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N° 774

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 avril 2003

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur l'adhésion de la Hongrie à l'Union européenne,

ET PRÉSENTÉ

par M. Michel DELEBARRE,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Union européenne.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; M. François Guillaume, M. Jean-Claude Lefort secrétaires ; MM. Alfred Almont, Bernard Bosson, Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Jean-Claude Lefort, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

PREMIERE PARTIE : UN DES PAYS LES MIEUX PREPARES ET LES PLUS DETERMINES A ENTRER DANS L'UNION 7

A. Un régime politique démocratique stable 7

B. Un fort développement économique 9

C. Une bonne assimilation d'ensemble de l'acquis juridique communautaire 10

DEUXIEME PARTIE : DES INCERTITUDES DEMEURENT, QU'IL CONVIENDRA DE DISSIPER DANS LES ANNEES A VENIR 13

A. Les capacités administratives et judiciaires 13

B. La surveillance des frontières et la sécurité publique 14

C. La lutte contre la corruption 15

D. La place des Roms 16

E. Les préparatifs au regard de la politique agricole commune 17

F. Le respect de l'environnement 17

CONCLUSION 18

TRAVAUX DE LA DELEGATION 19

ANNEXES 23

Annexe 1 : Carte de la Hongrie 25

Annexe 2 : Liste des personnes entendues par le rapporteur 27

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La mission du rapporteur en Hongrie, les 17 et 18 mars 2003, l'a conduit à rencontrer de multiples responsables politiques et administratifs hongrois, ainsi que plusieurs diplomates des Etats membres de l'Union en poste à Budapest, au-delà du concours très positif apporté par notre ambassadeur et ses collaborateurs.

Il s'est notamment entretenu avec M. Etele Baráth, Secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargé du plan de développement national, M. Sandor Nagy, Secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargé de l'aménagement du territoire, M. Péter Gottfried, Secrétaire d'Etat à l'intégration européenne, ainsi que M. István Szent-Iványi, Président de la commission de l'intégration européenne du Parlement, appartenant à la majorité, et M. Richard Hörcsik, également membre de cette commission, appartenant à l'opposition.

Ces entretiens ont porté sur l'ensemble des principaux thèmes concernant l'entrée de la Hongrie dans l'Union, qu'il s'agisse des conditions de l'intégration, des conséquences prévisibles de celle-ci ou de la position de l'opinion publique et des responsables politiques hongrois sur le traité d'adhésion.

Il en ressort que la Hongrie s'avère à la fois bien préparée et très nettement désireuse de rejoindre l'Union. 70 % environ de la population y est favorable, selon les plus récents sondages. Cela constitue un des taux les plus élevés enregistrés parmi les pays adhérents et laisse augurer un succès massif du « oui » pour le référendum d'adhésion du 12 avril prochain. La France a d'ailleurs apporté à la Hongrie une aide directe pour cette préparation, notamment sous la forme de seize jumelages institutionnels PHARE et l'envoi de sept conseillers pré-adhésion.

Certaines incertitudes demeurent néanmoins - concernant notamment les capacités administratives et judiciaires, la sécurité publique, la lutte contre la corruption ou l'avenir des Roms - qu'il conviendrait de lever dans les années à venir.

PREMIERE PARTIE :
UN DES PAYS LES MIEUX PREPARES ET LES PLUS DETERMINES A ENTRER DANS L'UNION

La Hongrie a, depuis 1990, et plus particulièrement depuis les cinq dernières années, entrepris de vastes réformes structurelles, qui lui permettent d'être aujourd'hui l'un des pays les plus aptes à remplir les conditions d'entrée dans l'Union européenne. C'est le cas autant dans le domaine politique que sur le plan économique ou juridique.

A. Un régime politique démocratique stable

Dès 1997, la Commission européenne estimait que la Hongrie remplissait les critères politiques d'adhésion. C'est dire si ce pays a su, en quelques années, depuis la chute du mur de Berlin, se réformer rapidement.

La situation de la Hongrie est, dans ce domaine, d'autant plus satisfaisante qu'elle a encore renforcé, depuis 1997, ses institutions démocratiques, l'Etat de droit, le respect des droits de l'homme et la protection des minorités. Elle a d'ailleurs connu, depuis 1990, des élections démocratiques régulières et plusieurs alternances politiques sans crise.

Parmi les mesures les plus récentes, figure notamment une importante réforme de l'administration publique. La loi relative aux fonctionnaires, adoptée en 2001 et progressivement mise en œuvre depuis l'année dernière, a permis de les doter d'un statut stable et de qualité. Les rémunérations des fonctionnaires, très faibles jusqu'ici - ce qui était un facteur de découragement, de fuite vers le secteur privé, voire, parfois, une incitation à la corruption - ont fait l'objet d'une forte augmentation, de l'ordre de 50 % en moyenne.

En outre, le gouvernement va soumettre au Parlement dans les mois à venir une vaste réforme de l'organisation des institutions publiques, qui devrait être achevée pour l'essentiel en 2006.
Celle-ci repose, en cohérence avec la politique régionale communautaire, sur la création de sept régions principales. Ces dernières se verraient confier une partie des compétences de l'Etat et une partie de celles des 19 départements. Elles auraient notamment pour mission l'aménagement du territoire et le développement économique. Elles seraient dirigées par des conseils régionaux élus au suffrage universel et bénéficieraient de transferts de recettes fiscales de l'Etat, puis, éventuellement, de recettes fiscales propres. Parallèlement, le rôle des « micro-régions »
- structures de proximité composées de quelques communes - serait lui aussi renforcé. De fait, c'est le rôle des « départements »
- structure territoriale millénaire en Hongrie - qui se trouvera posé.

L'indépendance de l'autorité judiciaire, déjà garantie par la Constitution et la législation, a encore été renforcée (obligation pour les juges de faire une déclaration de patrimoine, accroissement sensible de leur rémunération...). En outre, la création de Cours d'appel régionales a permis d'accroître son efficacité.

La lutte contre la corruption a, par ailleurs, donné lieu à de nouvelles mesures (déclaration de patrimoine des principaux responsables politiques et administratifs, transparence accrue de la loi sur les marchés publics, responsabilisation des personnes morales, durcissement des sanctions pénales...).

Enfin, la Hongrie a poursuivi la mise en place de son programme d'action de 1997 visant à répondre aux problèmes des Roms, notamment en accroissant leur intégration et en cherchant à remédier aux discriminations dont ils font l'objet. Elle a également adapté la loi votée par le gouvernement précédent en faveur des minorités hongroises des pays limitrophes (soit 3 millions de personnes au total, dont 1,8 million en Roumanie) - qui leur accordait divers avantages, tels qu'un permis de travail, des tarifs préférentiels pour les transports, l'accès aux services sociaux... - afin d'éviter des discriminations injustifiées et de se conformer au droit communautaire.

B. Un fort développement économique

L'économie hongroise a, avec un taux de croissance de l'ordre de 5 % en moyenne depuis 1998, connu un essor substantiel au cours des dernières années. Elle devrait, selon la Commission, « être en mesure de faire face à la pression concurrentielle et au jeu des forces du marché à l'intérieur de l'Union pour autant qu'elle poursuive son programme de réforme actuel ».1

Aujourd'hui, le PNB par habitant, qui croît régulièrement, est estimé à environ 50 % de celui de la moyenne communautaire. Le pays, dont l'économie repose principalement sur les services (67 % du PIB) et l'industrie (25 % du PIB), s'est imposé comme le principal récipiendaire des investissements directs étrangers dans les pays d'Europe centrale et orientale (stock de 25 milliards d'euros à la fin de 2001 et plus de 40 % du total des investissements de la zone). Il s'est, par le biais notamment d'un vaste programme de privatisations, largement converti à l'économie de marché : le secteur privé représente à présent 80 % du PNB. Il a su contenir les risques inflationnistes (avec un taux d'inflation de 5,2 % en 2002) ainsi que le chômage (5,8 % de chômeurs).

On note également un fort degré d'intégration de l'économie hongroise à celle de l'Union, le pays réalisant 75 % de ses échanges avec la Communauté européenne.

Cela dit, l'économie hongroise reste très dépendante de l'économie internationale (80 % des grandes entreprises sont majoritairement composées de capitaux étrangers). Par ailleurs, le déficit des administrations publiques s'est accru (4,9 % du PIB), reportant ainsi le moment où le pays pourra satisfaire aux conditions du pacte de stabilité et d'entrée dans la zone euro. Enfin, on observe une accentuation des déséquilibres régionaux entre l'Ouest, en pleine croissance, et l'Est, qui se marginalise.

C. Une bonne assimilation d'ensemble de l'acquis juridique communautaire

Sans énumérer l'ensemble des chapitres de l'acquis communautaire - qui sont tous à présent clos -, on peut retenir que le pays l'a, dans l'ensemble, bien intégré, ou est sur le point de le faire. Font exception quelques aspects ponctuels, voire certains domaines (comme la libre circulation des personnes ou la mise aux normes des installations agro-alimentaires), dans lesquels est prévue une période de transition et où la mise en œuvre de l'acquis sera plus progressive.

Les principaux progrès récemment enregistrés dans l'intégration de l'acquis concernent notamment la politique sociale, la justice et les affaires intérieures, les télécommunications, la culture, l'audiovisuel et l'énergie.

Plusieurs points essentiels méritent à cet égard d'être soulignés :

s'agissant du marché intérieur, la transposition des normes communautaires est en bonne voie (création d'une agence pour la sécurité alimentaire, réglementation de l'attribution des marchés pour la construction des autoroutes, adoption d'une loi sur la lutte contre le blanchiment des capitaux et d'une nouvelle loi foncière, mise en conformité du droit des sociétés) ; la protection des brevets pharmaceutiques antérieurs à 1994 reste toutefois à assurer ;

en matière de fiscalité, la législation hongroise est largement conforme à la réglementation communautaire, même si la transposition de l'acquis doit être poursuivie pour la TVA et les droits d'accises et si le système informatique d'information fiscale n'est pas encore pleinement opérationnel ;

- de très nettes avancées ont à nouveau été enregistrées en matière d'environnement, avec l'adoption des lois sur l'eau, l'air, la lutte contre la pollution industrielle ou les organismes génétiquement modifiés, ainsi que le développement des services chargés du suivi de la mise en œuvre des mesures. Il reste néanmoins à mettre en application le programme national de gestion des déchets ;

- la Hongrie a mis en conformité sa législation sur l'audiovisuel, ainsi que sur l'électricité et les télécommunications (ouvrant ainsi la voie à l'ouverture de ces marchés). L'ouverture du marché du gaz reste cependant à faire, ainsi que l'adaptation du secteur ferroviaire aux normes communautaires ;

- on note des efforts importants en matière de droit social (adoption de nouvelles dispositions d'application du droit du travail, mise en place d'un conseil national de conciliation des intérêts en vue de favoriser le dialogue social, accroissement des capacités pour garantir la santé et la sécurité sur le lieu de travail, renforcement des inspections du travail...) ;

- dans le domaine de la politique régionale, la Hongrie a pris plusieurs mesures allant dans le bon sens (définition de règles pour la programmation et la mise en œuvre des fonds structurels et de cohésion, mise en place de systèmes de gestion et de contrôle financiers), même si le dispositif n'est pas encore achevé ;

- des progrès substantiels ont également été réalisés en matière de justice et d'affaires intérieures (poursuite de l'alignement des politiques de visas, de migration et de droit d'asile ; nouvel arsenal réglementaire et institutionnel de lutte contre la fraude, la corruption, le blanchiment des capitaux et la criminalité organisée).

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* *

S'agissant plus spécifiquement du conflit en Irak et de la réforme des institutions communautaires, les autorités hongroises ont appelé à trouver une solution pacifique à ce conflit et souhaité que l'Union européenne et les Etats-Unis s'entendent sur les moyens d'y parvenir. Le Premier ministre hongrois a d'ailleurs justifié sa signature de la « lettre des huit » en disant que celle-ci consistait en un appel à la coopération transatlantique et à l'élaboration d'une position commune européenne. Par ailleurs, le gouvernement hongrois a accepté l'entraînement sur son sol (base aérienne de Taszar) depuis le 1er février 2003, d'opposants irakiens à des fonctions de liaison dans la perspective d'une intervention armée et d'un changement de régime en Irak.

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* *

Ce bon bilan d'ensemble ne doit pas cependant masquer certaines incertitudes.

DEUXIEME PARTIE :
DES INCERTITUDES DEMEURENT,
QU'IL CONVIENDRA DE DISSIPER
DANS LES ANNEES A VENIR

La Hongrie est, dans la perspective de son entrée dans l'Union, confrontée à six incertitudes principales.

D. Les capacités administratives et judiciaires

Si la plupart des entretiens qu'a eus le rapporteur montrent que la Hongrie a ou est en train d'adopter les textes lui permettant de se mettre en conformité avec la réglementation communautaire, la question de leur mise en œuvre se pose souvent. Ce problème - que l'on retrouve chez tous les pays adhérents, et même parfois dans les pays de la Communauté eux-mêmes... - ne se pose certes pas de manière aussi aiguë que dans la plupart des autres pays susceptibles d'entrer dans l'Union. Il appelle néanmoins une vigilance particulière.

Il se fait jour d'abord dans la réforme de l'organisation institutionnelle de l'Etat, qui soulève aujourd'hui plusieurs questions : sera-t-elle adoptée par le Parlement, alors qu'elle affaiblit substantiellement la place « millénaire » des départements et que de nombreux parlementaires ont aussi des responsabilités départementales ? L'Etat pourra-t-il déployer l'ensemble des moyens administratifs nécessaires à sa mise en œuvre ? Saura-t-il instaurer un mécanisme de contrôle juridique et financier efficace pour ces nouvelles structures, qu'elles soient régionales, départementales ou infra-départementales (« micro-régions », communes) ?

Au-delà de l'organisation institutionnelle et territoriale de l'Etat, la question des capacités administratives se pose dans de nombreux secteurs, en particulier certains secteurs sensibles, tels que la sécurité sanitaire, la lutte contre la fraude, la criminalité organisée, l'immigration clandestine, les services de soins ou la protection de l'environnement. Il ne s'agit pas seulement d'ailleurs d'un problème quantitatif de moyens, mais tout autant d'un problème qualitatif de formation des hommes à de nouvelles règles, de nouveaux équipements, parfois même - pour ceux trop longtemps habitués aux pratiques du système collectiviste - à de nouvelles mentalités. Or, ce problème de formation, que l'on retrouve dans la plupart des pays adhérents, demande bien souvent des années pour être résolu. A cela, s'ajoute celui de la rémunération des fonctionnaires, source de démotivation et de dégradation de la qualité du service. A cet égard, la forte augmentation des rémunérations des fonctionnaires et des magistrats en 2002 a constitué un progrès significatif. Est-elle pour autant suffisante ?

Ces difficultés apparaissent également concernant les capacités judiciaires du pays, même si celui-ci dispose sans doute d'un des systèmes judiciaires les plus solides et les plus indépendants d'Europe centrale. Ces capacités sont d'autant plus stratégiques qu'elles sont le garant du respect futur de l'état de droit.

E. La surveillance des frontières et la sécurité publique

La Hongrie s'apprête, en vue de l'adhésion et de ses obligations au regard de la convention de Schengen, à revoir largement sa politique de surveillance des frontières. Le pays, qui est entouré de sept frontières, devra en effet assurer la surveillance de quatre frontières extérieures à l'Union européenne (Croatie, Yougoslavie, Ukraine et Roumanie - tant que ce pays n'est pas entré dans l'Union). Or, les flux d'immigration - régulière et, surtout, clandestine - en provenance de ces pays sont importants, en particulier ceux venant d'Ukraine et de Roumanie, pour lesquels le nombre d'interpellations pour situation irrégulière est en augmentation. A titre d'illustration, plus de 11 691 Roumains ont été interpellés en situation irrégulière en 2000 et 2001, 3 899 Moldaves, 3 797 Afghans et 1 442 Chinois. Encore peut-on s'attendre à des données plus importantes au fur et à mesure que le dispositif de contrôle hongrois s'améliorera. En outre, le pays
- Budapest en particulier - est considéré comme une importante plaque tournante pour le trafic des êtres humains (à des fins de prostitution ou pornographiques essentiellement). La Commission européenne relève également l'insuffisance du dispositif de contrôle aux frontières vis-à-vis du piratage et de la contrefaçon.

Dans ce contexte, le gouvernement hongrois a substantiellement renforcé son dispositif et ses contrôles. L'application du programme européen PHARE - auquel la France a largement participé -, la création de groupes d'investigations judiciaires, l'action menée auprès des compagnies aériennes et l'accentuation de la coopération internationale ont été particulièrement bénéfiques.

Cependant, le pays va devoir transférer une grande partie de ses effectifs (un millier de fonctionnaires environ) de ses frontières Ouest vers ses frontières Est et Sud, afin de répondre à ces défis et aux obligations de la convention de Schengen. Ce transfert vers des zones moins développées et moins attrayantes n'est pas sans susciter certaines réticences de la part de ceux-ci, auxquelles le gouvernement va devoir remédier. Par ailleurs, va, là aussi, se poser un problème quantitatif de moyens, car le pays va devoir continuer à assurer un contrôle attentif sur ses frontières Ouest, au moins pendant la période de transition - jusqu'en 2011 -, pendant laquelle la liberté de circulation des personnes sera encore limitée. Au-delà des effectifs et des équipements nécessaires à cette fin, dont rien ne permet d'assurer pour l'instant qu'ils seront suffisants, le pays va devoir être confronté au défi de formation de centaines d'agents de sécurité. Une aide de l'Union, sous la forme d'une coopération technique, sera sans doute nécessaire à cet effet.

F. La lutte contre la corruption

Opaque par nature, difficile à identifier ou à quantifier, revêtant des formes multiples, la corruption est en Hongrie une réalité. Cependant, il s'agit, pour beaucoup, d'une « petite » corruption, individuelle, et non d'une corruption massive, institutionnelle ou mafieuse, comme on en trouve dans certains autres pays de la zone. Les mauvaises habitudes prises pendant ou après le régime communiste, le niveau encore insuffisant des rémunérations des fonctionnaires, une formation encore insuffisamment axée sur le devoir d'honnêteté et le caractère trop récent des mesures répressives expliquent largement ce phénomène. On relève également des témoignages de pratiques « irrégulières » dans la passation de certains marchés publics, qui invitent à une plus grande transparence en la matière et à des sanctions plus effectives et plus dissuasives vis-à-vis de la corruption en général.

Cela dit, la suppression des comptes anonymes en 2002 a constitué un progrès certain et permis à la Hongrie de ne plus figurer dans la liste noire du GAFI2. En outre, il est vrai qu'un laps de temps est nécessaire entre l'adoption de mesures palliatives et leur mise en œuvre effective.

La lutte contre la corruption n'en appelle pas moins des autorités hongroises et de l'Union européenne une vigilance particulière.

G. La place des Roms

Les minorités représentent en Hongrie près d'un million de personnes, soit 10 % environ de la population. Le renforcement du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales au cours des dernières années a permis à celles-ci d'être bien intégrées à la société hongroise, à l'exception de la communauté tzigane - ou rom.

Au nombre de 500 000, les Roms constituent dans la société hongroise une catégorie particulièrement pauvre, défavorisée et confrontée à de multiples formes d'exclusion (politiques, sociales, économiques ou culturelles). Ils apparaissent comme les principaux perdants de la transition vers l'économie de marché. Le gouvernement a adopté plusieurs mesures au cours des dernières années pour y remédier, en particulier dans le cadre du programme à moyen terme de 1997.

Cependant, elles ne paraissent pas suffisantes. Les témoignages recueillis par le rapporteur tendent à montrer que les Roms font encore l'objet en pratique de nombreuses discriminations. Le gouvernement est d'ailleurs en train de réviser sa politique en la matière. Une amplification du dispositif existant et l'adoption de la loi envisagée pour lutter contre toute forme de discrimination paraissent particulièrement justifiées.

H. Les préparatifs au regard de la politique agricole commune

Si l'agriculture constitue une part relativement modeste de l'économie hongroise (4,3 % du PIB), elle n'en dispose pas moins d'un certain nombre d'atouts : la richesse du sol, des données climatiques favorables, la présence de quelques grosses exploitations (7 000 ont plus de 50 hectares) et des savoir-faire dans plusieurs secteurs (élevage de porcs et de volailles, par exemple). Cependant, elle dénote certaines insuffisances au regard de la politique agricole commune : la mise en place des principaux instruments de gestion, tels que l'organisme payeur et le système intégré de gestion et de contrôle (SIGC), n'est pas encore effective. Les derniers ajustements concernant le fonctionnement de l'organisme SAPARD (relatif aux aides de pré-adhésion pour l'agriculture) ont également été retardés. Enfin, les investissements et le niveau technologique des machines agricoles peuvent sembler insuffisants pour beaucoup de petites exploitations, en comparaison avec la moyenne de ceux des pays de l'Union.

Par ailleurs, si le pays a réalisé des progrès significatifs dans les domaines vétérinaire et phytosanitaire, beaucoup de postes d'inspection frontaliers et d'établissements agro-alimentaires - en particulier certains abattoirs - ne sont pas encore conformes aux normes communautaires. Une période de transition a d'ailleurs été accordée jusqu'au 1er janvier 2007 pour la mise aux normes des abattoirs.

I. Le respect de l'environnement

De nombreux progrès ont été accomplis dans ce domaine, d'autant que l'opinion publique hongroise semble très sensibilisée aux dégradations de l'environnement.

Néanmoins, plusieurs pans de la réglementation nationale sont encore lacunaires, qu'il s'agisse de la stratégie nationale relative aux changements climatiques, de la question transfrontalière des eaux de bassin (avec la Roumanie notamment), du programme national de gestion des déchets, de la gestion des sites industriels abandonnés, des programmes régionaux et locaux de gestion des déchets, des emballages ou du traitement des huiles usagées.

CONCLUSION

En conclusion, la Hongrie s'avère l'un des pays adhérents les mieux préparés à l'entrée dans l'Union, que ce soit du point de vue politique, économique ou juridique.

Certes, des incertitudes demeurent, qui méritent une attention vigilante et justifient des mesures déterminées et rapides.

Cependant, le dynamisme avec lequel la Hongrie a entrepris ses réformes et est passée, en à peine treize ans, d'un système autoritaire et collectiviste à un régime démocratique et une économie de marché à bien des égards performante force l'admiration. Il laisse penser qu'elle saura pleinement relever ces défis. Mieux encore : il constitue un défi pour l'Union européenne elle-même. La différence de « compétitivité » en termes de coût moyen du travail - 3,83 € par heure pour la Hongrie, contre 22,70 € en moyenne pour l'Union européenne et 24,39 € pour la France - l'atteste notamment.

La détermination que montre ce pays à partager les valeurs et le destin de l'Union européenne est de plus particulièrement forte. De même, d'ailleurs, la sympathie dont bénéficie notre pays, malgré certaines dissensions passées.

Aussi, ne peut-on, dans ces conditions, que soutenir l'entrée de la Hongrie dans l'Union européenne à partir du 1er mai 2004.

{texte de la conclusion...}

TRAVAUX DE LA DELEGATION

La Délégation s'est réunie le mercredi 2 avril 2003, sous la présidence de M. René André, Vice-président, pour examiner le présent rapport d'information.

M. Michel Delebarre, rapporteur d'information, a indiqué que la mission qui l'avait conduit en Hongrie les 17 et 18 mars derniers lui avait permis de rencontrer plusieurs responsables politiques et administratifs hongrois, ainsi que la plupart des ambassadeurs des pays de l'Union européenne en poste à Budapest et les services de l'Ambassade de France sur place.

Il ressort, selon lui, de cette mission que la Hongrie est, non seulement bien préparée, mais très désireuse de rejoindre l'Union. D'ailleurs, 70 % de sa population y serait favorable, ce qui constitue l'un des taux les plus élevés enregistrés parmi les pays candidats et laisse augurer un succès massif du « oui » pour le référendum d'adhésion du 12 avril prochain. La France a d'ailleurs apporté une aide directe pour cette préparation, sous la forme, notamment, de seize jumelages institutionnels Phare et l'envoi de sept conseillers pré-adhésion.

Le rapporteur a précisé que la Hongrie remplissait dans l'ensemble les trois séries de conditions pour entrer dans l'Union : politiques, économiques et juridiques. Il a rappelé, en premier lieu, que cet Etat disposait d'un régime politique démocratique et stable. De fait, la Commission européenne estime depuis 1997 que la Hongrie satisfait aux conditions politiques d'adhésion. Il est vrai que le pays a connu, depuis 1990, des élections démocratiques régulières et plusieurs alternances politiques sans crise. En outre, il se réclame de l'Etat de droit et respecte, dans l'ensemble, les droits de l'homme et les libertés fondamentales. Les réformes engagées récemment tendent d'ailleurs à renforcer encore le caractère démocratique du régime : l'adoption d'un statut de la fonction publique - comportant des principes déontologiques - le montre. De même, la réforme des institutions publiques, fondée sur une vaste décentralisation. Celle-ci, qui se veut en cohérence avec la politique régionale européenne, repose sur la création de sept régions principales, auxquelles sont transférées des compétences de l'Etat et des départements - en matière d'aménagement du territoire et de développement économique notamment -, ainsi que des dotations budgétaires, voire des recettes fiscales propres.

Il a souligné, deuxièmement, le fort développement économique que connaît le pays et les nombreux atouts dont il dispose : un taux de croissance soutenu, de l'ordre de 5 % en moyenne depuis 1998 ; un PIB par habitant, qui croît régulièrement et représente aujourd'hui environ 50 % de la moyenne communautaire ; un afflux important d'investissements directs étrangers (la Hongrie absorbe plus de 40 % des investissements étrangers de la zone) ; une économie très intégrée à l'Union. Cela étant, cette économie reste très dépendante de l'économie internationale : 80 % des grandes entreprises sont majoritairement composées de capitaux étrangers. De plus, le déficit des administrations publiques est élevé (4,9 % du PIB) et l'on observe une accentuation des déséquilibres régionaux entre l'Ouest, très développé, et l'Est, défavorisé.

Le rapporteur a indiqué, troisièmement, que la Hongrie est un des pays qui a globalement le mieux intégré l'acquis juridique communautaire parmi les Etats candidats, comme l'atteste le rapport régulier de la Commission européenne d'octobre 2002. Certaines périodes de transition ont néanmoins été prévues sur plusieurs sujets sensibles, tels que la libre circulation des personnes ou la mise aux normes des installations agro-alimentaires.

Le rapporteur a néanmoins précisé que, malgré ce bilan globalement favorable, certaines incertitudes demeuraient, que la Hongrie devra lever dans les années à venir.

La première tient aux capacités administratives et judiciaires du pays. On observe, en effet, une difficulté fréquente à mettre en œuvre les textes adoptés, en raison d'un problème de moyens à la fois quantitatif (manque d'effectifs et d'équipements), mais aussi qualitatif (besoin de personnels qualifiés). Ce problème se pose dans plusieurs secteurs, notamment en matière de sécurité sanitaire, de lutte contre la fraude, la criminalité organisée ou l'immigration clandestine, mais aussi pour les services de soins, le fonctionnement de la justice ou la protection de l'environnement. Il est pour partie lié au manque d'attractivité de la fonction publique, les rémunérations des fonctionnaires étant relativement faibles. Le gouvernement a d'ailleurs décidé en 2001 de doubler en moyenne celles-ci. Par ailleurs, la décentralisation soulève plusieurs questions : sera-t-elle soutenue par le Parlement alors qu'elle affaiblit la place « millénaire » des départements ? Quelles seront les compétences et les ressources financières précises des régions et des micro-régions ? L'Etat saura-t-il instaurer un contrôle juridique et financier efficace des collectivités locales ?

La deuxième incertitude a trait à la surveillance des frontières et à la sécurité publique. La Hongrie, entourée de sept frontières, dont quatre extérieures à l'Union (avec la Croatie, la Yougoslavie, l'Ukraine et la Roumanie), va devoir, en vue de l'adhésion et de ses obligations au regard de la convention de Schengen, réviser sa politique de surveillance des frontières : les flux d'immigration irrégulière venant de ces pays (en particulier de Roumanie et d'Ukraine) sont substantiels, le dispositif de lutte contre le piratage et la contrefaçon est insuffisant et Budapest est considérée comme une plaque tournante importante pour le trafic des êtres humains. Le pays va, à cette fin, transférer une grande partie de ses effectifs (environ 1 000 fonctionnaires) de ses frontières Ouest vers ses frontières Est et Sud, ce qui n'est pas sans susciter des réticences de la part de ceux-ci. Mais il devra aussi continuer à contrôler sa frontière Ouest... Or, rien ne permet d'affirmer aujourd'hui qu'il disposera des moyens suffisants - tant en personnels qualifiés qu'en équipements - pour le faire.

La troisième incertitude porte sur la corruption, qui est en Hongrie, par différence avec certains autres pays de la zone, plutôt individuelle et circonscrite. Si l'Etat a déjà fait beaucoup d'efforts pour y remédier, ceux-ci doivent sans doute encore être poursuivis, notamment en matière de marchés publics.

L'avenir des Roms constitue une quatrième incertitude. Au nombre de 500 000, ils correspondent dans la société hongroise à une catégorie particulièrement pauvre, défavorisée, et confrontée à de multiples formes d'exclusion. Le gouvernement a certes adopté de nombreuses mesures pour y faire face - notamment dans le cadre du programme à moyen terme de 1997 - mais elles ne paraissent pas suffisantes. Il est d'ailleurs en train de revoir sa politique en la matière.

L'état de préparation au regard de la politique agricole commune soulève également des difficultés. On note en particulier que la mise en place des principaux instruments de gestion, tels que l'organisme payeur et le système intégré de gestion et de contrôle (SIGC) n'est pas encore effective. Par ailleurs, beaucoup de postes d'inspection frontaliers et d'abattoirs ne sont pas conformes aux normes communautaires. Une période de transition jusqu'au 1er janvier 2007 a d'ailleurs été prévue en conséquence.

Enfin, plusieurs pans de la réglementation nationale en faveur de la protection de l'environnement sont encore lacunaires, qu'il s'agisse de la question frontalière des eaux de bassin, du programme national de gestion des déchets, de la gestion des sites industriels abandonnés ou du traitement des huiles usagées, notamment.

En conclusion, le rapporteur a indiqué que la Hongrie s'avérait l'un des pays les mieux préparés à entrer dans l'Union. Si, de fait, des incertitudes demeurent, le dynamisme avec lequel ce pays a su se réformer jusqu'ici laisse penser qu'il saura leur apporter une solution. Aussi, est-il souhaitable, dans ces conditions, de soutenir l'entrée de la Hongrie dans l'Union européenne à partir du 1er mai 2004.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la Délégation a donné un avis favorable à l'adhésion de la Hongrie à l'Union européenne.

ANNEXES

Annexe 1 :
Carte de la Hongrie

(Pour la carte de la Hongrie voir la version PDF de ce document)

Annexe 2 :
Liste des personnes entendues par le rapporteur

- M. Etele BARÁTH, secrétaire d'Etat politique à l'Office du Premier ministre hongrois en charge du plan de développement national ;

- M. Philippe BAUDRY, conseiller économique et commercial à Budapest ;

- Mlle Christine de CHEFDEBIEN, premier secrétaire, ambassade de France à Budapest ;

- M. Dominique de COMBLES DE NAYVES, ambassadeur de France à Budapest ;

- M. József ÉKES, député MDF (opposition), membre de la Commission de l'environnement et de l'aménagement du territoire du Parlement hongrois;

- M. Péter GOTTFRIED, secrétaire d'Etat à l'intégration européenne au Ministère des affaires étrangères hongrois ;

- M. Jean-Marc GRAVIER, premier conseiller, ambassade de France à Budapest ;

- Mme Zita GURMAÏ, députée MSzP (majorité), Vice-présidente de la Commission d'intégration européenne du Parlement hongrois ;

- M. Richard HÖRCSIK, député FIDESz (opposition), Vice-président de la Commission d'intégration européenne du Parlement hongrois ;

- M. Juhász ISTVAN, député MDF (opposition) au Parlement hongrois ;

- M. Jürgen KÖPPEN, président de la Délégation de la Commission européenne à Budapest ;

- M. Sandor NAGY, secrétaire d'Etat à l'Office du Premier ministre hongrois en charge de l'aménagement du territoire ;

- M. Stanislas PIERRET, conseiller de coopération et d'action culturelle à Budapest ;

- M. István SZENT-IVÁNYI, député SzDSz (majorité), Président de la Commission pour l'intégration européenne du Parlement hongrois ;

- M. Philippe THEVENARD, attaché de police, ambassade de France à Budapest ;

- M. László VAJDA, directeur de l'intégration européenne au Ministère de l'agriculture hongrois ;

- M. François VIEL, attaché agricole, ambassade de France à Budapest ;

- Mme Cécile VRAIN, rédactrice en chef du Journal francophone de Budapest.

Le rapporteur s'est également entretenu, à l'occasion d'un déjeuner offert par l'ambassadeur de France à Budapest, le 18 mars 2003, avec la plupart des ambassadeurs des Etats membres de l'Union européenne en Hongrie.

1 Cf. rapport régulier 2002 de la Commission européenne sur les progrès réalisés par la Hongrie sur la voie de l'adhésion, 9/10/2002, COM (2002) 700 final.

2 Groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux.

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