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N° 775

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 avril 2003

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur l'adhésion de la Lettonie à l'Union européenne,

ET PRÉSENTÉ

par M. Alfred ALMONT,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Union européenne.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; M. François Guillaume, M. Jean-Claude Lefort secrétaires ; MM. Alfred Almont, Bernard Bosson, Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Jean-Claude Lefort, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. L'ENRACINEMENT DE LA DEMOCRATIE 7

A. Une situation politique stabilisée 7

B. Des progrès dans l'intégration de la minorité russe 8

C. La réforme de l'administration publique 9

II. UNE ECONOMIE DE MARCHE VIABLE 11

III. LA FRANCE ET LA LETTONIE SONT DES PARTENAIRES FIABLES 13

IV. LA LETTONIE S'OUVRE SUR LE MONDE TOUT EN CHERCHANT A PRESERVER SON IDENTITE ET A GARANTIR SA SECURITE 15

A. La nécessité de l'adhésion à l'OTAN 15

B. Le soutien accru de l'opinion à l'adhésion à l'Union européenne 16

CONCLUSION 19

TRAVAUX DE LA DELEGATION 21

ANNEXES 25

Annexe 1 : Carte de la Lettonie 27

Annexe 2 : Liste des entretiens du rapporteur 29

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Appelé à s'assurer que la Lettonie est désormais prête à devenir un pays membre à part entière de l'Union européenne au terme du processus d'adhésion dont les critères avaient été définis à Copenhague en 1993, le rapporteur s'est rendu les 11 et 12 mars dernier à Riga, la capitale de ce pays candidat.

La mission qui lui était confiée a été facilitée grâce au précieux concours de l'Ambassadeur de France, qui a notamment organisé pour la circonstance, avec les plus hauts responsables lettons, les rendez-vous nécessaires (17 au total).

Le rapporteur a rencontré notamment la Présidente de l'Etat, le Vice-président de la SAEIMA, la conseillère diplomatique du Premier ministre, les ministres de l'économie et de l'intérieur, la présidente de la commission des affaires étrangères, le président de la commission des affaires européennes et les conventionnels, les principaux responsables en charge des questions européennes au ministère des affaires étrangères (la ministre, étant à la Haye pour la CPI, avait délégué son adjoint), et de la stratégie de campagne référendaire, le groupe parlementaire d'amitié Lettonie-France, et le chef de la délégation de la Commission. Lors d'un dîner à la résidence, le rapporteur s'est, en outre, entretenu avec le ministre de l'intégration sociale.

Cette visite a bénéficié d'une importante couverture de presse, tous les journaux ayant pendant deux jours repris les grands thèmes évoqués lors d'une réunion de presse à l'ambassade quant à la prise en compte par la Lettonie des critères de Copenhague.

L'histoire de la Lettonie est marquée par les occupations et les invasions de ses puissants voisins.

Au 13ème siècle, les Chevaliers Teutoniques fondent la Livonie, dont fait partie la Lettonie. En 1561, c'est la Pologne qui crée le duché de Courlande.

Voie de transit entre l'Europe et la Russie, elle souffre, plus encore que ses deux voisines baltes, de l'affrontement que se sont livrées historiquement pour son contrôle l'Allemagne et la Russie.

Pendant l'entre-deux guerres, la Lettonie, devenue indépendante, connaît une forte croissance de son économie. Mais, abandonnée aux Soviétiques par le Pacte Molotov-Ribbentrop, reconquise par l'Allemagne nazie, puis occupée de nouveau par les Soviétiques, elle n'a vraiment retrouvé son indépendance qu'en 1991, après de violents conflits armés dont Riga porte encore les traces.

L'aspiration à la liberté est nourrie du souvenir des épreuves du passé, comme celles qu'a vécues, comme toute une génération, Mme Kalniete, actuelle ministre des affaires étrangères, née en 1952 dans un goulag de Sibérie. Elle s'appuie également sur un fort sentiment national qui explique aujourd'hui en partie les réticences d'une partie de la population vis-à-vis de l'Union européenne.

