matière. Or, la coordination de l'action sociale relève, depuis les premières lois de décentralisation, du département et, malgré certaines imperfections, on ne peut que se féliciter de la façon dont les conseils généraux assurent cette mission.

« Par ailleurs, il convient d'éviter une confusion des rôles » – je souscris tout à fait à ce point –, laquelle « pourrait conduire à des malentendus regrettables : l'action sociale en faveur des familles en difficulté a une vocation beaucoup plus large que d'assurer la seule prévention de la délinquance. Ainsi, si le maire est le mieux placé pour veiller à la sécurité au niveau local, il n'est pas certain qu'il en aille de même en matière d'action sociale, car la plupart des moyens d'intervention disponibles en la matière » – nous le savons bien – « ne relèvent pas de la commune », mais bien du président du conseil général.

M. Jacques-Alain Bénisti. Que ne faut-il pas entendre ! Mais quelle opinion avez-vous donc des maires ?

M. Jean-Marie Le Guen. Calmez-vous, monsieur Bénisti : ce sont les termes employés par Nicolas About !

Mme Patricia Adam. « Votre commission, poursuit M. About, estime donc au total qu'il serait paradoxal de voir le maire coordonner l'intervention de services qui relèvent pour l'essentiel d'autres collectivités, au premier rang desquelles le département. »

Voilà ce qu’a écrit M. About, qui propose, comme nous le faisons d’ailleurs dans nos amendements, de confier au président du conseil général – après que celui-ci en aura discuté avec le maire –,…

M. Pierre Cardo. Nous allons attendre longtemps !

Mme Patricia Adam. …« le soin de désigner à titre principal qui, parmi les différents travailleurs sociaux, assumera le rôle de coordonnateur ».

Après l’incohérence, la confusion : j’en viens à la sécurisation des informations. M. About écrit à ce sujet que la procédure de partage des informations « risque de semer la confusion parmi les travailleurs sociaux dans la mesure où elle diffère de celle retenue dans le cadre de la protection de l’enfance ».

Comment en effet les travailleurs sociaux pourront-ils savoir s’ils doivent ou non transmettre les informations, sachant notamment que certaines familles ont des problèmes qui peuvent relever à la fois de la prévention de la délinquance, de la protection de l’enfance et de l’action sociale ?

« C'est pour résoudre ces difficultés, poursuit M. About, que votre commission propose de prévoir un dispositif de secret professionnel partagé sur le modèle de celui retenu par le projet de loi relatif à la protection de l'enfance. »

Je veux bien, monsieur Bas, que le présent texte n’ait rien à voir avec la loi relative à la protection de l’enfance, mais lorsque le rapporteur pour avis au Sénat écrit et signe le contraire, je ne saisis plus très bien la cohérence entre votre action et celle de M. Sarkozy ! Ces deux textes, je le répète, se réfèrent au même code, visent les mêmes professionnels et les mêmes employeurs : en matière d’action sociale, c’est, pour l’essentiel, le président du conseil général qui coordonne les choses – les associations œuvrant en ce domaine utilisant les budgets qui leur sont alloués par ce dernier. Mieux vaudrait donc que les deux textes soient cohérents !

Votre projet est donc incohérent et dangereux. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de pointer, avec certains amendements que j’ai lus attentivement, d’autres incohérences et d’autres dangers encore. Si en particulier le secret professionnel, fondement de la confiance entre les professionnels et les familles, n’est plus assuré, c’est le travail social lui-même qui ne pourra plus s’exercer. Dès lors, et peut-être est-ce le souhait de M. Sarkozy, une politique exclusivement sécuritaire remplacera l’action sociale, l’aide et l’accompagnement des familles.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Permettez-moi une remarque préliminaire d’ordre général : si nous étions sous mandat unique, ce débat n’aurait pas du tout la même teneur, et certains collègues n’auraient pas le sentiment d’être ainsi remis en cause dans certaines de leurs autres fonctions.

En ce qui concerne l’article, je voudrais insister sur trois points, qui illustrent les ambiguïtés, les dangers et l’inefficacité du texte : le rôle que l’on veut confier au maire, la tension entre l’action sociale et l’ordre public et enfin le problème du dépistage.

Nous connaissons tous l’importance que revêtent aujourd’hui, pour l’opinion publique, les questions relatives à la sécurité. Certains maires sont soumis aux demandes pressantes de la population en ce domaine et, voulant y répondre, se laissent quelque peu griser par l’espoir de tout savoir et de tout maîtriser. Pourtant, ces problèmes les dépassent comme ils dépassent, par certains aspects, les pouvoirs publics. Cette surenchère effrénée pour maîtriser la situation est au mieux vouée à l’échec et au pire, conduit à un monde orwellien, où le maire, au nom de l’efficacité de l’action publique, devient le dépositaire de toutes les informations touchant à ses administrés. Perspective d’ailleurs utopique, notons-le au passage : si l’on peut en effet concevoir que, dans une commune de 10 000 ou 15 000 habitants, le maire puisse avoir connaissance de certaines situations, dans des communes plus importantes, ce n’est évidemment plus le cas.

M. Jacques-Alain Bénisti. Le maire n’est pas seul !

M. Richard Dell'Agnola. Il a autour de lui des services municipaux !

M. Jean-Marie Le Guen. Ces informations soumises au secret seraient donc, dans ces villes, partagées avec les services municipaux ? La remarque est d’autant plus significative que certains collègues, de bonne foi, ont fait valoir sur cette question leur déontologie de maire : dont acte, encore qu’ils n’aient pas été élus pour avoir accès à de telles informations. Mais que les services municipaux le puissent, c’est une tout autre histoire, qui montre la limite d’un exercice que certains, dans les rangs de la majorité et parfois au-delà, voudraient voir appliquer. Ce mirage de l’information absolue, je le répète, est un véritable danger, non seulement pour le statut du maire, mais aussi pour la société.

Deuxième point : la tension permanente, dans ce texte, entre protection de l’enfance et prévention de la délinquance. Les travailleurs sociaux missionnés par la puissance publique – conseil général, municipalité ou État – le sont-ils au nom de la défense de l’enfant ou de l’ordre public ? Cette question fondamentale touche à la déontologie de leur mission. Certains médecins savent très bien, par exemple, combien un tel problème peut s’avérer douloureux. Pour ma part, je crois que toute la déontologie du travailleur social repose sur la défense de l’intérêt de l’enfant. Et si le texte sur la protection de l’enfance, que l’on peut améliorer sur ce point, permet un partage du secret professionnel entre différents intervenants, c’est précisément parce que ces intervenants sont liés par une même déontologie et ont un même objectif de base : la défense de l’intérêt de l’enfant. On ne peut pas demander à ces travailleurs sociaux, sauf à vouloir les plonger dans une sorte de schizophrénie, de retourner leur veste et de se mettre à défendre l’ordre public ! Celui-ci doit évidemment être défendu, ce n’est pas moi qui dirai le contraire, mais comment, sauf dans des cas où l’éthique l’exige clairement, le demander à un travailleur social, ou d’ailleurs à un médecin ?

Passer d’un texte à l’autre, à cet égard, c’est changer de monde : qu’elle le fasse ou non avec fracas, la machine va se bloquer ! On ne peut demander à ceux qui cherchent toute la journée à gagner la confiance des familles de trahir, le soir, leur mandat ! L’ordre public doit être défendu, mais autrement : vous ne pouvez pas, je le répète, plonger les travailleurs sociaux dans une telle schizophrénie professionnelle. Cela serait particulièrement dangereux pour les libertés individuelles, compte tenu de la tension permanente entre celles-ci et la nécessité de l’ordre public.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. J’accélère, monsieur le président – j’interviendrai moins longtemps sur les amendements –, pour en venir à mon troisième point. Du point de vue de la philosophie de ce texte, il est paradoxal de voir le ministre de l’intérieur – car c’est bien de lui qu’il s’agit, davantage que du ministre présent sur le banc du Gouvernement cet après-midi – inverser les termes du problème : alors qu’il ne croyait qu’aux vertus de la répression et refusait toute forme d’explication – au motif qu’elle s’apparenterait à une excuse –, il passe maintenant à un déterminisme social absolu, qui l’amène à considérer qu’il y a des « classes dangereuses » qui menaceraient l’ordre public. Refuser d’accepter le contexte social comme explication, puis en faire un élément prédictif de la délinquance, est un retournement tout à fait saisissant, d’autant que la première assertion est aussi fausse que la seconde, laquelle mène en outre à un véritable dépistage social. De la même façon, il a été question – mesure Dieu merci écartée – de procéder à un dépistage mental chez les enfants.

M. le président. Monsieur Le Guen, veuillez vraiment conclure.

M. Jean-Marie Le Guen. J’en termine, monsieur le président.

Il y a bien sûr des liens entre troubles mentaux, troubles sociaux et troubles à l’ordre public. Mais au nom de ce que nous avons construit depuis des dizaines d’années, en France et dans tous les pays occidentaux, sur la base des acquis des sciences sociales, gardons-nous de subvertir l’action sociale pour en faire un outil de répression : c’est inefficace et dangereux.

M. le président. Chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole sur un article est limité à cinq minutes par orateur.

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. L’article 5 a le mérite de reconnaître clairement au maire un rôle de coordonnateur, tâche dont il n’est certes pas facile de définir les limites

Cela étant, le secret professionnel ne doit en aucun cas être utilisé au détriment de celui qui doit en bénéficier, et tout la difficulté tient dans le fait que, dans certains cas, la rétention d’informations, qui découle de ce secret professionnel, peut elle aussi provoquer des dégâts.

J’ai noté avec surprise qu’on a tendance à inclure les maires parmi les responsables de l’ordre public. Or, je considère, pour ma part, que mon rôle est d’essayer de maintenir la paix sociale.

Mme Patricia Adam. C’est le texte qui le dit, ce n’est pas nous.

M. Pierre Cardo. Non, je parle pour l’instant de l’article 5, où il n’est rien dit de tel.

Compte tenu de la multiplication des acteurs sur le territoire communal, il peut paraître logique de demander aux maires de mettre en place des politiques territoriales, pour coordonner les différentes interventions. La seule difficulté, c’est qu’il n’existe pour cela ni procédure ni chef d’orchestre, ce qui induit de forts risques de dysfonctionnement.

La délinquance n’est pas un statut On y vient, mais on peut aussi en sortir – c’est en tout cas l’objectif de la prévention, qui vise à éviter qu’un individu s’installe de manière durable dans un mode de comportement délictueux. Un gamin suit tout un itinéraire avant d’arriver à se comporter d’une manière jugée intolérable par la société, car il est un danger, non seulement pour lui, mais aussi pour les autres. Or le drame français, c’est que l’on considère qu’un spécialiste est en mesure de régler le cas de ce gamin, alors que la multiplicité des problèmes qui l’ont conduit là où il est relève de plusieurs intervenants.

Vous dites que c’est au conseil général de coordonner ces différentes interventions et d’organiser le travail en réseau : je ne suis pas tout à fait d’accord. Il me semble, au contraire, que, sur les territoires communaux, la seule instance exécutive qui puisse prendre des décisions et insuffler une dynamique dans le travail de tous les acteurs, c’est plutôt le maire. Je ne vois pas pourquoi, en effet, on ferait davantage confiance aux présidents de conseils généraux – qui n’ont souvent aucune expérience du terrain – qu’aux maires, trop souvent diabolisés.

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien ! C’est important de le dire.

M. Pierre Cardo. Il est vrai qu’il arrive aussi aux maires de diaboliser les autres intervenants – enseignants ou magistrats, par exemple. Reste qu’ils sont les mieux placés, d’après moi, pour assurer la coordination de la prévention, ainsi que les y destine ce texte.

J’illustrerai mon propos par un exemple très concret. En 1990, à la suite des premières émeutes dans des communes de la région parisienne et d’ailleurs, les travailleurs sociaux et les enseignants se sont réunis avec l’ensemble des acteurs concernés pour trouver des solutions et identifier les responsables. Quarante mineurs connus des enseignants, du milieu associatif, des services municipaux et de la police ont été recensés. Ils étaient en revanche inconnus des services sociaux, à l’exception de la famille de l’un d’entre eux, parce qu’elle avait fait appel à leur aide – le mineur en tant que tel n’étant donc pas directement concerné.

Pour des raisons que je ne vais pas analyser maintenant, on assiste aujourd’hui, dans les quartiers difficiles, à un désengagement institutionnel qui fait que les travailleurs sociaux ne sont pas forcément les mieux informés sur la situation des familles ni les mieux à même pour détecter les risques de délinquance. D’autres acteurs possèdent, eux, cette information, qu’il convient de partager et de faire circuler pour identifier, le plus rapidement possible, les enfants et les familles les plus exposés au risque de délinquance. Le rôle du maire, tel que le définit ce texte, est très important dans ce domaine, et il est positif qu’il puisse s’investir dans la coordination d'un projet qui permette de détecter les problèmes et d’agir en amont, avant que soient impliqués le conseil général ou le juge des enfants.

