ASSEMBLÉE NATIONALE
23 juillet 2004
(15 heures 10)

MOTION DE CENSURE
(déposée en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le projet de loi relatif aux responsabilités locales)

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En engageant sa responsabilité sur le projet relatif aux libertés et aux responsabilités locales, le Premier ministre n'hésite pas à bafouer les droits du Parlement pour faire passer en force ce texte, en plein cœur de la session extraordinaire.

Ce coup de force est un aveu de faiblesse pour le Premier ministre et constitue une grave atteinte au respect de la représentation nationale.

Depuis deux ans, l'action du Gouvernement se résume à une politique brutale envers les plus démunis et à l'octroi de largesses envers les plus aisés, en faisant payer la baisse des impôts par une forte augmentation de tous les prélèvements sur l'ensemble des ménages.

Cette méthode est dangereuse, elle consiste à dénoncer les droits sociaux comme des avantages indus et à culpabiliser ceux qui en bénéficient.

Les résultats de cette politique sont sans appel : augmentation du chômage, multiplication des plans de licenciement, explosion des déficits de l'État et de la sécurité sociale, aggravation des inégalités, développement de la précarité.

Les réformes gouvernementales sont devenues synonymes d'injustice et de régression.

Les Français ont d'ailleurs condamné avec force cette politique à l'occasion des élections régionales et cantonales puis lors des élections européennes. Le Gouvernement et le Président de la République n'en ont tiré aucune conclusion et sont restés sourds au message des Français.

Plus grave encore, le Gouvernement s'obstine dans cette voie en imposant, lors de la session extraordinaire, la discussion de projets de loi aggravant encore et durablement les effets de cette politique.

Ainsi, le projet de loi relatif à l'assurance maladie ne correspond pas à la réforme nécessaire de notre système de santé. Le Gouvernement s'est contenté d'accuser à tort ses prédécesseurs de la dérive des comptes et de reporter sur les générations futures la dette accumulée pendant cette législature.

Le comble est atteint aujourd'hui avec le recours à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution sur le vote du projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités locales, comme si le Premier ministre entendait solder deux ans de discussion non aboutie.

Ce projet de loi, sous couvert de cohérence et de proximité, renforce les inégalités territoriales. Il porte atteinte à l'unité des services publics et organise leur démantèlement. Et surtout, il aboutit à transférer les déficits de l'État sur les collectivités territoriales, contraintes ainsi à augmenter leurs impôts et à remettre en cause des politiques publiques essentielles.

Le fossé entre le Gouvernement et les Français ne fait que s'amplifier.

Nous assistons à un véritable verrouillage démocratique à tous les niveaux. Les citoyens ne sont pas entendus, le Parlement n'est pas respecté et les pouvoirs de l'ensemble des institutions de la République sont concentrés sans scrupule dans les mêmes mains. Les nominations de complaisance dans les postes clés de l'appareil d'État et des services publics se multiplient. Tous les dispositifs qui veillaient à interdire une trop grande concentration dans les médias ont été démantelés.

Cette mainmise s'accompagne de dangereux reculs des droits et libertés des citoyens à travers l'adoption de lois qui constituent des menaces pour la vie privée et la liberté individuelle de chacun. Le dernier exemple en est la refonte de la loi dite informatique et libertés du 6 janvier 1978.

A cela s'ajoutent des dysfonctionnements inquiétants de notre justice aggravés par une politique pénale de plus en plus injuste à travers, notamment, les atteintes au principe de la présomption d'innocence. L'effet de cette politique du tout répressif conduit à des situations de détention indignes.

Enfin, cet engagement de responsabilité révèle la réalité d'un Gouvernement sans chef, divisé et miné par les rivalités au sommet de l'Etat.

Pour toutes ces raisons, l'Assemblée nationale censure le Gouvernement en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

La présente motion de censure est appuyée par les 125 signatures suivantes : 

MM Jean-Marc AYRAULT, François HOLLANDE, Mmes Patricia ADAM, Sylvie ANDRIEUX-BACQUET, MM. Jean-Paul BACQUET, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jacques BASCOU, Christian BATAILLE, Jean-Claude BATEUX, Jean-Claude BEAUCHAUD, Eric BESSON, Jean-Louis BIANCO, Jean-Pierre BLAZY, Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Maxime BONO, Augustin BONREPAUX, Jean-Michel BOUCHERON, Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, MM. François BROTTES, Jean-Christophe CAMBADELIS, Thierry CARCENAC, Christophe CARESCHE, Mme Martine CARILLON-COUVREUR, MM. Laurent CATHALA, Jean-Paul CHANTEGUET, Michel CHARZAT, Alain CLAEYS, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, M. Pierre COHEN, Mme Claude-Anne DARCIAUX, M. Michel DASSEUX, Mme Martine DAVID, MM. Marcel DEHOUX, Bernard DEROSIER, Michel DESTOT, Marc DOLEZ, François DOSÉ, René DOSIÈRE, Julien DRAY, Tony DREYFUS, Pierre DUCOUT, Jean-Pierre DUFAU, Jean-Paul DUPRÉ, Yves DURAND, Mme Odette DURIEZ, MM. Henri EMMANUELLI, Claude EVIN, Laurent FABIUS, Jacques FLOCH, Pierre FORGUES, Michel FRANÇAIX, Jean GAUBERT, Mmes Nathalie GAUTIER, Catherine GENISSON, MM. Jean GLAVANY, Gaétan GORCE, Alain GOURIOU, Mmes Elisabeth GUIGOU, Paulette GUINCHARD-KUNSTLER, M. David HABIB, Mmes Danièle HOFFMAN-RISPAL, Françoise IMBERT, MM Serge JANQUIN, Armand JUNG, Mme Conchita LACUEY, MM Jérôme LAMBERT, François LAMY, Jack LANG, Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Gilbert LE BRIS, Jean-Yves LE DÉAUT, Jean LE GARREC, Jean-Marie LE GUEN, Bruno LE ROUX, Mme Marylise LEBRANCHU, MM Patrick LEMASLE, Guy LENGAGNE, Mme Annick LEPETIT, MM Jean-Claude LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, MM François LONCLE, Bernard MADRELLE, Louis-Joseph MANSCOUR, Philippe MARTIN, Christophe MASSE, Didier MATHUS, Jean MICHEL, Didier MIGAUD, Mme Hélène MIGNON, MM. Arnaud MONTEBOURG, Henri NAYROU, Alain NÉRI, Christian PAUL, Germinal PEIRO, Jean-Claude PÉREZ, Mmes Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, Geneviève PERRIN-GAILLARD, MM Jean-Jack QUEYRANNE, Paul QUILÈS, Alain RODET, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Patrick ROY, Mme Ségolène ROYAL, MM. Dominique STRAUSS-KAHN, Pascal TERRASSE, Philippe TOURTELIER, Daniel VAILLANT, André VALLINI, Manuel VALLS, Michel VERGNIER, Alain VIDALIES, Jean-Claude VIOLLET, Philippe VUILQUE.

MM. Paul GIACOBBI, Simon RENUCCI, Mme Chantal ROBIN-RODRIGO, M. Roger-Gérard SCHWARTZENBERG.

M. Emile ZUCCARELLI

 


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