Accueil > Archives de la XIIe législature > Déclarations du Gouvernement

Commander ce document en ligne
Retour vers le dossier législatif

No  2629
ASSEMBLÉE  NATIONALE
CONSTITUTION  DU  4  OCTOBRE  1958
DOUZIÈME  LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 novembre 2005.
D É C L A R A T I O N
D U G O U V E R N E M E N T
sur la situation créée par les
violences urbaines,
par M. Dominique de VILLEPIN,
Premier ministre.

Déclaration du Gouvernement
sur la situation créée par les violences urbaines

                    Monsieur le président,
                    Mesdames et messieurs des députés,
        Depuis douze jours, notre pays connaît de graves accès de violence. Chaque nuit, ce sont des centaines de voitures qui sont brûlées, des commerces, des écoles, des lieux publics qui sont incendiés. C'est un climat de désordre et d'insécurité, qui plonge beaucoup de nos compatriotes dans l'inquiétude.
        À tous, je veux dire ici solennellement que l'État sera ferme et juste. Le Gouvernement est entièrement mobilisé, dans l'unité et dans la sérénité. La République garantira l'ordre public à chacun de nos concitoyens.
        Le Conseil des ministres a adopté ce matin un décret sur la base de la loi de 1955, autorisant les préfets, sous l'autorité du ministre d'État, ministre de l'intérieur, à mettre en œuvre des mesures de couvre-feu.
        Un décret simple établira la liste des communes concernées. Ces textes excluent expressément tout contrôle des médias.
        Sur la base d'arrêtés préfectoraux, certaines communes et parties de communes pourront donc se voir appliquer des mesures d'interdiction ou de restriction de la circulation des personnes ou des véhicules. Le refus de s'y soumettre pourra donner lieu à des sanctions pénales pouvant aller jusqu'à deux mois d'emprisonnement.
        Les préfets pourront utiliser l'assignation à résidence ou l'interdiction de séjour à l'encontre des fauteurs de trouble. Ils pourront aussi exiger la remise des armes ou leur confiscation. Enfin, des lieux publics pourront être fermés s'ils deviennent le point de rassemblement de bandes.
        En dernier lieu, des perquisitions de jour comme de nuit pourront être opérées par exemple au domicile de personnes qui auraient lancé des projectiles ou tiré sur les forces de l'ordre.
        Le ministre d'État, ministre de l'intérieur, réunira cet après-midi les préfets des zones de défense pour indiquer les conditions de mise en œuvre de ces mesures, qui devront naturellement être appliquées par l'autorité publique avec tout le discernement nécessaire.
        Ces dispositions sont applicables pendant douze jours. Au terme de ce délai, si les circonstances l'exigent, le Gouvernement vous présentera un projet de loi autorisant la prorogation de ce dispositif. Vous pouvez être assurés que toutes ces mesures seront appliquées avec le sens des responsabilités.
        Par ailleurs, 8 000 hommes assurent en permanence la sécurité dans les quartiers sensibles.
        J'ai fait appel aux réservistes de la police et de la gendarmerie, qui mettront à disposition 1 500 hommes supplémentaires.
        Le ministre d'État, ministre de l'intérieur, a donné deux instructions très claires à toutes les forces de l'ordre.
        La première est d'interpeller systématiquement tous les suspects. Ainsi 1 500 personnes ont été arrêtées depuis le début des troubles, plus de 600 ont été placées en garde à vue et plus de 100 ont d'ores et déjà été incarcérées.
        Nicolas Sarkozy a également rappelé aux forces de l'ordre l'importance du strict respect des règles de déontologie, afin d'éviter tout incident.
        Je tiens à rendre hommage aux forces de l'ordre et aux pompiers, qui travaillent sans relâche depuis plusieurs jours, dans des conditions souvent difficiles et dangereuses.
        Je tiens aussi à redire dans cette assemblée l'estime et l'amitié que je porte au ministre d'État, qui se dépense sans compter, nuit et jour, pour la sécurité des Français.
        Les Français attendent désormais que les responsables de ces violences soient sanctionnés pour leurs actes. Je sais que les magistrats se sont mobilisés pour répondre à l'urgence de la situation et je veux les en remercier.
        Les auteurs des délits les plus graves doivent être jugés et condamnés par le tribunal correctionnel. J'ai demandé au garde des sceaux de veiller à ce que les présidents des tribunaux de grande instance et les procureurs de la République organisent leurs juridictions pour que les auteurs de ces faits soient, à l'issue de leur garde à vue, traduits sur-le-champ en comparution immédiate.
        Pour les infractions les moins graves, il faudra trouver la réponse judiciaire adaptée, en utilisant toute la panoplie des mesures alternatives aux poursuites, notamment la réparation ou le dédommagement.
        Enfin, je souhaite que les condamnations soient connues de tous - des victimes en particulier et de l'opinion publique dans son ensemble -, pour montrer à chacun que la loi reste la plus forte. Je rappelle l'existence d'un numéro de téléphone national pour les victimes, qui bénéficieront de l'écoute, des conseils et de l'orientation des professionnels, y compris pour la réparation des préjudices.
        Face à ces événements, nous adaptons en permanence notre dispositif de maintien de l'ordre, afin de renforcer la sécurité dans les quartiers sensibles, car - ne nous y trompons pas - nous sommes face à des individus déterminés, à des bandes structurées, à une criminalité organisée, qui ne reculent devant aucun moyen pour faire régner le désordre et la violence.
        Rétablir l'ordre prendra du temps. Cela nécessitera un travail en profondeur, un travail de longue haleine.
        Nous avons mis sur pied des équipes plus légères et plus mobiles, formées aux interpellations en flagrant délit et qui agissent en tenue pour éviter toute provocation et tout malentendu. Nous avons également accru notre effort dans le domaine du renseignement, pour surveiller les blogs et les échanges sur Internet et anticiper ainsi le mouvement des bandes.
        Nous renforcerons les effectifs des groupements d'intervention régionaux - les GIR -, qui ont fait la preuve de leur efficacité dans la lutte contre les trafics et l'économie souterraine qui gangrènent les quartiers. La lutte contre l'argent facile et les patrimoines illicites est essentielle pour dissuader les jeunes de participer à de tels trafics.
        Au-delà de ces efforts, nous devons faire en sorte que les forces de l'ordre soient davantage au contact des habitants des banlieues. Pour avoir été ministre de l'intérieur, je sais que le fonctionnement de la police repose sur quatre piliers : le renseignement, l'investigation, l'ordre public et la police de quartier.
        Il n'a jamais été question de supprimer l'un ou l'autre de ces piliers, qui sont essentiels et totalement complémentaires.
        La police de quartier est celle qui est tous les jours au contact de la population et qui la rassure. Elle doit être un facteur d'apaisement et de règlement des différends. C'est pourquoi je vais donner au ministère de l'intérieur la possibilité de bénéficier, dès janvier 2006, du dispositif des contrats d'accès à l'emploi, afin qu'il puisse recruter 2 000 agents supplémentaires pour ces quartiers.
        Cet effort viendra compléter celui qui est réalisé depuis 2004 avec la création des cadets de la République.
        Il nous faut améliorer encore l'accueil des victimes. Le rôle des médiateurs sociaux est à cet égard essentiel pour établir le lien avec les autres services publics. Ces efforts donneront des résultats s'ils s'appuient sur deux piliers supplémentaires.
        Le premier est la prévention de la violence. Le plan que le Gouvernement présentera dans les prochaines semaines permettra de lutter contre toutes les violences qu'il s'agisse de celles du quotidien ou de celles qui frappent au cœur même des familles et des quartiers. Le second est la lutte contre l'immigration clandestine car un certain nombre de déséquilibres sociaux viennent de la persistance d'un flux insuffisamment maîtrisé d'immigration clandestine.
        Comment faire fonctionner la dynamique d'intégration et la promotion éducative et sociale si chaque jour arrivent des individus qui sont présents illégalement sur notre sol ? Les premières victimes sont les autres habitants de ces quartiers, qui, eux, consentent les efforts nécessaires. L'État doit lutter davantage contre l'immigration clandestine, source d'exploitation et de misère.
        Notre responsabilité et notre volonté sont de reconduire dans leur pays tous ceux qui essaient de se maintenir en France sans y être autorisés.
        Cependant la sécurité dans les quartiers est aussi une mobilisation quotidienne de tous ceux qui exercent des responsabilités. Je tiens donc à saluer la détermination des maires et des élus locaux, qui se mettent en permanence à la disposition des habitants avec courage et un sens de l'écoute exceptionnels.
        Je veux aussi saluer les bénévoles et les salariés des associations qui contribuent chaque jour à renouer le dialogue entre les habitants, ainsi que les agents de l'État et des collectivités locales qui garantissent la continuité du service public dans ces quartiers - l'école, les transports, la santé.
        Je veux enfin saluer le sang-froid et le sens civique de l'immense majorité des habitants des quartiers frappés par des violences inadmissibles. Certains ont vu leur voiture brûler, certains ont perdu leur outil de travail, d'autres ne peuvent plus mettre leurs enfants à l'école ; tous sont les témoins d'une violence inacceptable et choquante ; et pourtant ils font tout pour préserver le calme et la paix civile.
        À travers leurs marches silencieuses, à travers leurs appels au calme, ils font preuve de dignité et de responsabilité. Aujourd'hui, ils nous demandent, ils demandent à la République, du respect et de la fraternité.
        Ils demandent aussi la totale transparence sur ce qui se passe actuellement.
        C'est ce que nous avons fait depuis le début, en particulier pour les événements de Clichy-sous-Bois. En ce qui concerne d'abord le drame de deux adolescents, Ziad et Bouna, qui sont morts électrocutés. Je me suis engagé à ce que toute la lumière soit faite sur cette affaire. J'ai reçu les familles, avec Nicolas Sarkozy, pour les tenir informées de l'enquête administrative. Un juge d'instruction a été désigné.
        Il a informé les avocats des familles du contenu précis des procédures judiciaires. Il en sera ainsi jusqu'à la fin de l'enquête.
        Pour ce qui est ensuite des gaz lacrymogènes lancés près de la mosquée de Clichy-sous-Bois, je comprends l'émotion des musulmans de France. L'enquête administrative a montré qu'à aucun moment la mosquée n'avait été visée par un tir de la police. J'ai fait part à Dalil Boubakeur, président du Conseil français du culte musulman, de mes regrets devant ce malentendu et je lui ai marqué le respect de la République à l'égard du culte musulman comme de tous les autres cultes.
        Le rétablissement de l'ordre public est un préalable. Notre responsabilité collective, et je parle pour tous les bancs de cette assemblée, est de faire de ces quartiers sensibles des territoires comme les autres de la République : avec les mêmes services publics, les mêmes chances.
        Nous savons tous ici les efforts qui ont été accomplis depuis vingt-cinq ans par les gouvernements successifs en faveur des banlieues.
        Nous savons tous les moyens financiers importants qui ont été attribués à la politique de la ville : plus de 30 milliards d'euros selon le dernier rapport de la Cour des comptes.
        Depuis 2002, sous l'impulsion de Jean-Louis Borloo, l'État accomplit un effort sans précédent en faveur de la rénovation urbaine ainsi que pour la mise en œuvre du plan de cohésion sociale. Au total, ce sont plus de 35 milliards d'euros qui ont été programmés.
        Ces efforts, ne les sous-estimons pas car ils ont souvent porté leurs fruits, mais il reste des quartiers où l'État n'est pas assez présent, où les municipalités ne sont pas assez présentes.
        La réalité, nous la connaissons tous : des quartiers sont frappés de plein fouet par le chômage qui touche souvent des familles entières ; une mixité sociale qui n'existe plus ; un manque de considération ; un sentiment d'oubli, aggravé pour certains par de réelles difficultés d'intégration ; des établissements scolaires qui sont confrontés à l'absentéisme des enfants, à l'indifférence de certains parents, au comportement agressif de certains élèves. Tout cela crée un vide, une absence de repères parfois comblée par la tentation du communautarisme et du repli sur soi.
        Nous devons tirer toutes les conséquences de cette situation. Pour cela, nous n'avons pas besoin d'un nouveau plan : nous avons avant tout besoin d'accentuer notre effort et de prendre des décisions concrètes, rapides et courageuses.
        La clé, comme pour tous les Français, c'est l'emploi.
        Les efforts que nous accomplissons, depuis plusieurs mois, sur l'ensemble du territoire, avec déjà des résultats, nous devons les accentuer en direction des quartiers où le taux de chômage des jeunes est souvent deux fois plus élevé que dans le reste du pays.
        J'ai donc demandé à Jean-Louis Borloo et à Gérard Larcher de mobiliser les services de l'ANPE, des missions locales et des maisons de l'emploi afin que tous les jeunes de moins de vingt-cinq ans habitant dans l'une des 750 zones urbaines sensibles soient reçus dans les trois prochains mois, qu'ils soient ou non inscrits au chômage.
        Chaque jeune aura droit à un entretien approfondi avec un conseiller. Je m'engage à ce qu'une solution spécifique soit proposée dans les trois mois à chaque jeune qui fait la démarche, qu'il s'agisse d'une formation, d'un stage ou d'un contrat.
        Les jeunes diplômés recevront un accueil particulier pour valoriser leur qualification.
        Pour les bénéficiaires de minima sociaux - ils sont très nombreux dans ces quartiers - nous allons, comme je l'ai annoncé le 1 er septembre, renforcer l'incitation retour à l'emploi avec la création d'une prime de 1 000 euros et d'une prime forfaitaire mensuelle de 150 euros pendant douze mois.
        Ce projet de loi a été adopté ce matin en conseil des ministres.
        Tous les outils existants seront utilisés. J'ai ainsi demandé au ministre de l'emploi que 20 000 contrats d'accompagnement pour l'emploi et contrats d'avenir soient réservés à ces quartiers pour développer les emplois de proximité à destination des communes, des associations, des bailleurs sociaux. Je souhaite également doubler le nombre d'adultes-relais : ils auront pour mission d'être des médiateurs de ville qui assurent en permanence le lien entre les familles et l'ensemble des institutions publiques présentes dans les quartiers.
        L'État et les collectivités locales doivent également contribuer à la création d'emplois. C'est l'ambition du programme PACTE, qui propose à des jeunes aujourd'hui faiblement qualifiés d'être embauchés directement dans les fonctions publiques.
        Les entreprises aussi pourront jouer tout leur rôle. Pour les inciter à s'installer dans ces quartiers, nous avons créé des zones franches, qui ont produit des résultats très positifs. J'ai donc décidé de créer quinze zones franches urbaines supplémentaires en plus des quatre-vingt-cinq existantes.
        Le logement et l'urbanisme constituent également l'essentiel. C'est pourquoi des efforts sans précédent ont été réalisés dans ce domaine depuis trois ans. Aujourd'hui 239 quartiers reçoivent des aides de l'Agence nationale de rénovation urbaine. Ces améliorations ont bénéficié à un million et demi de personnes. Elles permettent de réhabiliter l'habitat, de détruire les tours les plus vétustes et inadaptées afin de construire des logements à taille humaine. Je veux accélérer cet effort. J'ai donc décidé de dégager 25 % de moyens supplémentaires sur une période de deux ans. Je souhaite que, pour chaque opération, l'ensemble des partenaires et des habitants soient consultés afin que les projets répondent le mieux possible aux attentes.
        Je tiens évidemment à insister sur l'enjeu majeur pour notre république : l'éducation.
        Il faut avoir le courage de regarder les choses en face. Pour notre République qui a fait de l'obligation scolaire l'un de ses principes fondateurs et la voie de l'intégration, avoir 15 000 enfants qui ne vont pas à l'école dans notre pays, 15 000 enfants dont les chances sont sérieusement compromises, ce n'est pas acceptable ! Avoir autant d'enfants en situation d'échec scolaire grave, qui ne sont plus en mesure de suivre les cours et qui renoncent à l'acquisition de nouvelles connaissances, ce n'est pas acceptable !
        Depuis plusieurs jours, j'ai rencontré des enseignants, des chefs d'établissement, des infirmières scolaires, des conseillers d'orientation.
        Je les ai écoutés. Je les ai entendus réclamer des solutions pragmatiques et justes. Le statu quo n'est pas une solution. L'engagement sans relâche des professeurs des écoles, des collèges et des lycées au service de l'égalité des chances nous oblige.
        Vous me trouverez toujours du côté de ceux qui servent la République et qui défendent sans cesse son idéal d'égalité et de fraternité.
        Je veux renforcer le soutien scolaire aux élèves en difficulté. Cela passe par une réorganisation et une relance de l'éducation prioritaire. J'ai donc demandé à Gilles de Robien de me présenter des propositions dès le début de l'année prochaine.
        Pour répondre à l'urgence, j'ai décidé d'augmenter le nombre d'assistants pédagogiques dans les collèges.
        Dès janvier 2006, 5 000 postes d'assistant pédagogique seront créés pour les 1 200 collèges des quartiers sensibles.
        Enfin, je doublerai le nombre d'équipes de réussite éducative prévues par le plan de cohésion sociale : il y en aura 1 000 à la fin de 2007.
        Pour autant cela n'exonère pas les parents de leurs responsabilités. Eux aussi ont leur rôle à jouer ; eux aussi ont l'obligation de veiller à ce que leurs enfants se rendent à l'école et respectent les règles de la République.
        Je veux également construire de nouveaux parcours pour les élèves qui ne se retrouvent pas dans le système actuel.
        J'ai proposé que les élèves qui le souhaitent puissent entrer en apprentissage dès l'âge de quatorze ans. Cela constituera une nouvelle chance pour des jeunes qui vont d'échec en échec. Cette nouvelle exigence permettra de faire rentrer les jeunes dans un programme éducatif plus précis et plus motivant. Je préférerai toujours voir un jeune s'épanouir dans une activité qui lui plaît que de le laisser en butte à des difficultés insurmontables et désespérantes. Chacun sa voie, chacun son chemin.
        Bien entendu, nous devrons adapter le dispositif pour permettre à chacun d'avoir accès au socle de connaissances fondamentales, en prévoyant, par exemple, des allers et retours plus fréquents entre l'entreprise et l'école.
        La mise en œuvre de ce nouveau dispositif fera donc l'objet d'une concertation approfondie.
        Il y a aussi dans les collèges de ces quartiers beaucoup d'enfants qui s'accrochent, qui veulent s'en sortir, mais qui ont du mal à accéder aux meilleurs établissements et aux meilleures filières. Ils doivent être mieux informés, davantage encouragés et nous allons les aider.
        J'ai donc décidé de multiplier par trois le nombre des bénéficiaires de bourses au mérite.
        De moins de 30 000 aujourd'hui, elles passeront à 100 000 dès la rentrée de 2006.
        Nous ouvrirons également dix internats de réussite éducative supplémentaires, pour accueillir les élèves les plus prometteurs et les plus motivés. Ces mesures doivent permettre aux élèves des milieux défavorisés d'avoir accès, comme n'importe quel autre élève méritant, aux classes préparatoires et aux grandes écoles. La mixité sociale, c'est cela aussi.
        Je vais demander aux étudiants et aux élèves de première année des grandes écoles de venir partager leur expérience dans les établissements d'éducation prioritaire, comme le font déjà les étudiants de l'ESSEC.
        Je demande également aux grandes écoles de s'ouvrir davantage aux élèves issus de ces quartiers, sur le modèle de ce que fait Sciences-Po.
        Si l'emploi, le logement, l'éducation sont évidemment les chantiers prioritaires, nous ne devons pas oublier tout ce qui contribue à l'amélioration de la vie quotidienne dans les quartiers sensibles. Je pense ainsi aux problèmes de santé, en particulier à l'accompagnement psychologique.
        Je souhaite donc développer les ateliers santé ville, qui permettent la mise en réseau de tous les acteurs de santé, et amplifier le dispositif des équipes mobiles psychosociales. L'accès aux urgences dans les hôpitaux devra être complété par un accueil psychiatrique dans les grandes villes.
        Je pense aussi à l'accès à des loisirs, à la culture et au sport pour les jeunes. Le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative renforcera l'offre d'activités de qualité à visée éducative.
        Je souhaite également professionnaliser et développer l'emploi dans les domaines de l'animation et du sport : une spécialité du brevet professionnel jeunesse et sport autour de l'animation sera créée et les formations délivrées par le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative pourront être mobilisées pour former des jeunes aux métiers du sport.
        Au-delà de ces solutions concrètes, nous devons doter ces quartiers d'une gouvernance plus simple et plus efficace. À certains endroits, il y a plusieurs interlocuteurs pour un même problème ; à d'autres il n'y en a aucun. Le premier devoir est d'affirmer le rôle de coordination du maire, qui incarne la République au quotidien. Il est le mieux placé pour piloter toutes les actions mises en œuvre, en particulier dans le domaine de la prévention.
        Le deuxième devoir est d'accroître encore la présence de l'État dans les quartiers sensibles. J'ai donc décidé la création d'une grande agence de la cohésion sociale et de l'égalité des chances, qui sera, avec l'ANRU, l'interlocuteur des maires pour toutes les questions relatives aux quartiers sensibles.
        Nous créerons également des préfets délégués à l'égalité des chances.
        Je réunirai avant la fin de l'année un comité interministériel des villes, pour décider de l'avenir des contrats de ville et des nouvelles orientations de la politique de la ville.
        Le troisième devoir est d'aider les associations et les métiers sociaux.
        Aujourd'hui les 14 000 associations subventionnées par l'État constituent un formidable réservoir d'idées et d'initiatives.
        En matière d'insertion, de soutien scolaire, d'accueil des populations étrangères, d'accès à la culture et au sport, elles sont le complément indispensable à l'action de l'État.
        Or les aides dont elles bénéficient ont diminué ces dernières années
        Nous voyons aujourd'hui qu'il faut inverser cette tendance.
        J'ai donc décidé de renforcer les moyens dont disposent les associations en débloquant 100 millions d'euros supplémentaires pour elles en 2006.
        Toutefois nous devons être lucides : la République est à une heure de vérité.
        Ce qui est en cause aujourd'hui, c'est l'efficacité de notre modèle d'intégration : un modèle fondé sur la reconnaissance du seul individu et non des communautés ; un modèle fondé sur la reconnaissance égale de tous les citoyens quelles que soient leur origine, leurs convictions et leur culture ; un modèle fondé sur l'équilibre des droits et des devoirs de chacun.
        Faut-il renoncer à ces idéaux au profit d'un modèle dans lequel l'État ne prendrait plus en charge l'intégration des nouveaux arrivants ? Faut-il renoncer à l'exigence de cohésion nationale au profit du communautarisme, au risque d'accroître le repli et l'incompréhension entre nos concitoyens
        Aujourd'hui, nous avons le choix entre la division et le rassemblement. Je fais le choix du rassemblement autour de nos valeurs communes et de nos principes républicains.
        Ces principes, chacun d'entre nous doit les porter et les défendre.
        Au premier rang de ces principes figure la laïcité, qui doit être défendue dans tous les quartiers de notre territoire.
        Il y a aussi la citoyenneté, à laquelle nous devons redonner sens car elle est l'un des socles de notre modèle d'intégration.
        Il y a enfin l'égalité : égalité entre les hommes et les femmes, égalité entre tous les enfants de la République.
        La lutte contre toutes les discriminations doit donc devenir une priorité pour notre communauté nationale. Ces discriminations sont aujourd'hui une réalité pour tous les habitants des quartiers sensibles lorsqu'ils cherchent un logement, un emploi ou, tout simplement, lorsqu'ils veulent accéder à certains loisirs. Nous devons aujourd'hui prendre conscience que ces discriminations ont un coût considérable pour notre communauté. Elles privent notre pays du talent et de la détermination de ces Français qui veulent réussir comme les autres. Elles nourrissent, notamment chez les jeunes, la frustration et le sentiment de ne pas appartenir à la communauté nationale.
        Elles sont une entorse quotidienne et répétée à nos idéaux communs. À cet égard, nous disposons d'un outil essentiel mis en place par le Président de la République : la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, qui est présidée par Louis Schweitzer.
        Elle est le fer de lance de ce combat, parce qu'elle aide les victimes de discriminations : en trois mois, elle a reçu près de mille plaintes, dont plusieurs ont été adressées à la justice. J'ai d'ailleurs décidé de renforcer ses pouvoirs : la HALDE pourra désormais décider elle-même de sanctions contre les auteurs de discriminations.
        Les entreprises doivent prendre leur part à ce combat contre les discriminations. Aujourd'hui, l'envoi de deux CV identiques portant un nom français et un nom d'origine étrangère ne donne pas les mêmes résultats. Comment, dans ces conditions, créer l'émulation parmi les jeunes de nos banlieues ? Comment leur donner le goût du travail, de l'effort et de la réussite ?
        Près de 300 entreprises ont signé des chartes de la diversité, mais je souhaite qu'elles soient plus nombreuses à le faire. Le ministère de l'égalité des chances accompagne depuis cinq mois, avec Azouz Begag, la mise en œuvre de la charte. Je rencontrerai dans les prochains jours des signataires de ces chartes pour réfléchir avec eux aux initiatives qui nous permettraient d'aller plus loin.
        Les médias ont également un rôle à jouer dans la valorisation de la diversité française : parmi les jeunes gens issus de ces quartiers que j'ai rencontrés au cours des derniers jours, beaucoup m'ont dit combien ils souffraient de l'image que les médias véhiculent de leurs quartiers.
        Ils veulent qu'on parle aussi de ce qui marche dans les banlieues, de la solidarité qui anime ces quartiers, de cette formidable envie de réussir et de s'en sortir de la plupart de leurs habitants, de leur fierté d'être français et de l'espoir qu'ils ont dans la République.
        Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, il est temps que la violence cesse : chacune des heures que nous venons de vivre constitue une épreuve pour nos compatriotes. L'inquiétude et la tristesse, la colère parfois, ont gagné le pays. La France est blessée. Elle ne se reconnaît pas dans ces rues et ces quartiers dévastés, dans ce déchaînement de haine et de violence qui saccage et qui tue.
        Alors bien sûr, le retour à l'ordre est la priorité absolue. Le Gouvernement l'a montré : il prendra toutes les dispositions nécessaires pour assurer la protection de nos concitoyens et rétablir le calme. La sécurité est le préalable à tout.
        Prenons ces événements comme un avertissement et comme un appel. La France n'est pas un pays comme les autres. Jamais elle n'acceptera que des citoyens vivent séparés, avec des chances différentes, avec des avenirs inégaux. Depuis plus de deux siècles, la République a su faire une place à chacun en mettant au premier rang les principes de liberté, d'égalité et de fraternité.
        Elle a fait grandir sur notre territoire des intelligences, des volontés, des sensibilités et des talents exceptionnels. Elle est une promesse de réussite pour tous. Elle est un rêve partagé entre des Français d'origines et de conditions différentes.
        Restons fidèles à la promesse et à l'exigence républicaines. À tous les jeunes avides d'espoir, de générosité et d'ouverture, à tous ces enfants qui grandissent dans les quartiers et ailleurs, offrons un autre visage de la France, donnons-leur le meilleur de nous-mêmes.