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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 6 décembre 2006

81e séance de la session ordinaire 2006-2007

PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures trente.)

RATIFICATION DE L’ORDONNANCE
SUR LES sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif
pour l’accession à la propriété

Discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d’urgence

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, ratifiant l’ordonnance no 2006-1048 du 25 août 2006, relative aux sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété (nos 3426, 3466).

La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, j’ai le plaisir de vous présenter un projet de loi marquant l’aboutissement de la réforme des sociétés anonymes de crédit immobilier. Cette réforme a été engagée dans la loi portant engagement national pour le logement et s’est poursuivie à travers l’ordonnance du 25 août 2006. Nous l’avons menée dans un climat de concertation avec la représentation nationale…

Mme Chantal Robin-Rodrigo et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si peu !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …à travers le comité des sages, dont M. le président et M. le rapporteur de la commission des affaires économiques sont membres, et avec l’ensemble des acteurs du logement. Le monde HLM, représenté par l’Union sociale pour l’habitat, et les SACI, représentées par leur chambre syndicale, y ont été étroitement associés.

Le présent projet de loi, que Jean-Louis Borloo avait promis de présenter, respecte strictement tous les engagements qui ont été pris au cours de la réforme. Le Sénat a apporté plusieurs précisions et améliorations à ce texte. Depuis, le travail de concertation s’est poursuivi. Ainsi des discussions ont eu lieu hier entre le Crédit immobilier France développement et la Société de crédit immobilier des chemins de fer. Nous avons donc avancé ensemble.

Le projet de loi et l’ordonnance transforment, en premier lieu, les sociétés anonymes de crédit immobilier et font de l’accession sociale à la propriété leur objet principal. À ce titre, les SACI prennent désormais la dénomination, certes un peu longue mais conforme à leur nouvel objet, de sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété, qui sera naturellement abrégée en SACICAP.

Toutefois, l’outil SACI est préservé dans le domaine de l’immobilier. En effet, les parlementaires ont demandé que la réforme des SACI ne remette pas en cause l’organisation en filiales qu’elles avaient développée. Jean-Louis Borloo en avait pris l’engagement : le projet de loi de ratification le traduit concrètement. Des compétences importantes ont été développées par les SACI au sein de filiales immobilières et de filiales financières intervenant dans le domaine de l’habitat. Le projet de loi de ratification prévoit que les SACICAP pourront continuer à détenir de telles filiales immobilières et financières sur lesquelles elles auront la possibilité de s’appuyer pour remplir leur objet principal en faveur de l’accession sociale à la propriété. Tous les ministres du pôle de cohésion sociale réunis autour de Jean-Louis Borloo étaient particulièrement attachés à ce point.

Les dividendes, que ces filiales distribueront, constitueront des ressources financières pour les SACICAP et pourront être mises au service de la politique du logement. Ainsi, les SACICAP devront consacrer un tiers des dividendes qu’elles recevront et des bénéfices résultant de leur propre activité à des interventions sociales en faveur du logement de ménages disposant de ressources modestes. À titre d’exemple, les SACICAP pourront ainsi aider des projets de réhabilitation de logements appartenant à des propriétaires occupants à revenus modestes.

Parlons de l’ancrage local et des liens avec le monde HLM, sujet de préoccupation qui a été au cœur des réflexions du comité des sages. À cet égard les SACICAP verront leur ancrage local renforcé. Les élus locaux ont un rôle très important à jouer en matière d’accession sociale à la propriété ; leur connaissance des marchés locaux est en effet particulièrement précieuse. Les futures SACICAP devront ainsi obligatoirement compter parmi leurs associés des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités territoriales.

Le renforcement de l’ancrage local se traduira également par la participation obligatoire d’organismes HLM locaux à la gouvernance des SACICAP. En regroupant tous les acteurs locaux de la politique du logement, elles faciliteront la réalisation de projets alliant développement de l’offre locative sociale et accession sociale à la propriété, afin d’accroître les possibilités de logement pour nos concitoyens.

Selon les objectifs qu’ils souhaitent promouvoir, les différents associés des SACICAP seront regroupés par collèges, dont un pour les collectivités territoriales et un autre pour les organismes de logement social.

La coordination nationale des SACICAP se fera par le biais de l’Union d’économie sociale pour l’accession à la propriété. Les SACICAP disposeront toujours d’une instance de coordination et de représentation, notamment pour assurer un dialogue au niveau national avec l’État et avec leurs autres partenaires. Cette structure, qui prendra la dénomination d’Union d’économie sociale pour l’accession à la propriété − UES-AP −, sera constituée par transformation de l’actuelle chambre syndicale des SACI. L’UES-AP conclura des conventions avec l’État pour définir des objectifs pour l’ensemble des SACICAP et leur adressera des recommandations pour la réussite de ces objectifs.

Nous mettons actuellement au point une première convention, qui portera sur la réalisation de maisons à 100 000 euros et de logements en accession sociale à la propriété dans des quartiers bénéficiant d’un projet de rénovation urbaine. L’UES-AP veillera aussi à ce que les SACICAP consacrent bien les sommes relevant du dividende social à des interventions en faveur du logement de personnes disposant de ressources modestes.

Les liens forts entre les SACICAP et les organismes d’HLM qui existeront au niveau local seront naturellement développés au niveau national, entre l’UES-AP et l’Union sociale pour l’habitat, qui est la confédération des organismes d’HLM.

Par ailleurs, l’ordonnance prévoit une contribution exceptionnelle des SACICAP à la politique du logement : 350 millions d’euros ont été versés le 30 octobre au titre de l’année 2006 et ont été affectés à la Caisse des dépôts et consignations à hauteur de 250 millions, et à l’ANRU pour 100 millions. En mars 2007, une nouvelle contribution de 150 millions d’euros sera affectée à la politique du logement.

Les SACICAP n’auront plus le statut d’établissement de crédit, ce qui constitue une autre évolution importante de la réforme. Les SACI présentaient toujours ce statut, pour des raisons historiques, alors que, depuis longtemps, elles ne distribuaient plus de prêts immobiliers. Les activités bancaires que les SACI exerçaient auparavant en direct sont en effet actuellement concentrées au sein de filiales financières. Ensemble, ces filiales constituent le Crédit immobilier de France.

Dans la mesure où les SACICAP ne présenteront plus le statut d’établissement de crédit, elles ne seront plus incluses dans le futur réseau bancaire. Le futur réseau au sens de la loi bancaire sera, de cette façon, bien détouré et ne sera plus imbriqué avec les SACICAP.

Cela ouvrira la possibilité d’un rapprochement industriel du CIF et d’un autre acteur bancaire. Comme Jean-Louis Borloo s’y était engagé, cette opération se fera à l’initiative des instances dirigeantes du Crédit immobilier de France.

Une période de transition va donc s’ouvrir. Les nouvelles SACICAP seront toutes opérationnelles à partir de janvier 2008. Elles seront des outils précieux au service de la politique locale d’accession sociale à la propriété, et même de l’ensemble de la politique d’habitat à destination des ménages disposant de ressources modestes.

J’invite donc vos régions, vos départements ou vos communes à faire appel aux nouvelles SACICAP et à travailler avec elles pour répondre aux besoins de logement de nos concitoyens. Ces besoins, vous le savez, sont très importants. Bien que le Gouvernement ait doublé le nombre de logements sociaux construits, les personnes à revenus moyens ont aujourd’hui de grandes difficultés à se loger. À quelques jours de l’ouverture d’une conférence sur l’emploi et les revenus, nous devons nous interroger sur la part du logement par rapport au revenu disponible des ménages. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Gérard Hamel, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a été habilité, par l’article 51 de la loi portant engagement national pour le logement, à réformer par ordonnance le statut des sociétés anonymes de crédit immobilier, les SACI.

L’ordonnance relative aux sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété, ou SACICAP, a été publiée le 25 août 2006. Le présent projet de loi vise à ratifier et à modifier cette ordonnance. Comme vous le savez, les sociétés anonymes de crédit immobilier, les SACI, constituent une famille spécifique d’organismes d’HLM, ayant une double activité dans le secteur immobilier et dans le secteur du crédit. En effet, elles sont actionnaires de sociétés anonymes d’HLM et détiennent des filiales de promotion immobilière, mais également des filiales financières représentant 4,6 % des parts du marché.

Les SACI sont également des acteurs de proximité, qui financent du logement social locatif et en accession à la propriété. Elles ont également des missions sociales en partenariat avec les collectivités. Régies par la loi du 15 mai 1991, elles ont par ailleurs connu des évolutions importantes, notamment en raison de la banalisation des prêts à l'accession à la propriété, depuis leur relance en 1995, et de la création du prêt à taux zéro. En outre, elles ont entièrement filialisé leur activité de crédit. Le Gouvernement a souhaité consacrer ces évolutions dans un cadre législatif, en tirant les conséquences de cette banalisation et en identifiant distinctement le pôle financier des SACI.

L'objectif de l'ordonnance consiste donc à recentrer leur action sur leur activité de développement de l'accession sociale à la propriété. Les règles de gouvernance et l'objet des sociétés anonymes coopératives d'intérêt collectif pour l'accession à la propriété, ou SACICAP, sont strictement définis, cependant que leur organisation en réseau et les modalités de leur contrôle sont préservées. Il s'agira donc de sociétés coopératives, qui suivront les règles de la loi de 1947 fixant le statut de la coopération, mais elles auront toutefois un statut particulier. En effet, l'ordonnance définit des règles strictes d'affectation des résultats et de limitation de la rémunération du capital de ces coopératives, et prévoit la constitution d’un sociétariat fondé sur la présence obligatoire de certains types d'associés.

Cette nouvelle gouvernance garantira l'ancrage territorial et social des SACICAP par une répartition des associés en deux collèges au minimum, composés, pour l'un, de collectivités territoriales et, pour l'autre, d'organismes d’HLM. La chambre syndicale des SACI voit son rôle préservé par l'ordonnance, qui transforme néanmoins cet organisme en union d'économie sociale.

Dans le cadre de la réforme, les SACI apportent à l'État une contribution exceptionnelle de 500 millions d'euros, dont 350 millions en 2006 et 150 millions en 2007. En outre, les SACICAP devront affecter une part de leurs bénéfices et des dividendes de leurs filiales à des actions sociales dans le domaine de l'habitat. L'ordonnance fixe au 31 décembre 2007 la fin de la période transitoire au terme de laquelle la réforme entrera en vigueur. Quant au pôle financier des SACI, le Crédit immobilier de France, il a pris un peu d'avance par rapport à cette réforme, en se réorganisant en réseau dès 2003.

Le projet de loi ratifie l'ordonnance et y apporte quelques modifications, s'agissant notamment du dividende social des SACICAP. Il prévoit en outre le maintien de l'organisation en réseau des filiales financières des SACI, et la faculté, pour les SACICAP, de prendre des participations dans des sociétés du secteur concurrentiel.

Les principales modifications apportées par le Sénat tendent à préciser les règles de composition du sociétariat des SACICAP et à relever le pourcentage maximal des droits de vote pouvant être attribué au collège d'associés composés de SACICAP et ne disposant pas de la majorité des droits de vote.

Je souhaite appeler l’attention sur le relèvement du pourcentage des droits de vote dont pourront disposer les collèges rassemblant d'autres SACICAP. En effet, le collège d'associés des SACICAP intégrera les associés des sociétés anonymes et des sociétés coopératives d'HLM dans le conseil d'administration desquelles les SACICAP font partie du pacte majoritaire.

La commission a estimé que l'ordonnance réformant le statut des SACI répondait pleinement aux engagements pris par le Gouvernement lors de l'examen du projet de loi portant engagement national pour le logement. Elle n'a apporté qu'une modification au texte afin de tenir compte du cas particulier de la Société de crédit immobilier des chemins de fer – SOCRIF –, dont la vocation est de servir, sur l'ensemble du territoire national, les agents de la Société nationale des chemins de fer français et leurs familles.

L'ordonnance dote la société anonyme coopérative d'intérêt collectif pour l'accession à la propriété issue de la transformation de la SOCRIF d'un statut particulier, conforme à son objet social, et organise ses relations avec l'Union d'économie sociale pour l'accession à la propriété en fonction de cette spécificité. Dans ce cadre, la commission a adopté un amendement tendant à permettre à sa filiale, la Société financière pour l'accession à la propriété – la SOFIAP –, de poursuivre la distribution de produits et services bancaires adaptés à la clientèle nationale des agents de la SNCF et de leurs familles, démarche radicalement différente de celle des filiales financières régionales contrôlées par le Crédit immobilier de France développement, le CIFD.

Compte tenu de ce que vous venez de nous indiquer, monsieur le ministre, je souhaite avoir la certitude que son président a pris un engagement écrit précisant que la séparation entre le Crédit immobilier de France développement et la SOFIAP sera entérinée d'ici au mois de mars 2007. En ma qualité de membre du comité des sages, j’aimerais vous entendre garantir que vous veillerez au respect de l'accord passé entre la SOFIAP et le CIFD. À mon sens, l’amendement déposé par le président de la commission ainsi que par nos collègues Charles-Amédée de Courson et Jean-Louis Dumont serait alors satisfait et j’en proposerais le retrait.

Je me félicite de cette réforme, qui correspond aux évolutions qu'ont connues les SACI dans les années récentes et qui s'inscrit en outre dans la continuité de la politique active menée par le Gouvernement depuis 2002 en faveur de l'accession sociale à la propriété, ce dont je me réjouis également comme bien d’autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, conformément aux dispositions de l'article 51 de la loi portant engagement national pour le logement, nous examinons aujourd'hui le projet de loi de ratification de l'ordonnance relative aux sociétés anonymes de crédit immobilier. Si chacun d'entre nous note avec satisfaction le respect du calendrier prévu pour cette ratification, la méthode choisie par le Gouvernement pour réformer les SACI suscite toujours critiques et inquiétudes.

Présenté au débotté, par le biais d'un amendement, le 25 janvier dernier, ce projet de réforme a échappé à l'examen du Conseil d'État et provoqué la stupéfaction du mouvement HLM. Dès l’origine, l'élaboration de cette réforme souffrait donc de deux tares majeures : l'absence de contrôle sur la forme et l'absence de concertation sur le fond. Pire, l'amendement présenté par le Gouvernement a organisé le contournement du Parlement en mettant en œuvre la procédure prévue par l'article 38 de la Constitution. De toute évidence, le ministère de la cohésion sociale et du logement entendait ainsi garder les coudées franches pour procéder, à sa guise, à la réforme des SACI.

Face à l'indignation générale causée par cette méthode trop cavalière, le Gouvernement a accepté qu'un comité des sages, créé pour l'occasion, conduise une mission d'expertise sur la réforme. Cependant, monsieur le ministre, le travail de concertation que doit légitimement instaurer le Gouvernement avec le Parlement ne peut manifestement pas se limiter à une telle création. C’est en commission et dans cet hémicycle que le débat doit avoir lieu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Toute autre solution est inacceptable.

Légiférer par une ordonnance, elle-même présentée par voie d’amendement, relève d’un fonctionnement pour le moins édulcoré de la démocratie parlementaire.

M. Jean-Louis Dumont. D’autant que, pour cette ratification, le Gouvernement a déclaré l’urgence !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Certes, un certain travail a été accompli par les membres de ce comité des sages, mais aucun parlementaire de l’opposition n’y a participé, sauf à considérer qu’ils y étaient représentés par le président de l’Union sociale pour l’habitat.

M. Jean-Louis Dumont. Même pas : il y siégeait en qualité de représentant d’un mouvement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En dépit du travail réalisé par ce comité des sages, auquel nous n’avons donc pas été conviés, le projet de loi et l'ordonnance présentés aujourd'hui à notre assemblée pâtissent encore de sévères défauts.

La première critique de mon groupe politique porte sur l’objectif affiché qui préside, selon le Gouvernement, à la réforme des SACI. D'après la formule laconique de l'article 1er de l'ordonnance, « les sociétés anonymes coopératives d'intérêt collectif pour l'accession à la propriété ont pour objet, à titre principal, de réaliser toutes opérations d'accession à la propriété de l'habitat destinées à des personnes dont les revenus sont inférieurs aux plafonds de ressources mentionnés à l'article 244 quater J du code général des impôts ». Or, mes chers collègues, ces plafonds de ressources sont ceux du nouveau prêt à taux zéro.

Sachant que le bénéfice du prêt à taux zéro est désormais accordé à des ménages pouvant gagner jusqu'à 7 500 euros par mois, la création des SACICAP ne permettra, ni à titre principal ni à titre subsidiaire, de développer une accession à la propriété qui soit vraiment sociale. De même, le coût exorbitant du foncier sur la majeure partie de notre territoire rend très improbable la réalisation annuelle des 15 000 à 20 000 « maisons à 100 000 euros » prévues par le projet de convention.

Si la réforme des SACI, comme le revendique le Gouvernement, avait pour objectif véritable de relancer l'accession sociale à la propriété, elle devrait être revue de fond en comble afin d'assurer aux futures SACICAP les moyens nécessaires à cette mission. Or l’objectif affiché, mes chers collègues, n'est qu'un leurre. En réalité, la réforme du statut des SACI vise essentiellement à fournir des ressources financières nouvelles à l'État.

L'objectif réel de l'ordonnance figure non pas dans son article 1er, mais dans son article 5 qui dispose, sans plus de justification, que « lors de la transformation des sociétés anonymes de crédit immobilier en sociétés anonymes coopératives d'intérêt collectif pour l'accession à la propriété, les fonds propres de ces nouvelles sociétés [...] sont soumis à un prélèvement. » En termes moins choisis, ce type d'opération s'appelle un prélèvement imposé ; les humoristes parleraient, eux, de hold-up.

M. Jean-Louis Dumont. C’est un hold-up !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Estimé à 1,2 milliard d'euros en janvier dernier, le montant de ce prélèvement a été ramené à 500 millions d'euros par le comité des sages. Sur cette somme, 250 millions doivent être versés à la Caisse des dépôts et consignations, 150 millions à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale et 100 millions à l'Agence nationale de rénovation urbaine. Des fonds spéciaux extraordinaires : voilà avec quoi le Gouvernement construit son budget !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Eh oui !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Comme à son habitude, ce dernier met donc une nouvelle fois ses partenaires à contribution pour pallier son propre désengagement. En l'espèce, cependant, cette stratégie dépasse les limites et porte d'abord atteinte au respect dû au Parlement. En effet, alors même que l'ordonnance n'a pas encore été ratifiée, les 100 millions d’euros attribués à l'ANRU sont déjà portés au crédit de cette agence dans le projet de loi de finances pour 2007. Voilà un respect du Gouvernement à l’égard de l’Assemblée nationale que je vous dédie, monsieur le ministre !

Cette stratégie menace ensuite l'équilibre financier des SACI. D'après les informations qui remontent du terrain, certaines d'entre elles devront en effet emprunter – je le souligne, mes chers collègues – pour payer leur quote-part du prélèvement prévu par l'ordonnance.

Par ailleurs, toutes redoutent que ce prélèvement ne demeure pas exceptionnel...

M. Jean-Louis Dumont. Il y en aura d’autres !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ...et qu'il ouvre la voie à de prochaines ponctions à l'avenir. L’article 2 du projet de loi ne prévoit-il pas en effet que la SACICAP « constitue au titre de chaque exercice [...] une réserve de disponibilités dont l'utilisation doit être conforme aux prescriptions » définies par les conventions passées avec l'État ? Une telle obligation, mes chers collègues, laisse craindre que ces organismes soient régulièrement dépossédés de leurs ressources. C’est une inquiétude dont il conviendra de faire part aux actionnaires et à tous ceux qui participent bénévolement aux activités des sociétés.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Tout à fait !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Sur le fond comme sur la forme, cette manière d'agir n'est décidément pas acceptable. C'est pourquoi le groupe socialiste votera résolument contre le projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Scellier.

M. François Scellier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà un texte important dont les cinq articles ne déchaîneront pas les passions sur le fond, nonobstant les efforts de notre collègue M. Le Bouillonnec.

La réforme du statut des sociétés anonymes de crédit immobilier, les SACI, a fait l'objet d'un large débat lors de la discussion de la loi portant engagement national pour le logement. Nous nous devions d'adapter cet outil qui, depuis sa création en 1908 et après la réforme de 1991, a prouvé son efficacité en matière d'accession sociale à la propriété.

Adapter pour mieux identifier ses missions et pour replacer l'activité des SACI dans leur cœur de métier, tel est l'objectif de la réforme. Pour soutenir celle-ci, les députés du groupe de l’UMP, particulièrement attachés à la pérennité de l'organisation de ce réseau, ont souhaité obtenir des assurances de la part du Gouvernement, qu’il s’agisse de la préservation de l'organisation en réseau et de l'affirmation de l'ancrage territorial, de la pérennité des activités concurrentielles, du maintien de l'intégrité du groupe et du caractère exceptionnel de la contribution financière.

Parallèlement à la discussion de la loi portant engagement national pour le logement, une concertation a donc été menée avec les représentants des SACI, des députés, dont nos collègues Pierre-André Périssol, Georges Hamel, rapporteur, et Michel Piron, des sénateurs et le Gouvernement.

M. Jean-Louis Dumont. C’est bien ce que nous disions !

M. François Scellier. Elle a abouti à la présentation d’un dispositif satisfaisant et la loi ENL a, dans son article 51, autorisé le Gouvernement à réformer par ordonnance le statut des SACI.

Nous nous félicitons, monsieur le ministre, de l’inscription rapide de ce texte à l’ordre du jour du Parlement, quelques mois seulement après la publication de la loi.

Les dispositions du projet de loi sont assez complexes, notre rapporteur en a expliqué le détail.

Au terme de la réforme, c’est-à-dire au 1er janvier 2008, les cinquante-huit SACI existantes se transformeront en sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété : les SACICAP. À défaut, elles seraient dissoutes de plein droit.

L’Union économique et sociale pour l’accession sociale à la propriété succédera, en tant qu’organe central, à la chambre syndicale.

La vocation sociale du réseau des SACICAP est réaffirmée et son rôle clairement recentré sur l’accession sociale à la propriété qui est l’une des priorités du Gouvernement et de la majorité UMP ; les débats que nous avons eus à ce sujet au cours de la discussion de la loi ENL l’ont démontré ; je n’y reviens donc pas.

Dans cette perspective, une convention sera prochainement signée avec ces sociétés prévoyant la réalisation de 20 000 logements en accession sociale à la propriété dont 15 000 maisons à 100 000 euros au cours des cinq prochaines années.

Nous serons, bien entendu, très attentifs à la concrétisation de ces objectifs.

Par ailleurs, afin de favoriser la mixité sociale, le projet de loi dispose que les SACICAP pourront exercer des activités d’aménageur et de prestataire de services dans le domaine de l’habitat. C’est une bonne chose.

La compétence territoriale au niveau régional des SACICAP est préservée. Cela s’avère, en effet, nécessaire pour maintenir un dispositif de proximité.

En matière de gouvernance, le projet de loi précise la répartition des associés en plusieurs collèges : l’un formé par les collectivités territoriales et de leurs groupements, l’autre par les organismes d’HLM. Cette composition du sociétariat confirme l’importance du rôle tenu par les collectivités territoriales, acteurs locaux incontournables de la politique du logement en général et du logement social en particulier, et conforte l’appartenance des SACICAP à la famille du logement HLM.

Le projet de loi garantit aux SACICAP la possibilité de détenir des filiales concurrentielles dans le domaine de l’habitat et du crédit immobilier.

La préservation de l’intégrité du groupe était, pour nous, une demande forte. Nos arguments ont été entendus. Les filiales financières ont, en effet, une mission sociale : prêter aux ménages modestes et ainsi leur permettre d’accéder à la propriété. Il convenait donc de maintenir ce système, d’autant que les ressources propres des filiales financières des SACICAP contribueront, sur la base d’une participation volontaire, au financement d’actions en faveur du logement social par le biais du dividende social.

Le projet de loi, à l’article 2, donne un cadre légal aux conventions conclues entre l’État et les SACICAP sur ce point. Il dispose qu’au moins un tiers des dividendes et des bénéfices résultant de l’activité des filiales financières des SACICAP sera consacré à des actions sociales dans le domaine de l’habitat.

En outre, le texte précise qu’en cas de non-utilisation de cette réserve de disponibilité au cours de deux exercices, les sommes non dépensées seront prélevées et reversées, sur proposition de l’organe central, l’UES-AP, à une autre SACICAP.

Enfin, l’accord intervenu relatif à la contribution financière des SACI à la politique du logement social répond à nos préoccupations ainsi qu’à celles des acteurs concernés. Nous considérions que les prélèvements opérés sur les fonds propres des SACI devaient être librement consentis et nous soutenions le caractère exceptionnel de ce versement. C’est pourquoi nous nous félicitons du compromis qui a été trouvé.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Parce que vous y croyez ?

M. François Scellier. Il fixe le montant du versement exceptionnel à 500 millions d’euros, destinés au financement d’opérations d’accession sociale à la propriété. Au 31 octobre 2006, 350 millions d’euros ont été versés, dont 250 millions à la Caisse des dépôts et consignations, et 100 millions à l’ANRU.

M. Jean-Louis Dumont. Pour payer des dettes de l’État aux organismes d’HLM !

Mme la présidente. Monsieur Dumont, vous aurez la parole tout à l’heure. Laissez M. Scellier poursuivre, s’il vous plaît.

M. François Scellier. J’ai l’habitude des interventions amicales de Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Tout à fait !

M. François Scellier. Un versement de 150 millions sera ensuite opéré au printemps 2007.

La ventilation de ces sommes destinées à la construction, à la réhabilitation et aux aides à la personne figurent à l’article 5 de l’ordonnance du 25 août 2006 portant réforme des SACI.

Grâce au dialogue, nous avons abouti à une réforme équilibrée qui répond aux besoins en logements des personnes disposant de ressources modestes. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP votera sans aucune réticence ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Nous ne nous quittons pas, monsieur le ministre. Nous étions ensemble cette nuit, nous nous retrouvons ce matin et cela va durer. (Sourires.)

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. En effet, et nous allons nous revoir.

M. Maxime Gremetz. C’est toujours un plaisir.

Dans le peu de temps qui nous est laissé pour débattre de ce projet de loi ratifiant l’ordonnance prévue à l’article 51 de la loi, bien mal nommée, portant engagement national pour le logement, je formulerai avant tout quelques remarques.

Je rappelle d’abord notre réserve sur le fait de légiférer par voie d’ordonnance. Nous n’avons jamais accepté, de la part ni de la droite ni de la gauche, cette grave anomalie institutionnelle, surtout lorsqu’un Gouvernement, tel que le vôtre, en fait un usage aussi fréquent.

J’ajoute que le principe de l’ordonnance dont nous discutons a été introduit par voie d’amendement d’origine gouvernementale. La manoeuvre ne trompe personne : elle visait à contourner la procédure habituelle, qui exige, notamment, que soient soumis à l’avis du Conseil d’État les projets de loi déposés sur le bureau des assemblées.

Le texte de cet amendement visait en outre à forcer la main au réseau des sociétés de crédit immobilier pour les contraindre à participer au financement de la politique gouvernementale de la ville et du logement par le biais de l’affectation d’une part significative de leur trésorerie.

En effet, lors de la discussion du projet de loi portant engagement national pour le logement, le ministre avait rappelé que la mutation statutaire des sociétés de crédit immobilier devait se conclure par le versement par la Société centrale de crédit immobilier d’une forme de droit d’entrée, d’un montant de 500 millions d’euros, destiné à financer les nouvelles orientations de la politique d’accession sociale à la propriété.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Eh oui !

M. Maxime Gremetz. Quelles sont donc ces orientations qui nécessiteraient de solliciter ainsi la trésorerie de ces sociétés et d’installer ce prélèvement dans la durée, alors même que certaines des annonces faites depuis plusieurs mois peinent à trouver leur traduction concrète ?

Il est désormais clairement établi, monsieur le ministre, que le niveau de la construction de logements sociaux n’est malheureusement pas aussi élevé qu’on a bien voulu nous l’annoncer et que les maisons à 100 000 euros ont quelque peine à sortir de terre.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Eh oui !

M. Gérard Hamel, rapporteur. Ça commence !

M. Maxime Gremetz. À moins qu’il ne s’agisse pour le Gouvernement de favoriser le déroulement des opérations de cession de logements HLM mis en vente par les actuels bailleurs !

Ce sont donc 500 millions d’euros qui seront très prochainement ponctionnés sur les ressources des sociétés de crédit immobilier et plusieurs autres centaines de millions qui pourront être régulièrement mobilisées, sans qu’il soit pour autant possible de constater d’engagement similaire de la part du Gouvernement lui-même. Bizarre, bizarre ! On appelle cela un pillage.

C’est bien là que se situe le principal écueil du texte dont nous débattons.

En matière de politique du logement dans notre pays, force est de constater que le législateur opte trop souvent pour le développement de l’incitation fiscale et le recours assez massif à des recettes « obligées » provenant d’autres caisses que de celles du budget général.

Comment ne pas pointer, par exemple, les 2 150 millions d’euros que l’État s’apprête à prélever sur la Caisse des dépôts et consignations, correspondant au produit des plus-values de cession de parts des sociétés d’épargne, pour alimenter l’équilibre du budget général ?

Comment ne pas relever également les 500 millions d’euros ponctionnés sur les sociétés de crédit immobilier, les 700 millions d’euros confisqués aux collecteurs du 1 % logement, bien maladroitement nommé ainsi puisque, en réalité, ce 1 % est devenu 0,46 %, à force d’être tellement ponctionné par l’État.

M. François-Michel Gonnot. Surtout sous la gauche, sous Jospin !

M. Maxime Gremetz. Dans les faits, ces 700 millions d’euros viennent se substituer à ce qui devrait être la contribution de l’État au financement de la politique de rénovation urbaine.

Ces choix sont plus que contestables, et ils sont d’ailleurs très contestés, au regard de l’importance des besoins en logements dans notre pays. C’est ce que vient encore de vous rappeler, monsieur le ministre, avec une grande insistance le rapport sur le « mal-logement » publié en octobre par la Fondation Abbé Pierre.

Les chiffres avancés par cette fondation – ils ne sont pas contestables, la fondation ne fait que son travail – parlent d’eux-mêmes : 3 207 500 personnes connaissent de graves problèmes de logement, et sont contraintes de vivre à l’hôtel, au camping, dans des squats, des logements de fortune, ou dans des logements dépourvus de confort ; et près de 5 670 000 personnes sont en situation de réelle fragilité à court ou moyen terme, vivant notamment dans des logements insalubres ou surpeuplés. Au total, ce sont 10 millions de personnes, soit près de 15 % de la population française, qui sont mal logées.

Nous ne trouverions pas scandaleux de relever de quelques dixièmes de point les taux d’imposition du barème de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les grandes fortunes évidemment,…

M. François-Michel Gonnot. Bien sûr !

M. Maxime Gremetz. …ou celui des plus-values de cession de droits immobiliers, si les sommes ainsi collectées étaient, par exemple, mobilisées pour financer la politique du logement et pour mettre un terme à la scandaleuse situation de « mal-logement » subie par plusieurs millions de nos compatriotes.

Utiliser l’argent des Sociétés anonymes de coopératives d’intérêt collectif revient à demander aux accédants à la propriété, quand ils essaient coûte que coûte de rembourser leurs emprunts, de contribuer au logement des « mal logés », tandis que les spéculateurs immobiliers dont le nombre explose – la presse fait état tous les jours de scandales dans ce domaine – bénéficient d’une large défiscalisation de leurs investissements stratégiques à moyen et long terme.

Là est le véritable scandale ! Et nous reconnaissons bien les traits de votre politique. Le schéma proposé par le présent projet de loi n’est donc pas, à nos yeux, acceptable. Souvenez-vous de l’abbé Pierre. Assistant à nos débats sur la loi SRU, il s’était ému d’entendre certains d’entre vous contester l’obligation pour les communes d’avoir 20 % de logements sociaux alors que Neuilly-sur-Seine par exemple n’en a que 1,9 %. Vous faites honte à la France, s’était-il exclamé. Je crois que nous pourrions tenir des propos identiques à l’encontre de votre texte.

M. Dominique Richard. C’est le fruit de votre politique !

M. Maxime Gremetz. Du principe d’une ordonnance, autorisée au travers d’un amendement de dernière minute, nous arrivons en effet à un texte soumis à déclaration d’urgence, tendant à accélérer et à pérenniser les prélèvements sur fonds des sociétés de crédit immobilier.

Pendant ce temps-là, les spécialistes de la vente à la découpe, favorisés par le régime des sociétés foncières créé sur commande par un amendement du sénateur Philippe Marini – un picard comme moi, hélas ! Comme quoi on peut être picard et ultraconservateur, ultraréac –…

M. François-Michel Gonnot. Je le lui répéterai.

M. Maxime Gremetz. Je vois que vous êtes du côté de M. Marini, vous.

M. François-Michel Gonnot. Absolument !

M. Maxime Gremetz. Ah ! Et vous êtes picard aussi ?

M. François-Michel Gonnot. Comme vous, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Vous êtes dans le même groupe, non ?

M. François-Michel Gonnot. Pourquoi m’interpellez-vous ?

M. Maxime Gremetz. C’est vous qui m’interrompez.

Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je parle de M. Marini et c’est vous, dont je ne sais même pas le nom, qui réagissez ? (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, poursuivez, s’il vous plaît.

M. Maxime Gremetz. Il m’interrompt et après, il me demande pourquoi je m’adresse à lui !

Mme la présidente. Vous étiez dans les temps, concluez.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Cette insolence est insupportable. Respectez M. Gonnot, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Je termine avec plaisir, madame la présidente. Je suis désolé d’avoir réveillé un picard de si bonne heure.

Philippe Marini, disais-je, et les spéculateurs de toute obédience peuvent dormir tranquilles : ce n’est pas encore demain qu’ils seront mis à contribution pour que le droit au logement devienne une réalité pour tous ceux qui en sont aujourd’hui privés !

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, je n’ai pas besoin de vous faire un dessin, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis pour ratifier une ordonnance, prise en août dernier, relative aux sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour l’accession sociale à la propriété – SACICAP. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été souligné par les précédents orateurs : réforme adoptée par voie d’amendement dans la loi portant engagement national pour le logement, sans avis du Conseil d’État, sans examen en commission car l’amendement du Gouvernement a été déposé très tardivement, avec un recours contestable aux ordonnances et, qui plus est, avec une déclaration d’urgence sur ce texte, alors que la réforme des SACI est en discussion depuis plus de dix ans !

L’on ne peut qu’être très critique, monsieur le ministre, sur la méthode employée car, contrairement à ce que vous avez dit en préambule, ce qui a motivé avant tout la démarche du Gouvernement, c’est une « ponction financière » de 500 millions d’euros pour abonder son budget.

M. Jean-Louis Dumont. Eh oui ! C’est ça l’essentiel !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. L’État met à nouveau à contribution ses partenaires pour masquer son désengagement constant en matière de politique du logement. Les SACI, leurs administrateurs bénévoles, leurs salariés, méritaient mieux. Elles ont, depuis la loi Loucheur, œuvré sur tous les territoires en vue d’accompagner les familles les plus modestes dans la réalisation de leur souhait légitime, celui d’accéder à la propriété. Et ces organismes ont parfaitement réussi grâce à une gestion très rigoureuse.

Le Crédit immobilier de France a répondu à la demande de l’État en créant des filiales financières et immobilières pour l’accession sociale à la propriété. Ces filiales, implantées par région, progressent de façon satisfaisante et représentent maintenant une part importante du marché. Les SACI ont développé des missions sociales et très sociales dont voici des exemples :

Des conventions passées avec l’ANAH permettant d’accompagner les personnes âgées bénéficiaires de l’APA en vu de la transformation de leur logement ;

Des conventions passées avec des organismes d’HLM, les OPAC en particulier, lorsque ces organismes vendent leur patrimoine à leurs locataires en accordant aux futurs accédants un prêt sans intérêt complétant ainsi leur apport personnel – dans bien des cas, sans ce prêt, ils ne pourraient accéder à la propriété ;

L’aide aux débiteurs de bonne foi en leur consentant des plans d’apurement sans intérêts ;

La location-accession ;

Des conventions passées avec les caisses d’allocations familiales.

Tous ces exemples montrent que les SACI n’ont pas attendu vos injonctions pour œuvrer sur le territoire. Elles ont conventionné avec des partenaires institutionnels – CAF, ANAH, OPAC, conseils généraux – et ont mobilisé leurs fonds propres pour financer des actions très sociales – je viens d’en énumérer quelques unes. Leurs missions étaient donc définies, mais il vous fallait arguer une « transformation » pour mieux organiser à leur encontre ce que j’appelle un véritable hold-up de 500 millions d’euros.

M. Jean-Louis Dumont. Très juste !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Aujourd’hui encore, monsieur le ministre, des interrogations demeurent et je souhaiterais connaître les grandes lignes de la « convention d’engagement » qui est en cours d’élaboration entre votre ministère et les SACI. Quels sont précisément les objectifs fixés pour la construction des maisons à 100 000 euros – on parle de 12 000, 15 000, 20 000 en cinq ans ? Quels sont les objectifs s’agissant de la construction-accession sociale dans les quartiers ORU avec l’ANRU ? Entendez-vous définir avec précision ce que devraient être, pour l’État, les « missions très sociales » ? Avec quel partenariat, sachant que 50 millions d’euros doivent y être consacrés chaque année à partir de 2008 ?

Enfin, vous le comprendrez, les SACI souhaitent que vous vous engagiez clairement et solennellement en confirmant que cette « contribution financière », pour ne pas employer un autre vocabulaire, de 500 millions d’euros ne sera pas suivie d’autres ponctions, d’autant que 350 millions d’euros ont déjà été versés.

Pour respecter leurs engagements, les SACI ont besoin de travailler dans un climat de confiance et de respect mutuel. Vos réponses à toutes ces interrogations, monsieur le ministre, sont attendues par les cinquante-neuf SACI, car d’elles dépendent leur avenir et celui de la construction sociale à la propriété. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-André Périssol.

M. Pierre-André Périssol. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d’abord remercier le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, Jean-Louis Borloo, d’avoir tenu le cap et réalisé une réforme équilibrée en utilisant une méthode fondée sur la concertation. Cette réforme permettra à l’État de recevoir une contribution exceptionnelle de 500 millions d’euros, dont 350 millions ont déjà été versés. Elle garantit, en outre, une pérennité au Crédit immobilier de France, puisque société mère et filiales auront un statut adapté, et préserve son intégrité en lui accordant les moyens juridiques lui permettant de remplir sa mission et les moyens financiers nécessaires pour l’exercer.

Une telle réforme est également positive pour notre pays dans la mesure où elle maintient un instrument efficace pour l’accession et l’accession sociale à la propriété, c’est-à-dire capable de consentir des crédits dans de bonnes conditions,…

Mme Chantal Robin-Rodrigo. C’est ce que nous faisons déjà !

M. Pierre-André Périssol. …avec un faible taux de créances douteuses, à une clientèle modeste. Un pourcentage du dividende sera consacré à des missions très sociales, qui seront donc d’autant plus importantes que le dividende sera élevé, d’où la nécessité d’actions. Cela suppose que l’intégrité des société de crédit immobilier soit maintenue.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Oui !

M. Pierre-André Périssol. Il nous faut donc parler des rapports entre le Crédit immobilier de France et l’une de ces sociétés, filiale de la SNCF. Je dois d’ailleurs témoigner que cela s’est bien passé dans le temps, et qu’il n’y a jamais eu de problèmes pour que, à l’intérieur du Crédit immobilier de France, une société ait une mission plus particulièrement ciblée sur telle catégorie, notamment vis-à-vis de la SNCF. Depuis quelques années, en raison de problèmes d’hommes, l’une des parties souhaitait la séparation. Le président du Crédit immobilier de France a donné son accord pour un divorce par consentement mutuel et pour un tribunal arbitral à défaut d’accord sur les modalités de séparation. Il faut en effet être très attentif à ces modalités dont dépend la crédibilité future du réseau Crédit immobilier de France, qui, je le rappelle, n’est absolument pas demandeur. S’il accepte la séparation, elle ne doit pas mettre en péril sa propre survie.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ça, c’est sûr !

M. Jean-Louis Dumont. C’est essentiel !

M. Pierre-André Périssol. Il faut donc que les partenaires discutent pour trouver des solutions en ce qui concerne la valeur des parts, le rachat de garantie, le refinancement. Nous connaissons les engagements pris par le réseau Crédit immobilier de France par la voix de son président à la fois sur le but à atteindre et sur les modalités ; il nous faudrait également savoir ce que la SNCF va faire, puisqu’elle est demanderesse. Fait-elle preuve du même esprit constructif ? Je voudrais en avoir l’assurance.

Quant aux délais pour aboutir, dans la mesure où la société qui va quitter le réseau doit faire un certain nombre de choix, notamment au regard de la loi bancaire, ceux-ci en détermineront la durée. Le réseau Crédit immobilier de France a manifesté une volonté forte, mais le délai pour aboutir dépendra aussi de la volonté, constructive ou non, de l’autre partenaire.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Tout à fait !

M. Pierre-André Périssol. Un engagement a été pris par le réseau Crédit immobilier de France, mais je ne doute pas que vous nous communiquerez, monsieur le ministre, les engagements pris par la SNCF pour parvenir à une situation satisfaisante.

Sur un plan général, je renouvelle mes remerciements à Jean-Louis Borloo et ses collaborateurs pour avoir conduit cette réforme équilibrée selon une méthode de concertation puisque tous les partenaires y ont été associés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Je ne peux d’abord que regretter l’urgence. Ce texte méritait mieux. L’amendement initial était tellement incompréhensible qu’il a fallu le réécrire complètement. C’était le signe d’une certaine précipitation, alors que la loi de 1991 portait en elle-même soit l’obligation d’un adossement, soit l’obligation, in fine, de légiférer à nouveau. Quand on voit le travail qui a été effectué au cours des quinze dernières années, l’on ne peut que constater le véritable professionnalisme dont a fait preuve l’ensemble du réseau de la famille Crédit immobilier de France. Et aujourd’hui, la « contribution », ou plutôt le siphonage de 500 millions d’euros nous inquiète, monsieur le ministre. Qui dans cet hémicycle, à droite comme à gauche, peut croire que cela sera le seul prélèvement, la seule contribution ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Personne !

M. Jean-Louis Dumont. Si, demain, il devait y avoir adossement, je suis persuadé qu’il y aurait un nouveau ticket à payer.

M. Maxime Gremetz. Évidemment !

M. Jean-Louis Dumont. Or, l’on constate déjà des dégâts. Un cabinet de notation a mis le réseau sous surveillance, et les discussions entre la SNCF, le Gouvernement et le Crédit immobilier de France sur les 500 millions auront des conséquences négatives.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Bien sûr !

M. Jean-Louis Dumont. Les documents qui circulent, y compris nuitamment, entachent un travail de professionnel, un objectif que chacun ici a appelé de ses vœux, que l’on aurait espéré traiter différemment, et les professionnels sont aujourd’hui dans une situation difficile.

N’en disons pas plus. Mais tout à l’heure, pendant la discussion sur les amendements, il sera difficile que des engagements soient pris.

On a parlé de divorce. Lorsque la Caisse des dépôts et consignation et la Caisse d’épargne se sont séparées, elles ont négocié durement. On connaît les hommes, les équipes et les enjeux. Le Parlement a constaté ensuite la situation et a légiféré.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Seulement ensuite !

M. Jean-Louis Dumont. Aujourd’hui, on souhaite que le Parlement légifère, ce qui a entraîné des réactions en chaîne. On s’aperçoit que, là où l’on pensait qu’il y avait entente, il y a manifestement des désaccords dont il faudrait tout de même rappeler qu’ils sont issus d’une bataille de personnes. À un moment donné, en effet, un dirigeant a dû laisser sa place à la suite d’un jugement, scorie de l’affaire Elf. Ce n’est pas tolérable pour la SNCF. Il s’agit d’une affaire d’éthique. Demain, on pourra s’adosser à qui l’on veut, mais l’éthique bancaire l’emportera toujours.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Bien sûr !

M. Jean-Louis Dumont. Il y a tout de même des contrôles ! Un responsable d’un mouvement n’a fait qu’appliquer la loi, dans le cadre de la mission pour laquelle il avait été désigné. Qui, dans cet hémicycle, oserait dire le contraire ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Très juste !

M. Jean-Louis Dumont. On évoque aujourd’hui des difficultés de gestion ou des ratios qui pourraient être différents.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Louis Dumont. Prenons déjà certains engagements. J’ai déposé un amendement d’appel pour que nous obtenions non pas uniquement des explications – nous en recevons tous les jours –, mais aussi l’assurance que, dans notre pays, quand on joue un rôle dans le milieu bancaire, la loi de la République et l’éthique qui l’accompagne s’appliquent à tous. Au demeurant, la SNCF, qui a mis plus de dix ans à séparer ses biens immobiliers de ceux de RFF, n’a guère de leçons à nous donner ! Il suffit de se reporter au rapport de M. Mariton et à celui de M. Tron.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. On ne peut pas dire cela, monsieur Dumont !

M. Jean-Louis Dumont. C’est pourtant le cas !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La SNCF n’est pas responsable de cette situation !

M. Jean-Louis Dumont. La loi, qui avait été votée, n’a pas été appliquée, y compris par les grands commis de l’État. Vous permettrez au parlementaire que je suis de le remarquer !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous avez tort !

M. Jean-Louis Dumont. Vous auriez dû le dire plus tôt !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président de la commission, M. Dumont a le droit de s’exprimer !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Moi aussi !

M. Jean-Louis Dumont. Aujourd’hui, c’est aussi le logement social qui pâtit de la situation, puisque le patron de la SOFARIS a bien du mal à valoriser au nom de l’État des biens immobiliers destinés à la location ou à l’accession à la propriété, lesquels auraient pu être valorisés depuis longtemps.

Cependant, monsieur le rapporteur, ce texte nous donne satisfaction sur un point : le choix du statut de l’économie sociale et du coopératif. Mais permettez-moi une observation. Le statut des SCIC a été introduit par un amendement parlementaire, à l’instigation de M. Hascoët, qui était ministre en 2001. Puis, en 2003, a été mis en place le statut des SCIC HLM. Pourquoi la commission des sages n’a-t-elle pas retenu cette formule ? Les SCIC qui sont gérées conformément aux valeurs de l’économie sociale et des coopératives issues de la loi de 1947 ont de ce fait un statut à part.

Enfin, le dividende social, qui a été institué par les dirigeants actuels du Crédit immobilier, donne satisfaction. Mais sera-t-il à destination exclusive des filiales ou des organismes d’HLM, dont le Crédit immobilier et les futures SACICAP seront actionnaires, ou pourra-t-il, comme aujourd’hui, être utilisé pour de grands projets relatifs au logement social, à l’insertion par le logement de populations en difficulté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Article 1er

Mme la présidente. Sur l’article 1er, je suis saisie de deux amendements, nos 1 et 2, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour soutenir l’amendement no 1.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Un mot tout d’abord, pour répondre à M. Dumont, auquel je rappelle que la séparation entre la SNCF et RFF est intervenue en 1997.

M. Jean-Louis Dumont. Il y a donc dix ans !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Entre 1997 et 2002, vous souteniez le Gouvernement et le ministre chargé du dossier, M. Gayssot.

M. Jean-Louis Dumont. Et alors ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Allez-vous remonter avant Jésus-Christ ? Vous racontez l’Histoire à votre manière pour justifier vos erreurs d’aujourd’hui, mais on ne gouverne pas avec un rétroviseur !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Si du temps a été perdu, c’est donc sous l’autorité d’un ministre que vous souteniez. Vous auriez dû l’inciter à procéder plus rapidement à la répartition. Je tenais à le rappeler. On ne peut en effet imputer à la SNCF des torts qu’elle n’a pas.

J’en viens l’amendement no 1, qui est important. Nous avons vu les difficultés que pose la mise en place du dispositif. Je tiens à rendre hommage au comité des sages que M. Borloo et vous-même, monsieur le ministre, avez créé. M. Périssol s’en souvient : ce comité est né d’une discussion que nous avions eue ici même. Les engagements de la majorité ont été pris sur l’honneur. J’en suis d’ailleurs responsable, puisque c’est moi qui avais répondu alors à M. Périssol, en lui assurant que le comité des sages ferait évoluer la situation.

Je rends hommage à ce comité, ainsi qu’au rapporteur M. Hamel. La majorité a fait son travail, tant au niveau gouvernemental qu’en prenant des initiatives pour gérer les situations.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Sans l’opposition ! Le ministre ne pouvait donc pas dire qu’il y avait eu concertation avec la représentation nationale ! Le débat parlementaire n’a eu lieu qu’avec la majorité : on s’en souviendra !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le travail du comité des sages aura été constructif. Grâce à lui, nous pouvons aujourd’hui, dans un climat apaisé, voter ce texte tel qu’il nous est proposé.

La commission des affaires économiques a adopté l’amendement n° 1, qui porte sur une SACI un peu spécifique, puisqu’il s’agit de la SOCRIF, filiale de la SNCF. Sa compétence s’étend sur l’ensemble du territoire national, dans le cadre de la société nationale qu’est la SNCF.

Les détails de la situation ont déjà été évoqués. Les deux partenaires en sont à un tel point qu’ils ne peuvent plus mettre en place de manière constructive des actions visant à des objectifs communs. Tous les efforts consentis de part et d’autre depuis quelques années ont été vains. Je ne prétends pas que l’un des partenaires a tort et que l’autre raison, mais le fait est là. Le Gouvernement, qui, tout comme nous, a constaté la situation, a-t-il le droit de laisser voter ce projet de loi sans tenter d’apporter une solution au problème ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ce n’est pas à la loi de le résoudre !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Étant donné que les deux partenaires sont dans l’impossibilité de travailler ensemble, la séparation s’impose. J’ai par conséquent déposé un amendement à titre conservatoire pour clarifier la situation. La séparation peut en effet se faire par la loi. Si tel est notre choix, il faut voter l’amendement. Mais elle peut aussi se faire par consentement mutuel.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ce serait une meilleure solution !

M. Patrice Martin- Lalande. Cela va plus vite !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. M. Périssol a parlé d’un « divorce par consentement mutuel », auquel je serai moi aussi très favorable, madame Robin-Rodrigo. Mais, monsieur le ministre, il faut être certain que ce divorce peut être mis en œuvre rapidement et qu’il sera effectif dans des délais suffisamment courts pour que notre majorité et le Gouvernement puissent s’en porter garants, car les dispositions de l’article 3 de l’ordonnance que nous ratifions permettent incontestablement le vote de l’amendement.

En revanche, elles prévoient aussi que la loi de 1991 ne s’appliquera plus. Il semble donc qu’il n’y ait plus d’obstacle législatif à un divorce par consentement mutuel. Monsieur le ministre, je vous demande de confirmer ce point dans votre réponse. Certains nous opposent en effet que la loi seule peut changer la loi. Si tel est le cas, il faut voter l’amendement. Mais les explications qui m’ont été données étaient claires : l’article 3 de l’ordonnance que nous allons ratifier semble permettre le divorce par consentement mutuel sans intervention du législateur.

Le rapporteur et moi-même sommes donc prêts à ne pas intervenir si vous nous donnez l’assurance, premièrement, qu’un texte de loi n’est pas nécessaire, deuxièmement, que le divorce par consentement mutuel reçoit l’accord des deux parties avant que nous ne votions l’amendement dans quelques instants – il faut donc des engagements sérieux – et, troisièmement, que le calendrier permettra au Gouvernement de faire respecter les accords passés.

J’ai eu connaissance des lettres que Mme Idrac, M. Borloo et vous-même avez reçues. Je ne suis pas opposé au fait que l’on préfère un accord à une loi, sous réserve que toutes les garanties sur la bonne tenue de cet accord soient prises d’une manière formelle et solennelle dans cet hémicycle. La confiance est en effet si compromise entre les deux parties que, si l’on veut que nous retirions notre amendement, la parole du Gouvernement confirmant les engagements du président de la chambre syndicale des SACI doit être donnée aujourd’hui, assortie d’un engagement concomitant de la SNCF.

M. Pierre-André Périssol. Oui, mais cet engagement de la SNCF, nous ne l’avons pas encore !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. On le voit : la majorité n’est pas obsédée par le désir de régler à tout prix le problème par la loi. Le dispositif législatif serait en effet compliqué, et je préférerais que nous sortions de séance avec un texte voté conforme.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Nous aussi !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je préférerais aussi que, au cours de la discussion, nous ne soyons pas soumis à des pressions trop directives et trop personnelles.

M. Maxime Gremetz. Ah !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cela va sans dire !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je le dis comme je le pense.

M. Jean-Louis Dumont. Nous sommes d’accord.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je suis sourd aux pressions, mais je suis objectif.

M. Jean-Louis Dumont. Vous avez siégé au conseil d’administration de la SNCF !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est bien pour cela que je connais le dossier. Mais, monsieur Dumont, si j’avais le sentiment que cet accord n’était pas nécessaire à la bonne fin du dispositif, je vous prie de croire que je vous le dirais.

M. Jean-Louis Dumont. Je vous l’accorde.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. En revanche, je suis convaincu qu’il n’est pas possible de prolonger la situation actuelle, qui est ingérable. Fermer les yeux, ce serait prendre une lourde responsabilité que, pour ma part, je refuse d’assumer. Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous nous apportiez les assurances nécessaires sur la possibilité qu’un accord intervienne, conformément aux lettres signées par le président du Crédit immobilier et de la chambre syndicale, M. Sadoun. Dès lors que le respect de ces engagements sera garanti par le Gouvernement, je suis prêt à vous faire confiance.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement no 2.

M. Jean-Louis Dumont. Permettez-moi une première observation, madame la présidente. Il me semble que l’usage est, dans notre assemblée, que, à la fin de la discussion générale, le ministre réponde aux questions qui lui ont été posées.

Mme la présidente. M. le ministre m’a fait savoir qu’il répondrait lors de la discussion des amendements. Il sait du reste qu’il peut prendre la parole quand il le souhaite.

M. Jean-Louis Dumont. J’ai l’impression que, depuis quelques jours, nous avons découvert un problème, qui pourrait bien être à l’origine d’une véritable éruption volcanique.

M. Michel Piron. Oh, mon Dieu !

M. Jean-Louis Dumont. Cela me fait penser au roman L’Argent, dans Les Rougon-Macquart, d’Émile Zola.

M. Michel Piron. Nous voilà très loin d’Haroun Tazieff !

M. Jean-Louis Dumont. Nous avons en main une dizaine de pages provenant d’un camp et de l’autre. Il y a donc de quoi s’interroger.

Tout à l’heure, j’ai pris l’exemple du constat de divorce fait par le Parlement entre les caisses d’épargne et la Caisse des dépôts et consignations, dans lequel des milliards d’euros étaient en jeu. On s’aperçoit que, pour une participation de 51 % dans une société, on prête subitement au CIF tous les défauts, allant jusqu’à prétendre qu’il en irait de l’avenir du financement du logement en accession à la propriété au bénéfice des cheminots de la SNCF. Si c’était si grave, les murs des conseils d’administration ne sont pas si blindés que cela ne serait pas arrivé à nos oreilles. Si, à l’origine de toute cette opération, il n’y a – puisque l’on voit réapparaître l’inspecteur général de la SNCF dans les derniers textes – qu’une histoire de police, certes nécessaire dans le cadre de l’éthique bancaire, c’est petit. Voyons les choses avec un peu de hauteur !

Cet amendement doit nous permettre d’en appeler à la responsabilité du Gouvernement car, en définitive, le réseau du Crédit immobilier de France, dédié à l’accession sociale et très sociale à la propriété, a fait la preuve de son efficacité et de son professionnalisme. S’il en est arrivé là, c’est qu’il a été amené à prendre des mesures qui n’ont pas toujours fait l’unanimité et qui ont même pu prêter à controverses. Mais au moins a-t-il rempli la mission qui lui a été assignée. C’est pourquoi les questions qui ont été posées par l’ensemble de nos collègues méritent des réponses. On peut, à la limite, comprendre l’urgence déclarée sur ce texte et – pourquoi pas – le vote conforme de la majorité. Mais la représentation nationale doit être complètement informée. On ne doit pas à tomber dans les marécages qui peuvent border, ici ou là, les opérations bancaires.

S’il doit y avoir une séparation, aujourd’hui, de façon solennelle, le Gouvernement doit être le garant que les négociations auront lieu le plus rapidement possible, afin, monsieur le ministre, que le Crédit immobilier ne subisse pas une nouvelle décote. Car, demain, il sera peut-être le seul à payer l’addition, alors qu’au départ, c’est une simple question d’hommes. Loin de le remettre en cause, chacun s’est félicité, ces dernières années, de l’excellence du travail accompli en commun. Pourquoi, à l’occasion d’un projet de loi de ratification, en arrive-t-on à cette « éruption » de documents aux relents souvent malsains ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Hamel, rapporteur. Je souhaite entendre M. le ministre avant de me prononcer.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements en discussion ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je souhaite d’abord fournir quelques éléments de réponse aux différents orateurs. Je remercie François Scellier et Pierre-André Périssol du soutien qu’ils apportent à l’ensemble de la démarche. Monsieur le rapporteur, je vais maintenant donner une traduction concrète à l’engagement que j’ai pris.

Monsieur Dumont, c’est bien un rôle de médiation, de confiance et de garantie que Jean-Louis Borloo s’est engagé à jouer dans ce dossier. La réforme des SACI a confirmé la nécessité de dénouer les liens entre la SOFIAP et le CIFD. C’est d’ailleurs, monsieur le président, monsieur le rapporteur, l’objet de ces amendements, qui ont contribué à renouer le dialogue entre la SOCRIF et le CIFD pour que la SOFIAP quitte le réseau financier du CIFD – et je veux, à cet égard, rendre hommage au rôle incitatif de la représentation nationale. Je vous confirme que le président de la chambre syndicale des SACI a donné son accord pour que la SOFIAP quitte le groupe CIF. Il a adressé un courrier dans ce sens à Jean-Louis Borloo et à la présidente de la SNCF, courrier dont j’ai remis une copie au président Ollier et au rapporteur Gérard Hamel.

Cet engagement me paraît être un élément de première importance. Les instances dirigeantes du CIFD se réuniront la semaine prochaine, ainsi que le comité des sages, pour confirmer cette démarche qui retrouve les voies du consensus. Cette démarche pourra aboutir, car les deux parties, la SNCF et le CIFD, souhaitent que la SOFIAP quitte le Crédit immobilier de France.

Je comprends l’attachement des cheminots à l’accession sociale à la propriété ; il me paraît juste et le Gouvernement le soutient. Le débat n’est pas là.

M. Gremetz, M. le rapporteur, Mme Robin-Rodrigo et M. Dumont ont abordé la question de la convention, m’interrogeant notamment sur le nombre de logements. Cette convention prévoit que 15 000 logements en accession sociale à la propriété seront réalisés sur cinq années et que les SACICAP – je reviendrai ultérieurement sur la question du prélèvement de 500 millions – devront consacrer 50 millions chaque année à des actions au titre du dividende social, et ce à partir de 2008. Tous les partenariats conclus au niveau local, notamment avec l’ANAH, pourront se poursuivre et être mis en œuvre dans les mêmes conditions qu’actuellement. Je citerai quelques exemples d’utilisation du dividende social : le portage foncier pour l’accession sociale à la propriété, l’aide pour la réhabilitation de logements, notamment appartenant à des propriétaires très modestes, et les baux à réhabilitation pour l’amélioration de logements. La liste n’est pas exhaustive.

S’agissant du prélèvement financier, je confirme l’engagement du Gouvernement : c’est un prélèvement unique.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Merci de le préciser, monsieur le ministre !

M. Maxime Gremetz. Nous en prenons bonne note !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. S’agissant de la notation du CIF, la loi de ratification va stabiliser le processus et améliorer naturellement, dans cette période intermédiaire d’incertitude, le classement du CIF. Celui-ci ne peut pas être excellent au moment où se posent des questions concernant l’avenir. Si les agences de notation considéraient qu’il ne se passe rien, leur crédibilité serait en cause et cela voudrait dire que nos débats n’ont guère de portée.

Vous m’avez demandé, monsieur le président, si la voie législative s’imposait, dès lors qu’un divorce par consentement mutuel semble possible. Quand le capital de la SOFIAP ne sera plus détenu par le CIFD, ce dernier ne sera plus un organe central au sens du code monétaire et financier. L’accord est donc juridiquement possible, dès lors que l’article 3 nouveau est adopté. Je tenais à apporter cette précision, qui vaut aussi engagement du Gouvernement. S’il y a une médiation et si, comme vous le souhaitez, un ministre se porte garant, cet accord reposera sur des bases juridiques fortes. Sur des questions aussi essentielles, on ne peut en effet se contenter d’un sentiment. La représentation nationale doit donc savoir que l’accord sera juridiquement fondé, sous réserve de l’adoption de l’article 3 nouveau.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Hamel, rapporteur. Les différentes interventions ont montré que tout le monde était d’accord pour dénouer les liens qui existent actuellement entre la SOCRIF et le CIFD. Ce qui pose problème, ce sont les modalités de cette séparation. En tant que rapporteur, je prends acte, monsieur le ministre, de votre engagement de réunir dès la semaine prochaine le comité des sages pour discuter dans le détail de ces modalités. Je partage les réflexions selon lesquelles les courriers échangés entre le président de la chambre syndicale des SACI et la SNCF ne rentrent pas suffisamment dans le détail pour préciser les modalités de ce divorce.

Dans ces conditions, et sous réserve des engagements pris par le Gouvernement, je propose de retirer l’amendement no 1 et de nous mettre ensemble au travail dès la semaine prochaine.

M. Michel Piron. Très sage !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le rapporteur a raison, mais je suis soucieux d’éviter les quiproquos liés à de mauvaises interprétations. Je ne vais pas revenir sur ce qui a été dit : le constat de la nécessité d’une séparation a été fait, examinons-en les modalités. Si les conditions telles qu’elles sont prévues sous la responsabilité du Gouvernement – et je vous fais confiance, monsieur le ministre – sont remplies, je suis prêt à retirer l’amendement.

Je souhaiterais cependant, monsieur le ministre, que vous m’assuriez que les courriers que M. Sadoun, le président de la chambre syndicale des SACI, a adressés au ministre et à Mme Idrac ce matin leur sont bien parvenus et que vous m’en confirmiez les termes, lesquels sont très importants, car ils fixent les conditions de ce divorce.

Par ailleurs, je vous remercie d’avoir annoncé que le comité des sages se réunira très vite. Surtout, je souhaiterais que la convention qui doit intervenir pour fixer les termes de l’accord entre la SNCF et les SACI puisse être signée dans les jours qui viennent. À partir de cette convention, qui reprendrait les termes du courrier que j’évoquais il y a quelques instants, nous devrons disposer d’un calendrier de mise en œuvre de cette séparation, qui, en tout état de cause, doit nous garantir que la fin de l’opération interviendra dans le courant du premier trimestre 2007, si possible avant fin février.

Sur ces différents points, je souhaiterais obtenir l’engagement du Gouvernement. Je suis prêt, comme vous l’avez souhaité, à participer activement au comité des sages. Je pense que nous allons probablement aboutir à un accord, monsieur le ministre.

Mme la présidente. Sur le vote de l'amendement no 2, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Le mot de confiance ayant été prononcé, je veux simplement rappeler au président Ollier et aux auteurs de l’amendement no 2 que les trois éléments qui permettent d’opérer cette séparation dans des conditions juridiquement solides – à savoir la réunion du comité des sages, le protocole d’accord SOCRIF-CIFD et l’accord du conseil d’administration du CIFD – sont désormais réunis.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. En tant que coauteur de l’amendement n° 2 pour ce qui intéresse la commission des finances, je voudrais préciser deux ou trois choses.

Je constate d’abord que le Gouvernement nous a globalement écoutés sur le problème des crédits immobiliers. Certes, cela n’a pas été sans peine, et nous avons eu, avec M. Périssol, des discussions souvent difficiles, mais nous avons finalement été entendus et le Gouvernement a tenu ses engagements visant à protéger les SACI. Étant, me semble-t-il, le dernier député président d’une société de crédit immobilier, et ce depuis plus de quinze ans, je tenais à le préciser.

Par ailleurs, comme je l’ai dit à M. Sadoun, le président de la SOCRIF, je pense que cette affaire de l’ex-filiale du Crédit immobilier nuit au bon fonctionnement du groupe. L’amendement que j’ai présenté avec M. Dumont avait pour objectif, comme celui de M. Ollier, d’obliger les parties à sortir de cette situation. M. le ministre nous dit qu’il y a un accord, et l’on vient de nous remettre la lettre du président Sadoun…

M. Maxime Gremetz. Il y a des privilégiés, à ce que je vois !

M. Charles de Courson. Je viens juste de recevoir cette lettre, et tout le monde peut la consulter. Dans cette affaire, la conclusion d’un accord amiable afin de sortir de la situation empoisonnante que l’on connaît me paraît être la solution de la sagesse.

J’ajoute que la SOCRIF représente entre 4 et 5 % de l’ensemble du réseau, ce qui n’est pas considérable, et que le groupe SNCF permet de disposer d’une ressource en crédits plus intéressante – grâce, il faut bien le dire, à la garantie de l’État.

Rien ne paraît devoir s’opposer au bon fonctionnement du dispositif proposé. Dans ces conditions, mon collègue Dumont et moi-même sommes d’accord pour retirer notre amendement no 2.

M. Maxime Gremetz. Je le reprends !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-André Périssol.

M. Pierre-André Périssol. Je remercie le Gouvernement de jouer ce rôle de médiateur et de garant. Toutefois, j’aimerais obtenir deux précisions.

Premièrement, j’ai bien noté que M. Sadoun s’était engagé par écrit auprès du ministre et de la présidente de la SNCF, à la fois sur l’objectif – la séparation – et sur la méthode. En ce qui concerne les quelques points de désaccord qui subsistent, le président de la SOCRIF assure que, s’ils ne peuvent être réglés directement, il n’aura recours qu’à une procédure arbitrale. Si l’une des deux parties s’est engagée à la fois sur le cap à tenir et sur les méthodes à employer, j’aimerais être sûr que le deuxième partenaire se trouve dans les mêmes dispositions, car pour qu’un accord aboutisse, il faut être deux !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Tout à fait !

M. Pierre-André Périssol. Deuxièmement, le Gouvernement s’est engagé à arriver à bon port, et nous en prenons acte. Gérard Hamel a demandé une réunion très rapide du comité des sages. Fort bien, mais ce n’est pas ce comité qui va arbitrer les modalités finalités financières et juridiques du projet.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Exactement !

M. Pierre-André Périssol. Je voudrais donc que l’engagement du Gouvernement consiste non seulement à arriver au but, mais aussi à y arriver en préservant l’intégrité de la SNCF, ce qui va de soi, mais aussi et surtout du réseau Crédit immobilier de France – car j’estime, contrairement à notre collègue de Courson, que les 5 % que représente la SOCRIF sont loin d’être négligeables. Il est donc essentiel que les modalités, qui ne peuvent résulter que de la discussion entre deux partenaires privés – éventuellement départagés par un arbitre –, qu’il s’agisse de la valeur à laquelle se fera la cession, de la reprise des garanties, ou du problème des refinancements, soient définies sans que le Crédit immobilier de France, qui n’est pas demandeur, soit lésé en quoi que ce soit. Si dans les conditions actuelles, les salariés de la SNCF sont parfaitement servis, je voudrais m’assurer que l’intégrité des deux parties sera préservée. S’agissant d’une préoccupation que nous partageons tous, il serait bon que le Gouvernement s’engage explicitement sur ce point.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Tout à fait !

Mme la présidente. L’amendement de la commission est-il retiré ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Pour ce qui est de notre amendement, nous attendrons de prendre connaissance des explications de M. le ministre, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. À M. Ollier et M. de Courson, qui m’ont interrogé sur le calendrier, j’indique que M. Borloo a retenu le 28 février comme date de conclusion de la procédure de médiation. Si nous réunissons le comité des sages dès la semaine prochaine, c’est pour ne pas perdre de temps et marquer notre volonté d’aboutir.

À M. Périssol, je voudrais rappeler que l’État est encore présent au sein du conseil d’administration de la SNCF et y joue pleinement son rôle. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Il y a eu hier une rencontre en vue d’une médiation, mais il convient de ne pas sous-estimer la valeur de l’engagement que je prends ici au nom du Gouvernement, donc au nom de l’État.

M. Jean-Louis Dumont. C’est bien ainsi que nous l’entendions !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. J’apprécie beaucoup les mises au point auxquelles vous avez procédé, monsieur le ministre, notamment la confirmation de la date du 28 février. Je rejoins l’avis général selon lequel un accord bénéficiant de la garantie du Gouvernement, et devant intervenir pour le 28 février, constitue une bonne solution.

Si certaines erreurs commises par le passé ont pu conduire la SNCF à prendre ses distances, l’essentiel aujourd’hui est de parvenir à préserver les intérêts des uns et des autres par la conclusion d’un bon accord, plutôt que par la contrainte de la loi. Dès lors notre assemblée, c’est-à-dire le législateur, estime qu’un accord garanti par le Gouvernement peut être conclu, je ne comprends vraiment pas, monsieur Gremetz, que vous repreniez un amendement que nous sommes tous d’accord pour retirer. Certes, c’est votre droit le plus absolu, et je le respecte. Pour notre part, nous faisons confiance au Gouvernement pour accomplir la mission qu’il s’est assignée, et nous veillerons à ce que les choses se passent au mieux avec le comité des sages. Par conséquent, nous retirons l’amendement n° 1, et nous voterons contre celui repris par M. Gremetz.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Merci, monsieur Ollier.

Mme la présidente. L’amendement no 1 est donc retiré.

J’ai bien noté, monsieur Gremetz, que vous repreniez l’amendement no 2, qui a été retiré par ses auteurs.

M. Maxime Gremetz. Je veux m’expliquer !

Mme la présidente. Cela n’est pas prévu par le règlement, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Je veux simplement dire que lorsqu’on a été trompé comme on l’a été, on est en droit de s’interroger sur la valeur de la parole du Gouvernement ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il y a un proverbe qui dit : une fois trompé, tu es un malheureux : deux fois trompé, tu es le roi des…

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l’amendement no 2.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté l’amendement no 2.

M. Maxime Gremetz. C’est très bien, nous en reparlerons !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.

(L’article 1er est adopté.)

Articles 2 à 5

Mme la présidente. Les articles 2 à 5 ne faisant l’objet d’aucun amendement, je vais les mettre successivement aux voix.

(Les articles 2 à 5, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Explications de vote

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En quelques minutes, nous avons atteint des sommets, puisque le président de la commission des affaires économiques s’est retrouvé à voter contre son propre amendement ! Pour que les choses soient claires, je précise que le groupe socialiste aurait de toute façon voté contre.

La situation très complexe où nous nous trouvons résulte de la façon dont le Gouvernement a choisi de réformer les SACI. Le problème de fond n’est pas à rechercher ailleurs. Cela faisait des années que les gouvernements successifs – en particulier les ministres du logement – tournaient autour des SACI, pas tant pour les réformer que par intérêt pour leur trésor ! Mais alors qu’aucun d’entre eux ne s’était décidé à passer à l’acte, estimant que les conditions nécessaires n’étaient pas réunies, le Gouvernement actuel, lui, l’a fait ! M. Borloo a choisi de passer en force, à la faveur d’un amendement au projet dit « ENL ». La surprise a été totale. Obligé de reculer un peu, le Gouvernement a créé un « comité des sages », auquel l’opposition n’a pas été conviée. Le travail s’est donc fait dans les petites arrière-cuisines, sans que nous puissions poser certaines questions ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Très juste !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je ne mets pas en cause ceux qui y ont participé, mais je dénonce la méthode scandaleuse employée par le Gouvernement ! Pourquoi n’avons-nous pas été sollicités afin de nous permettre de poser, nous aussi, certaines questions ?

Au départ, M. Borloo voulait 2 milliards d’euros. Il semble que le Gouvernement veuille ramener ce chiffre vertigineux à 500 millions. Un ministre nous promet qu’il n’y aura pas d’autre « tirage », mais de qui se moque-t-on ? Nous aurons l’occasion d’en reparler à partir du mois d’avril – quel que soit, d’ailleurs, le gouvernement qui sera alors en place.

Le débat autour de la SNCF est dû à une résurgence de la façon dont le Gouvernement aborde la question des SACI – une approche, me semble-t-il, totalement erronée sur le plan juridique. En effet, il est certain que des structures devront emprunter pour participer au financement gouvernemental, ce qui est une aberration.

Par ailleurs, une lettre vient tout à coup nous dire : « Il va de soi que cette proposition serait caduque si une disposition législative venait interférer dans le lancement du processus de négociation. »

M. Maxime Gremetz. Voilà ! C’est un scandale ! C’est un chantage honteux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Qui peut accepter que l’on traite ainsi le Parlement, que l’on bafoue sa légitimité ?

J’ajoute que ce n’est pas parce que les deux parties prenantes, la SNCF et la SOCRIF, vont se désister de leur appel qu’il n’y aura pas de poursuites. Dès lors qu’une plainte a été déposée et que l’instruction de cette affaire est en cours, croyez-vous que le retrait de la plainte avec constitution de partie civile va empêcher la justice d’agir s’il y a eu prise illégale d’intérêt ? Vous savez bien que non, mes chers collègues ! Je ne suis pas le seul à espérer qu’il y aura des poursuites judiciaires et que la justice passera.

Tout cela veut dire, premièrement, que nous ne devons pas légiférer, deuxièmement, qu’il faut laisser les intéressés passer une convention – le ministre vérifiant la qualité de celle-ci en février –, et, enfin, que vous souhaitez qu’il n’y ait pas de poursuites judiciaires après le retrait de la plainte avec constitution de partie civile. Pour ma part, j’espère bien qu’il y aura des poursuites judiciaires, celles-là mêmes qu’on invoque ici lorsqu’on nous parle de prévention de la délinquance ou lorsqu’on construit une organisation sociale dans laquelle est prévue la poursuite de ceux qui enfreignent la loi.

Quand il est question de prise illégale d’intérêts, il n’y a aucune raison pour que la justice ne fasse pas son travail, même si cela arrangerait la SCNF et la SOCRIF. La justice doit faire son boulot !

Mme la présidente. Monsieur Le Bouillonnec, je vous prie de conclure.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et qu’adviendra-t-il de cet accord, s’il y a un renvoi devant les juridictions ? Voilà toutes les questions que nous nous posons.

Cela étant, nous ne mettons pas en cause la façon dont nos collègues essayent de régler le problème. Ce que nous contestons, c’est que le législateur investisse le champ de cette manière. Il n’aurait pas dû y avoir d’ordonnance : il aurait fallu remettre en chantier l’ensemble du problème des SACI. La méthode que vous avez choisie nous met dans une situation inextricable. En février, le problème ne sera pas réglé car vous serez bien obligés d’attendre la fin des poursuites pénales. Encore une fois, j’espère que la justice ira jusqu’au bout. Je ne sais pas ce qu’elle aura à dire, c’est son affaire. Mais, elle doit pouvoir faire son travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Maxime Gremetz. J’en ai appris de belles ! Merci d’avoir apporté toutes ces informations ! Cela fait des années que cela dure mais mon étonnement est toujours aussi grand. Comme s’il suffisait de brandir la menace d’un amendement à l’Assemblée nationale pour que tout s’arrange ! S’il était si facile de contenter tout le monde, ça se saurait. À moins que je n’y comprenne rien ou que les personnes concernées soient de mauvaise foi. Et l’on apprend qu’il y a des affaires et des intérêts financiers en jeu. Dans ce cadre, il n’appartient pas au Gouvernement de faire les propositions qu’il nous soumet par ordonnance. Celles-ci constituent d’ailleurs l’aveu de son échec à trouver une solution plus tôt.

Je ne peux pas y croire. Il y a de la mauvaise volonté ou de la mauvaise foi quelque part. Ces engagements sont « bidon ». Or moi, je ne veux pas prendre des engagements de ce type. Il n’y a pas bien longtemps, on a promis, ici et devant les organisations syndicales, que jamais GDF ne serait privatisé et que la participation de l’État ne passerait jamais en dessous de 70 %. C’était la parole d’un ministre d’État, au nom du Gouvernement et du Président de la République. Or nous savons ce qui s’est passé. Je ne vais donc pas vous faire confiance aujourd’hui. Je ne crois que ce que je vois. Et ce que je vois, c’est un gouvernement qui, malheureusement, ne tient pas souvent ses engagements.

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

ordre du jour
des prochaines séances

Mme la présidente. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement.

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, no 3456, de modernisation du dialogue social :

Rapport, no 3465, de M. Bernard Perrut, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2006, no 3447 :

Rapport no 3469, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures vingt.)