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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 6 février 2007

130e séance de la session ordinaire 2006-2007

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Abrogation du contrat nouvelles embauches

Discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de MM. Jean-Marc Ayrault, François Hollande, Jean Le Garrec et plusieurs de leurs collègues visant à abroger le contrat de travail nouvelles embauches (nos 3645, 3654).

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales, chers collègues, le groupe socialiste s’est déjà élevé en plusieurs occasions contre le CNE, en particulier lors de l’examen de la proposition de loi relative à l’insertion des jeunes défendue par Jean-Marc Ayrault et Gaëtan Gorce.

M. Bernard Pousset. Nous sommes davantage mobilisés à droite que vous à gauche !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Je l’avais remarqué !

Plusieurs raisons nous conduisent à revenir sur le sujet.

La première est que nous disposons, désormais, d’une capacité d’analyse suffisante pour évaluer les résultats de cette mesure ; ils ne peuvent d’ailleurs que conforter notre position initiale.

Par ailleurs, en cette période de débat particulièrement vif, et alors que l’emploi demeure légitimement la première préoccupation des Français, il paraît normal de faire le point sur le CNE.

Enfin, en examinant cette proposition de loi destinée à abroger le contrat nouvelles embauches, nous pouvons tenter de comprendre les intentions et propositions de la majorité, plus particulièrement celles du ministre candidat, mais peut-être faut-il parler de candidat ministre ?

M. Patrick Roy. Quelle confusion !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Je vais commencer par un rappel des faits.

Le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi a été déposé le 22 juin 2005, sans qu’aucun travail de préparation n’ait eu lieu au sein du Parlement. Bien entendu, il a été adopté après déclaration d’urgence, ce qui signifiait une seule lecture dans chacune des assemblées. La loi a été promulguée le 26 juillet et les ordonnances sont sorties le 2 août. Il s’agit d’un record sans précédent : en un peu plus d’un mois, l’affaire était bouclée, achevée, verrouillée.

Une telle façon de faire est contraire au principe de fond posé par le Gouvernement lui-même qui, dans la loi du 4 mai 2004, avait pris l’engagement solennel de renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit du travail. Il ne lui aura donc fallu que quelques mois pour renier sa parole, ce qui montre, sur ce sujet d’importance, un double mépris, à l’égard du Parlement comme des partenaires sociaux. Pour résumer, la création du CNE a été votée à la hussarde, ce qui ne saurait déplaire, il est vrai, à M. de Villepin, toujours prêt à combattre de taille et d’estoc.

Surtout, le CNE démantèle les principes fondamentaux du droit du travail en précarisant un peu plus les salariés les plus précaires, c’est-à-dire ceux des entreprises de moins de vingt salariés où la représentation syndicale est extrêmement faible.

En effet, que contient le CNE ?

Il prévoit une période d’essai de deux ans, la possibilité d’un licenciement sans motivation ; il suffit d’envoyer une lettre, dont nous avons tout de même obtenu qu’elle soit recommandée. De plus il n’y a pas d’entretien préalable et le préavis est réduit à deux semaines ou à un mois. De telles dispositions n’ont pas de précédent dans notre droit du travail.

M. Patrick Roy. Il s’agit bien d’une régression !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Le résultat est qu’au bout de six mois, 30 % des salariés ayant conclu un CNE ne travaillent plus dans l’entreprise.

Bien entendu, le CNE est contraire à la convention 158 du Bureau international du travail, selon laquelle la période d’essai doit être de durée « raisonnable ». En effet, tous ceux qui connaissent le monde de l’entreprise savent que, si on n’embauche pas un salarié sans tester son savoir-faire et évaluer ce qu’il peut apporter, le délai raisonnable pour ce faire est de trois mois – six mois pour un cadre. Aucun employeur – à moins d’être très mauvais – n’a besoin de plus de temps pour se faire une idée claire des compétences d’un salarié.

C’est pourquoi des syndicats ont déposé plusieurs recours tant devant la Cour de justice des Communautés européennes…

M. Maxime Gremetz. Et ils ont gagné !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. …que devant le Bureau international du travail, posant un problème fondamental du droit du travail, celui du droit à réparation.

Non seulement le CNE est exorbitant des protections fondamentales du salarié, mais il n’a pas amélioré la situation de l’emploi.

Mme Élisabeth Guigou. Exactement ! Le CNE n’apporte rien !

M. Maxime Gremetz. Si ce n’est plus de précarité !

M. Patrick Roy. Du coup la droite reste sans voix !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Ses promoteurs prétendaient que le CNE apporterait une plus grande sécurité juridique aux employeurs. Or c’est le contraire qui se passe. En effet au 1er juillet 2006, cette question faisait, devant les prud’hommes, l’objet de 370 litiges ! Chaque semaine, de nouveaux recours sont déposés, se fondant le plus souvent sur la convention 158 du BIT. Le contentieux enfle tellement que certains s’inquiètent : ainsi, la CAPEB, représentant syndical typique des petites entreprises artisanales, en l’occurrence dans le secteur du bâtiment, a indiqué à ses mandants qu’il n’était pas raisonnable d’utiliser le CNE.

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Premier mensonge ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Je vous en prie ! Vous nous expliquerez pourquoi ce serait un mensonge !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. C’est faux, la CAPEB soutient le CNE !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Cette réticence se traduit par une diminution brutale du nombre de contrats signés. Après un incontestable effet d’aubaine – 50 000 signatures par mois –, la courbe a progressivement baissé, puisque l’on frôle désormais les 20 000 signatures par mois. Or une enquête très sérieuse de la DARES…

M. Maxime Gremetz. M. Dutreil ne sait pas ce que c’est : il n’est pas ministre du travail !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. …montre que seulement 6 % des emplois créés ne l’auraient pas été en l’absence du CNE. Avec un nombre mensuel de signatures situé entre 20 000 et 25 000, et sans même tenir compte du fait que 30 % des signataires disparaissent de l’entreprise au bout de six mois, on peut en déduire que seulement 20 000 emplois seront créés en 2007 grâce à ce contrat.

Mme Élisabeth Guigou. C’est cher payé !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Cette analyse est d’ailleurs confortée par une étude de M. Carcillo. L’effet sur l’emploi de cette disposition est donc faible, à l’inverse de son pouvoir destructeur à l’égard des principes fondamentaux du droit du travail.

Mme Élisabeth Guigou. Voilà le résultat !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Je ne peux croire que le Gouvernement n’en soit pas conscient. Faut-il incriminer son imprévoyance ?

M. Maxime Gremetz. Oh !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Son impréparation ?

M. Maxime Gremetz. Oh !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Sa précipitation ?

M. Maxime Gremetz. Non, c’est un choix !

Mme Catherine Génisson. Délibéré !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Ou bien faut-il y voir une indication de ce que deviendra le droit du travail avec cette majorité ?

M. Maxime Gremetz. Mme Parisot est passée par là !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Je suis convaincu que, derrière le CNE, se cache un projet…

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Pour l’emploi !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. …que l’on voit s’amorcer dans le débat. Il serait organisé autour du contrat unique qui serait un prolongement du CNE avec abattements sur les heures supplémentaires dont M. Cahuc a lui-même dit qu’elles n’étaient pas créatrices d’emplois et, enfin, l’idée du MEDEF qui a inventé ce mot extraordinaire de « séparabilité ».

M. Alain Vidalies. « Séparabilité », c’est mignon !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Quelle invention extraordinaire ! On se sépare – si possible à l’amiable –, sans la moindre protection pour les salariés…

M. Alain Vidalies. Divorce à l’italienne !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. …personne ne tenant, bien entendu, compte du rapport de force ainsi créé. C’est le discours que l’on connaît par cœur sur la nécessité pour les entreprises de mettre en place une grande flexibilité et de réduire les droits des salariés.

Pourtant nous n’avons pas vu la couleur d’un seul des 350 000 emplois promis par le président Gattaz grâce aux « emplois nouveaux à contraintes allégées ». C’est l’éternel discours selon lequel, pour répondre aux préoccupations, on essaie de laminer les droits fondamentaux des salariés et les protections totalement légitimes.

M. Patrick Roy. L’histoire jugera !

M. Maxime Gremetz. Et les électeurs !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Et plus vite qu’on ne le pense !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. D’ailleurs, et cela figure dans mon rapport, monsieur le ministre, une étude économique réalisée en Suisse…

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. En Suisse ?

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Oui ! Il y a aussi des économistes en Suisse, monsieur le ministre !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. La Suisse serait-elle le modèle socialiste ?

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Votre remarque est stupide, monsieur le ministre ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Vidalies. Exactement !

M. Patrick Roy. Nous y sommes habitués !

Mme Catherine Génisson. Vous avez raison de vous mettre en colère, monsieur Le Garrec !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Je n’ai jamais parlé de modèle, monsieur le ministre ! Je cite des études que vous ne connaissez pas ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz. Comme celles de la DARES !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Cette étude portant sur l’ensemble des données européennes est sérieuse et je demande toute votre attention, monsieur le ministre. Elle montre en effet que l’indemnité moyenne de licenciement dans les PME est, en France, inférieure à ce qu’elle est en Autriche, en Irlande, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Belgique et en Italie.

M. Alain Vidalies. Et voilà !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Cette étude est impartiale.

Selon une deuxième étude, la durée de préavis de licenciement obligatoire en France est inférieure à ce qu’elle est en Autriche, en Italie, aux Pays-Bas et en Belgique. Il faudra donc un jour cesser, monsieur le ministre, de plaider toujours en faveur des mauvaises causes au nom de l’emploi et de remettre en cause les droits fondamentaux des salariés !

Mme Catherine Génisson. Exactement !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. C’est sur ce point, monsieur le ministre, que vous pouvez me répondre, et pas sur la Suisse.

M. Patrick Roy. Très bien !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Et je vous répondrai !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Nous sommes dans une société où la distorsion sociale est éclatante.

M. Patrick Roy. Eh oui !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Elle nous saute aux yeux. Ainsi nous détenons le record européen pour le taux de chômage des moins de vingt-cinq ans et de « non-employabilité » des plus de cinquante-cinq ans. Nous arrivons à un stade où nous devons prendre conscience des véritables problèmes.

M. Claude Gaillard. C’est mal parti !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Là est le vrai débat que l’on ne peut dissimuler derrière les formules à l’emporte-pièce du ministre candidat. Je n’accepte pas que l’on parle de trahison des salariés par la gauche. Nous avons l’histoire pour nous. Il est trop facile d’en appeler aux grands hommes de la gauche, comme Jaurès ou Blum – qui ont mené ces batailles toute leur vie –, de se cacher derrière leur nom et de laisser croire que c’est vous qui avez la réponse.

C’est extraordinaire, me disait un jour François Mitterrand, comme la droite aime les grands responsables socialistes. Oui ! Quand ils sont morts et très longtemps après leur mort !

M. Alain Vidalies. Absolument !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Retenez cette parole, monsieur le ministre. Parlons des vrais débats. Je vous ai posé des questions au regard de vos échecs sur la protection des droits fondamentaux des salariés, sur l’emploi, et chèrement payés à l’avenir. C’est ainsi que l’on dégrade la conscience collective d’un pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, intervenir après Jean le Garrec est une tâche difficile. On aurait d’ailleurs pu imaginer que le Gouvernement aurait eu le souci de répondre à la présentation de son rapport et de faire part de ses intentions.

M. Patrick Roy. Le ministre est accablé !

M. Gaëtan Gorce. Sans doute considère-t-il que ce débat est déjà réglé, alors que nous avons le sentiment qu’il est ouvert devant le pays et qu’il sera sans doute au cœur de la campagne électorale à venir.

Avant d’aborder le sujet sur le fond, je tenterai d’apporter une réponse à une première interrogation.

Nous avons en effet été nombreux à nous étonner que, dans ce débat, le Gouvernement soit représenté non par le ministre du travail et de la cohésion sociale, mais par celui des petites entreprises, du commerce et de l’artisanat.

M. Maxime Gremetz. C’est drôle !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Les petites entreprises que vous n’aimez pas !

M. Gaëtan Gorce. Pourquoi ?

M. Maxime Gremetz. Le ministre n’y connaît rien !

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre, dans cet hémicycle, les débats sont généralement sereins et le plus souvent policés, surtout le mardi matin. Que le Gouvernement prenne lui-même l’initiative de la polémique et des interruptions désagréables, comme vous l’avez fait avec Jean Le Garrec, montre bien la nature de la politique que vous entendez conduire aujourd’hui.

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. C’est vous qui avez commencé !

M. Claude Gaillard. M. Le Garrec a été excessif !

M. Gaëtan Gorce. Elle est à la fois agressive, peu respectueuse de l’opposition, comme elle sera, demain, peu respectueuse des salariés. Nous avons, quant à nous, le souci de l’entreprise, mais pas de celle que vous considérez d’un point de vue idéologique. Il est d’ailleurs amusant que vous nous retourniez en permanence cet argument.

Pour vous, l’entreprise se résume à celui qui la dirige – et encore ! –, et aux résultats qu’il peut obtenir. L’idée qu’il puisse y avoir une communauté de travail, une solidarité entre celui qui dirige l’entreprise et ceux qui y travaillent (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), l’idée qu’ils puissent être portés par un objectif commun – créer de la richesse pour notre pays –, et qu’il faille, pour l’atteindre, lier incitations à la création de richesses et protections et rémunérations pour le salarié, vous est étrangère.

M. Bernard Pousset. Quelle vue réductrice de l’entreprise !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Au fait !

M. Gaëtan Gorce. Si c’est le ministre des petites entreprises, du commerce et de l’artisanat qui participe à ce débat, c’est donc parce que vous avez fait un choix – dont nous entendons l’écho à mesure que votre candidat s’exprime dans les médias –, qu’il serait, je le pense, intéressant d’expliquer à nos concitoyens. Il est clair : appréhender les relations de travail non comme des relations collectives, ainsi que cela s’est toujours fait depuis que notre droit du travail existe, mais comme une relation exclusive entre l’employeur et le salarié.

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Très juste !

M. Gaëtan Gorce. Vous voulez rétablir entre l’employeur et le salarié une relation déséquilibrée, injuste et inégalitaire. Vous considérez donc que c’est dans ce seul cadre que se réglera la question des salaires.

J’ai écouté une intervention fort intéressante sur le pouvoir d’achat. Votre proposition est remarquable, puisque vous prétendez résoudre ce problème par l’augmentation des heures supplémentaires.

M. Alain Vidalies. Eh oui !

M. Gaëtan Gorce. Non seulement, vous allez en faire supporter le coût au salarié contribuable, puisque vous prévoyez l’exonération des cotisations et de l’impôt sur le revenu – il faudra bien financer ces 5 milliards d’euros et compenser la sécurité sociale – mais vous laissez, de plus, penser que c’est par ce biais que le salarié résoudra la question du pouvoir d’achat, alors que l’on sait parfaitement qu’il ne décide ni des heures supplémentaires, ni de leur nombre, ni de leur rémunération.

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Eh oui !

M. Bernard Pousset. Effectivement !

M. Gaëtan Gorce. Dans tous les pays du monde au système social avancé, le pouvoir d’achat repose sur la négociation entre les salariés, ou leurs représentants, et les employeurs, ou leurs représentants. L’évolution du pouvoir d’achat et des salaires est un objet légal de négociations qui ne se règle pas simplement dans une relation individuelle avec tous les aléas que cela représente.

Ce que vous proposez aujourd’hui aux salariés en matière de pouvoir d’achat n’est pas seulement un leurre ; c’est une illustration extrêmement claire de votre conception de la place du travail, de la place du salarié et du rapport qui doit s’établir entre les salariés et l’employeur dans notre société. Oserai-je dire que c’est une régression de plusieurs décennies…

M. Jean Michel. On revient au XIXe siècle !

M. Bernard Pousset. Ne croyez-vous pas que les 35 heures ont été une régression ?

M. Gaëtan Gorce. …puisque notre système de protection sociale et de relations du travail est totalement fondé sur l’idée que, pour maintenir un équilibre, les travailleurs doivent s’organiser avec des syndicats afin de pouvoir négocier et conclure des conventions collectives, et que cela ne se réglait pas avec le contrat de travail.

M. Patrick Roy. C’est un retour en arrière !

M. Gaëtan Gorce. J’appelle donc l’attention de cette assemblée et, au-delà, de nos concitoyens sur la logique qui est en train de s’installer.

Une logique assez voisine prévaut dans la manière dont vous abordez l’assistance ou le retour au travail. La question ne serait évidemment que celle de l’effort individuel et du mérite qu’il faudrait récompenser, ce qui suppose naturellement que celui qui ne trouverait pas de travail, qui vivrait du revenu d’assistance, n’aurait aucun mérite et, par conséquent, ne serait digne d’aucune considération de la collectivité et d’aucune mobilisation collective pour lutter contre l’exclusion du travail dont il serait victime.

Vous avez choisi, avec ces propositions, comme avec le CPE et le CNE, d’engager dans ce pays la « bataille du travail ». Vous avez bien fait, car cela nous permettra de démasquer la réalité de vos propositions. Nous sommes prêts à relever cette bataille ! Oui, il faut moderniser dans notre pays nos relations sociales, faire évoluer les rapports entre l’employeur et les salariés. Oui, nous devons promouvoir une autre vision de l’entreprise, car ce n’est certainement pas celle inspirée du XIXe siècle qui doit nous conduire à mener les réformes nécessaires, mais celle, au contraire, qui nous fera entrer de plain-pied dans l’économie du XXIe siècle.

M. Bernard Pousset. Pas avec vos propositions !

M. Gaëtan Gorce. Je vais prendre un autre exemple concernant le temps de travail.

Ah la belle affaire ! On vous voit à longueur de colonnes et d’émissions de télévision dénoncer la réduction du temps de travail sur le thème que les 35 heures c’est la paresse organisée ! (« Oui ! Oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Comme l’expliquait Jean Le Garrec, M. Fillon, actuel et proche collaborateur du candidat Nicolas Sarkozy…

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Et futur Président de la République !

M. Gaëtan Gorce. …fait maintenant référence aux mânes de la gauche et aux grands ancêtres. Il est bien, après tout, de leur rendre hommage. C’est, selon une formule connue, l’hommage du vice à la vertu ! En effet que disait M. Fillon dans cet hémicycle, en 2003, lors du premier débat sur la réduction de la durée du temps de travail ? Il voulait revenir sur ces dispositions. Emporté par son élan, il nous a affirmé – et l’on retrouvera d’ailleurs les éléments du débat –, en réponse à la question d’un de nos collègues, que les 35 heures étaient une catastrophe pour l’économie française,…

M. Bernard Pousset. C’en est une !

M. Gaëtan Gorce. …ce à quoi vous avez naturellement acquiescé. D’ailleurs, emporté par son élan, par sa culture et par son sens des valeurs, il a ajouté avec une totale franchise que les 40 heures et le Front populaire avaient été responsables de la défaite de la France en 1940 ! M. Fillon, héritier des ancêtres cités par M. Sarkozy, reproduisait alors les critiques et instruisait le procès de Riom où Léon Blum, mis en cause par le gouvernement du maréchal Pétain, se vit accusé d’avoir affaibli la France en créant les congés payés et les représentants ouvriers, en augmentant les salaires et en ramenant la durée du travail à 40 heures.

M. Bernard Pousset. N’avez-vous pas affaibli la France avec les 35 heures ?

M. Gaëtan Gorce. Cette droite, qui se veut moderne et prétend moderniser nos relations sociales, s’inspire en réalité culturellement, politiquement et socialement de ce qu’il y a de plus régressif dans l’histoire de notre pays du point de vue des relations sociales. Ce n’est pas travailler plus dont notre pays a besoin, mais de travailler mieux. Qu’est-ce que cette conception d’un monde d’hier selon laquelle plus on passe de temps au travail, meilleurs sont les résultats ? Pour faire progresser la compétitivité et la productivité de nos entreprises, il faut encourager l’innovation, la recherche, la qualification et la formation.

M. Maxime Gremetz. Avec des salaires plus élevés !

M. Gaëtan Gorce. La question des 40 heures et des 39 heures est un leurre pour les salariés. Il n’y a aucune considération – et cela me ramène à mon propos de départ –, pour les conditions collectives de travail. Si, comme M. Sarkozy, vous prétendez, à travers ces mesures, revaloriser le travail, la conception que vous en avez ignore les conditions réelles de travail dans ce pays. Il n’y a aucune référence aux conditions de travail et à la protection des salariés.

Comme chacun a pu le constater, vous êtes allés jusqu’à autoriser, dans une des lois votées par votre majorité, l’échange contre rémunération des repos compensateurs accordés pour protéger la sécurité et la santé des salariés en cas de dépassement d’un certain seuil de travail.

Telle est votre conception. Nous devons expliquer à cette tribune, dans le contexte que nous connaissons aujourd’hui, qu’elle n’apporte aucune solution aux problèmes de notre pays. Elle ne réglera pas la question du pouvoir d’achat. Elle n’améliorera pas l’emploi. Elle entraînera, au contraire, une régression des droits sociaux et des droits du travail, c’est-à-dire des droits du travailleur dont la dignité est, en principe, reconnue par le préambule de notre Constitution.

Le CNE n’est qu’une illustration de cette philosophie. Il y a une grande cohérence dans la démarche qui est engagée. Vous vous inspirerez évidemment de lui pour le futur contrat unique. M. Xavier Bertrand a d’ailleurs eu bien du mal à essayer de nous faire comprendre que ce contrat s’inspirerait du CNE sans vraiment lui ressembler.

En fait, chacun l’aura compris, c’est un décalque que l’on nous prépare. Cela veut dire que tous ceux qui seront embauchés demain, qui pourraient l’être en CDI, le seront avec un contrat unique, différent du CDI en ce sens que l’on pourra licencier sans conditions, sans motifs et sans délais pendant une période plus longue, ce qui est contraire d’ailleurs à nos engagements internationaux. Autrement dit, votre façon de valoriser le travail, c’est de répondre en permanence par la précarité du travail. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Oui, la bataille du travail est engagée, et parce que nous saurons faire apparaître ce que vous dissimulez, nous avons bien l’intention de la gagner. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi, avec le talent et l’expression de Jean Le Garrec, de porter le fer dès ce matin sur le CNE, triste illustration de la politique que vous nous promettez.

Nous ne voulons pas de ce monde du travail du XIXe siècle. Nous voulons une société moderne, un travail efficace et actif, un salarié reconnu, des syndicats qui s’engagent dans le dialogue social, bref le contraire du projet que vous nous présentez et que vous défendez. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Roy. Gorce a parlé avec force, place au vote !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, farouchement opposé à sa création, et ayant également déposé une proposition de loi d’abrogation dès le mois d’avril 2006, le groupe des député-e-s communistes et républicains revendique naturellement haut et fort l’abrogation du CNE, véritable OVNI dans le code du travail.

Cette entorse aux principes communs du contrat de travail, que certains voudraient voir généralisée – ils déclarent au moins vouloir s’en inspirer pour créer le contrat unique –, est inacceptable, mais également inefficace pour l’emploi.

La proposition de loi déposée par nos collègues socialistes nous donne donc l’occasion de tirer un nouveau bilan du CNE mais aussi de dessiner, dans une perspective de progrès, les moyens de favoriser l’emploi stable.

Il est d’ailleurs surprenant, monsieur le ministre, que vous n’ayez pas examiné les chiffres de votre propre région, la Picardie, que vous allez bientôt déserter. Vous annoncez 65 000 chômeurs en moins, qui seraient donc devenus invisibles. Plutôt que de regarder vers la Champagne-Ardenne, vous devriez être attentif à ce qui se passe dans votre région. Elle est l’une de celles qui ont le plus fort taux de chômage ; elle est même la première pour le taux de précarité. On y connaît les petits boulots, les stages, le CNE, mais, évidemment, on ne vous y voit pas souvent.

Je le disais, le contrat nouvelles embauches est inacceptable car il vient balayer des décennies de législation en matière de droit social, sur deux points fondamentaux : la justification du motif de licenciement et la limitation de la durée de la période d’essai. Tout le monde du travail s’est indigné de ce bouleversement sans précédent de la norme sociale.

À cela s’ajoutent l’inefficacité et l’insécurité juridique du CNE.

Alors qu’il nous était promis des créations d’emplois avec ce nouveau contrat, force est de constater, si l’on regarde les études sérieuses, qu’il n’en est rien. Plutôt que de libérer le marché de travail, il a multiplié les contentieux.

Ce contrat de travail dérogatoire, sacrifiant les protections du salarié, ne pouvait pas marcher pour une raison essentielle, que la présidente du MEDEF avait d’ailleurs elle-même avouée : l’insécurité juridique qu’il pouvait provoquer pour les employeurs.

Aujourd’hui qu’en est-il ? Vous allez sûrement contester les chiffres, monsieur le ministre, mais des études ont été faites. La DARES est un institut d’études du ministère de l’emploi ; ceux qui y travaillent connaissent tout de même mieux les chiffres que vous.

M. Jean Michel. Ce n’est pas difficile !

M. Maxime Gremetz. Ou alors ils sont incompétents et il faut les licencier tout de suite.

On observe déjà la tromperie que représente le CNE : selon une étude, 35 % des contrats nouvelles embauches signés l’ont été par des salariés qui étaient déjà dans l’entreprise avec d’autres formes d’emploi. Or 71 % des entreprises avouent qu’elles auraient embauché de toute façon dont 40 % en CDI.

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Tout à fait !

M. Maxime Gremetz. Avec le CNE vous leur offrez la possibilité d’attendre deux ans, dans l’incertitude la plus totale pour le salarié.

Une étude du ministère de l’emploi, publiée à la mi-juin, précise même que 90 % des CNE se sont substitués à des CDI et à des CDD,…

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Tout à fait !

M. Maxime Gremetz. …et que seulement 10 % des contrats signés constituent réellement des créations d’emplois.

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. C’est déjà beaucoup ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz. C’est déjà beaucoup ?

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Cela fait 80 000 emplois créés !

M. Maxime Gremetz. Et alors ? Pour quel effet d’aubaine ? Et combien de gens avez-vous mis dans la précarité alors qu’ils auraient été embauchés en CDI ?

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Vous préférez le chômage ?

M. Maxime Gremetz. L’INSEE révèle quant à elle que 30 % de ces contrats ont été rompus six mois après leur création.

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Tout à fait !

M. Maxime Gremetz. Combien en reste-t-il alors ? Les études sont là, vous auriez dû les regarder. Cela vous fait sourire, parce que vous n’êtes pas employé et parce que vous n’êtes pas en CDD. Cependant, attention, vous êtes tout de même sur un siège éjectable. (Sourires.)

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Vous aussi !

M. Maxime Gremetz. En d’autres termes, le CNE, comme nous l’avions dénoncé à l’époque, est venu se substituer à des contrats de travail plus stables et s’est inscrit dans un contexte où la part des contrats précaires ne cesse de croître. En Picardie, on nous dit que le chômage baisse un tout petit peu, mais les contrats aidés et les CDD, les petits boulots, augmentent de façon spectaculaire.

En 2005, près de huit recrutements sur dix ont été effectués en contrat à durée déterminée. Une étude de l’ACOSS de novembre dernier ajoute que les CDD de moins d’un mois, qui concernaient 35 % des intentions d’embauche en 2000, en représentent désormais plus de 50 %.

Enfin, l’intérim est en développement dans tous les secteurs. Le nombre d’intérimaires a progressé de 4,4 % l’an dernier. Ainsi, tout est fait pour fragiliser le CDI, pour qu’il devienne l’exception, et pour faire de l’emploi temporaire et précaire la norme.

Tout cela alimente la précarité rampante du monde du travail et rend beaucoup moins crédible le discours « ouvriériste » du candidat UMP à l’élection présidentielle.

M. Yves Durand. Discours démagogique !

M. Maxime Gremetz. Oui, mais j’ai dit « ouvriériste » parce que c’est vraiment déplacé quand on sait ce qu’il est.

Les larmes de crocodiles et l’émotion qu’il feint lors de ses rencontres avec les salariés en lutte et menacés dans leur emploi ne doivent tromper et ne trompent personne.

Il oublie bien vite que sa majorité n’a pas été avare de bons sentiments à l’égard du patronat. Il suffit de prendre pour exemple les 65 milliards d’aides publiques versées aux entreprises rien qu’en 2005, correspondant à près de 6 000 dispositifs d’exonération de charges. Alors qu’il est ministre du gouvernement, pourquoi attendre l’élection présidentielle pour demander à Aubade, Dim, Well, Arena, de rendre des comptes sur les aides publiques perçues alors que ces entreprises licencient ?

Je pense aussi à l’assouplissement des 35 heures et des règles du licenciement économique dans le cadre de la loi de cohésion sociale, au laisser-faire, cher au libéralisme, devant la multiplication des restructurations et des délocalisations, contre lesquelles vous ne voulez rien tenter.

J’en veux pour preuve le rejet il y a deux semaines de notre proposition de loi sur ce sujet, ou encore toutes les mesures connexes comme celles qui visent les seuils des effectifs ou encore les attaques contre la justice prud’homale.

Voilà le véritable bilan de cette majorité et de ses gouvernements successifs, que le tripatouillage des statistiques n’arrive pas à masquer.

Avec cette politique, nos concitoyens sont victimes d’une double peine. Ils sont condamnés aux petits boulots, et donc aux petits salaires.

Nous voulons rompre avec cette spirale infernale dans laquelle vous entraînez le pays et le monde du travail. On ne peut pas se féliciter que l’emploi temporaire et précaire devienne la seule perspective d’embauche pour nos concitoyens, sans possibilité d’avoir un projet d’avenir.

Nous refusons de nous résigner face à une telle situation. Nous n’en faisons pas notre projet de société.

Nous opposons une autre vision. D’autres choix sont possibles que de casser les acquis sociaux et de dilapider l’argent public à coup d’aides versées sans autres effets que de permettre aux actionnaires de gonfler un peu plus leur portefeuille. C’est l’un des vôtres, M. Séguin, le président de la Cour des comptes, qui a parlé d’un effet d’aubaine pour les entreprises, avec ces milliards dilapidés. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Pousset. Et les milliards que les 35 heures ont coûté aux entreprises ?

M. Maxime Gremetz. Trois mesures immédiates doivent être engagées pour répondre au défi de l’emploi et des salaires.

D’abord, il faut augmenter sans délai toutes les grilles salariales et le SMIC, en le portant à 1 500 euros tout de suite. Cela permettra de donner l’oxygène nécessaire au pouvoir d’achat et de relancer la croissance atone de ces dernières années.

Ensuite, il est indispensable d’engager, dans chaque entreprise, des négociations pour mettre en place des plans de remplacement des départs à la retraite contre embauches.

La France entre dans la période de départs à la retraite massifs des générations nées après 1945. Ce mouvement démographique, qui n’est pas sans influence sur la légère décrue des chiffres officiels du chômage au cours de ces derniers mois, devrait s’accentuer encore pour atteindre un rythme annuel moyen de 600 000 départs de l’emploi jusqu’en 2015.

Ce renouvellement de main-d’œuvre est un levier pour consolider le salariat et non le précariser, pour recruter des centaines de milliers de personnes et réduire de façon significative le chômage, particulièrement chez les jeunes, tout en régénérant les capacités de travail et d’innovation des entreprises.

Nous proposons donc d’inscrire dans le code du travail l’obligation pour l’employeur de soumettre à l’accord majoritaire des représentants des salariés un plan de gestion prévisionnelle des départs à la retraite contre embauches. Il s’agit en quelque sorte de reprendre la philosophie de la convention ARPE.

Enfin, il faut légiférer, après négociation avec les partenaires sociaux, pour mettre en œuvre un véritable plan de sécurité d’emploi et de formation. Pas de « flexisécurité », pas de modèle danois. Non : nous avons besoin d’un véritable plan de sécurisation des parcours professionnels tout au long de la vie, digne de ce qui a pu être mis en place avec la sécurité sociale au lendemain de la guerre.

Cette sécurisation des parcours passe notamment par le droit d’occuper un emploi stable et correctement rémunéré et de bénéficier de formation tout au long de la vie. Elle passe aussi par la résorption de toutes les formes dégradées de l’emploi et dérogatoires au CDI, par l’instauration de droits nouveaux pour les salariés et leurs organisations syndicales leur permettant d’intervenir dans la marche de l’entreprise pour défendre l’emploi et les salaires, et enfin par l’émergence de financements publics alternatifs à la loi de la rentabilité et du profit maximum.

La période à venir permettra d’éclairer chacun de ces choix et de faire tomber les masques en distinguant d’un côté ceux qui souhaitent alléger encore un peu plus les protections garanties par le code du travail et ceux qui, comme nous, se placent résolument du côté du progrès social, en faveur du monde du travail pour donner comme perspective une vie meilleure.

Commencer par abroger le CNE participe de cette démarche de changement. C’est pourquoi nous approuvons totalement cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Gaillard.

M. Claude Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si j’ai bien compris M. Maxime Gremetz, il suffirait d’une loi en deux articles : « Article 1er : obligation est faite d’embaucher », « Article 2 : interdiction est faite de licencier. » Et le problème serait réglé ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Élisabeth Guigou. Quelle caricature ! C’est honteux !

M. Patrick Roy. Quel manque de pédagogie !

M. Claude Gaillard. Monsieur le Garrec, le groupe socialiste a eu raison de vous choisir comme rapporteur : vous connaissez les entreprises – plutôt les grandes entreprises, alors que je connais plutôt les petites – et c’est toujours un plaisir intellectuel de débattre avec vous, même si, ce matin, j’ai trouvé vos propos un peu excessifs.

M. Alain Néri. Il a été très bon !

M. Claude Gaillard. Sur le CNE, chacun peut y aller de ses chiffres.

M. Maxime Gremetz. Il y a des études ! La DARES, ce n’est pas rien !

M. Claude Gaillard. Il semblerait qu’il y ait aujourd’hui 780 000 CNE.

M. Maxime Gremetz. D’après quelles études ?

M. Claude Gaillard. Vous savez tout sur tout, monsieur Gremetz et j’en sais beaucoup moins que vous !

M. Patrick Roy. Au moins, vous le reconnaissez !

M. Claude Gaillard. Je viens de la petite entreprise, ce qui n’est peut-être pas le cas de tous ceux qui interviennent ce matin.

Il y aurait à peu près 10 % de créations nettes d’emploi, soit, au minimum, 80 000 emplois. Ainsi près de 16 % d’emplois auraient été anticipés grâce au CNE, sans lequel ces créations n’auraient pas eu lieu.

M. Maxime Gremetz. Non !

M. Claude Gaillard. C’est la DARES qui le dit ! Et 5 à 6 % ont pu être créés rapidement, les employeurs considérant qu’ils pouvaient prendre le risque de se tromper.

Je suis fier d’avoir été rapporteur de la loi sur le CNE. En France, la logique de la petite entreprise de moins de vingt salariés n’a rien à voir avec la lutte des classes ou avec la logique des grandes entreprises.

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. C’est vrai.

M. Claude Gaillard. Je veux bien me rapprocher de vous pour ce qui concerne les grandes entreprises, mais pas pour les petites entreprises. Dans notre pays, créer et développer son entreprise reste difficile et aléatoire, alors que le potentiel de création d’emplois réside dans les petites et moyennes entreprises.

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Très bien !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Nous sommes d’accord.

M. Claude Gaillard. Les chefs d’entreprise ont souvent des difficultés et des craintes : leur tâche est difficile, leur emploi du temps est lourd.

Il ne s’agit donc pas de nous réfugier derrière une politique malthusienne ; nous devons voir comment nous pouvons nous développer en créant des emplois…

M. Patrick Roy. Et de la précarité !

M. Claude Gaillard. Écoutez, c’est franchement désagréable !

M. Bernard Pousset. Comme toujours !

M. Patrick Roy. Ce qui est désagréable, c’est la précarité !

M. Claude Gaillard. Nous avons un débat de fond, qui n’est pas que polémique ni partisan. Vous pouvez être en désaccord avec moi, mais au moins écoutez-moi. J’ai eu quant à moi la décence de vous écouter, même si je n’étais pas d’accord sur tout. Ce n’est pas votre cas et je le regrette. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Avec le CNE, nous avons essayé d’équilibrer la prise de risques entre le chef d’entreprise et le salarié, pour pouvoir construire ensemble, grâce à un tel partage, des emplois durables. C’est pourquoi des mesures ont été prises en faveur des salariés pour que les contraintes, tant pour les pouvoirs publics que pour les employeurs, viennent équilibrer les risques. Le chef d’entreprise n’est pas quelqu’un de sadique, qui embauche pour avoir ensuite le plaisir de licencier. Il veut embaucher parce qu’il pense qu’il en a besoin. En revanche il n’est pas utile pour l’employeur d’avoir un grand plan portant sur l’ensemble de son personnel parce qu’il connaît chacun de ses collaborateurs.

Comme nous ne sommes pas certains de réussir, l’expérimentation est souvent la meilleure formule, en tout cas pour le scientifique que je suis. Ainsi, le CNE consiste à adopter, sur un périmètre réduit – les entreprises de moins de vingt salariés – une méthodologie nouvelle : un pari sur l’intelligence et sur le choix gagnant-gagnant. Nous verrons au bout de deux ans environ, si cela fonctionne, si la bonne volonté du chef d’entreprise, celle du salarié, l’évolution du marché nous permettent de créer davantage d’emplois.

M. Alain Néri. Et il vous faut deux ans pour tout ça !

M. Claude Gaillard. Je regrette que, plutôt que d’utiliser la campagne présidentielle pour engager un débat de fond, l’opposition en revienne aux débats d’il y a vingt ou trente ans, basés sur la lutte des classes et dans lesquels, globalement, le dogme prime sur la nécessité de l’évolution.

Dans les grandes entreprises, CDI ou pas, les licenciements se font sans problème. La difficulté réside dans les petites entreprises, où l’employeur a autre chose à faire. Or, contrairement à ce que vous affirmiez, le CNE n’a pas « cannibalisé » les autres formes de contrat, puisqu’on a eu une augmentation du nombre de CDI. Le CNE s’est donc pour partie, substitué au CDD et il a bien favorisé la création d’entreprises et d’emplois.

Quand on dresse le bilan, on constate que le CNE s’inscrit dans une politique beaucoup plus globale, qu’il s’agisse des services à la personne, de l’orientation des jeunes vers des métiers qui leur plaisent, – notamment les métiers manuels – de la politique en faveur de l’apprentissage, ou de l’accompagnement des demandeurs d’emplois, par l’ANPE qui les reçoit désormais tous les mois.

Je regrette votre point de vue réducteur. La brutalité des relations vient freiner cette capacité d’évolution. Pourtant l’offre en emplois marchands a continué de se développer. Notre pays n’est pas naturellement entrepreneurial. : il n’y a qu’à voir, dans cet hémicycle, combien viennent de l’entreprise !

M. Maxime Gremetz. Arrêtez ! Vous n’avez qu’à modifier le mode de scrutin !

M. Claude Gaillard. Il faut donc réhabiliter l’image de l’entreprise, et, notamment, ne plus laisser croire que, dans les petites et moyennes entreprises, il s’agit à tout prix de protéger les salariés contre des chefs d’entreprise qui n’auraient d’autre ambition que de les maltraiter ou de profiter d’eux !

Aujourd’hui, 70 % des CNE signés sont toujours en cours ; mais parmi les 30 % qui ont été rompus, 15 % l’ont été par les salariés et 15 % par les chefs d’entreprises. Je rappelle que lorsqu’un le salarié s’en va, cela pénalise l’entrepreneur.

Je ne sais pas si ce contrat sera viable. Il faudra attendre plus de deux ans pour le savoir. Nous avons un rendez-vous en 2008. Pourquoi ne pas accepter ensemble cette période d’expérimentation et de suivi ? En fonction du bilan, il conviendra de supprimer, de corriger ou le développer le CNE. Néanmoins je souhaiterais davantage de modestie lorsque nous recherchons ensemble le moyen d’aider à prendre des risques et à créer une entreprise pour que la France devienne un peu plus entrepreneuriale qu’elle ne l’est aujourd’hui.

À défaut, toutes les contraintes ne serviront à rien : le chef d’une petite entreprise, à la fin du mois, doit payer son carnet de commandes, sinon c’est le dépôt de bilan. Ce n’est pas si simple.

M. Alain Néri. Et le salarié doit payer son loyer !

M. Claude Gaillard. Nous connaissons tous des entreprises qui ont réduit leurs effectifs, afin de diminuer leurs préoccupations tout en gagnant autant. C’est pourquoi la recherche que nous conduisons doit être collective, afin de déverrouiller progressivement et afin d’enrichir le contenu des négociations partenariales.

Nous avons tous à progresser sur cette question : les 35 heures n’étaient pas un modèle de négociation, mais nous pouvons également faire l’objet de critiques. Recherchons ensemble ; sortons de la lutte des classes ; notre pays en a besoin car la première précarité, c’est certainement le chômage et la difficulté d’espérer. Si l’on veut redonner l’espérance, démontrons que nous ne sommes pas arc-boutés sur des avantages acquis, mais que nous voulons évoluer, que nous n’acceptons pas de subir un chômage élevé à cause de bonnes paroles ou d’un bon texte. Je regrette que l’on tire ce débat vers le bas, avec des assurances de l’ancien temps.

C’est pourquoi le groupe UMP s’opposera avec conviction à votre proposition de loi, tout en restant ouvert quant à l’évaluation.

M. Maxime Gremetz. Alors il faut examiner les articles !

M. Claude Gaillard. Cela nous paraît tout à fait essentiel. Je regrette que l’opposition refuse de faire un bout de chemin avec nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Roy. Les salariés apprécieront !

M. Claude Gaillard. Connaissez-vous au moins les salariés ?

Mme Catherine Génisson. Nous sommes des élus, pas des techniciens !

M. Alain Néri. Vous parlez des entreprises, jamais des salariés.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous vous proposons d’abroger l’ordonnance du 2 août 2005 créant le contrat nouvelles embauches.

En préambule je veux souligner que j’ai trouvé l’intervention du représentant de l’UMP assez étrange.

Ainsi, le CNE n’aurait été créé – c’est un argument que nous n’avions jamais entendu – que pour permettre la création d’entreprises. Voilà une approche assez singulière du CNE. Comme si, après le CNE, il n’y avait pas eu le CPE ! Vous ne pouvez pas dire aujourd’hui que le CNE était uniquement une adaptation à la situation des petites entreprises…

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Mais si !

M. Alain Vidalies…. alors que, pour les mêmes raisons, vous avez ensuite essayé de généraliser, à toutes les entreprises, le principe d’un licenciement sans aucun motif pendant deux ans, pour tous les salariés de moins de vingt-six ans. Comme si ne figurait pas dans les propositions du candidat, ministre, président de l’UMP, le projet de généraliser le contrat de travail à partir de l’exemple du CNE. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Ce n’est donc pas un contrat adapté, mais une idée que vous vous faites des relations sociales et que vous avez tenté d’imposer dans des circonstances qui bafouent le principe même du dialogue social, qui violent les engagements internationaux de la France et, surtout, qui constituent une régression sociale majeure vers l’ordre juridique qui prévalait au XIXe siècle.

M. Patrick Roy. C’est un retour en arrière !

M. Alain Néri. Eh oui, c’est le retour des maîtres de forge !

M. Alain Vidalies. Les conditions d’élaboration de cette ordonnance disqualifient ce gouvernement et sa majorité pour évoquer le dialogue social. Alors que la loi du 4 mai 2004 sur le dialogue social portait engagement solennel du Gouvernement de renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit au travail, vous avez délibérément bafoué votre propre engagement pour imposer le CNE par voie d’ordonnance au cœur de l’été…

M. Patrick Roy. Eh oui !

M. Alain Vidalies… au moment où l’attention est la moins vigilance et, évidemment, sans aucune négociation, ni concertation préalable.

M. Patrick Roy. Eh oui, le Gouvernement ment !

M. Alain Vidalies. Le calendrier choisi révèle que vous étiez parfaitement conscients de votre mauvais coup contre les salariés et contre le droit du travail.

Quitte à faire un mauvais coup, autant aller jusqu’au bout : vous avez, le même jour, publié une autre ordonnance tout aussi régressive du point de vue du droit social, et qui trahit votre conception du salariat, puisqu’elle excluait les jeunes de moins de vingt-six ans du décompte des effectifs des entreprises pour l’élection aux institutions représentatives du personnel. Il fallait oser !

Je comprends que vous soyez discret sur ce sujet : cette ordonnance vient d’être invalidée par la Cour de justice des Communautés européennes sanction à laquelle le CNE n’a échappé que grâce à une mascarade juridique peu ordinaire. Le principe même d’une période de deux ans pendant laquelle le salarié peut être licencié sans motif est en effet clairement contraire à la convention 158 de l’Organisation internationale du travail, qui a été ratifiée par la France.

Le Gouvernement et l’UMP étaient d’ailleurs tellement convaincus du sort que les tribunaux réserveraient à cette ordonnance que vous avez organisé un dispositif qui relèverait du rocambolesque s’il ne s’agissait pas de libertés publiques et de droit social. Par la voie des circulaires du 28 novembre 2005 et du 8 mars 2006, la chancellerie a donné instruction au ministère public de se faire communiquer toutes les procédures ayant trait à l’application du CNE, et même de se joindre à l’appel ou d’en prendre l’initiative. Une telle mobilisation officielle des parquets incitant les procureurs de la République à s’ingérer ainsi dans notre vie sociale en intervenant dans une procédure prud’homale est sans précédent dans toute l’histoire de notre République. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Vous ne pourrez pas nier que cela est sans exemple.

La suite est tout aussi étonnante.

Comme c’était prévisible, un conseil de prud’hommes a relevé l’incompatibilité de l’ordonnance avec l’obligation d’une « durée raisonnable » de la période d’essai prévue par la convention n° 158 de l’OIT.

Comme c’était prévisible, une cour d’appel a été saisie, auprès de laquelle le Gouvernement a soulevé le moyen de l’incompétence de l’ordre judiciaire au seul motif que l’ordonnance du 2 août 2005 n’ayant pas été ratifiée relevait du domaine réglementaire et de la compétence des tribunaux administratifs. Que chacun comprenne bien ce que cela signifie : le Gouvernement a tellement peur de la décision des juges qu’il en est à évoquer sa propre turpitude – c’est lui qui aurait dû soumettre les ordonnances à la ratification du Parlement – pour tenter de soustraire son texte à la sanction du juge judiciaire.

Malgré tout celui-ci a résisté, puisque, le 20 octobre 2006, la cour d’appel de Paris a rejeté le déclinatoire de compétence du préfet de l’Essonne. Le préfet et le Gouvernement ont alors porté l’affaire devant le tribunal des conflits, dans le seul but d’éviter la sanction du juge judiciaire avant les élections. Un juriste éminent a parlé d’une justice « baroque » ; je préfère parler d’une triste histoire, pour notre démocratie, pour notre justice, pour notre histoire sociale.

Puisque nous savons que cette ordonnance sera annulée dès que le juge judiciaire pourra intervenir, autant l’abroger dés aujourd’hui en votant notre proposition de loi.

Par le CPE vous avez voulu étendre le dispositif du CNE à tous les jeunes salariés, mais la mobilisation sans précédent des jeunes et de leurs familles vous a contraint à capituler en rase campagne. Comment pouvez-vous en 2007 continuer à nous proposer un dispositif permettant de licencier sans motif pendant deux ans ? Il faut remonter à l’année 1928 pour trouver un dispositif aussi singulier dans notre code du travail : c’est du droit des années 1900, du droit d’avant le Front populaire ! Comment pouvez-vous accepter l’idée même de cette régression ? Comment pouvez-vous accepter qu’on puisse renvoyer un salarié sans raison : un simple mouvement d’humeur suffira, puisque personne ne pourra contrôler la motivation du licenciement ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Claude Gaillard. Mais oui, c’est ça ! Les chefs d’entreprise sont de sales types ! N’importe quoi ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Vous n’écoutez pas ce qu’on vous dit !

M. Claude Gaillard. Il a bien parlé d’un « simple mouvement d’humeur » !

M. Alain Vidalies. Le CNE, c’est l’extrême précarité, non seulement du travail, mais aussi de toute l’existence du salarié, auquel il ne permet pas d’accéder au logement ou au crédit. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ce délai de deux ans de précarité absolue n’existe dans aucun autre pays développé. Il révèle votre conception de la société et de la vie de l’entreprise.

M. Richard Mallié. Votre conception à vous, c’est ne rien faire !

M. Alain Vidalies. Conduits par une conception néo-poujadiste dans son expression la plus courante, et idéologiquement ultralibérale, qui fait du droit du travail un frein à l’embauche, vous avez, en cinq ans, démantelé notre code du travail, résultat qui n’est applaudi que dans les congrès de l’UMP.

M. Jean Michel. Et du Front national !

M. Alain Vidalies. Dernier scandale en date, vous refusez de publier les résultats annuels de l’enquête sur l’emploi de l’INSEE, qui est le seul outil indiquant le niveau du chômage au sens du Bureau international du travail.

Auriez-vous peur  que les chiffres ne correspondent pas à votre propagande ? Les Français sont cependant parfaitement au courant, eux qui, malgré vos cris de victoire, continuent à placer l’emploi au premier rang de leurs préoccupations.

Nous attirons leur attention sur votre projet, qui montre que vous n’avez tiré aucune leçon de la crise du CPE, puisque vous vous apprêtez à généraliser la précarité. En effet, devant le congrès de la CGPME, le candidat- ministre de l’intérieur et président de l’UMP, Nicolas Sarkozy, a jugé qu’un contrat de travail unique inspiré du CNE était une occasion de simplifier beaucoup le droit du travail français.

Cette question sera naturellement au cœur de la campagne de l’élection présidentielle. Vous voulez généraliser la précarité alors que nous voulons supprimer le CNE. Le mieux serait de le faire aujourd’hui ; à défaut, les Françaises et les Français pourront demain, par leur bulletin de vote, décider cette suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Roy. Monsieur Vidalies, vous avez prononcé un discours royal !

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales.

M. Maxime Gremetz. J’espère qu’il va répondre à nos questions !

M. Patrick Roy. Va-t-il parler des salariés ?

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, depuis des années tous les gouvernements ont essayé de trouver des solutions au chômage de masse qui frappe les Français. Nous nous sommes, quant à nous, posé une question très simple : pourquoi les très petites entreprises françaises ne créent pas davantage d’emplois ?

Je vous prie de croire que nous avons abordé ce problème de la façon la plus pragmatique, en allant sur le terrain…

M. Maxime Gremetz. Dans l’Aisne ?

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. …, dans vos départements, dans vos villes, auprès des commerçants, des artisans, des créateurs d’entreprises ou de services, afin de dégager l’élément déterminant en matière d’embauche. En un mot, comment faire pour inciter ces petites entreprises à créer davantage d’emplois ? C’est au plus près de la réalité de ces entreprises que nous avons cherché la réponse à cette question.

M. Patrick Roy. L’UMP devrait aussi aller au plus près des fiches de paie !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Les interventions précédentes m’ont fait prendre conscience que ni M. Le Garrec, ni M. Gorce, ni M. Vidalies, ni M. Gremetz ne sont allés dans ces petites entreprises pour essayer d’en comprendre le fonctionnement, et je le regrette. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. M. le professeur va nous apprendre ce qu’est une entreprise !

M. Patrick Roy. C’est affligeant !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. C’est pourquoi je veux rendre justice à ces petites entreprises de moins de vingt salariés (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Le Garrec,rapporteur. Arrêtez !

Mme Catherine Génisson. On les connaît autant que vous !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. …qui représentent 97 % des 2 500 000 entreprises françaises.

M. Richard Mallié. Ils ne connaissent que la SNCF !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Elles associent, c’est vrai, salariés et chefs d’entreprise, mais j’espère que vous savez que ces derniers sont pour la plupart d’anciens salariés. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz. Nous allons demander une recréation, monsieur le professeur !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Je vous rappelle également qu’un tiers des créations d’entreprise en France sont le fait de demandeurs d’emploi.

Quel rapport entre ce monde de la petite entreprise et les mots que j’ai entendus : « maîtres de forges  », « MEDEF », « CAC 40 », « ultralibéralisme ».

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Caricatural !

M. Patrick Roy. Que le Gouvernement regarde les fiches de paie !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Assimiler, comme vous le faites ces 2 500 000 très petites entreprises aux grandes entreprises du CAC 40, aux maîtres de forges, trahit une méconnaissance stupéfiante de ce monde et de son fonctionnement.

Du fait de l’incertitude économique où elle vit, la très petite entreprise ignore absolument si elle dégagera un chiffre d’affaires suffisant pour rémunérer un nouveau salarié. Je vous rappelle qu’on ne peut se prononcer sur la viabilité d’une micro-entreprise que trois ans après sa création : l’incertitude est telle que beaucoup disparaissent avant de passer ce cap des trois ans.

M. Alain Néri. Vous proposez donc une période d’essai de trois ans ?

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. La période d’essai de deux ans que nous avons mise en place n’a pas pour objectif de juger les capacités du salarié recruté ; elle doit permettre de vérifier la viabilité économique de l’emploi créé. Mettez-vous à la place d’un artisan, d’un commerçant ou d’un restaurateur qui, fort d’un chiffre d’affaires satisfaisant, a envie de développer sa petite entreprise et a besoin d’embaucher pour ce faire.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Mettez-vous à la place des salariés !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Ce petit employeur n’est sûr de rien, sinon d’une chose (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)

M. Maxime Gremetz. Nous ne voulons pas de vos leçons, monsieur le professeur, nous voulons des réponses à nos questions !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. …, c’est qu’il a besoin d’avoir la possibilité d’embaucher et celle de licencier. Si on lui interdit cette dernière, il préfèrera limiter son développement, tuant ainsi dans l’œuf des emplois possibles.

J’ai, pour ma part, le plus grand respect pour ces salariés et ces chômeurs qui ont décidé de créer de l’emploi et d’associer d’autres salariés à leur projet économique. (« Nous aussi ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Vous avez pour ce monde un mépris qui me choque. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Richard Mallié. C’est vrai !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. J’ai eu la stupéfaction, il y a un an, d’entendre Mme Ségolène Royal…

M. Jean Le Garrec, rapporteur. On est à l’Assemblée ici !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Elle est députée, que je sache !

J’ai donc été stupéfait de l’entendre dire que les entreprises qui signeraient des CNE se verraient privées des subventions de la région Poitou-Charentes. (« Très bien ! »sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz. Et de la région Picardie aussi !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Une telle décision trahit une certaine vision de la France : ce n’est plus la République française, mais la République des socialistes. Si vous pensez socialiste, vous avez droit aux subventions de la région Poitou-Charentes ; en revanche si vous voulez créer des emplois, vous êtes un mauvais citoyen, un mauvais artisan, un mauvais commerçant qui mérite qu’on lui coupe les vivres.

Mme Muriel Marland-Militello. C’est vrai !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Voilà quel est le projet de Mme Royal, en rupture avec ce principe essentiel de notre République qu’est l’égalité devant la loi. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

En ce qui concerne la précarité, vous me permettrez de vous rafraîchir la mémoire.

De l’avis de tous les juristes, l’emploi-jeune, dispositif que vous avez créé en 1997, est beaucoup plus précaire que le CNE. Il n’a débouché sur quasiment aucun emploi viable, et un très grand nombre de ces emplois n’ont pas été consolidés. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. C’est faux !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Contrairement au CNE, il n’ouvrait droit à aucun régime indemnitaire plus favorable. (Mêmes mouvements.)

L’emploi jeunes n’était assorti d’aucune formation. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Roy. Les emplois jeunes ont été une grande réussite, et vous les avez supprimés dans les écoles !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. L’emploi jeune, c’était la précarité sans débouchés, sans perspectives, sans indemnités et sans formation. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous avons mis en place le CNE, qui est beaucoup plus favorable que l’emploi jeune. En matière de précarité, je vous renvoie donc à vos œuvres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Il y a eu des études du ministère du travail ! Vous ne les connaissez pas ! Vous ne connaissez rien !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Monsieur le rapporteur, je vous rappelle également, pour la forme et la méthode, que, contrairement à ce que vous avez indiqué, vous avez eu, à de nombreuses reprises, l’occasion de vous exprimer sur le CNE.

Ainsi le projet de loi d’habilitation pour l’emploi, en juin 2005, a donné lieu à un débat contradictoire,…

M. Jean Michel. Le CPE aussi !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. …au cours duquel tous les groupes politiques ont pu s’exprimer.

De nombreux textes ont également permis d’évoquer le CNE, notamment la proposition de loi d’avril 2006 sur l’accès des jeunes à la vie active en entreprise.

Le plus important est que, en 2002, lorsque vous avez cessé d’exercer le pouvoir, le chômage progressait chaque mois. Aujourd’hui, il baisse chaque mois. Voilà la différence. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Richard Mallié. Oui, il baisse !

Mme Hélène Mignon. Aujourd’hui, les chiffres sont faux !

M. Alain Néri. Et le nombre de RMIstes augmente !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Je comprends votre dépit de voir que notre politique réussit, alors que la vôtre a échoué. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Richard Mallié. Jaloux !

M. Maxime Gremetz. Regardez les chiffres de l’INSEE !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. C’est humain, mais cela ne donne pas le droit de sombrer dans l’idéologie la plus étriquée.

M. Patrick Roy. Le Gouvernement ne parle jamais de la montée du RMI !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Vous connaissez les chiffres :…

M. Patrick Roy. Le ministre est sourd !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. …360 000 demandeurs d’emploi de moins en 2006, soit une diminution de 10 % du nombre de chômeurs, qui représentent maintenant 8,6 % de la population active, soit le niveau le plus bas depuis six ans. Les Français constatent que, de jour en jour, le chômage recule. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Le CNE y a contribué pour sa modeste part. Selon les études de la DARES ou de l’INSEE, chères à M. Gremetz, 10 % au moins des quelque 800 000 CNE signés correspondent à des emplois qui n’auraient jamais vu le jour sans le CNE.

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Ce n’est pas comme cela que ça se passe !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Ce sont 80 000 emplois qui n’auraient pas vu le jour si, comme vous le souhaitez, le CNE n’avait jamais existé.

La bataille pour l’emploi nécessite des instruments variés, différents, adaptés à toutes les catégories d’entreprises. Nous avons eu raison de mettre en place le CNE pour les très petites entreprises (« Oh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Vitel. On le vit sur le terrain !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Monsieur Le Garrec, contrairement à ce que vous avez indiqué, l’UPA…

M. Jean Le Garrec, rapporteur. J’ai parlé de la CAPEB !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Je vous apprendrai donc une chose que vous ignorez : la CAPEB fait partie de l’UPA. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Puisque vous ne connaissez pas l’UPA, je rappelle que celle-ci réunit trois familles de l’artisanat : la CAPEB, la CNAMS et la CGAD. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous repartirez ainsi avec de meilleures informations sur l’artisanat. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

L’UPA soutient le CNE, dont elle a d’ailleurs réaffirmé, lors de son congrès, qu’il était adapté aux très petites entreprises (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Roy. C’est une contre-vérité !

M. Bernard Pousset. Voilà Mme Royal ! (Exclamations sur les bancs de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Vitel. Ils ont mobilisé le ban et l’arrière-ban !

M. le président. Mes chers collègues, veuillez laisser M. le ministre s’exprimer.

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Les artisans, contrairement aux loups-garous que vous avez dépeints, sont assez conscients des problèmes de l’emploi pour avoir utilisé le CNE dans une juste proportion. Contrairement à toutes vos affirmations, le CNE ne s’est pas substitué au CDI ; il l’a complété. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Les employeurs des très petites entreprises ont fait un usage tout à fait modéré du CNE, créant ainsi près de 80 000 emplois dans notre pays,…

M. Maxime Gremetz. Et allons donc !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. …alors que votre politique, loin de créer des emplois, consiste à accabler les très petites entreprises de charges sociales, d’impôts et de contraintes administratives supplémentaires.

M. Hervé Novelli. Eh oui !

M. Philippe Vitel. C’est tout ce qu’ils savent faire !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Mais où avez-vous entendu cela ?

Mme Catherine Génisson. La TVA à 5,5 % pour le bâtiment, c’est nous !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Ainsi vous méconnaissez la réalité de ces très petites entreprises et vous les assimilez, comme vous l’avez dit tout à l’heure, au monde des maîtres de forges, au CAC 40 et au capitalisme prédateur. Aucun boulanger, aucun maçon français ne peut se reconnaître dans votre discours et pas davantage leurs salariés, qui comprennent ce que sont les très petites entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vous ne nous avez pas convaincus, car votre seule proposition, c’est d’abroger, de supprimer, de retourner en arrière. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),…

M. Maxime Gremetz. Non ! C’est d’aller vers le CDI !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. …et d’empêcher ceux qui veulent créer des emplois en France de le faire. Avec vous, la route est largement ouverte pour le chômage de masse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Roy. Le ministre n’a pas dit un mot des salariés ni de la montée du RMI !

M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas son sujet !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Monsieur le ministre, je dois dire, bien que ce ne soit pas dans mes habitudes, que je suis très choqué par votre discours. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il est vrai que votre formation d’énarque et de conseiller d’État ne vous a guère préparé à connaître les problèmes des entreprises ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Dominique Richard. Il y en a d’autres !

M. Jacques Remiller. Il était chef d’entreprise !

M. Alain Gest. Quelle est la formation de Mme Royal ?

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Pour avoir été ministre de tutelle de l’ENA, et le seul dans l’histoire qui ait été également syndicaliste et homme d’entreprise…

M. Jacques Remiller. Et joueur de rugby !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. …j’avoue que vous donnez l’image parfaite de ce que je récuse : affirmations gratuites et méconnaissance des problèmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Par ailleurs, monsieur le ministre, je partage l’opinion de M. Gaillard sur un point : on peut avoir des désaccords, mais on doit s’efforcer de parler de la même chose. J’ai toujours considéré que les petites entreprises et l’artisanat étaient une clé pour l’emploi (Approbations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Novelli. Tout à fait !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Et je le fais au nom de mon expérience, ce qui n’est pas votre cas.

M. Alain Néri. Eh oui !

M. Richard Mallié. Il y a une différence d’âge !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Je suis de ceux qui se sont battus pour que le contrat de plan, que j’ai signé, soutienne les boutiques de gestion et les autres dispositifs susceptibles d’aider les petites entreprises à se développer. C’est le gouvernement de Lionel Jospin et de Dominique Strauss-Kahn…

M. Hervé Novelli. Et avec le soutien de Ségolène !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. …qui a créé la TVA à taux réduit, permettant à l’artisanat et aux petites entreprises du bâtiment de se développer d’une manière extraordinaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) C’est nous qui l’avons fait !

Ne déformez pas mes propos, monsieur le ministre ; ce n’est pas acceptable ! J’ai évoqué la CAPEB qui, si elle est membre de l’UPA, n’en a pas moins son autonomie d’expression.

M. Jacques Remiller. Pas tout à fait !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Or, comme elle l’exprime elle-même – j’ai le texte sous les yeux -, elle « juge dangereuse l’apparence de facilité conférée au CNE ». C’est parfaitement clair : la CAPEB est opposée au CNE. (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Charié. Pas du tout !

M. Alain Néri. Il ne le sait pas !

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Nous ne sommes pas à la chambre de métiers !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Ne jouons pas sur les mots, monsieur le ministre : c’est la réalité de la situation.

Si vous voulez aider les petites entreprises, je vous recommande de vous intéresser aux problèmes de la sous-traitance, que j’ai évoqués avec le ministre de l’industrie. De nombreuses petites entreprises sous-traitantes se font payer à 120 jours par les grandes qui sont leurs donneurs d’ordres. C’est un risque financier énorme pour ces entreprises, qui sont prises en otage. Cela n’a rien à voir avec le développement d’une entreprise. Ce n’est pas sérieux !

M. Hervé Novelli. Ça n’a rien à voir !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Il y a de vrais problèmes, comme la marge arrière de la grande distribution, qui étrangle complètement de petites entreprises.

M. Jean-Paul Charié. C’est vrai !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Voilà encore un point sur lequel vous pourriez agir. Ce n’est pas en déformant le droit du travail que vous répondrez aux préoccupations des petites entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Philippe Vitel. Hors sujet !

M. Jacques Remiller. Ce n’est pas comme ça que vous allez faire revenir les électeurs de gauche vers vous !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Je rappellerai, pour conclure, que M. Vidalies a mis en lumière, dans une démonstration éclatante, un risque juridique énorme qui se confirmera dans les mois à venir : la convention du BIT place les entreprises en situation d’insécurité juridique. Voilà le problème.

En outre, au-delà de l’effet d’appel des premiers mois, la courbe du nombre de signatures de CNE et les conclusions de la DARES, qui sont des éléments indiscutables, indiquent que le CNE permettra de créer, au maximum, 20 000 emplois en 2007. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Et le prix à payer pour cela, ce sera l’insécurité juridique, la fragilité pour les salariés et les difficultés pour les petites entreprises.

M. Hervé Novelli. Il ne faut pas exagérer !

M. Jean Le Garrec, rapporteur. À cela s’ajoute, bien entendu, la tentation pour le ministre-candidat de prendre le CNE pour modèle du contrat de travail. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Remiller. Qu’en dit Mme Royal ? On ne le sait pas.

M. Jean Le Garrec, rapporteur. Monsieur le ministre, c’est le ministre du travail qui aurait dû être présent aujourd'hui à votre place, car il connaît les risques du CNE pour le code du travail. Le discours que vous nous avez tenu passe à côté du problème. Vous avez réfuté toutes les questions que nous vous avons posées. Or vous savez bien que nous avons raison sur le plan juridique et en termes d’emploi. Ce sont là deux raisons suffisantes pour abroger le CNE. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Sur le passage à la discussion de l’article unique, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales n’ayant pas présenté de conclusions, l’Assemblée, conformément à l’article 94, alinéa 3, du règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion de l’article unique du texte initial de la proposition de loi.

Conformément aux dispositions du même article du règlement, si l’Assemblée vote contre le passage à la discussion des articles, la proposition de loi ne sera pas adoptée.

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Claude Gaillard.

M. Claude Gaillard. M’étant déjà exprimé à la tribune, je serai bref.

Tout d’abord, je m’abstiendrai, à titre personnel et par courtoisie républicaine, de critiques envers l’énarchie.

Pour ce qui est de l’entreprise, notre connaissance et notre volonté diffèrent. Je tiens cependant à exprimer de nouveau mon regret que nous ne soyons pas capables de considérer que la petite entreprise de moins de vingt salariés est différente de la grande entreprise, à une époque où les relations ont tellement changé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

À entendre certains, il semblerait que le petit chef d’entreprise soit assez sadique pour recruter dans le seul but d’avoir ensuite le plaisir de licencier. Il n’en est évidemment rien.

Tant de choses pèsent sur les épaules du chef d’entreprise que nous devons l’aider à créer de l’emploi et éviter qu’il ne pratique une politique malthusienne. Dans ce pays, si peu entrepreneurial par culture et par habitude, nous souhaitons ouvrir une voie, pour une période expérimentale. Nous cherchons ensemble et nous avons prévu de procéder à une évaluation en 2008.

Je regrette, une fois de plus, que l’élection présidentielle vienne interrompre cette recherche collective pour des raisons de dogme, d’immobilisme et de conservatisme. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Serge Janquin. Ridicule !

M. Claude Gaillard. Ce débat permet de bien différencier ceux qui sont restés vingt-cinq ans en arrière et ceux qui essaient de regarder devant avec lucidité, courage et optimisme. Voilà pourquoi le groupe UMP votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je suis d’accord avec M. Gaillard (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) : vous ne savez pas faire la différence ente les PME et PMI et les grands groupes multinationaux.

Par exemple, il faudrait, selon vous, avoir une préoccupation particulière pour les petites et moyennes entreprises qui créent de l’emploi. Effectivement, ce sont elles qui créent de l’emploi, alors que les grands groupes licencient, délocalisent, font tous les jours des plans de licenciement. Pourtant en ce qui concerne les exonérations de cotisations patronales, est-ce que vous faites la différence entre les petites et moyennes entreprises et les groupes ?

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Oui !

M. Maxime Gremetz. Pas du tout !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Si !

M. Maxime Gremetz. S’agissant de l’exonération sur les bas salaires, est-ce que vous faites la différence ? Pas du tout !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Si !

M. Maxime Gremetz. Pas du tout ! Aucunement, monsieur le ministre !

M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Si, ça a été voté !

M. Maxime Gremetz. Est-ce que ce ne sont pas ceux qui, dans les régions, veulent orienter l’argent public non pas vers les grands groupes, lesquels n’en ont pas besoin parce qu’ils réalisent des profits, mais vers le développement des PME qui créent de l’emploi et veulent se développer du point de vue technologique, qui, eux, font la différence ? (« Pas du tout ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je vous fais observer que Mme Parisot – qui licencie d’ailleurs dans la Somme, vous le savez bien, monsieur Gest –, après avoir soutenu le CPE et le CNE, est aujourd’hui favorable au contrat unique. Pourquoi, si ce n’est dans l’intérêt des grandes entreprises ?

Contrairement à ce que j’entends le but principal du CNE n’est pas d’aider les petites et moyennes entreprises. Le CPE avait d’ailleurs pour objectif d’étendre le dispositif à toutes les entreprises. C’est toujours la loi des actionnaires, la loi du fric qui domine. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Voyez les 65 milliards d’aides publiques, avec 4 000 dispositifs destinés à aider les entreprises, et comparez ce qui revient aux petites et moyennes entreprises avec ce qui bénéficie aux grands groupes et aux grandes sociétés que représente le MEDEF. Voilà pourquoi nous soutenons absolument l’abrogation du CNE ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.- Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marc Ayrault. L’État prend en charge environ 21 milliards d’euros de cotisations sociales dues par les entreprises, de façon totalement indifférenciée, qu’il s’agisse des entreprises du CAC 40, des petites et moyennes entreprises ou des entreprises artisanales.

Monsieur Dutreil, monsieur Gaillard, nous faire le procès de ne pas défendre, de ne pas soutenir les PME et les entreprises artisanales, c’est nous faire injure, à nous qui sommes aussi des élus locaux, territoriaux, de villes, de régions. Nous qui prenons évidemment en compte cette réalité du tissu économique de notre pays qui crée des emplois et qui doit être traité de façon spécifique. Nous voulons passer un pacte particulier avec ces PME et avec les entreprises artisanales, sans nous arrêter à la seule question des charges sociales. En effet il faut également s’intéresser à la formation, à la qualification, à l’aide à la recherche, à l’innovation, à l’accès aux marchés publics, à tout ce qui peut aider les petites et moyennes entreprises.

M. Hervé Novelli. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?

M. Jean-Marc Ayrault. Telles sont en effet les questions auxquelles elles sont confrontées !

Faut-il pour autant instaurer un contrat de travail précaire ? Nous disons « non » !

Monsieur le ministre, vous soutenez le candidat de l’UMP à l’élection présidentielle, mais ce qui nous a mis la puce à l’oreille ces derniers temps – parce que nous, nous pratiquons le principe de précaution –, c’est qu’il est facile de faire de grands discours aux travailleurs, d’invoquer Jaurès ou Léon Blum (« Ah » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. Michel Herbillon. Et ça va continuer !

M. Jean-Marc Ayrault. …que vous avez tant critiqués et combattus, puis, quelques heures plus tard, de se retrouver devant l’assemblée générale de la CGPME pour annoncer qu’on va mettre en place un contrat de travail unique qui s’inspirera du CNE, qui sera généralisé et qui n’est rien d’autre que ce que nous avons combattu à l’Assemblée nationale et qu’une majorité de Français a rejeté, c’est-à-dire le CPE !

Mesdames, messieurs les députés de la majorité, assumez votre vote, c’est-à-dire le refus de passer à l’examen des articles. Cela sera comptabilisé dans votre bilan, dans celui du Gouvernement, et dans celui du candidat de l’UMP, qui ne peut pas se faire oublier sur ce point. Aujourd’hui, vous vous targuez des chiffres du chômage, mais, monsieur Dutreil,…

M. Henri Emmanuelli. Publiez-les, monsieur le ministre !

M. Jean-Marc Ayrault. …allez-vous accepter, oui ou non, que le rapport de l’INSEE soit publié en février pour que nous connaissions la réalité du chômage en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Jusqu’à présent, vous avez répondu « non », notamment, la semaine dernière, à notre collègue Alain Vidalies. Vous voulez cacher quelque chose parce qu’il y a bien un problème dans notre pays. En effet, alors que les statistiques font apparaître une baisse du chômage, le nombre de RMIstes augmente (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) ;…

M. Christophe Masse. Très juste !

M. Jean-Marc Ayrault. …la liste de ceux qui travaillent à temps partiel sans l’avoir choisi s’allonge ; les familles monoparentales ne s’en sortent pas ; les travailleurs pauvres font la queue aux restaurants du cœur. Tels sont les résultats de votre politique ! C’est votre bilan et c’est cela que nous voulons changer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous ne voulons pas substituer la précarité à la lutte contre une telle situation.

M. Michel Herbillon. Caricature !

M. Jean-Marc Ayrault. C’est pourquoi nous nous prononçons pour une relance de la démocratie sociale dans notre pays. Et ce n’est pas par ordonnance que nous réformerons le contrat de travail, si cela est nécessaire, mais avec les partenaires sociaux, notamment en négociant avec eux non pas la garantie de la protection du poste de travail, mais du contrat de travail par la mise en place d’une nouvelle sécurité sociale, la sécurité sociale du travail. Ce sera la grande réforme du XXIe siècle, après que la sécurité sociale a été la grande réforme de la Libération.

Mesdames, messieurs les députés de la majorité, il y a bien une différence entre nous : vous représentez vraiment la droite.

M. Jean-Paul Charié. Très bien ! Ça, c’est vrai !

M. Jean-Marc Ayrault. Alors, assumez-le ! Vous allez le faire dans quelques instants par votre vote. En tout cas, nous ne l’oublierons pas parce que vous aurez à rendre compte de votre bilan devant les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste –Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

VOTE SUR LE PASSAGE
À LA DISCUSSION DE L’ARTICLE UNIQUE

M. le président. La commission n’ayant pas présenté de conclusions, l’Assemblée, conformément à l’article 94, alinéa 3, du Règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion de l’article unique du texte initial de la proposition de loi.

Je rappelle que, conformément aux dispositions du même article du Règlement, si l’Assemblée vote contre le passage à la discussion de l’article unique, la proposition de loi ne sera pas adoptée.

Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé.

Je vais donc mettre aux voix le passage à la discussion de l’article unique de la proposition de loi.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 219

Nombre de suffrages exprimés 219

Majorité absolue 110

Pour l’adoption ..93

Contre 126

(L’Assemblée, consultée, décide de ne pas passer à la discussion de l’article unique de la proposition de loi.)

M. le président. L'Assemblée ayant décidé de ne pas passer à la discussion de l’article unique, la proposition de loi n’est pas adoptée.

2

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament :

Rapport, n° 3653, de Mme Cécile Gallez ;

Discussion du projet de loi, n° 2277 rectifié, modifiant les articles 414-8 et 414-9 du code pénal :

Rapport, n° 3648, de M. Marc Francina, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées ;

Discussion du projet de loi, n° 3275, ratifiant l’ordonnance n° 2006-637 du 1er juin 2006 portant refonte du code de justice militaire (partie législative) et modifiant le code de la défense et le code de justice militaire :

Rapport, n° 3649, de M. Dominique Caillaud, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées ;

Discussion de la proposition de loi, n° 3598, adoptée par le Sénat, relative aux règles d’urbanisme applicables dans le périmètre de l’opération d’intérêt national de La Défense et portant création d’un établissement public de gestion du quartier d’affaires de La Défense :

Rapport, n° 3600, de M. Patrick Ollier, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Discussion du projet de loi, n° 3407, relatif à la commission nationale consultative des droits de l’homme :

Rapport, n° 3647, de Mme Liliane Vaginay, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures cinq.)