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(La séance est ouverte à quinze heures.)
Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Vous avez rompu avec des années de laxisme tout en faisant preuve d’humanité à l’égard des plus faibles. Les filières qui exploitent la misère humaine ont reçu le message. Désormais, la France refuse l’immigration clandestine et entend choisir ses flux migratoires. L’opposition, qui a régularisé 80 000 clandestins à l’époque de M. Jospin (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste), n’a toujours rien compris. Le porte-parole de Mme Ségolène Royal, M. Arnaud Montebourg, a osé déclarer que votre politique d’immigration était marquée par une forme d’idéologie « néo-vichyssoise » ! (« Scandale ! » et exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est sûrement pour cela que, à la moindre occasion, la candidate socialiste reprend à son compte des réformes déjà votées par notre assemblée,…
Monsieur le ministre d’État, ma question est simple : au-delà des polémiques entretenues par l’opposition, pouvez-vous indiquer le bilan réel de la lutte que vous menez et les prochaines étapes de votre action contre l’immigration illégale ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Enfin, les employeurs de travailleurs en situation irrégulière sont désormais condamnés – je viens de signer le décret d’application – à payer le billet de retour de ceux qu’ils emploient illégalement (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), car il n’y a aucune raison pour que le contribuable paie pour leur malhonnêteté ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Le Français Robert Faurisson, ancien maître de conférence de l’université, a réaffirmé lundi dernier que « l’Holocauste est un mythe, comme l’a dit le président Ahmadinejad, c’est-à-dire une idée généralement fausse, mais que les gens croient vraie » !
M. Töben, qui a purgé une peine d’un an de prison en Allemagne pour incitation à la haine raciale, a amené dans ses bagages un modèle miniature du camp de concentration de Treblinka. Il a expliqué vouloir l’utiliser avec des figurines et des trains miniatures pour démontrer l’inexistence des chambres à gaz !
Au-delà de l’indignation et de la condamnation très vive, envisagez-vous, monsieur le Premier ministre, de demander à l’ONU de se saisir de cette question en vue de sanctions ? Pensez-vous comme le déclarait le ministre des affaires étrangères, M. Douste-Blazy, le 31juillet dernier à Beyrouth que l’Iran est « un acteur important et respecté (« Il n’est pas respectable ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) au Proche-Orient où il joue un rôle stabilisateur », alors que tout le monde connaît le rôle du gouvernement iranien dans la déstabilisation du Liban et la dissidence au sein de la communauté chiite irakienne ?
Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement donnera t-il des instructions au ministère public pour qu’il engage des poursuites contre M. Faurisson et d’autres participants français pour les propos tenus lors de cette conférence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
J’ajoute que l’année dernière, l’assemblée générale des Nations unies a voté, à l’unanimité, une résolution qui rejette « tout déni de l’Holocauste, total ou partiel ». Il est donc absolument inacceptable qu’une telle conférence ait pu avoir lieu.
S’agissant de l’Iran, cela fait aujourd’hui le troisième jour que les Européens, dont la France, ont proposé une résolution, qui est actuellement en discussion à New York, au Conseil de sécurité des Nations unies. Cette résolution vise à imposer des sanctions à l’Iran non seulement dans le domaine nucléaire – les activités nucléaires sensibles –, mais aussi dans le domaine balistique à la suite de tirs de missiles il y a quelques semaines. Nous avons deux objectifs : l’unité de la communauté internationale, avec les Russes et les Chinois,…
Vouloir les soumettre aux normes de sécurité applicables aux établissements accueillant des personnes âgées dépendantes relève d’une dérive sécuritaire. C’est une hérésie et présente un danger manifeste, car le coût exorbitant des travaux nécessaires sera finalement supporté par les départements et par les résidents. Ma question est très simple, monsieur le ministre : quelles normes de sécurité allez-vous retenir pour ces établissements qui accueillent des personnes âgées non dépendantes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Vous le voyez, monsieur le député, nous ne restons inactifs ni face à l’exigence de sécurité ni face à la nécessité d’aider les établissements à financer les travaux nécessaires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
L’instabilité de l’emploi et sa précarité, la « smicardisation » des salaires, une fiscalité injuste qui ne favorise que les hauts revenus et les patrons du CAC 40 dont la rémunération globale est de 300 fois le SMIC en moyenne, une augmentation des loyers sans précédent, sont autant de conséquences de votre politique qui assombrissent la vie de nos concitoyens au quotidien et fragilisent notre économie, comme en témoigne la faiblesse de la croissance.
La précarité s’installe ; la pauvreté s’étend dans toutes les couches de la population ; le mal-vivre se propage. Il faut rendre confiance en l’avenir, redonner à tous les moyens de vivre dignement, et stopper cette dégradation continue des conditions de vie.
Qu’attendez-vous pour porter le SMIC à 1 500 euros (« Bravo ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), pour revaloriser l’ensemble des salaires, des pensions et des minima sociaux, pour abroger les stages-voies de garage, les temps partiels subis, le CNE et les contrats précaires, qui font que le travail ne protège plus de la misère, pour endiguer la flambée des loyers ou pour mieux redistribuer les richesses plutôt que de conforter le portefeuille des actionnaires ?
En d’autres termes, la conférence de demain se résumera-t-elle à une nouvelle rencontre de courtoisie, haut lieu de discussions stériles sans lendemain, ou êtes-vous prêt à répondre enfin aux attentes de notre peuple en adoptant les propositions que je viens d’énoncer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Grâce à ce texte, nous voulons parvenir avec les partenaires sociaux à une réflexion et à un diagnostic partagés sur la situation de l’emploi et des revenus, en nous appuyant sur les travaux du CERC, présidé par Jacques Delors, du Conseil d’orientation pour l’emploi, du Conseil d’analyse économique et sur diverses comparaisons avec d’autres pays d’Europe. C’est à ce travail de diagnostic en commun, qui a été préparé par de longues rencontres bilatérales avec l’ensemble des partenaires sociaux, que nous allons nous livrer.
Quant aux salaires, je vous rappelle que, entre 2002 et 2006, le SMIC a augmenté de plus de 25 %. En 2002, on ne comptait pas moins de sept SMIC, résultat des 35 heures. Aujourd’hui, il existe un SMIC unique, preuve du travail accompli par la majorité tout au long des cinq dernières années. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Une conséquence de l’effort consenti sur le SMIC a été le tassement des grilles de classification. C’est pourquoi, au printemps dernier, nous avons mis en place un dispositif qui nous a permis de suivre ou de relancer les négociations salariales dans l’ensemble des branches. Aujourd’hui, sur les quatre-vingts qui n’étaient pas conformes en juin, après l’augmentation du SMIC, soixante et onze ont déjà engagé des négociations.
Mais nous avons une autre préoccupation : la situation de ceux qui, reconnaissons-le, n’ont pas vu leur salaire évoluer, en raison du tassement des grilles. Les membres des classes moyennes – notamment les ouvriers qui perçoivent entre 1,05 et 2,5 fois le SMIC –, ont vu leur salaire évoluer moins que celui des autres. Pour aider ces Français qui contribuent à la production et à la compétitivité de notre pays, nous nous engageons à accompagner mieux les négociations salariales.
Voilà à quoi servira cette conférence sur l’emploi et le revenu, qui sera un temps fort de dialogue social, comme l’a souhaité le Premier ministre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Dans cette région du monde depuis longtemps en crise et parfois en guerre, elle est influente dans tous les conflits, que ce soit en Irak, en Afghanistan, au Kurdistan ou au Liban. Cette influence lui donne la possibilité de peser sur l’issue des conflits.
La France, comme d’ailleurs la communauté internationale, souhaite avoir affaire à une puissance responsable et respectable. Toute l’histoire de l’Iran est d’ailleurs celle d’un grand pays.
Or les autorités iraniennes ont organisé à Téhéran, un colloque prétendu international, dont le but évident est de remettre en cause les données internationalement établies du génocide perpétré par l’Allemagne nazie contre les juifs durant la Deuxième Guerre mondiale et connu sous le nom de « solution finale ».
Ce colloque suit de près un certain nombre de propos particulièrement inquiétants tenus sur ce sujet par le président de la République islamique d’Iran.
Dans le contexte particulièrement tendu qui prévaut dans cette région du monde, j’ai l’honneur de vous demander, monsieur le ministre, quelle influence aura la position des autorités iraniennes sur les relations entre nos deux pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Pourtant, les emplois d’aujourd’hui se trouvent dans l’entreprise : dans les millions de petites et moyennes entreprises ou dans les grands groupes. Aujourd’hui, un des drames de notre pays est que beaucoup d’emplois vacants ne sont pas pourvus. En outre, il faut que les emplois de demain, auxquels nous devons nous préparer, ceux qui font appel à de nouvelles technologies, dont la France sait avoir le secret, ainsi que les emplois de service, trouvent preneurs.
En mettant en œuvre la loi d’orientation pour l’avenir de l’école, vous avez déjà engagé de manière déterminée un certain nombre de mesures, comme la généralisation de l’option « découverte des métiers » au collège ou la mise en place de l’apprentissage junior, et vous en avez esquissé d’autres pour que les liens entre l’enseignement supérieur et l’entreprise soient également actifs et porteurs d’emplois.
Compte tenu de ce qui a déjà été fait, quand et dans quelles conditions envisagez-vous de combler de manière irréversible le fossé dommageable qui, dans notre pays, sépare encore, malheureusement, l’enseignement professionnel, l’école de manière plus générale, et le monde de l’entreprise ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Dans le socle commun de connaissances et de compétences qui forme le contrat liant l’éducation nationale aux enfants de la République figure désormais le développement du goût et du sens de l’initiative. C’est maintenant un devoir pour tous les maîtres de les inculquer aux enfants jusqu’à l’âge de la scolarité obligatoire.
Deuxièmement, depuis la rentrée, trois heures par semaine sont consacrées dans tous les collèges de France à la découverte des métiers.
Ces deux mesures sont fondamentales.
Pour l’actualité récente, nous avons fêté hier l’anniversaire du centre d’études et de ressources des professeurs de l’enseignement technique. À l’heure qu’il est, 1 525 professeurs sont dans les entreprises de France, petites, moyennes ou grandes, pour un stage qui peut être de courte durée ou s’étendre sur toute l’année scolaire. Il s’agit d’une évolution fantastique.
Après cet anniversaire, hier, j’ai reçu aujourd’hui, au ministère de l’éducation nationale – quel symbole ! –, les représentants de cinquante entreprises, des plus petites aux plus grandes, françaises ou étrangères travaillant en France. Par la voix de leurs présidents, ainsi que de leurs directeurs des ressources humaines, elles ont pris l’engagement formel d’ouvrir leurs portes aux professeurs pour qu’ils effectuent de la découverte professionnelle et du tutorat, afin que le fossé entre le monde de l’économie et l’éducation nationale puisse se combler.
Pour demain, c’est-à-dire pour 2007, j’ai prévu, dans le cadre de la réforme de l’institut universitaire de formation des maîtres, que tous les futurs professeurs de France aient effectué, avant leur titularisation, un stage en entreprise, pour que, lorsqu’ils parleront de l’économie et de l’entreprise aux jeunes, sachent de quoi il s’agit et que la réussite des élèves en soit améliorée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Je rappelle que ces accords, approuvés par le référendum du 8 novembre 1998, prévoyaient en premier lieu la création d’une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie dans la nationalité française, puis la mise en place d’un corps électoral restreint pour les élections locales. Telles étaient les composantes essentielles de l’accord qui avait permis aux uns et aux autres de faire la paix.
Le Président de la République a indiqué en Nouvelle-Calédonie, en juillet 2003, que la question du corps électoral serait réglée avant la fin de son mandat, ce qui suppose le vote d’un texte – celui-là même que nous allons examiner cet après-midi – et la convocation du Congrès pour modifier la Constitution.
Nous sommes maintenant devant cette échéance. Sachant votre majorité hésitante – puisque j’ai entendu votre ministre de l’intérieur prendre une autre position que la vôtre –, je vous demande, monsieur le Premier ministre, de confirmer à la représentation nationale votre volonté de faire prévaloir le respect de la parole donnée aux uns et aux autres, donc de faire voter ce texte.
Je vous demande de nous confirmer également que, si l’engagement du Président de la République est tenu, le Congrès sera convoqué avant la fin de cette législature. Ce point est décisif, car si tel n’était pas le cas, la discussion qui va s’engager devant l’Assemblée, et ensuite devant le Sénat, serait privée de toute portée.
C’est la raison pour laquelle j’ai demandé l’inscription à l’ordre du jour du Parlement du texte que vous avez évoqué, afin que son examen puisse être mené à bien. Ainsi, l’Assemblée nationale examinera ce texte dès cet après-midi et le Sénat s’en saisira au mois de janvier. Les conditions seront dès lors réunies pour que nous puissions convoquer le Congrès.
Je vous rassure, la majorité et le Gouvernement sont parfaitement unis sur ce sujet. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je souhaite, bien sûr, tout comme le Président de la République, que cette procédure puisse être menée jusqu’à son terme avant la fin de la mandature. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Union pour la démocratie française ainsi que sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Le Hezbollah, qui semblait avoir accepté les règles de fonctionnement de la démocratie – puisqu'il a des représentants élus démocratiquement au Parlement et qu'il avait jusque-là accepté de participer à un gouvernement d'union nationale – semble aujourd'hui tenté par un coup de force.
La France a plus que jamais un rôle à jouer, tant les Libanais, de toutes sensibilités politiques, réclament notre soutien et notre amitié. Depuis quelques mois, il ne se passe pas une semaine sans que le groupe d'amitié France-Liban de l'Assemblée nationale ne reçoive une délégation ministérielle ou parlementaire libanaise.
Face à ces développements inquiétants, quelle est la position du Gouvernement et comment la France peut-elle aider le Liban sans toutefois s'immiscer dans ses affaires intérieures ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Face à ces tensions, la Ligue arabe, en particulier son secrétaire général, M. Amr Moussa, a proposé une médiation entre les parties. La France soutient cet effort de médiation, car il répond à trois impératifs : un impératif de justice, servi par le tribunal à caractère international, un impératif d’unité des Libanais – plutôt que la division et l’appel à la rue, que nous condamnons – et un impératif d’efficacité, pour le gouvernement de Fouad Siniora.
Je rappelle enfin que, hier soir, à New York le Conseil de sécurité des Nations unies a voté à l’unanimité, à la demande de la France, une déclaration présidentielle qui vise, d’une part, à soutenir le gouvernement de Fouad Siniora et, d’autre part, à demander à toutes les parties en présence de poursuivre la mise en œuvre de la résolution 1701.
Oui, monsieur Pinte, plus que jamais, la France est derrière le gouvernement de Fouad Siniora, derrière un Liban uni, souverain et indépendant. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Je n’évoquerai pas le secteur du fret, qui est loin de répondre aux besoins de transport des entreprises, ni l’environnement des gares de province ou l’entretien intérieur et extérieur des rames, mais le niveau de service que l’usager est en droit d’attendre, quelle que soit la ligne, et ces trains annulés à la dernière minute, sans explications, ou ces retards qui perturbent le quotidien de chaque usager. Ces perturbations sont dues, pour la plupart, à des grèves à répétition qui prennent en otage, de façon trop fréquente et sans information préalable, les usagers, qui sont en droit d’attendre un autre niveau de service public.
Ce n’est pas remettre en cause le droit de grève que de s’interroger sur le fondement des motifs invoqués pour débrayer, comme le changement d’horaires de service d’hiver. Depuis une dizaine de jours, les usagers sont pris en otages par des grèves qui se traduisent par des suppressions de train, exaspérant tous ceux qui comptent sur ce moyen de transport, notamment pour leurs déplacements professionnels.
Peut-on considérer comme un motif justifié celui qui conduit à la paralysie du pays tous les ans à la même époque ? Comment sortir de la situation dégradée due à des grèves systématiques qui mettent l’usager en difficulté ? Comment assurer le niveau de service minimum attendu par ceux de nos concitoyens qui choisissent le train comme moyen de déplacement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Il n’est pas admissible que, chaque année, des grèves rituelles soient déclenchées fin novembre ou début décembre, c’est-à-dire lors de la mise en place des horaires d’hiver, en raison du comportement d’une partie des organisations syndicales. Je veux rappeler que, après le mouvement du 8 novembre dernier, les organisations syndicales majoritaires ont entamé avec la direction de la SNCF des discussions qui ont abouti à un certain nombre d’accords. Seules deux organisations minoritaires ont déclenché, dans un certain nombre de régions, en particulier en Île-de-France, en Auvergne, en Alsace et autour de Lyon et de Saint-Étienne, sur un certain nombre de lignes, des grèves qui n’ont pu être prévues par la direction.
Par ailleurs, je veux souligner que nous avons mis en place, dans un certain nombre de régions, des conventions de service minimum garanti, et je souhaite que l’ensemble des autorités organisatrices de transport s’engagent dans ces dispositifs. Je pense en particulier aux présidents de région, qui n’ont pas tous, tant s’en faut, donné leur accord à une telle démarche, qui nous permet de prévoir, avec la SNCF et les autres sociétés organisatrices de transport, des systèmes d’information, de négociation préalable, d’alerte sociale et de service minimum garanti en cas de conflit. J’appelle les uns et les autres à prendre leurs responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Sept ans après, et alors que le procès doit débuter en février prochain, nous sommes encore nombreux à nous interroger sur la véritable nature de la cargaison de l’Erika : fuel n° 2 en majorité, très certainement, mais peut-être aussi, même si Total le nie, des résidus pétroliers. Il s'agirait alors de déchets industriels spéciaux, dont l'exportation est interdite.
Un document du Bureau enquêtes-accidents/mer du ministère des transports révèle qu'une des cuves a un graphisme différent des autres, ce qui pourrait accréditer l'idée de contenus différents ou non conformes à la commande initiale. La première partie de ma question est la donc la suivante, madame la ministre. Que sait le Gouvernement ? Ce document sera-t-il produit au procès ?
Au-delà de ce triste anniversaire, force est de constater que le risque d'accidents perdure et que l'organisation européenne collective est lente. Il a ainsi fallu six ans pour que l'Agence européenne de sécurité maritime inaugure son siège à Lisbonne. Nous ne devons pas nous contenter d'un affichage, car notre pays, compte tenu de l'importance de sa façade maritime, est particulièrement exposé. Nous devons jouer un rôle moteur pour aboutir à la rédaction d'un protocole commun européen qui définisse un véritable mode d'emploi des contrôles des bateaux. L'actualité – je pense à ce bateau qui a perdu ses fûts la semaine dernière, certes, dans la tempête – pose à nouveau le problème de ces contrôles et de la création d'une base de données fiable sur la connaissance des navires.
Madame la ministre, quelle initiative entendez-vous prendre dans ce domaine ? Une telle initiative constituerait un axe de relance concrète, attendue par nos concitoyens, du projet politique européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Les éléments relatifs à la nature de la cargaison de l’Erika ont été portés à la connaissance de la justice et examinés lors de l’instruction. Cette question a d’ailleurs fait l’objet, en 2000, d’une commission d’enquête parlementaire, qui a conclu que la polémique sur la nature du fioul était fondée sur des éléments fallacieux et que les mesures de prévention du risque prises lors des interventions de dépollution étaient adaptées.
En matière de sécurité maritime, c’est sous l’impulsion de la France que l’Europe a adopté un ensemble de mesures législatives permettant d’améliorer et de renforcer le niveau de sécurité en mer, donc la protection de l’environnement marin. Je précise que la France a mis toutes ses côtes sous surveillance, ce qui permet aujourd’hui d’éviter qu’un certain nombre de navires ne se livrent au déballastage. Les vérifications et contrôles de la sécurité des navires ont été renforcés, notamment avec un taux de contrôle fixé à 25 % minimum des navires et le bannissement de ceux figurant sur une liste noire des pavillons.
Enfin, la Commission a proposé, en novembre 2005, de nouvelles mesures législatives, parmi lesquelles figure la refonte de la directive relative au contrôle par l’État du port, comportant notamment l’objectif de porter à 100 % le taux d’inspection des navires à l’échelle de l’Union. La France soutient évidemment l’élaboration de ce nouveau régime d’inspection au niveau communautaire.
Sous l’impulsion de Dominique Perben, le ministère des transports a conçu un système d’information et de suivi de la circulation maritime. La perte en mer de fûts de produits chimiques, survenue cette semaine, est due aux conditions climatiques. Nous sommes assurés – pour le moment du moins – que cette catastrophe n’a causé aucune pollution.
Nous devons continuer à renforcer les mesures de sécurité par des signalements systématiques et plus précoces sur ces incidents afin de préserver l’environnement, ce qui est le souci de chacun d’entre nous.
Monsieur le ministre, les vergers drômois de pêchers et d’abricotiers sont actuellement victimes d’une maladie appelée la sharka. À ce jour, les effets cumulés de cette maladie, dont l’épicentre se situe dans ma circonscription, posent la question de la survie même de l’économie arboricole dans le nord du département de la Drôme. Après le rapport Dairien commandé par votre prédécesseur, monsieur le ministre, et l’élaboration d’un plan triennal par la profession, vous avez chargé un haut responsable de vous faire des propositions d’actions concrètes avant la fin de l’année. Ces actions viendront s’ajouter aux mesures déjà appliquées dans le secteur de la recherche et à l’égard des pépiniéristes.
Cependant, la profession attend des réponses sur trois points qu’elle juge essentiels : le soutien aux replantations ; le soutien en zone rouge aux reconversions et à l’accompagnement nécessaire ; enfin et surtout, l’indemnité d’arrachage, dont le montant conditionnera l’adhésion des arboriculteurs. Monsieur le ministre, avez-vous arrêté vos choix sur ces différents points ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Ce plan, qui n’est pas encore tout à fait au point, est actuellement examiné par mes services. Il comportera, en plus des principales dispositions que je viens d’évoquer, un volet financier complémentaire. Soyez assuré que nous mettrons en œuvre tous les moyens possibles pour stopper cette maladie, monsieur Biancheri. Dès que notre plan sera arrêté, je viendrai le présenter avec vous aux organisations professionnelles afin de recueillir leur avis sur les dispositions que nous prendrons à leur égard dans le cadre de la solidarité. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Depuis plusieurs années, le nombre de candidats à l’adoption ne cesse d’augmenter. 25 000 couples sont ainsi titulaires d’un agrément, mais il y a en France de nombreux enfants adoptables pour lesquels aucun projet d’adoption n’a jamais été formulé. Les services sociaux les désignent par le terme d’« enfants à particularités ». Ces enfants, au nombre de 2 800 environ, ont pour point commun de ne pas avoir fait l’objet d’une démarche d’adoption pendant les six premiers mois de leur placement. Ils sont membres d’une fratrie, âgés de plus de huit ans, malades ou handicapés, et ils attendent une famille.
En 2003, le Gouvernement a pris la décision de créer le SIAPE, système d’information pour l’adoption des pupilles de l’État, un dispositif destiné à permettre, grâce à des fichiers nationaux, la mise en relation de ces enfants avec des familles prêtes à les accueillir partout en France. Le Conseil supérieur de l’adoption, que j’ai l’honneur de présider, a placé cette question parmi ses objectifs prioritaires. Aujourd’hui, il apparaît que le SIAPE n’est pas un outil suffisamment efficace pour permettre de créer des liens entre adoptants et pupilles de l’État. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour favoriser la mise en relation des enfants avec les familles qui seraient en mesure de les accueillir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
En 2003 a été mis en place un système d’information destiné à mettre en relation les familles adoptantes et les enfants en attente d’adoption. Ce système n’ayant pas complètement répondu aux attentes, j’ai décidé, après consultation du Conseil supérieur de l’adoption que vous présidez, la mise en place d’un nouveau dispositif, beaucoup plus efficace, à partir de février 2007. Les concertations nécessaires avec le Conseil supérieur de l’adoption et tous les acteurs concernés auront lieu durant le mois de janvier, afin que ce nouveau système soit opérationnel dès le mois de février.
Cela s’ajoute à la mise en place de l’Agence française de l’adoption qui, fonctionnant depuis cette année, a déjà reçu des milliers de demandes et ouvert une quinzaine de nouveaux pays à l’adoption par des couples français, tels la Chine et la Colombie. Par ailleurs, le montant de la prime d’adoption a été doublé afin de permettre aux parents qui doivent se rendre à l’étranger pour adopter un enfant de prendre tout le temps nécessaire. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures quinze.)
La parole est à M. le ministre de l’outre-mer.
Le débat qui nous réunit aujourd'hui, et qui vise à modifier l'article 77 de la Constitution, est tout à notre honneur. Il impose une double exigence : nous respecter les uns les autres, dans nos analyses, nos réflexions, nos positions et nos engagements, et nous imprégner de l'histoire calédonienne de ces vingt dernières années.
Connaître l'histoire, c'est la comprendre, Connaître l'histoire, c'est la respecter, Connaître l'histoire, c'est préparer l'avenir.
Les événements tragiques qu'a connus la Nouvelle-Calédonie entre 1984 et 1988 ont conduit les responsables des principales communautés à trouver des compromis dans le cadre d'accords de paix. Ce furent les accords de Matignon, en 1988, puis l'accord de Nouméa, en 1998 : ils ont permis de rétablir et – jusqu'ici – de garantir la paix civile dans ce territoire.
Je souhaite tout d'abord vous rappeler la philosophie générale de ces accords, et notamment de l'accord de Nouméa, indispensable pour bien comprendre la situation actuelle : celui-ci donne aux habitants de la Nouvelle-Calédonie les instruments nécessaires à la construction d'un destin commun durant une période de transition de 20 ans, à l'issue de laquelle la population se prononcera définitivement sur son avenir.
Trois idées me semblent constituer les piliers de ces accords.
La première porte sur une organisation originale des pouvoirs publics locaux qui a obligé les communautés et leurs responsables à dialoguer et à travailler ensemble. C’était un premier pas.
La deuxième, en corollaire, porte sur un nécessaire rééquilibrage économique et social au bénéfice des populations et des territoires, garanti par l'État. En ce sens, l’État doit être un partenaire loyal et impartial.
La troisième porte sur une citoyenneté calédonienne réservée aux populations intéressées à l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. La définition et les modalités de participation aux scrutins qui déterminent l'avenir de ce territoire sont dérogatoires au droit commun de la République. Les accords de Matignon définissent ces scrutins : « scrutin pour les élections aux assemblées de provinces et scrutin d'autodétermination ». Quant à l'accord de Nouméa et à la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998, ils en tirent les conséquences juridiques.
Cette révision constitutionnelle a inséré dans la Constitution un titre XIII à vocation transitoire. Il comporte de nombreuses dispositions qui dérogent à nos traditions juridiques : pouvoir législatif local, préférence locale en matière d'emploi, citoyenneté calédonienne dans la nationalité française, impliquant un corps électoral restreint.
La loi organique prise pour l'application de ce titre XIII a fait l'objet de réserves d'interprétation de la part du Conseil constitutionnel, le 15 mars 1999, sur la question de la définition du corps électoral spécial appelé à élire les membres du congrès et des assemblées de province de Nouvelle-Calédonie.
L'article unique du projet de loi constitutionnelle que je défends ici vise à revenir sur cette interprétation donnée par le Conseil constitutionnel. C'est tout, mais c'est essentiel. C'est essentiel car il s'agit d'exprimer du respect à l'égard d'une histoire tragique. C'est essentiel car il s'agit d'aménager cette institution fondamentale de la démocratie qu'est le droit de vote. C'est essentiel car il s'agit de l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.
Nous devons tous nous souvenir que le chemin qui a conduit à ces accords a été marqué par le feu et le sang. Les victimes furent nombreuses dans toutes les communautés et parmi les serviteurs de l'État.
Le processus de réconciliation engagé, d'abord par les accords de Matignon, puis par l'accord de Nouméa, ne doit pas, ne peut pas être interrompu. Ce pacte, qui consacre l'existence d'un destin commun – que de chemin parcouru pour parvenir à cet engagement partagé ! – et qui clôt définitivement le passé colonial dont il reconnaît les « ombres » comme les « lumières », comporte des concessions mutuelles qui n'allaient pas nécessairement de soi.
C'est ainsi que les partisans du maintien dans la République ont accepté que la question de l'autodétermination soit à nouveau posée au terme d'une longue période de transition, alors qu'elle avait été clairement tranchée par le référendum local du 13 septembre 1987. De même, ils ont accepté, avec la provincialisation, de partager le pouvoir que la majorité des électeurs leur confiait.
Les partisans de l'indépendance, majoritairement issus de la population mélanésienne, ont accepté de reconnaître la légitimité de la présence des autres habitants de la Nouvelle-Calédonie, et donc leur participation à la détermination d'un destin commun. Dans le même temps ils ont exprimé le souhait d'un corps électoral restreint par crainte que l'équilibre politique entre les communautés ne soit modifié du fait de l'arrivée régulière de nouveaux habitants en provenance d'autres parties du territoire national. Voilà le chemin parcouru par les uns, comme par les autres, pour parvenir à ce point d’équilibre.
L'existence de ce corps électoral spécial, restreint par rapport au droit commun, constitue donc l'un des aspects essentiels et sans doute le principal point d'équilibre de l'accord de Nouméa. Le consensus qui a permis la signature de l'accord n'aurait pas pu être dégagé sans l'assentiment des partenaires de la négociation sur ce point fondamental.
Que dit exactement l'accord de Nouméa ?
Il introduit dans notre droit la notion de citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie, concrétisant ainsi le destin commun des communautés qui vivent sur cette terre. Cette citoyenneté implique nécessairement de restreindre le corps électoral, pour certains scrutins, aux habitants ayant la légitimité d'une durée suffisante de résidence sur le territoire.
Il s'agit d'abord des scrutins d'autodétermination qui seront organisés entre 2014 et 2018. Pour le droit de voter à ces scrutins-là, la cause est entendue : ne voteront que les électeurs inscrits sur les listes électorales en 1988 ou pouvant justifier d'une durée de résidence continue de 20 ans au 31 décembre 2014, ou d'autres conditions telles que la naissance en Nouvelle-Calédonie, ou la possession du statut coutumier. Le principe de ce corps électoral particulièrement restreint n'est pas contesté.
La seconde catégorie de scrutins concernés est celle de l'élection des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie – l'assemblée territoriale. Dans ce cas, l'accord prévoit de limiter le droit de vote aux seuls citoyens ayant 10 ans de résidence. Là encore, ce point est acquis et n'est contesté par aucun des signataires. Mais la difficulté vient de ce que l'accord ne précise pas clairement s'il s'agit d'une condition de 10 ans de résidence figée à la date de la signature en 1998 – système du corps électoral « gelé » comme pour les scrutins d'autodétermination – ou bien s'il s'agit de dix années de résidence à la date de chacun des scrutins successifs – c'est ce qu'on appelle le corps électoral « glissant ».
La logique de ces accords était bien, aux termes des accords de Matignon, de réserver la participation « aux scrutins qui déterminent l'avenir de la Nouvelle-Calédonie », dont les élections provinciales, aux « populations intéressées à l'avenir du territoire, c'est-à-dire aux électeurs présents dans le territoire à une certaine époque et à leurs descendants ».
Voilà pourquoi, de façon constante depuis 1999, l'État, signataire de ces accords, considère qu'il s'agit d'un corps électoral gelé.
L'adoption du projet de révision constitutionnelle permettra de continuer à œuvrer dans le cadre tracé par l'accord de Nouméa, qui renvoie expressément sur ce point aux accords de Matignon. La logique de l'accord étant ainsi respectée, nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie pourront envisager sereinement l'avenir, cet avenir qu'il leur appartient de déterminer eux-mêmes avec le concours attentif d'un État – et c’est le vrai point d’équilibre – loyal et impartial.
Le Conseil constitutionnel, en 1999, a été amené à interpréter l'accord de Nouméa. Il a estimé que seul le corps électoral glissant était conforme aux orientations de l'accord.
Aujourd'hui, nous ne pouvons plus différer cette clarification qui sera décisive pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. D'abord parce que nous la devons à nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie. Ensuite parce qu'il est temps d'y procéder : c'est en effet à partir de 2009 que la divergence d'interprétation aura un impact effectif sur la définition du corps électoral, mais uniquement pour les scrutins territoriaux de 2009 et de 2014.
Je note qu'avec un corps électoral « glissant » qui est d'ores et déjà accepté par les opposants à ce projet – et qui est la norme aujourd'hui – pour les élections de 2009, environ 7 000 électeurs ne pourront pas participer aux élections du congrès et des assemblées de province.
Je tiens à souligner ici très précisément l'exacte portée de la réforme qui vous est proposée.
En premier lieu, elle revêt une portée purement transitoire : elle n'a vocation à s'appliquer que pour les élections territoriales et provinciales de 2009 et de 2014, ou pour des élections partielles ou consécutives à une dissolution de ces assemblées. Au terme de la période d'application de l'accord de Nouméa, la Nouvelle-Calédonie aura à décider de son avenir.
En deuxième lieu, la réforme n'affecte en rien l'exercice du droit de vote en Nouvelle-Calédonie pour les élections autres que territoriales et provinciales. Tous nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie continueront donc de participer aux scrutins présidentiels, législatifs, municipaux et européens, ainsi qu'aux référendums nationaux, dans les conditions du droit commun.
Aussi, il est clair que la question qui vous est soumise ne constitue plus une question de principe. Cette dernière – l'existence même d'un corps électoral restreint – a déjà été tranchée par la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998 que le Parlement, réuni en Congrès, a adoptée à la quasi-unanimité de ses membres, puis par les électeurs de Nouvelle-Calédonie qui ont approuvé, avec 72 % des suffrages, l'accord de Nouméa lors du scrutin du 8 novembre 1998.
La Cour européenne des droits de l’homme elle-même a accepté ces dispositions en 2005, compte tenu du contexte propre à la Nouvelle-Calédonie et de leur caractère transitoire.
Lorsque cette révision constitutionnelle sera adoptée, les articles 188 et 189 de la loi organique ne renverront qu’au seul tableau annexe dressé à l’occasion du scrutin du 8 novembre 1998 et révisé annuellement pour tenir compte des décès, des départs et d’éventuelles privations de droits civiques. S’y ajouteront, le cas échéant, les personnes ayant négligé de s’inscrire alors qu’elles en avaient le droit.
Les juridictions ordinaires seront naturellement liées par l’interprétation du pouvoir constituant et le véritable sens des articles 188 et 189 de la loi organique du 19 mars 1999 lorsqu’elles seront appelées à statuer sur d’éventuels contentieux.
Les grands principes juridiques seront sans doute invoqués au cours de notre débat, mais le droit pour le droit a l’inconvénient d’ignorer deux de nos devoirs : la fraternité et la justice entre les hommes. Ni la République, ni la Nouvelle-Calédonie n’ont intérêt à connaître de nouveaux déchirements qui pourraient naître d’un rejet du présent projet de loi. Je vous laisse imaginer quelles pourraient être les conséquences pour la sécurité de nos concitoyens et le destin de la Nouvelle-Calédonie si des événements comme ceux que l’archipel a connus entre 1984 et 1988 venaient à se reproduire, sous une forme ou sous une autre.
L’équilibre actuel doit être préservé, à un moment où le Pacifique sud est agité par plusieurs conflits en Papouasie-Nouvelle-Guinée, aux îles Salomon, à Tonga, et plus récemment à Fidji, tous ceux qui s’intéressent à l’outre-mer et sont attentifs à nos compatriotes ultramarins le savent bien. Dans un tel contexte, la stabilité de la Nouvelle-Calédonie offre un contraste saisissant, et elle est souvent citée en exemple par les États du Forum des îles du Pacifique, auquel le territoire a accédé en octobre dernier en tant que membre associé.
Le deuxième sommet entre la France et l’Océanie, qui s’est tenu le 26 juin dernier à Paris à l’invitation du Président de la République, a confirmé ces orientations et souligné le rôle de la France et de ses collectivités pour la stabilité régionale. Nous ne pouvons pas faire l’économie d’une réflexion globale dans cette zone tourmentée et incertaine.
Le véritable défi à venir pour la Nouvelle-Calédonie, c’est son développement, qui passe par une meilleure utilisation de ses richesses, et l’harmonisation des relations sociales. Les responsables politiques de l’archipel doivent d’ores et déjà se préparer à exercer les compétences qui leur seront transférées en 2009.
Je comprends certaines réticences, mais ne nous trompons pas de combat : l’adoption de cette révision ne signifie pas que la Nouvelle-Calédonie s’éloigne de la République ! Il s’agit simplement de respecter la parole donnée. Le Président de la République lui-même s’était engagé à traiter cette question avant la fin de son mandat. Sur ce point comme sur tant d’autres, les engagements pris seront tenus. C’est essentiel. Le respect de la parole donnée est l’un des pivots de la méthode qui a permis de préserver la paix en Nouvelle-Calédonie, et cette méthode, c’est le consensus et la parole de l’État.
Mesdames et messieurs les députés, j’invite chacun d’entre vous à peser les conséquences de son vote et à ne pas oublier les leçons du passé. Ce qui a été fait en Nouvelle-Calédonie française depuis vingt ans est grand, ce qui reste à faire est plus grand encore. Au terme de la période couverte par les accords de Matignon et de Nouméa, il nous faudra définir de nouvelles relations qui ancreront la Nouvelle-Calédonie dans la République française. Nous réussirons avec celles et ceux qui croient au pacte républicain, laïc et fraternel, et qui croient en la France et les valeurs qu’elle diffuse dans le monde.
L’ambiguïté sur la question qui nous réunit aujourd’hui étant désormais levée, à l’heure où la Nouvelle-Calédonie connaît un développement économique remarquable, à l’approche du dixième anniversaire de l’accord de Nouméa, je suis convaincu que les partenaires calédoniens doivent relancer le processus de discussion, sans jamais oublier le consensus. C’est ainsi que nous préparerons sereinement et dans la paix les grands rendez-vous à venir.
Ce jeune citoyen, calédonien et français, je l’ai probablement rencontré lors de ma récente visite en Nouvelle-Calédonie. Je sais qu’il pèsera, avec tous les Calédoniens, sur les scrutins d’autodétermination de 2014 à 2018, peut-être même sera-t-il un jour député ou ministre de la République. Quoi qu’il en soit, par son vote, il vous sera reconnaissant d’avoir respecté la parole donnée et œuvré à la construction du destin de la Nouvelle-Calédonie dans la République française ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire ainsi que sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Les accords de Matignon, signés le 26 juin 1988, puis celui de Nouméa, signé le 5 mai 1998, sont des étapes fondamentales du renouveau calédonien. L’admirable préambule de l’accord de Nouméa, avec son analyse historique partagée pour construire un avenir commun, illustre bien cette réconciliation. Il faut reconnaître que cela fonctionne !
Dans une région politiquement troublée – je songe aux événements qui se sont déroulés récemment à Fidji – et en dépit de difficultés inhérentes à un gouvernement de coalition et de projets complexes – je pense à l’exploitation du nickel –, la Nouvelle-Calédonie fait désormais figure de pôle de stabilité et de développement économique, et de modèle de bonne intelligence entre des populations très diverses. Ses grands voisins ne la voient plus d’un œil hostile, comme ils le faisaient encore il y a quelques années.
La question de savoir qui peut voter aux différents scrutins déterminant l’avenir de l’archipel a été centrale tout au long du processus qui a abouti à cette indéniable amélioration.
À cet égard, il faut distinguer trois étapes. Lors du référendum du 8 novembre 1998 sur l’approbation de l’accord de Nouméa, la restriction du corps électoral aux personnes présentes en Nouvelle-Calédonie depuis dix ans, c’est-à-dire au moment de la signature des accords de Matignon, a été acceptée par toutes les parties.
De même, pour les consultations sur l’avenir de l’archipel qui auront lieu entre 2014 et 2019, la restriction du corps électoral aux personnes présentes en Nouvelle-Calédonie lors de l’accord de Nouméa et pouvant justifier, au plus tard le 31 décembre 2014, d’au moins vingt ans de résidence dans l’archipel a été validée par toutes les parties.
La seule difficulté dont nous sommes aujourd’hui saisis concerne les personnes appelées à voter, pendant toute la durée d’application de l’accord de Nouméa, aux élections des assemblées de province et du congrès qui auront lieu en 2009 et 2014, bien que le principe de la restriction du corps électoral ait été juridiquement accepté lors de la révision constitutionnelle de juillet 1998. Quelle est cette difficulté ?
L’accord de Nouméa divise le corps électoral, pour les élections provinciales, en trois catégories d’électeurs : les personnes qui, pouvant justifier de dix ans de résidence, ont ou auraient pu participer à la consultation du 8 novembre 1998 ; celles qui auront résidé dix ans sur le territoire au moment des élections provinciales et sont inscrites au tableau annexe, sur lequel je reviendrai ; enfin, dès qu’ils deviennent majeurs, les enfants des personnes que je viens de citer.
L’article 188 de la loi organique du 19 mars 1999 reprend cette définition du corps électoral, et l’article 189 en précise ainsi la mise en œuvre : les personnes pouvant voter aux élections provinciales seront inscrites sur une liste spéciale, et celles ne le pouvant pas sur un tableau annexe – ces deux documents devant être révisés annuellement.
Tout le débat porte sur l’interprétation du tableau annexe. S’il s’agit de la liste, dressée pour la consultation du 8 novembre 1998, des personnes non admises à participer au scrutin, ne pourront voter aux élections provinciales à partir de 2009 que les personnes arrivées en Nouvelle-Calédonie avant 1999, puisqu’elles sont seules susceptibles d’avoir voté en 1998 ou de cumuler dix ans de résidence – et d’être inscrites sur le tableau annexe. Le corps électoral serait donc « figé ».
Si les articles 188 et 189 sont appliqués à la lettre, il s’agit d’un nouveau tableau annexe, dont la mise à jour régulière permettrait d’inclure toutes les personnes arrivées en Nouvelle-Calédonie depuis 1999. Pourraient alors voter à partir de 2009 les personnes arrivées en 1999, et en 2014 celles arrivées en 2004. Le corps électoral deviendrait alors « glissant ».
Le FLNKS, relayé par le Gouvernement et le rapporteur de l’Assemblée nationale qui déposa un amendement rédactionnel sur le projet de loi organique de 1999, a soutenu la première interprétation, seule conforme à la volonté qu’il a exprimée lors de l’accord de Nouméa. Pour lui, le tableau annexe établi en 1998 aurait dû être cristallisé. M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur du Sénat et désormais président de la commission des lois de cette assemblée, a présenté dans son rapport la même interprétation.
En revanche, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 15 mars 1999, a fait une lecture littérale de la loi organique. Constatant que ni l’accord de Nouméa ni la révision constitutionnelle de juillet 1998 n’abordaient le sujet, il a choisi l’interprétation la moins dérogatoire au droit de suffrage inscrit à l’article 3 de notre constitution : il n’y a qu’un seul tableau annexe, permanent et révisé chaque année, et il a un caractère « glissant ».
Afin de dépasser cette différence d’interprétation d’un texte qui ne s’appliquera qu’à partir de 2009, soit dix ans après l’accord de Nouméa, un premier projet de loi constitutionnelle permettant de faire prévaloir l’interprétation d’un corps électoral cristallisé en 1998 fut intégré à un projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie française et adopté par les deux assemblées dans les mêmes termes.
Un Congrès du Parlement fut convoqué, puis annulé, une fois constaté que le projet de loi relatif à la magistrature auquel était associé le projet de loi sur la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie n'aurait pas de majorité suffisante pour être adopté.
Entre-temps, de nouvelles dispositions ont été adoptées sur la Polynésie, rendant sans objet le projet de révision de 1999, ce qui explique le dépôt d'un nouveau projet de loi constitutionnelle, celui dont nous sommes précisément saisis aujourd'hui.
Pour bien comprendre ce qui est en jeu, je crois d'abord qu'il faut ne pas se tromper sur la nature de l'accord de Nouméa.
Cet accord, comme les accords de Matignon d'ailleurs, n’est pas un acte notarié. Ce n'est pas un contrat juridique. Il n'avait en lui-même aucune force de droit. Il ne peut donc être lu comme une source directe du droit.
Il n'a acquis force de droit qu'à travers le processus de mise en œuvre juridique, autorisé par la révision constitutionnelle de juillet 1998, approuvé par les populations concernées le 8 novembre 1998, matérialisé dans la loi organique et la loi du 19 mars 1999.
Après l'audition de nombre d'acteurs et d'observateurs avertis, il semble que la question du corps électoral « glissant » ou non aux élections provinciales n'ait pas été abordée en tant que telle lors des négociations de l'accord de Nouméa. La question, dans toute sa clarté, n'est apparue qu'après, au moment où il a fallu traduire le contrat politique en acte juridique.
Des malentendus sont nés. Certains, avant même la discussion de la loi organique, ont tenu des propos ambigus, laissant croire que telle interprétation pouvait prévaloir sur une autre.
À l'imprécision du texte de l'accord, à l'ambiguïté des propos, s'est ajoutée l'ambiguïté de la lettre des dispositions de la loi organique elle-même.
Le Conseil constitutionnel, dans la lecture littérale qu'il a faite de ces dispositions, a privilégié la théorie de la liste électorale « glissante ».
Pouvait-il lire d'ailleurs autre chose que ce qui était écrit ?
On peut néanmoins regretter qu'après le voyage du chef de l'État en 2003, les voies d'un consensus n'aient pas été recherchées.
Il n'en reste pas moins qu'à plusieurs reprises a été reconnue la nécessité d'accepter, de manière transitoire, au nom de la paix civile, le principe de restrictions au corps électoral : cela a été fait par le législateur organique, par le pouvoir constituant de 1999, par le Comité des droits de l'homme des Nations unies dans sa communication de 2002, par la Cour européenne des droits de l'homme dans sa décision de 2005.
Ainsi donc, même si j'ai été attentif aux réserves exprimées par plusieurs de nos collègues pour des raisons de principe parfaitement respectables, cette révision constitutionnelle est bien justifiée par le maintien d'un climat serein en Nouvelle-Calédonie. « L'Île la plus proche du Paradis », pour reprendre le titre du beau roman de Katsura Morimura qui a assuré la célébrité de l'archipel au Japon – et je le rappelle comme président du groupe d'amitié France-Japon –, « l'Île la plus proche du Paradis » pourra alors consacrer toute son énergie au développement et à la mise en valeur de ses nombreux atouts et, je l'espère de tout cœur, au sein de la République.
Dialogue et consensus sont deux valeurs profondément océaniennes. Faisons en sorte de retenir cette leçon.
C'est pourquoi, monsieur le président, mes chers collègues, je vous invite à adopter ce projet de loi constitutionnelle, avec les quelques aménagements rédactionnels qui seront proposés par votre commission des lois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire ainsi que sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Nous en venons à la discussion générale. La parole est à M. Éric Raoult.
Je découvre à l’instant que nos collègues socialistes ont retiré leur question préalable.
Il est clair qu’il s’agit là de flibusterie parlementaire. (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
Nous avions déposé un certain nombre…
Mais rappelons-le : le groupe parlementaire qui est le mien, celui de la majorité UMP, a plus fait pour la Calédonie que tous les autres. Grâce, tout d’abord, à des hommes d'exception comme Jacques Lafleur et Pierre Frogier qui sont dans cet hémicycle, ou à des hommes de terrain et de persuasion comme Harold Martin. Là où certains avaient tenté, essayé, ceux-là ont réparé et rassemblé. Face aux Pisani, Nucci et autres Roynette, il y eut d’abord le mouvement gaulliste qui n'a jamais ménagé sa peine pour la Nouvelle-Calédonie.
Depuis vingt-cinq ans – d’abord, jeune assistant de Claude Labbé, envoyé sur place par Bernard Pons en juin 1981 pour la campagne d’un parlementaire qui avait le courage et la volonté pour s’exprimer –,…
Voter ce texte, c'est comprendre la question calédonienne, avec ses particularités et ses enjeux. Une question qui, depuis vingt-cinq ans, connaît des évolutions mouvementées et qui semble s'être placée sur la voie de la pacification ces dernières années. Je me prononcerai dès lors, ainsi que mon groupe, en faveur de ce texte, même si je comprends et j'admets les arguments de chacun ; c'est aussi un gage de richesse que nos opinions puissent diverger. J'étais contre ce texte, mais après réflexion, je le voterai.
Cependant, si nous devons apprécier le travail mené depuis plusieurs années, force est de constater que la paix qui règne désormais en Nouvelle-Calédonie est une paix fragile, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, et que l'esprit des accords doit prévaloir. Nous avons tous en mémoire les épreuves violentes qu'a connues la Nouvelle-Calédonie dans les années 80, la situation difficile qui était la sienne par rapport aux autres îles du Pacifique et les difficultés de cohabitation entre les populations. Or, aujourd'hui si la Nouvelle-Calédonie est devenue une île pacifiée, stable et sur la voie du développement économique, c'est en grande partie en raison du processus engagé depuis près de vingt ans et que nous devons aujourd'hui soutenir.
Tournons les yeux dans cet espace pacifique pour voir que la France y est preuve de paix et de stabilité, valeurs peu fréquentes dans les îles de son environnement – les îles Fidji viennent de le rappeler.
Le projet de loi constitutionnelle dont nous débattons aujourd'hui vise en effet à clarifier pour l'avenir la question du corps électoral pour les élections locales de Nouvelle-Calédonie. Certes, c'est une question de principe juridique, mais aussi une donnée électorale bien plus modeste.
Une élection se gagne dans les urnes comme dans les cœurs, plus que dans les projections et les slogans. Être député de droite dans le département de la Seine-Saint-Denis pourrait en être une preuve.
Depuis 1988, la Nouvelle-Calédonie connaît en effet une transition statutaire, envisageant un avenir institutionnel durable pour l’archipel, un renouveau économique et le retour à la paix civile.
À la suite des accords de Matignon de 1988, le processus s’est poursuivi avec la signature, le 5 mai 1998, de l’accord de Nouméa qui a ouvert la voie à la révision constitutionnelle du 20 juillet 1998 et à l’adoption d’un nouveau statut par la loi organique du 19 mars 1999. Ces diverses étapes marquent le passage du statut de territoire d’outre-mer à un statut sui generis, intégré au titre XIII de la Constitution, donc doté de valeur constitutionnelle.
Ce processus s’est traduit par des innovations institutionnelles, dont la définition d’un corps électoral restreint pour certaines élections. Dans sa décision du 15 mars 1999 sur la loi organique, le Conseil constitutionnel constatait que ce corps électoral était « glissant » et non « figé ». C’est ce corps qui aura à se prononcer lors des scrutins locaux − élections aux assemblées des provinces et au congrès −, les autres scrutins, à l’exception du référendum d’autodétermination, restant régis par les règles générales du code électoral.
Nous sommes tous d’accord pour reconnaître que le suffrage universel est un principe auquel on ne peut déroger en démocratie. Cependant, mes chers collègues, ce n’est pas sur la nature du suffrage universel que nous devons nous prononcer, mais simplement sur son degré d’appréciation.
Cette logique de compromis et d’équilibre a conduit à cette restriction du corps électoral dont nous débattons, laquelle est le point d’équilibre précaire du dialogue entre l’ensemble des parties aux accords.
La clarification de la délimitation du corps électoral aurait dû être adoptée dès 1999. En raison de vicissitudes d’une tout autre nature, que vient de rappeler M. le rapporteur, il n’a pu être possible de valider alors le dispositif qui nous est de nouveau proposé aujourd’hui. On ne peut donc parler ni de surprise, ni de précipitation, ni même d’atteinte à un principe. Il s’agit simplement, pour l’État, partie prenante d’un processus dont le succès dépend en partie de lui, de tenir sa parole. C’est cette même parole que nous entendons, nous aussi, dans nos communes de métropole, dans nos cités de banlieue. Quand un contrat est passé, quand une signature est apposée, l’accord doit être respecté.
Depuis près de vingt ans, la voie du dialogue est le fil conducteur des évolutions de la Nouvelle-Calédonie. Le principe d’un suffrage restreint a déjà été instauré, nous ne faisons ici que l’aménager. Pouvons-nous, pour une raison quelconque, aussi valable soit elle, compromettre un long travail de confiance réciproque ? Ce geste de fraternité retrouvée n’est-il pas, en soi, l’un des résultats que nous escomptions ? Pouvons-nous, sous prétexte de défendre un principe, remettre en cause un dialogue qui a permis d’éradiquer la violence ?
Pour la Nouvelle-Calédonie, dans ce monde instable et dangereux, le désir de France, c’est en fait le vrai désir d’avenir − car je ne pense pas qu’il y ait encore un désir de Kanakie. Pouvons-nous, pour des raisons d’opportunité, remettre en cause la parole de l’État et celle de la Présidence de la République ? Aux antipodes de la métropole, la Nouvelle-Calédonie veut-elle faire irruption dans la campagne présidentielle ?
Ce débat, chers collègues, est un moment d’émotion : il vient après un passé lourd de passion ; il doit nous permettre un avenir de compréhension.
En Nouvelle-Calédonie, nous avons la chance de pouvoir, dans les années à venir, installer durablement des institutions fiables, assurer un développement économique solide et garantir un vouloir vivre ensemble au sein de la population.
Autrefois, le Président Mitterrand avait survolé Nouméa en hélicoptère et avait eu peur de rencontrer ses compatriotes armés de leurs seuls drapeaux tricolores. Aujourd’hui, avec Jacques Chirac, nous avons à l’Élysée un Calédonien de cœur.
Je regrette que ce dossier soit entaché d’une part d’instrumentalisation, liée au calendrier électoral, qu’il soit métropolitain ou calédonien. De ce point de vue, les socialistes n’ont rien à se reprocher. Dès le 27 novembre 2002, lors de la discussion de la révision constitutionnelle que Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, avait présentée et qui comportait diverses dispositions pour l’outre-mer, j’avais déposé un amendement rétablissant le texte que nous avions voté et qui est celui que, je l’espère, vous adopterez tout à l’heure, chers collègues de la majorité. Votre prédécesseur, chers collègues de la majorité, monsieur le ministre, n’avait pas jugé opportun de se saisir de cette question à ce moment-là : je le regrette, les choses se seraient sans doute passées un peu plus tranquillement.
C’est sans doute parce que nous étions trop clairs que le Conseil constitutionnel a fait une autre lecture. J’ai eu l’occasion de rappeler que la loi ne se fait pas au Palais-Royal, mais au Palais-Bourbon et au Palais du Luxembourg. C’est la raison pour laquelle le gouvernement de Lionel Jospin n’a pas tardé à déposer un projet de loi constitutionnelle qui revenait sur l’interprétation erronée du Conseil constitutionnel.
Depuis, nous avons pris connaissance des considérations de la Cour européenne des droits de l’homme qui a considéré que la restriction du corps électoral était possible, dès lors que deux conditions étaient remplies : elle avait un caractère transitoire et devait conduire à un scrutin d’autodétermination.
On le voit, il s’agit d’une question politique − et non pas politicienne. Il nous faut prendre un peu de hauteur et tâcher de comprendre la Nouvelle-Calédonie et les problèmes qu’elle a vécus. Depuis 1988, ce territoire est engagé dans un processus original, à l’initiative de nos collègues ici présents, Jacques Lafleur et Pierre Frogier. Si cette démarche a été possible, en 1988 − chacun garde de cette période des souvenirs bien précis −, c’est tout simplement parce que la catastrophe d’Ouvéa avait inspiré une telle horreur que, avec Jean-Marie Tjibaou, malheureusement disparu, ces hommes ont compris qu’il fallait cesser de considérer la politique en Calédonie avec un regard métropolitain ou franco-français, et que les Calédoniens eux-mêmes, quelle que soit leur origine, devaient se saisir de leur destin. Ainsi, le dialogue entre les communautés a pu reprendre. Je salue ici l’action de notre collègue Christian Blanc, qui, à l’époque, n’était pas parlementaire, mais a joué, en conduisant la mission de dialogue qu’avait créée Michel Rocard, un rôle décisif.
C’est ainsi qu’ont été conclus les accords de Matignon, qui prévoyaient que, au bout de dix ans, les Calédoniens seraient appelés à se prononcer par un scrutin d’autodétermination. Cette période a été prolongée par l’accord de Nouméa, dans lequel Alain Christnacht a joué un rôle considérable, si bien que son nom mérite d’être cité ici. Je rends également hommage à la clairvoyance de Jacques Lafleur, qui a compris que, si l’on voulait poursuivre le processus, il fallait maintenir le consensus, ne pas attendre le référendum mais essayer de prolonger le système.
L’accord de Nouméa a permis de poser plusieurs problèmes institutionnels. Je voudrais, mes chers collègues, recommander à ceux d’entre vous qui ne le connaissent pas la lecture du préambule de l’accord de Nouméa, figurant dans le rapport de notre collègue Didier Quentin. De ce texte remarquable et mesuré, je retiens avant tout que les deux communautés principales de l’archipel ont décidé que le territoire leur appartenait à égalité de droits : « Les communautés qui vivent sur le territoire ont acquis par leur participation à l’édification de la Nouvelle-Calédonie une légitimité à y vivre et à continuer de contribuer à son développement. » Cela veut dire que les Kanak reconnaissent que, si le pays doit arriver un jour à la souveraineté, les Européens qui y sont installés, les vrais Calédoniens, les Caldoches, ceux qui sont là depuis longtemps, ont autant qu’eux le droit d’y demeurer. Et cet engagement est réciproque. Imaginez, mes chers collègues, ce que serait devenue l’Algérie, si l’on avait pu prendre, quand il était encore temps, un engagement de ce type. Les populations calédoniennes ont donc exprimé leur volonté de vivre ensemble et de travailler à créer un destin commun, ce qui est fondamental.
Pour y parvenir, il a fallu une disposition innovante et dérogatoire – mais le jeu en vaut la chandelle – : la création d’une citoyenneté calédonienne, au sein de la nationalité française, le citoyen calédonien étant défini comme celui qui vote aux élections locales. On voit donc l’importance qu’il y a à définir ce corps électoral restreint, puisque c’est lui qui va fonder la citoyenneté calédonienne. Le fait d’être citoyen calédonien donne en outre une priorité d’emploi local. C’est là aussi une dérogation nécessitée par les particularités de la Nouvelle-Calédonie.
Nous sommes là devant un accord qui est, comme le disait Clemenceau à propos de la Révolution française, un bloc ; Pour que cet accord soit complet, il nous reste à résoudre la difficulté concernant le corps électoral.
Pourquoi la seule solution compatible avec l’accord de Nouméa est-elle celle d’un corps électoral « glissant » s’arrêtant en 1998 ? Parce que l’interprétation du corps électoral figé en 1998 est la seule compatible avec les principes de l’accord de Nouméa, qui étaient déjà ceux des accords de Matignon. Ces derniers prévoyaient en effet que seuls les électeurs ayant leur domicile en Nouvelle-Calédonie en 1988, donc à la date de signature des accords, pourraient voter au référendum qui aurait dû avoir lieu en 1998. Un contrat était en quelque sorte passé, pour toute la durée de l’accord, avec ceux qui étaient présents au moment où il était conclu.
Dans l’accord de Nouméa, ce sont aussi les personnes présentes à la date du référendum qui ont le droit de vote pour les scrutins aux élections propres à la Nouvelle-Calédonie – scrutin d’autodétermination final et élections aux assemblées de province et au congrès –, ce que d’ailleurs les accords de Matignon avaient aussi prévu.
L’accord de Nouméa n’est donc pas un accord définitif supposant un renouvellement périodique du corps électoral. C’est un accord conclu entre des partenaires qui définit une citoyenneté pour une période donnée. Le corps électoral devait donc être connu au moment où il a été signé.
Par ailleurs – je le répète après d’autres –, la parole de la France a été donnée. Je ne parle pas seulement de celle du Président de la République, qui compte bien entendu beaucoup, ni de celle du Gouvernement, qui nous présente ce texte. Je parle de la parole de la France, parce que l’Assemblée nationale comme le Sénat – et donc le Parlement – se sont prononcés à deux reprises sur cette affaire. Cette parole de la France, il serait très dangereux de la renier.
Permettez-moi à cet égard de vous rappeler ce que nous disent très régulièrement les Kanak : « Avec l’accord de Nouméa, une étape nouvelle des relations entre le peuple kanak et la France a été franchie. Un processus de décolonisation négociée est en marche. Un accord est un accord. Il engage les parties. Une parole donnée est une parole donnée. Nul ne peut la reprendre. » Si l’on veut que le processus puisse se poursuivre, en Nouvelle-Calédonie et sans doute ailleurs, il faut que la parole de la France soit respectée.
On voit bien dans les difficultés que soulève ce texte aujourd’hui, que le dialogue entre les communautés a tendance à se rompre tandis que des divergences apparaissent tant d’ailleurs au sein des communautés Kanak que du parti politique européen Rassemblement-UMP, ce qui perturbe quelque peu la situation et est propice à des surenchères dans les deux camps. Je souhaite que ces difficultés puissent être surmontées et que le processus engagé en Nouvelle-Calédonie se poursuive et même s’approfondisse, afin que les Calédoniens puissent continuer à fixer eux-mêmes ensemble leur destin.
Je le souhaite d’autant plus que de nombreux pays du monde entier, où les conflits ethniques opposent les populations, regardent ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie, où enfin des communautés ethniques différentes apprennent à travailler ensemble. C’est un exemple que la France et la Nouvelle-Calédonie peuvent donner au monde entier. Ne brisons pas cet espoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains, ainsi que sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mon propos a pour objectif de répondre à deux questions : en quoi le gel du corps électoral constitue-il un élément fondamental des accords de Matignon ? Pourquoi est-il crucial de rester fidèle à l'esprit de ces accords ?
On peut comprendre à première vue que, pour quelqu’un qui ne connaît pas la situation en Nouvelle-Calédonie, la restriction du droit de vote de certains citoyens Français, pour des élections à des assemblées locales, dans un territoire de la République puisse paraître incompréhensible, voire inacceptable. Permettez-moi, en tant qu'initiateur des accords de Matignon, de revenir aux sources de cette proposition de gel du corps préfectoral.
Chacun garde en mémoire le souvenir des affrontements sanglants d'Ouvéa, suivis d'un début de guerre civile en Nouvelle-Calédonie, mais chacun garde aussi en mémoire la poignée de main, symbole de paix, entre Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur sur le perron de Matignon, ainsi que leurs regards et leur fierté après une nuit d'âpres négociations. L'incrédulité et la joie des Français et du monde entier furent considérables.
Entre ces deux événements une mission du dialogue avait, sur ma proposition, été nommée par le Premier ministre, Michel Rocard. Conscient que l'identité, la considération, et les manquements à la parole donnée étaient au cœur du drame naissant, à savoir la guerre civile, et qu'avant d'aborder les problèmes institutionnels, juridiques, ou économiques, la dimension humaine et culturelle devait être comprise, Michel Rocard fit le choix de personnalités représentant des autorités morales pour m'accompagner dans cette mission, qui était chargée de lui faire des propositions pour sortir la Nouvelle-Calédonie de la crise profonde où elle s'engageait.
Le 14 juin 1988, après avoir écouté, négocié, rencontré les protagonistes partout sur le territoire, notre mission remit au Premier ministre, une proposition d'accord en huit points, approuvée par MM. Tjibaou et Lafleur, et qui allait être la trame des accords de Matignon. Il me paraît important aujourd'hui de porter – pour la première fois – à la connaissance de la représentation nationale un extrait du point 7 de ce rapport : « La question de l'indépendance sera mise entre parenthèses pour dix ans grâce au renvoi à un scrutin d'autodétermination sur le territoire. Cela implique que les évolutions démographiques ne soient pas perturbées et que donc, l'immigration soit très strictement contrôlée. »
Pour comprendre l'origine de ce souci de contrôler l'immigration – et donc le corps électoral – dans la période transitoire, il faut considérer l'évolution démographique de la Nouvelle-Calédonie.
Alors qu'en 1950 les Kanak étaient encore démographiquement majoritaires, l'immigration encouragée par l'État et accélérée par le boom du nickel des années 1970, a peu à peu rendu ce peuple minoritaire sur son territoire d'origine. Aujourd'hui encore, cette immigration se poursuit, en raison notamment de l'arrivée de retraités bénéficiant d'indices correcteurs excessifs et injustifiés, sur lesquels il faudra d’ailleurs revenir.
L'idée que des métropolitains installés depuis peu pourraient, dans une proportion significative, se prononcer sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie lors d'un scrutin d'autodétermination et participer à la désignation des membres des institutions de l'île, était inacceptable pour le FLNKS. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement et le RPCR ont accepté, en 1988, dans un souci d'équité et de reconnaissance de l'identité Kanak, d'inclure le gel du corps électoral dans les accords de Matignon. Je cite : « Les électeurs et les électrices de Nouvelle-Calédonie qui seront appelés à se prononcer sur ce projet de loi référendaire, ainsi que leurs descendants accédant à la majorité, constituent les populations intéressées à l'avenir du territoire. Ils seront donc seuls autorisés à participer jusqu'en 1998 aux scrutins qui détermineront cet avenir – scrutin pour les élections aux conseils de province et scrutin d'autodétermination ». Tels sont la lettre et l'esprit des accords de Matignon sur ce point.
Ils garantissaient donc que seuls les citoyens qui avaient au moment de leur signature, c'est-à-dire en 1988, un lien indéfectible avec la Nouvelle-Calédonie pourraient prendre part au référendum d'autodétermination dix ans plus tard.
À l'approche de l'échéance de 1998, il est apparu que le délai de dix ans prévu pour l’organisation du référendum d’autodétermination, serait insuffisant pour permettre un choix serein entre le maintien dans la République et l'indépendance. À l'initiative de Jacques Lafleur, la recherche d'une solution consensuelle entre le gouvernement national, les partisans du maintien dans la République et les indépendantistes a donc été engagée et a finalement abouti, le 5 mai 1998, à l'accord de Nouméa.
Cet accord s'inscrivait dans la filiation de ceux de Matignon, puisque son but était de fixer un nouveau calendrier pour la mise en œuvre des accords de 1988. Le principe d'un gel du corps électoral était donc réaffirmé. Seuls les citoyens présents en Nouvelle-Calédonie en 1998 étaient habilités à prendre part au vote d'autodétermination. Mieux, l'accord de Nouméa prévoyait de faire respecter le gel du corps électoral lors des élections aux assemblées de province et au congrès, ce qui avait été prévu par les accords de Matignon mais qui n'avait pas été mis en œuvre entre 1988 et 1998, faute de révision de la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a fait prévaloir une interprétation neutralisante dite « du corps électoral glissant » selon laquelle tous les Français installés en Nouvelle-Calédonie acquièrent le droit de vote aux élections aux assemblées de province et au congrès après dix ans de résidence, quelle que soit leur date d'installation. Cela signifie par exemple que les personnes arrivées en Nouvelle-Calédonie en 1999, c'est-à-dire après la signature du nouvel accord, pourraient prendre part à ces élections à partir de 2009.
Quand on connaît l'importance du rôle que jouent les assemblées locales dans l'application de l'accord de Nouméa, on comprend que, politiquement, le principe du « corps électoral glissant » n'est pas cohérent avec l'esprit des accords. L'application de ce principe revient à admettre que l'immigration, qui se poursuit à un haut niveau, continue d'avoir, pendant la durée de l'accord, des conséquences sur le corps électoral local, conséquences qui ne pouvaient, bien sûr, pas être mesurées précisément au moment de la signature de l'accord de 1998.
En 1998 comme en 1988, le « contrat de citoyenneté » a été passé avec ceux qui avaient un lien indéfectible avec la Nouvelle-Calédonie. Les personnes arrivées sur ce territoire après la signature de l'accord ne sont donc pas parties prenantes de ce contrat. Par conséquent, à mon sens, seule l'interprétation du corps électoral figé en 1998 est compatible avec les principes de l'accord de Nouméa, qui étaient déjà ceux des accords de Matignon.
De plus, cela a été précisé par M. le ministre, l'accord de Nouméa est transitoire. En toutes hypothèses, les dispositions qu'il contient prendront fin en 2018 au plus tard. Après, il y aura autre chose, mais, en tout état de cause, ce ne sont pas ces règles transitoires qui s'appliqueront. Ce sera soit l'indépendance, liant le droit de vote à la nouvelle nationalité de Calédonie, soit le droit de vote attaché à la citoyenneté française.
N'oublions pas que les Kanaks ont, pendant longtemps, fait le constat des engagements non tenus par les gouvernements successifs. À tel point que l'une des difficultés majeures à laquelle s'est heurtée la mission du dialogue en 1988 a été de convaincre les négociateurs kanaks qu'ils pouvaient faire confiance au gouvernement de la France. Permettez-moi de citer à nouveau un extrait du rapport de la mission du dialogue remis en 1988 au Premier ministre : « Un accord ne peut être espéré que si les Communautés Calédoniennes (principalement la communauté mélanésienne) ont la certitude qu'un contrat passé avec l'actuel Gouvernement de la France sera appliqué par tous les gouvernements à venir dans les dix prochaines années. D'où l'idée d'un acte solennel du peuple français par référendum garantissant l'avenir. »
Cet acte solennel fut le référendum national de 1988, qui a donné toute sa force aux accords de Matignon. En adoptant le projet de révision constitutionnelle qui nous est soumis aujourd'hui par le Gouvernement, nous rétablirons le principe du corps électoral figé en 1998. Nous serons ainsi fidèles non seulement à l'esprit des accords de Matignon, mais aussi à la parole donnée par le peuple français.
Notre responsabilité est d'affirmer à nouveau notre respect des accords de Matignon, qui, depuis dix-huit ans, ont permis la coexistence pacifique des communautés et de sortir de l'affrontement entre une logique démocratique et constitutionnelle, d’une part, et une logique de décolonisation, d’autre part. Nous avons trouvé les rythmes et les temps compatibles avec les aspirations des populations ayant leurs racines en Nouvelle-Calédonie. Ce sont des équilibres subtils et successifs. Ne prenons pas le risque de rompre l'équilibre.
Je voudrais pour terminer, monsieur le président, m’adresser à Jacques Lafleur.
Cher Jacques Lafleur, je vous demande affectueusement – vous le savez, car nous avons pris des risques ensemble, ce qui crée des liens définitifs – de vous distancier de ceux qui n'ont peut-être pas encore compris qu'en évitant la guerre civile en 1988, vous leur avez permis de conserver un avenir en Nouvelle-Calédonie. Il faut qu’ils se souviennent de cela tous les jours et qu’ils vous en sachent gré.
À vous, chers collègues, je vous demande d'approuver massivement le projet de révision constitutionnelle présenté par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française, du groupe socialiste, du groupe des député-e-s communistes et républicains, et sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Il est vrai qu'une réserve d'interprétation formulée par le Conseil constitutionnel sur l'article 188 de la loi organique a rendu nécessaire un nouveau projet de loi constitutionnelle afin de préciser, de façon indiscutable, la volonté du législateur. Et ce projet, rédigé en des termes quasi identiques à celui dont nous débattons aujourd'hui, a été approuvé le 10 juin 1999 par l'Assemblée nationale et le 12 octobre 1999 par le Sénat. Cependant, sa constitutionnalisation a fait les frais de l'ajournement par le Président de la République de la réunion du Congrès à Versailles, prévue le 24 janvier 2000, au cours de laquelle deux textes devaient être examinés, celui-ci et un projet renforçant l'indépendance de la magistrature, ce dernier suscitant des oppositions de dernière minute.
Depuis, le Président de la République et le Gouvernement ont affirmé que les engagements sur le projet de loi calédonien seraient tenus : Jacques Chirac en juillet 2003 lors d'un voyage en Nouvelle-Calédonie ; l'ancien ministre de l'outre-mer, Brigitte Girardin, le 21 janvier 2005 devant le « comité des signataires », instance prévue par l'accord de Nouméa pour en assurer le suivi, et vous-même, monsieur le ministre, à plusieurs reprises en réponse à mes questions ici même.
Or il a fallu attendre presque la fin des travaux de la douzième législature avant que le Gouvernement ne décide d'honorer la parole donnée. Le temps presse, nous sommes à deux mois de la fin de cette législature et l’organisation d’un congrès avant son terme exige de faire diligence !
Monsieur le ministre, je le dis avec gravité : si cette échéance n'était pas tenue, les conséquences en seraient graves. Car l'importance de ce texte pour l'histoire calédonienne, et donc aussi pour l'histoire française, ne saurait être sous-estimée. Ce texte s'inscrit dans un long cheminement dont le résultat final déterminera l'avenir des relations entre la France et la Nouvelle-Calédonie. J’ai noté avec satisfaction cet après-midi les propos de M. le Premier ministre et de vous-même, qui garantissent l’organisation de la réunion du Congrès avant la fin de cette législature. Nous nous en réjouissons.
Permettez-moi de rappeler ce qu’a été ce parcours pour éclairer le contexte et les enjeux du projet de loi.
La Nouvelle-Calédonie a connu une situation particulièrement tendue il y a deux décennies. Une période proche de la guerre civile pendant laquelle le peuple kanak a lutté pour la reconnaissance de ses droits politiques, économiques et culturels. Une période ensanglantée par l'assassinat de grandes figures du Mouvement de libération kanak, Pierre Declercq, Eloi Machoro, Jean-Marie Tjibaou, Yeiwéné Yeiwéné, des dix de Hienghène, et par le massacre d'Ouvéa… Un terme y a été mis par l'accord de Matignon, qualifié de « pari sur l'intelligence » par Jean-Marie Tjibaou.
Cet accord, signé par le FLNKS, le RPCR et le Gouvernement, était l'aboutissement d'une nouvelle démarche de dialogue et de réconciliation entre peuples déchirés, divisés, par un siècle et demi d'histoire coloniale. Les Kanaks tendaient la main aux autres communautés calédoniennes ; celles-ci comprenaient que la paix civile et toute solution politique passaient par la prise en compte de l'identité et des revendications kanakes.
C'est ce même esprit qui a permis, dix ans plus tard, l'accord de Nouméa sur l'avenir institutionnel calédonien, reflétant la volonté réelle, partagée, des Calédoniens d'organiser sur des bases nouvelles la vie en commun sur le territoire. Cet accord prévoit un transfert progressif et irréversible de toutes les compétences, sauf des compétences régaliennes, à la Nouvelle-Calédonie sur une durée de quinze à vingt ans, au terme de laquelle un ou plusieurs référendums décideraient de l'accession ou non de ce territoire à la pleine souveraineté.
Certes, les négociations furent longues et âpres, les compromis durement obtenus. Mais le 8 novembre 1998, 72 % des Néo-Calédoniens ont ratifié par référendum cet accord. La participation a été élevée : 74 % des électeurs inscrits.
L'une des questions les plus épineuses, l'ultime point politique négocié, et dont dépendait l'équilibre politique général de l'accord, a bien été le problème du corps électoral spécial. De quoi s'agit-il ? Le paragraphe 2.2.1 de l'accord de Nouméa se prononce pour une définition restreinte du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province. Celui-ci se limite aux électeurs remplissant les conditions pour participer à la consultation du 8 novembre 1998 et à ceux qui, sous réserve de leur inscription ou de celle d'un de leurs parents sur un tableau annexe, rempliront une condition de domicile de dix ans à la date de l'élection.
L'article 188, qui reprend le point 2.2.1, parle d'un tableau annexe faisant d'emblée référence, sur lequel sont inscrites des personnes arrivées en Nouvelle-Calédonie entre 1988 et 1998 et qui y résident de façon permanente. Celles-là et leurs descendants peuvent voter sous réserve de la période requise de résidence de dix ans aux élections au congrès et aux assemblées de province. Avec les électeurs remplissant les conditions pour participer au référendum de 1998, ils constituent un corps électoral figé pour les consultations sus-citées.
L'ambiguïté naît du fait que l'article 189 de cette même loi prévoit de dresser une liste électorale spéciale pour les élections au congrès et aux assemblées provinciales à partir de la liste électorale générale et du tableau annexe des électeurs non admis à participer à ces scrutins. Ce tableau est régulièrement mis à jour avec la radiation des personnes ayant accédé à la qualité d'électeur et l'addition des nouveaux arrivants qui ne pourront devenir électeurs.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 15 mars 1999, a estimé que toutes les personnes figurant au tableau annexe mentionné à l'article 189 pouvaient participer à l'élection des assemblées de province et du congrès à condition de justifier de dix ans de domicile à la date de l'élection concernée, quelle que soit la date de leur établissement en Nouvelle-Calédonie, avant ou après 1998. Il s’agirait, en somme, d’un corps électoral glissant.
Or plusieurs facteurs tendent à démontrer que cette interprétation ne correspond pas à l'esprit de l'accord de Nouméa et qu’elle détruit son équilibre politique fragile.
Tout d'abord, la référence à l'accord de Matignon, qui figure en tête du point 2.2.1 de l'accord de Nouméa. Lors du premier accord, les signataires avaient clairement exprimé leur souhait de restreindre le corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées provinciales aux seules personnes installées en Nouvelle-Calédonie avant la consultation de 1998. Il n'en pouvait être autrement car, à l'origine, celle-ci devait être un référendum d'autodétermination.
Par ailleurs, lors des négociations de l'accord de Nouméa, la référence au « tableau annexe » ne pouvait concerner que le seul document existant à cette date et non pas un autre tableau annexe qui allait figurer à l'article 189 de la loi organique et être élaboré après le référendum ! Dans le rapport de la commission des lois de notre assemblée sur la loi organique, le rapporteur pose la question : « À quel tableau annexe fait-on référence dans l'accord de Nouméa ? » Et il répond : « Il est clair qu'il s'agit du tableau qui a été constitué en vue de la consultation référendaire de 1998. » Et le rapporteur au Sénat s'est exprimé dans le même sens.
La lecture des débats parlementaires sur la loi organique confirme cette interprétation. En d'autres termes, il y avait unanimité entre le Président de la République, le Gouvernement et les deux chambres sur cette question. Autrement, le projet de loi constitutionnelle relative à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie n'aurait pas été adopté, faute d’exister.
Comment d'ailleurs ne pas comprendre le souci des Kanaks de limiter le droit de vote des personnes de passage sur le territoire aux scrutins nationaux et municipaux ? Ou leur crainte que le corps électoral ne soit progressivement élargi par l'arrivée sur le Caillou de nouveaux résidents vraisemblablement hostiles à l'indépendance ? Ou bien encore leur volonté que l'avenir de la Nouvelle-Calédonie soit décidé par des Calédoniens et non par des immigrés de fraîche date, c'est-à-dire par des Français de métropole ou de Wallis-et-Futuna ? Comment oublier l'utilisation faite par le passé, dans la Nouvelle-Calédonie même, et aujourd'hui dans maintes parties du monde, d'une stratégie délibérée de peuplement allogène afin de rendre minoritaires les populations autochtones ? Comment occulter l'impact des moindres flux migratoires dans le contexte d'un pays dont la faiblesse numérique est notoire ?
Il est vrai que cette restriction est dérogatoire à notre tradition républicaine, ce qui a précisément motivé la révision constitutionnelle de 1998. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs admis des dérogations à plusieurs règles et principes de valeur constitutionnelle, nécessaires à la mise en œuvre de l'accord de Nouméa. Le Conseil d'État et la Cour de Cassation ont, eux aussi, estimé possible, en cas d'autorisation constitutionnelle, la restriction apportée au corps électoral – je renvoie aux arrêts Sarran de 1998 et Fraisse de 2000. Rappelons aussi que la Cour européenne des droits de l'homme a rejeté, dans son arrêt du 11 janvier 2005, un recours formé par un électeur de Nouméa exclu de la liste électorale spéciale pour les élections locales, au motif que l'histoire de la Nouvelle-Calédonie et le caractère transitoire du dispositif permettaient qu'il soit ainsi porté atteinte au droit du suffrage universel. De même, le Comité des droits de l'homme de l’ONU, saisi par une requête collective de vingt et une personnes résidant en Nouvelle-Calédonie, n'a relevé aucune violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques par la mise en application d'un corps électoral figé.
À cet égard, je soulignerai que seules deux consultations locales, celles de 2009 et de 2014, sont concernées par cette limitation du corps électoral. Par la suite, un référendum de sortie du processus de l'accord de Nouméa aura lieu entre 2014 et 2019 et, quel que soit son résultat, un nouveau régime juridique du corps électoral en Nouvelle-Calédonie devra être inévitablement institué.
Permettez-moi également de rappeler que le droit de vote aux immigrés, que nous réclamons ici, concerne les élections municipales et que les Français établis en Nouvelle-Calédonie en disposent, quelle que soit leur date d'arrivée. Les élections au congrès et aux assemblées de province posent la question de la citoyenneté calédonienne et il est normal que celle-ci conditionne le droit de vote et la définition du corps électoral.
Pour conclure, j’insisterai sur la nécessité impérieuse de respecter la parole de l'État et le vote du Parlement sur ce même sujet en 1999 ainsi que d'aller jusqu'au bout de l'engagement du Président de la République, en constitutionnalisant le corps électoral spécial. Dans le cas contraire, le risque est réel que les passions se déchaînent de nouveau, conduisant la Nouvelle-Calédonie dans une impasse. Ce serait la fin de cette voie inédite et pacifique d'autodétermination que les accords de Matignon et de Nouméa ont permis de construire dans ce territoire et qui fait l'honneur de notre pays.
Pour toutes ces raisons, nous confirmons, monsieur le président de l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, mes chers collègues, que nous voterons avec enthousiasme ce projet de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
Mme Girardin, qui vous a précédé, se déplaçait beaucoup, travaillait beaucoup mais, malheureusement, n’a pas tout compris de ce qui se passait en Nouvelle-Calédonie.
Christian Blanc a longuement évoqué les accords de Matignon : sans ces accords, la Nouvelle-Calédonie n’aurait pas retrouvé la paix. Si elle l’a retrouvée, c’est grâce à des hommes comme lui, comme Michel Rocard, alors Premier ministre, ou encore comme Alain Christnacht, qui a rédigé non seulement le préambule, mais en fait la totalité de l’accord de Nouméa. Mais tous ces accords faisaient suite à des discussions que nous avions eues entre indépendantistes et opposants à l’indépendance, et c’est moi qui menais la discussion pour le Rassemblement.
Lorsque, au cours de cette discussion, nous sommes arrivés à la question du corps électoral, un des sujets qui étaient susceptibles de nous séparer, je n’ai pas accepté que nos compatriotes de métropole installés en Nouvelle-Calédonie y soient privés du droit de vote, alors que ceux de Nouvelle-Calédonie, qu’ils soient blancs ou noirs, qui viennent en métropole et y sont inscrits sur les listes électorales peuvent y voter. Je le répète : je ne comprenais pas et je n’ai toujours pas compris pourquoi on veut que ceux qui sont arrivés en Nouvelle-Calédonie depuis dix, quinze, voire vingt ans, et qui font la richesse du territoire, parce qu’ils ont la culture politique nécessaire pour le faire progresser, se voient définitivement ôter l’espoir d’en devenir des citoyens à part entière. Ils peuvent investir et travailler en Nouvelle-Calédonie, aider et enrichir le territoire, grâce, je le répète, à leur expérience et à leur culture, mais ils n’auront jamais, contrairement à nous, le droit d’y voter !
J’ai bien entendu ce que vous m’avez dit, monsieur Dosière. Permettez-moi de souligner tout d’abord que je n’aime pas plus être qualifié de Caldoche, que vous n’aimeriez sans doute être traité de Zoreille ! Je suis un Français de Nouvelle-Calédonie, et je peux vous assurer que les Mélanésiens sont, eux aussi, des Français de Nouvelle-Calédonie.
J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec les indépendantistes, avec des Néo-Zélandais et avec des Australiens : personne ne comprend vraiment, monsieur le ministre, qu’on se précipite sur ce projet de loi constitutionnelle sans avoir renoué les fils du dialogue. D’autant que la métropole entre dans une période électorale importante : même nous, là-bas, à 16 000 kilomètres, nous avons entendu parler de l’élection présidentielle et des élections législatives ! (Sourires.) Or l’examen d’un tel texte dans cette période risque bien de faire réapparaître tous les extrémismes, comme en témoigne le compte rendu, dont j’ai eu connaissance, d’une réunion qui s’est tenue à Nouméa, le jour de mon départ, le 4 décembre : cette réunion a vu tous les extrémismes refaire surface !
Or ceux qui se sont révélés les plus sages dans cette discussion, ce sont les Mélanésiens ! Ce sont eux qui ont attaché la plus grande valeur aux négociations d’il y a maintenant près de vingt ans, ainsi qu’à la solution consensuelle que nous avons trouvée. C’est ce qui m’autorise aujourd’hui à soutenir que les gens préféreront le dialogue et la concertation plutôt que de se retrouver confrontés à un référendum couperet.
Pour terminer, monsieur le ministre, je souhaite que ce projet de loi soit retardé. Ce point compte beaucoup pour nous, pour tous les habitants de Nouvelle-Calédonie. Le dialogue ne doit pas être interrompu. En effet, si cette loi est votée, les Mélanésiens extrémistes, indépendantistes, racistes, vont demander plus encore, et leurs revendications nous placeront dans une logique d’affrontement.
Or je vous assure que l’impression que je ressens vis-à-vis de mes interlocuteurs en Nouvelle-Calédonie, celle de l’un des derniers survivants locaux à avoir signé les accords de Matignon, est d’avoir servi la Nouvelle-Calédonie, mais aussi d’avoir servi la République. Aussi faut-il maintenir le dialogue exemplaire mené en Nouvelle-Calédonie. C’est vous, mes chers collègues, qui déciderez en dernier ressort, même si le Gouvernement fait pression sur vous, même si des partis politiques différents s’entendent pour voter ce texte. Eh bien, moi, je vous demande de le reporter.
Ceux qui ont œuvré, là-bas et ici, à ce qui reste une belle œuvre partagée doivent poursuivre dans la voie tracée par Jean-Marie Tjibaou et par vous-même, Jacques Lafleur, grâce à qui ont été signés les accords de Matignon puis l'accord de Nouméa. En 1988 comme 1998, les signataires furent des visionnaires inspirés par l'intérêt général, quand bien même ils ne s'accordaient pas sur la suite à donner à cette histoire commune.
S'écarter de ces accords reviendrait à céder à la tentation d'une hasardeuse remise en cause et conduirait certains, là-bas, à chercher à rejouer la partie. Ce serait donc prendre un risque inconsidéré – je le dis avec beaucoup de respect et de mesure à Pierre Frogier, avec qui j’en ai débattu récemment. Pour d'autres, ici, s’écarter des accords, par aveuglement ou, pire, par calcul, serait jouer avec le feu. Déjà, à la veille d'une autre élection présidentielle, la rupture de la paix civile fut bien cher payée : le drame d'Ouvéa reste dans toutes nos mémoires. J'en appelle donc à la raison des républicains contre toutes les surenchères.
La question du corps électoral est en effet centrale, puisqu'il s'agit de définir une communauté de destin. Elle fut au cœur des accords de Matignon et de l’accord de Nouméa. Ce territoire a voulu une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie au sein de la citoyenneté française. Il en a été doté par le constituant. Ce fait sans précédent dans notre histoire n'est pas une dérogation, c’est une reconnaissance. Il fallait dès lors s'entendre sur le périmètre des « populations concernées » par les échéances démocratiques essentielles qui, là-bas, décident de l'avenir.
Pour cela, l'accord de Nouméa, comme ceux qui l'ont précédé, n'a pas fabriqué un consensus artificiel entre ceux qui aspirent à la naissance d'une nation et ceux qui réaffirment leur particularisme dans 1’ensemble français, il a produit une entente durable, facteur d’apaisement et de progrès. Il en est résulté le renoncement à l'affrontement, un équilibre des forces pour servir la paix et le développement, un pacte pour vivre ensemble et donc un précieux capital collectif.
En votant le texte que nous présente le Gouvernement, conforme d’ailleurs à celui que proposa en 1998 le gouvernement de Lionel Jospin, nous pouvons consolider ce pacte. Alors, continuité ou rupture ? Cohérence ou aventure ? Vous devez, mesdames et messieurs les députés, répondre, au nom du peuple français.
Je plaide, pour ma part, à l’instar de beaucoup d'autres collègues des différents groupes de l'Assemblée, pour la cohérence et la continuité. La cohérence, la logique même de l'accord de Nouméa nécessite que le corps électoral, pour la consultation référendaire comme pour les scrutins des assemblées locales, soit stabilisé, conformément à ce qui était déjà la logique des accords de Matignon en 1988.
La seule question est bien de savoir, en effet, si les personnes venues en Nouvelle-Calédonie pourront voter dix ans après leur arrivée, ou si le corps électoral, pour ces scrutins déterminants, reste celui de 1998, au moment de l'accord de Nouméa. Ce périmètre constant du corps électoral vaut pour les élections durant la période transitoire, en 2009, en 2013, voire en 2014.
Derrière l'apparente complexité juridique de la loi électorale, le choix politique est clair, compréhensible par tous : il s'agit d'éviter l'arrivée dans le corps électoral, pour des élections locales, de personnes qui n'étaient pas en Nouvelle-Calédonie en 1998. C'est reconnaître une citoyenneté qui se construit, la traduction d'un pacte loyal qui exclut que l'on mise sur des mouvements de populations pour défaire un compromis si difficilement acquis – Christian Blanc l’a parfaitement rappelé et son témoignage fut éclairant.
Personne ne peut s’abriter derrière la décision du Conseil constitutionnel de 1999. Tout au plus peut-on considérer, à partir de cette décision, que la discussion qu'elle a alimentée nécessite un arbitrage sans faille du législateur constituant, et au plus tôt. Je rappelle que le Conseil constitutionnel, en République, n’est pas le pouvoir constituant !
La continuité de notre engagement à tous est donc indispensable, de même que la continuité de la parole publique, marquée par une constance exceptionnelle, une convergence que chacun peut vérifier, trois gouvernements et quatre ministres de l'outre-mer s’étant succédé sans dévier de cette ligne – M. François Baroin l’a rappelé à l’instant. Je salue cette constance.
Majorités et oppositions successives ont adhéré aux principes fondateurs des accords, qui ont heureusement survécu aux caprices des alternances. On notera surtout une continuité des actes politiques sans ambiguïté : en 1999, deux majorités différentes, l'une à l'Assemblée Nationale, l'autre au Sénat, se sont exprimées en des termes identiques à ceux d'aujourd'hui. Pour finir, cette loi constitutionnelle est présentée par le Gouvernement au nom du Président de la République. Aujourd’hui, d’ailleurs, personne n'invoque des bouleversements en Nouvelle-Calédonie pour éventuellement justifier que l'on s'attaque à l'esprit des accords et que l'on modifie leur économie sur ce point essentiel qu’est le corps électoral. Il s’agit donc, par notre vote, de respecter la parole donnée.
Au fond, s'il y a une critique à émettre, monsieur le ministre, c'est que ce vote, freiné par beaucoup d'hésitations, vient bien tard au cours de cette législature.
Une partie des signataires de cet accord avaient très mal accueilli la décision rendue par le Conseil constitutionnel en 1999. L'enjeu est pourtant simple : il s’agit de savoir qui peut voter lors des futures élections provinciales et accéder ainsi à la « citoyenneté » de Nouvelle-Calédonie prévue par l'accord de Nouméa. La présente loi vise à rétablir cet accord « dans son esprit et dans sa lettre », c'est-à-dire à reconnaître le droit aux résidents justifiant de dix ans de présence en 1998, de participer aux scrutins engageant l'avenir institutionnel de l'archipel. En rétablissant cette disposition de la loi organique cassée par le Conseil constitutionnel, le législateur permettra de sortir de l'impasse politique dénoncée par les représentants du peuple kanak, signataires de l’accord de Nouméa.
Depuis 152 ans, l'État s'est toujours opposé à l'indépendance par des formes diverses d'oppression. Il faut comprendre que, du point de vue des populations mélanésiennes, l'accord de Nouméa n'est pas seulement un accord de paix mais un accord de décolonisation au sens du droit international.
Je veux mettre en garde, comme plusieurs de mes collègues qui se sont succédé à la tribune, contre la tentation de remise en cause des accords, malgré les déclarations du ministre délégué aux relations avec le Parlement, qui a maintes fois indiqué qu'il s'agissait d'un engagement du Président de la République et qu’il serait tenu.
Rappelons qu'en 1999, un projet de loi constitutionnelle, en tous points similaire à celui-ci, avait été adopté en des termes identiques par le Sénat et l'Assemblée nationale. Malheureusement, la procédure de révision constitutionnelle n'avait pu aller jusqu'à son terme, le Président de la République n'ayant pas convoqué le Congrès pour des motifs étrangers à la Nouvelle-Calédonie.
Je veux bien croire que M. le Président de la République tiendra cette fois à remplir ses engagements, mais la campagne présidentielle permet toutes les surenchères. Le ministre-candidat, président de l'UMP, en sait quelque chose et l’a prouvé à plusieurs reprises. Nous sommes inquiets de toutes ces interventions dans les médias tendant à discréditer la loi, la lettre et l'esprit des accords de Nouméa.
Comme le disait le gaulliste Edgar Pisani (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), « en Nouvelle-Calédonie, on a fait toujours trop peu et trop tard ». Cette fois, faisons simplement notre travail de représentants du peuple, de médiateurs de la paix civile ! En garantissant le rééquilibrage des droits en faveur des populations colonisées,…
La parole donnée doit être tenue. Les Verts seront vigilants sur ce point.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parce que l’urgence commande de résister aux calculs politiciens des uns et des autres, parce qu’ils soutiennent le désir de paix et d’émancipation du peuple de Nouvelle-Calédonie, les députés verts voteront pour l’adoption de cette loi qui engage la parole de la France et se rendront avec un très grand plaisir au Congrès qu’assurément le Président de la République convoquera à Versailles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Oh, je sais ! Sur ce dossier, nous avons depuis bien longtemps perdu la bataille de la vérité. Je vais cependant vous en rappeler la réalité.
Tout d’abord, ce projet de loi constitutionnelle, qui complète l’article 77 de la Constitution, est fondé sur deux contrevérités.
On vous dit que le gel du corps électoral est inscrit dans l’accord de Nouméa. C’est faux !
On soutient aussi que le gel du corps électoral pour les élections aux assemblées locales de la Nouvelle-Calédonie serait conforme à l’accord de Nouméa. C’est totalement faux ! J’ai participé personnellement, sous l’autorité de Jacques Lafleur, à toute la négociation de l’accord de Nouméa, contrairement à bien d’autres qui aujourd’hui s’expriment dans cet hémicycle. J’en suis imprégné et je vous l’affirme : jamais, durant ces négociations, il ne fut question d’un corps électoral gelé pour les élections locales ; jamais nous n’avons donné un quelconque accord pour que des Français arrivés en Calédonie après le 8 novembre 1998 soient privés définitivement du droit de participer à l’élection des assemblées locales.
Certes, ceci n’est que mon témoignage vécu. C’est ma parole ! Mais je ne vois pas pourquoi ma parole, celle d’un Calédonien, député de la République, aurait moins de valeur que la parole d’un leader indépendantiste ou de ses alliés socialistes.
Ainsi le préambule, qui donne tout son sens à l’accord de Nouméa, indique-t-il que « le corps électoral pour les élections aux assemblées locales propres à la Nouvelle-Calédonie sera restreint aux personnes établies depuis une certaine durée ». Et non pas depuis une certaine date !
Les travaux préparatoires à la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998 vont, sans ambiguïté, dans le sens d’un corps électoral glissant, évolutif et non pas figé.
C’est aussi le cas du document d’information réalisé par les services de Lionel Jospin, alors Premier ministre, et diffusé largement en Nouvelle-Calédonie pendant la campagne pour le référendum local du 8 novembre 1998 : lorsque les électeurs calédoniens ont massivement approuvé – à 72 % – l’accord de Nouméa, avec 74 % de participation, ils l’ont fait clairement, sans équivoque, sur la base d’un corps électoral glissant.
Ajoutons que la loi organique de mars 1999 proposée par la majorité socialiste a mis en application l’accord de Nouméa en permettant aux citoyens durablement installés en Nouvelle-Calédonie de voter après dix ans de présence.
C’est cela, la vérité de l’accord de Nouméa sur laquelle le Conseil constitutionnel a fondé sa décision du 15 mars 1999 !
Geler le corps électoral en Nouvelle-Calédonie, c’est porter atteinte au caractère universel du droit de vote. C’est aussi instaurer en Nouvelle-Calédonie un véritable apartheid, avec deux catégories de citoyens : ceux qui ont le droit de vote et ceux qui ne l’auront jamais.
Mes chers collègues, posez-vous une question, une question toute simple : comment des Français qui ont leur vie, leurs biens, leur cœur en Calédonie peuvent-ils être définitivement écartés des consultations qui conditionnent leur avenir, celui de leurs enfants, et leur vie quotidienne ? Qu’ont-ils fait ? De quoi se sont-ils rendus coupables ? La privation des droits civiques – et donc du droit de vote – est, vous le savez, une sanction réservée à certains crimes et délits !
Ma conviction est que la France, pays de la démocratie et des droits de l’homme, ne peut pas priver certains Français du droit de vote sur son sol.
Ma conviction est que la citoyenneté calédonienne ne peut pas être plus difficile à obtenir que la nationalité française. Je m’étonne, d’ailleurs, que nombreux parmi vous soient ceux qui approuvent ce projet de loi tout en prônant par ailleurs l’octroi du droit de vote aux étrangers pour les élections locales !
Aussi comprendrez-vous que, depuis l’origine, dans cette bataille, ma détermination est sans faille. Et ma détermination est celle d’une large majorité de la population calédonienne.
Comment et pourquoi, dans la plus totale confusion, en est-on arrivé à une telle aberration, un tel renoncement, une telle dérogation au droit commun ?
Je regrette qu’à la suite de ces déclarations, à aucun moment, le Gouvernement n’ait pris l’initiative d’organiser et d’engager la discussion.
Aujourd’hui, le désaccord reste total. Ni le gouvernement de la République ni la représentation nationale n’ont le droit de réécrire l’histoire. La seule parole que nous nous devons de respecter, c’est celle qui a été donnée aux électeurs calédoniens. Personne n’a le droit de modifier l’un des points fondamentaux de l’accord de Nouméa sans consulter à nouveau la population calédonienne. Modifier la Constitution sans avoir respecté ce préalable serait, je le répète, un détournement du vote populaire, un déni de démocratie !
Au fond, nous assistons à une politique de renoncement devant la menace à peine voilée, brandie par le FLNKS et bien sûr amplifiée par la gauche et par l’UDF locales, d’un retour aux troubles que la Nouvelle-Calédonie a connus il y a plus de vingt ans. Si l’on s’obstine à passer en force et si l’on accepte de bouleverser l’équilibre de l’accord de Nouméa et de modifier la Constitution au mépris de la vérité des faits, des engagements et de l’histoire, c’est pour satisfaire les revendications et céder au chantage de ceux qui menacent de recourir à la violence. Et c’est insupportable !
Depuis vingt ans, la Nouvelle-Calédonie a beaucoup changé.
Mes chers collègues, ne laissez pas les idéologies, les partis pris et les calculs électoraux faire une nouvelle fois, une fois de trop, de la Nouvelle-Calédonie un enjeu de politique nationale. Ne laissez pas la culpabilisation ou la repentance troubler votre conscience et votre raison. Ne laissez pas le chantage d’une minorité vous entraîner au renoncement. Ne laissez pas la France fouler aux pieds la dignité et les droits de milliers de citoyens français, vos compatriotes !
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)
La parole est à M. Michel Piron.
La question n’est pas simple non plus, car elle résulte d’un long parcours politique et juridique. Qui ne se souvient des événements tragiques d’Ouvéa en avril 1988, du retour de peurs trop connues auquel ils donnèrent lieu et du dénouement apporté par les accords de Matignon du 26 juin, largement approuvés en novembre de la même année ? Accords politiques s’il en fut – oui, monsieur Dosière, au plus noble et au seul sens que ce terme devrait conserver –, affirmant la volonté de pacifier l’avenir et traduits peu ou prou, juridiquement, dans la suite de textes que j’évoquais plus haut, par une restriction dérogatoire du corps électoral pour une période transitoire.
La question n’est pas simple, encore, car elle met en jeu des principes auxquels nous devons et devrons nous référer, dont le suffrage universel n’est certes pas le moindre. Le compromis qui l’aménage a été validé pour un temps et pour des scrutins limités.
Comme souvent, dans les situations difficiles et tendues, la lettre peine à exprimer l’esprit des lois. Ce fut sans doute le cas à l’époque et ça l’est encore aujourd’hui. Raison de plus, me semble-t-il, pour en rappeler d’abord l’esprit, comme l’a fait M. Christian Blanc. Une parole a été donnée par le Président de la République et par le Parlement. Elle doit être respectée, car elle a permis de ramener la paix.
En nous proposant d’adopter ce texte, il me semble qu’on ne nous invite pas seulement à clore un débat ancien, mais bien plutôt à poursuivre, à nourrir et à renouveler l’indispensable dialogue au terme duquel la Nouvelle-Calédonie fera un choix qui, grâce à notre choix, pourra être son choix. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mes chers collègues, je sais, je sens que vous êtes pour la plupart convaincus du bien-fondé et du bon sens des propos tenus par les uns et les autres. Je sais aussi, en tout cas je crois comprendre, que vous aurez à cœur, vous, les députés de la majorité parlementaire, de ne pas humilier davantage le Président de la République (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), qui s’est engagé personnellement et solennellement, en juillet 2003, en Nouvelle-Calédonie, à faire aboutir cette affaire avant la fin de son quinquennat.
Il n’est pas admissible de croire que, pour des querelles intestines au sein de l’UMP ou pour de subalternes calculs politiciens de réélection d’un parlementaire en Nouvelle-Calédonie, …
C’est, hélas ! une triste réalité.
Vous adopterez donc la seule définition qui vaille, congruente et conforme aux principes de l’accord de Nouméa, cristallisée et figée, non glissante à partir des électeurs de 1998, soit au total moins de 5 000 électeurs concernés pour les élections de 2014.
Il n’est pas admissible de croire, même pour les ayatollahs d’un certain droit et pour les révisionnistes, calculateurs et pusillanimes (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), …
D’aucuns, s’appuyant sur les déclarations du Président de la République, lors de l’entretien accordé le 24 juillet 2003 à Radio Rythme Bleu, en Nouvelle-Calédonie, par une interprétation controuvée de la phrase suivante : « J’ai eu l’occasion de dire que le problème matériellement ne se posait pas avant 2009 », préconisent d’appliquer le prudent et hypocrite principe festina lente – hâte-toi lentement – et pour tout dire d’adopter le présent projet de loi constitutionnelle, mais de reporter le Congrès au-delà de la présente législature.
Pardonnez-moi de penser qu’une telle stratégie s’apparenterait à une véritable trahison, un véritable viol de l’espérance kanake et calédonienne.
J’ose ajouter qu’il s’agirait là d’une seconde trahison, …
Depuis lors, depuis bientôt huit ans, la Nouvelle-Calédonie attend patiemment, calmement, que le contrat social de 1998, qui fondait un nouveau pacte avec la République dans un processus de décolonisation tranquille, soit enfin respecté.
Foin donc des arguties, du jésuitisme et de l’ésotérisme juridique ! ( (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il s’agit exclusivement de volonté politique.
Le parti socialiste, co-initiateur de ces textes, soutiendra ardemment, vous l’avez compris, l’adoption de ce projet de loi.
La réunion du Parlement en Congrès n’étant pas si fréquente, je profiterai de cette occasion pour soutenir l’inscription dans la Constitution de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, érigés très bientôt en nouvelles collectivités d’outre-mer, conformément à l’article 72-3, qui mentionne nominativement chacune de ces collectivités.
Je soutiendrai également l’amendement de mes collègues sur la reconnaissance des langues régionales et minoritaires à côté de notre langue officielle : le français.
Chers collègues, je vous exhorte à l’audace, je vous exhorte au simple courage. Je vous exhorte à aller jusqu’au bout du processus d’adoption à l’Assemblée, au Sénat, au Congrès, avant la fin de la présente législature. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Ce débat a trois enjeux : la démocratie, car il porte sur le droit de vote ; la justice, car il concerne l'équilibre des différentes communautés ; la paix civile, car elle risque, dans toutes les hypothèses, d'être compromise.
Lorsque l’accord de Nouméa a été signé le 5 mai 1998, un immense espoir s'était levé. Dans l'immédiat, la paix civile était consolidée ; à terme, le territoire fixerait lui-même son avenir et, dans l'intervalle, les moyens de la souveraineté lui seraient progressivement transférés.
Après des affrontements tragiques, après des négociations difficiles, la vie politique et les responsables publics sortaient grandis de cet épisode. Ainsi donc, la politique pouvait être autre chose que le champ clos des oppositions de personnes, d'intérêts ou d'idéologies. Ainsi donc, les responsables politiques, si souvent vilipendés, pouvaient avoir suffisamment de grandeur d'âme et de respect mutuel pour surmonter leurs divergences et préparer ensemble un avenir commun.
Ce vrai consensus n'aurait pas été possible sans un vrai dialogue. Dialogue qui s’est tenu ici, au Parlement, puis au Congrès de la République en juillet 1998, pour intégrer dans la Constitution les dispositions de l'accord de Nouméa, ce qui a été approuvé par les députés et les sénateurs à une majorité de 95 %. Dialogue qui s'est prolongé là-bas lorsque la population calédonienne a été appelée en novembre 1998 à se prononcer sur ce processus, qu'elle a soutenu à une majorité de plus de 70 % des voix.
C'est ce processus qui est aujourd'hui menacé. Nous sommes tous suffisamment responsables dans cette assemblée pour mesurer qu'il ne serait de l'intérêt de personne qu'il soit demain interrompu.
Que le Gouvernement souhaite préserver ce processus, personne ne le conteste. Mais la voie qu'il a choisie en engageant cette procédure de révision constitutionnelle – révision couperet disait tout à l’heure Jacques Lafleur – est-elle la bonne ? Très franchement, monsieur le ministre, je ne le crois pas.
Le Gouvernement invoque la parole donnée. Lorsque le Président de la République s'est rendu en Nouvelle-Calédonie en juillet 2003, il a en effet demandé que la question du corps électoral soit réglée. Mais il y a très explicitement mis deux conditions, que notre rapporteur a très opportunément rappelées. Le chef de l'État a demandé que « la solution soit trouvée en concertation très étroite et en accord très étroit avec l'ensemble des Calédoniens ».
Cette concertation a-t-elle été conduite ? Cet accord a-t-il été trouvé ?
La concertation, force est de constater qu'elle s'est limitée au cercle très fermé du comité des signataires de l'accord de Nouméa. Or il suffit de se reporter aux communiqués officiels pour constater que les positions prises au sein de ce comité sur le corps électoral sont marquées par une très profonde ambiguïté. Pour le reste, la logique de la concertation aurait voulu que le congrès du territoire, directement intéressé par le mode d'élection de ses membres, soit appelé à en débattre. L'a-t-il été depuis huit ans que la question est posée ? Nullement !
Quant aux électeurs de Nouvelle-Calédonie, qui sont eux aussi directement concernés et qui avaient été consultés sur l'accord de Nouméa, est-il envisagé qu'ils le soient également sur la modification ou sur l'interprétation – on dira comme on le souhaitera – qui en est aujourd'hui proposée ? Je n’ai pas entendu qu'il en soit question. En vérité, la concertation voulue par le chef de l'État n'a été qu'ébauchée. Il n'est donc pas surprenant que l’accord qu'il avait demandé n'ait pas été trouvé. Il faut dire les choses comme elles sont : aucun accord n'existe ni dans cette enceinte, ni en Nouvelle-Calédonie.
Monsieur le ministre, je mesure toute la difficulté de votre tâche. Et je ne veux ni la compliquer ni fragiliser un gouvernement que j'ai par ailleurs toujours soutenu. Je cherche comme vous une solution. Et je ne vois, en vérité, que deux hypothèses.
La première, qui est probablement la plus dangereuse, consiste à aller, quoi qu'il arrive, au terme de la procédure qui a été engagée. Si cette voie est choisie, il faut en mesurer les conséquences : ici, il y aura d’un côté ceux qui sont pour ; de l’autre ceux qui sont contre. Et là-bas, il y aura d’un côté les vainqueurs, de l'autre les vaincus.
Quel que soit le sens du vote, la fracture qui en résulterait serait tout le contraire du consensus qui est au cœur même non seulement du processus des accords de Matignon puis de Nouméa, mais aussi de toute la culture des peuples d'Océanie. C'est pourtant ce consensus – faut-il le rappeler ? – qui a valu à la Nouvelle-Calédonie près de vingt ans de paix.
La seconde hypothèse, à mon sens la seule qui vaille, consiste au contraire à trouver les moyens de renouer, ici et sur place, le fil du dialogue.
Personne ne peut s'offusquer de ce que la difficulté du sujet exige un temps supplémentaire de réflexion et d'échange. Il n'est facile pour personne de trouver le juste équilibre entre le principe républicain – légitime par nature – qui veut que chaque homme ait une voix, et la référence identitaire, tout aussi respectable, qui consiste à dire que tous les électeurs ne sont pas identiques devant l’histoire et que leurs droits peuvent donc être différents.
Sur ce point fondamental, la Nouvelle-Calédonie a besoin de trouver aujourd’hui un pacte fondateur comme l'étaient les accords de 1988 et 1998. L'accord de Matignon a fondé l'objectif de l'autodétermination. L'accord de Nouméa en a fondé les principales modalités. Il reste aujourd'hui à fonder la place des différentes communautés dans ce processus historique. C'est un vaste sujet, qui nécessite probablement plus de temps qu'il n'en reste avant le terme de cette législature.
Pour rattraper le temps perdu, pour « boucler le dossier » avant la fin de la mandature, faut-il courir le risque, par un vote précipité, de rompre les équilibres si fragiles de la Nouvelle-Calédonie ? Ne serait-il pas plus sage, pour maintenir un consensus, vital pour le territoire, de consacrer le temps nécessaire à un vrai dialogue ?
Poser cette question, c'est, me semble-t-il, y répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mais c’est le devoir du député de la nation de se lever pour dire non lorsque les principes de la République sont en cause, lorsqu’ils sont ignorés au motif que l’éloignement et la distance rendraient bénigne la faute et qu’elle serait rapidement recouverte du linceul de la lâcheté politique. (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
Ce projet de loi constitutionnel est une gifle pour la République, monsieur le ministre, telle que depuis deux siècles elle se construit chaque jour, avec la force du suffrage universel, berçant en son sein l’universalité de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Vous dites que l’enjeu serait limité. Vous dites qu’il ne s’agit que d’élections provinciales. Vous dites que ce projet n’exclut en définitive à peine qu’un petit millier d’électeurs. Mais alors pourquoi ruiner les fondements de la République pour un enjeu que vous jugez anodin ?
Après les accords de Nouméa, entérinés par la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998, la Nouvelle-Calédonie a trouvé une large autonomie provinciale, avec des conditions de résidence de dix ans pour voter.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 15 mars 1999 sur la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, a clairement précisé que la condition de résidence devait s’apprécier à la date de l’élection. Je vous rappelle le considérant, monsieur le ministre :
« Il ressort des dispositions combinées des articles 188 et 189 que doivent notamment participer à l’élection des assemblées de province et du congrès les personnes qui, à la date de l’élection, figurent au tableau annexe mentionné au I de l’article 189 et sont domiciliées depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie, quelle que soit la date de leur établissement en Nouvelle-Calédonie, même postérieure au 8 novembre 1998 ; qu’une telle définition du corps électoral restreint est au demeurant seule conforme à la volonté du pouvoir constituant, éclairée par les travaux parlementaires dont est issu l’article 77 de la Constitution, et respecte l’accord de Nouméa » – comme cela a été rappelé notamment par nos collègues Jacques Lafleur et Pierre Frogier.
Seule la condition de domicile de dix ans à la date de l’élection doit être prise en compte. Vous proposez ni plus ni moins de geler le corps électoral aux inscrits sur la liste annexe telle qu’elle fut établie en 1998. Dès lors, pour une élection en 2009 par exemple, les citoyens français établis en Nouvelle-Calédonie sans discontinuité depuis 1999 sont exclus du corps électoral. Ce projet de loi constitutionnel est un véritable déni de la parole donnée, telle qu’elle a été actée dans l’accord de Nouméa, contrairement à ce que nous avons entendu, mais conformément à ce qui a été rappelé, à juste titre, par Pierre Frogier.
Je vous rappelle le point 5-7 du préambule de cet accord : « Le corps électoral pour les élections aux assemblées locales propres à la Nouvelle-Calédonie sera restreint aux personnes établies depuis une certaine durée. »
Cela est clair et évident : lorsque la durée est atteinte, on peut voter. Or vous voulez geler le corps électoral, qui ne peut se rajeunir que par la loi du sang, et qui est restreint à ce titre.
Votre projet travestit l’histoire : il est révisionniste ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Dois-je vous rappeler que votre projet est également contraire à l’article 3 de la Constitution, qui proclame l’unicité du peuple français composé de tous les citoyens français sans distinction d’origine, de race ou de religion, comme l’a redit avec force le Conseil constitutionnel le 9 mai 1991 à propos de la Corse ?
Votre texte, qui constitue un véritable assassinat constitutionnel du suffrage universel, est lourd de conséquences pour l’avenir, monsieur le ministre ! Avez-vous vraiment conscience que vous instituez en la pérennisant la notion d’étranger dans son propre pays, alors que, dans le même temps, les plus ardents zélateurs de votre projet néfaste nous proposent de donner le droit de vote aux étrangers présents depuis dix ans dans nos communes ? Ne nous étonnons pas que, devant tant d’illogisme et d’absurdité, nombre de nos concitoyens, révoltés, soient tentés de radicaliser leur vote.
Souvenez-vous de l’adage antique : « Défendre ses lois plus fort que ses murailles » ! Vous portez des coups terribles à la République et vous mutilez ses principes fondateurs en fonction de la latitude et de la longitude, alors que la naissance du village planétaire commande de se battre partout, selon les mêmes principes, pour la même dignité des hommes et des citoyens. « La République est une parce qu’elle est de tous », affirmait à juste titre Aristide Briand.
C’est la raison pour laquelle votre nom, monsieur Lafleur, et celui de Jean-Marie Tjibaou restent gravés dans les mémoires, comme celui de Michel Rocard, de Louis Le Pensec ou de Christian Blanc.
Lorsque je parle à cette tribune, en tant que député de la nation, je me souviens, monsieur Lafleur, des négociations que vous avez menées avec Jean-Marie Tjibaou et qui ont permis à la République de sortir d’une crise à laquelle je n’imaginais qu’une issue violente. C’est de cette histoire que nous sommes redevables aujourd’hui.
Faisons-nous aujourd’hui uniquement du droit ? Le Président de la République fait-il seulement du droit quand il écrit à Paul Neaoutyine qu’une révision constitutionnelle va être proposée au Parlement, et qu’il souhaite – si j’ai bien compris – que le Congrès se réunisse avant la fin de son mandat afin que les accords passés soient respectés ?
La Nouvelle-Calédonie a retrouvé la paix civile et le chemin du développement économique et social grâce aux accords de Matignon en 1988, puis à l’accord de Nouméa signé en 1998 par Lionel Jospin au nom de l'État, le FLNKS et le Rassemblement – ex-RPCR – accord qui a attribué d’importantes compétences à la Nouvelle-Calédonie et l’a dotée d'un congrès et d'un gouvernement en mesure d'adopter des lois de pays, sous le contrôle du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel.
Il s’agit d’une avancée qui a non seulement permis le retour de la paix, mais également le développement. Nous serions fous de vouloir introduire un grain de sable dans le processus qui a été enclenché, et de repartir dans nos circonscriptions en ayant le sentiment d’avoir accompli un geste en accord avec le droit, avec nos idées, mais qui introduirait un élément de rupture avec la parole donnée par l’État. Rupture profonde avec le chemin qui a été tracé hier, et qui a permis d’ouvrir des perspectives. Rupture aussi par rapport aux attentes de nombreux citoyens sur ce territoire.
Le vote que nous allons émettre est important pour la Nouvelle-Calédonie et pour la poursuite de ce processus, car je n’ai pas envie que nous puissions être tenus pour responsables, au nom de nos petits intérêts, d’une situation qui pourrait dégénérer. Et en disant cela, je ne dis pas que la violence menace et que nous légiférons sous la contrainte. Je dis simplement que nous légiférons avec le poids de l’histoire, dans le prolongement des accords, en pensant à ceux qui ont porté ce mouvement vers la paix civile et le développement économique. Si nous ne votions pas aujourd’hui ce texte, ce ne serait pas seulement grave pour la Nouvelle-Calédonie, mais aussi et surtout pour la République, et pour le crédit que l’on pourrait accorder demain, si la République devait affronter d’autres conflits, en métropole ou ailleurs, à la parole de l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Malgré un emploi du temps chargé dans ma circonscription, tout comme chacune et chacun d'entre vous, j'ai tenu à être présent pour l'examen de ce texte, et à témoigner ainsi de mon intérêt pour la Nouvelle-Calédonie. Permettez-moi de saluer nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie, qui suivent ce débat avec intérêt à plus de 16 000 kilomètres de Paris, avec une pensée particulière pour la communauté wallisienne et futunienne.
Je ne souhaite pas refaire l'historique des événements qui nous amènent à débattre du projet présenté par le Gouvernement. Nous disposons des acquis historiques, mais aussi des témoignages vivants des moments qui ont marqué la Nouvelle-Calédonie.
Ayant parcouru les différents ouvrages écrits sur la période des vingt dernières années, il m'est agréable de souligner, à mon tour, le rôle de deux personnalités qui ont marqué la Nouvelle-Calédonie et qui ont permis, avec force et volonté commune, d'arriver aux orientations politiques traduites dans les accords de Matignon et l'accord de Nouméa : notre regretté Jean-Marie Tjibaou et notre ami Jacques Lafleur, présent parmi nous aujourd'hui.
Qu'il me soit permis de leur rendre hommage. La Nouvelle-Calédonie a toujours été représentée à hauteur de ses ambitions, ardemment soutenue à l'Assemblée nationale par Jacques Lafleur et Pierre Frogier. Ils n'ont eu de cesse de favoriser le développement de leur territoire. Ils n’ont jamais ménagé leurs efforts pour défendre les textes sur les avantages de la défiscalisation outre-mer, mais aussi des dossiers clés et stratégiques pour la Nouvelle-Calédonie, comme celui du nickel. Les évolutions de la participation de la Nouvelle-Calédonie et de ses collectivités locales dans le capital de la SLN et du groupe Eramet sont des exemples de réussite politique qu'il faut souligner.
S’agissant du texte dont nous débattons aujourd'hui, Pierre Frogier, dans la continuité de l’action de Jacques Lafleur, a toujours défendu avec force et conviction sa position – celle de son parti –, qui est également celle des loyalistes. Plus récemment encore, à l'occasion de l'examen du budget de l'outre-mer, il a apporté des précisions très claires à certains de nos collègues qui l'interpellaient à tort sur le sujet calédonien.
L'application de l'accord de Nouméa représente la synthèse politique issue du compromis de deux visions, celle du RPCR et celle du FLNKS, pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, de ses institutions et la programmation du transfert de compétences.
La transposition des orientations politiques de cet accord, c'est-à-dire le passage du texte de l'accord de Nouméa au texte de loi organique, est aujourd'hui l’un des points d'incompréhension et de désaccord entre les parties concernées. Le Conseil Constitutionnel, par sa décision du 15 mars 1999, a précisé sa lecture du droit par rapport à la loi votée par le Parlement. Depuis, le FLNKS et les partis indépendantistes avaient, à plusieurs reprises, demandé aux partenaires signataires que tout soit mis en œuvre pour que l'esprit de l'accord de Nouméa puisse être respecté et que la parole donnée soit honorée.
Monsieur le ministre, à la demande du Président de la République, le Gouvernement, que vous représentez, nous soumet le présent projet de loi. Nous devons tous reconnaître que son examen en fin de législature nourrit une polémique politicienne au niveau national, qui n’est pas forcément justifiée car il s'agit d'un texte certes important, mais d’abord d'intérêt local, la question étant de savoir s’il faut geler ou non le corps électoral pour les élections des provinces et du congrès, durant une période déterminée.
À l'époque des accords, deux partis étaient représentatifs.
À l'issue des élections de 2004, la carte politique calédonienne a changé avec l'arrivée au sein de l'exécutif de nouvelles formations politiques représentatives. L'« Avenir Ensemble » vit le jour et forma une majorité très composite au Congrès avec plusieurs partis de différents courants. Cela démontre, si besoin était, qu'il faut tenir compte du caractère évolutif du corps social calédonien : les vérités de 1988 et de 1998 ne seront peut-être plus celles de 2009 ou 2014, voire de 2018.
Un autre fait majeur démontre les difficultés de l'application de cet accord politique : le caractère collégial de la formation du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Son fonctionnement, problématique aujourd’hui, mérite d'être discuté et amélioré à l’occasion d’une future révision de la loi organique.
Je pense également que doit être assuré l'avenir de ceux qui, venant de l'extérieur, notamment des îles de Wallis-et-Futuna que je représente, contribuent par leurs activités et leur travail au développement et à la richesse de la Nouvelle-Calédonie.
Pour ma part, je regrette certains propos émanant d'éléments extérieurs ou des déclarations visant à mettre en cause ou en difficulté certaines personnalités représentatives de la vie politique calédonienne, comme M. Jacques Lafleur ou M. Pierre Frogier, en laissant planer le doute sur d'éventuels accords occultes.
La Nouvelle-Calédonie doit continuer à être une chance pour la France comme pour les îles du Pacifique et de l’Océanie. Pour les Calédoniens, elle doit constituer un motif de fierté, qu’il s’agisse des objectifs retracés dans les accords de Matignon, l’accord de Nouméa ou l’accord de Bercy, de ses réalisations emblématiques comme le centre culturel Jean-Marie Tjibaou ou le Mwaka, ou encore de son rôle majeur dans la coopération régionale en matière d’agriculture, de pêche, de culture, de sport, de transport aérien et maritime, ainsi que dans le domaine des industries.
Je souhaite évoquer rapidement l'accord particulier entre la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna et l'État. Le FLNKS avait souhaité qu’il soit mentionné dans la loi organique du 19 mars 1999, ce qui fut fait dans son article 225. Je demande solennellement, monsieur le ministre, que tout soit mise en œuvre pour réunir les conditions favorables à la poursuite des discussions liées à cet accord entre le gouvernement de Nouvelle-Calédonie, le FLNKS et le RPCR, l’État et Wallis-et-Futuna.
Le destin commun, thème phare de l'accord de Nouméa, sera le vecteur de la construction de la Nouvelle-Calédonie. La maison commune de la grande famille calédonienne continuera à se construire avec les populations de toutes origines, pour permettre à l'ensemble des communautés de continuer à vivre ensemble et de cohabiter au mieux, tout en relevant les défis du monde moderne.
Un grand leader politique disait récemment : « Je veux créer une nouvelle relation avec les Français, faite de respect de la parole donnée, de vérité, d'authenticité, d'honnêteté. Engageons-nous dans cette nouvelle relation avec la Nouvelle-Calédonie. Engageons-nous ensemble avec une ambition pour une stabilité durable. »
Pour conclure, monsieur le ministre, chers collègues, je dirai que nous avons le devoir de tout mettre en œuvre pour dépolitiser ce débat qui, on le voit bien, est encore passionné et passionnel, et tracer tous ensemble, selon le souhait de Jacques Lafleur et de Jean-Marie Tjibaou, les lignes de ce destin commun.
Je formule le vœu que la pleine application de l'accord de Nouméa puisse favoriser l'accès des populations de Nouvelle-Calédonie, dotées d’une citoyenneté impliquant les mêmes droits et les mêmes devoirs, aux domaines de la formation et de l'éducation, de la santé et des soins hospitaliers, de l'emploi public et privé, mais également du logement. La communauté wallisienne et futunienne, aux côtés des autres minorités ethniques, assumera son rôle par une bonne intégration et contribuera efficacement à l'édification de la case néo-calédonienne.
Je suis convaincu, chers collègues, que l'Assemblée nationale saura dégager une force de raison sage privilégiant un destin de vie commun en Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Chacun se souvient ici des lettres de sang qui avaient marqué l’histoire de ce territoire auparavant. Par les accords de Matignon, ratifiés par voie référendaire, le Gouvernement et le peuple français s'engageaient à accompagner les Calédoniens sur la voie d’un meilleur équilibre des richesses économiques entre les différentes parties de la Nouvelle-Calédonie, entre les territoires comme entre Caldoches et Kanaks, mais également d’une plus grande autonomie de gestion du territoire, notamment par la création de trois provinces. Tout ceci visait à rétablir la paix civile et la capacité des Calédoniens à définir leur avenir ensemble, en attendant un futur référendum qui déciderait s’ils souhaitaient rester ou non dans la République française.
Ce faisant, les Caldoches comme les Kanaks reconnaissaient mutuellement leur légitimité à vivre, les uns et les autres, sur cette grande et belle île et affirmaient que leur avenir se déciderait en commun, ce qui constituait en soi un tournant historique.
Dés l'origine – notre rapporteur et Christian Blanc l'ont souligné –, le problème du corps électoral s'est posé de façon aiguë, car les indépendantistes redoutaient légitimement que les résultats de cette décision commune pour leur avenir ne soient faussés par l'arrivée massive sur l’île de métropolitains, autrement dit par une forme de nouvelle colonisation par les urnes. Des restrictions furent dès lors posées, d'un commun accord entre les parties, pour définir qui aurait le droit de vote lors du ou des référendums d'autodétermination, point qui n'a jamais été remis en question par les signataires, car il s'agit bien de l’un pilier des accords de Matignon et de Nouméa.
Par ailleurs, des restrictions furent également apportées pour définir une ancienneté minimum permettant d'avoir le droit de vote lors des élections provinciales. Il s’agit là encore d'un pilier essentiel des accords de Matignon, puis de Nouméa, car ces derniers définissent un équilibre politique d'ensemble dont l'État français s'est porté garant à deux reprises, monsieur le ministre. En fixant le périmètre du corps électoral, on garantissait aux deux parties que ceux qui avaient décidé de faire la paix ensemble décideraient ensemble de leur avenir, sans que des apports nouveaux de population risquent de raviver les tensions.
Ce n'est que lorsque les accords de Nouméa surviennent qu'une question se pose : faut-il accorder le droit de vote aux nouveaux arrivants pour les élections provinciales afin de tenir compte du report du référendum d'autodétermination ? Et quel report, puisqu'il s'agit de quinze à vingt ans !
Notons d'ailleurs, mes chers collègues, qu'à ce moment de la vie calédonienne, ce sont les indépendantistes qui font une concession importante alors qu'ils étaient en droit d'exiger que le référendum prévu par les accords de Matignon ait lieu. Toutefois, en contrepartie, ils ont demandé que le corps électoral pour le référendum d'autodétermination soit le même que celui défini en 1988 et que celui des élections provinciales soit lui aussi figé.
Or, même si quelques personnes tentent de nous faire croire aujourd'hui le contraire, ces conditions ont bel et bien été acceptées un peu plus tard par les représentants du RPCR et par l'État. Bien sûr, des problèmes légaux étaient ainsi soulevés et l'État s'est alors engagé à les régler, ce pour quoi nous sommes réunis aujourd’hui.
L'UDF peut dire tout cela très tranquillement car, à l'époque, nos représentants locaux, notamment M. Didier Leroux, aujourd'hui ministre du gouvernement calédonien, avaient dénoncé les accords de Nouméa et appelé les Calédoniens à voter contre à l'occasion du référendum qui eut lieu dans l'île en 1998, justement parce qu’ils ne souhaitaient pas de corps électoral figé. Ils dénonçaient déjà l'hypocrisie d’un certain nombre de signataires qui n'avaient pas eu le courage d'assumer devant les Calédoniens les concessions qu'ils avaient faites.
Oui, le RPCR avait bel et bien accepté ces conditions et ce n'est que pour des raisons électorales que ses dirigeants, aujourd'hui séparés, divisés et en compétition entre eux, disent désormais ne les avoir jamais acceptées.
Il y a des élections législatives dans six mois. Quand on sait que les électeurs qui ne seraient pas admis à voter aux élections provinciales de 2009 et de 2014 – et à ces deux scrutins-là seulement, monsieur Frogier, puisque les dispositions de l’accord ne seront plus effectives après 2018 – voteront pour les élections présidentielles, municipales, européennes et surtout législatives, on comprend mieux le calcul de ceux qui veulent remettre en cause leur signature. En effet, ils voteront bel et bien pour élire les futurs députés calédoniens en 2007 et cela représentera près de 700 personnes en 2009 et plus de 3 700 en 2014 ! Je crois que c’est l’une des grandes raisons pour lesquelles on nous dit aujourd’hui qu’il faut renier les accords.
Comment dire que ce corps électoral figé n'avait pas été accepté par le RPCR alors que les gouvernements successifs, en période de cohabitation ou non, ont tous donné la même interprétation de l'accord en faveur du corps électoral figé et que l’État, présent lors des discussions, était à la fois témoin et garant des engagements pris ?
Comment interpréter autrement le relevé de conclusions du troisième comité des signataires qui s'est tenu à Koné en 2003 lorsqu'il stipule que « s'agissant du règlement de la question du corps électoral spécial pour l'élection des membres du congrès et des assemblées de province, le FLNKS a rappelé l'importance qu'il y attache. Le Rassemblement a déclaré comprendre la préoccupation du FLNKS sur ce point. La ministre de l’outre-mer s'est, en conséquence, engagée à faire des propositions au Président de la République en ce sens » ? En quel autre sens que celui d'un corps électoral figé, préoccupation principale du FLNKS que le RPCR déclare comprendre ?
Après les difficultés constitutionnelles rencontrées en 1999 – notre rapporteur les a rappelées –, Paul Néaoutyne, leader indépendantiste, président de la province Nord, déclarait le 17 juin 2003 : « Si nous demandons que le corps électoral défini par l'accord de Nouméa soit respecté et rétabli et si le RPCR dit qu'il comprend, je crois que c'est dit en français. » Ce à quoi Jacques Lafleur, autre partie prenante à l'accord, répondait le même jour : « C’est un problème qui compte pour le FLNKS, pour Paul Néaoutyine. Eh bien, il faut le comprendre comme il faut le comprendre. C'est-à-dire qu'on est attentifs à ce qu'ils disent et on essaie de raisonner en même temps qu'eux et de comprendre ce qu'ils veulent dire. Je crois qu'on a compris. » D’où viennent donc les imprécations de Pierre Frogier – avec lesquelles contraste la modération de Jacques Lafleur – contre le corps électoral figé ? Rien que cela montre que l'accord portait bien sur ce point.
Ajouterai-je les plus récentes déclarations de Pierre Frogier dans Le Monde du 7 décembre dernier ? Écoutez bien, chers collègues : « En tout état de cause, notre signature vaut autant que celle des indépendantistes. Qu'ils aient cru, à l'époque, à certaines promesses qui avaient pu leur être faites, c'est une chose. Mais que l'on ne fasse pas dire aux accords autre chose que ce qui est écrit. » Comment mieux avouer que ceux qui parlent aujourd'hui de corps électoral glissant ne font en réalité que renier les engagements d’hier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
Le flou ainsi créé est dangereux et je ne voudrais pas qu’on agite ce sujet pour essayer de rassembler autour de soi. J’ai beaucoup entendu parler de grands principes cet après-midi. On m’a appris il y a longtemps, quand j’étais étudiant en histoire, que lorsqu’on préparait de mauvais coups, on se réclamait toujours des grands principes. Encore faudrait-il qu’ils soient le fruit d’une démarche cohérente. Défendre au nom des grands principes, comme l’a fait M. Myard, le corps électoral glissant et renoncer au corps électoral figé, objet de l’accord, paraît curieux. Si nous adoptons ce projet de loi, bien sûr qu’un électeur arrivé en 1999 ou en 2000 ne pourra pas voter aux deux prochaines élections provinciales. Mais après tout, si l’on acceptait votre nouvelle version de l’accord…
Alors, encore faut-il être cohérent : que le corps électoral soit figé ou glissant, certains Français seront exclus des élections provinciales pour dix ans, le temps que cet accord prenne fin.
Le flou qui a été créé n'a existé que parce que le RPCR n'a pas cru pouvoir assumer cette position devant les électeurs calédoniens, au mieux parce qu'il craignait les réactions d'une partie de la population, au pire parce qu'il se savait en difficulté pour les élections provinciales approchantes, qu’il a d’ailleurs perdues.
Eh bien, mes chers collègues, ce n'est pas parce que des accords ont été passés dans le dos des électeurs calédoniens qui se sont prononcés par référendum qu'on doit remettre en cause sa parole et encore moins la parole de l'État.
L'UDF comprend l'amertume des citoyens qui se sentent aujourd'hui floués, et François Bayrou en a rencontré beaucoup lors de son récent voyage en Nouvelle-Calédonie. Nous la comprenons d'autant mieux que, comme je l'ai dit, nos responsables locaux ont milité et voté contre cet accord. Mais fidèles à notre esprit de responsabilité, nous considérons qu'un accord est un accord et que lorsque la France engage sa parole elle doit la tenir.
C'est la raison pour laquelle nous saluons le courage du Gouvernement qui nous présente ce projet de loi et prenons acte avec satisfaction de l'engagement de réunir le Congrès avant la fin de cette législature, ce que nous demandions il y a encore quelques semaines dans cet hémicycle. Vous vous montrez à la hauteur des enjeux et de votre responsabilité de gouvernants de la France.
Mes chers collègues, prenons bien garde : si la parole de l'État n'était pas tenue, il n'y aurait bientôt plus d'État en Nouvelle-Calédonie. Si, au contraire, la France sait se montrer digne de confiance – et Christian Blanc a montré tout à l’heure combien c’était essentiel dès les premiers accords – alors les Calédoniens continueront de construire leur avenir ensemble. L'UDF a confiance en tous les Calédoniens pour que cet avenir s'écrive au sein de la République française. C'est la raison pour laquelle notre groupe votera unanimement le projet de loi constitutionnelle présenté par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
La parole est à M. Marc Le Fur, pour le soutenir.
La diversité fait partie de notre histoire et de notre géographie. La France est ainsi, elle est complexe et multiple. Je voudrais que chacun d’entre nous, même ceux qui connaissent peu ces sujets, soient conscients de l’extrême sensibilité d’une partie de nos compatriotes à cette question. Ne limitons pas ces préoccupations aux seuls locuteurs des langues régionales. Beaucoup, même ignorants de ces langues, y sont attachés parce qu’ils y voient leurs racines. À ceux qui me parleront de folklore ou de nostalgie, je répondrai que ce sont souvent les plus jeunes de nos compatriotes qui leur manifestent le plus grand attachement. J’ai pu le constater en Bretagne, comme d’autres en Provence, en pays d’Oc, en Alsace ou bien outre-mer.
Évitons également de dénoncer je ne sais quel extrémisme. Au contraire, la reconnaissance de la République à l’égard de ces langues est la garantie de la lutte contre les extrémismes.
Pourquoi une réforme constitutionnelle ? Parce qu’il se trouve que la France a signé la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires le 7 mai 1999, mais que nous ne l’avons toujours pas ratifiée.
Cette ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires est attendue et souhaitée ; la plupart des pays européens y ont déjà procédé. Nous sommes, avec la Turquie, les seuls à ne pas l’avoir encore ratifiée.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée.
Quel est l'avis de la commission ?
S’il s’agit d’un simple vœu, vous conviendrez qu’il n’a pas sa place dans notre loi fondamentale, notre loi suprême, dont le rôle n’est pas d’émettre des signes forts. S’il s’agit de permette la ratification de la Charte européenne relative aux langues régionales et minoritaires, je suis navré de vous dire qu’il est inopérant. En effet, le Conseil constitutionnel a déclaré le 15 juin 1999 qu’en l’état de notre Constitution cette charte ne pourrait pas être ratifiée par la France pour deux raisons principales.
D’abord, parce que la charte porte atteinte à l’unité du peuple français, à l’indivisibilité de la République et à l’égalité devant la loi, en conférant des droits spécifiques à des groupes de locuteurs de langues régionales ou minoritaires.
Ensuite, le Conseil constitutionnel a relevé que cette charte reconnaît à chacun le droit de pratiquer une langue autre que le français, non seulement dans la vie privée, ce qui est tout à fait acceptable, mais aussi et surtout dans la vie publique, c'est-à-dire devant la justice et les services publics. Là encore, si c’est bien le but recherché par les auteurs de l’amendement, sa rédaction ne convient pas.
En outre, je vous demande de bien réfléchir aux conséquences d’une telle évolution quant au fonctionnement de nos services publics et de notre justice. Si toute personne pouvait prétendre y utiliser la langue régionale ou minoritaire de son choix, faudrait-il mettre en place des systèmes de traduction, faudrait-il recruter des magistrats ou des jurés parlant la langue en question ?
Alors que la France est le seul pays, avec la Turquie, à ne pas avoir ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, nous avons une occasion unique de réparer cette erreur et d’en faire le préalable à sa signature.
Pour moi qui suis Breton, la langue bretonne est une richesse et ce serait un signe très fort que la France puisse enfin reconnaître ceux qui l’ont créée.
À lieu de nous diviser, vous avez là, mes chers collègues, l’opportunité de nous réunir sous le drapeau français. Alors, ne ratez pas cette occasion !
Je ne me prononcerai pas sur le fond car, comme une grande partie de mon groupe, je suis plutôt favorable aux langues régionales. Mais le problème aujourd’hui n’est pas là.
Nous venons de consacrer plusieurs heures à une question grave, la mise en application de l’accord de Nouméa, et les arguments échangés nous le montrent. Ainsi, nous avons entendu avec émotion ceux de Jacques Lafleur et de Christian Blanc.
Mais ceux qui ont déposé cet amendement veulent-ils vraiment que le texte sur la Nouvelle-Calédonie soit voté ? Je leur rappelle qu’un projet de loi constitutionnelle doit être adopté dans les mêmes termes à l’Assemblée et au Sénat. S’il s’agit de prolonger les débats et les navettes, continuons à y ajouter des choses qui n’ont rien à voir avec la Nouvelle-Calédonie ! Les socialistes se sont engagés à l’égard des Calédoniens à ce que ce texte soit voté. Il ne faut donc pas le polluer avec des cavaliers, aussi intéressants soient-ils !
Arles est le pays de Mistral. Defendons touti la longo nostro et votons cet amendement !
M. Jean Lassalle.
Notre groupe s’associera à cet amendement. À ceux qui pensent que ce n’est pas le moment, cher René Dosière, je répondrai que ce n’est jamais le moment ! J’ai déjà entendu cet argument au cours des cinq ou six débats enflammés sur la question auxquels j’ai participé. Nous parlons de ce qui constitue notre patrimoine commun et je ne trouve pas qu’il soit déplacé, au moment où nous débattons du difficile problème de la Nouvelle-Calédonie, d’aborder la question des langues régionales. Le sujet pourrait devenir sérieux un jour, si nous ne le traitions pas. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Faute d’être entretenues, les langues régionales risquent de disparaître, comme pourrait le faire le français, compte tenu de la vitesse à laquelle l’anglais progresse partout dans le monde.
Je souscris totalement à l’amendement de Marc Le Fur et de ceux de nos collègues qui l’ont cosigné.
La République s’est fort bien passée, pendant près de deux siècles, de la mention qui figure désormais à l’article 2 de la Constitution. Nous n’avons qu’une seule langue officielle, mais il y a soixante-quinze langues nationales qui font nos différences au sein de la République ! Comment voulez-vous que j’ignore mon identité, qui s’exprime notamment par le créole, le créole guadeloupéen, lequel coexiste avec le créole martiniquais et guyanais ? Je pense à toutes les langues amérindiennes et aussi aux langues kanak. Comment continuer à ignorer le breton, le basque, le poitevin, que sais-je encore ?
La parole est à M. Michel Vaxès.
C’est pourquoi, tout en réaffirmant mon intérêt pour les langues régionales, que je défendrai avec passion, je ne peux pas accepter un tel amendement aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains, et sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)
(Il est procédé au scrutin.)
Nombre de votants :..............................................110
Nombre de suffrages exprimés :.......................... 101
Majorité absolue :...................................................51
Pour l’adoption : ................44
Contre :...................................................................57
L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
Je suis saisi d’un amendement n° 4.
La parole est à M. Victorin Lurel, pour le défendre.
Le groupe UDF considère donc que cet amendement est prématuré, d’autant que, à l’issue de la première lecture au Sénat, les deux îles ont été mises dans le même sac. Or nous ne sommes pas du tout convaincus qu’elles soient dans la même situation. Faire de Saint-Barthélémy une collectivité dotée de nouveaux pouvoirs pourrait la mettre en danger, car elle souffre d’un grave déséquilibre financier, sa stabilité n’est pas suffisante et l’État ne lui apporte pas non plus les garanties qu’il lui faudrait, notamment pour contrôler ses frontières.
Nous voterons contre l’amendement même si, sur le principe, nous sommes favorables à une plus grande autonomie de ces îles. Nous attendrons le moment opportun pour en discuter.
Encore une fois, si l’on veut vraiment que la réforme constitutionnelle sur la Nouvelle-Calédonie soit votée, il ne faut rien changer au projet de loi constitutionnelle. Sinon, il serait exposé à un recours devant le Conseil constitutionnel et on lui porterait un coup fatal. C’est d’ailleurs ce que fait M. Mariani en proposant des cavaliers.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, inscrit sur l’article.
J’ai écouté attentivement tous ceux qui se sont exprimés. Ils ont parlé de « compromis ». Mais, avec ce texte, il est plutôt question de compromission, puisqu’il met en cause l’égalité entre les citoyens de la République qui, m’a-t-on appris, est une et indivisible. En somme, un citoyen ou une citoyenne de Poitou-Charentes, par exemple, ne pourrait pas, après avoir emménagé en Île-de-France, voter, ou tout du moins être élu à l’exécutif de la région ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
On en appelle à la raison républicaine contre la surenchère. Mais qui fait de la surenchère ?
Il s’agit d’un amendement rédactionnel et de cohérence qui n’appelle pas de commentaire.
Le Gouvernement y est favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 1.
(L'amendement est adopté.)
Il s’agit d’un amendement de coordination de la commission.
Le ministre est pour.
Je mets aux voix l’amendement n° 2.
(L'amendement est adopté.)
(L'ensemble du projet de loi constitutionnelle est adopté.)
(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et du groupe socialiste.)
Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 3303, sur l’eau et les milieux aquatiques :
Rapport, n° 3455, de M. André Flajolet, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton