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N° 773

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 avril 2003

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur l'élargissement de l'Union européenne
à dix pays candidats
,

ET PRÉSENTÉ

par M. René ANDRE,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Union européenne.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; M. François Guillaume, M. Jean-Claude Lefort secrétaires ; MM. Alfred Almont, Bernard Bosson, Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Jean-Claude Lefort, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

I. REUSSIR L'INTEGRATION DES DIX PAYS ADHERENTS DANS L'UNION EUROPEENNE AVEC LE SOUTIEN DES OPINIONS PUBLIQUES 11

A. Réussir la phase initiale d'intégration 12

1) Un accord final à l'avantage des deux parties 12

a) Le volet budgétaire et agricole 12

b) Un solde net largement positif pour les Dix et un coût net relativement modéré pour les Quinze 17

c) Les autres concessions: institutions, libre circulation des capitaux, fiscalité 19

d) Les protocoles et déclarations 20

2) L'urgence d'une application effective de l'acquis communautaire pour éviter une multiplication des sauvegardes de nature à braquer les opinions publiques 22

a) La mise en place d'un suivi des engagements de reprise effective de l'acquis communautaire et l'introduction de clauses de sauvegarde 22

b) La réforme effective de l'administration et de la justice est la première priorité 25

B. Pour franchir avec un équilibre politique plus complexe une succession d'échéances décisives 31

1) Des dispositions difficilement compréhensibles organisant un équilibre politique plus complexe 31

2) Une succession d'échéances décisives 37

C. En convainquant les opinions publiques que les avantages l'emportent sur les risques 42

II. CONSTRUIRE UNE EUROPE POLITIQUE POUR ACCROITRE SON INFLUENCE DANS LE MONDE 51

A. L'influence menacée d'un acteur mondial incomplet 51

B. Définir des relations plus ambitieuses avec son nouveau voisinage 55

1) Le nouvel approfondissement des partenariats à l'Est et au Sud proposé par la Commission débouchera-t-il sur une formule d'association plus étroite ? 55

2) L'Est 58

3) Le Sud 67

C. Développer une politique étrangère autonome dans le cadre d'une relation transatlantique rééquilibrée 69

1) Comprendre la position des nouveaux adhérents comme le reflet d'un passé douloureux ne les fermant pas à toute ambition européenne 69

2) Construire un consensus entre Européens sur une politique étrangère autonome, une politique de défense substantielle et un partenariat atlantique rééquilibré 72

3) Réaliser une union politique ambitieuse, si nécessaire par une différenciation ouverte et évolutive 76

a) Les vingt-cinq Etats membres de l'Union européenne peuvent encore se rassembler autour d'un projet ambitieux 76

b) Différenciation au sein d'une Europe institutionnelle ou de deux ? 79

CONCLUSION 83

TRAVAUX DE LA DELEGATION 85

1) Réunion du mercredi 2 avril 2003 85

2) Réunion du mardi 8 avril 2003 91

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA DELEGATION 93

ANNEXES 95

Annexe 1 : Liste des entretiens 97

Annexe 2 : Extraits des conclusions du Conseil européen sur l'élargissement de l'Union européenne aux pays de l'Europe centrale et orientale, à Chypre, à Malte et à la Turquie 99

Annexe 3 : Principales données sur le financement de l'élargissement 111

Annexe 4 : Les institutions communautaires et les principales données démographiques et économiques dans une Union à 25 117

Annexe 5: Coûts de la main d'œuvre, productivité du travail et charges fiscales et sociales sur salaires 119

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Ce cinquième élargissement de l'Union européenne, sans équivalent dans l'histoire de la construction de l'unité européenne, est aussi exceptionnel par la complexité des sentiments qu'il inspire : l'enthousiasme, le réalisme et l'inquiétude.

L'enthousiasme d'abord. Quatre cent cinquante millions d'Européens vont s'unir dans ce qui apparaît comme la plus vaste et ambitieuse opération d'intégration politique, économique et sociale jamais entreprise et vont réaliser le rêve que tant de générations d'Européens ont cru inaccessible à échéance de leur propre existence. Ils partageront l'immense bonheur de reconstituer la famille européenne pour bâtir ensemble non seulement une communauté d'intérêts, mais aussi une communauté de destin et de valeurs, après avoir refermé définitivement la parenthèse douloureuse de la division de l'Europe au XXe siècle. L'Europe née à Copenhague est une revanche sur Yalta pour ceux qui ont été les principales victimes de cette grande déchirure et qui n'avaient pas seulement perdu leur liberté et leur prospérité, mais étaient menacés d'effacement de leur identité nationale et de leur culture.

Copenhague est aussi un juste retour au sein d'une union que nombre de futurs Etats membres auraient contribué à fonder si, dès l'origine, ils n'en avaient pas été séparés contre leur volonté. Copenhague leur rend leur droit légitime d'appartenir à l'Union européenne dont l'histoire les avait privés.

Le réalisme ensuite. Ce droit d'appartenir à l'Union européenne se mérite en effet dans la mesure où les pays issus de l'ancien bloc soviétique devaient accomplir une métamorphose pour que leur intégration ne se traduise pas par une altération grave de la construction européenne. Leur refus de la proposition de confédération européenne en 1991 montrait qu'ils n'acceptaient qu'une adhésion pleine et entière à l'intégralité du projet de l'Union européenne et ils se sont alors engagés dans un long et difficile processus de transformation, d'adaptation et de négociation pour satisfaire aux critères d'adhésion énoncés par le Conseil européen de Copenhague en 1993. Il faut saluer la performance exceptionnelle accomplie par ces nations qui ont réussi à s'arrimer aux normes les plus élevées de la démocratie et de l'économie de marché en un peu plus d'une décennie. La reprise de l'acquis communautaire a représenté une lourde contrainte, mais elle a aussi offert aux futurs Etats membres la chance unique de leur faire gagner un temps considérable pour se réformer et accéder à la modernité.

Le Conseil européen de Copenhague de décembre 2002 est d'abord l'aboutissement de ce long processus de transformation et de négociation autour de la reprise de l'acquis communautaire. Mais il est aussi le commencement d'une phase de ratification et d'apprentissage de l'intégration, au cours de laquelle un projet de cette envergure doit aller à la rencontre des opinions publiques afin d'y puiser la légitimité démocratique indispensable à sa réussite. Il est donc tout à fait naturel que le dialogue avec les opinions publiques, sans négliger la portée historique de cet événement exceptionnel, aborde avec réalisme les considérations économiques, financières et sociales et leur montre que les avantages l'emportent sur les risques, même si cette réunification comporte inévitablement une part d'incertitude. Cet élargissement accroîtra l'hétérogénéité de l'Union beaucoup plus fortement que les élargissements antérieurs. Le défi lancé à l'Union est de démontrer sa capacité de réaliser l'unité du continent dans sa diversité et d'intégrer dans un ensemble homogène des sociétés et des économies se situant à trois niveaux de richesse, en évitant de construire une Union élargie fonctionnant durablement à deux vitesses.

L'inquiétude enfin. Les Européens n'ont en effet jamais autant affiché leurs désaccords sur la scène internationale depuis qu'ils s'apprêtent à se réunifier. Ces désaccords surgis après Copenhague principalement à l'occasion de la crise irakienne posent fondamentalement la question du droit que se reconnaissent les Européens de se constituer en acteur mondial de premier plan autonome par rapport à leur allié américain. Ces divisions montrent qu'une négociation de cinq années n'a pas suffi à lever les ambiguïtés sur le sens de la construction européenne et qu'il est urgent que les vingt-cinq actuels et futurs Etats membres clarifient le niveau de leurs ambitions et les termes de leurs engagements mutuels avant de ratifier le traité d'adhésion.

La construction européenne est un processus de développement d'une union sans cesse plus étroite entre les Etats et les peuples de l'Europe qui, sous la direction du concert organisé des gouvernements responsables, a poursuivi deux objectifs.

Le premier objectif a été d'établir les conditions définitives de la paix en Europe entre anciens ennemis, en créant une union économique et monétaire qui a réussi, au bout de cinquante années d'efforts d'intégration des politiques, à réaliser l'unité du marché et de la monnaie. Cette première étape est en grande partie réalisée, même si l'Union doit encore préciser les conditions de la conduite de la politique économique de l'Europe pour mieux la mettre en cohérence avec la gestion de la monnaie unique par la Banque centrale européenne.

Le deuxième objectif a été de mettre fin à l'effacement de l'Europe à la suite des deux guerres mondiales qu'elle avait provoquées, quand les circonstances le permettraient, et de doter l'Union européenne, sur la scène internationale, d'une influence politique à la mesure de sa puissance économique pour en faire un acteur global de premier plan. La réalisation de cet objectif a été différée tant que duraient la guerre froide et la division de l'Europe en deux blocs, mais dès la fin de l'Union soviétique et du monde bipolaire, l'Union européenne s'est engagée dans la construction d'une union politique. Elle n'est certes pas encore parvenue à définir une politique étrangère et de sécurité commune de même ambition que l'union économique, dix ans après sa création. Mais le défi majeur que doit maintenant relever l'Union européenne est précisément de réduire le décalage considérable qui sépare ses deux sphères constitutives, l'union économique et monétaire d'une part, l'union politique de l'autre.

La conception de l'Union européenne qui consisterait à se satisfaire de l'union économique et monétaire et à juger l'union politique inutile ou même dangereuse, parce que faisant double emploi ou rivalisant avec l'Alliance atlantique pour la sécurité de l'Europe, ne correspond pas à l'ambition qui anime la construction européenne depuis sa création. L'Alliance atlantique est encore pour longtemps indispensable à la sécurité de l'Europe. Mais l'union politique est d'une autre nature qu'une organisation internationale de défense commune et elle est la condition sine qua non de l'émergence d'une personnalité politique européenne de plein exercice sur la scène internationale.

Les six pays membres fondateurs n'ont pas lancé la construction européenne et n'ont pas fait tant d'efforts avec ceux qui ont bien voulu les rejoindre pour s'arrêter à mi-chemin et ne réaliser qu'un seul des deux objectifs avec une demi Union européenne.

Or il semblerait que les pays adhérents et candidats conçoivent leur adhésion à l'OTAN comme un processus complémentaire de leur adhésion à l'Union européenne, dispensant de créer une union politique entre Européens. Cette conception de l'Union européenne limitée à l'économie, au motif que l'OTAN suffirait à assurer sa sécurité, en ferait un acteur politique mineur sur la scène internationale et l'empêcherait de devenir l'un des pôles de décision dans le nouveau monde multipolaire qui s'annonce au XXIe siècle, aux côtés des Etats-Unis, de la Russie, de la Chine, de l'Inde et d'autres partenaires régionaux.

Il faut donc clarifier rapidement ce qui pourrait apparaître comme un contresens majeur sur les objectifs de l'Union européenne. La Convention sur l'avenir de l'Europe paraît l'enceinte la plus appropriée pour mener ce débat fondamental.

Cette divergence ne doit cependant pas masquer l'intérêt primordial pour l'ensemble des partenaires de réussir l'intégration des dix pays adhérents dans l'Union européenne et de convaincre les opinions publiques non seulement de la nécessité historique de l'élargissement, mais des avantages mutuels que procurera la libre circulation des personnes et des biens sur le plus grand marché organisé du monde.

Mais l'élargissement ne prendra tout son sens que s'il est porté par la volonté de construire une Europe politique capable de définir des relations plus ambitieuses avec son nouveau voisinage et d'accroître son influence dans le monde.

I. REUSSIR L'INTEGRATION DES DIX PAYS ADHERENTS DANS L'UNION EUROPEENNE AVEC LE SOUTIEN DES OPINIONS PUBLIQUES

Le Conseil européen de Copenhague des 12 et 13 décembre 2002 a clos un processus d'élargissement commencé dix ans avant au Conseil européen de Copenhague des 21 et 22 juin 1993, en concluant les négociations d'adhésion avec dix des douze pays candidats avec lesquels elles étaient ouvertes : Chypre, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République tchèque, la République slovaque et la Slovénie.

Copenhague 2002 trace également des perspectives pour les trois autres pays candidats.

En premier lieu, l'Union européenne se donne pour objectif d'accueillir la Bulgarie et la Roumanie en tant que nouveaux Etats membres en 2007. Elle souligne l'importance des réformes administrative et judiciaire dans la préparation de l'adhésion et approuve la feuille de route proposée par la Commission, prévoyant une augmentation de l'aide de pré-adhésion de 20 % en 2004, 30 % en 2005 et 40 % en 2006 par rapport à l'assistance annuelle moyenne reçue par ces deux pays de 2001 à 2003. Son montant global de 2004 à 2006 s'élèvera à 1,2 milliard d'euros pour la Bulgarie et à 2,8 milliards pour la Roumanie. Les partenariats pour l'adhésion seront révisés en 2003 pour orienter leur préparation. Enfin, ces deux pays participeront à la prochaine Conférence intergouvernementale en qualité d'observateurs.

Ensuite, l'Union européenne ouvrira sans délai des négociations avec la Turquie si, en décembre 2004, le Conseil européen décide, sur les bases d'un rapport et d'une recommandation de la Commission, que ce pays satisfait aux critères politiques de Copenhague. La Commission devra proposer une révision du partenariat pour l'adhésion et intensifier l'examen de la législation. L'union douanière entre la Communauté européenne et la Turquie sera étendue et approfondie. L'aide de pré-adhésion sera considérablement augmentée. Enfin, les Quinze et les Dix signent une déclaration, annexée au Traité d'adhésion, en faveur d'« une seule Europe » par laquelle ils soulignent le caractère continu, inclusif et irréversible du processus d'élargissement et se félicitent de la candidature turque.

A. Réussir la phase initiale d'intégration

Cet élargissement à dix nouveaux Etats membres représente une révolution du nombre et un défi pour réussir la synthèse de l'unité dans la diversité sur tous les plans : politique et institutionnel, culturel et linguistique, économique et social. Le nouvel ensemble comptera 450 millions d'habitants, soit 75 millions de plus qu'actuellement, et dix Etats de plus dont neuf sont de petits ou moyens Etats représentant la moitié de cet accroissement démographique. Neuf langues officielles s'ajouteront aux onze actuelles. Enfin sa population s'accroîtra de 20 % et sa richesse de 4,6 %.

Il est capital de réussir la phase d'intégration dans laquelle vont entrer les nouveaux Etats membres pour que l'apprentissage du système communautaire par les populations permette d'éviter les tensions et les incompréhensions et de franchir les prochaines échéances décisives dans les meilleures conditions.

1) Un accord final à l'avantage des deux parties

a) Le volet budgétaire et agricole

La position de l'Union européenne sur la négociation du cadrage financier de l'élargissement de 2004 à 2006 pour les dix nouveaux membres a connu une évolution en quatre étapes. Elle a pris pour point de départ les plafonds de dépenses fixés pour l'adhésion à 42,59 milliards d'euros de 2004 à 2006 par le Conseil européen de Berlin en mars 1999. Ces plafonds étaient fondés sur l'hypothèse d'une adhésion de six pays en 2002 et non de dix en 2004, mais elle n'a pas inclus les dépenses prévues pour 2002 et 2003 et n'a pas porté l'enveloppe à 58 milliards d'euros en crédits d'engagement comme l'espéraient les pays candidats.

· Le 30 janvier 2002, la Commission a proposé un cadre global de 41,42 milliards d'euros en crédits d'engagement (CE) et 23,53 milliards en crédits de paiement (CP) pour les dix adhérents, comprenant, de 2004 à 2006, 9,57 milliards de dépenses agricoles sur la base d'un octroi progressif (« phasing in ») des aides directes agricoles (25 % en 2004, 30 % en 2005 et 35 % en 2006) et 25,56 milliards de fonds structurels. S'y ajoutaient notamment une facilité nucléaire pour démanteler les centrales slovaque (Bohunice, 60 M€) et lituanienne (Ignalina, 210 M€), une facilité de renforcement institutionnel post adhésion (380 M€) et une réserve pour Chypre Nord en cas de règlement politique (206 M€). Restait une marge de 1,16 milliard sous le plafond fixé à Berlin.

· L'accord franco-allemand au Conseil européen de Bruxelles (24-25 octobre 2002) a porté sur deux points. Sur le volet agricole, l'Allemagne a accepté le versement des aides directes agricoles aux candidats sur la base du « phasing in » (de 25 % en 2004 à 100 % en 2013) et la France a accepté une stabilisation des dépenses de marché et des paiements directs à vingt-cinq, de 2007 à 2013, au niveau du plafond de 2006 (45,306 milliards d'euros)(1), majoré d'un taux d'inflation forfaitaire de 1 % par an. D'autre part, la France et l'Allemagne ont obtenu une réduction de l'enveloppe des fonds structurels proposée par la Commission, de 25,5 à 23 milliards d'euros. Enfin, toutes les autres dépenses ont été validées (nucléaire, renforcement institutionnel, Chypre-Nord).

· au total, le paquet adopté par les Quinze au Conseil européen de Bruxelles se montait à 39,3 milliards d'euros en crédits d'engagement, réduisant le cadrage de la Commission de 2,1 milliards, et laissant ainsi à la Présidence danoise 3,3 milliards d'euros de marge de manœuvre pour négocier avec les candidats, tout en les encadrant dans trois paramètres essentiels :

- le respect des plafonds fixés à Berlin ;

- l'octroi progressif des aides directes agricoles de 25 % en 2004 à 100 % en 2013, par une augmentation de 5 % par an jusqu'en 2007, puis de 10 % jusqu'en 2013 ;

- le paiement de 100 % de leur contribution au budget communautaire dès l'adhésion, tout en laissant la possibilité de verser une compensation budgétaire dégressive à ceux des candidats qui viendraient à se trouver contributeurs nets du fait de l'adhésion.

· Enfin, la Présidence danoise a pris l'initiative de proposer un paquet global allant au-delà de l'accord de Bruxelles, d'un montant de 40,4 milliards d'euros en crédits d'engagement, offrant finalement, après consultations des Etats membres, plusieurs concessions aux candidats :

une « facilité de trésorerie » de 998 M€ en 2004, versée au budget national pour atténuer l'impact de la contribution à 100 % au budget de l'Union européenne dès l'adhésion ;

une « facilité Schengen » de 745 M€ de 2004 à 2006, destinée à renforcer les contrôles que les candidats devront assurer aux futures frontières extérieures de l'Union européenne ;

une augmentation de la facilité nucléaire approuvée à Bruxelles, de 75 M€ pour la Lituanie et de 30 M€ pour la Slovaquie, sur la période 2004-2006 ;

une augmentation des compensations budgétaires de 298 M€ de 2004 à 2006 pour les quatre qui y étaient éligibles (Chypre, République tchèque, Slovénie, Malte) ;

la possibilité d'ajouter un complément national (« topping up ») aux aides directes agricoles qui seront versées suivant le « phasing in » de 2004 à 2013, jusqu'à hauteur de 40 % de celles prévalant dans l'Union européenne à Quinze de 2004 à 2006, par prélèvement d'une part de l'enveloppe de développement rural, puis à partir de 2007 de 10 % de plus que le niveau annuel du « phasing in », sans prélèvement sur les enveloppes de développement rural ;

enfin, un « cadeau de trésorerie » en fixant la date d'adhésion au 1er mai 2004 permettant d'accorder aux dix adhérents en 2004 le versement de 12 mois de dépenses mais le paiement de 8 mois de contributions. Ce manque de recettes devra être pris en charge par les Quinze et se monte à 1,635 milliard d'euros en 2004. Cette concession n'entrant pas dans le volet dépenses du paquet de la Présidence, le coût total du paquet proposé à la veille de Copenhague s'élevait en réalité à 42,035 milliards d'euros, ne laissant que 555 M€ de marge pour la négociation finale.

L'accord s'est conclu à Copenhague sur une enveloppe globale de 40,853 milliards d'euros en crédits d'engagement et 25,143 milliards d'euros en crédits de paiement pour le financement de l'adhésion des dix nouveaux membres de 2004 à 2006. Cette enveloppe s'élève en réalité à 42,5 milliards puisque le paquet sature de facto les plafonds de Berlin avec le cadeau de trésorerie de 1,635 milliard d'euros lié à fixation de la date d'adhésion le 1er mai 2004.

L'Union européenne a ainsi accordé les ultimes concessions suivantes :

la Pologne et la République tchèque ont obtenu respectivement 1 milliard et 100 millions d'euros d'augmentation de leur facilité de trésorerie de 2005 à 2006, par un prélèvement sur leur enveloppe de fonds structurels. Varsovie recevra ainsi 550 M€ en 2005 et 450 M€ en 2006, tandis que Prague recevra 50 M€ en 2005 et 2006 ;

une augmentation forfaitaire de 300 M€ de la facilité de trésorerie pour neuf candidats sauf la Pologne, versée en deux tranches de 50 % en 2005 et 2006, dont 200 M€ pour les quatre « riches » (Chypre +10,1 M€, République tchèque +83,1 M€, Slovénie +48,7 M€, Malte +54,3 M€) car éligibles à une compensation budgétaire sans laquelle ils se seraient retrouvés contributeurs nets, et 100 M€ pour les cinq restants ;

une augmentation forfaitaire de la facilité Schengen de 113 M€ et une réallocation de sa distribution, excluant la République tchèque, Chypre et Malte (qui ont préféré recevoir davantage de facilité de trésorerie) et portant la part de la Pologne de 172,2 M€ à 280 M€ sur la période 2004-2006) ;

une augmentation du « complément national » (« topping up ») que les dix adhérents pourront ajouter à l'octroi progressif des aides directes agricoles par prélèvement (20 % maximum) sur l'enveloppe de développement rural de 2004 à 2006, pour atteindre 55 % des aides de l'Union européenne en 2004, 60 % en 2005 et 65 % en 2006. A partir de 2007, le plafond du complément national sera fixé à 30 % au dessus du niveau annuel de l'octroi progressif, sans que le niveau d'aide ne puisse dépasser 100 % des aides dans l'Union européenne ;

- une augmentation de certains quotas de productions agricoles : la Pologne a ainsi obtenu un quota laitier de 9,4 millions de tonnes par an.

Au total, les facilités et compensations attribuées aux pays adhérents se répartissent comme suit :

Répartition de la facilité spéciale de trésorerie : 10 bénéficiaires (prix 1999)

 

CY

CZ

EE

HU

LT

LV

MT

PL

SI

SK

2004

28

175

16

155

35

20

12

443

65

63

2005

5

92

3

28

6

3

27

550

18

11

2006

5

92

3

28

6

3

27

450

18

11

Total M€

38

359

22

211

47

26

66

1443

101

85

Répartition de la facilité Schengen DE 2004 A 2006  : 6 pays bénéficiaires (prix 1999)

Estonie

Hongrie

Lituanie

Lettonie

Pologne

Slovaquie

Slovénie

Total 2004-2006 en M€

68,7

147,9

135,7

71,1

280

47,8

106,9

858,1

Sources : ministère des affaires européennes.

La facilité de trésorerie permettra aux budgets nationaux des pays adhérents d'acquitter sans heurts les premières contributions au budget communautaire, tandis que la facilité Schengen viendra soutenir des investissements nécessaires aux futures frontières extérieures de l'Union européenne. Elles ont permis de réduire les compensations budgétaires, qui bénéficieront seulement à Chypre, Malte, la République tchèque et la Slovénie, afin que leur solde net soit supérieur au niveau de leurs aides de préadhésion :

Répartition des compensations budgetaires  : 4 bénéficiaires (prix 1999)

 

Chypre

Malte

République tchèque

Slovénie

2004

69

38

125

30

2005

199

66

178

66

2006

112

63

85

36

Total en M€

300

167

388

132

Source : ministère des affaires européennes.

b) Un solde net largement positif pour les Dix et un coût net relativement modéré pour les Quinze

L'accord de Copenhague est à l'avantage des deux parties. Les dix nouveaux membres bénéficieront d'un solde net largement positif dès l'adhésion.

En prenant en compte la fin progressive d'exécution des crédits de pré-adhésion (1 869 M€ en 2004, 1 581 M€ en 2005 et 976 M€ en 2006), les dix adhérents recevront en réalité 27,875 milliards d'euros en crédits de paiement de 2004 à 2006, et non 25,1 milliards d'euros comme arrêtés à Copenhague.

Même en payant 100 % de leur contribution au budget communautaire dès l'adhésion (soit au total 14,744 milliards d'euros de 2004 à 2006), les dix adhérents seront donc bénéficiaires nets de 13,131 milliards d'euros de 2004 à 2006 (solde net positif de 2 776 M€ dès 2004, 4 831 M€ en 2005 et 5 523 M€ en 2006).

Positions budgétaires nettes des 10 adhérents de 2004 à 2006 après Copenhague
(prix 1999)

2004-2006

CE

CP à
recevoir

% du total
des CP

Contribution
au budget UE

Solde net
positif

Retour sur
contribution

Chypre

602

516

1,9

428

89

120 %

Estonie

1 020

735

2,6

231

504

318 %

Hongrie

5 100

3 653

13,1

2 280

1 374

160 %

Lettonie

1 638

1 117

4

287

831

389 %

Lituanie

2 677

1 863

6,7

510

1 353

365 %

Malte

360

310

1,1

178

132

174 %

Pologne

19 264

13 549

48,6

6 552

6 997

206 %

Rép. tchèque

4 613

3 350

12

2 573

778

130 %

Slovaquie

2 603

1 765

6,3

934

831

188 %

Slovénie

1 262

1 014

3,6

771

244

131 %

Total en M€

40 851

27 875

100 %

14 744

13 131

189 %

Source : ministère des affaires européennes.

La Pologne est de très loin le grand bénéficiaire du paquet de Copenhague. Elle recevra plus de 13,5 milliards d'euros de paiements communautaires de 2004 à 2006 (soit 48,6 % des crédits de paiement accordés aux dix candidats à Copenhague), avec un solde net en sa faveur de près de 7 milliards d'euros sur la période, alors même qu'elle était bénéficiaire nette de 5,3 milliards d'euros dès le Conseil européen de Bruxelles. La Pologne sera ainsi bénéficiaire nette de 1,4 milliard en 2004, 2,6 en 2005 et 2,9 en 2006.

Si la Pologne, la Hongrie et la République tchèque se partagent près de 75 % de l'enveloppe des paiements décidée à Copenhague, les trois Etats baltes ont beaucoup profité des dernières concessions forfaitaires de l'Union européenne. Ils sont en effet les seuls, avec la Pologne, à avoir un solde net supérieur, en valeur absolue, à la somme de leurs contributions de 2004 à 2006, ainsi qu'un retour de plus de 300 % sur leurs contributions. Au total, de 2004 à 2006, les Etats baltes recevront 13,3 % de l'enveloppe des paiements de Copenhague. En valeur absolue, la Lituanie et la Lettonie se trouvent ainsi troisième et quatrième bénéficiaires nets du paquet de Copenhague, après la Pologne et la Hongrie, avec un solde net 2004-2006 de 1,353 milliard pour Vilnius et 831 millions pour Riga.

Par ailleurs, l'accord de Copenhague représente un coût net pour l'Union européenne relativement modéré sur la période 2004-2006, notamment du fait du paiement intégral, dès 2004, de la contribution au budget communautaire et de la montée en charge progressive des dépenses de la PAC et des fonds structurels, qui ne se feront pleinement sentir que de 2007 à 2013. Au total, ce coût net doit intégrer le solde net des dix adhérents (13,131 milliards d'euros ainsi que les dépenses administratives non réparties, soit 1,673 milliard d'euros). Le coût net de cet élargissement pour l'Union européenne à quinze peut donc être évalué à 14,804 milliards d'euros de 2004 à 2006, soit à peine plus de la moitié (53 %) des crédits de paiement du paquet approuvé à Copenhague.

La France est le second contributeur de ce paquet après l'Allemagne, avec un coût net maximum évalué au total entre 2,2 et 2,675 milliards d'euros pour la période 2004-2006 compte tenu d'un aléa lié au taux de change, soit moins de 10 % de l'enveloppe totale de crédits de paiement accordée aux dix nouveaux membres à Copenhague. Enfin, le coût net pour le Royaume-Uni est très allégé, puisque les dépenses d'élargissement seront intégrées dans le calcul de la correction britannique et donneront lieu à compensation.

c) Les autres concessions: institutions, libre circulation des capitaux, fiscalité

Institutions : grâce à la répartition entre Etats membres des 50 sièges de députés européens laissés vacants en attendant l'adhésion en 2007 de la Roumanie et de la Bulgarie, a été rectifié le décrochage opéré par le traité de Nice au détriment de la République tchèque et de la Hongrie par rapport à la Grèce, à la Belgique et au Portugal qui ont pourtant le même nombre d'habitants. Avec la redistribution des sièges roumains et bulgares, ces cinq pays auront ainsi chacun 24 députés européens à élire lors des élections de juin 2004.

Libre circulation des capitaux : la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie ont obtenu une clause déjà accordée de sauvegarde de 3 ans à l'issue de la période transitoire de 7 ans pour maintenir des restrictions aux acquisitions foncières de terres agricoles des ressortissants communautaires non résidents. Cette concession fait suite à l'accord entre l'Union européenne et la Pologne pour une période transitoire de 12 ans de restrictions aux acquisitions de terres agricoles. Cette solution (7 ans de période transitoire + 3 ans de clause de sauvegarde) a été étendue aux trois Etats baltes, pour répondre à leur souhait tardif. Enfin, la Slovénie, qui n'avait pas demandé de période transitoire, a accepté une clause de sauvegarde de 7 ans.

Fiscalité : l'Union européenne a accordé plusieurs périodes transitoires, notamment : une à Malte, jusqu'au 1er janvier 2010, pour maintenir un taux zéro de TVA sur les produits pharmaceutiques et alimentaires ; trois à la Pologne (30 avril 2008 pour maintenir un taux de TVA super réduit à 3 % pour les produits alimentaires, sauf boissons alcoolisées, et les intrants agricoles ; 31 décembre 2007 pour maintenir un taux réduit de TVA à 7 % sur la construction et la rénovation de logements résidentiels ; un an pour maintenir des droits d'accises réduits sur certains carburants écologiques. La Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie pourront appliquer des droits d'accises réduits aux productions d'eau de vie inférieures à 50 litres par an par foyer.

d) Les protocoles et déclarations

· Neuf protocoles, ainsi que de nombreuses annexes et déclarations communes ou unilatérales seront insérés dans le Traité d'adhésion. Quatre protocoles résultent en tout ou partie des propositions de la Présidence danoise en vue de Copenhague :

- sur le démantèlement de la centrale nucléaire lituanienne d'Ignalina (285 M€) ;

- sur le démantèlement de la centrale nucléaire slovaque de Bohunice (90 M€) ;

- sur les conditions de transit des ressortissants de Kaliningrad (avec engagement de l'Union européenne de prendre à sa charge les coûts de mise en place en Lituanie des documents de transit facilité - TFD et FRTD - et à ce que cela ne retarde ni n'empêche ultérieurement la participation pleine et entière de la Lituanie à l'espace Schengen. L'Union européenne s'est aussi engagée à reporter après l'adhésion de la Lituanie toute autre décision sur le transit des ressortissants de Kaliningrad vers la Fédération de Russie et à y procéder à l'unanimité, sur proposition de la Commission) ;

- sur l'avortement à Malte, sur le modèle du protocole irlandais.

Les cinq autres protocoles résultent de négociations conclues avant Copenhague : sur la dérogation permanente accordée à Malte pour maintenir des restrictions aux acquisitions de résidences secondaires, sur les bases militaires de souveraineté britannique à Chypre (Akrotiri et Dhekelia), sur les amendements aux statuts de la BEI, sur la restructuration des industries de l'acier en Pologne ainsi qu'en République tchèque.

· Quarante-quatre déclarations seront annexées au Traité, notamment :

- la déclaration « Une seule Europe » signée par les vingt-cinq membres actuels et futurs, rappelant le caractère « continu, inclusif et irréversible » du processus d'élargissement, surtout vis-à-vis de la Roumanie et de la Bulgarie, ainsi que de la candidature turque ;

- la déclaration unilatérale de Malte sur sa neutralité ;

- la déclaration austro-tchèque sur la mise en œuvre de leur accord bilatéral dit de Melk relatif à la centrale nucléaire tchèque de Temelin (il a été refusé, à Copenhague, d'en faire un protocole, pour ne pas créer de compétence communautaire par ce biais alors que la sûreté nucléaire reste une compétence nationale) ;

- la déclaration unilatérale de la Pologne sur la moralité publique appelant au plein respect de sa souveraineté s'agissant du traitement légal des « questions de portée morale » ainsi que de « celles liées à la protection de la vie humaine » ;

- la déclaration unilatérale de Malte sur les taux zéro de TVA sur les produits pharmaceutiques et alimentaires, liant son acceptation d'une période transitoire limitée à 2010 à la réforme, d'ici là, de la dérogation permanente britannico-irlandaise ;

- la déclaration unilatérale tchèque sur la libéralisation du cabotage routier ;

- la déclaration européenne sur le développement des réseaux transeuropéens en Slovénie ;

- la déclaration de la Commission sur la mise en œuvre des clauses de sauvegarde.

Le Traité d'adhésion a été ajusté pour prendre en compte un accord oral, non transcrit, intervenu entre la Commission, la Présidence et la Pologne, à Copenhague, pour porter à 1 250 euros la prime annuelle aux exploitations agricoles polonaises de semi-subsistance, contre 1 000 euros pour les autres pays candidats.

En revanche, les déclarations unilatérales de la Pologne sur la moralité publique et la protection de la vie humaine et de Malte sur la fiscalité ont suscité une contre-déclaration des quinze actuels Etats membres, rappelant que « les déclarations attachées à cet Acte Final ne peuvent pas être interprétées ou appliquées dans un sens contraire aux obligations des Etats membres découlant du Traité et de l'Acte d'Adhésion. Les actuels Etats membres notent que la Commission souscrit pleinement à cette position ». La Commission a confirmé, le 5 février 2003, que Malte devrait appliquer l'acquis en matière de TVA à l'issue de sa période transitoire en 2010, indépendamment de toute réforme de la dérogation britannico-irlandaise.

2) L'urgence d'une application effective de l'acquis communautaire pour éviter une multiplication des sauvegardes de nature à braquer les opinions publiques

a) La mise en place d'un suivi des engagements de reprise effective de l'acquis communautaire et l'introduction de clauses de sauvegarde

C'est à l'initiative de la France que le Conseil « Affaires Générales » du 10 juin 2002 a demandé à la Commission d'assurer un suivi de la reprise de l'acquis dans deux domaines touchant à la sécurité des personnes : la sécurité alimentaire, ainsi que la justice et les affaires inférieures.

La Commission a ensuite proposé dans son rapport d'octobre 2002, recommandant la conclusion des négociations avec dix pays candidats, de généraliser la procédure de suivi des engagements d'application effective de l'acquis communautaire pris par les pays candidats et d'insérer des clauses de sauvegarde dans le Traité d'adhésion, en s'inspirant de celle qui avait été introduite dans le traité d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède signé en 1994, uniquement à titre de sauvegarde économique générale en cas de perturbation économique grave d'un secteur d'activité.

La procédure de suivi de la mise en œuvre des engagements comportera quatre étapes avant l'adhésion :

- depuis le début 2002, l'office alimentaire et vétérinaire (OAV) a conduit plus de trente inspections dans les dix pays adhérents qui se poursuivront jusqu'à l'adhésion, afin d'avoir une image précise de leur situation vétérinaire et sanitaire ;

- la Commission a présenté une série de rapports de suivi le 14 février 2003, couvrant tous les chapitres (sauf l'agriculture et la JAI sur lesquels les rapports seront publiés en mai 2003), faisant déjà apparaître certains retards. Sur cette base, la Commission a déjà adressé des « lettres d'alerte précoce » à neuf des dix candidats, sauf à la Slovénie ;

- la Commission remettra en juillet 2003 un rapport sur la préparation des pays candidats à la gestion des fonds structurels ;

- enfin, elle remettra au Conseil six mois avant l'adhésion, au plus tard le 1er novembre 2003, un rapport sur le suivi d'ensemble, faisant un point complet, chapitre par chapitre, sur le respect des engagements pris par les dix futurs membres dans les négociations. Ce rapport adressera, le cas échéant, un ultime avertissement aux futurs membres qui présenteraient des manquements graves et pourrait proposer si nécessaire de faire jouer les clauses de sauvegarde dès l'adhésion.

Le Traité d'adhésion a créé trois clauses de sauvegarde :

une clause de sauvegarde économique générale (article 37). Cette clause vise avant tout à rassurer les dix nouveaux membres dans les trois ans qui suivront leur adhésion et à leur permettre, le cas échéant, d'atténuer dans certains secteurs économiques ou dans certaines régions sensibles, les conséquences d'un choc macroéconomique ou concurrentiel trop rude qui serait lié à l'adhésion. Pour les actuels membres, cette clause vise surtout à prévenir les distorsions de concurrence transfrontalière qui seraient trop fortes ;

une clause spécifique de sauvegarde du marché intérieur (article 38). Cette clause ne vise que les nouveaux membres, en cas de manquements graves aux obligations de reprise et d'application effective de l'acquis et couvre notamment la sécurité alimentaire. Elle pourrait permettre, par exemple en cas de non application de l'acquis relatif à la lutte et à la prévention de l'ESB, de suspendre la libre circulation des marchandises concernées en provenance d'un des nouveaux Etats membres ;

une clause spécifique de sauvegarde relative à la justice et aux affaires intérieures (article 39), afin de pouvoir suspendre temporairement la reconnaissance mutuelle des décisions de justice en matière civile (Titre IV TCE) et en matière pénale (Titre VI TUE) en cas de manquement grave ou d'un risque imminent de graves manquements d'un nouvel Etat membre au regard de normes judiciaires essentielles (libertés publiques, liberté d'entreprise).

Les trois clauses de sauvegarde pourront être invoquées pendant une durée de trois ans à compter de l'adhésion des dix nouveaux membres, soit jusqu'au 30 avril 2007.

Les clauses de sauvegarde (marché intérieur et JAI) pourront même être invoquées avant l'adhésion, pour produire leurs effets dès le premier jour en cas de manquements graves. Les mesures de sauvegarde adoptées dans le cadre des deux clauses spécifiques pourront, le cas échéant, être appliquées au-delà de cette période de trois ans.

La Commission détermine dans tous les cas de mise en œuvre des trois clauses les mesures de sauvegarde, leur proportionnalité, ainsi que leurs conditions et modalités d'application.

La clause générale de sauvegarde économique n'est invocable que par les Etats membres actuels ou nouveaux, alors que la mise en jeu des clauses spécifiques peut résulter soit d'une demande d'un actuel Etat membre soit de la Commission elle-même, sur la base des rapports de suivi relatifs au respect des engagements pris par les nouveaux membres.

Les deux articles sur les clauses spécifiques ne disent rien sur l'interdiction de rétablissement de contrôles aux frontières et laissent donc l'option ouverte, alors qu'elle est proscrite dans le cas de la clause générale de sauvegarde économique. En effet, en matière de sécurité alimentaire, notamment de prévention de l'ESB, l'une des mesures de sauvegarde pourrait être la suspension temporaire de la libre circulation des marchandises animales concernées, impliquant de facto des contrôles aux frontières.

Enfin, un dialogue entre la Commission et le Conseil est prévu dans le traité en cas de divergence d'appréciation, notamment s'agissant de l'allégement ou de l'abrogation de mesures spécifiques de sauvegarde : la Commission « prendra dûment en compte les observations éventuelles du Conseil à cet égard ».

Inquiets des modalités de déclenchement des clauses de sauvegarde, six des futurs membres, l'Estonie, la République tchèque, la Lituanie, la Pologne, la Slovénie et la Slovaquie, ont émis une déclaration conjointe (n° 22) au Traité d'adhésion, pour rappeler d'une part que les mesures de sauvegarde ne pouvaient pas être utilisées pour couvrir d'autres obligations que celles découlant de leur adhésion et, d'autre part, leur souhait de pouvoir être entendus avant que la Commission ne décide de mesures de sauvegardes les concernant.

b) La réforme effective de l'administration et de la justice est la première priorité

Dans sa recommandation au Conseil européen de Bruxelles des 24 et 25 octobre 2002 de conclure les négociations d'adhésion avec dix des pays candidats, la Commission avait précisé qu'aucun d'entre eux n'était encore prêt à adhérer à la fin de 2002, mais qu'ils le seraient à la date de leur adhésion fixée au 1er mai 2004.

L'examen auquel elle vient de procéder dans le cadre des premiers rapports de suivi de l'avancement des pays candidats dans l'application de l'acquis communautaire l'amène, d'une part, à conclure qu'ils sont généralement à jour dans leurs préparatifs, d'autre part à adresser un avertissement rapide pour des retards à résorber d'urgence portant sur des délais d'application spécifique ou la préparation en général. Neuf pays adhérents sur dix sont




interpellés (sauf la Slovénie) : la Pologne reçoit neuf avertissements, la Lettonie cinq, l'Estonie deux et les autres un. Quinze domaines sont concernés :

libre circulation des marchandises : Pologne ;

libre circulation des personnes : République tchèque (reconnaissance des qualifications) ;

libre prestation de services : Pologne (assurance, services d'investissement et marchés des valeurs mobilières) ;

libre circulation des capitaux : Lettonie et Lituanie (mouvements de capitaux, paiements et systèmes de paiement) ;

politique de la concurrence : Pologne (restructuration du secteur de l'acier) ;

pêche : Estonie (gestion des ressources et des flottes, inspections et contrôles, politique du marché), Pologne (capacité administrative) ;

transport : Lettonie (transport maritime) ;

fiscalité : Lettonie (capacité administrative), Malte (rapprochement en matière de TVA) ;

politique sociale et emploi : Estonie et Pologne (droit du travail et égalité de traitement) ;

énergie : Chypre (directive « électricité ») ;

politique industrielle : Pologne (restructuration du secteur de l'acier) ;

culture et audiovisuel : Pologne (acquis) ;

politique régionale : Slovaquie (structures et capacité administratives) ;

union douanière : Lettonie et Pologne (informatisation et inter-connectivité) ;

contrôle financier : Hongrie (contrôle financier public interne), Lettonie et Pologne (dépenses pour les actions structurelles), Slovaquie (contrôle financier public interne et protection des intérêts financiers de l'Union européenne).

Le respect du troisième critère de Copenhague relatif à la capacité d'assumer les obligations de l'adhésion dépend avant tout de la capacité de l'administration et de la justice d'appliquer l'acquis communautaire, mais aussi et surtout de la volonté politique de les réformer. La Commission n'a cessé de marteler au fil de ses rapports de progrès depuis le début des négociations que ces réformes étaient primordiales. Force est de constater qu'en dépit des efforts accomplis par les autorités des pays adhérents, la situation observée dans un certain nombre d'entre eux reste inquiétante et le cas de la Pologne, évoqué ci-dessous, n'est pas le seul.

A tire d'exemple, il convient de rappeler la double réalité du stade du dixième anniversaire de Varsovie, dit le marché russe. Il exerce un rôle de grossiste pour les autres marchés de ce type dans les grandes villes de Pologne et dans les pays voisins, et un rôle de détaillant pour les acheteurs se rendant à Varsovie. Le chiffre d'affaires annuel pour les échanges légaux s'élève à environ 700 millions de dollars, mais les transactions opérées dans le cadre de l'économie souterraine sont estimées approximativement à trois milliards. La direction cachée derrière la société-gestionnaire aurait organisé des groupes d'intérêts responsables de chaque produit vendu, alcool et cigarettes, disques et logiciels, matériel électronique, contrefaçons. Le marché de la contrefaçon dans l'ensemble du pays est estimé à 500 millions d'euros et concerne plus de 500 sociétés dont la marque est imitée. La police a démantelé en 2000 26 ateliers de production et a intercepté 60 grossistes et 1 062 distributeurs, mais elle considère que cette répression représente moins de 1 % de la totalité de l'économie souterraine en ce domaine. Un produit contrefait se vend généralement à 20 % maximum du prix de l'article original. Une chemise Cardin à 54 euros est vendue 15 euros en contrefaçon. Un logiciel Windows 2000 à 138 euros est vendu 5 euros.

Malgré les efforts de la réforme entreprise, le recrutement et la gestion des carrières et des rémunérations de la police ne reposent pas encore sur des critères objectifs et transparents. Le recrutement local continue d'être privilégié et l'absence de mobilité renforce le contrôle étroit du pouvoir politique local. La décentralisation appliquée à la police régionale en 1999 pour rapprocher la police de la population a renforcé l'influence des autorités locales sur les nominations, d'autant plus que la décorrélation des fonctions et du grade facilite les avancements rapides ou les blocages. La quasi impossibilité pour l'échelon central de coordonner des commandements régionaux très autonomes s'observe également dans le corps des gardes-frontières. Les recrutements locaux et l'absence de mobilité expliquent l'acceptation de conditions de travail médiocres et de rémunérations basses, compensées également par la pratique tolérée d'un second métier qui obère considérablement le volume horaire travaillé.

La justice souffre encore d'un mode de recrutement national et transparent qui n'empêche pas la cooptation dans la réalité et d'un système d'inamovibilité presque totale et d'immunité pénale faisant échapper les magistrats à toute responsabilité, y compris pour des actes commis en dehors de leur activité professionnelle.

Par ailleurs, la législation comporte un certain nombre d'insuffisances manifestes pour lutter efficacement contre la délinquance organisée :

- l'absence de responsabilité des personnes morales qui facilite les opérations douteuses dans le domaine financier ;

- la quasi-absence de la notion de complicité si le présumé complice n'est pas reconnu par la personne mise en cause (un chauffeur d'un poids lourd transportant des clandestins ou des produits de contrebande ne sera pas inquiété s'il déclare qu'il ignorait le contenu de son chargement et le propriétaire du véhicule obtiendra restitution s'il fait une déclaration similaire) ;

- les restrictions apportées au champ de la responsabilité pécuniaire des auteurs d'infractions, puisque les saisies ne peuvent toucher que les biens propres de la personne convaincue d'infraction. En conséquence, les malfaiteurs n'ont aucun bien personnel, mais logent dans des villas appartenant à la famille ou circulent dans des véhicules de luxe immatriculés au nom du conjoint.

Enfin, la loi de 1998 sur la fonction publique et les lois qui l'ont suivie n'ont pas permis de déterminer clairement les compétences, les responsabilités et les qualifications nécessaires pour occuper certains postes ni de remettre de l'ordre dans le système des traitements. Actuellement, les traitements dans les domaines de la santé, de l'enseignement ou de la sécurité sont proches des allocations de chômage. Surtout le système du recrutement par concours est encore un phénomène nouveau que le monde politique et les directeurs généraux ne semblent pas avoir totalement accepté.

La suspension de certaines dispositions de la loi sur la fonction publique pour permettre le recrutement de personnel de grade élevé sans passer par un concours général, constitue manifestement un pas en arrière significatif, d'ailleurs sanctionné par le Tribunal constitutionnel qui a constaté la non conformité à la Constitution de cette procédure dérogatoire.

Les directeurs continuent de disposer d'une grande liberté de recrutement, dans la mesure où la loi ne précise pas les conditions de recrutement mais impose uniquement l'obligation de publier l'information sur les postes vacants. Ainsi, en 2002, 25 diplômés de l'école nationale d'administration publique (KSAP) sur 65 en tout ont eu du mal à trouver un poste, alors qu'ils étaient formés pour assurer l'application des nouvelles lois sur le contrôle interne dans les institutions et l'audit, mais les directeurs généraux ont considéré que ce n'était pas un atout. Dans son rapport 2002 sur la Pologne, la Commission rappelle que les fonctionnaires recrutés par concours représentent un total d'environ 830 personnes, soit 0,8 % de l'effectif total de l'administration centrale, et reconnaît que le rythme actuel du recrutement est insuffisant pour permettre la constitution, dans un proche avenir, d'une fonction publique indépendante et suffisamment étoffée.

Jusqu'à présent, la Commission a mis beaucoup de ses forces dans la négociation avec les douze pays candidats et semble avoir porté son attention sur la transposition législative et réglementaire des textes, plus que sur les capacités administratives et juridictionnelles de mettre en œuvre l'acquis communautaire. Or, la transposition des textes ne serait qu'une apparence si les réformes de l'administration et de la justice devaient rester formelles.

La Commission doit s'attacher d'urgence à inciter fermement, mais aussi à aider les pays adhérents à réformer rapidement leur administration et leur justice pour appliquer effectivement l'acquis.

La réussite de leur intégration dans l'Union européenne en dépend à plusieurs titres.

Premièrement, une économie souterraine aussi massive et organisée représente une vraie menace pour l'intégrité du grand marché unique. En particulier, la diffusion des réseaux et des produits de la contrefaçon sur tout l'espace européen ne pourrait que susciter des demandes de sauvegarde si les autorités nationales ne se montraient pas décidées à la combattre. La nécessaire « souplesse » pour des économies encore en transition ne peut légitimer la pérennité de ces structures clandestines et quasi industrielles.

Deuxièmement, des pays qui se réfèrent à l'Espagne comme modèle de bonne gestion des fonds communautaires auront besoin d'une administration et d'une justice efficaces et intègres pour éviter le gaspillage de ces ressources non extensibles.

Troisièmement, seul un cadre juridico-administratif sûr sera capable d'attirer les investissements directs étrangers, nécessaires au financement à long terme de la convergence économique de ces pays sur la moyenne européenne.

Quatrièmement, cet assainissement est l'une des clés de la politique orientale de l'Union européenne à l'égard de son nouveau voisinage. Les nouveaux voisins ne changeront de comportements économiques que si les pays adhérents leur servent de modèles et les persuadent que les anciens comportements sont incompatibles avec l'intégration au marché unique européen.

Une action déterminée des pays adhérents pour améliorer leur capacité administrative et juridictionnelle dans l'année précédant leur adhésion serait préférable à une multiplication des sauvegardes. Un mur de sauvegardes ternirait en effet le début de l'intégration dans l'esprit des opinions publiques des deux parties, au moment où elles seront appelées à jouer un rôle décisif après l'adhésion.

B. Pour franchir avec un équilibre politique plus complexe une succession d'échéances décisives

1) Des dispositions difficilement compréhensibles organisant un équilibre politique plus complexe

Le traité de Nice a procédé à une réforme institutionnelle de l'Union européenne en préalable à l'élargissement. Mais deux raisons ont conduit le Conseil européen de Copenhague à adapter, par le Traité d'adhésion, plusieurs dispositions du traité de Nice : d'une part, le traité de Nice avait prévu une application de ses dispositions en deux étapes dont la deuxième, fixée au 1er janvier 2005, était postérieure à l'adhésion au 1er mai 2004 et rendait nécessaire la définition d'une transition institutionnelle ; d'autre part, le traité de Nice avait prévu des dispositions pour vingt-sept membres et non pour vingt-cinq.

En conséquence, la combinaison de l'entrée en vigueur du traité de Nice et des adaptations prévues par le Traité d'adhésion des dix nouveaux Etats membres se déclinera en quatre étapes institutionnelles.

· Plusieurs dispositions du traité de Nice sont applicables dès son entrée en vigueur, le 1er février 2003(2:

- l'extension du champ de la majorité qualifiée à 27 articles du Traité, relatifs en particulier à la désignation du Président de la Commission, à la nomination du haut représentant pour la PESC, à certaines dispositions dans le domaine de la justice et des affaires intérieures et à la négociation commerciale sur les services et la propriété intellectuelle, à l'exception des accords de nature horizontale ainsi que des secteurs comme la culture, l'éducation et la santé ;

- l'assouplissement des conditions de recours aux coopérations renforcées et son extension à la PESC à l'exception de la défense ;

- l'extension des pouvoirs du Parlement européen à la saisine de la Cour de justice dans les mêmes conditions que les autres institutions et à la codécision en matière de politique industrielle et de coopération judiciaire et civile ;

- le renforcement des pouvoirs du Président de la Commission sur son organisation interne ;

- l'amélioration du mécanisme de protection des droits fondamentaux par une procédure d'alerte pour mettre en garde un Etat membre avant de le sanctionner ;

- la réorganisation de la Cour de justice et du tribunal de première instance.

Les adaptations ont porté dans le Traité d'adhésion sur plusieurs dispositions institutionnelles - taille de la Commission, pondération des voix au Conseil, règles de vote à la majorité qualifiée - pour lesquelles le traité de Nice ne prévoyait une entrée en vigueur qu'au 1er janvier 2005.

· Entre la signature du Traité d'adhésion, le 16 avril 2003, et l'adhésion, le 1er mai 2004, les dix futurs membres auront un statut « d'observateurs actifs » au Conseil où ils pourront prendre la parole, au Parlement européen où ils pourront participer aux travaux ainsi que dans les comités d'experts.

Conformément à la déclaration 23 § 8 du traité de Nice et au § 8 des conclusions de Copenhague, « les Etats candidats qui auront achevé les négociations d'adhésion avec l'Union seront invités à participer à la CIG » qui suivra la Convention. « Ceux qui ne les auront pas achevées (c'est-à-dire la Roumanie et la Bulgarie) seront invités à y participer en qualité d'observateurs ». Une application stricte de ces dispositions écarterait la Turquie de la CIG, puisque les négociations d'adhésion ne sont pas ouvertes avec Ankara, alors qu'elle participe à la Convention où tous les candidats - en négociation ou non - ont été associés.

· Le Traité d'adhésion ouvre une période de transition institutionnelle entre le 1er mai et le 31 octobre 2004.

S'agissant de la Commission et conformément au traité de Nice, le Traité d'adhésion prévoit que dès le 1er mai 2004, les dix nouveaux membres disposeront d'un Commissaire européen. La Commission Prodi, dont le mandat devait s'achever initialement le 31 décembre 2004, a proposé d'anticiper la fin de son mandat au 31 octobre 2004 et de faire des dix nouveaux des Commissaires « sans portefeuille » du 1er mai au 31 octobre 2004. Elle comprendra trente Commissaires pendant ces six mois.

Les dispositions du traité de Nice relatives au Parlement européen s'appliqueront dès les élections de juin 2004 dans les 25 Etats membres. Le nombre de députés sera plafonné à 732. Il convient de rappeler que les deux chambres du Congrès américain comptent 535 membres.

En attendant leur adhésion, les 50 sièges prévus par le traité de Nice pour la Roumanie (33) et la Bulgarie (17) seront redistribués au prorata entre Etats membres actuels et nouveaux, à l'exception de l'Allemagne et du Luxembourg qui conserveront les 99 et 6 députés que Nice leur avait maintenus. En effet, le Protocole sur l'élargissement de l'Union européenne (art. 2 § 3) prévoit qu'en aucun cas un Etat membre ne peut avoir plus de parlementaires qu'il n'en a actuellement.

Par ailleurs, le Traité d'adhésion rectifiera la décision prise à Nice concernant le nombre de députés européens hongrois et tchèques pour les aligner sur la Belgique, la Grèce et le Portugal qui ont le même nombre d'habitants. Sur la base du traité de Nice, la Belgique, la Grèce et le Portugal passeront de 22 à 24 députés, tandis que la Hongrie et la République tchèque n'auraient dû passer que de 20 à 21 députés. La répartition des 50 sièges a atteint un total de 726 députés et laissé 6 sièges à répartir entre Prague et Budapest pour leur donner 24 députés. Cette solution est valable jusqu'à l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie, mais la Hongrie et la République tchèque souhaitent, pendant la Conférence intergouvernementale qui suivra la Convention, rectifier définitivement le décrochage qui a été opéré à Nice en leur défaveur.

La France dispose actuellement de 87 sièges de députés, qui passeront à 78 dans l'Union européenne à vingt-cinq et à 72 dans l'Union européenne à vingt-sept.

Répartition des 732 deputes europeens dans l'UE-25 pour les elections de juin 2004

ETATS MEMBRES

SIEGES

ETATS MEMBRES

SIEGES

Allemagne

99

Slovaquie, Danemark, Finlande

14

France, Royaume-Uni, Italie

78

Irlande, Lituanie

13

Espagne, Pologne

54

Lettonie

9

Pays-Bas

27

Slovénie

7

Grèce, Belgique, Portugal, République tchèque, Hongrie

24

Estonie, Chypre, Luxembourg

6

Suède

19

Malte

5

Autriche

18

TOTAL UE-25

732

Source : ministère des affaires européennes.

Par ailleurs, lors de l'adhésion en 2007 de la Roumanie et de la Bulgarie, l'article 2 § 4 du Protocole sur l'élargissement de l'Union européenne annexé au traité de Nice permet aux vingt-cinq Etats membres de conserver leur nombre de députés jusqu'à la fin de la législature en 2009, y compris ceux ayant bénéficié d'une redistribution des sièges roumains et bulgares. On ajoutera donc aux 732 députés, de 2007 à 2009, les 50 sièges roumains et bulgares, assortis d'une majoration jusqu'à la fin de la législature pour aligner le nombre de députés roumains et bulgares sur la correction des Etats membres qui auront bénéficié de cette redistribution en attendant l'adhésion de Sofia et Bucarest.

Enfin, les dispositions institutionnelles actuelles du traité instituant la Communauté européenne relatives à la pondération des voix au Conseil et au vote à la majorité qualifiée seront extrapolées aux dix nouveaux membres, en attendant l'entrée en vigueur des repondérations fixées à Nice.

Le Traité d'adhésion précise qu'entre le 1er mai et le 31 octobre 2004, lorsqu'il est prévu que le Conseil statue à la majorité qualifiée, le seuil sera fixé à 88 voix dans les cas où le Traité requiert une adoption sur la base d'une proposition de la Commission. Dans les autres cas, les actes requerront au moins 88 voix et une majorité des deux tiers des Etats membres.

Pondération des voix au Conseil du 1er mai au 31 octobre 2004

ETATS MEMBRES

VOIX AU CONSEIL

ETATS MEMBRES

VOIX AU CONSEIL

Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie

10

Suède, Autriche

4

Espagne, Pologne

8

Slovaquie, Danemark, Finlande, Irlande, Lituanie, Lettonie, Slovénie, Estonie

3

Pays-Bas Grèce, Belgique, Portugal, Hongrie, République tchèque

5

Chypre, Malte, Luxembourg

2

TOTAL UE-25

124

Source : ministère des affaires européennes.

· Le Traité d'adhésion prévoit enfin que les dispositions du traité de Nice relatives au plafonnement des membres de la Commission, à la repondération des voix au Conseil, ainsi qu'au seuil de la majorité qualifiée entreront en vigueur de manière anticipée avec la nouvelle Commission, le 1er novembre 2004.

A partir du 1er novembre 2004, la Commission comptera un Commissaire national par Etat membre, les cinq Etats membres les plus peuplés ayant renoncé à leur deuxième Commissaire. Ses vingt-cinq membres seront soumis à un vote d'approbation du Parlement européen élu en juin 2004. La nouvelle Commission prendra ses fonctions pour 5 ans, jusqu'au 31 octobre 2009.

Par ailleurs, le traité de Nice dispose qu'à partir de l'adhésion du vingt-septième Etat membre, le nombre de membres de la Commission sera inférieur au nombre d'Etats membres (art. 4 § 2, 4 § 3 et 4 § 4 du Protocole sur l'élargissement). Les membres seront choisis sur la base d'une rotation égalitaire entre Etats, dont les modalités seront arrêtées par le Conseil statuant à l'unanimité, le nombre de membres de la Commission étant fixé par le Conseil à l'unanimité. Les Etats membres seront traités sur un strict pied d'égalité en ce qui concerne l'ordre de passage et le temps de présence de leurs nationaux au sein de la Commission, l'écart entre le nombre total des mandats de Commissaire détenus par des nationaux de deux Etats membres donnés ne pouvant jamais être supérieur à un. Sous cette réserve, chacun des collèges successifs de Commissaires sera constitué de manière à refléter l'éventail démographique et géographique de l'Union. Tout Etat qui adhérera aura le droit d'avoir, au moment de son adhésion, un Commissaire jusqu'à l'entrée en vigueur du plafonnement de la Commission.

Nice avait prévu une repondération des voix au Conseil pour une Union européenne à 27, avec une minorité de blocage explicitement fixée à 91 voix sur un total de 345.

Pour l'Union européenne à 25, le Traité d'adhésion prévoit, sur un nombre total de 321 voix (soit Nice hors Roumanie et Bulgarie), un seuil de minorité de blocage à 90 voix (soit 3 « grands » Etats membres à 29 voix + un « petit », y compris le plus petit, Malte, 3 voix) et un seuil de majorité qualifiée à 232 voix (soit 72,27 %). Par ailleurs, dès le 1er novembre 2004, les deux autres conditions introduites à Nice entreront en vigueur : la nécessaire réunion d'une majorité d'Etats membres dans toute majorité qualifiée (« filet d'Etats »), ainsi que la « clause de vérification démographique ».

Ainsi, pour l'Union européenne à 25, lorsqu'il est prévu que le Conseil statue à la majorité qualifiée, le seuil sera fixé à 232 voix exprimant le vote favorable d'une majorité (simple) des Etats membres dans les cas où le Traité requiert une adoption sur la base d'une proposition de la Commission. Dans les autres cas, les actes du Conseil requerront au moins 232 voix et une majorité des deux tiers des Etats membres. Enfin un Etat membre pourra demander à vérifier que cette majorité qualifiée représente au moins 62 % de la population totale de l'Union européenne. Si cette condition n'est pas remplie, la décision n'est pas adoptée.

Pondération des voix au Conseil du 1er novembre 2004 dans l'UE-25

ETATS MEMBRES

VOIX AU CONSEIL

ETATS MEMBRES

VOIX AU CONSEIL

Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie

29

Suède, Autriche

10

Espagne, Pologne

27

Slovaquie, Danemark, Finlande, Irlande, Lituanie

7

Pays-Bas

13

Lettonie, Slovénie, Estonie, Chypre, Luxembourg

4

Grèce, Belgique, Portugal, Hongrie,
République tchèque

12

Malte

3

TOTAL UE-25

321

Source : ministère des affaires européennes.

Enfin, le Traité d'adhésion confirme, « afin de donner aux nouveaux membres le temps de se préparer en vue de leur Présidence, que l'ordre de rotation actuel des Présidences de l'Union européenne se poursuivrait jusqu'à la fin 2006 ». « Le Conseil décidera de la question de l'ordre des Présidences pour 2007 et au-delà, dès que possible et au plus tard un an après l'adhésion des nouveaux membres ». L'ordre des Présidences de l'Union européenne fixé à ce jour est le suivant :

ANNEE

1ER SEMESTRE

2EME SEMESTRE

2003

Grèce

Italie

2004

Irlande

Pays-Bas

2005

Luxembourg

Royaume-Uni

2006

Autriche

Finlande

2007

Allemagne

Portugal

2008

France

Suède

Source : ministère des affaires étrangères.

2) Une succession d'échéances décisives

Le calendrier politique des quatre prochaines années comporte une succession d'échéances décisives pour la réussite du processus d'élargissement et pour l'avenir des institutions et des politiques communes de l'Union européenne : la ratification du Traité d'adhésion des dix nouveaux Etats membres, la réforme institutionnelle, le renouvellement du Parlement européen et de la Commission, les négociations à l'OMC et la définition des perspectives financières de l'Union élargie en principe à vingt-sept pour la période 2007-2013. Ce calendrier peut donner le vertige dans la mesure où chaque échéance suit sa propre logique mais où chacune interagit sur l'autre sans qu'on puisse encore préjuger de quelle manière.

Cinq étapes devraient encore ponctuer la ratification du Traité d'adhésion :

¬ la signature officielle du Traité d'adhésion à Athènes, le 16 avril 2003, après le vote à une large majorité de la Commission des Affaires étrangères du Parlement européen en faveur de l'adhésion des dix, le 19 mars, et l'avis conforme du Parlement européen rendu le 9 avril, à condition que soient levées les divergences avec le Conseil sur les dépenses nécessaires à l'élargissement et le respect de ses prérogatives budgétaires que le processus de négociation n'aurait pas, à son avis, respectées ;

¬ la période des référendums de ratification dans les futurs membres, qui s'étaleront du 8 mars au 20 septembre 2003 dans neuf pays adhérents, sauf à Chypre en raison de l'échec des négociations sur la réunification de l'île le 10 mars 2003.

A Malte, lors du référendum consultatif du 8 mars, 91 % des électeurs ont participé et se sont prononcés à 53,65 % en faveur du oui. Des élections législatives se dérouleront le 12 avril.

La Slovénie a approuvé à 89,66 % des voix l'adhésion à l'Union européenne (et à 66,08 % l'adhésion à l'OTAN), avec un taux de participation de 59,15 %.

Le calendrier des prochains référendums est le suivant :

Hongrie : 12 avril 2003

Lituanie : 10-11 mai 2003

Slovaquie : 16-17 mai 2003

Pologne : 8 juin 2003

République tchèque : 15-16 juin 2003

Estonie : 14 septembre 2003

Lettonie : 20 septembre 2003.

Il convient de noter que le risque de rejet du Traité d'adhésion par l'un des dix adhérents semble moins important que le risque d'une faible participation dans certains pays. En Pologne, en Lituanie, en Hongrie et en Slovaquie, les dispositions constitutionnelles et légales encadrant la pratique du référendum exigent, pour valider le résultat, un taux de participation supérieur à 50 % des inscrits.

En Pologne, la loi a été modifiée pour qu'en cas de participation inférieure à 50 %, la Diète puisse décider soit de l'organisation d'un nouveau référendum, soit d'une ratification parlementaire. En Lituanie, le gouvernement a, d'une part, fait supprimer l'obligation pour le « oui » de recueillir au moins un tiers des inscrits en plus de celle d'un taux de participation supérieur à 50 % et, d'autre part, décidé d'organiser le référendum sur deux jours, les 10-11 mai, pour éviter les effets d'une participation insuffisante ;

¬ la publication par la Commission, à l'automne 2003, du dernier rapport de suivi sur la mise en œuvre de l'acquis communautaire par les dix futurs membres ;

¬ le débat de ratification au Parlement français, probablement au cours de la session d'automne 2003 et dans tous les actuels Etats membres ;

¬ l'adhésion effective des nouveaux membres le 1er mai 2004.

La date d'adhésion a été fixée au 1er mai 2004 pour permettre aux dix pays adhérents de participer au grand rendez-vous de l'Europe démocratique : les élections au Parlement européen en juin 2004 suivies de l'installation de la nouvelle Commission le 1er novembre.

En revanche, toute prévision sur la conclusion de la Conférence intergouvernementale et la ratification du futur Traité constitutionnel est encore prématurée. La réforme institutionnelle aura en principe une influence déterminante sur l'équilibre entre les pouvoirs qui devront participer au deuxième grand rendez-vous : le débat, en 2005-2006, sur les perspectives financières et les politiques communes pour la période 2007-2013.

La première inconnue porte cependant sur la date d'entrée en vigueur du futur traité et de ses effets sur les mandats des institutions communautaires issues du traité de Nice adapté : s'appliqueront-elles immédiatement au Conseil, à la Commission et au Parlement européen ou seulement à partir de 2009 ?

La deuxième inconnue porte sur les pouvoirs du Parlement européen : quelle sera l'étendue de la co-décision et de quels pouvoirs disposera-t-il pour se prononcer sur les recettes comme sur les dépenses ? Elle porte aussi sur la suppression de la catégorie des dépenses obligatoires qui donne le dernier mot au Conseil et a permis de sanctuariser la PAC face à la volonté du Parlement européen de développer d'autres politiques communes.

Le débat sur la répartition budgétaire entre les politiques internes pourrait en être influencé. De même, une réforme des ressources propres de l'Union européenne conduisant à remplacer le raisonnement en termes de contributions nationales nettes liées au PIB par un impôt européen changerait la nature du débat sur l'accroissement du budget européen pour financer l'élargissement.

Le débat sur les perspectives financières 2007-2013 promet d'être difficile entre les contributeurs budgétaires nets, les Etats membres attachés au développement d'une PAC évolutive mais exportatrice, les Etats membres souhaitant contrôler l'évolution des fonds structurels et des fonds de cohésion et les nouveaux Etats membres, pour la plupart bénéficiaires budgétaires nets qui souhaiteront accéder à des politiques communes plus généreuses. La règle de l'unanimité s'appliquera à la discussion financière sauf si la réforme institutionnelle en décide autrement, celle de la majorité qualifiée s'appliquera à la réforme de la PAC. En revanche la règle de l'unanimité continuera de s'appliquer pour la définition de la nouvelle politique régionale conformément à la décision obtenue à Nice par l'Espagne.

Les Etats membres devront trouver la bonne combinaison en particulier entre un relèvement du plafond des ressources propres fixé à 1,24 % du Revenu national brut (RNB)(3) de l'Union européenne, une révision du chèque britannique et la réforme de la politique agricole et de la politique régionale.

Le Commissaire européen chargé de l'élargissement, M. Günter Verheugen, lors de son audition par la Délégation le 27 novembre 2002, a déclaré qu'à son avis personnel il ne fallait pas s'attendre à un relèvement de plafond de 1,24 %, alors que les dépenses se situent à 1,08 % et qu'à partir de 2006, les dépenses vont s'accroître et les financements disponibles ne vont pas augmenter dans la même mesure.

Force est de constater que le coût net de cet élargissement reste relativement limité sur la période 2004-2006 au cours de laquelle les paiements réels n'atteindront qu'une fraction des engagements. Il représentera pour la France un montant de 750 à 900 millions d'euros par an sur ces trois années, pour une contribution annuelle au budget communautaire proche de 17 milliards d'euros. L'impact budgétaire de cet élargissement ne produira en réalité ses pleins effets, notamment sur les contributeurs nets, que sur la période 2007-2013, avec la montée en charge des aides directes agricoles et des fonds structurels.

On peut se demander si les contributeurs budgétaires nets ne seront pas tentés par la gageure de continuer à partager le gâteau entre un plus grand nombre de convives sans en augmenter la taille.

Les pays adhérents qui acquittent la totalité de leur contribution dès l'adhésion et participent à la correction britannique, se joindront vraisemblablement à d'autres Etats membres pour demander sa suppression.

Contribution des 10 adherents a la correction britannique (prix 1999)

 

CY

CZ

EE

HU

LT

LV

MT

PL

SI

SK

Total en M€

2004

8

56

5

46

10

6

3

148

17

20

320

2005

12

88

8

72

16

10

5

230

27

30

497

2006

13

93

8

77

17

11

5

244

28

32

529

p.m. : la France est le premier contributeur au chèque britannique, à hauteur de 1,5 milliard d'euros par an, sur un total de près de 5 milliards d'euros.

Source : ministère des affaires européennes.

En ce qui concerne l'ampleur des transferts en faveur de l'agriculture, le compromis franco-allemand a constitué un très utile élément de stabilisation des dépenses de soutien au marché pour les vingt-cinq jusqu'en 2013, au niveau atteint en 2006, sur la base d'un octroi progressif des aides directes aux agriculteurs des PECO en contrepartie d'une réduction limitée et étalée des aides directes versées aux agriculteurs des actuels Etats membres. La France devra rappeler aux pays adhérents l'effort consenti sur la PAC par les actuels Etats membres. Il faut espérer que leurs stratégies de négociation dans le débat sur les perspectives financières respecteront le caractère contraignant de la décision des Quinze au Conseil européen de Bruxelles.

En 2007, la politique régionale devra relever le défi d'une Union européenne à vingt-sept, qui comptera 105 millions d'habitants supplémentaires, doublera ses disparités régionales et enregistrera une chute de 18 % de son PIB moyen par habitant. Le Conseil européen de Berlin, en 1999, avait plafonné les aides structurelles à 4 % du PIB national, au motif que ce plafond représentait la capacité maximale d'absorption des pays candidats. Toutefois les aides structurelles en 2006 représenteront moins de 2,5 % du PIB des dix pays adhérents et, même avec des transferts correspondant à 4 % de leur PIB national, ils recevraient des dotations par habitant plus faibles que celles reçues par l'Espagne, la Grèce et le Portugal. La capacité d'absorption dépend en réalité de la réactivité de l'administration et de son organisation et non du niveau du PIB. Une forte pression s'exercera de la part des pays adhérents et des bénéficiaires actuels pour demander une hausse du plafond des dépenses structurelles fixé actuellement à 0,45 % du PIB communautaire et consommé à hauteur de 0,35 %. Le Commissaire européen chargé de la politique régionale, M. Michel Barnier, note qu'en 2006, après les décisions de Copenhague, l'Union européenne consacrera 0,41 % de son PIB aux fonds structurels et qu'une enveloppe s'élevant à 0,45 % du PIB de l'Union européenne sera nécessaire. Or le Royaume-Uni vient de proposer au contraire une réduction de moitié du budget de la politique régionale, en organisant une renationalisation partielle de cette politique et en limitant les financements communautaires aux Etats membres les plus pauvres.

Enfin, il convient de rappeler que le débat sur les perspectives financières se déroulera dans la foulée des négociations commerciales, ouvertes d'abord sur l'agriculture et les services le 1er janvier 2000 conformément à l'accord de Marrakech, puis sur les autres domaines en novembre 2001 à la Conférence de Doha, pour s'étendre éventuellement à l'investissement et à la concurrence après la Conférence de Cancun des 10 au 14 septembre 2003, et s'achever en principe le 1er janvier 2005.

C. En convainquant les opinions publiques que les avantages l'emportent sur les risques

La principale conclusion du rapport que l'ancien Premier ministre néerlandais, M. Wim Kok, a présenté le 26 mars à la demande de la Commission, sur les conséquences de l'élargissement est que cet élargissement ouvrira des perspectives positives considérables, à condition que tous les membres de l'Union élargie aient une authentique volonté de coopérer davantage entre eux et de se doter des moyens politiques pour mettre rapidement en œuvre d'importantes réformes et être à la hauteur des défis futurs.

Les opinions publiques doivent tout d'abord prendre conscience de ce que représenterait un non-élargissement en termes d'instabilité du continent, pour des Européens inquiets des bouleversements économiques et géopolitiques provoqués par la mondialisation et les nouvelles menaces du terrorisme et de la prolifération des armes de destruction massive. La mesure des conséquences du non-élargissement n'est pas une abstraction théorique, il suffit de se tourner vers l'Europe du Sud-Est pour comprendre que laisser l'Europe centrale et orientale dans une zone d'incertitude aurait constitué une bombe à retardement pour la stabilité et la prospérité du continent. D'un côté, l'Union européenne a dû se résoudre à intervenir militairement dans les Balkans, à financer une reconstruction lourde et à établir de véritables protectorats à durée indéterminée, de l'autre, la perspective politique et économique qu'elle a apportée à l'Europe centrale et orientale a permis à celle-ci de surmonter ses problèmes de minorité, de s'engager dans des réformes de structure irréversibles et d'attirer très tôt un investissement direct étranger indispensable à sa modernisation. Refuser l'élargissement serait subir tous les risques sans disposer des garanties permettant de les maîtriser.

Ensuite, l'intégration des économies d'Europe centrale et orientale offrira une perspective de relance de longue durée à une économie des Quinze dont la croissance manque de dynamisme depuis plusieurs années.

Ces économies qui ont à peine dépassé ou retrouvé leur niveau de richesse de 1989 après une transition difficile au cours de la décennie quatre-vingt-dix, sont avides de rattraper le niveau de vie des Européens de l'Ouest et de satisfaire des besoins non saturés, en biens de consommation et services et en biens d'équipement. Cette « préférence communautaire » s'est traduite par un basculement de leurs échanges extérieurs de l'Est vers l'Ouest et par un déficit global de leur balance commerciale avec l'Union européenne et donc à un avantage en termes d'emploi au sein des Quinze. Ces échanges se sont traduits également par un développement des investissements directs européens, déterminants pour l'équilibre des balances de paiement, mais surtout pour la restructuration des entreprises et les transferts de technologies à partir desquels pouvait s'engager le cycle vertueux du développement de ces économies bénéfique à toute l'Union.

Une étude de la Commission sur l'impact économique de l'élargissement, en mai 2001, a chiffré l'accroissement du PIB lié à l'élargissement à 2 points de PIB annuel des pays candidats et à un point de PIB annuel pour les Quinze.

Toutefois, des leçons devront être tirées des difficultés de la réunification allemande et du succès de l'élargissement à l'Espagne et au Portugal, pour favoriser la convergence la plus rapide des économies des nouveaux Etats membres vers la moyenne de l'Union européenne.

En particulier, la réunification allemande a montré qu'une politique d'alignement immédiat des salaires et de la monnaie combinée à des transferts financiers colossaux représentant de 3 à 4 % du PIB chaque année n'avait pas enclenché de processus de convergence et que notamment, des infrastructures remises à neuf et une main-d'œuvre qualifiée ne suffisaient pas à attirer les investisseurs.

Cette expérience montre que la convergence doit reposer sur un dosage subtil entre une logique de solidarité et une logique de concurrence, mais le point d'équilibre est particulièrement difficile à trouver. En effet, d'une part la logique de solidarité et de transferts financiers se trouve limitée par les contraintes de la maîtrise budgétaire imposée par l'euro ainsi que par la nécessité pour les grands Etats contributeurs de réformer leur modèle de compétitivité et d'Etat-providence afin de faire face au vieillissement de leur population. D'autre part, la logique de concurrence fondée sur les avantages comparatifs des nouveaux Etats membres, notamment les coûts de la main-d'œuvre, se heurte aux exigences du développement d'un marché unique homogène supportant mal de trop grandes disparités fiscales et sociales. Elle se heurte également aux barrières imposées provisoirement à la libre circulation des travailleurs par les Etats membres au voisinage des pays candidats.

Les craintes sont d'ailleurs contradictoires puisqu'elles se partagent entre le risque de voir le chômage à l'Ouest augmenter si les entreprises délocalisent en raison des bas salaires et le risque de provoquer un afflux d'immigrés si les revenus à l'Est ne se rapprochent pas de ceux de l'Ouest.

Elles sont néanmoins compréhensibles, compte tenu des fortes disparités des coûts de la main-d'œuvre dans l'Union européenne et les pays candidats. La moyenne des coûts horaires de main-d'œuvre dans l'industrie et les services des dix pays en voie d'adhésion était, en 2000, plus de cinq fois inférieure à celle de l'Union européenne à 15 : 4,21 euros contre 22,70 euros, la France se situant à 24,39 euros.

Le Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie(4) répond par trois arguments à la crainte d'une concurrence déloyale des entreprises des PECO, en termes de coûts salariaux. D'abord ce phénomène est en partie compensé par une moindre productivité du travail salarié : la valeur ajoutée par actif dans l'industrie en République tchèque et en Hongrie est par exemple inférieure de moitié au niveau européen. Ensuite, cette faiblesse des coûts salariaux ne découle pas d'une absence de protection sociale, dans la mesure où les charges sociales et fiscales pesant sur les salaires représentent une proportion des coûts salariaux similaire à celle observée en France, de l'ordre de 50 %. Enfin, le Traité d'adhésion soumet les entreprises des nouveaux membres aux mêmes règles que celles des membres actuels, notamment pour les aides publiques, la passation des marchés publics, la protection de l'environnement et les normes de sécurité. En outre des règles spécifiques ont été adoptées dans certains secteurs : ainsi le cabotage routier ne sera ouvert aux entreprises des nouveaux membres qu'après une période de transition de cinq ans, et la période transitoire pour restructurer leur sidérurgie se traduira par une réduction des capacités de production et un abandon des aides d'Etat à son terme. En réalité une convergence des salaires des nouveaux Etats membres avec ceux de l'Union européenne actuelle, qui serait plus rapide que la convergence des productivités du travail, handicaperait, comme en Allemagne de l'Est, leurs entreprises et diminuerait leur attractivité pour les investissements étrangers.

Le choc des délocalisations a d'ailleurs déjà été absorbé en partie avec les nombreux investissements déjà réalisés dans les différents pays candidats. A cet égard, la France est bien placée puisqu'elle se situe au troisième rang des investissements directs dans la zone élargissement, derrière l'Allemagne et les Etats-Unis et devant le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Sa part dans les flux d'investissements directs est passée de moins de 5 % en 1998 à plus de 20 % actuellement. Les entreprises françaises sont au premier rang des investisseurs en Pologne et en Roumanie, respectivement au deuxième, troisième et quatrième rangs en Slovénie, Hongrie et République tchèque, et sont particulièrement dynamiques dans les secteurs du BTP, de l'environnement, des services bancaires, de la grande distribution, de l'agro-alimentaire, de l'automobile et des télécommunications.

Les craintes sont également excessives parce qu'elles négligent l'autre versant du processus - à savoir les nouveaux débouchés offerts par des marchés non saturés - et qu'elles s'inscrivent dans une vision statique et non dynamique de l'élargissement. Mais si le processus est gagnant pour tout le monde à long terme, il y aura incontestablement une phase d'ajustement à court et à moyen terme, qui sera difficile dans un certain nombre de secteurs et de régions, aussi bien dans les Etats membres actuels que chez les nouveaux. C'est à l'intérieur même des pays adhérents que le choc concurrentiel risque de frapper des secteurs entiers et d'accentuer les disparités régionales. L'expérience de l'élargissement aux pays du Sud montre qu'un risque d'immigration massive est peu probable, même si une pression peut s'exercer sur les zones frontalières de l'Autriche et de l'Allemagne. Celle-ci accueille actuellement les deux tiers des immigrants d'Europe centrale et orientale au sein de l'Union européenne .La France peut cependant témoigner que l'entrée de l'Espagne et du Portugal dans l'Union n'a pas eu l'effet destructeur qu'elle redoutait pour ses échanges agricoles et ses régions frontalières, mais qu'au contraire, elle a beaucoup bénéficié du nouveau dynamisme de ses voisins tout en devant s'ajuster à une concurrence avivée dans certains secteurs.

En revanche, des incertitudes pèsent sur le contexte monétaire dans lequel ces économies financeront le rattrapage de leur retard. L'entrée des pays adhérents dans l'euro devrait en effet reposer sur une convergence non seulement nominale mais réelle de leurs économies.

Lors de leur adhésion à l'Union européenne, les Dix adhéreront pour une période transitoire d'au moins deux ans au système monétaire européen (SME bis) afin de limiter les variations des monnaies nationales à une marge de fluctuation de 15 % autour d'un taux pivot entre chaque monnaie et l'euro. Pendant cette période, les pays adhérents conduiront une politique monétaire autonome devant les mener à l'adoption de l'euro, à condition de respecter les critères de convergence de Maastricht.

Il faudra d'abord définir un taux central des monnaies nationales à l'égard de l'euro qui soit adapté à la compétitivité et à la future gestion macro-économique de ces pays. Ils devront par ailleurs conduire des politiques de stabilité macro-économique leur permettant de respecter les critères de Maastricht. En particulier, comme le déclarait le Conseil Ecofin en novembre 2000, il leur faudra maintenir un degré suffisant de stabilité des prix, tout en assurant une croissance rapide de la production et en veillant à ce que les déséquilibres de la balance des paiements soient financés essentiellement par des capitaux à long terme qui puissent financer les importants besoins d'investissements. De plus, il sera capital d'assurer la viabilité à moyen terme des finances publiques, alors qu'il faudra une mise à niveau des infrastructures en soutien à la compétitivité de l'économie, et d'éviter l'instabilité des taux de change dans un contexte d'afflux important de capitaux.

Les pays adhérents souhaiteraient adopter l'euro au plus vite dès que le respect des critères de Maastricht aurait été constaté, mais les pays membres de la zone euro considèrent qu'une réduction de l'écart trop important entre les économies doit précéder leur adhésion à la monnaie unique.

On peut penser également que moins les transferts financiers liés à la solidarité entre Etats membres seront importants, plus les pays adhérents seront tentés d'utiliser leurs avantages comparatifs dans une concurrence avivée et plus ils redouteront de se voir imposer des normes sociales minimales qui grèveraient leur compétitivité. Une majorité qualifiée de refus d'une harmonisation sociale pourrait rassembler non seulement les pays adhérents et les membres actuels rétifs à cette idée, mais même les pays scandinaves qui craignent qu'une harmonisation tire vers le bas leur modèle social.

Par ailleurs, le domaine de la justice et des affaires intérieures est aussi important que les aspects financiers, économiques et sociaux dans la détermination des choix de l'opinion en faveur de l'élargissement. La sécurité intérieure et extérieure est devenue une préoccupation majeure des Européens comme l'ont montré toutes les élections depuis plusieurs années. Les migrations illégales de groupes marginalisés comme les Roms, les trafics d'êtres humains aboutissant à un nouvel esclavage et à une prostitution à grande échelle ou même les vols de voitures sont devenus des faits de la vie quotidienne auxquels l'opinion publique est particulièrement sensible. Ces évolutions nuisent à l'image des pays adhérents, même si l'amalgame est partiellement injuste, dans la mesure où ces trafics ou ces transits ont plus souvent une origine balkanique ou méditerranéenne.

La distinction qu'établit la convention de Schengen entre son entrée en vigueur, date de l'adhésion formelle à Schengen, et sa mise en vigueur, date de la levée effective des contrôles aux frontières intérieures de l'espace Schengen, offre une garantie absolument indispensable. Cette particularité permettra en effet de maintenir les contrôles aux nouvelles frontières intérieures de l'Union après l'adhésion, jusqu'à la décision du Conseil, à l'unanimité, de lever les contrôles. Ce dispositif en deux phases donne un temps d'adaptation aux pays candidats qui ont commencé à s'aligner sur un acquis communautaire en matière de justice et affaires intérieures encore en construction. Il faudra néanmoins démontrer que les engagements pris dans les traités d'adhésion permettront à l'Union élargie de garder la maîtrise de sa sécurité intérieure.

Enfin, les débats engagés dans toute l'Union européenne sur la réforme du régime des retraites rendra l'opinion plus sensible au fait que l'Union vieillira encore plus vite après l'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale. Leur évolution démographique anticipe en effet des phénomènes qui seront visibles en Europe occidentale dans quelques décennies. Dans son rapport de synthèse sur l'économie de l'Union européenne en 2002, la Commission indique que, sans changement dans les politiques actuelles, l'impact du vieillissement des populations pourrait se traduire par une réduction de la croissance potentielle de l'Union européenne, sur la période 2000-2050, de 2 à 2,5 % actuellement à 1,25 % et une baisse moyenne de la croissance du PIB par habitant d'environ 0,4 % par an. La stratégie de Lisbonne s'efforce de concilier l'ambition du dynamisme et la réalité du vieillissement pour faire de l'Union européenne élargie la société du savoir la plus dynamique et innovante du monde en 2010. Sa mise en œuvre effective par les vingt-cinq Etats membres devra constituer une priorité de l'Union pour répondre à ce problème longtemps sous estimé qui est devenu l'un des principaux défis européens.

II. CONSTRUIRE UNE EUROPE POLITIQUE POUR ACCROITRE SON INFLUENCE DANS LE MONDE

A. L'influence menacée d'un acteur mondial incomplet

Il existe au moins quatre raisons de créer un acteur global européen d'ambition mondiale.

Premièrement, l'Europe ne pourra pas longtemps compter sur sa seule puissance commerciale pour peser sur l'évolution du monde. Dans une étude commandée par la Commission européenne(5), l'Institut français des relations internationales (IFRI) montre, à partir de la projection des évolutions de la population active, de la productivité du travail et de la production dans les différentes parties du monde, que l'Europe de trente membres verrait sa contribution au PIB mondial passer de 22 % en 2000 à 12 % en 2050 (et de 28 % à 20 % en formant un ensemble avec la Communauté des Etats indépendants issus de l'ex-Union soviétique et la rive sud de la Méditerranée). Elle déclinerait face à l'ensemble Alena et Mercosur qui se maintiendrait à 31 % et face à l'Asie qui progresserait de 35 % à 45 %.

Ce déclin a d'abord une cause démographique. La population totale et la population active de l'Union européenne à trente membres passerait, de 2000 à 2050, respectivement de 493 à 434 millions de personnes et de 331 à 243 millions de personnes. Les populations totale et active de l'Alena (USA-Canada-Mexique) augmenteraient respectivement de 413 à 584 et de 269 à 355 millions de personnes. Celles de la Grande Chine (avec Taiwan et Singapour) augmenteraient respectivement de 1 282 à 1 472 et de 876 à 898 millions de personnes. Ce déclin résulte également de l'écart qui s'est déjà creusé avec les Etats-Unis dans les quatre secteurs-clés de la puissance et qui s'aggravera si l'Europe ne réagit pas : l'économie, la recherche et la technologie, la culture et le militaire.

Seule une Union politique dotée d'une forte ambition et d'une claire vision de son avenir sera capable d'agir sur les facteurs déterminants de la puissance économique pour retrouver la masse critique nécessaire et la voix au chapitre dans les affaires du monde.

Deuxièmement, le monde est en train de changer de modèle de division internationale du travail et le commerce mondial ne reposera plus principalement sur des échanges de biens à faible contenu idéologique, mais impliquera de plus en plus des choix de société. Comme le dit le Commissaire européen chargé de la politique commerciale commune, M. Pascal Lamy(6), « la négociation commerciale passe de la discussion sur ce que l'on a, à une discussion sur ce que l'on est, sur ce que l'on croit ». Le débat sur les organismes génétiquement modifiés en est l'illustration. Si l'Europe veut continuer à exercer une influence réelle sur la création des normes internationales, elle ne doit plus se contenter de gérer des intérêts mais doit définir des consensus sociétaux clairs.

Seule une Union politique forte complétant l'union économique sera capable de dégager un consensus sur des échanges mondiaux qui n'engagent plus seulement les intérêts, mais les valeurs.

Troisièmement, le retour de la violence internationale et de la tragédie rétablit la primauté du politique sur l'économique et marque la fin de l'illusion de croire que le développement d'une interdépendance économique mondiale conduirait nécessairement à la paix. A la fin de la guerre froide, les Européens ont eu tendance à penser le monde comme une communauté internationale sans rapports de force, un peu à l'image de l'Union européenne, construite en se détournant des politiques de puissance qui avaient conduit ses nations à perpétrer le suicide collectif de l'Europe. Les conflits de l'ex-Yougoslavie puis les attentats du 11 septembre l'ont ramenée aux réalités d'un monde déchiré autant par les vieilles haines ethniques que par les nouvelles menaces diffuses du terrorisme et de la prolifération des armes de destruction massive.

Seule une union politique, capable non seulement de définir des normes mais de faire des choix stratégiques et d'affronter les crises avec une capacité militaire, sera en mesure de se faire respecter comme un acteur décisif dans un monde violent où la force, dissuasive mais réelle, est encore nécessaire au respect du droit.

Quatrièmement, les divergences de vues entre les Etats-Unis et l'Union européenne sur l'évolution de la mondialisation et la gestion des crises se sont trop accentuées pour que l'Union européenne continue à déléguer à son allié le soin de parler au nom de la communauté occidentale et n'affirme pas ses choix quand ce ne sont pas ceux des Etats-Unis.

L'Alliance atlantique s'est forgée à partir de l'aide et de la protection que les Etats-Unis ont apportées à l'Europe ruinée par le deuxième conflit mondial et sur la reconnaissance de leurs valeurs et intérêts communs dans un monde divisé en deux blocs. On aurait pu penser que l'agression du 11 septembre, démontrant la vulnérabilité des Etats-Unis et de la civilisation occidentale, renforcerait l'alliance atlantique face à un nouvel ennemi commun, le terrorisme islamiste. Or c'est plutôt le contraire qui s'est produit. Malgré la réaction rapide et spontanée de solidarité humaine et politique de l'Europe avec l'Amérique, le 11 septembre a plongé l'Alliance atlantique dans une crise sérieuse et a fait éclater au grand jour de profondes divergences. Elles portent d'abord sur les réponses à apporter à la révolte contre le nouvel ordre mondial
- certains disent désordre - en train de se constituer depuis la fin du monde bipolaire. Les Etats-Unis et l'Europe ont proposé au monde un modèle de développement des sociétés fondé sur les principes de la démocratie et de l'économie de marché, mais ils divergent sur la manière de maîtriser l'évolution de la mondialisation.

L'Union européenne, forte de son expérience réussie de pacification et de développement au plan régional, ne craint pas de se lier par des normes communes et propose d'organiser une société mondiale fondée sur une généralisation du droit et des normes. Elle est d'autre part convaincue qu'il faut aider les faibles et les exclus à réintégrer le processus de mondialisation et que le modèle qui a tant contribué au développement de l'Occident doit être rendu compatible avec sa généralisation au monde entier. Cette démarche correspond aux orientations décidées lors des grandes conférences organisées sous l'égide des Nations unies depuis une décennie en vue de fonder un développement durable de la planète.

Les Etats-Unis, forts de la réussite exceptionnelle de leur modèle de développement, craignent que sa diffusion dans le monde n'en soit altérée par une généralisation excessive du droit et des normes. Ils refusent, en leur qualité de seule superpuissance mondiale, de se lier à des normes communes.

Les exemples de cette différence d'approche abondent. Ainsi, les Etats-Unis ont-ils opposé, à l'origine, une vive résistance à la création de l'Organisation mondiale du commerce proposée par l'Union européenne. Ils ont par ailleurs refusé de signer le protocole de Kyoto sur l'effet de serre. Enfin ils ont signé le traité de Rome de 1998 sur le statut de la Cour Pénale Internationale, mais ont refusé de le ratifier en raison de son principe de responsabilisation des individus, au-delà des règles hiérarchiques et des immunités éventuelles organisées par des droits nationaux.

Ces conceptions divergentes de la mondialisation s'accompagnent d'un désaccord transatlantique sur la gestion des crises. Le soutien d'un certain nombre de gouvernements européens à la position américaine sur l'Irak ne doit pas masquer l'émergence d'une opinion publique européenne en faveur de l'affirmation du rôle prééminent du Conseil de sécurité des Nations unies, du respect de la règle de droit international et du rejet de la guerre préventive, avant d'avoir épuisé tous les autres moyens. Les Etats-Unis considèrent que l'état de légitime défense dans lequel ils se trouvent depuis le 11 septembre leur donne le droit d'agir par la force au nom de la morale et de la démocratie, avec ou sans l'aval du Conseil de sécurité. Cette manifestation d'unilatéralisme affaiblit les trois plus importantes structures multilatérales de sécurité mises en place par les partenaires américains et européens après la guerre - l'ONU, l'OTAN et l'Union européenne - et fragilise la solidarité atlantique qui est la colonne vertébrale de la société internationale contemporaine.

Seule une Union politique assurant la cohésion des Européens, au sein d'une solidarité atlantique qui ne serait pas une subordination mais un partenariat, pourrait peut-être convaincre les Etats-Unis de revenir aux conceptions multilatérales qu'ils ont partagées pendant un demi-siècle avec les Européens. En cas d'échec, seule une Union politique éviterait à l'Europe une inexorable sortie de l'histoire d'un XXIe siècle d'abord unipolaire, puis dominé par les Etats-Unis et la Chine.

B. Définir des relations plus ambitieuses avec son nouveau voisinage

1) Le nouvel approfondissement des partenariats à l'Est et au Sud proposé par la Commission débouchera-t-il sur une formule d'association plus étroite ?

L'élargissement de l'Union européenne aura des répercussions différentes sur les relations étroites que l'Union à quinze entretient déjà avec quatre groupes de pays composant son « étranger proche ».

L'élargissement de l'Union conduira tout d'abord à l'élargissement parallèle de l'Espace économique européen (EEE) qui rassemble les quinze Etats membres de l'Union européenne et trois pays de l'Association européenne de libre-échange : Islande, Liechtenstein, Norvège. Le quatrième membre de l'AELE, la Suisse, avait refusé d'adopter l'accord sur l'EEE signé en 1992. Cet accord oblige tout nouvel Etat membre de l'Union européenne à adhérer à l'EEE dès son entrée dans l'Union européenne qui mettra fin, ipso facto, aux accords bilatéraux de libre-échange et aux accords de pêche liant actuellement les trois membres de l'AELE-EEE et les nouveaux Etats membres de l'Union. Les négociations entre l'Union européenne et les trois autres membres de l'EEE ont commencé le 9 janvier, avec l'objectif de conclure pour signer le traité d'adhésion à l'Union européenne et le nouvel accord sur l'EEE le 16 avril 2003 et les soumettre à la ratification des Etats membres. Les parties devront déterminer si les pays AELE-EEE appliqueront après le 1er mai 2004 les mêmes périodes transitoires que celles accordées par les Quinze aux adhérents. L'Islande et la Norvège souhaitent notamment préserver leurs échanges de produits de la mer, mais la négociation bute sur la future contribution financière des trois pays AELE-EEE à la politique structurelle et de cohésion dans le marché intérieur élargi. La Commission propose un alignement de leurs contributions sur celles des Etats membres de l'Union européenne, compte tenu de leur situation spécifique. Elles représenteraient un montant de 400 à 500 millions d'euros que les trois pays jugent excessif par rapport à leur contribution actuelle très basse, vingt à trente fois moins élevée.

Les effets de l'élargissement de l'Union seront en revanche plus politiques qu'économiques pour les pays de l'Europe du Sud-Est, dans la mesure où ils peuvent mesurer le retard pris à cause des dirigeants politiques qui les ont entraînés dans les conflits de l'ex-Yougoslavie. Les plus avancés d'entre eux essaient de le rattraper, comme l'illustre le dépôt récent par la Croatie de sa candidature à l'adhésion à l'Union européenne. Mais l'ensemble des pays de la région qui ont vocation à adhérer à l'Union européenne ne le pourront que lorsqu'ils auront satisfait à certaines conditionnalités politiques et économiques, fixées par la communauté internationale dans le cadre du pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est et par l'Union européenne dans le cadre des processus de stabilisation et d'association.

Enfin, l'élargissement aura des effets directs à l'Est, puisque le déplacement des frontières de l'Union la met au voisinage de la Russie, de la Biélorussie, de l'Ukraine et de la Moldavie. Il en aura également au Sud, en changeant la configuration du partenariat euroméditerranéen au sein duquel deux pays partenaires de l'Union européenne - Chypre et Malte - deviennent ses membres. Les nouveaux voisins de l'Est craignent une nouvelle coupure du continent européen entre un ouest et un centre stables et prospères et un Est pauvre et instable. Les pays partenaires méditerranéens craignent une indifférence de l'Union européenne élargie à leur égard en raison du déplacement du centre de gravité de l'Europe vers l'Est.

La Commission propose une nouvelle approche des relations de l'Union européenne avec ses voisins de l'Est et du Sud pour tenter de répondre à leurs inquiétudes. Cette approche est progressive, différenciée et conditionnelle et se concentrera sur un avenir prévisible, pendant lequel aucune adhésion ne sera possible.

La question essentielle est de transformer des relations défensives dans lesquelles l'Union européenne cherche d'abord à se protéger d'une exportation de l'instabilité de ses voisins, en relations plus coopératives afin d'exporter la stabilité et la prospérité de l'Union chez ses voisins. En d'autres termes, la sécurité de l'Union élargie et plus globalement l'intégrité du marché unique européen ne dépendent pas seulement d'un contrôle renforcé des frontières extérieures de l'Union européenne, au demeurant indispensable, mais aussi d'un arrimage de ces pays aux règles fondamentales de la démocratie et de l'économie de marché pratiquées par l'Union. Cet arrimage ne doit pas être aussi complet que pour les pays candidats à l'adhésion, mais il doit être suffisant pour estomper de trop grandes différences et éviter que les frontières de l'Union ne deviennent un nouveau rideau de fer ou d'argent.

La difficulté est que ces pays ne trouveront pas en eux-mêmes la force d'accomplir une telle mutation si l'Union européenne ne leur offre pas une claire perspective d'association étroite leur permettant de surmonter leurs doutes. Ces pays doivent en effet résoudre un vertigineux problème d'identité, entre la Russie et l'Union européenne pour les trois pays slaves sortis brutalement de l'orbite de la Russie à la chute de l'Union soviétique en 1991, entre la tradition et la modernité pour les pays partenaires méditerranéens.

Si l'adhésion à l'Union européenne s'est montrée l'incitation la plus efficace à la réforme, l'Union ne peut la proposer ni aux pays du Sud qui n'ont pas vocation à adhérer ni aux pays de l'Est qui n'ont pas suffisamment avancé dans la réforme politique et économique pour leur offrir une telle perspective. Il est cependant manifeste que les formules actuelles ne suffisent plus et que le moment est venu de réfléchir à un dispositif répondant à la question posée par le précédent roi du Maroc : moins que l'adhésion, plus que l'association.

Le débat s'engagera à la Convention sur l'avenir de l'Europe à partir de l'article 42 figurant dans l'avant-projet de Traité constitutionnel déposé par son Praesidium et relatif aux relations privilégiées de l'Union européenne avec ses voisins. A l'horizon de la prochaine décennie, le Président Romano Prodi propose de constituer un cercle d'amis dont les relations reposeraient sur le principe de tout partager avec l'Union européenne, sauf les institutions. Ce principe se déclinerait, à moyen terme, en trois propositions : une participation au marché intérieur et à trois des quatre libertés, excluant la liberté de circulation des personnes même si le déficit démographique croissant de l'Union européenne pourrait modifier cette perspective ultérieurement ; une participation à certaines politiques communautaires (recherche, éducation, santé, environnement) ; une participation comportant progressivement une implication financière.

Cette proposition est intéressante parce qu'elle est une première réponse aux inquiétudes de nos partenaires. Elle ne se veut pas pour autant une réponse à la question des frontières de l'Union européenne, qui relève d'un autre débat. Sa formulation dans le principe énoncé par le Président Prodi mérite cependant d'être clarifiée. Le partage des trois libertés, et non des quatre, du marché intérieur suppose en effet non seulement des accords entre institutions gouvernementales, parlementaires et juridictionnelles, pour assurer une adoption et un contrôle uniformes des législations, mais aussi une réforme préalable de l'administration et la justice de ces pays voisins garantissant la même sécurité juridique sur le grand marché intérieur. Il faut conserver l'impulsion donnée par cette proposition intéressante tout en ne soulevant pas des espoirs qui ne pourraient être satisfaits rapidement, compte tenu des défis qu'elle comporte.

2) L'Est

L'Union européenne proposerait aux quatre nouveaux voisins de l'Est, liés par des accords de partenariat et de coopération (APC), autant que ce qu'elle offre au Sud avec les accords d'association, en termes d'intégration économique, de libéralisation du commerce et de coopération culturelle. L'approche tiendrait compte des situations et des aspirations différentes par rapport à l'Union européenne et tous les pays n'avanceraient pas au même rythme. Conformément à la démarche suivie avec les PECO, un bilan des APC serait établi avant de fixer des objectifs et de dresser un plan d'action comportant une feuille de route, des étapes et des conditionnalités assez fortes, sauf pour la Russie. La relation stratégique qui s'établira avec ce pays dépasse en effet l'initiative sur le nouveau voisinage, motivée par l'élargissement. Enfin, la mise en œuvre de ces plans d'actions aboutirait à la conclusion d'un accord de voisinage avec chaque pays, fondé sur le principe de tout partager, sauf les institutions.

Les objectifs à moyen terme comprendraient :

- une intégration progressive dans le marché intérieur avec reprise de l'acquis communautaire et une convergence graduelle des normes ;

- une libéralisation du commerce avec une zone de libre-échange en perspective, nécessitant une adhésion souhaitable dès 2003 de la Russie et de l'Ukraine à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à laquelle appartient déjà la Moldavie ;

- une gestion plus active des flux migratoires, en harmonisant des politiques nationales d'immigration très différentes pour définir les catégories de main d'œuvre par qualifications et par secteurs que l'Union européenne va devoir importer et en négociant des accords avec les pays voisins ;

- un renforcement de la coopération pour lutter contre le crime organisé, la corruption et le blanchiment de l'argent ;

- un développement de la coopération dans les domaines de l'environnement et de la sécurité nucléaire, d'une part en démontrant à la Russie que la ratification du protocole de Kyoto lui procurerait des avantages économiques, d'autre part en convainquant l'Ukraine d'achever ses deux réacteurs K2 et la Russie de fermer ses réacteurs de première génération et d'accorder une véritable priorité à la gestion des déchets et du combustible ;

- une amélioration de la coopération pour résoudre les conflits régionaux qui entravent le développement de la Moldavie (avec le séparatisme de la Transnistrie), de la Georgie (avec les troubles en Abkhazie et en Ossétie du Sud) et de l'Arménie comme de l'Azerbaïdjan (avec le conflit du Haut Karabakh) ;

- un renforcement des valeurs communes en matière de démocratie, de droit de l'homme, de respect du droit des minorités et d'indépendance des médias ;

- une augmentation des échanges d'étudiants, de chercheurs et de cadres d'entreprise que les Etats-Unis pratiquent à beaucoup plus grande échelle avec ces pays que ne le fait l'Union européenne avec ses programmes communautaires Tempus et Socrates, avec en complément un développement des initiatives de jumelages institutionnels et de coopération transfrontalière impliquant les collectivités locales, les ONG, les grandes écoles, les organismes touristiques, comme le font déjà à leur manière la Pologne et la Lituanie avec l'Ukraine ;

- un développement de l'interconnexion des grands réseaux dans les secteurs de l'énergie, des transports et des télécommunications ;

- une stimulation des flux d'investissements directs, impliquant une amélioration du cadre législatif et réglementaire pour procurer une sécurité juridique aux entreprises et l'organisation d'une couverture du risque politique à l'initiative de la Commission ou des Etats membres ;

- une adaptation des programmes actuels d'assistance TACIS aux besoins réels des pays concernés, dans la mesure où, par exemple, la Moldavie dont 70 % de la population vit avec moins de deux euros par jour, a plus besoin d'infrastructures et d'équipements que d'assistance technique ;

- une synchronisation des règles des programmes communautaires INTERREG et TACIS actuellement différentes, de manière à favoriser la coopération transfrontalière entre régions situées des deux côtés de la nouvelle frontière extérieure de l'Union, sur les questions d'intérêt commun telles que l'environnement ;

- une extension du mandat de la Banque européenne d'investissement pour les voisins de l'Est afin de soutenir la coopération transfrontalière par le financement d'infrastructures et d'équipements, alors qu'il se limite actuellement à la Russie et au secteur de l'environnement avec un plafond de 100 millions d'euros et que les voisins du Sud bénéficient d'un mandat de la BEI beaucoup plus large.

Cette redéfinition des relations avec les quatre voisins de l'Est part du constat que la stratégie jusqu'à présent suivie, fondée sur des accords de partenariat et de coopération et le programme TACIS, ne suffit plus en raison de l'élargissement. Elle ne doit cependant pas conduire à abandonner cette stratégie pour les pays du Caucase et d'Asie centrale et à se désintéresser d'opérations de transit énergétique aussi importantes que les programmes Traceca (Transport corridor Europe Caucasus Asia) et Inogate (Inter-State Oil and Gas to Europe).

L'Union européenne doit également prendre en compte l'avis des nouveaux adhérents dans la définition de cette nouvelle approche. La Pologne a notamment une riche expérience de coopération par les ONG avec l'Ukraine et la Biélorussie. Ses cercles de réflexion distinguent entre la poursuite des stratégies nationales répondant aux spécificités des quatre pays et la concentration d'une stratégie régionale sur quatre axes majeurs :

- réaliser un programme d'adaptation de la législation et du fonctionnement de leur économie avec le soutien de l'Union européenne mais n'impliquant pas une perspective d'adhésion encore prématurée et, pour la Russie, inadaptée à ses propres aspirations ;

- favoriser un dialogue social fondé sur un soutien coordonné aux collectivités locales et aux ONG pour développer la formation des élites et renforcer la constitution d'une société civile encore peu structurée ;

- développer les infrastructures de transport notamment dans le secteur de l'énergie ;

- organiser les frontières les plus sûres, les plus protégées, mais aussi les plus amicales dans le respect des règles de Schengen.

Le fait que la frontière extérieure de l'Union élargie soit la dernière frontière avant le Pacifique ouvre une perspective grandiose, mais elle signifie aussi que des flux d'immigrants en provenance du Pakistan, du Vietnam et d'autres pays d'Asie peuvent atteindre la frontière de l'Est sans difficulté. Il est donc impératif non seulement de renforcer le contrôle de la frontière extérieure de l'Union, mais aussi d'améliorer la coopération avec ses voisins en matière d'immigration illégale.

L'Union européenne souhaite en particulier signer avec la Russie un accord de réadmission des nombreux immigrants illégaux en provenance d'Asie et transitant par ce pays. Il serait tout aussi important d'aider l'Ukraine à mieux protéger ses frontières avec la Russie et la Biélorussie afin de constituer une deuxième ligne de protection de l'Union européenne face à cette immigration illégale.

La difficulté est que la Russie veut d'abord obtenir une perspective de libre circulation des personnes entre elle et l'Union européenne et demande son effacement de la liste des pays soumis à visa, afin de réaliser son objectif politique et symbolique d'être traitée par l'Union européenne comme un partenaire égal et normal.

L'Ukraine est d'abord préoccupée par l'introduction des visas par la Pologne, le 1er juillet 2003, pour se conformer à ses obligations communautaires, et craint que cette mesure ne frappe l'économie transfrontalière « grise » qui, très approximativement, représenterait 80 % des échanges en valeur entre les deux pays et ferait vivre 20 % de la population ukrainienne.

Cette échéance a conduit à une dégradation de la coopération entre la Pologne et l'Ukraine dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. L'Ukraine, déçue que la Pologne n'ait pas introduit un régime de faveur en matière de visa comme elle l'avait laissé entendre, applique sans grand zèle l'accord de réadmission des immigrés clandestins conclu entre les deux pays.

L'accord sur le document à entrées multiples pour l'enclave de Kaliningrad concerne le cas particulier d'un transit par le territoire de l'Union européenne pour aller de Russie en Russie et n'est donc pas transposable aux entrées dans l'Union européenne. Il montre cependant que le système Schengen encore en formation peut comporter des formules souples tout en maintenant ses objectifs. Avant son entrée dans Schengen en 2007, la Pologne pourrait négocier dans cet esprit avec l'Ukraine une formule qui préserverait les échanges de proximité sans nuire aux intérêts généraux de l'Union européenne, à condition d'avoir réalisé au préalable une réforme effective de l'administration et de la justice.

L'élargissement va confronter la Russie au choix de s'intégrer économiquement à l'espace économique européen ou de privilégier sa relation avec les Etats-Unis, comme le préconisent les milieux pétroliers et certains cercles libéraux. Elle regarde aussi vers l'Asie avec laquelle elle veut développer ses échanges et une exploitation cofinancée de son territoire asiatique sans perdre le contrôle économique de cette région. Son commerce avec les pays de la Communauté des Etats indépendants (CEI) issus de l'ex-Union soviétique représente 20 % de ses échanges et la Russie vient d'annoncer avec l'Ukraine, la Biélorussie et le Kazakhstan, le projet d'une intégration eurasiatique ouverte aux autres pays d'Asie centrale.

Le processus d'intégration économique à l'Europe est déjà bien entamé puisque l'Union européenne actuelle représente déjà plus de 40 % du commerce russe, contre 4,5 % pour les Etats-Unis, et que l'Union européenne élargie en représentera plus de la moitié. Les échanges entre les deux partenaires se sont élevés en 2002 à 85 milliards d'euros, dont la moitié sous forme de produits pétroliers et gaziers russes, et ont dégagé un excédent de 12 milliards d'euros en faveur de la Russie. Le dialogue dans le secteur de l'énergie, entamé depuis deux ans, est fondamental pour les deux partenaires, puisque la Russie fournit 21 % des besoins pétroliers de l'Union et 41 % de son approvisionnement en gaz et que l'Union absorbe la quasi-totalité des exportations de pétrole et de gaz russes. La Russie dispose de bien d'autres secteurs offrant de fortes possibilités de coopération, tels que les industries aéronautiques et spatiales. Comme l'Union européenne est également le premier investisseur, avec un tiers des investissements étrangers, et le premier créancier dans un pays dont le potentiel est encore largement sous-exploité, des perspectives de développement considérables s'offrent à deux partenaires bénéficiant de si fortes complémentarités.

Toutefois le processus d'intégration économique à l'Europe ne prendra vraiment corps que si la Russie transforme une économie dépendant de la rente pétrolière et gazière - représentant 40 % du budget national - en une économie productive de type européen, combinant la modernisation des infrastructures et du secteur productif avec une juste répartition des fruits de la croissance sous l'autorité d'un Etat impartial.

Enfin, l'intégration économique ne prendra vraiment tout son sens que si elle débouche sur un renforcement de la relation politique entre l'Union européenne et la Russie, dans la perspective d'un indispensable rééquilibrage des relations internationales à l'orée du XXIe siècle.

L'élargissement place l'Ukraine face à ses propres contradictions sur le choix d'un avenir encore indéterminé. Cette nation qui n'avait jamais accédé à l'indépendance étatique a renforcé son identité depuis son indépendance acquise en 1991, et elle surmonte progressivement son partage entre une Ukraine occidentale jadis sous influence polonaise souhaitant intensifier des relations avec l'Union européenne et une Ukraine orientale et méridionale dont la minorité russophone privilégie la coopération avec la Russie.

Il est vrai que l'indétermination de ses principaux partenaires ne lui a pas facilité les choix.

La Russie a plusieurs visions de ses relations avec l'Ukraine et, si l'économie ukrainienne est largement dépendante de son voisin en particulier depuis que ses secteurs-clés ont été investis par les grands groupes russes, la conception des autorités politiques russes ne se situe pas sur le même plan et n'est pas la même que celle des milieux d'affaires.

Pendant une décennie, les Etats-Unis ont considéré l'Ukraine comme un pays-clé et l'ont notamment aidée dans le cadre du plan d'action qui la lie à l'Alliance atlantique. Puis ils s'en sont brutalement désintéressés après l'assassinat du journaliste d'opposition Gueorgi Gongadzé à l'automne 2000 et le soupçon d'une vente indirecte à l'Irak de quatre radars Koltchouga à l'automne 2002.

L'Union européenne s'est lassée de l'écart trop important entre les aspirations de l'Ukraine à se rapprocher de l'Union européenne et de l'OTAN et ses réalisations trop fragmentaires, tant sur le plan politique qu'économique. Mais l'Ukraine ne comblera pas cet écart si l'Union européenne ne l'aide pas à surmonter ses difficultés et ses doutes. Elle doit lui proposer une claire perspective de rapprochement fondée sur des critères précis assortis d'une feuille de route, des investissements à une échelle plus importante, des bourses et un soutien aux activités pro-européennes des ONG. Il est en effet indispensable de former une élite et de la mobiliser, avec la société civile, en faveur d'une mise aux normes européennes de l'économie et de la société ukrainiennes. Telle est la démarche proposée par la Commission et elle doit être soutenue.

En Biélorussie, l'élargissement se heurte au mur dressé par un Etat policier qui s'est isolé, après avoir rêvé de la direction partagée d'une entité commune avec la Russie que celle-ci a rejetée. La difficulté pour l'Union européenne consiste à ne pas seulement prendre acte de l'impossibilité de coopérer tant que ce pays n'aura pas fait des progrès vers la démocratie, mais aussi à favoriser cette évolution en formant les élites au changement. Ce balancement se retrouve dans la résolution adoptée par le Parlement européen le 13 février 2003 : il préconise d'examiner la liberté d'association et, si nécessaire, de retirer temporairement les préférences commerciales, mais aussi d'ouvrir les programmes communautaires consacrés à l'éducation et à la culture (Leonardo, Socrates, Jeunesse et Culture 2000), d'encourager la diffusion de programmes télévisés ou radiophoniques à partir de la Lituanie et de la Pologne et, si possible, de coopérer en matière de justice et d'affaires intérieures et d'environnement. La formation des élites est une démarche de longue haleine dont l'intérêt primordial a été compris par la Pologne qui a abandonné le boycott de la Biélorussie pour l'octroi de visas aux fonctionnaires, comme par les Etats-Unis qui ont longtemps soutenu l'action des ONG. L'Union européenne doit désormais prendre le relais et ne pas se limiter à un soutien limité à l'initiative démocratique.

La Moldavie a ravi à l'Albanie le statut d'Etat le plus pauvre d'Europe et essaie de s'ouvrir une porte d'entrée vers l'Union européenne en devenant le huitième pays du Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est qu'elle a rejoint en juin 2001. Son gouvernement discute avec l'Union européenne de l'élaboration d'un plan d'action communautaire dans le domaine de la justice et des affaires intérieures en vue d'aligner la législation moldave sur l'acquis communautaire. Un projet de feuille de route en vue de la conclusion d'un accord de libre-échange avec l'Union est également en préparation. Elle s'est engagée à s'associer à une zone de libre-échange en Europe du Sud-Est et a déjà conclu des accords avec la Roumanie et la Bosnie-Herzégovine.

Mais ce pays de quatre millions et demi d'habitants enclavé entre l'Ukraine et la Roumanie, qui est une ancienne province roumaine rattachée à l'URSS en 1944 et dont les deux tiers de la population sont roumanophones, ne pourra pas réellement profiter des effets de l'élargissement ni du Pacte de stabilité tant que la sécession, depuis 1991, de sa province de l'Est, la Transnistrie, ne sera pas réglée. Cette république autoproclamée et reconnue par aucun Etat, dirigée par Igor Smirnov, est le lieu de résidence de la quatorzième armée russe venue mettre fin au conflit qui a suivi la sécession, sous le commandement à l'époque du général Lebed. Cette « république » est aussi le lieu de tous les trafics, notamment d'armes qui transitent par l'Ukraine et le port d'Odessa. Echappant à tout contrôle, cette source d'instabilité régionale a constitué un obstacle au développement de la Moldavie mais aussi à son souhait de se rapprocher de la Roumanie.

La Moldavie fait partie du Conseil de l'Europe et des négociations sur la Transnistrie sont actuellement conduites sous les auspices de trois médiateurs - l'OSCE, la Russie et l'Ukraine - autour d'un projet de nouvelle constitution prévoyant un statut fédéral pour résoudre un problème économique plus qu'ethnique, dans la mesure où les russophones sont répartis dans toute la Moldavie.

L'Union européenne devrait être beaucoup plus attentive à la situation intérieure d'un pays qui bordera sa frontière extérieure lors du prochain élargissement à la Roumanie en 2007. Les Moldaves peuvent entrer en Roumanie sans visa, avec un passeport qui coûte l'équivalent d'un salaire mensuel moyen et, depuis novembre 2002, ils peuvent acquérir la double nationalité, en fait la nationalité roumaine, à condition d'apporter les preuves écrites de leurs origines. Les Roumains, de leur côté, sont autorisés à circuler sans visa dans l'espace Schengen à condition de disposer d'un billet aller-retour et d'une somme minimale de cinq cents euros.

L'Union européenne devra surveiller de près l'évolution des flux migratoires entre les deux pays jusqu'à présent très ouverts, mais elle devrait surtout s'intéresser directement au règlement de la question moldave pour assainir le trou noir de la Transnistrie qui est l'un des centres officiels du crime organisé en Europe. Le Conseil a décidé le 27 février 2003 de refuser pendant un an l'accès au territoire de l'Union européenne aux dirigeants de la République autoproclamée de Transnistrie, pour sanctionner leur refus de dialoguer avec les autorités moldaves. Les Etats-Unis devraient également décider la même interdiction de visa. L'intérêt supérieur de l'Union européenne élargie commande d'aller plus loin et d'aborder le règlement de cette question avec la Russie et l'Ukraine. Une fermeture de la frontière de Transnistrie par l'Ukraine constituerait à cet égard une énorme pression et un commencement de solution.

3) Le Sud

Contrairement aux craintes des pays partenaires méditerranéens, l'Est est plutôt un marché qu'un danger pour le Sud, en particulier grâce à leurs complémentarités en matière d'échanges agricoles. Par ailleurs, il ne peut être un concurrent dans le domaine du textile et de l'habillement, dans la mesure où l'effet a déjà été absorbé en raison de la présence des PECO sur le marché communautaire dans le cadre du libre-échange établi pour ces produits. Comme lors du précédent élargissement en 1995, les nouveaux adhérents vont être amenés à développer leurs relations avec le Sud au bénéfice des deux parties.

L'Union européenne a su offrir avec le partenariat euro-méditerranée une perspective globale suffisamment attractive pour rassembler tous les pays de la région, malgré leurs divisions, et constituer le seul forum multilatéral où Israël et les pays arabes dialoguent encore. Seule la Libye n'en est pas membre. Ce partenariat a progressé dans un contexte difficile et a rencontré certains blocages.

Son volet politique et de sécurité a stagné en raison du conflit persistant au Proche-Orient et de la méfiance qui domine encore les relations entre les deux rives aussi bien qu'entre les pays du Sud eux-mêmes. Le projet de Charte euro-méditerranéenne pour la paix et la stabilité prévoit un dialogue politique et des mécanismes de prévention et de gestion des conflits, mais sa crédibilité bute sur l'interprétation de la notion de terrorisme et sur la passivité reprochée à l'Union européenne dans la résolution des conflits de la région, non seulement au Proche-Orient, mais aussi à Chypre ou au Sahara occidental.

Son volet économique prévoit une période de transition de douze ans pour créer une zone de libre-échange entre l'Union européenne et les pays partenaires méditerranéens, et instaurer une coopération régionale pour décloisonner des échanges entre pays du Sud qui ne représentent qu'environ 5 % de leur commerce extérieur. Cet objectif ne sera pas atteint en 2010 comme prévu à l'origine, mais le processus sera devenu irréversible. L'accord d'Agadir conclu par le Maroc, la Tunisie, l'Egypte et la Jordanie, en vue de créer entre eux une zone de libre-échange constitue un progrès important, d'autant plus que l'Algérie et le Liban seraient tentés de s'y joindre.

Le volet social et culturel du partenariat a révélé les difficultés d'un dialogue, entre une Union européenne d'abord préoccupée par la nécessité de combattre l'immigration clandestine en renforçant la coopération aux frontières et en concluant des accords de réadmission, en priorité avec le Maroc et l'Algérie, et des pays partenaires soucieux d'une égalité des chances pour l'intégration des immigrés légalement installés dans l'Union européenne.

La nouvelle politique de voisinage résultant de l'élargissement devrait relancer un partenariat dont l'esprit répond à la nécessité d'éviter un affrontement entre l'Islam et l'Occident.

Le Partenariat euroméditerranéen créé en 1995 à la Conférence de Barcelone est parti du constat qu'il fallait absolument éliminer les risques résultant des déséquilibres économique et démographique entre une Europe développée et vieillissante et des pays musulmans jeunes et en développement, pour qu'ils ne se transforment pas en un conflit politique et religieux. Son objectif ne se limite pas à la réduction de l'écart de prospérité entre les deux rives pour réduire l'immigration illégale. Il propose d'instaurer une relation de confiance pour rapprocher ces pays des normes démocratiques et économiques européennes et les intégrer avec leurs spécificités dans le monde globalisé, afin de leur éviter une marginalisation lourde de conflits.

Le rapport sur le développement humain dans les pays arabes(7) qui a été réalisé, dans le cadre du PNUD, par des experts arabes, montre que le retard que ces pays sont en train de prendre par rapport au reste du monde ne résulte pas d'une pression néocolonialiste occidentale mais de manques dans les domaines de la bonne gouvernance, de l'éducation, du social et du rôle de la femme.

La nouvelle politique de voisinage à l'égard du Sud ne peut fixer un niveau d'ambition trop élevé à des pays qui n'ont pas encore exploité toutes les possibilités des accords actuels encore en phase de démarrage.

Mais elle doit amener l'Union européenne à mieux intégrer les musulmans d'Europe, sans transiger sur ses principes de société fondamentaux, et à encourager les dirigeants de ces pays à ne plus s'arc-bouter sur un statu quo pré-démocratique sans issue pour entreprendre sans tarder de vraies réformes politiques et sociales, après un débat approfondi avec les élites intellectuelles et religieuses et la population.

C. Développer une politique étrangère autonome dans le cadre d'une relation transatlantique rééquilibrée

L'Union européenne a défini une politique globale avec son voisinage, mais elle ne l'a pas encore fait avec le principal partenaire et allié de l'Europe, les Etats-Unis. Cet apparent paradoxe a reflété jusqu'à présent le niveau d'ambition des Européens pour une Europe politique dont ils acceptaient la montée en puissance comme acteur régional, mais pas comme acteur mondial. La relation transatlantique figurait déjà au centre du débat ouvert à la Convention sur les ambitions internationales de l'Europe, mais le désaccord apparu lors de la crise irakienne entre Américains et Européens et entre Européens eux-mêmes a fait de l'autonomie de la politique étrangère européenne par rapport à celle des Etats-Unis une question cruciale.

1) Comprendre la position des nouveaux adhérents comme le reflet d'un passé douloureux ne les fermant pas à toute ambition européenne

L'annonce par la Pologne le 27 décembre 2002 de l'achat de 48 F16 C/D à l'Americain Lockheed Martin, de préférence au Mirage 2000-5 MK2 français de Dassault et au JAS-39C suédois du consortium Gripen International, a été ressentie par l'opinion comme un manque de solidarité douze jours après avoir obtenu au Conseil européen de Copenhague des conditions financières plus avantageuses pour son entrée dans l'Union européenne. Le moment était incontestablement mal choisi, mais cette circonstance ne doit pas masquer un certain nombre de faits. L'offre technique était globalement équivalente, mais l'offre commerciale américaine était supérieure. Le contrat de 4,7 milliards de dollars était assorti de promesses d'investissements pour 9,8 milliards de dollars en Pologne avec une centaine de projets dont cinquante-cinq dans l'industrie de l'armement et le reste dans la sidérurgie, l'automobile et le secteur pétrolier. Ces compensations n'atteignaient plus que 6,23 milliards de dollars un mois après et les autorités polonaises cherchaient à obtenir des garanties avant la signature du contrat en mars, mais elles restent supérieures aux offres de compensations françaises ou suédoises, même s'il faut rappeler que la France est le premier investisseur en Pologne avec un stock de capital de 13 milliards d'euros contre 8 milliards pour les Etats-Unis.

Surtout la Pologne peut arguer à juste titre que l'Union européenne est mal placée pour lui reprocher cet achat quand cinq de ses membres sont déjà équipés de F16 : la Belgique, le Danemark, l'Italie (à titre intérimaire en attendant l'entrée en service du Typhoon, ex-Eurofighter), la Grèce et les Pays-Bas. Cet achat stigmatise l'absence d'un marché européen organisé de l'armement et devrait inciter l'Union élargie à créer rapidement une Europe de la Défense. Le choix du F16 est en effet considéré aux Etats-Unis comme une étape vers l'intégration de la Pologne à d'autres programmes, notamment à celui de l'avion de combat américain JSF (F35), auquel participent déjà le Danemark, l'Italie, les Pays-Bas et le Royaume Uni, dans la perspective d'un marché global de 5 000 avions et, pour la Pologne, du remplacement de sa flotte de Mig 29 dans une dizaine d'années.

Le soutien à la position américaine sur l'Irak exprimé en deux temps par les dix pays candidats d'Europe centrale et orientale en compagnie d'actuels Etats membres, au mépris d'une position commune du Conseil des ministres européens, est un événement d'une tout autre portée.

Cette réaction fournit d'abord une leçon de méthode pour la création d'un leadership européen et le développement des initiatives franco-allemandes. Il est tout à fait remarquable que la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, bien que très attachés au lien transatlantique, n'aient pas signé la lettre du Times notamment pour ne pas fragiliser les institutions de l'Union européenne. Mais il est également clair que les nouveaux Etats membres n'ont pas connu l'expérience d'une construction européenne impulsée par le couple franco-allemand pendant les décennies 1950-1995 et qu'ils ont pu ressentir, à tort, la récente relance du couple franco-allemand, lors du quarantième anniversaire du Traité de l'Elysée, comme la préfiguration d'un directoire des grands Etats membres au sein de l'Union européenne.

L'entente franco-allemande reste indispensable au développement de la construction européenne parce qu'elle réalise l'accord entre les deux pays qui ont cumulé l'ensemble des divergences européennes, mais elle doit apparaître comme une source de proposition et non comme l'exercice d'un monopole imposant ses vues aux autres.

Cette réaction montre ensuite que ces pays vivent encore avec le traumatisme d'une menace russe qui, pour nous, a disparu. Ils se sont naturellement tournés vers le pays dirigeant de l'alliance militaire qui a gagné la guerre froide et a démontré sa capacité à assurer leur protection. Le souvenir de la défaillance du système d'alliance franco-britannique des années trente n'a pas complètement disparu alors que le ferme soutien des Etats-Unis pendant la guerre froide a effacé dans les mémoires leur part de responsabilité dans le partage de Yalta. En outre, l'Union européenne est apparue tatillonne et contraignante dans ses négociations d'élargissement, alors que l'élargissement de l'OTAN a paru ouvrir la voie de la sécurité et de la prospérité sans s'immiscer dans les affaires intérieures des nouveaux adhérents.

Enfin ces pays renvoient les actuels Etats membres à leur responsabilité de ne pas avoir créé une politique étrangère et une politique de défense communes capables de garantir leur sécurité. Leur position, qui est le reflet d'un passé douloureux encore vivace, ne ferme donc pas la porte à leur participation future à la construction d'une Union politique n'ayant pas pour but de remplacer l'Alliance atlantique mais de la rééquilibrer.

2) Construire un consensus entre Européens sur une politique étrangère autonome, une politique de défense substantielle et un partenariat atlantique rééquilibré

Le désaccord transatlantique apparu avec la crise irakienne pourrait être le point de départ d'une refondation de la politique étrangère et de défense commune de l'Union européenne et d'une redéfinition de la relation entre les Etats-Unis et l'Europe au sein de l'Alliance atlantique.

Depuis dix ans, l'Union européenne s'est efforcée de développer une politique étrangère et de défense commune en saisissant les possibilités de progrès au coup par coup, mais sans tenter de rapprocher les différentes visions des Etats membres sur l'autonomie de l'Europe par rapport aux Etats-Unis ni définir un point d'arrivée. L'exigence de clarification est devenue trop forte pour poursuivre dans cette voie des « ambiguïtés constructives ».

Or un certain nombre de faits montrent que cette ambition est à portée de l'Europe en dépit de ses divisions actuelles.

L'Union européenne dispose déjà d'un espace d'autonomie dans les régions où les intérêts stratégiques des Etats-Unis ne sont pas en jeu et son action dans les Balkans montre qu'elle n'est pas loin de remplir les conditions pour réaliser l'essentiel des objectifs d'une puissance régionale. Ainsi, l'accord du 16 décembre 2002 ouvrant l'accès de l'Union européenne aux moyens de logistique et de planification de l'OTAN va-t-il permettre à l'Union de lancer sa première opération militaire de gestion de crise en Macédoine, où elle va remplacer une force de l'OTAN.

Ensuite ces accords sur l'autonomie de l'Europe par rapport aux Etats-Unis n'ont jamais empêché les deux pays européens les plus ambitieux en matière de défense d'approfondir la démarche novatrice engagée à Saint-Malo en 1998. Le moteur franco-britannique a fait accomplir à l'Europe de la défense plus de progrès en trois ans qu'en cinquante ans d'inertie et, même dans la tourmente actuelle, le sommet franco-britannique du 4 février 2003 montre que nos deux pays sont capables de proposer une nouvelle étape pour l'Europe de la défense, concernant la gestion des crises, la solidarité des Etats membres pour leur sécurité commune et le renforcement substantiel de leurs capacités militaires.

Il n'est pas certain que les vingt-cinq Etats membres de l'Union veuillent ou puissent partager cette ambition en même temps et des coopérations renforcées seront peut être nécessaires. Mais la France qui veut une politique étrangère autonome reposant sur une politique commune de défense substantielle devrait s'efforcer à tout prix de favoriser la convergence sur cet objectif, en particulier entre le Royaume-Uni plus volontaire sur l'effort de défense que sur l'autonomie et l'Allemagne, plus favorable à l'autonomie et même au pacifisme plutôt qu'à l'effort de défense.

Les partisans d'une politique étrangère autonome devront rassurer ceux qui ont partagé le choix des Etats-Unis dans la crise irakienne et les convaincre que l'autonomie ne remet pas en cause le lien transatlantique mais s'inscrit dans le cadre d'une Alliance atlantique rééquilibrée. Il devrait, en effet, être possible de s'accorder entre Européens sur la revendication d'un partenariat transatlantique fondé sur le partage des charges mais aussi des responsabilités avec les Etats-Unis au sein de l'Alliance atlantique, pour faire face ensemble et sur un pied d'égalité aux défis d'un monde troublé par le retour de la violence internationale. Aucun des partenaires n'a intérêt à un effondrement du système de sécurité collective hérité de l'après guerre dont la solidarité atlantique constitue la colonne vertébrale.

Mais le dialogue entre partenaires sur l'enjeu des relations entre l'Occident et le monde arabo-musulman ne peut se résumer pour les Européens à un choix entre l'alignement ou l'affrontement avec les Etats-Unis.

Une future Europe politique devrait avoir le droit de formuler sa position en qualité de deuxième pilier de l'Alliance, conformément à la conception du Président Kennedy qui envisageait une Europe politique plus unie non comme un rival mais comme un partenaire.

Cette proposition conjugue le projet d'une Europe-puissance indépendante et le maintien d'une proximité essentielle avec les Etats-Unis. Ce juste positionnement de l'Union européenne par rapport aux Etats-Unis devrait recueillir l'accord des Européens, mais il n'est pas certain qu'il recevra celui des autorités américaines.

Schématiquement, trois figures pourraient caractériser l'évolution du partage des rôles au sein de l'Alliance atlantique :

- ni charges ni co-responsabilité pour des Européens qui ont largement délégué à l'Amérique la gestion du risque collectif pendant la guerre froide, puis ont cru pouvoir toucher les dividendes de la paix dans la décennie quatre-vingt-dix ;

- des charges mais pas de co-responsabilité quand les Etats-Unis ont appelé les Européens à partager le fardeau de la gestion des crises dans des régions comme les Balkans où ils n'avaient pas d'intérêt stratégique à intervenir mais où ils devaient pallier les divisions politiques et les insuffisances militaires des Européens ;

- des charges et une co-responsabilité dans la future configuration d'un partenariat rééquilibré.

Les Etats-Unis sont en train de dessiner une quatrième figure qui les place dans une autre logique, celle de la fin des alliances permanentes de l'après-guerre comme lieu de la décision politique et stratégique et de la mise en œuvre opérationnelle. La doctrine selon laquelle la mission détermine la coalition renverse en effet le principe sur lequel était construite l'Alliance atlantique et risque de la confiner au rôle d'étagère regroupant les moyens des alliés, parmi lesquels les Etats-Unis choisiraient en fonction de leurs besoins et des défis qu'ils décideraient de relever.

La crédibilité de l'OTAN est entamée depuis le conflit du Kosovo, au cours duquel les Européens ont compris que le commandement de l'OTAN était une fiction et que la planification militaire était une responsabilité purement américaine. Mais les Américains y ont également fait l'expérience d'un contrôle multilatéral des Européens sur les opérations militaires dans le cadre de la structure politique de l'Alliance. Leur refus de rééditer cette expérience de gestion multilatérale d'une guerre lors de conflits ultérieurs explique la décision américaine de ne pas recourir au concours offert par leurs alliés en Afghanistan, sur le fondement de l'article 5 de l'OTAN invoqué, après le 11 septembre 2001, pour la première fois depuis sa création.

La crise irakienne a marqué l'aboutissement d'un processus de défiance des Etats-Unis à l'égard des structures collectives de sécurité qu'ils avaient mises en place après 1945. L'Alliance atlantique reste la seule institution permettant à l'Amérique de faire exister un lien stratégique avec l'Europe, mais elle n'apporte plus de valeur ajoutée à la puissance militaire américaine. Si l'on comprend bien les autorités américaines, le Conseil de sécurité des Nations unies, en n'approuvant pas la stratégie américaine de la guerre préventive contre l'Irak, a failli à sa mission de défense de la paix et de la sécurité du monde et, si le Conseil garde sa légitimité pour assumer les suites d'une guerre, il l'a perdue pour décider du choix de la guerre ou de la paix contre les Etats « voyous ».

L'Alliance atlantique et l'Union européenne que rejoignent actuellement les pays d'Europe centrale et orientale sont déjà des organisations différentes de celles auxquelles ils souhaitaient adhérer il y a une décennie et elles le seront probablement encore davantage dans quelques années.

Les deux organisations devront se refonder au moment où les deux élargissements créent entre elles un chevauchement sans précédent. A partir de mai 2004, l'OTAN comptera vingt-six membres et l'Union européenne vingt-cinq, dont dix-neuf auront la double appartenance. Compte tenu de l'adhésion programmée à l'Union européenne de la Bulgarie et de la Roumanie en 2007, puis éventuellement de la Turquie et enfin des Balkans occidentaux actuellement sous le contrôle politique et militaire des deux organisations, elles couvriront ensemble bientôt presque toute l'Europe continentale et seront majoritaires à l'OSCE.

Cette proximité devrait faciliter la dévolution de certaines tâches de l'OTAN à l'Union européenne, à condition toutefois que s'établisse une relation plus confiante et équilibrée entre les deux partenaires au sein de l'Alliance atlantique. Cette refondation de l'Alliance implique que les Etats-Unis reviennent au multilatéralisme, ne déclassent plus l'Europe sur l'échelle de leurs priorités et conçoivent le partage des responsabilités avec une Europe forte au sein de la Communauté euro-atlantique comme une nécessité pour affronter ensemble les futurs défis.

Il est cependant parfaitement stérile de critiquer l'unilatéralisme américain si l'Union européenne ne se donne pas les moyens d'être un partenaire pouvant prétendre à l'égalité et à la codécision avec la super puissance mondiale au sein d'une alliance atlantique rénovée. La grande erreur des Européens serait de ne pas croire en eux-mêmes et en leur capacité d'influence collective sur les Etats-Unis.

3) Réaliser une union politique ambitieuse, si nécessaire par une différenciation ouverte et évolutive

a) Les vingt-cinq Etats membres de l'Union européenne peuvent encore se rassembler autour d'un projet ambitieux

La réalisation d'un projet ambitieux de politique étrangère et de défense commune relève, en simplifiant, d'un choix entre trois formules :

- une démarche progressive de convergence des volontés nationales vers des positions communes, entreprise collectivement à vingt-cinq membres ;

- un recours à la flexibilité offerte par des dispositifs rénovés de coopérations renforcées entre un nombre limité d'Etats membres, ouvertes aux autres et préservant l'unité du cadre institutionnel entre les vingt-cinq ;

- une avant-garde, également ouverte, mais conduisant à distinguer deux cadres institutionnels, l'un accueillant un groupe restreint mais puissamment intégré dans les domaines de souveraineté du gouvernement économique et de la politique étrangère et de défense, l'autre plus large mais moins dense rassemblant les vingt-cinq Etats membres dans ce que M. Jacques Delors appelle la Grande Europe et dont il définit les trois objectifs fondamentaux de la manière suivante : d'abord un espace de paix et de sécurité, reprenant notamment les politiques de l'actuel troisième pilier ; ensuite un cadre pour le développement durable et la cohésion économique et sociale, s'étendant au-delà du grand marché à la recherche, aux grands travaux, à l'aide aux régions défavorisées, à l'environnement et, dans une certaine mesure, à la politique sociale ; enfin un ensemble respectant la diversité culturelle et les identités nationales.

Le Praesidium s'apprête à présenter à la Convention sur l'avenir de l'Europe, dès que les circonstances le permettront et dans l'état actuel de la réflexion, des projets reprenant les deux premières formules.

Le projet pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) proposerait aux vingt-cinq Etats membres une démarche progressive pour parvenir, par étapes comme pour l'Union monétaire, à un point d'arrivée où les décisions seraient prises à la majorité qualifiée et engageraient tous les Etats membres qui participeraient à la PESC. Le Président Giscard d'Estaing a indiqué que le passage à la phase finale devrait être décidé, dans un délai inférieur à dix ans, à l'unanimité. Les Etats membres qui ne voudraient pas suivre pourraient invoquer des clauses de non-participation, forme nouvelle d'abstention constructive, ou de sortie du dispositif. Toutefois, si cette proposition suscitait des réactions très négatives, elle pourrait être remplacée par une forme rénovée de coopération renforcée entre les Etats membres volontaires.

Le projet pour la politique européenne de sécurité et de défense (PESD), d'emblée, ne s'adresserait pas à tous les Etats membres, compte tenu de certaines réactions aux propositions du groupe de travail de la Convention sur la défense, mais seulement aux Etats membres qui voudraient ou pourraient adhérer à ce projet, dans le cadre d'une forme nouvelle de coopération renforcée. La clause de solidarité entre ses membres ne se limiterait pas au terrorisme ni aux nouvelles menaces comme l'avait proposé le groupe de travail, mais s'étendrait à une garantie de défense commune analogue à celle de l'article V de l'Union de l'Europe occidentale qui s'applique aux membres actuels de l'UEO.

Quatre considérations plaident en faveur d'une possibilité de s'entendre à vingt-cinq sur ces projets.

Il existe tout d'abord de fortes convergences entre le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne sur des questions-clés de la politique européenne de défense. La déclaration franco-britannique sur le renforcement de la coopération européenne en matière de sécurité et de défense du 4 février 2003 et les propositions conjointes franco-allemandes pour la Convention européenne dans le domaine de la politique européenne de sécurité et de défense, du 22 novembre 2002, proposent toutes deux l'introduction d'une clause de solidarité pour la défense commune, le développement des capacités militaires et la création d'une agence de développement et d'acquisition des capacités de défense. De nombreux Etats membres actuels et futurs sont susceptibles de souscrire à ces objectifs, même si certains nouveaux adhérents préféreront peut-être ne les réaliser qu'après avoir consacré leurs ressources en priorité à leur développement économique et social.

Il convient ensuite d'écarter certains malentendus avec le Royaume-Uni et d'autres Etats membres sur l'atteinte aux souverainetés nationales qu'entraînerait le développement de la PESC. Le projet ne consiste pas à passer d'une politique commune à une politique unique et à absorber toutes les politiques nationales, ni à créer un super Etat européen qui effacerait les Etats membres, ni à attendre la formation d'une vision commune d'une application mécanique de la majorité qualifiée. Le projet consiste à entreprendre une démarche de convergence des politiques étrangères nationales sur les questions majeures pour élaborer une vision commune, en utilisant pleinement la force de proposition et de médiation du futur ministre des affaires étrangères de l'Union européenne.

Par ailleurs, affirmer une volonté commune en politique étrangère est réalisable à condition de surmonter le seul vrai désaccord entre Européens qui concerne leur relation avec les Etats-Unis. L'Europe politique ne doit pas se construire contre ou derrière les Etats-Unis mais avec eux. La proposition de maintenir le développement du processus d'intégration européenne dans le cadre de la coopération transatlantique, mais en exigeant que l'Alliance atlantique fonctionne selon le principe du respect mutuel et non de l'alignement sur les ordres unilatéraux d'un des deux partenaires, peut constituer un terrain d'entente entre Européens. Il est douteux que beaucoup de gouvernements européens acceptent longtemps une relation aussi déséquilibrée au sein de l'Alliance atlantique avec un partenaire qui, en outre, s'éloigne autant du multilatéralisme auquel sont attachés les Européens.

Enfin, seraient-ils tentés de l'accepter qu'ils pourraient subir un rappel de leurs opinions publiques. Une opinion publique européenne est née lors de la crise irakienne en faveur de l'affirmation du rôle prééminent de l'Organisation des Nations unies, du respect de la règle de droit international et, par conséquent, de l'avènement d'un monde multipolaire où l'Europe défendrait ses positions et son modèle, dont les gouvernements élus devront tenir compte.

Nul ne peut donc préjuger des positions des actuels et futurs Etats membres par rapport à ces projets. Cependant, en cas d'oppositions empêchant la mise en œuvre des deux premières formules, la création d'une avant-garde constituerait le dernier recours pour les Etats membres décidés à construire une union politique ambitieuse.

b) Différenciation au sein d'une Europe institutionnelle ou de deux ?

Le futur Traité constitutionnel ne peut entrer en vigueur, selon les règles actuelles, qu'après sa ratification par l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne. Les gouvernements refusant le développement d'une union politique disposeraient du moyen juridique d'exercer une forte pression sur les plus ambitieux. Pour éviter qu'un seul pays puisse bloquer toute réforme, le Président de la Commission a proposé, dans le rapport « Pénélope », de supprimer la règle de l'unanimité pour la révision de la Constitution et d'autoriser l'entrée en vigueur du Traité constitutionnel entre les Etats membres qui l'auront ratifié, dès qu'un seuil aura été atteint. Les Etats membres qui n'auraient pas ratifié auraient le choix d'accepter néanmoins la révision ou de se retirer de l'Union.

Encore faut-il que cette proposition soit reprise par la Convention, mais surtout qu'elle soit adoptée par tous les gouvernements siégeant à la Conférence intergouvernementale où s'applique la règle de l'unanimité. Pour éviter le blocage par un gouvernement de propositions ambitieuses de la Convention recueillant un large consensus, M. Alain Lamassoure propose de n'inviter à la C.I.G. que les gouvernements disposés à accepter les résultats de la Convention et à ne débattre en C.I.G. que des questions non tranchées par la Convention. Les Traités actuels continueraient de s'appliquer aux Etats membres qui ne participeraient pas à la C.I.G. et il conviendrait d'organiser la coexistence entre les deux groupes d'Etats membres relevant du nouveau Traité constitutionnel et des Traités actuels.

Quelle que soit la validité juridique de cette proposition, elle soulève une question au centre du débat sur l'émergence d'une union politique : les Etats membres les plus réticents se serviront-ils de la règle de l'unanimité pour empêcher la réalisation de ce grand projet dans le cadre institutionnel de l'Union européenne ou laisseront-ils les Etats membres les plus motivés le réaliser selon des formules souples permettant à chacun de s'abstenir ou de s'y agréger à son propre rythme ?

Les gouvernements les plus réticents devraient prendre en compte le fait que les opinions publiques européennes qui se sont exprimées en faveur d'une voix européenne forte et distincte de celle des Etats-Unis lors de la crise irakienne, ne se satisferaient pas d'une union politique minimaliste, au moment de la ratification par référendum du projet de Traité constitutionnel.

Les futurs Etats membres participeront à la Conférence intergouvernementale de manière pleine et entière selon le paragraphe 9 des conclusions du Conseil européen de Copenhague. Une ambiguïté subsiste néanmoins puisque la déclaration de Laeken indique qu'ils ne peuvent pas empêcher le consensus qui se dégagerait entre les Etats membres. Des conventionnels représentants des pays candidats ont demandé les mêmes droits que les autres conventionnels à partir du 16 avril 2003 et que la C.I.G. n'ouvre qu'après l'entrée en vigueur de leur adhésion le 1er mai 2004 ou, tout au moins, qu'elle ne s'achève qu'après cette date.

En tout état de cause, aucun des actuels et futurs Etats membres n'a intérêt à durcir les débats au point d'aboutir à une dissociation conflictuelle de l'ensemble européen.

Tel pourrait être le cas si une avant-garde devait se constituer en réaction à un refus de tout progrès différencié dans le cadre institutionnel unique de l'Union européenne.

La différenciation des rythmes d'intégration est inévitable dans un ensemble aussi hétérogène que l'Union européenne élargie. Les nouveaux adhérents auraient tort de l'interpréter comme une atteinte à l'égalité de leurs droits et une tentative de constitution d'une Europe à deux vitesses. La construction européenne s'est développée aussi grâce à des avant-gardes qui ont créé l'euro et le système de Schengen, à l'origine en dehors du Traité, et sont la préfiguration de ce que pourraient être des coopérations renforcées et rénovées en matière de politique étrangère et de défense. Ces avant-gardes n'ont pas affecté le principe fondamental de l'identité de droits entre Etats membres parce qu'elles ont été ouvertes à tous les membres de l'Union européenne et qu'elles ont été intégrées au système communautaire.

En revanche, le refus de compléter l'union économique par une union politique forte pourrait aboutir à la situation que les pays adhérents ont toujours redoutée : la création de deux Europe institutionnelles relativement étanches privant les membres de la Grande Europe d'accéder avant longtemps à une avant-garde devenue méfiante à leur encontre.

Enfin, ce serait une illusion de croire que ce refus de la préférence européenne en politique étrangère ne provoquerait pas un délitement de la solidarité au sein de l'union économique. La solidarité ne se divise pas, telle a été la réaction de l'opinion après l'achat des F16 par un pays adhérent qui exigeait une solidarité financière intégrale et immédiate à l'égard de ses agriculteurs. Une Europe à solidarité réduite pourrait perdre progressivement ses politiques communes offrant à tous ses membres des droits garantis et des financements automatiques, au profit d'aides aléatoires, négociées au coup par coup et limitées aux plus défavorisés. Certains Etats membres actuels rêvent à un démantèlement des politiques communes et à une réduction de la solidarité financière communautaire pour revenir à une zone de libre échange débarrassée de tous les contrepoids de la solidarité et des règles communes protectrices des faibles par rapport aux forts. Un retour à une zone de libre-échange de toutes les tensions constituerait une régression pour tous les Etats membres et en premier lieu pour les nouveaux adhérents.

CONCLUSION

Le principe politique qui a guidé le processus d'élargissement a été de réunifier le continent pour mettre définitivement fin à une coupure qui l'avait divisée pendant un demi-siècle.

L'idée centrale de ce rapport est que cet élargissement réussira s'il ne crée pas de nouvelles coupures d'abord entre Européens, ensuite avec nos voisins, et enfin avec nos alliés dans l'exercice de notre influence dans le monde.

A cette fin, l'Union européenne réunifiée devra relever trois défis essentiels :

- la réforme effective de l'administration et de la justice est une priorité absolue si l'Union veut éviter qu'un mur de sauvegardes ne crée, dans la phase initiale d'intégration, une coupure entre les opinions publiques dont le soutien sera indispensable pour franchir des échéances décisives au cours des prochaines années ;

- l'élargissement et la nouvelle relation de voisinage sont deux grands projets politiquement liés qui doivent être traités ensemble, parce que la réussite de l'un conditionne celle de l'autre et que l'édification d'un nouveau mur avec nos voisins serait à contresens de la volonté de l'Union européenne de projeter autour d'elle la paix et la prospérité grâce à des partenariats renforcés ;

- l'élargissement doit favoriser l'épanouissement d'une Europe politique qui n'aurait pas peur d'exercer son influence dans le monde, parce qu'elle agirait non pas contre son allié américain, mais pour affirmer à ses côtés la vision du monde d'un ensemble démocratique de 450 millions d'habitants.

Enfin, l'Europe réunifiée parviendra d'autant mieux à éviter de nouvelles coupures et à concilier son unité avec sa diversité si elle prend pour modèle sa dimension culturelle et restaure dans l'espace européen la première des libertés de circulation, celle des idées.{texte de la conclusion...}

TRAVAUX DE LA DELEGATION

1) Réunion du mercredi 2 avril 2003

La Délégation s'est réunie le mercredi 2 avril 2003, sous la présidence de M. René André, Vice-président, pour examiner le présent rapport d'information.

L'exposé du rapporteur a été suivi d'un débat.

Après avoir remercié le rapporteur pour la qualité du travail effectué, M. Jacques Myard a estimé que l'Europe doit avancer les yeux ouverts, sans être guidée par l'enthousiasme. Les propos optimistes tenus par le rapporteur, dignes de ceux des années soixante, sur l'Europe puissance à vingt-cinq Etats membres sont surréalistes. La vérité est que les divisions qui se manifestent aujourd'hui résultent de divergences latentes depuis des décennies. Que constate-t-on en effet ? L'Allemagne a longtemps hésité avant de construire un satellite avec ses partenaires européens ; le projet Galileo peine à démarrer et l'OTAN reste de fait la première réalité de l'Europe politique. Même l'Europe des six est apparue divisée dans la crise irakienne.

M. Jacques Myard a néanmoins considéré que l'élargissement est nécessaire, car on ne peut enfermer les PECO dans un ghetto économique. Cependant, l'Europe qui se mettra en place avec eux sera celle d'un marché organisé. Aller au-delà constitue un non sens car les valeurs que l'Europe puissance souhaiterait défendre sont celles qui tendent vers l'universalité : la démocratie, les droits de l'homme ou la tolérance. Rome n'est plus dans Rome et l'Europe ne doit pas exclure les autres zones du monde qui partagent ces valeurs. M. Jacques Myard a jugé qu'au-delà du marché organisé, un Conseil de sécurité européen peut être mis en place pour traiter certains problèmes internationaux. En revanche, il est utopique de parler de PESC ou de PESD.

M. Jean-Claude Lefort a déclaré que l'élargissement est le seul choix efficace, car il permet d'éviter à la fois l'isolement et l'alignement, qui aboutissent tous deux à la soumission. Il a exprimé le souhait qu'une Union élargie plus forte soit construite patiemment et ardemment, même si cela paraît difficile.

Il a considéré que certaines prises de position en Europe sont motivées par le fait qu'actuellement il n'existe aucune autre alternative que l'OTAN. Il a exprimé son total accord avec les propos sur la « solidarité qui ne se divise pas ». Le manque de consensus actuel sur les valeurs à défendre en Europe explique l'absence d'accord sur les structures à mettre en place.

M. Jean-Claude Lefort a émis le vœu que l'Union lance de grandes initiatives de partenariat à l'égard des voisins de l'Europe élargie. Il faut, d'une part, que l'« ours russe » ne se rétracte pas, afin d'éviter qu'il ne sorte ses griffes. Dans ce but, il convient d'associer les Russes plus étroitement à l'Europe au moyen d'un instrument qui existe déjà, l'OSCE. La Russie a fait preuve d'une fiabilité remarquable lors de la crise irakienne. S'agissant des relations avec les voisins du Sud, il a préféré la formule du partenariat à celle du cercle des pays amis.

M. Michel Delebarre a estimé que l'élargissement constitue avant tout un enjeu politique considérable. En effet, l'Europe peut-elle aller au-delà d'un marché unifié en voie d'extension ? Il a considéré que si M. Jacques Myard s'exprime avec la foi des convaincus, d'autres cultivent l'espérance des volontaires.

M. Michel Delebarre a exprimé sa préoccupation à l'égard des quelques années économiquement et socialement difficiles que l'Europe devra traverser après l'élargissement. Les délocalisations ne seront pas neutres pour certaines régions françaises et auront sans doute un impact sur les petites et moyennes entreprises. Or cet impact social risque d'inciter les citoyens à rejeter l'élargissement. Aussi, a-t-il souhaité que la Délégation suive de près le phénomène et les effets de ces délocalisations. Pour cela, il faut disposer d'un indicateur fiable.

Puis, il a fait une observation sur le processus général d'élargissement. Pour que celui-ci aille au-delà de l'extension d'un marché organisé à d'autres pays, il doit comprendre une dimension culturelle forte. Ce volet doit également faire l'objet d'une évaluation. En effet, les pays adhérents vont apporter à l'Europe bien plus que de nouveaux marchés. Or, cela n'est pas pris en compte dans le processus de reprise de l'acquis communautaire. M. Michel Delebarre a cité l'exemple de la Hongrie : ce pays, comme les neuf autres adhérents, doit satisfaire une liste de conditions au niveau de la législation communautaire, mais il comporte aussi une dizaine de Prix Nobel. Ce facteur ne peut être négligé : s'il ne représente économiquement rien, il est culturellement significatif.

M. Jacques Myard a souhaité intervenir pour déclarer que les échanges culturels se situent au niveau transnational. Ils se superposent au niveau communautaire et ne peuvent fonder à eux seuls une identité européenne, car ceux-ci font entrer en compétition le français avec l'allemand et l'anglais.

M. Michel Delebarre a jugé que le partage de ces éléments culturels peut être un moteur pour l'intégration. Il est indispensable de savoir quel regard doit être porté sur l'autre.

Enfin, il s'est interrogé sur le contenu de la gouvernance européenne qui résultera des travaux de la Convention. La notion d'avant-garde est intéressante, mais en faire partie c'est aussi ne pas oublier qu'il faut réfléchir à la façon dont on va partager une coopération renforcée avec les Etats restés en dehors.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- le discours sur l'Europe puissance traduit peut-être un optimisme typique des années soixante, mais tout fonder sur les Etats revient à se déterminer selon les principes définis à l'époque des traités de Westphalie. L'Europe de la défense et l'industrie européenne de défense sont nécessaires. Car si nous voulons conserver ces valeurs universelles, il faut être en situation de force par rapport à d'autres ensembles qui ne les partagent plus de la même manière ;

- l'Europe a sans doute oublié de dialoguer avec les PECO, qui se sentant abandonnés ou ignorés se sont tournés vers les Etats-Unis ;

- il est nécessaire de renforcer les relations avec la Russie, mais aussi avec l'Ukraine et la Biélorussie, deux pays dont l'évolution politique et économique ne cesse d'être inquiétante ;

- la Délégation doit suivre, s'il y a lieu, le phénomène et les effets des délocalisations résultant de l'élargissement ;

- la dimension culturelle est effectivement un facteur essentiel de l'intégration européenne.

Tout en convenant de la nécessité de l'élargissement qu'il a considéré comme une obligation morale propre à renforcer la cohésion de l'Europe, M. Nicolas Dupont-Aignan a néanmoins voulu insister sur les malentendus pouvant résulter du décalage qu'il a pu constater lors de son déplacement en République tchèque entre l'approche comptable qui est celle de l'Europe des Quinze et l'approche morale et politique qui semble caractériser la démarche des nouveaux adhérents.

Il a considéré que les conséquences de l'élargissement sur les flux migratoires et les délocalisations étaient beaucoup trop sous-estimées. Par exemple, en République tchèque les salaires sont cinq fois moins élevés qu'en France pour une productivité identique. Quant au système de Schengen, il est désormais dépassé pour permettre un contrôle adéquat des mouvements migratoires. Dans ce contexte, il a estimé que l'Union européenne, à l'exemple de l'Allemagne qui affirmait être en mesure de surmonter les difficultés de la réunification, était guidée par un optimisme qui ne correspond pas à la réalité. L'actuel modèle communautaire ne fonctionne plus, parce qu'il donne toujours l'impression d'être basé sur l'ancienne Europe des Six, alors même que l'Union européenne est devenue un marché unique conformément aux vœux du Royaume-Uni. En outre, le fait que l'Europe ait accepté d'abaisser, de façon excessive, ses barrières douanières l'a transformée en une véritable zone de libre-échange. Dès lors, il a appelé à une action en vue de résoudre plusieurs incohérences.

La première résulte de la situation, qualifiée de surréaliste, qu'entraînera l'élargissement. Il apparaît, selon lui, contradictoire d'affirmer que l'Europe élargie sera confrontée à d'importantes difficultés alors que le Conseil européen de Copenhague a décidé de poursuivre les négociations avec la Bulgarie, la Roumanie et la Turquie, et que ce dernier pays pose des problèmes géopolitiques considérables, en particulier, celui des frontières politiques de l'Europe. Constituer un cercle des pays amis est une proposition positive, dans laquelle il faut introduire la Turquie.

La deuxième incohérence touche aux objectifs de la politique commerciale communautaire dans le cadre des négociations de l'OMC. Il a considéré que l'Europe devait cesser d'être culpabilisée par les reproches adressés par les Etats-Unis.

S'agissant de la politique de sécurité de l'Europe, il a déclaré, approuvant les propos tenus par M. Jacques Myard, que la crise irakienne avait révélé l'absence de PESC. Dans ce contexte, il s'est félicité que les projets de soumettre la PESC à la majorité qualifiée n'aient pas été mis en œuvre, car le Président de la République aurait - selon lui - alors été obligé de s'aligner sur les Etats-Unis.

Abordant la question institutionnelle, il a considéré que l'Europe élargie ne pourra fonctionner ni selon le principe de l'unanimité ni à la majorité qualifiée. Dans cette seconde hypothèse, la France avec 9 % des voix risque d'être constamment mise en minorité sur des problèmes cruciaux. C'est pourquoi, plutôt que la notion d'avant-garde, il a souhaité la constitution d'une Europe à géométrie variable selon les sujets, mécanisme qui permettrait aux Etats soucieux de promouvoir des initiatives de ne pas être empêchés par le refus des autres Etats.

Les conclusions du rapporteur en quatre points -  approuvant l'adhésion des dix ; soulignant l'urgence d'une réforme effective de l'administration et de la justice ; soutenant l'initiative de la Commission sur le nouveau voisinage de l'Union élargie ; appelant à construire une politique étrangère autonome, une politique de défense substantielle et un partenariat atlantique rééquilibré - ont alors fait l'objet d'un débat.

M. Michel Delebarre a demandé qu'un paragraphe supplémentaire soit inséré, afin que soient visés, d'une part, la nécessité d'une réflexion sur la dimension culturelle de l'Europe élargie et, d'autre part, le risque de délocalisations auquel certaines régions françaises pourraient être confrontées.

M. Jean-Pierre Abelin a souhaité insister sur les inégalités régionales existant au sein des nouveaux adhérents. Evoquant le cas de la Slovaquie, il a indiqué que la région de Bratislava avait un niveau proche de l'Autriche, à la différence de l'est de la Slovaquie dont le niveau économique est très nettement inférieur. Il a fait part de sa crainte que l'Union européenne ne promeuve une politique régionale non pas en faveur de ces régions déshéritées mais de celles qui ont un niveau économique déjà satisfaisant.

Le rapporteur a repris l'examen du quatrième point des conclusions en proposant d'y mentionner l'existence d'un « ensemble démocratique à l'identité politique et culturelle propre ».

M. Michel Herbillon a proposé que la diversité culturelle, mais aussi linguistique, fasse l'objet d'un paragraphe distinct. Ce que défendent les Européens aujourd'hui, c'est une vision qui se démarque de l'hégémonie américaine. Cela doit faire l'objet d'un paragraphe spécifique sans confusion possible avec des questions comme les délocalisations ou les mouvements migratoires.

M. Nicolas Dupont-Aignan a considéré que la notion de « politique étrangère autonome » paraissait peu claire. L'Union européenne peut avoir une politique étrangère commune, éventuellement qualifiée d'indépendante, mais l'adjectif autonome n'est pas adapté en l'espèce.

M. Michel Delebarre a proposé d'ajouter, après le premier paragraphe, que « l'élargissement a aussi une dimension culturelle dans laquelle les enjeux linguistiques ne peuvent être ignorés ».

M. François Guillaume a souligné qu'il fallait rappeler l'attachement au marché commun, bien différent d'une simple zone de libre-échange. L'Union européenne, se différencie de l'ALENA où les barrières financières ont été supprimées sans que soient mises en œuvre des politiques communes. Le marché commun est fondé au contraire sur la solidarité financière et sur des politiques structurelles. L'Europe a une autre conception de l'intervention économique que celle qui voudrait s'imposer à travers l'ouverture d'une sorte de grand supermarché planétaire. Le rapport présente de grandes qualités, mais ce sont les perspectives qu'il trace qui semblent par trop optimistes, voire illusoires. Rejoignant M. Nicolas Dupont-Aignan, il a souligné qu'il fallait faire une Europe à géométrie variable. Il y a sept ans déjà, il avait fait paraître un écrit sur la question : l'évidence s'imposait alors, avec la même force qu'aujourd'hui, qu'une Europe qui comptera un jour trente-six nations
- si l'on compte les Etats des Balkans qui nous rejoindront - ne pourra avancer à l'unisson sur toutes les questions. Le terme de « politique étrangère autonome » n'a pas de sens. Dans le domaine de la défense, il faut développer une politique en commun, à distinguer d'une politique commune. Cela implique la création d'une agence de l'armement sans laquelle les matériels des armées de l'Union européenne resteront incompatibles les uns avec les autres. Mais cela veut dire aussi que la France gardera la possibilité d'intervenir sur des théâtres extérieurs, par exemple en Afrique, conformément à ses engagements traditionnels. En l'état, le paragraphe 4 des propositions de conclusions ne saurait recueillir un assentiment général.

A l'issue du débat, le rapporteur a proposé à la Délégation, qui l'a suivi, de reporter à la réunion du mardi 8 avril, également consacrée à l'élargissement de l'Union européenne, l'adoption des conclusions du rapport afin de prendre en considération les observations émises par les membres de la Délégation au cours de la présente réunion.

2) Réunion du mardi 8 avril 2003

La Délégation s'est réunie le mardi 8 avril 2003, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner les conclusions du présent rapport d'information.

Le rapporteur a rappelé que ses propositions de conclusions comportaient quatre points : approuvant l'adhésion des Dix ; soulignant l'urgence d'une réforme effective de l'administration et de la justice ; soutenant l'initiative de la Commission sur le nouveau voisinage de l'Union élargie ; appelant à construire une politique étrangère autonome, une politique de défense substantielle et un partenariat atlantique rééquilibré.

Il a indiqué qu'il avait intégré dans ses propositions de conclusions un certain nombre d'observations émises par les membres de la Délégation lors de la réunion du 2 avril, de la manière suivante :

- les suggestions de MM. Michel Delebarre et Michel Herbillon, pour souligner la dimension culturelle et les enjeux linguistiques de l'élargissement de l'Union européenne ainsi que le principe de diversité culturelle ;

- les inquiétudes de l'ensemble des membres de la Délégation sur les risques de délocalisation d'entreprises en raison des écarts du coût de la main-d'œuvre ;

- leur souci d'une gestion appropriée des flux migratoires ;

- le souhait de M. Jean-Claude Lefort de préciser que les partenariats avec les voisins concernaient l'Est et le pourtour méditerranéen.

M. François Guillaume a rappelé qu'il avait précédemment souligné l'intérêt d'un marché commun, tout à fait distinct d'une zone de libre-échange, et qu'il avait insisté pour que l'adhésion des dix nouveaux membres n'altère pas le principe de ce marché, la solidarité financière qui lui est attachée ni les politiques communes agricole et régionale.

Le rapporteur a indiqué que le rapport défendait le maintien de ces principes et qu'il proposait une conception ambitieuse de l'Europe, fondée sur une union politique, totalement à l'opposé d'une réduction de l'Union européenne à une simple zone de libre-échange.

Le Président Pierre Lequiller ne s'est pas opposé au rappel de ces principes auxquels les nouveaux pays membres sont autant attachés que beaucoup d'Etats membres actuels.

Le rapporteur a considéré qu'une référence au marché commun originel pourrait marquer une réticence par rapport à l'étape suivante du passage à l'union économique et monétaire.

M. François Guillaume a déclaré que les Etats-Unis allaient exercer une pression à l'Organisation mondiale du Commerce pour faire céder l'Union européenne sur la défense d'un véritable marché commun et de son agriculture.

La Délégation a adopté un nouveau point faisant état de cette préoccupation.

M. Jacques Myard s'est ensuite interrogé sur la notion de politique de défense « substantielle » qui pourrait être source de confusion.

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que cette conception est défendue par la France et qu'elle est en train de progresser avec les propositions communes que la France, l'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg vont présenter dans ce domaine le 29 avril. On a jusqu'à présent beaucoup parlé de défense commune, on va passer maintenant à un degré supérieur pour commencer à la mettre en œuvre.

La Délégation a ensuite adopté les conclusions proposées par le rapporteur, dont le texte figure ci-après.

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA DELEGATION

La Délégation,

Vu les conclusions du Conseil européen de Copenhague des 12 et 13 décembre 2002 relatives à l'achèvement des négociations d'adhésion de Chypre, de l'Estonie, de la Hongrie, de la Lettonie, de la Lituanie, de Malte, de la Pologne, de la République tchèque, de la Slovaquie et de la Slovénie à l'Union européenne,


1. Approuve l'adhésion à l'Union européenne des dix pays candidats afin de refermer définitivement la parenthèse douloureuse de la division de l'Europe au XXème siècle, de bâtir ensemble non seulement une communauté d'intérêts, mais aussi une communauté de destin et de valeurs, et de réaliser ainsi, dans la force de son unité et le respect de sa diversité, les idéaux de paix, de prospérité et de justice de la démocratie européenne ;

2. Souligne que l'élargissement de l'Union européenne a aussi une dimension culturelle dans laquelle les enjeux linguistiques ne peuvent être ignorés ; considère que la première des libertés de circulation, celle des idées, doit reposer sur le principe de diversité culturelle, afin que la mondialisation ne devienne pas un processus d'effacement et d'uniformisation des cultures, en premier lieu en Europe ;

3. Prend acte des assurances de la Commission selon lesquelles les dix pays adhérents seront en mesure de remplir les critères économiques et d'assumer les obligations découlant de l'adhésion à partir de 2004 ; s'inquiète néanmoins des retards pris dans leur capacité à appliquer réellement l'acquis communautaire ; souligne que la réforme effective de l'administration et de la justice est une priorité absolue afin d'éviter qu'une multiplication des clauses de sauvegarde, indispensable pour pallier les effets de cette grave déficience, ne crée une coupure entre les opinions publiques, dommageable à l'intégration des pays adhérents ;

4. Rappelle son attachement au principe d'un marché unique, distinct d'une zone de libre-échange et fondé sur la solidarité financière et le développement des politiques communes agricole et régionale, au moment où des pressions vont s'exercer à l'Organisation mondiale du commerce pour que les membres de l'Union européenne élargie y renoncent ;
5. S'inquiète des risques de délocalisation d'entreprises en raison des écarts du coût de la main d'œuvre et rappelle que la concurrence doit s'exercer dans un marché unique homogène ne comportant pas de disparités fiscales et sociales excessives ;
6. Souligne l'importance d'une gestion appropriée des flux migratoires dans l'Union élargie et la nécessité de renforcer les capacités des nouveaux Etats membres pour garantir l'efficacité des politiques en matière d'immigration et de lutte contre l'immigration clandestine ;

7. Considère l'élargissement et les nouvelles relations de voisinage comme deux grands projets dont la réussite de l'un conditionne celle de l'autre ; soutient l'initiative de la Commission sur le nouveau voisinage de l'Union élargie, comme une première réponse, méritant d'être approfondie, à la nécessité de renforcer les partenariats avec ses voisins de l'Est et du pourtour méditerranéen ;

8. Appelle à construire un consensus entre Européens sur une politique étrangère autonome, une politique de défense substantielle et un partenariat atlantique rééquilibré, en vue de réaliser une union politique capable d'affirmer, à côté de son allié américain, la vision du monde d'un ensemble démocratique de quatre cent cinquante millions d'habitants.

ANNEXES

Annexe 1 :
Liste des entretiensAnnexe-1

1) à Varsovie :

- M. Józef OLESKY, président de la commission européenne de la Diète ;

- M. Jakub BORATYŃSKI, membre de la fondation BATORY ;

- M. Marek KARP, directeur du centre d'études orientales ; M. Jacek CICHOCKI, directeur adjoint du département pour l'Ukraine, la Belarus et les Etats baltes ; M. Pavel WOTOWSKI, directeur du département pour l'Ukraine, la Belarus et les Etats baltes ; M. Piotr PACIORKIEWICZ, coordonnateur pour les relations extérieures ;

- M. Andrzej TOWPIK, sous-secrétaire d'Etat pour la politique de la défense ;

- M. Jerzy JASKIERNIA, président de la commission des affaires étrangères de la Diète ;

- M. Wieslaw PIETRZAK, président de la Commission de la défense du Sénat ;

- Général JAUER, expert auprès de la Commission de la défense de la Diète ;

- M. Piotr Antoni ŚWITALSKI, directeur du département de stratégie et de planification du ministère des affaires étrangères ;

- M. SWIEBODA, directeur du département de l'Union européenne du ministère des affaires étrangères.

2) à Prague

- M. Libor ROUCEK, vice-président de la commission pour l'intégration européenne et vice-président de la commission des affaires étrangères ;

- M. Jaromir KOHLICEK, membre de la commission des affaires étrangères ;

- M. Jan VIDIM, président de la commission de la défense et de la sécurité.

3) à Bruxelles

- M. Rutger WISSELS, chef d'unité à la direction générale élargissement, chargé des questions de justice et affaires intérieures ;

- M. Christian DANIELSON, chef-adjoint du cabinet du Commissaire à l'élargissement, M. Günter VERHEUGEN,

- M. Pascual BREMON, chef d'unité à la direction générale élargissement, chargé des négociations et des instruments financiers ;

- M. Hugues MINGARELLI, directeur à la direction générale relations extérieures, chargé de l'Europe orientale, du Caucase et des Républiques d'Asie centrale ;

- M. Michael WEBB, chef d'unité-adjoint, chargé du processus euroméditerranéen à la direction générale relations extérieures.

Annexe 2 :
Extraits des conclusions du Conseil européen sur l'élargissement de l'Union européenne
aux pays de l'Europe centrale et orientale,
à Chypre, à Malte et à la TurquieAnnexe-1

I. Bruxelles, 24 et 25 octobre 2002

1. Elargissement

1. Le processus historique lancé à Copenhague en 1993 pour surmonter les divisions au sein de notre continent est sur le point de porter ses fruits. C'est grâce à la clairvoyance et aux efforts des pays candidats et des États membres que le plus grand élargissement de l'Union jamais réalisé est aujourd'hui en passe d'aboutir.

À cet égard, le Conseil européen s'est vivement félicité de l'issue positive du référendum irlandais. Ce résultat a préparé la voie pour que soit menée à bien la ratification du traité de Nice, ce qui permettra l'entrée en vigueur du traité au début de l'année prochaine.

Dans ces conditions, le Conseil européen a pris des décisions qui permettront à l'Union de présenter aux États candidats des positions de négociation sur toutes les questions en suspens au plus tard au début du mois de novembre, en vue de conclure les négociations d'adhésion avec les premiers pays lors du Conseil européen de Copenhague qui se tiendra en décembre. Le Conseil européen a également arrêté des orientations pour poursuivre le processus avec les pays qui ne feront pas partie du premier élargissement.

Evaluation générale

2. L'Union se rallie aux conclusions et aux recommandations de la Commission, selon lesquelles Chypre, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République slovaque, la République tchèque et la Slovénie remplissent les critères politiques et seront en mesure de remplir les critères économiques et d'assumer les obligations découlant de l'adhésion à partir du début de 2004.

3. Compte tenu de ce qui précède, et prenant en considération également les progrès accomplis sur le plan général dans les négociations d'adhésion, ainsi que dans la transposition et la mise en œuvre de l'acquis et des engagements pris par les pays candidats lors des négociations, l'Union confirme sa volonté de mener à bien les négociations d'adhésion avec ces pays lors de la réunion du Conseil européen à Copenhague les 12 et 13 décembre et de signer le traité d'adhésion à Athènes en avril 2003.

4. L'Union rappelle qu'elle préférerait voir un État de Chypre réunifié adhérer à l'Union européenne sur la base d'un règlement global, et engage les responsables des communautés chypriotes grecque et turque à saisir l'occasion et à conclure un accord avant la fin des négociations d'adhésion cette année. L'Union continuera à appuyer pleinement les efforts considérables déployés par le Secrétaire général des Nations Unies pour parvenir à un règlement conforme aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l'ONU. L'Union européenne prendra en considération les conditions d'un tel règlement global dans le traité d'adhésion, conformément aux principes qui sous-tendent l'Union européenne. En l'absence de règlement, les décisions qui devront être prises en décembre par le Conseil européen de Copenhague seront fondées sur les conclusions du Conseil européen d'Helsinki de 1999.

5. L'Union souscrit à l'évaluation faite par la Commission des progrès réalisés par la Bulgarie et la Roumanie. Compte tenu du caractère inclusif et irréversible du processus d'élargissement et eu égard au document de stratégie de la Commission, le Conseil et la Commission sont invités à préparer, en étroite consultation avec la Bulgarie et la Roumanie, les décisions qui devront être prises lors de la réunion du Conseil européen à Copenhague en ce qui concerne, avant toute chose, des feuilles de route détaillées, y compris des calendriers, et une assistance de préadhésion renforcée, afin de faire progresser le processus d'adhésion de ces pays. Le Conseil européen déclare soutenir la Bulgarie et la Roumanie dans les efforts qu'elles déploient pour atteindre l'objectif de l'adhésion en 2007.

6. L'Union se félicite des mesures importantes prises par la Turquie pour satisfaire aux critères politiques de Copenhague et du fait qu'elle a enregistré des avancées sur le terrain des critères économiques ainsi qu'en matière d'alignement sur l'acquis, comme le constate le rapport régulier de la Commission. La perspective de l'ouverture de négociations d'adhésion avec la Turquie s'en trouve ainsi rapprochée. L'Union encourage la Turquie à poursuivre le processus de réforme entamé et à prendre de nouvelles mesures concrètes dans la voie de la mise en œuvre, ce qui permettra de progresser vers l'adhésion de la Turquie selon les mêmes principes et critères que ceux appliqués aux autres États candidats. Le Conseil est invité à préparer en temps utile pour la réunion du Conseil européen à Copenhague les éléments permettant de décider de l'étape suivante de la candidature de la Turquie, sur la base du document de stratégie de la Commission et conformément aux conclusions des Conseils européens d'Helsinki, de Laeken et de Séville.

Suivi et sauvegarde

7. L'Union se rallie aux propositions de la Commission figurant dans le document de stratégie pour ce qui est de poursuivre le suivi après la signature du traité d'adhésion. En conséquence, six mois avant la date d'adhésion envisagée, la Commission présentera au Conseil et au Parlement européen un rapport de suivi sur les progrès réalisés dans l'adoption, la mise en œuvre et l'application de l'acquis par les États adhérents, par rapport à leurs engagements.

8. En outre, l'Union approuve les propositions de la Commission visant à inclure dans le traité d'adhésion, outre une clause générale de sauvegarde au plan économique, deux clauses de sauvegarde spécifiques concernant le fonctionnement du marché intérieur, y compris toutes les politiques sectorielles qui concernent des activités économiques ayant un effet transfrontalier, et le domaine de la justice et des affaires intérieures. Pendant une durée pouvant aller jusqu'à trois ans à partir de l'adhésion, une clause de sauvegarde pourrait être invoquée soit lorsqu'un État membre présenterait une demande dûment motivée dans ce sens, soit sur l'initiative de la Commission. Les mesures relevant de la clause générale de sauvegarde au plan économique pourraient s'appliquer à tout État membre. Celles relevant des deux clauses de sauvegarde spécifiques pourraient s'appliquer uniquement à un nouvel État membre qui n'aurait pas respecté les engagements pris dans le cadre des négociations. Une clause de sauvegarde pourrait même être invoquée avant l'adhésion, sur la base des constatations faites dans le cadre du suivi, et entrer en vigueur le jour de l'adhésion. La durée des mesures prises à ce titre pourrait s'étendre au-delà de la période de trois ans prévue. Les instances compétentes définiront la position de l'Union sur ce point dans le cadre des négociations d'adhésion. La Commission informera le Conseil en temps utile avant d'abroger les mesures de sauvegarde. Elle prendra dûment en compte les éventuelles observations du Conseil à cet égard.

9. L'Union souscrit à la proposition de la Commission de mettre à disposition une facilité transitoire de renforcement des institutions afin de poursuivre le processus de renforcement des capacités administratives et judiciaires des nouveaux États membres.

Question budgétaires et financières (2004-2006)

10. Il convient de respecter le plafond des dépenses liées aux adhésions fixé pour les années 2004 à 2006 par le Conseil européen de Berlin.

11. Les dépenses de l'Union doivent continuer de respecter à la fois les impératifs de la discipline budgétaire et ceux de l'efficacité des dépenses, et l'Union élargie doit disposer de ressources suffisantes pour assurer la bonne marche de ses politiques au bénéfice de tous ses citoyens.

a) Paiements directs

12. Sans préjudice de futures décisions concernant la PAC et le financement de l'Union européenne après 2006, ni du résultat qui pourrait découler de la mise en oeuvre du point 22 des conclusions du Conseil européen de Berlin, ni des engagements internationaux contractés par l'Union, notamment lors du lancement du cycle de Doha pour le développement, des paiements directs seront introduits par paliers conformément au tableau ci-après (les chiffres correspondant au pourcentage du niveau de ces paiements dans l'Union):

2004: 25 %

2005: 30 %

2006 35 %

2007: 40 %

Des augmentations supplémentaires de 10 % interviendront ensuite afin que les nouveaux États membres atteignent en 2013 le niveau d'aide alors applicable dans l'Union européenne actuelle. En outre, le régime "petits agriculteurs" ne devrait pas s'appliquer.

Cette introduction progressive des paiements directs sera assurée dans un cadre de stabilité financière, selon lequel le montant total annuel pour les dépenses liées au marché et les paiements directs dans une Union à 25 ne saurait dépasser, entre 2007 et 2013, le montant en termes réels du plafond de la catégorie 1A pour l'année 2006, arrêté à Berlin pour l'Union européenne à 15, ni le plafond proposé en ce qui concerne les dépenses correspondantes pour les nouveaux États membres pour l'année 2006. Le montant total en valeur nominale des dépenses liées au marché et des paiements directs pour chaque année de la période 2007-2013 est maintenu à un niveau inférieur au chiffre de 2006 majoré de 1 % par an.

Il conviendra de continuer à tenir compte des besoins des producteurs des régions défavorisées de l'Union européenne actuelle; une agriculture multifonctionnelle sera préservée dans toutes les régions d'Europe, conformément aux conclusions du Conseil européen de Luxembourg (1997) et du Conseil européen de Berlin (1999).

b) Niveau global des dotations pour les actions structurelles

13. L'ensemble des crédits d'engagement pour les fonds structurels et de cohésion à ajouter à la rubrique 2 en raison de l'élargissement devrait s'élever à 23 milliards d'euros au total pendant la période considérée, répartis entre les nouveaux États membres conformément aux positions communes de l'Union européenne à ce sujet, qui ont été convenues avec les États candidats.

c) Ressources propres et déséquilibres budgétaires

14. L'acquis en matière de ressources propres s'appliquera aux nouveaux États membres dès leur adhésion.

Si, selon les prévisions, le solde des flux financiers de tel ou tel État candidat avec le budget de la Communauté est négatif au cours de la période allant de 2004 à 2006, par rapport à l'année 2003, une compensation budgétaire temporaire sera accordée. Elle comportera des restitutions sous forme de paiements forfaitaires, dégressifs et temporaires dans la partie dépenses du budget de l'UE. Les montants seront fixés d'ici à la fin des négociations sur la base de la méthode arrêtée par le Conseil le 22 octobre 2002 et ils seront inclus dans l'acte d'adhésion. Ces compensations devraient rester dans les marges annuelles qui subsistent en deçà du plafond des crédits d'engagement et de paiement fixé à Berlin pour les dépenses liées à l'élargissement.

15. L'effort général sur la voie de la discipline budgétaire décidé par le Conseil européen de Berlin doit être poursuivi durant la période qui s'ouvrira en 2007.

16. Le Conseil européen a approuvé les autres éléments nécessaires à la définition des positions communes de l'UE qui résultent des travaux préparatoires du Conseil "Affaires générales et relations extérieures", qui sont repris à l'annexe I.

2. Kaliningrad

17. Le Conseil européen confirme les conclusions qu'il a adoptées lors de sa réunion de Séville au mois de juin 2002.

Le Conseil européen, prenant acte de l'objectif qui consiste à poursuivre le développement du partenariat stratégique entre l'UE et la Russie convient de consentir un effort particulier pour répondre aux intérêts de toutes les parties concernées pour ce qui est du transit des personnes entre la région de Kaliningrad et les autres parties de la Russie.

Le Conseil européen souligne qu'il est nécessaire que toutes les parties respectent pleinement le droit souverain de tout État de protéger la sécurité de ses citoyens en contrôlant ses frontières ainsi que la circulation des personnes et des marchandises vers, sur et à travers son territoire. Le Conseil européen souligne que tout État est en droit d'instaurer un régime de visas, y compris pour le transit.

Le Conseil européen reconnaît qu'au sein de la Fédération de Russie la situation de la région de Kaliningrad est unique.

Le Conseil européen approuve les conclusions sur Kaliningrad adoptées par le Conseil "Affaires générales et relations extérieures" le 22 octobre 2002.

ANNEXE I

RÉSULTATS DES TRAVAUX DU CONSEIL "AFFAIRES GÉNÉRALES

ET RELATIONS EXTÉRIEURES"

Questions budgétaires et financières

a) Niveau global des dotations pour les actions structurelles

1. Les États candidats devraient intensifier et accélérer leurs travaux préparatoires afin d'être en mesure de présenter à la Commission leur demande d'assistance, les documents de programmation et leurs projets relevant du Fonds de cohésion de sorte qu'ils puissent être adoptés au début de 2004. La Commission et les États membres continueront de fournir toute l'aide possible à cette fin. La Commission veillera à ce que le processus d'approbation des documents de programmation et des demandes de paiements soit aussi rapide que possible.

2. Afin de répondre aux besoins considérables constatés dans les États candidats en ce qui concerne les nouvelles infrastructures dans les domaines des transports et de l'environnement, un tiers des dotations pour les actions structurelles sera affecté au fonds de cohésion.

3. L'acompte prévu dans le cadre de l'acquis sera versé la première année suivant l'adhésion au taux de 16 % de la contribution totale des fonds structurels sur la période allant de 2004 à 2006. L'UE prévoit des crédits de paiement en 2004 équivalant à 3 % des engagements annuels moyens au titre des fonds structurels et à 3 % de l'engagement du fonds de cohésion(8).

II. Copenhague, 12 et 13 décembre 2002

Elargissement

3. En 1993, le Conseil européen de Copenhague a lancé un processus ambitieux visant à surmonter les séquelles des conflits et des divisions en Europe. Ce jour marque une étape historique et sans précédent de ce processus qui s'achève avec la conclusion des négociations d'adhésion avec Chypre, la République tchèque, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République slovaque et la Slovénie. L'Union se réjouit à présent d'accueillir ces États en tant que membres au 1er mai 2004. Ce succès témoigne de la volonté commune des peuples européens de se rassembler dans une Union qui est devenue le moteur de la paix, de la démocratie, de la stabilité et de la prospérité sur notre continent. En tant que membres à part entière d'une Union fondée sur la solidarité, ces États contribueront pleinement à donner forme au développement ultérieur du projet européen.

4. L'Union approuve les résultats de ces négociations tels qu'ils figurent dans le document 21000/02. Les conséquences financières de l'élargissement sont exposées à l'annexe I. L'ensemble équilibré des résultats obtenus fournit une base solide pour l'intégration sans heurts de dix nouveaux États membres, tout en garantissant le fonctionnement efficace de l'Union élargie. L'accord dégagé dotera les États adhérents des mécanismes transitoires nécessaires pour s'acquitter de toutes les obligations inhérentes à l'adhésion. Les résultats obtenus dans le cadre des négociations d'adhésion garantissent le fonctionnement ininterrompu du marché intérieur ainsi que la poursuite des différentes politiques de l'UE, sans préjuger la future réforme.

5. Le suivi, jusqu'à l'adhésion, des engagements pris permettra de donner encore aux États adhérents des orientations dans leurs efforts pour assumer les responsabilités qu'implique leur adhésion et de donner aux États membres actuels les assurances nécessaires. La Commission formulera les propositions nécessaires sur la base des rapports de suivi. Des clauses de sauvegarde prévoient des mesures destinées à faire face aux éléments imprévus qui pourraient apparaître au cours des trois premières années après l'adhésion. En outre, le Conseil européen se félicite de l'engagement à poursuivre la surveillance des progrès réalisés dans les domaines des politiques économiques, budgétaires et structurelles dans les pays candidats, dans le cadre des processus de coordination des politiques économiques.

6. Tous les efforts devront maintenant porter sur l'achèvement des travaux de rédaction du traité d'adhésion afin qu'il puisse être soumis à l'avis de la Commission, puis à l'avis conforme du Parlement européen, et être présenté au Conseil en vue de procéder à sa signature le 16 avril 2003 à Athènes.

7. En menant à bonne fin la conclusion des négociations d'adhésion, l'Union a honoré son engagement à veiller à ce que les dix États adhérents soient à même de participer, en tant que membres, à l'élection du Parlement européen. Le traité d'adhésion disposera que les commissaires des nouveaux États membres intégreront l'actuelle Commission dès le jour de l'adhésion, le 1er mai 2004. Après la nomination d'un nouveau président de la Commission par le Conseil européen, le Parlement européen nouvellement élu approuverait la composition d'une nouvelle Commission qui prendrait ses fonctions le 1er novembre 2004. À la même date, les dispositions prévues dans le traité de Nice en ce qui concerne la Commission et le mode de scrutin au Conseil entreront en vigueur. Les consultations avec le Parlement européen qui sont nécessaires sur ces questions seront achevées d'ici la fin janvier 2003. Les modalités exposées ci-dessus garantiront la participation pleine et entière des nouveaux États membres au cadre institutionnel de l'Union.

8. Enfin, les nouveaux États membres participeront à part entière à la prochaine Conférence intergouvernementale. Sans réforme, l'Union ne tirera pas pleinement parti des avantages de l'élargissement. Le nouveau traité sera signé après l'adhésion. Ce calendrier ne préjuge pas celui de la conclusion de la CIG.

9. L'élargissement en cours jette les fondements d'une Union qui a de solides perspectives de croissance durable et un rôle important à jouer dans la consolidation de la stabilité, de la paix et de la démocratie en Europe et au-delà. Conformément à leurs procédures nationales de ratification, les États actuels et les États adhérents sont invités à ratifier le traité en temps voulu pour qu'il entre en vigueur le 1er mai 2004.

Chypre

10. Conformément au point 3 ci-dessus, étant donné que les négociations d'adhésion ont été achevées avec Chypre, celle-ci sera admise dans l'Union européenne en tant que nouvel État membre. Néanmoins, le Conseil européen confirme qu'il préfèrerait fortement voir adhérer à l'Union européenne une Chypre réunifiée. À cet égard, il se félicite que les Chypriotes grecs et turcs se soient engagés à poursuivre les négociations en vue de parvenir à un règlement global du problème chypriote d'ici le 28 février 2003 sur la base des propositions du Secrétaire général des Nations Unies. Le Conseil européen estime que ces propositions offrent une chance unique de parvenir à un règlement dans les semaines à venir et il engage instamment les dirigeants de communautés chypriotes grecque et turque à saisir cette chance.

11. L'Union rappelle qu'elle est disposée à prendre en considération les conditions d'un règlement dans le traité d'adhésion, conformément aux principes qui sous-tendent l'Union européenne.

En cas de règlement, le Conseil, statuant à l'unanimité sur la base de propositions de la Commission, décidera des adaptations des conditions relatives à l'adhésion de Chypre à l'Union européenne auxquelles il conviendrait de procéder pour tenir compte de la communauté chypriote turque.

12. Le Conseil européen a décidé que, en l'absence d'un règlement, l'application de l'acquis dans la partie nord de l'île sera suspendue jusqu'à ce que le Conseil, statuant à l'unanimité sur la base d'une proposition de la Commission, en décide autrement. Dans l'intervalle, le Conseil invite la Commission, en liaison avec le gouvernement de Chypre, à examiner les moyens permettant d'encourager le développement économique de la partie nord de Chypre et de la rapprocher de l'Union.

Bulgarie et Roumanie

13. L'aboutissement des négociations d'adhésion avec dix pays candidats dynamise les perspectives d'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie dans le cadre du même processus d'élargissement inclusif et irréversible. L'Union se félicite des progrès importants réalisés par ces pays, qui sont dûment reflétés dans l'état d'avancement de leurs négociations d'adhésion.

14. L'Union souhaite vivement consolider les résultats acquis jusqu'à présent. À la suite des conclusions du Conseil européen de Bruxelles et en fonction des progrès qui seront encore accomplis en ce qui concerne le respect des critères d'adhésion, elle se donne pour objectif d'accueillir la Bulgarie et la Roumanie en tant qu'États membres de l'Union européenne en 2007. L'Union confirme que les négociations d'adhésion avec ces pays se poursuivront sur la base des mêmes principes que ceux qui ont guidé les négociations d'adhésion jusqu'ici et que chaque pays candidat sera évalué sur ses mérites propres.

15. Les feuilles de route établies par la Commission fournissent à la Bulgarie et la Roumanie des objectifs clairement définis et donnent à chaque pays la possibilité de fixer le rythme de son processus d'adhésion. Il est essentiel que la Bulgarie et la Roumanie saisissent cette occasion d'accélérer leur préparation, notamment en respectant et en mettant en œuvre les engagements pris lors des négociations d'adhésion. À cet égard, l'Union souligne qu'il importe de mener les réformes administrative et judiciaire qui contribueront à faire avancer l'ensemble des tâches préparatoires à l'adhésion que doivent encore accomplir la Bulgarie et la Roumanie, ce qui garantira la progression de tout le processus dans les meilleures conditions sur la base des résultats obtenus jusqu'à présent. Les futures présidences et la Commission s'assureront que le rythme des négociations d'adhésion sur tous les chapitres restants, y compris les chapitres ayant des incidences financières, est maintenu et répond aux efforts déployés par la Bulgarie et la Roumanie.

16. L'Union réaffirme sa détermination à aider la Bulgarie et la Roumanie dans leurs efforts à cet égard. L'Union approuve la communication de la Commission intitulée "Feuilles de route pour la Bulgarie et la Roumanie", notamment les propositions visant à augmenter de façon importante l'aide de préadhésion. Les fonds qui seront mis à disposition, dont les niveaux sont considérables, devraient être utilisés d'une manière souple et viser les priorités recensées, notamment dans des domaines clés tels que la justice et les affaires intérieures. Leurs travaux préparatoires à l'adhésion seront orientés en outre par les partenariats pour l'adhésion révisés qui leur seront présentés l'année prochaine.

17. En outre, la Bulgarie et la Roumanie participeront à la prochaine Conférence intergouvernementale en qualité d'observateurs.

Turquie

18. Le Conseil européen rappelle la décision qu'il a prise en 1999 à Helsinki, selon laquelle la Turquie est un pays candidat qui a vocation à rejoindre l'Union sur la base des mêmes critères que ceux qui s'appliquent aux autres pays candidats. Il se félicite vivement des mesures importantes prises par la Turquie pour satisfaire aux critères de Copenhague, notamment par le biais des récents trains de mesures législatives et des mesures de mise en œuvre ultérieures, qui couvriront un grand nombre des priorités clés définies dans le Partenariat pour l'adhésion. L'Union salue la détermination du nouveau gouvernement turc à prendre de nouvelles mesures sur la voie des réformes et engage en particulier le gouvernement à remédier rapidement à toutes les insuffisances qui subsistent au regard des critères politiques, non seulement dans le domaine de la législation, mais aussi, et surtout, dans celui de la mise en œuvre. L'Union rappelle que, selon les critères politiques arrêtés en 1993 à Copenhague, l'adhésion requiert de la part d'un pays candidat qu'il ait des institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l'homme, le respect des minorités et leur protection.

19. L'Union encourage la Turquie à poursuivre énergiquement son processus de réforme. Si, en décembre 2004, le Conseil européen décide, sur la base d'un rapport et d'une recommandation de la Commission, que la Turquie satisfait aux critères politiques de Copenhague, l'Union européenne ouvrira sans délai des négociations d'adhésion avec ce pays.

20. Afin d'aider la Turquie sur la voie de l'adhésion à l'UE, la stratégie d'adhésion prévue pour ce pays sera renforcée. La Commission est invitée à présenter une proposition relative à un Partenariat pour l'adhésion révisé et à intensifier le processus d'examen de la législation.

Parallèlement, l'Union douanière CE-Turquie devrait être étendue et approfondie. L'Union augmentera de façon importante son aide financière de préadhésion en faveur de la Turquie.

À compter de 2004, cette aide sera financée au titre de la ligne budgétaire "dépenses de préadhésion".

21. L'Union européenne et les États adhérents ont marqué leur accord sur une déclaration conjointe "Une seule Europe", qui sera annexée à l'acte final du traité d'adhésion, concernant le caractère continu, inclusif et irréversible du processus d'élargissement.

L'Union élargie et ses voisins

22. L'élargissement donnera au processus d'intégration européenne une nouvelle dynamique. C'estlà une occasion importante de faire progresser les relations avec les pays voisins sur la base de valeurs politiques et économiques communes. L'Union demeure résolue à éviter la formation de nouvelles lignes de démarcation en Europe et à promouvoir la stabilité et la prospérité à l'intérieur et au-delà des nouvelles frontières de l'Union.

23. Le Conseil européen rappelle les critères qui avaient été définis lors du Conseil européen de Copenhague en juin 1993 et réaffirme la perspective européenne, mentionnée par le Conseil européen de Feira, des pays des Balkans occidentaux inscrits dans le processus de stabilisation et d'association. Le Conseil souligne sa détermination à soutenir les efforts de ces pays pour se rapprocher de l'UE. Le Conseil européen se félicite de la décision prise par la prochaine présidence grecque d'organiser un sommet à Thessalonique, le 21 juin, entre les États membres de l'UE et les pays du processus de stabilisation et d'association.

24. L'élargissement resserrera les relations avec la Russie. L'Union européenne souhaite également développer ses relations avec l'Ukraine, la Moldova, le Belarus et les pays du Sud de la Méditerranée, en s'attachant à promouvoir, dans le cadre d'une démarche à long terme, des réformes démocratiques et économiques ainsi qu'un développement et un commerce durables, et élabore de nouvelles initiatives à cette fin. Le Conseil européen se félicite de l'intention de la Commission et du Secrétaire général/Haut représentant de présenter des propositions dans ce sens.

25. Le Conseil européen encourage et soutient un développement accru de la coopération transfrontalière et régionale avec les pays voisins, et de ces pays entre eux, afin de favoriser la pleine réalisation du potentiel de ces régions, notamment en améliorant les infrastructures de transport, y compris les instruments correspondants.

ANNEXE I

QUESTIONS BUDGÉTAIRES ET FINANCIÈRES

L'Union approuve le résultat des négociations qui ont abouti à fixer le montant des dépenses nécessitées par l'adhésion de nouveaux États membres, en respectant les plafonds des dépenses liées aux adhésions fixés pour les années 2004 à 2006 par le Conseil européen de Berlin.

Le Conseil européen invite la Commission à tenir compte de ces dépenses dans sa proposition relative à l'ajustement des perspectives financières qui sera adoptée par le Parlement européen et le Conseil, conformément au point 25 de l'accord interinstitutionnel du 6 mai 1999 sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire.

Sur la base de l'adhésion de dix nouveaux États membres au 1er mai 2004, le maximum des crédits d'engagement destinés aux nouveaux États membres pour l'agriculture, les actions structurelles, les politiques internes et l'administration devrait comprendre les montants auxquels viennent d'aboutir les négociations menées lors du présent Conseil européen et qui figurent dans le tableau suivant:

Maximum des crédits d'engagement liés à l'adhésion

(en millions d'euros - prix de 1999)

pour la période 2004-2006 (pour 10 nouveaux États membres)

 

2004

2005

2006

Rubrique 1 Agriculture

dont:

1a - Politique agricole commune

1b - Développement rural

1 897

327

1 570

3 747

2 032

1 715

4 147

2 322

1 825

Rubrique 2 Actions structurelles après écrêtement

dont:

Fonds structurel

Fonds de cohésion

6 070

3 453

2 617

6 907

4 755

2 152

8 770

5 948

2 822

Rubrique 3 Politiques internes et dépenses transitoires

supplémentaires

dont:

Politiques existantes

Mesures transitoires pour la sûreté nucléaire

Mesures transitoires pour la mise en place des institutions

Mesures transitoires pour Schengen

1 457

846

125

200

286

1 428

881

125

120

302

1 372

916

125

60

271

Rubrique 5 Administration

503

558

612

Total maximal des crédits d'engagement

(Rubriques 1, 2, 3 et 5)

9 927

12 640

14 901

Le tableau ci-dessus s'entend sans préjudice du plafond UE-25 concernant la rubrique 1a, pour la période 2007-2013, fixé dans la décision des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil le 14 novembre 2002, concernant les conclusions du Conseil européen réuni à Bruxelles les 24 et 25 octobre 2002.

Le Conseil européen estime que les ajustements qu'il convient d'apporter aux plafonds des perspectives financières de l'UE à 15 pour la période 2004-2006 afin de tenir compte des dépenses nécessitées par l'élargissement ne devraient pas
- pour les rubriques existantes - dépasser les montants ci-dessus.

De plus, une nouvelle rubrique X temporaire, correspondant à une facilité de trésorerie spéciale forfaitaire pour l'année 2004 ainsi qu'à une compensation budgétaire temporaire pour les années 2004 à 2006, devrait être créée dans le cadre des plafonds fixés à Berlin pour les dépenses liées à l'élargissement. Le total des montants qui résulte des négociations est désormais fixé comme suit:

Rubrique X (facilité de trésorerie spéciale

et compensation budgétaire temporaire)

2004-2006 (pour 10 nouveaux États membres)

(en millions d'euros - prix de 1999)

 

2004

2005

2006

Facilité de trésorerie spéciale

Compensation budgétaire temporaire

1 011

262

744

429

644

296

Total

1 273

1 173

940

Toutefois, le plafond correspondant des crédits de paiement de l'Union élargie pour la période 2004-2006 devrait rester inchangé par rapport au plafond correspondant qui figure dans le tableau A des conclusions de Berlin. Le Conseil européen rappelle le point 21 de l'accord interinstitutionnel du 6 mai 1999 où se trouve énoncée la nécessité d'assurer le maintien d'une relation ordonnée entre engagements et paiements.

Conformément à la décision du 29 septembre 2000 relative au système des ressources propres, les nouveaux États membres contribueront pleinement au financement des dépenses de l'UE à compter du premier jour de leur adhésion, puisque l'acquis en matière de ressources propres leur sera applicable dès l'adhésion.

En ce qui concerne la délimitation des dépenses, le Conseil européen rappelle le point 21 de l'accord interinstitutionnel du 6 mai 1999.

L'effort général sur la voie de la discipline budgétaire décidé par le Conseil européen de Berlin doit être poursuivi durant la période qui s'ouvrira en 2007.

_______________

Annexe 3 :
Principales données sur le financement de l'élargissementAnnexe-1

Tableau 1 :
Total des crédits d'engagement par pays, liés à l'adhésion des dix nouveaux Etats membres pour la période 2004-2006(9)

€ millions, prix 1999

CY

CZ

EE

HU

PL

SI

LT

LV

SK

MT

TOTAL

Agriculture

- Dépenses PAC

- Développement rural

Actions structurelles

Politiques internes

dont :

- Politiques existantes

- Mise en place des Institutions

- Facilité Schengen

- Sécurité nucléaire

Administration

Facilité de trésorerie spéciale

Compensation budgétaire temporaire

Total des engagements(10)

49

66

101

48

0

0

38

300

602

639

482

2328

419

0

0

358

389

4613

120

134

618

127

69

0

22

0

1020

948

534

2847

559

148

0

211

0

5101

2093

2543

11369

1817

280

0

1443

0

19264

152

250

405

222

107

0

101

131

1262

291

434

1366

539

136

285

47

0

2677

110

291

1036

175

71

0

26

0

1639

275

352

1560

329

48

90

86

0

2603

5

24

79

20

0

0

66

166

360

4.682

5.110

21.746(11)

4.256

2.642

380

858

375

1.673

2.398

987

40.852

Source : Commission européenne.

Tableau 2 :
Positions budgétaires nettes des dix adhérents de 2004 à 2006
(en millions d'euros prix 1999)

 

CY

CZ

EE

HU

PL

SI

LT

LV

SK

MT

TOTAL

2003

Aide de préadhésion

16

170

55

197

844

45

115

84

123

11

1.661

2004

Aide de préadhésion

Agriculture

Actions structurelles

Politiques internes

Dépenses additionnelles

Facilité de trésorerie spéciale

Compensation budgétaire temporaire

Total des crédits de paiement

Droits de douane

TVA

PNB

Correction britannique

Total des contributions budgétaires

11
12
6
5
0
28
69
131
- 27
- 10
- 60
- 8
- 105

181
100
169
44
7
175
125
801
- 68
- 74
- 426
- 56
- 623

67
29
39
5
25
16
0
181
- 8
- 6
- 37
- 5
- 56

235
125
209
42
58
155
0
824
- 97
- 61
- 349
- 46
- 554

970
426
859
154
131
443
0
2.983
-123
- 194
- 1.114
- 148
- 1.579

51
43
27
12
38
65
30
266
-18
- 22
- 129
- 17
- 187

127
73
94
11
84
35
0
423
- 22
- 14
- 78
- 10
- 124

99
42
66
10
28
20
0
264
- 7
- 8
- 48
- 6
- 70

120
57
118
19
21
63
0
398
- 33
- 26
- 148
- 20
- 225

7
3
7
2
0
12
38
70
- 14
- 4
- 23
- 3
- 43

1.869
911
1.594
305
392
1.011
262
6.343
- 415
- 420
- 2.412
- 320
- 3.566

Solde

27

178

125

270

1.404

80

299

195

173

26

2.776

2005

Aide de préadhésion

Agriculture

Actions structurelles

Politiques internes

Dépenses additionnelles

Facilité de trésorerie spéciale

Compensation budgétaire temporaire

Total des crédits de paiement

Droits de douane

TVA

PNB

Correction britannique

Total des contributions budgétaires

6
37
14
9
1
5
119
191
- 40
- 16
- 91
- 12
- 160

153
392
355
76
9
92
178
1.255
- 105
- 116
- 653
- 88
- 963

57
82
88
9
26
3
0
266
- 12
- 10
- 57
- 8
- 86

199
544
438
72
61
28
0
1.342
- 150
- 95
- 536
- 72
- 853

823
1.512
1.776
266
141
550
0
5.068
- 213
- 304
- 1.708
- 230
- 2.454

43
125
59
21
38
18
66
370
- 29
- 35
- 198
- 27
- 288

110
228
203
18
125
6
0
690
- 33
- 21
- 120
- 16
- 191

86
116
151
17
29
3
0
402
- 11
- 13
- 74
- 10
- 107

102
205
244
33
52
11
0
647
- 54
- 40
- 226
- 30
- 350

2
8
13
4
0
27
66
119
- 21
- 6
- 35
- 5
- 66

1.581
3.248
3.343
524
482
744
429
10.350
- 667
- 657
- 3.697
- 497
- 5.519

Solde

31

293

179

490

2.614

82

499

295

297

53

4.831

2006

Aide de préadhésion

Agriculture

Actions structurelles

Politiques internes

Dépenses additionnelles

Facilité de trésorerie spéciale

Compensation budgétaire temporaire

Total des crédits de paiement

Droits de douane

TVA

PNB

Correction britannique

Total des contributions budgétaires

1
46
18
12
1
5
112
194
- 40
- 17
- 94
- 13
- 163

98
483
427
102
9
92
85
1.294
- 105
- 119
- 670
- 93
- 987

35
102
110
12
26
3
0
288
- 12
- 10
- 58
- 8
- 89

124
653
524
97
61
28
0
1.487
- 150
- 97
- 549
- 77
- 873

509
1.934
2.107
359
140
450
0
5.498
- 213
- 310
- 1.752
- 244
- 2.519

27
158
73
28
38
18
36
378
- 29
- 36
- 203
- 28
- 296

66
294
248
25
112
6
0
750
- 33
- 22
- 123
- 17
- 195

52
156
189
22
28
3
0
451
- 11
- 13
- 76
- 11
- 110

64
260
289
45
52
11
0
720
- 54
- 41
- 232
- 32
- 359

0
10
15
5
0
27
63
121
- 21
- 6
- 36
- 5
- 68

976
4.095
3.998
708
466
644
296
11.182
- 667
- 671
- 3.792
- 529
- 5.659

Solde

31

307

200

614

2.979

82

555

341

361

53

5.523

 

Solde 2004-2006

89

778

504

1.374

6.997

244

1.353

831

831

132

13.130

Source : Commission européenne.

Note : En cas d'accord politique sur Chypre, un montant additionnel de 127 millions d'euros en crédits de paiement devrait être prévu pour les trois années 2004, 2005 et 2006.

Tableau 3 :
Perspectives financières (UE-25) ajustées pour l'élargissement à prix 1999

Crédits pour engagements (millions d'euros)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Agriculture

- Dépenses PAC

- Développement rural

Actions structurelles

- Fonds structurels

- Fonds de cohésion

Politiques internes

Actions extérieures

Administration(12)

Réserves

- Réserve monétaire

- Réserve pour aides d'urgence

- Réserve pour garantie de prêts

Aide de préadhésion

- Agriculture

- Instruments structurels de préadhésion

- PHARE (pays candidats)

Compensation

TOTAL DES CREDITS POUR ENGAGEMENTS

TOTAL DES CREDITS POUR PAIEMENTS

Plafond des crédits pour paiement en % du RNB (sec 95)

Marge pour imprévus

Plafond des ressources propres

40.920

36.620

4.300

32.045

29.430

2.615

5.930

4.550

4.560

900

500

200

200

3.120

520

1.040

1.560

92.025

89.600

1,07 %

0,17 %

1,24 %

42.800

38.480

4.320

31.455

28.840

2.615

6.040

4.560

4.600

900

500

200

200

3.120

520

1.040

1.560

93.475

91.110

1,08 %

0,16 %

1,24 %

43.900

39.570

4.330

30.865

28.250

2.615

6.150

4.570

4.700

650

250

200

200

3.120

520

1.040

1.560

93.955

94.220

1,11 %

0,13 %

1,24 %

43.770

39.430

4.340

30.285

27.670

2.615

6.260

4.580

4.800

400

0

200

200

3.120

520

1.040

1.560

93.215

94.880

1,10 %

0,14 %

1,24 %

44.657

38.737

5.920

35.665

30.533

5.132

7.827

4.590

5.403

400

0

200

200

3.120

1.273

102.935

100.800

1,08 %

0,16 %

1,24 %

45.677

39.602

6.075

36.502

31.835

4.667

7.908

4.600

5.558

400

0

200

200

3.120

1.173

104.938

101.600

1,06 %

0,18 %

1,24 %

45.807

39.612

6.195

37.940

32.608

5.332

7.972

4.610

5.712

400

0

200

200

3.120

940

106.501

103.840

1,06 %

0,18 %

1,24 %

Source : Commission européenne.

Tableau 4 :
Montants prévus en cas de règlement politique à Chypre à prix 1999

 

2004

2005

2006

1. Agriculture

- Dépenses PAC

- Développement rural

3

- 10

9

- 11

10

- 12

2. Actions structurelles

-  Fonds structurels

-  Fond de cohésion

-  Programme spécial

22

15

16

37

13

27

51

17

44

3. Politiques internes

-  Politiques existantes

-  Facilité Schengen

5

9

5

9

5

9

Total

60

89

124

Source : Commission européenne.

Note : Ces montants ne sont pas inclus dans les montants figurant dans le Tableau 3 sur les perspectives financières (UE-25) ajustées pour l'élargissement à prix 1999.

Annexe 4 :
Les institutions communautaires et les principales données démographiques et économiques dans une Union à 25



Etat membre


Population 1.01.2002


Nombre de voix au Conseil *

Nombre de députés au Parlement européen

PIB 2001
(milliards d'euros) ***

en millions d'habitants

en %

     

Allemagne

82,4

18,26

29

99

2 071,2

France

59,3

13,14

29

78

1 463,7

Italie

56,3

12,48

29

78

1 216,7

Royaume Uni

58,9

13,05

29

78

1 588,3

Espagne

40,4

8,95

27

54

651,6

Pologne

38,6

8,55

27

54

196,7

Pays-Bas

16,1

3,57

13

27

429,2

Belgique

10,3

2,28

12

24

254,2

Grèce

11

2,44

12

24

130,9

Hongrie

10,1

2,24

12

24

57,8

Portugal

10,3

2,28

12

24

122,7

République tchèque

10,2

2,26

12

24

63,3

Suède

8,9

1,97

10

19

234,1

Autriche

8,1

1,80

10

18

211,8

Danemark

5,3

1,17

7

14

180,4

Finlande

5,2

1,15

7

14

136

Slovaquie

5,4

1,20

7

14

22,8

Irlande

3,8

0,84

7

13

114,5

Lituanie

3,5

0,78

7

13

13,4

Lettonie

2,3

0,51

4

9

8,5

Slovénie

2

0,44

4

7

20,9

Chypre

0,7

0,16

4

6

10,2

Estonie

1,3

0,29

4

6

6,2

Luxembourg

0,4

0,09

4

6

21,5

Malte

0,4

0,09

3

5

4

Total

451,2

100

321

732

9 230,6

* A partir du 1er novembre 2004

** Elections de juin 2004

*** Aux prix courants

Source : Eurostat.

Annexe 5:
Coûts de la main d'œuvre, productivité du travail et charges fiscales et sociales sur salairesAnnexe-1

Tableau 1 :
Coûts horaires de la main d'œuvre et structure des coûts totaux de la main d'œuvre dans l'industrie et les services, 2000

 

Coût horaire de la main d'œuvre (euros)


dont (en %) :

   

Salaires et traitements

Cotisations sociales à la charge des employeurs

Autres

Union européenne(13)

22,70

75,7

21,5

2,8

Danemark

27,10

87,7

8

4,3

Allemagne

26,54

75,4

22,6

2,1

Grèce

10,40

74,1

25,5

0,4

Espagne

14,22

74,5

24,4

1,1

France

24,39

68,1

27,7

4,3

Irlande

17,34

85

12,4

2,6

Luxembourg

24,23

84,2

14,2

1,6

Pays-Bas

22,99

78

20,4

1,6

Autriche

23,60

72,1

23,7

4,2

Portugal

8,13

79,8

19,3

0,9

Finlande

22,13

77,8

20,5

1,7

Suède

28,56

66,5

29,6

3,9

Royaume Uni

23,85

81,5

15,6

2,9

         

Pays en voie d'adhésion

4,21

     

Chypre

10,74

84,7

14,4

1

République tchèque

3,90

72

26,6

1,4

Estonie

3,03

73

25,5

1,5

Hongrie

3,83

67,1

30,3

2,6

Lettonie

2,42

77,1

22,5

0,4

Lituanie

2,71

72,1

27,5

0,4

Pologne

4,48

76,2

16,2

7,6

République slovaque

3,06

72,4

26,2

1,4

Slovénie

8,98

81,4

14,1

4,4

         
         

Source : Eurostat, mars 2003.

Tableau 2 :
Productivité du travail et rémunération en 1998 dans l'industrie manufacturière (UE15 = 100)

 

République tchèque

Hongrie

Pologne

Productivité

53

49

38

Rémunération du travail

46

41

38

Source : Eurostat.

Tableau 3 :
Charges sociales et fiscales sur les salaires ouvriers (en % 1998)

 

Impôt sur le revenu

Cotisations sociales des salariés

Cotisations sociales des employeurs

Coin fiscal total

France

10

9

28

48

Hongrie

12

8

32

52

Pologne

11

0

33

43

République tchèque

8

9

26

43

Source : OCDE.

1 () Ce chiffre résulte de l'addition du plafond de la rubrique 1a pour les Quinze en 2006 et du niveau du « phasing in » pour les 10 adhérents en 2006 (soit 35 % des aides en vigueur dans l'Union européenne).

2 () Soit le premier jour du deuxième mois suivant le dépôt par l'Irlande de son instrument de ratification, le 18 décembre 2002, après son deuxième référendum.

3 () Les perspectives financières et le budget communautaire reposent depuis un an sur une nouvelle base de calcul : le RNB. Le plafond des ressources propres représente 1,24 % du RNB communautaire au lieu de 1,27 % du PNB communautaire.

4 () Argumentaire économique et commercial sur l'élargissement de l'Union européenne, janvier 2003.

5 () Le commerce mondial au XXIème siècle - I.F.R.I., octobre 2002.

6 () Le Figaro économie, 10 février 2003.

7 () Rapport arabe sur le développement humain 2002. Créer des opportunités pour les générations futures. Programme des Nations unies pour le développement. Fonds arabe de développement économique et social.

8 ()Les paiements en 2004 pour les actions structurelles dans les nouveaux États membres n'auront pas d'incidence sur les paiements qui doivent figurer dans le budget 2004 pour les actions structurelles des États membres actuels.

9 () Les dotations par pays sont indiquées lorsque cela est possible. En ce qui concerne la facilité Schengen, la sécurité nucléaire, la facilité de trésorerie spéciale et la compensation budgétaire temporaire, les montants sont fixés. Pour les actions structurelles et le développement rural, les montants sont indicatifs. Les dotations par pays pour les mesures de marché agricole, les paiements directs, les politiques internes existantes et la mise en place des institutions ne peuvent être fixées définitivement à ce stade, et ne sont qu'une approximation lorsqu'elles sont indiquées. Les chiffres sont arrondis.

10 ()Le total des engagements par pays ne comprend pas les dépenses d'administration non réparties.

11 () Incluant 38 millions d'euros d'assistance technique non alloués

12 () S'agissant des dépenses de pensions, les montants pris en compte sous le plafond de cette rubrique sont calculés nets des contributions du personnel au régime correspondant, dans la limite de 1.100 millions d'euros aux prix de 1999 pour la période 2000-2006.

13 () Agrégats basés sur les données disponibles. Pas de données pour la Belgique, l'Italie et Malte.

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