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(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
Comme chacun le sait, à la sortie des années de guerre en ex-Yougoslavie, l'Union européenne a pris, notamment lors du sommet de Zagreb en novembre 2000, des engagements à l'égard des pays des Balkans occidentaux. Mais cela suppose deux choses : d'abord, les pays candidats doivent respecter scrupuleusement les conditions requises ; ensuite, et c'est fondamental, l'Union européenne doit s'assurer qu'elle a la capacité d'accueillir de nouveaux membres sans que soient compromis ni le fonctionnement des institutions, ni les politiques communes, ni leur financement, ni, surtout, l'ambition du projet européen.
Le message de la France lors de ce Conseil sera de dire que la poursuite de l'élargissement, souhaitée par nombre de nos partenaires, ne pourra se faire sans le soutien plein et entier des citoyens européens. C'est vrai en particulier de nos compatriotes, qui seront, à l'avenir, consultés par référendum.
En ce qui concerne la Turquie, vous le savez, les négociations ont été ouvertes le 3 octobre 2005.
Hier, le Conseil « Affaires générales » a débattu du message à adresser à la Turquie suite au refus de ce pays de mettre en œuvre ses obligations à l'égard de Chypre. Comme la France l'avait proposé, le Conseil a accepté le gel de l'ouverture de huit chapitres et le gel de toute fermeture provisoire de chapitre tant que la Turquie n'aura pas respecté ses obligations. Comme nous le souhaitions, il s'agit d'un message de fermeté, qui incite la Turquie à respecter ses engagements.
Le deuxième enjeu qui sera discuté cette semaine est celui de l'immigration. Les afflux de clandestins en Espagne, en Italie, à Malte et en Grèce ont fait des questions migratoires un thème dominant de ce semestre. Devant ce phénomène massif qui ne connaît pas de frontières, l'Union européenne a su, et nous ne pouvons que nous en réjouir, faire la preuve de sa solidarité.
C'est cet esprit de solidarité collective qui a commandé l'approche globale définie par le Conseil européen il y a un an. L'important, aujourd'hui, est d'approfondir cette approche globale et sa mise en œuvre. La Commission européenne a récemment présenté plusieurs propositions dans ce sens, et nous pourrons en appuyer le plus grand nombre, qu'il s'agisse du renforcement des frontières maritimes, d'une meilleure articulation entre politique migratoire et politique de développement, de la mise en œuvre du plan d'action de Rabat ou encore de l'intensification du dialogue avec les pays d'origine et de transit.
Mais il doit être clair que la responsabilité première, en matière migratoire, doit rester aux États, qui doivent pouvoir décider en fonction des caractéristiques qui leur sont propres, au regard de la situation de leur marché du travail et de leur capacité d'accueil. À ce titre, nous ne pouvons accepter une gestion commune, ni une définition européenne des quotas.
Mesdames et messieurs les députés, à partir du 1er janvier prochain, l’Allemagne assumera la présidence de l’Union. Elle s’est fixé des objectifs concrets concernant l'achèvement du marché intérieur. Nous pouvons compter sur elle pour renforcer la compétitivité de l'économie européenne. Nous soutiendrons pleinement les Allemands dans cette mission, dans le respect de l'acquis communautaire. Enfin, nous partageons bien des priorités de la présidence allemande, qu'il s'agisse des questions énergétiques, qui seront aussi à l'ordre du jour du prochain Conseil européen, ou bien en matière de relations extérieures, avec la nouvelle politique de voisinage renforcée, qui inclut la Méditerranée, les Balkans occidentaux et l'Asie centrale.
S'agissant des questions institutionnelles, nous devons progresser dans nos débats sur le traité constitutionnel et sur les évolutions possibles. La présidence allemande devrait présenter, au cours du premier semestre de 2007, un rapport relatif à ces débats. Nous l'y invitons, car il est essentiel que des décisions soient prises sur la réforme institutionnelle au plus tard au deuxième semestre de 2008, c'est-à-dire au cours de la présidence française.
Enfin, la future présidence allemande aura pour mission de préparer une déclaration politique qui sera adoptée par les responsables de l'Union à Berlin, le 25 mars prochain.
Enfin (« Enfin ! Enfin ! Qu’il en finisse ! » sur les bancs du groupe socialiste), …
Le Conseil européen devra ensuite aborder les questions de sécurité internationale, et en premier lieu la situation au Moyen-Orient et au Liban. S’agissant plus particulièrement de ce dernier, la France réaffirmera son attachement à un Liban souverain, indépendant et démocratique.
Le Conseil européen évoquera aussi l’Iran. Nous aurons ainsi l’occasion de faire le point sur les travaux en cours au sein du Conseil de sécurité. Il s’agit pour nous de faire adopter une résolution qui devrait marquer une première étape dans les mesures de sanction contre le régime de Téhéran. Mais comme vous le savez, ces mesures sont proportionnelles, réversibles et progressives. Elles ne visent que le domaine nucléaire et balistique.
Au-delà de la question nucléaire iranienne, permettez-moi, monsieur le président, de redire ma condamnation la plus ferme de la conférence sur l’holocauste qui se tient actuellement à Téhéran. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et du groupe socialiste.) Nous assistons là à la résurgence des thèses négationnistes ou révisionnistes, qui ne sont tout simplement pas acceptables.
S'agissant de l'Afrique, le Conseil européen évoquera le chemin que nous avons parcouru, un an après le lancement de la stratégie de l'Union européenne pour l'Afrique lors du Conseil européen de décembre 2005. Le Conseil Européen devrait saluer le bon déroulement du processus électoral en République démocratique du Congo – un processus électoral que l'Union a soutenu et accompagné, en déployant notamment la mission EUFOR. Avec la mise en place d'un nouveau parlement et l'investiture du président du Congo, M. Kabila, l'année qui s'achève marque un nouveau départ : le Conseil européen devra rappeler à cet égard la volonté de l'Union de rester engagée aux côtés de la République démocratique du Congo.
À quelques mois de l'élection présidentielle, ce nouveau sommet européen prend en France une résonance particulière et permet de dresser le bilan des politiques européennes que vous avez impulsées et cautionnées depuis cinq ans. Ce bilan est d'autant plus indispensable que le contexte économique et social est très lourd. Les décisions que vous contribuez à mettre en œuvre au sein de l'Union européenne menacent d'élargir le champ et le nombre des victimes de l'Europe capitaliste. Au rêve européen a succédé le cauchemar de la vie quotidienne pour des millions de familles dans l'Union européenne, celui d’une Europe qui recense 70 millions de pauvres, 25 millions de chômeurs, des dizaines de millions de salariés précaires et sous-payés.
Au passage, il n'y a vraiment pas de quoi être fier d'apprendre par un sondage publié la semaine dernière dans L'Humanité et La Vie Catholique (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) qu’un Français sur deux pense qu'il pourrait lui-même devenir un sans abri. On est vraiment loin de votre autosatisfaction lénifiante !
L’élargissement en lui-même peut apparaître comme un projet séduisant. Il vise l'unité de l'Europe et le rapprochement des peuples. Mais cette perspective est obscurcie et pervertie par la mise en concurrence des populations. Au lieu d’unir, l'Europe divise, impose le dumping social et fiscal, la casse des services publics et des acquis sociaux, les pressions sur les salaires.
Il y a aussi, évidemment, la question de l'avenir du projet de traité constitutionnel, sur lequel la présidence finlandaise entend faire le point. Les députés communistes et républicains considèrent que la France n'a pas à faire profil bas en la matière. Non seulement ce texte est caduc, mais l’Europe n'est pas sortie de la crise de confiance qui règne entre les citoyens et l'Union.
En Europe, par exemple, le secteur automobile représente dix millions d'emplois, dont un million et demi d'emplois directs et indirects en France. Ce secteur est dans la tourmente. Le démantèlement de l'usine Volkswagen de Forest, en Belgique, est là pour nous le rappeler. On peut craindre une crise dont l'ampleur risque de dépasser, selon certains observateurs, celle de la sidérurgie. Pour faire jouer le moins-disant social et à défaut d'harmonisation fiscale et sociale par le haut, les entreprises délocalisent à tout va vers les pays de main-d'œuvre sous-payée.
C’est intolérable ! Mais que fait le Gouvernement ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
A cet égard je veux dénoncer plusieurs décisions récentes qui tournent le dos aux aspirations de nos concitoyens.
La directive Bolkestein d'abord, puisque le Conseil européen a approuvé le mauvais compromis sur lequel s'était arrêté le Parlement le 12 février. On y a ajouté l'idée dangereuse que le droit du travail doit désormais respecter le droit communautaire, selon une jurisprudence tout entière favorable au jeu destructeur et antisocial de « la concurrence libre et non faussée ».
De même, le Conseil a rétabli le pouvoir exorbitant de la Commission, devant laquelle chaque État devra justifier sa législation. Confirmation est ainsi donnée de la surdité de l'Union aux attentes des peuples : elle continue de privilégier l'harmonisation par le marché à l'harmonisation des droits.
Nous dénonçons aussi le règlement Reach, qui concerne la toxicité des produits chimiques et aurait dû aboutir à renforcer la protection de l'environnement et de la santé humaine, à écarter le risque d'un nouveau scandale de type amiante ou éthers de glycol. Il n’en sera rien, le Conseil européen n’ayant pas résisté au lobbying des groupes industriels.
Autre sujet de mobilisation pour les salariés et les peuples européens : la prétendue « modernisation du droit du travail ». Les intentions sont claires : prendre des mesures « visant à adapter le contrat de travail classique, dans le but de favoriser une flexibilité accrue ». Il s'agit là d'une offensive aussi considérable que celle de la directive Bolkestein. Je vous demande, monsieur le ministre, quelle est la position du Gouvernement sur les suites à donner à ce projet, qui veut déstructurer le droit du travail et niveler par le bas les législations nationales.
J’aborderai enfin la question de l'euro fort, sur laquelle vos amis européens vous laissent bien seuls. À la vérité, c'est le diktat absolu de la Banque centrale européenne, dont l’œil est rivé en permanence sur les marchés financiers et qui s’impose aux Européens. Allez-vous, monsieur le ministre, réclamer que soient remises en cause l'indépendance et les missions de la BCE ?
Il faut en finir avec une politique qui taille dans les dépenses publiques et sociales, bloque la progression des salaires, pèse sur la consommation des ménages et fait obstacle à la croissance, pendant que les actionnaires se régalent des bénéfices des grands groupes multinationaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Enfin, il faut libérer les services publics de la soumission aux règles de la concurrence pour conforter l'efficacité sociale de leurs missions.
Votre gouvernement s'enferre dans la privatisation de Gaz de France et feint de vouloir préserver les tarifs réglementés du gaz, mais il n'a pris aucune initiative forte pour que soit adoptée une directive sur les services publics, qui en ferait l'un des piliers de la construction européenne. Allez-vous donner un prolongement à cette attente et répondre ainsi à la pétition lancée par la Confédération européenne des syndicats ?
Agir pour une Europe sociale, démocratique, solidaire et pacifique, telle est la perspective qui mobilise, aux côtés du monde du travail, les députés communistes et républicains ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Au milieu de ces difficultés, il nous est apparu intéressant, dans le cadre de ce dialogue avec le Gouvernement, d'attirer son attention sur deux sujets qui préoccupent l'opinion, d'une part l'élargissement et d'autre part les migrations.
Sur l'élargissement, comme l'a souligné à plusieurs reprises le président Balladur, il est grand temps de marquer une pause tant que n’aura pas été réglé le problème des institutions de l'Europe.
Nous voyons déjà les difficultés rencontrées avec la Turquie dans le cadre des négociations d'adhésion. Je n’ai pas l’intention de m’attarder sur l'opportunité de son entrée dans l'Union européenne – le débat a été ouvert et il est loin d'être clos –, mais en décidant l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Turquie, l'Europe savait que ces négociations seraient longues et difficiles, d'autant plus longues que les difficultés croîtraient.
Le 29 novembre, la Commission européenne a recommandé au Conseil le gel de la négociation de certains chapitres en raison du refus de la Turquie de permettre, malgré la déclaration du Conseil du 21 septembre 2005, l'ouverture de ses ports et aéroports à la République de Chypre ; malgré les efforts louables de la présidence finlandaise pour tenter de trouver un compromis, l’échec est patent. Du fait de l'intransigeance turque, les négociations d'adhésion, si elles ne sont pas suspendues, sont sérieusement ralenties.
