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le 21 juin 2006

N° 3158

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 juin 2006.

DÉCLARATION

DU GOUVERNEMENT

sur la politique énergétique de la France,

PAR M. THIERRY BRETON,

ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Déclaration du Gouvernement
sur la politique énergétique de la France

Monsieur le Président,

Mesdames et messieurs les députés,

Comme le Premier ministre s'y est engagé, nous voici aujourd'hui réunis pour débattre de l'un des enjeux essentiels pour la France et l'Europe : notre politique de l'énergie.

Face à la forte croissance de nos besoins en énergie, et surtout de ceux des pays émergents, en particulier ceux d'Asie, comme l'Inde, le caractère limité de nos ressources nous apparaît avec force : la fin de l'ère du tout-pétrole est une réalité, les approvisionnements en gaz naturel deviennent un enjeu géostratégique et une politique ambitieuse d'investissements dans des installations de production électrique est désormais nécessaire pour accompagner l'augmentation de la consommation. Certains avancent le chiffre de 700 milliards d'euros d'investissement d'ici à 2030 pour satisfaire ces besoins. Tel est, mesdames, messieurs les députés, le monde d'aujourd'hui.

Notre débat, même s'il intervient à la veille de l'été - on n'y peut rien -, est décisif pour poser les questions de stratégie auxquelles nous devons répondre. Chacun décidera en son âme et conscience, mais tous nous devrons - avec humilité car personne en la matière n'a la science infuse - assumer nos responsabilités collectives, en particulier, je le dis d'emblée, en ce qui concerne l'avenir de Gaz de France.

En effet, mesdames, messieurs les députés, je suis venu vous parler de l'avenir de Gaz de France, qui, en tant que ministre de l'économie, me préoccupe au premier chef, l'État en étant le principal actionnaire. Cette entreprise, forte de son histoire, de ses savoirs, de ses compétences, n'intervient pourtant pratiquement que sur le territoire national, et apparaît désormais comme un acteur de taille moyenne, voire petite, au niveau mondial. Il faut lui donner les moyens de nouer des partenariats et des alliances : c'est l'intime conviction que je me suis forgée après que le Premier ministre m'eut demandé d'instruire ce dossier dans la plus large concertation. Les temps ont changé et nous ne pouvons pas prendre le risque de laisser Gaz de France sur le bord de la route. Il est indispensable de lui permettre de nouer des alliances stratégiques pour faire face aux défis de demain.

La France, dans les cinquante dernières années, n'a raté aucun des grands rendez-vous dans le domaine de l'énergie, même les plus difficiles politiquement. Qu'il s'agisse de l'hydraulique ou du nucléaire, pour n'en citer que deux, les dirigeants d'hier ont su apprécier à leur vraie mesure les défis d'alors. Malgré l'immense effort de pédagogie et de conviction qu'elles impliquaient, ils ont su prendre les décisions les plus courageuses et les plus visionnaires. Grâce à eux, la France dispose aujourd'hui de substantiels atouts dont chacun se félicite au quotidien.

Nous sommes aujourd'hui face à des questions aussi décisives, car la crise de l'énergie fait du statu quo moins que jamais une option. En fonction des décisions qui seront prises à l'issue de nos discussions, nous nous serons donné, ou non, la possibilité de prendre en main l'avenir de Gaz de France, de peser davantage sur les rapports de force industriels et commerciaux en Europe et dans le monde et de mieux maîtriser notre futur.

Chacun devra faire la part de ce qui est réellement décisif et stratégique pour notre pays, pour l'entreprise GDF, ses salariés et ses consommateurs, et de ce qui l'est moins. Chacun devra juger sur pièces la réalité des défis et des menaces du monde qui est le nôtre, la qualité des réponses que les entreprises proposent d'y apporter et le sérieux des garanties dont le Gouvernement a décidé d'entourer ce projet. Vous êtes, je le sais, pleinement conscients de ces enjeux et convaincus de l'importance des échanges que nous aurons, tant est grand le poids de notre responsabilité sur ce dossier.

Les évolutions géostratégiques et économiques dans le domaine de l'énergie se sont accélérées. Depuis 2000, et plus encore depuis 2004, le secteur de l'énergie a profondément changé. Le monde a pris conscience de la réalité de l'épuisement désormais prévisible des ressources fossiles. Simultanément, la demande a explosé avec le dynamisme des nouvelles économies asiatiques, alors même que l'instabilité politique des zones de production ne cessait de croître. La quasi-disparition durable des surcapacités de production en matière d'hydrocarbures a conduit à une forte hausse des prix du pétrole - problème que nous surveillons quotidiennement avec François Loos -, portant le baril de 28 dollars en 2004 à 70, voire 73 dollars aujourd'hui, mais également au renforcement des enjeux liés à la sécurité d'approvisionnement en gaz de l'Europe, et au mouvement considérable de consolidation des acteurs européens de l'énergie. Le caractère stratégique de la ressource gazière en fait, comme il en est déjà du pétrole, de manière de plus en plus visible, une arme assumée sans état d'âme dans les rapports de force internationaux. À cet endurcissement du rapport de force économique dans le secteur de l'énergie, répond une puissante vague de consolidation et de concentration dans les pays consommateurs.

Dans les vingt-cinq ans qui viennent, la population de la planète augmentera de 50 %, les besoins en énergie croîtront jusqu'à devenir un enjeu majeur. Pour peser, il faudra avoir la taille nécessaire et pouvoir nouer les alliances utiles. Je vous demande de considérer que les marchés de l'énergie sont en train d'évoluer vers ce que certains observateurs appellent une bulle, qui verra les concentrations s'accélérer dans le domaine de l'énergie, comme cela s'était produit à la fin des années quatre-vingt-dix dans le domaine des technologies de l'information.