On fait donc un procès injuste à ce texte, qui a le mérite d’aborder la question, rarement évoquée, du statut du maire. Encore faudrait-il le traiter en profondeur, au lieu de parler du Paris–Saint-Germain et de plein d’autres choses moins essentielles. Ce n’est pas parce que je suis maire que je ne suis pas compétent et que le travail de mes services ne peut pas aider des enfants et des familles à s’en sortir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques-Alain Bénisti. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Cet article traite du secret professionnel et consacre deux principes – nous aurons l’occasion d’y revenir abondamment lors de l’examen des amendements.

Le premier concerne le partage d’informations confidentielles entre les professionnels de l’action sociale. Or, ils partagent déjà entre eux des informations utiles, en bonne intelligence et avec discernement, dans le respect de la vie privée et dans l’intérêt des personnes dont ils ont la charge.

Le second est celui de la communication systématique au maire de ces informations à caractère confidentiel. Là encore, ces informations sont d’ores et déjà révélées au maire lorsque les cas d’espèce justifient son intervention. L’essentiel est donc fait aujourd’hui.

J’entends bien ce que disait Valérie Pécresse, à savoir qu’il peut exister des conflits entre travailleurs sociaux relevant de collectivités distinctes. Mais cela se réglera-t-il par la loi et par la contrainte ? L’idée sous-jacente qui s’est introduite subrepticement dans le débat, c’est qu’il existerait des conflits entre le président du conseil général et les collectivités locales et qu’il s’agirait de les régler en consacrant la primauté du maire. Or ce n’est pas à un dispositif d’action sociale qu’il appartient de régler ce type de problèmes.

Les sénateurs ont modifié la rédaction du projet de loi pour intégrer le président du conseil général au dispositif de prévention. Sans rien changer à sa philosophie générale, cela va susciter – nos débats le prouvent – autant d’interprétations des dispositions prévues qu’il y aura de lecteurs, d’intervenants sociaux, de présidents de conseil général et de maires.

D’autre part, se pose la question de la compatibilité de cet article avec l’article 9 du code civil, relatif au respect de la vie privée, et avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui énonce que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. La CNIL relève d’ailleurs, dans son avis du 13 juin 2006, que ces dispositions « apparaissent disproportionnées au regard des objectifs poursuivis » et souligne que « si le maire a vocation à connaître de façon ponctuelle des données sur les personnes sollicitant des aides facultatives qui relèvent traditionnellement de ses compétences, il n’a pas à être rendu systématiquement destinataire des informations que les professionnels de l’action sociale sont conduits à recueillir auprès des personnes et des familles en difficulté, dans le cadre des relations de confiance qu’ils nouent avec elles et des garantie de confidentialité qu’ils leur apportent. Le fait que désormais le maire pourrait accéder à ces informations sociales sensibles est de nature à remettre en cause les relations de confiance et d’efficacité de l’action sociale entreprise. »

L’exposé des motifs du projet de loi justifie ces dispositions disproportionnées par l’existence d’obstacles institutionnels à la coordination des interventions. Pourtant, le texte relatif à la protection de l’enfance, discuté en première lecture au Sénat, devrait lever les obstacles juridiques et légaliser le secret partagé, qui existe déjà dans les faits. Aussi aurait-il mieux valu faire les choses dans l’ordre et discuter de ce texte-là avant l’examen du projet sur la prévention de la délinquance.

Cela me conduit à penser que le projet a peut-être d’autres objectifs que ceux qu’il avoue, et qu’il entend organiser le contrôle social, grâce à la constitution par le maire de fichiers sur les mineurs et les familles en grande difficulté. Je pose alors la question : comment garantir aux citoyens qu’il sera toujours fait un bon usage de ces fichiers ?

Comme le souligne fort justement la CNIL, le partage obligatoire d’informations ne manquera pas de rompre le lien de confiance entre le travailleur social et les familles les plus en difficulté. La défiance les rendra de moins en moins accessibles à l’aide et au soutien des professionnels.

C’est la raison pour laquelle je crains que cet article ne soit contre-productif. Nous n’avons rien à gagner à éloigner les personnes en difficulté des dispositifs d’aide sociale en suscitant leur méfiance.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je ne suis pas certain que l’article 5 ait sa place dans le texte en discussion, dans la mesure où il ne parle pas de délinquance. Cela étant, comme je l’ai dit à l’occasion du débat en commission sur les articles 18 à 24, le véhicule législatif est sans grande importance, compte tenu, de surcroît, du désordre dans lequel nous légiférons. Sur le fond, quoi qu’il en soit, il n’y a pas de quoi en faire un drame, même si j’aurais préféré une rédaction légèrement différente.

Le Gouvernement a choisi sa voie, qui consiste à mettre le maire au centre de la prévention. Il s’agit en théorie de prévention de la délinquance, mais, plus globalement, cela revient à faire de la prévention de la détresse sociale – ce qui, jusqu’à présent, ne rentrait pas dans ses attributions. Fidèle à la ligne que j’ai annoncée en début de discussion, je soutiendrai donc cet article.

M. Patrick Braouezec. Mais de quelle prévention parlez-vous ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Il est contradictoire de critiquer le rôle de coordonnateur que ce texte assigne au maire et de reprocher dans le même temps à ce dernier de ne pas faire suffisamment de prévention, comme l’ont fait vos amis, monsieur Braouezec, en début de discussion.

Mais, si le maire n’est pas informé par les travailleurs sociaux, comment peut-il prendre des mesures de prévention adaptées aux situations les plus difficiles, puisque, dans un contexte d’aggravation de la délinquance, ce sont celles-ci qui sont visées ? Comment peut-il faire de la prévention auprès de jeunes qui connaissent de graves difficultés si on ne lui transmet pas l’information ? Et lorsque le maire est – enfin ! – informé par la police, c’est qu’il est déjà trop tard. Où est la logique ? On reproche au maire de ne pas en faire assez, mais on ne l’informe pas. Personnellement, j’avoue que, si je ne suis pas informé, je ne peux rien faire.

Il y a quelques jours, Jean-Yves Le Bouillonnec, qui connaît bien ces sujets, demandait, lors d’un rappel au règlement, pourquoi inscrire ce dispositif dans la loi, puisqu’on l’applique déjà dans les faits. J’estime pour ma part qu’il vaut mieux agir dans le cadre de la loi. D’autant que, malheureusement, la coordination se fait la plupart du temps en cas de crise. On réunit tout le monde – enseignants, assistants sociaux, intervenants du service jeunesse, médecins, représentants du procureur et de la police – mais seulement quand la maison a brûlé, rappelait Pierre Cardo. Pourquoi ne pas réunir tous ces intervenants avant que ne survienne un drame ? D’autant que, ensemble, ils sont plus efficaces. Je le vois aujourd’hui en ma qualité de maire, comme je m’en apercevais déjà il y a quelques années dans mes fonctions d’intervenant social auprès de l’éducation nationale : il n’y a pas assez de coordination autour des jeunes en difficulté.

J’ai bien compris vos propos sur la déontologie, monsieur Le Guen, mais l’ordre public n’entre pas en contradiction avec l’intérêt de l’enfant, bien au contraire : l’intérêt de l’enfant est de ne pas devenir un délinquant, et l’ordre public n’en sera que mieux garanti ! Je peux comprendre certaines réticences sur ce sujet, mais je crois qu’elles tiennent surtout au fait que ce texte est proposé par le ministre de l’intérieur, par ailleurs candidat à l’élection présidentielle.

M. Patrick Braouezec. Bien sûr que non !

M. Jean-Christophe Lagarde. Il y va à la fois de l’intérêt de l’enfant et de la société d’empêcher un enfant en situation de détresse sociale de basculer dans la délinquance. C’est une telle évidence qu’on ne pourra reprocher à personne d’avoir « retourné sa veste » en l’admettant.

Je vais maintenant vous expliquer comment, en l’absence de cadre législatif, cela se passe sur le terrain. Mme Pecresse a évoqué un événement dont on a beaucoup entendu parler, sans doute parce qu’il était un des plus choquants de ces dernières années et que, s’étant déroulé au cœur de l’été, les journalistes avaient pu s’y consacrer pleinement.

Dans ma commune de Drancy, vivait un couple, apparemment sans histoires, avec ses cinq enfants. Les parents ayant refusé que la PMI suive les enfants, l’alerte n’a pas été donnée. L’éducation nationale avait repéré, chez les plus grands, des troubles de comportement et des problèmes d’hygiène. Elle a donc saisi le tribunal pour enfants afin que des mesures soient prises. Ensuite, il ne s’est plus rien passé entre ces services qui disposaient pourtant du même signalement. Il ne s’agit pas là de prévention de la délinquance, dont cet article, d’ailleurs, ne traite pas…

Mme Patricia Adam. C’est bien le texte que M. Bas a présenté !

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est par le plus grand des hasards qu’une gardienne d’immeuble a vu des enfants en bas âge aller pieds nus, ce que n’avaient jamais signalé les voisins. Elle a prévenu la police municipale qui s’est rendue sur les lieux pour raccompagner les enfants chez eux. Après avoir ouvert la porte, on a découvert un véritable cloaque – qui a pu remplir pas moins de huit bennes à ordures – et un enfant de quatorze mois pesant seulement 3,4 kg !

Je vous livre ce témoignage en tant que maire, et sans porter le moindre jugement : le tribunal pour enfants, la PMI, la brigade des mineurs et l’ASE – l’aide sociale à l’enfance – savaient qu’il y avait un problème et qu’il fallait faire une enquête. Mais ils n’y a eu aucune concertation entre eux.

M. Pierre-Louis Fagniez. C’est à cause du cloisonnement, comme souvent.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je parle bien de prévention sociale et non de prévention de la délinquance, chers collègues.

Je n’accuse personne : il y a eu dysfonctionnement par manque de coordination entre les services. Que s’est-il passé depuis ? J’ai été auditionné par la commission, ainsi que M. Gilles Garnier, vice-président du conseil général, et ce dernier a lancé des investigations pour tenter de mettre fin à ces dysfonctionnements.

Le 16 novembre dernier, je reçois un courrier à propos d’un cas que j’avais signalé quinze jours auparavant. Traumatisés par les récents événements, plusieurs habitants d’un immeuble m’avaient en effet informé qu’une femme, déjà mère de deux enfants confiées à la DDASS, passait ses journées à crier sur son dernier enfant, âgé d’environ un an et que, peut-être, elle le frappait.

Cet enfant étant suivi par la PMI, j’alerte celle-ci et je demande au directeur des centres de santé de ma municipalité de s’informer de la situation – tout en tenant compte du secret professionnel, que je ne conteste pas.

Or, le 16 novembre dernier, le directeur de la PMI – pourtant employé de la mairie, même si son poste est financé par le conseil général…

Mme Patricia Adam. Pas forcément ! Cela dépend des communes !

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est le cas chez moi.

Le 16 novembre dernier, le directeur de la PMI m’écrit qu’après avoir évalué la situation, il a fait part de l’affaire à l’inspectrice de l’aide sociale à l’enfance ; toutefois, la responsable de circonscription de la PMI étant seule garante de l’exécution de la convention entre le conseil général et la municipalité, et compte tenu des obligations légales de secret professionnel, il n’est pas possible, m’indique-t-on, de me transmettre les documents.

De son côté, la responsable de la PMI, en tant que représentante pour les missions de PMI du conseil général à Drancy et garante de l’exécution de la convention entre la municipalité et le conseil général, me rappelle que tous les professionnels de la PMI sont soumis au secret professionnel – je pense au cas, que j’ai évoqué, des cinq enfants et du bébé de quatorze mois pesant 3,4 kg –, mais qu’ils sont autorisés à le rompre pour signaler les enfants en danger aux services du conseil général, en charge de la protection de l’information. Elle me rappelle aussi que les services municipaux n’ont pas reçu cette compétence et elle conclut en me demandant pourquoi je désire avoir connaissance de cette information puisque les services compétents suivent ces affaires. Circulez, il n’y a rien à voir ! Après ce qui s’était déjà passé dans ma commune, c’est inacceptable !

Mme Valérie Pecresse. Qui est donc responsable ?

M. Jean-Christophe Lagarde. On aurait pu penser que le directeur des centres de santé, lui-même médecin, pouvait être tenu informé, afin qu’il puisse me transmettre certaines informations, après avoir effectué un tri. Il est en tout cas anormal que je sois tenu dans l’ignorance des suites d’une affaire, alors qu’on a porté à ma connaissance des éléments pouvant être à l’origine d’un drame.

Si ce projet de loi porte sur la prévention de la délinquance, l’article 5, quant à lui, ne traite que de la prévention sociale. Compte tenu des difficultés que nous éprouvons pour travailler en compagnie des travailleurs sociaux dans des affaires relevant de la simple prévention sociale, vous imaginez les difficultés qui nous attendent en matière de prévention de la délinquance si ce texte n’est pas voté !

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je préfère donc un texte qui nous permette d’avancer dans le bon sens. J’aurais toutefois préféré un système plus simple, qui donne au maire la capacité de réunir autour de la table toutes les instances concernées, au lieu de le rendre responsable de l’intégralité des dossiers.

M. Patrick Braouezec. C’est autre chose !

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur Braouezec, j’essaie de trouver le point d’équilibre.

J’accepterai toutefois les mesures qui nous sont présentées, car on ne m’enverra plus dans le mur quand je signalerai des enfants en danger. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Lagarde, vous avez parlé treize minutes, mais c’était particulièrement intéressant.

M. Patrick Braouezec. Voilà qui est sympathique pour les autres orateurs !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je ne parlerai pas treize minutes, monsieur le président !

J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt les propos de M. Lagarde. Il y a effectivement eu des dysfonctionnements dans la coordination entre certains services. C’est indéniable. Tout le monde ici pourrait en donner des exemples…

Mme Patricia Adam. En effet !

Mme Martine Billard. De tels dysfonctionnements aboutissent parfois à un drame, voire à des morts d’enfants.

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est bien de le reconnaître !

Mme Martine Billard. Mais le maire doit-il assumer la responsabilité de la coordination des services ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Il doit être informé.

Mme Martine Billard. Il existe aussi des dysfonctionnements dans les domaines de la santé et de la justice, par exemple. Allons-nous élaborer de nouvelles lois pour donner autorité au maire sur des services qui ne relèvent pas de sa compétence ?

M. Jacques-Alain Bénisti. Dans le champ de sa commune, oui !

Mme Martine Billard. Aujourd’hui, les responsabilités sont attribuées précisément à tel ou tel service. Allons-nous faire du maire un shérif qui décide de tout ? Même si vous le souhaitiez, ce serait impossible. On ne peut pas confier la coordination au maire dans les grandes villes, certains d’entre vous l’ont reconnu, mais ce n’est pas non plus souhaitable dans les autres. C’est sur ce point que votre texte reste dans le flou.

Il faut trouver le moyen de renforcer la coordination des politiques : le maire doit avoir pour rôle de coordonner les objectifs et les politiques menées,…

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

Mme Martine Billard. …mais il n’a pas à s’immiscer dans la situation personnelle des familles.

M. Jacques-Alain Bénisti. Il en serait bien incapable !

Mme Martine Billard. Le fantasme d’essayer de définir des profils de délinquants n’est pas nouveau. Durant ces vingt dernières années, plusieurs gouvernements de droite ont tenté d’y parvenir, au prétexte de prévenir la délinquance. Mais un tel profil n’existe pas.

Le texte évoque « l’aggravation des difficultés sociales, éducatives ou matérielles ». En quoi de telles difficultés constitueraient-elles un terreau pour la délinquance ? Comme l’a souligné Jean-Marie Le Guen, vous nous reprochez de faire un lien entre origine sociale et délinquance, mais vous faites vous-même ce lien ! Allez-vous à nouveau identifier les classes populaires aux classes dangereuses ? Certains laissent même entendre que les enfants de mères célibataires ont le profil de délinquants potentiels. Ce n’est pas acceptable. Il est des jeunes issus de milieux populaires qui ne posent aucun problème alors que d’autres, de milieux très riches, deviennent des délinquants. Associer difficultés sociales et prévention de la délinquance est inadmissible.

Que se passera-t-il si le maire est défaillant ? Après tout, les élus sont comme tous nos concitoyens, plus ou moins capables ; et les meilleurs d’entre eux peuvent se retrouver débordés. À qui ferez-vous appel pour remplacer un maire qui lui-même se sera substitué à des services en proie à des dysfonctionnements ? Ce n’est pas sérieux !

M. Jacques-Alain Bénisti. Donc tout va bien ! Ce n’est pas la peine de discuter !

Mme Martine Billard. Cet article n’a rien à faire dans un texte de prévention de la délinquance. En la matière, la coordination des politiques doit être renforcée, c’est indéniable. Mais il existe déjà les contrats locaux de sécurité. Recherchons ce que l’on peut faire pour les améliorer, ou pour faciliter la remontée d’informations sur la situation des quartiers – je ne parle pas de renseignements de nature personnelle. Mais il n’y a pas lieu de lever le secret professionnel en faveur du maire.

M. Noël Mamère. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. À vous écouter les uns et les autres, on mesure tout ce qui sépare un simple député et un député-maire – M. Le Guen et M. Lagarde, par exemple. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Je le dis sans intention polémique.

M. Jean-Marie Le Guen. Je suis fier de ne pas être maire ! Cela me permet d’être présent dans cette enceinte, à la différence de certains !

M. Pierre Cardo. Nous aussi, nous sommes là !

M. Jacques-Alain Bénisti. Lorsque le ministre de l’intérieur a demandé en 2003 que soit créée une commission « prévention de la délinquance » au sein du groupe parlementaire d’études sur la sécurité intérieure, en promettant d’en prendre en compte toutes les conclusions pour élaborer un projet de loi, il a voulu que des députés de tous bords y participent, mais surtout des députés-maires, élus dans des villes où se posent quotidiennement des problèmes de délinquance.

M. Jean-Marie Le Guen. Neuilly, par exemple ?

M. Jacques-Alain Bénisti. Il ne se doutait peut-être pas alors que ces trois années de discussions donneraient lieu à des propositions aussi concrètes, nées précisément de l’expérience locale des députés.

Mme Patricia Adam. On peut avoir cette expérience sans être maire !

M. Jacques-Alain Bénisti. Quand j’entends M. Le Guen affirmer que le maire ne doit se préoccuper que de sécurité et non d’action sociale, je mesure le fossé qui nous sépare ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Lorsque nous avons commencé à évoquer la question du partage du secret professionnel, chaque participant a fait part de son expérience. Je ne citerai pas de nom, mais je me souviens en particulier de l’histoire d’un député communiste, maire d’une commune située dans la banlieue lyonnaise.

M. Patrick Braouezec. Il n’y en a qu’un !

M. Jacques-Alain Bénisti. Une femme était venue le voir dans sa permanence pour lui signaler qu’elle entendait, depuis trois mois, chaque soir à la même heure, une fille de onze ans hurler. En fait, elle était violée chaque soir par son père.

Mme Patricia Adam. Nous pourrions tous citer des exemples comme celui-là !

M. Jacques-Alain Bénisti. Tenter d’en savoir plus a constitué pour lui un véritable parcours du combattant,…

M. Jean-Marie Le Guen. À quoi sert la police ?

M. Jacques-Alain Bénisti. …mais il a fini par apprendre que la police comme l’assistante sociale avaient été saisies sans que rien n’ait été fait.

Il s’agit de cas concrets, de faits qui se produisent toutes les semaines. M. Vaxès, qui a été maire, le sait pertinemment.

M. Michel Vaxès. C’est du ressort de la police !

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est en songeant à des faits de cette gravité que nous avons proposé au ministre de l’intérieur les dispositions concernant le partage du secret professionnel. Il n’est évidemment pas question pour le maire de demander aux travailleurs sociaux toutes les informations dont ils disposent.

Mme Patricia Adam. Encore heureux !

M. Patrick Braouezec. Vous ouvrez la boîte de Pandore !

M. Jacques-Alain Bénisti. En revanche, dans le cas où un adulte ou un enfant court un grave danger, le travailleur social doit partager son information avec le maire afin qu’ensemble – et c’est tout l’objet du texte –, ils puissent assurer la protection nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Manuel Valls.

M. Manuel Valls. Je suis moi aussi maire, mais nous sommes à l'Assemblée nationale. Chacun, ici, pourrait raconter les drames dont il a connaissance dans ses permanences. Il y aurait certes de quoi alimenter nos débats,…

Mme Henriette Martinez. Pour qui légiférons-nous, si ce n’est pour les gens concernés par ces drames ?

M. Manuel Valls. …mais nous risquons de perdre de vue certains principes.

Le maire est placé au cœur de tout, notamment depuis les émeutes urbaines de l’année dernière. Il est mis en avant et présenté comme le seul capable de répondre aux problèmes de notre société et de se faire entendre de la population. C’est le signe d’un recul de la parole politique au niveau national et, plus généralement, du rôle de l’État au niveau local. Maire d’une ville de 50 000 habitants, j’assume toutes sortes de responsabilités, parfois au-delà même de celles que nous confère la loi. Comme tous mes collègues, je souhaite un échange d’informations et une coordination avec les autres collectivités territoriales, mais j’attends surtout que l’État joue son rôle.

Je dois attirer l’attention de mes collègues sur le risque de dérive porté par l’article 5. Bien d’autres sujets peuvent en effet intéresser les élus locaux. Demain, peut-être, le maire voudra assumer les responsabilités du commissaire de police – à en entendre certains, nous n’en sommes pas loin. Avec la levée du secret professionnel, il pourrait également vouloir assumer celles du procureur. Après tout, dans ma ville, le palais de justice n’est qu’à quelques mètres de la mairie...

M. Pierre Cardo. C’est tout de même au législateur d’en décider !

M. Manuel Valls. Les maires sont tentés par cette dérive, parce que c’est vers eux que remontent toutes les demandes, notamment en matière de sécurité. Ils apparaissent en effet, sans doute à juste titre, comme les élus les plus proches des citoyens.

Mais il importe précisément que l’organisation des pouvoirs publics soit fondée, dans notre république, sur des règles claires, et que les citoyens puissent aisément connaître le rôle de chacun. Que ce soit en matière de sécurité, de prévention de la délinquance, de politique sociale ou familiale, les compétences de l’État, du conseil général, de la commune sont délimitées précisément. Mais le texte que vous nous proposez – et notamment son article 5 – entretient la confusion, au risque de compromettre la légitimité de chacun à intervenir. Et je n’évoque pas la question des moyens.

De plus, vous vous êtes arrêtés au milieu du gué. Ou bien il fallait aller jusqu’au bout de votre logique de démantèlement du rôle de l’État et proposer un texte modifiant de fond en comble l’organisation territoriale de notre pays et faisant du maire, comme dans d’autres pays, le pivot de tout. C’est ce que souhaitent certains d’entre vous,…

M. Pierre Cardo. Pas du tout !

M. Manuel Valls. …et cela revient à transformer le maire en shérif, même si M. le ministre de l’intérieur récuse cette idée. Ou bien il faut affirmer qu’il y a une place dans ce pays pour toutes les institutions et niveaux de collectivité, et qu’elles peuvent travailler en concertation. C’est d’ailleurs déjà le cas, notamment dans le cadre des contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, autour desquels se retrouvent maires, présidents de conseil général, travailleurs sociaux, etc. Peut-être faut-il améliorer cette concertation. Mais l’entre-deux est source de confusion.

C’est si vrai qu’aujourd’hui même, à Élancourt, le ministre de l’intérieur a demandé une nouvelle loi d’orientation et de programmation pour la police et la gendarmerie, oubliant sans doute qu’il est ministre depuis quatre ans, et a ajouté qu’il « ne faut pas laisser l’État se faire galvauder, abaisser, ridiculiser par les facilités et le renoncement. » Le ministre aurait dû être présent parmi nous aujourd’hui : il aurait pu mesurer combien ce texte abaisse le rôle de l’État sur le terrain, notamment dans le domaine social et dans celui de la prévention. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Si la commission des affaires sociales s’est saisie pour avis de ce projet de loi, c’est en raison de sa dimension sociale, particulièrement importante dans l’article 5. Ce texte permettra d’apporter une réponse efficace à la souffrance sociale endurée par de nombreuses personnes, ce qui est le meilleur moyen de prévenir la délinquance.

Coordination des interventions en matière d’action sociale en faveur des familles en difficulté et secret professionnel partagé sont les principales dispositions de cet article. Je ne suis pas choqué, pour ma part, que le maire reçoive la mission de coordonner l’action sociale sur le territoire de sa commune.

M. Patrick Braouezec. Ce texte ne traite pas de l’action sociale !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. J’ai tout de même le droit de parler de social, fut-ce dans un texte sur la prévention de la délinquance !

