RÉSUMÉ
DU RAPPORT
- Report summary -
I.- Ce
rapport, fruit d'une mission d'information constituée en janvier 2004 sur la sécurité dans le transport aérien de voyageurs, dresse dans une première partie
un bilan sur la sécurité du transport aérien. Dans un contexte de grande vitalité du trafic aérien - 1,7 milliard de passagers en 2003 -, le nombre de
catastrophes aériennes reste relativement faible comparé à la croissance du trafic, 58 accidents ayant occasionné la mort de 621 personnes en 2003.
En effet, le transport aérien connaît une croissance dès les années 60
dont le rythme est supérieur à celui de l'économie mondiale. De 1990 à 2003, le trafic a augmenté en moyenne de 2,7% par an en nombre de passagers et de 2,8% par
an en nombre de vols. Il convient de souligner que cette croissance est nettement plus marquée au sein de l'Union européenne qu'aux Etats-Unis. Le nombre de
passagers a ainsi augmenté en moyenne de 5,5% par an au sein de l'Union européenne, contre 1,8% aux Etats-Unis. En 2003, ce marché porteur a transporté
1,7 milliard de passagers dans le monde, dont près de 100 millions de passagers sur des compagnies françaises. Cette croissance du trafic aérien devrait se
poursuivre : 2,5 milliards de passagers sont attendus pour 2015.
Ce mode de transport apparaît de plus en plus sûr au vu des
statistiques, même si des catastrophes, dramatiques en termes de pertes humaines, surviennent régulièrement. On a constaté une nette amélioration de la sécurité
sur les vols réguliers mais des zones d'ombre subsistent, avec les vols charters et l'identification de zones géographiques plus dangereuses que d'autres.
Comment expliquer cette situation ?
Il ressort des travaux de la mission que le système institutionnel
et réglementaire établissant le cadre de l'aviation civile est insuffisamment adapté à la mondialisation et à la croissance du trafic aérien. L'OACI
(Organisation internationale de l'aviation civile) est une organisation dont les pouvoirs restent insuffisants. Elle n'établit que des normes « a minima »
qui n'ont pas de valeur contraignante et qui doivent être retranscrites dans les différents pays. Leur mise en
œuvre est très inégale selon les régions du monde : si l'Europe et l'Amérique du Nord appliquent bien les normes, voire les dépassent, il n'en est pas de
même en Asie, en Amérique latine et surtout en Afrique.
L'OACI a lancé un programme d'audit des autorités de l'aviation civile
dont il ressort que 30 des 111 pays audités ne respectent pas suffisamment ces normes pour assurer un niveau suffisant de contrôle de la sécurité des avions et des
compagnies aériennes immatriculées chez eux. Certains pays n'ont pas les ressources ou la volonté politique pour assurer un tel niveau de sécurité. Les compagnies
aériennes sont alors tentées d'utiliser la division internationale du travail pour effectuer, là où les coûts et les contrôles sont moindres, le rattachement des
personnels navigants ou les opérations de maintenance. On peut ainsi craindre l'apparition de « compagnies virtuelles » et de « pavillons de complaisance » si
l'OACI n'y prête pas rapidement attention.
L'Europe, pour sa part, a très tôt lancé un processus
d'harmonisation de la réglementation en matière de sécurité, mais ce processus est encore à parfaire. Cette harmonisation est largement entamée au niveau
paneuropéen, avec la Conférence européenne de l'aviation civile (CEAC), les Autorités conjointes de l'aviation (JAA - Joint aviation authorities) et
Eurocontrol, une quarantaine de pays ayant accepté des règles communes non contraignantes dans de multiples domaines. La CEAC a, en particulier, adopté en 1996 le
programme SAFA (Safety assessment of foreign aircrafts) d'inspection des avions des pays étrangers, pour tenter de pallier l'insuffisance des contrôles dans
certains pays. Mais ces contrôles au sol réalisés en une demi-heure environ se limitent à un contrôle visuel des avions ou des documents embarqués et ne peuvent se
substituer à une surveillance technique continue.
Par ailleurs, cette harmonisation n'a pas empêché la persistance de
faiblesses chez certains pays européens. On peut citer, à titre d'exemple, la Grèce - à quelques semaines des Jeux Olympiques -, le Portugal, Chypre et la
Hongrie, voire l'ancienne république de Macédoine. Les 10 nouveaux Etats membres de l'Union européenne ont procédé à un rattrapage accéléré de leur niveau de
contrôle, mais font encore l'objet d'une surveillance particulière pour combler leur retard. Ainsi les avions de l'ancien bloc soviétique sont toujours en cours de
certification.
Ce processus d'harmonisation devrait être traduit dans l'ordre
juridique communautaire avec l'entrée en fonction depuis septembre 2003 de l'Agence européenne de sécurité aérienne (AESA). La création de l'AESA constitue une
avancée majeure, même si une réglementation communautaire de la sécurité aérienne a, depuis l'origine, accompagné la libéralisation du transport aérien lancée en
1987. En avril 2004, l'Union européenne a repris le programme SAFA de contrôle des avions des pays tiers en l'améliorant et en le rendant obligatoire. Dans chaque
Etat membre, les autorités de l'aviation civile sont chargées de mettre en
œuvre les réglementations européennes. Cette compétence revient, en France, à la Direction générale de l'aviation civile (DGAC). Le rapport se prononce
pour une augmentation des moyens de la DGAC affectés à la surveillance, avec une séparation fonctionnelle entre ses activités de régulation et de contrôle.
II.- Dans
une deuxième partie, le rapport se prononce pour un relèvement du référentiel des normes à l'origine des contrôles. Le niveau de fiabilité technique
est certes élevé, mais doit être constamment maintenu. Ce niveau de sécurité est en effet élevé dans la construction des aéronefs, mais l'exploitation et la
maintenance sont de qualité très inégale selon les compagnies aériennes et selon les pays. La mission d'information a en particulier noté le problème des pièces
détachées dont la traçabilité n'est pas établie et qui font l'objet de copies ou de trafics illicites (contrefaçon, pièces d'occasion recyclées...).
Le trafic aérien européen doit faire face a un doublement prévisible au
cours des 20 prochaines années, ce qui constitue un défi majeur pour les organismes en charge du contrôle. Le risque majeur d'accidents se situe dans la gestion
des aéroports, qui seront par ailleurs confrontés à des contraintes plus lourdes de respect de l'environnement. Le progrès technique apporte constamment de
nouveaux équipements permettant d'éviter les collisions et les règlements communautaires « ciel unique » mis en oeuvre cette année devraient permettre une gestion
commune et une utilisation flexible de l'espace en fonction des utilisations civile et militaire. Mais Eurocontrol constate une application très inégale des normes
européennes, sans accepter de divulguer les pays mis en cause.
La sécurité doit faire l'objet d'un effort continu, notamment par des
plans d'action des autorités publiques (« JSSI » en Europe et « CAST » aux Etats-Unis) et un soutien à la recherche aéronautique.
L'amélioration des normes à caractère social est également un
impératif pour améliorer la sécurité dans le transport aérien. Leur insuffisance porte en germe des risques pour la compétence du personnel navigant. Si la
formation est de qualité en France, eu égard aux standards des JAA, des difficultés de fond subsistent, ainsi que des sources d'inquiétude, notamment un risque de
dégradation de la qualification des pilotes au niveau des normes OACI. L'élargissement de l'Union européenne soulève la question de la qualification des pilotes
des pays de l'Est. Un sujet reste, par ailleurs, tabou : le recours à l'alcool et aux substances illicites. Malgré une interdiction théorique, des comportements
déviants peuvent exister, qui appellent l'introduction de contrôles aléatoires. Enfin, la durée de vol ne fait l'objet d'aucune réglementation au sein de
l'Union européenne. La législation française apparaît comme favorable au personnel navigant, même si elle n'est pas exempte de critique. L'Europe du transport
aérien reste donc à construire pour éviter que la durée de vol ne soit une source de remise en cause - au travers de la fatigue - des compétences du personnel
navigant et une source de dumping social au sein de l'Union européenne. Le projet du député européen Brian Simpson (Royaume-Uni) représente, à cet égard,
une avancée intéressante, mais encore inacceptable en l'état.
III.- Dans
une troisième partie, le rapport se prononce pour un renforcement des contrôles et pour plus de prévention. Les contrôles doivent être renforcés,
afin que tous les pays assurent un niveau satisfaisant de sécurité sur leur territoire. L'Union européenne doit, quant à elle, assumer son rôle, avec la montée en
puissance de l'Agence européenne de sécurité aérienne (AESA), qui va bientôt étendre ses compétences à l'exploitation des compagnies aériennes et aux licences des
pilotes ; à terme elle supervisera également la gestion du trafic aérien. Mais surtout, l'Union européenne doit établir un contrôle renforcé sur les avions et
compagnies aériennes des pays tiers. A l'instar des Etats-Unis, elle doit renforcer sa réglementation pour établir une procédure de surveillance permanente des
compagnies aériennes des pays tiers, en s'inspirant de la « Part 129 » du code fédéral américain. Son rôle pourrait aller jusqu'à contrôler de façon
ciblée les autorités de l'aviation civile de certains pays dont les compagnies ont des liaisons avec l'Union européenne et pour lesquels existerait un doute
sérieux en matière de sécurité. En cas de manquement avéré de sécurité, l'Europe devrait réduire ou supprimer les droits de trafic accordés à ces pays
déficients dans le cadre des accords bilatéraux qui sont en train d'être renégociés par la Commission européenne pour le compte des Etats membres.
Dans ce contexte, la labellisation des compagnies aériennes des pays
tiers récemment proposée par le Gouvernement français répond au double objectif d'améliorer la sécurité des vols et de renforcer l'information des passagers.
Il représente donc une plus value indéniable en termes de transparence, mais son apport reste incertain en terme de sécurité, du fait des difficultés qui ne
manqueront pas de se poser lors de sa mise en application, notamment dans l'hypothèse où un accident surviendrait au sein d'une compagnie « labellisée ».
Au niveau mondial, l'OACI doit affirmer sa fonction de supervision
globale de la sécurité aérienne par un renforcement permanent des normes internationales. Mais surtout, ces normes devraient être mieux mises en
œuvre dans les différents pays. Les rapports d'audit sur la sécurité effectués par l'OACI devraient faire l'objet d'une plus grande transparence et cette
organisation devrait réfléchir à la mise en place d'un mécanisme d'alerte permettant de renforcer ses procédures afin d'assurer une application effective de ses
normes.
Parallèlement, l'OACI doit renforcer la coopération et l'assistance
qu'elle accorde aux pays qui souffrent d'une insuffisance de moyens pour assurer un niveau satisfaisant de sécurité. Une piste prometteuse passe par la coopération
régionale, plusieurs pays mettant en commun leurs ressources techniques et de contrôle. Ainsi l'ASECNA (Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en
Afrique et à Madagascar), regroupe 16 pays de l'Afrique francophone. Les efforts de coopération de l'OACI doivent être relayés aux niveaux communautaire et
français, même en tenant compte des contraintes qui pèsent en ce moment sur les finances publiques.
Le renforcement des contrôles des compagnies aériennes ne saurait
cependant suffire à améliorer la sécurité dans le transport aérien. Compte tenu du taux d'accident observé en 2003 - de 0,03 sur les vols réguliers -, seule une
politique « proactive » de prévention peut permettre de réduire ce taux à l'avenir. Pour cela, il convient d'instituer une politique de retour d'expérience
efficace et de développer une véritable « culture de la sécurité » dans le transport aérien.
Les accidents et les incidents graves constituent la partie émergée des
sources d'insécurité dans le transport aérien. Il convient donc d'analyser systématiquement les accidents et les incidents les plus graves pour prévenir de
nouvelles catastrophes et ce, dans des délais les plus brefs possibles. Cet objectif nécessite d'accroître les moyens du Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA)
et de renforcer le rôle de la DGAC, en coordination avec ses homologues communautaires. Le rapport est notamment favorable à l'introduction d'une troisième
boite noire, inviolable, abritant une caméra vidéo pour filmer le tableau de bord et dont les enregistrements ne seraient analysés qu'en cas d'accident.
La partie immergée de l'iceberg est constituée des incidents mineurs
encore trop peu connus. Or, le reporting de ces multiples événements se heurte encore à des obstacles de nature culturelle, économique et technique, malgré
une réglementation poussée et des expériences exemplaires notamment au sein d'Airbus et d'Air France. Les obligations de reporting devront donc être
étendues, afin d'instaurer une véritable culture en la matière. La directive communautaire 2003/42, en introduisant une obligation de reporting systématique
et exhaustif des événements liés à la sécurité dans le transport aérien, constitue, à cet égard, une avancée indéniable. Encore faut-il qu'elle soit mise en
oeuvre.
IV.- En conclusion, le rapport présente
40 propositions permettant d'améliorer la sécurité du transport aérien à tous les niveaux de
décision, international, européen et français. |