La Lettonie est toutefois un pays très attachant, qui a toute sa place dans l'Europe de demain. Le courage et le dynamisme de sa population lui ont permis de surmonter bien des difficultés et de réaliser en douze ans des progrès spectaculaires. La croissance de son PIB est en effet de plus de 6 % par an. La jeunesse et le sérieux de ses dirigeants, qui ont pour la plupart moins de 40 ans, seront un atout précieux pour l'Union européenne.

La présidente, Mme Vike-Freiberga, parfaitement francophone, intellectuelle brillante qui parle 7 langues, donne une image de la qualité exceptionnelle des femmes et des hommes d'un pays avec lequel la France entend désormais resserrer des liens trop distendus.

I. L'ENRACINEMENT DE LA DEMOCRATIE

Depuis 1997, la Commission européenne considère que la Lettonie remplit parfaitement les critères politiques d'adhésion à l'Union européenne. Elle respecte sans aucun doute possible les critères de Copenhague, et elle a accompli des progrès considérables en consolidant et en enracinant davantage la stabilité des institutions garantissant la démocratie, l'Etat de droit, la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le respect des minorités.

A. Une situation politique stabilisée

La Constitution de 1922 a été reprise en 1991. Elle donne la prépondérance au Parlement monocaméral, la SAEIMA, élu pour quatre ans à la représentation proportionnelle, et qui dispose de pouvoirs étendus, y compris en matière de relations internationales.

Le Chef de l'Etat est élu par la SAEIMA. Il ne peut briguer plus de deux mandats successifs de quatre ans. L'actuelle Présidente de la République, Mme Vike-Freiberga, a été élue le 18 juin 1999. Très populaire, sans étiquette politique, elle dispose, au-delà de ses pouvoirs constitutionnels limités, d'une réelle capacité d'arbitrage. Elle a vécu au Maroc et au Canada, dont elle était citoyenne jusqu'à son élection, ce qui explique sa francophonie.

Le mandat de la Présidente arrivant à échéance en juin prochain, Mme Vike-Freiberga a fait connaître son intention de se représenter. Les partis membres de la coalition gouvernementale s'étaient d'ailleurs prononcés pour une élection anticipée afin de permettre à Mme Vike-Freiberga de mettre tout son poids dans la campagne référendaire et de couper court à d'autres ambitions, notamment celle de la Présidente de la SAEIMA, Mme Udre. Toutefois, il s'est avéré que cette proposition était anticonstitutionnelle. Les élections présidentielles auront donc lieu à la date initialement prévue, au mois de juin.

Mme Vike-Freiberga semble bien placée pour l'emporter, mais il est à noter que si son profond engagement européen ne fait aucun doute, elle apporte également son soutien à la position américaine sur l'Irak, alors que la majorité de l'opinion lettone est hostile à l'intervention militaire des Etats-Unis.

Le gouvernement est désigné par le Président de la République et investi par la SAEIMA, qui peut émettre un vote de défiance à son égard. Après une forte période d'instabilité gouvernementale, les élections d'octobre 2002 ont sanctionné le gouvernement sortant de M. Berzins, fondé sur une coalition nationaliste de droite. L'actuel gouvernement est formé de quatre partis de centre droit, et dirigé par M. Repse, fondateur de la « Nouvelle Ere » et ancien Gouverneur de la Banque Centrale.

La volonté de réforme, thème central de la « Nouvelle Ere », se manifeste d'abord par la création de ministères spécialisés aux effectifs restreints : santé publique, famille et intégration sociale.

La lutte contre la corruption comprend deux volets : la mise à l'écart de hauts fonctionnaires (douanes, police, justice) et la réorganisation en profondeur des services de sécurité, désormais placés sous la tutelle du Premier ministre.

L'opinion semble toujours très favorable à cette entreprise de réforme, ce qui rend la Lettonie prête au dialogue et aux politiques communes.

B. Des progrès dans l'intégration de la minorité russe

La Lettonie est des trois Etats baltes celui dont la structure démographique a été la plus modifiée du fait de l'annexion soviétique.

Les Soviétiques ont implanté en Lettonie, plus encore qu'en Estonie ou en Lituanie, de nombreux Russes qui constituent aujourd'hui 34 % de la population (42 % avec les Biélorusses et les Ukrainiens) et plus de la moitié des habitants de Riga. Parmi eux, 530 000 non citoyens sont devenus apatrides à la disparition de l'URSS.

La question de la minorité russophone demeure politiquement très sensible, puisqu'il s'agit d'accorder la citoyenneté à ceux qui ont organisé l'occupation étrangère du pays. Depuis 1998, l'accès à la citoyenneté lettone a été facilité par la simplification des procédures de naturalisation. 30 000 russophones sont ainsi intégrés chaque année et un programme gouvernemental mis en place en février 2001 prévoit des mesures en faveur des minorités, notamment l'apprentissage du letton. La France et l'Union européenne participent financièrement à ce programme. Des amendements à la loi électorale, qui comportait des mesures discriminatoires envers les russophones, ont été apportés en 2002 à la demande de l'Union européenne.

Toutefois, la loi sur l'éducation de 1998, qui impose l'enseignement en letton dans le secondaire, est critiquée, car elle semble traduire la volonté du gouvernement de faire du letton une langue unique officielle, alors que le nombre d'enseignants qui maîtrisent le letton est insuffisant.

C. La réforme de l'administration publique

La Lettonie est prête à intégrer la législation communautaire dans le droit interne. Elle a en effet poursuivi la réforme de l'administration publique. Le cadre législatif et administratif est en voie d'être complété par une loi sur la fonction publique et une loi-cadre sur la réforme administrative. L'une des priorités consiste à mettre en place un système de rémunération uniforme dans la fonction publique et à dégager des ressources budgétaires suffisantes à cet effet.

Le droit des sociétés et le droit de la concurrence connaissent une avancée significative avec l'entrée en vigueur récente du code du commerce, de même que la politique sociale et l'emploi, avec l'adoption d'un nouveau code du travail.

L'insuffisance des capacités administratives constitue toutefois un handicap majeur, que ce soit au niveau des administrations centrales, des services déconcentrés ou des collectivités territoriales. C'est notamment le cas dans le domaine fiscal. L'alignement administratif doit cependant suivre plus rapidement l'alignement législatif sur l'acquis, non seulement sur le plan de la fiscalité mais encore en matière de législation douanière, de transport et de pêche.

Par ailleurs, si la plupart des lacunes du système judiciaire sont connues de tous, les efforts déployés dans ce domaine doivent être accélérés. De gros progrès sont encore nécessaires pour renforcer l'indépendance, l'efficacité et la qualité du système judiciaire.

II. UNE ECONOMIE DE MARCHE VIABLE

La Lettonie a mené depuis quelques années une politique économique d'inspiration libérale, qui a permis au pays de ne subir que modérément la crise russe et de bénéficier d'un taux de croissance exceptionnel (6,8 % en 2000 ; 7,6 % en 2001 ; 5 % en 2002). Les privatisations se poursuivent à un rythme accéléré. La demande intérieure est soutenue et les investissements étrangers affluent. Le taux de chômage s'est sensiblement réduit, mais il demeure élevé (12 % environ). L'une des principales difficultés à surmonter concerne le niveau de salaires, l'un des plus faibles des PECO, qui ne représente que 30 % de la moyenne des salaires dans l'Union européenne.

La structure des échanges commerciaux fait apparaître le développement des relations avec l'Union européenne (Allemagne, Finlande et Suède), les autres Etats baltes et la Russie. On ne peut que déplorer la faible part de marché de la France (2,5 %), qui n'est que le 11ème client et le 12ème fournisseur de la Lettonie. Riga est d'ailleurs aujourd'hui la seule capitale balte à ne pas disposer d'une liaison aérienne directe avec Paris.

La dynamique de la croissance a favorisé la convergence avec les critères d'adhésion à l'Union européenne. Il n'en reste pas moins que le pays n'a pas actuellement la capacité administrative de tirer pleinement partie des fonds européens (348 euros par habitant, soit deux fois le revenu moyen). L'apport net est évalué par le gouvernement à 829 millions d'euros pour 2004-2006. La Commission a d'ailleurs lancé un avertissement à la Lettonie sur l'insuffisance du contrôle financier des dépenses pour les actions structurelles. Elle a dénoncé une mauvaise utilisation des fonds de pré-adhésion et recommande le renforcement et la coordination tant des structures administratives et budgétaires, d'ailleurs nécessaires à la mobilisation des co-financements, que des procédures de suivi et de contrôle indispensables à la gestion saine et efficace des fonds structurels.

La mise en place des fonds structurels représente en effet un défi majeur tant pour l'Union européenne que pour le nouvel Etat membre qui devra s'intégrer dans un délai très rapide (3 ans au lieu de 7) à un système qui n'a pas été conçu par lui mais qui lui offre des perspectives considérables d'accélération de son développement.

En ce qui concerne l'agriculture, les demandes des lettons sont en partie satisfaites. Au mois de septembre 2002, Mme Vike-Freiberga a plaidé pour une augmentation des quotas de production agricoles, mettant en avant la disparition totale des kolkhozes et la restitution des terres agricoles à leurs anciens propriétaires. Faute de moyens de financement, un grand nombre d'exploitations sont réduites à une économie de subsistance. De plus, les quotas avaient été calculés par la Commission à partir d'une période de référence ne correspondant pas à la production laitière normale de la Lettonie.

Mme Vike-Freiberga avait évoqué ce dossier lors de sa visite d'Etat en France, en octobre 2002, avec le Président Jacques Chirac, qui avait promis son soutien et a tenu sa promesse.

Le compromis franco-allemand sur l'avenir de la PAC, puis les propositions de la Commission sur les quotas sucriers et laitiers ont permis de rassurer les lettons et de leur donner satisfaction. Par contre, les revendications maximalistes de Mme Udre, Présidente de l'Union des verts et des paysans, d'un versement de 100 % des paiements directs, ne sont pas réalistes. Le Premier ministre a d'ailleurs lui-même rappelé que 25 % des paiements directs représentent déjà plus de quatre fois le montant des subventions nationales versées actuellement aux agriculteurs lettons.

Quoi qu'il en soit, la Lettonie a modernisé ses structures administratives en vue de mettre en œuvre la PAC en créant notamment un service vétérinaire et alimentaire. Elle a donc nettement progressé dans ce domaine.

Avec une économie de marché viable, la Lettonie va être capable de faire face à la pression concurrentielle au sein de l'Union européenne, étant entendu qu'elle devra pratiquer une politique budgétaire prudente, en raison de l'importance du déficit public courant que connaît le pays.

III. LA FRANCE ET LA LETTONIE SONT DES PARTENAIRES FIABLES

Tous les responsables politiques lettons souhaitent mettre fin au décalage entre la qualité du dialogue politique entre nos deux pays, et l'insuffisance de la présence française. Ils sont très intéressés par un transfert d'expériences et par une politique de coopération décentralisée, notamment dans les domaines agricole, scientifique et éducatif.

Le programme de formation au français à destination des hauts fonctionnaires se déroule à la satisfaction des bénéficiaires et la demande est supérieure à l'offre. Ainsi, il est réconfortant de constater qu'outre le Chef de l'Etat et le ministre des affaires étrangères, Mme Kalniete, ancien ambassadeur à Paris, un nombre très élevé de ministres et de hauts fonctionnaires parle couramment le français grâce aux cours dispensés au Centre culturel dans le cadre de ce programme.

Mme Kalniete se réfère souvent à son expérience française en précisant que sa francophilie ne doit pas déboucher sur un manque de neutralité : « En France, j'ai pu mieux comprendre qu'il y avait plusieurs pôles de force dans le monde, et pas seulement les Etats-Unis ».

C'est la raison pour laquelle il importe de faire comprendre aux autorités lettones que la position française sur l'élargissement n'est pas influencée par les différences de point de vue sur la crise internationale en cours. La France est perçue par la Lettonie comme un partenaire fiable qui respecte la diversité des points de vue sur la crise irakienne. Se démarquant du gouvernement, Mme Vaidere, présidente de la Commission des affaires étrangères du Parlement, a souligné à ce propos que la position de la Commission qu'elle préside, sur la nécessité de respecter le rôle prééminent de l'ONU, coïncide avec celle de la France, et que seule la SAEIMA peut autoriser l'envoi de troupes.

IV. LA LETTONIE S'OUVRE SUR LE MONDE TOUT EN CHERCHANT A PRESERVER SON IDENTITE ET A GARANTIR SA SECURITE

A. La nécessité de l'adhésion à l'OTAN

Les dirigeants lettons ont exprimé leur satisfaction quant à la décision du Sommet de Prague, qui permettra à la Lettonie de devenir membre à part entière de l'Alliance dès le printemps 2004. Pour Riga, c'était une priorité de politique étrangère depuis l'indépendance en 1991, pour laquelle des efforts importants de défense ont été consentis. La présentation par la Lettonie de son plan d'action pour l'adhésion, l'adoption d'une loi-cadre sur la défense et le sensible relèvement du budget de défense (pour le porter à 2 % du PIB en 2003) ont été autant de signes de la volonté lettone de renforcer ses chances en vue du prochain élargissement de l'Alliance, bien que ses capacités en termes de restructuration des forces soient limitées.

L'invitation à l'OTAN met un point final aux conséquences de la seconde guerre mondiale et permet une réunification progressive du continent. La page ouverte en 1939 par le pacte germano-soviétique, puis par les cinquante années d'occupation soviétique, est enfin close grâce à cette garantie de sécurité. Cette adhésion répond au sentiment d'insécurité que continuent à ressentir de nombreux Lettons, qui ont une perception aiguë de la menace russe, tirant son origine de l'expérience historique, mais aussi des tensions qui continuent d'affecter leurs relations avec Moscou. Une amélioration tangible des relations avec la Russie est attendue, par un dialogue constructif avec un partenaire commercial essentiel, et la France peut jouer un rôle constructif à cet égard.

B. Le soutien accru de l'opinion à l'adhésion à l'Union européenne

Le Premier ministre prépare activement la campagne référendaire du 20 septembre prochain.

Il a mis en place un groupe de pilotage, animé par un jeune secrétaire d'Etat très dynamique, et dont la logistique est assurée par le bureau de l'intégration européenne. L'ensemble du gouvernement sera mobilisé pour la campagne référendaire, qui ne doit pas se limiter à un débat comptable sur les avantages et les inconvénients de l'adhésion. La volonté de rompre l'isolement géopolitique de la Lettonie, d'éviter le retour à un statut de « couloir obscur » entre l'Est et l'Ouest, sont mis en avant. La presse, y compris en langue russe, consacre désormais une place plus importante à l'information sur l'Union européenne. Les sondages traduisent une progression du soutien à l'adhésion, même si les oui ne l'emportent que faiblement : 52 % de oui (contre seulement 46 % à la fin 2002).

Le soutien à l'Union européenne est plus élevé à Riga et dans la région centrale que dans l'est du pays. De façon surprenante, les sondages font apparaître que le vote rural est aujourd'hui plus favorable à l'adhésion que le vote urbain.

Le soutien sera total lorsque les Lettons auront pris conscience que l'adhésion à l'Union européenne n'est pas exclusive du respect de la diversité des cultures et des traditions, du respect de l'identité des Etats et de la diversité linguistique. Bien au contraire, comme le prouve le formidable développement des régions ultrapériphériques françaises, espagnoles et portugaises, grâce à l'aide de l'Union européenne, l'Europe protège et renforce les identités et les économies régionales, l'objectif de l'Union étant un objectif de cohésion.

Il ne s'agit d'ailleurs pas d'élargir l'Union européenne, mais de la réunifier. L'adhésion de la Lettonie constituera une formidable revanche sur la géopolitique et sur l'histoire. Comme le souligne Mme Sandra Kalniete, ministre des affaires étrangères, « Les Lettons ont un besoin de justice et de liberté, parce qu'ils savent ce que c'est que d'en être privés. Ils ont résisté à la russification. Leur seul refuge, durant les années d'isolement, a été la culture, la civilisation européenne, la conscience d'appartenir à un monde libre ».

CONCLUSION

Ainsi, ayant pu s'enquérir de l'état d'avancement des réformes et de la stratégie pré-référendaire, et évaluer les axes des efforts qu'il reste à accomplir, le rapporteur est en mesure de déclarer que, aujourd'hui, après dix ans d'efforts acharnés et couronnés de succès, la Lettonie peut savourer sa revanche. Elle est désormais prête à rejoindre une Union européenne dont le droit, les principes et les valeurs démocratiques sont identiques aux siens car, déjà, elle respecte globalement les engagements qu'elle a pris dans le cadre des négociations d'adhésion.

En raison de la nature parlementaire du régime letton, établi par la Constitution de 1922, il serait opportun que les députés lettons, qui en ont exprimé le souhait et qui sont ouverts à nos vues sur l'Europe, soient conviés à une visite en France avant le référendum du 20 septembre 2003, afin de poursuivre un dialogue apprécié de part et d'autre, dont l'utilité nous paraît devoir être soulignée.

{texte de la conclusion...}

TRAVAUX DE LA DELEGATION

La Délégation s'est réunie, le mardi 8 avril 2003, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d'information.

Appelé à s'assurer que la Lettonie est prête à devenir un membre à part entière de l'Union européenne, M. Alfred Almont, rapporteur d'information, s'est rendu les 11 et 13 mars derniers à Riga. Cette mission, qui a bénéficié d'une importante couverture de presse, lui a permis de rencontrer la Présidente de la République et la plupart des responsables politiques.

M. Alfred Almont a rappelé que l'histoire de la Lettonie est marquée par les occupations et les invasions des ses puissants voisins. La Lettonie n'a retrouvé son indépendance qu'en 1991, après de violents conflits armés dont Riga porte encore les traces. L'aspiration du peuple letton à la liberté est nourrie du souvenir des épreuves vécues par toute une génération. Elle s'appuie également sur un fort sentiment national, qui explique aujourd'hui les réticences d'une partie de la population vis-à-vis de l'Union européenne. Le courage et le dynamisme des Lettons leur ont permis toutefois de surmonter bien des difficultés et de réaliser en douze ans des progrès spectaculaires. La jeunesse et le sérieux de ses dirigeants, qui ont pour la plupart moins de quarante ans, seront un atout précieux pour l'Union européenne.

M. Alfred Almont a décrit la situation politique de la Lettonie, désormais stabilisée. Le Parlement monocaméral, la SAEIMA, dispose de pouvoirs étendus y compris en matière de relations internationales. Le chef de l'Etat est élu par la SAEIMA. Le mandat de la Présidente arrivant à échéance en juin prochain, Mme Vike Freiberga a fait connaître son intention de se représenter. Elle semble bien placée pour l'emporter, mais il est à noter que si son profond engagement européen ne fait aucun doute, elle apporte également son soutien à la position américaine sur l'Irak, alors que la majorité de l'opinion lettonne et des membres de la SAEIMA sont hostiles à l'intervention militaire des Etats-Unis.

Le nouveau gouvernement de centre-droit est dirigé par M. Repse, ancien gouverneur de la Banque centrale. Il privilégie la lutte contre la corruption et l'intégration sociale des minorités.

La Lettonie est en effet celui des trois Etats baltes dont la structure démographique a été la plus modifiée du fait de l'annexion soviétique. 530 000 non-citoyens sont devenus apatrides à la disparition de l'URSS. Malgré la simplification des procédures de naturalisation, la loi sur l'éducation de 1998, qui impose l'enseignement en letton dans le secondaire, est critiquée, car elle semble traduire la volonté du gouvernement de faire du letton une langue unique officielle.

La Lettonie a poursuivi la réforme de l'administration publique. Néanmoins, l'insuffisance des capacités administratives constitue un handicap majeur. C'est notamment le cas dans le domaine fiscal et dans la gestion des fonds structurels. De gros progrès sont encore nécessaires pour renforcer l'indépendance, l'efficacité et la qualité du système judiciaire.

La Lettonie a mené depuis quelques années une politique économique d'inspiration libérale, qui a permis au pays de ne subir que modérément la crise russe, et de bénéficier d'un taux de croissance exceptionnel. Le taux de chômage élevé et le niveau insuffisant des salaires constituent les principales difficultés. On ne peut que déplorer la faible part de marché de la France, qui n'est que le onzième client et le douzième fournisseur de la Lettonie.

En ce qui concerne l'agriculture, les demandes des Lettons sont en partie satisfaites en matière de quotas sucriers et laitiers. La Lettonie a modernisé ses structures administratives en créant un véritable service vétérinaire et alimentaire.

Tous les responsables politiques lettons souhaitent mettre fin au décalage entre la qualité du dialogue politique entre la France et la Lettonie et l'insuffisance de la présence française. Ils sont très intéressés par un transfert d'expériences et par une politique de coopération décentralisée, notamment dans les domaines agricole, scientifique et éducatif.

La Lettonie s'ouvre aujourd'hui sur le monde tout en cherchant à préserver son identité et à garantir sa sécurité. Pour Riga, l'adhésion à l'OTAN constitue une priorité de politique étrangère depuis 1991. Elle vise à mettre un point final aux conséquences de la seconde guerre mondiale et à réunifier le continent. Cette adhésion répond au sentiment d'insécurité que continuent à ressentir de nombreux Lettons, qui ont une perception aiguë de la menace russe.

Le soutien accru de l'opinion à l'adhésion à l'Union européenne se traduit dans la presse, qui consacre une place de plus en plus importante à l'information sur l'Europe, et dans les sondages, qui montrent la progression du « oui » (52 % aujourd'hui contre seulement 46 % à la fin de 2002). Le Premier ministre prépare activement la campagne référendaire du 20 septembre prochain. Il semble que le soutien sera total lorsque les Lettons auront pris conscience que l'adhésion à l'Union européenne n'est pas exclusive du respect de la diversité des cultures et des traditions, mais que bien au contraire l'Europe protège et renforce les identités nationales et régionales.

En conclusion, M. Alfred Almont a donné un avis très favorable à l'adhésion de la Lettonie à l'Union européenne. La Lettonie est désormais prête à rejoindre une Europe dont le droit, les principes et les valeurs démocratiques sont identiques aux siens. Elle respecte déjà globalement les engagements pris dans le cadre des négociations d'adhésion.

En réponse au Président Pierre Lequiller, M. Alfred Almont a expliqué que le Parlement letton, la SAEIMA, ne partageait pas le point de vue de la présidente et du gouvernement sur l'Irak. La présidente de la commission des affaires étrangères a souligné que la position de la SAEIMA sur la nécessité de respecter le rôle prééminent de l'ONU coïncide avec celle de la France, et que seule la SAEIMA peut autoriser l'envoi de troupes.

M. Alfred Almont a ajouté que les autorités lettones lui étaient apparues par ailleurs très favorables au renforcement de l'Europe de la défense.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la Délégation a donné un avis favorable à l'adhésion de la Lettonie à l'Union européenne

ANNEXES

Annexe 1 :
Carte de la Lettonie

(Pour la carte de la Lettonie voir la version PDF de ce document)

Annexe 2 :
Liste des entretiens du rapporteur

- Mme Vaira VIKE-FREIBERGA, Présidente de la République de Lettonie ;

- M. Maris GULBIS, Ministre de l'intérieur de la République de Lettonie ;

- M. Juris LUJANS, Ministre de l'économie de la République de Lettonie ;

- M. Andris KESTERIS, Sous-secrétaire d'Etat aux affaires étrangères de la République de Lettonie ;

- M. Andris TEIKMANIS, Sous-secrétaire d'Etat aux affaires étrangères de la République de Lettonie ;

- Mme Solveiga SILKALNA, Conseillère diplomatique du Premier ministre de la République de Lettonie ;

- Monsieur Peteris ELFERTS, Secrétaire parlementaire du Ministère des affaires étrangères de la République de Lettonie ;

- M. Eric JAKOBSONS, Vice-président de la SAEIMA ;

- M. Guntars KRASTS, Ancien Premier Ministre, Président de la Commission des affaires européennes de la SAEIMA ;

- Mme Inese VAIDERE, Présidente de la Commission des affaires étrangères de la SAEIMA ;

- Monsieur Edvards KUSNERS, Directeur du bureau de l'intégration européenne de la SAEIMA ;

- S. Exc. M. Andrew RASBASH, Chef de la Délégation de l'Union européenne de la SAEIMA ;

- S. Exc. M. Michel FOUCHER, Ambassadeur de France en Lettonie.

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