Il ne me choque pas que le maire autorise – sous certaines conditions, nous restons très prudents – le partage d’informations entre professionnels intervenant auprès d’une même famille, ni que ces informations soient divulguées au maire ou au président du conseil général, dans la mesure où cela apparaît nécessaire pour l’accomplissement de leurs missions.

L’objectif recherché est de décloisonner les interventions de différents « spécialistes » qui ne connaissent la situation sociale de la famille que sous un angle particulier et d’éviter que des situations dramatiques ne s’aggravent encore, faute d’une autorité ayant une vision globale de la situation de telle ou telle famille. Il revient donc au maire, sur proposition du président du conseil général et après accord de l’autorité dont relève l’intéressé, de désigner un coordonnateur parmi les travailleurs sociaux. Je ne vois pas comment on peut être choqué par cet effort de coordination.

Le second volet vise à donner une base légale à une pratique qui existe déjà dans le travail social : l’échange d’informations à caractère secret entre professionnels relevant d’autorités différentes. Certains d’entre eux sont, on le sait, soumis au secret professionnel ou tout au moins à un devoir de discrétion. Le texte limite strictement ces échanges d’informations à la détection des situations sociales graves et vise à protéger des personnes vulnérables. Qui pourrait s’en offusquer ? D’autant plus que le Sénat a remanié très profondément le dispositif du secret professionnel partagé afin de mieux l’encadrer. Je n’entrerai pas dans le détail, puisque des amendements portent sur ce sujet. Ce mécanisme de partage des informations confidentielles se situe à deux niveaux : d’une part, entre professionnels de l’action sociale, pour permettre une prise en charge globale et efficace, dans l’intérêt des bénéficiaires de l’accompagnement social ; d’autre part, au profit du maire et du président du conseil général, afin de leur permettre d’exercer leurs compétences respectives en matière d’action sociale et éducative. Ces dispositions adoptées au Sénat sont le fruit d’un compromis entre les « départementalistes », donc les membres des conseils généraux – et Dieu sait qu’ils sont nombreux au Sénat ! –, et les partisans d’une autorité de proximité, laquelle est représentée par le maire. Ce compromis a été trouvé davantage pour faciliter la coordination de l’action sociale que pour aider à la prévention de la délinquance, mais, on le sait, les deux vont souvent ensemble.

Cet article, je le répète, ne vise pas en premier lieu les familles dont les enfants sont en situation de délinquance, il s’agit beaucoup plus largement d’accompagnement social.

Enfin, il faut garder à l’esprit que certaines familles – et nous avons déjà eu l’occasion d’aborder ce sujet – pourront relever du dispositif de protection de l’enfance. Si la famille connaît, par ailleurs, une situation sociale complexe, le mécanisme de la coordination des interventions sociales sera mis en place. C’est la raison pour laquelle les deux textes – prévention de la délinquance et protection de l’enfance –, doivent être coordonnés. Je salue donc votre présence, aujourd’hui monsieur le ministre !

Mme Patricia Adam. Il est dommage qu’on n’y ait pas pensé plus tôt ! On aurait gagné du temps !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Mesdames, messieurs les députés, ce débat fait honneur à l’Assemblée nationale. Des questions de principe et des questions très concrètes ont pu être abordées ce qui facilitera, j’en suis sûr, notre discussion lorsque nous aborderons l’examen des amendements.

Je reviendrai pour ma part au texte. Certaines critiques me paraissent fort éloignées du contenu réel du projet qui vous est aujourd’hui soumis.

Comme vient de le souligner le président Dubernard, c’est tout simplement un texte d’équilibre. Il ne s’agit en effet certainement pas, comme le prétend M. Mamère, d’assister à l’agonie du secret professionnel et d’un appel à la délation. Nous entendons préserver le secret professionnel, nécessaire à la confiance qui doit présider entre les familles, les personnes aidées et les travailleurs sociaux, tout en assurant, dans l’intérêt même de ces personnes, une bonne coordination. Quand une famille ou des membres de la famille sont suivis par plusieurs travailleurs sociaux pour des raisons différentes, ceux-ci, même s’ils sont tenus au secret professionnel, doivent pouvoir échanger les informations nécessaires à une bonne prise en charge des problèmes rencontrés par la famille.

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais vous parlez de votre projet de loi relatif à la protection de l’enfance, monsieur le ministre, et non de celui dont nous discutons aujourd’hui ! Cela n’a rien à voir avec le texte relatif à la prévention de la délinquance !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Qui pourrait être hostile à une disposition visant tout simplement à améliorer le travail social auprès des familles ?

Mme Patricia Adam. Cela n’a rien à voir avec ce texte !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Ce texte reprend les mêmes principes qu’en matière de protection de l’enfance.

M. Jean-Marie Le Guen. Mais pas pour la même utilisation !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Par conséquent, ceux d’entre vous qui se déclarent favorables aux dispositions retenues dans le projet sur la protection de l’enfance ne peuvent donc que voter l’article 5 du projet de loi sur la prévention de la délinquance ! Ce sont les mêmes règles !

M. Jean-Marie Le Guen. Les finalités ne sont pas les mêmes !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Elles sont recopiées. Elles ont pour objet, je le répète, d’améliorer la qualité du travail social. C’est la raison pour laquelle je les défends, oui, avec un enthousiasme qui sera, je l’espère, à la hauteur de l’attente des députés de l’opposition qui se sont exprimés.

Le secret professionnel est important. Il existe en matière médicale comme en matière de justice, avec le secret de l’instruction.

M. Jean-Marie Le Guen. Il est mal respecté !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Lorsqu’un secret voulu par le législateur est violé, c’est, nous le savons, au détriment des personnes en faveur desquelles il a été prévu. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est profondément attaché au secret professionnel. Ce n’est toutefois pas une raison pour ne pas organiser, entre personnes soumises à ce secret, un travail en commun.

Quant au maire, il exerce d’ores et déjà des responsabilités qui l’amènent à être informé d’un certain nombre d’éléments relevant de la vie privée de nos concitoyens. Heureusement qu’il en est ainsi quand il préside une commission locale d’insertion ! Heureusement qu’il en est ainsi quand il doit instruire un dossier pour obtenir l’aide sociale du département !

Mme Patricia Adam. Ce sont les familles elles-mêmes qui fournissent les informations, pas les travailleurs sociaux !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Croyez-vous qu’il faille alors lui refuser l’information sur les revenus de la famille, la situation des parents, les liens entre les personnes ? Dans de tels cas, le maire a, lui aussi, pour l’exercice de ses responsabilités, accès à un certain nombre d’éléments qui relèvent de la vie privée des familles. Il ne s’agit pas de créer cette faculté, mais de l’aménager dans le cadre d’un travail social coordonné.

Je répéterai, pour que personne ne s’y trompe, ce qui est très clairement mentionné dans le texte. Ainsi, quand un travailleur social s’apercevra que des collègues aident la même famille, il le signalera alors au maire,…

Mme Patricia Adam. C’est ce qu’il fait déjà !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. …sans pour autant décrire ce qui arrive dans la famille, et il demandera que soit désigné un coordonnateur. Si ces travailleurs sociaux dépendent tous du département, il reviendra au président du conseil général de le nommer. S’ils dépendent de plusieurs autorités – caisse d’allocations familiales, organisme de logement social, centre communal d’action sociale et département –, le maire fera alors une proposition en accord avec l’autorité dont dépendent les travailleurs sociaux. Je précise que cela résulte d’une réflexion menée au Sénat. Le rôle du maire consiste donc simplement à prendre les décisions nécessaires pour permettre un travail social de qualité. Il ne s’agit en aucun cas de lui permettre d’aller regarder ce qu’il y a dans les dossiers du travailleur social ! Ce n’est pas son rôle ! Il ne pourrait, de plus, pas l’assumer !

En revanche, monsieur Le Guen, il est vrai qu’il peut arriver que le maire ait une décision à prendre. Il est alors normal, en application de nos textes actuels et non de ce projet particulier, que le travailleur social donne au maire les informations nécessaires pour qu’il puisse mettre en œuvre les dispositions légales qui relèvent de sa compétence. Nous ne faisons que reprendre dans ce texte sur la prévention de la délinquance ce qui se fait en matière de protection de l’enfance.

M. Jean-Marie Le Guen. Donnez-nous des exemples !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. En effet, depuis 1984, donc depuis qu’il est en charge de la protection de l’enfance, le président du conseil général accède à des informations couvertes par le secret.

M. Jean-Marie Le Guen. Pour la défense de l’enfant, pas de l’ordre public !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Il pourra par exemple saisir le parquet ou l’autorité qui devra prendre l’enfant en charge. Comment voulez-vous, alors que la loi donne de telles responsabilités au président du conseil général, lui interdire de les exercer en lui défendant l’accès aux informations nécessaires ? Il en va exactement de même pour le maire, qui n’aura d’informations sociales couvertes par le secret que dans la stricte mesure de ce qui est nécessaire à l’exercice de ses compétences légales,…

M. Jean-Marie Le Guen. Donnez-nous un exemple !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. …lesquelles préexistent à ce texte, et ne sont donc pas créées par celui-ci.

Ce texte est équilibré. Le secret professionnel demeure, mais il doit pouvoir être partagé dans des conditions strictes entre professionnels également assujettis au secret dans l’intérêt des familles et des personnes. Le maire, quant à lui, doit veiller à ce que le travail social s’effectue dans de bonnes conditions, ce qui n’implique pas qu’il accède au secret. En revanche, quand il a une décision à prendre dans le cadre de nos textes de lois, il est normal que les informations nécessaires – et seulement celles-là –, lui soient transmises.

Voilà de quoi nous parlons réellement ; nous ne parlons pas d’autre chose ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. Je demande une suspension de séance, monsieur le président.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 33, 303 et 699, qui tendent à la suppression de l’article 5

Sur le vote de ces amendements, je suis saisi, par le groupe des député-e-s communistes et républicains, ainsi que par le groupe socialiste, d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 33.

M. Noël Mamère. Cet amendement vise à supprimer l’article 5. Nous estimons, à juste titre, que le texte donne trop d’importance au maire : il ne s’agit pas tant de diminuer son rôle que d’en définir le périmètre. Or, ce projet de loi, inspiré en grande partie par le rapport de notre collègue Bénisti, confère au maire un pouvoir exorbitant. En lui attribuant de nouvelles fonctions qui ne sont pas les siennes, le texte contribue à miner les derniers fondements de notre démocratie…

M. Pierre Cardo. Voilà la dictature !

M. Noël Mamère. …et, surtout – c’est ce qui est dangereux –, à municipaliser les politiques publiques.

Nul besoin d’être député-maire pour disserter sur ce que doit être la fonction de maire – comme, de la même façon, il n’est pas besoin d’avoir fait la guerre pour en parler. Cessons de mettre en avant les vertus de l’exemple et du terrain. Le maire, qui est souvent le dernier interlocuteur social, ne peut être également shérif, substitut du procureur, travailleur social et éducateur.

N’en déplaise au ministre, le secret professionnel ne sera pas totalement respecté puisque les travailleurs sociaux devront transmettre au maire des informations confidentielles sur des personnes privées, ce qui dépasse largement le secret partagé entre des professionnels – principe auquel Mme Billard et moi-même ne sommes pas opposés.

En tant que coordinateur des politiques sociales, le maire est jusqu’à présent informé de faits qui résultent d’un contexte général, mais non d’informations à caractère privé.

J’ajoute que la transformation d’un travailleur social en coordonnateur tend à personnaliser sa fonction alors même qu’il dépend d’une structure associative.

Je l’ai dit dans la discussion générale, un certain nombre de textes votés par la majorité actuelle renforcent déjà le pouvoir des maires : ainsi, la troisième loi sur l’immigration, votée à l’initiative du ministre de l’intérieur, permet déjà au maire de distinguer les bons et les mauvais immigrés en fonction de leurs capacités à s’intégrer.

Loi après loi, vous donnez au maire des responsabilités qui ne sont pas les siennes : c’est dangereux pour la vitalité démocratique et l’équilibre social. Loi après loi, c’est le contrôle social que vous renforcez. C’est un monde orwellien que vous êtes en train de nous fabriquer !

M. Pierre Cardo. Oh ! là ! là !

M. Noël Mamère. Agent de la maturité démocratique, le maire ne peut être complice de cet insupportable renforcement du contrôle social. Et ce n’est pas faire preuve de maturité démocratique que de le rabaisser aux rôles que vous voulez lui attribuer !

M. Pierre Cardo. Lui donner les moyens d’aider les familles, ce n’est pas rabaisser son rôle !

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l’amendement n° 303.

