
No 262
ASSEMBLÉE NATIONALE
_____________________________________
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2002.
Document
mis en distribution le 25 octobre 2002
|
DÉCLARATION
DU GOUVERNEMENT
sur les prélèvements obligatoires,
par M. Francis MER,
ministre de l’économie, des finances
et de l’industrie.
__________________________________________________________________
[Finances publiques.
]
Monsieur le président,
Mesdames, Messieurs les députés,
Pour la première fois, le Gouvernement vous soumet un rapport
sur les prélèvements obligatoires et sur leur évolution. Ce rapport a
été déposé sur le bureau de votre assemblée le 1er octobre,
conformément à l’article 52 de la loi organique du 1er août
2001 relative aux lois de finances.
Rappelons les principales dispositions de ce texte. Le rapport
sur les prélèvements obligatoires est, tout d’abord, présenté « en vue
de l’examen et du vote du projet de loi de finances et du projet de loi
de financement de la sécurité sociale ». L’objectif est donc d’offrir au
Parlement une vision consolidée des prélèvements de l’ensemble des
administrations publiques, notamment de l’Etat et des organismes
sociaux. Cette vision consolidée doit être apportée avant que ne
commence le débat sur le projet de loi de finances et sur le projet de
loi de financement de la sécurité sociale. Je pense que vous conviendrez
avec moi que le Gouvernement a été fidèle à la fois à la lettre et à
l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances, puisqu’il
est représenté ici à la fois par le ministre de l’économie et des
finances et par le ministre de la santé, qui interviendra immédiatement
après moi.
Ensuite, le rapport doit comporter l’évaluation financière, pour
l’année en cours et pour les deux années suivantes, de chacune des
dispositions législatives ou réglementaires envisagées par le
Gouvernement. Le rapport que nous vous avons remis répond, là encore,
aux vœux du législateur organique.
Enfin, l’article 52 de la loi organique relative aux lois de
finances précise que « ce rapport peut faire l’objet d’un débat à
l’Assemblée nationale et au Sénat ». Votre Conférence des présidents
ayant souhaité qu’un tel débat soit organisé, nous avons naturellement
répondu de manière positive à sa demande et venons vous présenter le
rapport en séance publique, après l’avoir soumis avant-hier à vos
commissions des finances et des affaires sociales réunies. J’ajoute que
j’ai pris connaissance avec le plus grand intérêt du rapport
d’information de M. Gilles Carrez, qui complète de manière très utile
notre propre rapport.
Je vous présenterai tout d’abord une vue d’ensemble des
prélèvements obligatoires et de leur évolution, en mettant l’accent sur
l’incidence des mesures du PLF 2003. Jean-François Mattei vous exposera
ensuite l’impact des mesures du PLFSS 2003 et traitera des relations
financières entre l’Etat et la sécurité sociale.
Je commencerai par quelques rappels sur la notion de
prélèvements obligatoires, qui n’est pas une notion juridique, comme
peuvent l’être l’impôt ou les taxes parafiscales, mais une notion
économique.
Tels qu’ils sont définis par l’INSEE en application du règlement
de 1995 sur le système européen de comptabilité, les prélèvements
obligatoires regroupent « les impôts et les cotisations sociales versées
de manière non volontaire au profit des administrations publiques ».
Le champ des prélèvements obligatoires est donc à la fois plus
vaste et plus restreint que celui couvert par le projet de loi de
finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Relèvent notamment des prélèvements obligatoires sans relever du PLF ou
du PLFSS les impôts locaux ou les cotisations Unedic.
En sens inverse, certaines taxes autorisées en loi de finances
ne sont pas classées parmi les prélèvements obligatoires : je pense à la
plupart des taxes parafiscales, et en particulier à la redevance
audiovisuelle.
Comme vous le savez, les taxes parafiscales auront toutes
disparu au 1er janvier 2004, en application de la loi
organique relative aux lois de finances ; nous devrons donc être
vigilants lorsque nous effectuerons des comparaisons dans la suite de
cette législature entre la situation actuelle et la situation future des
prélèvements obligatoires. En effet, certaines taxes parafiscales seront
très probablement supprimées ; d’autres, en revanche, seront
transformées en taxes fiscales et, donc, intégreront le champ des
prélèvements obligatoires.
Ainsi définis, les prélèvements obligatoires représentaient en
2001 près de 660 milliards d’euros, c’est-à-dire 45 % du PIB.
L’étude de leur répartition révèle que les organismes sociaux en
sont les premiers bénéficiaires, avec près de la moitié des prélèvements
obligatoires : 48 % exactement. Je rappelle que le champ des
administrations sociales dépasse celui du PLFSS, puisqu’il inclut en
outre les régimes d’assurance chômage, les régimes de retraite
complémentaire, le fonds couverture maladie universelle et le fonds pour
l’allocation personnelle d’autonomie.
Les prélèvements obligatoires de l’Etat et des organismes
centraux occupent moins de 40 % de l’ensemble. Ces organismes centraux,
que l’on dénomme les « ODAC » en comptabilité nationale, sont divers ;
il s’agit, pour citer les principaux, des structures de défaisance, de
la caisse d’amortissement de la dette sociale, du fonds de réserve des
retraites, des offices agricoles et de l’ensemble des établissements
publics administratifs de l’Etat.
Les collectivités locales représentent quant à elles 11 % du
total, et l’Union européenne 1,4 %.
Comparé aux principaux pays de l’OCDE, le taux de prélèvements
en France apparaît parmi les plus élevés. Cette situation confirme s’il
en était besoin le bien-fondé de la politique de baisse des impôts et
des charges menée par le Gouvernement.
Toutefois, cette comparaison globale doit aussi être
relativisée, pour deux motifs.
En premier lieu, les écarts de taux de prélèvements obligatoires
entre les pays reflètent souvent des choix différents en matière de
protection sociale, qu’il s’agisse du mode de financement du système de
soins ou de la nature des régimes de retraite complémentaire :
répartition ou capitalisation.
En second lieu, le taux de prélèvement global ne donne pas
d’indication sur la structure des prélèvements, en particulier la part
qui pèse sur le travail, le capital et la consommation. Or ceci est un
élément essentiel de la compétitivité et de l’attractivité d’un pays. En
France, la tendance des deux dernières décennies a été de taxer surtout
le travail, ce qui n’a bien entendu pas été sans conséquences sur
l’évolution du taux de chômage et sur la compétitivité de notre
économie.
Au cours de la législature précédente, le taux de prélèvements
obligatoires a eu tendance à augmenter, du fait de la dynamique
exceptionnelle des recettes fiscales : de 1998 à 2001, celles-ci ont
progressé spontanément deux fois plus vite que l’activité économique.
Certes, ces plus-values conjoncturelles ont été utilisées pour
financer les 35 heures et les baisses d’impôts. Pourtant, le taux de
prélèvement obligatoires n’a pas diminué entre 1997 et 2002. Il était de
44,8 % en 1997, avant les hausses d’impôts décidées dès son arrivée par
le précédent gouvernement ; en 2002, avant que nous ne procédions à la
baisse de 5 % de l’impôt sur le revenu, il s’établissait à un niveau
rigoureusement identique. Ainsi, non seulement la pression fiscale n’a
pas diminué sous la législature précédente, mais, de surcroît, les
plus-values conjoncturelles ont été affectées à des dépenses pérennes,
notamment le financement des 35 heures, au lieu de servir à la réduction
du déficit public, donc de la dette.
A l’inverse, le taux de prélèvements obligatoire devrait
diminuer de 0,7 point de PIB sur la période 2002-2003, et passer ainsi
de 45 % en 2001 à 44,3 % en 2003. Cette évolution résultera de trois
facteurs distincts.
En premier lieu, le taux de prélèvements obligatoires diminuera
spontanément en 2003 de 0,2 point de PIB, car le produit pour 2003 de
l’impôt sur les sociétés est assis sur les résultats de 2002.
En second lieu, les mesures prévues en loi de finances initiale
et en loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 par le
gouvernement précédent contribuent à faire baisser le taux de
prélèvements obligatoires avec un effet global de moins 0,2 point de
PIB.
En troisième lieu, les mesures nouvelles du Gouvernement
contribuent à baisser ce taux de 0,4 point de PIB sur 2002-2003. Sur ce
total, près de la moitié est liée à la baisse de 5 % de l’impôt sur le
revenu votée en collectif d’été, l’autre moitié provenant des baisses
d’impôts et de charges prévues pour 2003, qui s’élèvent, comme vous le
savez, à 3 milliards d’euros.
Je souligne que les allégements de charges liés aux contrats
jeunes ne sont pas comptabilisés parmi les baisses de prélèvements
obligatoires, pour des motifs conventionnels, bien que ce dispositif
allège bel et bien les charges des entreprises.
Rappelons que l’intégralité des baisses d’impôts et de charges
prévues en PLF et en PLFSS 2003 seront financées ou compensées par le
budget de l’Etat, pour un coût global de 3,9 milliards d’euros.
Sur ce total, 1 milliard d’euros correspond à la baisse de 1 %
de l’impôt sur le revenu, à l’amélioration de la prime pour l’emploi
pour les travailleurs à temps partiel, à la majoration de la réduction
de l’impôt sur le revenu pour emploi à domicile, à la donation facilitée
de grands-parents à petits-enfants, et, en sens inverse, à la première
étape de la réforme du régime des distributions entre sociétés.
Par ailleurs, 1,9 milliard d’euros correspond à la compensation
aux collectivités locales de la suppression de la part salaire de la
taxe professionnelle, ainsi qu’à la réduction de la taxe professionnelle
sur les bénéfices non commerciaux.
Enfin, 0,7 milliard d’euros de taxe sur les conventions
d’assurance est transféré au FOREC afin de compenser l’allégement des
charges décidé dans le cadre de la convergence des SMIC ; Jean-François
Mattei reviendra dans un instant sur ce transfert.
Les allégements de charges en faveur des jeunes sont eux aussi
compensés par l’Etat sous forme de subvention du budget général, à
hauteur de 250 millions d’euros en 2003.
L’impact net des baisses d’impôts et charges sur les
prélèvements obligatoires en 2003 représente 2,9 milliards d’euros. Ce
chiffre intègre l’augmentation des droits sur le tabac pour 0,7 milliard
d’euros mais ne tient pas compte des allégements contrats jeunes, que
l’INSEE ne devrait pas classer parmi les baisses de prélèvements
obligatoires.
Ces baisses de prélèvements obligatoires se répartissent sur
l’Etat et les collectivités locales, le transfert par l’Etat au FOREC de
la taxe sur les conventions d’assurance et l’augmentation des droits sur
le tabac étant considérés comme une hausse des prélèvements sociaux par
les comptables de l’INSEE. Ces baisses d’impôts et de charges en 2003
sont ciblées en faveur de l’emploi et du dynamisme de nos entreprises.
Les ménages bénéficieront en effet de plus de 1 milliard d’euros
de baisses d’impôts.
Les entreprises bénéficieront pour leur part de 2,7 milliards
d’euros de baisses des prélèvements obligatoires, de 3 milliards d’euros
si l’on inclut les allégements liés aux contrats jeunes.
Au total, cela représente plus de 4 milliards d’euros en faveur
de l’emploi et de l’initiative entrepreneuriale.
Telles sont, mesdames, messieurs les députés, les grandes lignes
de la politique suivie par le Gouvernement en matière de prélèvements
obligatoires.
|