C'est aujourd'hui que se constituent les acteurs majeurs de l'énergie de demain. Cette évolution est beaucoup plus rapide que ce qui pouvait être envisagé il y a encore quelques mois. Si nous voulons conforter notre indépendance énergétique, nous ne devons pas attendre pour prendre les décisions importantes. En effet, la politique énergétique n'a tout son sens que si elle peut s'appuyer sur des entreprises puissantes, auxquelles leur taille permet de faire face aux enjeux de ce nouveau monde. C'est le cas d'EDF, mais la question est plus délicate pour Gaz de France et pour d'autres grands acteurs de l'énergie, comme Suez.

Tous les énergéticiens européens cherchent à disposer d'une taille critique qui leur permette d'investir, de renforcer leur pouvoir de négociation avec les producteurs, en particulier la Russie ou l'Algérie, de présenter une offre duale en gaz et électricité et de satisfaire la demande de leurs clients. Les acteurs de l'énergie sont donc engagés dans une course à la taille, qui est un élément déterminant pour s'assurer l'indispensable capacité d'investissement en amont, mais aussi la capacité d'approvisionnement ou de production.

Les montants en jeu sur chaque investissement ou chaque contrat d'approvisionnement à long terme sont considérables. Ils se chiffrent en milliards d'euros et laissent peu ou pas de place pour les acteurs de second rang. Il faut disposer à la fois d'une capacité financière de premier rang et d'une capacité de distribution très forte. Cette course se déroule aujourd'hui sous nos yeux. Personne ne peut dire comment elle se terminera. Elle peut prendre, je le redis - et j'en suis, en ce qui me concerne, persuadé - la caractéristique d'une bulle. Elle peut aussi se dérouler sur le long terme. Mais une chose est certaine : on ne reviendra pas en arrière. La dimension de ces enjeux est désormais planétaire.

C'est pourquoi nous menons de longue date, avec François Loos, une politique ambitieuse et volontaire, dont je souhaite rappeler les grandes lignes.

D'abord, pour répondre aux défis des prix du pétrole, nous avons engagé un dialogue constructif avec les principaux pays producteurs, afin de favoriser les investissements dans les installations de production et de raffinage et d'améliorer la transparence des marchés pour lutter contre les phénomènes spéculatifs.

Je mène ce combat au nom du Gouvernement dans l'ensemble des enceintes où j'ai l'honneur de représenter notre pays à l'ECOFIN, à l'Eurogroupe, au G8. Celui-ci s'est tenu, la semaine dernière, à Saint-Pétersbourg.

Oui, la France est considérée aujourd'hui comme l'un des pays qui appréhendent le mieux et avec le plus de courage cette problématique.

Pour favoriser les investissements dans les outils de production d'électricité, nous réalisons une démarche prospective à moyen terme, la programmation pluriannuelle des investissements, dont nous venons de vous transmettre le dernier rapport pour 2005-2015. Elle permet à toutes les parties prenantes de disposer d'une information fiable sur l'évolution des besoins et des ressources en électricité, suscitant ainsi les investissements nécessaires. Il faut disposer d'une certaine visibilité pour mobiliser de telles ressources en amont.

Par ailleurs, l'augmentation de capital d'EDF, rendue possible par son introduction en Bourse, lui a donné les moyens de réaliser l'un des plus importants programmes d'investissement qu'elle ait jamais menés : 40 milliards d'euros d'ici à cinq ans, à la fois dans la production et dans les réseaux.

Répondre aux enjeux des hydrocarbures chers, c'est aussi trouver des sources d'énergie alternatives et limiter la croissance de nos besoins. En matière de transport, l'action du Gouvernement en faveur des biocarburants est également d'une ampleur sans précédent.

Un plan biocarburants très ambitieux a été engagé par le Gouvernement afin de porter nos objectifs d'incorporation à 7 % en valeur énergétique en 2010 et 10 % en 2015, soit au-delà, vous l'aurez noté, des obligations communautaires. Deux appels d'offre ont ainsi été lancés sur 2005 et 2006 afin d'agréer les quantités nécessaires et de permettre les investissements : ce ne sont pas moins de seize nouvelles usines qui seront construites, ce qui représente un investissement de 2 milliards d'euros.

Au-delà de ces mesures et pour préparer ce qui sera, je pense, une des évolutions majeures de nos modes de consommation de l'après pétrole, j'ai mis en place un groupe de travail associant les industries des secteurs pétrolier, automobile et agricole ainsi que les consommateurs afin de développer d'ici à 2010 le « flex fuel », c'est-à-dire la capacité d'avoir des moteurs qui puissent être alimentés à la fois à l'essence traditionnelle et aux biocarburants, et, en particulier, au bioéthanol.

En matière d'électricité et de chaleur, le soutien aux énergies renouvelables n'a jamais été aussi fort. Dès à présent la France occupe la place de premier producteur européen d'énergie renouvelable, devant la Suède et l'Allemagne. Nous nous sommes pourtant fixé des objectifs encore plus ambitieux d'ici à 2010 : plus 50 % pour la chaleur renouvelable, 21 % de l'électricité d'origine renouvelable - contre 14 % en 2004. Pour les atteindre nous avons mis en place - cela a fait l'objet de nombreux échanges entre nous - des tarifs de rachat garantis pour l'électricité renouvelable, des crédits d'impôt ainsi que des subventions.

L'action des gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin dans le domaine énergétique a donc été - et continue d'être - exemplaire face aux défis auxquels nous sommes confrontés.

Elle s'est concrétisée par deux lois essentielles déjà adoptées par votre assemblée.

Avec la loi du 9 août 2004, nous avons permis à EDF et à Gaz de France d'être en mesure de saisir les opportunités stratégiques liées - c'était ce qui était déjà très précisément indiqué - à l'évolution des marchés de l'Europe de l'énergie et, ainsi, de se préparer à la transposition de la directive au plus tard en juillet 2007. Certes, nous aurions pu la transposer alors.

Le Parlement en a décidé autrement. Je respecte son choix.

Il a décidé de se donner un peu de temps.

Le rendez-vous est arrivé. Il faut, mesdames et messieurs les députés, l'assumer. Je me permets de vous mettre en garde contre le fait qu'une non-transposition de cette directive conduirait à une application directe de celle-ci, sans possibilité de l'adapter à nos spécificités politiques.

Cette loi a permis de doter EDF et Gaz de France des capitaux nécessaires à leur développement, avec les ouvertures de capital de 2005. Ces évolutions se sont accompagnées d'engagements très clairs sur les investissements nécessaires au développement de ces entreprises et à la sécurité d'approvisionnement national. Les contrats de service public signés la même année par l'État avec ces deux entreprises ont permis de conforter leurs missions en matière de sécurité, de qualité de service rendu aux usagers et de présence territoriale, ainsi que de modération tarifaire.

La loi du 13 juillet 2005 a établi la feuille de route de notre politique énergétique, centrée sur la maîtrise de l'énergie et sur le développement de capacités de production d'énergies nouvelles, mais aussi nucléaire, avec la décision de construire en France une nouvelle centrale nucléaire de troisième génération, l'EPR. Nous reprenons ainsi le flambeau de nos prédécesseurs, qui, dans les années soixante-dix, ont su faire les choix stratégiques judicieux et doter notre pays d'un outil de production électrique unique au monde.

Enfin, la loi sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire, en cours de promulgation, ainsi que le projet de loi sur les déchets radioactifs, qui sera débattu en deuxième lecture cette semaine, permettront de renforcer le cadre réglementaire applicable à ce secteur.

Nous conduisons donc une action volontariste à grande échelle, qui ne laisse de côté aucun des grands leviers de la politique énergétique. Dans ce contexte, la responsabilité de chaque entreprise est de proposer les évolutions qui lui permettront de renforcer sa position dans l'intérêt de ses clients, de ses salariés et de ses actionnaires.

Il est de la responsabilité de Gaz de France comme de Suez ou de tout autre groupe énergétique de choisir et de proposer leurs stratégies et leurs meilleurs projets. Il est de la responsabilité de l'État de veiller à la défense de ces intérêts.

Cette analyse stratégique sur la situation de Gaz de France, l'entreprise l'a effectuée, et François Loos et moi-même ainsi que l'ensemble de nos services l'avons examinée au cours de la longue concertation que nous avons menée.

Elle conduit à un constat simple, que je me dois de partager avec vous : face au mouvement de consolidation des acteurs de l'énergie en Europe, Gaz de France n'est qu'un acteur de taille moyenne - et cela n'est pas péjoratif, c'est une réalité par rapport aux géants comme EDF, EON et Enel.

J'ai lu que certains voudraient marier Gaz de France avec EDF.

Figurez-vous que, peu de temps après avoir pris mes fonctions, je me suis posé la même question.

J'ai donc demandé à mes services de l'instruire. La réponse a été simple - et rejoint le verdict qui est tombé au Portugal il y a quelques jours - : c'est tout simplement impossible pour des problèmes de concentration.

Je tiens à votre disposition l'analyse juridique de mes services, qui est confortée par ce qui vient de se passer au Portugal. Ce n'est que chimère.

Voilà la réalité. Voilà le monde dans lequel nous vivons.

Certes, Gaz de France dispose de 7 millions de clients particuliers et de 11 millions de clients au total.

Certes, Gaz de France a, avec ses 30 000 salariés, une capacité humaine et des savoir-faire unanimement reconnus.

Certes, Gaz de France dispose de contrats d'approvisionnement à long terme, qui ont été négociés avant la hausse récente du prix du pétrole et lui assurent à ce stade - et uniquement à ce stade - une sécurité d'approvisionnement.

Certes, Gaz de France dispose d'un réseau de transport, d'un savoir-faire reconnu auprès des collectivités locales françaises et d'une image forte auprès des Français.

Certes, Gaz de France c'est tout cela.

Mais Gaz de France n'est qu'un acteur de taille moyenne. Ce n'est pas un acteur décisif dans le gaz. Il ne représente que 14 % des ventes de gaz en Europe. Dans un marché ouvert à l'échelle de l'Europe, il ne sera qu'un acteur de petite taille.

Gaz de France n'est que le distributeur d'un gaz qu'il achète. Son activité de production est très faible, quasiment inexistante. Dans un contexte où le rapport de forces est favorable aux producteurs, l'entreprise sera soumise, comme les autres distributeurs, à une forte pression lors de la renégociation de ses contrats.

Gaz de France n'est pratiquement pas présent dans l'électricité. Or, dans un marché de l'énergie qui se consolide, il est indispensable de pouvoir offrir le choix à ses clients entre plusieurs sources.

Face à ce constat, on ne peut que tirer la conclusion que Gaz de France doit pouvoir s'adapter et trouver les meilleures alliances pour l'entreprise, pour ses clients et pour ses salariés. Ces alliances ne seront possibles que si l'entreprise dispose d'une liberté suffisante sur son capital.

Ce constat, Gaz de France l'a partagé à l'automne dernier avec le groupe Suez, qui parvenait aux mêmes conclusions pour sa propre situation.

Conscients de ces défis stratégiques, Gaz de France et Suez ont amorcé, dès l'automne 2005, des discussions en vue d'une coopération industrielle, qui ont déjà débouché sur un premier accord portant sur la production électrique dans le Sud de la France.

Mais il est rapidement apparu qu'un rapprochement plus étroit avec Suez permettrait à Gaz de France de compenser ses faiblesses stratégiques, tout en conservant la maîtrise de son développement au travers d'un mariage entre égaux. Du point de vue de Gaz de France, l'alliance avec Suez est la meilleure perspective stratégique, comme cela a été relevé par la totalité des analystes du secteur, avec une complémentarité géographique et technique parfaite et sans destruction d'emplois, les synergies étant supérieures à celles que procurerait une alliance avec un opérateur britannique ou espagnol, avec lesquels l'intégration des équipes aurait, par ailleurs, été sans doute plus difficile.

En devenant le premier fournisseur de gaz en Europe, le nouveau groupe serait incontournable pour les producteurs, ce qui lui offrirait les meilleures perspectives pour acheter du gaz dans les conditions les plus compétitives et ainsi mieux servir ses clients. Il serait également en mesure de mener une politique d'investissement dans l'amont gazier encore plus volontaire. Ce point deviendra essentiel, mesdames, messieurs les députés, dans les prochaines années. Il en aura les moyens financiers. Il faut avoir le bilan pour pouvoir se lancer dans de tels investissements. Il aurait également une capacité équilibrée en électricité et en gaz, ce qui est un atout considérable pour ses clients.

Suez et Gaz de France se connaissent bien, ont des cultures d'entreprise proches et partagent déjà un grand nombre de valeurs, notamment celles du service public fondées sur une activité reposant largement sur des délégations de service public. À ce titre, toutes les missions de service public de Gaz de France dans l'énergie et de Suez dans l'eau seraient naturellement - je le dis avec force, car c'est incontournable - maintenues et tous les engagements pris dans ce cadre seront évidemment tenus.

Étant donné les complémentarités exceptionnelles que présentent ces deux entreprises, elles ont rapidement été convaincues que leur fusion était pour chacune d'entre elles le meilleur projet stratégique.

Compte tenu de ces éléments, vous l'avez compris, la démarche du Gouvernement a été dictée par le seul esprit de responsabilité. Notre objectif est simple : préparer le meilleur avenir industriel possible pour Gaz de France, pour qu'il continue à contribuer à notre sécurité énergétique.

Nous avons dressé un premier constat : il est vital - je dis bien vital - pour Gaz de France de disposer de flexibilité sur son capital pour pouvoir choisir le type d'alliance qu'il pourra conclure - et non pas être limité à 70 % -, et être maître de son destin. Quel type d'alliance ? J'entends ici ou là formuler des idées. Pourquoi pas ? Encore faut-il pouvoir les réaliser !

Si vous ne souhaitez pas vous prononcer sur le projet de Suez et de Gaz de France - ce qui, du reste, n'est pas demandé au Parlement -, il est de votre responsabilité de déterminer si, oui ou non, l'évolution du capital de Gaz de France lui permettra de relever les défis de l'avenir ? Il appartiendra ensuite à l'entreprise et à son conseil d'administration, dans lequel l'État est majoritaire, de définir la meilleure stratégie.

Souvenez-vous de ce qui s'est passé en 2000, où, dans des secteurs stratégiques, des entreprises, parce qu'elles ont été bloquées, ont dû s'endetter pour des montants tels que l'on sait où cela nous a menés !

La stratégie des entreprises leur appartient. L'État n'est là que pour la contrôler et aider à la mettre en œuvre. Encore faut-il qu'il ait la possibilité de le faire.

C'est la question qui vous sera posée aujourd'hui et à laquelle il vous appartiendra de répondre.

Nous avons dressé un deuxième constat : cette question se pose dès aujourd'hui. La différer, c'est prendre le risque que Gaz de France - je le dis en toute sincérité et avec une certaine solennité - soit isolé pour l'avenir. C'est la préoccupation première du ministre de l'industrie. Je vous demande, mesdames, messieurs les députés, de considérer ce point : Gaz de France ne pourra pas continuer longtemps comme cela, sans partenaire long terme, sans accroître sa capacité d'investissement en amont.

Enfin, un projet industriel de rapprochement avec Suez nous a été proposé par Gaz de France, avec le soutien de Suez. Ce projet a été reconnu par tous les experts du secteur comme sans doute le plus porteur pour l'entreprise. Après l'avoir expertisé, je l'ai dit tout à l'heure, pendant trois mois, je suis convaincu, comme François Loos, ministre délégué à l'industrie, que c'est le meilleur projet industriel envisageable pour l'entreprise et le plus complémentaire.

Pour agir en toute responsabilité, le Gouvernement devait réunir tous les éléments d'appréciation. C'est pourquoi nous avons engagé une démarche en trois temps.

Le premier temps a été celui, est encore celui de la concertation, puisque nous y sommes encore.

D'un point de vue social d'abord, après plus de trente réunions avec les organisations syndicales, des réponses écrites ont été apportées aux soixante et onze questions des syndicats, qui étaient toutes pertinentes, toutes légitimes. Le tout s'est déroulé, mesdames, messieurs les députés, dans un contexte républicain, dans un contexte de sérieux, que je tiens à souligner aujourd'hui devant la représentation nationale.

Les organisations syndicales, que ce soient celles de Suez, qui soutiennent à l'unanimité ce projet, ou celles de Gaz de France, ont été des partenaires sérieux, responsables dans cette concertation. Je tenais à vous en faire part.

La concertation a été également juridique. Nous avons saisi le Conseil d'État, pour examiner les conséquences du projet de fusion sur les missions de Gaz de France. Le Conseil d'État a confirmé que la privatisation de Gaz de France était possible sans impact sur le périmètre et les activités actuelles de l'entreprise.

D'un point de vue sectoriel, le Conseil supérieur de l'électricité et du gaz a été saisi d'une concertation sur l'adaptation nécessaire des marchés de l'énergie en France à nos engagements européens.

Au terme d'un travail d'un grand sérieux - et je tiens à en remercier M. Jean-Claude Lenoir -, il a pu orienter nos travaux, afin de préserver les intérêts des consommateurs. J'y reviendrai tout à l'heure.

Enfin, la concertation devait avoir lieu avec vous, mesdames et messieurs les députés, et demain avec les sénateurs. Nous avons voulu ce débat, qui se situe dans le temps de la concertation, pour permettre à chacun d'apprécier l'ensemble des enjeux, hors esprit polémique, hors idéologie, et de se prononcer sur ce projet, en son âme et conscience, dans l'intérêt de la France.

Nous passerons ensuite au deuxième temps : celui du débat législatif si vous partagez l'opinion du Gouvernement sur la nécessité de donner à Gaz de France la souplesse nécessaire à la réalisation de ses projets et alliances industrielles, pour faire face aux nouveaux défis de l'énergie, tout en sécurisant les aspects stratégiques pour la nation et les consommateurs. Le Gouvernement a engagé la préparation d'un projet de loi qui est en cours d'examen au Conseil d'État. Je souhaite que notre débat, aujourd'hui, nous permette d'avancer dans la définition du contenu définitif de ce texte, grâce à l'ensemble de vos remarques et commentaires.

Beaucoup d'interrogations émanaient des élus, des partenaires sociaux et de l'ensemble des acteurs. J'en citerai quelques-unes pour mémoire.

Quel est le niveau adéquat de contrôle du capital Gaz de France par l'État ? II faut trouver un équilibre entre la flexibilité nécessaire à Gaz de France pour nouer des alliances et le contrôle d'une part suffisante du capital de l'entreprise par l'État. Je vous apporterai une réponse précise. Comprenons-nous bien : il ne s'agit en aucun cas de vendre des actions ou de demander l'autorisation de vendre des actions de Gaz de France en deçà du seuil des 70 %. Le seul objectif, quelles que soient les évolutions ultérieures et les partenariats qui pourront être noués avec une ou plusieurs entreprises, est de définir le cadre juridique. Il ne suffit pas de s'interroger, il faut se poser, ensemble, les bonnes questions.

Il faut définir le seuil nécessaire pour que l'État puisse exercer aisément son contrôle sur l'entreprise. Dans ce contexte, nous vous proposerons un projet de loi. Il est clair que l'État ne pourra diminuer sa participation que dans le cadre de partenariats ou d'alliances stratégiques. C'était d'ailleurs la solution le plus souvent retenue par le parti socialiste, lors de la privatisation d'entreprises. J'en suis le vivant exemple.

Vous avez eu raison, messieurs les députés, socialistes en particulier, de mettre en place cette jurisprudence. J'invite la représentation nationale à se l'approprier à nouveau dans ce cas précis. Je pense qu'il sera nécessaire de maintenir pour Gaz de France la minorité de blocage, afin que l'État puisse, dans son rôle d'actionnaire, s'opposer à tel ou tel projet stratégique qui ne serait pas dans l'intérêt de l'État actionnaire.

Nous proposons de donner cette souplesse, mais c'est encore un point en débat, uniquement dans le cadre de partenariats stratégiques, la minorité de blocage permettant de préserver les intérêts nationaux.

Deuxièmement, les pouvoirs d'actionnaires doivent être complétés, afin d'assurer le contrôle public sur le nouveau groupe, pour que les intérêts nationaux soient protégés, en particulier pour ce qui concerne la sécurité d'approvisionnement.

C'est dans ce but que la mise en place d'une action spécifique pourrait être proposée, notamment sur les terminaux méthaniers ou sur les réserves stratégiques.

Elle permettrait à l'État de s'opposer à toute décision de l'entreprise qui remettrait en cause les intérêts nationaux, dans le respect de nos engagements européens. Le seuil de détention minimale d'un tiers du capital sera prévu dans la loi. Enfin, des commissaires du Gouvernement seront placés dans les filiales régulées du nouveau groupe.

Autre question légitime à l'issue de ces quatre mois de concertation : quelle sera la prochaine étape ? Le nouveau groupe sera-t-il « opéable » ? Avec plus d'un tiers du capital détenu par l'État, les évolutions industrielles ou capitalistiques futures du groupe supposeront nécessairement le soutien absolu de l'État.

Y a-t-il un impact sur les missions de service public et sur les tarifs ?

Je veux le dire de la façon la plus claire : il n'y a aucun lien entre la détention du capital, l'origine de la détention du capital, qu'elle soit privée ou publique, et les tarifs ou la définition des missions de service public. Il n'y a aucun lien aujourd'hui. Il n'y aura aucun lien demain.

Je le répète : c'est la CRE - la Commission de régulation de l'énergie - qui propose au ministre les évolutions tarifaires. Le ministre signe, non en tant qu'actionnaire, mais en tant que ministre.

J'ai pris cette décision, comme vous en d'autres temps. Lorsque vous avez décidé, entre 1999 et 2000, d'augmenter de 30 % les tarifs du gaz, l'État détenait 100 % du capital de Gaz de France. Je ne veux pas croire - d'ailleurs je ne le crois pas - que vous ayez augmenté les tarifs pour combler le déficit budgétaire. Vous y avez été contraint par la loi, qui prévoyait d'appliquer le transfert de l'augmentation des cours d'approvisionnement sur le consommateur. C'est la loi ; cela n'a rien à voir avec la détention du capital.

J'ajoute que tous les engagements envers les partenaires sociaux seront respectés et maintenus. C'est un sujet absolument essentiel, sur lequel nous avons passé beaucoup de temps dans la phase de concertation qui s'achève. Le statut du personnel des industries électriques et gazières sera maintenu. Je le dis clairement devant vous, mesdames et messieurs les députés.

L'existence d'un service commun entre EDF et Gaz de France pour la distribution sera réaffirmée dans la loi. Pour les salariés de Suez et de Gaz de France, c'est la chance de participer à l'essor d'un nouveau géant industriel, tout en conservant un statut auquel ils sont très attachés, et le Gouvernement aussi.

Autre question essentielle : comment assurer la protection du consommateur sur le marché de l'énergie ? La protection du consommateur est une préoccupation première du Gouvernement, mais vous m'accorderez sans doute le fait qu'elle se pose indépendamment - je le redis - du capital de Gaz de France. Nous devons faire des choix importants pour l'organisation du marché de l'électricité et du gaz en France.

Je veux tout d'abord faire le point précisément sur la fourniture de gaz et d'électricité aux particuliers. Nous devons éviter une situation de vide juridique au 1er juillet 2007 pour nos concitoyens vis-à-vis de leurs fournisseurs de gaz et d'électricité. Pour cela, des mesures législatives sont nécessaires pour transposer les directives européennes sur le marché de l'énergie, dans des conditions assurant la protection des consommateurs.

En effet, les directives européennes de 2003 prévoient l'ouverture complète à la concurrence des marchés de l'électricité et du gaz. Ces directives sont d'application directe sur certains points. Ainsi, même sans transposition législative, je le répète, les consommateurs pourraient se faire démarcher dès le 1er  juillet 2007 par des concurrents français ou étrangers d'EDF et de Gaz de France, en dehors de tout cadre.

Pire ! Tout notre édifice juridique définissant les tarifs réglementés risquerait de devenir obsolète dès le 2 juillet 2007 et pourrait être annulé en cas de contentieux.

Notre responsabilité collective est donc de proposer un cadre cohérent, afin de protéger les consommateurs.

La date du 1er juillet 2007 doit signifier pour eux des possibilités supplémentaires, non la fin des tarifs réglementés qui constituent une légitime protection.

Je rappelle que, en 2004, le Parlement a décidé de ne pas transposer la directive. Il a remis ce sujet à plus tard. Nous y sommes aujourd'hui. Pour des raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas, on n'a pas voulu transposer plus tôt. Il faut se poser la question maintenant. N'attendons pas ! Il est de mon devoir de vous le rappeler.

Je suis ministre depuis quinze mois. Il ne faut pas tarder. Ne perdons pas de temps. Il convient de transposer la directive, tout en fixant des règles prémunissant les consommateurs contre toute dérive et en dotant l'existence de ces tarifs d'une base juridique adaptée.

Il serait inenvisageable de traiter le projet Suez-Gaz de France sans répondre simultanément aux nombreuses questions des partenaires sociaux, des acteurs du secteur et de la représentation nationale sur l'évolution du secteur de l'énergie et en particulier sur les questions de coexistence entre prix et tarifs.

Comme je l'évoquais tout à l'heure, nous avons saisi le Conseil supérieur de l'électricité et du gaz, présidé par Jean-Claude Lenoir et auquel participent d'autres parlementaires, comme les députés de Gaulle et Nicolas et les sénateurs Revol et César.

Au terme d'un travail d'un grand sérieux, je le répète, au cours duquel toutes les parties prenantes ont pu s'exprimer - les syndicats, les entreprises, les consommateurs, les collectivités locales et, bien entendu, la Commission de régulation de l'énergie -, le CSEG nous a rendu un rapport qui a orienté nos travaux.

Malgré les points de vue naturellement divers qui s'expriment au sein du CSEG, plusieurs constats de consensus ont émergé.

D'abord, la France a su mettre en œuvre les directives européennes tout en conservant un modèle propre original et efficace. Cette plus-value doit être préservée.

Deuxièmement, le développement des investissements associé à une politique de maîtrise de l'énergie : ce sont là des fondamentaux indispensables.

Troisièmement, le maintien de l'existence de tarifs réglementés.

Nous privilégierons donc une approche favorisant systématiquement ces recommandations et, à travers elles, la protection des consommateurs.

Le Gouvernement souhaite proposer à tous les consommateurs particuliers qui le souhaitent de pouvoir rester au tarif réglementé. Dans les propositions que nous pourrions vous faire dans un projet de loi, nous veillerions par exemple à ce que, lors de chaque déménagement, une personne puisse à nouveau avoir accès à ce tarif. Nous proposerions aussi la mise en place d'un tarif social pour le gaz, similaire à celui existant pour l'électricité : les personnes en situation de précarité pourront avoir accès à une certaine quantité de gaz naturel dans des conditions préférentielles.

En second lieu, je souhaite aborder la question sensible des prix de marché pour les entreprises, notamment pour les PME et PMI.

L'évolution récente des prix de l'électricité fournie aux entreprises par les opérateurs sur le marché concurrentiel est une préoccupation majeure pour le Gouvernement, comme pour certains d'entre vous, notamment le président de la commission des finances, avec qui nous avons des discussions constructives - et, je l'espère, efficaces - sur ce sujet depuis un certain temps.

Mais là aussi, il faut être clair : ce sujet est totalement indépendant de celui des tarifs du gaz ou de l'électricité, comme il est indépendant de la question de la souplesse accordée à l'évolution du capital de Gaz de France.

Confrontée à la forte hausse du prix des hydrocarbures et à la disparition des surcapacités de production en électricité, l'Europe voit les prix de l'électricité augmenter de façon importante et continue depuis 2004.

Pas pour les particuliers, puisque nous avons garanti l'évolution tarifaire. Nous sommes le seul pays à l'avoir fait, grâce au choix du nucléaire. Nous n'augmentons pas plus vite que l'inflation. Nous sommes le seul pays au monde à pouvoir le faire. C'est notre fierté nationale.

En revanche, les entreprises qui ont choisi entre 2000 et 2003 de faire jouer la concurrence et de bénéficier de prix inférieurs aux tarifs se trouvent aujourd'hui parfois confrontées à des hausses trop importantes.

J'entends le mécontentement de certains industriels qui voient les prix de leurs contrats augmenter d'une façon parfois inacceptable, et je le comprends. Ce mécontentement est compréhensible et appelle une réponse forte.

Nous allons y répondre de manière claire et concrète d'abord de façon structurelle, en assurant une capacité de production suffisante à long terme. C'est tout le sens de l'action gouvernementale en matière d'investissements en France et en Europe.

Ensuite, en apportant une réponse coordonnée avec d'autres pays européens. Nous avons mis en place un groupe de travail avec quatre autres pays européens, et notamment l'Allemagne, pour proposer des actions visant à limiter l'impact excessif du marché du CO2 sur la formation des prix de l'électricité, et en particulier à obtenir une révision de la directive « quotas ».

Nous apporterons aussi des réponses directes, à court terme. Pour aider à améliorer la situation des entreprises consommatrices d'électricité qui subissent des hausses importantes, le Gouvernement prend des mesures significatives, que je rappellerai très brièvement.

Pour les entreprises électro-intensives, un dispositif de consortium, mis en place par la loi de finances rectificative 2005, a permis à ces industriels de se regrouper pour investir indirectement, à travers les producteurs d'électricité, dans des moyens de production et bénéficier en contrepartie, sur de longues périodes - une vingtaine d'années -, de prix stables fondés le plus possible sur les coûts de production. Ce sont plus de soixante très grandes entreprises qui sont concernées, PME comme grands groupes, représentant plus de 20 % du marché de l'électricité ouvert à la concurrence.

Pour les PME et PMI, les entreprises concernées par une hausse brutale des prix de l'électricité sont en nombre modéré, mais elles se trouvent parfois confrontées à des situations très difficiles. Pour faire face à cette difficulté réelle, François Loos a organisé une table ronde le 15 mai dernier avec les producteurs d'énergie. Elle a permis d'obtenir plusieurs engagements concrets de modération des prix en faveur de ces entreprises.

Les producteurs se sont engagés sur des offres commerciales non indexées à la hausse sur les prix du marché et permettant aux clients de bénéficier des baisses. Ils se sont également engagés à proposer des contrats de plus long terme pour apporter une meilleure visibilité aux clients. Ils ont également accepté de renégocier certains contrats. Nous y veillons et nous les inciterons à aller encore plus loin.

Je mesure pleinement l'importance de ce sujet. Vous êtes nombreux à vous en inquiéter, à juste titre. Nous allons suivre la mise en œuvre de ces engagements par les opérateurs. Si ces actions semblaient sans effet suffisant, nous serions prêts à envisager avec vous les dispositions législatives ou réglementaires nécessaires - dans le respect, bien sûr, des règles communautaires - pour répondre à cet enjeu essentiel : la compétitivité de notre industrie.

Au terme d'un processus de concertation approfondie, reconnue comme telle par tous ceux qui y ont participé, nous entrons dans une phase où chacun devra se déterminer sur ce projet. Il s'agit d'un grand projet industriel, instruit avec soin. Nous en mesurons pleinement l'enjeu : il est à la mesure des défis qui se posent à notre pays et à nos entreprises.

La France se doit de défendre son excellence industrielle dans le domaine de l'énergie. L'action du Gouvernement, sur la scène nationale, européenne et internationale nous prépare à l'ère du pétrole rare et cher. Cette action doit pouvoir s'appuyer sur des groupes industriels puissants.

Avec EDF, la France a le premier électricien nucléaire mondial. Il est, je le rappelle, hors de question de toucher au capital d'EDF. Avec Areva, elle a le numéro 1 mondial du nucléaire. Avec Total, elle a l'un des tout premiers groupes pétroliers au monde.

Soyons lucides sur la réalité de Gaz de France. GDF - et ce n'est pas faire lui faire injure que de le dire - ne joue pas dans la même catégorie qu'EDF, Areva ou Total.

C'est précisément pourquoi la capacité de GDF de nouer des alliances stratégiques est un enjeu vital. Laissons-lui la possibilité de forger son destin. Aujourd'hui, nous pouvons créer un quatrième leader mondial de l'énergie, basé en France. Devons-nous saisir cette chance ? Gaz de France a-t-il un autre partenaire potentiel ?

Il faut regarder avec sérieux, mais je me suis penché sur ce dossier, monsieur Lellouche, sans aucun a priori. Je me dois de vous livrer le résultat de quatre mois de concertation. Il vous appartiendra de juger. Je sais qu'il y a des experts de l'énergie parmi vous et je les respecte.

Il vous appartiendra de décider ce que nous voulons faire pour l'avenir de Gaz de France.

Devons-nous saisir cette chance ? La question est posée ici et maintenant, car ce qui est possible aujourd'hui ne le sera pas forcément dans quelques mois ou dans quelques années.

Alors, ne nous trompons pas de débat. Nous aurions pu, les uns ou les autres, souhaiter un autre calendrier - je le dis sans fard - pour faire évoluer la loi de 2004. Mais la réalité du monde économique qui nous entoure en a décidé autrement. C'est un fait. La consolidation du secteur de l'énergie est déjà en route en Europe, sans aucune considération pour les échéances électorales ici ou là.

Nous aurions pu souhaiter une étape intermédiaire avant la fusion. J'ai moi-même très sérieusement examiné cette option. Ceci était bien sûr envisageable. Je rappelle toutefois que ce n'était pas la proposition des deux entreprises. C'est un fait. Elles ont estimé de leur devoir, face aux défis qui sont les leurs, de proposer une fusion totale immédiatement.

Ces éventuels regrets mis de coté face à la simple réalité des faits, le débat ne doit porter que sur quatre vraies questions, que je me permets, avec humilité, de poser.

Faut-il ou non autoriser Gaz de France à faire évoluer la structure de son capital pour préserver son avenir en lui permettant de jouer son rôle à armes égales dans la consolidation européenne, quels que soient, du reste, les projets ? Ce peut être Suez ou d'autres projets. Encore faut-il que nous permettions à Gaz de France de se poser ces questions.

Certaines propositions sont peut-être pleines de bon sens et de réalisme. Mais dans quel cadre pourrions-nous les mettre en œuvre ? Nous devons donc nous poser ces questions, et je crois, pour ma part, après quatre mois d'analyse, que le projet est un bon projet.

Le projet présenté par Gaz de France et soutenu par Suez est-il le meilleur qui puisse être envisagé pour Gaz de France ? Je vous ai livré ma réponse, mais il ne s'agit que de ma réponse. Lorsque j'ai été contacté par les entreprises, j'étais circonspect. Et comme vous, j'ai voulu avoir des réponses aux nombreuses questions que je me posais.

L'État conservera-t-il dans cette hypothèse tous les moyens d'assurer un véritable contrôle sur les missions de service public et les actifs stratégiques de Gaz de France ? C'est la troisième question.

Enfin - mais ceci est un sujet différent - les intérêts des consommateurs seront-ils protégés dans le contexte des évolutions à venir des marchés de l'énergie ?

À ces quatre questions décisives, vous l'aurez compris, je vous réponds oui sans aucune hésitation.

Oui, Gaz de France a besoin aujourd'hui et maintenant de pouvoir faire évoluer son capital à la seule condition que ce soit pour nouer une alliance décisive dans le cadre d'un projet industriel stratégique et certainement pas pour que l'État vende des actions. En tout cas, telle est ma recommandation.

Oui, nous sommes en situation de créer un leader mondial et européen de l'énergie de plus, enraciné en France, tout spécialement fort dans le domaine ultrasensible du gaz, où nous sommes vulnérables compte tenu de la concentration de la ressource mondiale dans quelques pays.

Oui, nous conserverons plus de 33 % du capital du futur groupe, des actions spécifiques sur tous les actifs importants de GDF et une vraie régulation publique inchangée des missions de service public et de GDF.

Oui, enfin, les modalités d'ouverture à la concurrence du marché de l'énergie pour les particuliers sont très protectrices des intérêts de nos consommateurs : possibilité de pouvoir rester au tarif réglementé, d'y retourner à l'occasion de chaque déménagement, et mise en place d'un tarif social pour le gaz.

Nous le savons, mesdames messieurs les députés, notre monde est en profond changement, qu'il s'agisse des équilibres économiques internationaux, des tensions sur les matières premières ou de la compétition croissante pour l'accès à l'énergie. C'est pourquoi notre devoir à tous est de procéder dans le dialogue, la concertation et la dignité républicaine à toutes les adaptations utiles pour préserver l'intérêt et la sécurité de nos concitoyens.

Nos compatriotes sont conscients des défis et attendent légitimement que nous prenions nos responsabilités. En ce qui me concerne, j'ai souhaité vous faire partager le résultat de quatre mois de travail approfondi que j'ai mené avec mes équipes en concertation avec les organisations syndicales. Je sais que la décision à prendre est difficile. Je sais qu'elle est courageuse dans le contexte que nous vivons. Faut-il pour autant l'éluder ? Je ne le crois pas. Les vacances parlementaires se profilent, c'est vrai, mais je suis sûr que chacune et chacun saura prendre ses responsabilités.

 

Imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
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ISBN : 2-11-121306-3
ISSN : 1240 - 8468

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N° 3158 - Déclaration du Gouvernement sur la politique énergétique de la France