M. Patrick Braouezec. Cet amendement, comme celui de M. Mamère, vise à supprimer l’article 5.

Personne ici ne conteste les dysfonctionnements de notre société, mais légiférer sans cesse et ajouter de nouvelles lois n’est pas la meilleure façon d’y remédier.

M. Pierre Cardo. Voilà qui est intéressant ! Nous nous en souviendrons.

M. Patrick Braouezec. Nous savons bien qu’un certain nombre de lois votées dans cette assemblée n’ont pas été suivies de décrets d’application, tandis que d’autres, dont les décrets d’application sont parus, ne sont toujours pas appliquées faute de moyens.

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est un autre problème !

M. Patrick Braouezec. La question qui se pose est savoir s’il est possible, en l’état actuel de notre législation, de remédier aux problèmes liés à la protection de l’enfance, et non d’examiner un texte qui, en grande partie, n’a rien à voir avec la protection de l’enfance, pas plus qu’avec la prévention de la délinquance.

Le président Dubernard a beaucoup parlé de « social », mais le seul substantif auquel l’adjectif « social » peut être associé dans ce texte, c’est le mot « contrôle » : comme l’a rappelé Noël Mamère, il s’agit bien d’un contrôle social,…

M. Jacques-Alain Bénisti. Ce n’est pas dans le texte !

M. Patrick Braouezec. …qui stigmatise, culpabilise, voire criminalise les populations les plus en difficulté. Comme le disait Mme Billard, ce texte jette la suspicion sur certaines classes de la société. Vous dites vouloir éviter un certain déterminisme, mais vous montrez du doigt ces populations.

M. Pierre Cardo. À quel endroit du texte ?

M. Patrick Braouezec. En outre, l’article 5, comme l’a indiqué Michel Vaxès, n’est pas conforme à l’article 9 du code civil relatif au respect de la vie privée, ni à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

De la même façon, il est bon de rappeler l’avis de la CNIL sur l’article 5, dans une délibération du 13 juin 2006.

La CNIL estime que « ces dispositions, dans la mesure où elles semblent autoriser le maire à obtenir communication de l'ensemble des données relatives aux difficultés sociales de ses administrés, apparaissent, compte tenu de leur caractère très général, disproportionnées au regard des objectifs poursuivis. En effet, si le maire a vocation à connaître, de façon ponctuelle, de données sur les personnes sollicitant des aides sociales facultatives qui relèvent traditionnellement de ses compétences, il n'a pas à être rendu systématiquement destinataire des informations que les professionnels de l'action sociale sont conduits à recueillir auprès des personnes et des familles en difficulté dans le cadre des relations de confiance qu'ils nouent avec elles et des garanties de confidentialité qu'ils leur apportent. Le fait que désormais le maire pourrait accéder à ces informations sociales sensibles est de nature à remettre en cause ces relations de confiance et l'efficacité de l'action sociale entreprise. »

La CNIL rappelle que les traitements comportant des appréciations sur les difficultés sociales des personnes sont soumis à son autorisation préalable. Là encore, vous n’en avez pas tenu compte.

J’ajoute que cet article 5 ne nous permettra pas d’être plus efficaces en matière de protection de l’enfance puisque le maire n’aura pas plus de moyens. Les cas exposés par M. Bénisti et M. Lagarde se reproduiront demain ou après-demain, mais, cette fois, le maire en sera tenu pour responsable. Comme l’a expliqué Manuel Valls, c’est une bonne manière pour l’État de se défausser de certaines de ses responsabilités sur les collectivités locales et, plus particulièrement, sur les maires avec tous les dangers que cela comporte, car certains d’entre eux risquent de se transformer en shérifs.

M. Pierre Cardo. Oh ! là ! là !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l’amendement n° 699.

M. Jean-Marie Le Guen. Il s’agit également d’un amendement de suppression.

Il faut bien sûr – et nous en avons discuté dans le cadre du projet de loi relatif à la protection sociale de l’enfance – améliorer le travail social. La nécessité de renforcer la coordination et le rôle du secret partagé n’avait d’ailleurs posé de problème à personne.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Eh bien, nous y venons !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Enfin !

M. Jean-Marie Le Guen. Je vous en prie, ne faites pas semblant de ne pas comprendre !

Le problème est que nous n’examinons pas un texte sur l’action sociale, mais un texte sur la prévention de la délinquance. On demande au maire d’être destinataire d’informations recueillies dans le cadre des politiques sociales pour mener des politiques de prévention de la délinquance, sans d’ailleurs déterminer précisément quelle sera sa responsabilité in fine, ce qui est un autre sujet.

Actuellement, les informations recueillies dans le cadre de l’aide sociale, y compris celles ayant un caractère judiciaire, le sont toujours avec un seul objectif : la défense de l’enfant, de l’individu.

M. Jacques-Alain Bénisti. Absolument !

M. Jean-Marie Le Guen. On va éventuellement devant le procureur pour défendre, non pas la société, mais l’enfant par rapport à son environnement. On est donc dans une logique d’une simplicité totale du point de vue de la déontologie des travailleurs sociaux : ils agissent pour défendre l’enfant dont ils ont la charge.

Ce que prévoit le projet de loi de prévention de la délinquance est tout autre, sauf à estimer – comme je l’ai entendu tout à l’heure dans une sorte de sophisme – que, en faisant de la prévention de la délinquance, on mène une action sociale de défense de l’enfant. Ce n’est pas le cas, car faire de la prévention de la délinquance – au demeurant parfaitement légitime – ne procède pas de la même action.

Notre collègue Lagarde nous a fait part d’un cas dramatique, mais, dans cette affaire, il ne s’est pas posé la question du recours au représentant de l’action publique, à savoir le procureur,…

M. Patrick Braouezec. Eh oui !

M. Jean-Marie Le Guen. …y compris sur le dysfonctionnement des services de PMI. Le maire doit, bien sûr, s’intéresser – comme n’importe quel élu – à ce qui se passe dans sa commune, et même aux réactions de ses administrés face à ce genre de drame. Mais il ne s’agit pas pour lui de dire : « en tant que maire, je dois être informé pour agir » ; il doit dire : « je suis informé, j’interviens auprès du procureur » ou « je demande que le procureur soit prévenu plus tôt ».

Il est légitime que le maire pointe les dysfonctionnements dans sa commune, mais doit-il pour autant assurer, ensuite, la gestion de l’ensemble des cas concernés ? Il y a là une dérive. Vous dites que le maire doit disposer des informations pour pouvoir gérer les cas. (« Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques-Alain Bénisti. Ce n’est pas inscrit dans le texte !

M. Jean-Marie Le Guen. C’est ce que disaient notre collègue Lagarde, mais aussi les maires ici présents – pas seulement de la majorité – lors de leurs interventions en commission. Ce qui me frappe dans cette discussion, c’est une montée en puissance considérable de la volonté, ou plutôt du besoin de responsabiliser le maire dans ses politiques, mais à aucun moment, vous ne pointez, nous ne pointons…

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Nous ne montrons du doigt !

M. Jean-Marie Le Guen. …nous ne montrons du doigt – si vous voulez, monsieur le président Dubernard – les responsabilités de l’État : la justice, qui devrait être beaucoup plus présente ; les services de police, qui peuvent connaître des dysfonctionnements, par exemple.

M. Jacques-Alain Bénisti. Il n’y a pas que la police ou la justice, monsieur Le Guen ! On peut régler certains cas autrement !

M. Patrick Braouezec. Dans les exemples que vous avez pris, si !

M. Jean-Marie Le Guen. Les cas doivent être réglés par les institutions qui en ont la charge. L’amélioration du travail social, par exemple, est du ressort du conseil général et des services sociaux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Mais non !

M. le président. Seul M. Le Guen a la parole !

M. Jean-Marie Le Guen. Merci, monsieur le président, mais je suis très tolérant ! (Sourires.)

M. le président. Nous l’avions tous remarqué ! (Sourires.)

Poursuivez, monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Face à des cas particulièrement dramatiques, vous aspirez à sortir de votre rôle. Ce n’est pas une critique, mais une constatation. Il y a quinze ou vingt ans, nous aurions mis en exergue les défaillances du service de l’État. Aujourd’hui, nous n’en sommes même plus là : nous en sommes arrivés à dire qu’il faut donner plus de pouvoirs d’intervention aux maires.

M. Jacques-Alain Bénisti. Non !

M. Jean-Marie Le Guen. Comme le suggérait Manuel Valls, nous sommes au milieu du gué. Le contrôle, l’efficacité, bref, le rôle de l’État central, nous n’y croyons plus ! Nous n’avons plus l’espoir qu’il puisse, via la justice et la police, conduire efficacement une action de proximité.

Il est frappant de constater, à travers l’ensemble de vos témoignages, que nous sommes déjà au-delà de la critique du fonctionnement de l’État. Et comme il y aura, bien sûr, d’autres lois après ce projet de loi qui ne règle pas grand-chose, je trouve que tout cela comporte beaucoup d’enseignements pour la future législature.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements de suppression de l’article 5 ?

M. Noël Mamère. Je voudrais défendre l’amendement n° 399 de M. Edmond-Mariette, monsieur le président.

M. le président. M. Edmond-Mariette est le seul signataire de l’amendement n° 399. En son absence, son amendement ne peut pas être défendu.

Le rapporteur va nous donner maintenant l’avis de la commission sur les amendements de suppression. Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Ces amendements ont été repoussés par la commission des lois, saisie au fond, ainsi que, m’indique le président Dubernard, par la commission des affaires sociales, saisie pour avis.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Même avis que la commission, pour les raisons que j’ai exposées tout à l’heure.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. On a voulu tout à l’heure opposer maires et conseillers généraux.

M. Jacques-Alain Bénisti. Pas du tout !

Mme Patricia Adam. Je crois que le débat n’est pas là. Nous devons débattre dans cet hémicycle de coordination, c’est-à-dire de la cohérence des dispositifs et de la bonne articulation des différents services : l’action sociale, la sécurité, la justice, mais aussi la santé – M. Lagarde l’a suggérée à travers son intervention – et l’éducation nationale. L’éventail des intervenants est large. Il ne s’agit pas d’opposer, mais de mieux coordonner.

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est ce que nous voulons !

Mme Patricia Adam. Laissez-moi terminer, monsieur Bénisti !

Nous sommes tous d’accord – et, que je sache, nous n’avons pas eu de désaccord sur ce point en examinant l’article 1er – pour coordonner l’action en matière de prévention de la délinquance, car c’est bien de cela dont nous parlons. Nous sommes d’accord pour que le maire s’assure que les discussions avec le président du conseil général, avec la justice, avec la police et la gendarmerie sont correctement coordonnées.

M. Pierre Cardo et M. Jacques-Alain Bénisti. Nous sommes d’accord !

Mme Patricia Adam. Pour ce faire, des moyens sont déjà à la disposition du maire : contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, contrats éducatifs, dispositif de réussite éducative que vous avez vous-même fait voter !

M. Jacques-Alain Bénisti. Merci de le reconnaître.

Mme Patricia Adam. Le maire a donc des outils en matière éducative, et seule la coordination de l’ensemble des acteurs relève de sa responsabilité. Ce n’est pas son rôle de recueillir des informations ! Quel intérêt le maire aurait-il à disposer de l’ensemble des informations sur une famille ?

Ayant été maire d’un quartier de plus de 20 000 habitants, je me suis intéressée aux questions de sécurité ; j’en avais la responsabilité. Je suis aujourd’hui vice-présidente d’un conseil général. Je vous le dis très clairement : je pense qu’aujourd’hui un certain nombre de conseils généraux n’exercent pas correctement les responsabilités qui leur sont confiées !

M. Jacques-Alain Bénisti. Merci, chère collègue !

Mme Henriette Martinez. C’est très juste !

Mme Patricia Adam. Mais je pourrais adresser des reproches analogues à des maires, à des juges, à des procureurs, voire à des services de police et de gendarmerie.

Permettez-moi de citer le rapport que le ministre des solidarités, de la santé et de la famille avait commandé en 2004 à M. Martin Hirsch.

M. Pierre Cardo. Quand on n’a rien à dire, on fait des citations !

Mme Patricia Adam. Je m’y suis déjà référée, car il est admirable de précision. En matière d’action sociale, y lit-on, « chaque famille doit avoir un très faible nombre d’interlocuteurs pour un accompagnement personnalisé, stable dans le temps, porte d’accès vers d’autres services publics, par une personne ou une équipe disposant de véritables moyens d’actions et non pas simplement du pouvoir de renvoyer vers un autre ». Ce rapport a parfaitement raison, car, hélas, cela se pratique encore trop souvent. « Symétriquement, les intervenants sociaux doivent avoir un nombre de personnes à suivre à échelle humaine. » Nous approuvons. « Ce n’est pas aux familles de connaître ou de subir la complexité de l’organisation de l’action sociale. » C’est aux professionnels de rendre service au public − c’est le principe même du service public −, de privilégier l’accompagnement polyvalent et d’adopter le principe du référent unique qui doit contribuer à mieux aider les familles.

