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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 28 novembre 2006

70e séance de la session ordinaire 2006-2007


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LUC WARSMANN,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

prévention de la délinquance

Suite de la discussion d’un projet de loi
adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance (nos 3338, 3436).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 127 à l’article 6, précédemment réservé.

J’informe d’ores et déjà l’Assemblée que je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public sur l’article 6.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Article 6 (précédemment réservé)
(suite)

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo, pour soutenir l’amendement n° 127.

M. Pierre Cardo. À l’article 6, l’alinéa 15 énonce qu’« au terme de l’accompagnement parental, il est délivré aux parents ou au représentant légal du mineur une attestation comportant leur engagement solennel à se conformer aux obligations liées à l’exercice de l’autorité parentale ».

Cette disposition peut paraître sympathique mais, si un accord a été passé avec les parents dans le cadre d’un travail sur la parentalité, on peut supposer que le problème du contenu des responsabilités a déjà été évoqué, notamment quant à l’exercice de l’autorité parentale. À quoi sert alors cet engagement solennel puisque, de toute façon, si les parents sortent des obligations liées à l’exercice de l’autorité parentale, ils sortent des obligations prévues ?

Au-delà de cet aspect purement formel, on peut se demander comment l’attestation sera interprétée par les parents. Ne vont-ils pas considérer qu’on leur a délivré un certificat de bonne conduite ?

Compte tenu de tout ce qui a été dit sur les articles précédents, le projet s’inscrit bien dans une démarche positive d’accompagnement des parents, une démarche éducative. Il ne me paraît donc pas raisonnable d’en arriver à demander aux parents, au terme de cet accompagnement, un engagement solennel dans une attestation qui, de toute façon, n’apporte rien. À la limite, c’est considérer que la démarche engagée par les travailleurs sociaux, les enseignants et tous autres acteurs sociaux dans le cadre de l’accompagnement parental n’est pas suffisante.

Voilà pourquoi je propose de supprimer l’alinéa 15, qui ne me paraît pas du tout justifié.

M. le président. La parole est à M. le président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 127.

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La commission des lois a repoussé cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Avis défavorable.

On ne peut certes pas attendre que l’engagement solennel conduise tous les parents à modifier leur comportement, mais les seuls qui le feront suffisent à justifier son utilité.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Ayant demandé la suppression de l’article 6, je ne peux qu’abonder dans le sens de notre collègue Cardo.

Sur les précédents amendements, j’ai indiqué que cette attestation n’avait pas sa place dans ce texte. Ce n’est pas le rôle du maire de délivrer une telle attestation, qui revient, en quelque sorte, à attribuer une note aux parents pour leur dire s’ils sont de bons ou de mauvais parents. Au nom de quel principe le maire pourrait-il s’attribuer cette fonction ?

Ceux d’entre nous qui exercent les responsabilités de maire savent que le conseil pour les droits et devoirs des familles est inutile et dangereux. En effet, nous avons déjà mis en place, par exemple, des lieux de parentalité qui sont très utiles, qui respectent les fonctions de chacun, sans pour autant transformer le maire en une sorte de surveillant, d’arbitre des bonnes et des mauvaises familles. D’ailleurs, qu’est-ce qu’une bonne famille ? Qu’est-ce qu’une mauvaise famille ?

Voilà qui justifie la suppression non pas du seul alinéa 15, mais de l’ensemble de l’article !

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Je partage le point de vue qui vient d’être exposé et je comprends l’esprit de l’amendement de M. Cardo.

Tout à l’heure, monsieur Lagarde, vous nous avez reproché de faire de la politique. Mais nous sommes là pour ça ! En même temps, cher collègue, c’est d’une disposition législative que Noël Mamère demande la suppression, et je confirme, à mon tour, que nous devrions supprimer l’article 6. Pourquoi ?

M. le président de la commission des lois a indiqué que cette disposition pourrait peut-être aider telle ou telle famille. Y croit-on sérieusement ? Au moment où je vous parle, j’ai à l’esprit le visage de certains parents qui vivent en appartement dans certains quartiers. Ce dont ils ont le plus besoin, c’est d’un logement décent, plus grand, c’est de vivre dans un quartier plus agréable, c’est d’avoir un emploi, c’est d’améliorer leur pouvoir d’achat pour faire face aux difficultés de la vie familiale. J’ai déjà cité des exemples, que l’on pourrait multiplier.

Croit-on vraiment que des conseils pour les droits et devoirs des familles pourraient modifier quelque chose ? L’expérience montre que nous disposons déjà de centres sociaux dans certains quartiers, qui pourraient retisser le lien social qui a disparu. Ils sont capables d’aider les familles dans l’aide aux devoirs ou aux relations familiales, dans l’aide aux parents pour les formalités administratives. Ce travail existe déjà, mais ces centres sociaux ont besoin de davantage de moyens pour pouvoir travailler plus et mieux.

Je ne crois pas aux vertus du conseil pour les droits et devoirs des familles. On va « adresser des recommandations destinées à prévenir des comportements susceptibles de mettre l’enfant en danger ou de causer des troubles pour autrui » ? On va donner aux familles des « conseils de gestion » ? En fait, le problème de la majorité des familles est qu’elles n’ont plus rien à gérer ! Elles ont besoin qu’on les aide à sortir de leur état de pauvreté, et ce n’est pas cet article 6 qui le permettra.

Créer « une attestation comportant un engagement solennel à se conformer aux obligations liées à l’exercice de l’autorité parentale », c’est culpabiliser les parents qui sont déjà confrontés à des difficultés considérables. Un engagement solennel pour quoi faire ? Si les parents viennent au conseil des droits et devoirs des familles pour nous exposer leurs problèmes, quelles solutions allons-nous leur apporter, qu’allons-nous leur dire ? Nous allons leur donner des conseils de gestion, des conseils pour éduquer leurs enfants ? Cela est, certes, nécessaire, mais nul besoin d’une loi pour s’engager dans ce travail d’accompagnement parental : nous le faisons déjà depuis vingt ans dans le cadre de la politique de la ville ! Voilà pourquoi, cher collègue Lagarde, nous sommes pour la suppression de l’article 6.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Nous avons également proposé de supprimer l’article 6.

D’ailleurs, le conseil pour les droits et devoirs des familles ne sera plus celui qu’il devait être initialement, puisqu’il est devenu facultatif, la majorité ayant contribué à réécrire les dispositions le concernant.

L’attestation, elle, n’a rien à voir avec le contrat de responsabilité parentale. Il faut se poser la question de sa nature juridique, car la loi a une portée normative. Dans l’expression « contrat de responsabilité parentale », il y a le mot « contrat » que l’on comprend. L’article 6 parle d’« attestation », mais quelle est la portée de celle-ci ? En outre, si nous sommes défavorables au principe de l’attestation, c’est surtout parce que le maire risque sérieusement de voir son autorité morale non respectée et non reconnue. Le maire a une autorité morale et une fonction de médiation, et il est sans doute le premier médiateur de la commune vis-à-vis des familles. C’est évidemment d’abord dans les banlieues – mais pas uniquement – qu'il nous faut, nous, maires, mouiller notre chemise et rencontrer les familles pour dénouer les problèmes, tenter d’apporter des réponses à des situations difficiles.

Au lieu d’aider le maire, l’article 6 le mettra en difficulté, et les familles en difficulté ou dont les enfants posent des problèmes à la vie de la commune avec lui !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je souhaite répondre à M. Vaxès.

On peut bien sûr faire de la politique dans la salle des Quatre-Colonnes, mais notre premier travail, c’est de légiférer, c’est-à-dire d’écrire la loi. Or, je l’ai déjà dit − et dès le début de l’examen de l’article 6 −, s’il est, dans le projet de loi adopté par le Sénat, un alinéa qui paraît totalement déplacé et incongru, c’est bien celui dont l’amendement n° 127 propose la suppression.

Pardonnez-moi de le rappeler, le texte cherche à mettre le maire au centre de la coordination et du dispositif d’alerte, rôle important dans lequel il doit être crédible. Or, contrairement à M. Vaxès, je crois que le conseil pour les droits et devoirs des familles peut aider le maire à le remplir.

Je me répète peut-être, mais j’ai du mal à comprendre qu’on affirme que ce qui se faisait sans la loi se fera moins bien avec elle. Les résultats ne dépendront désormais plus de la seule crédibilité du maire, de sa bonne volonté ou de celle des familles, mais nous aurons une structure officiellement désignée, prévue pour aider à l’éducation des familles et qui, comme je le disais tout à l’heure à M. Mamère, ne sera plus coercitive, mais purement incitative. La nouvelle rédaction de l’article 6 a permis de progresser sur ce point : pour une fois que le Parlement arrive à faire avancer les choses, on ne peut que s’en féliciter.

Il reste que, alors même qu’on veut mettre le maire au cœur du dispositif et le doter d’une certaine crédibilité, l’alinéa dont Pierre Cardo propose la suppression le décrédibilise totalement.

Pardonnez-moi d’insister, monsieur le président, mais l’affaire est assez comique. Je m’imagine, demain, à la fin du parcours d’accompagnement éducatif − c’est-à-dire au moment où l’on aura considéré que le problème est réglé, que les parents ont compris, appris, rétabli des rapports avec leurs enfants −, délivrant dans mon bureau une attestation selon laquelle les parents prennent un engagement. Si je dois attester les engagements des autres, je crains d’avoir beaucoup de papiers à signer dans les mois et les années à venir. Maintenir cette disposition, c’est décrédibiliser le maire. Je soutiens donc l’amendement de Pierre Cardo.

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Je voudrais dire à M. Vaxès que, si tout allait bien, nous n’aurions pas besoin de cette loi.

M. Michel Vaxès. Donnez-nous les moyens pour que ça aille mieux !

M. Jacques-Alain Bénisti. Or, chacun le sait, tout ne va pas bien dans nos communes. Certes, nos centres socioculturels travaillent, nous apportons de l’aide à ces familles, mais que faire lorsqu’une d’elles ne désire pas aller dans le sens de l’intérêt de ses enfants ? Comment pouvons-nous peser ? L’article 6 fonde réellement les bases du travail que nous pourrons accomplir avec cette famille et, surtout, d’une autorité dont le maire était jusqu’alors dépourvu.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 127.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. Gérard Bapt. Mais non, il est adopté !

M. Jean-Pierre Blazy. Je demande la parole, monsieur le président !

M. Noël Mamère. Moi aussi…

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l’article 6, modifié par les amendements adoptés. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Le scrutin est ouvert…

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, il n’y a pas d’explications de vote sur l’article 6 ?

M. Noël Mamère. Nous ne sommes pas dans le TGV !

M. le président. Non, monsieur Lagarde : le scrutin est ouvert.

……………………………………………………………..

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

Pour l’adoption 25

L’Assemblée nationale a adopté.

M. Jean-Pierre Blazy. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, nous ne travaillons pas dans de bonnes conditions.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Au contraire, ça s’améliore !

M. Jean-Pierre Blazy. Comme il nous semblait y avoir un doute sur l’issue du vote à main levée sur l’amendement n° 127…

M. Gilbert Meyer. Mais non !

M. Jean-Pierre Blazy. …je voulais vous demander de procéder à une épreuve par assis et levé.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Ce n’est pas vous qui présidez !

M. Jean-Pierre Blazy. Vous n’avez pas cru utile de le faire et, de manière précipitée, dans de très mauvaises conditions, vous êtes passé au scrutin public sur l’article 6. Sans doute ma requête paraîtra-t-elle étonnante, dans la mesure où le scrutin public sur l’article a eu lieu, mais je demande une suspension de séance, puis un nouveau vote sur l’amendement de M. Cardo.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Ce n’est pas possible !

M. Gilbert Meyer. Quel cinéma !

M. le président. Monsieur Blazy, si la suspension de séance est de droit, je ne vous permets pas de mettre en cause la présidence. J’ai dénombré très scrupuleusement les votants, un par un, et l’amendement n° 127 a bel et bien été rejeté. Quant à la décision de procéder à un vote par assis et levé, c’est une prérogative du président, et non d’un délégué de groupe. Vous aurez donc votre suspension de séance, mais votre mise en cause de la présidence est dénuée de tout fondement.

M. Jacques-Alain Bénisti. Voilà un président qui préside !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Christophe Lagarde. Pour une fois, direz-vous, monsieur le président, voici un vrai rappel au règlement, fondé sur l’article 58, alinéa 1.

Nous venons d’examiner l’article 6 dans des conditions difficiles, tant en raison de sa longueur que par le dispositif qu’il met en place. Hélas, après le rejet de l’amendement n° 127, les maires auront à jouer un rôle assez ridicule.

Je voudrais en profiter pour dénoncer la situation résultant de la résolution du 7 juin 2006 et des consignes qui ont été données aux services de l’Assemblée nationale concernant la possibilité, pour les députés, de rectifier leurs amendements. D’autres connaissent mieux que moi cette nouvelle situation que je viens de découvrir en me renseignant auprès de mon groupe, mais je la rappellerai brièvement.

Les députés disposent d’un certain délai pour déposer leurs amendements, ce qui paraît tout à fait logique, mais il est arrivé assez souvent que, à la suite d’échanges avec la commission ou le Gouvernement, les parlementaires soient conduits à rectifier leurs amendements afin d’obtenir un accord. Au cours de la discussion, même, des accords ont pu se dessiner. Nous n’avons désormais plus cette possibilité et les rectifications d’amendements d’initiative parlementaire sont refusées. Tel a été le cas pour deux amendements que j’ai déposés et que nous allons bientôt examiner. Ainsi, alors que les députés ont moins de facilités pour travailler, moins de conseillers, moins de capacités législatives, voilà qu’on leur interdit de rectifier leurs amendements après le début de la discussion générale. La rectification pourrait permettre un accord du Gouvernement ou de la majorité de l’Assemblée, mais elle n’est plus possible. Le règlement n’a pas été modifié sur ce point, c’est son interprétation qui a changé.

Je dénonce cette iniquité, cette inégalité de traitement entre le Gouvernement qui peut continuer de déposer, de modifier, de rectifier ses amendements tant qu’il le souhaite − ce qui est bien normal − et les députés qui n’ont plus la possibilité de le faire, alors même qu’ils ont souvent rédigé ces amendements dans la précipitation et que des erreurs ont pu s’y glisser. Cela me paraît regrettable et je tenais à profiter de cette occasion pour le dire : peut-être pourrions-nous travailler tous ensemble à rétablir un droit d’amendement un peu plus équilibré au profit des parlementaires.

M. Gérard Bapt. Il a raison ! Le Parlement touche le fond en cette fin de législature !

M. Jean-Christophe Lagarde. Permettez-moi d’autre part, monsieur le président, d’attirer votre attention sur une question qui représente pour nous une sérieuse difficulté, même si je sais bien que vous n’allez pas pouvoir régler le problème en séance.

Nous venons de voter l’article 6, qui prévoit que le maire peut saisir le président du conseil général en cas de difficulté, et nous allons aborder l’article 7, qui, dans les mêmes conditions, prévoit que le maire peut saisir le juge des enfants. Nous avons examiné tout à l’heure un amendement de cohérence de notre collègue Pierre Cardo : un amendement précédent était tombé et celui-ci aurait été utile, mais il ne pouvait pas être inscrit dans la loi, car il n’était plus possible de le rectifier.

M. Gérard Bapt. À quoi servons-nous ?

M. Lilian Zanchi. Le Parlement est bâillonné !

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, il s’agit d’une difficulté bien réelle : comme je n’ai pu donner d’explication de vote, je précise que, pour cette raison et bien qu’il soit favorable au conseil pour les droits et devoirs des familles, le groupe UDF a dû s’abstenir sur l’article 6. On va manifestement faire jouer aux maires un rôle assez ridicule.

Le problème législatif que je viens de poser me paraît important pour ceux qui sont attachés aux droits du Parlement, mais également pour ceux qui, dans la majorité ou dans l’opposition d’aujourd’hui ou de demain, tiennent à ce que les députés conservent leur faculté d’amender les projets de loi.

M. Gilbert Meyer. C’est toujours un rappel au règlement ?

M. Jean-Christophe Lagarde. En matière d’amendements rectifiés, je souhaite que l’interprétation d’hier redevienne l’interprétation d’aujourd’hui. En tout état de cause, monsieur le président, il serait bon que nous soyons informés, au lieu de découvrir les nouvelles règles à l’occasion d’une discussion comme celle d’aujourd’hui, car il semble que personne n’ait reçu de courrier à ce propos.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt et une heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l’article 6, précédemment réservés.

Après l’article 6
(amendements précédemment réservés)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 682.

La parole est à Mme Patricia Adam, pour le soutenir.

Mme Patricia Adam. Les deux amendements portant articles additionnels après l’article 6 que nous avons déposés...

M. le président. Dois-je comprendre, madame Adam, que vous défendez en même temps l’amendement n° 684 suivant ?

Mme Patricia Adam. Non, monsieur le président, je les défendrai l’un après l’autre, mais il est vrai qu’ils s’articulent entre eux.

M. le président. Absolument.

Mme Patricia Adam. L’article 6, qui a été largement débattu, a fait apparaître de nombreuses contradictions. C’est pourquoi nous proposons ces deux amendements, qui traduisent une autre façon de concevoir la politique en matière de prévention de la délinquance et donc de protection de l’enfance. La prévention de la délinquance, en effet, c’est, d’abord, la prévention – je souligne bien ce mot – des risques sociaux. C’est ce qui explique cette autre conception que nous proposons, afin d’éviter tout risque de délinquance.

L’article 6, tel qu’il vient d’être voté, va semer la confusion tant auprès des acteurs de la prévention de la délinquance et de la protection de l’enfance que des élus qui s’intéressent à ces questions. Il stigmatise les populations en difficulté, faisant des seuls parents les responsables des désordres et des actes violents que nous connaissons et que, selon nous, seuls l’action sociale et un environnement favorable à la famille permettraient d’éviter.

Notre premier amendement reprend d’ailleurs une disposition que vous connaissez, monsieur Bas, puisqu’elle figure dans votre projet de loi réformant la protection de l’enfance, que nous espérons examiner au mois de janvier. Il concerne le partage d’informations à caractère secret et précise que celui-ci ne peut se faire que dans le cadre de la protection de l’enfance et donc de la prévention des risques sociaux. Plusieurs éléments introduits dans votre texte accentuent la prévention des risques, par le biais, par exemple, de la protection maternelle et infantile ou d’alternatives au placement : plus de prévention, tel est donc bien ce que vous proposez.

C'est dans le même esprit que nous proposons, par cet amendement, d’inscrire la protection de l’enfance dans les actions de prévention, en permettant aux professionnels de l’action sociale de partager les informations qui leur sont nécessaires pour prendre les bonnes décisions.

Nous précisons que « le père, la mère, toute autre personne exerçant l’autorité parentale [...] sont préalablement informés, selon des modalités adaptées, sauf si cette information est contraire à l’intérêt de l’enfant ».

J’aurais préféré que cet amendement, comme le suivant, soit examiné avant l’article 6. Ils auraient ainsi pu se suffire à eux-mêmes s’agissant de la coordination des travailleurs sociaux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement, mais à titre personnel j’y suis défavorable pour la raison que Mme Adam a dite elle-même, à savoir qu’il recopie une disposition du projet de loi réformant la protection de l’enfance, lequel viendra très prochainement en discussion devant notre assemblée – le ministre nous l’a confirmé hier. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’il conviendra d’en débattre. Nous avons déjà eu le même débat sur d’autres amendements à propos d’articles précédents : il ne faut pas mélanger les sujets.

Mme Patricia Adam. C’est pourtant ce qu’on fait depuis le début de la discussion du texte !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. L’avis du Gouvernement est également défavorable.

Madame la députée, je vous le redis, les deux textes n’ont pas le même objet. C’est d’ailleurs pourquoi toutes les dispositions concernant dans celui-ci la coordination des travailleurs sociaux en matière de prévention de la délinquance portent sur tous les domaines de compétences de ces derniers, à l’exclusion de la protection de l’enfance. Celle-ci fait en effet l’objet d’un texte spécifique, car si elle s’inscrit, comme vous l’avez si justement souligné, dans l’action de prévention, elle relève principalement du président du conseil général, dont l’autorité sera renforcée par le projet de loi à venir. Avec celui dont nous discutons, il s’agit de tout autre chose.

Mme Patricia Adam. Non ! Il s’agit toujours des enfants !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Il n’y a donc pas lieu, sauf à entraîner des confusions regrettables, de recopier dans ce texte-ci celui réformant la protection de l’enfance, même si je vous suis très reconnaissant de l’hommage que vous rendez au Gouvernement pour son travail en la matière.

M. Jacques-Alain Bénisti. Travail qu’il faut saluer !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je prends bonne note de votre impatience à approuver ce prochain texte – j’espère que tel sera le cas dans quelques semaines !

M. Lilian Zanchi. Pas de conclusion hâtive, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le ministre, sans éprouver de compassion pour vous, car ce n’est pas notre rôle, j’observe que vous êtes en train de défendre un projet de loi qui n’est pas le vôtre, et que vous êtes convaincu qu’il y de la part du ministre de l’intérieur une déviance par rapport à la protection de l’enfance. Vous ne pouvez en effet qu’être convaincu que nous aurions dû examiner votre texte sur le sujet avant celui sur la prévention de la délinquance, lequel entretient la confusion à la fois sur le rôle du maire et sur les compétences du conseil général, qui recouvrent l’action sociale et la protection de l’enfance.

Quant à nos collègues de l’UDF et d’une partie de l’UMP, c’est-à-dire vos amis, ils ont bien noté que l’article 6 contenait un tissu d’erreurs et de contrevérités, aboutissant par divers dispositifs à donner au maire des pouvoirs qui ne sont pas les siens, en particulier pour la délivrance d’une certaine attestation. S’ils vous ont demandé, au nom de l’intérêt général et de la protection des familles, de retirer ces dispositifs, c’est parce qu’ils savent bien, en tant que maires, comment les choses se passent. Ces maires, qui ne pensent, quelle que soit leur appartenance partisane, qu’au bien des familles et à la cohésion sociale, ce que l’on appelle le « vivre ensemble », ont bien compris que ce que vous cautionnez – mais je suis sûr qu’au fond de vous-même vous n’êtes pas d’accord...

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est faux !

M. Pierre Cohen. Ne parlez pas à la place du ministre !

M. Noël Mamère. ...avec le ministre de l’intérieur –...

M. Jean-Marc Roubaud. Ce n'est pas vrai !

M. Noël Mamère. ...va les mettre avec les pouvoirs qu’il leur donne, dans une situation pénible, et renforcer encore la stigmatisation de certaines familles.

Le groupe socialiste a raison de présenter ces articles additionnels, et Mme Adam a raison de dire que la logique politique, et non chronologique, aurait été de les appeler avant l’article 6. Nous verrons d’ailleurs dans quelques instants que l’article 7 augmente encore un peu plus la confusion sur les pouvoirs du maire, qui devient quasiment un juge pour enfants et, à tout le moins, le supplétif du procureur.

M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux ! C'est scandaleux de dire cela !

M. Noël Mamère. Au lieu de crier que c’est scandaleux,...

M. Jacques-Alain Bénisti. Ce que vous dites n’est pas la vérité !

M. Noël Mamère. ...levez plutôt le doigt pour demander à vous exprimer et nous dire ce que vous trouvez de bon dans ce texte ! C’est trop facile de dire : « C’est scandaleux ! »,...

M. Claude Goasguen. Vous le dites pourtant souvent !

M. Noël Mamère. ... « Vous êtes un député d’opérette ! », ou je ne sais quoi encore ! Formulez plutôt de vrais arguments !

M. Jean-Marc Roubaud. Tout ça, c'est du blabla !

M. Noël Mamère. M. le ministre délégué à la famille nous promet que son texte va être présenté bientôt à l’Assemblée nationale.

Mme Patricia Adam et M. Pierre Cohen. Quand ?

M. Noël Mamère. Quand sera-t-il en effet débattu, monsieur le ministre ? Pour l’instant, on ne le sait pas, mais je constate, à la lecture du programme de travail établi par le Gouvernement – et pour évoquer des thèmes qui me sont plus chers qu’à d’autres, en raison de mon appartenance politique –, que l’examen du projet de loi sur les OGM,...

M. Jean-Marc Roubaud. Les OGM ?

M. Claude Goasguen. Quel rapport avec ce texte ?

M. Noël Mamère. ...qui a été étudié en première lecture par le Sénat, a été repoussé sine die, de même que, pas plus tard qu’hier, celui du projet sur l’eau.

Nous entendons pourtant des membres de la majorité et du Gouvernement nous expliquer qu’il n’y a pas de plus grandes priorités que la lutte contre l’effet de serre ou la question de l’environnement.

M. Jacques-Alain Bénisti. Hors sujet !

M. Noël Mamère. Et nous entendons un ministre de l’intérieur nous expliquer, à travers ce projet de loi sur la prévention de la délinquance, qu’il n’y a pas d’autre priorité que la sécurité.

M. Pierre Cohen. Ils ne tiennent pas leurs promesses !

M. Jacques-Alain Bénisti. Vous mélangez tout !

M. Noël Mamère. Nous verrons bien si ce texte mal ficelé, ce texte que nous passons notre temps à amender – et pas seulement sur les bancs de l’opposition – est plus qu’un texte d’affichage.

Nous essayons de proposer des amendements constructifs, mais je crains, pour le travail législatif et pour l’image que les Français ont de notre travail, que ce texte ne voie jamais le jour. Il est déjà passé au Sénat, il ne fera pas l’objet d’une CMP mais d’une navette, qui ne fera qu’entretenir la confusion. Mais le ministre de l’intérieur, pardonnez-moi cette expression familière, s’en fout pas mal.

M. Pierre Cohen. Bien sûr ! C’est dans la perspective de l’élection présidentielle, c’est tout ! Où est-il d’ailleurs ?

M. Noël Mamère. Il a déjà fait son annonce.

M. Jean-Marc Roubaud. Ce n’est pas une madone !

M. Noël Mamère. Il a déjà obtenu ses effets politiciens et, pendant ce temps, nous prenant pour une armée des ombres ou pour une bande d’imbéciles, il délègue, il ne vient pas, il ne s’explique pas.

M. Jean-Marc Roubaud. Il délègue les compétences.

M. Noël Mamère. Et nous, parce que nous avons le sens de l’intérêt public, parce que nous savons que nous sommes porteurs de la souveraineté nationale, nous venons faire notre travail.

M. Jean-Marc Roubaud. Arrêtez ! Vous faites de la démagogie !

M. Noël Mamère. Mais celui-ci ne sert à rien sinon à alimenter les ambitions électorales d’un ministre de l’intérieur qui devrait démissionner de ses fonctions pour se consacrer à ses ambitions présidentielles.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Partez, alors !

M. Jean-Marc Roubaud. C’est pitoyable !

M. Noël Mamère. Allez-y, si c’est pitoyable, expliquez-vous !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Il me semble que nous devrions pouvoir continuer ce débat sans recourir à l’insulte.

M. Jean-Marc Roubaud. Voilà !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Nous devrions arriver à respecter les personnes, leur action, leur fonction,…

Mme Patricia Adam. À condition qu’on nous respecte et qu’on respecte le travail parlementaire !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. …en évitant les anathèmes, les procès d’intention qui, à coups de grandes envolées verbales, pour ne pas dire verbeuses, nous éloignent du sujet.

M. Jean-Marc Roubaud. Très bien !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Depuis tout à l’heure, nous faisons du surplace,…

Mme Patricia Adam. Ce n’est pas notre faute ! Nous n’avons examiné que des amendements de l’UMP cet après-midi !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. …pour des raisons qui n’ont que fort peu à voir avec les amendements appelés par le président de séance.

Je crois que, si chacun d’entre nous pouvait dorénavant se référer davantage au texte dont il est question plutôt qu’à des généralités un peu creuses, nous avancerions plus vite. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le ministre, vous avez raison de parler de « généralités un peu creuses », mais l’article 6 en est précisément le symbole.

M. Pierre Cardo. Il est creux, mais dangereux !

M. Jean-Pierre Blazy. En effet.

Pour en revenir à ce qui s’est passé juste avant la suspension de séance, monsieur le président, je ne voudrais pas que vous imaginiez que je puisse remettre un seul instant votre probité en question, celle-ci ne peut l’être.

M. Jean-Christophe Lagarde. Enfin !

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

M. Jean-Pierre Blazy. Avouez tout de même qu’il y a eu un peu de précipitation, mais nous en resterons là. Vous êtes seul juge.

Monsieur le ministre, nous aimerions vous rendre cet hommage à propos de votre texte relatif à la protection de l’enfance, même si nous eussions préféré, car cela aurait été plus clair, qu’il puisse venir en débat dans cette assemblée avant le texte relatif à la prévention de la délinquance comme cela a été le cas au Sénat…

M. Noël Mamère. C’est évident !

M. Jean-Pierre Blazy. Vous avez su pratiquer une large concertation. D’ailleurs, les sénateurs socialistes se sont abstenus.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Abstention positive ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Blazy. Tout à fait ! C’est presque un vote positif.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Presque !

M. Jean-Pierre Blazy. Pourquoi ce vote, monsieur le ministre ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Parce que les élections approchent !

M. Jean-Pierre Blazy. Parce que, justement, vous avez mené une réelle concertation.

M. Noël Mamère. Ce qui n’est pas le cas du ministre de l’intérieur.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est toute la différence avec le texte dont nous discutons aujourd’hui, qui, lui, n’a fait l’objet d’aucune concertation, ni avec les maires ni entre les ministères, alors que certains ministres sont, on le sait, plutôt réticents, ni avec les nombreux organismes qui auraient dû être consultés. Pierre Cardo ou Pierre Cohen le savent, le Conseil national des villes a dû s’autosaisir. Si ces organismes avaient été consultés, nous n’aurions pas à discuter de généralités creuses, monsieur le ministre.

Tout en étant creux, le texte de l’article 6 n’en est pas moins dangereux. Ainsi, son alinéa 8, qui prévoit de donner la possibilité au conseil pour les droits et devoirs des familles de proposer au maire de réorienter l’utilisation des prestations familiales, manque de précision. La marge d’interprétation laissée entache le texte. Nous verrons bien ce que le Conseil constitutionnel en pensera parce que le principe d’égalité des délits et des peines qui existe en droit pénal pourrait trouver matière à s’appliquer en droit social, car nous faisons quand même du droit, et du droit social, ou alors, c’est de la littérature, c'est-à-dire des généralités creuses. Or je ne crois pas que le travail des parlementaires doive être cela.

M. Jean-Marc Roubaud. Bref…

M. Jean-Pierre Blazy. Si nous proposons de réintroduire après l’article 6 votre texte, monsieur le ministre, c’est précisément parce qu’il nous paraît plus clair, plus équilibré.

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous voulez déshabiller son texte ?

M. Jean-Pierre Blazy. Il faudrait quand même que nous définissions clairement ce qui relève de la protection de l’enfance et ce qui relève de la prévention de la délinquance. Le flou des périmètres rend le texte inutile, voire dangereux, et les risques concernent surtout les maires.

M. Pierre Cohen. Eh oui !

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. M. Blazy prétend que personne n’a été consulté. Ce n’est pas vrai : nous avons consulté.

M. Jean-Pierre Blazy. Non !

M. Jacques-Alain Bénisti. La commission « prévention » du groupe d’étude parlementaire sur la sécurité intérieure a entendu soixante-quinze professionnels et acteurs de l’enfance, des enseignants, des travailleurs sociaux, des magistrats…

M. Pierre Cohen. Nous parlions, nous, des ministres !

M. Jacques-Alain Bénisti. Quand nous leur avons parlé de ce grand projet de prévention de la délinquance, ces professionnels nous ont demandé de ne pas confondre la protection de l’enfance avec la prévention de la délinquance.

M. Jean-Pierre Blazy. Absolument !

Mme Patricia Adam. Nous sommes d’accord.

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est pourquoi nous avons séparé la partie concernant la protection de l’enfance – le projet de loi de M. Bas ne parle pratiquement que de protection – de la partie prévention, qui préconise des mesures précoces pour empêcher nos enfants de dévier vers la délinquance.

M. Pierre Cohen. Ce n’est pas de la prévention, c’est de la répression !

M. Jacques-Alain Bénisti. Nous avons suivi la suggestion des professionnels et nous avons scindé les deux domaines : protection de l’enfance, d’un côté, et prévention de la délinquance, de l’autre.

Mme Patricia Adam. Nous n’avons pas dû entendre les mêmes personnes !

M. Jacques-Alain Bénisti. Je ne parle pas, madame Adam, des syndicats gauchistes (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) qui n’avaient qu’une idée : critiquer. Je parle des vrais professionnels, de ceux que l’on retrouve réellement sur le terrain et qui ont travaillé avec nous sur ce projet.

M. Jean-Marc Roubaud. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 682.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 684.

La parole est à Mme Adam, pour le soutenir.

Mme Patricia Adam. Nous n’avons pas dû entendre les mêmes professionnels ni les mêmes associations parce que nous n’avons pas compris la même chose.

L’amendement n° 684 prévoit d’organiser le travail entre le président du conseil général et le maire, les deux acteurs qui sont sur le terrain avec leurs services. Le maire est souvent chargé des politiques de prévention, en termes éducatifs, avec les contrats enfance jeunesse en particulier, le dispositif de veille éducative, de réussite éducative aujourd’hui, etc. De l’autre côté, le conseil général gère le secteur de la protection de l’enfance et de l’action sociale dans son ensemble. Voilà deux compétences aujourd’hui clairement définies.

À l’article 1er, nous avons accepté qu’ils puissent se coordonner, et nous étions d’accord sur ce point. Mais les articles 5 et 6 ont introduit une grande confusion. Notre amendement vise rendre le texte plus clair, plus cohérent.

Nous proposons ainsi qu’il soit écrit dans la loi – c’est important puisque la loi dit ce qui est obligatoire, comme M. Houillon l’a rappelé, ce dont je l’en remercie –, que les présidents de conseil général organisent territorialement leurs services, sur des territoires pertinents, et qu’ils aient l’obligation, par voie de conventions, à travailler avec les maires pour définir les politiques en matière d’action sociale et donc de protection de l’enfance. Bien évidemment, compte tenu des compétences des maires en matière de prévention de la délinquance, l’ensemble des sujets pourront être abordés. À partir de ce diagnostic commun, de cette évaluation commune, ils pourront, dans le cadre de leurs compétences respectives, mettre en œuvre les politiques adaptées au sein de leurs deux collectivités de manière coordonnée.

Voilà ce que propose cet amendement. C’est simple, cela fait appel à l’intelligence des maires et des conseillers généraux, qui sont aussi, je le précise parce qu’il a été très souvent dit dans ce débat qu’ils étaient trop éloignés, des élus locaux.

Nous allons même plus loin puisque nous proposons que la centralisation et le recueil des informations préoccupantes, qui sont proposés d’ailleurs dans le texte de protection de l’enfance, puissent être organisés de manière territoriale pour prendre en compte l’ensemble des aspects de la coordination. Dans l’affaire dramatique que M. Lagarde a rappelée, c’est bien un problème de coordination et d’organisation des services qui s’est posé.

M. Jacques-Alain Bénisti. Tout à fait !

Mme Patricia Adam. Et ce n’est pas parce que ce sera le maire ou qui que ce soit d’autre qui agira que cela ira mieux. Seuls une bonne organisation des services de la ville, mais aussi du conseil général, et le respect des missions des uns et des autres nous permettront d’éviter d’autres drames. C’est le plus important.

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est de l’utopie de penser cela, malheureusement ! Cela ne peut pas marcher comme cela !

Mme Patricia Adam. Voilà ce que propose cet amendement : une coordination sur le terrain, organisée de manière territoriale, avec l’ensemble des acteurs, en respectant les déontologies de chacun. L’État doit bien sûr en faire partie, avec ses services, l’éducation nationale, la justice, les services de police et de gendarmerie, mais cette organisation sera contractualisée, exercée par voie de convention, en respectant les règles déontologiques des uns et des autres. C’est ainsi que nous devons travailler.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement mais, à titre personnel, j’y suis défavorable pour les mêmes raisons que pour l’amendement précédent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 684.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 371.

La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le soutenir.

M. Jean-Christophe Lagarde. Amendement remarquable !

M. Nicolas Perruchot. Cet amendement est important et il est la suite logique d’une visite effectuée par le ministre Estrosi dans ma ville il y a de nombreux mois maintenant et à l’occasion de laquelle il avait rencontré les correspondants de nuit qui œuvrent au quotidien dans la ZUP de Blois.

Le ministre avait pris en considération le fait que la plupart des correspondants de nuit dans ce pays sont malheureusement employés avec des contrats aidés, aidés par l’État, sans aucune perspective de carrière. Pourtant, on se rappelle le rôle qu’ils ont pu jouer par exemple en novembre et en décembre 2005, et chaque fois que les situations se tendent dans les banlieues. Dans les villes qui en sont dotées, ces correspondants sont des médiateurs sociaux de très grande proximité ; ce sont d’ailleurs souvent des personnes issues des quartiers et qui les connaissent très bien. Ils font dans leurs actions au quotidien des actes de prévention très importants pour les maires et la population.

Ils contribuent, à leur manière, à prévenir la délinquance en privilégiant les contacts.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est vrai !

M. Nicolas Perruchot. Nous devons donc conférer aux correspondants de nuit un statut plus digne que celui d’un simple contrait aidé, voire d’un contrat de droit commun. Ces femmes et ces hommes des quartiers sensibles travaillent à partir de dix-sept heures jusqu’à minuit, voire deux heures du matin, pour que les gens n’aient plus peur dans les quartiers et comprennent la nécessité du dialogue. Ils contribuent à la construction de la cohésion sociale. Ces correspondants de nuit, le plus souvent employés par des réseaux associatifs et dont la plupart sont en poste depuis cinq à sept ans, aspirent légitimement à une évolution de carrière prenant en considération le travail effectué dans les collectivités qui financent les associations ou au sein des services de l’État.

Ils pourraient ainsi avoir une carrière digne, voire évoluer vers du travail social plus organisé, vers la médiation sociale.

Si nous adoptons cet amendement, nous enverrons un signe fort à ces correspondants dont il faut rappeler l’exceptionnel travail et le rôle important qu’ils ont à jouer dans nos quartiers.

M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission a jugé l’idée bonne, mais a repoussé cet amendement au motif qu’il relevait du domaine réglementaire. Il ne s’agit en effet que d’accorder un label. La preuve en est que le III de l’amendement renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de fixer la définition du correspondant de nuit et les autres conditions d’application de l’article additionnel proposé.

Par ailleurs, une concertation doit avoir lieu avant que ne soit organisé le statut de la profession de correspondant de nuit. Je ne sais pas si tel a été le cas, mais sans doute M. le ministre va-t-il nous éclairer sur ce point.

M. Nicolas Perruchot. M. Estrosi s’est engagé !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le Gouvernement partage la position de la commission sur la nature réglementaire de l’amendement. J’ajoute que, si le rôle des correspondants de nuit doit être reconnu, leur activité relève de la médiation sociale, qui compte déjà neuf « compartiments ». Mieux vaudrait, dans une optique de professionnalisation des médiateurs sociaux, rattacher les correspondants de nuit à l’une des certifications existantes, plutôt que de créer un statut particulier applicable aux seuls correspondants de nuit. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Nous soutenons cette proposition de MM. Perruchot et Lagarde, que soutiennent d’ailleurs également de nombreuses associations d’élus.

Le manifeste du Forum français pour la sécurité urbaine stipule ainsi qu’il est temps de donner un statut à ces nouveaux métiers de la médiation sociale. Vous avez raison de dire qu’il y a plusieurs métiers, monsieur le ministre, mais si, depuis son lancement à Rennes, l’expérience des correspondants de nuit s’est développée, c’est parce que les communes concernées souhaitaient qu’il y ait, la nuit, un service public au contact des habitants – toujours des locataires – et dont la mission devait contribuer à assurer la tranquillité publique. Cela dit, une telle expérience, qui relève de la volonté des maires, est fragile. Après des années d’expérience, un véritable métier est né. Il faut le reconnaître et lui donner un statut.

Cet amendement a toute sa place dans un projet de loi qui prétend faire du maire le pivot de la politique locale de prévention.

M. le président. La parole est à M. Lilian Zanchi.

M. Lilian Zanchi. M. le rapporteur a répondu à M. Perruchot que, étant donné qu’il renvoyait à un décret le soin de fixer la définition du correspondant de nuit, cet amendement n’avait rien à faire dans le projet de loi en discussion.

M. Philippe Houillon, rapporteur. J’ai été plus doux !

M. Lilian Zanchi. Il se trouve que nous avons tout à l’heure adopté des dispositions relatives au coordonnateur et que la définition de celui-ci sera également fixée par décret. Je ne vois pas pourquoi ce qui vaut pour les coordonnateurs ne vaudrait pas pour les correspondants de nuit ! C’est une question de cohérence.

Le Forum français pour la sécurité urbaine, qui regroupe cent quarante villes, de gauche comme de droite, a organisé, à Rennes, un grand colloque sur les expérience des correspondants de nuit menées depuis trois, quatre ou cinq ans dans certaines villes de France. Selon ses conclusions, que je pourrais vous faire parvenir, il faut reconnaître le métier des correspondants de nuit à travers les missions qu’ils assument aujourd’hui. Si ces correspondants ont été créés, c’est parce qu’à un moment donné tous les professionnels, y compris les bailleurs sociaux, se sont aperçus que, la nuit, sur un secteur géographique donné, les policiers n’étaient pas toujours les mieux placés pour répondre à la demande sociale et aux situations d’urgence résultant des troubles de voisinage ou à l’intérieur des familles. Ils ont donc fait appel à ces correspondants de nuit, la plupart du temps sous statut associatif, qui sont des médiateurs, comme le dit très bien l’amendement, et qui interviennent auprès des familles. Dès lors, les bailleurs sociaux, les villes, les conseils généraux et régionaux ont élaboré des programmes d’emploi et de formation.

Cette profession n’a plus à faire ses preuves et mérite aujourd’hui une reconnaissance officielle. Le CNFPT a d’ailleurs essayé d’intégrer ces correspondants dans une mission de la fonction publique territoriale, qui ont toute leur place dans ce texte. C’est pourquoi je souhaite que cet amendement soit adopté.

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Sur le fond, nous sommes tous d’accord.

M. Jean-Pierre Blazy. Votez l’amendement, alors !

M. Jacques-Alain Bénisti. Mais le grade de médiateur social, avec le « sous-grade » de correspondant de nuit, existe déjà dans les cadres d’emploi de la filière médiation sociale, qui sont au nombre de six, monsieur le ministre.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est une armée de l’ombre ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je peux comprendre, monsieur le ministre, votre argument selon lequel cette disposition serait de nature réglementaire. Encore que nous adoptions de nombreuses mesures qui relèvent du règlement, y compris dans ce texte ! Mais comme l’a indiqué Nicolas Perruchot, M. Estrosi lui-même – et ce n’était pas le premier –, constatant l’utilité et l’efficacité de ces personnes sur le terrain, a reconnu qu’il fallait faire quelque chose.

On ne peut exercer cette fonction, essentielle dans certains quartiers très difficiles, sans avoir un minimum de perspectives. Sinon, vous êtes renvoyé à ce que le ministre de l’intérieur dénonce assez souvent, parfois très légitimement, parfois moins, à savoir les « grands frères ». Nous pourrions retirer cet amendement si le Gouvernement prenait l’engagement de reconnaître ces travailleurs, qui existent depuis des années. Puisque M. Estrosi à quelques liens avec le ministère de l’intérieur, il pourrait nous annoncer qu’un décret leur permettra enfin d’être reconnus et d’avoir une évolution de carrière.

Nous ne sommes qu’en première lecture. Il va y avoir une navette parlementaire et cela donnera du temps au ministre pour se prononcer.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 371.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 7 (précédemment réservé)

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, inscrit sur l’article 7, précédemment réservé.

M. Noël Mamère. Nous demandons la suppression de cet article, comme nous avons demandé celle de l’article 6.

L’article 7 ne fait qu’ajouter à la confusion et, surtout, il porte atteinte au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. En effet, il autorise le maire à saisir le juge des enfants pour déléguer à un professionnel le contrôle des prestations familiales, dans le cadre de la mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial. Il y a là une confusion manifeste entre les missions de la justice, acteur à part entière de la prévention de la délinquance, et celles du maire. Il n’appartient pas à ce dernier de déclencher une procédure judiciaire de mise sous tutelle des prestations familiales ou de proposer au juge des enfants que le coordonnateur soit désigné pour exercer cette tutelle aux prestations familiales. Outre le problème constitutionnel…

M. Claude Goasguen. Il n’y en a pas !

M. Noël Mamère. …d’atteinte au principe de la séparation des pouvoirs que cela pose, cela ne ferait que stigmatiser davantage les familles en difficulté.

Avec le conseil pour les droits et devoirs des familles, on ne fait que montrer encore un peu plus du doigt les familles qui ont de graves difficultés sociales.

M. Jacques-Alain Bénisti. Vous préférez les abandonner !

M. Noël Mamère. Dès lors, celles-ci deviennent ce que l’on appelle des « dangers sociaux ». Au lieu de traiter la question par la prévention en utilisant des dispositifs qui existent déjà, vous préférez l’aborder sous l’aspect de la sanction, comme si une famille en difficulté était d’abord fautive, et comme si ses enfants étaient des délinquants dès leur plus jeune âge ! Ces pouvoirs supplémentaires donnés au maire ne sont pas de sa compétence, parce que le maire n’est pas un juge.

Il y a confusion des pouvoirs, atteinte au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de l’article 7.

Franchement, quant on regarde les dispositions de l’article 6 et celles que propose l’article 7, et que l’on revient, car il faut le faire en permanence, à l’article 1er, fondement du projet de loi, on retrouve partout l’idée, que nous combattons, selon laquelle le maire serait un shérif, un éducateur, un procureur, un travailleur social, un garde-chiourme…

M. Claude Goasguen. Caricature !

M. Noël Mamère. …ou celui qui serait chargé de procéder aux arbitrages entre les bons et les mauvais émigrés, comme le prévoit la loi sur l’immigration.

M. Jean-Marc Roubaud. Caricature !

M. Jacques-Alain Bénisti. Démagogie !

M. Noël Mamère. Pour peu que l’on regarde avec attention, non pas séparément, mais de manière globale les lois proposées par le ministre de l’intérieur, on s’aperçoit qu’elles présentent un danger pour la République. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Lilian Zanchi.

M. Lilian Zanchi. Cet article revient sur le rôle du coordonnateur choisi par le maire, ainsi que le précise l’article 5 du projet de loi, parmi les professionnels issus du champ social, éducatif ou sanitaire travaillant pour les collectivités territoriales, la ville ou le conseil général. Ce coordonnateur, monsieur le ministre, vous souhaitez le transformer en délégué aux prestations familiales, c’est-à-dire en tuteur des prestations familiales.

Une fois de plus, vous introduisez une ambiguïté sur le rôle du maire, que vous voulez substituer aux responsables de la caisse d’allocations familiales pour proposer au juge des enfants de désigner le coordonnateur délégué aux prestations familiales. Vous replacez ainsi la décision judiciaire et son application sous le contrôle du maire.

M. Jacques-Alain Bénisti. Non !

M. Lilian Zanchi. Le professionnel en question peut être une assistante sociale du conseil général sous l’autorité du président du conseil général, un éducateur de la prévention spécialisée relevant d’une association sous l’autorité d’un président d’association, un professeur ou une assistante sociale de l’éducation nationale sous la responsabilité d’un chef d’établissement.

Enfin, il peut aussi s’agir d’un tuteur, car les enfants n’ont pas tous leurs parents. Pour être conseiller général et membre d’un conseil de famille, je sais que celui-ci aide le préfet tuteur pour accompagner l’enfant. Le préfet tuteur de l’enfant pourrait bien aussi être désigné pour exercer la tutelle, avec l’accompagnement du conseil de famille.

M. Jacques-Alain Bénisti. Non, ce n’est pas ce que prévoit le texte.

M. Lilian Zanchi. C’est inacceptable. M. Mamère l’a fait remarquer : l’article 7 met à mal la séparation des pouvoirs.

Comment parler d’indépendance entre le coordonnateur et le délégué des tutelles ? Il me semble que vous établissez une confusion entre les missions d’accompagnement social et celles de contrôleur sur ordre du juge. Vous introduisez en effet une ambiguïté dans les responsabilités de sa hiérarchie et, puisque nous votons les textes dans l’ordre dans lequel ils nous sont présentés, sans doute faudra-t-il repréciser les termes de l’article L. 167-5 du code de la sécurité sociale, qui dispose que c’est un décret en Conseil d’État qui détermine les conditions d’agrément des tuteurs et des choix des délégués à la tutelle.

M. Jacques-Alain Bénisti. Justement : il faut aller jusqu’au bout !

M. Lilian Zanchi. On mesure ici l’ambiguïté : le maire disposera-t-il d’une liberté réelle, pour désigner le coordonnateur, puis le délégué, ou son choix sera-t-il restreint ? Est-ce vraiment lui qui les choisira ou les sélectionnera-t-il dans une liste préétablie par le Conseil d’État ? Dans ce cas, on ne peut pas parler d’un libre choix : le dispositif proposé ne sert à rien et l’article tombe de lui-même.

Par ailleurs, un amendement du rapporteur va être appelé dans un instant, proposant que le maire se contente d’informer le juge de l’existence d’un coordonnateur pouvant être désigné comme délégué, sans avoir à proposer lui-même cette nomination. Je vous renvoie à l’exposé sommaire de l’amendement n° 179. On observe ainsi un premier recul, puisque, aux termes de cet amendement, le maire ne proposerait plus la nomination du coordonnateur.

Depuis le début de la discussion, nous mettons le projet de loi en parallèle avec celui relatif à la protection de l’enfance, qui viendra en discussion dans quelques semaines. L’article 7 du projet de loi que nous examinons se réfère à l’article L. 552-6 du code de la sécurité sociale, dont vous n’ignorez pas, monsieur le ministre, qu’il sera modifié pour que, dans le cadre de la mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial, le délégué aux prestations familiales perçoive tout ou partie des prestations familiales dues au bénéficiaire de la mesure.

On comprend la nécessité de mettre les deux textes en parallèle : le délégué à la tutelle dont le maire pourra soumettre le nom au juge percevra ensuite, aux termes du texte dont nous débattrons bientôt, les prestations familiales dues au bénéficiaire de la mesure.

M. Jacques-Alain Bénisti. Pas du tout !

M. Lilian Zanchi. Mais si, je suis désolé !

M. Jacques-Alain Bénisti. Le texte est clair !

M. Lilian Zanchi. L’article 7 renvoie à l’article L. 552-6 du code de la sécurité sociale et je me suis reporté à la nouvelle rédaction que proposera le Gouvernement dans quelques semaines.

Essayons d’établir une cohérence entre les deux textes, afin qu’ils puissent s’accorder durablement ou, si nous votons l’article 7 en l’état, soyons conscients qu’il faudra amender le projet de loi qui viendra bientôt en discussion pour qu’il puisse s’appliquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Les deux textes doivent pouvoir fonctionner en parallèle, comme je viens de vous le démontrer.

M. Jacques-Alain Bénisti. Vous n’avez rien démontré du tout !

M. Lilian Zanchi. Monsieur le ministre, mettez les deux textes en cohérence ou précisez dans le texte en discussion que le délégué aux tutelles percevra les prestations familiales. Quoi qu’on fasse, il faudra unifier les deux rédactions ou supprimer l’article 7. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. L’article 7 est symbolique de notre débat. Après de nombreuses pressions, le ministre de l’intérieur a tout de même reculé, même s’il refuse de le reconnaître, depuis la première rédaction qui faisait du maire un shérif.

M. Jacques-Alain Bénisti. Bien sûr ! Le texte que nous votons n’a plus rien à voir avec celui qui avait été annoncé. Merci de l’admettre et de l’expliquer à M. Mamère !

M. Pierre Cohen. Dans leur ensemble, les associations de maires et les professionnels se sont opposés à la première rédaction. Peut-être parce qu’un certain ministre de l’intérieur est devenu entre-temps Premier ministre, des versions différentes se sont succédé depuis trois ans et le texte a évolué.

L’inconvénient de la rédaction actuelle, moins dramatique que la première, mais tout de même extrêmement grave, est qu’elle opère une confusion.

Certes, le maire joue déjà sur le terrain un double rôle de coordination entre les acteurs et de prévention. Depuis le rapport Bonnemaison, dans tous les dispositifs – conseils communaux de prévention de la délinquance, contrats locaux de sécurité –, il a été au cœur des articulations avec l’État et les autres collectivités locales pour faciliter le travail des acteurs sur le terrain.

Mais, depuis le début du débat, nous dénonçons le fait que le projet de loi ne se situe pas réellement sur le terrain de la prévention, et maintienne un certain nombre d’illusions. Si les premières versions du texte faisaient du maire un shérif, la rédaction actuelle cherche encore à faire croire aux citoyens qu’il pourra régler les problèmes sans qu’on lui en donne réellement les moyens.

Je ne parle pas de moyens dont pourrait rêver un shérif, mais de ceux que supposent diverses logiques de fonctionnement : celle de l’éducation nationale, extrêmement importante dans son domaine, celle de la police, qui est répressive, même si nous regrettons toujours la police de proximité, que vous avez supprimée,…

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est du passé !

M. Pierre Cohen. …celle de la justice qui, faute de moyens, ne parvient pas à être réactive, rapide et proche du citoyen. En somme, on veut donner l’impression que le maire est à la tête de tous les dispositifs de prévention.

L’article 7 accorde au maire un rôle réellement répressif en lui donnant la possibilité de nommer quelqu’un qui se substituera aux parents, puisqu’il pourra, grâce à une mesure judiciaire, exercer une aide à la gestion du budget familial.

Autant dire que l’on donne au maire un rôle qui existe déjà, puisque la possibilité de supprimer les allocations familiales est déjà prévue dans certains cas précis. Mais l’articulation entre l’illusion que vous créez et le rôle répressif du maire est extrêmement dangereuse. En effet, celui-ci rencontrera une attente très forte, chaque fois qu’une famille connaîtra des problèmes particuliers. Il sera dès lors en première ligne. Comment pourra-t-il jouer ce rôle, s’il s’y refuse ?

Oui, l’article 7 fait du maire une caution répressive réelle, mais au prix d’une illusion. Le texte indique d’ailleurs que le maire « peut » proposer le coordonnateur pour exercer la fonction de délégué aux prestations familiales. Je prends le pari que cette loi ne sera pas effective. Le sera-t-elle que la plupart des maires n’accepteront pas de jouer ce rôle !

M. Alain Néri. Ce sera la grande illusion, suivie de la grande désillusion !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous voici à l’article 7, en décalage par rapport à l’article 6.

Celui-ci prévoit en effet que, selon la logique qu’a expliquée M. Cardo, le maire, qui doit être le coordonnateur de l’action de prévention de la délinquance, ait la possibilité, via le conseil pour les droits et devoirs des familles, qui vient d’être créé, d’alerter d’autres institutions si sa mission de proximité, de prévention et de coordination ne suffit pas à rétablir une situation au bénéfice de la famille, de l’enfant, du quartier ou de la ville. Toutefois, si tel est le cas, le même article 6 prévoit que le maire saisisse le président du conseil général, qui dispose de la faculté de mettre en œuvre d’autres mesures.

Or la rédaction actuelle de l’article 7, quand bien même nous voterions les amendements qui ont été déposés, ne pourra pas être en cohérence avec l’article 6, à moins que le Gouvernement ne dépose un amendement, ce qu’il est désormais le seul à pouvoir faire, afin de coordonner les dispositions des deux articles.

Je rappelle en effet que, en vertu de l’article 6, lorsqu’il y a un accompagnement parental et que le maire constate un échec, dû par exemple à la mauvaise volonté des familles, il saisit le président du conseil général, tandis que, aux termes de l’article 7, lorsque le maire ou son représentant au sein du conseil constate un dysfonctionnement, il saisit le juge des enfants. Pourquoi le maire saisirait-il le président du conseil général s’il peut aussi saisir le juge des enfants ?

M. Jacques-Alain Bénisti. Mieux vaut plusieurs possibilités qu’aucune !

M. Jean-Christophe Lagarde. Autant dire que nous sommes passés au stade supérieur, sachant qu’il y a trois niveaux : le maire, le président du conseil général et le juge des enfants.

Monsieur le ministre, nous nous trouvons face à une anomalie qu’il me semble nécessaire de supprimer.

Le groupe UDF n’a pas pour habitude d’abuser des suspensions de séance, mais nous nous verrions obligés d’en demander une si nous n’étions pas entendus. Il faut en effet que nous nous mettions autour d’une table pour déterminer les possibilités que le texte offrira au maire : ce ne peut pas être tout et son contraire.

Le maire doit coordonner, prévenir, maintenir une proximité, accompagner les familles avant qu’il ne soit trop tard et, s’il pressent un échec, saisir le président du conseil général pour que celui-ci mette en œuvre d’autres mesures. Mais, selon le principe de l’éloignement territorial, dès lors qu’il y a coercition, comme l’a rappelé M. Cardo, il ne peut pas dans le même temps saisir le juge des enfants, car il mettrait en œuvre deux actions concurrentes, qui s’exerceraient au détriment de l’enfant.

J’insiste sur ce point : les amendements votés à l’article 6 sont en contradiction avec l’article 7, que nous n’avons plus la possibilité d’amender.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. Nous sommes arrivés au terme de ce débat (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), puisque nous assistons, depuis l’article 5, à une démonstration par l’absurde de la totale incohérence du projet de loi.

Deux de nos collègues viennent de montrer brillamment à quel point la confusion règne : ce texte n’est qu’affichage et supercherie. Il sera absolument inapplicable et d’une confusion telle que les ministres eux-mêmes ont du mal à se mettre d’accord. À l’article 7, on peut lire, par exemple, que le maire peut proposer une mesure au juge des enfants. On croit rêver ! Le juge des enfants décide seul, et c’est normal : la justice est indépendante.

Dans ces conditions, il me paraît nécessaire de suspendre la séance, car il serait temps que le Gouvernement se mette d’accord avec lui-même.

M. Alain Néri. Encore faudrait-il que les ministres soient tous présents !

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Mes chers collègues, il suffit de lire l’article 7 pour comprendre ce qui est proposé.

M. Alain Néri. Rien !

M. Jacques-Alain Bénisti. Lorsque le maire ou son représentant au sein du conseil pour les droits et devoirs des familles saisit le juge des enfants, il peut, en sa qualité de président de ce conseil, conjointement avec la caisse des allocations familiales,…

Mme Patricia Adam. On a lu le texte !

M. Jacques-Alain Bénisti. …proposer au juge des enfants, après accord de l’autorité dont relève le coordonnateur – vous voyez le nombre des personnes consultées ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) –,…

M. Jean-Pierre Blazy. Justement ! Tout cela est illusoire !

M. Lilian Zanchi. C’est une usine à gaz !

M. Jacques-Alain Bénisti. …que ce dernier soit désigné pour exercer la fonction de délégué aux prestations familiales.

M. Cohen l’a dit, le texte a évolué. C’est d’ailleurs pourquoi M. Mamère devrait cesser de répéter que le maire est devenu un shérif : il ne l’est plus !

M. Alain Néri. Vous reconnaissez donc qu’il l’a été !

M. Jacques-Alain Bénisti. Il s’entoure, au contraire, de toutes les précautions possibles et consulte ses différents partenaires – la justice, la caisse d’allocations familiales, les membres du conseil des droits et devoirs –, afin d’analyser complètement la situation des familles et d’apprécier si elles doivent faire l’objet d’une mise sous tutelle ou de mesures d’aide. Le maire n’est pas en soi un shérif : il propose au juge un délégué aux prestations familiales.

Le texte est on ne peut plus clair. C’est vous qui l’avez compliqué par vos interprétations. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Fort heureusement, les articles 6 et 7 offrent au maire un éventail de possibilités pour régler le problème des familles dans l’intérêt de l’enfant.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, n’ayant pas obtenu de réponse aux questions que j’ai posées au Gouvernement, je demande une suspension de séance pour nous permettre d’avoir un échange de vues sur ces sujets.

M. le président. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinq, est reprise à vingt-trois heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 35, 305 et 685, de suppression de l’article 7.

La parole est à M. Noël Mamère, pour défendre l’amendement n° 35.

M. Noël Mamère. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l’amendement n° 305.

M. Michel Vaxès. L’article 7 précise que lorsque le maire ou son représentant au sein du conseil pour les droits et devoirs des familles saisit le juge des enfants pour demander une mise sous tutelle des prestations sociales, il peut proposer au juge des enfants que le professionnel coordonnateur de la commune soit désigné pour exercer cette tutelle.

Cet article pose, à nos yeux, deux problèmes majeurs. Premièrement, le juge des enfants pourra être saisi par le conseil pour les droits et devoirs des familles lorsque le suivi social ou les informations portées à sa connaissance font apparaître que la situation d’une famille ou d’un foyer est de nature à compromettre l’éducation des enfants, la stabilité familiale et – ce dernier point est d’importance – qu’elle a des conséquences pour la tranquillité ou la sécurité publiques. La mesure de tutelle est donc envisagée comme une sanction, un instrument de contrainte à l’encontre des familles considérées comme défaillantes. Quant au critère déterminant pour justifier la demande du maire, il ne réside pas dans l’intérêt supérieur de l’enfant, mais dans la tranquillité et la sécurité publiques. Sur ce point, on distingue clairement les deux conceptions qui s’opposent, la vôtre – surveiller pour punir – et la nôtre – aider pour prévenir.

Deuxièmement, le fait que le maire puisse proposer la désignation d’un tuteur nous paraît incompatible avec le principe de l’indépendance de l’autorité judiciaire.

Pour ces deux raisons, nous demandons la suppression de l’article 7.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour soutenir l’amendement n° 685.

M. Jean-Pierre Blazy. Cet amendement est très proche de l’amendement n° 486 présenté par Mme Boutin, qu’elle ne peut malheureusement défendre du fait de son absence. Cette similitude montre les réticences que suscite le dispositif proposé, par-delà les clivages politiques traditionnels.

Ce texte est inutile car il suffit de faire application du droit commun. La mise sous tutelle des prestations familiales risque de créer une confusion entre les missions relevant de la justice et celles relevant de la compétence des maires. En particulier, il n’appartient pas aux maires d’enclencher une procédure judiciaire de mise sous tutelle des prestations familiales ni de proposer au juge des enfants que le coordonnateur soit désigné pour exercer la tutelle aux prestations familiales.

Dans l’hypothèse très probable où il n’y aurait pas de conseil des droits et des devoirs, il est évident que la procédure continuerait à s’appliquer selon les dispositions actuelles du droit commun, ce qui serait la meilleure solution.

L’article 7 étant, je le répète, inutile et dangereux, nous demandons sa suppression.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables aux amendements identiques nos 35, 305 et 685.

Je les mets aux voix par un seul vote.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 179 de la commission, relatif à la saisine conjointe du juge des enfants par le maire et la CAF.

Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 283, 128, 107 et 284 tombent. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Sur le vote de l’article 7, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

L’amendement n° 461 n’est pas défendu.

M. Dominique Tian. Si, je vais le défendre, monsieur le président ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Du calme, monsieur le président ! Personne n’arrive à suivre !

M. le président. Allons, tout va bien, mes chers collègues ! Vous avez la parole, monsieur Tian.

M. Dominique Tian. Je préside actuellement la mission d’information sur les fraudes massives dont sont victimes les ASSEDIC. Les auditions de la police, de la justice, et des personnes chargées de procéder aux contrôles montrent que les infractions aux ASSEDIC sont souvent le fait de bandes organisées, qui constituent jusqu’à 800 faux dossiers d’indemnisation pour piller les services sociaux.

L’amendement n° 461 vise à accorder des moyens supplémentaires à la lutte contre ces fraudes à caractère massif.

M. le président. La parole est à M. Georges Colombier, suppléant M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Georges Colombier, suppléant M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Le juge pour enfants doit rester compétent pour décider de la tutelle aux prestations familiales, qui constitue l’une des deux mesures possibles en cas de carence de l’autorité parentale. Il doit donc apprécier au cas par cas la mesure la plus utile. La commission des affaires sociales a donc rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission saisie au fond ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Défavorable, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Je voudrais faire un rappel au règlement, monsieur le président, consistant à vous demander d’éviter que le rythme de nos débats ne s’emballe. Même nos collègues de la majorité s’y perdent ! Si cela devait se reproduire, nous nous verrions dans l’obligation de convoquer le conseil des droits du Parlement afin de rappeler que les députés ont des droits, notamment celui de débattre. (Sourires.)

M. Jacques-Alain Bénisti. Des droits et des devoirs !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 461.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l’article 7, modifié par l’amendement n° 179.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale a adopté l’article 7.

Après l’article 7

(amendements précédemment réservés)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, précédemment réservés portant articles additionnels après l’article 7.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour soutenir l’amendement n° 686.

M. Jean-Pierre Blazy. Cet amendement vise à supprimer l’article 44-1 du code de procédure pénale.

Cette disposition a été introduite dans le code pénal par la loi sur l’égalité des chances du 31 mars 2006. Votée selon la procédure du 49-3, elle n’a pas pu faire l’objet de la discussion qu’elle méritait ; elle propose pourtant d’attribuer au maire des pouvoirs quasi juridictionnels et annonce d’une certaine façon les dérives du projet de loi sur la prévention de la délinquance et la mise en place d’un maire délégué du procureur.

Elle permet en effet au maire, tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, de proposer à un contrevenant une transaction consistant en la réparation du préjudice qu’il a causé à la commune, par exemple du fait de dégradations commises sur des bâtiments publics. Ce pouvoir était jusqu’ici réservé au procureur de la République qui, selon les nouvelles dispositions proposées, est amené à homologuer la transaction du maire.

La transaction peut également consister en l’exécution, au profit de la commune, d’un travail non rémunéré pendant une durée maximale de trente heures. Elle doit, elle aussi, être homologuée, selon la nature de la contravention, par le juge du tribunal de police ou par le juge de la juridiction de proximité. Le travail d’intérêt général est pourtant une peine et il n’y a pas lieu de penser qu’il en aille autrement du travail d’intérêt communal créé par ce texte.

Lorsqu’une de ces contraventions n’a pas été commise au préjudice de la commune, mais tout de même sur le territoire de celle-ci, le maire peut encore proposer au procureur de la République d’user de l’une de ses prérogatives, telles que le rappel à la loi ou la composition pénale.

En outre, le champ des infractions concernées sous le titre « d’incivilités » peut être très large et dépasser le champ des tags et autres dégradations matérielles dont les monuments municipaux auront pu être l’objet.

Nous estimons qu’il n’est pas opportun de confier aux maires de tels pouvoirs qui en font des auxiliaires de justice, au risque d’une confusion des pouvoirs. Dans la mesure où nous n’avons pas pu débattre de cette disposition en raison du recours à la procédure du 49-3, nous proposons aujourd’hui de le faire et de supprimer l’article 44-1 du code de procédure pénale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 686.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 129.

La parole est à M. Pierre Cardo, pour le soutenir.

M. Pierre Cardo. Je considère que cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 129.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 8 (précédemment réservé)

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 8, précédemment réservé.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, l’article 8 porte sur le rappel à l’ordre effectué par le maire. Nous en revenons ainsi au registre de la morale puisque ce rappel à l’ordre a des relents de rappel à la loi qui, normalement, relève de la compétence de l’autorité judiciaire. On baigne une fois encore dans la confusion des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire, et on porte atteinte au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas vrai !

M. Noël Mamère. En effet, en cas d’infraction de faible gravité, seul le procureur de la République peut ordonner un rappel à la loi afin de faire prendre conscience à l’auteur de l’infraction qu’il a commis un acte illégal, pour éviter qu’il ne récidive.

Le risque de confusion institutionnelle est encore accru par le cumul des pouvoirs qui pourraient être confiés aux maires : rappel à l'ordre prévu par l'article L. 2212-2-1 du code général des collectivités territoriales, pouvoirs et informations en matière d'hospitalisation psychiatrique, comme nous aurons l’occasion de le constater lorsque nous examinerons les articles 18 à 24.

Après avoir donné au maire le pouvoir de s'immiscer dans le traitement de certaines infractions pénales – article 50 de la loi relative à l’égalité des chances, et diverses dispositions des lois sur l’immigration et la sécurité quotidienne –, il est proposé de lui reconnaître un pouvoir de rappel à l'ordre verbal « lorsque des faits sont susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité, ou à la salubrité publique ». Dans une rédaction antérieure, le texte prévoyait de permettre ce rappel à l'ordre « lorsque des faits portent atteinte aux règles régissant la vie sociale ».

L'actuelle rédaction tente de mieux définir le champ de cette mesure en faisant expressément référence aux pouvoirs de police du maire. La nature des faits concernés reste cependant indéfinie. L'exposé des motifs est, à cet égard, parfaitement silencieux. Il vise d'ailleurs uniquement les faits qui seraient commis par les mineurs. Il apparaît ainsi qu'il s'agit de créer une nouvelle forme de réponse aux « incivilités » qui viendrait encore se surajouter à des réponses déjà multipliées ces dernières années, non seulement par le vote des dispositions de la loi relative à l’égalité des chances, mais surtout par le développement des mesures alternatives aux poursuites mises en oeuvre par les parquets, mesures de réparation pénale et rappels à la loi.

Le caractère flou du champ d'application de cette mesure exposera les usagers à des réponses multiples et parfois incohérentes, la mise en œuvre d'un rappel à l'ordre municipal n'excluant pas une réponse judiciaire. Cette mesure participe d'une confusion des rôles entre autorité municipale et autorité judiciaire. L'extension des dispositions de la loi relative à l’égalité des chances permettant au maire de proposer au procureur de la République une transaction, pour certaines infractions constatées par les policiers municipaux, aux communes employant des gardes champêtres – article 46 – participe de la même logique.

Ces dispositions tendent ainsi à confier au maire des prérogatives qui empiètent largement sur les missions actuelles d'autres institutions, sans qu'aucun gain réel puisse être attendu de cette intervention. L'intervention de chaque institution risque d'y perdre en cohérence et en lisibilité pour les usagers, c'est-à-dire en efficacité.

Enfin, dans la mesure où la constitution du conseil des droits et devoirs des familles sera obligatoire dans les communes de 10 000 habitants, la mise en place de ces dispositifs dans des communes de taille modeste exposera les usagers à des risques d'atteinte à la vie privée. Les maires de petites communes, quant à eux, vont se trouver investis de lourdes responsabilités nouvelles, dont ils ne sont pas majoritairement demandeurs – ils l’ont dit – et qu'ils auront sans doute du mal à assumer.

Voilà toutes les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de l’article 8.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Nous avons changé de ministre. M. Estrosi remplace M. Bas, et c’est tout à fait logique puisque, avec l’article 8, nous en revenons au code général des collectivités territoriales. Peut-être, d’ailleurs, allons-nous avoir maintenant une réponse du Gouvernement sur l’amendement n° 686.

Monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, juste avant votre arrivée, nous avons présenté, en effet, un amendement de suppression d’une disposition du code de procédure pénale sur laquelle je souhaite vous interroger car, d’une certaine manière, elle est liée à l’article 8. Le titre IV de la loi relative à l’égalité des chances de M. Borloo, « Lutte contre les incivilités », comportait en effet deux articles, dont l’article 51, qui est devenu l’article 44-1 du code de procédure pénale. Or cet article a commencé à donner des pouvoirs au maire. Celui-ci pouvait ainsi proposer à l’auteur de dégradations commises sur un bâtiment municipal une transaction, ce qui revenait à donner au maire la faculté d’exercer une fonction de juge ou de « délégué » du procureur.

Monsieur le ministre, le décret en Conseil d’État a-t-il été publié ? Je ne le crois pas. J’observe donc, une fois de plus, que nous légiférons alors même que les lois précédentes ne sont pas appliquées faute de décret. Mais peut-être allez-vous me démentir ? Si tel était le cas, j’apprécierais d’avoir communication de ce décret ou de ce projet de décret. Je vous rappelle en outre que nous ne disposons toujours pas du projet de circulaire que vous deviez nous faire parvenir. C’est dire les conditions dans lesquelles nous discutons de ce texte !

S’agissant de l’article 8, il nous semble qu’il y a une confusion – une de plus ! – entre les rappels à la loi décidés par l’autorité judiciaire lorsqu’une infraction pénale a été commise, et ce rappel à l’ordre qui semble porter exclusivement sur des incivilités non pénalement répréhensibles. Le terme « incivilité » peut porter parfois à confusion. Il y a en effet les incivilités infractionnelles et les incivilités légales qu’on pourrait qualifier, entre guillemets, d’infractionnelles.

M. Jacques-Alain Bénisti. Voici maintenant les « incivilités légales » ! C’est nouveau !

M. Jean-Pierre Blazy. L’article 8 prévoit que le maire pourra rappeler à la loi dans le cas de faits « susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques ». Quels sont les faits susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques qui ne constituent pas des infractions pénales ?

Cet article, comme les autres, soulève de nombreuses interrogations et engendre beaucoup de confusion. En outre, les maires auront bien du mal à le mettre en œuvre.

M. le président. La parole est à M. Lilian Zanchi.

M. Lilian Zanchi. Avec cet article, le Gouvernement aurait pu souhaiter rappeler aux maires qu’ils étaient également des éducateurs de prévention et que leur rôle consistait non pas seulement à sanctionner mais également à éduquer. À la base, cela pouvait partir d’une intention louable.

M. Jacques-Alain Bénisti. Oui !

M. Lilian Zanchi. Cependant, et comme vient de le rappeler Jean-Pierre Blazy, à l’article 8, il n’est pas fait référence au rôle du maire en matière d’action sociale et éducative. Il n’est question que du pouvoir de police du maire.

C’est l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales qui est constitutif de contraventions. Il prévoit que le maire peut agir soit au titre de ces pouvoirs-là soit en qualité d’officier de police judiciaire. Les bruits et tapages nocturnes, les agissements bruyants commis entre le coucher et le lever du soleil, sont sanctionnés à ce titre si le bruit a troublé la tranquillité des habitants et s’il y a eu acte volontaire ou intention de nuire, le bruit pouvant provenir de tout lieu, public ou privé. Par exemple, dans le cas de jeunes consommant de l’alcool sur la voie publique et les espaces verts et qui commettent des dégradations, l’infraction de tapage nocturne peut être relevée si les trois conditions sont réunies. C’est l’application des pouvoirs de police.

Mes chers collègues, le bruit ou les tapages nocturnes sont sanctionnés pénalement par l’article R.623-2 du nouveau code pénal par des contraventions de troisième classe, c’est-à-dire des amendes de 450 euros au plus.

L’article 8 prévoit que le maire exercera ses pouvoirs de police par un rappel à la loi, ou par le passage à l’application de la loi. De quels moyens va-t-il disposer pour cela ? Tous les maires ici présents le savent bien, pour aller constater l’infraction, il pourra faire appel soit à la police municipale qu’il a créée, soit aux forces de police nationale.

Ceux qui ont lu les premières moutures du présent texte, et notamment celle du 26 mai, s’en souviendront, il était initialement prévu de donner pouvoir aux polices municipales d’aller régler les problèmes de troubles de voisinage en tant qu’adjoints de police judiciaire. À la suite d’une réaction relativement forte des maires, l’article comportant cette mesure a été supprimé. Mais pas l’article 8. Or celui-ci n’a plus lieu d’être. De quels moyens disposera le maire pour faire le rappel à la loi ? Où cela se passera-t-il ? Devra-t-il convoquer les familles ? Ou bien devra-t-il intervenir le soir, alors qu’on l’appellera à sa permanence de sécurité – par l’article L. 2122-18, les adjoints auront les pouvoirs du maire –, pour l’informer qu’il y a un problème de trouble de voisinage dans tel ou tel quartier ? Il ira alors tout seul faire le rappel à la loi.

Voilà, mes chers collègues, ce qu’on vous propose ! En fait, le Gouvernement demande aux maires de remplacer la police de proximité qu’il a supprimée. C’est exactement ce que prévoit l’article 8 que vous serez, un jour ou l’autre, obligés de mettre en application. Les juges considèrent en effet régulièrement, y compris dans la jurisprudence, que le maire doit mettre en face de ses pouvoirs de police les moyens nécessaires pour les appliquer. Or, comme la police de proximité a été supprimée, vous n’aurez plus que vos propres moyens et vous serez tout seul la nuit si vous n’avez pas signé de convention en matière de police municipale.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Mais non !

M. Lilian Zanchi. Monsieur le ministre, je suis désolé, c’est l’application des pouvoirs de police stricto sensu dans le cadre du rappel à la loi. Sinon, il fallait aller plus loin et préciser dans cet article comment et où serait appliqué le rappel à la loi. Tel qu’il est prévu à l’article 8, le rappel à la loi s’applique sur tout le territoire de la ville.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Monsieur le ministre, quelle est la valeur réelle de cet article ? Comme viennent de l’indiquer mes collègues, soit on reconnaît au maire un rôle qu’il exerce déjà en faisant savoir, verbalement ou par écrit, aux auteurs de troubles mineurs – nuisances de voisinage ou incivilités – ou aux jeunes pouvant provoquer des perturbations parce que les éducateurs de rue n’ont pas réussi à les canaliser, qu’il y a des limites à ne pas dépasser. Il arrive régulièrement qu’un maire soit interpellé et amené à jouer un rôle de médiateur, ou à procéder à un rappel à la loi. Cet article place le maire dans l’arsenal judiciaire, en ce qu’il intervient préalablement à la sanction – et inciter les maires à jouer un rôle de prévention n’est pas une mauvaise chose.

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

M. Pierre Cohen. Soit on cherche à donner l’illusion que le maire, parce qu’il aura le droit de formuler « verbalement » des rappels à l’ordre lorsque certains dysfonctionnements se produiront dans sa ville, sera en mesure de régler les problèmes.

Pour ma part, au début des années quatre-vingt-dix, quand les premiers tags sont apparus dans ma commune, j’ai cru opportun de rencontrer le jeune tagueur avec ses parents : je me suis aperçu que cela ne servait à rien, parce que le maire n’était pas considéré comme quelqu’un susceptible de sanctionner, même si j’ai bien fait comprendre que les infractions commises n’étaient pas acceptables.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Justement !

M. Jacques-Alain Bénisti. D’où cet article 8 !

M. Pierre Cohen. Quoi qu’il en soit, les maires agissent ainsi depuis longtemps. Cet article, trop imprécis, ne sera pas efficace.

M. Jacques-Alain Bénisti. Heureusement qu’il n’est pas précis !

M. Pierre Cohen. Il est illusoire de croire que le maire, parce qu’il peut faire un rappel à la loi, va régler tous les problèmes. Cet article ne fait pas de lui un shérif, mais un illusionniste !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je suis en désaccord avec les intervenants précédents, pour deux raisons.

Lorsque j’ai eu l’honneur de me voir confier les clés de ma mairie par mes concitoyens, on m’a expliqué que je devenais, de fait et de droit, officier de police judiciaire. Très sincèrement – je m’adresse à tous ceux, ici, qui sont maires – j’aimerais qu’un jour on m’explique ce que cela veut dire concrètement. De droit, je suis officier de police judiciaire, mais de fait, cette qualité ne me confère aucun pouvoir. Tout ce que je sais, c’est que les citoyens de ma commune – comme ceux, j’en suis persuadé, de toutes les communes de France – me demandent régulièrement pourquoi je ne peux rien faire bien qu’étant officier de police judiciaire, garant de l’ordre public et premier magistrat – ce qui signifie pour nos concitoyens que j’ai le droit de juger. De fait, les maires sont considérés comme responsables d’un certain nombre de problèmes.

Certes, cet article donne semblant de contenu à cette qualité d’officier de police judiciaire reconnu au maire, en lui permettant de convoquer les auteurs de dégradations répétées. J’ai bien entendu mon collègue Cohen, sans doute plus expérimenté, évoquer l’inutilité de sa démarche en matière de tags. Moi, j’aimerais pouvoir essayer. Comme pour le conseil des droits et devoirs des familles, à partir du moment où le maire n’a pas autorité, la famille peut légitimement l’envoyer promener !

Cet article énonce que le maire a la possibilité de convoquer une personne pour faire un rappel à la loi, même si, j’en suis convaincu, cela n’aura aucun effet sur certains délinquants. J’entends un collègue me dire que j’ai déjà la possibilité de le faire. J’ai en effet essayé, mais j’ai reçu en réponse un bras d’honneur, ce qui n’est pas vraiment satisfaisant…

J’aurai désormais la possibilité de convoquer les personnes en vertu d’un texte de loi et non plus de ma bonne mine, de ma bonne foi ou de leur bonne volonté, ce qui donne un semblant de contenu au titre de ce texte. Cela pourrait en effet être utile pour certaines familles.

Un de nos collègues, fort avisé, me demande ce qui se passe si les personnes convoquées ne viennent pas : monsieur le ministre, c’est la question que je vous pose. Est-ce que je saisis quelqu’un ? S’il ne s’agit pas d’un délit pénal, je ne peux pas saisir le procureur et je ne risque pas d’être poursuivi, au titre de l’article 40, pour non-dénonciation d’un délit pénal. Mais il existe bien d’autres faits que les délits pénaux sur lesquels le maire peut intervenir.

En bref, cette disposition peut être utile au maire en matière de prévention de la délinquance – car il ne s’agit pas de prévention sociale – mais que se passe-t-il si les gens ne répondent pas à la convocation ?

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Cet article me dérange dans la mesure où il évoque « des faits susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques ». Moi qui, chaque semaine, organise à la mairie des permanences pour rencontrer les pompiers et la police, et qui me suis à plusieurs reprises retrouvé au milieu d’émeutes, ou tout au moins de batailles rangées – l’écharpe blanche permet de ne pas être confondu avec un policier ou un jeune (Sourires), je crains que ces dispositions ne conduisent à engager la responsabilité du maire et à lui reprocher de n’avoir rien fait, alors qu’en réalité il n’a pas les moyens d’agir.

La rédaction de cet article pose donc problème. Je trouve normal d’intervenir auprès d’un gamin qui dérive vers la délinquance pour lui rappeler certaines règles de vie, car le rôle du maire est de maintenir le dialogue.

En revanche, faire du rappel à l’ordre, c’est se substituer au juge. Et si la violence éclate un jour dans ma commune – et c’est arrivé à un grand nombre d’entre nous – je veux pouvoir dialoguer avec les familles et les jeunes. S’ils me voient comme un substitut au délégué du procureur ou au juge, je ne suis plus tout à fait à ma place. Et si je veux sortir vivant de ce face à face, comme il s’en produit fréquemment dans les quartiers entre les jeunes et les forces de l’ordre ou les représentants de l’État républicain, je dois être prudent, faute de quoi je ne peux plus rien faire. Je ne dis pas que les maires ne veulent pas faire des rappels à la loi ou à l’ordre, mais ceux qui en ont fait s’en souviennent encore… Je crois qu’il faut être prudent et rechercher une autre rédaction.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. On a parfois reproché à ce projet de loi d’être plus répressif que préventif. Cet article montre qu’il s’agit bel et bien de prévention, avant l’intervention du procureur et les sanctions pénales. Mais en écoutant certains de mes collègues, je constate qu’ils veulent rester des maires spectateurs, alors que d’autres veulent être acteurs pour régler les problèmes dans leur commune.

M. Lilian Zanchi. Nous voulons être acteurs de la prévention, et non de la répression !

M. Jacques-Alain Bénisti. Nos administrés jugeront !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 306 et 687.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l’amendement n° 306.

M. Michel Vaxès. Cet amendement vise à supprimer l’article 8, qui énonce que « le maire pourra procéder verbalement à un rappel à l’ordre à l’endroit de l’auteur dont les faits sont susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques ».

Cet article est incompatible avec le principe de la légalité des délits et des peines car il donne au maire la possibilité de procéder à des rappels à l’ordre pour des faits qui ne constituent pas des infractions pénales mais des « atteintes au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques ». La nature de ces faits étant indéfinie, elle sera laissée à l’appréciation des maires – et la loi est beaucoup moins exigeante pour eux qu’elle ne l’est pour les juges.

Ces rappels à l’ordre n’empêcheront pas une réponse judiciaire – pénale pour les infractions pénales, sous la forme d’un rappel à la loi du procureur pour des infractions moins graves. Cet article participe donc de la confusion des rôles instituée par ce texte.

Par ailleurs, lorsque le rappel à l’ordre sera adressé à un mineur, la présence des parents ou de ses représentants légaux ne sera pas obligatoire. Pourquoi, puisque cette mesure s’inscrit dans une démarche éducative ? Le texte initial a été amendé en ce sens par les sénateurs et le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales du Sénat a proposé la suppression de cet article, qui donne une base légale à une pratique déjà répandue sans pour autant la formaliser. À notre tour, nous proposons de le supprimer.

M. le président. La parole est à M. Blazy, pour soutenir l’amendement n° 687.

M. Jean-Pierre Blazy. Cher collègue Bénisti, selon vous, il y aurait d’un côté de l’hémicycle des maires acteurs, qui approuveraient le projet de loi, et de l’autre, des maires spectateurs : c’est un peu caricatural ! Je considère, comme vous tous sans doute, que je suis un maire acteur. Mais acteur de quoi ? De la coproduction de la sécurité, dans le cadre du contrat local de sécurité et du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance – le CLSPD.

Le maire joue un rôle de pivot, certes, mais certainement pas un rôle de délégué du procureur. Si le rappel à la loi incombe à l’autorité judiciaire, qu’en est-il du rappel à l’ordre ? En tant qu’autorité morale ou médiateur, le maire est véritablement acteur. Mais pour autant il n’a pas à prendre la place d’autres acteurs, par exemple de la police ou de la justice.

N’entretenons pas la confusion entre les genres et les compétences et surtout évitons une « défausse » sur le maire à qui nos concitoyens demandent déjà, à juste titre certainement, de pouvoir répondre à tout, sur n’importe quel sujet.

Si la chaîne pénale ne fonctionne pas en matière de sécurité, non plus que celle des acteurs en matière de prévention de la délinquance, on sait très bien que le maire n’aura pas les moyens juridiques ou matériels pour se substituer aux uns ou aux autres. Le problème est là. Pour autant, je ne plaide pas pour que le maire se contente d’être un spectateur.

Enfin, j’espère que le ministre répondra à la question que je posais dans ma première intervention : quels sont les faits susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques qui ne seraient pas des infractions pénales ? Car, si ce sont des infractions pénales, il faut saisir les autorités concernées pour pouvoir poursuivre leurs auteurs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il n’est pas question d’un rappel à la loi, mais bien d’un rappel à l’ordre.

On ne peut pas nous accuser, d’un côté, de faire du « tout-répressif » et, de l’autre, s’opposer à une mesure de prévention par excellence.

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien ! Ce serait contradictoire !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Si un gamin est convoqué par le maire pour un rappel à l’ordre, il sera peut-être impressionné par la démarche et y réfléchira peut-être à deux fois avant de refaire certains actes.

Mme Patricia Adam. On n’a pas besoin d’une loi pour cela ! C’est vraiment de l’affichage !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Tout à l’heure, vous avez déclaré, messieurs de l’opposition, faire des rappels à l’ordre depuis des années, mais ne pas être crédibles parce que ce rôle ne vous était pas reconnu.

M. Pierre Cohen. Ce n’est pas ce que nous avons dit !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous vous offrons aujourd’hui la possibilité que la loi reconnaisse cette démarche.

En outre, je précise qu’il ne s’agit pas pour le maire d’une obligation mais seulement d’une faculté. À lui d’apprécier s’il doit ou non faire un rappel à l’ordre.

L’intérêt, c’est que ces rappels à l’ordre seront répertoriés dans un document administratif municipal, ce qui permettra à la police ou à la justice de disposer d’un élément de référence pour intervenir en connaissance de cause sans s’abriter derrière le fait que la personne n’avait pas été signalée.

Cette mesure pleinement préventive peut donc apporter beaucoup. Il est dommage que certains d’entre vous refusent cette avancée.

M. Jean-Pierre Blazy. Vous n’avez pas répondu à la question que j’ai posée : quels sont les faits susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques qui ne seraient pas des infractions pénales ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Par exemple, faire du tapage nocturne dans une cage d’escalier …

M. Jean-Pierre Blazy. C’est une infraction !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …démonter sa mobylette sur le palier du douzième étage d’un immeuble ou encore jeter des poubelles par la fenêtre. La liste est longue !

Monsieur Blazy, vous avez suffisamment d’expérience…

M. Jean-Pierre Blazy. Justement ! Ce sont déjà des infractions !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …pour savoir que c’est l’addition de petites nuisances quotidiennes qui pourrit la vie de nos concitoyens.

En refusant cette disposition, vous adressez un message à toutes celles et ceux qui sont victimes de ces nuisances et qui se demandent quand une autorité interviendra enfin pour rappeler à l’ordre. Je vous conseille de ne pas envoyer ce message négatif à ceux de vos administrés qui attendent beaucoup plus de votre part.

M. le président. La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. Monsieur le ministre, vous recommencez avec les messages à nos administrés ! Laissez-nous les gérer ! Nous n’avons pas besoin de cet article pour le faire !

Nous nous adressons souvent à des jeunes qui ont déjà énormément de mal à s’y reconnaître dans le fonctionnement des institutions et de la société et qui ne se rendent pas compte du moment où ils passent de l’incivilité au délit. Comme vous n’avez pas répondu à la question de Jean-Pierre Blazy sur la frontière entre les deux, vous entretenez la confusion entre le rappel des règles de vie et le rappel à la loi qui n’est pas du ressort des maires.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il ne s’agit pas d’un rappel à la loi !

M. Philippe Tourtelier. Mais vous n’avez pas répondu à la question de M. Blazy ! Qu’est-ce qui, dans votre rappel à l’ordre, n’est pas déjà couvert par la procédure de traitement des infractions ?

De même, vous n’avez pas répondu à la question suivante : que se passe-t-il si les gens ne répondent pas à la convocation ? Il faudra prévoir une sanction. Mais si vous faites un rappel à l’ordre et que vous prononcez une sanction, alors vous êtes dans le judiciaire et vous ajoutez à la confusion des genres !

M. Jacques-Alain Bénisti. Qui vous a parlé de sanction ? C’est un rappel à l’ordre !

M. le président. La parole est à M. Lilian Zanchi.

M. Lilian Zanchi. Il s’agit bien d’un rappel à l’ordre car le maire assure l’ordre, la sécurité et la tranquillité publics. Mais, sur le fond, c’est la même chose qu’un rappel à la loi.

Le maire a des pouvoirs de police qu’il exerce par le biais d’arrêtés municipaux. En l’absence d’arrêté municipal, il se réfère à la loi. En matière de bruits de voisinage, par exemple, il ne peut pas prendre d’arrêté, c’est la loi sur le bruit et les nuisances sonores qui s’appliquent.

Sur le site Internet du ministère de l’intérieur, il est écrit que « dans les communes où le régime de la police d’État a été instauré, il incombe à la police étatisée d’exécuter les arrêtés de police du maire ; de réprimer les atteintes à la tranquillité publique sauf en ce qui concerne les bruits de voisinage », lesquels relèvent d’une infraction que le maire doit constater.

Le maire a le pouvoir de dresser un procès-verbal lui-même ou de laisser ce soin à un autre officier de police judiciaire, fonctionnaire de police nationale, à l’exclusion d’un agent de police municipale. Lorsque l’intervention concerne un lieu privé, le maire peut, sur réquisition d’un particulier se plaignant du bruit, pénétrer dans l’habitation du requérant si ce dernier l’y invite pour constater les nuisances. Le maire peut également se présenter au domicile de l’auteur de l’infraction pour lui enjoindre de cesser la nuisance. Voilà ce qu’est un rappel à l’ordre.

Dans la première mouture du projet de loi figurait un article 9 qui prévoyait que les agents de police municipale pouvaient accompagner les maires et pénétrer au domicile des personnes en application de la loi sur le bruit.

Reconnaissez donc que c’est un rappel à l’ordre et non un rappel à la loi parce que les maires appliquent leurs pouvoirs de police et pas ceux de l’État.

Monsieur le ministre, vous avez dit que les rappels à l’ordre que le maire exécuterait auprès des familles seraient répertoriés, mais vous n’avez pas précisé où. Or l’article 8 prévoit que le maire peut procéder verbalement à l’endroit de leur auteur au rappel des dispositions qui s’imposent à celui-ci. Un amendement viendra-t-il préciser que le maire dresse un procès-verbal ? Et quelle sera la légalité de ce document devant le juge ?

En résumé, si le maire dresse un procès-verbal, c’est qu’il y a infraction. Et s’il y a infraction au code pénal, alors il doit saisir le procureur.

Mme Patricia Adam. Excellente démonstration !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Houillon, rapporteur. À chaque fois que j’entends de très longues interventions, je me dis qu’on n’a pas lu mon rapport.

Mme Patricia Adam. Et vous, vous n’avez pas examiné nos amendements !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Aussi, je vous propose de lire la page 133 qui concerne le rappel à l’ordre par le maire : « L’article 8 formalise une pratique déjà mise en œuvre par certains maires : celle d’un rappel à l’ordre verbal fait à l’auteur de troubles mineurs à l’ordre public, parfois qualifiés d’incivilités.

« 1. Le champ d’application du rappel à l’ordre.

« La procédure, inscrite dans un nouvel article L. 2212-2-1 du code général des collectivités territoriales au sein du chapitre sur les pouvoirs de police municipale du maire, ne pourra être en mise en œuvre que pour certains faits bien délimités. En effet, ce nouveau pouvoir du maire s’inscrit dans ses missions de police administrative : seront donc seuls concernés les faits "susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques". Cependant, le lien avec les pouvoirs de police municipale du maire n’est pas direct : le rappel à l’ordre n’est pas uniquement destiné à assurer la bonne exécution des arrêtés de police du maire dans ces domaines. L’ensemble des atteintes au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques ne relève en effet pas du pouvoir de police municipale du maire, notamment quand la police est étatisée ».

Mme Patricia Adam. Absolument !

M. Philippe Houillon, rapporteur. « Pour autant, l’article L. 2212-2-1 autorisera les maires à formuler des rappels à l’ordre dans ces domaines.

« Néanmoins, les faits susceptibles de susciter un rappel à l’ordre devraient concerner des faits n’ayant pas vocation à entraîner une réponse pénale. Cette procédure ne saurait donc être considérée comme empiétant sur les compétences des magistrats.

M. Jacques-Alain Bénisti. Voilà !

M. Philippe Houillon, rapporteur. « En premier lieu, le rappel à l’ordre sera destiné à apporter une réponse aux faits n’entraînant pas de qualification pénale, parfois qualifiés, à tort, " d’incivilités " : il pourra s’agir par exemple d’un comportement d’indiscipline réitéré au sein de l’établissement scolaire.

« En second lieu, le maire pourra formuler des rappels à l’ordre à propos de faits pouvant entraîner une peine contraventionnelle. En effet, l’article 40 du code de procédure pénale, rappelé à l’article L. 2211-2 du CGCT, fait obligation aux maires, comme à toute autorité publique, de signaler au procureur de la République les crimes et délits dont ils ont connaissance dans l’exercice de leurs fonctions. Ainsi, l’utilisation du rappel à l’ordre à l’encontre d’un délit, même peu important, entraînerait l’obligation du maire de le signaler au procureur de la République dans la mesure où sa connaissance du fait délictueux serait établie avec certitude.

« Ainsi, le rappel à l’ordre est d’abord destiné à rappeler les dispositions qui s’appliquent lorsqu’une personne a enfreint un arrêté de police municipale du maire, ou toute mesure de police administrative, ou encore lorsqu’elle a commis un acte contraventionnel de nature à porter atteinte à l’une des composantes de l’ordre public, tel la divagation d’animaux dangereux, les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes, les violences légères, les destructions, dégradations et détériorations ayant entraîné un dommage léger, l’abandon d’épaves, d’ordures, de déchets…

« Pour autant, le choix fait par le maire d’utiliser ce dispositif ne saurait faire obstacle à la mise en œuvre de l’action publique s’il y a lieu. Il ne s’agit en effet pas d’une mesure pénale alternative aux poursuites, contrairement à la procédure du " rappel à la loi ", prévue à l’article 41-1 du code de procédure pénale. Le rappel à la loi est une procédure juridictionnelle permettant au procureur, éventuellement par l’intermédiaire d’un délégué du procureur, de rappeler à l’auteur d’une infraction les dispositions de la loi, plutôt que de déclencher des poursuites. Cet " avertissement " concerne généralement des infractions de faible gravité, commises pour la première fois. Il n’est pas inscrit au casier judiciaire. »

M. Jacques-Alain Bénisti. Il s’agit bien de prévention !

M. Philippe Houillon, rapporteur. « Un fait ayant donné lieu à un rappel à l’ordre par le maire pourrait donc théoriquement également entraîner un rappel à la loi par le procureur si ce dernier en a eu connaissance. »

M. Lilian Zanchi. C’est bien ce que je vous ai dit !

M. Philippe Houillon, rapporteur. J’en viens aux modalités du rappel à l’ordre. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Je peux continuer encore longtemps.

« 2. Les modalités du rappel à l’ordre par le maire

« Même s’il ne s’agit pas d’une mesure juridictionnelle, le rappel à l’ordre constitue une procédure qui n’est pas anodine. Il est donc utile qu’elle soit encadrée par des dispositions législatives. »

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est on ne peut plus clair !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Voilà une réponse partielle à vos questions. Cela étant, je peux continuer ma lecture...

M. Jean-Pierre Blazy. Je vous en prie, faites donc !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Mon temps de parole n’étant pas limité, je peux vous répondre en lisant mon rapport aussi longtemps que je le souhaite.

M. Jean-Pierre Blazy. Si vous vous chargez aussi de l’obstruction ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Philippe Houillon, rapporteur. Je crois avoir été clair, mais nous pourrons, au fur et à mesure de vos questions, reprendre la lecture du rapport qui est très complet.

M. Philippe Tourtelier. Vous n’avez pas du tout répondu !

M. Lilian Zanchi. Rien sur les bruits de voisinage !

M. Jacques-Alain Bénisti. Relisez donc le rapport avant de poser des questions !

M. Pierre Cohen. On trouve tout et son contraire !

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Je tiens à remercier notre rapporteur pour la lecture, fort intéressante, qu’il nous a faite. Il est vrai que le délai séparant la parution du rapport et la discussion en séance publique nous a obligés à le parcourir rapidement !

Quoi qu’il en soit, c’est encore plus grave que ce que je pensais ! (Rires sur divers bancs.) D’une part, le ministre nous a dit que cela se faisait déjà.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Ce n’est pas moi, ce sont vos collègues !

M. Michel Vaxès. C’est vous, monsieur le ministre. Je suis très attentif au débat, même si je n’interviens pas autant que je le souhaiterais, pour ne pas alourdir la discussion par des redites.

Si cela se faisait déjà,...

M. Jacques-Alain Bénisti. Dont acte !

M. Michel Vaxès. ...alors, pourquoi ne pas l’inscrire dans le texte ? Croyez-vous franchement que les jeunes qui seront ainsi rappelés à l’ordre feront la différence entre un rappel à l’ordre prévu dans ce texte et un autre ?

Vous avez dit ensuite, monsieur le ministre, qu’il n’était pas question d’imposer quoi que ce soit aux maires. Ils seront donc libres, mais, si leur comportement n’est pas conforme à la philosophie qui est la vôtre, ils seront accusés par certains de vos amis de ne pas utiliser les possibilités qu’offre le texte. Et, à l’issue de ce que l’on peut appeler un transfert de responsabilités, ils seront tenus pour responsables des défaillances de l’État dans l’exercice de ses fonctions régaliennes. Voilà le fond de l’affaire ! Sur ce point, le rapport apporte des éclaircissements.

C’est la raison pour laquelle nous campons sur nos positions. Ce qui se fait déjà continuera de se faire, et, si nous ne faisons pas ce que vous nous proposez, nous prendrons le risque d’être mis à l’index par vos amis politiques, au lieu et place de l’État qui aura été incapable d’assurer la sécurité dans nos communes.

Je ne vois pas en quoi ces mesures préviendront la délinquance. Elles ne feront que brouiller davantage l’image du maire. Vous en avez déjà fait un adjoint de la police, vous en faites maintenant un adjoint de la justice. Malgré vos dénégations, il devient bel et bien le shérif que M. Marsaud nous a annoncé en commission des lois. Vous y étiez et vous l’avez entendu comme moi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Très brièvement, monsieur le président, car le rapporteur a excellemment répondu en lisant son rapport. Je renvoie également aux deux pages qui précisent les conditions qui encadrent le rappel à la loi.

M. Blazy nous a dit que nous allions intervenir sur des faits pouvant être qualifiés d’infractions. Mais, souvent, il n’y a pas de poursuites possibles, faute de constat utilisable par la justice. Pensez à ce qui se passe quand la police arrive dans un hall d’immeuble, ou dans une rue où il y a un attroupement. Les faits ont eu lieu et les forces de l’ordre ne peuvent pas dresser de constat, même si tout le monde sait de qui il s’agit. Les passants, même s’ils ne portent pas plainte, se plaignent de ce que rien n’est fait. Eh bien, les maires que vous êtes auront désormais la possibilité de convoquer les individus en cause sans qu’il soit question de les poursuivre. Vous pourrez rappeler aux mineurs – à qui le dispositif est en réalité destiné – et à leurs parents, par exemple, qu’à leur âge, ils n’ont rien à faire dehors à une heure du matin.

M. Serge Grouard. Pour cela, il y a des arrêtés validés par le Conseil d’État !

M. Jean-Christophe Lagarde. Les arrêtés en question ne sont jamais appliqués parce qu’ils sont inapplicables.

En tout état de cause, quand il n’y aura pas de poursuite possible, le rappel à l’ordre, lui, sera toujours à disposition.

Ensuite, rien ne vous empêchera d’en informer le président du conseil général ou le juge des enfants. Aujourd’hui, nous n’avons pas cette faculté. Ce sera un moyen d’alerter sur la dérive d’un jeune.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Pierre Cardo a eu parfaitement raison de souligner la confusion des rôles. Et le rapporteur n’a apporté aucun éclaircissement puisqu’il a parlé de tout et son contraire.

Soit il s’agit d’un rôle de médiation et de prévention, et les maires interviennent déjà pour ramener la paix et la tranquillité, auquel cas l’article 8 est inutile. Soit il s’agit, selon le rapporteur et même le ministre, d’une sorte de préalable au jugement, et l’article 8 relève alors de la prévention-sanction. Lilian Zanchi vous a interrogé sur le formalisme qui entourerait cet entretien. Si le rapporteur avait poursuivi sa lecture, il nous aurait dit que « le rappel à l’ordre doit être formulé "verbalement". Il ne doit donc pas se matérialiser par un écrit remis à l’auteur des faits. Il se distingue ainsi très nettement d’une procédure à caractère juridictionnel. » M. le ministre nous a dit pratiquement l’inverse. La confusion est totale et, même si votre intention est de conforter le maire dans son rôle de médiateur, vous êtes en train d’en faire un délégué du procureur.

M. le président. Sur le vote de l’article 8, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Ce que j’ai entendu dans la bouche du rapporteur ne me rassure pas du tout. Il n’est déjà pas facile d’être maire, ou adjoint, dans un grand nombre de quartiers, mais avec cet article, tel qu’il est rédigé, cela risque d’être encore pire ! Et je ne parle pas des implications de cet article en termes de responsabilité. Nous avons l’habitude de voir notre responsabilité mise en cause pour des événements aussi aberrants que la chute de paniers de basket... Il est certain que la tentation sera grande de se défausser sur les maires.

Je me demande si nous ne sommes pas en train de procéder à une réorganisation complète des pouvoirs de police, l’État gardant la responsabilité du maintien de l’ordre, de la police d’investigation et les municipalités récupérant la police de proximité.

Ce que l’article 8 demande au maire relève bien du boulot de la police, que l’on se situe dans le champ pénal ou pas. De quels moyens disposera le maire d’une petite commune pauvre ? C’est lui qui sera responsable ? Ce n’est pourtant pas un professionnel ! On n’arrête pas de nous contester notre compétence dans différents domaines, et là, on nous l’accorderait d’emblée. Nous sommes peut-être légitimes à effectuer les rappels à l’ordre, mais nous n’en avons pas la compétence.

Les maires interviennent à tout propos. Je me rappelle avoir été appelé une nuit parce qu’un type avait pris des otages dans un appartement. On est venu me chercher et je me suis retrouvé devant une porte en compagnie d’un commissaire et de policiers armés et équipés de gilet pare-balles. Ils se sont mis en retrait et ils m’ont laissé sans protection devant la porte.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est scandaleux, les maires servent aussi de gilet pare-balles !

M. Pierre Cardo. C’est seulement à ce moment-là qu’on m’a expliqué que l’homme était armé et qu’il menaçait de tirer depuis le début.

Mme Patricia Adam. Toc, toc, toc. C’est pour un rappel à l’ordre ! (Sourires.)

M. Pierre Cardo. Certes, je cite un cas extrême.

Cela étant, combien de fois des maires – ceux qui le sont ici peuvent en témoigner – ont été appelés dans des circonstances qui ne les concernaient pas directement ? Le maire doit conserver une autorité bienveillante – nous l’avons dit et répété –, car c’est le seul moyen qu’il a de rétablir le dialogue lorsque plus personne ne parle dans la commune et que tout risque de craquer. C’est pourquoi – et c’est cela qui m’inquiète –, si le législateur, de façon un peu maladroite, confie au maire le pouvoir de rappel à l’ordre, je suis certain que d’aucuns seront très heureux de s’en débarrasser sur lui !

De fait, je ne suis pas opposé au principe évoqué à l’article 8 : je suis opposé à la façon dont il est rédigé. C’est la forme qui ne me convient pas.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Oui.

M. Pierre Cardo. En effet, je ne voterai pas l’article 8 tel qu’il est actuellement rédigé parce qu’il met les maires en danger. Je reconnais volontiers que les maires ont un véritable rôle à jouer en matière de prévention de la délinquance et je suis prêt, en tant que tel, à assumer des responsabilités, mais pas en ces termes. Je suis donc favorable à une nouvelle rédaction de l’article 8.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 306 et 687.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, je me vois contraint de demander une suspension de séance parce que le ministre n’a pas répondu aux questions qui lui ont été posées.

M. Jacques-Alain Bénisti. Obstruction !

M. Jean-Pierre Blazy. Telle est ma prérogative, monsieur Bénisti : j’en use sans en abuser. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vous venez d’entendre Pierre Cardo, qui n’est pas membre du groupe socialiste, que je sache, mais le maire expérimenté d’une ville confrontée aux réalités de la délinquance – nous sommes nombreux dans son cas. C’est pourquoi je souhaite que l’Assemblée soit totalement éclairée avant de voter par scrutin public sur l’article 8. Or je n’ai pas eu de réponse de la part du Gouvernement à la question que je lui ai posée sur un texte promulgué il y a déjà plusieurs mois mais qui n’est pas appliqué parce que le décret en Conseil d’État n’est – sauf erreur de ma part – toujours pas publié. Il s’agit de l’article 51 de la loi pour l’égalité des chances, qui prévoit qu’après l'article 44 du code de procédure pénale, il est inséré un article 44-1 qui donne des pouvoirs très importants au maire. Nous aimerions obtenir quelques informations sur le contenu de ce décret.

Le moins qu’on puisse dire est que nous ne travaillons pas dans de bonnes conditions. Nous assistons à une véritable inflation législative et c’est le maire, sur lequel le projet de loi cherche à se défausser, qui risque d’en faire les frais alors qu’il assume déjà très largement ses responsabilités. C’est la raison pour laquelle, avant de légiférer à nouveau, nous aimerions déjà savoir comment sera appliqué l’article 51 de la loi pour l’égalité des chances.

J’attends, monsieur le président, sur ce point, une réponse précise du ministre à la reprise de la séance.

M. le président. Vous demandez donc une suspension de séance pour réunir votre groupe, monsieur Blazy…

M. Jean-Pierre Blazy. Oui, monsieur le président.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue pour cinq minutes.

(La séance, suspendue à zéro heure trente-cinq le mercredi 29 novembre, est reprise à zéro heure quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d’un amendement n° 531.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le soutenir.

M. Jean-Christophe Lagarde. Cet amendement, qui permettra de répondre à des inquiétudes formulées par certains d’entre nous, vise à donner au maire la possibilité de convoquer la personne qui doit faire l’objet d’un rappel à l’ordre et donc la possibilité de définir le lieu où celui-ci doit se dérouler. Cela aurait peut-être évité à M. Cardo de se retrouver devant une porte à travers laquelle un tireur fou risquait de tirer ! Plus simplement il s’agit d’éviter que le rappel à l’ordre ne se fasse dans n'importe quelles conditions, voire en pleine nuit, dès qu’un incident se produit, comme M. Zanchi le craignait. C’est pourquoi il doit donner lieu à une convocation écrite : il pourra ainsi se dérouler dans le bureau du maire, c'est-à-dire dans un endroit apaisé permettant une discussion sereine en vue de rappeler à l’auteur des faits qui lui sont reprochés les dispositions qui s’imposent à lui « pour se conformer à l’ordre et à la tranquillité publics ».

Enfin, cette convocation écrite permettrait – comme M. le ministre l’a laissé entendre – de conserver des traces de ces rappels à l’ordre, lesquelles pourraient être le cas échéant transmises à la justice s’il devient nécessaire de saisir le juge pour enfant : elles seraient utiles pour prouver qu’en dépit des tentatives déjà menées en direction du mineur, lesquelles n’auraient manifestement donné aucun résultat, il conviendrait de passer au stade supérieur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission des lois n’a pas examiné cet amendement mais j’y serais favorable à titre personnel si M. Lagarde acceptait de le rectifier ce qui est, à mon sens, une erreur matérielle, en substituant le mot « verbalement » au mot « alors » après les mots « convoquer l’auteur afin de procéder ».

Dans le cas contraire, je déposerai un sous-amendement à l’amendement n° 531.

M. le président. Monsieur Lagarde, acceptez-vous de rectifier votre amendement n° 531 en substituant le mot « verbalement » au mot « alors » après les mots « convoquer l’auteur afin de procéder » ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Oui, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 531 est ainsi rectifié.

Le Gouvernement y est favorable…

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 531 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 159.

La parole est à M. Pierre Cardo, pour le soutenir.

M. Pierre Cardo. Cet amendement est conforme à l’esprit de ma précédente intervention. En effet, à mon sens, il n’est pas tant dans le rôle du maire de faire des rappels à l’ordre que de rappeler au mineur les règles de vie en société, le rappel à l’ordre me paraissant être de la compétence d’autres autorités qui ont normalement agi en amont. Du reste, qui informera le maire des faits qui sont reprochés au mineur, si ce n’est la police elle-même, à la suite d’une déclaration de main courante ou d’un dépôt de plainte ?

En tant que maire, je peux tenter de rappeler à un mineur, en vue de lui faire changer de comportement, les règles de vie en société et les dangers auxquels il s’expose en les enfreignant. Le rappel à l’ordre, quant à lui, ne me paraît pas relever de la mission première du discours d’un maire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Cardo, cette proposition est conforme à l’intention du Gouvernement de reconnaître au maire, dès lors que les faits en cause n’appellent pas de suite judiciaire, la capacité d’intervenir auprès de la personne dont le comportement est incivil, en vue de lui rappeler des dispositions qui s’imposent à elle « pour se conformer à l’ordre et à la tranquillité publics ».

En ce qui concerne un mineur, ce rappel à l’ordre consistera à lui rappeler les règles de vie en société. Or, monsieur Cardo, en langage courant, cette admonestation d’un plus ancien envers un plus jeune, laquelle se révèle utile sans toutefois porter à conséquence, s’appelle un rappel à l’ordre.

Je pense que nous exprimons la même idée mais il nous est difficile de prononcer des mots qui n’auraient pas l’impact voulu sur le mineur concerné. C’est la raison pour laquelle, tout en partageant votre analyse, je souhaite que vous retiriez votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. L’article 8 aurait été rédigé dans les mêmes termes que la première phrase prononcée par M. le ministre, je le trouverais compatible avec ma position. Cependant, pour ce qui concerne la suite, je ne suis pas d’accord. Je ne peux, en effet, accepter la rédaction de l’article 8, notamment en ce qui concerne la notion de « rappel à l’ordre ». Il faut trouver une autre expression, celle-ci ne convenant pas dans la mesure où l’on note une confusion avec le rôle de la police et du délégué du procureur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Je rappelle, monsieur le président, que j’ai demandé une suspension de séance en espérant une réponse de la part de M. le ministre. Aussi, à la faveur de l’une de ses interventions, je souhaite toujours qu’il réponde à propos des décrets d’une loi promulguée voilà plusieurs mois. On prétend aujourd’hui accroître encore le pouvoir des maires ; qu’on publie déjà les décrets d’application des lois en vigueur, afin qu’on puisse vérifier s’ils disposent vraiment des moyens d’exercer les pouvoirs qu’on entend leur donner. J’espère donc obtenir de votre part une réponse, monsieur le ministre, car soit le texte existe, soit il n’existe pas. Et s’il n’est pas encore publié, peut-être ne doit-on pas vous en tenir rigueur, puisqu’il s’agit d’un décret en Conseil d’État ; du moins pourrions-nous en connaître la teneur.

M. Claude Goasguen. Donc le Conseil d’État ne l’a pas vu.

M. Jean-Pierre Blazy. Il en va de même pour la circulaire dont on attend toujours communication. Mon intervention fait peut-être rire vos collaborateurs, mais je trouve votre attitude vraiment inconvenante. Quand on prend des engagements, il faut les tenir ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Claude Goasguen. Enfin ! Qu’est-ce que cela veut dire ?

M. Jean-Pierre Blazy. Je dis ce que je veux !

M. Jacques-Alain Bénisti. Vous vous adressez à un ministre, tout de même, cela mériterait un « rappel à l’ordre » !

M. Jean-Pierre Blazy. Justement, je m’adresse à un ministre qui doit tenir ses engagements !

Précisément, vous avez parlé d’incivilité, monsieur le ministre. Or je voudrais savoir comment définir un terme aussi ambigu. J’établissais tout à l’heure une différence entre, d’une part, ce qu’on peut appeler une incivilité infractionnelle…

M. Philippe Houillon, rapporteur. Parlons français !

M. Jean-Pierre Blazy. …qui correspond à un délit, à une incrimination définie qui peut donner lieu à poursuite,…

M. Claude Goasguen. Dans ce cas, il s’agit d’une infraction !

M. Jean-Pierre Blazy. …et, d’autre part, une incivilité qui ne constitue pas une infraction, et qui est donc, en quelque sorte, légale. Dans ce dernier cas, le rappel à l’ordre s’inscrit-il dans le cadre des pouvoirs de police du maire ? Je ne pense pas, il s’agit donc plutôt du maire qui rappelle, en tant que médiateur, la règle collective sans qu’on puisse parler de sanction. Aussi, est-ce que ce que vous nous proposez est pourvu d’une réelle consistance ? Je ne crois pas et, comme Pierre Cardo, j’estime qu’il faudrait avoir la sagesse de réécrire cet article.

M. Claude Goasguen. Ben voyons !

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Je soutiens l’amendement de M. Cardo qui contribue à rétablir le maire dans ce que doit être sa fonction. Vous exprimiez, monsieur le ministre, votre accord avec l’esprit de l’amendement de M. Cardo. Je n’en crois rien tant il est vrai qu’une différence fondamentale sépare ce « rappel à l’ordre » du « rappel des règles de vie en société » qui maintient le maire dans un rapport positif à sa population, lui donnant la volonté de faire progresser les choses.

M. Claude Goasguen. Hum…

M. Michel Vaxès. Monsieur Goasguen, la différence entre le présent amendement et le texte dans sa globalité, c’est celle qui existe entre un maire – M. Cardo – qui connaît les problèmes…

M. Pierre Cardo. Et qui n’habite donc pas dans le XVIe.

M. Michel Vaxès. …parce qu’il les vit, et un ministre qui habite Neuilly-sur-Seine. Voilà la différence ! C’est la raison pour laquelle, je le redis, l’esprit de l’amendement de Pierre Cardo répond à l’idée que chaque maire doit se faire de sa fonction : aider les familles en difficulté.

M. Lilian Zanchi. C’est la prévention.

M. Michel Vaxès. Il s’agit de ne pas brouiller les représentations, faute de quoi on va évidemment glisser vers l’idée d’un maire uniquement répressif alors qu’il a un autre rôle à jouer au service de ses administrés, qu’ils soient déviants ou non.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 159.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l’article 8, modifié par l’amendement n° 531 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 55

Nombre de suffrages exprimés 53

Majorité absolue 27

L'Assemblée nationale a adopté l’article 8.

Nous en venons aux quatre amendements, précédemment réservés, portant articles additionnels après l’article 8.

Après l’article 8
(amendements précédemment réservés)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 690.

La parole est à Mme Patricia Adam, pour le soutenir.

Mme Patricia Adam. Je retire les quatre amendements n°s690, 693, 692 et 691. Non seulement, ainsi, nous allons gagner du temps, mais ces amendements trouvent mal leur place à ce moment précis de l’examen du texte.

M. le président. Les amendements nos 690, 693, 692 et 691 sont retirés.

Article 8 bis (précédemment réservé)

M. le président. Sur l’article 8 bis, précédemment réservé, la parole est à M. Jean-Pierre Blazy, premier orateur inscrit.

M. Jean-Pierre Blazy. Cet article 8 bis, introduit par le Sénat, prévoit l’insertion dans le code de l’éducation d’un article aux termes duquel le service public de l’éducation contribue à la lutte contre toutes les formes de violence.

M. Pierre Cardo. C’est une grande nouveauté en tout cas !

M. Jean-Pierre Blazy. La question est de savoir de quelle manière – et nous pourrions demander au ministre de l’éducation nationale de venir pour répondre à cette question. La prévention de la délinquance est aussi, nous sommes d’accord, une question d’éducation et peut-être d’éducation nationale, mais on ne peut pas demander à l’école de tout faire, même si l’on peut, certes, souhaiter que l’école participe à la prévention de la violence scolaire – ce qui serait déjà beaucoup.

Reste que, quand on lit cet article : « À cet effet, les programmes d’enseignement, les activités complémentaires, post et périscolaires, ainsi que la vie scolaire elle-même prennent en compte cette exigence tant dans leur organisation que dans leur contenu », on peut se demander s’il ne s’agit pas de pure littérature puisque ces dispositions existent déjà largement dans la réalité. Aussi peut-on se demander ce qu’apportera concrètement à l’école cet article par rapport à ce qui se pratique déjà. Une fois encore, il s’agit d’un dispositif proprement inutile.

M. le président. La parole est à M. Lilian Zanchi.

M. Lilian Zanchi. On peut admettre que l’éducation nationale doive participer à la prévention, cette volonté n’ayant pas été inscrite, à l’origine, dans un texte dont l’esprit est loin de promouvoir la prévention.

En lisant cet article, deux questions me sont venues à l’esprit. D’abord, monsieur Houillon, vous vous êtes référé à la page 134 de votre rapport, pour nous affirmer que le rappel à l’ordre pourra concerner, par exemple, « un comportement d’indiscipline réitéré au sein d’un établissement scolaire ». C’est-à-dire qu’il s’agira du lieu où, tout d’abord, s’appliquera le rappel à l’ordre. Je souhaite donc que le Gouvernement nous informe sur le rôle du maire au sein de l’établissement scolaire, sur ce qu’il adviendrait de l’indépendance du chef d’établissement qui travaille sous l’égide de l’inspecteur d’académie, lui-même relevant du recteur de l’académie. Puisque, jusqu’à présent, le chef d’établissement dirige son établissement comme il l’entend, comment doit-on considérer, si l’article est adopté, la place du maire se rendant au sein de l’établissement scolaire prononcer des rappels à l’ordre ?

Ensuite, en dehors du fait que les enseignants et les personnels de l’éducation nationale pratiquent déjà quotidiennement la prévention, il me semble que l’on pourrait s’interroger – et vous l’avez d’ailleurs fait vous-mêmes – sur les moyens que vous entendez mettre en œuvre pour organiser la prévention telle que prévue par l’article 8 bis. Je vous rappelle qu’en abrogeant le dispositif des emplois-jeunes, vous avez par-là même supprimé les accompagnateurs scolaires, le personnel qui jusqu’alors travaillait avec les conseillers principaux d’éducation pour faire cesser les incivilités des enfants et pour rétablir l’ordre.

M. Claude Goasguen. C’est cela ! Mais non !

M. Lilian Zanchi. Mais si ! Je crois qu’il est très important de redonner les moyens à l’éducation nationale de pouvoir accomplir vraiment sa mission à la fois d’enseignement et d’éducation civique des enfants.

Ces moyens, aujourd’hui, il ne me semble pas que le Gouvernement les emploie. Si l’article était adopté en l’état, j’espère que le Gouvernement pourvoira rapidement aux moyens, notamment humains, dont doit disposer l’éducation nationale pour organiser la prévention à l’école. Mais le texte ne dit mot à ce sujet.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 180.

La parole est à M. le rapporteur pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de suppression, non pas par opposition au fond même de l’article, introduit au Sénat par le groupe communiste, républicain et citoyen, mais parce qu’il est redondant avec d’autres dispositions.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Ainsi de l’article L. 121.1 du code de l’éducation, et de l’article 9 du projet dont nous discutons, selon lequel les établissements de l’enseignement « concourent à l’éducation à la responsabilité civique et participent à la prévention de la délinquance ». On relèvera de plus, sur la question, une observation pertinente dans le rapport de la commission des affaires sociales – M. Colombier souhaitera peut-être vous en dire un mot. Je vous propose donc d’adopter cet amendement de suppression de l’article.

M. le président. La parole est à M. Georges Colombier, suppléant M. le rapporteur pour avis.

M. Georges Colombier, suppléant M. le rapporteur pour avis. Cet article, comme il vient d’être dit par M. le rapporteur de la commission des lois, émane du groupe communiste, républicain et citoyen du Sénat. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée l’a adopté car la dimension politique du sujet qu’il traite est importante.

Cependant, le rapporteur pour avis a reconnu que la portée normative du dispositif demeurait limitée puisque reprenant des principes déjà inscrits dans les circulaires ministérielles et puisque, en outre, comme vient de le dire Philippe Houillon, l’article est redondant avec l’article 9 du projet.

M. Claude Goasguen. Absolument !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 180.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 8 bis est supprimé.

Nous en venons aux amendements, précédemment réservés, portant articles additionnels après l’article 8 bis.

Après l’article 8 bis
(amendements précédemment réservés)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 135.

La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti, pour le soutenir.

M. Jacques-Alain Bénisti. Afin de me montrer aussi constructif que Mme Adam je retire cet amendement ainsi que l’amendement n° 136.

M. le président. Les amendements nos 135 et 136 sont retirés.

Nous en venons à l’article 9, précédemment réservé.


Article 9

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, premier orateur inscrit.

M. Jean-Pierre Blazy. Cet article tend lui aussi à modifier le code de l’éducation, en précisant que l’école doit concourir à la prévention de la délinquance et à l’éducation civique, ce qu’elle fait déjà largement. Il comporte néanmoins deux dispositions très contestables.

Tout d’abord, le maire pourrait mettre en place un traitement automatique de données relatives aux élèves absentéistes. Or les textes actuels sont clairs : les cas d’absentéisme doivent être signalés par le chef d’établissement à l’autorité académique, laquelle, via le logiciel SIGNA, est tenue d’informer le maire. En pratique, ce n’est pas toujours le cas, mais faut-il pour autant que la loi s’empare de cette question réglementaire ? Plusieurs textes émanant du ministère de l’éducation nationale, notamment avant 2002, demandent explicitement à l’autorité académique d’informer le maire.

Il faut, bien entendu, que le maire soit informé des cas d’absentéisme, mais rappelons que le dispositif de veille éducative, créé par la gauche et inclus aujourd'hui dans le dispositif de réussite éducative, est destiné à prévenir le décrochage scolaire, donc à traiter la question de l’absentéisme. Ces procédures fonctionnent !

M. Claude Goasguen. Mais non, elles n’existent pas !

M. Jean-Pierre Blazy. De par la loi, je participe déjà en tant que maire au dispositif de réussite éducative et je travaille à la prévention de l’absentéisme.

La deuxième disposition très contestable est la possibilité donnée au maire de tenir un fichier – encore un ! Est-ce vraiment nécessaire ? L’objectif, rappelons-le, est de prévenir l’absentéisme, lequel ne conduit pas forcément à la délinquance ! Il y a là, encore une fois, un risque de stigmatisation. Le maire veut certes être un acteur de la prévention de la délinquance. Il collabore avec les établissements dans le cas d’élèves structurellement absentéistes ou exclus temporairement : on sait bien que l’élève qui décroche peut basculer vers une culture de la rue et vers les premières formes de la délinquance. Mais cela n’implique pas que le maire mette en place un fichier !

M. Claude Goasguen. Les fichiers existent déjà : ce sont ceux de l’éducation nationale !

M. Jean-Pierre Blazy. Les dispositifs de réussite éducative tels qu’ils ont été élaborés dans la loi de cohésion sociale sont pertinents et ont recueilli notre approbation, car ils poursuivent les dispositifs de veille éducative que nous avions imaginés. Dans ce type d’action, le maire joue un rôle préventif, et non répressif. De ce point de vue, la notion de fichier est très connotée et nous ne pouvons qu’y être hostiles.

M. le président. La parole est à M. Lilian Zanchi.

M. Lilian Zanchi. Le « traitement automatisé de données à caractère personnel relatives aux enfants en âge scolaire domiciliés dans la commune », qui comporterait des informations sur le versement des prestations familiales, présente en effet un danger. Pourquoi le maire devrait-il être renseigné sur toutes les prestations familiales versées à telle ou telle famille, y compris pour des enfants ne posant aucun problème ? C’est bien la question de l’automatisation qui est en cause.

Que le maire soit informé des prestations versées pour des enfants qui ne sont plus scolarisés est logique, puisque les dispositions qui viennent d’être votées lui donnent la possibilité de demander la saisie par le juge des tutelles. Mais en quoi un traitement automatisé de ces données serait utile ? Les procédures actuellement prévues par le code pénal concernant les parents défaillants et, en matière d’absentéisme, par la loi du 2 janvier 2004 suffisent, pour peu qu’elles soient respectées.

D’autre part, le maire sera informé des avertissements sanctionnant les élèves et effectuera en classe, comme l’a précisé M. le rapporteur, des rappels à l’ordre. Selon vous, il s’agit de prévention et non de répression, ce qui est bien dans la logique de ce texte : non seulement vous confiez au maire certains pouvoirs du juge ou du policier, mais voilà qu’il prend en partie le rôle de chef d’établissement et d’enseignant ! Rien que pour cela, cet article devrait être supprimé.

Enfin, les moyens que le Gouvernement attribue actuellement à la Commission nationale de l’informatique et des libertés ne permettent à celle-ci pas d’exercer pleinement ses missions. Nous vous avons interrogé le Gouvernement cet après-midi à ce sujet, mais nous n’avons pas obtenu de réponse. Dès lors, nous n’avons pas la garantie que les libertés individuelles seront respectées.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Je reste très perplexe quant à l’opportunité d’un fichier mis à la disposition du maire et comportant des informations qui ne correspondent pas à ses compétences. Je ne sais si ce dispositif plus que douteux a été validé par la CNIL…

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Elle a rendu un avis favorable.

M. Pierre Cohen. Cela signifie que ses avis sont de plus en plus larges.

M. Lilian Zanchi. Ce n’est pas étonnant : elle n’a plus les moyens de travailler !

M. Pierre Cohen. La réponse à la question d’actualité posée par M. Montebourg cet après-midi laisse tout de même planer un doute sur la position des responsables de la CNIL sur vos projets en matière de fichiers, monsieur le ministre.

En outre, les dispositifs de veille et de réussite éducatives commencent à bien fonctionner. Ces systèmes reposent sur un partenariat fort, dont les différents acteurs, et notamment les enseignants, ont la volonté de détecter les dysfonctionnements le plus en amont possible, afin de prévenir les difficultés rencontrées par les élèves de façon très précoce. C’est réellement une démarche de prévention, et l’absentéisme peut en effet révéler des troubles du comportement.

Or l’article 9 risque de casser cette dynamique en mêlant directement le maire aux problèmes d’absence, alors que tant d’efforts ont été déployés pour établir un partenariat entre professionnels, sans l’intervention de décideurs. Le danger est de mettre à bas un travail engagé depuis quelques années et qui va dans le bon sens.

M. le président. Nous avons terminé d’entendre les orateurs inscrits sur l’article 9.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Aujourd’hui, à neuf heures trente, première séance publique :

Questions orales sans débat.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion du projet de loi, n° 3338, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance :

Rapport, n° 3436, de M. Philippe Houillon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ;

Avis, n° 3434, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 29 novembre 2006, à une heure quinze.)

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