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(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration de la République, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement no 389.
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(Il est procédé au scrutin.)
Nombre de votants 29
Nombre de suffrages exprimés 29
Majorité absolue 15
Pour l’adoption 12
Contre 17
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
Je suis saisie d’un amendement no 702.
J’indique d’ores et déjà à l’Assemblée que, sur le vote de cet amendement, je suis saisie par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Patricia Adam, pour soutenir l’amendement no 702.
Par ailleurs, la formulation de cet article ne nous met pas à l’abri de critiques, de contestations, voire de contentieux, portant soit sur la manière dont le travailleur social appliquera la loi et sur le choix des informations qu’il transmettra au maire, soit sur les décisions que pourrait prendre ce dernier. C’est d’ailleurs sur ce second plan que le danger me semble le plus grand. L’acte pris par le maire pouvant faire l’objet de différents recours, les éléments sur lesquels il s’appuie doivent respecter certaines règles de publicité, notamment dans le cadre du contrôle de légalité. Si l’on ne précise pas le contenu exact des informations transmises, non seulement on expose la décision du maire à la contestation, mais on expose aussi le travailleur social, qui aura transmis ces éléments, à la critique. Si le législateur n’apporte pas cette précision, il prend un risque énorme.
(Il est procédé au scrutin.)
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
Je suis saisie d’un amendement no 174.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Pierre Cardo, pour le soutenir.
Il s’agit d’aller vite et le problème tient plutôt à l’organisation du territoire.
À mon sens, il vaut mieux miser sur le fait que les communes et les services sociaux du département travailleront en bonne intelligence. De toute façon, en cas de désaccord, cet amendement ne résoudra rien : l’autorité hiérarchique dont dépend le travailleur social refusera qu’il assume la fonction.
Je vous demande donc de retirer votre amendement, monsieur Cardo, car, contrairement à ce que vous espérez, celui-ci n’aura pas pour effet de mettre de l’huile dans les rouages.
Je suis saisie d’un amendement no 134.
La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti, pour le soutenir.
Je suis saisie d’un amendement no 391.
La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le soutenir.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour le soutenir.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le soutenir.
Si l’on veut mettre en place un dispositif offrant toutes les garanties de protection du secret professionnel, indispensable pour le respect de la vie privée des familles, il faut installer un verrou solide, ce que ne semble pas faire le projet de loi.
Notre amendement a pour objet de garantir le secret professionnel en précisant l’usage des données nominatives auxquelles les professionnels sont susceptibles d’avoir accès. À défaut de garantir le secret professionnel, on ne donnera pas confiance, la coordination de l’action sociale fonctionnera mal et la loi ne jouera pas le rôle recherché.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement 392 ?
Monsieur Blazy, ou bien vous souhaitez créer un fichier des familles en difficulté et vous maintenez votre amendement, ou bien vous ne voulez pas créer un tel fichier et cet amendement est juridiquement et radicalement inadapté. Par ailleurs, votre exigence de sanction en cas de non-respect du secret professionnel, au sens large, est satisfaite par la phrase du projet de loi que je viens de rappeler.
Madame la présidente, vous l’aurez compris, je suis défavorable à l’amendement.
L’amendement no 392 prévoit de compléter l’alinéa 6 de l’article 5 notamment par la phrase suivante : « Les données nominatives ne peuvent être consultées que par les agents visés à l’article L. 116-3. » Or cet article concerne les dispositions relatives au plan canicule. On va donc ajouter à la confusion. Comme l’a suggéré M. Houillon, mieux vaudrait en effet retirer cet amendement.
L’article 9 prévoit la création d’un fichier à destination du coordonnateur. Il s’agit, aux termes du texte, d’améliorer le suivi de l’obligation d’assiduité scolaire. Et il est précisé qu’un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, déterminera les conditions d’application des mesures en question. Or, on ne peut nier qu’il existe un lien entre les professionnels de l’action médico-sociale et sociale qui interviennent auprès d’une famille, et le coordonnateur qui sera détenteur d’un certain nombre d’informations, dont celles provenant de l’éducation nationale. Donc il y aura bel et bien un fichier.
Quant au fichier, dont nous reparlerons à propos de l’absentéisme scolaire, il n’en est pas prévu s’agissant de l’action sociale. Bref, nous débattons d’une question qui ne se pose pas, sauf à remettre en cause la mission même, et le secret professionnel, du travailleur social qui joue le rôle de coordonnateur. Pour quelles raisons irait-il divulguer certaines informations ? Cette discussion est ésotérique !
L’article 9 – mais je rappelle que nous en sommes à l’article 5 – porte en effet sur l’absentéisme scolaire. Il prévoit que le maire, dont c’est la charge depuis longtemps de lutter contre l’absentéisme scolaire, recevra les informations nécessaires en la matière. Effectivement, on établira la liste des enfants qui s’absentent régulièrement de l’école. Comment pourrait-on agir en faveur de ces enfants sans les connaître ? De là à parler de fichiers nationaux et de vidéosurveillance, il y a un pas que vous auriez dû ne pas franchir.
Notre amendement est donc essentiel. Si le problème porte uniquement sur le fichier, acceptez de le reprendre à l’article 9 !
Juste avant l’alternance – mais vous n’en avez pas tenu compte –, nous avions mis en place des cellules de veille éducative. Celles-ci n’avaient pas pour objectif de faire travailler ensemble, de façon autoritaire et dans la confusion, les travailleurs sociaux. Oui, les travailleurs sociaux doivent travailler ensemble, mais pas n’importe comment ! Nous avions ainsi considéré qu’il fallait prévoir un poste de coordonnateur à partir d’un financement de la politique de la ville et dans le cadre d’une déontologie. Il n’y avait aucune contrainte.
Monsieur le ministre, ne parlez donc pas de confusion en nous regardant, alors précisément que nous essayons – en vain, je le crains – de limiter la confusion que vous allez instaurer avec ce texte, qui sera par ailleurs inefficace et sans doute même dangereux.
Notre amendement vise à apporter des garanties et à nous prémunir contre la confusion et le risque. Et, comme l’a dit Mme Adam, vous créez bel et bien un fichier à l’article 9. Vous nous avez dit, monsieur le ministre, qu’il fallait établir une liste et qu’il reviendrait au maire de le faire. Mais, et c’est le droit commun, c’est à l’éducation nationale qu’il appartient d’abord, et depuis longtemps – de nombreuses instructions ont été données en ce sens –, de signaler l’absentéisme scolaire. Si cela avait été fait, nous ne connaîtrions pas, dans certains quartiers, ces situations de décrochage scolaire très préoccupantes et dont les maires se soucient, bien sûr, mais en respectant les compétences de chacun. Vous, vous préférez entretenir la confusion.
L’alinéa 6 de l’article 5 prévoit, je le rappelle, que les personnes soumises au secret professionnel ou à une obligation de réserve ou de discrétion et qui interviennent auprès d’une même personne ou d’une même famille sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret, que le coordinateur a connaissance des informations ainsi transmises et que le partage de ces informations est limité à ce qui est strictement nécessaire à l’accomplissement de la mission d’action sociale.
Il me semble que ces précautions soient suffisantes pour éviter que l’on n’ait connaissance de renseignements qui ne sont pas nécessaires.
J’ai évoqué il y a quelques instants le changement de fichier à l’éducation nationale. Jusqu’à nouvel ordre, il s’agissait d’applications informatiques de gestion des établissements. Cela va être remplacé par un système unique, plus moderne, sous la technologie web, qui s’appelle Base-Élèves.
Toutes les données, familiales, sociales, scolaires, l’origine géographique des élèves seront transférées par les directeurs d’école à l’inspecteur de l’éducation nationale, à l’inspection académique puis au rectorat, pour terminer, via Internet, dans un fichier national partiellement accessible aux maires. Et à qui d’autre ?
Il n’est pas exagéré de penser que la tentation serait grande pour certains de tirer profit d’un tel fichier centralisé, pour recenser par exemple les populations étrangères, permettre une meilleure traque des sans-papiers dans les écoles, ce qui pourrait entraîner une déscolarisation de certains élèves. J’ajoute que ce fichier centralisé gardera des traces de tout. Or est-il utile de savoir ad vitam æternam que tel ou tel élève a été suivi par un « psy » dans sa jeunesse ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Par ailleurs, vous avez indiqué dans votre intervention que ce fichier ne serait que partiellement consultable par les maires. Faire porter ce soupçon permanent sur les maires alors qu’ils ont déjà les éléments en question dans les services des écoles, et de la même façon pour le handicap puisqu’ils s’occupent du transport des enfants, c’est tout de même un peu exagéré.
Vous savez très bien qu’il n’y a pas aujourd’hui de fichier central qui rassemble toutes les informations que l’on prévoit d’inscrire dans le fichier qui est en train d’être constitué. Il gardera toujours trace de tout, comme le fait le fichier STIC. Ce n’est tout de même pas à vous que je vais apprendre qu’un certain nombre de gens n’ont pas pu trouver de travail parce qu’ils avaient été témoins d’un accident de la circulation et qu’ils figuraient sur le fichier STIC.
Arrêtez donc de nous expliquer que les fichiers, ce serait comme des tranches de saucisson et qu’il n’y aurait aucune possibilité de les relier. Ce fichier de l’éducation, centralisé, qui gardera trace de tout, peut permettre un certain nombre de dérives, et le rôle des députés que nous sommes, c’est de construire l’État de droit et de le protéger.
(Il est procédé au scrutin.)
Nombre de votants . 37
Nombre de suffrages exprimés . 35
Majorité absolue 18
Pour l’adoption 10
Contre 25
L’Assemblée nationale n’a pas adopté.
Je suis saisie d’un amendement no 703.
La parole est à Mme Patricia Adam, pour le soutenir.
J’ai déposé un amendement no 498 sur le même objet. L’information préalable des familles faisant l’objet d’un partage d’informations des travailleurs sociaux est normale, mais le texte que vous présentez, madame Adam, mériterait d’être nuancé.
Faisons confiance aux travailleurs sociaux et laissons-leur la responsabilité qui est la leur, dans le cadre de l’application de leurs règles déontologiques, de décider en fonction des situations s’il y a avantage pour les personnes ou au contraire inconvénient à les informer préalablement de cette coordination qui se mettra en œuvre.
Vous ne pouvez pas concevoir qu’une intervention des travailleurs sociaux se fasse à couvert, de façon dissimulée, à côté de celui que cela concerne. C’est un droit fondamental. Il me semble totalement inopérant d’essayer de faire converger des forces entre les mains d’un coordinateur, si c’est dans l’ignorance de celui pour lequel on essaie d’agir. Ce serait une aberration. Et ce que nous disons ne porte en rien préjudice ni à la pertinence des données mises en commun qui seront coordonnées ni à l’efficacité des dispositifs mis en place.
Une telle réticence n’est pas compréhensible, à moins d’introduire une dimension de contrainte que refusent tous les travailleurs sociaux et à laquelle, je pense, personne n’est favorable.
L’information, c’est l’élément qui fonde et qui légitime d’une certaine manière l’intervention du travailleur social. C’est pour cela, monsieur le ministre, que votre intervention était très révélatrice.
C’est la loi qui doit rappeler cet impératif nécessaire. Ce n’est pas suspicieux à l’égard des travailleurs sociaux, mais c’est légitime par rapport aux droits des citoyens que nous sommes aussi chargés de faire respecter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Cet amendement fait l’objet de deux sous-amendements, nos 724 et 727.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 175.
Il prévoit la situation, sans doute rare mais pas impossible, où un seul travailleur social interviendrait auprès d’une personne ou d’une famille, afin qu’il puisse aussi transmettre des informations. Il permet au maire de déléguer ses pouvoirs dans ce domaine à l’un de ses adjoints, et il précise le champ des informations transmises.
Nous n’avons pas repris la phrase concernant le secret professionnel car c’est juridiquement inutile. L’article 226-13 du code pénal prévoit en effet que la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Le maire est évidemment destinataire de ces informations en raison de sa fonction. Sa situation est donc déjà prévue et couverte par les dispositions pénales que je viens de rappeler et il n’était pas strictement nécessaire de les réécrire une fois de plus.
Cela dit, pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, que les choses soient claires et qu’il n’y ait pas de sous-entendu, je suis très favorable au sous-amendement du président de la commission des affaires culturelles, qui prévoit, avec sa sagacité habituelle, de rétablir la référence à l’article 226-13 du code pénal.
Toutefois, le Gouvernement a présenté un sous-amendement visant à préciser que le représentant désigné par le maire ne doit pas être son adjoint aux finances, à l’urbanisme ou aux travaux publics, mais, bien sûr, le titulaire d’une délégation dans le domaine de l’action sociale.
Enfin, le Gouvernement a donné un avis favorable au sous-amendement n° 727 de M. Dubernard.
Très peu nombreux sont les actes du maire qu’un adjoint ne peut accomplir. Ils sont déterminés par la loi. L’adjoint ne peut, par exemple, décider d’une l’hospitalisation d’office – le maire devra désigner le maire adjoint qui interviendra dans ce cadre. Il est exact qu’un maire adjoint doit être désigné pour l’action sociale, mais uniquement quand il exerce dans le cadre du CCAS.
La restriction introduite par le sous-amendement du Gouvernement me paraît totalement infondée, inutile et du même coup dangereuse. Aujourd’hui, selon les textes, un maire adjoint qui n’est pas titulaire d’une délégation dans le domaine de l’action sociale peut, en l’absence du maire, se substituer à lui. En apportant cette précision, vous placez cet enjeu dans le cadre exclusif du CCAS où, en effet, le maire adjoint doit être celui qui a reçu, dans le cadre de l’organisation du CCAS, la délégation du maire.
C’est totalement superfétatoire et cela montre dans quelle confusion on place l’intervention du maire. Le maire est officier de police judiciaire mais, comme ses maires adjoints, sous l’autorité exclusive du procureur de la République. Il est du même coup, – M. Houillon l’a d’ailleurs rappelé – tenu au secret professionnel dans le cadre de ce pouvoir. C’est ce que disent le code général des collectivités territoriales et le code de procédure pénale.
Cette précision n’a aucun intérêt et elle est même source de conflits. C’est la première fois que je vois apparaître une délégation spécifique impérativement dévolue à un maire adjoint, indépendamment des aspects institutionnels. C’est incompréhensible et cela ne peut que complexifier le dispositif qui est en train de se mettre en place.
Ce n’est absolument pas un problème de compétences. Les maires sont suffisamment attentifs aux conditions dans lesquelles ils exercent leur mandat pour s’assurer qu’en leur absence leurs collègues assumeront cette responsabilité. C’est un problème non de compétence, mais d’organisation de la collégialité du travail de la municipalité.
Au-delà de ce sous-amendement, il est un principe que nous devons respecter : la liberté pleine et entière du maire de déléguer les compétences que lui a conférées le suffrage universel.
C’est si vrai que, dans l’exemple particulier que j’ai pris, lorsqu’un maire adjoint n’est pas délégué du président du CCAS pour l’ensemble des actes administratifs, il ne peut signer à la place du président du CCAS. Nous sommes d’accord, monsieur Cardo.
En revanche, ce qui est certain, c’est que le maire peut déléguer ses compétences à n’importe lequel des maires adjoints, sauf si la loi le prohibe ou le limite, comme dans le cas des hospitalisations d’office, où l’on doit dénommer les personnes qui interviennent. Ce sont deux choses différentes.
Nous pensons que, pour agir dans le domaine de l’action sociale, il faut que le maire soit acteur de l’action sociale, et donc qu’il ait un CCAS.
En revanche, j’ai été sensible à l’observation de M. Lefranc qui nous a fait très justement observer que nous avions adopté un amendement de la commission des affaires sociales qui supprimait la mention « dans les domaines sanitaire, social et éducatif ». Je propose en conséquence de rectifier l’amendement n° 175 en y supprimant le même membre de phrase.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 727.
(Le sous-amendement est adopté.)
(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)
Je vous ferai observer, monsieur Blazy, que, si le Gouvernement, ayant déposé un sous-amendement, entend les arguments qui lui sont opposés et le retire,…
(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinquante-cinq.)
Je suis saisie d’un amendement n° 498.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour le soutenir.
Hormis cette réserve, ma proposition est conforme à l’esprit de votre amendement : cette obligation d’information préalable vise à préserver les relations de confiance que les travailleurs sociaux ont su établir avec la famille. C’est pourquoi je vous propose de vous rallier à mon amendement.
L’amendement n° 498 est certes plus acceptable que le précédent, trop général, sauf qu’il est déjà satisfait puisque rien dans le texte n’interdit l’information des familles. Mais la difficulté essentielle de l’amendement réside dans le fait qu’on ne voit pas qui sera habilité à juger qu’une information risque de nuire à l’efficacité de l’action sociale. S’agissant de considérations d’ordre public, le respect de la règle ne doit pas être suspendu à un jugement préalable. C’est la raison pour laquelle, même s’il a, par rapport au précédent, l’avantage substantiel de prévoir une exception, je serais plutôt défavorable à l’amendement n° 498, dans l’attente de prendre connaissance de l’avis du Gouvernement.
Monsieur Dubernard, dans son état actuel, le texte de l’article n’interdit pas l’information préalable des familles : il laisse simplement au travailleur social la liberté d’informer ou non la famille, et je pense que celui-ci usera de cette liberté exactement comme vous le souhaitez, c’est-à-dire avec discernement, en fonction de sa déontologie propre.
Dans ces conditions, je ne crois pas que le texte que vous proposez soit susceptible de régler le cas de conscience que le travailleur social devra résoudre. Nous devons faire confiance en ses capacités de faire face à des questions extrêmement difficiles. C’est la raison pour laquelle je préfère que le texte ne précise pas qu’il informe la famille, sauf dans le cas où cela pourrait nuire à l’efficacité de l’action sociale. Il faut, en toute confiance, le laisser juge de ce qu’il doit faire.
Je serais tenté, monsieur le président, de vous demander de retirer votre amendement sous le bénéfice de l’explication que je viens de vous proposer et que je verse à nos débats.
M’étant engagé envers plusieurs députés de la commission, je ne retire pas l’amendement n° 498 et réitère à Mme Adam ma proposition de s’y rallier.
Je soutiendrai donc l’amendement n° 498 proposé par M. Dubernard et Mme Pecresse, qui précise que la réussite de l’accompagnement social et l’évolution de la famille concernée supposent le consentement de cette famille. En effet, sans le consentement et la confiance de celle-ci, l’action du travailleur social ne sera pas efficace. L’action d’autorité, quant à elle, relève du juge. Il existe déjà des règles de protection de l’enfance dans ce domaine. Je ne peux donc être que d’accord.
Vous ajoutez que la famille doit être informée de l’action engagée « sauf si cette information risque de nuire à l’efficacité de l’action sociale ou à la sécurité des personnes ». Je rappelle toutefois – car la répétition est un bon exercice pédagogique – que les textes relatifs à la protection de l’enfance prévoient également, dans un article que je ne saurais malheureusement citer de mémoire, qu’en cas de danger pour l’enfant il n’y a pas lieu de communiquer aux parents les informations dont on dispose.
Il n’est pas mauvais que ce texte sur la prévention de la délinquance le réaffirme, tant du point de vue de la sécurité des personnes, qui se rapproche de l’objet de la protection de l’enfance, que pour l’efficacité de l’action sociale. Je pense que le groupe socialiste votera cet amendement.
Le cadre de l’action sociale, c’est-à-dire de l’intervention du travailleur social, ne peut reposer que sur la confiance que la famille entretient avec le travailleur social. Dans de nombreux domaines, cette confiance a été menacée, et avec elle l’efficacité de l’intervention sociale.
Comme l’a dit Mme Adam, le groupe socialiste soutiendra donc l’amendement n° 498.
Je tiens aussi à souligner les contradictions que nous observons dans le débat que nous menons depuis quelques jours, tant de la part du Gouvernement que de celle des rapporteurs. En effet, plusieurs amendements proposés par Mme Adam sur le même thème ont été refusés.
Je soulignerai également, comme vient de le faire notre collègue Le Bouillonnec, que nous ne nous situons pas ici dans le champ judiciaire, mais dans celui de l’action sociale. Je tiens à rappeler, à cet égard, que la commission du barreau de l’Essonne, qui rassemble cinquante-cinq avocats spécialisés dans la justice des mineurs, a décidé de cesser pendant dix jours toute activité concernant ces derniers, pour protester contre ce projet. Ces avocats estiment en effet que ce projet démantèle la justice des mineurs et ouvre une brèche supplémentaire dans les principes affirmés par l’ordonnance de 1945, et qu’il limite le pouvoir du juge des enfants, qu’évoquait à l’instant notre collègue Le Bouillonnec. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette décision des avocats spécialisés dans la défense des mineurs et sur le recul manifeste du juge des enfants dans ce projet de loi qui, loin de favoriser la prévention de la délinquance, ne fait que réduire les pouvoirs de ceux qui sont chargés de combattre celle-ci.
(L'amendement est adopté.)
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie d’un amendement n° 104 deuxième rectification, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 634.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n° 104 deuxième rectification.
Si le coordinateur constate qu’il existe dans la famille suivie un mineur en danger ou risquant de l’être, il saisit le président du conseil général, au titre de sa compétence spécifique en matière de protection de l’enfance. Je sais, madame Adam, que vous êtes très départementaliste, et que cela vous ira droit au cœur.
Ainsi, comme la loi le prévoit déjà, le président du conseil général doit être saisi chaque fois que se pose un problème de protection de l’enfance.
Il est étonnant qu’une telle proposition soit formulée à la fois par le ministre et par les deux présidents et rapporteurs de la commission des lois et de la commission des affaires sociales.
L’amendement n° 104 deuxième rectification ajoute au dispositif de prévention de la délinquance un principe inscrit depuis le début dans l’ensemble des dispositifs de protection de l’enfance, et qui procède d’ailleurs de l’article 375 du code civil. Il n’y a donc aucun intérêt à ajouter cette disposition, qui ne produit rien de plus dans le dispositif législatif, n’accentue aucune responsabilité, ne provoque aucune mise en œuvre supplémentaire et, en fait, n’ajoute rien.
Il est de plus en plus clair, au fil des articles que nous examinons, que ce projet de loi n’est qu’un ramassis de dispositions qui existent déjà et qui n’ont jamais posé de problème. Nous considérons donc que cet amendement n’a aucun sens.
Cet amendement n’a rien de technique : il est en fait très politique et traduit une volonté bien tardive de procéder à des aménagements sur un texte qu’une partie de votre majorité, très divisée sur ce sujet, trouvait trop dur et allant trop loin. Pour donner le change et donner le sentiment que vous n’êtes pas aussi durs que vous le paraissez, vous proposez ce type d’amendement. On atteint non les sommets, mais des profondeurs qui m’étonnent.
J’ajoute que cet observatoire, ainsi que l’ODAS – Observatoire national de l’action sociale décentralisée –, recensent chaque année non seulement les enfants maltraités mais aussi les enfants en danger. Ceux-ci sont donc véritablement pris en compte aujourd’hui. L’obligation légale de signaler les enfants maltraités concerne également les enfants en danger, et s’applique aux professionnels de l’enfance et à toute personne confrontée à une telle situation.
Il me semble donc que tout cela est déjà reconnu par la loi et que le repréciser aurait pour effet d’amoindrir la portée de la loi actuelle qui vise un principe très général : l’obligation de signaler tout enfant maltraité ou en danger.
Vous avez tort de croire, monsieur le ministre, qu’un principe est affirmé par la loi quand il est réitéré dans plusieurs dispositifs. Ce n’est pas vrai : un principe légal est créé lorsqu’il existe dans un texte auquel aucun autre ne déroge, et auquel on fait toujours référence. La solidité du dispositif législatif suppose que ce principe soit tellement fort dans l’intention du législateur que tout élément construit ultérieurement pour amender les textes, modifier, tenir compte de l’évolution des situations, s’appuie sur lui ou y fait référence, mais sans jamais le réitérer parce qu’il n’y a pas besoin de réitérer un principe qui est inscrit dans la loi.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
(L’amendement est adopté.)
(Il est procédé au scrutin.)
Nombre de votants ………………………… 39
Nombre de suffrages exprimés 38
Majorité absolue 20
Pour l’adoption 25
Contre 13
L’Assemblée nationale a adopté.
La parole est à Mme Patricia Adam, pour soutenir cet amendement.
Je précise également que beaucoup d’associations se sont prononcées ouvertement contre. C’est le cas de l’UNAF, l’Union nationale des associations familiales, qui est particulièrement inquiète, estime ce contrat dangereux et parle de dérives, d’autant que la décision de suspension des prestations, qui, aujourd’hui, appartient au seul juge pour enfants, va être transférée à une autorité administrative, ce qui est vraiment contradictoire avec le droit des familles.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Noël Mamère.
D’autre part, on constatera ainsi un accroissement inutile de contrôles sur le plus grand nombre, ce qui ne fera certainement pas progresser la sécurité, mais aboutira à priver les individus des garanties qui leur sont dues au regard de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
L’article 6 décrit les situations dans lesquelles le maire peut réunir le conseil pour les droits et devoirs des familles, mais sa rédaction est vague et laisse une grande place à l’arbitraire de l’élu. L’expression « droits et devoirs » est d’ailleurs significative, puisque ledit conseil est purement et simplement un organisme de contrôle des familles défavorisées.
De plus, comme je viens de l’indiquer, l’article 6 laisse une grande marge de manœuvre aux maires. On peut à cet égard s’interroger sur l’expression « défaut de surveillance » : quels en sont les fondements et le périmètre ? À quelles situations précises s’appliquera-t-elle ?
En tout état de cause, l’un des effets pervers de cette loi est d’inciter des fonctionnaires et des particuliers à la dénonciation de familles, puisque le maire réagira à la lumière d’informations portées à sa connaissance. Hormis les travailleurs sociaux, qui sont invités à partager toutes leurs informations, cette disposition de l’article 6 sous-entend également que tout citoyen résidant dans la commune sera le bienvenu pour informer le maire : cela contredit tout à fait l’obligation d’informer le procureur ou le président du conseil général – et en aucun cas le maire – qu’évoquaient nos collègues Patricia Adam et Jean-Yves Le Bouillonnec.
Outre le but officiellement poursuivi – la prévention de la délinquance –, cette implication légale des travailleurs sociaux participe d’un climat encouragé par un discours sécuritaire omniprésent : M. le ministre de l’intérieur vient encore d’en apporter la preuve ce matin lors de son déplacement à Élancourt, où il a inauguré un poste de surveillance, évoqué le développement des caméras de vidéosurveillance et indiqué qu’au nom de la modernité, il fallait renforcer les fichiers informatiques, biométriques et cryptologiques. Bref, nos libertés publiques et individuelles sont prises dans un maillage très dangereux.
Un tel discours sécuritaire peut se révéler particulièrement stigmatisant pour ceux qui sont dans une situation sociale précaire. Une fois encore, derrière les termes employés se profile l’ordre moral, et la subjectivité semble devoir guider les critères d’appréciation des situations individuelles. Ainsi, par exemple, on peut se demander ce que recouvre l’expression « stabilité familiale ». En tout état de cause, les dispositions contenues dans l’article 6 n’apparaissent ni souhaitables, ni proportionnées à l’objectif recherché.
Pour terminer, madame la présidente et chers collègues, je voudrais vous faire part de l’avis publié par la CNIL :
« L’accomplissement des missions dévolues au conseil des droits et devoirs des familles suppose que celui-ci puisse disposer d’informations individuelles sur les familles […]. Se trouve ainsi institué un dispositif de signalement des mineurs et des familles à problèmes résidant dans la commune, sans qu’aucune garantie ne soit apportée ni sur l’origine des informations qui seraient utilisées pour procéder à ce signalement, ni sur les critères déclenchant ce signalement, ni sur les modalités de transmission et de traitement des informations et la nécessaire confidentialité de celles-ci.
« En outre, dans la mesure où des informations individuelles sensibles, relevant de l’intimité de la vie privée des familles, seraient ainsi recueillies, traitées et conservées, il appartient au législateur de définir précisément les garanties assurant le respect des droits et de la vie privée des personnes.
« Le projet de loi présenté en conseil des ministres n’a ajouté aucune garantie particulière au texte initial. »
Dans ces conditions, vous comprendrez que nous demanderons la suppression des articles 6 et 7.
Le maire exerce donc son autorité morale, et l’on est d’autant plus fondé à s’interroger sur la nécessité de ce conseil que vous prétendez le rendre obligatoire dans les villes de plus de 10 000 habitants. Cela a fait réagir de nombreuses associations d’élus, à commencer par l’Association des maires de France, et j’ai appris que Nicolas Sarkozy avait accepté de mettre de l’eau dans son vin : un amendement, inspiré par l’AMF, propose ainsi de rendre le conseil facultatif. Sage disposition, puisque ce sera celle que nous voterons, mais, je le répète, les maires ont déjà une pratique en la matière.
La disposition est par ailleurs d’autant plus critiquable qu’elle est assortie d’une mesure d’accompagnement parental. Dans ce texte qui entretient la confusion, nous nous efforçons de clarifier les choses et d’apporter de la cohérence. Mme Adam est revenue sur le contrat de responsabilité parentale : celui-ci relève du président du conseil général, quand la mesure d’accompagnement parental, elle, relève du maire. Or, si l’on se reporte au décret d’application, on constate que le maire peut obtenir un contrat de responsabilité parentale en saisissant le président du conseil général. Mais faudra-t-il pour cela que le maire ait d’abord pris une mesure d’accompagnement parental ? Le terme de confusion n’est pas exagéré, tant il est difficile de saisir l’articulation entre ces dispositifs.
Au bout du compte, on comprend bien que votre objectif est de pouvoir contrôler et mettre sous tutelle les prestations sociales. Mais je le répète, monsieur le ministre : comment les deux dispositifs pourront-ils s’articuler ? Mettons-nous, ne serait-ce qu’un instant, à la place des familles concernées ! En tant que maire, il m’arrive de rappeler certains de mes administrés à leurs droits et à leurs devoirs, mais le faire dans le cadre d’une instance de conseil me paraît, compte tenu du risque de stigmatisation, inapproprié, sans parler des confusions possibles avec les prérogatives du président du conseil général.
Bref, monsieur le ministre, j’ai beaucoup de mal à comprendre la disposition proposée.
À ma connaissance, aucun de ces contrats n’a encore été signé : ce dispositif, voté dans le cadre de la loi de cohésion sociale, n’a donc même pas eu le temps de se mettre en place que l’on en voit apparaître un nouveau, baptisé mesure d’accompagnement parental.
Le décret d’application du contrat de responsabilité parentale précise que celui-ci peut être proposé par le président du conseil général. Or l’accompagnement parental est proposé par le maire : peut-être faudrait-il donc coordonner les deux.
Par ailleurs, le décret stipule que « ce contrat peut également rappeler les mesures d’aide déjà mises en place par les autorités ayant saisi le président du conseil général, notamment par le responsable du dispositif de réussite éducative ou par d’autres autorités concourant à l’accompagnement de la famille et dont le président du conseil général veille à la coordination avec les mesures prévues par le contrat de responsabilité parentale ».
Pour le contrat de responsabilité parentale comme pour la mesure d’accompagnement, il est donc question d’accompagnement des familles et d’aide à la parentalité. On pourrait d’ailleurs s’interroger à ce sujet sur l’utilité des REAAP – réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents –, dont les fonds n’ont pas été augmentés depuis des années : mieux vaudrait alimenter les dispositifs existants, plutôt que d’en créer de nouveaux, alors même que ceux déjà votés ne sont pas encore appliqués !
Je ne vois pas comment les maires, les travailleurs sociaux et le président de conseil général vont s’y retrouver. Réussite éducative, accompagnement parental, responsabilité parentale, médiation familiale, ou encore action éducative en milieu ouvert – administrative ou judiciaire – : la liste est longue. Ce qui est sûr, c’est que l’on sera très bien encadré !
Laissons plutôt aux dispositifs existants le temps de s’appliquer, évaluons leur pertinence, attendons que professionnels et élus locaux se les approprient, les expérimentent, les valident et les fassent évoluer si nécessaire : nous verrons ensuite s’il manque des outils. En tout état de cause, ceux-ci sont nombreux. Par ailleurs, rien n’est prévu, dans le texte, pour le financement des dispositifs – sur ce point, j’attends de voir !
Je vous invite, mes chers collègues, puisque il est cité dans l’alinéa 11, à vous référer à l’article L. 222-4-1 du code de l’action sociale et des familles. Il y est dit qu’en cas d’absentéisme scolaire, lorsqu’il y a des troubles portés au fonctionnement de l’établissement ou toute autre difficulté liée à la carence de l’autorité parentale, c’est le président du conseil général qui, sur saisine du maire de la commune de résidence du mineur, propose aux parents ou au représentant légal du mineur un contrat de responsabilité parentale ou toute autre mesure d’action sociale adaptée à la situation.
C’est aujourd’hui un dispositif précis, contrairement aux dispositions de l’article 6 sur le conseil pour les droits et devoirs des familles, qui introduisent une véritable confusion entre le rôle du président du conseil général et celui du maire, entre l’éducation et la répression liée aux pouvoirs de police du maire.
Cet article n’a donc pas de sens aujourd’hui. L’alinéa 15, aux termes duquel les parents et le mineur s’étant bien comportés se verront délivrer une attestation comportant leur engagement solennel à se conformer à leurs obligations, est par ailleurs scandaleux. Délivrer des diplômes aux parents comme s’il y avait de bons et de mauvais parents, comme si les difficultés sociales et les difficultés à élever son enfant n’existaient pas, revient à commettre une assimilation inacceptable entre les familles en difficulté et les familles d’enfants délinquants.
L’alinéa 11, par exemple, qui précise que « lorsqu’il ressort de ces constatations […] que l’ordre, la sécurité ou la tranquillité publics sont menacés […] le maire peut proposer un accompagnement parental », me laisse perplexe. Je vois fort bien le rôle que peut jouer le maire dans l’accompagnement parental. Nous intervenons régulièrement auprès de personnes en difficulté, et que l’on veuille renforcer la capacité d’intervention du maire, grâce, entre autres, au principe de coordination que l’on a commencé à mettre en œuvre dans les articles précédents et à un fonds spécial d’intervention lui permettant de mieux assumer ses compétences, me paraît une bonne chose.
Mais on nous explique également qu’en cas de troubles à l’ordre ou la sécurité publics, on pourra demander à la caisse d’allocations familiales de mettre en place un dispositif d’accompagnement destiné à mieux gérer les allocations ou encore envisager des mesures d’accompagnement en économie sociale et familiale. Or, je ne vois pas le rapport. Demander l’intervention d’une conseillère en économie sociale et familiale en cas de mauvaise gestion des allocations est une démarche intéressante, mais cela ne nécessite guère de contrat. Si cela dépend en effet du conseil général, cela met en jeu des agents qui agissent sur le territoire dans le cadre des pouvoirs conférés au maire selon le dispositif mis en œuvre dans les articles précédents. On saute une étape, en revanche, si l’on envisage de saisir directement le président de la CAF ; pour ma part, je me vois mal, en tant que maire, aller lui expliquer qu’il doit envisager une mise sou tutelle éventuelle des allocations, et l’on reviendra sur les problèmes que cela pose à l’article 7.
Si le maire estime, à un moment donné, que son action ne suffit pas, soit que la famille fasse preuve de mauvaise volonté, soit que les moyens dont il dispose se révèlent inadaptés, il passe alors la main au président du conseil général, qui dispose de moyens beaucoup plus conséquents. A ce stade, le contrat de responsabilité parentale se justifie, dans la mesure où interviennent des acteurs beaucoup plus professionnels et où le président du conseil général peut envisager la contractualisation pour faire passer des messages moins évidents et imposer certaines choses, par le biais d’une décision administrative, dans l’intérêt des enfants et de la famille.
Si, à son tour, le président du conseil général ne se juge plus compétent, il peut transmettre le dossier à la justice ; on quitte alors le domaine du contrat pour celui de la décision de justice.
Cette logique, si c’est bien celle du texte, est intéressante. Malheureusement, tel que l’article est rédigé, il introduit davantage de flou qu’il n’apporte de réponses à la question de l’aide à la parentalité.
Avec le contrat de responsabilité parentale, vous voulez sans doute, monsieur le ministre, mieux définir le rôle du conseil général dans la protection de l’enfance et l’aide aux familles, mais le texte définit mal l’ordre logique qui doit présider aux interventions successives du maire et du président du conseil général et, comme on le verra lors de l’examen des amendements, le fait que chacun ne soit plus à sa place – notamment sur la question de la gestion des allocations familiales – risque de créer des dysfonctionnements.
L’aspect positif du texte s’en trouve donc malheureusement gommé et j’en reviens à l’alinéa 11 : je ne vois pas au nom de quoi les troubles à l’ordre public sont censés justifier l’intervention du maire. S’il s’agit simplement d’évoquer la sécurité pour faire le lien avec le rôle d’officier de police judiciaire du maire, c’est inconséquent ! C’est parce qu’il y a des familles en difficulté et des gosses qui risquent de glisser dans la délinquance que le maire doit mettre en œuvre des modes d’accompagnement parental, et pour aucune autre raison !
Des outils existent depuis longtemps pour tenter d’apaiser les conflits et trouver des solutions qui replacent les enfants et les adolescents dans une démarche d’épanouissement personnel au sein d’une famille qui les équilibre, les structure et les accompagne dans leurs projets. Ils relèvent de différents niveaux de compétences au sein des services sociaux des villes et de ceux du département ou participent d’un dispositif judiciaire, dès lors qu’il s’agit de la sécurité publique et du respect de la loi.
Le Gouvernement, lui, propose une réponse qui consiste à faire porter aux parents la plus lourde responsabilité, à les culpabiliser et à les engager dans des dispositifs contraignants. Cela l’arrange, parce qu’il n’est pas capable d’aborder le problème autrement que dans une perspective « sécuritaire ».
Je répète depuis le début que ce texte est inutile s’il est là uniquement pour préciser aux maires qu’ils n’ont qu’à agir comme ils l’entendent. Ces derniers savent s’entourer de gens compétents pour appréhender une situation familiale à travers toute une série d’indicateurs – le logement social, l’école, les centres de loisir, les centres culturels, voire les services de restauration où peuvent se trouver des ardoises impayées – et ils n’ont guère besoin d’une loi pour intervenir.
Le conseil pour les droits et devoirs des famille est en ce sens totalement inutile. Les maires, quelle que soit leur sensibilité politique, n’ont pas besoin de lui pour pratiquer le rappel à la loi, qui est au cœur du dispositif de prévention de la délinquance, notamment dans le dialogue avec la jeunesse.