M. Pierre Cardo. On pourrait arrêter de nous lire des rapports ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Mme Adam parle depuis douze minutes, comme M. Lagarde tout à l’heure !

M. le président. Veuillez terminer, madame Adam.

Mme Patricia Adam. C’est bien pour cette raison que les conseils généraux, qui ont la responsabilité de l’action sociale, doivent organiser leurs services territorialement.

M. Pierre Cardo. C’est ce qui est fait dans mon département !

Mme Patricia Adam. Toutes les contradictions auxquelles nous sommes confrontés en tant qu’élus disparaîtraient alors.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur les amendements nos 33, 303 et 699.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Je suis saisi d’un amendement n° 680 rectifié.

J’indique d’ores et déjà que sur le vote de cet amendement, je suis saisi, par le groupe socialiste, d’une demande de scrutin public.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est pathologique ! (Sourires.)

M. le président. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Patricia Adam, pour soutenir l’amendement n° 680 rectifié.

Mme Patricia Adam. Cet amendement rédactionnel pose des principes généraux et, d’une certaine façon, résume ce que je viens d’exposer.

Il vise, d’une part, à clarifier la désignation de l’autorité élue habilitée à recueillir des informations collectées par les professionnels de l’action sociale et, d’autre part, à mieux déterminer les circonstances dans lesquelles peut intervenir leur transmission aux maires. Il précise notamment les protections dont elles peuvent bénéficier sous l’autorité hiérarchique et fonctionnelle du président du conseil général.

De même, il propose l’institution d’une commission qui serait chargée de recevoir les recours en cas de désaccord des travailleurs sociaux, des maires et du président de conseil général. Avec le texte proposé par le Gouvernement, cela ne manquera pas de se produire : le projet de loi ne prévoit rien à cet égard et nous devons y remédier.

Cet amendement propose donc une articulation complète des dispositifs, sans pour autant remettre en cause le rôle, attribué au maire, de coordonnateur des services en liaison avec le président du conseil général. Tous ces acteurs doivent se concerter et nommer les autorités nécessaires. On ne peut pas dire que tout repose sur le maire, car ce serait prendre le risque d’invraisemblables incohérences. L’Assemblée des départements de France, dont c’est le rôle, s’est fait le porte-parole des conseils généraux qui ont organisé leurs services sociaux, comme le préconisait M. Martin Hirsch, en prévoyant une action territorialisée, un référent, un coordonnateur. Si, demain, votre texte permet au maire de décider que, finalement, ce n’est pas M. ou Mme Untel, mais quelqu’un d’autre, il sera, comme le notait M. About, inapplicable et source d’innombrables contentieux. Notre amendement propose donc une rédaction complète de l’article 5.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission des lois n’a pas examiné l’amendement. À titre personnel, avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Bien que vous ayez dit tout à l’heure, chère collègue, qu’il était hors de question d’opposer les maires et les conseils généraux, j’ai l’impression que, en l’espèce, c’est votre hémisphère vice-présidente du conseil général du Finistère qui domine l’hémisphère maire de quartier.

Mme Patricia Adam. Non, c’est la cohérence des textes !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Je ne vois d’ailleurs pas bien ce qu’est un maire de quartier : je ne connais, à Paris, Lyon ou Marseille, que des maires d’arrondissement.

Vous nous proposez une réécriture complète de l’article : le maire ne serait plus le pivot de la coordination des interventions d’action sociale et le partage d’informations entre travailleurs sociaux et élus ne pourrait se faire qu’avec l’accord de la personne concernée, ce qui est envisageable, mais pas toujours possible.

Les sénateurs ont profondément remanié le texte du Gouvernement : bien qu’ils soient très départementalistes, ils ont essayé de trouver un équilibre entre le souci de donner au maire, qui est l’interlocuteur de proximité des familles, le rôle de coordonnateur des interventions d’action sociale auquel la plupart des maires qui se sont exprimés ont confirmé qu’ils étaient très attachés, et le respect de la compétence attribuée au conseil général pour l’ensemble de la politique d’action sociale. Il est vrai que certaines communes ne disposent pas de compétences propres en matière d’intervention sociale, même si, par l’intermédiaire de leur centre communal d’action sociale, elles peuvent aider des familles en difficulté.

La commission des affaires sociales n’a pas examiné cet amendement, mais, comme il me paraît contradictoire avec tous les propos que nous avons tenus au début de l’examen de cet article, j’y suis, à titre personnel, défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. En réduisant le rôle du maire au profit de celui du président du conseil général, les auteurs de cet amendement font un choix politique. Nous recherchons au contraire un bon équilibre, reconnaissant pleinement le rôle du maire et celui du président du conseil général. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le ministre, il faut éviter les caricatures.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Si c’est vous qui le dites !

M. Noël Mamère. Il ne s’agit pas ici d’opposer le président du conseil général au maire, d’avantager le premier au détriment du second. Ce que nous reprochons à votre texte, et que l’on retrouve en filigrane dans la plupart de ses articles, c’est que, sous prétexte de faire du maire le pivot de votre politique de prévention de la délinquance, il le transforme en shérif, en éducateur, en une personnalité qui recueillera des informations confidentielles qu’elle n’a normalement pas à connaître.

Ce n’est pas au ministre de la famille que je vais rappeler quelles sont les compétences du conseil général en matière de protection de l’enfance et de politique sociale.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Elles ne sont nullement touchées par ce texte !

M. Noël Mamère. Les compétences sont réparties entre le conseil général et le maire.

L’amendement de notre collègue Patricia Adam est très important, car, grâce à sa rédaction de l’article 5, nous nous conformerions à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme sur la question de la confidentialité. En effet, il ne faut pas se laisser berner par les propositions que vous formulez : non seulement vous donnez au maire des pouvoirs exorbitants, qui ne sont ni de son ressort ni de sa compétence, mais vous remettez en cause, pour les travailleurs sociaux, le principe de la confidentialité, dont dépend la confiance. Le maire n’a pas à être le destinataire de ces informations confidentielles. Comme nous allons le voir avec l’article suivant, relatif au Conseil pour les droits et devoirs des familles, il s’agit purement et simplement de placer les familles en difficulté sous tutelle et sous contrôle. Bref, comme l’a dit tout à l’heure Mme Billard, il semble que votre vision de la société soit très archaïque, très xixe siècle. Pour vous, il y a dans ce pays des classes dangereuses dont il faut se méfier.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Sans doute M. Mamère me compte-t-il au nombre de ceux dont il croit, de manière un peu excessive, qu’ils considèrent certaines classes sociales comme dangereuses. Personne, ici, n’a proféré de tels propos.

M. Patrick Braouezec. C’est ce projet de loi qui les stigmatise.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur Braouezec, si vous considérez que mettre en place des dispositifs de protection…

M. Patrick Braouezec. Ce n’est pas de la protection !

M. Jean-Christophe Lagarde. …ou de préservation sociale, cela revient à tenir les classes sociales en difficulté pour plus dangereuses que les autres, c’est vous qui stigmatisez, et vous le faites dans un dessein purement électoraliste − il est vrai que, dans notre département, vous nous y avez habitués.

Par certains côtés, l’amendement n° 680 rectifié n’est pas inintéressant : il est bien à sa place dans un projet de loi relatif à la délinquance, puisqu’il parle de « faits caractérisant un trouble grave à l’ordre public ». Contrairement à ce qu’a dit tout à l’heure Mme Adam, l’amendement n’a rien de rédactionnel : il réécrit le fond du sujet. En revanche, je suis en total désaccord avec l’amendement lorsqu’il organise les conditions d’information du maire : « Lorsque la demande d’information du maire s’adresse à un professionnel de l’action sociale […] et porte sur une personne suivie par celui-ci, le professionnel en avise le président du conseil général qui peut alors soit s’opposer à la délivrance de cette information soit autoriser le professionnel à la délivrer au maire. » Vous noterez que, aujourd’hui, le professionnel ne se pose même pas la question, puisqu’il n’informe pas le président du conseil général et répond au maire que cela ne le regarde pas. « Le professionnel évalue si la délivrance de cette information au maire correspond à l’intérêt de la personne concernée et, sauf opposition de celle-ci, le professionnel transmet au maire les éléments utiles à l’accomplissement de sa mission. » Il faut donc que tout le monde soit d’accord : le président du conseil général, le professionnel, la personne concernée elle-même. Encore l’alinéa suivant précise-t-il qu’« un professionnel de l’action sociale » sollicité « peut transmettre au maire les informations qu’il estime utiles à l’accomplissement de sa mission ». C’est donc le professionnel social qui va estimer ce qu’est la mission du maire, alors que je ne suis pas sûr que sa formation lui permette de l’apprécier : tout cela n’est-il pas un peu hasardeux ?

En revanche, bien que ne dirigeant pas les services sociaux d’un conseil général, j’ai écouté ce que vous disiez, madame, concernant l’organisation territoriale des conseils généraux. Je suis très sensible à la question et, pour ne pas perturber cette organisation, j’ai d’ailleurs retiré certains de mes amendements. Je souhaitais que le maire puisse désigner de façon beaucoup plus directive les professionnels en question, mais il est vrai qu’on peut se heurter à des problèmes d’organisation des conseils généraux. Cela dit, le maire a le droit d’être informé, sans passer par le filtre du président de conseil général, du professionnel, de la personne concernée.

M. Jacques-Alain Bénisti. Mme Adam propose une véritable usine à gaz !

M. Jean-Christophe Lagarde. Il faut en effet éviter qu’il ne se retrouve dans la situation que je décrivais tout à l’heure. Je veux bien qu’elle soit le résultat de dysfonctionnements du conseil général, mais j’aimerais pouvoir m’en prémunir. Les cinq enfants dont je parlais ont été placés auprès d’institutions chargées de les protéger, et leurs parents ont fait un an de prison. Mais, à leur sortie, ils ont eu un autre enfant. J’ai cherché à savoir si cet enfant était suivi, mais je n’ai pas obtenu plus d’informations. Vous le voyez, loin de faire des effets de manches, j’ai peur que le problème ne se pérennise. J’aurais préféré un devoir d’alerte, mais je me contenterai de cette disposition si elle oblige les professionnels à expliquer au maire ce qui se passe pour éviter que de tels drames ne se reproduisent.

M. le président. Chacun ayant pu s’exprimer, nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 680 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté l’amendement n° 680 rectifié.

Nous en venons à l’amendement n° 388, sur le vote duquel je suis également saisi, par le groupe socialiste, d’une demande de scrutin public.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Encore !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Cela nous réveille !

M. le président. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Patricia Adam, pour défendre l’amendement.

Mme Patricia Adam. Nous proposons par cet amendement, qui sera sans doute refusé comme les précédents,...

M. Patrick Braouezec. Il ne faut jurer de rien !

Mme Patricia Adam. Vous avez raison : il faut toujours être optimiste dans la vie !

Nous proposons, disais-je, que si les communes doivent pouvoir se doter d’outils afin de coordonner la prévention de la délinquance – j’ai exprimé très fermement notre accord sur ce point tout à l’heure –, seules celles qui disposent d’un centre communal d’action sociale puissent avoir communication de renseignements confidentiels à caractère social.

Il faut être cohérent. On ne peut demander que le maire ait connaissance de l’ensemble des informations détenues par les professionnels intervenant auprès des familles, sans exiger que la commune dispose de tous les outils nécessaires pour engager une action sociale pour ces familles.

Or, d’une manière générale, les maires n’ont pas besoin d’avoir connaissance de l’ensemble des données, souvent très confidentielles, concernant les familles, pour engager des actions en matière sociale, en particulier en direction de celles qui sont dans la plus grande difficulté.

Notre souci, je le répète, est un souci de cohérence – une cohérence que nous ne retrouvons pas dans le texte. Je reprendrai à cet égard une considération de l’UNIOPSS. L’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux nous a en effet adressé un courrier – que vous avez dû recevoir également, monsieur le ministre – dans lequel on peut lire que cet article invraisemblable est à ce point contradictoire avec les textes en vigueur, qu’il est pratiquement impossible de l’amender et que l’on ne peut qu’en demander sa suppression au Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales, saisie pour avis, n’a pas examiné cet amendement, mais je tiens à exprimer à titre personnel un avis défavorable à son adoption – vous l’aurez bien sûr deviné.

Mme Patricia Adam. Oui !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Il ne me paraît pas opportun de limiter l’application de l’article 5 du projet aux seules communes qui disposent d’un centre communal d’action sociale.

Vous le savez comme moi, madame Adam, 30 % des communes n’ont pas de CCAS, et ce sont souvent les plus petites d’entre elles. Je ne puis imaginer un seul instant que vous soyez hostile à la prévention de la délinquance et à l’aide aux familles en difficulté dans les petites communes, et je ne m’explique donc pas que le groupe socialiste ait pu demander un scrutin public sur ce point !

Mme Patricia Adam. C’est notre droit !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Vous ne pouvez oublier les petites communes si vous raisonnez sur le plan social.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission des lois a repoussé cet amendement pour les mêmes raisons que celles que vient d’exprimer le président Dubernard.

C’est d’ailleurs une bonne chose qu’un scrutin public ait été demandé : cela montrera qui veut exclure du dispositif les petites communes dépourvues de moyens !

M. Bernard Pousset. Très juste !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. L’avis du Gouvernement est également défavorable.

Nombre de petites communes ont en effet en partage, dans le cadre de l’intercommunalité, un centre intercommunal d’action sociale. Le critère de l’existence ou non d’un centre d’action sociale dans la commune est donc un mauvais critère.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Il était frappant d’écouter l’intervention du président Dubernard, car elle donne tout son sens à cet article : il voudrait nous faire croire que les centres communaux d’action sociale sont conçus pour prévenir la délinquance, alors que le rôle d’un CCAS, c’est de subvenir à l’aide sociale, non de prévenir la délinquance. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Vous me faites dire l’inverse de ce que j’ai dit ! J’ai parlé d’action sociale.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous ne savez pas ce que vous dites ! Vous ne savez même pas ce que vous voulez !

M. Noël Mamère. Vous nous reprochez, monsieur Dubernard, en pleine discussion d’un texte intitulé « Prévention de la délinquance », de ne pas vouloir aider les petites communes qui n’ont pas de CCAS. Vous avez été pris le doigt dans le pot de confiture !

M. Manuel Valls. Exactement !

M. Noël Mamère. Le projet apparaît ainsi dans toute sa clarté : il n’a rien à voir avec la protection sociale, mais il a tout à voir avec la sanction ! Il confond action sociale et prévention de la délinquance, alors que ces deux notions n’ont rien à voir entre elles ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Une famille en difficulté n’est pas une famille délinquante !

M. le président. La parole est à Mme Henriette Martinez.

Mme Henriette Martinez. De nombreuses petites communes n’ont pas de CCAS : ce n’est pas pour autant qu’elles ne font pas de social !

M. Bernard Pousset. Bien sûr !

Mme Henriette Martinez. C’est une simple question d’organisation : si la commune de 3 000 habitants dont je suis maire dispose d’un CCAS, j’en connais de plus petites qui n’en ont pas, mais dans lesquelles les maires utilisent le budget général pour faire beaucoup de social. Il ne faut pas s’arrêter à ce formalisme.

En fait, voilà en fait un moment que je veux dire que, dans ce débat, j’ai l’impression que l’on fait le procès des maires.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Absolument !

Mme Henriette Martinez. On semble en effet s’en méfier au point, ce qui est scandaleux, d’en faire les accusés !

M. Jacques-Alain Bénisti. Très juste ! C’est une honte de se méfier des maires !

Mme Henriette Martinez. Simplement parce que nous, nous voulons donner des pouvoirs aux maires, ceux-ci ne seraient plus dignes de les recevoir ! Ils pourraient être officiers de police judiciaire, mais on leur dénierait tout pouvoir en matière sociale ? La loi donne aux maires un pouvoir en matière de police judiciaire, et l’on voudrait leur refuser ici un pouvoir en matière de prévention ? C’est surréaliste ! On nage en pleine contradiction !

Les maires sont au cœur de l’action sociale.

M. Patrick Braouezec. Au cœur de tout !

Mme Henriette Martinez. Si l’on parle de donner des informations aux maires, c’est parce que ces derniers ne sont pas des voyeurs qui iraient fouiller dans les dossiers des travailleurs sociaux – dont la seule mission ne serait plus que la protection des dossiers ! – à la recherche d’informations. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Les maires aussi sont détenteurs d’informations qu’ils devraient d’ailleurs pouvoir communiquer : la vie des gens, dans les petites communes, on la connaît parfois mieux que les travailleurs sociaux qui, eux, n’y habitent pas et qui viennent seulement y tenir des permanences.

Nous, les maires, nous rencontrons les gens dans les CCAS, nous voyons leurs enfants dans les garderies périscolaires, dans les crèches, dans les cantines, autant de services dont nous avons la responsabilité. Et l’on voudrait nous dénier le droit d’intervenir pour aider les familles (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Jean-Marie Le Guen. Et voilà le grand retour du paternalisme !

Mme Henriette Martinez. ...voire pour protéger les enfants – parfois contre eux-mêmes –, ce qui est aussi prévenir la délinquance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 388.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté l’amendement n° 388.

M. Manuel Valls. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Manuel Valls, pour un rappel au règlement.

M. Manuel Valls. Je tiens à m’élever, monsieur le président, contre une mise en cause des parlementaires socialistes et, plus généralement, des élus de gauche qui ici sont maires.

M. le président. Si vous pensez avoir été mis en cause, monsieur Valls, je vous donnerai plutôt la parole en fin de séance pour un fait personnel.

M. Manuel Valls. J’en resterai donc à l’article 58, alinéa 1, du règlement, monsieur le président.

L’intervention du ministre et celle de Mme Martinez nous ramènent au cœur du débat, c’est-à-dire le démantèlement de l’action sociale menée par l’État ou par les conseils généraux. En effet, en transférant aux maires une responsabilité en matière sociale qu’ils n’ont pas les moyens d’assumer, on change totalement la donne. Nous demandons une suspension de séance pour que nous examinions la situation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je souhaite compléter ce rappel au règlement pour souligner à mon tour que ces échanges nous ramènent au problème central de notre discussion,...

M. Manuel Valls. Les masques tombent !

M. Jean-Marie Le Guen. ...celui – au nom des meilleurs sentiments – d’une prise de nouveaux pouvoirs par le maire,...

Mme Henriette Martinez. En quoi cela vous gêne-t-il ?

M. Jean-Marie Le Guen. ...tout exaltés qu’ils seraient d’exercer ainsi un certain paternalisme. Vous l’avez dit en toute bonne foi, madame Martinez – je n’en doute pas –, selon vous, le maire serait beaucoup mieux placé que le travailleur social qui, lui, n’habite pas dans la commune et qui ne peut aussi bien connaître les gens.

M. Jacques-Alain Bénisti. Elle n’a pas dit cela !

M. Jean-Marie Le Guen. Tout cela, je le dis en toute franchise, part de bons sentiments. Le problème,...

M. Claude Goasguen. On ne va pas recommencer le débat, monsieur le président !

M. Jean-Marie Le Guen. ...c’est que vous démantelez ainsi, au nom du « Laissez-moi faire ! », tous les principes qui régissent l’action sociale. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Serge Grouard. Assez de redites !

M. Jean-Marie Le Guen. De plus, vous refusez tout amendement qui permettrait de limiter les dégâts.

M. Claude Goasguen. Quel est l’objet du rappel au règlement ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Les esprits s’échauffent : il faut suspendre, monsieur le président !

M. Jean-Marie Le Guen. Tout cela dépasse très largement le champ de compétence du ministre délégué à la famille. Pourtant, ni le ministre de l’intérieur ni le ministre délégué aux collectivités territoriales ne sont toujours pas là, si bien qu’on ne peut les interroger.

J’ai cependant une bonne nouvelle : une partie d’entre nous pourra en effet bientôt croiser le ministre de l’intérieur, puisque les députés de la majorité sont invités à dîner demain place Beauvau ! Ils pourront, à cette occasion, l’interroger puisque nous ne pouvons lui poser de questions à l’Assemblée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) En tout cas, si, par hasard, j’étais invité, je me ferais un plaisir de venir. (Sourires.)

M. le président. M. Valls, si j’ai bien compris, a demandé une suspension de séance au nom de Mme Adam, qui, elle, dispose de la délégation de son groupe. (Sourires.)

Mme Patricia Adam. C’est bien cela, monsieur le président.

Suspension et reprise de la séance,

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d’un amendement n° 701.

La parole est à Mme Patricia Adam, pour le soutenir.

Mme Patricia Adam. Mme Boutin avait eu la même idée que moi et avait déposé un amendement identique, sans que nous ne nous soyons concertées. Cela démontre que les personnes sensées peuvent tomber d’accord sur certains points.

M. Jacques-Alain Bénisti. Merci pour les autres !

Mme Patricia Adam. Nous proposons d’insérer, dans la première phrase de l’alinéa 2 de l’article 5, après les mots « appelle », les mots « dans l’intérêt de ces personnes ».

Nous sommes toujours sur le même sujet : la coordination des services sociaux, l’efficacité du suivi des personnes en difficulté, mais également le respect du secret professionnel et du secret de la vie privée tout simplement. Des situations sociales complexes, nous en connaissons tous. Cessez d’affirmer, madame Martinez, que nous cherchons à opposer le maire et le président du conseil général.

Mme Henriette Martinez. Je n’ai pas dit cela. Vous ne m’avez pas écoutée !

Mme Patricia Adam. Si le maire, vous avez raison, a parfois connaissance d’éléments méconnus des travailleurs sociaux, l’inverse est également vrai. Il n’y a donc pas lieu d’opposer les uns aux autres. Il faut plutôt faire en sorte que la chaîne qui va de la prévention jusqu’à la répression fonctionne. Pour cela, il faut que l’ensemble des maillons soient véritablement articulés entre eux. C’est cela l’objet de notre discussion, et, sur ce point, je peux tomber d’accord avec certaines mesures qui sont proposées aussi bien dans le texte relatif à la prévention de la délinquance que dans celui de M. Bas, dont nous débattrons dans quelque temps – il nous l’a promis.

Dans le présent projet de loi, on oublie qu’il y a des familles au cœur des dispositifs. Ces familles ont droit à un minimum de respect de leurs libertés individuelles, d’autant que, la plupart de temps, il s’agit de familles touchées par la précarité, nous le savons bien. Je ne pourrai jamais accepter que l’on confonde le travail social et le travail de la police. Ce n’est pas le même travail. Que la police informe sur tous les éléments en sa possession, c’est normal – la police et la gendarmerie travaillent sous la responsabilité du procureur –, mais les travailleurs sociaux, eux, doivent transmettre les informations dans l’intérêt de la personne.

Il existe déjà, dans les lois sur la protection de l’enfance, un certain nombre de situations où les professionnels ne sont pas tenus au secret, où il leur est même fait obligation de transmettre les informations préoccupantes qu’ils détiennent de façon à protéger les enfants et à prévenir des drames. Le malheur, vous l’avez, à juste raison, indiqué, monsieur Lagarde, c’est que la coordination est parfois mauvaise et le travail mal fait, ainsi que l’ont montré les exemples très médiatisés, et c’est normal qu’ils le soient, que nous connaissons tous.

M. Jacques-Alain Bénisti. On va pouvoir aller plus vite alors.

Mme Patricia Adam. C’est cette coordination qu’il faut que nous recherchions.

Les travailleurs sociaux n’ont pas à communiquer au maire toutes les informations, mais seulement les informations « utiles » comme je le demandais tout à l’heure dans un autre amendement, pour que le maire puisse remplir sa mission en matière de prévention de la délinquance. C’est cela qui est important, nous le savons bien.

Quand ce projet de loi sera voté, car il le sera inévitablement, toutes ces questions très concrètes que nous sommes en train de soulever se poseront. Et il faudra rédiger des décrets d’application, des circulaires, pour expliquer les choses, pour déterminer comment les uns et les autres travailleront ensemble, si toutefois le temps qui vous reste, compte tenu des élections – présidentielle et législatives – qui approchent, le permet, ce dont je doute.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission des lois n’a pas examiné cet amendement.

À titre personnel, j’y serais plutôt défavorable. Si un professionnel, constatant une aggravation des difficultés d’une famille, appelle l’intervention de plusieurs professionnels, c’est évidemment dans l’intérêt des personnes concernées.

Mme Patricia Adam. Mais il doit les informer !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Madame, je ne vous ai pas interrompue et vous avez de multiples occasions de parler, et Dieu sait si vous en profitez.

Mme Patricia Adam. Heureusement !

M. Noël Mamère. Ça vous embête, monsieur le rapporteur ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. En laissant entendre que le contraire pourrait être vrai, cet amendement jette une certaine suspicion sur les travailleurs sociaux.

Surtout, cet amendement n’a aucun sens là où il est placé. Le but de l’amendement serait, d’après l’exposé sommaire, de transmettre une information au maire ou au président du conseil général, « dans l’intérêt des personnes concernées ». Dans l’intérêt des personnes se rapporte à la transmission d’informations. Or ce n’est pas ce que nous comprenons. Permettez-moi, pour vous en convaincre, de lire la première phrase de l’alinéa 2 telle qu’elle serait modifiée par l’amendement : « Lorsqu’un professionnel de l’action sociale […] constate que l’aggravation des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d’une personne ou d’une famille appelle, dans l’intérêt de ces personnes, l’intervention de plusieurs professionnels ». Il aurait mieux valu, me semble-t-il, si je comprends bien le sens de l’amendement, insérer les mots « dans l’intérêt de ces personnes » en fin de phrase, laquelle se lirait ainsi : « il en informe le maire de la commune de résidence et le président du conseil général, dans l’intérêt de ces personnes. »

En conclusion, cet amendement est donc non seulement inutile, mais il donne au texte un sens tout à fait contraire à celui que vous dites poursuivre, madame Adam. Voilà pourquoi il doit être rejeté.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Contrairement à la commission des lois, la commission des affaires culturelles a examiné cet amendement. Elle l’a toutefois rejeté, pour les mêmes motifs que ceux que vient d’invoquer brillamment le président Houillon.

Je ne sais pas quelle est la stratégie du groupe socialiste dans l’analyse de ce texte,…

M. Philippe Houillon, rapporteur. On commence à bien comprendre tout de même !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. …même si je commence à avoir deux ou trois idées sur ce point, mais je pense que s’il suggère que le travail social puisse ne pas se faire dans l’intérêt des personnes, on ne s’en sortira pas. Ce n’est pas tant la place des mots qui m’importe – pour ma part, je les aurais insérés, comme vous, madame Adam, après le mot « appelle » – que le texte même. Vous mentionnez, s’agissant de la mise en place du suivi social proposé par le texte, l’intérêt des personnes, mais nous pourrions aussi viser l’intérêt des familles, notamment – je reprends les termes de l’exposé des motifs de l’amendement de Mme Boutin – celui des enfants. Bref, on peut écrire tout et n’importe quoi.

L’alinéa 2 est déjà assez touffu. Je considère que la commission a bien fait de rejeter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Je soutiens la proposition de Mme Adam, et peu m’importe la place qu’elle occupe dans l’alinéa 2. Ce qui me semble important, c’est son sens.

J’irai même plus loin. Dans l’exposé sommaire de son amendement identique, Mme Boutin demandait que la possibilité d’informations entre les travailleurs sociaux et le maire soit soumise à une exigence principale : celle de l’intérêt des personnes concernées. Je propose de mentionner que l’accord des personnes concernées doit être recueilli. Ainsi, l’intention de l’amendement serait plus explicite et ce serait encore plus volontiers que nous soutiendrions l’amendement n° 701. Je propose donc de rectifier l’amendement en insérant les mots « après que leur accord a été recueilli ».

M. le président. Monsieur Vaxès, l’amendement n° 701 pourrait être complété par les mots : « et avec leur accord ». Cette proposition vous convient-elle ?

M. Michel Vaxès. Oui. Si l’information est transmise dans l’intérêt des personnes, je ne vois pas comment celles-ci seraient en désaccord.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Ça simplifie en effet ! (Sourires.)

M. le président. Madame Adam, acceptez-vous la rectification ?

Mme Patricia Adam. Oui, cette proposition va dans le bon sens.

M. le président. L’amendement n° 701 est donc rectifié et devient l’amendement n° 701 rectifié.

La parole est à M. Serge Grouard.

M. Serge Grouard. Je ne suis pas sûr que cet amendement, ainsi rectifié, simplifiera vraiment le texte. (Sourires.) Nous devrions nous souvenir que l’on nous reproche pourtant souvent d’aboutir, à force de multiplier les petites modifications, à des textes difficilement compréhensibles qui font ensuite l’objet de multiples interprétations.

Cela étant, je me réjouis qu’ayant commencé nos travaux à quinze heures, nous entrions enfin, à dix-huit heures quarante-cinq, dans le vif du sujet ! Nous souhaitons tous ici faire œuvre utile. J’ai, pour ma part, déposé deux amendements, nos 559 et 560, qui seront examinés plus tard, visant à ce que le maire puisse, dans certains cas, désigner comme coordonnateur un professionnel socio-éducatif extérieur à l’équipe qui intervient auprès de la famille, ce qui peut être de nature à garantir davantage de sérénité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 701 rectifié ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Je suis totalement défavorable à la rectification proposée. On aurait pu, à la rigueur, retenir l’amendement no 701, en dépit de son inutilité et de la lourdeur qu’il introduisait, mais l’amendement no 701 rectifié, lui, détruirait complètement l’objet du texte.

M. Jacques-Alain Bénisti. Évidemment !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. L’amendement n° 701 était inutile, car il va de soi que le travail social s’effectue « dans l’intérêt des personnes » – et non dans celui du voisin de palier. Le préciser jetait comme une suspicion sur les travailleurs sociaux, auxquels je souhaite redire toute la reconnaissance que leur porte le Gouvernement. Mais l’amendement no 701 rectifié, qui exigerait de recueillir l’accord des familles, est, lui, inacceptable.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. J’entends des choses invraisemblables ! Pour ma part, je n’admettrais pas une seule seconde, et je serais prête à saisir les tribunaux, qu’un travailleur social amené à rencontrer mon enfant aille informer le maire de la situation de ma famille.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Ce n’est pas ce que le texte prévoit !

Mme Patricia Adam. Vous portez atteinte aux libertés fondamentales et aux droits de l’homme.

Nous avons proposé, avec Mme Boutin, que ne soient transmis au maire que les éléments « nécessaires ». Il n’est pas utile, en effet, pour que le maire puisse remplir sa mission de prévention de la délinquance, que les travailleurs sociaux transmettent toutes les informations dont ils peuvent disposer sur une famille si celle-ci ne le souhaite pas, ce qui est son droit – un droit républicain – le plus élémentaire.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Si nous voulons avoir un débat de qualité, respectons les positions de chacun et ne les caricaturons pas ! Madame Adam, le travailleur social n’a de toute façon pas le droit de transmettre des informations confidentielles. L’information des familles ne peut porter que sur le fait qu’il y a une coordination.

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Madame Adam, lorsque vous étiez maire de quartier, demandiez-vous aux services qui travaillaient avec la ville des informations inutiles et vous arrivait-il de travailler contre l’intérêt de vos administrés ?

Mme Patricia Adam. Le texte de loi doit dire ce que l’on peut transmettre !

M. Jacques-Alain Bénisti. Ce type d’amendement met en doute la loyauté, le pragmatisme et l’intelligence des maires. On atteint là le summum de la suspicion !

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Si j’ai bien compris, le rapporteur et le ministre ne verraient pas d’inconvénient à ce que l’on précise « dans l’intérêt de ces personnes », mais s’opposent à ce que l’on ajoute ensuite « et avec leur accord ». Comment justifiez-vous le refus de la rectification que j’ai proposée ? Si c’est dans leur intérêt, pourquoi les personnes refuseraient-elles que les informations soient transmises ? En réalité, vous voulez porter atteinte, comme l’a dit Mme Adam, à la liberté des personnes de choisir que certaines informations soient transmises ou non.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Monsieur Vaxès, c’est très simple : nous ne traitons ici que du déclenchement de la procédure. Nous aurons, tout à l’heure, le débat sur la transmission de l’information.

M. le président. La parole est à Mme Henriette Martinez.

Mme Henriette Martinez. L’expression « dans l’intérêt de ces personnes » est particulièrement ambiguë et sujette à interprétations selon que l’on se place du côté des droits de l’enfant ou du côté de l’autorité parentale. De quelles personnes s’agit-il ? De la famille en général ? Des parents ? Des enfants ? En matière de prévention de la délinquance, l’intérêt de l’enfant peut s’opposer à celui de la famille. Cet amendement est donc dangereux. S’il n’est pas retiré, je voterai contre.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 701 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement no 102 rectifié.

J’indique d’ores et déjà que, sur le vote de cet amendement, je suis saisi, par le groupe socialiste, d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement no 102 rectifié.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Cet amendement est purement rédactionnel et c’est un comble qu’il fasse l’objet d’une demande de scrutin public ! Lisez donc l’alinéa 2 de l’article 5 : on n’y comprend strictement rien ! Et après l’on se plaint d’avoir des textes de loi incompréhensibles ou, pis, inapplicables ! L’amendement no 102 rectifié que je vous propose vise donc à alléger la rédaction de l’article. Il est inutile de préciser les domaines de compétences de l’action sociale des communes, car celles-ci n’ayant, selon le code de l’action sociale, aucune compétence obligatoire en ce domaine, leurs interventions, facultatives, varient d’une commune à l’autre. Lorsqu’il existe un CCAS, le conseil municipal définit ses domaines d’intervention, ainsi que les domaines de politique sociale que la commune va gérer directement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission des lois a considéré que cet amendement allégeait le texte. Or, elle est toujours favorable aux simplifications visant à une meilleure compréhension du projet de loi pour les excellentes raisons longuement développées par le président Dubernard.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Sagesse.

M. le président. Si cet amendement est adopté, il fera tomber l’amendement no 526 de M. Lagarde.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je regrette que mon amendement, qui tend à supprimer, au même endroit du texte, les mots « relevant des compétences du maire », ne soit pas en discussion commune avec celui de la commission des affaires sociales. Il serait dangereux de supprimer l’expression « dans les domaines sanitaire, social et éducatif », assez large pour recouvrir à peu près tout ce qui est utile à la prévention de la délinquance, car les maires risquent alors d’être noyés sous un déluge d’informations et, contrairement à l’objectif recherché, de déléguer tout cela aux services sociaux de leur commune.

En revanche, il me semble utile de supprimer les mots « relevant des compétences du maire ». L’article 5 prévoit que lorsque l’aggravation des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d’une famille appelle l’intervention de plusieurs professionnels dans les domaines sanitaire, social et éducatif relevant des compétences du maire, le professionnel de l’action sociale doit en informer le maire et le président du conseil général. Cela va dans le sens de ce que nous souhaitons, car les dispositifs existants ne sont pas suffisants. Mais restreindre le champ d’intervention de cette mesure aux domaines « relevant des compétences du maire » pose un problème, car on restreint les capacités d’intervention du maire.

En tout cas, au moment où l’on signale l’aggravation, le maire n’est peut-être pas concerné, mais des services sociaux qui sont sous son autorité peuvent l’être. Il me paraît donc préférable de supprimer « relevant des compétences du maire », parce que c’est l’aggravation de la situation qui justifie que le travailleur social interpelle le président du conseil général et le maire, afin qu’ils se mettent autour d’une table pour comprendre pourquoi les dispositifs dysfonctionnent.

En revanche, je le répète, si l’on maintient l’expression « relevant des compétences du maire », on restreint de façon dommageable la capacité d’intervention de cet élu.

M. Pierre Cardo. C’est intéressant.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Je m’en voudrais de contrarier M. le rapporteur pour avis, qui nous a indiqué qu’il souhaitait non seulement alléger le texte, mais le rendre plus lisible. À l’entendre, en effet, l’alinéa 2 de l’article 5 ne le serait pas.

Nous, qui n’avons cessé de déplorer, depuis le début du débat, le caractère illisible du texte, propre à entretenir la confusion, nous sommes heureux d’être ainsi rejoints par M. Dubernard. (Sourires.)

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Vous me faites un procès d’intention ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Blazy. L’argumentation de M. Lagarde nous convainc pleinement. Il faut évidemment que les textes de loi soient clairs ; mais, en l’occurrence, le fait de spécifier « dans les domaines sanitaire, social et éducatif relevant des compétences du maire » n’est pas inutile à nos yeux. Cette précision n’apporte pas seulement une clarification mais un garde-fou, sachant que l’article traite du coordonnateur que vous proposez d’instaurer, ainsi que du secret professionnel et du respect des familles. La mention en cause est donc loin d’être inutile.

C’est pourquoi nous sommes opposés à cet amendement.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l’amendement no 102 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 30

Nombre de suffrages exprimés 30

Majorité absolue 16

Pour l’adoption 18

Contre 12

L'Assemblée nationale a adopté.

En conséquence, l’amendement no 526 de M. Lagarde tombe.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, no 3338, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance :

Rapport, no 3436, de M. Philippe Houillon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ;

Avis, no 3434, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinq.)