Il est souhaitable que, sur cette question importante, le Gouvernement français continue de faire preuve de vigilance et de fermeté, comme il l’a déjà démontré, et je me permettrai de faire miennes les conclusions du groupe de suivi des négociations avec la Turquie mis en place par la commission des affaires étrangères à la demande de son président et présidé par Hervé de Charrette. En effet, dans ses conclusions, le rapport du groupe de suivi rappelle que les négociations avec la Turquie doivent reposer sur un triptyque : clarté, responsabilité et démocratie. S'il se réjouit de la décision de l'Union européenne face à l'obstination turque, il souligne la nécessité pour le Gouvernement français de rappeler aux négociateurs européens qu'il est important, en ce domaine comme en d'autres, d'avoir une position exigeante mais aussi équilibrée, et que fermeté ne signifie pas hostilité, d'autant qu'à défaut d'adhésion, d'autres formules peuvent exister.
Reste un point important en matière d'élargissement, c'est la question de la capacité d'absorption, que le prochain Conseil européen devra examiner. À cet égard, il n'est pas inutile de rappeler que le Conseil européen de Copenhague a non seulement fixé les critères que l’on connaît mais également fait référence à une notion qui, cette fois-ci, n'est plus de la responsabilité du candidat mais de l'Union elle-même, à savoir sa capacité à assimiler de nouveaux membres, tout en maintenant l'élan de l'intégration européenne.
De ce point de vue, la France n'a cessé d'appeler l'attention de ses partenaires sur la nécessité de ne pas mettre en danger, par une politique d'élargissement mal maîtrisée, la capacité de l'Union à maintenir la cohérence de son projet. Cette nécessaire adaptation doit permettre de s'assurer du soutien des peuples à la poursuite de l'élargissement.
Lors du Conseil européen de Bruxelles des 15 et 16 juin 2006, le Gouvernement français a rappelé la nécessaire prise en considération de cette notion de « capacité d’absorption », reprise d'ailleurs dans les conclusions de la présidence. Mais, au-delà des mots et des déclarations, force est de constater que cette capacité est difficile à évaluer. Elle ne peut dépendre que de la réponse qui sera donnée aux questions de fond : quelle Europe voulons-nous, une simple Europe des marchands, auquel cas la capacité d'absorption sera grande, ou une Europe politique, mais alors pour quelles politiques, avec quelles frontières et avec quels partenaires ? Et dans tous ces cas, la capacité d'absorption ne sera plus la même. Voilà les vraies questions auxquelles nous n'avons pas encore répondu, en raison d'ailleurs des différences – voire des divergences – de point de vue entre les pays de l'Union.
L’année 2006 aura également été marquée par le problème de l’immigration. Cette question difficile doit être traitée avec humanité mais aussi fermeté, en prenant le problème le plus en amont possible, en cassant les filières mafieuses, en aidant les pays africains à offrir à leurs habitants les moyens de vivre dignement.
Mais la question migratoire pose plus précisément le problème du renouvellement des générations en Europe et de notre capacité à organiser une immigration active, positive, où les pays européens et les pays de provenance trouvent leur intérêt commun. À cet égard, il est intéressant de noter l'importance du dialogue et du partenariat. C'est dans cet esprit que le Maroc a accueilli, les 10 et 11 juillet 2006 à Rabat, la conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement. Cette initiative a constitué une première par son importance et le thème abordé. Reste la mise en œuvre de ces mesures, pour laquelle se mettent actuellement en place des groupes de travail au plan européen et africain.
Au plan européen, depuis le Conseil européen de décembre 2004, le contrôle aux frontières extérieures, l'asile et l'immigration clandestine sont désormais régis par la règle de la majorité qualifiée, l'immigration légale demeurant en revanche régie par l'unanimité.
À juste titre, notre pays n'est pas favorable à ce que la question des migrations légales soit gérée au plan européen, malgré la proposition, en juin 2006, de la Commission. En effet, les États doivent disposer d'une marge d'appréciation propre pour déterminer la politique à suivre en ce domaine. Il ne faut pas oublier que tous les pays membres de l’Union ne sont pas confrontés à des problèmes de migrations de même nature.
Pour autant, si la politique d'immigration légale doit demeurer de la compétence nationale, rien n'interdit de mettre en place des « coopérations spécialisées », c'est-à-dire des coopérations entre les États les plus concernés par la question migratoire.
Les bases de ce pacte européen sur l'immigration ont été proposées par le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, à ses collègues des pays du Sud de l'Union européenne, fin septembre 2006 à Madrid, Ce pacte européen pourrait permettre un partenariat euro-africain de gestion des flux migratoires, avec un renforcement et un redéploiement de l'aide au développement de l'Union européenne sur des projets destinés à favoriser la stabilisation des populations. C'est vers une immigration partenariale qu'il convient de s'orienter et la France doit y apporter sa contribution.
Vous voudrez bien, monsieur le ministre, me confirmer la position du Gouvernement sur ces différentes questions relatives à l'immigration et son attachement à soutenir la poursuite de la politique mise en place avec les pays du Sud de la Méditerranée, dans le cadre de la convention de Barcelone de 1995.
Même si le processus de Barcelone n'a pas totalement répondu aux attentes qu'il avait suscitées, il a permis, avec les programmes MEDA I et II, de contribuer à la modernisation des économies des pays du Sud. La « politique de voisinage » est désormais le cadre dans lequel s'organiseront les relations entre l'Union européenne et ses voisins. À cet égard, j'y insiste, les pays du Sud de l'Europe ne devront pas être tenus à l'écart et, comme l'a souhaité à juste titre le Président de la République, l'aide consentie devra être supérieure à celle déjà accordée dans les programmes MEDA. C'est l'une des conditions essentielles pour l’instauration d’un nouvel équilibre durable entre les deux rives de la Méditerranée. Et c'est la vocation de la France de soutenir la construction de cet équilibre et plus largement de celui de notre continent. Car c'est bien d'équilibre que l'Europe a besoin, dans un monde qui semble, malheureusement, avoir perdu toute mesure. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Le récent rapport de l'OCDE sur la recherche est l'illustration accablante de cette inertie. Là où les puissances émergentes investissent massivement dans la matière grise, l'Europe continue de décrocher ! Où est l'augmentation du budget communautaire ? Où sont les programmes de nouvelles technologies ? Où est la mise en réseau des laboratoires, des universités et des entreprises ? (« Où est le plan B de Fabius ? ») Six ans après le lancement de la stratégie de Lisbonne, qui devait constituer la zone de recherche la plus performante au monde, nous sommes toujours à l'année zéro.
Sur tous ces dossiers, monsieur le ministre, j'ai le regret de constater que notre pays n'a pas montré l'exemple. Entre une économie atone et un pouvoir en bout de course (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), son isolement est apparu saisissant quand le ministre des finances a essuyé le refus de nos partenaires d’assouplir la politique de l'euro fort. À la rebuffade s'est ajoutée la décision de la Banque centrale d'augmenter ses taux d'intérêt. Voilà comment une juste cause s'est muée en Waterloo !
Oui, nous avons besoin d'une vraie coordination économique de la zone euro. Oui, il faut éviter que l’indépendance de la Banque centrale n’aboutisse à son omnipotence. Elle doit travailler avec le Conseil européen à une stratégie économique et monétaire qui soutienne la croissance, l'investissement et l'emploi. Et nous proposons que ses missions soient complétées en ce sens. Seulement, mesdames et messieurs les ministres de ce gouvernement, à force de vous disperser depuis cinq ans dans des batailles solitaires : la TVA sur la restauration, la PAC, la fusion entre Suez et GDF, à force de vous défausser de vos échecs sur l'Union, vous avez perdu toute capacité de l'entraîner sur les enjeux essentiels. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
S’agissant tout d’abord de l'élargissement, que M. Blum vient d’évoquer, il faut avoir le courage de dire que les adhésions – justifiées – de la Bulgarie et de la Roumanie sont les dernières avant la pause. Tant que l'Europe n'aura pas adapté ses institutions, réduit les distorsions de concurrence économiques, sociales et fiscales, défini ce que sont ses frontières, une halte s'impose.
Cela vaut évidemment pour la Turquie. Les socialistes…
La même exigence s'applique à la question migratoire. Alors que tous les pays de l'Union font face à cet exode de la misère, que tous sont confrontés à des tensions xénophobes, la seule réponse reste le « chacun pour soi ». La politique commune décidée il y a dix ans dans le traité d'Amsterdam se résume pour l'essentiel au renvoi des clandestins. C'est un grave manquement. L'immigration est un phénomène massif et durable et, s’il n’est pas traité de façon globale et continue à l’échelle de toute l’Europe, nos murailles législatives et policières continueront à être contournées.
Oui, il est vital d’harmoniser les politiques nationales en matière de droit d'asile, de régularisation et de reconduite à la frontière. Oui, il faut mettre en œuvre une politique concertée d'immigration partagée et de co-développement avec les pays pauvres, avec l'établissement d'un droit à l'aller-retour, le développement de dispositifs d’incitation à l'investissement, le regroupement et la transparence des aides au développement. Alors, forte de cette clarté, l'Europe pourra exiger que les pays d'origine s'engagent à maîtriser leurs flux migratoires. Car les destins de l’Europe, du Maghreb et de l’Afrique tout entière sont étroitement liés.
La troisième preuve que l’Union européenne doit donner de son évolution, c'est sa politique de l'énergie. Or ce que vous avez fait en cette matière est navrant. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous avez abandonné toute maîtrise des tarifs en acceptant l'ouverture sans conditions du marché des particuliers.
Tout est à reprendre à zéro. Il nous faut d'abord convaincre nos partenaires de négocier ensemble la sécurité de nos approvisionnements avec les pays producteurs et promouvoir avec eux un programme d'énergies renouvelables qui garantisse notre indépendance énergétique et la santé de nos économies. Comment ne pas voir, en effet, que la dérégulation des prix de l'énergie étrangle aujourd'hui les entreprises et étranglera demain les ménages ? La création d'un régulateur public à l'échelle européenne est un impératif si l'on veut que chacun ait accès à des tarifs de l'énergie abordables. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) La négociation d'une directive cadre sur les services publics doit en être le levier. La France doit s’engager dans cette direction. C’est en tout cas la position des socialistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Je le dis avec force, notre politique européenne doit changer. L'arrogance doit céder la place au sérieux. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Les proclamations doivent devenir des preuves, les démarches solitaires se transformer en réalisations collectives au service de nos peuples. Peu importe la formule : initiatives intergouvernementales, coopérations renforcées, politiques communautaires. Seules comptent l'efficacité et la rapidité de la réponse. Dans cet esprit, l’Union européenne n’a plus ni les moyens ni le temps de se perdre dans une renégociation d'ensemble du traité constitutionnel. La solution la plus concrète, la plus praticable, serait de soumettre à nos peuples un traité plus modeste avec les dispositions institutionnelles qui font consensus et qui permettraient enfin à l'Union de fonctionner à vingt-sept. Cette proposition présente l'avantage de tenir compte des inquiétudes – réelles – des pays qui ont dit « non » sans qu’aient à se déjuger ceux qui ont voté « oui » par la voie parlementaire ou par référendum, comme l’Espagne.
Heureusement, les années Chirac se terminent (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)…
En 2007, il ne suffira pas de tourner la page et de remplacer l’actuel Président de la République par son ministre de l'intérieur. Il faudra faire la preuve que la France change pour que l'Europe change. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Recréer la confiance, c'était, pour l'UDF, répondre aux inquiétudes exprimées par les Français devant une façon technocratique de faire l’Europe sans le peuple, qu’ils ont sanctionnée. Nos concitoyens n’entendent plus approuver a posteriori les décisions importantes, ils veulent y être associés. Plus de démocratie, plus de transparence, c'est un impératif auquel personne n'échappera.
Il est également primordial de tourner la page d’une Europe qui souffre de n'avoir ni identité ni frontières. Ainsi que nous l'avions dit, plutôt que de définir l'Union par rapport à un nouveau candidat, c'est sa nature même qu'il faut déterminer.
Les négociations sur l’adhésion de la Turquie en sont un bon révélateur. Alors qu’elles viennent d’être ralenties, voire interrompues sur plusieurs chapitres, il faudrait au moins avoir le courage de dire aux Turcs qu'ils sont engagés dans une impasse (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française) et qu'ils pourraient légitimement espérer une autre voie, comme le partenariat privilégié, par exemple.
Aujourd’hui, en réalité, il n’est aucun sujet concernant notre avenir national qui puisse trouver de réponse satisfaisante hors de la dimension européenne.
Ainsi, pour l'énergie, quelle stratégie commune permettra d'assurer la sécurité de l’approvisionnement ? Comment mieux promouvoir les économies d'énergie et les énergies renouvelables, bref le développement durable ? La mise en place d'une politique européenne de l’énergie sera, semble-t-il, l’un des grands enjeux de l'année 2007. Nous nous en félicitons ! L’Europe s’est d'abord construite avec la politique énergétique, nous l’avons rappelé. De même, nous nous réjouissons qu’un dialogue fructueux ait pu être engagé avec la Russie, même s’il ne s'agit que d'une déclaration de principe dont les détails doivent, théoriquement, être précisés au Conseil européen. Il est vital de parvenir à un accord. L’Europe a besoin d’énergie, de nos énergies !
Autre sujet qui tourmente l’opinion française, comme d’ailleurs toutes les opinions publiques européennes : la question des flux migratoires. L’Europe va-t-elle les gérer à ses frontières ? Sur le droit d’asile, la régularisation et l’immigration, la nécessité d’une politique commune et d’une harmonisation juridique n’est plus à démontrer. Avec la suppression des frontières intérieures au sein de l’Union, un État ne peut à lui seul contrôler les mouvements de population. En outre, chaque État est directement concerné par les politiques des autres membres de l’espace Schengen.
Et puis, comment ne pas parler d'emploi ? L'Union va-t-elle relancer l’économie de la connaissance, qui peut développer le travail et améliorer le pouvoir d'achat de sa population ? La France a-t-elle pris la mesure de ses engagements dans le cadre de la stratégie de Lisbonne ? S’est-elle donné les moyens de les honorer ? Hélas non : la loi de programmation pour la recherche de 2005 reste très en deçà des ambitions affichées. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) En dépit des moyens financiers investis, elle ne permettra pas de combler notre retard car l’effort déployé est resté trop longtemps insuffisant. Pour atteindre à notre tour l’objectif affiché, il faudra encore améliorer substantiellement la situation des jeunes chercheurs, débrider la recherche universitaire, accroître l’autonomie des établissements, investir puissamment dans l’enseignement supérieur et surtout renforcer le lien entre la recherche publique et le secteur privé.
Enfin, il est urgent de proposer de nouvelles institutions démocratiques et efficaces pour l’Europe. Certains s'efforcent de reprendre tout ou partie du précédent traité constitutionnel. L’UDF estime que les Français ne se contenteront pas d'un projet bricolé. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) D’autres, à droite comme à gauche, osent proposer une ratification parlementaire minimale. Là encore, nous doutons que le peuple français accepte d’être ainsi mis à l’écart.
Mais il n’y aura pas de relance de l’Europe sans des gouvernants français engagés dans le projet européen, et pas seulement avec un ministère délégué aux affaires européennes. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) L’Europe n’est pas qu’un chapitre de l'action gouvernementale ; elle devrait être une composante de chacun des choix politiques. Il est, par ailleurs, regrettable que peu de candidats à la présidentielle intègrent dans leur programme cette dimension européenne (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française), certains – ou certaines – allant même jusqu’à l'occulter totalement de leur discours d’investiture. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Sur ce sujet, nous le savons, le clivage entre droite et gauche n’a pas de sens. Comme nous y invite François Bayrou (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), …
Le bilan n’est pas à la hauteur de nos espérances. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)
L’Union n’a pas d’institutions adaptées à ses nouvelles dimensions. Comment décider à vingt-sept et à l’unanimité ? La multiplicité des acteurs, des intérêts, des langues rendent impossible l’émergence d’une volonté commune. Mais la résignation n’est pas de mise. Devant les défis, les risques, nous devons faire face. Il n’y a pas de fatalité.
Sans évoquer à nouveau l’Europe plus souple et variée que l’on a baptisée « l’Europe des cercles », je voudrais insister sur deux questions essentielles.
D’abord, s’agissant de la politique d’élargissement, qui va être débattue lors du Conseil européen, le rapport de la Commission est à certains égards décevant. Ce qui est en cause, en effet, ce n’est pas la capacité d’absorption économique et financière de l’Union, mais les principes mêmes de sa cohésion politique.
La seconde question est celle de la réforme de l’Europe, dont j’aimerais que notre pays soit le plus ardent défenseur. Outre la création d’une présidence stable de l’Union et d’un service diplomatique, ainsi qu’une meilleure association des parlements nationaux, la réforme de l’Europe élargie passe par deux mesures, simples dans leur principe mais difficiles dans leur application. Avec près de trente membres, il faut étendre le principe de la majorité si l’on veut pouvoir encore décider. Dans le domaine fiscal, policier, judiciaire ou social, des progrès sont possibles, mais pas avec la règle de l’unanimité. Cette extension a toutefois pour condition de mieux tenir compte du poids respectif des États membres, de leur surface, de leur population et de leur force économique. C’est un débat difficile, mais je souhaite que la France en prenne la responsabilité.
La construction européenne a commencé par l’économie. Aujourd’hui, les problèmes sont plus complexes, de nature proprement politique : poids des États, équilibre des institutions. L’objectif – et c’est le nœud de tout – est que l’Europe ait une capacité à décider dans les domaines diplomatique et militaire. Il nous faut aborder le monde tel qu’il est, c’est-à-dire de plus en plus dangereux. L’Europe doit donc se donner les moyens de peser sur le cours de l’histoire. Quant à la France, elle ne sera fidèle à sa vocation qu’en tenant à ses partenaires un langage de vérité – difficile, mais impérieusement nécessaire. Il faut inventer une nouvelle conception de l’Europe ; je souhaite, monsieur le ministre, que la France en prenne l’initiative. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
La question migratoire est un sujet essentiel, comme l'ont montré – vous l’avez rappelé, monsieur Blum – les différentes crises que l’Europe a connues cette année dans ce domaine. Certains d’entre vous nous ont dit ne rien voir venir sur ce sujet. Il leur suffisait pourtant, monsieur Ayrault, d’ouvrir les yeux sur ce que nous avons fait depuis un an. Il était nécessaire d'inscrire cette question au cœur de l'agenda européen, c’est désormais chose faite. Si certains pays sont plus exposés aux entrées par voie maritime, le problème nous concerne tous, et c’est donc de façon solidaire que nous devons bâtir une véritable politique européenne des migrations.
Comme l'a rappelé le ministre des affaires étrangères, nous disposons désormais d’un cadre général, « l’approche globale », validée par le Conseil européen en décembre 2005 et qui repose sur l'équilibre entre le renforcement des contrôles et le renforcement de la coopération et du développement.
La France soutient pleinement cette démarche, comme l’a rappelé expressément le cinquième comité interministériel de contrôle de l'immigration, présidé par le Premier ministre, le 5 décembre dernier. Car nous savons bien que le problème doit être d'abord traité à sa source.
Le projet de conclusions du Conseil européen formule un certain nombre de mesures, sur la base notamment des propositions récentes de la Commission, pour renforcer la mise en œuvre de l'approche globale. Ces mesures vont dans le bon sens et nous les soutenons globalement. On peut en citer quatre en particulier.
Premièrement, l'intensification du dialogue avec les pays tiers, car il est indispensable d'associer tous les acteurs concernés : pays d'origine, de transit et de destination, comme il a été possible de le faire lors des conférences de Rabat en juillet 2006 – plus de soixante pays y étaient réunis – et de Tripoli en novembre dernier.
Deuxièmement, le renforcement des activités opérationnelles de gestion des frontières maritimes, qui passe notamment par le développement de l'Agence Frontex ou la création d'un réseau de patrouilles côtières. Les opérations menées cette année au large des îles Canaries et de Malte ont montré qu'il fallait gagner en réactivité lorsque survient une crise migratoire. Pour cela, l'Agence Frontex doit disposer de plus de moyens humains et financiers, ce qui est prévu dans le projet de loi de finances pour 2007, avec le triplement du budget de l'Agence, qui passera de 11 millions à 33 millions d’euros. L’Agence doit également pouvoir s'appuyer, de façon plus efficace, sur les moyens nationaux des États membres.
Troisièmement, l'articulation entre politique migratoire et politique de développement, qui sera renforcée, avec notamment la mise en place d’un programme « migration et développement » doté de 40 millions d'euros financés sur le neuvième FED. Je rappelle à la représentation nationale que nous avons reconstitué l’an dernier le dixième FED à hauteur de 22,5 milliards d’euros.
Quatrièmement, enfin, la mise en place d'une meilleure concertation sur l'immigration légale qui mérite également notre attention, même s'il doit être clair que la politique d'admission reste de la responsabilité des États et qu'il ne saurait y avoir de définition de quotas au niveau européen. Philippe Douste-Blazy vous l’a très clairement précisé.
Au-delà, ma conviction est qu'il est essentiel de mettre en place une véritable discipline commune entre les États membres, tout particulièrement au sein de l'espace Schengen. En effet, les décisions internes qu'ils prennent peuvent avoir des conséquences graves sur les autres États membres. Il existe, depuis octobre 2006, un mécanisme d'information mutuelle sur les mesures des États membres dans les domaines de l'asile et de l'immigration. C'est un premier pas, mais il faudra, selon nous, aller plus loin et mettre par exemple en place une véritable concertation entre les États membres, avant qu'ils ne prennent leurs décisions nationales.
Cependant, il n'y aura pas de politique européenne efficace dans ce domaine sans amélioration des mécanismes de décision. L'unanimité, dans ces matières, est un frein. C'est pourquoi, en dépit des réticences de certains de nos partenaires, le Gouvernement reste très attaché à l'utilisation des clauses passerelles prévues par les traités, qui permettraient de passer à la majorité qualifiée du Conseil, sur décision prise unanimement et de faire du Parlement européen le co-législateur. Ce serait un grand progrès. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Enfin, le Conseil européen devrait confirmer l'accord trouvé au Conseil, il y a quelques jours, sur l'élargissement de l'espace Schengen et sur le calendrier de levée des frontières intérieures. La France se félicite de cet accord qui permettra aux nouveaux États membres de rejoindre l'espace Schengen en décembre 2007. Ils y sont en effet très attachés ; nous souhaitons, pour notre part, que la frontière extérieure de l'Union soit contrôlée avec efficacité. C'est pourquoi une telle décision est politiquement très importante.
Monsieur Blum, vous avez souhaité que je fasse le point sur les derniers développements du processus de Barcelone, ce que je ferai volontiers. La conférence des ministres des affaires étrangères qui s’est tenue à Tampere les 27 et 28 novembre, a montré l’attachement de tous les États membres et de tous leurs partenaires méditerranéens au partenariat euro-méditerranéen, qui est la seule enceinte de dialogue et de coopération continus entre les deux rives de la Méditerranée. Elle a adopté une déclaration qui fixe un programme de travail pour les trois prochaines années, mais les avancées de ce processus ne se réduisent pas à cela. De son côté, l’Union européenne a confirmé son engagement financier en faveur de la Méditerranée. L’instrument européen de voisinage et de partenariat qui succédera aux programmes MEDA et TACIS pourra compter sur une enveloppe totale de 12 milliards d’euros pour la période 2007-2013, en augmentation de 30 % par rapport aux instruments existants. La France a veillé à ce que l’équilibre actuel dans la répartition des crédits entre les voisins de l’Est de l’Union et ceux du Sud soit préservé. Plus des deux tiers des crédits iront à ces derniers pour les trois premières années. Enfin, le Conseil européen devrait confirmer l’accord obtenu au Conseil ECOFIN début décembre sur le renouvellement des mandats extérieurs de la BEI. Cet accord prévoit une augmentation de l’enveloppe pour la Méditerranée – 8,7 milliards d’euros pour 2007-2013, soit autant que pour les pays de la pré-adhésion – et un renforcement du mandat de la Facilité euro-méditerranéenne d’investissement et de partenariat.
J’en viens à la politique d’innovation, évoquée notamment par M. Artigues. Cette politique sera abordée par le Conseil européen. C'est l'une des priorités de la présidence finlandaise, à juste titre, car c'est une condition indispensable de l'adaptation efficace de nos économies à la mondialisation. L'Union européenne ne consacre, à l’heure actuelle, que 2 % environ de son produit intérieur brut à la recherche et au développement contre 2,5 % pour les États-Unis et 3 % pour le Japon. Nous sommes conscients des efforts qu'il reste à produire, tant sur les dépenses privées que sur les dépenses publiques. Mais nous nous sommes engagés dans la bonne direction : en France, la loi de programme sur la recherche adoptée en avril prévoit un effort de 19,4 milliards d'euros supplémentaires entre 2005 et 2010 ; au niveau européen, le budget de la recherche de l'Union dépassera 54 milliards d’euros pour la période 2007-2013, soit une augmentation de plus de 36 % par rapport à 2006.
Nous devrons aussi améliorer les règles européennes en matière d'innovation, y compris pour les brevets, et je sais que c'est un sujet sur lequel vous vous êtes penché à plusieurs reprises. Au Conseil européen de Lahti en octobre dernier, le Président de la République a fait des propositions pour sortir du blocage actuel et prendre appui sur le cadre communautaire pour unifier en priorité le contentieux des brevets en Europe. Cette unification sera le meilleur moyen pour parvenir à un accord sur le brevet communautaire que la France souhaite. Notre pays continuera à agir cette semaine pour que les Vingt-cinq reprennent cette proposition.
D'autres volets de la politique d'innovation méritent d'être encouragés et le seront par le Conseil européen. Je pense en particulier aux initiatives technologiques conjointes, qui sont des partenariats public-privé entre la Communauté, les États membres et les industriels, et à la création d'un institut européen de technologie, pour laquelle une proposition de la Commission, que la France soutient, est maintenant sur la table du Conseil.
Pour ce qui est de l’énergie, le Conseil européen du printemps 2007 décidera d'un plan d'action détaillé et des grandes priorités en la matière. Ce sera, monsieur Artigues, un rendez-vous essentiel. L'importance des enjeux énergétiques justifie que la question soit désormais abordée à chaque Conseil européen, comme c'est le cas depuis un an, à l’initiative de la France – dois-je vous le rappeler, monsieur Ayrault ? Ce dossier progresse chaque trimestre. Ainsi la Commission a-t-elle présenté, le 19 octobre dernier, un plan d'action pour l'efficacité énergétique, qui prévoit notamment des efforts supplémentaires dans les domaines du bâtiment et des transports, l'amélioration du financement de l'efficacité énergétique, notamment pour les petites et moyennes entreprises, et la création d'un marché intérieur de la performance énergétique, en particulier par le renforcement des normes et de l'étiquetage. La France est favorable à ce plan, auquel le Conseil européen, qui l'a accueilli positivement en novembre, devrait, je le présume, confirmer son appui. Par ailleurs, un réseau européen des correspondants pour la sécurité énergétique devrait être mis en place début 2007, ce qui permettra de faire face avec plus d'efficacité à une éventuelle crise d'approvisionnement. Il faudra faire encore davantage : le renforcement des infrastructures d'interconnexion est, par exemple, indispensable, nous l’avons constaté. De même, l'Europe devra apprendre à parler d'une seule voix en matière énergétique. Comme vous le savez, la France a fait de nombreuses propositions en la matière, en prévoyant notamment la mise en place d'un représentant spécial pour l'énergie.
À propos de l'énergie, permettez-moi, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de saluer le rapport d'excellente qualité de la mission d'information « Énergie et géopolitique » que vous avez pris l'initiative de créer. Le Gouvernement est en plein accord avec les trois objectifs que vous assignez à la future politique européenne de l'énergie et qui sont la sécurité d'approvisionnement, la protection de l'environnement et le renforcement de la compétitivité. Les recommandations de ce rapport sont un guide précieux et stimulant pour la construction de l'Europe de l'énergie, qui s'ébauche depuis un an maintenant.
Le Conseil européen de cette semaine donnera également une impulsion à la lutte contre le réchauffement climatique. L'Europe est naturellement en pointe en ce domaine. Lors de la conférence des Nations unies de Nairobi, elle a contribué à ce que des progrès importants soient réalisés vers la mise en place d'un accord pour la période postérieure à 2012, ainsi que vers la création de financements innovants. L'objectif européen est de maintenir l'augmentation de la température mondiale à deux degrés centigrades par rapport à son niveau préindustriel. C'est un défi gigantesque, nous le savons tous, mais c'est aussi un investissement nécessaire pour les générations futures, comme l'a démontré encore récemment le rapport Stern réalisé pour le compte du gouvernement britannique. Tous les scientifiques s'accordent en effet désormais pour considérer que le réchauffement climatique est engagé ; il est urgent d’agir.
Beaucoup d’entre vous, mesdames et messieurs les députés, êtes intervenus sur le processus d’élargissement en tant que tel et sur la question de la Turquie. Comme vous l’a indiqué Philippe Douste-Blazy, le sujet de la Turquie a connu hier une évolution, puisque les vingt-cinq États membres sont parvenus lors du Conseil Affaires générales à un accord. Cet accord comporte plusieurs points. Les Vingt-cinq se sont d'une part entendus pour suspendre huit des trente-cinq chapitres…
Le Gouvernement a donc été vigilant et il le restera. Cette décision lui semble assurer un bon équilibre ; elle permet d'envoyer un message clair à la Turquie sans pour autant rompre le processus de négociation, ce que nous ne souhaitons pas, monsieur Artigues. Elle est conforme à la ligne préconisée conjointement par le Président de la République et la Chancelière allemande lors de leur rencontre en Allemagne la semaine dernière. Cette décision ayant fait l’objet d’un accord unanime des ministres des affaires étrangères hier, le Conseil européen n'aura pas en principe à y revenir, sauf si un élément nouveau important devait intervenir.
Sur le processus d'élargissement en tant que tel, le Conseil européen des 14 et 15 décembre poursuivra le débat engagé à la demande de la France au mois de juin dernier. Vous connaissez la position de notre pays : l'Union européenne doit être en mesure d'accueillir de nouveaux membres sans compromettre pour autant le fonctionnement des institutions, les politiques communes, leur financement, ni surtout l'ambition du projet européen, comme l’a souligné le ministre des affaires étrangères.
L'élargissement a été un accomplissement historique et un succès, ne vous en déplaise, monsieur Bocquet. Il doit le rester. C'est pourquoi notre position est très claire : après l'achèvement de la cinquième vague d'élargissement, avec l'entrée le 1er janvier prochain de la Roumanie et de la Bulgarie, que votre assemblée a approuvée à l'unanimité, il ne pourra pas y avoir de nouveaux élargissements tant que l'Union ne se sera pas réformée, tout particulièrement en matière institutionnelle. Le Conseil européen devra donc réaffirmer que la capacité d'absorption ou d'intégration dans toutes ses composantes – institutionnelle, politique et financière – doit être au cœur du processus d'élargissement. Le projet de conclusions du Conseil européen, dans sa dernière version, en fait état clairement, monsieur le président Balladur. En outre, à notre demande, ce projet insiste sur l'exigence d'un soutien des peuples à l'élargissement, qui dépend tant de la bonne préparation des candidats que de la capacité effective de l'Union à les recevoir.
Sur les questions institutionnelles, enfin, le Conseil européen des 15 et 16 juin 2006 a défini une double démarche : d'une part, mettre en œuvre les possibilités offertes par les traités existants afin d'obtenir les résultats concrets que les citoyens attendent ; d'autre part, inviter la présidence allemande, au cours du premier semestre 2007, à présenter un rapport au Conseil européen sur les débats relatifs au traité constitutionnel et les évolutions futures possibles, en vue de décisions ultérieures concernant la manière de poursuivre le processus de réforme, étant entendu que les mesures nécessaires à cet effet auront été prises « au plus tard au cours du deuxième semestre de 2008 », c'est-à-dire au cours de la présidence française de l’Union.
Au Conseil européen, cette semaine, la présidence finlandaise a pour seule mission de rendre compte des consultations bilatérales qu’elle a menées sur l’avenir du traité. Il est probable qu’elle rappelle, comme elle vient de le faire lors des rencontres interparlementaires sur l’avenir de l’Union européenne au Parlement européen, son attachement au contenu du projet de traité constitutionnel, d’autant plus que la Finlande a elle-même ratifié ce texte le 5 décembre 2006, devenant le seizième État membre à le faire.
Mesdames et messieurs les députés, dans quelques mois, nous célébrerons les cinquante ans du Traité de Rome, traité qui est à l’origine du projet politique le plus ambitieux du XXe siècle. La meilleure manière de témoigner notre reconnaissance à celles et ceux qui ont eu la vision de ce projet politique sans précédent et le courage de le mettre en œuvre est de continuer, jour après jour, avec ambition et lucidité, à bâtir cette Europe dont nous avons besoin pour le bien de nos nations et de nos peuples.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de M. Éric Raoult.)
La parole est à M. Jean-Pierre Soisson, pour le groupe UMP.
S’il est appliqué, il entraînera une véritable révolution dans nos méthodes : aucun projet de loi concernant le travail et l’emploi ne pourra plus être présenté au Parlement sans que les partenaires sociaux aient été au préalable consultés.
Le Président de la République avait défini ce principe devant le Conseil économique et social. Aujourd’hui, derrière vous, monsieur le ministre, nous tenons sa promesse.
Nous nous sommes refusés à modifier les règles de la représentativité syndicale et à adopter un amendement de la CGT et de la CFDT, défendu par M. Gremetz et M. Vidalies,…
L’Assemblée, toutefois, ne peut trancher dans l’urgence une telle question, au risque d’entraîner la disparition, à tout le moins l’affaiblissement, de certains syndicats qui bénéficient aujourd’hui de la présomption de représentativité irréfragable…
La majorité a donc pensé qu’il était nécessaire que le Gouvernement puisse engager, selon sa promesse, une concertation approfondie avec toutes les organisations syndicales avant que le Parlement ne se prononce sur cette question grave qui pourrait aller jusqu’à mettre en cause l’existence de certains syndicats.
Un incident a émaillé la discussion du projet de loi.
Que n’avait-il fait là ! Les députés socialistes et communistes ont mis en cause son droit d’amendement et menacé de quitter l’hémicycle. (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Quand le droit d’amendement s’exerce au profit de la gauche, c’est un progrès ; quand il s’exerce au profit de la droite, c’est une régression ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Or, la même majorité UMP a déjà voté un texte identique dans la loi Fillon du 4 mai 2004, portant déjà le titre « Réforme du dialogue social » : « Le Gouvernement prend l’engagement solennel de renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit du travail. Par conséquent, il saisira officiellement les partenaires sociaux avant l’élaboration de tout projet de loi portant réforme du droit du travail afin de savoir s’ils souhaitent engager un processus de négociation sur le sujet évoqué par le Gouvernement. »
Les événements politiques, sociaux et législatifs qui vont suivre cet engagement solennel sont parfaitement édifiants. Ainsi, vous n’avez pas hésité à réformer en profondeur le contrat de travail en faisant adopter, par voie d’ordonnance, le contrat nouvelles embauches et à tenter d’étendre cette régression majeure d’un licenciement sans motif à travers le contrat première embauche.
Aujourd’hui, comme pour vous protéger de vous-mêmes, vous souhaitez inscrire cet engagement dans la loi.
À l’issue de nos débats, il subsiste une interrogation majeure sur les conditions dans lesquelles les organisations syndicales de salariés et d’employeurs feront connaître leur intention d’engager une négociation. Qui décide, selon quelles modalités et avec quelle majorité ?
La seule réponse possible à ce jour, en application de la loi de 2004, est une majorité en nombre d'organisations, c'est-à-dire trois sur les cinq qui ont été déclarées représentatives au niveau national par l’arrêté de 1966. Chacun comprend que nous touchons là au cœur du problème et aux limites de votre projet de loi.
Faute d'avoir abordé la question de la représentativité des organisations syndicales, vous prenez une nouvelle fois le risque de laisser conclure des accords minoritaires parmi les salariés. C'est un choix dangereux qui ne permet pas d'aborder sereinement la question de la relation entre la loi et le contrat. L’existence même d’accords minoritaires créateurs de normes juridiques affecte le rôle du dialogue social et la place du contrat.
Notre démarche diverge profondément de celle que vous nous proposez. Le projet que le Parti socialiste défendra devant les Français vise à une réforme profonde de la démocratie sociale. Si nous envisageons nous aussi de réserver un temps à la négociation, la décision qui en sortira s'inscrira dans des règles nouvelles, c’est-à-dire une représentativité syndicale définie par le vote des salariés et l'application du principe de validation majoritaire en voix pour tous les accords.
Pourquoi ne pas franchir le pas dès aujourd'hui, puisque vous disposez de tous les éléments d'information et surtout d'une décision du Conseil économique et social sur laquelle la représentation nationale peut légitimement s'appuyer ?
Comment ne pas relever que votre conversion au dialogue social n'arrive qu'en fin de législature et qu’elle n'aura aucune concrétisation avant la fin de votre gouvernement ? (« Évidemment ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Ce texte n'est pas un discours de la méthode en matière de dialogue social, c'est une méthode pour un discours de campagne électorale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Cela étant, le texte que nous allons adopter aujourd'hui témoigne d'une indéniable évolution des mentalités. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.). Pour la première fois, une loi associe clairement les partenaires sociaux à l'élaboration des réformes relatives au droit du travail.
Nous avons souligné les limites de ce projet de loi : l'absence de délais de saisine et de consultation ; le flou de la notion d'urgence, cependant précisée au cours de nos débats ; le fait qu'il s'agisse d'une loi ordinaire alors que, selon nous, la démocratie sociale doit être garantie par la Constitution elle-même.
Le groupe UDF juge par ailleurs que ce texte ne sera pleinement efficace que s’il n’est qu’une étape d’une modernisation d'ensemble du dialogue social : celle-ci devra aborder également les questions de la représentativité des organisations admises à la négociation, du financement des syndicats, de la représentation des salariés dans les petites entreprises, de la sécurisation des parcours professionnels des élus syndicaux et, plus généralement, de la revalorisation de l'engagement syndical.
Nous souhaitions donc que le Gouvernement s'engage à traduire dans les faits les travaux de Raphaël Hadas Lebel sur la représentativité et le financement des organisations syndicales et professionnelles, ceux de Dominique-Jean Chertier sur la modernisation du dialogue social, ainsi que le récent avis du Conseil économique et social visant à consolider le dialogue social.
Vous avez été chargé, monsieur le ministre, d'élaborer sur ces bases un avant-projet de loi destiné à modifier les règles de la représentativité, en collaboration avec les partenaires sociaux. Nous serons vigilants quant au contenu de vos propositions, mais également quant aux délais dans lesquels vous les rendrez.
À nos yeux, s’il convient de mesurer la représentativité des syndicats de salariés par le biais de l’élection, il est nécessaire de prendre également en compte d'autres critères, tels que les effectifs, l'ancienneté, l'implantation dans les territoires ou dans les branches professionnelles. Nous faisons le choix d'un syndicalisme d'adhésion qui ne soit pas uniquement un syndicalisme d'opinion.
À une démocratie sociale d'affrontement, qui oppose organisations syndicales et patronales ou celles-ci au Gouvernement, le groupe UDF préfère une démocratie sociale apaisée. Certains pensent que notre pays n'a pas cette culture de la responsabilité sociale : nous faisons le pari inverse.
Si le projet de loi ouvre timidement ce chantier, c’est au moins un premier pas. C'est avec la conviction que beaucoup reste à faire pour consolider le dialogue social et revaloriser le rôle des partenaires sociaux que le groupe UDF soutiendra ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Maxime Gremetz. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, l'examen du projet de loi de modernisation du dialogue social a donné lieu à un débat riche, animé, argumenté, mais qui n'a malheureusement débouché que sur une réforme a minima.
Les recommandations claires et précises du CES, l'appel solennel des principales organisations syndicales, ou encore l'aveu du Premier ministre reconnaissant la nécessité de faire évoluer la notion de représentativité syndicale : tout laissait pourtant présager l'opportunité de concrétiser une orientation que les députés communistes appellent de leur vœu depuis vingt ans.
Pour notre part, nous avions proposé que le principe d'une élection de représentativité au niveau national soit inscrit dans le code du travail : tous les salariés, grâce notamment à un aménagement de leur temps de travail accompagné du maintien de leur salaire, devaient pouvoir participer le même jour à cette consultation.
Cette proposition avait le mérite de faire de cette consultation de représentativité un moment fort de la vie syndicale impliquant l'ensemble du monde du travail, et surtout de ne pas dénaturer l'élection prud'homale. Elle a pourtant été rejetée sous prétexte qu’un projet de loi sur le sujet était en préparation.
Une telle façon de renvoyer la tâche à la prochaine majorité, cela s’appelle botter en touche, pour reprendre une expression de footballeur. Comme les organisations syndicales, nous prenons toutefois date avec le Gouvernement pour qu’il inscrive rapidement ce rendez-vous à notre ordre du jour.
L’instauration du principe de la majorité des voix pour la conclusion des accords était le deuxième progrès que nous attendions de ce texte. Mais une fois encore le Gouvernement nous a opposé une fin de non-recevoir, alors que, comme vous le savez, cette proposition est l'objet de la deuxième recommandation du Conseil économique et social.
Ce refus revient à maintenir le statu quo issu de la réforme Fillon alors que celui-ci n’est pas satisfaisant : on ne peut pas faire l’impasse sur la définition des conditions de légitimité des accords si on veut moderniser notre dialogue social. Cette modernité est incompatible avec le maintien d’un droit d'opposition qui maintient le syndicalisme dans la contestation et l'opposition en faisant obstacle à l'élaboration d'accords progressistes par des organisations syndicales représentant la majorité en voix des salariés.
Finalement, le principe de la consultation préalable est tout ce qui reste de la volonté affichée de moderniser le dialogue social. De l’avant-garde, on passe à l’arrière-garde, n’est-ce pas, cher Jean Le Garrec ?
Même si nous avons obtenu quelques garanties non négligeables, comme la motivation de l'urgence, nous regrettons que le champ du texte n’ait pas été élargi à la protection sociale ou encore que le flou persiste sur les conditions d'engagement des négociations.
Je dirai en conclusion, monsieur le ministre, que si cette réforme est un grand pas pour ce gouvernement, il ne constitue, à notre sens, qu'un petit pas pour le monde du travail. (« Qu’est-ce que cela veut dire ? » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je vais vous expliquer, chers collègues.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons dans le vote sur ce projet de loi (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.). Vous aurez compris que notre abstention est motivée par ce qui ne se trouve pas dans ce texte, et non par ce qui s’y trouve.
(Il est procédé au scrutin.)
Le projet de loi est adopté.
(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix.)
La parole est à M. François Sauvadet, pour le soutenir.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Jean Launay, pour le soutenir.
Il vise à supprimer, à la fin de l’alinéa 5 de l’article 4, les termes « s’ils constituent un obstacle à la continuité écologique », afin de souligner que cette continuité doit être permanente. La suppression de ce membre de phrase au sens quelque peu restrictif s’impose pour préserver la libre circulation des poissons migrateurs.
En première lecture, nous étions tous convenus que la prudence s’imposait et qu’il importait de concilier les objectifs tout aussi légitimes que sont l’environnement, le bon état écologique des eaux et le développement des énergies renouvelables – qui répond aux obligations que nous impose la directive européenne sur les sources d’énergie renouvelables.
Il semble donc souhaitable de conserver la mention que l’amendement no 292 vise à supprimer.
Compte tenu de ces informations, je vous invite, monsieur Launay, à retirer votre amendement.
Je suis saisi d’un amendement no 288.
La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.
Je suis saisi d’un amendement no 272.
La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean Launay, pour soutenir l’amendement no 293.
(Ces amendements sont adoptés.)
La parole est à M. Yves Cochet, pour défendre l’amendement no 279.
La priorisation du 1° par rapport au 2° est d’ailleurs sujette à caution, car il s’agira dans le 2° d’ouvrages installés sur les rivières en état moyen et non en bon état, mais généralement tout aussi fréquentées par des poissons migrateurs. Les mesures prévues au 2° doivent donc être applicables dès la publication de la liste, comme celles prévues pour les cours d’eau classés en 1°.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
(L'amendement est adopté.)
Le Gouvernement y est favorable.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir.
Les dispositifs de maintien du débit réservé doivent pouvoir être adaptés durant la vie de l’ouvrage, en particulier lorsque des opérations de restauration écologique des cours d’eau permettent le retour d’espèces ayant disparu aujourd’hui. Cet amendement est conforme à la directive cadre sur l’eau et au classement des masses d’eau en termes d’objectifs de qualité écologique. La détermination des espèces présentes au moment de l’installation de l’ouvrage étant par ailleurs à peu près impossible à réaliser pour les ouvrages existants, l’amendement renforce la sécurité juridique de la loi.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Launay, pour le soutenir.
Monsieur le député, compte tenu de ces explications, il me semble que votre amendement est satisfait. Je vous invite donc à le retirer. À défaut, le Gouvernement demande son rejet.
Je suis saisi de deux amendements identiques nos 55 et 300.
La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l’amendement no 55.
Mes chers collègues, un dixième du module interannuel, c’est parfois très faible car nombre de cours d’eau connaissent des périodes d’étiage extrêmement sévères, et ne sont en eau qu’à la suite des pluies automnales ou des pluies de printemps, ou à la fonte des neiges en cas de torrents de montagne. Pendant les mois d’été, ils connaissent en tout cas des périodes très sèches. Si l’on passe donc à un vingtième du module, il ne restera plus une goutte d’eau dans les rivières, et nous ne pourrons pas atteindre le bon état écologique des cours d’eau, que nous souhaitons tous.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Yves cochet, pour le soutenir.
Le texte prévoit que les actes d’autorisation ou de concession peuvent fixer des valeurs de débit minimales différentes selon les périodes de l’année, sous réserve que la moyenne annuelle de ces valeurs ne soit pas inférieure aux débits minimaux fixés en application du I du texte proposé pour l’article L. 214-18 du code de l’environnement, soit un dixième ou un vingtième. Or cela nous semble inacceptable car cela implique qu’il y aura des valeurs inférieures aux minima. En outre, prévoir que le débit le plus bas doit rester supérieur à la moitié des débits minimaux précités – le vingtième ou le quarantième – ne saurait être une garantie de respect des exigences écologiques. Le texte pourrait autoriser à bafouer le débit réservé du dixième ou du vingtième.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l’amendement no 50.
Quel est l’intérêt du turbinage quand le débit est déjà très faible ? Cet ajout nous paraît tout à fait inutile.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir.
(L’amendement n’est pas adopté.)
(L’article 4, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. François Sauvadet, pour soutenir l’amendement no 72.
(Ces amendements sont adoptés.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 74.
(Ces amendements sont adoptés.)
La parole est à M. François Sauvadet, pour le soutenir.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir.
Si ces alinéas étaient placés à la fin de l’article 1er de la loi de 1919, ils viendraient après le sixième alinéa. Or celui-ci énonce que cette disposition – à savoir la suppression ou la mise en conformité de l’activité dommageable, plus les astreintes – s’appliquera également aux exploitants fondés en titre qui feront à l’avenir des modifications à leurs installations. Est-ce compatible avec le paragraphe qui a été ajouté ?
Il n’y a pas de raison de dispenser l’activité hydraulique de la procédure d’autorisation au motif que l’exploitation de l’énergie hydraulique est accessoire. Compte tenu de son impact sur les masses d’eau, il serait préférable de dire que toute activité hydraulique, même accessoire, doit être spécifiquement autorisée. La dispense proposée nous paraît donc abusive.
Les alinéas 8 et 9 complètent l’article 1er de la loi de 1919 s’agissant des procédures simplifiées applicables à l’exploitation d’installations ou d’ouvrages déjà autorisés au titre des articles L. 214-1 et L. 214-11 du code de l’environnement.
Le dernier alinéa de l’article 1er de la loi de 1919, introduit par la loi d’orientation sur l’énergie, dispose que l’exploitation d’hydroélectricité produite par des ouvrages et installations déjà autorisés à fonctionner au titre des articles L. 214-1 et L. 214-11 est dispensée de la procédure de concession ou d’autorisation.
Or la rédaction actuelle ne vise que l’aménagement a posteriori des ouvrages existants déjà autorisés au titre du code de l’environnement, excluant par là même les ouvrages nouveaux. Les dispositions que vous proposez de supprimer permettront au pétitionnaire qui souhaite réaliser un ouvrage ou une installation sur un cours d’eau de l’équiper d’emblée d’une installation de faible puissance, accessoire à l’installation principale. Je suis donc défavorable à cet amendement, car il convient de maintenir les dispositifs prévus.
Monsieur Cochet, souhaitez-vous maintenir votre amendement ?
Je suis saisi d’un amendement no 77.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
L’article 4 bis supprime le droit de préférence en matière de renouvellement des concessions accordées aux entreprises hydrauliques. Cet amendement tend à appliquer cette suppression au renouvellement des autorisations.
Chers collègues de la majorité, puisque vous êtes en train de faire l’inventaire des sujets sur lesquels la France est condamnée, permettez à l’opposition de jouer un rôle préventif à l’égard de dispositions et de sanctions à venir. Je suis, certes, un peu hors sujet, et le silence de Mme la ministre peut s’imposer, mais c’est avec plaisir que j’écouterai sa réponse.
Sur les OGM confinées, nous avons pris deux décrets qui ont permis d’éteindre complètement la procédure. Sur les OGM en dissémination, il ne vous a pas échappé que le projet de loi était passé au Sénat, et nous attendons un créneau pour l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
(L'amendement est adopté.)
(L'article 4 bis A, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à Yves Cochet, pour le soutenir.
Je me souviens avec émotion d’avoir participé, il y a quelques années, à des nettoyages de rivières, notamment avec l’association Eau et rivières de Bretagne, autrefois appelée l’APPSB : je pense par exemple au Scorff. Pour nettoyer les rivières, on venait même avec des tronçonneuses, tant la végétation, qui nuisait au bon état écologique était importante !
Mais il faut agir au cas par cas. Un tel niveau de détails dans la loi est inutile et nous semble dangereux.
Nous préférons une formulation précise à une terminologie plus floue. Le Petit Robert dit que l’embâcle est une « obstruction d’un cours d’eau » par une cause quelconque, que le débris est le « reste d’un objet brisé, d’une chose en partie détruite ». Si je me réfère ensuite au code civil, au titre relatif à la propriété, l’article 556 énonce que « les atterrissements et accroissements qui se forment successivement et imperceptiblement aux fonds riverains d’un cours d’eau s’appellent “alluvions” ».
La vie, la dynamique même d’une rivière peut insensiblement apporter des embâcles, des alluvions. Une rivière est vivante et enlever systématiquement ce qui peut s’y trouver peut nuire à son bon état écologique.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Martial Saddier.
Plus on se rapproche de la source d’une rivière ou d’un torrent, plus on se rapproche des zones de montagne, et chacun sait bien que, dans ces territoires, la notion d’intervention tourne souvent autour de la sécurisation. Cet amendement vise à renforcer la notion de sécurisation des biens, des personnes, mais aussi du potentiel écologique – je pense aux plages de respiration.
Nous travaillons pour mettre en place ces plages de respiration qui sont un véritable réservoir pour la faune et la flore dans les territoires de montagne. Si nous n’intervenons pas d’une manière préventive, et non pas seulement curative, tous ces efforts et la sécurisation des biens et des personnes sont mis à mal par des phénomènes de plus en plus importants, qui se répètent de plus en plus souvent, notamment les phénomènes d’engravement et de lave torrentielle, observés sur les territoires de montagne. Le réchauffement climatique dégèle des sols qui étaient auparavant stabilisés par le gel, fait reculer les glaciers, et nous observons de plus en plus des phénomènes d’engravement naturel sur les torrents de montagne.
Une loi sert aussi à s’adapter à la réalité du moment. L’amendement vise donc à réaffirmer cette notion d’intervention sur la sécurisation des torrents de montagne de manière préventive.
Cela étant, je ne suis pas convaincue qu’il faille mettre la sécurisation et l’entretien sur un même plan dans l’alinéa 10, car les finalités sont différentes.
En conséquence, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée pour ces amendements.
En homme de la moyenne Garonne, je vais vous parler de la manière dont vit la Garonne chez nous. On assiste à des formations d’îles de plus en plus importantes et à des érosions croissantes des berges, érosions qui menacent directement certaines fermes agricoles. C’est une vraie question et j’aimerais qu’on la pose car le texte est très en retrait par rapport à la notion de curage. Yves Cochet a donc ouvert un vrai débat.
Madame la ministre, je voudrais vous entendre sur ce sujet pour qu’il y en ait une trace dans nos débats parlementaires. Aujourd’hui, dans le cadre des opérations groupées d’entretien régulier d’un cours d’eau, peut-on se demander si l’on doit garder telle ou telle île dans la Garonne ? Compte tenu de leurs effets sur les berges, s’oriente-t-on progressivement vers une opération de suppression de certaines îles pour empêcher que les courants érodent, voire fassent disparaître des berges et des propriétés entières ? La réponse à cette question est très importante pour nous, madame la ministre, et j’aimerais l’entendre à ce moment précis du débat.
Il a fallu que des associations se battent pendant des années pour qu’on redécouvre qu’une rivière a un équilibre naturel, que le granulat enlevé en aval des grands barrages ne se reforme pas et qu’il faudra des millénaires pour qu’il se reforme.
Je vous en prie, mes chers collègues, soyons prudents. Nous avons fait assez de bêtises. Je pourrais citer des dizaines de rivières où l’on a inventé la machine à bétonner, la machine à extraire les granulats, la machine à faire des digues !
Sur le gave de Pau, sous l’égide des services de l’État, on a inventé une machine avec laquelle, tous les deux kilomètres, on crée une digue soi-disant pour ralentir la rivière. Elle ne ralentit rien du tout, puisque la pente générale de la rivière reste la même ! Beaucoup d’argent a été dépensé. On a beaucoup fait travailler les entreprises de travaux publics et la DDE a perçu énormément de primes sur ce travail. Mais rien n’a été fait, si ce n’est qu’on a dégradé des cours d’eau et détruit des parties de cours d’eau.
Il est possible de déplacer des bancs de graviers sur un cours d’eau, monsieur Dionis du Séjour, pour aider la rivière à retrouver son lit quand elle manifeste des divagations trop importantes. Mais, de grâce, ne réinventons pas une machine qui a détruit une grande partie des rivières françaises !
La parole est à Mme la ministre.
Mais un autre problème peut se poser, notamment en zone de montagne. Lorsque des exploitations sont gravement atteintes par l’érosion, on pourrait se demander s’il n’est pas possible d’envisager une acquisition foncière pour dédommager les agriculteurs : les troubles qu’ils supportent ne sont pas de leur responsabilité, mais la conséquence d’ouvrages qui ont été réalisés en amont.
Mme le ministre a à peu près répondu à ma question : peut-on, dans le cadre du plan d’ensemble dont a parlé André Chassaigne et en évitant les excès commerciaux qu’a dénoncés Germinal Peiro, mener des opérations d’entretien pour limiter l’apparition des îles et réduire la disparition des berges ? Cela me paraîtrait très raisonnable.
Vous avez la parole, monsieur Bouvard.
Depuis quelques instants, j’ai le sentiment qu’une sorte d’OPA a été lancée sur notre débat, qui portait sur les torrents de montagne.
Je suis persuadé que vous avez bien compris notre intention. Il ne s’agit pas d’aller à l’encontre des dispositions législatives qui existent par ailleurs, mais de les compléter et d’éviter, sur le terrain, la confusion et les difficultés d’application.
Le problème sur lequel a rebondi M. Dionis du Séjour est très important. Souvenons-nous que, il y a quelques milliers d’années, dans ce que l’on appelle parfois le « berceau de notre civilisation », les Sumériens ont vu la leur s’effondrer parce qu’ils avaient mal géré les deux fleuves dont elle dépendait.
(Ces amendements sont adoptés.)
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je mets aux voix l’amendement no 81.
(L’amendement est adopté.)
L’amendement no 82 rectifié fait l’objet d’un sous-amendement no 442.
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement no 285.
En effet, les cours d'eau ne connaissent pas les limites administratives départementales, et les plans de gestion qui les concernent porteront donc sur plusieurs départements. De façon à assurer la cohérence de ces plans de gestion, un représentant de l'État coordonnateur sera désigné. Aussi, mentionner qu'il s'agit du représentant de l'État dans le département serait trop restrictif.
Les cours d’eau ne sont pas les seuls à couvrir plusieurs départements : l’interdépartementalité est également une réalité pour les routes ou encore pour les massifs. On croirait, avec une proposition de cette nature, que les représentants de l’État dans les départements ne se parlent pas lorsqu’ils ont une décision à prendre. Ils ont la même tutelle et, en tout état de cause, ils veillent, lorsqu’ils ont à examiner une demande d’autorisation, à ce que leur réponse soit en cohérence avec la situation dans le département voisin. Qui plus que l’État, madame la ministre, et son représentant dans chaque département, est mieux placé pour assurer la cohérence de l’ensemble ? Simplement, il faut définir un interlocuteur direct et de proximité.
Il ne s’agit pas de contourner le représentant de l’État que vous voulez instaurer, mais d’avoir une adresse vers laquelle on peut se tourner pour obtenir une réponse dans un délai convenable. Pour autant, il n’est pas question d’empêcher le représentant de l’État dans le département de parler avec le préfet de région ou du département voisin.
Personne ne met en cause le fait qu’un cours d’eau soit lui-même l’affluent d’un autre cours d’eau et qu’il faille ainsi prendre en compte la totalité du réseau hydraulique, l’un pouvant avoir des effets sur l’autre. Cependant, si nous allons jusqu’au bout de la logique que sous-tend le sous-amendement, que se passera-t-il pour le massif alpin, pour prendre un exemple que je connais bien ? Comme nous sommes le versant bassin du Rhône, ce sera le préfet coordonnateur du Rhône qui sera l’interlocuteur unique pour toutes les demandes : ce n’est pas raisonnable.
Il faut faire confiance à la capacité de coordination des autorités de l’État et s’en remettre au préfet, représentant l’État dans le département, d’autant que nous ne parlons pas tant ici des grands fleuves, c’est-à-dire des axes principaux du réseau hydraulique, que des affluents où les problèmes nécessitent une réponse rapide. Pour le coup, les limites départementales sont plus rarement franchies.
On peut donc, me semble-t-il, s’en remettre, en lui faisant confiance pour qu’il coordonne son action, au représentant de l’État dans le département.
Je mets aux voix l'amendement no 82 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Yves Simon, pour défendre l’amendement no 329.
Élu du Massif central, plus précisément de l’Auvergne, mon département de l’Allier est traversé par trois rivières, l’Allier, la Loire, et le Cher et compte de nombreux affluents. C’est ainsi que ma petite commune, qui comprend dix habitants au kilomètre carré, compte une vingtaine de kilomètres de ruisseaux. Autant on ne peut qu’être d’accord avec le texte de loi s’agissant de la responsabilité du propriétaire riverain, autant, en tant que responsable d’une petite commune rurale, je ne peux accepter que l’on transfère au maire la responsabilité des travaux à exécuter.
Si nous devons intervenir en lieu et place du riverain, outre que nous pouvons commettre des dégâts sur la faune et sur la flore, qu’adviendra-t-il si le propriétaire défaillant est, par exemple, un retraité qui perçoit 750 euros de retraite par mois, comme c’est le cas dans mon secteur où les deux tiers des habitants ne paient pas l’impôt sur le revenu ? Comment la commune fera-t-elle pour récupérer les fonds engagés pour effectuer les travaux ? Ce sera impossible. En outre, les maires ne pourront pas toujours exécuter les travaux qu’on leur demande de faire en lieu et place du riverain, ce qui entraînera d’autres difficultés majeures.
Voilà pourquoi je défends cet amendement, que j’ai déposé avec d’autres. Je trouve dangereux de confier la responsabilité des travaux au maire si le riverain ne les réalise pas. Restons-en à l’obligation faite au riverain, et ne transférons pas cette charge aux maires de France, en particulier ruraux : il ne serait pas raisonnable de leur demander d’en faire plus, à eux qui ont déjà suffisamment de travail comme cela.
Nous avons eu de longs débats à ce sujet en première lecture, et je peux comprendre les inquiétudes exprimées par mon collègue M. Simon. L’article 5 n’a cependant pas pour objet de faire assumer à la commune et au maire la responsabilité des travaux d’entretien. Il s’agit de permettre à ce dernier – c’est en effet une faculté et non une obligation – de procéder à l’exécution d’office des travaux d’entretien des cours d’eau si le propriétaire riverain manque à ses obligations. En donnant cette faculté, le coût de l’exécution des travaux n’est pas supporté par la collectivité, mais par le propriétaire auquel est adressé un titre de perception du montant correspondant aux travaux.
J’insiste sur ce point, car si nous ne prévoyons pas cette faculté, un maire n’aura pas d’autre choix, si un propriétaire n’a pas procédé aux travaux d’entretien qui lui incombent, que de procéder lui-même à ces travaux et de les faire payer par la collectivité. Vraiment, cet amendement viendrait réduire les possibilités d’un maire de faire respecter par les riverains leurs obligations.
J’émets donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Ce texte apporte donc une garantie aux maires, et c’est pourquoi, si vous ne retirez pas votre amendement, le Gouvernement s’y opposera.
Dans tout département, lorsqu’une loi n’est pas appliquée, c’est l’État qui doit la faire appliquer. Ce n’est pas le maire. On a voté la responsabilité du riverain. Si les travaux ne sont malgré tout pas exécutés, qu’est-ce qui empêchera telle ou telle association de venir trouver le maire pour lui demander de les réaliser ? Or certains de mes administrés, je le répète, sont des retraités agricoles qui ne disposent dans le meilleur des cas que de 750 euros. Si la commune fait appel à une entreprise de travaux publics pour réaliser les travaux sans autorisation de leur part, c’est elle qui paiera la facture sans pouvoir récupérer l’argent.
L’État – en l’occurrence le préfet – doit faire appliquer la loi. Ce n’est pas au maire d’avoir la charge de cette responsabilité.
En tant que maire, j’accepte cette responsabilité, et je revendique, même, de pouvoir apprécier en mon âme et conscience et en fonction des possibilités de chacun, la possibilité de recourir à l’exécution d’office.
Vous avez rappelé fort justement, madame la ministre, la dimension de responsabilité de notre mandat. Une loi récente nous engage à analyser les risques, à les porter à la connaissance de la population et à en apprécier avec elle les conséquences. Ne s’agit-il pas là d’une avancée pour nous permettre précisément de trouver des solutions adaptées à chaque réalité territoriale ?
Faire du maire un acteur en lui laissant la possibilité d’intervenir, c’est donner des moyens à quelqu’un qui portera de toute façon la responsabilité, dans la mesure où il incarne l’intérêt général dans sa commune – ce qui implique également, ne l’oublions pas, d’autres responsabilités.
Cependant, je voudrais poser la question tout autrement : dans quelle mesure les maires ont-ils le droit de prendre à la charge de la collectivité des travaux d’entretien suite à des modifications en amont qui peuvent se traduire pour les propriétaires en aval par des atterrissements sableux, par exemple obstruant le lit ? Dans les Landes, qui ont été drainées au XVIIIe siècle, nombre de petits ruisseaux ne sont pas tout à fait stabilisés. L’État, avec la compagnie d’aménagement des Landes de Gascogne, a réalisé, après les grands incendies de 1949, des aménagements importants, notamment le dessablage de certains fossés. Aujourd’hui, c’est la commune qui ramasse le sable parce que l’État n’intervient pas pour de tels travaux, non plus que la SNCF qui, après avoir coupé des ruisseaux, n’entretient pas non plus les fossés. Une commune estimant, par délibération, qu’en raison de travaux d’urbanisme ou de drainage réalisés en amont, ce n’est pas aux propriétaires en aval d’entretenir le lit, pourra-t-elle le faire ?
Le problème se pose pour des communes, en particulier dans la région des Landes, qui peuvent avoir peu de moyens avec de grands territoires pour partie ruraux, pour partie urbains. Le texte peut obliger les communes à réaliser les travaux sans qu’elles en aient les moyens et, d’un autre côté, il faut que les communes puissent prendre les travaux à leur charge parce qu’il n’est pas normal que des propriétaires riverains qui n’y sont pour rien aient l’obligation de ramasser des atterrissements qui vont boucher le lit d’un ruisseau.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'article 5, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l’amendement no 56.
En effet, la remise en état ne constitue pas à notre avis une sanction administrative mais une condition légale de l’autorisation ou déclaration initiale. Un aménagement ou une activité n’est autorisé qu’à condition qu’à son expiration le propriétaire ou l’exploitant remette les lieux en l’état, à l’instar du dispositif applicable en matière d’installations classées, carrières ou autres mines.
Le projet de loi comporte à notre avis une erreur de codification qui doit être corrigée pour éviter toute confusion ultérieure.
Il me semble en effet que la logique doit être totalement cohérente. L’obligation de remise en état du site n’est pas à proprement parler une sanction, puisqu’elle est intégrée dans l’autorisation. Il faut donc l’insérer non pas dans une section consacrée aux sanctions mais bien là où elle sera indissociable de l’autorisation accordée pour l’exploitation.
Par ailleurs, j’ai pensé, avec André Santini, qu’il était nécessaire de modifier légèrement la fin de la rédaction. En effet, l’avant-dernier alinéa des amendements nos 56 et 319 prévoit la compétence de la juridiction administrative pour connaître de la contestation des décisions prises en application de la présente section. Il y a là un problème de coordination. Ce n’est pas la section mais l’article qui doit être visé. Je précise que cette compétence n’est pas utile, l’article L. 214-10 du code de l’environnement le prévoyant. Je ne verrais donc aucun inconvénient à ce qu’il y ait une fusion de ces amendements avec le mien.
Il vaudrait mieux que les auteurs des deux autres amendements retirent leurs amendements au profit du vôtre.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement no 244 rectifié ?
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir.
Les articles L. 432-5 à L. 432-8 vont être abrogés et remplacés par les articles L. 214-17 et L. 214-18, qui sont visés au présent article 6 ; ils sont donc satisfaits.
Pour l’article L. 432-2, qui concerne le déversement dans les eaux de substances nuisibles aux poissons, l’article 6 donne les moyens à l’autorité administrative de faire respecter une obligation et non de faire cesser un comportement interdit.
Enfin, pour l’article L. 432-3 sur la destruction des frayères, l’article L. 432-4 permet au tribunal, en cas de condamnation, de prendre toutes les mesures destinées à faire cesser l’infraction, éventuellement sous astreinte.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l’amendement no 280.
Nous savons que l’administration est souvent dépourvue en matière de délit hydraulique et piscicole parce que tout cela est assez complexe. Il n’y a plus d’expertise en réalité au sein de l’administration et le Conseil supérieur, qui l’a souvent assistée jusqu’à présent, est voué, semble-t-il, à perdre également cette expertise.
Il faut donc lui permettre d’asseoir la police et de fonder ses prescriptions, en diligentant contrôles et expertises nécessaires, en les rétribuant et non, comme aujourd’hui, en transférant la charge sur les agents du CSP, qui ne sont financés ni par l’État ni par les hydro-électriciens.
Le sous-amendement de M. le rapporteur propose la formule « peut prescrire ». Je suis personnellement favorable à ce sous-amendement.
(Le sous-amendement est adopté.)
(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir.
Vous remarquerez, mes chers collègues, qu’il règne un microclimat dans cette assemblée.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 6, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour les soutenir.
(Ces amendements sont adoptés.)
(L’article 7, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir.
L’amendement proposé vise à supprimer cette disposition. Le bénéfice des droits acquis doit en effet être encadré dans le temps, si l’on ne veut pas engendrer une instabilité juridique, source d’insécurité pour les exploitants et propriétaires comme pour les tiers. Il est donc proposé de reprendre la rédaction de l’ordonnance sur ce sujet par deux modifications au texte en vigueur.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Jean Launay, pour les soutenir.
Je suis saisi de deux amendements, nos 305 rectifié et 48 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l’amendement no 48 rectifié.
Je suis saisi d’un amendement no 43.
La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir.
La transaction pénale, introduite par la loi pêche de 1984 – article L. 437-14 – et reprise en matière d’eau par l’ordonnance du 18 juillet 2005 – article L. 216-14 –, ne satisfait pas aux conditions de séparation des autorités de contrôle et de poursuites. Cet article législatif a d’ailleurs été annulé par le Conseil d’État à la demande d’une grande association – France Nature Environnement – le 7 juillet 2006.
En outre, la modernisation du code de procédure pénale, intervenue depuis lors, notamment dans le cadre de la loi Perben II, a permis d’établir de nouveaux dispositifs alternatifs aux poursuites pénales, comme la composition pénale, qui offre des garanties de procès équitable et de préservation des droits des victimes, ce que ne permet pas la transaction pénale.
En conséquence, il convient de réformer la transaction pénale pour y substituer, par souci de simplification juridique, la composition pénale, avec un simple pouvoir d’initiative et de proposition de l’autorité administrative, qui ne saurait se substituer aux parquets. En outre, le droit des victimes à faire valoir leur point de vue sur le principe et les termes de cette composition pénale doit être garanti.
Enfin, la section III du chapitre VI du titre III du livre IV du code de l’environnement organise la faculté des ingénieurs du génie rural de prendre la place du procureur de la République et d’engager des poursuites pénales en lieu et place de ce magistrat. Cette disposition n’est pas conforme aux normes modernes de répression issues de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle ne satisfait pas à la nécessaire séparation des autorités de contrôle et de poursuites pénales, et constitue une législation aussi désuète qu’inappliquée. Elle mérite donc d’être abrogée purement et simplement.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Martial Saddier, pour le soutenir.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 57 et 306.
La parole est à M. Jean Launay, pour les soutenir.
Par ailleurs, la récidive pénale, d’application générale, est d’interprétation stricte. Elle n’est pas mobilisable si les infractions, mêmes voisines, sont distinctes. Il convient d’instaurer une récidive pénale spéciale, à caractère dissuasif, pour des délits présentant des traits comparables.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
La parole est M. le rapporteur.
(L’amendement est adopté.)
(L'article 7 bis, ainsi modifié, est adopté.)
D’une part, la prolifération des cormorans a de lourdes conséquences sur la pisciculture et les activités halieutiques. Si ce préjudice était justement indemnisé, cela engendrerait une charge budgétaire importante pour l’État.
Un certain nombre de pisciculteurs – dont plusieurs en Loir-et-Cher – avaient porté plainte contre l’État pour des préjudices subis entre 1979, date de la directive européenne de protection des cormorans, et 1993, date à laquelle l’État a accordé les premières autorisations de tir.
La cour d’appel de Bordeaux leur a donné gain de cause et sa décision a été confirmée par le Conseil d’État, qui a rejeté le recours du ministre de l’écologie et du développement durable, ce qui condamne l’État à les indemniser des pertes dues aux cormorans. En effet, entre 1979 et 1993, celui-ci n’avait pris aucune disposition, alors que leur protection systématique avait manifestement des effets négatifs.
Depuis 1993, l’État a accordé les premières autorisations de tir permettant, dans certaines conditions difficilement réunies, de réduire le préjudice ou de limiter sa croissance. Il y a manifestement disproportion entre les maigres résultats obtenus grâce aux autorisations de tir et la prolifération très rapide des cormorans. Depuis 1993, le préjudice a proportionnellement diminué mais, même réduit, il atteint en valeur absolue des niveaux de préjudice bien supérieurs en raison de la prolifération considérable qui est intervenue entre-temps.
La lutte contre la prolifération doit aussi tenir compte du fait que, de plus en plus, des petites colonies de cormorans adultes accompagnés d’immatures restent sur place au printemps, nidifient, se reproduisent et se sédentarisent. La nidification commence en avril, époque où les tirs sont prohibés. Les services de l’État sont pratiquement les seuls autorisés à intervenir.
Plus généralement, il convient de traiter les causes du problème, en cherchant au niveau européen une régulation à la source de la population des cormorans et une révision du classement de cette espèce tenant compte de la réalité de son besoin actuel de protection.
Je le répète : la protection excessive du cormoran, qui n’a plus lieu d’être maintenue à un tel niveau, aboutit à la disparition de la pisciculture dans un certain nombre de régions, c’est-à-dire à la disparition d’activités indispensables à la gestion des zones humides d’intérêt international, comme la Sologne, ce qui est tout de même paradoxal.
D’autre part, comme la prolifération des cormorans, l’invasion de la jussie menace les zones d’alimentation des poissons. Dans les rivières, les plans d’eau et les prairies humides, c’est un véritable fléau, qui frappe plusieurs régions. En causant un redoutable appauvrissement de la biodiversité floristique et faunistique, la prolifération de la jussie cause de graves dégâts écologiques et économiques.
Les propriétaires et les gestionnaires publics et privés sont contraints de faire arracher cette plante de façon manuelle ou mécanique, et de traiter les sols sans être, à ce jour, scientifiquement assurés des solutions les plus appropriées. Ces chantiers entraînent donc à la fois un coût très important et une incertitude quant à l’élimination de la plante et aux effets indirects sur la faune et la flore indigènes. Dans une région comme la Sologne, les conséquences économiques peuvent s’avérer très lourdes, dès lors qu’elles réduisent les activités piscicole et cynégétique, sources importantes d’emploi.
La jussie atteint la gestion de territoires sensibles pour lesquels il est demandé par ailleurs, au titre de Natura 2000, un maintien de l’effort de protection justifié par la qualité du patrimoine naturel. Il convient donc de répondre à trois principaux défis.
Tout d’abord, proliférant à partir du moindre petit fragment, la jussie progresse très rapidement au sein d’un réseau hydraulique, par exemple une chaîne d’étangs. Ainsi, l’inaction du propriétaire d’un étang ou d’une rive de cours d’eau menace toute la chaîne de sites hydrauliques.
Ensuite, les spécialistes estiment que l’état des connaissances scientifiques ne permet pas de préconiser tel ou tel moyen de lutte. Au plan européen et au niveau national, il convient de définir et de conduire les recherches nécessaires pour compléter le programme « Invasions biologiques ».
Enfin, la loi récente sur le développement des territoires ruraux permet une mise en œuvre plus efficace de l’article L. 411-3 du code de l’environnement interdisant l’introduction de certaines espèces. On attend la publication de la liste des espèces dont le transport, le colportage, l’utilisation et la commercialisation sont interdits.
Pourriez-vous nous dire, madame la ministre, si, dans ces domaines, vous pensez pouvoir améliorer la situation, comme vous en avez la ferme intention ?
Je ne prétends pas remettre en cause la rédaction de l’article, mais insister sur la nécessité d’informer très précisément les propriétaires et les agriculteurs. Dans certains cas, ceux qui ont commis des infractions en portant atteintes aux frayères ne sont pas de mauvaise foi. Ils pensent effectuer une forme d’entretien à laquelle ils procèdent depuis plusieurs décennies, parfois dans le cadre de plans d’irrigation réalisés il y a une trentaine d’années et qui avaient alors justifié des subventions. Ils sont donc extrêmement surpris de se retrouver verbalisés par les gardes, alors qu’ils croient entretenir la propriété et, en fait, portent gravement atteinte aux frayères et à la biodiversité.
D’où l’importance d’une plus grande information, car certaines traditions de travail subsistent alors que les méthodes ont évolué. Ainsi, l’entretien auquel on procédait manuellement il y a trente ans par le drainage et l’irrigation s’effectue à présent de manière mécanique, au risque de causer des dégâts considérables, notamment quand on creuse des fossés dans des zones de frayères.
Enfin, le troisième alinéa de l’article signale qu’un décret pris en Conseil d’État fixera les critères de définition de ces zones. Des pêcheurs m’ont amené sur le terrain, pour que je sois bien informé, et j’ai pu mesurer le caractère évolutif des frayères. Parler de décret en Conseil d’État, n’est-ce pas supposer que la situation est figée et que les frayères peuvent être définies pour une durée quasi indéterminée ? Ces questions exigent au contraire d’être suivies au plus près de la réalité du terrain, avec ceux qui deviendront les gardes de l’ONEMA, les associations de pêcheurs, les riverains, les agriculteurs et leurs organisations. Ils connaissent la vie, le mouvement, l’environnement qui évolue, ainsi que le sous-sol et les frayères, qui, absentes aujourd’hui, seront peut-être à nouveau présentes demain.
Il est un autre sujet sur lequel je souhaite intervenir. Je ne sais pas qui a lu Le Monde d’aujourd’hui, mais il en ressort que ce n’est plus nous qui faisons la loi en matière de protection de la nature, mais les Amis de la Terre, la Fondation Nicolas Hulot, France Nature Environnement, Greenpeace et le WWF, qui se sont livrés à un exercice inédit : évaluer dans le détail l’action des politiques lorsqu’ils étaient aux responsabilités.
Mais les Amis de la Terre, la Fondation Nicolas Hulot, France Nature Environnement, Greenpeace et WWF, qui notent les partis politiques et les candidats, ne vivent que grâce aux subventions que nous leur donnons et aux prébendes grassement distribuées par de grandes fondations – Nicolas Hulot est un produit de Rhône-Poulenc – et les plus grandes raffineries de pétrole du monde.
À ce sujet, si vous voyez un jour un reportage sur une raffinerie pétrolière, avertissez-moi tout de suite. Quand je faisais la grève de la faim, j’ai demandé à tous les journalistes qui étaient présents s’ils avaient un jour fait un reportage sur une raffinerie. Je n’ai jamais entendu de réponse positive.
On ne filme malheureusement – et de très loin – que les raffineries qui brûlent en Irak. Il y a des sujets tabous : ce qui pollue le plus, ce qui crée le plus de carbone et détruit le plus notre terre et l’humanité est toujours passé sous silence, parce qu’on a acheté des groupes de pression, ceux-là mêmes qui se permettent aujourd’hui de noter les partis politiques et les candidats à la présidence de la République. C’est un scandale et je le dénonce dans cet hémicycle.
Cela nous conduit à voter des lois inadaptées et à déposséder les hommes qui vivent dans nos territoires de tout pouvoir d’action – comme le disaient hier soir M. Auclair et M. Chassaigne, qui ne partagent pourtant pas les mêmes opinions et que j’ai applaudis chaleureusement – pour le donner à de grandes firmes. On a réussi le croisement du capitalisme américain avec la technocratie soviétique. Malheureusement, dans nos territoires, les maires et les présidents des conseils généraux n’ont plus leur mot à dire.
C’est ce qui nous amènera – je tiens à ce que l’Assemblée soit informée de cet événement grave –, Mme Olin et moi – encore que j’ignore si elle sera présente –, à nous retrouver au tribunal de Pau le 21 décembre, puisqu’elle m’attaque pour des propos déplacés que j’aurais tenus à son égard. Je suis le premier député de la Ve République à être ainsi attaqué par un ministre via le garde des sceaux. Tout cela parce que nous ne tenons plus notre rang de politiques, que nous avons laissé tomber.
Enfin, je demande à ceux qui ont l’oreille du Président de la République d’intervenir une fois encore pour que soit demandée à Bruxelles l’abrogation de la directive habitats et de la directive concernant la chasse, …
J’ajoute enfin, monsieur Vannson, que l’amendement no 85 réintroduit la consultation des associations agréées de pêche à propos de l’indentification des frayères. Il serait bon que nous passions maintenant à la discussion des amendements.
Quant aux cormorans, monsieur Cochet, je me suis rendue sur place et j’ai pu constater que leur nombre augmente. Je vous adresserai également une réponse écrite dans les huit jours. N’y voyez pas une volonté de ne pas vous répondre, mais je ne souhaite pas allonger le débat.
Par ailleurs, Le Monde écrit ce qu’il veut, mais je regrette qu’il ne prenne pas soin d’examiner tout ce qui se fait pour l’environnement.
Pour le reste, la justice suit son cours et je n’ai aucun commentaire à faire.
La parole est à M. Yves Cochet, pour le soutenir.
La détermination préalable des zones de vie du poisson constitue une complexification inutile de l’action administrative, contraire au souci de simplification administrative et de maîtrise des charges publiques qui doit prévaloir. Elle peut être, en outre, dangereuse, dès lors que les frayères se déplacent continuellement d’une année sur l’autre et ne sont donc pas « zonables », en raison du transit sédimentaire qu’encourage d’ailleurs la directive sur l’eau pour atteindre le bon état écologique des eaux.
J’insiste sur ces amendements, qui me semblent importants. Cet article n’est applicable que si un zonage a été effectué, ce qui entraîne une surcharge de travail considérable. C’est à se demander si la notion de zonage n’a pas été introduite pour rendre le texte inapplicable. En outre, le défaut de déclaration qui, selon l’article 44 du décret du 29 mars 1993, est sanctionné par une contravention de cinquième classe est déjà en vigueur, sans que le moindre zonage soit nécessaire.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean Launay, pour le soutenir.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l’amendement no 46.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 47 et 308.
La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l’amendement no 47.
En effet, le code de l’environnement ne définit pas les frayères, zones d’alimentation ou de croissance de la faune piscicole. Or, comme l’indique fort justement l’inspection générale de l’environnement dans un rapport de 2003 sur le curage des cours d’eau, on ne peut fonder une action de police répressive sur des arguments techniques aussi flous. Le grand mérite de l’article 8 du projet de loi est de renvoyer à un décret en Conseil d’État pour fixer les critères de définition et à l’autorité administrative pour les identifier localement.
Afin que les choses soient parfaitement claires, un amendement n° 85 de la commission et de MM. Sauvadet, Santini, Demilly et Chassaigne, que nous allons bientôt examiner, prévoit expressément que l’autorité administrative actualisera régulièrement le recensement de ces zones.
Je suis saisi d’un amendement no 85, faisant l’objet d’un sous-amendement no 311.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 85.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
(L’amendement est adopté.)
Je mets aux voix l’article 8, modifié par l’amendement no 85.
(L’article 8, ainsi modifié, est adopté.)
Les campagnes, autrefois magnifiquement entretenues par des hommes qui les aimaient et s’acquittaient fort bien de cette tâche depuis des siècles, se trouvent maintenant entre les mains de comités de pilotage. Certes, une loi a transféré la présidence de ces comités de pilotage des préfets aux élus locaux, mais ne nous faisons pas d’illusions : la directive européenne a une valeur supranationale et le jour où un élu local gênera, le dernier mot reviendra au préfet.
Et voilà comment nos campagnes, qui étaient partout habitées et entretenues, deviennent peu à peu des réserves d’Indiens, quand dans le même temps s’entassent à la périphérie de nos villes des hommes et des femmes venus de tous horizons qui y vivent dans un état de misère nous ramenant plusieurs siècles en arrière.
Ces directives ont ainsi conduit Mme Olin à réintroduire, avec l’aide de 300 gardes mobiles, cinq ours dans les Pyrénées, dont l’une s’est suicidée, préférant se jeter dans le vide plutôt que de voir son enfant naître sur une terre où elle avait été tant maltraitée. (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Malgré tout cela, l’UMP reçoit une note de 4,5 sur 20 pour son action en matière d’écologie, selon Le Monde d’aujourd’hui !
Peut-être faudrait-il revenir à certaines notions très simples : nous ne sommes peut-être pas les meilleurs du monde, mais nous aimons notre pays et, tout comme à Paris, on sait entretenir la Tour Eiffel et l’Arc de Triomphe, les paysans savent entretenir les campagnes. Ils n’ont pas besoin pour cela de ces directives, de ces gardes mobiles, de toutes ces choses qui, finalement, les tuent. Ils disparaissent sous nos yeux et nous sommes tous coupables du silence qui entoure leur mort.
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement no 287.
L’amendement no 86 réintroduit le principe affirmé en première lecture selon lequel les fédérations de pêche et les associations de pêche professionnelle en eau douce sont informées des interventions influant sur l’état écologique des rivières. Les amendements nos 287 et 354 vont dans le même sens.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.
(L’amendement est adopté.)
Je le mets aux voix.
(L’article 10 est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. Launay, pour le soutenir.
Je suis saisi d’un amendement no 88 de la commission.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 89.
(Ces amendements sont adoptés.)
(L’article 11, ainsi modifié, est adopté.)
L’évolution de la consommation d’eau, jointe aux désordres climatiques – même si nous sommes encore loin du petit âge glaciaire qui a duré trois siècles à partir de 1550 – rend l’eau de plus en plus rare, ce qui rendra nécessaires deux plans de meilleure gestion, l’un pour la ressource, l’autre pour l’utilisation.
Je suis stupéfait, madame la ministre, de constater qu’en dépit des clignotants qui s’allument un peu partout, aucun plan d’envergure pour optimiser la ressource ne soit prévu, ni dans le cadre de ce projet de loi, ni dans les priorités de ce gouvernement et du précédent – attendons de voir pour le prochain !
Sans sacrifier à des images faciles, un tel plan coule pourtant de source. Il suffirait de constituer des réserves artificielles par la création d’ouvrages de rétention en amont du réseau. Le principe est d’un bon sens tout montagnard : on stocke l’eau quand elle tombe du ciel ou s’écoule des blocs de glace ou de neige, opération qui n’affecterait absolument pas les écosystèmes, dans la mesure où elle s’exercerait quand les flux naturels seraient abondants. Les pouvoirs publics disposeraient ainsi de volumes d’eau qui pourraient être lâchés quand le besoin s’en fait sentir, dans des conditions d’utilisation garanties de manière convenable par les autorités compétentes.
Madame la ministre, le 21 décembre 2004, dans le cadre des questions orales sans débat, j’avais interrogé M. Lepeltier, votre prédécesseur, à ce sujet. Celui-ci n’avait pas semblé émouvoir le ministre, qui s’était contenté d’égrener des constats déjà connus, pour conclure qu’il n’avait rien à me répondre. Que l’on me comprenne bien : l’esprit d’un plan de grands travaux en montagne doit être déconnecté de toutes les incitations législatives, réglementaires et citoyennes visant à une utilisation raisonnée et raisonnable. Il ne s’agit pas de stocker pour consommer davantage d’eau, mais pour assurer une meilleure régulation.
Si l’on continue à penser qu’un seul pas de côté en matière d’utilisation de l’eau parviendra à compenser les baisses de ressources constatées, tous nos cours d’eau seront vite à sec : pour être nécessaires, ces mesures sont en effet insuffisantes. La solution s’impose d’elle-même. C’est d’un grand réseau de rétention que notre pays a besoin afin de préserver l’essentiel des grands équilibres.
Un tel réseau ne pourra exister sans une volonté politique forte, que je ne retrouve ni dans cet article, ni dans ce projet de loi, ni dans les propos tenus dans cet hémicycle, qui me semblent tout à fait décalés par rapport aux véritables enjeux du dossier de l’eau.
Merci, madame la ministre, de m’avoir écouté et de me répondre mieux que ne l’avait fait M. Lepeltier.
Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, no 3303, sur l’eau et les milieux aquatiques :
Rapport, no 3455, de M. André Flajolet, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton