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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 18 janvier 2007

116e séance de la session ordinaire 2006-2007


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CHRISTOPHE LAGARDE,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

égal acces des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives

Discussion d’un projet de loi
adopté par le Sénat après déclaration d’urgence

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, tendant à promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives (nos 3525, 3558).

La parole est à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mesdames, messieurs les députés, le sujet qui nous réunit ce matin traite d’une des nombreuses questions touchant à la vie des femmes et à la place qui leur est faite dans notre pays. Je pense d’abord tout naturellement aux violences dont un grand nombre d’entre elles sont quotidiennement victimes, notamment mais non exclusivement au sein de la sphère familiale,…

Mme Catherine Génisson et M. Bruno Le Roux. Et de la sphère politique !

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Ce n’est pas le sujet !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. …et qui constituent, vous le savez, un des volets du plan de prévention de la délinquance que vous examinerez en deuxième lecture dans moins d’un mois, texte dont je ne doute pas qu’il suscitera votre mobilisation.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes. C’est vrai !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Je songe également aux inégalités professionnelles qui perdurent et, parfois, se creusent, alors même que, toutes les études le démontrent, la mixité à tous les échelons améliore la performance globale des entreprises comme de l'administration et bénéficie finalement à l'économie tout entière.

Le traitement de ces questions appelle des réformes globales, qui passent au moins autant par une évolution des mentalités que par l'action du législateur. Si le texte qui vous est soumis n'a pas l'ambition de régler toutes ces questions, il n'en représente pas moins un enjeu capital pour le bon équilibre de notre vie démocratique. Il s'agit en effet d'assurer une meilleure représentation des femmes au sein de nos assemblées politiques car, de ce point de vue également, la mixité est une chance qu'il nous faut saisir.

En la matière, la loi sur la parité du 6 juin 2000 s'est arrêtée à mi-chemin. Elle a certes permis des premiers pas importants, en assurant une quasi-égalité de représentation au sein des conseils municipaux et régionaux. Depuis 1995, vous le savez, la part des femmes dans les conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants est ainsi passée de 26 % à plus de 47 %. Elle a évolué de manière similaire dans les conseils régionaux en passant de 27 % à 48 %.

La réforme de 2 000 a toutefois laissé de côté ces lieux d’exercice du pouvoir que sont les exécutifs locaux, où les femmes sont malheureusement sous-représentées. Elle n'a pas non plus, à l’évidence, réglé la question des conseils généraux, qui restent les assemblées les plus unisexes de notre pays, avec à peine plus de 10 % de femmes. Elle n'a enfin produit que des effets limités s'agissant de la place des femmes au Parlement puisque, avec 13,9 % de femmes à l'Assemblée nationale,…

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes et Mme Catherine Génisson. Non, 12,7 % !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. …disons, avec un pourcentage insuffisant – je mettrai ainsi tout le monde d’accord (Sourires.) –, et 17,5 % au Sénat,…

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes. C’est un accident de l’histoire !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. …la France occupe le vingt-troisième rang de l'Union européenne, juste devant la Slovénie, la Roumanie, la Hongrie et Malte.

Une nouvelle étape est donc nécessaire. Toutefois, la loi ne doit pas se substituer en tout au choix des électeurs. Il convient de trouver un équilibre, la loi ne pouvant, à elle seule, faire changer les mentalités. Du reste, je note que la parité gagne du terrain, même en l’absence de mesures contraignantes. Ainsi, dans les communes de moins de 3 500 habitants, le nombre de femmes au sein des conseils municipaux a progressé de sept points entre 1995 et 2006.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est le plus encourageant !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. C'est bien la preuve que nos concitoyens évoluent.

Seulement, la tendance est trop lente et se heurte encore malheureusement à trop d'obstacles. Il convient donc d’accélérer le mouvement en lui donnant une impulsion suffisamment forte pour lever les blocages qui persistent. C'est l'ambition de ce texte, qui doit, en quelque sorte, permettre à la parité d'entrer dans nos mœurs politiques.

L'impulsion initiale a été donnée, il y a un an, par le Président de la République qui a, tout récemment encore, rappelé l'importance qu'il attache à l'adoption de ce projet de loi avant la fin de la législature. Le texte a été préparé sur la base de ses orientations et complété par une mesure relative aux conseils généraux, défendue par de nombreux élus ainsi que par la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes que préside Marie-Jo Zimmermann.

J'ai procédé, au nom du Gouvernement, à la consultation de nombreuses associations. Les échanges avec les présidents de l'Association des maires de France, de l'Association des départements de France, de l'Association des régions de France et de l'Assemblée des communautés de France ont été riches de propositions, ce dont je les remercie très sincèrement.

Si tous ont souscrit à l'objectif poursuivi, ils ont également tenu, en ce qui concerne les assemblées où la féminisation était déjà engagée, à ce que la loi ne fasse que donner un coup de pouce limité dans le temps. J'y reviendrai puisque, vous le savez, le Sénat a amendé sur ce point le projet du Gouvernement.

Les associations d'élus ont également souhaité qu’il ne soit pas traité ici de la question de la parité au sein des intercommunalités, faisant valoir de manière tout à fait compréhensible que l'introduction du scrutin de liste, obligatoire pour faire respecter la parité, risquait de mettre fin aux pratiques locales qui permettent de laisser une place aux représentants de l'opposition dans ces structures. Du reste – nous aurons l'occasion d'y revenir au cours du débat –, ma conviction est que le mode d'élection des conseillers communautaires doit faire l'objet d'une réforme d'ensemble laquelle, naturellement, ne peut pas et ne doit pas être abordée sous le seul angle de la parité.

Certains ont pu estimer tardif le dépôt du présent texte ; cela tient au fait que le Gouvernement a tenu à prendre le temps de la concertation, afin de vous soumettre un texte qui soit à la fois pragmatique et consensuel.

Il contient trois types de mesures.

Il s'agit d'abord d'instaurer la parité dans les exécutifs municipaux et régionaux.

Depuis 2000, la parité s'impose pour la constitution des listes de candidats aux municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants et pour les élections régionales. En revanche, aucune règle n'est fixée pour les exécutifs de ces assemblées. La volonté du Gouvernement est donc d'étendre la parité à l'élection des 18 500 adjoints aux maires concernés, dont aujourd'hui 37 % de femmes. Ils seraient élus au scrutin de liste, chaque liste devant comporter, à une unité près, autant de femmes que d'hommes. Le même dispositif s'appliquerait à l'élection des vice-présidents de conseil régional, dont 38 % sont aujourd'hui des femmes. S'agissant des commissions permanentes des conseils régionaux, composées à 42 % de femmes, il vous est proposé de conserver le scrutin de liste actuel, en précisant que ces listes devront désormais comporter une stricte alternance d'hommes et de femmes.

La deuxième réforme consiste à doter chaque conseiller général d'un suppléant, le titulaire et le suppléant devant être de sexe différent.

Les conseils généraux sont malheureusement les grands oubliés de la réforme de 2000 ; je vois que M. Laurent Wauquiez m’approuve, en dépit de son jeune âge. Il est vrai que le scrutin uninominal se prête moins facilement que le scrutin de liste à des mesures en faveur de la parité. Le Gouvernement ne vous propose pas de revenir sur ce mode de scrutin traditionnel, auquel les Français sont habitués, d’autant que nous sommes à quelques mois des échéances. Il n’en reste pas moins que nous devons préparer l'avenir en créant les conditions d'un meilleur accès des femmes aux assemblées départementales. À partir de 2008, près de 4 000 d'entre elles pourront ainsi participer, comme titulaires ou suppléantes, aux élections cantonales et s'impliquer concrètement dans la vie politique locale, ce qui contribuera également – nous y reviendrons certainement – à réduire dans des proportions importantes le nombre d’élections partielles.

La dernière mesure consiste à renforcer encore la modulation financière pesant sur les partis en cas de non-respect de la parité dans les candidatures aux élections législatives. Les contraintes propres au scrutin uninominal jouent tout autant ici. La loi de 2000 a manifestement été utile, puisque les femmes représentaient 39 % des candidats aux législatives en 2002, contre seulement 23 % en 1997. Toutefois, nous considérons tous qu’il convient d'aller plus loin. C'est pourquoi il vous est proposé de renforcer l'incitation financière en décidant que l'aide publique versée aux partis sera diminuée d'un pourcentage égal non plus à la moitié mais aux trois-quarts de l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe. Ce dispositif entrera en vigueur à compter du premier renouvellement de l'Assemblée nationale suivant le 1er janvier 2008. Il paraissait en effet inéquitable, et d'ailleurs inopérant, de changer la règle du jeu à quelques semaines des élections législatives de juin prochain,…

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes. Est-ce certain, monsieur le ministre ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Oui, madame Zimmermann, ne soyez pas sceptique !

…alors même que les candidats ont déjà été investis par les principaux partis représentés dans cette assemblée.

Avant de conclure, permettez-moi de revenir sur les aménagements apportés au texte par le Sénat.

S'agissant de la parité dans les exécutifs municipaux et régionaux, le Gouvernement proposait de ne les appliquer, conformément aux vœux des associations d'élus, que durant deux mandatures, faisant le pari que les électeurs constateraient les avantages de la mixité dans la gestion locale et que la contrainte pourrait alors céder le pas à un libre choix. Le Sénat a préféré conférer un caractère permanent à ces dispositions. Le Gouvernement en prend acte.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes. Très bien !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Il sera d'autant plus nécessaire d'évaluer le résultat des nouvelles mesures après le premier renouvellement des conseils municipaux puis des conseils régionaux, en 2008 et en 2010.

Le Sénat a également assoupli l'obligation de parité pour l'élection aux commissions permanentes des conseils régionaux. En effet, le scrutin régional, qui s’appuie sur des sections départementales, ne garantit pas qu'un groupe au conseil régional comporte suffisamment d'hommes ou de femmes pour constituer une liste paritaire.

Dans ce cas, les listes pourront être complétées par des candidats de même sexe. Il s’agit là, en réalité, d’un simple mécanisme de soupape bienvenu qui, tout en respectant l’esprit du texte, permet de tenir compte de la diversité des situations selon les régions.

Une majorité de sénateurs a par ailleurs souhaité instaurer une stricte alternance d’hommes et de femmes sur les listes de candidats aux municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants là où, depuis 2000, la parité s’applique par groupe de six. Comme il l’a fait devant la Haute assemblée, le Gouvernement s’en remettra, sur le sujet, à la sagesse des parlementaires, même si certains arguments peuvent justifier l’organisation technique et politique de ces listes par groupe de six.

En ce qui concerne les suppléants des conseillers généraux – et je me réjouis de l’arrivée dans l’hémicycle de François Scellier, au moment même où j’aborde un sujet qui lui tient particulièrement à cœur –, le projet prévoyait leur prise de fonctions uniquement en cas de décès du titulaire. Cette disposition s’inspirait du régime en vigueur pour les suppléants des députés et des sénateurs élus au scrutin majoritaire.

J’avais indiqué aux sénateurs qu'il revenait au Parlement d’aller plus loin, s’il le jugeait opportun, dans la limite du principe de sincérité du scrutin. C’est ce qu’a décidé le Sénat en étendant le remplacement par le suppléant aux cas de démissions pour cause de cumul de mandats, de nomination au Conseil constitutionnel ou de présomption d’absence au sens du code civil. Ce sont ainsi près de 70 % des cas d’élections partielles ayant eu lieu depuis 2002 qui devraient être couverts.

Enfin, à l’initiative des sénateurs représentant les Français établis hors de France, et avec l’accord du Gouvernement, le Sénat a adopté une disposition introduisant une obligation de parité pour les élections à l’Assemblée des Français de l’étranger, laquelle compte aujourd’hui 37 % de femmes parmi les membres élus.

Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, les précisions que je souhaitais vous apporter sur le contenu de ce projet. Vous aurez noté qu’il s’inspire – avec bonheur, je l’espère – de plusieurs propositions de lois déposées ces derniers mois devant votre assemblée.

Mme Catherine Génisson. Il ne s’en inspire pas tant que cela !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Il aurait bien sûr pu reprendre d’autres mesures – je devine déjà celles auxquelles vous pensez –, aborder différemment tel ou tel point, mais le souhait du Gouvernement est de préserver le caractère équilibré de ce texte, chère Marie-Jo Zimmermann.

Son but est donc de faire progresser la parité dans les assemblées et pour les fonctions électives que la loi de 2000 avait ignorées,…

M. Laurent Wauquiez. C’est bien !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. …ou pour lesquelles l’incitation n’avait pas été assez forte, étant entendu que les intercommunalités exigeront une réforme d’ensemble.

Le projet s’en tient cependant au strict nécessaire pour atteindre cet objectif : il préserve en particulier les modes de scrutin actuels et respecte les circonscriptions électorales. Tout autre choix – dont on aurait pu discuter – aurait été mal interprété – j’en suis convaincu – et certainement critiqué à quelques mois d’échéances électorales si décisives pour notre pays.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes. Ça, je le reconnais !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Le Gouvernement entend ainsi redonner aux femmes la place qu’elles méritent et qui leur revient de droit, dans la démocratie locale et nationale. C’est un objectif qui, je l’espère et j’en suis même certain, recueillera l’assentiment de tous dans cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Laurent Wauquiez. Excellent !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Sébastien Huyghe, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun connaît les données du problème de l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives dans notre pays. En effet, si les femmes constituent un peu plus de la moitié des électeurs elles restent sous-représentées parmi les élus.

La conception universaliste de la citoyenneté a longtemps été jugée incompatible avec toute distinction autre que celle justifiée par l’âge ou la nationalité. Pour surmonter cette difficulté, plusieurs réformes ont été tentées. Une première tentative a ainsi été engagée pour favoriser l’accès des femmes à des mandats municipaux en 1980, mais, l’élection présidentielle approchant, elle n'est pas arrivée à son terme. Deux autres tentatives ont été lancées ensuite pour favoriser l’accès des femmes aux mandats municipaux ou régionaux : la première en 1982, la seconde en 1999, mais ces essais ont échoué sur l’écueil de la Constitution.

La révision constitutionnelle de juillet 1999, adoptée après un débat riche, a levé cet obstacle. Désormais, aux termes de l’article 3 de la Constitution, la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ; en outre, aux termes de l’article 4, les partis doivent contribuer à la mise en œuvre de ce principe dans les conditions déterminées par la loi. La loi du 6 juin 2000, complétée la même année par une loi organique applicable outre-mer et enrichie en avril 2003, sous cette législature,…

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes. Ah non ! Elle n’est pas enrichie !

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. …a mis en application les nouvelles dispositions constitutionnelles. Ainsi, après nous être fixé un objectif politique – la parité – nous nous sommes donné une première série de moyens juridiques d’y parvenir.

La question de la parité nous est posée de nouveau aujourd’hui. J’ai entendu des voix, en commission des lois, s’élever contre le caractère tardif de ce projet, ce qui, semble-t-il, selon les mêmes, suffirait à lui ôter tout intérêt. Je souhaite répondre sur ces deux points.

On peut toujours, et certains ne manquent pas de le faire, regretter qu’un projet de loi n’ait pas été présenté plus tôt à notre examen. On peut toujours aussi regretter, non sans d’ailleurs se contredire, que l’agenda législatif soit trop chargé. Mais on peut aussi prendre ses responsabilités et travailler beaucoup et jusqu’au bout. En l’espèce, je crois qu’il est malhonnête de faire un procès en « calendrier », si je puis m’exprimer ainsi et ce, pour trois raisons au moins.

D’abord, on ne pouvait que difficilement dresser le bilan des lois de 2000 et 2003 avant qu’elles ne soient appliquées. Il fallait au moins attendre les résultats des premiers scrutins auxquels les règles en faveur de la parité s’appliqueraient. Légiférer sans évaluer est pire que tout, nous le savons.

Ensuite, un bilan a été effectivement établi dès 2005 par l’observatoire de la parité. Il s’agit d’un bilan sérieux, objectif, qui proposait de nouvelles pistes pour améliorer la mise en œuvre de la parité. On ne peut donc pas avancer que ce bilan ait été tardif.

Enfin, relayé par le Gouvernement, le Président de la République a voulu relancer le processus lors de ses vœux pour 2006.

Qui soutiendra que les quelques mois nécessaires à l’élaboration de ce texte n’ont pas été utiles et qu’il convenait de déposer, dès le lendemain de ces recommandations, un projet sur un sujet aussi vaste et aussi complexe ? Qui soutiendra qu’une large concertation n’était pas nécessaire ? Qui soutiendra que les associations d’élus – qui sont les premières concernées – ne reflètent pas, aujourd’hui, les diverses couleurs politiques qui agrémentent notre paysage politique et que cela ne nécessite pas de longues discussions et une écoute attentive pour que tous les points de vue soient pris en considération ? Qui soutiendra, enfin, que la diversité des collectivités territoriales n’implique pas, également, de longues discussions pour obtenir des solutions consensuelles et efficaces, efficaces parce que consensuelles ?

Tout cela demande du temps, et l’on ne peut que se réjouir que, malgré tous ces obstacles, nous soyons aujourd’hui saisis d’un texte ainsi pragmatique et utile.

J’en viens à l’intérêt du texte.

Après six ans d’application, l’heure d’un bilan de la législation sur la parité a sonné. Celui-ci est assez simple. Les scrutins de liste ont permis de favoriser l’entrée des femmes dans les assemblées délibérantes. En revanche, il faut le reconnaître, le bât blesse dans deux domaines : les scrutins uninominaux, d’une part et les exécutifs des collectivités territoriales, d’autre part.

Face à ce diagnostic, le projet de loi propose plusieurs mesures adaptées : la première est de favoriser la parité dans les exécutifs municipaux ; la deuxième permettra de le faire dans les exécutifs régionaux ; la troisième devrait favoriser la parité dans les conseils généraux ; la dernière mesure tend à encourager la parité dans les candidatures aux élections législatives en renforçant, pour les élections qui suivront celles de 2007, le taux de la modulation financière applicable à une partie de l’aide publique accordée aux partis.

Sur cette base, le Sénat n’a apporté que peu de modifications et adopté deux ajouts.

En premier lieu, il a modifié le projet sur trois points : le texte initial prévoyait que les dispositifs applicables aux exécutifs locaux resteraient en vigueur pendant deux mandatures, le temps d’installer la parité dans les mœurs ; le Sénat a supprimé cette limitation de durée. Même si je crois – à titre personnel et parce que j’ai confiance dans la capacité des femmes à convaincre lorsqu’elles sont en situation – que les temps d’application prévus étaient suffisamment longs pour permettre d’avancer,…

Mme Catherine Génisson. Voyez ce qui s’est passé dans les conseils généraux !

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. …je comprends, et la commission des lois avec moi, les raisons qui ont conduit le Sénat à installer un dispositif pérenne qui ne dispensera toutefois pas – c’est important – de la nécessité d’une évaluation.

M. Laurent Wauquiez. C’est vrai !

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. Par une deuxième modification, le Sénat a étendu les cas de remplacement des conseillers généraux par leur suppléant aux cas de nomination au Conseil constitutionnel – cas de figure relativement limité –, mais aussi aux cas d’incompatibilité pour cause de cumul des mandats et en cas d’absence au sens du code civil. Cette mesure, si elle est bénéfique pour la parité, permettra, de surcroît, de limiter le nombre d’élections partielles.

La troisième modification apportée par le Sénat prévoit que, dans les cas où un groupe politique ne disposerait pas d’assez d’hommes ou de femmes pour composer une liste paritaire de candidatures à la commission permanente d’un conseil régional, il puisse être dérogé à la règle de l’alternance paritaire stricte.

En outre, le Sénat a ajouté deux articles.

L’un substitue au système actuel de parité dans les communes de plus de 3 500 habitants qui s’impose par groupe de six candidats, un mécanisme de parité stricte : un homme, une femme, un homme, une femme, principe dit « chabada ».

L’autre article additionnel étend la parité à l’élection des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger qui joue un rôle consultatif et désigne les sénateurs des Français établis hors de France.

Pour conclure, je vais tracer quelques limites juridiques.

D’abord, le principe de parité continue de devoir être concilié avec le principe essentiel de la liberté de vote et de la liberté de choix des assemblées délibérantes, commandé par le principe de libre administration des collectivités territoriales.

Ensuite, il n’est pas question, à quelques mois d’échéances électorales nombreuses et au moment où s’achève bientôt la législature, de modifier les modes de scrutin. Ainsi, toute modification relative aux délégués communautaires nécessiterait un débat d’ampleur qui non seulement dépasse la seule question de la parité, mais encore supposerait un changement de mode de scrutin ; il n'est donc pas opportun d’en traiter aujourd’hui. La parité est nécessaire, elle n'est pas suffisante ; elle ne doit pas être la seule variable dans le choix d’un mode de scrutin.

En outre, la tradition républicaine veut qu’on ne change pas les règles du jeu avant une échéance électorale. Ainsi, au moment où les candidats aux élections législatives sont pour la plupart désignés, transformer les règles financières dès les élections de juin 2007 – le passage du taux de modulation de 50 % à 75 % est suffisamment important pour constituer en effet une réelle modification – serait contraire à cette tradition et, de surcroît, n’aurait aucun effet. Enfin, nous ne devons pas oublier que nous n’avons pas affaire à des dispositions de niveau organique, ce qui nous interdit certaines modifications.

Nous devons prendre acte des progrès qui nous sont proposés avec pragmatisme et bon sens. N’oublions pas que la parité doit, avant tout, s’inscrire dans les mœurs et les pratiques. Tel est déjà le cas, comme le montre l’exemple des conseils municipaux et des conseils régionaux.

Je citerai, enfin, Victor Hugo qui, dans une réponse au comité de la société pour l’amélioration du sort des femmes écrivait, en 1875 : « Je ne me lasserai pas de le redire, le problème est posé, il faut le résoudre ; qui porte sa part du fardeau doit avoir sa part du droit ; une moitié de l’espèce humaine est hors de l’égalité, il faut l’y faire rentrer. Ce sera là une des grandes gloires de notre grand siècle : donner pour contrepoids au droit de l’homme le droit de la femme ; c’est-à-dire mettre les lois en équilibre avec les mœurs. »

C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter, à l’instar de la commission des lois, ce projet tel qu’il nous a été transmis par le Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Question préalable

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi m’inspire un double sentiment.

Tout d’abord un sentiment de plaisir et de fierté, puisqu’il s’agit de traiter du sujet de la parité politique, de l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ; émotion et fierté, puisque l’application de la parité est force d’espoir pour la bonne conduite de notre démocratie et pour l’égalité des hommes et des femmes non seulement en matière de représentativité politique, mais dans toutes les sphères de la vie. Je pense notamment à l’égalité professionnelle : si les femmes qui travaillent sont en grand nombre, il existe encore beaucoup d’inégalités en ce qui concerne les salaires, les conditions de travail ou de précarité des contrats de travail.

On doit certes se réjouir que les femmes puissent concilier travail et maternité grâce à des politiques familiales mises en place de longue date, mais il reste beaucoup à faire dans ce domaine. De ce point de vue, la parité politique fera avancer tous les sujets de l’égalité entre les hommes et les femmes.

Je souhaite rendre un hommage particulier à la sénatrice Dinah Derycke pour les propos qu’elle a tenus au Congrès de Versailles le 28 juin 1999 : « Les lois qui découleront de cette révision constitutionnelle, nous disait-elle, provoqueront un bouleversement majeur de notre vie politique, bien au-delà de nos assemblées territoriales ou nationales. L’image que les Français se font de leurs hommes et de leurs femmes politiques en sera profondément et durablement transformée. En montrant que le pouvoir se partage de manière égalitaire, la parité entraînera une adhésion plus grande. En montrant qu’il est possible de transformer radicalement ses mœurs et ses pratiques, la parité sera la preuve qu’il est possible de changer la société. Ainsi, ensemble, dans la diversité individuelle de nos potentialités, de nos talents, de nos vertus, nous ferons honneur à la France. »

Je suis fière d’appartenir à la majorité parlementaire qui a soutenu l’engagement et la détermination du Premier ministre Lionel Jospin lors de la modification de notre Constitution le 8 juillet 1999, puis lors de la discussion de la loi du 6 juin 2000 permettant la mise en œuvre de la parité politique, texte de loi que la majorité parlementaire actuelle avait très largement boudé. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes, et M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. C’est faux !

M. Patrice Martin-Lalande. Nous y étions ! Nous l’avons soutenu, tout en le critiquant.

Mme Catherine Génisson. Je ne parle pas de la modification constitutionnelle, mes chers collègues, mais de la loi du 6 juin 2000 : rares sont ceux d’entre vous qui l’ont votée.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes, et M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Nous l’avons votée !

Mme Catherine Génisson. Un petit nombre seulement, je le maintiens.

Mme Martine Lignières-Cassou. C’est vrai !

Mme Catherine Génisson. Je suis fière d’avoir soutenu Lionel Jospin quand, alors premier secrétaire du parti socialiste, il avait défendu, en 1997, la présentation de 30 % de femmes candidates aux élections législatives, ce qui a permis de passer de 6 % de femmes depuis 1987 à presque 11 % cette année-là, soit soixante-trois femmes sur cinq cent soixante-dix-sept députés.

La loi du 6 juin 2000 prévoyait par ailleurs l’obligation de parité dans les candidatures aux élections par scrutin de liste, avec une alternance stricte homme-femme dans les élections proportionnelles à un tour. Étaient alors concernées les élections européennes et sénatoriales, avec l’instauration de la proportionnelle pour les départements élisant trois sénateurs et plus. Ainsi, lors du renouvellement du Sénat en 2001, parmi les soixante-quatorze sénateurs sur quarante-deux élus à la proportionnelle avec obligation de parité, on comptait vingt femmes, soit 21,3 %. Ce chiffre est à comparer à celui des femmes élues au scrutin majoritaire : deux femmes sur vingt-huit, soit 7,14 %.

Je disais au début de mon propos que mon sentiment était double. En effet, j’éprouve aussi un sentiment de colère, d’indignation et de profonde tristesse. Je suis blessée par la vacuité navrante de ce projet de loi, par son indélicatesse, par son absence de respect pour le principe d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

Sur la forme tout d’abord, il s’agit d’un texte présenté à la sauvette devant un hémicycle clairsemé – tous bancs confondus – ; d’un texte sur lequel l’urgence a été déclarée, ce qui compromet la force du débat et réduit le Parlement à une chambre d’enregistrement ; d’un texte pour le moins incomplet, qui ne se situe pas dans l’esprit de ce qu’avait souhaité le Président de la République lors de ses vœux à la nation en 2005, notamment lorsqu’il avait demandé la parité non seulement pour les exécutifs municipaux et régionaux, mais aussi pour la désignation des délégués intercommunaux ; d’un texte qui aura dû bénéficier de toute votre détermination, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, et même, je l’affirme, de votre courage quand il a fallu réinterroger le Président de la République et les présidents des deux chambres sur l’immobilisme, l’inertie, le silence dont le Gouvernement a fait preuve durant l’année 2006.

À cet égard, monsieur le ministre, vous ne m’avez pas convaincue lorsque vous avez affirmé avoir passé l’année à consulter les associations d’élus ! (Sourires.)

Mme Martine Billard. Ce n’est pas très crédible, en effet !

Mme Catherine Génisson. Je pense plutôt que le Président de la République a, si vous me passez l’expression, remonté les bretelles du Gouvernement.

Sur le fond, ensuite, c’est un texte cache-misère (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), un texte de bonne conscience, de service minimum – ce service minimum que par ailleurs vous défendez tant ! – pour la parité. Traiter de la parité dans les seuls exécutifs municipaux et régionaux, c’est bien le moins que l’on pouvait faire. Encore faut-il préciser que les dispositions du texte ont été enrichies et pérennisées grâce au travail de nos collègues du Sénat.

Le projet occulte, alors même que le Président de la République l’avait explicitement souhaité, la parité pour les délégués intercommunaux. Il propose non seulement des mesures pour le moins inadéquates s’agissant des conseils généraux, mais aussi, avec une bonne conscience qui nous choque, une mesure en viager, comme la qualifiait si justement notre collègue Bernard Frimat : l’article 4 alourdit certes les contraintes de financement des partis politiques qui ne présentent pas de liste paritaire pour les élections législatives, mais seulement pour 2012, et non pour juin 2007. En outre, le texte reste silencieux sur la définition du seuil d’application de la proportionnelle pour les élections sénatoriales. Or je rappelle que la mesure prise par votre gouvernement en faveur de la parité au Sénat est contre-productive.

Mme Martine Billard. Absolument !

Mme Catherine Génisson. Vous avez relevé de trois à quatre le seuil d’application de la proportionnelle, grevant ainsi l’application de la parité : cette réforme a incontestablement provoqué un recul lors du renouvellement du 26 septembre 2004.

M. Laurent Wauquiez. Caricature !

Mme Catherine Génisson. Les chiffres sont éloquents : le nombre de femmes élues en 2001 dans les départements élisant trois sénateurs était de six, soit une proportion de 20 % ; il n’y en avait plus qu’une, soit 4,8 %, sur les vingt et un élus de ces départements en 2004. Le pourcentage de femmes au Sénat, qui a bien progressé – 10,6 en 2001, 16,9 en 2004 – et est aujourd'hui supérieur à celui de l’Assemblée nationale,…

M. Patrice Martin-Lalande. C’est vrai !

M. Laurent Wauquiez. Vous avez raison : le Sénat est une chambre moderne !

Mme Catherine Génisson. …diminuera donc nettement, selon toute vraisemblance, lors du renouvellement des sénateurs élus en 2001 si aucune réforme n’intervient.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes. C’est juste !

Mme Martine Lignières-Cassou. Eh oui !

Mme Catherine Génisson. Un balayage rapide du projet de loi suffira pour se convaincre que la question préalable, que j’ai l’honneur de défendre au nom de mon groupe politique, est pleinement justifiée : le texte est totalement inapproprié au regard de la nécessité d’appliquer le principe de parité aux mandats électoraux et fonctions électives.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Cela reste à démontrer !

Mme Catherine Génisson. Si l’on analyse sous cet angle la situation politique, on ne peut que conclure à la nécessité d’approfondir notre législation. Il est, à cet égard, surprenant que ce texte de service minimum ne concerne que les collectivités territoriales, excluant toute mesure d’application immédiate pour le Parlement.

Mme Martine Billard. Absolument !

Mme Catherine Génisson. Comme l’écrivait en janvier 2000 Janine Mossuz-Lavau, directrice de recherche au CEVIPOF, la France est le premier pays au monde à prévoir que, pour la plus grande part des élections, il sera nécessaire de présenter autant de femmes que d’hommes, les pays qui ont voulu accroître le nombre de femmes dans les assemblées élues n’ayant retenu jusqu’ici que des quotas ne dépassant pas 33 %. Depuis la modification de la Constitution, nous avons un constat paradoxal : un encadrement législatif important, mais néanmoins insuffisant au regard des résultats constatés aujourd'hui.

Au niveau municipal, le pourcentage de femmes a considérablement augmenté dans les communes de plus de 3 500 habitants, puisque nous sommes passés de 25,7 % en 1995 à 47,5 % en 2002. Et l’on ne souligne pas assez que la loi a eu un effet de levier pour les communes de moins de 3 500 habitants, où la proportion de femmes est passée de 20 % à 30 %. Le constat est moins bon sur le nombre de femmes maires, celles-ci étant d’ailleurs plus nombreuses dans les communes rurales. J’observe enfin qu’il n’y a que 20 % de femmes dans les exécutifs municipaux, ce qui justifie pleinement la mesure proposée à l’article 1er de notre texte.

Au niveau régional, on constate de grand progrès dans la composition des conseils régionaux : 47,6 % de femmes en 2004 contre 27,5 % en 1998. Notons que nous n’avons pas atteint la parité exacte, du fait que peu de femmes étaient à la tête des listes départementales constituées pour les élections régionales. M. le rapporteur et M. le ministre ont relevé un changement de mentalité, mais force est de constater que les mentalités et la mobilisation citoyenne sont en avance sur l’ensemble des partis politiques dans notre pays ! Les exécutifs régionaux ne comportent que 37,5 % de femmes, d’où la nécessité de faire appliquer la loi.

Pour ce qui est des députés européens, nous sommes passés de 40,2 % à 43,6 % de femmes entre 1999 et 2004. La progression a été faible, car le parti socialiste avait proposé dès 1999 une liste « chabada » – alternant hommes et femmes – et avait entraîné les autres partis, qui s’étaient montrés un peu plus vertueux en la matière.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes. C’est exact.

Mme Catherine Génisson. Toutefois, deux catégories de collectivités nous font particulièrement honte : l’intercommunalité et les conseils généraux.

S’agissant des délégués intercommunaux, il faut d’abord souligner que l’intercommunalité est un échelon politique en plein développement. Ses compétences et son pouvoir politique s’accroissent de façon significative en matière de développement économique ou urbain, par exemple. Or, en 2002, 5,7 % seulement des établissements publics de coopération intercommunale étaient présidés par des femmes. Il faut agir, car c’est à cet échelon que se situera à l’avenir le véritable pouvoir local.

Le constat est encore plus dramatique s’agissant des conseils généraux : 10,9 % de femmes au renouvellement de 2004, contre 8,6 % en 1998 et 9,8 % en 2001. Sur 3 966 conseillers généraux, les femmes ne sont aujourd'hui que 411, soit 10,4 %. Seuls six départements comptent plus de 20 % de femmes au conseil général. À ce rythme, il faudra attendre soixante-dix ans pour parvenir à la parité !

La France se situe au vingt-troisième rang de l’Union européenne et au quatre-vingt-sixième rang mondial en ce qui concerne le pourcentage de femmes à l’Assemblée nationale. Si les partis politiques peinent à évoluer, les citoyens, le mouvement associatif – en particulier féministe –, les associations d’élus et le milieu universitaire se mobilisent. Je salue le travail et le courage politique de la délégation aux droits des femmes sous votre présidence, madame Zimmermann, ainsi que la qualité des travaux de l’observatoire de la parité, dont vous êtes la rapporteure générale. Le contraste n’en est que plus fort avec la vacuité dramatique de ce texte, présenté par un gouvernement dont l’immobilisme et l’attentisme doivent être condamnés.

Face à la mobilisation citoyenne, les partis politiques sont en retrait. Cela rend d’autant plus nécessaire un renforcement de notre législation. Même si une grande figure du féminisme, Yvette Roudy, s’en montrait navrée, nous sommes bien obligés de passer par la loi pour faire appliquer le principe de parité : j’en veux pour preuve, entre autres exemples, la situation des conseils généraux.

Ce que vous proposez, monsieur le ministre, n’est pas au rendez-vous du progrès, excepté pour les exécutifs municipaux et régionaux.

Souhaitant dénoncer l’hypocrisie du Gouvernement sans m’en tenir à la seule critique, j’exposerai les propositions que mon groupe politique défend.

Pour les élections municipales, nous pensons qu’il est essentiel d’abaisser le seuil d’application de la parité aux communes de 2 500 habitants. Nous savons que cela nécessiterait une loi organique, mais nous sommes prêts à l’assumer.

Pour les délégués intercommunautaires, il serait sans doute nécessaire de recourir à une modification du mode de scrutin, même si l’application du principe si fondamental de la parité ne saurait la justifier à elle seule. C’est un débat que nous devons ouvrir.

Pour les élections législatives, rien ne s’oppose à ce que les dispositions de l’article 4 s’appliquent dès juin 2007. Je précise, à cet égard, que le terme de « pénalité » est impropre et qu’il convient de parler de « modulation financière », comme le Conseil constitutionnel l’a rappelé dans sa décision du 30 mai 2000. En effet, les partis ne doivent pas contribuer financièrement en cas de non-respect de la parité. Ils sont simplement privés annuellement d’une partie de la somme qu’ils auraient reçue s’ils avaient respecté cette obligation. C’est ainsi qu’en 2002, le parti socialiste, n’ayant présenté que 36 % de femmes, a été pénalisé par cette modulation, et que l’UMP, alors RPR,…

M. Laurent Wauquiez. L’UMP n’est pas le RPR !

Mme Catherine Génisson. …a dû se passer de plus de 4 millions d’euros parce qu’elle n’en avait présenté que 18 %.

Est avancé un argument d’inconstitutionnalité selon lequel il serait contraire à la tradition républicaine de mettre en œuvre une telle disposition dès 2007. Or je rappelle que la loi du 11 mars 1988 sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales s’est appliquée dans le mois qui a suivi son adoption. En outre, il ne s’agit d’une modification ni du mode de scrutin ni des modalités d’attribution de subventions aux partis, mais de l’utilisation des pénalités encourues pour non-respect d’une règle qui, elle, n’aura pas changé. Il n’y a donc strictement aucune raison pour que les sanctions financières plus lourdes prévues à l’article 4 ne soient pas appliquées aux partis politiques qui ne se conformeraient pas à la loi sur la parité pour les prochaines élections législatives.

M. Laurent Wauquiez. Cela ne changerait rien !

Mme Catherine Génisson. Pour les élections sénatoriales, l’abaissement du seuil de quatre sénateurs à trois pour l’application du scrutin à la proportionnelle à un tour est tout à fait nécessaire. Je rappelle que toutes ces propositions ont été, dans leur grande majorité, également présentées et soutenues par la délégation aux droits des femmes.

Enfin, pour les conseils généraux, je me réjouis, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, que vous soyez désormais très réticente à la proposition du projet de loi d’affecter un conseiller suppléant de sexe différent au conseiller titulaire. Cette proposition ne manque pas d’humour quand on sait que les conseils généraux sont composés d’une large majorité d’hommes. Notre groupe est totalement opposé à cette mesure qui est une insulte faite aux femmes. Le Gouvernement veut-il les ridiculiser ?

Avec une telle disposition, si les femmes doivent attendre pour siéger la mort – qu’elles ne souhaitent absolument pas – de leurs collègues titulaires, la parité au sein des conseils généraux ne sera atteinte qu’au XXIIsiècle ! Cette solution dérisoire prêterait à rire si elle n’était pas si indécente. Nous avons déposé un amendement de suppression de cet article au cas où, malheureusement, notre question préalable ne serait pas adoptée.

À l’évidence, l’application de la parité dans les conseils généraux passe par une modification du mode de scrutin. Il est important que nous examinions ce sujet. C’eût été à l’honneur du Gouvernement de consulter les associations d’élus, le milieu universitaire et toutes les associations concernées pour lancer le débat.

M. Laurent Wauquiez. On ne peut pas dire qu’il ne l’a pas fait !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Tout cela est un peu excessif !

Mme Catherine Génisson. Il y avait d’autres solutions. Notre collègue Marie-Françoise Pérol-Dumont en avait d’ailleurs proposées de très intéressantes, en particulier la mise en place d’un scrutin mixte, qui respecterait le scrutin uninominal pour les cantons ruraux et qui permettrait le scrutin par liste pour les zones urbaines. Il y avait donc matière à travailler de façon positive.

Nous sommes très attristés de voir que vous ne faites pas ce que vous dites, s’agissant notamment de l’application de l’article 4 du projet de loi aux prochaines élections législatives.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois.. C’est une obsession !

Mme Catherine Génisson. Ce texte inapproprié ne mérite pas d’être examiné et justifie cette question préalable.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois.. C’est un peu court !

Mme Catherine Génisson. Il ne respecte pas le principe de la parité (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et est très éloigné de ce que soutenait Stendhal : « L’admission des femmes à l’égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation et elle doublerait les forces intellectuelles du genre humain ».

Je suis d’autant plus fière de soutenir cette question préalable que le parti auquel j’appartiens présentera 50 % de femmes aux élections législatives de juin prochain. Bruno Le Roux, ici présent, peut en attester.

M. Laurent Wauquiez. Il a l’air dubitatif !

Mme Catherine Génisson. Pas du tout, car il sait que nous y sommes parvenus au terme d’un difficile débat, s’agissant notamment de la caractérisation des circonscriptions, laquelle dépendra beaucoup des futurs débats électoraux.

Nous avons eu aussi le souci, au-delà du respect du pourcentage de 50 % de candidats, de faire en sorte que les femmes puissent représenter un pourcentage conséquent du prochain groupe socialiste à l’Assemblée nationale.

En conclusion, compte tenu des raisons que j’ai exposées, je vous demande d’adopter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Martine Billard. Très bien !

M. le président. Ni le rapporteur ni le ministre, qui peuvent seuls s’exprimer contre la question préalable, ne souhaitent intervenir. Nous en venons donc aux explications de vote sur la question préalable.

La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. Je regrette le ton très polémique de l’intervention de Mme Génisson sur un sujet qui devrait pourtant nous rassembler. Au grand soir qu’elle semble attendre, notre groupe préfère les petits pas pragmatiques.

Mme Martine Billard. Ce sont des pas de tortue !

M. Laurent Wauquiez. La loi comportait de vrais vides par rapport aux réalités de terrain, que ce soit au niveau des exécutifs, du scrutin uninominal ou des conseils généraux. La volonté forte affichée par le ministre, qui répond aux réalités des collectivités locales qu’il connaît parfaitement, est de parvenir à dépasser les apparences.

Parmi les propositions avancées par Mme Génisson, celle d’abaisser le seuil d’application de la parité aux communes de 2 500 habitants pour les élections municipales représenterait un décrochage important par rapport à la plupart des règles des collectivités locales.

Mme Catherine Génisson et Mme Muguette Jacquaint. Et alors ?

M. Laurent Wauquiez. Je relève aussi que vous proposez de modifier les règles de pénalisation à la veille d’échéances électorales et que vous critiquez le dispositif de suppléance au sein des conseils généraux, qui n’est pas a priori destiné aux femmes.

Mme Catherine Génisson. Les hommes y siègent pourtant à 90 % !

M. Laurent Wauquiez. Il ne s’agit pas de réserver systématiquement cette suppléance aux femmes,…

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes. Si !

M. Laurent Wauquiez. …ce qui serait totalement absurde, mais de permettre l’émergence progressive de nouveaux élus pour opérer un véritable renouvellement de notre représentation politique, non seulement avec des femmes, mais aussi avec des élus issus d’horizons, professionnels ou générationnels, différents.

En vous écoutant, madame Génisson, je me suis demandé ce que vous cherchiez au juste. Si nous suivions votre invitation à voter la question préalable, je craindrais effectivement qu’on ne puisse pas faire progresser la parité avant le XXIIsiècle. Serait-ce votre objectif ? Tenons plutôt ensemble un discours constructif digne du XXI! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Je partage tout à fait la colère et les propos de Catherine Génisson. Le Président de la République avait annoncé qu’il ferait de cette question une priorité, à laquelle notre pays aspire. Aujourd’hui, près de 80 % de nos concitoyens considèrent qu’il est nécessaire d’atteindre la parité et l’égalité pour permettre aux femmes de jouer leur rôle dans la vie publique et politique, et que cela est bon pour la démocratie.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Nous en sommes tous d’accord !

Mme Muguette Jacquaint. Je considère, moi aussi, comme indécent et insultant d’examiner dans l’urgence et en catimini ce texte, qui aurait dû apporter plus de progrès qu’il n’en propose. Il ne reprend même pas les remarques formulées par la délégation aux droits des femmes, ce qui aurait été le moins qu’on puisse espérer.

Votre souci d’aller vite a débouché sur un texte d’annonce, dont la plupart des dispositions seront applicables aux élections de 2012. Vous prétendez vouloir avancer, mais vous adoptez un rythme de tortue ! Moi, je veux qu’on avance vite. Par conséquent, je voterai la question préalable défendue par Catherine Génisson.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois.. Avec vous ce ne serait pas des pas de tortue, mais de l’immobilisme !

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Visiblement, à un mauvais texte, vous avez décidé d’ajouter une absence de débat. Il est très rare, pour ne pas dire exceptionnel, que, sur un texte auquel vous accordez sûrement un peu d’importance, les arguments avancés à la tribune par une députée travaillant depuis de nombreuses années sur la question,…

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

M. Bruno Le Roux. …ne donnent pas lieu à réponse de la part d’un rapporteur. Comme si l’urgence ne suffisait pas à témoigner de votre mépris, les arguments développés sur cette question essentielle ne reçoivent que le silence pour réponse.

Ce texte, s’il comporte de petites avancées, ne permet de répondre à aucune des questions qui vont se poser à l’occasion des renouvellements, législatif dans quelques mois, cantonal et municipal l’année prochaine. Il ne permet pas de réelles avancées alors que nous avons l’expérience des six dernières années et que la commission des lois de l’Assemblée et les délégations aux droits des femmes de l’Assemblée et du Sénat s’étaient prononcées en faveur d’une loi aussi ambitieuse que celle de 2000.

L’objectif aujourd’hui, en matière de parité, n’est plus d’avancer pas à pas, avec des petits projets incitatifs, mais d’afficher demain, non plus un objectif, mais une réalité de parité dans tous les scrutins de notre République. Non seulement ce texte ne permettra pas d’y parvenir, mais il souffre d’un examen bâclé, dans l’urgence. Cette absence de débat nous semble irresponsable et inacceptable. Nous voterons donc la question préalable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. M. Le Roux n’était peut-être pas présent dans l’hémicycle au moment où je suis intervenu. Qu’il sache donc que j’ai répondu à Mme Génisson avant même qu’elle ne défende sa motion, et que je n’ai rien à ajouter puisqu’elle n’a rien dit de nouveau.

M. Laurent Wauquiez. Comme vous nous connaissions le contenu de son intervention à l’avance !

M. Bruno Le Roux. L’Assemblée est le lieu du débat !

M. le président. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, contrairement à certains propos qui ont été tenus, lors de nos premiers échanges, et suite à l’intervention de Mme Génisson, je crois que nous devrions accepter de progresser.

Mme Muguette Jacquaint. Ce n’est pas grâce à vous que la parité a avancé !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Je ferai simplement remarquer à ceux qui nous estiment que nous sommes dans du « pas à pas » avant de demander qu’un pas soit fait,…

Mme Martine Billard. Cela fait deux siècles que nous attendons !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. …et à ceux qui nous disent qu’il n’y a rien dans ce texte, que personne dans cet hémicycle, surtout en cette matière, n’a le privilège d’être le premier et n’a de leçons à donner à quiconque. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Muguette Jacquaint. Certains ont freiné plus que d’autres ! Il ne faut pas exagérer !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Je ferai une référence historique qui en vaut bien d’autres. C’est le général de Gaulle et personne avant lui…

Mme Huguette Bello. Sous la pression des associations de femmes !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. … – alors que d’autres gouvernements auraient pu le faire –…

Mme Huguette Bello. Sous la pression des femmes résistantes !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. …qui a donné, à la Libération, le droit de vote aux femmes.

Mme Muguette Jacquaint. C’est le parti communiste qui a présenté des candidates !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Vous ne pouvez l’ignorer.

Mme Martine Billard. On connaît les positions de la droite avant la guerre !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Le nier serait tout à fait ridicule. Alors, de grâce ! Sans reprendre des propos qui avaient fait florès, il y a quelques décennies, lors d’une campagne présidentielle, je tiens à souligner que personne dans cet hémicycle n’a le monopole de la cause des femmes.

Mme Muguette Jacquaint. Surtout pas vous !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Nous sommes toutes et tous profondément attachés à ce que notre société soit enfin en mesure d’assurer tout naturellement et avec la meilleure volonté la place pleine et entière…

Mme Catherine Génisson. Il ne s’agit pas de promouvoir les femmes, mais de respecter l’égalité entre les sexes !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. …que les femmes doivent y trouver, y compris dans les institutions électives. C’est de cela que nous parlons aujourd’hui.

Je fais remarquer à ceux qui estiment que le pas d’aujourd’hui est insignifiant – je ne reprends pas les propos désobligeants qui ont été tenus et sur lesquels il n’y a pas lieu de s’appesantir – que, si nous devons encore faire progresser les choses, c’est que, lorsqu’ils étaient au pouvoir, ils ne les ont pas suffisamment fait progresser. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Avant d’en venir au texte et d’ouvrir quelques perspectives, je veux souligner que le vrai problème repose sur une question des principes. Nous avons eu ce débat avec le rapporteur et certains de nos collègues du groupe UMP. Pourquoi faut-il légiférer pour progresser en cette matière ?

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes. Voilà la vraie question !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Le problème est là. J’en parle de façon très sereine, parce que, avant même les lois que nous avons évoquées et sans que je sois un héraut particulier de la cause de la parité, j’étais pratiquement parvenu dans le cadre de mon conseil municipal, lors de ma première élection en qualité de maire en 1995, à la parité entre les hommes et les femmes. Personne ne m’y contraignait, mais je pensais tout naturellement, comme beaucoup de mes collègues, que l’émergence des femmes dans les responsabilités au sein de la société…

Mme Catherine Génisson. Il ne s’agit pas d’émergence ! Nous sommes là depuis longtemps !

Mme Martine Billard. Parlez plutôt de reconnaissance !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. …devait se traduire et finissait, sans aucune difficulté, par se traduire par l’émergence des femmes en politique. Je n’ai donc pas été surpris de constater, dans les années ultérieures, que ce que j’avais opéré tranquillement, comme d’autres sur tous les bancs, nécessitait le petit coup de pouce des dispositions législatives prises par la suite.

Le fait que notre pays ne soit pas capable d’avancer en ce domaine sans avoir recours à la loi est un vrai problème. Cela s’accompagne de difficultés pour bien mesurer, calibrer le niveau d’intervention, de précision de la loi. Je suis donc persuadé qu’il ne faut pas rejeter en bloc et de manière trop radicale, un peu trop extrême peut-être, les avancées substantielles de ce texte.

Je traiterai de ces avancées, avant d’évoquer les perspectives que j’estime nécessaire de proposer à la réflexion. Elles ne sont pas révolutionnaires, mais certains de nos collègues, à gauche notamment, reconnaîtront qu’elles ne sont pas timorées.

Premièrement, que propose le texte par rapport à l’existant ?

Le travail de nos collègues sénateurs a permis d’ajouter une mesure, qui, même si elle ne fait pas l’unanimité, a eu au moins le mérite d’apporter la valeur ajoutée de la clarification. Passer du dispositif, qui avait sa justification, mais qui n’était pas parfaitement compréhensible par nos concitoyens, des paquets de six aux élections municipales au régime « chabada », si je puis utiliser cette formule, est probablement une évolution à la fois inéluctable et nécessaire, que nous devons saluer parce qu’elle permettra à nos concitoyens de lire de manière plus simple cette évidence qui est déjà apparue au niveau des élections régionales et qui n’a choqué personne.

Le deuxième élément concerne les exécutifs. C’est un vrai sujet. Dans la commune d’un peu plus de 20 000 habitants que j’ai l’honneur d’animer, je concède que, sur les dix maires adjoints, il y a aujourd’hui quatre femmes et six hommes.

Mme Martine Lignières-Cassou. Et voilà ! Il va nous dire qu’il n’a pas trouvé de femmes volontaires ! (Sourires.)

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Personne ne m’y contraignait. J’aurais aimé être en mesure d’avoir cinq femmes et cinq hommes, mais un pourcentage de 40 %, ce n’est déjà pas mal.

Le texte va plus loin. Je sais, que dans ma commune, en 2008, l’obligation me sera faite – mais elle est douce pour moi – d’aller un peu plus loin et de parvenir à cette parité. Refuser aujourd’hui que cette disposition soit inscrite dans la loi ne permettrait pas cette avancée supplémentaire, dont nous constaterons, après coup, qu’elle est elle-même devenue une évidence.

Le troisième point sur lequel j’ai entendu des propos, que je me permets de qualifier de totalement déplacés, est celui des conseils généraux. Ces propos sont d’autant plus déplacés que la cible est autre, puisqu’il s’agit du mode de scrutin.

Mme Catherine Génisson. Je l’ai dit !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Travaillons donc sur le mode de scrutin ! Confrontons nos différences et nos oppositions sur ce point, mais n’en tirons pas la conclusion que ce que le texte propose – la création des suppléants et l’obligation pour le suppléant d’être du sexe opposé au titulaire – est une hérésie.

M. Bruno Le Roux. C’est scandaleux !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. J’ai entendu ce matin, en commission des lois, dans une très belle rime, qu’il s’agissait de quelque chose à la fois de « grotesque » et « d’abracadabrantesque » Hormis la rime, je n’y vois pas beaucoup de talent.

La question est posée. Nous avons trop d’élections partielles, surtout d’élections cantonales, et nous constatons que les élections partielles n’intéressent pas grand monde. Combien de conseillers généraux, aujourd’hui en France, dans le cadre des élections partielles, sont-ils élus avec à peine 30 % des votants ?

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Absolument !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Quand ces élections partielles ont parfois comme conséquence de modifier la majorité d’un département, cela ne mérite-t-il pas que nous mettions en place, comme cela existe déjà dans le cadre du scrutin majoritaire pour les députés, des suppléants ? Si nous décidons, de surcroît, grâce à notre effort vers la parité, que ce suppléant sera du sexe opposé au titulaire, nous ferons, je crois, quelque chose de simple et de lisible que nos concitoyens, au moment des élections cantonales de mars 2008, considéreront comme une véritable avancée.

Ne serait-ce que pour ces trois exemples – tous les autres ont été évoqués par le ministre et par le rapporteur –, je crois qu’il ne faut pas bouder l’amélioration, l’avancée qui nous est proposée et qui va probablement ancrer un peu plus dans les esprits le principe de la parité au sein de nos institutions locales.

Je veux, pour conclure, ouvrir quelques réflexions pour l’avenir.

Premièrement, devons-nous accepter l’idée définitive que, dans notre pays, il y aurait, au sein de nos assemblées municipales, la parité et des collectivités où elle n’aurait pas cours ? C’est une question lourde de conséquences concrètes. Il s’agit de celle de la présence plus nombreuse, que nous devons espérer, de femmes dans les conseils municipaux de toutes les communes, y compris dans celles de moins de 3 500 habitants.

J’avais envisagé, un temps, de déposer un amendement tendant à abaisser le seuil de 3 500 à 2 500 habitants, ce qui aurait commencé probablement à améliorer les choses. J’y ai renoncé momentanément…

M. Bruno Le Roux. Sous la pression directe du Gouvernement !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. …parce qu’il n’était probablement pas opportun de bouleverser maintenant la préparation déjà engagée des élections municipales de 2008. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Muguette Jacquaint. C’est incroyable !

Mme Martine Billard. Les communes auraient eu plus d’un an pour s’y préparer !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Cependant il nous faudra probablement le faire. (Rires et exclamations sur les mêmes bancs.)

Je vais plus loin : je pense que nous devons trouver le moyen, par voie législative ou autre, de faire en sorte que nos communes rurales, nos petites communes voient progressivement émerger la possibilité pour les femmes d’être candidates.

Mme Muguette Jacquaint. Ce n’est pas de l’immobilisme : c’est de l’arrêt sur image !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Je tiens à formuler une observation à ce propos qui n’est sans doute pas négligeable : nous aurions tort de mettre en parallèle la parité avec le scrutin proportionnel. C’est un mirage et je vais tenter de vous l’expliquer. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Ce n’est pas le scrutin qui permet la parité ; c’est la liste.

M. Bruno Le Roux. Je ne suis pas particulièrement convaincu !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. La preuve en est donnée par le fait que les élections municipales dans notre pays, contrairement à ce que certains feignent de croire se déroulent non pas à la proportionnelle, mais au scrutin majoritaire, avec, ne l’oublions pas, la moitié des sièges plus un pour la liste arrivée en tête. Il s’agit donc bien d’une décision majoritaire. Tous les autres sièges sont ensuite affectés à toutes les listes sur la base du calcul proportionnel. Dans ce scrutin majoritaire, fortement teinté de proportionnelle, nous avons la parité.

Inversement, le scrutin régional est un scrutin proportionnel teinté d’une prime majoritaire. C’est dans le cadre de la liste au scrutin proportionnel que nous avons la parité.

C’est donc bien sur la question des listes que le problème doit être étudié. Je pense qu’il faudra y réfléchir. Si j’en ai, ultérieurement, la possibilité, en vue des élections municipales suivantes, je n’hésiterai pas à proposer la mise en place d’un dispositif, afin que, partout où il y a des listes, nous ayons la parité, que le scrutin soit majoritaire ou proportionnel. Je pense que ce sera une avancée.

Il est vrai que nous ne pouvons pas imposer, aujourd’hui, à nos collègues maires de toute petites communes des modifications dans l’organisation et la préparation des élections, alors qu’ils ont déjà beaucoup de mal à trouver des candidats. Nous devons nous donner le temps de réfléchir à toutes ces questions.

Je conclus et je vous prie de m’excuser d’avoir été un peu long, monsieur le président, mais je crois qu’il ne faut pas considérer que ce texte est adopté à la sauvette, …

Mme Muguette Jacquaint. Ah si !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. … et ne comporte pas de valeur ajoutée. Il est comme tous les textes, imparfait,…

Mme Catherine Génisson. Il est très imparfait !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. …il nécessitera de nouvelles réflexions, et il devra être prolongé par de nouvelles dispositions.

Ce texte permet d’avancer, de rendre encore plus irréversible, dans la conscience de nos concitoyens et dans notre société politique, le fait que la parité doit être une évidence. La parité est une nécessité.

Nous avançons sur ce chemin. C’est la raison pour laquelle je voterai ce texte et j’invite tous mes collègues de la majorité – mais je sais qu’ils y sont prêts – à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, avant de commencer mon propos, je veux exprimer ma fierté d’intervenir une nouvelle fois sur un texte concernant la parité et l’égalité femme-homme dans notre pays.

Monsieur Geoffroy, vous m’avez reproché mon immobilisme. Depuis vingt-six ans – et vous pouvez relire mes interventions – si quelqu’un n’a pas été immobile pour défendre l’égalité des hommes et des femmes dans cet hémicycle, c’est bien moi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine Billard. Très juste !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Je n’ai jamais dit le contraire ! J’ai simplement dit que personne n’avait le monopole de cette cause !

Mme Muguette Jacquaint. Je le répète, et j’en suis fière.

Après de multiples textes sur la parité, je confirme qu’il s’agit d’une question d’actualité,…

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Elle est toujours d’actualité !

Mme Muguette Jacquaint. …d’une question d’égalité entre les hommes et les femmes et, surtout, d’un enjeu démocratique.

La parité n’est pas aujourd’hui comme nous souhaiterions qu’elle soit.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En effet 12,7 % de femmes députées ont été élues en 2002 et, au Sénat, la situation des femmes n'est guère plus enviable : à peine 16,9 % de femmes élues après les élections de 2004.

Au plan local, quelques progrès ont été constatés. En 2001, les femmes représentaient 31,7 % des élus municipaux. Dans les villes de plus de 30 000 habitants, elles atteignaient même 48 %, soit près de la moitié des conseils municipaux.

La progression est plus importante au niveau régional, puisque, si seulement 9 % des élus régionaux étaient des femmes en 1986, elles étaient 47,6 % en 2004. En revanche, la progression est moins nette, bien que significative, dans les conseils généraux, où aucune règle de parité ne s'impose : 0,7 % de femmes en 1958, 8,3 % en 1998 et 9,3 % en 2004. Les chiffres sont sans ambiguïté.

Les progrès accomplis dans la féminisation des conseils régionaux grâce à la loi du 11 avril 2003 ont permis de faire passer la proportion de femmes de 27,1 % à 47,6 % lors des dernières élections des 21 et 28 mars 2004, soit une progression plus importante qu'au sein des conseils municipaux. Si le renouvellement des élus a été important, il a été encore plus significatif parmi les femmes, puisque 77 % des femmes sont de nouvelles élues contre 60 % des hommes.

Dans les communes de moins de 3 500 habitants, les femmes accèdent plus souvent à cette magistrature avec une proportion de 11,2 % en 2001 contre 7,8 % en 1995, alors qu'elles sont relativement moins nombreuses au sein des conseils municipaux. De plus, 18 890 des 78 876 adjoints au maire sont des femmes, soit 23,9 %.

Dans les communes de 3 500 habitants et plus, la proportion de femmes parmi les maires n'est que de 7,6 %, au lieu de 4,4 % en 1995. Elle atteint 36,9 % chez les adjoints au maire.

J’en viens au texte en discussion.

Outre l'introduction du principe de parité dans les exécutifs locaux et dans les élections cantonales, le projet de loi s'attelle à une autre faiblesse du système français : la sous-représentation des femmes à l'Assemblée nationale.

Pour bien comprendre ces disparités dans la féminisation de la sphère politique, il faut rappeler que les lois sur la parité qui ont été votées en 2000 et 2003, obéissaient à deux logiques différentes : d’une part, l'obligation de parité sur les listes de candidats aux élections ayant lieu à la proportionnelle, tempérée pour les municipales ; d’autre part, l'incitation des partis politiques pour les élections législatives.

Ainsi que l'a montré, dans son bilan dressé en 2005 de toutes les élections intervenues depuis 2001, l'observatoire de la parité, dont notre collègue Marie-Jo Zimmermann est la rapporteure générale, les scrutins uninominaux semblent moins favorables à la parité que les scrutins de liste. Ainsi, les élections européennes, régionales et municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants donnent de bons résultats, mais le problème se pose toujours pour les élections uninominales : législatives et cantonales.

Une conclusion s'impose : seule la première logique, celle de l'obligation de présenter des femmes sur des listes alternée élues à la proportionnelle, a permis de faire progresser réellement la parité. La seconde logique, qui s'est traduite par des pénalités financières, n'a pas eu l'effet que vous prétendiez rechercher, les grands partis politiques préférant acquitter des pénalités…

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. Ce n’est pas une pénalité !

Mme Muguette Jacquaint. …plutôt que de présenter des femmes à parité aux élections qui ont eu lieu ensuite.

Vous ne semblez pas avoir compris combien cette logique était inadaptée à la question soulevée par l'accès des femmes aux sphères de responsabilité politiques et vous persistez. En outre, examiner ce projet de loi aujourd’hui en catimini et dans l’urgence est insultant pour les femmes, surtout après les déclarations du Président de la République.

Avec ce projet de loi, pour les élections de 2012, dans le cas où un parti ou un groupement ne respecterait pas le principe de la parité, le montant de la dotation qui lui reviendrait serait amputé de 75 % de l'écart entre le nombre de candidats et le nombre de candidates au lieu de 50 %. Je vous rappelle qu’en 2002, l'UMP a présenté 114 femmes et 466 hommes, contre 185 femmes et 350 hommes pour le parti socialiste. Le parti de la majorité a préféré payer 4,26 millions d'euros de pénalités plutôt, que de présenter des candidates. Tant d’argent dépensé pour ne pas respecter le droit ! Voilà qui est peu flatteur pour la démocratie.

En ce qui concerne le renforcement de la parité dans les exécutifs municipaux et régionaux, nous approuvons le projet du Gouvernement. Épargnées par la loi de juin 2000, ces assemblées, véritables lieux de pouvoir, sont restées largement dominées par les hommes.

Le texte prévoit ainsi l'extension du principe de parité à la désignation de l'exécutif des conseils municipaux dans les communes de 3 500 habitants et plus, et à la désignation de l'exécutif des conseils régionaux. Dans les conseils municipaux des communes de 3 500 habitants et plus, les adjoints au maire seront désormais nécessairement élus sur le fondement d'une liste à laquelle s'appliquera la parité et le dispositif sera également applicable aux conseils d'arrondissement de Paris, Lyon et Marseille, aux conseils des communes de Mayotte, de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française.

Dans l'exécutif des conseils généraux, les membres de la commission permanente seront, dans tous les cas, élus selon le principe d'une liste respectant une alternance stricte entre candidats de sexes différents, tandis que les vice-présidents seront élus sur une liste qui devra respecter le principe de parité de manière globale, sans obligation d'alternance stricte. Ce dispositif sera également applicable à la commission permanente et aux vice-présidents de l'Assemblée de Corse, ainsi qu'au conseil exécutif de cette collectivité territoriale.

Nous sommes bien entendu favorables à l'élection à la proportionnelle sur liste alternée des adjoints au maire dans les communes de plus de 3 500 habitants ainsi que pour l'élection des membres de la commission permanente des conseils régionaux. Néanmoins, pour aller plus loin, je propose l'extension du mode de scrutin des communes de plus de 3 500 habitants aux communes de moins de 3 500 habitants : la démocratie n’est pas une affaire de chiffres. Nous souhaitons donc que la représentation proportionnelle soit le mode de scrutin ordinaire applicable aux élections municipales, quel que le soit le nombre d'habitants des communes.

L'argument, souvent évoqué, selon lequel on se heurterait à la difficulté de trouver des candidates, ne tient pas.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. C’est pourtant un vrai problème !

Mme Muguette Jacquaint. Il suffit de voir la proportion de femmes dans les conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants pour nous convaincre du contraire.

Qui plus est, l'observation de la vie locale, y compris dans les petites communes, démontre tous les jours que les femmes sont souvent très engagées dans la vie de la cité sur de nombreux sujets.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Tout à fait !

Mme Muguette Jacquaint. En revanche, les autres mesures contenues dans le présent projet de loi posent de sérieux problèmes.

Ainsi, les dispositions relatives aux élections cantonales ne nous paraissent pas sérieuses pour faire progresser la parité. La proportion de femmes conseillères générales, c'est-à-dire 10 %, est dérisoire, et je ne parle pas du nombre de présidentes de conseil général.

Doter les titulaires hommes d'une femme suppléante – en réalité, c'est bien de cela qu'il s'agira –, qui prendra leur place en cas de décès, d'absence au sens du code civil ou de cumul des mandats et, de manière plus marginale, dans le cas où cet homme serait nommé membre du Conseil constitutionnel et qu'il accepterait cette nomination, ne me paraît ni efficace ni réaliste. J’ai même entendu – et je tiens à le dire à cette tribune – que cette suppléance constituerait un moyen d’apprentissage politique pendant cinq ans. C’est un air bien connu : les femmes seraient moins capables que les hommes d’exercer des responsabilités politiques. Malgré les quelques avancées du Sénat, il s'agit encore d'une demi mesure d'affichage pour se donner bonne conscience.

Les propositions d'extension des possibilités de remplacement ne sont pas non plus satisfaisantes. Nous attendons une réforme en profondeur des modes de scrutin afin de réaliser d'une façon concrète et sans retenue la parité. Pour ce faire, nous défendons donc à la fois la proportionnelle aux élections législatives et le retour de ce mode de scrutin pour les sénateurs dans les départements où l'on en élit au moins trois.

D'ailleurs, en dressant le bilan de la loi de juin 2000, l'observatoire de la parité souligne que le mode de scrutin de liste permet aisément d'instituer et de contrôler une obligation de parité. C'est notamment le cas pour les municipales, les régionales ou les européennes : les femmes représentent aujourd'hui 43,5 % des députées européennes et elles sont 47,6 % de conseillères régionales, mais l'affaire se gâte dès qu'il est question de scrutins uninominaux, tels que les législatives ou les cantonales.

Mais ce n'est pas tout : l'accès aux mandats locaux et aux fonctions électives serait facilité si un véritable statut de l'élu – mais là aussi, c’est l’arlésienne – existait. La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a quelque peu fait avancer la situation. Il n'en reste pas moins que les femmes doivent plus que les hommes, aujourd'hui comme par le passé, concilier vie professionnelle, où elles sont rémunérées 27 % de moins que leurs collègues masculins à travail égal, et vie familiale, où elles effectuent 80 % des tâches ménagères. Dans ces conditions, elles hésitent encore à s'investir dans la vie politique.

Prévoir la modernisation des conditions d'exercice des mandats, tant locaux que nationaux, profiterait non seulement aux femmes, mais également aux hommes. Bien entendu, notre volonté n’est pas d'évincer ces derniers de la vie politique, mais bien de garantir un égal accès.

Or nous constatons un déficit en matière de dispositifs de garde d'enfants, de personnes dépendantes, mais également en ce qui concerne la valorisation des acquis de l'expérience ou encore les garanties indemnitaires auxquelles pourraient avoir droit les élus reprenant une activité professionnelle.

Nous avons pour objectif de faciliter le retour à la vie professionnelle et de permettre une meilleure prise en charge des contraintes familiales durant le mandat. Nous avons d'ailleurs déposé des amendements en ce sens.

La mise en œuvre d'un statut de l'élu digne de ce nom serait évidemment favorable à un meilleur engagement des femmes en politique lesquelles, chacun le sait, représentent 53 % du corps électoral. Il est temps de leur donner la place qui est la leur, tout simplement.

Le Gouvernement n'a pas voulu tenir compte des nombreuses études qui montrent que la contrainte est indispensable pour appliquer la parité. Il reste sourd aux nombreuses voix qui s'élèvent pour réclamer la proportionnelle. Il ignore même les arguments de la délégation aux droits des femmes.

Rappelons encore une fois que, dans le domaine professionnel, il reste beaucoup à faire pour que les inégalités entre hommes et femmes régressent.

Nous verrons quels amendement seront adoptés. Cependant l’urgence exige un vote dans les mêmes termes qu’au Sénat, et je doute que le groupe communiste et républicain puisse voter un tel texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine Billard et Mme Huguette Bello. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. « Je parle sans retenue, sans pudeur aux femmes politiques de tous les pays. Avec un parti pris : je les crois indispensables et elles sont trop rares. Nous y avons tous beaucoup perdu. J'aime ces femmes d'exception, ces êtres de sincérité, d'inquiétude, de foi, de lucidité et de courage. J'aime le grand chant de la liberté, les héroïnes non conventionnelles, les agitatrices inspirées qui tentent de bousculer leur époque. ». Ainsi s’exprimait Michel Jobert dans sa Lettre ouverte aux femmes politiques.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi comporte plusieurs éléments positifs.

D’abord, il s’inscrit dans le prolongement des lois de 1999, 2000 et 2003, et il se situe dans la continuité de la loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999, qui a autorisé le législateur à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi que des lois du 6 juin 2000 et du 11 avril 2003, qui ont institué des dispositions législatives contraignantes ou incitatives.

En assurant la place des femmes dans les exécutifs municipaux et régionaux, en instituant le remplacement par un suppléant de sexe opposé pour les conseillers généraux et en renforçant la modulation financière de la première fraction de l'aide publique aux partis politiques ne respectant pas l'égal accès des femmes et des hommes dans les candidatures qu'ils présentent aux élections législatives, le présent projet de loi constitue une nouvelle, mais modeste, étape dans la mise en œuvre de la parité.

Si nous sommes nombreux à nous poser des questions sur le principe même de telles lois, force est de constater que la contrainte législative est utile : elle a indéniablement permis de faire progresser la parité.

Par ailleurs, ce projet de loi utilise les possibilités offertes par la Constitution, laquelle permet au législateur de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives en conservant une certaine souplesse.

Certes, dès 1789, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen a proclamé, dans son article 6 : « La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation ». Cependant les Françaises n'ont obtenu le droit de vote qu'avec l'ordonnance du 21 avril 1944 signée par le général de Gaulle au nom du Gouvernement provisoire de la République française alors que les Allemandes l’ont obtenu en 1918, les Américaines en 1920, les Anglaises en 1928 et les Turques en 1934.

Si la Constitution les a reconnues explicitement « égales en droit » aux hommes et que quelques femmes issues de la Résistance ont siégé immédiatement au Parlement, force est de constater que le taux de féminisation des assemblées parlementaires ou locales est longtemps demeuré peu élevé au regard non seulement de leur importance numérique dans le corps électoral, mais aussi de leur représentation au sein des organes délibérants de nombre de pays démocratiques.

En 1981 et en 1982, afin de renforcer leur présence dans les conseils municipaux, des quotas de candidatures féminines ont été proposés par le législateur avant d'être déclarés non conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

La loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 a ensuite modifié l'article 3 de la Constitution en y introduisant un alinéa selon lequel : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ». Le Constituant a ainsi posé les conditions d'une réelle égalité entre femmes et hommes dans l’accès à la vie publique, particulièrement pour ce qui concerne les responsabilités d'adjoints au maire ou de membres des exécutifs des conseils généraux et régionaux, comme l’ont montré les travaux préparatoires.

Le choix est laissé au législateur de décider des mesures appropriées pour favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, et pour concilier cet objectif avec le respect des autres règles et principes constitutionnels, tels que la liberté de candidature.

La parité est la juste représentation de notre humanité ; elle doit aboutir à une égalité entre hommes et femmes dans les instances élues. Pour y parvenir, le projet de loi fixe trois grands objectifs.

Le plus novateur consiste à renforcer l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions exécutives locales. Pour l'élection des adjoints au maire dans les communes de 3 500 habitants et plus, l'article 1er tend à instaurer un scrutin de liste où l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe figurant sur chaque liste ne peut être supérieur à un. Dans la même logique, l'article 2 prévoit l'élection des membres de la commission permanente du conseil régional à la représentation proportionnelle, selon la plus forte moyenne, avec alternance stricte entre candidats de chaque sexe sur les listes. Les vice-présidents des conseils régionaux seraient élus selon le scrutin de liste fixé à l'article 1er du présent texte pour l'élection des adjoints au maire.

Le deuxième objectif du texte est la féminisation des assemblées départementales : il tend ainsi à instituer un remplaçant de sexe différent pour chaque conseiller général. Cette solution, préconisée par l'article 3 du projet de loi aurait le double avantage de favoriser l'émergence d'un vivier de femmes susceptibles de siéger dans les assemblées départementales – environ 4 000 – et de limiter la fréquence des élections cantonales partielles, traditionnellement marquées par une forte abstention, en prévoyant que le remplaçant devient conseiller général en cas de décès ou de démission du titulaire.

Le troisième objectif de ce texte est de conforter la place des femmes à l'Assemblée nationale en aggravant la sanction financière sur la première fraction de l'aide publique attribuée aux partis et groupements politiques ne respectant pas le partage égal des candidatures entre hommes et femmes. En pratique, le montant de la première fraction serait diminué d’un pourcentage égal aux trois quarts, au lieu de la moitié, de l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe figurant sur une même liste, rapporté au nombre total des candidats s’y rattachant.

Cette solution semble préférable aux propositions de suppression totale. En effet, cette aide, instituée en contrepartie d'une limitation des financements privés aux partis politiques et d'un contrôle accru de leur activité, en particulier grâce au dépôt obligatoire de leurs comptes, tend à favoriser l'activité des partis représentatifs et, ce faisant, le « pluralisme d'idées et d'opinions, fondement de la démocratie », selon les termes du Conseil constitutionnel.

Il est à noter que, pour 2007, le montant de l’aide est théoriquement de 80,26 millions d'euros, montant demeuré inchangé depuis 1995. Néanmoins 7 millions d'euros ne seront pas versés aux partis, du fait de la sanction financière infligée pour non-respect de l'obligation de parité. Le montant fixé dans le budget s'élève donc à 73,28 millions d'euros.

Cela étant, il subsiste de nombreuses insuffisances dans le texte.

On peut d’abord s’interroger sur son examen tardif, à quelques semaines de la fin de la législature. Mieux vaut tard que jamais, certes, mais le fait que l’urgence ait été déclarée nous empêche d’avoir un réel débat de fond, dans des conditions apaisées, sur la meilleure façon de faire progresser la parité. On peut encore déplorer le caractère transitoire de ces mesures.

Rappelons ici un fait essentiel : la situation française est plus contrastée que dans les autres pays. À l’évidence, la place des femmes à l'Assemblée nationale est aujourd'hui modeste – 12,2 %, soit 70 femmes sur 577 –, surtout comparée avec celle qu'occupent leurs homologues dans la plupart des chambres basses ou uniques des parlements nationaux de l'Union européenne. La France se situerait ainsi au vingt-deuxième rang européen, juste avant la Slovénie, la Hongrie et Malte, et au quatre-vingt-sixième rang mondial. Cette situation est anachronique, anormale et aberrante pour le pays des droits de l'homme.

Si la loi sur la parité a permis de faire élire beaucoup plus de femmes dans les conseils municipaux – elles représentent 47,5 % des conseillers dans les communes de plus de 3 500 habitants en 2001 – et régionaux, elles n'ont pas forcément accédé à des fonctions de responsabilité locale : seulement 6,6 % des communes de plus de 3 500 habitants ont une femme pour maire. Dans les conseils généraux, les résultats sont pour l'instant décevants : seulement 10,9 % des conseillers généraux étaient des femmes en 2004 contre 8,6 % en 1998.

Le texte, bien qu'allant dans la bonne direction, est très éloigné des engagements du Président de la République. Nous souhaitons aller plus loin. Il convient donc de compléter ce projet de loi.

En ce qui concerne les élections législatives, on pourrait ainsi envisager que le candidat titulaire et son suppléant soient de sexe différent. En attendant l'instillation d'une dose de proportionnelle que l'UDF appelle de ses vœux pour permettre à toutes les sensibilités de pouvoir s'exprimer au sein du Parlement, il est essentiel d’y promouvoir mieux encore la parité.

Le maintien d'un scrutin uninominal majoritaire pour les élections législatives et pour les élections sénatoriales dans les petits départements ne permet pas d'imposer une logique de parité. Ce n'est toutefois pas une raison pour ne rien faire. Des avancées peuvent en effet être obtenues en appliquant la parité au tandem candidat-suppléant. En raison des nominations ministérielles, des décès et de divers aléas de la vie publique ou privée, de nombreux députés et sénateurs sont remplacés en cours de mandat par leur suppléant. Pendant la législature 1997-2002, 10,7 %, des suppléants – 62 sur 577 – sont ainsi devenus députés. Si chaque candidat avait obligatoirement un suppléant de sexe opposé, la parité progresserait.

Mme Martine Billard. Pas forcément : les suppléants pourraient être des hommes !

M. Philippe Folliot. L'objectif est d'étendre aux députés et sénateurs l’obligation de choisir un suppléant de sexe opposé. La féminisation des assemblées départementales doit donc être complétée par celle du Parlement.

Il s’agit ensuite de rendre applicables les sanctions financières dès les prochaines élections législatives. Ce projet de loi, présenté comme une nouvelle étape pour la parité, ne serait pas applicable lors des deux prochaines élections à venir, à savoir les présidentielles et les législatives de 2007. Or c'est à l'Assemblée nationale que la proportion de femmes est la plus faible. Si l'on veut vraiment faire progresser la parité et inciter les partis à investir autant de candidates que de candidats dès juin 2007, il est nécessaire de rendre applicables les sanctions financières immédiatement.

En outre, pour les conseillers généraux, également soumis à l’obligation de choisir un suppléant de sexe opposé, il faudrait que le remplacement puisse intervenir pour d’autres causes de vacance que le décès. Quand on sait que 90 % des décès touchent des hommes, et qu’il y en a eu seulement 15 parmi les 4 000 conseillers généraux, on ne peut que souligner l'insuffisance du texte initial. Je me félicite que le Sénat l’ait amendé, en prévoyant, entre autres, les cas de démission.

Il convient également de faire en sorte que les conseils départementaux soient renouvelés intégralement et non plus par moitié, afin d'accélérer la mise en œuvre de la parité. Cela est d’autant plus souhaitable que le renouvellement par moitié des assemblées départementales est un lourd handicap pour l'efficacité de leur action. Alors que les conseils municipaux et les conseils régionaux sont renouvelés intégralement, tous les six ans, le mode de désignation des membres des assemblées départementales n'a plus lieu d'être maintenu.

Il faut encore favoriser la parité en instaurant un scrutin à la proportionnelle pour l’élection des conseillers généraux issus de cantons situés dans une agglomération. En effet, les électeurs qui en sont issus ne savent pas forcément de quel canton ils dépendent.

En outre, cela permettrait de concilier l’exigence de représentation territoriale et les progrès en matière de parité.

Avant de conclure, je veux mettre en perspective un certain nombre de remarques.

La première concerne la modification des modes de scrutin.

Ainsi que je l'ai déjà indiqué, il est impossible de séparer la mise en œuvre de la parité intégrale d'une réforme de l'ensemble de nos institutions qui suppose une meilleure représentation du corps électoral et le passage au scrutin proportionnel, seul capable de garantir une représentation équitable des minorités.

Mme Martine Billard. Nous sommes la majorité, nous ne sommes pas une minorité !

M. Philippe Folliot. Deuxièmement, le Président de la République s'est interrogé sur l'opportunité d'instaurer une obligation paritaire dans le processus de désignation des délégués des communes au sein des établissements publics de coopération intercommunale. Selon M. Guy Carcassonne, c'est surtout la libre autonomie des communes, garantie par l'article 72 de la Constitution, qui pourrait être remise en cause, en l'état du droit, par l'adoption d'une telle obligation paritaire pour la désignation des délégués.

Les questions relatives à la parité dans les EPCI reflètent surtout une interrogation plus profonde sur l'évolution éventuelle du statut de ces établissements. Ceux-ci concentrent en effet des pouvoirs de plus en plus importants sans être des collectivités territoriales. La question de l’élection des délégués intercommunaux au suffrage universel direct se pose aujourd'hui avec acuité et doit faire l'objet d'un débat national.

Troisièmement, doit être tranchée la question du statut de l'élu. L'adoption éventuelle de mesures supplémentaires destinées à favoriser la disponibilité des femmes élues – et, de manière plus générale, des élus – devrait s'inscrire dans le cadre plus large de l'élaboration d'un véritable statut de l'élu, destiné à répondre aux difficultés rencontrées par les élus locaux au cours de leur mandat : faiblesse des indemnités des maires et maires-adjoints dans les plus petites communes, insuffisance de la mise en œuvre du droit à la formation et à l'issue de leur mandat, sécurité sociale et retraite.

Ce qui est vrai pour les femmes l'est aussi pour certaines catégories sociales.

Mme Catherine Génisson. Les femmes ne sont pas une catégorie sociale : elles constituent la moitié du genre humain !

M. Philippe Folliot. Il faudrait des assemblées plus représentatives de la société dans sa diversité, avec davantage d’ouvriers, d’agriculteurs ou de minorités qui pourraient avoir accès à la formation.

Mme Martine Billard. Nous sommes la majorité !

M. Philippe Folliot. Le groupe UDF et apparenté se prononcera sur ce texte en fonction du sort qui sera réservé aux amendements constructifs qu'il souhaite défendre.

Je laisserai le mot de ma conclusion au général de Gaulle qui, en 1946, a pesé de tout son poids pour imposer le droit de vote des femmes et qui déclarait, lors d'un entretien avec son fils l'amiral Philippe de Gaulle : « Les femmes forment l'élément constant et équilibré de l'humanité ; l'homme est l'aventurier qui passe ». (« Ah ! » sur divers bancs.)

Aujourd'hui, plus que jamais, notre République a besoin de constance et d'équilibre. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Rien que pour la citation du général de Gaulle, je vous applaudis !

M. le président. Monsieur Folliot, même si vous dites que l’homme est un aventurier, l’autre moitié de l’humanité vous conteste, comme l’ont été tous les hommes qui se sont exprimés ce matin.

Je vais maintenant donner la parole à Mme la présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes qui trouvera plus grâce aux yeux de Mmes les députées. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. La parité est un sujet sur lequel je n'ai cessé de m'impliquer, aussi bien comme rapporteure générale de l'observatoire de la parité que comme présidente de la délégation aux droits des femmes. Permettez-moi donc d’abord de rendre hommage à tous les membres de ces deux instances ainsi qu’à celles qui m’ont précédée.

Monsieur le ministre, vous avez peut-être pu constater que ce combat transcende les courants politiques.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Et qu’il n’est jamais achevé !

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes. Nous l’avons mené les unes et les autres, non pour nous imposer mais pour parvenir à une normalité de la représentation des femmes, tant dans le domaine politique – et je vous remercie de l’avoir souligné dans votre discours introductif – que dans le domaine professionnel, tout aussi important, si ce n’est plus.

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes. Lorsque je défends la parité en politique, c’est tout simplement dans l’espoir que nous soyons beaucoup plus nombreuses dans les instances nationales pour défendre la parité professionnelle.

Ce projet de loi est la suite logique de la loi du 6 juin 2000 et de ses mesures volontaristes, qui ont permis une plus grande présence féminine tant au Parlement européen que dans les instances régionales, municipales, présence qui n’a pas provoqué de problèmes, bien au contraire. Il permet de compléter la présence des femmes dans les exécutifs municipaux et régionaux qui sont les véritables lieux de pouvoir, les chiffres montrant qu’il fallait donner un coup de pouce en la matière.

Saisie de ce texte par la commission des lois, la délégation a adopté des recommandations que je souhaite porter à votre connaissance.

Elle s'est félicitée tout d’abord de l'obligation de parité imposée pour l'élection des exécutifs régionaux et municipaux. Maintenant que les assemblées régionales et municipales sont quasiment paritaires, il est juste que la parité se retrouve dans leurs exécutifs.

Même s'il ne s'agit que d'une mesure très symbolique, la délégation s'est également félicitée de l'introduction d'une obligation de parité stricte, et non par tranche de six candidats, pour les élections municipales dans les communes de 3 500 habitants et plus. Certes, vous l’avez souligné, monsieur le ministre, ce n’était pas une obligation, mais voilà une excellente disposition dont je vous remercie. Toutefois, le terme de l’application de cette mesure ne doit pas, à notre avis, être fixé dès maintenant et la délégation a approuvé la modification, introduite au Sénat en première lecture, concernant la suppression de son caractère provisoire.

En revanche, elle regrette que, contrairement à ce qu’avait annoncé le Président de la République, le projet ne prévoie aucune obligation de parité pour la désignation de délégués des communes dans les intercommunalités, lesquelles sont pourtant, aujourd'hui, de véritables lieux de pouvoir. Je souhaite donc qu’une réflexion soit menée immédiatement après l’élection présidentielle et les élections législatives.

La délégation a également estimé qu’il était indispensable de rétablir le scrutin proportionnel avec obligation de parité dans les départements élisant trois sénateurs. Cela permettrait de revenir sur la réforme du mode de scrutin sénatorial de 2003, qui a eu un impact négatif sur la parité à la Haute assemblée. Un amendement en ce sens a d'ailleurs été rejeté en première lecture au Sénat, par quatre voix de majorité.

Concernant les élections à scrutin uninominal, la délégation s'est réjouie du renforcement des pénalités financières infligées aux partis politiques ne respectant pas la parité des candidatures aux élections législatives, mais considérant que, même renforcées, ces pénalités restent trop modestes pour être vraiment dissuasives, elle a estimé opportun de les faire porter sur les deux fractions de l'aide publique de l'État aux partis politiques.

S'agissant des élections cantonales, pour lesquelles l'obligation de parité est beaucoup plus difficile à mettre en œuvre, l'institution d'un suppléant de sexe opposé contenue dans le projet de loi est une mesure que j'avais proposée dès 1998, mais qui me semble aujourd’hui anachronique. C’est pourquoi la délégation n’a pas souhaité se prononcer, attendant une réflexion, à la fois sur le scrutin départemental et sur l’intercommunalité.

En conclusion, ce projet de loi est un peu tardif, mais bienvenu et l’urgence qui a été déclarée sur ce texte était nécessaire. Des améliorations peuvent être envisagées et je souhaite que vous nous fassiez quelques propositions pour la suite. (Applaudissements sur tous les bancs de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous mesurons tous le chemin qu’il est nécessaire et urgent de parcourir pour améliorer la situation des femmes dans la société française, notamment en matière d’égalité professionnelle ou de partage des responsabilités familiales dans la vie matérielle quotidienne.

Face à ces enjeux, le projet de loi qui nous est soumis est à la fois ambitieux et sobre : ambitieux parce qu’il tente, avec succès semble-t-il, de concilier les principes de liberté et de vote des citoyens et de liberté d’administration des collectivités territoriales avec les principes d’égalité homme-femme ; sobre parce qu’il tire de manière très réaliste les conséquences des constats faits sur les insuffisances persistantes de la place des femmes dans la vie politique.

Par ailleurs ce projet de loi a aussi, me semble-t-il, la sagesse de ne pas obérer les nécessaires futures réformes lorsque la parité ne peut être traitée séparément des autres aspects. Par exemple, les élections dans les intercommunalités et dans les conseils généraux devront intégrer, nous en sommes convaincus, l’importance prise par les communautés de communes ou d’agglomération, ce qui rend encore plus artificielle la référence aux traditionnels cantons.

De même, le statut des élus doit être amélioré pour assurer les conditions matérielles et juridiques qui manquent actuellement et dissuadent en premier lieu les femmes. J’avais déposé sur ce sujet un amendement qui, malheureusement, est tombé sous le coup de l’article 40, mais j’espère que nous pourrons en discuter.

Le projet de loi prévoit trois améliorations principales.

D’abord, il propose de doter chaque conseiller général d’un suppléant de sexe opposé. Si c’est un texte de transition, il prépare toutefois l’avenir, nous l’espérons tous. Il apporte un réel progrès puisqu’il assure une meilleure participation des femmes dans tous les cas de figure : soit, et c’est trop souvent le cas, le candidat est un homme, une femme sera sa suppléante et, en cas d’interruption de mandat, la suppléante deviendra conseillère générale ; soit, et c’est encore mieux, le présent texte accélère la prise de conscience du déséquilibre homme-femme et il permet de présenter plus souvent des femmes dans ce difficile scrutin uninominal.

Mme Catherine Génisson. Nous n’avons pas besoin de béquilles !

M. Patrice Martin-Lalande. Ensuite, la parité dans les exécutifs des communes de plus de 3 500 habitants et les conseils régionaux apporte un progrès appréciable. Comme en 1997 et en 2000, j’ai organisé une réunion de concertation sur ce projet de loi dans ma circonscription du Loir-et-Cher. Une partie des élues et élus présents à cette concertation craignent de rendre un peu artificielle la désignation des adjoints qui est actuellement surtout déterminée par leur disponibilité, surtout dans les communes de 5 000 habitants environ, premières concernées par cette évolution. Certaines communes – j’en connais dans mon département – devront même réduire le nombre d’adjointes aux maires qu’elles ont actuellement.

Enfin, le renforcement de la modulation financière de l’aide publique versée aux partis en cas de non-respect de la parité dans les candidatures aux élections législatives est une bonne mesure. Nous sommes nombreux à ne pas souhaiter que la loi trouve rapidement son efficacité de deux manières : d’abord en accélérant l’évolution des mentalités des électeurs et des électrices ainsi que des responsables politiques…

Mme Catherine Génisson. Des partis politiques !

M. Patrice Martin-Lalande. …ensuite nous souhaitons surtout que cette loi prouve sont efficacité en devenant rapidement inutile.

Vivement la parité voulue librement, plutôt que la parité assurée par la contrainte légale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou.

Mme Martine Lignières-Cassou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi est l’occasion de dresser le bilan de la révision constitutionnelle de 1999 et de la loi de juin 2000 que, nous, socialistes, avons portées. Nous les avons portées, je tiens à le souligner sans polémique, malgré les réserves du RPR, celles notamment de Michèle Alliot-Marie, dont les déclarations n’étaient pas tendres.

En dépit de cette réforme, les statistiques de l’Union interparlementaire de 2006 montrent que, pour ce qui concerne le pourcentage des femmes dans les chambres basses des parlements nationaux, la France se situe au quatre-vingt-sixième rang et, au sein de l’Union européenne, au vingt-troisième rang sur vingt-sept États membres, juste avant la Slovénie, la Roumanie, la Hongrie et Malte. Il y a une véritable exception française, s’agissant de la place des femmes dans le monde politique !

Comme le soulignait récemment Éliane Viennot dans son ouvrage La France, les Femmes et le Pouvoir, cette particularité est très certainement le résultat de la loi salique, qu’il a fallu près de deux siècles pour construire. Considérée comme l’un des premiers éléments d’une Constitution française, la loi salique fonde l’identité nationale au point de peser encore aujourd’hui sur les mentalités. Je le regrette d’autant plus que le premier roi à avoir accédé au trône de France lorsque cette loi a été réutilisée, a été Henri IV, un homme du Béarn, un homme de chez moi !

Au vu des effets de la loi de 2000, on ne peut s’empêcher de s’exclamer : « Tout ça pour ça ! ».

En effet, les progrès de la féminisation ont été faibles aux élections législatives : nous étions soixante-trois femmes à siéger dans cette assemblée en 1997 – grâce, il faut le rappeler, à la volonté de Lionel Jospin – contre soixante et onze depuis 2002, malgré rien de moins qu’une révision constitutionnelle et une loi spécifique. Tout ça pour ça !

Quant aux sanctions financières – il ne s’agit pas, à proprement parler, de pénalités puisqu’il y a modulation – elles n’ont pas été dissuasives puisque, en 2002, le parti socialiste, ma formation politique, n’a présenté que 36 % de femmes, et l’UMP 20 % seulement.

La place des femmes au Sénat devrait même régresser à cause de la loi de 2003 contre laquelle, et je salue son courage, Mme Zimmermann s’est battue. Aujourd’hui, le Sénat compte près de 17 % de femmes, mais le relèvement de trois à quatre sièges par département du seuil à partir duquel s'appliquera le scrutin proportionnel aura pour conséquence, notamment au moment du renouvellement des sénateurs élus en 2001, un recul de la présence des femmes au Sénat.

Que dire de la situation archaïque des conseils généraux auxquels la loi ne s’appliquait pas ? Nous avons aujourd’hui 411 femmes sur 3 966 élus. Au rythme actuel de progression – nous sommes passés successivement de 7 % à 9 %, puis à 10 % – il nous faudra, Catherine Génisson a eu raison de le souligner, soixante-dix ans pour parvenir à la parité dans les conseils généraux !

Mme Muguette Jacquaint. Voilà l’immobilisme !

Mme Martine Lignières-Cassou. Certes, la parité a progressé dans les scrutins de liste –élections municipales, régionales et européennes – mais, quand on en vient au pouvoir, c’est-à-dire à l’exécutif, force est de constater qu’il ne se partage pas. Très peu de femmes sont maires : 12 % dans les petites communes – mais la fonction y est certainement moins prestigieuse – alors que, dans les communes de plus de 3 500 habitants, le pourcentage tombe à 7,5 %. Que dire aussi des exécutifs des conseils régionaux dans lesquels il n’y a que 37 % de femmes vice-présidentes, et des conseils municipaux où la proportion d’adjointes est la même ?

Venons-en aux propositions qui nous sont présentées aujourd’hui.

Il nous a fallu tirer l’oreille du Gouvernement, et sans doute du groupe majoritaire dans cette assemblée,...

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

Mme Martine Lignières-Cassou. ...pour qu’un projet de loi nous soit soumis, et ce, malgré les déclarations du Président de la République que Mme Zimmermann et moi-même avions pourtant saisi au mois de septembre dernier.

J’estime que le seul point positif du texte concerne les exécutifs des assemblées municipales ou régionales.

M. Bruno Le Roux. Ce n’est pas assez !

Mme Martine Lignières-Cassou. Il faudrait en effet aller plus loin.

Le texte fait entendre, en dépit des discours et des intentions du Président de la République, un silence assourdissant sur les intercommunalités qui sont devenues de véritables lieux de pouvoir.

Non seulement le texte présente des lacunes, mais il est empreint d’une grande hypocrisie. Il propose ainsi que les sanctions financières ne s’appliquent qu’à partir de 2012. C’est se moquer du monde que de maintenir les règles actuelles au prétexte qu’elles ne doivent pas être modifiées un an avant les élections. L’argument est fallacieux puisque le mode de scrutin reste le même ; il s’agit seulement de changer le calcul des sanctions financières.

Outre son hypocrisie, ce texte prévoit une mesure qui comporte des risques constitutionnels, une mesure proprement « abracadabrantesque » : la désignation, pour les élections cantonales, d’un suppléant de sexe opposé. Certains d’entre nous ont souligné, ici comme Sénat, que cette disposition introduisait la « parité en viager ». Pourquoi d’ailleurs la limiter aux conseils généraux, et ne pas l’envisager pour les autres scrutins majoritaires, à savoir les législatives et les sénatoriales ? Nous convenons tous qu’une modernisation du scrutin cantonal est nécessaire, mais qu’il faut, plus généralement, s’interroger sur la place des départements dans la décentralisation.

Si l’exception française nous oblige à légiférer, des textes tels que celui-ci ne nous feront pas avancer parce qu’ils constituent en fait, notamment la mesure concernant les conseils généraux, de simples gadgets. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste ne prendra pas part au vote de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Martine Billard. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, loin des controverses qui ont précédé la révision constitutionnelle de 1999, ce texte vise à compléter les dispositifs en faveur de la parité à partir de l'analyse des différents scrutins qui se sont succédé depuis les municipales de mars 2001. Le bilan est connu de tous ; il peut se résumer ainsi : s'il est incontestable que la loi sur la parité a amélioré la représentation des femmes au sein des assemblées élues à la proportionnelle, elle n'a guère eu d'effets pour les élections au scrutin majoritaire.

Trois enseignements peuvent être tirés de l'examen de l'application de la loi du 6 juin 2000.

Premièrement, le changement dans les faits a suivi rapidement le vote de la loi, balayant du même coup les préjugés et les a priori sur l'indifférence, la frilosité ou encore le désintérêt des femmes pour les responsabilités politiques. Dans le département de La Réunion, où la quasi-totalité des communes – vingt-trois sur vingt-quatre – ont plus de 3 500 habitants, les structures municipales du paysage politique en ont été bouleversées. Ce grand changement s'est fait sans drame.

La présence des femmes dans les conseils municipaux paraît aujourd'hui aller de soi. Pas de drames non plus à l'intérieur des familles. La loi sur la parité donnait ainsi raison, quelque deux siècles plus tard, à Condorcet qui affirmait, en 1790, qu' « il ne faut pas croire que, parce que les femmes pourraient être membres des assemblées, elles abandonneraient sur-le-champ leurs enfants, leur ménage, leur aiguille. » Au contraire, ajoutait-il, « elles n'en seraient que plus propres à élever leurs enfants, à former des hommes. »

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. Et des femmes !

Mme Huguette Bello. Deuxièmement, la féminisation des assemblées n’évolue qu’avec la législation. La parité progresse quand la loi prévoit des mesures obligatoires qui s'imposent aux partis. Les élections municipales, régionales et européennes l'ont montré. La parité reste bloquée lorsque les dispositions relèvent d'une logique incitative. À cet égard, la situation de l'Assemblée nationale est éloquente puisque les femmes représentent 12,2 % de ses membres, soit à peine un point de plus qu'en 1997. Les pénalités financières n'ont rien changé : la France se situe toujours parmi les pays les moins avancés de l'Union européenne, précédant de peu la Hongrie et Malte.

Troisièmement, quand une marge d'interprétation existe, la loi est neutralisée, et le silence des textes exploité à fond par ceux qui détiennent le pouvoir. Comment expliquer autrement le fait que la progression indéniable des femmes élues dans les assemblées locales ne s'est traduite en aucune façon dans les exécutifs ? Nous avons toujours affaire à un quasi-monopole masculin. À l'échelon municipal comme au niveau régional, la citadelle du pouvoir demeure aux mains des hommes.

Il en va ainsi également des élections cantonales où, en l'absence totale d'exigence légale, les choses sont restées en l'état, c'est-à-dire aussi caricaturales. Certes, le département de La Réunion figure parmi les trois conseils généraux présidés par une femme, mais cela ne doit pas faire oublier que cette assemblée ne compte que cinq femmes sur quarante-neuf membres !

Promouvoir la parité, la faire vivre réellement relève donc toujours d'une volonté politique forte. C'est pourquoi nous déplorons que ce projet de loi ne contienne que des mesures trop modestes et nous regrettons que son examen intervienne si tardivement,...

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Mieux vaut tard que jamais !

Mme Huguette Bello. ...à l'approche d'échéances électorales peu favorables à des améliorations notables de la parité, c’est-à-dire de la modernisation de la démocratie.

En réalité, ce texte devrait s'intituler « Projet de loi visant à renforcer l'égal accès des hommes et des femmes aux élections municipales et aux exécutifs locaux ». En effet, seuls les articles 1er, 1er bis et 2 contiennent des améliorations réelles.

Mme Martine Billard. Absolument !

Mme Muguette Jacquaint. C’est vrai !

Mme Huguette Bello. Pour le reste, l'expérience de ces dernières années prouve que les mesures préconisées n'auront qu'un impact limité, voire nul. Le renforcement des pénalités financières pour les scrutins législatifs, lesquelles ne s'appliqueront de surcroît qu'à partir de 2012, doit être regardé pour ce qu'il est : un trompe-l'œil !

Le redécoupage des circonscriptions législatives auquel le Conseil constitutionnel convie l'exécutif sera sans doute l'occasion d'une réflexion sur les moyens les plus adéquats d’instituer la parité à l'Assemblée nationale.

Quant au « ticket paritaire », c'est-à-dire l'institution de suppléants de sexe différent pour les conseillers généraux, il est prévisible que cette solution ne fera progresser la parité au sein des conseils généraux que dans une très faible mesure, malgré les amendements du Sénat élargissant les cas de suppléance. Ces assemblées sont, rappelons-le, les moins féminisées : à peine 11 % des conseillers généraux sont des femmes. Comme je l'avais dit à cette tribune en 2000, l'élection des conseillers généraux ne doit pas rester à l'écart de l'évolution en cours si l'on veut éviter de discréditer l'assemblée départementale.

Contrairement aux propositions du Président de la République, ce texte ne dit mot sur les établissements publics de coopération intercommunale – les EPCI – dans lesquels les femmes sont très peu présentes. Or nous savons tous que ces structures ont des compétences et des responsabilités de plus en plus grandes et qu'elles constituent désormais de véritables lieux de pouvoir et de décision. Si des raisons juridiques ont pu être avancées pour expliquer le silence du texte sur la parité dans les intercommunalités, rien ne s'oppose, en revanche, à ce qu'on rétablisse sans plus attendre le scrutin proportionnel avec obligation de liste paritaire mis en place en 2000 dans les départements où sont élus trois sénateurs. Cette disposition, remplacée dès 2003 par le scrutin majoritaire, avait pourtant permis de faire progresser la parité au Sénat.

Alors que la présence des femmes en politique, en France et un peu partout dans le monde, est admise et souhaitée par l'ensemble des citoyens et que la loi sur la parité d'il y a sept ans a ouvert des voies prometteuses, ce texte restera – et on le regrettera – comme une parenthèse dans l'histoire de l'égalité des hommes et des femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Martine Billard. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Vernaudon.

Mme Béatrice Vernaudon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi tendant à parfaire la parité dans les élections et la vie politique est l'occasion pour moi, membre de notre délégation aux droits des femmes, de faire devant vous le point sur la mise en œuvre de la parité en Polynésie française que j’ai l’honneur de représenter dans notre assemblée.

Les élections communales de 2001 y ont vu le pourcentage des élues municipales passer de 19 à 31 %, bien que la Polynésie ait été, cette année-là, le seul territoire de la République où la loi sur la parité ne s’appliquait pas. L'explication de cette anomalie tient à la décision du Conseil constitutionnel qui a censuré, vous vous en souvenez, l’abaissement du seuil de 3 500 à 2 500 voté par les parlementaires. En effet, toutes les communes de Polynésie étalent restées régies par la règle du scrutin de liste majoritaire applicable aux élections municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants.

Depuis, la loi a été changée et, en 2008, les communes polynésiennes de 3 500 habitants et plus ne comportant pas de sections de commune appliqueront les mêmes règles de représentation proportionnelle et de parité que toute la République, Le nombre de femmes élues municipales devrait donc encore progresser. Précisons toutefois que la Polynésie compte six femmes maires, soit 12,5 %, alors que, pour la France entière, la moyenne n’est que de 11 %.

À l'Assemblée de Polynésie française, le scrutin de liste à parité stricte a fait progresser le nombre de femmes élues de 12 % à 47 %. Les élections à l'Assemblée de Polynésie en 2001 ont provoqué une véritable révolution sociopolitique, car elles ont eu lieu moins d'un an après le vote de la loi sur la parité. Les partis politiques s'étaient préparés à une révolution en douceur, imaginant que les parlementaires retiendraient la parité globale telle que le projet de loi initial l'avait prévu. La parité stricte, voulue et votée par les parlementaires, les a contraints à procéder très rapidement à un large renouvellement de leurs représentants, remerciant des hommes – généralement des maires – qui n'avaient pas forcément démérité et appelant des femmes qui, certes, s'étaient fait remarquer pour leurs capacités de leadership, mais qui n'avaient pas d'expérience politique. Une analyse sociopolitique pourrait d'ailleurs étudier si ce bouleversement de la représentation politique et des mentalités n'a pas joué un rôle dans les mutations profondes et l'instabilité politique que connaît notre assemblée depuis 2004.

La loi que nous examinons aura peu d'effets en Polynésie, qui n’est dotée ni d’institutions départementales ni régionales. Le seul changement viendra de la parité qui s'imposera désormais dans les exécutifs et de la présentation des listes communales où l’alternance stricte viendra remplacer l’obligation de parité par groupe de six.

Pour autant, la loi initiale de 2000, introduite brutalement dans un contexte différent de celui de la métropole continue à produire ses effets. Personne ne remet en cause le bien-fondé de cette loi, étape majeure dans la marche de l'égalité des droits des femmes et des hommes. Elle n'est toutefois pas une fin en soi, mais seulement un outil pour qu’hommes et femmes à égalité et en complémentarité inventent une nouvelle façon de faire de la politique ensemble pour construire un monde plus harmonieux, plus équilibré, plus équitable, plus humain et plus solidaire. Le chemin est encore long. La formation continue des élus, l'amélioration de leur statut et l'amélioration de la loi sur la parité, comme nous le faisons aujourd'hui, ne peuvent que contribuer à là poursuite de cet objectif.

Comme la majorité des orateurs, je regrette, aujourd’hui, que le texte ne soit pas un peu plus audacieux. Je le voterai, cependant, pour le progrès qu’il permet, en vous remerciant, chers collègues, de l’intérêt que vous portez à nos outre-mers. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Scellier.

M. François Scellier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les dispositions prévues par le projet de loi que nous examinons aujourd'hui ont de longue date revêtu pour nous une grande importance. Depuis la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999, inscrivant à l'article 3 de la Constitution le principe d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et la loi du 6 juin 2000 complétant cette disposition, un certain nombre de règles paritaires ont été introduites dans la vie politique, en particulier pour les assemblées élisant leurs membres au scrutin proportionnel. Cette loi a représenté un progrès, mais elle n'était qu'une étape et la démarche devait être poursuivie.

Face au déséquilibre constaté dans la représentation des femmes et des hommes dans la vie publique, qui m’apparaît depuis longtemps préjudiciable au fonctionnement harmonieux de notre démocratie à tous les niveaux, le législateur a eu raison de prévoir des dispositifs contraignants.

Le Président de la République a d'ailleurs considéré qu'il s'agissait d'un chantier urgent et l'a rappelé à plusieurs reprises. N'avait-il pas déclaré en 2005 : « En hissant l'égalité entre les femmes et les hommes au rang des valeurs de l'Union, valeurs que devront respecter tous les pays membres, comme les candidats à l'adhésion, le projet de Constitution européenne interdirait tout retour en arrière. » Ce postulat a été confirmé il y a un an, lorsqu’il a évoqué « une obligation de parité dans les exécutifs régionaux et communaux, pour les communes de plus de 3 500 habitants, ainsi que la désignation des délégués des structures intercommunales. »

Nous savons qu’il est difficile, à quelques mois des renouvellements, de modifier ce texte par une loi organique.

Mme Catherine Génisson. Il fallait vous y prendre plus tôt !

M. François Scellier. Président de conseil général, j'ai pu constater, en le déplorant, que le mode actuel d'élection des conseillers généraux pénalise les femmes, qui ne représentent encore aujourd'hui que 10,4 % des conseillers généraux ; 7 % dans mon propre conseil général du Val d'Oise, et que cette situation peut être difficilement corrigée avec le système de scrutin uninominal actuel auquel tient une grande majorité de conseillers généraux, de droite comme de gauche.

Mme Martine Billard. Tu m’étonnes !

M. François Scellier. Cette réflexion m'avait poussé à déposer, dès le mois de juillet 2002, une proposition de loi, cosignée par plus de cent de nos collègues, proposant notamment la création d'un poste de suppléant obligatoirement du sexe opposé à celui du titulaire du siège. Ce texte avait un double objectif : tendre à renforcer l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et également régler le problème d'élections locales partielles répétées où l’on constate un taux d'abstention sans cesse croissant.

Je me réjouis, par ailleurs, qu'à l'occasion de l'examen du projet gouvernemental qui avait limité la montée automatique du suppléant au seul cas de décès, le Sénat y ait réintroduit la substance de ma proposition initiale qui permettra ainsi de prendre en compte notamment les démissions pour cause d'application de la règle de non-cumul des mandats.

Après avoir chaque année, à l'occasion de la Journée de la femme, le 8 mars, rappelé cette nécessité à notre Gouvernement, j'ai eu la satisfaction de voir ma proposition de loi inscrite dans le projet de l'UMP, à l'occasion de la convention sur la réforme des institutions, puis dans le texte que nous examinons aujourd’hui. Je suis heureux que nous soyons sortis des discours de bonnes intentions, même si nous progressons à petits pas.

Cela étant l’équilibre entre la représentation des hommes et des femmes dans la vie publique relève essentiellement, chacun le sait, d’un cursus progressif. La parité au niveau des conseils municipaux sera source de progrès, comme cela a déjà été constaté. C’est dans le vivier des élues municipales que se trouve le creuset de l’équilibre que nous souhaitons pour tous les autres niveaux de la vie publique. C’est un bien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Tabarot, dernier orateur inscrit.

Mme Michèle Tabarot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si j'adhère pleinement à l'objectif poursuivi par le projet de loi, permettez-moi pourtant de regretter que nous devions une nouvelle fois recourir à la coercition pour encourager l'accès des femmes aux responsabilités politiques.

Mon intervention ne vise pas à remettre en cause les initiatives prises par les gouvernements successifs en faveur de la parité. Je vous félicite même, monsieur le ministre, car ce texte permettra de rééquilibrer la présence des femmes au sein des exécutifs locaux. Je ne reviendrai donc pas en détail sur le texte présenté. Permettez-moi simplement d’insister sur des évolutions qui me semblent particulièrement nécessaires, si nous voulons que la parité s'installe durablement dans les mœurs.

Encourager l'engagement politique des femmes et leur accession à des postes à responsabilité nécessite une véritable réflexion de fond sur le statut de l'élu. Cela a été largement évoqué ce matin. Sans revenir sur les difficultés inhérentes à la fonction élective en elle-même, je tiens à mettre l'accent sur la conciliation de la vie professionnelle, de la vie familiale et d'un mandat politique. Il est déjà difficile, pour une mère de famille, de mener de front travail et parentalité. Comment, dans de telles conditions, pourrait-elle souhaiter donner de son temps à la collectivité ? Tant que nous n'aurons pas résolu cette difficile équation, nous empêcherons certaines femmes de s'investir. Pourtant, le débat politique s'enrichirait véritablement en accueillant des femmes actives, mères de famille, qui apporteraient un regard neuf sur la vie de la cité.

Les pistes de réflexion sont nombreuses. Depuis la garde des enfants, jusqu'aux autorisations d'absence et leur indemnisation, les écueils sont importants. Je souhaite en tout cas que le travail de fond qui devra être mené, tôt ou tard, sur le statut général de l'élu n'omette pas d'apporter des réponses à ces difficultés spécifiques.

Il est nécessaire d'accompagner, le plus tôt possible, le désir de s'engager. Dans son rapport, Sébastien Huyghe, procède à une étude comparée sur les parlements européens qui s'avère particulièrement instructive. Il en ressort que de nombreux pays voisins parviennent à assurer une meilleure représentativité des femmes sans avoir besoin de recourir à une loi. Il faut s'interroger sur les causes de cette spécificité. Certes notre pays a été précurseur en matière de législation sur la parité. Je n'y vois aucun motif de réjouissance, mais le symbole de la difficulté qui existe dans notre pays pour lever certaines barrières.

La réflexion à mener sur les moyens de susciter l'engagement, tant des nouvelles générations que des femmes, est essentielle si nous voulons renouveler le débat démocratique. C’est l'affaire de tous : élus, collectivités locales, nombreuses associations qui, partout en France, œuvrent en faveur de la parité. Sans doute, l'accélération de la marche vers la parité requiert-elle l'intervention du législateur dans notre pays, mais la loi ne réglera pas tout. Je reste convaincue que, si nous voulons continuer à progresser en ce domaine, le prochain objectif à atteindre sera de passer de la logique de la contrainte à celle de l’engagement et de l’accompagnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Je serai bref car je sais que l’ordre du jour est chargé.

Je vous remercie, monsieur le rapporteur, ainsi que l’ensemble des membres de la commission des lois, pour le travail approfondi et utile que vous avez accompli sur ce projet de loi. La qualité de votre rapport et la clarté des principes que vous y avez énoncés auront permis de poser clairement les termes du débat et les enjeux du texte. Vos propos d’aujourd’hui, j’en suis convaincu, auront permis de démontrer à tous la nécessité d’adopter ce projet.

Je remercie également Mme Zimmermann. Je connais depuis très longtemps le sens de son action, qui a d’ailleurs été unanimement saluée sur tous les bancs.

Mme Catherine Génisson. C’est vrai !

Mme Muguette Jacquaint. Absolument !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. C’est mérité !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Parfois, il faut faire quelques efforts, parce que Mme Zimmermann est très persuasive et a de grandes ambitions, pour le sujet qui est le sien.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes. Pour ce sujet seulement ! (Sourires.)

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. J’ai bien entendu son message, forgé à la tête de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances. Son excellent rapport est le fruit, je le sais, d’un véritable travail de réflexion, d’écoute et de proposition, nourri de surcroît par son expérience de rapporteure générale de l’observatoire de la parité.

Je remercie l’ensemble des orateurs, qui, quelles que soient les positions des uns et des autres, ont fait des analyses, des constats, mais aussi des propositions. On ne peut pas toutes les reprendre ou les intégrer, mais elles seront utiles pour l’avenir.

Je veux aussi exprimer en premier lieu ma reconnaissance au vice-président de la commission des lois, M. Geoffroy, dont l’engagement en faveur des questions de parité ne peut être contesté. Vous avez d’ailleurs observé qu’il était intervenu sans notes, ce qui prouve combien il a réfléchi de longue date sur ce sujet. Je le remercie d’avoir su ouvrir des perspectives dans le débat qui nous occupe aujourd’hui.

Je remercie également François Scellier, qui a rappelé à juste titre le contenu de sa proposition de loi et qui témoigne à la fois de son intérêt et de sa réflexion approfondie sur le mandat de conseiller général. Je suppose, monsieur Scellier, que les amendements adoptés par le Sénat, avec l’accord du Gouvernement, répondent à la plupart de vos attentes.

Monsieur Martin-Lalande, je vous remercie de votre soutien ; je vous remercie de la démarche de concertation que vous avez mise en œuvre ; et je vous remercie de ne pas avoir lu la conclusion que vous aviez prévu de prononcer. Je vous suggère de la diffuser auprès de l’ensemble de vos collègues, mais plutôt à l’extérieur de l’hémicycle, car je suis sûr qu’elle contribuerait à l’animation si elle était prononcée dans cette enceinte. (Sourires.)

Le Gouvernement est conscient des changements dans les pratiques qu’induira à l’évidence le texte, mais ils sont nécessaires, vous en conviendrez très certainement.

Vous comprendrez aussi, ainsi que Mme Vernaudon et M. Folliot, que le statut de l’élu, dont j’ai bien conscience que c’est une nécessité, ne peut pas être traité aujourd’hui, rapidement,…

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes. Absolument !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. …à la va-vite, dans ce cadre. Il s’agit d’un sujet important pour les élus, que Mme Jacquaint a évoqué également, et qui mérite un large débat préalable avec les associations qui les représentent.

Bien sûr, madame Génisson, madame Jacquaint, madame Lignières-Cassou, madame Bello, le texte aurait pu aborder bien d’autres aspects. Cela dit, il faut positiver les choses, et vous avez toutes souligné que s’il faudrait aller plus loin et, sur tel ou tel aspect, faire preuve de plus d’ambition, il y avait des avancées. Les plus pessimistes ont parlé de petites avancées et j’ai entendu que nous progressions à petits pas. Cependant, c’est incontestable, ce texte présente des avancées.

Mme Catherine Génisson. Disons que c’est le service minimum !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Je remercie aussi Mme la députée du Canet et de Mougins d’avoir expliqué le rôle des associations, en partageant cette conviction.

J’espère donc très concrètement que vous aurez à cœur d’approuver ce projet de loi et de faire en sorte qu’il puisse être voté, le plus rapidement possible. Ce sera un geste fort, utile et symbolique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 3525, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, tendant à promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives :

Rapport, n° 3558, de M. Sébastien Huyghe, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures trente-cinq.)