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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 5 décembre 2006

79e séance de la session ordinaire 2006-2007

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Questions au gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Aujourd’hui, treize questions, et non pas douze, sont prévues. Je serai donc particulièrement directif en ce qui concerne le respect du temps de parole. (Murmures.)

Nous commençons par une question du groupe socialiste.

privatisation de gdf

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

La privatisation de Gaz de France doit être tranchée par le peuple français lui-même : telle est l’exigence démocratique que le groupe socialiste n’a cessé de défendre durant le débat parlementaire sur le projet de loi relatif au secteur de l’énergie, et telle est aussi la conséquence de la décision du Conseil constitutionnel sur ce texte. En reconnaissant que la privatisation ne peut entrer en vigueur avant l’ouverture du marché du gaz le 1er juillet 2007, le Conseil met votre stratégie du fait accompli en échec.

Il revient donc aux Français, lors des élections présidentielle et législatives, de décider s’il convient d’arrêter ou de poursuivre le processus de privatisation et de fusion.

Voilà pourquoi nous demandons solennellement à M. le Premier ministre de désavouer son ministre de l’économie et des finances (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), qui veut imposer immédiatement le décret de privatisation, et d’interdire à Gaz de France de signer tout protocole avec Suez qui ouvrirait droit à indemnisation des actionnaires en cas d’échec de la privatisation et de la fusion. Cette prise en otage de l’État et des contribuables serait un scandale démocratique aux conséquences incalculables.

M. Alain Gest. Qu’en pense Mme Royal ?

M. Jean-Marc Ayrault. Ni les Français ni vos successeurs n’ont à payer vos échecs industriels, pas plus qu’ils n’ont à payer la disparition du service public et des tarifs réglementés qu’impose votre privatisation.

Si les Français le décident en mai 2007, les socialistes prennent ici l’engagement public d’annuler tout décret de privatisation de Gaz de France.

Ma question est claire et simple et je n’accepterai pas de réponse dilatoire (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste) comme en font trop souvent vos ministres : renoncez-vous à signer le décret de privatisation avant l’élection présidentielle ?

M. Roland Chassain. Non !

M. Jean-Marc Ayrault. Empêcherez-vous Gaz de France d’établir un protocole d’indemnisation avec Suez ? Sur ces deux points, j’attends une réponse claire.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Où est le Premier ministre ?

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Vous et vos amis, monsieur le député, avez jugé utile de déférer devant le Conseil constitutionnel le projet de loi relatif au secteur de l’énergie voté de façon démocratique par les deux assemblées. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste.) C’est votre droit. Pour ma part, je vous dis trois fois « bravo » car, comme votre question le démontre, vous êtes pris à votre propre piège !

Bravo parce que, pendant les quarante-cinq jours qu’a duré le débat, vous n’avez cessé d’affirmer qu’il ne se passerait rien au 1er juillet 2007 : tout allait continuer comme avant… Eh bien, le Conseil constitutionnel vient de vous démentir de façon cinglante ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Ducout et M. Patrick Lemasle. Au contraire !

M. Christian Bataille. Mensonge !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le 1er juillet 2007 marque bien l’ouverture des marchés de l’énergie. Il convenait donc de s’y préparer

M. Christian Bataille. En faisant cadeau de cinq milliards d’euros à Suez ?

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Bravo parce que, pendant quarante-cinq jours, vous n’avez cessé de mentir aux Français en soutenant que le préambule de la Constitution de 1946 et la loi de 1948 protégeaient le monopole de l’énergie. Là encore, le Conseil constitutionnel vous oppose un démenti cinglant en affirmant que Gaz de France peut être privatisée pour aller de l’avant.

M. Jean Glavany. Le Conseil constitutionnel a censuré les socialistes, c’est bien connu !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Un bravo attristé, enfin, parce que le Conseil constitutionnel a validé le fait qu’il fallait une loi pour pouvoir maintenir les tarifs réglementés, si bien que votre saisine interdit aux Français qui déménagent de garder le privilège de ces tarifs.

Oui, trois fois bravo, monsieur le président Ayrault !

Le Gouvernement et la majorité assument quant à eux leurs responsabilités. Il fallait bien aller de l’avant et donner à Gaz de France les moyens de nouer des alliances.

Il est encore un point sur lequel je ne vous suis pas du tout, monsieur Ayrault. Cette loi ayant été votée démocratiquement par les deux chambres et venant d’être validée par le Conseil constitutionnel, il convient de la mettre en application sans tarder pour que les Français puissent bénéficier des tarifs réglementés. Selon vous, au contraire, parce qu’il y a des échéances électorales, une loi dûment votée et validée ne devrait pas être appliquée ? Ce serait un déni de démocratie !

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Gaz de France a désormais les moyens d’aller de l’avant. (« Mensonge ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Il lui appartient de présenter un nouveau calendrier…

M. Christian Bataille. Et les cinq milliards donnés à Suez ?

M. le président. Nous allons nous arrêter là, monsieur le ministre.

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …pour tenir compte de ce nouveau cadre réglementaire, dans l’intérêt des Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

tarifs réglementés d’edf et de gdf

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle, pour le groupe Union pour la démocratie française. Et ce n’est pas pour chanter, mais pour poser une question ! (Sourires.)

M. Jean Lassalle. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Jeudi dernier, le Conseil constitutionnel a annulé certaines dispositions concernant les tarifs réglementés protégeant les ménages et les entreprises. Les conséquences de cette annulation pourraient être très graves : d’après les meilleurs juristes, les familles qui emménagent dans un nouveau logement – c’est le cas de six millions de personnes chaque année – seraient directement concernées par cette décision. Si l’ancien propriétaire ou locataire a opté, en son temps, pour un prix « libre », le nouveau locataire ou le nouveau propriétaire n’aurait pas le droit de bénéficier des tarifs réglementés. Ce sont donc six millions de personnes qui sont menacées d’une hausse considérable de leur facture énergétique : les cours se sont en effet envolés ces dernières années, dépassant de 30 % les grilles déterminées par l’État pour l’électricité.

Mais les incertitudes juridiques ne s’arrêtent pas là. Toujours d’après ces juristes, se pose la question du renouvellement des contrats de tarifs réglementés, dont bon nombre de familles et d’entreprises risquent de perdre le bénéfice. Les analystes et les investisseurs ne s’y sont d’ailleurs pas trompés puisque le titre EDF s’est s’envolé depuis jeudi dernier. Ce matin, il augmentait encore de 3,65 %, soit une hausse de 10 % depuis jeudi.

MM. de Courson et Dionis du Séjour ont alerté le Gouvernement à de nombreuses reprises, lors de la discussion sur le projet de loi relatif au secteur de l’énergie, sur le risque que la hausse de la facture énergétique fait peser non seulement sur le pouvoir d’achat des familles, mais aussi sur la rentabilité des entreprises, donc sur l’emploi.

Si ces interprétations sont confirmées, que compte faire le Gouvernement pour préserver les familles et les entreprises d’une hausse très forte des tarifs ? Quelles mesures envisage-t-il de prendre pour que la rente nucléaire d’EDF continue à profiter aux familles et aux entreprises plutôt qu’aux actionnaires d’EDF ? Enfin, la loi relative au secteur de l’énergie n’ayant toujours pas été publiée au Journal officiel, le Président de la République envisagerait-t-il de demander au Parlement une deuxième délibération, comme l’article 10 de la Constitution le lui permet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Votre question, monsieur le député, renvoie à mon troisième « bravo » attristé à l’adresse de ceux qui ont déféré le texte devant le Conseil constitutionnel.

M. Christian Bataille. Et le cadeau de cinq milliards à Suez ?

M. le président. Monsieur Bataille, taisez-vous !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. En effet, le Conseil constitutionnel a tout à la fois validé et invalidé. Ce faisant, il a conforté le Gouvernement dans l’idée qu’il fallait une loi pour que nos compatriotes conservent le bénéfice des tarifs réglementés. C’est ce qui a été fait et acté.

En revanche, il a ajouté que les personnes emménageant dans un local non agrémenté aux tarifs réglementés ne pourraient plus en bénéficier. Visiblement, cette bévue embarrasse l’opposition. Nous allons voir avec le groupe UMP s’il est possible de la corriger, et comment.

Quoi qu’il en soit, tous les Français bénéficient aujourd’hui de tarifs réglementés et ils continueront à le pouvoir, grâce à cette loi, à compter du 1er janvier 2007. Seuls sont concernés ceux de nos compatriotes qui déménagent dans un local ne disposant pas du gaz à l’origine. Nous allons essayer de trouver une solution, mais c’est là une triste bévue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

dialogue social

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je vous en prie, mes chers collègues, ne l’énervez pas ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz. C’est hors de leur portée, monsieur le président.

Ma question s’adresse – bien qu’il ne soit pas encore arrivé – à M. le Premier ministre.

Hier, deux grandes centrales syndicales ont lancé un appel solennel aux parlementaires et au Gouvernement : dans le cadre de la réforme du dialogue social, les secrétaires généraux de la CFDT et de la CGT demandent au législateur d’inscrire dans la loi la réforme de la représentativité.

Nous nous associons pleinement à cette démarche car la démocratie sociale exige une réforme ambitieuse et de grande ampleur. C’est du reste ce que le groupe communiste et républicain propose depuis vingt ans. On ne peut plus rester dans le système actuel, qui décourage toutes celles et tous ceux qui veulent pour notre pays une négociation collective vivante et efficace, au contenu plus riche, portée par des acteurs vraiment légitimes et débouchant sur des accords qui correspondent aux intérêts de la majorité des salariés.

Nous déposerons donc deux amendements principaux, qui s’inscrivent pleinement dans le sens d’une réelle démocratie sociale. Le premier vise à organiser une élection de représentativité à laquelle participeraient, le même jour, tous les salariés, quel que soit leur statut, avec maintien du salaire pour le temps pris pour aller voter. Le second tend à subordonner, à tous les niveaux, la validité des accords au principe de l’accord majoritaire, c’est-à-dire signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentant la majorité des salariés. C’est, convenez-en, l’abc de la démocratie !

Le Premier ministre a pris connaissance hier du rapport du Conseil économique et social. Il a entendu l’appel de la CFDT et de la CGT. Est-il prêt à inscrire immédiatement dans la loi la réforme de la représentativité et le principe des accords majoritaires, gages d’un dialogue social efficace, dynamique et démocratique ? Puisque tout le monde l’attend, pourquoi reculer encore en renvoyant la question à un autre projet de loi ? La primauté de l’accord majoritaire doit être inscrite dans la loi ici et maintenant ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la semaine dernière, au sein de votre commission des affaires culturelles, familiales et sociales, nous avons échangé sur un texte important : le projet de loi de modernisation du dialogue social. Conformément au vœu du Président de la République, ce texte prévoit qu’aucune réforme importante touchant aux relations individuelles et collectives du travail, à la formation professionnelle et à l’emploi ne doit être soumise à la représentation nationale avant que les partenaires sociaux n’aient été en mesure de négocier. Vous aviez du reste souligné lors de cette réunion, monsieur le député, que ce projet constituait une étape importante, et je vous ai indiqué, ainsi qu’au rapporteur, M. Perrut, que cette première étape en appelait d’autres.

Au terme d’un travail approfondi, résultant d’un dialogue entre l’ensemble des composantes de la société civile et des partenaires sociaux qui y sont représentés, le Conseil économique et social a présenté ce matin à M. le Premier ministre, à M. Borloo et à moi-même un rapport traitant de l’évolution de la représentativité, de la validation des accords, ainsi que du financement du dialogue social. Ce document met en évidence des orientations profondes qui pourraient modifier fortement l’ensemble du paysage des partenaires sociaux.

Le Premier ministre a donc demandé à Jean-Louis Borloo et à moi-même d’engager avec ces derniers un dialogue qui doit nous permettre d’aboutir, dans les semaines qui viennent, à ce qui pourrait être, sur la base d’un document d’orientation, un avant-projet de loi. Il reste en effet beaucoup de questions à régler : quelle élection faut-il privilégier, comment l’organiser, le critère que constitue l’élection est-il le seul à retenir, comment valider les accords ?...

La première étape, qui débute aujourd’hui avec l’examen du projet de loi sur la modernisation du dialogue social, est essentielle. Si, en effet, elle en appelle d’autres, reconnaissez que c’est bien ce gouvernement qui a lancé une vraie réforme du dialogue social : pour sa modernisation, nous sommes au rendez-vous ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

contrats d'avenir

M. le président. La parole est à M. François Vannson, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. François Vannson. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. L’emploi demeure la première préoccupation de nos compatriotes. Plus que jamais, le Gouvernement doit poursuivre ses efforts dans cette voie, en particulier en faveur des plus démunis.

Parmi toutes les initiatives prises depuis 2003, les contrats d’avenir visent à ramener vers une vie professionnelle stable ceux qui en sont aujourd’hui les plus éloignés. Ces contrats s’adressent aux bénéficiaires des minima sociaux – revenu minimum d’insertion, allocation spécifique de solidarité, allocation de parent isolé ou allocation aux adultes handicapés –, tant dans le secteur public et parapublic que dans le secteur marchand. Pour les employeurs, ils présentent plusieurs avantages : aides versées par l’État ou les départements, exonérations de cotisations sociales dans la limite du SMIC et surtout aide spécifique en cas de transformation du contrat d’avenir en CDI. Pour les bénéficiaires, ils permettent de passer d’un revenu d’assistance à un revenu d’activité, et d’acquérir de nouveaux savoir-faire qu’ils peuvent faire valoir sur le marché du travail.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dresser un premier bilan des contrats d’avenir, nous dire combien ont été signés, nous rappeler le fonctionnement de ce dispositif et les avantages qu’il présente pour ceux qui en bénéficient ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, la semaine dernière a été signé le cent millième contrat d’avenir conclu depuis douze mois. Ces contrats permettent aux bénéficiaires du RMI, de l’ASS ou de l’allocation de parent isolé de percevoir une rémunération basée sur le SMIC horaire, sensiblement supérieure à celle qu’ils touchent aujourd’hui, dans le cadre d’un dispositif alternant travail et formation dans un établissement public ou parapublic.

Ce dispositif met largement à contribution les collectivités locales, notamment les départements et le tissu associatif, mais il fonctionne diversement en fonction de leur engagement. Ainsi, la moitié des départements ont déjà réorienté 10 % des bénéficiaires du RMI vers des contrats d’avenir, d’autres beaucoup moins pour et certains très peu. J’en appelle donc à la solidarité nationale. Le problème des personnes très éloignées de l’emploi dépasse la question de l’emploi en général et des chiffres du chômage. Outre une perte de substance pour notre nation, il est inacceptable d’un point de vue humain. Le cent millième contrat d’avenir a été signé, mais il faut aller encore beaucoup plus loin ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

apprentissage de la grammaire

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Christ, pour le groupe UMP.

M. Jean-Louis Christ. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Face au nombre de jeunes sortant du système scolaire sans qualification et à l’aggravation de l’illettrisme, vous avez lancé, monsieur le ministre, plusieurs réformes au sein de l’éducation nationale ayant pour objectif commun de donner à tous les élèves les moyens de réussir leur scolarité. Parmi celles-ci, le socle commun représente un important travail d’adaptation des programmes de l’école primaire au collège. Le développement de l’apprentissage et la réforme des méthodes d’acquisition de la lecture participent également de votre ambition.

Parallèlement, vous avez confié au professeur Alain Bentolila, en relation avec l’académicien et écrivain Erik Orsenna, ainsi qu’avec d'autres spécialistes, une mission de réflexion sur la rénovation de l'enseignement de la grammaire, dans le cadre du socle commun. Ce rapport vous a été remis mercredi dernier. Pouvez-vous nous faire part de son contenu et des propositions que vous allez retenir pour améliorer l'apprentissage de la grammaire, qui est fondamental pour la maîtrise de la langue et pour une bonne insertion professionnelle et sociale ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, le professeur Alain Bentolila, professeur de linguistique à Paris V, m’a en effet remis la semaine dernière le rapport qu’il a élaboré en collaboration avec Erik Orsenna, académicien bien connu et écrivain, et Dominique Desmarchelier, également professeur de linguistique à Paris V. De ce travail de très grande qualité, je retiendrai, bien sûr, le meilleur pour prendre des dispositions afin que tous les élèves connaissent la langue française, ce qui est le moins qu’on puisse demander.

La langue française, c’est d’abord le vocabulaire. C’est pourquoi j’ai tenu à ce que commence, dès la maternelle, l’acquisition du vocabulaire, et, dès le cours préparatoire, l’apprentissage de la lecture. Il en ira de même désormais pour celui de la grammaire, qui donne des repères aux élèves et structure la langue, laquelle doit permettre aux hommes de communiquer entre eux. La grammaire doit être enseignée sans jargon pour que les parents comprennent ce que les enfants apprennent. C’est pourquoi, dès le début de l’année 2007, je proposerai aux professeurs des programmes rénovés pour que l’apprentissage de la grammaire soit progressif et systématique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

lutte contre l’excision

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe UMP.

M. Philippe Vitel. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités. La loi d'avril 2006 sur les violences faites aux femmes a durci le volet répressif relatif aux mutilations génitales féminines. Toutefois, force est de constater que cette tradition barbare n'a pas pour autant disparu de notre pays : selon les estimations des associations, plusieurs dizaines de milliers de femmes – jusqu’à 60 000 ! – sont encore concernées cette année. Cette situation dramatique est en grande partie due au silence assourdissant qui entoure ces pratiques et à la méconnaissance des associations auxquelles peut s’adresser toute personne ayant connaissance d’une menace d'excision pour une fillette. Par ailleurs, les possibilités de réparation chirurgicale qui existent semblent souffrir d'un déficit important d'information.

Afin d'améliorer la prévention de ce type de violences aux conséquences physiques et psychologiques dramatiques, vous avez pris l'initiative, avec le ministre de la cohésion sociale, de réunir en colloque les professionnels des secteurs sanitaires et sociaux, hier à l'Institut Pasteur. Pouvez-vous informer la représentation nationale des conclusions de cette rencontre ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, en effet, dans notre pays 60 000 femmes et fillettes ont été excisées ou risquent de l’être. Si cette pratique barbare a régressé en France, elle est parfois subie lors d’un retour au pays. Il est important d’abord de parler de ces traditions d’un autre temps. Sur le territoire national, il faut informer davantage les professionnels de santé, les enseignants, et tous ceux qui peuvent, à un moment ou à un autre, être en contact avec une femme qui a été excisée ou une fillette qui peut l’être. Il faut aussi soutenir davantage les associations qui travaillent depuis des années sur cette question et qui ont permis de faire évoluer les consciences.

Ensuite, nous devons favoriser la réparation physique, même si nous savons bien que le dommage est aussi psychologique. Nous avons la volonté de prendre en charge intégralement tous les actes de réparation nécessaires. À cet égard, nous avons en France des professionnels, comme le professeur Foldès, qui font un travail remarquable.

Mais nous devons aussi porter ce combat sur le terrain international. Différents représentants européens étaient présents au colloque d’hier. D’ores et déjà, certains pays africains font évoluer leur législation. Il faut à tout prix accélérer cette évolution des consciences et modifier le regard sur la femme. Le silence et les traditions sont d’un autre âge. Aujourd’hui, nous devons aider ces femmes et ces fillettes ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

téléthon

M. le président. La parole est à M. Manuel Valls, pour le groupe socialiste.

M. Manuel Valls. Monsieur le Premier ministre, les accusations d'eugénisme formulées par plusieurs évêques catholiques concernant l'utilisation d'une partie des dons faits à l'Association française contre les myopathies pour financer la recherche génétique sont scandaleuses. Elles affligent les familles en quête de remèdes et jettent le trouble dans l'esprit des futurs donateurs, à quelques jours du vingtième Téléthon.

Depuis sa création, l'AFM est engagée dans un combat pour défendre la vie, pour lutter contre les maladies rares et contre la souffrance de milliers de familles. Les critiques se concentrent notamment sur les diagnostics préimplantatoires et prénatals sous prétexte qu'ils instrumentaliseraient l'embryon humain. Mais je veux rappeler que les diagnostics génétiques, autorisés depuis 1995, permettent d'éviter des avortements systématiques.

Ces questions, qui ont fait l'objet de débats de grande qualité dans notre assemblée à l’occasion des lois sur la bioéthique, doivent être traitées avec méthode, comme l’a fait notre collègue Alain Clayes à propos de la recherche sur le fonctionnement des cellules vivantes, dans un travail qu'il présente aujourd'hui, dans le cadre des travaux de l'Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

M. Jean Glavany. Très bon travail !

M. Manuel Valls. Une autre critique porte sur la transparence des dons. Faut-il souligner que l'action de l'AFM s'inscrit pleinement dans le cadre de la loi et des autorisations de l'Agence de biomédecine, conformément aux décisions prises par le Parlement.

Nous ne pouvons pas tolérer qu’on porte atteinte au principe de la laïcité.

M. Jean Glavany. Non à l’obscurantisme !

M. Manuel Valls. Si l'Église catholique a un rôle à jouer et un avis à donner, son point de vue doit être entendu au même titre que celui d'autres religions, institutions, philosophies ou organisations. Elle n’a pas à exercer une quelconque pression sur une association reconnue d'utilité publique, qui agit dans le cadre de la loi de la République, ni sur les familles qui ont recours aux diagnostics génétiques et, encore moins, à culpabiliser l'ensemble des donateurs et des chercheurs.

À quelques jours de la nouvelle édition du Téléthon, lancé il y a vingt ans à Évry où se trouve le siège de l’AFM, il est intolérable qu'une partie de l’épiscopat, influencée par des réseaux ultraconservateurs particulièrement influents – en particulier le mouvement anti-avortement lié à la fondation Lejeune –, prenne l'événement en otage en invitant les catholiques à ne plus encourager l'action de l'AFM. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste. – Protestations sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Jacques Descamps. C’est faux !

M. Manuel Valls. Après la prise de position du Président de la République, il est essentiel que le Parlement, mais aussi le Gouvernement, manifestent ici même leur attachement au principe de laïcité et leur soutien à l'AFM et à la manifestation des 7 et 8 décembre prochains ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, sur un tel sujet, laissons de côté la polémique ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Glavany. C’est une question de principe ! Dès qu’il s’agit de débattre de la République, c’est polémique !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Elle n’a pas sa place quand il s’agit de la santé, moins encore à propos du Téléthon. Le Président de la République l’a rappelé très clairement hier, en recevant à l’Élysée les bénévoles et les responsables de l’AFM : le Téléthon agit à juste titre, dans le strict respect de la loi. Il est important de rappeler que, dans notre pays, les recherches dont il s’agit ici se font dans le cadre de la loi de bioéthique votée par le Parlement, à la suite de débats passionnants où se sont exprimées toutes les convictions, mais aussi la volonté que la recherche soit encadrée et ne se fasse pas dans n’importe quelles conditions. Les décrets ont été pris dans cet esprit, le Conseil national d’éthique a donné son avis et l’Agence de biomédecine veille également au respect des protocoles.

Il n’y a pas de place dans notre pays pour l’eugénisme !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Les questions qui sont soulevées aujourd’hui ont trouvé leur réponse voici deux ans. La seule qui vaille est de savoir si notre pays peut se rassembler autour des valeurs de partage, de solidarité et de défense de la vie. Ce sont ces valeurs que porte le Téléthon et que les Français auront à cœur de faire vivre le week-end prochain. Il faut se rassembler autour du Téléthon ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

parcs nationaux

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Giran, pour le groupe UMP.

M. Jean-Pierre Giran. Madame la ministre de l’écologie et du développement durable, le 14 avril 2006 était publiée au Journal officiel la nouvelle loi sur les parcs nationaux. Elle venait adapter la loi fondatrice de 1960 en apportant plus de démocratie au fonctionnement des parcs et en faisant en sorte que leur territoire relève davantage de l'adhésion des communes et des populations que de contraintes et de règlements imposés d'en haut.

Cette réforme était attendue si l'on en croit l'accord dégagé au sein de notre assemblée. Un vote unanime a illustré la place de ces territoires d'exception dans la conscience nationale.

Mais, au-delà de l'évolution nécessaire des sept parcs nationaux existants, la nouvelle loi avait également pour ambition de créer deux établissements publics : d’une part, les Parcs nationaux de France, visant à mutualiser un certain nombre de services et à défendre leur identité au plan national et international, et, d’autre part, l’Agence des aires marines protégées, afin de mieux coordonner les usages et réglementations sur notre territoire maritime, le deuxième du monde.

Enfin, la nouvelle loi avait pour mission de faciliter la création de deux nouveaux parcs outre-mer – le parc amazonien en Guyane et le parc national de La Réunion, grâce à un plus grand respect des réalités et des particularités locales.

Madame la ministre, huit mois après la promulgation de la loi, pourriez-vous informer la représentation nationale de l'état de son application ? Pourriez-vous également nous indiquer si, de votre point de vue, l'effort budgétaire remarquable que le Gouvernement a consenti cette année en matière de protection de la nature sera poursuivi, voire accru dans les prochaines années ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Albert Facon. Brosse à reluire !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie et du développement durable.

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable. Monsieur Giran, les décrets sur les parcs nationaux et sur l’établissement public Parcs nationaux de France ont été publiés dès le 29 juillet dernier, permettant la conduite dès septembre et octobre des enquêtes publiques en vue de la création des parcs de Guyane et de La Réunion. Conformément aux engagements du Président de la République, leur création devrait effectivement intervenir dans les trois mois qui viennent.

Une telle diligence a également permis la création rapide de Parcs nationaux de France, dont vous venez d’être élu président, monsieur Giran, ce dont je vous félicite. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Albert Facon. Encore un coup de brosse à reluire !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Ceux qui n’ont pas été capables de créer des parcs feraient mieux de se taire ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Le décret sur l’Agence des aires marines protégées et sur les parcs naturels marins a été publié le 17 octobre, permettant le lancement le 20 novembre dernier de l’enquête publique sur le parc naturel de la mer d’Iroise.

Les engagements pris par le Premier ministre devant le Parlement concernant les crédits des parcs nationaux ont été tenus et on peut constater une très forte augmentation de crédits. La France consacrera, en 2007, 45 millions d’euros pour les parcs nationaux et 4,8 millions d’euros pour les parcs marins.

Pour moi, il ne fait aucun doute que le budget de mon ministère devra, dans les prochaines années, être doté en conséquence. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Certains hurlent, mais n’ont rien fait. Le Gouvernement, au contraire, a agi en y consacrant les moyens nécessaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

formation À la médecine générale

M. le président. La parole est à M. Alain Marty, pour le groupe UMP.

M. Alain Marty. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche.

La médecine générale, la médecine de ville est essentielle pour notre système des soins.

Comment la formation des médecins généralistes est-elle assurée aujourd’hui ? À l’issue de la sixième année d’études, les étudiants passent l'examen national classant. Ensuite, un certain nombre d’entre eux choisiront une spécialité médicale ou chirurgicale, d’autres la médecine générale, et feront un diplôme d’études spécialisées. Ils sont en formation pendant six semestres. Un semestre est consacré à un stage chez un praticien en ville.

Aujourd'hui, les médecins praticiens accueillant les internes de médecine générale sont en grève. Dans deux jours, les internes de médecine générale organiseront une journée d’action. Quelles sont leurs attentes ?

Ils souhaitent la création d’une filière universitaire de médecine générale, permettant d’avoir des enseignants universitaires dans cette discipline, des chefs de clinique ambulatoire, un statut pour les maîtres de stage, la possibilité de développer cette médecine générale par des recherches, des thèses de médecine générale.

Des avancées importantes ont été accomplies ces derniers temps pour la mise en œuvre de cette filière. Je souhaite connaître les engagements du Gouvernement en termes de moyens et de calendrier pour développer ces départements universitaires de médecine générale, si importants pour la formation des praticiens et sans doute aussi pour l’attractivité de la médecine générale, et donc pour le système de soins de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche.

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur Marty, comme vous le savez, Xavier Bertrand, Gilles de Robien et moi-même sommes engagés dans la mise en œuvre d’une reconnaissance statutaire de la médecine générale, à l’instar de ce qui est accordé aux autres spécialités.

Vous l’avez rappelé, un diplôme d’études spécialisées a été créé dès 2004, comme pour les autres spécialités médicales et la médecine générale est désormais considérée comme une option de la médecine interne par le Conseil national des universités. Il s’agit d’une véritable reconnaissance.

Nous sommes désormais engagés dans la création de cette filière universitaire, que vous appelez de vos vœux, avec de nouveaux postes de chef de clinique, de maître de conférence et de professeur des universités praticien hospitalier.

En 2006, nous avons déjà créé 20 postes de professeur associé. Le décret relatif à la mise en place de cette filière universitaire, qui vise à en fixer les modalités, sera promulgué au mois de mars prochain.

Une dotation complémentaire de 5 millions d’euros est prévue en 2007 pour la rémunération des maîtres de stage. Dès 2007, je vous le rappelle, 20 postes de chef de clinique seront créés. Une commission pour les dérogations de nomination sera mise en place l’année prochaine pour pourvoir aux emplois de maître de conférences et de professeur des universités.

Ce mouvement est sur les rails. Au-delà de ces dispositions réglementaires et statutaires, monsieur Marty, c’est la reconnaissance de la médecine générale, rien de moins, qui est en jeu au sein de notre système de soins. Nous attendions, comme vous, depuis longtemps ce moment. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

chômage

M. le président. La parole est à Mme Martine David, pour le groupe socialiste.

Mme Martine David. Monsieur le Premier ministre, les chiffres récemment publiés font état, encore une fois, d'une hausse du nombre des demandeurs d'emploi pour le mois d'octobre. Le chômage frappe 2 400 000 personnes, ce qui maintient son taux à 8,8 % de la population active.

Ce raté, après celui du mois d'août, est un signe qui ne trompe pas. La machine à créer des emplois est en panne et les statistiques traduisent mal la dure réalité vécue par les Français.

La litanie des défaillances d'entreprises, des plans sociaux et des délocalisations se poursuit : Suchard, Well, Dim, Aubade, Saint-Gobain, Bourgeois-Découpage, Québécor, Rhodia, Reynolds, Cadence-Innovation, ou encore Valeo, Faurecia, Thomé-Génot, pour ne citer que les entreprises qui ont marqué l’actualité de ces dernières semaines.

Le chômage reste à un niveau très préoccupant. La politique conduite par votre gouvernement est un échec. Les largesses fiscales consenties aux plus riches, sans contrepartie en termes d'emploi, n'améliorent le sort que de quelques-uns.

Non ! ce n'est pas en laissant les patrons voyous procéder à d’inacceptables licenciements boursiers que l'on s'attaquera au chômage.

Non ! ce n'est pas en imposant une augmentation de la durée du travail que l'on incitera les entreprises à embaucher.

Non ! ce n'est pas en favorisant la précarité que l'on relancera la consommation. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, vous ne pouvez utiliser la panne de la croissance française – vous ne faites d’ailleurs rien pour encourager la croissance – pour justifier cette nouvelle dégradation. Le temps n'est plus aux moulinets mais à un engagement ferme en faveur de l'emploi. Quelles mesures comptez-vous prendre pour enfin faire reculer durablement le chômage ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Permettez-moi de vous dire, madame David, que les noms des entreprises que vous avez cités ne sont pas, pour Gérard Larcher, le Premier ministre et moi-même, de simples noms que l’on jette en pâture. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Il s’agit à chaque fois de drames industriels dus aux mutations industrielles, sur lesquels nous intervenons immédiatement et le plus massivement possible, notamment avec des contrats de site.

M. Michel Lefait. On voit le résultat !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je ne vous autorise pas, madame, à utiliser ces noms-là à des fins de viles polémiques. C’est indigne de la représentation nationale. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je n’aurai pas l’outrecuidance, madame, de vous rappeler Vilvoorde.

Madame David, nous parlons de sujets sérieux : la mutation industrielle dans notre pays, l’accompagnement des demandeurs d’emploi, reçus dignement chaque mois par les mêmes référents, les maisons de l’emploi regroupant tous les acteurs. Tout cela nécessite des moyens considérables donnés à l’ANPE, alors que vous avez vidé naguère les caisses des ASSEDIC. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Madame David, le chômage a baissé depuis près de deux ans.

Mme Martine David. Ce n’est pas vrai !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Croyez bien que le chiffre de 250 000 demandeurs d’emploi ne me satisfait pas. Je ne connais pas un seul ministre de l’emploi, qu’il soit de gauche ou de droite, qui se réjouisse ou se satisfasse de tels chiffres.

La vraie question réside dans la mutation et dans l’offensive économique de notre pays.

Si vous croyez que les slogans de type « Dormez tranquille ! », « Travaillons moins ! », « Ne nous adaptons pas ! » permettront de renforcer l’offensive économique et d’améliorer la situation de l’emploi dans notre pays, vous faites erreur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

journée de solidarité

M. le président. La parole est à M. Alain Gest, pour le groupe UMP.

M. Alain Gest. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

Le vieillissement de la population et la prise en compte du handicap nécessitent, chacun le sait, la mise en place de moyens considérables.

Nous avons trouvé, après les élections en 2002, une allocation personnalisée d’autonomie mise en place dans la précipitation et non financée (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste), et un retard considérable dans la réalisation des programmes de construction d’hébergements pour personnes handicapées. C’est devenu, à juste titre, l’un des trois chantiers prioritaires du Président de la République.

Monsieur le ministre, il y avait trois solutions.

Premièrement, décider, comme nos prédécesseurs socialistes, quelque chose et le faire payer par les collectivités territoriales. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Deuxièmement, créer une taxe ou un impôt supplémentaire.

Troisièmement – c’est la solution courageuse retenue à l’époque par Jean-Pierre Raffarin –, faire appel à la solidarité de l’ensemble des Français, grâce à une journée de travail supplémentaire. Il a été également décidé de créer la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Cette caisse, son existence même et ses moyens sont très mal connus des Français.

Pourtant, nous avons pu constater qu’un certain nombre de réalisations ont été possibles grâce à elle.

Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre délégué, où en sont les programmes qui doivent être financés par cette caisse ? Quel en est le fonctionnement et quels en sont les moyens ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. Restez calme, monsieur Bas !

M. Albert Facon. Voilà le petit menteur !

M. le président. Je vous en prie, chers collègues !

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Comme vous avez raison, monsieur le député Gest ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) La situation que nous avons trouvée en 2002 était loin d’être satisfaisante tant pour les personnes âgées que pour les personnes handicapées. Aussi, la journée de solidarité a-t-elle été une bonne nouvelle pour tous nos compatriotes âgés ou handicapés.

M. Albert Facon. On va bientôt vous bénir !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Cette journée a, en effet, permis de rattraper rapidement notre retard dans ces domaines.

Permettez-moi de vous rappeler que les 2,1 milliards d’euros récoltés grâce à la journée de solidarité sont intégralement utilisés en faveur des personnes âgées et handicapées. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ce n’est pas moi qui le dis, mais la Cour des comptes ! Nous en avons en effet voulu que cet argent soit contrôlé, à l’euro près (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), par la Cour des comptes qui a remis son rapport au mois de juillet dernier. Ce rapport étant public, même les membres de l’opposition peuvent le lire !

M. Albert Facon. Il se prend pour Copé !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Grâce à la journée de solidarité, l’allocation personnalisée d’autonomie est encore servie aux Français qui en ont besoin. Or sans cette journée de solidarité, cette allocation aurait disparu, car son financement n’avait pas été prévu. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Grâce à la journée de solidarité, 410 millions d’euros sont consacrées chaque année à l’allocation personnalisée d’autonomie.

Sans la journée de solidarité, il n’y aurait pas non plus 550 millions d’euros pour la prestation de compensation du handicap !

Sans la journée de solidarité, il n’y aurait pas eu de maisons départementales des personnes handicapées, lesquelles bénéficient de 50 millions d’euros. Ces maisons, qui signifient la fin du parcours du combattant pour nos compatriotes handicapés, regroupent en un seul lieu tout ce qui leur permet de connaître et de faire reconnaître leurs droits.

M. Albert Facon. On voit que vous croyez au Père Noël !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Sans la journée de solidarité, l’effort sans précédent en faveur de la création de places en maisons de retraite médicalisées et en établissements spécialisés, n’aurait pas pu être réalisé : 820 millions d’euros y ont été consacrés en 2006 ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. Calmez-vous !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Regardons le bilan, tout simplement ! Entre 2002 et 2007, nous avons créé 180 000 places supplémentaires en maisons de retraite médicalisées !

Le bilan de la gauche se borne, malheureusement, à 45 000 places. Comparées aux 180 000 places que nous avons créées, votre bilan est bien maigre, mesdames et messieurs de l’opposition ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. C’est bien cette majorité qui a le plus œuvré en faveur des personnes âgées et handicapées avec un grand programme d’humanisation de nos maisons de retraite : 500 millions d’euros y ont été consacrés ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Oui, nous préférons la solidarité par le travail à la solidarité par l’impôt ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

politique de la montagne

M. le président. La parole est à M. Daniel Spagnou, pour le groupe UMP.

M. Daniel Spagnou. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. J’en profite pour vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que M. Loos, ministre de l’industrie, pour votre soutien sans faille au projet d’implantation dans mon département d’une usine de silicium, qui viendra s’y installer l’année prochaine : c’est le plus beau cadeau de Noël que vous pouviez nous faire ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Ce n'est un secret pour personne, et surtout pas pour vous, monsieur le ministre, qui êtes un élu de la montagne : nos massifs souffrent de nombreux handicaps structurels et naturels qui freinent leur développement économique.

Les caprices de la nature liés à l'effet de serre et les catastrophes naturelles n'épargnent pas la montagne. La présence de grands prédateurs, comme le loup (« Hou » sur quelques bancs du groupe socialiste) remet en cause les équilibres socio-économiques et la biodiversité. Les entreprises délocalisent comme ailleurs, et quittent parfois nos vallées. La pression foncière exclut de plus en plus les populations locales, en particulier les jeunes.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Daniel Spagnou. Pourtant, après des années d'inaction, la loi relative au développement des territoires ruraux qui a permis, sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, de conforter la politique « montagne » et de reconnaître enfin la spécificité de nos massifs, a constitué une avancée, mais les élus de nos territoires restent partagés entre espérance et inquiétude.

Aujourd'hui, l'actuel gouvernement, tout particulièrement sous votre impulsion, monsieur le ministre, au titre de l'aménagement du territoire, a relancé la politique de développement économique de la montagne. Pouvez-vous nous en donner les premiers résultats ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jérôme Lambert. Le Père Noël va vous répondre !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. La montagne est un espace à nul autre pareil, d’une grande richesse naturelle et d’une grande biodiversité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais la montagne de France a été trop longtemps méprisée. Trop longtemps, en effet, le talent, le bon sens et l’intelligence de ces hommes et de ces femmes, qui font son histoire et sa culture grâce à leur authenticité et à leur respect des traditions, ont été dédaignés.

Pour la première fois, depuis très longtemps, le Gouvernement a pris des mesures particulièrement énergiques pour lui apporter toute la considération qu’elle mérite.

Ces politiques sont fondées pour l’essentiel sur l’allégement des contraintes à l’investissement. Ce sont les zones de revitalisation rurale…

M. Michel Bouvard. Ah !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …pour lesquelles nous avons obtenu l’exonération de charges fiscales, de taxe professionnelle, de taxe d’habitation dans certains cas, et de taxe foncière. Ces mesures favorisent l’investissement et l’extension d’un certain nombre d’activités.

Nous avons aussi encouragé l’aide aux initiatives économiques locales, notamment les pôles d’excellence rurale, dans le prolongement des pôles de compétitivité, qui viennent reconnaître le bon sens et l’intelligence de nos territoires ruraux. Nous avons veillé à ce que soixante-quinze pôles soient dédiés à la montagne.

M. Maxime Gremetz. Et les ours ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous avons enfin assuré l’égalité d’accès à tous les services. Nous avons signé une charte avec l’Association des maires de France et quinze opérateurs de services au public. Nous le savons, lorsqu’un service au public investit dans les grands centres urbains, il en tire des bénéfices, alors que dans les zones de montagne, les investissements dans ce domaine se soldent par des déficits. Il était donc du devoir de l’État et de la collectivité de mettre en œuvre une politique de compensation juste et équitable, notamment dans le domaine de la couverture numérique du territoire. D’ici à la fin du mois de juin 2007, l’ensemble de notre territoire aura accès à la téléphonie mobile, à l’Internet haut débit et à la télévision numérique terrestre.

Oui, monsieur Spagnou, la montagne est une chance pour la France ! Nous avions un devoir de justice et d’équité à l’égard des hommes et des femmes qui font sa richesse. Merci, pour votre soutien et votre engagement au service de la montagne ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

observatoire des prix dans les dom

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’outre-mer.

Le débat général sur le pouvoir d’achat, notamment sur le décalage qui existe entre sa réalité et sa mesure, concerne aussi l’outre-mer où il s’agit à vrai dire d’une question ancienne et récurrente. Les raisons en sont multiples : une plus grande précarité qui épargne de moins en moins le monde du travail ; un seuil de pauvreté nettement inférieur à celui de la France continentale et des écarts de salaires plus importants, avec des prix à la consommation élevés en raison d’un marché intérieur restreint ; de nombreuses importations soumises aux variations du fret et aux taxes ; des situations de monopoles défavorables à une autorégulation du marché.

Cette situation explique qu’en 2000, les parlementaires du parti communiste réunionnais ont présenté un amendement qui prévoyait de créer dans les départements d’outre-mer un observatoire des prix et des revenus dans le but d’aboutir à une plus grande transparence sur la formation des prix. Cet amendement est devenu l’article 75 de la loi d’orientation pour l’outre-mer, mais faute de décret d’application, cet outil n’existe toujours pas.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Scandaleux !

Mme Huguette Bello. La dégradation du pouvoir d’achat a suscité plusieurs initiatives, parmi lesquelles, à la Réunion, une pétition citoyenne réclamant la mise en place de cet observatoire. Lancée par un collectif d’associations, elle a recueilli à ce jour des milliers de signatures. S’il va de soi que la lutte contre les atteintes au pouvoir d’achat passe d’abord par une action sur les revenus, la nécessité de disposer de cet observatoire est désormais unanimement reconnue.

Il semblerait qu’en réponse, votre ministère ait récemment lancé une étude de faisabilité de cet outil spécifique à l’outre-mer, qui s’inscrit dans la volonté exprimée en octobre dernier par le Premier ministre de disposer de nouveaux instruments plus transparents et plus fiables pour apprécier l’évolution du pouvoir d’achat des Français.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer les grandes lignes du cahier des charges de cette étude, les modalités de sa réalisation, ainsi que le calendrier retenu ? (Applaudissements sur divers bancs de la gauche de l’hémicycle.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’outre-mer.

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer. Si votre constat est partagé par l’immense majorité de nos compatriotes ultramarins, madame la députée, il ne l’est pas assez par nos compatriotes métropolitains. La réalité du coût de la vie et du pouvoir d’achat y est sans commune mesure, vous avez eu raison de le dire, avec ce qu’elle peut être dans beaucoup de nos départements métropolitains.

Vous avez évoqué les raisons de cet écart : l’éloignement, le coût du fret, et une série de taxes locales renchérissent le coût de la vie. Face à cela, il est indispensable que cet outil soit mis en œuvre dans les meilleurs délais, par voie réglementaire et non législative, conformément aux engagements pris par le Premier ministre lors de son déplacement à la Réunion. Cela doit se faire de façon durable et incontestable, car, vous le savez bien, madame la députée, les débats sur les politiques publiques menées outre-mer tourneront autour de cet outil.

Si nous sommes d’accord sur le constat, le calendrier et la méthode, nous pourrons aborder sereinement les débats, qui, une fois encore, ont surgi, la semaine dernière, de façon marginale, collatérale, et n’ont pas permis d’avancer sur un sujet essentiel.

Le directeur général de l’INSEE est saisi. Il lui appartient dans les prochaines semaines de nous faire des propositions. Dans l’intervalle, nous travaillons sur l’étude des prix et des revenus. Je souhaite que nous aboutissions à une proposition qui aille au-delà du coût de la vie et englobe la définition du pouvoir d’achat. Puisque cette proposition est de nature réglementaire et non législative, nous devrions aboutir à la mise en œuvre de cet outil d’ici la fin de la législature, ce qui nous permettra de travailler dans le consensus à l’avenir.

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

prévention de la délinquance

Explications de vote et vote
sur l’ensemble d’un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, il m’appartient d’abord de vous présenter toutes les excuses de M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, Nicolas Sarkozy, qui participe en ce moment même à une réunion interministérielle sur l’immigration à Matignon, à la demande de M. le Premier ministre.

Nous voici parvenus au terme d’un riche et long débat qui aura permis, une fois de plus, de faire la distinction entre ceux qui se complaisent dans des postures idéologiques, ou qui, faute de pouvoir inventer des solutions, prétendent qu'il n'y a pas de problèmes, et ceux qui, parce qu'ils connaissent les réalités du terrain et mesurent les attentes de nos concitoyens, ont décidé de ne pas renoncer. Avec Nicolas Sarkozy, nous avons fait un choix : être toujours du côté de ceux qui ne renoncent pas.

Je veux remercier chacun d'entre vous et en particulier ceux qui, dans chacun des groupes, ont suivi ce débat de bout en bout. Je remercie votre rapporteur et président de la commission des lois, Philippe Houillon : il a fait preuve tout au long de vos travaux de la rigueur, de l'exigence et de la justesse qui lui sont unanimement reconnues. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je remercie également le président Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis, qui a mis dans ce débat toute sa vigueur et toute sa franchise. Je remercie enfin les membres du Gouvernement qui, en venant discuter avec vous de ce texte, ont rendu manifeste le caractère interministériel de ce projet : le garde des sceaux, Pascal Clément, le ministre de la santé, Xavier Bertrand, celui de la famille, Philippe Bas, sans oublier le ministre des transports et de l’équipement, Dominique Perben.

M. Pierre Cohen. Et le ministre de la ville ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Comme il s'y était engagé, le Gouvernement a fait une large place aux amendements de votre assemblée. Sur les 204 amendements adoptés, 133 provenaient de la commission des lois, 19 de la commission des affaires sociales, 25 des rangs du groupe UMP, 10 de l'UDF et 6 de l'opposition. Quatre amendements parlementaires, respectivement présentés par M. Tian, M. Lagarde, M. Woerth et M. Caresche, ont été adoptés à l'unanimité.

M. Patrick Lemasle. En l’absence de M. Sarkozy !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je le répète, le ministre de l’intérieur est en ce moment à Matignon, où il participe, à la demande du Premier ministre, à une importante réunion interministérielle sur l’immigration.

M. Patrick Lemasle. Cela n’a rien à voir, je disais qu’il était absent pendant les débats !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je sais que cela fait partie des choses qui ne vous enthousiasment guère car la comparaison entre les résultats qui ont été les vôtres entre 1997 et 2002 et ceux auxquels nous sommes parvenus n’est pas à votre avantage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Roy. Le bilan de l’action de Sarkozy réservera bien des surprises ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. De vos débats, ce texte ressort d'abord conforté. Il en va ainsi du rôle du maire. Les échanges avec l'Association des maires de France ont permis de clarifier son rôle, de renforcer son information et d'élargir sa capacité d'appréciation dans la mise en œuvre de la loi. C'est donc en confiance que les maires pourront poursuivre leur action quotidienne pour prévenir la délinquance.

M. Bernard Deflesselles. Très bien !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il en va également ainsi des moyens qui seront mis à disposition des collectivités territoriales. C'est l'objet des nouvelles dispositions que vous avez adoptées pour le fonds de prévention de la délinquance.

Il en va ainsi, enfin, des dispositions relatives à la lutte contre la toxicomanie, que votre assemblée a adoptées dans des termes très proches de ceux retenus par le Sénat. C'est la preuve que nous partageons un objectif : être moins durs en théorie pour être plus efficaces en pratique.

Ce texte ressort également clarifié, en particulier sur un point qui avait très largement fait débat : la présence de dispositions relatives aux hospitalisations d'office. Je veux saluer ici le travail conjoint qu'ont effectué, en plein accord avec le ministre d’État, le président de la commission des affaires sociales, Jean-Michel Dubernard et le ministre de la santé, Xavier Bertrand. L'attente légitime des professionnels et des familles pour une réforme complète de la loi de 1990 se trouvera donc prochainement satisfaite.

Enfin, à l'issue de cette première lecture par votre assemblée, le projet de loi est également complété.

Nous avons d'abord voulu répondre aux violences dont sont victimes les forces de l'ordre. Désormais, grâce à l'amendement que vous avez adopté, ceux qui s'en prendront à elles seront passibles de la cour d'assises.

Nous avons, en outre, au prix d'un débat constructif avec le garde des sceaux et avec votre assemblée, avancé sur deux sujets majeurs.

Le premier, c'est bien entendu l'excuse de minorité. Aujourd'hui, sous prétexte que des jeunes sont mineurs, nous attendons leur majorité pour réagir.

M. Bernard Deflesselles. C’est vrai !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Grâce à l'amendement présenté par votre rapporteur, Philippe Houillon, les magistrats pourront écarter plus facilement l'excuse de minorité pour les mineurs de plus de seize ans ; lorsqu'il s'agira de récidivistes, ils n'auront pas à motiver cette décision.

Le deuxième sujet, c'est l'écart entre les peines prévues et les peines réellement prononcées.

M. Bernard Deflesselles. Très juste !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nos concitoyens ne comprennent plus pourquoi, alors que le législateur détermine pour chaque infraction la peine encourue, certains délinquants peuvent commettre des infractions à répétition sans que la peine qui y correspond soit jamais appliquée. Eh bien désormais, là encore grâce à un amendement proposé par votre rapporteur, en cas de récidive ou de réitération, la juridiction devra motiver le choix de la peine qu'elle prononce, au regard des peines encourues. Quand la justice est rendue au nom du peuple français, la moindre des choses, c'est que le peuple français puisse la comprendre.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Dans un cas comme dans l'autre, je le dis très clairement, les pas que nous avons faits ne sont, je crois, que des étapes. Ils n'en sont pas moins des avancées réelles et j'en remercie votre rapporteur ainsi que tous ceux qui, comme Mme Morano et M. Goasguen, ont permis à ce débat d'avoir lieu : c'est un débat que nous devons à nos concitoyens.

Ces quelques mots n'ont bien entendu pas suffi à résumer l'ensemble des dispositions de ce texte, ni l'ensemble des débats qui ont animé votre assemblée. Mais au moment où chacun d'entre vous va se déterminer pour ou contre le texte qui résulte de ces débats, j'espère qu'ils auront pu vous rappeler la mesure des enjeux de la prévention de la délinquance, la mesure des ambitions que porte ce projet de loi, la mesure de la responsabilité qui incombe aujourd'hui à la représentation nationale. Il s'agit de faire reculer, jour après jour, la délinquance ; il s'agit de reconstruire, étape après étape, une société apaisée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Roy. Après cinq ans, quel constat d’échec !

M. Pierre Cohen. C’est l’échec de Sarkozy !

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe UDF.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi qui est soumis à notre vote est un paradoxe. Il s’intitule « prévention de la délinquance », mais on pourrait tout aussi bien l’appeler « diverses mesures relatives à la sécurité et à la justice ». Certes, ces mesures sont utiles et nombre d’entre elles ont rencontré notre soutien, nous en avons même fait adopter d’autres pour améliorer le texte, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre délégué.

Mais la prévention de la délinquance ne peut se limiter à des actions dans le domaine de la police et de la justice. La prévention la plus efficace se situe bien en amont et repose sur trois piliers.

Il s’agit tout d’abord de l’urbanisme pour briser la spirale des ghettos qui alimente toujours plus la délinquance et suscite la montée des violences. Face à cette France des ghettos de riches et des ghettos de pauvres, où l’on a concentré toutes les difficultés sociales dans certains quartiers, l’UDF veut une France de la mixité et de la diversité. Quelles que soient leurs origines ethniques, quelles que soient leurs difficultés sociales, nos concitoyens doivent vivre dans des quartiers socialement et économiquement équilibrés, et bénéficier d’un environnement à taille humaine favorisant le mélange, l’échange et la rencontre. C’est le premier pilier d’une vraie politique de prévention, le plus difficile et le plus long à mettre en place.

Le deuxième pilier, c’est l’éducation. Notre système scolaire nourrit la délinquance : il rejette chaque année 100 000 jeunes sans aucune formation et laisse des dizaines de milliers d’autres avec des diplômes qui ne mènent qu’à des impasses. L’éducation nationale devrait se fixer trois priorités pour contribuer, elle aussi, à la prévention de la délinquance : former des citoyens responsables, leur donner les moyens d’appréhender le monde grâce à la maîtrise de la langue, offrir une formation suffisamment professionnalisée permettant l’insertion dans le monde du travail et évitant l’oisiveté à des dizaines de milliers de jeunes.

Le troisième pilier, c’est la façon dont s’exerce la justice. Elle doit retrouver sa crédibilité aux yeux des Français, notamment en termes d’accessibilité, de rapidité, de souplesse et d’intelligence dans les sanctions, afin qu’elles soient adaptées à la faute et à l’auteur, de manière que l’on sorte enfin du choix débile imposé aux Français depuis plusieurs années entre le retour au pied de l’immeuble après un simple sermon et la prison, qui endurcit le plus souvent les petits délinquants.

Sur ce point, le projet de loi comporte des avancées que nous soutenons tout comme nous soutenons le rôle coordonnateur enfin donné au maire et sa capacité à imposer un partenariat efficace et localement adapté à tous les acteurs – communes, départements, éducation nationale, justice. Nous avons également approuvé les dispositions relatives aux chiens dangereux, aux centres commerciaux abandonnés, à la délinquance et à la violence sur Internet et tout ce qui concerne l’alternative aux poursuites, y compris les centres éducatifs fermés et les stages de responsabilité parentale.

Tout cela constitue une « boîte à outils » utile mais ce n’est pas le projet d’architecte que nous attendions pour une véritable mobilisation nationale en faveur de la prévention de la délinquance. D’ailleurs, et je l’ai dit au début de notre discussion, ce projet global ne pouvait être de la seule initiative du ministère de l’intérieur. C’est en effet l’affaire de tout un gouvernement et de toute une nation.

À votre projet, il manque encore l’ambition du rééquilibrage des populations par l’urbanisme, la mixité sociale, la force d’une éducation nationale porteuse de citoyens et d’insertion par le travail. Nous aurions également aimé que les maires aient autorité sur les corps urbains de la police nationale.

C’est pourquoi le groupe UDF a choisi de s’abstenir sur cette « boîte à outils », en attendant de faire approuver le nécessaire projet d’architecte par le peuple français. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, la parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, si ce projet de loi a été rédigé dans le respect de la légistique, cette science qui cherche à déterminer les meilleures modalités d'élaboration et de rédaction des normes, comprenez alors que notre inquiétude soit particulièrement vive. En effet, dans cette hypothèse, l'intitulé d'un texte dit « relatif à la prévention de la délinquance » devient déterminant. Ainsi, pour les auteurs de ce projet et ceux qui vont choisir aujourd'hui de l'adopter, l'ensemble des articles de cette loi auraient pour objet la prévention.

Devrait donc être regardé comme une mesure de prévention de la délinquance le fait de signaler au maire tous les habitants de sa commune en difficulté sociale, matérielle, familiale ou morale, parce que potentiellement dangereux.

Devrait donc être considérée comme mesure de prévention de la délinquance la création d’un fichier des élèves absentéistes ou des personnes hospitalisées pour raisons de santé mentale, parce que potentiellement délinquantes.

Devraient être regardées comme des mesures de prévention de la délinquance les fermetures de portes dans les copropriétés, la résiliation d'un bail locatif en cas de troubles de voisinage ou encore l'évacuation forcée des gens du voyage, parce que potentiellement délinquants.

Enfin, nous ne devrions plus ignorer que la répression accrue de la délinquance devient, dès aujourd'hui, le nec plus ultra de la prévention.

En revanche, les politiques publiques en matière d'éducation, de santé, de culture, de formation, d'emploi, de requalification urbaine, de qualité de logement, d'action sociale, de suivi éducatif et psychologique ne doivent plus être considérées comme des mesures de prévention de la délinquance puisque ce texte ne propose rien dans ces domaines.

Si l'intitulé de ce projet de loi a été choisi sans se soucier de la légistique mais retenu uniquement parce qu'il peut donner l'impression de répondre aux attentes de la population en matière de sécurité publique, il exprime alors un simple souci d'affichage politique et démagogique. Je pencherais d'ailleurs pour cette hypothèse puisque le ministre de l'intérieur, principal auteur de ce texte, a reconnu lui-même être embarrassé pour définir le concept de prévention.

Tout cela pourrait paraître anodin puisque seul le contenu d'un texte oblige les citoyens, mais ce n’est pas le cas. Son intitulé revêt une portée symbolique lourde de conséquences. La plus importante est de dénaturer définitivement le sens de l'action préventive. Ce choix signe l'aveu d'un renoncement à combattre l'insécurité, l'injustice sociale et la misère culturelle qui peuvent nourrir les déviances comportementales. Il eût été plus honnête et sans aucun doute moins dangereux qu'il s'intitulât « projet de loi relatif à la présomption de la délinquance et à sa répression ».

Je ne reviendrai pas sur l'appréciation que nous portons sur l'ensemble des articles soumis à notre vote. J’insisterai seulement sur un point : l’un des dispositifs phares de ce projet de loi a la prétention de faire du maire le pivot de la politique de prévention de la délinquance. Cependant, le seul pouvoir concret donné au maire est celui de la surveillance, de l'admonestation, du rappel à l'ordre et du signalement. Aucun moyen ne lui est donné pour mettre en place, dans sa commune, une véritable politique de prévention. Des responsabilités lui sont généreusement distribuées pour mieux désengager l'État des siennes. « Surveiller, signaler et punir », voilà à quoi se résume votre conception de la prévention de la délinquance. Ce mot d'ordre synthétise, à lui seul, la philosophie de ce texte et exprime votre refus d'investir dans l'humain.

En conclusion, je regrette, comme d’autres je crois, de ne pas avoir pu débattre avec le ministre de l'intérieur des articles qu'il nous invite à voter aujourd'hui. Cette absence est elle aussi un symbole.

Le groupe des député-e-s communistes et républicains votera contre ce texte qui n'a pas pour objet la prévention de la délinquance et aura des effets contre-productifs évidents. Il ajoutera en effet des tensions à des tensions et fera du maire, dont il brouille l'image et la fonction, le principal responsable de l'insécurité dans sa commune. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Je fais d’ores et déjà annoncer dans l’enceinte de l’Assemblée nationale le scrutin public sur l’ensemble du projet de loi.

Pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire, la parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Après plus de 56 heures de débats jour et nuit et plus de 700 amendements examinés, la représentation nationale peut être fière du travail accompli. Avec un vrai débat de fond au cours duquel les opinions et les expériences de chacun ont pu s'exprimer, il en résulte un texte novateur en matière de prévention.

Ce projet est novateur d’abord car il est en grande partie issu du travail parlementaire réalisé depuis plus de trois ans par la commission « prévention » du groupe d'études sur la sécurité intérieure dont j'ai la responsabilité.

Il est également novateur car il est le fruit de longues réflexions et propositions émanant des acteurs de terrain eux-mêmes. Je veux parler des enseignants, des travailleurs sociaux, des magistrats, des associations, des médecins spécialisés, des éducateurs et surtout des maires. C’est en effet nous, les maires, qui sommes en contact quotidien avec ces problèmes de délinquance.

Il est novateur enfin car c'est le premier projet de loi transversal sur la prévention de la délinquance (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) porté par un ministre de l'intérieur qui a su tirer les leçons des échecs des politiques menées ces vingt dernières années en matière de prévention.

M. François Liberti. Il n’y a rien sur la prévention !

M. Jacques-Alain Bénisti. Nous n’avons jamais dit qu'il ne se passait rien sur le terrain, mais que l'ensemble de ces actions souffraient d’un manque de coordination sans qu’il n’y ait jamais un suivi personnalisé si surtout une gouvernance pour les animer.

Le texte que nous allons voter répond à ces exigences en faisant du maire le chef d'orchestre de cette nouvelle politique. Sans qu'il soit juge, procureur, policier, assistant social ou chef d'établissement,…

M. François Liberti. C’est un shérif !

M. Jacques-Alain Bénisti. …le maire aura désormais les moyens de piloter et d'organiser, avec ses partenaires, une vraie politique de prévention, grâce au renforcement du CLSPD, à la création des conseils pour les droits et devoirs des familles, au partage d'informations avec le coordonnateur des travailleurs sociaux, avec les procureurs sur les suites judiciaires données aux infractions, avec les responsables des CAF s’agissant des mesures d'accompagnement des prestations familiales, etc.

M. Jérôme Lambert. Des usines à gaz !

M. Jacques-Alain Bénisti. Vous le voyez, un vrai travail en commun a été accompli pour une vraie politique locale de prévention.

Mais tout cela n'aurait pas été complet si nous n'avions pas également apporté des réponses plus explicites et plus rapides aux actes délictueux commis par certains mineurs. En effet, même si nous n'avons pas réformé en totalité l'ordonnance de 1945, six articles la modifient. Et si le débat a pu en améliorer la forme, sur le fond les mesures qui sont présentées ont gardé le même fil conducteur.

Comme vous l'avez justement dit, monsieur le ministre…

M. Jean-Marie Le Guen. Lequel ? M. Sarkozy n’est pas là !

M. Jacques-Alain Bénisti. …les jeunes de l'après-guerre n'ont plus rien à voir avec la jeunesse d'aujourd'hui. Il était donc impératif d'adapter ces textes déjà obsolètes aux réalités d'aujourd'hui.

Les juges auront désormais plus de latitude pour juger des sanctions à appliquer en cas de récidive ou de faits graves. Ils disposeront également d’un panel élargi de mesures transitoires pour apporter des réponses proportionnées aux délits commis et à leur escalade. Ils devront aussi désormais motiver la non-décision de la peine normalement encourue.

Car, mes chers collègues, il devenait urgent d'envoyer aux mineurs délinquants un signal fort en mettant fin à une quasi-immunité qui les surprotégeait. Désormais, chaque délit aura une réponse judiciaire adaptée à la hauteur des faits commis. Ainsi nous dissuaderons ces jeunes délinquants, mais aussi ceux qui les utilisent de continuer dans cette voie. À cet égard, la rapidité de la sanction constitue bel et bien une prévention en soi. On n'a jamais vu des parents punir leur enfant six mois après qu'il a fait une bêtise !

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Très bien !

M. Jacques-Alain Bénisti. Nous attendons avec impatience le texte sur la protection de l'enfance qui constituera la prochaine étape, indissociable de celle que nous franchissons aujourd'hui. En effet, il faudra agir précocement, comme nous le proposions dans le rapport que nous avions remis au ministre d’État il y a plus d'un an. Agir en amont, c'est en effet prévenir mais aussi protéger nos enfants des dérapages et des souffrances dont ils font l’objet.

En tant qu'élu de la nation à l'écoute des attentes de nos compatriotes, je vous suggère, mes chers collègues, de dédier ce texte novateur à la mémoire d'Ilan Halimi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),

M. Augustin Bonrepaux. C’est scandaleux ! Arrêtez!

M. Jacques-Alain Bénisti. …mais aussi à toutes celles et tous ceux qui ont été victimes de cette délinquance guerrière et qui, si ce texte avait été voté voilà une dizaine d'années, seraient peut-être toujours en vie.

C'est pourquoi, messieurs les ministres, l’ensemble du groupe UMP, qui a mesuré l'immense enjeu de ce texte, votera sans hésitation ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Deux semaines de débats ont permis de mettre en évidence l'échec de la politique de sécurité du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) La délinquance générale reste à un niveau élevé et les violences aux personnes ont fortement augmenté en quatre ans.

M. Michel Herbillon. Vous n’avez pas lu les chiffres !

M. Jean-Pierre Blazy. M. le ministre d’État, dont je note qu’il est toujours absent…

M. Jean Glavany. Où est-il ?

M. Gilbert Biessy. En campagne électorale !

M. Jean-Pierre Blazy. …prétend avoir réduit la délinquance, mais il a surtout échoué à juguler la violence. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Les objectifs que vous affichez dans ce projet de loi sont ceux-là mêmes que vous avez été incapable d'atteindre pendant quatre ans. Ce projet de loi relatif à la prévention de la délinquance porte mal son nom. Au lieu de s'attaquer aux racines de la violence, vous nous proposez d'adopter un sixième texte de loi sur la sécurité pour dissimuler l'échec qui est le vôtre.

Ce texte est à la fois inutile, confus et dangereux. Inutile car à quelques mois des élections vous faites de l'affichage. La loi ne sera pas appliquée : il faudrait une quinzaine de décrets. Il est également inutile car il s'agit d'un texte confus.

Confus, sur la forme, car il a été sans cesse modifié par le Gouvernement lui-même et le président de la commission des lois. Le débat s'est souvent enlisé, le Gouvernement ne parvenant pas à mobiliser sa majorité et peinant à apporter des réponses à nos interpellations. Le ministre d’État n’a pas jugé utile d’être présent en séance pour défendre son texte, abandonnant ainsi le Parlement pour les chaînes de télévision.

Confus, sur le fond, car les différents niveaux de compétence sont brouillés.

M. Jérôme Lambert. C’est un mauvais texte !

M. Jean-Pierre Blazy. Au lieu d’avoir procédé par la concertation, vous imposez de nouveaux dispositifs pour parvenir au final à semer la confusion dans la chaîne des acteurs de la sécurité.

Dangereux enfin, car sous prétexte de faire du maire le pivot de la prévention de la délinquance, l’État se défausse sur lui. Cependant, le maire ne saurait combler les carences et les insuffisances de l’État qui, en premier lieu, doit assurer la protection du citoyen.

Inacceptable et dangereux, ce texte l’est également pour tout ce qui concerne l’hospitalisation d’office. Si les mesures prises n’ont pas encore été retirées du projet de loi, malgré l’avis unanime des professionnels de la psychiatrie et des associations d’usagers, elles pourraient l’être ultérieurement puisque le Gouvernement est autorisé à légiférer par ordonnance.

Par ailleurs, ce projet de loi ne procède à rien moins que la quatrième réforme – depuis 2002 ! – de l’ordonnance de 1945, et il va toujours dans le même sens : celui de l’alignement du droit applicable aux mineurs sur celui des majeurs.

Ces mesures électoralistes seront sans effet. La misère actuelle de la justice des mineurs reste l’obstacle majeur à son efficacité. Vous avez ouvert une nouvelle brèche dans l’ordonnance de 1945 en remettant en cause l’excuse de minorité qui n’a jamais empêché de sanctionner comme il se doit les mineurs délinquants.

Vous avez enfin introduit dans ce texte des dispositions également inutiles et dangereuses visant à faire croire aux policiers victimes des violences urbaines et des agressions inacceptables, que nous condamnons fermement, qu'ils seront mieux protégés par la cour d'assises.

Hormis l'amendement gouvernemental sur la réforme du permis à points, que nous avons voté, ce texte nous mène à nouveau dans une impasse. Il ne peut conduire qu'à une violence accrue, à une aggravation de l'insécurité et de la crise de confiance envers les institutions démocratiques. Là réside le véritable laxisme de votre politique qui crée le désordre injuste.

Pour la contrer, nous avons fait plusieurs propositions alternatives, mais nous n’avons pas été entendus. Au choix de la compassion, exprimée encore à l’instant par M. Bénisti, de l'agitation et de la réaction, nous avons tenté d'opposer celui de l'action, de la réflexion et de la raison.

L'efficacité de la lutte contre la violence appelle une démarche globale fondée sur la précocité de la prévention et la rapidité de la sanction. C'est pourquoi nous proposons un débat national sur la délinquance des mineurs qui ne doit pas exclure la réforme de l'ordonnance de 1945, ne serait-ce que pour la rendre plus lisible pour nos concitoyens.

Nous avons proposé une définition de la politique de prévention de la délinquance que le Gouvernement a rejetée. La prévention de la récidive constitue un volet important de la prévention de la délinquance, mais elle ne saurait s'y substituer. Un véritable renouveau de la politique de prévention aurait consisté à trouver un point d'équilibre entre les réponses aux causes des comportements déviants et les réponses à leurs effets, lesquels concernent à la fois les auteurs mais aussi les victimes qui doivent être placées au cœur de l'action publique. À ce titre, la prévention se doit d'abord d'être une politique interministérielle, donc rattachée au Premier ministre et non pas au ministre de l'intérieur. Parce que nous considérons qu'il ne suffit pas d'être dur avec le crime mais qu'il faut aussi être dur avec les causes du crime, aucune prévention ne doit être envisagée sans une action forte et globale contre les inégalités sociales et urbaines.

Nous nous opposons donc à ce texte, inutile, confus et dangereux parce que nous croyons en une véritable solution démocratique pour la sécurité. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je vais donc mettre aux voix l'ensemble du projet de loi.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Et le ministre d’État, il est où ?

M. le président. De toute façon, il ne vote pas ! (Sourires.)

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 531

Nombre de suffrages exprimés 503

Majorité absolue 252

Pour l’adoption ............... 340

Contre...................................................... . 163

L'Assemblée nationale a adopté.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Jean-Luc Warsmann.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LUC WARSMANN,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

participation et actionnariat salarié

Transmission et discussion du texte
de la commission mixte paritaire

M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 28 novembre 2006

En conséquence, l’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social.

La parole est à M. le président de la commission mixte paritaire.

M. Maurice Giro, président de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, mes chers collègues, l'Assemblée nationale examine cet après-midi le texte élaboré le 28 novembre dernier par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social.

Je souhaite tout d'abord saluer le travail conjoint des deux assemblées, lequel a permis de conclure un large accord sur plusieurs questions restant en discussion, et ce avant même la réunion de la commission mixte paritaire. Toutefois, à ce stade de l’examen du projet de loi, je ne reviendrai pas sur l'ensemble des dispositions du texte : les débats n’étant pas si lointains, nous les avons encore tous à l'esprit. Aussi centrerai-je mon intervention sur les résultats les plus importants de la réunion de la commission mixte paritaire.

À l'article 1er, la commission, après avoir précisé le dispositif de plafonnement du supplément de participation ou d'intéressement, en a consacré le principe.

L'article 6 constitue un article important du projet de loi, puisqu'il porte notamment sur la question de la pratique dite du « report des déficits antérieurs » en matière de calcul du montant de la réserve spéciale de participation. La commission mixte paritaire, se rangeant finalement aux arguments du Sénat, a retenu la règle selon laquelle les entreprises qui n'ont pas conclu d'accord de participation dit « dérogatoire » pourront diminuer le bénéfice de référence des déficits constatés au cours des exercices antérieurs de plus de cinq ans à l'exercice en cours, non sans qu'aient été rappelées la nécessité de ne pas compromettre le redressement des entreprises et la légitimité pour les salariés de bénéficier des fruits de résultats positifs.

En ce qui concerne le dispositif prévu à l'article 6 bis A, dit de « provision pour investissement », selon lequel les entreprises peuvent constituer une franchise d'impôt, la commission mixte paritaire a décidé, à l'initiative de la rapporteure du Sénat, de rendre illimitée la durée de son applicabilité, pour rétablir l'esprit initial du dispositif.

La commission mixte paritaire a également jugé nécessaire d'apporter certaines précisions au dispositif prévu à l'article 14 relatif à l'adaptation des règles de liquidité des fonds communs de placement d'entreprise, notamment pour des raisons de coordination juridique et en vue d’ajuster le régime juridique retenu à la compétence traditionnelle de l'Autorité des marchés financiers.

À l'article 14 bis C, la commission mixte paritaire a procédé à la modification d'un dispositif adopté au Sénat, qui conduisait à faire bénéficier de la participation les ouvriers de l'État de DCN. La commission a décidé de revenir sur cette possibilité, jugeant qu’elle conduisait à créer une forme d'iniquité entre les différentes catégories de personnels de DCN – les ouvriers de l'État continuant par ailleurs à pouvoir bénéficier d'un plan d'épargne d'entreprise.

La commission mixte paritaire a également décidé de rétablir l'article 15 bis du projet de loi dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, lequel visait à préciser le seuil en deçà duquel le nombre de membres d'un conseil d'administration ou de surveillance représentant les salariés ou les salariés actionnaires d'une société, dont le transfert au secteur privé a été décidé en application de la loi du 3 juillet 1986, ne peut varier à l'occasion d'une modification des statuts de la société. Cette rédaction prévoyait aussi que le seuil serait non pas de deux membres, mais d’un seul, dans le cas d’un conseil d'administration ou de surveillance de moins de quinze membres, et ce afin de tenir compte des cas de rapprochement des entreprises françaises avec d'autres entreprises étrangères, notamment européennes.

La commission mixte paritaire a par ailleurs supprimé, à l'initiative de la rapporteure du Sénat, l'article 15 ter du projet de loi qui, adopté au Sénat, recouvrait un cas de figure déjà prévu par le code du travail.

Aux articles 21 bis et 21 ter, le Sénat avait substitué à la référence aux actions de formation à l'épargne salariale la référence aux actions de formation relatives à l'économie de l'entreprise, référence qui entraîne à la fois une extension du champ de la formation professionnelle et la création d'un crédit d'impôt au profit des petites et moyennes entreprises. La commission mixte paritaire a décidé de retenir les apports respectifs de l'Assemblée nationale et du Sénat en ajoutant au dispositif adopté au Sénat une référence à l'ensemble des plans d'épargne et d'actionnariat salarié.

À l'article 22, le Sénat avait supprimé la restriction, introduite par l'Assemblée nationale, du dispositif spécial de mise à disposition entre entreprises et organismes au sein des pôles de compétitivité aux seuls titulaires de contrats à durée indéterminée – ou CDI. Le Sénat avait fait valoir que cette restriction pouvait créer des inégalités de situation. Toutefois, plusieurs députés de tous bords membres de la commission mixte ont souligné les risques d'abus qui avaient justifié le choix de l'Assemblée. Le rapporteur pour l'Assemblée, Jean-Michel Dubernard, a pour sa part observé qu'une restriction aux seuls salariés en CDI exclurait du dispositif les agents publics des universités et des laboratoires de recherche, qui sont sous un régime statutaire ou en contrat à durée déterminée long. La commission mixte paritaire a finalement élaboré une rédaction de compromis couvrant à la fois les titulaires de CDI et les agents publics, mais excluant du dispositif les contrats temporaires de droit privé.

En ce qui concerne la contribution Delalande, traitée par l'article 27 du projet de loi, la commission mixte s'est ralliée au choix du Sénat de la supprimer dès 2008 et non en 2010 comme il était prévu dans le texte initial.

La commission mixte a par ailleurs entériné le rétablissement par le Sénat de nombreuses dispositions qui avaient été supprimées par l'Assemblée lorsqu'elle avait examiné le texte, en vue de le recentrer sur son objet, à savoir la participation. Il en est ainsi des mesures relatives à l'indemnisation des conseillers prud'homaux, à l'établissement des listes pour leur élection, à l'enregistrement des contrats d'apprentissage, à la récupération des indus d'allocation de solidarité spécifique ou encore au décompte des effectifs dans les entreprises, sous réserve dans ce cas à la fois d'un ajustement visant à garantir la création de comités d'hygiène et de sécurité, dès lors que cinquante personnes, sous-traitants compris, travaillent dans une entreprise, et d'une amélioration rédactionnelle.

La commission mixte a enfin conservé les nombreux ajouts du Sénat : transposition aux salariés agricoles des règles du code du travail relatives au temps de déplacement professionnel, nouvelles dispositions relatives aux élections prud'homales, dispositions relatives à l'hygiène et à la sécurité dans les chantiers sylvicoles, ratification et codification de diverses réglementations financières ou encore définition des « assurances sur la vie à capital variable immobilier ».

Il convient de savoir que ces rétablissements d'articles et ces ajouts ont suscité un large débat au sein de la commission mixte paritaire. En effet, si certaines de ces mesures sont clairement justifiées par l'actualité, voire l’urgence – il en est ainsi à l'article 35 quater de la sécurisation des heures supplémentaires dans les transports routiers après que le Conseil d'État a annulé, pour des raisons de forme, le décret du 31 mars 2005 –, l’argument ne peut servir à justifier l’adoption d’autres mesures : la commission mixte a alors suivi la position pragmatique défendue par son rapporteur pour l'Assemblée nationale, Jean-Michel Dubernard, qui a fait valoir la difficulté, en fin de législature, de trouver un cadre législatif pour nombre de mesures utiles. Il a donc fallu accepter un certain affadissement du projet de loi, que traduit l'ajout dans l’intitulé d’une référence aux « diverses dispositions d'ordre économique et social ».

Sur ce point, je me dois toutefois de rappeler que plusieurs membres de la commission mixte paritaire ont souhaité que le Gouvernement s'explique sur le rétablissement de certains articles et les ajouts qu'il a suscités ou acceptés au Sénat sans en avoir informé la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de notre assemblée.

Telles sont, mes chers collègues, les principales dispositions retenues par la commission mixte paritaire, dont je vous invite à adopter le texte au terme de la présente discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Je tiens tout d’abord à excuser le président Dubernard, retenu à Lyon en raison d’un déplacement de l’épouse du Président de la République.

En tant que président de la commission des affaires économiques et rapporteur pour avis du projet de loi, je tiens également à remercier le président Giro, qui a présidé admirablement la commission mixte paritaire de façon à aboutir rapidement, car, même si certains ont critiqué l’ajout de diverses dispositions, ce texte, qui permettra de réaliser d’immenses progrès en matière d’actionnariat salarié, est emblématique de la détermination de la majorité dans ce domaine.

Faut-il en effet rappeler que c’est sur mon initiative au Parlement et sur la vôtre, monsieur le ministre délégué, que Jean-Pierre Raffarin a, le premier, accepté le principe de dividende du travail, créé par ce texte, principe qui sera de nature à changer les relations existant dans l’entreprise entre les salariés et le capital et à faire évoluer de façon substantielle la société ?

C’est pourquoi, sans revenir sur tous les combats que nous avons menés depuis que le général de Gaulle a conçu l’actionnariat salarié comme un projet de société, lequel n’a jamais été complètement mis en œuvre et qui est toujours d’une brûlante actualité, ni sur les excellents rapports de Jacques Godfrain et de François Cornut-Gentille, qui s’exprimera dans un instant, rapports qui ont ouvert la voie à ce projet de loi – ce dont je les remercie –, je tiens à souligner que l’application de ce texte permettra de changer la donne sur trois points essentiels.

L’actionnariat salarié permettra tout d’abord, j’en suis convaincu, mes chers collègues, de modifier la nature du dialogue social au sein de l’entreprise.

Ensuite, la création du dividende du travail aura un effet financier, celui d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés. Cessons donc d’affirmer systématiquement le contraire en répétant que seul le salaire concourt au pouvoir d’achat du salarié, alors que ce dernier, grâce à l’actionnariat salarié, verra son pouvoir d’achat renforcé par le dividende du travail !

Enfin, l’actionnariat salarié renforcera sensiblement les actionnaires – constituant dès lors un noyau dur de l’entreprise mieux à même de résister aux prédateurs dans la perspective d’OPA hostiles. Cela n’est pas négligeable.

Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier solennellement de vous être montré attentif à nos positions, ainsi que de votre complicité dans la défense des valeurs que nous partageons tous deux depuis tant d’années. En effet, vous avez bien compris nos raisonnements et fait en sorte qu’ils soient pris en compte en acceptant nos amendements.

Toutefois, il faut aller plus loin. Ce texte représente le minimum des mesures que nous avons voulu faire passer ; un minimum certes consensuel, mais sur la base duquel nous devons déjà envisager la seconde phase de la mise en œuvre de l’actionnariat salarié. En effet, le souffle de la participation doit aussi passer sur l’ensemble des PME-PMI.

M. Guy Geoffroy. Tout à fait !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le projet, en la matière, n’est pas suffisant.

M. Guy Geoffroy. C’est une base !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est pourquoi je souhaite que le souffle de la participation anime également les entreprises nationales. Il est aberrant que l’État n’ait pas encore réussi à mettre en œuvre ce système dans les entreprises qui dépendent de lui. Je souhaite enfin que ce souffle passe sur les fonctions publiques – fonction publique hospitalière, fonction publique d’État et fonction publique territoriale. À ce titre, j’espère que le Gouvernement tiendra ses engagements puisque nous avons retiré nos amendements pour, justement, lui permettre d’entamer des négociations. Je sais, monsieur le ministre, que vous y veillerez avec votre collègue M. Jacob. Je vous remercie de cette bonne intention.

Malgré tout, ce texte permettra aux salariés de se sentir un peu propriétaires de leur outil de travail. En outre, grâce aux dispositions prévues, ils se considéreront les uns avec les autres davantage comme des partenaires que comme des adversaires : la confiance doit remplacer la contrainte.

Nous avons donc accompli, ensemble, une action positive. Nous sommes en train d’organiser un changement des mentalités, d’œuvrer au progrès social, ce qui fait honneur à la majorité qui a soutenu ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le processus d'élaboration de la loi pour le développement de la participation et l'actionnariat salarié touche à son terme en cette fin d’après-midi. Ce texte nous tient particulièrement à cœur – Patrick Ollier vient de le rappeler – puisqu'il propose à la mondialisation une réponse française fondée sur une approche collective des relations du travail, mais aussi, au-delà, sur une nouvelle vision du fonctionnement de notre société.

Le rapport de François Cornut-Gentille et de Jacques Godfrain, la concertation approfondie au sein du Conseil supérieur de la participation – qui d’ailleurs poursuivra sa tâche puisque ce texte lui donne de nouvelles missions comme le développement de la participation dans les petites et moyennes entreprises –, les travaux des rapporteurs Jean-Michel Dubernard, Patrick Ollier et Alain Joyandet pour votre assemblée, et d’Isabelle Debré et Serge Dassault pour le Sénat, ont permis des débats d'une très haute tenue et parfois d’une très forte intensité. Ils nous ont permis d'aller plus loin et de faire preuve d'encore plus d'audace.

Vous le savez, l'économie générale de ce texte s'articule autour de deux axes principaux. Il s’agit, d’une part, de permettre une meilleure participation des salariés aux résultats de leur entreprise pour, sans confusion avec les augmentations de salaire, accroître leur pouvoir d'achat et pour se constituer un patrimoine en partageant mieux les bénéfices exceptionnels ; grâce à la participation, nous choisissons, d’autre part, d'affirmer une certaine vision de l'entreprise, celle qui reconnaît la nécessité de la cohésion entrepreneuriale par la prime collective – à la différence de l’approche anglo-saxonne du bonus individuel. Ensuite – c’est le second axe –, il s’agit de démocratiser l’accès aux mécanismes de la participation : trop peu des 8 millions de salariés des petites et moyennes entreprises bénéficient des dispositifs de la participation et de l'actionnariat salarié. Nous mettons ainsi un terme à une injustice.

À cette fin, des outils novateurs sont introduits. J'en citerai trois qui me semblent révélateurs de la rénovation profonde de notre approche et de nos pratiques que ce texte implique : l'intéressement de projet qui permet à l'entreprise « donneur d'ordres » de partager ses bénéfices exceptionnels avec son réseau de sous-traitants ; puis la reprise d'entreprise par les salariés, véritable réponse participative aux enjeux de notre temps ; enfin, les accords « clefs en main » négociés dans les branches par les partenaires sociaux, qui permettront aux PME de disposer d'accords-cadres directement opérationnels – je souhaite d’ailleurs, dans les semaines à venir, prendre un certain nombre d’initiatives pour que, sans délai, les négociations de ces accords « clefs en main » puissent s’engager afin d’éviter toute perte de temps.

Le débat parlementaire a permis de renforcer la portée de ce texte tout en respectant l’équilibre atteint avec les partenaires sociaux. Rappelons ce que disait notamment Jacques Godfrain au Conseil supérieur de la participation, selon lequel nous avions trouvé un nouvel équilibre, de nouvelles voies de convergence qui permettaient de recueillir l’assentiment de partenaires qui, jusque-là, s’étaient montrés réticents, pour ne pas dire plus, sur les dispositifs de participation ou d’intéressement.

Nous avons progressé sur plusieurs points. D’abord, l'amendement du président Ollier introduit une notion essentielle : le « dividende du travail » sera l'instrument du partage des bénéfices exceptionnels. Il faisait défaut et constitue donc une avancée significative. Je salue à ce titre l’implication de Patrick Ollier.

Puis, cher président Giro, l'amendement du président Dubernard relatif à l'information des salariés, s’inscrit dans la vision gaulliste qui lui est propre. Il prévoit qu'en échange d'un accord portant sur la participation au sein de l'entreprise, il soit désormais possible d'améliorer les modalités de diffusion de l'information. Cette étape très importante nous permet de faire le lien avec un texte dont nous débattrons ce soir, aucun texte depuis vingt ans n’ayant porté sur la façon dont le dialogue social pouvait favoriser la concertation dans l'entreprise. Chaque entreprise pourra désormais adapter par la négociation l’information directe des salariés. Nous passons ainsi d'une logique d'information unilatérale à une logique d'échange de vues autour d'un document unique. Il s'agit aussi de se préoccuper de la qualité de l'information directement accessible aux salariés.

Ensuite, l’Assemblée nationale – comme le Sénat – a souhaité que nous mettions au cœur de la participation la question de la formation à l'économie de l'entreprise. La compréhension du fonctionnement de l'entreprise n'était pas jusqu'à présent considérée comme un sujet de formation alors même que c'est la connaissance de ces mécanismes qui donne tout son sens au travail quotidien de chacun. C'est chose faite avec l'inclusion de cet apprentissage dans les dépenses de formation professionnelle. Il s’agit d’un levier essentiel pour inciter les chefs d'entreprise à mettre en place de telles formations pour leurs salariés.

Enfin, l’Assemblée et le Sénat ont renforcé un axe très important du projet : la diffusion de la participation dans les PME. Un régime simplifié de participation pour les entreprises de moins de 50 salariés a ainsi pu être mis en place et a été amélioré au cours des deux lectures. Un crédit d'impôt réduira de 50 % le coût de la participation pour les PME qui franchiront le pas d’ici à trois ans et de nombreuses autres mesures viseront à améliorer le fonctionnement des dispositifs pour les PME.

Les engagements pris par le Gouvernement, monsieur Ollier, seront tenus et Christian Jacob m’a demandé de le rappeler lors de la discussion du texte par le Sénat.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je vous remercie, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Le mardi 28 novembre, sous la présidence de Maurice Giro, la commission mixte paritaire a examiné les dispositions restant en discussion. Elle a permis de préciser un certain nombre d'articles et, grâce à ce travail exigeant, nous disposons aujourd’hui d'un texte fort qui constitue une étape majeure du développement de la participation et de l'actionnariat salarié.

Je suis reconnaissant à la commission mixte paritaire de ce que les grands équilibres auxquels nous étions parvenus à l’issue du dialogue social préalable n'ont pas été remis en cause. Je retiens notamment que la question du report des déficits se trouve convenablement traitée à l'issue de la discussion, et que le rôle des salariés actionnaires est renforcé. Par ailleurs, un consensus aussi essentiel que celui portant sur le blocage des sommes n'a pas fait l'objet de contestation tout au long des débats.

La CMP a également conforté le titre III du texte. S’il a pu paraître parfois sans lien direct avec le sujet – le président Giro l’a rappelé –, grâce aux dispositions relatives à la participation ou à l'actionnariat salarié, ce titre permet néanmoins de sécuriser la situation des salariés en leur garantissant des droits ou en clarifiant des règles indispensables du code du travail.

Sans prétendre à l’exhaustivité, je rappelle que le projet a permis la ratification de l'ordonnance créant le contrat de transition professionnelle – une expérimentation importante que le Sénat a souhaité adosser aux garanties des salaires existantes. Monsieur le président, vous savez combien le contrat de transition professionnelle, dans sa phase d’expérimentation, est essentiel à la sécurisation d’un certain nombre de parcours professionnels ; il fallait donc que nous traitions le sujet sans tarder, fût-ce dans un titre III sans rapport direct avec le texte. Nous avons en effet pu mesurer ensemble, ici comme ailleurs, l’importance de ce contrat, et vous-même – permettez-moi de le souligner –, avec d’autres élus des Ardennes, avez beaucoup contribué à cette expérimentation.

La contribution Delalande, quant à elle, constituait à mes yeux un frein psychologique très fort au retour à l'emploi des seniors – question qui me préoccupe. Or nous le levons. Le Sénat a même souhaité en avancer la suppression définitive au 1er janvier 2008 – dont acte –, ce qui pose la question de la compensation de la perte de recettes pour la sécurité sociale. Le Gouvernement l’assumera.

Ensuite, des dispositions importantes pour le fonctionnement des prud'hommes – qu'il s'agisse de l'établissement des listes ou de l'indemnisation des conseillers – ont été adoptées. Je rappelle que ces deux points avaient fait l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux ou avec le Conseil supérieur de la prud’homie

Enfin, nous avons été très attentifs à la préservation des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT, dans une théorie de comptes et de double décompte pour qu’en aucun cas la santé et la sécurité des travailleurs ne soient remises en cause.

Une nouvelle étape nous attend : celle de la mise en œuvre. Dès le 1er janvier 2007, la plupart des dispositions trouveront à s'appliquer. Le succès de cette loi repose sur la mobilisation de chacun. Le Conseil supérieur de la participation en assurera le suivi.

Pour terminer, je souhaite remercier chacun pour sa contribution et en particulier François Guillaume dont le rapport sur les comparaisons internationales nous a permis, vendredi dernier, à l’occasion du conseil des ministres européens de l’emploi, d’évoquer nos approches parfois divergentes. À travers l’examen des réalités de la participation dans plusieurs pays européens, nous avons pu constater que nous ne vivions pas isolément, confronter nos démarches face à la globalisation et nous interroger sur la place que nous entendons donner aux salariés dans la gouvernance des entreprises.

Le travail mené peut donc avoir des prolongements. Je rappelle que nous avons agi de conserve avec le ministère de l’économie et des finances, notre étroite collaboration démontrant que les dimensions économique et sociale pouvaient être conciliées. Aussi je remercie mes collègues Thierry Breton et Christine Lagarde pour leur contribution à l’élaboration de ce projet sur la participation, que Jean-Louis Borloo et moi-même avons lancé, texte enrichi par le travail du Conseil supérieur de la participation et par celui de parlementaires passionnés par le sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean Le Garrec, premier orateur inscrit.

M. Jean Le Garrec. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission mixte paritaire, mon propos sera d’autant plus sévère que j’entretiens des rapports cordiaux aussi bien avec le ministre du travail, qu’avec M. le président Ollier. Je reconnais en effet ma capacité à travailler avec le ministre du travail sur des sujets aussi importants que les maladies professionnelles. Quant à la personnalité de M. Giro, elle est unanimement appréciée.

Très honnêtement, monsieur Ollier, je ne doute pas une seconde de vos convictions mais ne nous faites pas croire que ce texte et celui sur la modernisation du dialogue social dont nous débattrons ce soir sont des réponses aux préoccupations légitimes qui s’expriment ! Vous avez d’ailleurs subi vous-même l’introduction dans ce texte de dispositions qui relevaient d’avantage d’un texte portant diverses dispositions d’ordre social, au point que vous parlez pudiquement d’un texte a minima, tandis que le rapporteur parle, avec beaucoup de délicatesse, d’affadissement de celui-ci. Cela prouve qu’il y a une distance énorme entre la question fondamentale de la place des salariés dans l’entreprise et la nature des mécanismes non négligeables d’intéressement et de participation. Dire que les actions des salariés permettent de créer un noyau dur n’est pas sérieux ! Vous savez très bien que, quand les prédateurs financiers se mettent en route, tout cela ne pèse nullement ! C’est balayé ! Face à une telle situation, rien n’est pire que de ne pas dire la réalité et de laisser croire à des choses inexactes !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je ne suis pas d’accord avec vous !

M. Jean Le Garrec. Je sais que vous n’êtes pas d’accord avec moi, monsieur Ollier, mais j’ai le devoir de dire en toute sincérité ce que je pense profondément !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Mais je respecte vos propos !

M. Jean Le Garrec. Il est clair que nous vivons une situation inédite et que nous avons changé de planète. Je ferai référence au livre de Thomas Friedman La Terre est plate ou à l’ouvrage assez décapant de Daniel Cohen Trois leçons sur la société post-industrielle qui décrit la coupure actuelle entre l’économique et le social. C’est le problème dont nous devons parler. J’ai l’impression extrêmement désagréable – et c’est pour moi une déception –, que nous allons aborder un problème de fond avec des textes qui n’auront donné lieu qu’à une seule lecture – donc à un débat raccourci –, auxquels on aura ajouté des dispositions sans rapport avec le texte. Un tel sujet de société méritait d’être abordé différemment. Je regrette que vous passiez à côté du véritable problème. Je prendrai, pour m’en expliquer, quelques exemples très simples. Concernant la prise en compte des déficits antérieurs dans le calcul de la participation – et j’ai apprécié la pudeur dont a alors fait preuve le ministre –, le Gouvernement avait prévu un an, en plus de l’année en cours. Il y a eu un grand débat. La majorité parlementaire a exigé trois ans : brouhaha, suspension de séance, négociations dans les couloirs… et le Gouvernement s’est incliné. Et puis, au Sénat, on est passé à cinq ans. Ne venez pas me dire que c’est en cohérence avec la volonté affichée au Sénat par le Gouvernement ! J’ajoute qu’une entreprise qui aurait cinq ans de déficit antérieur serait en danger et relèverait plus d’un plan de sauvegarde que de la participation ! Voilà un exemple très précis qui montre bien que la logique qui, je le pense, est la vôtre, ne s’est pas traduite dans ce texte.

Je prendrai un autre exemple : la formation. Pourquoi, certes, ne pas former les salariés à la participation et à l’intéressement ? Mais la formation à la complexité de l’entreprise et à ses contraintes, je suis désolé de vous le dire, devrait passer par le comité d’entreprise, qui est l’instrument fondamental prévu par la loi et voulu par le général de Gaulle, pour assurer cette vocation. J’ai quelques doutes sur la manière dont une telle formation peut être assurée. Si les ingénieurs et les techniciens travaillant sur l’Airbus A 380 avaient été consultés, on aurait sans doute évité un déficit de la société qui s’élèvera probablement à 3 ou 4 milliards.

Autre exemple : le congé de mobilité prévu à l’article 23 permet d’échapper aux problèmes de reclassement.

L’article 27 soulève également des difficultés. On se heurte, on le sait, au refus d’employer des salariés âgés de plus de cinquante-cinq ans. La contribution Delalande n’est pas forcément une bonne réponse, je l’admets parfaitement. Le Gouvernement avait d’abord dit qu’il l’examinerait de près et qu’il se donnait le temps de la réflexion jusqu’à 2010, puis il a décidé d’avancer à 2008 la date de sa suppression ! Une telle hâte n’est pas sérieuse !

S’agissant de l’indemnisation des activités prud’homales, seize décrets ont été présentés au Conseil supérieur de la prud’homie, dont trois au moins devront être pris en Conseil d’État. Ils n’ont été soumis pour information ni à l’Assemblée ni au Sénat. Les organisations syndicales ont toutes fait part de leur désaccord. En effet, s’agissant des activités soumises à indemnités, le temps de lecture et de préparation du jugement définitif est limité à trois heures. C’est absurde ! Bien entendu, des dossiers ne nécessiteront qu’une demi-heure de travail, mais la CGC, organisation parfaitement respectable et non révolutionnaire, considère que, pour les cadres, l’étude du dossier, souvent complexe, est rarement inférieure à trois heures. Mais tant pis, le Gouvernement passe outre !

M. Gérard Bapt. C’est le dialogue social !

M. Jean Le Garrec. Je pourrais multiplier les remarques de ce genre. C’est ainsi, monsieur le président Ollier, et je vous en félicite, qu’avec le président Dubernard, vous aviez présenté des amendements de suppression portant sur quatorze articles. Le Sénat les a réintroduits. Vous avez eu la tentation louable, que j’ai approuvée, de les supprimer à nouveau, mais la majorité, pour des raisons d’opportunité parfaitement discutables d’ailleurs, a décidé de les garder. Donc, dans l’ensemble, le texte a dévié de sa logique initiale.

Au lieu d’aborder la question clé de la place du citoyen dans l’entreprise – sujet cher au général de Gaulle, mais il est vrai que l’économie des entreprises n’avait alors rien à voir avec celle d’aujourd’hui – et de vous interroger sur son rôle, sa contribution au développement, vous escamotez la discussion ! J’ai beaucoup travaillé avec les gaullistes de gauche sur ce genre de problème et je partage d’ailleurs largement leurs convictions, mais vous esquivez ce débat d’une extraordinaire gravité, d’une grande complexité, donc déterminant pour l’avenir de notre industrie et de notre économie.

Non, monsieur le ministre, non, monsieur le président Ollier, je ne peux partager votre enthousiasme, car la réflexion a été bâclée ! Les problèmes n’ont pas été traités dans leur intégralité. C’est une occasion manquée. Il nous faudra y revenir.

En lisant ce projet m’est revenu en mémoire l’épigraphe d’un livre remarquable, La Lucidité, de José Saramago, prix Nobel de littérature : « Hurlons, dit le chien. » Ce chien, c’est vous, c’est moi, c’est nous tous. Hurlons, car notre société est fondamentalement en crise et l’on n’y répondra pas par des faux-semblants, par la précipitation, sans réflexion de fond. C’est vraiment le problème des mois et des années à venir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Balligand. Il y a encore un gaulliste dans l’hémicycle, c’est Jean Le Garrec !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien que le Gouvernement s’en défende, le projet de loi pour le développement de la participation et l'actionnariat salarié n'a pas, c’est notre conviction, d'autre objectif que de tenter de faire croire qu’il se préoccupe de la demande pressante du monde du travail : l'augmentation du pouvoir d'achat et, en particulier, l’augmentation des salaires. Mais plutôt que de contraindre le patronat à négocier sérieusement sur les salaires, il préfère cette fuite en avant dans la participation, l'intéressement et la distribution d'actions gratuites. Moi qui ai été actionnaire, comme tout le personnel, d’un grand groupe, dénommé aujourd’hui Valeo, qui s’appelait à l’époque Ferodo, cela ne m’a pas empêché d’être licencié par un ministre du travail contre l’avis de l’inspecteur du travail et du comité d’entreprise. Être actionnaire, donc propriétaire de son entreprise, ne protège de rien, vous le voyez ! Aujourd’hui, tous les sites Valeo en France sont concernés. C’est, en effet, la stratégie d’un grand groupe qui veut acheter à l’étranger et « liquider » tout ce qui existe en France.

Ce faisant, en plus de pervertir considérablement ces mécanismes, vous allez accentuer, nous en sommes également convaincus, les inégalités entre les salariés. En effet, toutes les études montrent que cette orientation est plus source d'inégalités que de progrès social. Une étude de l'INSEE a d'ailleurs démontré dès le mois d’octobre, vous l’avez constaté comme moi, combien l'épargne salariale accroît les discriminations entre les salariés selon leur statut, leur secteur d'activité et la taille de l'entreprise.

C’est d’autant plus inquiétant que ces compléments de rémunération ne cessent de se développer, souvent au détriment des salaires. Entre 2000 et 2004, l’épargne salariale a bondi de 6,7 % par an, alors que les salaires en France ont peu progressé sur la même période. Or sur quoi cotise-t-on pour sa retraite et, plus généralement, pour sa protection sociale ? Sur les salaires, pas sur l’épargne salariale !

Aujourd’hui, seuls les salariés des entreprises de plus de cinquante salariés peuvent bénéficier de ce dispositif. En réalité, ce sont les grandes entreprises qui le mettent en place. Ainsi, seulement 8,5 millions de salariés en bénéficient, soit un peu plus de 50 % des salariés du pays, et un salarié sur sept est actionnaire de son entreprise.

En conséquence, faire croire qu’on se préoccupe de l’augmentation du pouvoir d’achat des salariés par le développement de la participation, c’est répondre seulement à la préoccupation de la moitié des salariés. Les salariés des petites entreprises resteront au bord du chemin, comme les agents des fonctions publiques, qui attendent toujours une revalorisation de leurs traitements et qui ne bénéficient pas de ces dispositifs. Or c’est tout de même à l’État de montrer l’exemple. On veut promouvoir l’actionnariat salarié, l’intéressement, et l’État ne fait rien pour ses salariés. Comment est-ce possible ?

La récente étude du cabinet Hay Group ne dit pas autre chose. Les primes et bonus compenseront l’absence de véritables augmentations de salaires en 2007. Ces mécanismes semblent devenir pour les entreprises une seconde nature – comme l’intérim. Depuis plusieurs années, la rémunération des salariés non cadres dépend pour près de 20 % de ces primes variables, près de 30 % pour les cadres et plus du tiers pour les cadres supérieurs. Finalement, ce projet de loi va encore favoriser le salariat à plusieurs vitesses.

Enfin, dernière étude, celle du CERC, remise récemment au Premier ministre. Que signifie déjà ce sigle ? Les énarques qui sont derrière le ministre doivent le savoir…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est vous qui avez la parole !

M. Maxime Gremetz. Et voilà ! On utilise des sigles et on ne sait pas ce qu’ils veulent dire !

Selon cette étude, que vous avez lue comme moi, monsieur le ministre, les inégalités salariales ont été creusées par le développement de l’épargne salariale. Ajoutons au passage que les dispositifs d’intéressement, de participation et d’épargne salariale ont des incidences directes sur notre régime de protection sociale. Ce même rapport indique que, pour l’année 2000, par exemple, le manque à gagner pour les finances publiques et sociales a été de l’ordre de 3 milliards d’euros, soit la moitié du déficit prévisionnel pour 2007 de la branche assurance maladie. Comme quoi « le trou de la sécu » est bien une construction idéologique.

Nous ne pouvons pas accepter un texte de loi qui va amplifier la modification de la construction du salaire. Nous devons impérativement nous en tenir à un principe intangible : la participation financière vient en plus des salaires, elle ne peut en aucun cas s’y substituer. C’est pourquoi nous avions proposé que tout système de participation ou d’intéressement soit conditionné au préalable à un accord sur une augmentation des salaires, car, quand on peut donner des primes, on peut augmenter les salaires. Mais tout cela a été rejeté.

Enfin, la deuxième partie et les diverses dispositions d’ordre économique et social ressemblent vraiment à un joli « filet garni » gagné par le MEDEF.

Alors que nous allons commencer l’examen du projet de loi sur le dialogue social, les dispositions contenues dans le titre III vont dans le sens contraire.

Prêt de main-d’œuvre par dérogation au marchandage, congé de mobilité, suppression anticipée de la contribution Delalande par le Sénat, remise en cause des conseils de prud’hommes, autorisation du cumul temps partiel-intérim, autant de mesures qui composent ce funeste cortège bien garni par la Haute assemblée, avec l’amendement « transport », ou encore la remise en cause, sans aucune concertation, de la définition du temps de travail effectif des salariés agricoles.

Comment prétendre vouloir améliorer le dialogue social et la participation des salariés à la vie de l’entreprise quand vous précarisez encore le salariat dans ses droits et ses protections ?

Comment rénover les règles sociales quand, mesure après mesure, vous privez de plus en plus de salariés du droit aux institutions représentatives ? Après les ordonnances de juillet 2005, qui excluaient du décompte des effectifs les salariés de moins de vingt-six ans, l’article 32, qui exclut, lui, de ce même décompte les salariés intervenant dans l’entreprise en exécution d’un contrat de sous-traitance ou de prestation de service, a été rétabli.

Ce n’est pas tout : votre réforme des conseils de prud’hommes accompagne votre schéma d’ensemble. En effet, les décrets d’application menacent gravement l’activité prud’homale, notamment en ce qui concerne la forfaitisation des activités et la possibilité de rectifier les relevés autoritairement par les greffes. Tout est fait pour décourager cette juridiction et la limiter. Je ne parle même pas de ce que touche un conseiller prud’homal quand il perd ses heures de travail pour aller défendre un salarié aux prud’hommes. Aujourd’hui encore, mobilisés, ces conseils nous ont sollicités pour nous encourager à faire barrage à vos projets. Ils sont déterminés à se faire entendre. Ils ont raison, monsieur le ministre. Il faut renoncer à ces décrets et ouvrir des négociations.

Quant à la sécurisation des parcours professionnels, elle ne concerne que ceux qui mènent à la précarité, au sous-emploi et au chômage.

Pour toutes ces raisons, nous renouvellerons notre vote contre ce projet de loi, qui allonge la liste des coups bas assenés au monde du travail et qui poursuit la mise en pièces du code du travail à laquelle vous vous êtes livrés depuis cinq ans.

M. le président. La parole est à M. François Cornut-Gentille.

M. François Cornut-Gentille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de la procédure parlementaire d’examen du projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié. Je ne reviendrai sur les travaux de la commission mixte paritaire, qui ont permis de préciser le texte. À ce stade, je souhaite rendre hommage à la détermination et à l’esprit de dialogue de nos rapporteurs, Jean-Michel Dubernard et Patrick Ollier.

Ce projet de loi marque une étape importante pour la participation dans nos entreprises. Il est le résultat d’un long processus qui a commencé en avril 2005 lorsque Jean-Pierre Raffarin a confié à Jacques Godfrain et à moi-même une mission auprès du Gouvernement sur la participation.

Le rapport que nous avons remis en septembre 2005 à Dominique de Villepin ne contenait pas de grande proposition législative. Pas de grand soir donc, mais un refus tout aussi déterminé de l’immobilisme. Nous rappelions simplement que, depuis 1967 et sa mise en place à l’initiative du général de Gaulle, la participation restait une idée neuve, qu’il convenait d’adapter ponctuellement à l’évolution des relations sociales.

Le projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié est l’expression de cette modernisation maîtrisée.

Il réaffirme tout d’abord les grands principes de la participation : distinction entre la participation et l’intéressement, blocage de la participation pendant cinq ans, obligation faite aux entreprises de plus de cinquante salariés de mettre en place un dispositif de participation.

Ce texte innove également. Je souhaite évoquer une idée qui m’était chère : l’extension du livret d’épargne salariale.

Créé à l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Balligand en 2001, le livret d’épargne salariale avait été limité dans sa portée par le ministre de l’économie et des finances de l’époque, pour des raisons étrangères à l’ambition portée par notre collègue socialiste. Au cours de notre mission parlementaire, Jacques Godfrain et moi-même avons pris conscience que ce livret était une clé pour le développement de la participation et son appropriation par les salariés.

Nous en avons proposé une généralisation audacieuse. Immédiatement, nous fûmes la cible de critiques. Impossible, irréaliste, trop cher, verbiage, qu’avons-nous entendu de ceux qui, déjà en 2001, avaient limité l’innovation de Jean-Pierre Balligand ! Mais, à force de discussion, de persuasion, le Gouvernement, et je salue l’esprit d’ouverture et le travail de Gérard Larcher, les rapporteurs ont soutenu cette proposition. Le livret d’épargne salariale a été considérablement amélioré. C’est pour moi, et pour Jacques Godfrain, je pense, une grande satisfaction, car cette mesure, simple, va dans le sens d’une implication plus profonde de tous les salariés.

Autre mesure emblématique de cette modernisation maîtrisée de la participation : le dividende du travail, cher à Patrick Ollier, qui constitue une innovation importante et respecte parfaitement l’esprit initial des promoteurs de la participation. On a évoqué d’autres aspects du texte. Je veux souligner l’intéressement de projet, très utile pour les entreprises.

M. Pierre Hériaud. Très bien !

M. François Cornut-Gentille. Les débats autour de ce projet de loi m’incitent aussi à formuler une recommandation très pressante pour l’avenir.

Depuis plusieurs mois, la participation est devenue l’instrument à la mode pour répondre à de nombreuses préoccupations de nos concitoyens. Plus de pouvoir d’achat ? Débloquons la participation ! Moins de délocalisations d’entreprise ? Généralisons la participation ! Ce sont des tentations qu’on a entendues ici ou là. De meilleures relations sociales dans l’entreprise ? Faisons donc de la participation l’affaire des comités Théodule !

Ne nous trompons pas, mes chers collègues : la participation est un instrument utile pour les entreprises et les salariés, mais elle n’est en aucun cas le remède miracle à nos maux économiques et sociaux. Il est trop tentant de la dénaturer pour prétendre régler les problèmes ô combien complexes auxquels nous sommes confrontés.

Par une volonté de simplification, une approche strictement financière, mais aussi et surtout une méconnaissance du sujet, certains, sur tous les bancs de cette assemblée, appellent à une grande réforme juridique de la participation, à une véritable refonte. C’est ainsi qu’on entend ici ou là de multiples propositions qui dénatureraient tout l’édifice – je pense en particulier à la fusion entre intéressement et participation, au déblocage immédiat des sommes versées ou à d’autres propositions qui me paraissent funestes.

Gardons-nous de toute approche simpliste ! La participation, ce n’est pas un bon coup dans un « plan com », c’est beaucoup plus sérieux. C’est un édifice qui dépasse les clivages gauche-droite, une idée ambitieuse et généreuse, qui a su rassembler l’ensemble des formations politiques depuis quelques années. On a pu ainsi obtenir une sorte de consensus politique et syndical autour de cette grande idée.

Le Conseil supérieur de la participation, organe majeur imaginé par Jacques Godfrain en 1993, réunit autour de la table syndicats de salariés, organisations patronales, actionnaires salariés et administrations, sous la présidence de Franck Borotra. Rares sont les institutions consensuelles de ce genre. Il faut les renforcer.

Ce consensus a également bénéficié de l’action de Jean-Pierre Balligand et de la loi de 2001. Je mentionnerai également la création des PERCO en 2003.

Il nous faut vraiment préserver cet état d’esprit car le remettre en cause, c’est aller contre les salariés qui, lorsqu’ils bénéficient d’une épargne salariale, se l’approprient et y sont particulièrement attachés.

La participation, c’est une association des salariés à la vie de leur entreprise, une meilleure compréhension des contraintes économiques qui pèsent sur les sociétés. La participation crée donc un nouveau climat social. C’est davantage un esprit qu’une réglementation. C’est un projet de société plutôt qu’un pourcentage de pouvoir d’achat.

Aussi, à la veille des importantes échéances électorales de 2007, je ne peux qu’inviter à la retenue et au pragmatisme à ce sujet.

Gardons-nous de tout dogmatisme, d’effet d’estrade. La participation et, à travers elle, les salariés méritent mieux.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte issu de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié est un texte d’équilibre. C’est sa grande qualité. Il respecte l’esprit de l’épargne salariale et contribue à sa modernisation. C’est donc avec satisfaction, mais aussi avec conviction, que le groupe UMP le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons donc clore notre débat sur le projet de loi relatif à la participation tel qu’il nous revient du Sénat. Pourquoi le cacher, je l’avais d’ailleurs dit lors de l’examen en première lecture, le groupe UDF avait apprécié le travail réalisé par les deux commissions de l’Assemblée nationale et leurs présidents. Ce travail en profondeur avait permis de compléter le dispositif de la participation en incitant à son ouverture aux salariés des PME, qui sont trop souvent les oubliés des textes législatifs. Dans le même temps, ce travail en profondeur avait permis de rejeter tout ajout ou cavalier sans lien direct avec l’objet principal : la participation.

Vous ne serez donc pas étonnés de ma stupéfaction à voir de nouveau la participation noyée au milieu de dispositions qui nuisent à la clarté du signal que nous sommes nombreux, sur tous ces bancs, à vouloir donner pour promouvoir le rôle irremplaçable des hommes et des femmes qui travaillent en entreprise.

Pourtant, chacun le reconnaît, et à tour de rôle nous l’aurons dit, la participation est un grand projet : la motivation, l’intéressement, la meilleure information et la formation des salariés constituent en effet la condition majeure du progrès. Un grand projet, mais aussi un projet symbolique qui se suffit à lui-même et ne saurait être un élément parmi d’autres dans un train de mesures diverses.

Plus grave encore, le texte nous revient avec des mesures concernant le droit du travail qui auraient mérité un examen approfondi, en liaison étroite avec les partenaires sociaux. Or certaines n’ont fait l’objet d’aucune saisine.

Ce type d’acrobatie traduit, à nos yeux, une étrange conception du dialogue social, le jour même où l’Assemblée nationale examine une réforme visant à donner toute leur place aux partenaires sociaux dans l’élaboration des mesures législatives relatives au travail, et alors que, il y a quelques jours seulement, le Président de la République rappelait la nécessité du dialogue social. C’est faire bien peu de cas du dialogue social comme du Parlement !

S’agissant du contenu de ces diverses mesures sociales, les questions que j’avais posées lors de la discussion générale en première lecture – concernant le prêt de personnel, les nécessaires garanties à accorder aux bénéficiaires du congé de mobilité, les suites à donner à l’expérimentation du contrat de transition professionnelle, ou encore les inquiétudes exprimées par les conseillers prud’homaux quant aux conditions d’exercice et d’indemnisation de leurs activités de manière qu’ils puissent exercer leur jugement dans la sérénité – sont restées sans réponse précise, ce qui montre la précipitation qui a présidé à l’élaboration de ces mesures. La sagesse aurait dû, là encore, conduire à recueillir l’avis des partenaires sociaux.

D’autres mesures – et nous n’en sommes pas dupes – comme le chèque transport ou le doublement de la prime pour l’emploi, ont été prises dans l’urgence en lieu et place d’un traitement de fond de la stagnation du pouvoir d’achat. Certes, le groupe UDF est le dernier à se plaindre de voir notre Parlement étudier les manières d’améliorer le pouvoir d’achat des classes moyennes. N’a-t-il pas été le premier à tirer la sonnette d’alarme en 2003 sur les difficultés des ménages à budget serré ?

Malheureusement, la voie que vous avez choisie – le soutien ponctuel à la consommation – n’offre qu’un appui fragile à la reprise de la croissance que nous espérons. Une production industrielle en zigzag, qui se délite et une croissance nulle au troisième trimestre confirment la mauvaise orientation de nos exportations.

Ce n’est pas tenable à terme. Vous le savez, le pouvoir d’achat a besoin, pour augmenter, d’une production affirmée sur le long terme. Il faudra bien un jour avoir le courage d’ouvrir ce débat essentiel.

Nous attendions un texte dans la continuité du projet historique, qui favorise la concertation et la participation directe de salariés, pour en faire de véritables partenaires, mieux informés, plus responsables dans l’organisation de leur travail, plus intéressés aux résultats de celui-ci.

En n’ayant pas suivi la sage décision de la commission des affaires économiques de rejeter toute mesure sans lien avec la participation, le texte que vous nous présentez affaiblit non seulement les avancées réelles en matière de participation, mais aussi les espoirs que nous mettons tous dans le dialogue social.

Le groupe UDF s’abstiendra donc…

M. Francis Delattre. Courageusement ! (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Voilà qui s’appelle passer à côté de l’histoire !

M. Maxime Gremetz. Soyez tolérants !

Mme Anne-Marie Comparini. …et croyez qu’il le regrette !

Mais cette méthode, qui alourdit un texte grand et symbolique, nous conduit à un tel vote…

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas un vote !

Mme Anne-Marie Comparini. …alors que nous n’avons aucune réserve sur la participation et le dialogue social, bien au contraire.

M. Maxime Gremetz. Très bien !

M. le président. La discussion générale est close.

Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais appeler l’Assemblée à statuer d’abord sur l’amendement n° 1, dont je suis saisi par le Gouvernement et qui tend à lever le gage prévu à l’article 21 ter.

Le président de la commission mixte paritaire y est favorable…

Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement est adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par l’amendement qui vient d’être adopté.

M. Maxime Gremetz. Contre !

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

MODERNISATION DU DIALOGUE SOCIAL

Discussion, après déclaration d’urgence,
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi de modernisation du dialogue social (nos 3456, 3465).

La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, quelques mots me suffiront pour vous présenter un texte court et de portée générale, qui, selon le vœu du président du Conseil constitutionnel, se limite à l’essentiel en posant les principes d’un nouveau dialogue social.

Je me contenterai de décrire les étapes qui ont précédé l’examen de ce texte par votre assemblée.

Le 12 décembre 2005, à l’occasion de la commission nationale de la négociation collective, le Premier ministre exprime son souhait que le dialogue social fasse l’objet d’une réflexion et d’une rénovation et charge Jean-Dominique Chertier de faire des propositions en ce sens. Le rapport de celui-ci est rendu public en avril 2006. Début juillet, en présence de Gérard Larcher et de moi-même, le Premier ministre entame les débats avec les partenaires sociaux sur la base de ce rapport. Les semaines suivantes, nous avons, Gérard Larcher et moi-même, poursuivi, dans le cadre de deux séries de rencontres bilatérales, nos entretiens avec les partenaires sociaux autour de documents d’orientation susceptibles d’évolution, de façon que ces échanges soient constructifs. Le 6 novembre, la Commission nationale de la négociation collective s’est réunie pour examiner l’avant-projet de loi, qui faisait l’objet d’ultimes corrections quelques heures avant son examen par le Conseil d’État.

C’est donc à l’issue d’un processus d’élaboration constructif et fécond, qui lui a permis d’évoluer, que ce texte arrive devant cette assemblée. Il s’enrichira encore du travail accompli, au nom de la majorité d’entre vous, par le rapporteur Bernard Perrut, et des débats dont certains points feront l’objet.

Un tel processus est exemplaire en ce qu’il préfigure ce que sera demain l’élaboration des normes de droit du travail individuel et collectif via l’échange et le dialogue.

Je laisse maintenant à Gérard Larcher, qui a, avec les services de la direction générale du travail, piloté l’ensemble du dispositif, le soin de vous présenter le contenu du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, en trente ans notre économie a connu de profondes mutations. La globalisation modifie les rapports sociaux et impose de nouveaux défis aux entreprises comme aux pouvoirs publics. Si les premières doivent à chaque instant innover pour demeurer compétitives, les seconds ont la responsabilité de moderniser notre modèle social pour préserver, voire conforter la cohésion sociale de notre pays.

Dans les deux cas, il existe une méthode pour réussir les réformes dont nous avons besoin : celle qui fait le choix, pour ne pas dire le pari, de la concertation et de la discussion pour affronter, ensemble, les grandes questions de notre temps. Cette méthode, c'est le dialogue social.

Le dialogue social nous paraît, à Jean-Louis Borloo et à moi-même, un préalable indispensable aux réformes importantes. Il est le choix de la confiance, de l'ouverture et de la responsabilité. Il permet d'expliquer, de s'expliquer, de comprendre et d'associer.

C'est pour ces raisons que le projet de loi soumis à votre assemblée introduit dans notre code du travail, dans le cadre d'un chapitre préliminaire, les principes que le Président de la République précisait le 10 octobre dernier, devant le Conseil économique et social, par ces mots : « il faut franchir une étape décisive : placer les partenaires sociaux au cœur de l'élaboration des normes et des réformes sociales. [...] Il ne sera plus possible de modifier le code du travail sans que les partenaires sociaux aient été mis en mesure de négocier sur le contenu de la réforme engagée. Et aucun projet de loi ne sera présenté au Parlement sans que les partenaires sociaux soient consultés sur son contenu. »

Par les principes qu'il met ainsi en œuvre, le texte que nous vous proposons marque une date importante dans l'histoire de nos relations sociales, comme l’a souligné votre rapporteur en commission. Il propose un changement en profondeur de nos pratiques dans les relations qui se sont nouées depuis des décennies entre les partenaires sociaux et l'État.

Je veux insister néanmoins sur le fait que ce projet s'inscrit dans la continuité des actions du Gouvernement, notamment du travail législatif accompli depuis 2002 pour développer le dialogue social et la négociation collective.

Cette évolution s'est concrétisée en premier lieu par une extension de la négociation collective à la plupart des textes relevant du champ des relations du travail. Je pense par exemple aux lois relatives au temps de travail ou encore aux dispositions de la loi de cohésion sociale relatives aux mutations économiques et à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

Les textes qui ont été votés ces dernières années en matière de droit du travail organisent, selon des modalités diverses, le renvoi à la négociation collective, le plus souvent au niveau de l'entreprise, tout en préservant les exigences de l'ordre public. Ceci se traduit d'ailleurs par une activité conventionnelle soutenue à tous les niveaux – selon le bilan annuel de la Commission nationale de la négociation collective, la CNNC, ce sont 44 accords interprofessionnels, 1 144 accords de branche et près de 20 000 accords d'entreprise qui ont été signés en 2005.

La deuxième étape de cette évolution a été la loi du 4 mai 2004. On ne dira jamais assez combien ce texte est important pour le droit de la négociation collective. Dans le droit fil de la « Position commune » signée par la plupart des partenaires sociaux, ce texte subordonne la validité des accords collectifs au respect du principe majoritaire et donne davantage de place et d'autonomie aux accords d'entreprise, c’est-à-dire à ceux qui tiennent le plus grand compte des réalités et des contraintes concrètes de l'entreprise et de ses salariés.

Franchir une troisième étape nous imposait d'associer étroitement les partenaires sociaux. Nous avons donc choisi d'élaborer ce projet de loi en concertation avec eux. C’est l’esprit de la procédure lancé le 12 décembre 2005, dont Jean-Louis Borloo vient de vous décrire les étapes principales.

Je voudrais m’arrêter plus particulièrement sur les pratiques de nos voisins de l’Union européenne en matière de dialogue social. M. Perrut se livre à ces comparaisons dans son excellent rapport – un rapport particulièrement fourni pour un texte qui ne compte que deux articles ! Il décrit notamment l’état du dialogue social en Allemagne, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas et en Espagne.

C’est dans ces deux derniers pays que je me suis rendu en septembre, accompagné d'une délégation des partenaires sociaux. Il s’agissait, aux Pays-Bas de mesurer les conséquences des accords de Wassenar vingt-quatre ans après leur signature, et en Espagne de voir comment le dialogue social avait été, de manière très pragmatique, préservé sous deux gouvernements de sensibilité différente. Nous avons entendu tous les acteurs du dialogue social dans ces deux pays, que ce soit les représentants des salariés ou ceux des entreprises, tout autant que du Parlement et du Gouvernement.

Mais venons-en aux objectifs et au contenu du projet de loi qui vous est soumis.

Ce texte vise à modifier les modalités des rapports qui se sont instaurés entre les gouvernements et les partenaires sociaux, afin de faire cesser un malentendu ancien : alors que les pouvoirs publics ont le sentiment que les textes sociaux sont précédés de nombreuses concertations et consultations, les partenaires sociaux, à l’inverse, ont le sentiment d'être trop souvent écartés de l'élaboration des textes essentiels du droit du travail, notamment ceux qui régissent les relations du travail, ou du moins trop tardivement consultés en la matière. Cette situation est ancienne.

En proposant cette réforme, nous manifestons donc notre confiance dans le dialogue social et notre conviction que les partenaires sociaux sont à même de faire accomplir à notre modèle social les évolutions nécessaires.

II fallait donc inventer de nouvelles règles du jeu. Elles sont en partie inspirées de celles applicables au niveau de l'Union européenne. Elles donneront un cadre clair et organisé au dialogue social, articulé autour de trois axes : la concertation, la consultation et l’information.

Lorsque le Gouvernement envisagera une réforme des relations individuelles et collectives du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, il devra, dans un premier temps, engager une concertation avec les organisations syndicales et professionnelles représentatives au niveau national et interprofessionnel. Cette concertation se fera sur la base d'un document d'orientation : c’est d’ailleurs, comme l’a rappelé Jean-Louis Borloo, la méthode que nous avons suivie pour élaborer le projet de loi. Les partenaires sociaux pourront alors indiquer s'ils envisagent ou non de négocier, dans un délai imparti, un accord interprofessionnel.

II appartiendra alors au Gouvernement de tirer toutes les conséquences de la réponse qui lui sera ainsi donnée. Il sera particulièrement attentif, en cas de réponse positive, au délai et au contenu de la négociation.

Deuxième principe : la consultation. Les textes législatifs et réglementaires élaborés par le Gouvernement au vu des résultats de la concertation et de la négociation devront être présentés devant les instances habituelles du dialogue social que sont la Commission nationale de la négociation collective, le Comité supérieur de l’emploi et le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie.

Je saisis l’occasion de préciser que nous comblons un vide de notre droit du travail, qui ne prévoyait jusqu’à présent aucune consultation préalable obligatoire en cas de réforme portant sur le contrat de travail. La compétence de la Commission nationale de la négociation collective n’est donc plus cantonnée aux seules règles de la négociation, mais elle est étendue aux relations individuelles du travail.

M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. C’est là un point important, qu’avait d’ailleurs évoqué Jean-Pierre Soisson à l’occasion d’un débat. Voilà donc ce vide comblé.

Par ailleurs, la compétence consultative du Comité supérieur de l’emploi, jusqu’à présent facultative, devient obligatoire. Comme vous le savez, nous avons envisagé un moment, dans un document d’orientation, de modifier l’architecture de nos instances de consultation. Cette option n’a finalement pas été retenue – non que la question ne se pose pas, mais les remarques des partenaires sociaux ont montré que cet exercice était différent de celui, prioritaire, qui consistait à poser les principes de nouveaux rapports entre l’État et les partenaires sociaux.

Troisième principe : l’information. Un rendez-vous régulier et annuel est prévu entre le Gouvernement et les partenaires sociaux devant la Commission nationale de la négociation collective, au cours duquel les pouvoirs publics et les organisations représentatives feront respectivement part de leur calendrier de réformes et de négociations. Il s’agit là d’une avancée importante dans la modernisation du dialogue social, et nous en mesurerons mieux encore la portée au fil du temps. Au Pays-Bas, ce rendez-vous, organisé autour de la Fondation du travail avant le début de chaque session parlementaire, est d’ailleurs au cœur des relations sociales et constitue toujours un temps très important des relations sociales.

J’en viens aux équilibres auxquels répond le projet qui vous est soumis.

Le texte tend d’abord à respecter les équilibres de la négociation collective. Il vise le champ de la négociation nationale et interprofessionnelle, ainsi que les organisations interprofessionnelles représentatives dans ce champ. J’y insiste, car c’est précisément le principe de ce mécanisme que les organisations qui le souhaitent puissent y participer.

Le lien entre les organisations visées et le niveau de la négociation est essentiel. La procédure de concertation, c’est-à-dire le fait de demander aux partenaires sociaux s’ils veulent négocier, n’a de sens que si elle vise des matières qui sont susceptibles de faire l’objet d’une négociation et qui présentent un caractère général, et non pas seulement sectoriel. C’est là un point important : il ne s’agit pas d’exclure la négociation sectorielle, mais ce texte, qui porte sur le dialogue social organisé, est plutôt consacré au niveau interprofessionnel sur l’ensemble des champs.

Le texte respecte en outre les équilibres institutionnels. Il donne en effet une portée normative aux principes fixés dans l’exposé des motifs de la loi du 4 mai 2004 – souvent évoquée dans cet hémicycle –, sans pour autant modifier les équilibres institutionnels. Il n’affecte donc pas, je tiens à le rappeler, les attributions constitutionnelles du Gouvernement et du Parlement en matière d’initiative des lois et de procédure législative.

Il appartient en effet au seul Parlement de voter la loi. Le projet de loi se situe très en amont de la procédure législative et ne vise pas le dépôt des projets, des propositions de loi et des actes qui leur sont postérieurs.

Il n’affecte pas davantage les règles résultant des règlements des deux assemblées quant aux moyens d’instaurer un dialogue entre les parlementaires et les partenaires sociaux à l’occasion d’une loi transposant un accord interprofessionnel. Il appartient à chacune des assemblées de modifier, si elle le souhaite, dans les conditions prévues par son règlement et par la Constitution, son propre fonctionnement.

Enfin se pose la question liée à la réserve que fait le texte en cas d’urgence, sur laquelle M. le rapporteur et d’autres membres de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ont d’ailleurs interrogé le Gouvernement lors de notre audition.

Je tiens à être clair : la mention de l’urgence procède non pas de la volonté de réduire la portée du texte, mais de prendre en compte le principe de réalité, qui implique la possibilité de dérogations dans des cas où l’urgence déclarée interdit de respecter la procédure de concertation préalable.

En cela, le texte s’est inspiré d’un principe constant et habituel de notre droit public. De fait, la plupart des textes de procédure font une dérogation en faveur de l’urgence. À titre d’exemple, la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration réserve les cas d’urgence, de même que la loi du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs. La référence à l’urgence n’est donc nullement exceptionnelle.

En réalité, ce n’est pas tant le principe de l’urgence qui est directement en cause, mais les risques d’une utilisation abusive qui priverait la réforme de sa portée. À cet égard, les garanties contre les possibilités de dérive sont prévues par le texte lui-même et le rapporteur proposera de les renforcer, comme il l’a annoncé lors de mon audition devant la commission.

Je voudrais enfin rappeler que le dialogue social est par nature dynamique et vivant, et que ce projet n’a donc pas la prétention d’être un texte exhaustif.

D’autres questions devront être traitées dans un avenir proche, comme celles que soulève le rapport commandé le 12 décembre 2005 à M. Hadas-Lebel, alors président de la section sociale du Conseil d’État et aujourd’hui président du Conseil d’orientation des retraites, et à propos desquelles le Conseil économique et social a rendu ce matin un avis au Premier ministre.

Cet avis donne des orientations quant aux évolutions que le CES souhaite pour les règles existantes en matière de représentativité des organisations syndicales, de validité des accords collectifs, de négociation collective dans les PME et de financement des organisations syndicales. Il constitue une étape importante dans la recherche de compromis sur le choix des solutions à mettre en œuvre.

Le Gouvernement est conscient que ces questions devront faire l’objet de réformes, mais il ne paraît cependant pas opportun de les traiter au détour d’un texte qui organise les rapports entre les partenaires sociaux et les pouvoirs publics.

Du point de vue de la méthode, il serait d’ailleurs paradoxal d’inscrire dans un texte organisant un nouveau mode de dialogue social entre partenaires sociaux et pouvoirs publics des dispositions essentielles pour les partenaires sociaux qui n’auraient pas fait l’objet d’un examen et de discussions assez approfondis avec eux et avec votre commission.

Sur le fond, les propositions du CES ne sont pas simplement techniques. Elles impliquent une transformation profonde du paysage syndical. Elles se limitent toutefois à fixer des orientations qui sont, à l’heure actuelle, encore générales et ne peuvent, en l’état, faire l’objet d’une simple transposition législative.

Nous devons donc franchir une nouvelle étape. C’est la raison pour laquelle le Premier ministre a annoncé ce matin, lors de la remise de l’avis du CES, qu’il demandait à Jean Louis Borloo et à moi-même de travailler avec l’ensemble des organisations syndicales et professionnelles au règlement des questions qui restent ouvertes. Le critère de l’élection doit-il être exclusif ou couplé avec d’autres critères ? J’évoquais cet après-midi encore cette question, lors de la séance de questions au Gouvernement, en répondant à M. Gremetz. Sur quelles élections fonder la représentativité ? Quel seuil faut-il retenir ? Quelle organisation et quel financement ? Ces interrogations majeures doivent être approfondies et nous devons encore rapprocher les points de vue. Je n’évoquerai pas la question de la validité des accords, du dialogue social dans les PME et du financement de la vie syndicale, qui sont d’autres points importants évoqués par le rapport du CES. On ne peut ignorer, en effet, que les petites et moyennes entreprises emploient 8 millions de salariés.

Les réunions de travail que nous lancerons prochainement à l’initiative de Jean-Louis Borloo permettront d’aborder tous ces sujets, dans un esprit de dialogue social qui est précisément celui du texte dont nous débattons.

En conclusion, je tiens à insister sur le fait que le projet que nous vous proposons aujourd’hui pose le socle indispensable à la modernisation du dialogue social. Il a été conçu pour être adaptable aux réformes futures – qu’il s’agisse de la représentativité ou de la validité des accords. Loin d’être un frein aux prochaines réformes, il nous permet au contraire d’être mieux armés pour les aborder : c’est l’esprit même du texte.

Il s’agit, comme l’a dit Jean-Louis Borloo, d’une étape importante et significative. Monsieur le rapporteur, comme vous le soulignez dans votre rapport, le choix que nous avons fait de limiter ce texte à deux articles qui posent des questions essentielles démontre que, si la priorité donnée au dialogue social est un principe, le dialogue social n’en représente par moins un changement culturel qui doit toucher chacune de nos attitudes et nous faire avancer d’une manière pragmatique.

Le dialogue social doit aussi reposer sur des relations de confiance, ce qui n’exclut nullement le débat, les divergences et l’explication, pour que ce dialogue soit positif et constructif. Il s’agit, en quelque sorte, d’une nouvelle approche des relations sociales dans notre pays. Tel est le rendez-vous auquel nous sommes appelés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Bernard Perrut, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, mesdames, messieurs, le projet de loi de modernisation du dialogue social dont l’Assemblée nationale est saisie aujourd’hui n’est à 1’évidence, à en juger par la démarche que viennent de rappeler les deux ministres, pas un projet de loi comme les autres.

Si nous engageons aujourd’hui cette étape décisive dans l’histoire de nos relations et de nos réformes sociales, c’est pour changer les pratiques. Cette ambition est humble, mais elle est aussi un pari gigantesque que vous nous proposez, monsieur le ministre. Passer d’une logique de conflit à une culture de la négociation, du compromis et de la responsabilité, conformément au projet dessiné par le Président de la République devant le Conseil économique et social, c’est un enjeu incroyable ! Mais nous y croyons, et les partenaires sociaux aussi.

La méthode suivie avant la présentation du projet de loi doit être saluée, car elle tend indéniablement à l’exemplarité. Elle a permis en effet, comme vous l’avez rappelé, tout au long de l’élaboration du texte, la concertation avec les partenaires sociaux.

Le travail que vous avez mené ces derniers mois, monsieur Larcher, n’y est pas étranger. Discuter ligne à ligne un projet de loi, abandonner certains thèmes, en redessiner d’autres en commun, partir pour Madrid ou La Haye avec les partenaires pour s’imprégner des « bonnes pratiques » qui prévalent à l’étranger – tout cela entrouvre la porte de la confiance.

Cette confiance, je l’ai lue dans nos échanges avec les partenaires sociaux, qui ont salué ce travail mené en commun et en profondeur. Il est aujourd’hui de notre devoir de ne pas la trahir.

Nous sommes en effet à un tournant, à une étape décisive de l’histoire de notre dialogue social. Il importe de garder à l’esprit l’ensemble du contexte dans lequel intervient le présent projet de loi. Nous avons en effet célébré, voici quelques semaines, le centenaire du ministère du travail. Cet anniversaire a permis de rappeler les grandes étapes de l’évolution de notre dialogue social.

En 1906 a été créé le ministère du travail, pour être l’accompagnateur des réformes et du dialogue sociaux. Le 6 novembre 1906, René Viviani, premier ministre du travail, déclarait que cette maison nouvelle n’avait pas été fondée pour préparer la révolution sociale, ni même pour résoudre la question sociale, mais d’abord pour être le préparateur des réformes sociales. Tel est bien, monsieur le ministre, l’objet de votre ministère.

Il est indéniable que l’histoire des réformes sociales est aussi l’histoire qui a organisé et nourri le dialogue social à tous les niveaux, entérinant à la fois des usages locaux fort anciens et des logiques sectorielles ou interprofessionnelles de conception plus moderne : du national au local, pour aller jusqu’à l’obligation de négocier au niveau de l’entreprise.

On pourrait aussi rappeler la loi du 25 mars 1919, qui a été un moment important de la formalisation de ce cadre du dialogue social en conférant aux conventions collectives un statut légal d’accord à caractère solennel conclu entre un ou plusieurs syndicats de salariés et des employeurs groupés ou isolés. On pourrait rappeler encore comment le dialogue social a été relancé dans les années trente, avec la loi du 24 juin 1936 visant à redynamiser les conventions collectives. Plus tard, dès l’immédiat après-guerre, s’est engagé le développement progressif des institutions représentatives du personnel.

Je voudrais insister sur la relance de la négociation collective, avec la loi sur les conventions collectives de 1950, qui élargit le champ de ces conventions, applicables non plus seulement à l'industrie et au commerce, mais à tous les salariés. Cette loi de 1950 sera d’ailleurs à l'origine d'un véritable regain de la négociation, prolongée et amplifiée avec la loi du 13 juillet 1971, qui reconnaît « le droit des travailleurs à la négociation collective de l'ensemble de leurs conditions de travail et de leurs garanties sociales ».

On ne peut pas non plus passer sous silence les lois dites « Auroux », qui ont introduit nombre de dispositions concernant le pouvoir disciplinaire dans l'entreprise, le droit d'expression des salariés sur leur lieu de travail, les institutions représentatives du personnel, ou encore la relance de la négociation collective.

Bref, en se remémorant cette évolution, on touche, mes chers collègues, le cœur du débat dans lequel s'inscrit le projet de loi de modernisation du dialogue social, à savoir, pour reprendre tout simplement l'exposé des motifs : l’organisation des « rapports entre le gouvernement et les partenaires sociaux […] en prenant en compte les exigences d'une meilleure concertation et d'une information réciproque ».

De fait, la France ne peut et ne doit pas être regardée comme inapte au dialogue social. Le récent avis du Conseil économique et social remis au Premier ministre ce jour même souligne que la composante du dialogue social que représente la négociation collective n'est « ni médiocre, ni au point mort », même s'il reconnaît qu'elle reste insuffisante.

Il est vrai que même à la lumière de certains rappels historiques, le dialogue social constitue une notion qui n'est pas aisée à cerner. Car qu'est-ce que le dialogue social ? Cette notion est aujourd’hui couramment utilisée, mais rarement définie avec précision. Comme l'a mis en évidence le Président de la République dans son discours devant le Conseil économique et social, ce qui est en cause, c’est véritablement une logique, une culture : comment passer du conflit au compromis ? Certes, il est toujours possible de partir à la recherche de la définition du dialogue social. La référence au dictionnaire permet de se rappeler que la notion de dialogue renvoie non seulement à l'entretien entre deux personnes, donc à une réalité formelle, mais aussi à l'ensemble des paroles que peuvent échanger les personnages d’un récit, et en cela il devient une réalité matérielle. Toutefois, le droit du travail français n'a pas jusqu'ici consacré ni véritablement défini la notion de dialogue social, même si elle figure d’une certaine manière dans la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie. Indéniablement, le dialogue social résulte peut-être autant des pratiques que des instruments juridiques. Mais encore faut-il qu'un cadre formel existe pour que le dialogue social puisse se déployer. Aussi serait-il injuste de sous-estimer les capacités de la France à changer ses habitudes.

C'est pourquoi je voudrais également insister sur les efforts récents accomplis en France pour relancer le dialogue social. Non, ne nous voilons pas la face six mois après la crise du CPE ! Mais faut-il pour autant occulter le développement considérable de la négociation collective en France depuis quelques années, comme l'atteste notamment le bilan de la négociation collective pour 2005 ? Certains chiffres parlent d'eux-mêmes : entre 1997 et 2004, la couverture conventionnelle globale des salariés a progressé, passant de 93,7 % à 97,7 %. Depuis quatre ans, le niveau de la négociation interprofessionnelle est élevé. Je rappellerai qu’ont été signés ces dernières années des accords aussi importants que l'accord sur la formation professionnelle, en 2003, l'accord sur la mixité et l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, en 2004, les accords sur le télétravail et sur la convention de reclassement personnalisé, en 2005, ou bien encore l'accord sur l'emploi des seniors ou, plus récemment, l'accord sur la diversité, en 2006.

Nous n’ignorons pas les uns et les autres, sur tous ces bancs, le travail en commun des partenaires sociaux et du législateur que ces accords ont généré, quel que soit le cas de figure : que la loi renvoie à la négociation collective pour son application, ou qu'elle vienne reprendre les termes d'un accord interprofessionnel, comme l'a montré l'exemple de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social. Plus encore, il ne faut pas sous-estimer la capacité institutionnelle de la France à prendre en compte le dialogue social. La négociation s'est d’ailleurs fortement développée dans les entreprises au cours de la dernière décennie, même s’il est vrai que les salariés ont tendance à rester éloignés du dialogue social institutionnel. Pour l'année 2005, on a vu que le nombre des conflits localisés était en hausse, mais que le taux de participation des salariés aux conflits avait baissé de manière importante par rapport à 2004.

Plus encore, mes chers collègues, par-delà ces évolutions conjoncturelles, il existe d'ores et déjà en France un certain nombre d'instances qui sont le lieu de développement d'une forme de dialogue social, qu'il s'agisse de la Commission nationale de la négociation collective, du Comité supérieur de l'emploi, du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, qui a été créé par la loi du 4 mai 2004. Au total, ces exemples attestent l'existence de pratiques institutionnelles en faveur du dialogue social en France et montrent la réceptivité du système de relations sociales français à ces enjeux.

Mais il est vrai que les comparaisons internationales sont la preuve qu'il est impossible de se contenter de ces éléments, encore insuffisants. En effet, si la France est apte au dialogue social, elle est aussi en retard, très en retard même. Les exemples étrangers que vous avez rappelés, monsieur le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, sont là pour nous montrer les réalités : la Grande-Bretagne s'est dotée d'instances spécifiques pour la concertation et d'un code de bonne conduite ; l'Allemagne s'est efforcée de dessiner un partage des compétences entre la loi et les partenaires sociaux ; les Pays-Bas ont un Conseil économique et social qui est une véritable instance clé du dialogue ; en Espagne, depuis 2004, existe un accord-cadre conclu avec les partenaires sociaux et qui rend possible la signature de nombreux accords collectifs dans des matières diverses. Tous ces exemples sont autant d'invitations à modifier nos pratiques. D'où le texte qui nous est proposé aujourd’hui, et dont la préparation a été longue.

Je ne rappellerai pas, monsieur le ministre, toute cette préparation, mais seulement les grandes étapes : dès décembre 2005, c’est la demande d’un rapport à M. Dominique-Jean Chertier, puis la publication du rapport en avril 2006, la réception par le Premier ministre de l'ensemble des partenaires sociaux, la transmission de la synthèse de ces réunions bilatérales, l'envoi de fiches d'orientation aux partenaires sociaux dans la perspective d'une deuxième série de rencontres que vous avez présidées avec M. Borloo ; et puis c’est l'élaboration d'une première version d'un avant-projet loi en septembre, qui a été discuté, et une troisième série de rencontres bilatérales, l'intervention du Président de la République, vos déplacements dans des pays étrangers, la réunion de la Commission nationale de la négociation collective le 6 novembre 2006. Quel travail pour vous-même et pour tous vos collaborateurs, auxquels je veux rendre un hommage particulier pour la préparation de ce texte.

Quel chemin parcouru en une année ! J'ai souhaité insister tout particulièrement sur cette procédure dans mon rapport, de manière à mettre en évidence ce travail qui tend à l'exemplarité, sans rien occulter des débats, des apports résultant de la concertation, mais aussi de la décision, dans un premier temps du moins, de ne pas aborder certains sujets dans le projet de loi, telle la restructuration des lieux du dialogue social. Autre sujet absent de ce projet de loi, et dont nous avons cependant déjà beaucoup parlé en commission, et vous-même il y a un instant, c’est la question de l'ensemble des thèmes qui ont fait l'objet d'un premier rapport au printemps par M. Hadas-Lebel, consacré à la représentativité et au financement des organisations syndicales et professionnelles, et de l'avis du Conseil économique et social remis ce jour même au Premier ministre. Sur ces sujets, une concertation approfondie avec les partenaires sociaux est nécessaire. On ne peut à cet égard que se féliciter de l'annonce par le Premier ministre, ce matin, de l'engagement d'un travail en commun de la part du Gouvernement et des partenaires sociaux, qui permettra de régler l'ensemble des questions encore ouvertes.

La préparation de ce projet de loi préfigure, me semble-t-il, les nouvelles procédures que nous souhaitons mettre en place aujourd'hui. Au final, mes chers collègues, le texte proposé permet un changement en profondeur des règles du jeu, avec la création de trois procédures.

Une procédure de concertation d’abord, puisque, désormais, tout projet de réforme portant sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle fera l'objet d'une procédure de concertation préalable avec les partenaires sociaux qui leur permettra, s'ils le souhaitent bien évidemment, d'ouvrir une négociation nationale et interprofessionnelle.

La procédure de consultation est le deuxième axe du projet de loi. Dès aujourd'hui, des instances de consultation existent – nous l’avons rappelé –, mais par une extension des domaines couverts par de telles instances et par une systématisation de leur intervention avant la mise en œuvre de tout projet de nature législative ou réglementaire en matière de relations individuelles et collectives du travail, d'emploi et de formation professionnelle, le présent projet de loi transforme de manière radicale les pratiques de consultation en matière de droit du travail.

Enfin, la troisième procédure, l’échange d’informations, à savoir l'idée d'un grand rendez-vous annuel, va permettre un véritable échange, un réel dialogue permettant à la fois de connaître les grandes orientations du Gouvernement en matière de relations individuelles et collectives du travail, mais aussi l’état d’avancement des négociations interprofessionnelles conduites par les partenaires sociaux. C’est, là aussi, une innovation forte !

Au cours de ses travaux, la commission des affaires culturelles s'est félicitée des dispositions ainsi prévues, mais elle a souhaité dans le même temps proposer un certain nombre d’éléments à même de renforcer encore les garanties offertes par le projet, sans pour autant nuire bien évidemment à son effectivité, dans le respect des équilibres que vous avez trouvés, monsieur le ministre. Elle a ainsi proposé cinq modifications principales.

La première est un amendement destiné à encadrer le recours à l'urgence. Le principe de ce recours n’est certes en soi pas contestable puisque la plupart des procédures administratives, budgétaires, juridictionnelles et même parlementaires prévoient de tels cas d'urgence. C’est une manière de garantir l’applicabilité du texte, même dans les cas les plus extrêmes. Mais cette disposition doit être respectueuse des prérogatives constitutionnelles du Gouvernement, comme des partenaires sociaux. L’application de l'urgence pourrait devenir abusive. C’est la raison pour laquelle la commission a souhaité préciser qu'avant de prendre toute mesure nécessitée par l'urgence, le Gouvernement devra faire connaître sa décision aux partenaires sociaux en la motivant dans un document qu'il transmettra à ces derniers. Un tel dispositif a en outre le mérite de supprimer la notion de déclaration d’urgence, qui était source d'ambiguïtés car à même de créer une confusion avec les autres types de déclaration d'urgence qui existent déjà dans le domaine parlementaire.

La deuxième modification proposée concerne la place du Parlement dans la procédure. Les débats préalables à l'élaboration du projet de loi ont conduit à l'abandon d'un mécanisme jugé excessivement rigide, celui d'une commission mixte. Je crois pour ma part qu'il faut effectivement en cette matière laisser place à la souplesse, et c’est pourquoi, dans le respect des prérogatives de la représentation nationale, il est nécessaire de laisser au Parlement la possibilité de mettre en œuvre les missions qui sont les siennes aux termes de la Constitution. D'autre part, le Parlement doit aussi être pleinement conscient des enjeux qui ont sous-tendu la négociation et, de manière générale, informé de l'intégralité des procédures de concertation ou de consultation. À cet effet, la commission a adopté un amendement prévoyant la remise d'un rapport par le Gouvernement au Parlement sur l’état de l'ensemble des procédures de concertation et de consultation qui auront été mises en œuvre pendant l’année écoulée. La remise d’un tel document me paraît correspondre à une réelle préoccupation, tant des parlementaires que des partenaires sociaux. Ces derniers ont fort légitimement manifesté leur souci de ne pas voir déformés les axes principaux des négociations et de pouvoir s'en expliquer. À cet égard, le rôle du rapporteur de la commission saisie au fond devra être central : il devra pouvoir recevoir, de la manière la plus large possible, les explications de l’ensemble des personnes concernées.

Troisième modification : le titre unique nouveau inséré en tête du code du travail par le projet de loi sur le dialogue social comportant un chapitre unique dépourvu d'intitulé, j’ai présenté en commission un amendement proposant le titre suivant : « Procédures de concertation, de consultation et d'information ». Tel serait l’intitulé du dialogue social dans le code du travail.

Une autre modification adoptée par la commission permet d’éviter tout caractère subjectif aux textes qui viendraient en discussion, en précisant bien que seuls sont concernés les textes qui « relèvent » de la négociation nationale et interprofessionnelle.

Enfin, nous avons tous ensemble adopté un amendement visant à conférer au rendez-vous annuel devant la Commission nationale de la négociation collective toute son importance en garantissant la publicité des échanges. Un document sera formalisé et pourra en outre servir de référence pour la conduite des négociations en cours ou à venir.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, en conclusion, je voudrais vous dire que ce texte et les principaux amendements adoptés par la commission méritent de trouver dans cet hémicycle un soutien, j’allais dire un consensus. Je souhaite que cette discussion soit fructueuse, qu’elle permette de développer la concertation qui a préludé à l'élaboration du projet de loi, dans la fidélité à son esprit, celui d'une réelle nouveauté que Jean-Louis Borloo avait bien exprimé en parlant de l’humilité des grandes ambitions. Partageons tous ensemble cette humilité des grandes ambitions, puisqu’il s’agit d’une grande ambition pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Francis Vercamer. Très bien !

Exception d’irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d’irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à l’emploi, chers collègues, le projet de loi sur la modernisation du dialogue social a pour objectif d'accorder aux partenaires sociaux un temps de négociation avant tout examen par le Parlement d'un projet de loi portant sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle.

Or, l’actuelle majorité a déjà voté un texte quasi identique dans la loi Fillon du 4 mai 2004, laquelle portait déjà, selon son titre, sur le « dialogue social ». Je vous en rappelle les termes : « Le Gouvernement prend l'engagement solennel de renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit du travail. Par conséquent, il saisira officiellement les partenaires sociaux avant l'élaboration de tout projet de loi portant réforme du droit du travail, afin de savoir s'ils souhaitent engager un processus de négociation sur le sujet évoqué par le Gouvernement. » Cet engagement solennel pris par le Gouvernement au mois de mai 2004, nous en retrouvons les termes et les objectifs dans le présent texte.

Il est vrai que cet engagement solennel n'avait tenu que quelques heures puisque, dans le même texte et par voie d'amendement, au dernier moment et sans aucune consultation avec les partenaires sociaux, le Gouvernement et la majorité avaient adopté deux réformes majeures de notre droit du travail : la remise en cause du principe de faveur et celle de la hiérarchie des normes. Ce n'était en réalité que la poursuite d'une démarche systématique et caractéristique de votre action pendant toute la législature : l'ignorance des partenaires sociaux.

Les événements politiques, sociaux et législatifs qui ont suivi cet engagement solennel sont parfaitement édifiants. Ainsi, vous n'avez pas hésité à réformer en profondeur le contrat de travail en faisant adopter, par voie d'ordonnance, le contrat nouvelles embauches, et à tenter d'étendre cette régression majeure d'un licenciement sans motif à travers le contrat première embauche. Les événements liés au CPE et la crise sociale majeure que vous avez créés résonnent encore aujourd’hui comme une condamnation de vos pratiques et rangent définitivement votre engagement solennel de mai 2004 au rayon des promesses qui n'engagent que ceux qui les écoutent.

Mais le pire est que, nonobstant le présent projet de loi, vous poursuivez toujours la même démarche pour modifier le code du travail et les droits des salariés sans concertation ni négociation. La situation est extraordinaire : il y a quelques minutes, notre assemblée vient de se prononcer définitivement sur le projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié. Sur le fond, ce texte aurait été intéressant s’il avait été limité à son objet. Mais un certain nombre d’amendements ont été votés, dont je donnerai trois exemples, parmi beaucoup d’autres.

L’article 14 prévoit une remise en cause des prérogatives économiques des comités d'entreprise dans les entreprises de plus de 300 salariés : voilà ce que le Gouvernement vient de faire voter,…

M. Gérard Charasse. C’est une disposition scélérate !

M. Alain Vidalies. …alors qu’il prétend, avec le projet dont nous discutons, développer le dialogue social et encourager la négociation.

Deuxième exemple : l’article 32 qui, pour faire échec à une décision de la Cour de cassation, prévoit l'exclusion du calcul des effectifs de l'entreprise des salariés intervenant en exécution d'un contrat de sous-traitance ou de prestation de services.

Enfin, l’article 35 – pour faire échec cette fois à une décision du Conseil d'État – a pour objet la détermination dérogatoire du calcul du temps de travail des transporteurs routiers.

Nous débattons d'un projet de loi instituant un temps réservé au dialogue social avant toute réforme du code du travail, alors que vous venez de faire voter un texte qui impose trois modifications du code du travail, lesquelles n'ont jamais été précédées d'aucune négociation et, pour deux d’entre elles, sont en réalité destinées à contrecarrer des décisions de la Cour de cassation et du Conseil d'État. Autrement dit, pendant le débat sur le dialogue social, la pratique du passage en force, sans concertation ni négociation, se poursuit !

Dès lors, vous comprendrez nos interrogations. Si, depuis 2004 et votre engagement solennel, vous aviez la conviction qu’il fallait réserver un temps à la négociation, pourquoi avoir bafoué systématiquement cet engagement, de sorte que le projet de loi d'aujourd'hui résonne au mieux comme un acte de contrition et, plus certainement, comme un acte de campagne électorale, en fin de législature, pour tenter de vous redonner un vernis social avant d'affronter le suffrage universel ?

Même si l’engagement de mai 2004 ne figurait que dans l’exposé des motifs du projet de loi Fillon, on ne voit pas ce qui vous empêchait de le respecter : peut-être, compte tenu de votre attitude depuis cette date, que l’objet du présent projet de loi est de vous protéger de vous-même et de vous obliger à respecter vos engagements !

La rédaction même de votre projet de loi appelle deux interrogations majeures. La première concerne l’urgence. En effet, le temps réservé à la négociation devrait être écarté, selon le projet de loi, « en cas d'urgence déclarée par le Gouvernement, qui fait alors connaître cette décision aux organisations syndicales de salariés et d'employeurs ». Cette exclusion de la négociation préalable avec les partenaires sociaux était initialement justifiée par une urgence avérée, illustrée par divers exemples, notamment une crise sanitaire.

Nous ne contestons pas la réalité de telles circonstances exceptionnelles, mais le choix d'une référence à une procédure de nature constitutionnelle, la déclaration d'urgence par le Gouvernement, change bien sûr profondément la nature de cette exception. En effet, si la seule déclaration d'urgence suffit à écarter la négociation préalable, votre projet de loi restera une coquille vide puisque, sauf erreur de ma part, depuis le début de la législature – à l'exception de la loi sur l'égalité salariale –, tous les textes relevant de son champ d'application ont fait l'objet d'une déclaration d'urgence : en d’autres termes, pour reprendre le principe fixé dans le projet de loi, jamais les partenaires sociaux n’auraient été saisis ! Cette disposition relative à l’urgence est donc bien maladroite et, en tout état de cause, elle a profondément changé la nature du texte.

Je veux rendre hommage à notre rapporteur, qui a heureusement proposé un amendement qui revient à l'esprit de l'avant-projet de loi, et imposerait au Gouvernement de donner les motifs de sa décision lorsqu'il écarte la procédure de négociation préalable. Nous avons soutenu et même cosigné cet amendement, qui est le fruit d’un travail de qualité : j'espère, monsieur le ministre, que le Gouvernement ne s'y opposera pas et que notre assemblée l’adoptera à l’unanimité.

La deuxième interrogation soulevée par la rédaction du projet de loi concerne les conditions dans lesquelles les organisations syndicales de salariés et d'employeurs feront connaître leur intention d'engager une négociation. Qui décide, comment, et avec quelle majorité ? C'est le flou artistique le plus complet et, lors de votre audition en commission, monsieur le ministre, vous n'avez apporté aucune réponse à ces questions. Nous ne pouvons donc procéder que par raisonnement à droit constant.

Je suppose qu'il faudra l'accord, d'une part, des organisations syndicales de salariés et, d'autre part, des organisations d'employeurs. Comment va se former la décision des syndicats de salariés ? Si à l’avenir le Gouvernement décide, sur tel ou tel sujet, de saisir les organisations syndicales, celles-ci devront manifester leur intention de négocier – mais comment ? C’est l’enjeu majeur de notre débat. Selon la loi de 2004, qui s’applique aujourd’hui, la seule réponse qui apparaît possible est qu’une majorité d'organisations syndicales – c'est-à-dire trois sur cinq parmi les organisations représentatives au niveau national – manifestent leur intention d’engager la négociation. Chacun comprendra que nous touchons là au cœur du problème et aux limites de votre projet de loi.

Faute d'avoir abordé la question de la représentativité des organisations syndicales, vous prenez, une nouvelle fois, le risque de permettre l'apparition d'un accord minoritaire parmi les salariés. C'est un choix dangereux car il ne permet pas d'aborder sereinement la question de la relation entre la loi et le contrat.

Tous ceux qui connaissent le paysage syndical dans notre pays savent bien qu’un accord soutenu par la majorité au sens de la loi Fillon – trois organisations sur cinq – peut très bien être minoritaire parmi les salariés : ne vous étonnez pas qu’il y ait ensuite de grandes interrogations sur la place de la négociation sociale dans notre pays, et notamment sur la relation entre la loi et le contrat. Nous sommes, je le répète, au cœur du problème : c’est justement parce que certains ont conscience qu’un texte peut être minoritaire parmi les salariés même si une majorité d’organisations syndicales l’approuve, qu’ils se tournent vers les politiques. Or, précisément, votre texte n’apporte aucune réponse à ce problème majeur.

C'est l'existence même d'accords minoritaires créateurs de normes juridiques qui affecte le rôle du dialogue social et la place du contrat. Nous exprimons ici une divergence importante avec la démarche que vous nous proposez. Le projet que le parti socialiste défendra devant les Français vise en effet à une réforme profonde de la démocratie sociale. Certes, nous envisageons aussi qu’un temps soit réservé à la négociation, mais – toute la différence est là – pour parvenir à une décision qui s'inscrira dans des règles nouvelles, à savoir une représentativité résultant du vote des salariés et l'application du principe majoritaire en voix pour la validité des accords.

Pourquoi ne pas franchir le pas aujourd'hui ? Vous disposez de tous les éléments d'information et d'une décision du Conseil économique et social, sur laquelle la représentation nationale peut légitimement s'appuyer. Votre refus – ou votre intention de différer la décision – rend votre démarche politiquement suspecte.

Mme Martine David. Et démagogique !

M. Alain Vidalies. Je tiens à saluer ici la qualité des rapports Chertier et Hadas-Lebel, qui ont remarquablement posé les problèmes et avancé des solutions sur les questions de la place du dialogue social et de la représentativité des organisations syndicales. Suivant les résultats de ces rapports, le Conseil économique et social vient d'adopter un avis qui retient le principe d'une modification des règles de représentativité et de validation des accords.

Les règles actuelles sont manifestement obsolètes et le débat pour une rénovation des règles de la démocratie sociale, de la représentativité syndicale et de la validation des accords a lieu partout dans ce pays, sauf à l'Assemblée nationale.

Comment continuer à appliquer un système qui repose sur une présomption de représentativité accordée par un arrêté de 1966 au profit de cinq organisations syndicales ? Comment accepter que la validité d'un accord soit établi par la seule signature d'une de ces cinq organisations ? Pouvons-nous continuer à parler de démocratie sociale quand, dans le secteur privé, les dispositions actuelles du code du travail privent, de fait, un salarié sur deux du droit de participer à la désignation de ses représentants et quand, sur un million et demi d'entreprises et d'établissements, seuls cinquante mille sont effectivement concernés ?

L'arrêté de 1966 a répondu à des circonstances historiques particulières et il a joué son rôle ; mais, depuis quarante ans, le monde a profondément changé, pas seulement le monde politique, mais aussi le contenu, la réalité même des entreprises.

Nous proposons l'abrogation de l'arrêté de 1966 et l'organisation d'un grand scrutin de représentativité qui, pour la première fois, pourrait s’appuyer sur les élections prud'homales, puis sur les élections de branche.

M. Gérard Charasse. Très bien !

M. Alain Vidalies. La représentativité des syndicats dépendra ainsi du vote des salariés, et chaque salarié de ce pays pourra participer à ce choix par son bulletin de vote ; elle sera démocratiquement vérifiée et non plus administrativement octroyée. Toutes les organisations syndicales légalement constituées sur la base des critères prévus par la loi et dégagés par la jurisprudence pourront participer à ce scrutin.

Le deuxième principe sera l'application partout de la règle de l'accord majoritaire. Ainsi, tout accord, pour être reconnu valide, devra être conclu par une ou plusieurs organisations syndicales ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés lors du scrutin de représentativité le plus récent. Cette règle s'appliquera à tous les niveaux : interprofessionnel, branche et entreprise.

Nous vous proposerons des amendements reprenant ces propositions conformes à l'avis récent du Conseil économique et social. Mais, manifestement, vous êtes décidés à rester arc-boutés sur votre projet de loi à l'objectif très limité et qui, en pratique, se heurtera au carcan des anciennes règles de représentativité et de validation des accords, notamment lorsqu'il s'agira – et c’est tout le problème de fond – de déterminer la volonté des organisations syndicales d'engager ou non une négociation sur un projet du Gouvernement.

Cette réforme qui, dans son principe, rejoint nos propositions, risque de devenir un leurre, faute d'avoir traité, dans son ensemble, la question de l'indispensable rénovation de notre démocratie sociale.

Mme Martine David. C’est de l’affichage !

M. Alain Vidalies. Votre projet n'est pas à la hauteur de l'enjeu. Il faut aujourd'hui donner les moyens aux organisations syndicales d'être pleinement actrices du changement. Au xxie siècle, tout salarié doit se voir reconnaître un droit effectif à la représentation syndicale et à la négociation collective. Ce principe, inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946, doit aujourd'hui devenir une réalité. Cette ambition d'une démocratie sociale forte et renouvelée doit concerner tous les salariés et notamment ceux des petites entreprises, qui restent trop souvent les oubliées du dialogue social.

Ce constat est partagé par toutes les organisations syndicales et par les huit cent mille entreprises représentées par l'Union professionnelle artisanale, qui, en décembre 2001, ont signé un accord sur la présence syndicale dans les très petites entreprises.

C’est la faute majeure de tous les gouvernements depuis 2002 et de votre majorité de s’être opposés à l'extension de cet accord, c'est-à-dire à son application.

Quand, dans la France du début du xxie siècle, tous les syndicats de salariés et l'organisation représentant huit cent mille entreprises artisanales décident ensemble de favoriser l'implantation syndicale pour permettre le dialogue social, ils trouvent sur leur chemin l'obstacle du MEDEF, de la CGPME et de l'UMP, qui craignent la contagion de cette volonté à l'ensemble des entreprises.

Cet accord était pourtant un formidable message d'espoir pour tous ceux qui aspirent et qui croient au développement de la démocratie sociale. Votre refus, depuis bientôt cinq ans, de permettre son application éclaire votre frilosité d'aujourd'hui pour engager une vraie réforme de la démocratie sociale.

Nous n’exprimerons pas d’opposition sur l’ensemble de ce texte, parce qu’il retient le principe du temps préalable réservé à la négociation. Nous constatons cependant que vous refusez d’entreprendre une véritable rénovation de la démocratie sociale et de suivre les préconisations du CES. À la place, le Premier ministre intervient ce matin pour annoncer un autre projet de loi – mais la législature touche à sa fin !

Mme Martine David. Il n’auront pas le temps !

M. Alain Vidalies. Tout ceci nous laisse penser que la démocratie sociale n’est pour vous qu’un principe. Pour ce qui nous concerne, sur un sujet noble et important, ce projet de loi est un rendez-vous manqué. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Dans les explications de vote sur l’exception d’irrecevabilité, la parole est à M. Jean-Pierre Soisson, pour le groupe UMP.

M. Jean-Pierre Soisson. Nous ne pouvons pas accepter certains propos tenus par M. Vidalies. Nous ne refusons pas de traiter la question de la représentativité syndicale ni de faire évoluer les choses.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Mais si !

M. Jean-Pierre Soisson. Un débat doit s’engager, et il s’engagera en effet à l’occasion des prochaines élections. Sans doute les positions que nous exprimerons alors ne seront-elles pas très éloignées, monsieur Vidalies, de celles que vous venez de défendre à cette tribune.

Mme Martine David. Évidemment, puisque vous courez derrière !

M. Jean-Pierre Soisson. Vous évoquez l’avis rendu le 29 novembre par le Conseil économique et social, mais je tiens à vous faire observer que le vote dont il a fait l’objet n’a pas été unanime…

M. Alain Vidalies. Si vous attendez un vote unanime, vous pouvez attendre longtemps !

M. Jean-Pierre Soisson. Il y a eu 132 voix pour et 58 voix contre.

Mme Martine David. C’est ça, la démocratie !

M. Jean-Pierre Soisson. La Confédération générale des cadres, la CFTC, Force ouvrière et le groupe des entreprises privées ont voté contre, et deux amendements de la CFTC ont été rejetés, ce qui prouve bien la division des cinq organisations syndicales dont la présomption de représentativité est irréfragable, selon le décret du 31 mars 1966, que vous avez rappelé. Dans ces conditions, nous ne pouvons trancher le débat aujourd’hui.

Les idées que vous avez défendues, monsieur Vidalies, sont, au mot près, celles de la proposition d’amendement faite, hier, par M. Thibault et M. Chérèque, au nom de la CGT et de la CFDT.

M. Jérôme Lambert. Vous avez de bonnes informations !

M. Jean-Pierre Soisson. Mais cette proposition a immédiatement suscité des oppositions et des critiques, notamment de la part de la CFTC. Car adopter tels quels les principes que vous défendez revient à signer la disparition programmée de certaines organisations syndicales, ce que ni vous, ni nous, ni personne dans le paysage politique et syndical actuel ne peut souhaiter.

Sur quelles bases, selon quelle modalités et pour quelle durée le principe majoritaire doit-il s’appliquer ? Ce sont des questions que le Conseil économique et social n’a pas pu trancher et qui devront être débattues à l’occasion du grand débat national de 2007.

Mme Martine David. Ce n’est pas crédible !

M. Jean-Pierre Soisson. Mais, de grâce, ne déposez pas d’amendement et ne posez pas de question que l’Assemblée ne peut pas trancher aujourd’hui !

Mme Martine David. On va se gêner !

M. Jean-Pierre Soisson. Un pas devant l’autre… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jérôme Lambert. Ad vitam æternam…

M. Jean-Pierre Soisson. Mettons aujourd’hui le dialogue social au cœur de l’action du Gouvernement et des pouvoirs publics ! Nous aborderons en 2007 le thème de la représentativité syndicale.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe UDF.

M. Francis Vercamer. Si je suis d’accord avec le constat fait par M. Vidalies, en revanche je ne partage pas ses conclusions. En 2004, lors du vote de la loi sur le dialogue social et la formation tout au long de la vie, j’ai soutenu ce que l’UDF défend depuis 2002, à savoir l’inscription dans la Constitution du principe de la négociation préalable avec les partenaires sociaux. Or l’exception d’irrecevabilité implique l’idée que ce principe serait inconstitutionnel. Nous ne pouvons donc pas vous suivre, cher collègue.

J’aurai, cela étant, quelques critiques à formuler sur la manière dont se texte a fait l’objet d’une déclaration d’urgence de la part du Gouvernement, comme, d’ailleurs, tous les textes sociaux ou portant réforme du code du travail de cette législature. Cela signifie qu’aux termes de ce projet de loi, aucun d’eux n’aurait fait l’objet d’une négociation préalable avec les partenaires sociaux ! C’est regrettable. À cet égard, le sommet a été atteint avec le CPE, arrivé par voie d’amendement à la commission et voté quelques heures après, avant d’être réformé par une proposition de loi. Il y a certes eu du dialogue social,…

Mme Martine David. Dans la rue !

M. Francis Vercamer. …mais pas tel qu’il est prévu dans ce texte.

Ce projet de loi n’est pas complet, car il n’aborde pas le thème de la représentativité. Le Conseil économique et social a demandé que la représentativité syndicale soit liée au scrutin. Je ne partage pas cette idée.

D’autres critères doivent être pris en compte, comme l’implantation territoriale, l’implantation dans le privé et le public et le nombre de représentants dans les entreprises. Car il ne suffit pas de recueillir des voix, il faut aller sur le terrain pour faire appliquer les décisions.

Par ailleurs, les TPE n’ont pas de représentants syndicaux et les organisations patronales devraient, elles aussi, être représentatives. Mais mieux vaudrait ne pas régler le problème par le biais d’un amendement si vous ne voulez pas qu’on vous reproche ensuite d’avoir agi comme pour le CPE.

Le groupe UDF ne votera donc pas votre amendement, pas plus que l’exception d’irrecevabilité.

Mme Martine David. Dommage !

M. Francis Vercamer. J’ajoute que la question du financement des organisations syndicales, qui va de pair avec une modification de la représentativité, n’est pas abordée dans le texte. Le Président de la République estime que nous légiférons trop sur le droit du travail. Il manque à mon avis dans le projet une délimitation du champ de la loi – les principes fondamentaux – et du champ du contrat – la négociation collective.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Maxime Gremetz. Une fois n’est pas coutume, je ne participerai pas au vote. Je n’aime ni la comédie ni les tergiversations. Décider – après maintes hésitations – de défendre des motions de procédure, sur un sujet aussi important, sous prétexte que Maxime Gremetz en présente une, c’est de la petite politique politicienne ! Depuis vingt-huit ans que je suis élu, je n’ai jamais vu ça ! Voilà qui prépare sans aucun doute des lendemains qui chantent… Il y a des règles élémentaires, que les parlementaires respectent en général, surtout lorsqu’ils sont censés être du même bord politique.

Je n’apprécie pas non plus cette dépêche de l’AFP décrivant le déroulement de notre réunion en commission. D’où viennent donc ces fausses informations ? S’agissant de la représentativité, l’amendement souhaité par les syndicats aurait été rejeté. Or j’ai assisté à cette réunion, et il n’y avait personne d’autre que moi pour représenter l’opposition. J’ai ici la liste des amendements qui ont été examinés. Personne n’a défendu un tel amendement ! J’ai voulu moi-même le faire, mais il était trop tard.

Je ne supporte pas certaines méthodes, qu’elles soient le fait de la droite ou de la gauche !

Par ailleurs, on nous dit que l’amendement présenté par Alain Vidalies, Jean Le Garrec et l’ensemble du groupe socialiste, a été repoussé. En vérité, il n’y avait personne pour le défendre, et il n’a donc pas pu être repoussé !

On ne peut pas agir de cette façon – à la rigueur, dans le cadre de tracts ou d’une campagne électorale, ce que, pour ma part, je refuse de faire –, sans aucun respect des institutions ni de nos commissions. Mettre ainsi en cause ses collègues de la commission n’est pas admissible ! Qui sont les menteurs ?

La politique est trop décriée aujourd’hui. Je ne peux accepter que ceux qui étaient absents en commission nous fassent parler, moi et ceux qui étaient là ! Peut-être est-ce cela, la rupture ou le modernisme.

Quoi qu’il en soit, je ne prendrai pas part au vote sur cette exception d’irrecevabilité.

M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Maxime Gremetz. Voilà qu’ils s’alignent sur moi ! Ils avaient prévu de ne pas parler ! Cela prouve au moins que nous comptons dans la vie politique !

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre système de relations sociales est à bout de souffle. Comment ne pas le voir ? L’attitude du Gouvernement, durant les quatre années qui viennent de s’écouler, y a beaucoup contribué, c’est indéniable. On n’a jamais autant parlé de dialogue social, mais celui-ci ne s’est jamais aussi mal porté. Je ne fais même pas allusion au taux de syndicalisation ou aux difficultés que vous avez à faire aboutir des négociations interprofessionnelles qui font pourtant partie des engagements pris, sur la pénibilité, par exemple, partie prenante de la réforme des retraites : je pense particulièrement à la loi Fillon, que vous avez fait voter le 4 août 2004, qui privilégie la négociation d’entreprise, qui a remis en cause le principe de faveur et est allée jusqu’à introduire dans notre législation l’opting out. Je pense encore plus à la confusion des rôles qui a prévalu au cours des dernières années. Comment peut-on espérer que le dialogue social se porte bien, puisque le Gouvernement n’en a jamais eu cure ?

Alain Vidalies a brillamment rappelé toutes les exceptions que vous avez faites au principe que vous énoncez aujourd’hui et qui figurait dans l’exposé des motifs de la loi Fillon, à tel point d’ailleurs que l’exception est devenue le principe : vous décidez et les partenaires sociaux sont éventuellement consultés après. S’ils veulent s’exprimer, il leur reste le droit constitutionnel à manifester, qu’ils ont d’ailleurs utilisé avec efficacité pendant le triste épisode du CNE et du CPE, funeste pour l’emploi des jeunes et pour le dialogue social.

Est-il encore temps d’agir ? Sans aucun doute. Mais la véritable question est de savoir si vous êtes les mieux placés pour le faire, ce dont vous nous permettrez de douter.

Notre pays a besoin d’une revitalisation de sa démocratie sociale. Le déséquilibre qui s’est instauré entre la loi et la négociation d’une part, entre les objectifs d’efficacité et de solidarité d’autre part, menace aussi bien la cohésion de notre société que la compétitivité de notre économie. C’est seulement par une alliance étroite entre l’économique, le social et l’écologique qu’il sera possible d’envisager demain les conditions d’un développement durable et solidaire.

Mais, pour répondre à ce défi immense, que nous proposez-vous ? Deux malheureux articles, mal fagotés, mal présentés, un projet de loi qui s’est rétréci avant usage, perdant au fil des rencontres et des concertations, pendant les périodes qui ont précédé son dépôt, le peu d’originalité qu’il contenait. Le jugement qu’il appelle tient en deux phrases : c’est bien tard et c’est trop peu.

C’est d’abord bien tard. Il vous aura fallu pas moins de cinq années – la durée de cette législature – pour vous rendre compte de l’importance du dialogue social et de la nécessité d’organiser la consultation des partenaires sociaux. Alors que tant de textes ont été élaborés sans que l’on daigne y associer les syndicats, qu’un grand nombre de lois ont été votées dans l’urgence, soit la quasi-totalité des textes sociaux, le plus souvent contre leur avis, et que tant d’amendements sont venus modifier par accrocs le code du travail – il y a des spécialistes dans cet hémicycle –, vous vous décidez enfin à tenir un nouveau discours de la méthode !

C’est après avoir tant et mal fait que vous vous interrogez sur la manière de vous y prendre. Pardonnez-moi d’avoir gardé un esprit un tant soit peu rationnel, mais j’imaginais pour ma part que la consultation aurait lieu avant la décision. Si vous aviez un tant soit peu vocation à favoriser le dialogue social et compte tenu des changements importants que vous vouliez apporter au code du travail – remise en question des 35 heures, plus de flexibilité et moins de sécurité –, vous auriez dû nous présenter cette loi dès 2002, lorsque vous êtes arrivés aux responsabilités, en prévoyant les règles qui permettraient d’associer les partenaires sociaux, sinon à la décision, du moins à la discussion.

Las, ce n’est pas ce que vous avez fait ! Vous avez attendu la fin de la législature pour vous doter de la méthode qui aurait pu vous éviter bien des erreurs et qui, surtout, aurait pu justifier votre attitude. Car peut-on seulement vous faire crédit de vos intentions ? Pour employer un vocabulaire plus propre à M. Sarkozy qu’à M. Borloo, un peu comme le délinquant revient sur les lieux de son forfait, reviendriez-vous sur le champ de ruines du dialogue social ? Certes, il n’est jamais trop tard pour bien faire, et peut-être est-ce là un acte de contrition, un geste de repentance. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que vous ne manifestez pas l’enthousiasme qui sied généralement à ceux qui sont fraîchement convertis !

Car, si votre texte vient bien tard, c’est aussi bien peu. Le texte que vous nous présentez est bien faible, bien incomplet et bien insuffisant. Il est incomplet puisqu’il ne porte que sur les mécanismes du dialogue social et qu’il ignore ses conditions, laissant de côté la question de la représentativité des partenaires sociaux. Comment ouvrir un champ plus large aux acteurs syndicaux si leur légitimité n’est pas mieux définie ? Comment y veiller, sans revoir complètement les modalités de signature des accords ?

L’avis que vient de rendre le Conseil économique et social vous en donnait pourtant, monsieur Soisson, fort opportunément la possibilité. Il n’est pas question pour vous, naturellement, de mettre en place, sauf à vous référer à vos anciennes habitudes, un dispositif complet sans tenir compte du point de vue des organisations syndicales. Mais, disposant d’un début de consensus, cet avis ayant été voté à la majorité qualifiée…

M. Jean-Pierre Soisson. Ce n’était même pas à la majorité qualifiée !

M. Gaëtan Gorce. Pour être franc, monsieur Soisson, si l’on doit attendre l’unanimité des organisations syndicales pour obtenir une quelconque évolution, on risque d’attendre longtemps…

Mme Martine David. Très longtemps !

M. Gaëtan Gorce. …et bien au-delà de l’année 2007, que vous vous êtes fixée comme échéance.

Nous sommes presque à une majorité des deux tiers : cela donne tout de même une idée de ce que souhaite une grande partie des partenaires sociaux. Les principales organisations syndicales, dont un grand nombre qui ne sont pas représentatives aujourd’hui, se sont exprimées et elles recueillent à elles seules la majorité des suffrages des salariés aux élections prud’homales. Vous aviez là les bases vous permettant d’engager une négociation sur les modalités, et rien ne vous empêchait d’en accepter le principe.

Nous sommes tous d’accord, dans cet hémicycle, pour estimer que les règles de représentativité, qui datent de 1950 et de 1966, sont obsolètes. Pourquoi ne pas poser le principe de la représentativité fondée sur l’élection et inviter les partenaires sociaux à discuter sur ses conditions d’application ?

M. Alain Vidalies. Et voilà !

Mme Martine David. Très bien !

M. Gaëtan Gorce. Nous aurions alors pu avancer. Mais vous n’avez malheureusement pas osé faire ce choix. Est-ce par pusillanimité ? Vous nous aviez pourtant habitués, en d’autres circonstances, à braver sans hésiter le front uni des organisations syndicales ! J’écarte donc cet argument. Est-ce pour ne pas incommoder le MEDEF ? Certains, dans cet hémicycle, pourraient penser que la tentation vous a effleurés. Je n’utiliserai pas non plus cet argument, bien que je m’interroge sur la cohérence du comportement de la grande organisation patronale qui, au moment même où elle propose de relancer la délibération sociale, conteste – et avec quelle énergie – au Conseil économique et social l’idée de modifier les règles de représentativité. M. Seillière était favorable à la négociation quand la gauche était aux responsabilités et y était opposé quand la droite est arrivée au pouvoir, disant qu’on pouvait modifier la loi sur les 35 heures sans se soucier des syndicats. Si Mme Parisot est favorable à la négociation, pour demain, cela nous laisse espérer de beaux jours ! Elle pense sans doute que la gauche pourrait revenir aux responsabilités…

M. Alain Vidalies. C’est un pronostic avisé !

M. Gaëtan Gorce. …et qu’il faudrait l’empêcher de prendre des initiatives.

Je voudrais la rassurer : nous sommes déterminés à faire en sorte que la négociation et la consultation préalables aient droit de cité dans notre pays, qu’elles soient la règle et non plus l’exception.

Quand on a écarté tous ces arguments, que reste-t-il ? La simple décence. Peut-être est-ce par décence que vous faites cette proposition, ou parce que vous n’y croyez plus vous-mêmes. Peut-être ne présentez-vous ce projet que contraints et forcés, convaincus que vous n’avez ni la légitimité de le présenter aujourd’hui ni la possibilité, demain, de l’appliquer. Peut-être ne faut-il voir dans ce projet, si petit qu’il a failli nous échapper, que l’expression d’une résignation, un aveu d’impuissance, ce qui expliquerait la faiblesse d’un texte à la fois incomplet, insuffisant et inapplicable.

Comment, en effet, justifier que les questions essentielles de la protection sociale soient écartées du champ de la consultation annuelle ? Comment expliquer l’absence de toute précision s’agissant des modalités selon lesquelles les partenaires sociaux feront connaître leur intention d’engager, ou non, une négociation ? L’omission est d’autant plus grave que cette déclaration d’intention aura des conséquences juridiques précises. Comment sera-t-elle formalisée ? Par un vote au sein de l’organisme consulté ? Dès lors que vous avez renoncé à créer le Conseil du dialogue social, nous serons amenés à nous reporter à la composition de chacun des organismes consultés, dans lesquels figurent les représentants des administrations qui, je suppose, ne seront pas invités à donner leur sentiment sur l’opportunité d’engager des négociations. Seuls les partenaires sociaux seront invités à le faire, mais selon quelles modalités ? S’agira-t-il d’une majorité numérique ou bien fondée sur les nouvelles règles de représentativité que chacun réclame aujourd’hui ? Nous restons dans le flou. Je le répète, ce texte est inapplicable.

Reste la question du statut de la loi que vous nous présentez. Nous avons lu attentivement le rapport Chertier, qui rappelle que ce que fait une loi, une autre peut le défaire. L’engagement que vous prenez par ce texte ne saurait donc s’imposer au futur législateur. Vous n’avez même pas tenu celui que contenait la loi Fillon ! Pour que cette procédure de concertation s’impose réellement, il aurait fallu recourir à la loi organique, comme le rapport Chertier vous y invitait. Même si je m’interroge, à titre personnel, sur la pertinence d’une telle solution, elle aurait au moins mérité d’être examinée. À quoi bon commander un rapport si l’on ne tient pas compte de ses conclusions ?

Au fond, si cette loi est inapplicable en pratique, n’est-ce pas parce qu’elle a été faite pour ne pas être appliquée ?

Mme Martine David. C’est bien ça !

M. Gaëtan Gorce. Il ne s’agit que d’une démarche d’affichage. Vous avez beaucoup à vous faire pardonner sur le dialogue social, et vous essayer d’effacer, par ce petit coup de publicité, tout le mal que vous lui avez fait. Comme pour la réforme des retraites et celle de l’assurance maladie, vous laissez aux autres le soin de finir le travail que vous avez à peine commencé. Aucune de vos réformes n’est réellement financée (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), elles ne garantissent pas l’avenir des retraites ni celui de l’assurance maladie. Quant au texte sur le dialogue social, il n’est ni fait ni à faire. Il manifeste des intentions vagues et devra être repris et retravaillé pour que nous ayons un mécanisme de concertation digne de ce nom.

Mme Martine David. C’est sévère, mais c’est juste !

M. Gaëtan Gorce. Nous avons sans doute, les uns et les autres, péché en matière de dialogue social (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), mais vous plus que nous.

Irréformable, ce pays ne l’est que parce que l’on se trompe sur la manière de réformer. Revitaliser la démocratie sociale, c’est la clé d’un changement discuté, accepté, négocié, partagé. Si l’on veut que ce pays bouge, qu’il sache au mieux utiliser ses talents et ses atouts, qu’il parvienne à allier l’efficacité et la justice, alors il faut que la réforme quitte les cabinets d’experts ou les majorités UMP pour entrer dans un débat avec le pays, associant les partenaires sociaux. Il faut souligner les enjeux et prendre tout le temps pour la négociation. Sur cette base, notre pays pourra montrer qu’il est prêt à la réforme.

Alain Vidalies a rappelé les éléments qui nous paraissaient indispensables : fonder la représentativité sur l’élection ; valoriser l’accord majoritaire dans l’entreprise comme dans la branche ; renforcer la présence syndicale. Qui peut croire, en effet, que l’on pourra renforcer le dialogue social par la seule modification des règles du débat social ou de la représentativité ? Il faut aller plus loin et réfléchir sur les moyens de renforcer la présence syndicale dans les entreprises, en particulier dans les petites entreprises, ainsi que l’adhésion aux organisations syndicales – car leur influence ne se mesure pas seulement en voix, mais aussi en nombre d’adhérents. Crédit d’impôt total, chèque syndical : toutes les options sont ouvertes. Ces questions sont centrales pour la démocratie, elles mériteraient un engagement du législateur pour que ce débat soit pris au sérieux. Or elles ne sont pas traitées, ni même abordées par le projet de loi. Ne sommes-nous ici que pour passer le temps ?

Le dialogue social et la représentativité, cela ne suffit pas. Bien d’autres sujets doivent être abordés. Mais il est clair qu’il faudra attendre d’autres occasions, et sans doute une autre majorité politique, décidée à construire le changement sur la concertation et la négociation.

À la grande ambition que j’évoquais, celle de réformer notre système de relations sociales, vous apportez une bien timide, une bien frileuse concession. Mais comme c’est une concession tout de même, nous ne nous y opposerons pas. Nous nous efforcerons simplement, au cours du débat, d’y insuffler, pour l’avenir, la foi qui vous manque. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe UDF.

M. Francis Vercamer. Le début de l’intervention de M. Gorce m’a fait sursauter : selon lui, le Gouvernement n’aurait aucune légitimité à présenter un texte sur le dialogue social dès lors qu’il a négligé cette pratique pendant la législature. Rappelons que les 35 heures n’ont pas, non plus, fait l’objet d’un dialogue social…

M. Gaëtan Gorce. Soixante-dix mille accords ! Toutes les branches sont concernées !

M. Francis Vercamer. Les propositions des socialistes en ce domaine ne sont donc pas plus légitimes.

Mme Martine David. Ce n’est pas parce que vous répétez toujours la même chose que cela deviendra vrai !

M. Francis Vercamer. Vous-même, monsieur Gorce, étiez le rapporteur du texte sur les 35 heures. Alors, évitez de donner des leçons en matière de dialogue social !

Je ne peux que regretter, comme le groupe socialiste, que ce texte, certes très ambitieux, ne soit examiné qu’en fin de législature, alors que l’engagement solennel pris dans l’exposé des motifs de la loi de 2004 n’a jamais été respecté. En outre, je ne suis pas sûr qu’une loi ordinaire sera appliquée par la législature suivante. J’aurais préféré une loi de nature constitutionnelle.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson, pour le groupe UMP.

M. Jean-Pierre Soisson. Je voudrais convaincre M. Gorce et à M. Vidalies de voter ce texte avec nous.

La question de la représentativité syndicale ne fait pas partie des questions que les organisations syndicales elles-mêmes souhaitent aborder. Il a fallu une décision du Gouvernement, la remise du rapport de Raphaël Hadas-Lebel et, enfin, l’avis du Conseil économique et social. Cet avis, il faut le lire pour voir les réticences des uns et des autres et la difficulté de trouver un compromis.

Nous ne pouvons donc pas traiter aujourd’hui ce sujet au fond, mais nous pouvons – nous devons – inciter les organisations syndicales à le faire demain. Il faut qu’elles trouvent un intérêt à modifier les règles de la représentativité – ce qui est précisément l’objet de ce texte. À partir du moment où nous réservons un espace pour le dialogue social, les organisations sociales vont se mobiliser pour y entrer. Ce texte est donc le socle des débats de demain sur la représentativité : toutes les organisations syndicales, qu’elles représentent le patronat ou les salariés, auront un intérêt à modifier les règles pour s’assurer d’une plus large représentativité.

La seule assise de ces règles, actuellement, est l’arrêté du 31 mars 1966 sur la présomption de représentativité irréfragable. Elle ne pourra être maintenue longtemps, M. Vidalies a raison de le dire. Il faudra donc la modifier, mais, pour que les organisations syndicales entrent dans ce jeu, les pouvoirs publics doivent leur donner l’occasion, la volonté, la raison de le faire. Tel est le rôle du projet de loi de modernisation du dialogue social, point de départ d’une réflexion d’ensemble sur la place des organisations syndicales dans le pays et sur les conditions d’une meilleure représentativité de celles-ci. Nous préparons ainsi le débat public qui aura lieu sur cette question à l’occasion des élections présidentielle et législatives.

Alors, de grâce, mes chers collègues socialistes, encore un geste : dans l’intérêt des organisations syndicales, votez ce texte avec nous !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste.

M. Alain Vidalies. À mon tour, je vais essayer de convaincre notre collègue Jean-Pierre Soisson de ne pas voter ce texte en l’état, et d’exiger du Gouvernement un effort supplémentaire afin que nous puissions discuter d’un véritable texte de démocratie sociale.

Vous avez évoqué le vote intervenu au Conseil économique et social, monsieur Soisson. Mais vous connaissez suffisamment le paysage syndical pour savoir que tous ceux qui ont voté contre ne manifestaient pas ainsi leur opposition à de nouvelles règles de représentativité. Au contraire, une majorité y est favorable. Certains sont d’ailleurs si désireux de changer le système qu’ils auraient voulu que ce texte envisage d’emblée un grand scrutin destiné à mesurer la représentativité.

Depuis 1966, cinq organisations bénéficient d’une présomption irréfragable de représentativité. Or, de nouvelles organisations sont apparues dans le paysage syndical, qui peuvent faire reconnaître leur représentativité à partir de critères reconnus par le code du travail. Malheureusement, elles s’opposent parfois aux premières, si bien que nos tribunaux – tribunaux d’instances, cours d’appel et même Cour de cassation – sont souvent, trop souvent, occupés à trancher des litiges entre syndicats de salariés.

Les procès qui opposent les syndicats émergents à ceux qui bénéficient de la présomption irréfragable ne touchent pas que les petites entreprises. Dans de grandes multinationales aussi, quand un nouveau syndicat estime, du fait du nombre de ses adhérents ou des actions qu’il a menées, être représentatif, il se trouve confronté aux autres. Des dizaines de procès sont ainsi en cours depuis des années.

Franchement, il faut admettre à un moment donné qu’il est de notre responsabilité de mettre fin à cette sorte de compétition procédurale qui est devenue une véritable gangrène !

Enfin, monsieur Soisson, nous ne considérons pas que le vote d’un amendement tendant à abroger un système que vous déclarez vous-même obsolète suffira à tout changer, la représentativité dépendant ensuite du vote des salariés. Mettre en relation, comme vous le faites, ce projet et la nouvelle procédure, en affirmant que le processus se fera sur la base d’une négociation et qu’il faut laisser aux partenaires sociaux le temps de se mettre d’accord, pourquoi pas ? Mais ce texte marche sur une seule jambe ! Il convient de poser la question de la légitimité des accords, et donc de leur caractère majoritaire. C’est un pas qu’il faut absolument franchir, sinon le texte sera considéré comme n’étant pas à la hauteur de l’enjeu.

M. le président. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Il y a certaines choses qu’il m’est difficile de laisser dire.

Je passerai sur la question de la relativité du péché : le débat occupe les théologiens depuis fort longtemps et il nous faudrait opérer des distinctions entre péché en pensée, en parole, par action et par omission. Il est tout de même curieux d’entendre dire que le texte est mal fagoté : le fagot est fait de bois mort, alors que le projet, lui, rassemble précisément des pousses vivantes. Votre vocabulaire, monsieur Gorce, me semble donc inadapté, d’autant que le texte vient couronner une année de travail.

Je voudrais par ailleurs vous rappeler, monsieur Vidalies, qu’une position commune avait été définie en juillet 2001 et que vous avez présenté un texte de modernisation sociale à l’automne de la même année. Vous n’avez pourtant pas transposé les recommandations de la position commune, soutenues par tous les partenaires sociaux à l’exception d’un seul, alors que vous en aviez la possibilité.

Nous allons d’ailleurs plus loin que ce que vous préconisez. Ce texte est issu d’un avis, et non pas d’une décision, du Conseil économique et social. Il pose un certain nombre de principes, tels que les élections ou la validité des accords – il n’est pas question, à ce propos, d’un passage brutal au principe majoritaire, mais de l’instauration d’un système de majorité relative après que l’on aura fait le bilan de la loi de 2004 –, et recommande des procédures de dialogue social dans les petites et moyennes entreprise. Nous nous fondons donc sur cet avis et, conformément aux modalités du dialogue social, nous allons poser avec les partenaires sociaux les éléments de la négociation. On ne peut en aucune façon dire que nous sommes tétanisés par l’avis du CES, puisque c’est le Gouvernement lui-même qui l’a sollicité !

Ce texte ne marche donc pas sur une seule jambe : pour nous, c’est un socle sur lequel il faut continuer à bâtir. C’est bien pourquoi j’ai souligné en commission qu’il s’agissait d’une étape : nous devrons ensuite, par la voie du dialogue social, construire non seulement la représentativité, mais aussi, plus largement, des relations sociales structurées permettant d’aborder, comme cela se fait dans d’autres pays, les sujets difficiles, de façon apaisée mais sans éluder les débats.

M. le rapporteur a auditionné tous les partenaires sociaux et aucun n’a rejeté le texte. Certains ont considéré que nous étions au milieu du gué : s’engager à gué, ai-je répondu, c’est montrer que l’on est certain de ne pas se noyer et de rejoindre l’autre rive. D’autres ont affirmé que c’est une étape essentielle.

Vraiment, c’est faire acte de confiance dans le dialogue social et dans le travail accompli avec les partenaires sociaux que de soutenir ce texte ! Ceux qui le feront engageront un véritable changement. Pragmatisme oblige, il faudra du temps pour constater sa traduction dans les faits, mais il s’agit là d’un rendez-vous très important dans la construction de nouvelles relations sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour
de LA prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 3456, de modernisation du dialogue social :

Rapport, n° 3465, de M. Bernard Perrut, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)