L’accompagnement parental est, lui aussi, totalement superfétatoire. Dans le cadre de la politique municipale que les élus conduisent, le maire peut créer, s’il le veut, des instruments pertinents pour lesquels il n’a pas besoin de loi, et vous ne proposez aucun dispositif nouveau susceptible d’améliorer, dans le sens de l’objectif affiché, l’accompagnement aux familles en difficulté.
S’agissant de l’accompagnement parental, le maire est en situation d’échec. Ce n’est pas parce qu’il invite les parents à venir le voir que ceux-ci viennent. Ce n’est pas non plus parce que les services sociaux invitent les gens à venir qu’ils viennent. Et ce n’est pas parce que telle structure d’accompagnement de la vie d’un collège ou d’une école sollicite les parents qu’ils viennent. Les enseignants connaissent parfaitement ces situations dans lesquelles on ne voit pas les parents pendant toute l’année scolaire. En pareil cas, on se retrouve dans la même situation que celle à laquelle on a tenté de remédier : il n’y a pas de liens avec les parents ni de démarche constructive. On revient à la case départ, à savoir le contrat de responsabilité parentale et les mesures éducatives, qui existent déjà. La responsabilité d’initier cette démarche échoit à nouveau au maire, et la possibilité de suspendre les allocations familiales, qui est déjà donnée au président du conseil général. Bref, on n’ajoute rien, sauf à mettre les élus en première ligne ! Mais les maires qui n’intervenaient pas dans le domaine social n’interviendront pas davantage.
S’agissant du contrat de responsabilité parentale, l’observation de Mme Adam était intéressante. À ce jour, aucune évaluation n’a été faite, mais, en cas de refus des parents, il n’existe pas d’autre sanction que la suppression des prestations familiales, dont le président du conseil général prendra l’initiative, ou la mise en œuvre des procédures éducatives. À y regarder de plus près, on offre aux maires des possibilités qu’ils avaient déjà, sans être contraints d’agir : on peut donc penser que ceux qui agissaient continueront à le faire et que ceux qui n’agissaient pas ne le feront pas davantage.
Le constat est flagrant : régler les difficultés des parents par des rappels à la loi et des procédures d’accompagnement est sans intérêt. C’est dans l’amélioration des conditions de vie – habitat, éducation – et les dispositifs d’accompagnement que se trouvent les solutions, les éducateurs se tenant aux côtés des parents.
Il importe de développer les dispositifs d’alerte et de vigilance, qui permettent de mieux connaître la situation des enfants, des adolescents et de leurs familles, et donc de faire de la prévention. C’est pourquoi le groupe socialiste considère que ce texte n’a rien créé de nouveau et qu’il ne vise, avec ses artifices, qu’à faire supporter aux maires des responsabilités qu’ils assument déjà pour autant qu’elles se situent dans le champ social et éducatif, mais qu’ils refuseront dans leur dimension purement sécuritaire.
Nous connaissons tous des parents qui, à un moment ou à un autre, sont « déboussolés » face aux difficultés auxquelles ils sont confrontés. Si c’est très souvent le cas des parents d’adolescents, quel que soit le milieu social, c’est encore plus fréquent lorsque la famille appartient à un milieu défavorisé. En Seine-Saint-Denis, Jean-Christophe Lagarde y est, comme moi, confronté, mais c’est le cas de tous les maires ici, parce qu’il y a des quartiers défavorisés dans toutes les communes de France : nous voyons tous des parents qui cumulent tant de difficultés qu’ils ne peuvent plus faire face. La vraie question est donc de savoir si nous avons affaire à des parents démissionnaires ou simplement à des parents accablés par leurs conditions de vie.
Depuis cinq ans que je suis élue de Seine-Saint-Denis, je dois dire que je n’ai jamais rencontré de parents qui ne voulaient pas le meilleur pour leurs enfants. Je ne vois, au contraire, que des parents qui veulent que leurs enfants s’en sortent et qu’ils réussissent dans la vie. Mais je vois aussi de nombreuses femmes seules, chefs de famille, qui partent à quatre heures du matin, parfois même plut tôt, pour faire le ménage à l’Assemblée nationale, par exemple, ou dans des bureaux parisiens, et qui, lorsqu’elles rentrent chez elles, épuisées, ne sont pas toujours à même de vérifier que leurs enfants sont arrivés à l’heure à l’école, voire qu’ils y sont bien allés.
La réponse à ce problème, qui nous préoccupe tous, consiste-t-elle à créer une institution supplémentaire ?
Comme viennent de le dire Jean-Yves Le Bouillonnec, Patricia Adam, Lilian Zanchi et Jean-Pierre Blazy, cette nouvelle institution est inutile. Pourquoi créer une institution qui va demander aux maires de faire ce qu’ils font déjà lorsqu’ils font bien leur travail, et qu’ils ne feront pas, de toute façon, s’ils n’ont ni l’envie ni les moyens de le faire puisque vous avez reconnu qu’il fallait leur laisser la faculté d’agir et non leur imposer ?
Cette nouvelle institution est inutile parce qu’elle n’imposera au maire rien qu’il n’ait envie de prendre en charge, et que vous ne lui donnez aucun moyen supplémentaire pour mieux exercer ses responsabilités. S’il s’agit de sanctionner les parents – minoritaires – qui vont manger ou boire les allocations familiales au bistrot, la procédure existe depuis très longtemps. Mais si les caisses d’allocations familiales ne l’emploient pas souvent, c’est parce les responsables savent bien que là n’est pas toujours la réponse et qu’on risque de désavantager des fratries entières en voulant sanctionner les parents pour la mauvaise conduite d’un de leurs enfants.
Ce texte est donc inutile, voire néfaste. Vous voulez que le maire puisse se substituer au président du conseil général. Mais au nom de quoi le maire exercerait-il ce type de responsabilité ? M. Cardo l’a dit fort justement tout à l’heure, il faut distinguer les responsabilités et ne pas penser qu’on réglera les problèmes par des signaux purement répressifs. En quoi le fait que le maire prenne des mesures jusqu’à présent dévolues au conseil général serait un progrès ? On nous propose une mesure d’affichage, qui vient s’ajouter à toutes les mesures précédentes, sans que celles-ci aient fait l’objet de la moindre évaluation, comme l’a rappelé Patricia Adam. Comme nous en sommes déjà au sixième texte sur la délinquance, il y a vraiment une accumulation de mesures, une véritable fuite en avant.
Ainsi que le jugeait Montesquieu : « Trop de loi tue la loi. » Avec ce texte, nous ternissons l’idée que l’on peut se faire de la loi dans notre pays.
J’ai entendu Jean-Yves Le Bouillonnec dire à plusieurs reprises qu’il n’est pas nécessaire d’inscrire cette mesure dans la loi, parce que les maires actifs font déjà ce que le projet prévoit. Mais s’ils le font hors la loi…
Je vais prendre encore un exemple. Trois très jeunes enfants sont un jour trouvés seuls dans une chambre d’hôtel de Seine-Saint-Denis, un de ces hôtels que le SAMU social remplit perpétuellement avec les pauvres de Paris…
L’ASE – l’aide sociale à l’enfance – place donc cette famille dans un hôtel de ce genre, et on est alerté par le fait qu’un des enfants se balance au-dessus du balcon. On s’aperçoit alors que les trois enfants sont seuls dans la chambre : le plus grand a six ans et le plus petit dix-huit mois !
On emmène la mère au commissariat et on prévient la brigade des mineurs et l’ASE. Que de dysfonctionnements en Seine-Saint-Denis, en tout cas à Drancy ! Cela prouve que lorsqu’on n’est pas en mesure d’intervenir, de graves problèmes peuvent survenir. Quatre heures après, les trois enfants sont de retour dans la chambre d’hôtel avec leur mère. Mais tout cela n’intéresse personne !
Trois mois plus tard, cette femme meurt dans sa chambre d’hôtel, en présence de ses trois enfants. Elle était atteinte d’une maladie grave, mais personne ne s’en était préoccupé. Je découvre alors qu’il y a un conjoint, qui travaille loin de là, au sud des Yvelines. Il savait que sa femme était malade, mais il ignorait la gravité de son affection. C’est ce type de situation qu’on rencontre fréquemment dans notre département – comme l’a souligné Mme Guigou – du fait de la concentration des difficultés sociales.
De quel droit aurais-je pu demander à cette famille de venir me voir alors que la brigade des mineurs, le juge pour enfants et l’ASE étaient d’ores et déjà saisis ? La seule chose qu’aurait permise cet article, c’est de me faire prendre connaissance d’une situation dans laquelle trois enfants, respectivement âgés de dix-huit mois, trois ans et six ans, se retrouvent seuls pendant quatre heures dans une chambre d’hôtel sans que personne se soucie d’eux.
Je partage l’avis de M. Cardo : le maire est celui qui intervient en premier auprès des familles souffrant de difficultés sociales ; il fournit notamment un travail d’explication et d’aide. Un certain nombre de communes se sont ainsi dotées de lieux destinés à soutenir les parents. Il en existe un dans la circonscription de Mme Guigou.
La notion de conseil pour les droits et devoirs des familles m’intéresse. C’est un bon cadre pour rencontrer les parents, sans qu’il soit nécessaire, pour les faire venir, de compter sur leur seule bonne volonté ou sur ce que vous appelez, monsieur Blazy, votre autorité morale.
En revanche, je suis moins convaincu par la façon dont est rédigé l’article. D’abord, il est absurde de vouloir rendre obligatoire la création d’un conseil que le maire, s’il le souhaite, peut ne jamais réunir.
Ensuite, l’alinéa 11 permet au maire de proposer un accompagnement parental « lorsqu’il ressort de ses constatations ou d’informations portées à sa connaissance que l’ordre, la sécurité ou la tranquillité publics sont menacés à raison du défaut de surveillance ou d’assiduité scolaire d’un mineur ». Mais lorsque la situation en est à ce point, c’est le procureur qui est concerné ! Je veux bien que l’on me demande de le saisir, mais à quoi servirait-il de convoquer les parents ?
Je sais ce qu’est un principal de collège ou un proviseur de lycée. Mais qu’est-ce qu’un chef d’établissement d’enseignement, dont l’alinéa 14 nous indique qu’il doit être informé de la procédure d’accompagnement parental ? Les directeurs d’école ne sont pas chefs d’établissement : ils ne sont donc pas concernés.
En outre, pourquoi le maire doit-il prévenir tous ces gens, ainsi que le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales ou le préfet ? Je voudrais qu’on me l’explique.
Mais le comble est atteint à l’alinéa 15, qui dispose qu’« au terme de l’accompagnement, il est délivré aux parents ou au représentant légal du mineur une attestation comportant leur engagement solennel à se conformer aux obligations liées à l’exercice de l’autorité parentale ». Voilà qui me semble plus que spécieux ! Je souhaite la création d’un tel conseil et j’entends bien le présider, mais comment pourrais-je attester que les parents vont se comporter en bons parents ?
L’article 6 vise à créer un nouvel instrument d’aide aux parents. La situation décrite par les députés de tous bords – difficultés à exercer l’autorité parentale, enfants à l’abandon – justifie que l’on s’attarde un instant sur les objectifs visés. Il faudrait de très sérieuses raisons pour s’opposer à ce que le nouvel outil soit mis aux mains des maires.
Il existe le contrat de responsabilité parentale, me dit-on. Certes, mais cela n’interdit pas d’instaurer une gradation pour viser à plus d’efficacité. Le conseil pour les droits et devoirs des familles, je le rappelle, n’est pas doté d’un pouvoir de coercition sur les familles ; son rôle est de conseiller le maire lorsque celui-ci décide de mesures d’accompagnement. Sa création s’inscrit donc dans le cadre des réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents, dont le budget, contrairement à ce que vous affirmez, madame Adam, est en augmentation constante.
Lorsque les communes se seront dotées de maisons des parents et que des mesures d’aide seront proposées, la formule sera, pour beaucoup, efficace. Mais, dans certains cas, les moyens mobilisés ne suffiront pas à ramener les parents à leurs responsabilités. Nombre d’entre eux, pour diverses raisons soulignées par Mme Guigou, ont en effet du mal à prendre en charge leurs enfants. Ils ont souvent des excuses, mais la « culture de l’excuse » nous conduit aussi à baisser les bras quand il faudrait, au contraire, en appeler davantage à la responsabilité de chacun. Les parents désemparés, dépassés par leurs propres enfants ont, plus que tous autres, besoin de recevoir l’aide que nous leur proposons. Si ces mesures d’accompagnement ne suffisent pas, vient le temps du contrat de responsabilité parentale.
Ce contrat, nous avons voulu le mettre entre les mains du président du conseil général, parce que celui-ci est en charge de la protection de l’enfance, et peut avoir, grâce aux services de l’ASE, une appréciation fine de la situation des familles.
Enfin, un échec du contrat de responsabilité parentale ouvre la voie à l’intervention du juge, qui peut placer les prestations familiales sous tutelle. On le voit, le dispositif est gradué : intervention dans le cadre communal d’abord, en accord avec la famille et sans élément de contrainte ; ensuite, passage au contrat de responsabilité parentale, plus contraignant ; et enfin, en cas d’échec persistant, recours au juge.
Sur le vote de ces amendements, je suis saisie par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l’amendement n° 304.
Laissez-moi vous en donner un exemple : un incendie s’est déclaré dans une école maternelle de ma commune. En moins de quarante-huit heures, et avant la police, nous en avons découvert les auteurs.
Certes, le conseil pour les droits et devoirs des familles aura pour vocation de favoriser la coordination des dispositifs existants et le dialogue aux familles intéressées, tout en servant d’instance de propositions pour le maire. Nous sommes convaincus de la nécessité de prévoir une coordination de l’action sociale – cela a été souligné sur tous les bancs de cette assemblée. C’est pourquoi il est nécessaire d’ouvrir une réflexion sur ce point. Mais ce conseil aura-t-il la vertu d’être un lieu de coordination ? Cette question est importante. Par ailleurs, le projet de loi relatif à la protection de l’enfance, que nous n’avons pas encore examiné dans cette assemblée, prévoit l’instauration d’une cellule opérationnelle départementale de signalement et une mesure administrative d’accompagnement économique, social et familial pour une prise en charge précoce des familles ayant des difficultés à gérer leur budget. Quelle cohérence y a-t-il entre ces différents dispositifs ? Ce nouvel échelon ne fera que rendre plus opaque encore un système déjà complexe. Ce n’est pas en superposant de nouveaux dispositifs à ceux existants que cet article contribuera à une clarification. Cet article, dont l’efficacité est douteuse, s’avère également dangereux pour les usagers qui se retrouveront face à des injonctions contradictoires. Prenons le seul exemple de la question de l’assiduité scolaire. Son défaut peut aujourd’hui faire l’objet d’une réponse de la part de l’éducation nationale, il peut justifier un signalement au service de l’aide sociale à l’enfance ou à l’autorité judiciaire. Il peut également être traité par le président du conseil général dans le cadre d’un contrat de responsabilité parentale ou par le maire au sein du conseil pour les droits et devoirs des familles. Qui pourra y voir clair dans la superposition de ces dispositifs ?
La même confusion règne pour l’aide à la gestion ou le contrôle des prestations familiales, qui sont du ressort du président du conseil général dans le cadre du contrat de responsabilité parentale, ou d’une mesure d’accompagnement en économie sociale et familiale, de la compétence du maire dans le cadre du conseil des droits et devoirs des familles et de l’autorité judiciaire si elle est saisie en vue d’une mesure de tutelle. Qui décidera de quoi ? Je suis bien incapable de le dire aujourd’hui !
D’après l’exposé des motifs, ce conseil fournira également « une occasion de dialogue aux familles intéressées », mais lesquelles ? Celles qui auraient « des comportements susceptibles de mettre l’enfant en danger ou de causer des troubles pour autrui » – cinquième alinéa –, celles qui pourraient compromettre l’éducation des enfants, la stabilité familiale, la tranquillité ou la sécurité publique – huitième alinéa –, ou celles qui, à raison du défaut de surveillance ou d’assiduité scolaire d’un mineur, menaceraient l’ordre, la sécurité ou la tranquillité publique – onzième alinéa ? Admettez que les critères retenus pour désigner les familles concernées par ce conseil et permettre une application raisonnable de ce dispositif sont bien vagues !
La mention des familles ayant des comportements susceptibles de « causer des troubles pour autrui » laisse, avouez-le, beaucoup de place à l’arbitraire. Les troubles causés à autrui sont susceptibles, aujourd’hui, de faire l’objet de poursuites par l’autorité judiciaire ! Comment définit-on également le « défaut de surveillance » et « la stabilité familiale » ? Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, monsieur le ministre. Le bon sens populaire rejoint là un des principes de notre droit qui est celui de la sécurité juridique, dont l’objectif est de protéger les citoyens contre les effets secondaires, en particulier les incohérences, la complexité ou les changements trop fréquents de la loi.
Enfin, comme l’observe la CNIL dans son avis : « L’accomplissement des missions dévolues au conseil pour les droits et devoirs des familles suppose que celui-ci puisse disposer d’informations individuelles sur les familles. Se trouve ainsi institué un dispositif de signalement des mineurs et des familles à problèmes résidant dans la commune, sans qu’aucune garantie ne soit apportée, ni sur l’origine des informations qui seraient utilisées pour procéder à ce signalement, ni sur les critères déclenchant ce signalement, ni sur les modalités de transmission et de traitement des informations et la nécessité de confidentialité de celles-ci. » Selon le nouvel article L. 141-2, le maire pourra, en effet, proposer un accompagnement parental compte tenu de ses constatations ou d’informations portées à sa connaissance. Mais qui l’informera ? Les particuliers ? Comment ? Par la délation ?
Cet article, comme l’ensemble du projet de loi, considère les situations sociales précaires comme conduisant fatalement à la délinquance. Nous rejetons une telle philosophie.
Voilà pourquoi nous proposons, par cet amendement, de supprimer l’article 6 qui en est l’illustration.
Votre réponse – vous n’en serez pas surpris, monsieur le ministre – ne nous a pas convaincus. En effet, nous continuons à nous interroger sur la valeur ajoutée de votre dispositif par rapport au droit commun. Nous avons jugé que votre proposition était inutile et risquée, pour ne pas dire dangereuse. Vous avez essayé d’établir une hiérarchie. Ainsi, le maire, au premier niveau, devrait détecter les problèmes dans le cadre du conseil pour les droits et devoirs des familles – or le droit commun prévoit que le maire, son service social, le service social du département ou tout citoyen peut signaler au juge des enfants toute situation préoccupante. Le président du conseil général intervient au deuxième niveau, et en dernier lieu seulement le juge des enfants ! Vous allez donc ralentir la « machine à signaler », ce qui est tout à fait contre-productif. La gravité de certaines situations exige, en effet, parfois de saisir immédiatement la justice et donc le juge des enfants. Votre proposition complexifie le système et va donc à l’encontre de l’efficacité, dont je ne doute pas que vous l’avez recherchée.
Après vous avoir entendu, monsieur le ministre, nous considérons que ce dispositif est non seulement dangereux, mais inutile.
C’est pourquoi nous proposons également, par notre amendement, de supprimer l’article 6.
L’article 6 procède également d’un louable souci de proximité et de collégialité dans la mise en place des dispositifs qui peuvent instaurés par les maires. Les maires peuvent trouver des idées nouvelles pour la mise en place de nouvelles mesures d’accompagnement. Contrairement à certains de mes collègues, je ne veux pas voir dans cet article des aspects uniquement répressifs ; la prévention n’en est, en effet, pas absente. Ainsi, la rencontre entre les différents partenaires peut inciter des maires parfois à court d’imagination à envisager d’autres dispositifs. Certes, cela peut déjà se faire de façon informelle. Je suis maire d’une petite commune et j’ai pu m’apercevoir, en discutant avec les institutrices et les animateurs de la MJC, que les femmes issues de l’immigration éprouvaient extrêmement de difficultés pour rencontrer leurs interlocuteurs. J’ai donc mis sur pied un petit cours d’alphabétisation, qui a immédiatement porté ses fruits, puisqu’en fin d’année ces femmes ont eu le courage d’aller parler aux institutrices. C’est de cette collégialité que j’ai tiré un certain nombre d’enseignements qui m’ont permis de mettre en place des dispositifs d’accompagnement.
(Il est procédé au scrutin.)
Nombre de votants 30
Nombre de suffrages exprimés 30
Majorité absolue 16
Pour l’adoption 12
Contre 18
L’Assemblée nationale n’a pas adopté ces amendements.
Je suis saisie d’un amendement n° 176.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Nous avons la légitimité pour agir dans ce domaine et un conseil pour les droits et devoirs des familles n’apporterait rien de plus à l’avenir, en matière de légitimité entre autres.
Les maires ont donc déjà la légitimité pour agir en ce domaine. Je vous rappelle que la loi relative à la sécurité quotidienne leur a donné la base juridique pour la « coproduction de la sécurité », donc la prévention de la délinquance.
Vous nous proposez de rendre facultatif le conseil pour les droits et devoirs des familles, sa création devant être délibérée par le conseil municipal. Ce n’est donc plus une obligation, mais une possibilité.
C’est une avancée considérable, qui dénature d’ailleurs totalement le projet initial de Nicolas Sarkozy et du ministre chargé de la famille, qui nous expliquait tout à l’heure la nécessité d’un tel conseil dans les villes de plus de 10 000 habitants !
Voilà votre texte fourre-tout progressivement vidé de son sens. Il n’en reste pas moins confus, dangereux et contradictoire avec l’objectif affiché de faire du maire le pivot de la politique publique locale de prévention de la délinquance. Nous vous rejoignons sur ce point, mais rendre le conseil obligatoire n’aurait rien apporté de plus. Un peu de raison, fût-ce à cette heure tardive, est salutaire…
Pour atténuer les effets catastrophiques qu’aurait eus la mise en place obligatoire de ces conseils, vous en confiez la responsabilité au conseil municipal, les rendant du même coup facultatifs. Ce faisant, vous altérez ce qui justifie son intervention en tant que représentant de l’État, officier de police judiciaire, responsable de l’action sociale en tant que président du CCAS…
Avec une stratégie improvisée et inadéquate, et pour éviter le caractère obligatoire des conseils – à la demande pressant de l’Association des maires de France –, vous changez la nature de l’intervention du maire. Si le conseil communal de prévention de la délinquance est créé par décision du conseil municipal, ce n’est pas le cas du comité local de sécurité et de prévention de la délinquance. De la même manière, certaines prérogatives du maire ne relèvent pas des délégations que lui a confiées le conseil municipal.
Monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, j’attire votre attention sur les conséquences de cette décision. En ne rendant pas obligatoires les conseils pour les droits et devoirs des familles, en laissant le conseil municipal délibérer du bien-fondé de leur création, vous changez le fondement sur lequel le maire intervient dans le dispositif.
(L’amendement est adopté.)
Questions au Gouvernement ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 :
Rapport, n° 3450, de M. Pierre-Louis Fagniez ;
Suite de la discussion du projet de loi, n° 3338, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance :
Rapport, n° 3436, de M. Philippe Houillon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ;
Avis, n° 3434, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
Suite de l’ordre du jour de la première séance.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mardi 28 novembre 2006, à zéro heure cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l’Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton