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N° 779

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 avril 2003

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur l'adhésion de la République tchèque
à l'Union européenne
,

ET PRÉSENTÉ

par M. Nicolas DUPONT-AIGNAN,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Union européenne.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; M. François Guillaume, M. Jean-Claude Lefort secrétaires ; MM. Alfred Almont, Bernard Bosson, Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Jean-Claude Lefort, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

PREMIERE PARTIE : LA RÉPUBLIQUE TCHEQUE EST UN DES PAYS LES MIEUX ARMES POUR ENTRER DANS L'UNION EUROPEENNE 7

A. Une évolution politique positive 7

B. Des conditions économiques favorables 8

C. Une adaptation de la réglementation nationale au droit communautaire globalement satisfaisante 9

DEUXIEME PARTIE : LE PAYS RESTE TOUTEFOIS CONFRONTE A PLUSIEURS DEFIS MAJEURS 13

A. La reconstruction de l'Etat et la réussite de la décentralisation 13

B. Le fonctionnement de la justice 14

C. La lutte contre la corruption 15

D. La sécurité sanitaire 16

E. La protection de l'environnement 16

F. Certaines fragilités économiques 17

CONCLUSION 19

TRAVAUX DE LA DELEGATION 21

1) Réunion commune avec une délégation conjointe de la Commission pour l'intégration européenne et de la Commission des affaires étrangères de la Chambre des députés de la République tchèque, le mercredi 26 mars 2003 21

2) Réunion du mardi 8 avril 2003 36

ANNEXES 41

Annexe 1 : Carte de la République tchèque 43

Annexe 2 : Liste des personnes entendues par le rapporteur 45

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La mission effectuée par le rapporteur en République tchèque du 11 au 13 mars 2003 l'a conduit à rencontrer plusieurs responsables politiques et administratifs tchèques, en particulier M. Lastuvka, Président de la commission des affaires étrangères de la Chambre des députés, et M. Jarab, Président de la commission pour l'intégration européenne du Sénat. Il s'est également entretenu avec les services du Quai d'Orsay, ceux de l'ambassade de France à Prague, des conseillers pré-adhésion, ainsi que de nombreux acteurs de la société civile tchèque - chefs d'entreprises, banquiers, journalistes, chercheurs ou intellectuels.

Le premier constat de cette mission est la volonté d'ensemble des autorités tchèques d'entrer dans l'Union européenne et de satisfaire aux conditions d'adhésion. D'ailleurs, 60 % de la population tchèque y serait également favorable, dans la perspective du référendum d'adhésion des 15 et 16 juin prochains.

Le rapporteur a noté par ailleurs la difficulté, souvent, à disposer d'une évaluation précise de la situation, c'est-à-dire, par-delà le suivi de la mise en conformité du droit tchèque avec les normes communautaires et les modifications de la réglementation nationale, d'une appréciation détaillée de leur mise en œuvre effective et de leur efficacité concrète.

Il a constaté, en outre, une certaine réticence des autorités tchèques à accepter une tutelle trop étroite de l'Union européenne ; et ce, pour quatre raisons principales. La première tient à la volonté de ne pas retomber, après quarante ans d'autoritarisme soviétique, sous l'emprise d'un nouveau joug trop contraignant. La deuxième repose sur la disproportion entre l'ampleur de l'événement historique que constitue l'élargissement et la petitesse des lacunes qui pourraient leur être reprochées. La troisième, sur les efforts considérables que la République tchèque a déjà consentis depuis 1989 pour se réformer dans tous les domaines. Enfin, en raison de l'avance prise par ce pays par rapport à la plupart des autres pays adhérents.

De fait, il ressort de cette mission que cet Etat paraît l'un des mieux armés pour entrer dans l'Union européenne. Pour autant, il n'en est pas moins confronté à plusieurs défis importants, qu'il va devoir relever dans les années à venir.

PREMIERE PARTIE :
LA RÉPUBLIQUE TCHEQUE EST UN DES PAYS LES MIEUX ARMES POUR ENTRER DANS L'UNION EUROPEENNE

Qu'il s'agisse du domaine politique, économique ou juridique, la République tchèque se révèle, de fait, l'un des pays adhérents les plus aptes à intégrer l'Union européenne.

A. Une évolution politique positive

Déjà, dans son avis de 1997 sur la République tchèque, la Commission européenne concluait que ce pays satisfaisait aux conditions politiques d'adhésion. Dans son rapport régulier de 2002(1), la Commission constatait que celui-ci avait encore fait « des progrès considérables, consolidant et approfondissant encore la stabilité de ses institutions, qui garantissent la démocratie, la primauté du droit, les droits de l'homme et le respect des minorités et de leur protection ».

En effet, la République tchèque connaît, depuis la « révolution de velours » en 1989, un régime politique stable, rythmé par des élections démocratiques régulières.

Par ailleurs, elle continue à respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales. Elle a, d'ailleurs, récemment instauré une deuxième instance d'appel indépendante pouvant être saisie par les demandeurs d'asile déboutés en première instance. Le Conseil pour l'égalité des chances a, d'autre part, commencé de fonctionner en janvier 2002. De nouvelles mesures ont été prises afin d'améliorer la situation difficile de la communauté rom, même si d'autres encore gagneraient à être adoptées pour éviter les


discriminations dont cette communauté est l'objet, notamment pour l'accès à l'enseignement, au logement et à l'emploi.

Le Gouvernement a, en outre, engagé une ample réforme de l'administration publique, qui devrait s'étaler jusqu'en 2006 - avec, entre autres, la coopération de la France. Cette réforme repose, en premier lieu, sur une loi relative à la fonction publique, qui offre aux fonctionnaires un statut juridique stable. Mais celui-ci concerne principalement le personnel d'encadrement, les autres agents publics ayant vocation à être recrutés sous la forme de contrats de droit privé - tant pour des raisons de souplesse que de coût. En deuxième lieu, le gouvernement a entrepris une décentralisation fondée sur la création de 8 régions et de 205 communes à compétences renforcées (sur les 6 200 communes existantes). Celles-ci se sont vu - et doivent continuer à se voir - transférer de nouvelles compétences de l'Etat (en particulier, en matière d'éducation, de culture, d'assistance sociale, de santé, de transports et de développement régional) et bénéficier en conséquence de dotations nouvelles et de recettes fiscales propres.

La réforme de l'ordre judiciaire s'est de plus poursuivie avec, notamment, l'élaboration d'un nouveau code de procédure criminelle et la création de l'Académie de Justice, créée l'an dernier, qui a pour mission de former les magistrats.

Enfin, le pays a accentué sa politique de lutte contre la corruption et le crime économique par le biais, entre autres, d'un ensemble de dispositions répressives.

B. Des conditions économiques favorables

L'état de préparation économique de la République tchèque répond également aux conditions d'adhésion. Le constat établi par la Commission européenne dans son rapport régulier de 2001 en témoigne :

« L'économie tchèque est une économie de marché viable. Sous réserve d'efforts supplémentaires pour consolider le budget à moyen terme et qu'elle achève la mise en œuvre des réformes structurelles, elle devrait pouvoir, dans un proche avenir, affronter la pression concurrentielle et les forces du marché au sein de l'Union ».

En effet, le pays enregistre l'un des taux de PIB par habitant les plus élevés des pays adhérents (70 % de la moyenne communautaire). Il est vrai qu'il présente beaucoup d'atouts : sa proximité avec l'Union européenne, en particulier avec l'Allemagne et l'Autriche ; des équipements publics de qualité ; une qualification professionnelle élevée, héritière d'une longue tradition industrielle ; une bonne cohésion sociale ; un flux d'investissements extérieurs important (les investissements étrangers annuels représenteraient 8,7 % du PIB) ; un coût de main-d'œuvre compétitif (3,90 € par heure, contre 22,70 € en moyenne pour l'Union européenne et 24,39 € pour la France) ; et la présence de nombreux entrepreneurs dynamiques.

La République tchèque connaît de nouveau des taux de croissance importants (3 % en moyenne depuis 2000) après la période de récession de 1997-1998. Cette croissance s'est accompagnée d'une augmentation des investissements, notamment des investissements étrangers, qui ont permis de moderniser les capacités de production et d'accroître la productivité et la compétitivité des entreprises tchèques. La hausse des salaires, qui s'est faite au même rythme que celle de la productivité, a favorisé le développement de la consommation des ménages. Par ailleurs, la République tchèque a réussi à limiter les pressions inflationnistes (avec un taux d'inflation de 3,9 % en 2002) et poursuit son programme de privatisations.

Cependant, le taux de chômage reste relativement élevé : 9,4 % en 2002. En outre et surtout, le déficit budgétaire - qui a atteint 9 % du PIB en 2002 - est très marqué et les dépenses publiques sont encore jugées excessives.

C. Une adaptation de la réglementation nationale au droit communautaire globalement satisfaisante

La République tchèque s'est, pour l'essentiel, conformée - ou est sur le point de le faire - à l'acquis communautaire. Et ce, même si sa réglementation doit encore évoluer sur certains points ponctuels (comme le régime de la TVA et des droits d'accise ou la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, par exemple) ou dans certains domaines (tels que la liberté de circulation des personnes ou la liberté d'implantation).

Elle a poursuivi récemment ses réformes s'agissant, notamment, des services financiers, de la législation phytosanitaire, des transports routiers, de la politique sociale, de l'environnement et de la justice et des affaires intérieures. Sans rappeler la liste de tous les chapitres de négociation - qui sont d'ailleurs clos depuis le Conseil européen de Copenhague de décembre dernier - il convient d'évoquer les principaux progrès enregistrés en la matière :

- dans le domaine du marché intérieur, on note une forte avancée de l'intégration de l'acquis. La République tchèque respecte à présent la plupart des normes européennes concernant la libre circulation des marchandises, même s'il reste encore, selon la Commission, à renforcer la capacité de surveillance des marchés. Il en est de même pour la libre circulation des personnes et des services, sous réserve de mener à bien la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles et l'achèvement de la réglementation relative au secteur financier ;

- s'agissant du droit des sociétés, la mise en conformité par rapport au droit communautaire est également très avancée, même si des dispositions doivent encore être prises pour lutter contre la piraterie et la contrefaçon. En matière de concurrence, le pays a largement intégré l'acquis communautaire ;

- on note également des progrès en matière d'économie et de fiscalité. Le renforcement de l'indépendance de la Banque centrale en témoigne, par exemple. Cependant, l'effort devra être poursuivi concernant la mise en place des systèmes informatiques permettant l'échange de données électroniques avec la Communauté et ses Etats membres ;

- concernant les transports, on observe une adaptation satisfaisante de la réglementation relative aux transports aériens et routiers, celle relative aux chemins de fer devant être achevée. L'état d'avancement dans le secteur de l'énergie est également bon, de même qu'en matière de télécommunications. Cependant, la libéralisation de ce dernier marché n'est pas encore complète ;

- le niveau de préparation dans le domaine agricole est jugé dans l'ensemble satisfaisant, notamment concernant les structures de mise en œuvre de la politique agricole commune. En revanche, le bilan est plus contrasté pour la politique régionale : les efforts entrepris pour assurer l'application de la politique régionale communautaire devront être poursuivis ;

- on constate également des améliorations substantielles dans le secteur de la politique sociale et de l'emploi, en particulier concernant la législation du travail et la santé et la sécurité sur les lieux de travail ;

- s'agissant de la justice et des affaires intérieures, les progrès accomplis ont aussi été importants dans quasiment tous les secteurs, au point que l'alignement législatif est jugé presque complet. Toutefois, il conviendra d'améliorer la surveillance des frontières, la mise en œuvre du plan d'action de Schengen et le renforcement de la lutte contre la fraude.

*

* *

Si les conditions d'adhésion semblent donc dans l'ensemble réunies, ou sur le point de l'être, certains problèmes demeurent néanmoins en suspens.

DEUXIEME PARTIE :
LE PAYS RESTE TOUTEFOIS CONFRONTE A PLUSIEURS DEFIS MAJEURS

Six défis principaux méritent une attention particulière.

D. La reconstruction de l'Etat et la réussite de la décentralisation

La République tchèque est, comme la plupart des pays adhérents, confrontée à un problème de capacité administrative. En dépit de ses efforts considérables dans ce domaine et du fait qu'elle paraît plus avancée que la moyenne des autres pays adhérents, on observe certaines insuffisances dans la présence de l'Etat et des administrations publiques. Il en est ainsi notamment dans le domaine de l'agriculture, de l'environnement, de la politique régionale, de la justice et des affaires intérieures, et du contrôle financier.

Le passage, en à peine treize ans, d'un régime autoritaire à une démocratie et d'une économie collectiviste à une économie de marché ainsi que la mise en conformité de la réglementation nationale avec la loi communautaire exigent des moyens administratifs importants dans de nombreux domaines, que le pays n'est pas toujours en mesure de fournir tout de suite. Ce problème quantitatif touche autant le nombre des agents publics, qu'il s'agisse des personnels d'encadrement ou d'exécution, que celui des moyens d'équipement.

Ce problème est également qualitatif : la République tchèque a besoin, non seulement d'effectifs renforcés dans plusieurs domaines, mais d'effectifs formés et de qualité. C'est le cas, en particulier, dans tous les secteurs réglementaires nouveaux (audiovisuel, télécommunications, transports, marchés énergétiques ...). Le faible niveau des rémunérations des fonctionnaires, en limitant l'attractivité de la fonction publique, explique pour une large part cet état de fait.

D'autre part, le gouvernement ne dispose pas de véritable pouvoir réglementaire autonome. Cela se traduit par deux conséquences négatives : le rallongement, voire le freinage, du processus de décision - le gouvernement devant en permanence obtenir l'approbation du Parlement - et la complication des lois - celles-ci devant être de ce fait plus détaillées.

Enfin, la décentralisation est encore loin d'être achevée. Elle soulève également plusieurs incertitudes : ne risque-t-elle pas d'être freinée politiquement au Parlement ? Quelles seront précisément les compétences futures respectives de l'Etat, des régions, des districts, des communes renforcées et des communes ? Quelles seront leurs ressources financières ? De quelles recettes fiscales propres disposeront les régions et les communes renforcées ? Comment seront assurés le contrôle de légalité et le contrôle financier des collectivités locales ?

Sur ce dernier point, une certaine confusion semble encore régner, le contrôle de légalité étant, selon les informations recueillies, effectué souvent par des services rattachés à la collectivité sur laquelle il s'exerce (des services communaux pour les communes notamment).

E. Le fonctionnement de la justice

Ce constat général de manque de moyens concerne particulièrement la justice, que ce soit en termes d'effectifs, d'équipements ou de formation. Un accroissement des recrutements et des formations - dans le cadre l'Académie de justice - est d'ailleurs prévu.

D'autre part, le mode de promotion des magistrats est critiqué par certains, qui le jugent trop corporatiste et insuffisamment fondé sur des critères objectifs et transparents de qualité et d'efficacité. Cela expliquerait en partie les inégalités constatées dans la qualité du service rendu par les tribunaux.

Des cas de corruption de magistrats ont également été signalés au rapporteur, en particulier dans le domaine de la justice financière et commerciale.

On observe aussi des délais excessifs de jugement, la moyenne allant de un à deux ans selon les tribunaux. La République tchèque a d'ailleurs été condamnée à plusieurs reprises pour ce motif par la Cour européenne des droits de l'homme. Elle est en train de prendre des mesures pour réduire ces délais.

La longueur de ceux-ci est largement liée au caractère complexe et coûteux des procédures judiciaires, qu'il est envisagé de simplifier. Plusieurs interlocuteurs du rapporteur appartenant au milieu tchèque des affaires ont notamment déploré la lenteur de la procédure d'enregistrement des entreprises commerciales, qui retarde leurs installations, leurs investissements et, plus largement, leur développement économique.

De même, la loi sur les faillites est jugée par beaucoup comme lacunaire, n'assurant pas suffisamment de garanties aux différentes parties intéressées en cas de faillite et freinant l'activité économique. Un projet de loi devrait d'ailleurs être présenté cet été au Parlement pour y remédier.

F. La lutte contre la corruption

La Commission européenne note également, en matière de lutte contre la corruption, une insuffisance de moyens matériels et humains pour appliquer les dispositions existantes. Elle rappelle, en outre, qu'un récent rapport du gouvernement souligne l'importance de s'assurer « le plein appui des forces politiques dans ce domaine ».

Bien que souvent difficile à prouver et à quantifier, la corruption a été attestée par la plupart des interlocuteurs du rapporteur. Elle peut concerner des agents publics comme des élus. Cela dit, elle existe, on le sait, dans beaucoup d'autres pays adhérents, souvent dans des proportions plus importantes.

La réglementation des marchés publics, qui n'est pas encore totalement mise en conformité, peut, selon certains témoignages recueillis par le rapporteur, donner lieu à des versements occultes.

De même, si beaucoup de dispositions ont été prises pour lutter contre le blanchiment des capitaux et la criminalité organisée, leur mise en œuvre est jugée encore insuffisante, principalement pour des raisons de moyens.

G. La sécurité sanitaire

La réglementation tchèque est d'ores et déjà très avancée en matière de sécurité sanitaire. Toutefois, la Commission observe des lacunes dans la législation vétérinaire. Corollairement, peu d'entreprises agro-alimentaires seraient à l'heure actuelle en conformité avec les exigences communautaires : 29 seulement le seraient pour la production de lait et 29 également pour la production de viande, selon certaines sources confidentielles tchèques.

La République tchèque a d'ailleurs obtenu une période transitoire jusqu'au 31 décembre 2006 pour permettre à 56 établissements de transformation de produits animaux (dont 31 abattoirs de grande capacité de viande rouge) de s'aligner sur la réglementation vétérinaire communautaire. Jusque-là, elle devra veiller à ce que les produits issus de ces abattoirs aient un étiquetage spécial et ne soient commercialisés que sur le marché local. L'Office alimentaire vétérinaire (OAV) devrait d'ailleurs effectuer des inspections régulières d'ici et après l'adhésion.

Cela étant, aucune grave maladie - comme la vache folle, par exemple - n'aurait été à ce jour constatée.

H. La protection de l'environnement

Si la République tchèque a fait beaucoup d'efforts pour renforcer la protection de l'environnement, plusieurs chantiers doivent encore être poursuivis. C'est le cas notamment de l'achèvement de la mise en œuvre des normes dans le domaine de la qualité de l'eau, des déchets, de la protection de la nature ou de la pollution industrielle. Le renforcement des capacités administratives au niveau local et régional paraît également souhaitable.

Quant à la centrale nucléaire de Temelin, il semble a priori, selon les informations recueillies, qu'elle ait fait l'objet de mesures de sécurité adéquates. Cependant, les oppositions nombreuses qu'elle a suscitées en Autriche plaident en faveur de la réalisation d'une évaluation d'ensemble, transparente et contradictoire, afin de lever les doutes que ces oppositions suscitent.

I. Certaines fragilités économiques

On note une certaine difficulté des autorités tchèques à entreprendre une réforme structurelle des dépenses publiques. La croissance des dépenses publiques obligatoires, qui atteignent déjà un niveau élevé, peine à être contenue. La réforme du financement des dépenses sociales, des régimes de retraite et de sécurité sociale devrait, selon la Commission, encore être poursuivie. De plus, la politique de l'Agence de consolidation visant à liquider et à privatiser les actifs douteux qu'elle détient gagnerait à être accentuée.

Cette situation explique un niveau de déficit budgétaire élevé (9 % du PIB en 2002), qui repousse l'échéance d'intégration de la République tchèque à la zone euro et pourrait fragiliser à terme sa stabilité monétaire et économique.

Par ailleurs, l'économie tchèque est très dépendante de l'extérieur. Si les privatisations ont permis l'afflux de capitaux, elles se sont aussi traduites par la cession de beaucoup de grandes entreprises à des sociétés étrangères. Il en est ainsi notamment des trois principales banques du pays. Plusieurs interlocuteurs du rapporteur ont déploré cette situation, qui limite la souveraineté de la République tchèque sur le plan économique.

CONCLUSION

En conclusion, la mission effectuée par le rapporteur a montré l'extrême capacité de la République tchèque à se réformer dans tous les domaines en un court laps de temps.

Le pays remplit d'ores et déjà la plupart des conditions d'adhésion et apparaît comme l'un des plus avancés dans ce domaine parmi les pays adhérents. S'il est vrai que plusieurs problèmes demeurent, ils pourront sans doute être résolus dans les prochaines années : cette large capacité de réforme permet sur ce point d'être optimiste.

Il y a lieu, dans ces conditions, de soutenir l'entrée de la République tchèque dans l'Union européenne.

Cela dit, si, de manière plus générale, l'élargissement constitue à la fois un devoir moral et une chance, son succès est conditionné, au-delà de la satisfaction des conditions d'adhésion, par la réussite de la réforme des institutions communautaires actuellement en cours au sein de la Convention pour l'avenir de l'Europe. Cette réussite repose, selon le rapporteur, sur une Union respectant davantage la souveraineté des Etats et des peuples et restituant au politique toute sa place dans la conduite des affaires européennes. Cette position est d'ailleurs partagée par beaucoup de responsables politiques tchèques, qui ne souhaitent pas, après quarante ans de communisme, se voir enfermés dans de nouveaux carcans.

Enfin, il est souhaitable que la France saisisse cet événement historique pour renforcer ses liens avec les pays d'Europe centrale et orientale, où l'Allemagne, les Etats-Unis ou le Royaume-Uni sont souvent plus présents. Ce serait particulièrement justifié avec la République tchèque, avec laquelle notre pays entretient des relations d'amitié traditionnelles et dont il est le cinquième partenaire commercial. D'autant que les autorités tchèques aspirent à élargir leurs échanges avec d'autres Etats que leurs voisins immédiats et que beaucoup, dans le contexte international actuel, prennent conscience des limites de la politique américaine.{texte de la conclusion...}

TRAVAUX DE LA DELEGATION

1) Réunion commune avec une délégation conjointe de la Commission pour l'intégration européenne et de la Commission des affaires étrangères de la Chambre des députés de la République tchèque, le mercredi 26 mars 2003

Le Président Pierre Lequiller s'est déclaré heureux d'accueillir la Délégation conjointe de la Commission des affaires étrangères et de la Commission pour l'intégration européenne de la Chambre des Députés de la République tchèque, puis il a rappelé qu'il avait rencontré les deux Présidents de la Délégation conjointe lors d'une visite à Prague en décembre 2002 et que M. Nicolas Dupont-Aignan avait effectué une mission ce mois-ci en sa qualité de rapporteur chargé du suivi de l'adhésion de la République tchèque. Il a souligné que cette rencontre constituait la première réunion commune de la Délégation de l'Assemblée nationale avec les commissions compétentes du Parlement d'un pays adhérent et qu'elle était la troisième depuis le début de la législature, après celles avec les commissions homologues de l'Allemagne et de l'Espagne. Ces rencontres doivent s'intensifier dans le cadre du développement indispensable de la coopération interparlementaire entre Etats membres de l'Union élargie.

Il a proposé d'aborder en premier lieu le sujet de l'élargissement, en faveur duquel la Délégation s'est toujours prononcée. Elle a constamment suivi le processus, elle a rencontré de nombreuses fois les ambassadeurs des pays adhérents et ses membres sont à la disposition des parlementaires tchèques pour les accompagner dans leur campagne, s'ils le souhaitent, lors du référendum du 16 juin sur le Traité d'adhésion.

L'examen des débats de la Convention sur l'avenir de l'Europe doit être l'occasion d'aborder librement le développement de la PESC à la suite de la crise irakienne et des divisions qu'elle a engendrées en Europe. La position officielle de la République tchèque semble pencher plutôt en faveur du soutien à l'intervention des Etats-Unis, même s'il y a un débat au sein de la classe politique tchèque. La position des autorités françaises recueille un accord pratiquement unanime au sein de l'Assemblée nationale. Chacun respecte la position de l'autre et doit l'expliquer pour éviter tout malentendu, mais ce respect n'obère pas notre volonté de créer une Europe politique capable de parler d'une seule voix sur la scène internationale et de soutenir des propositions sur la PESC à la Convention allant dans ce sens.

Le débat sur la réforme des institutions de l'Union européenne élargie n'a pas encore été vraiment ouvert à la Convention et le Président Valéry Giscard d'Estaing a exprimé son inquiétude sur la possibilité d'aboutir à la fin du mois de juin. Le Président Pierre Lequiller a confirmé sa déclaration en faveur d'une prolongation de la Convention, si nécessaire.

Il s'est enfin interrogé sur les possibilités de travail en commun avec la Commission pour l'intégration européenne et la Commission des affaires étrangères, après l'adhésion, et a salué le vote massif des Slovènes en faveur de l'adhésion à l'Union européenne lors du référendum du 23 mars dernier.

M. Pavel Svoboda, Président de la Commission pour l'intégration européenne, a remercié chaleureusement le Président Pierre Lequiller d'avoir organisé si rapidement cette rencontre après la visite qu'il avait effectuée à Prague. Le moment est historique : la signature du Traité d'adhésion est maintenant très proche, le 16 avril ; le référendum l'est aussi et sera étalé sur deux jours à la mi-juin, le samedi et le dimanche ou le dimanche et le lundi ; la Convention va entrer dans la phase finale pour décider de l'avenir de l'Union européenne pour une longue période.

La délégation tchèque est prête à parler de sa position très ouverte sur la crise irakienne et souhaite entendre de la délégation française un point de vue très clair sur la ratification du Traité d'adhésion ainsi que des précisions sur la campagne d'information qui la précédera.

La délégation tchèque est arrivée en France dans un esprit amical. Elle espère que les liens étroits qui se sont tissés entre les pays candidats leur permettront de communiquer sur les sujets qui vont définir l'avenir de l'Union européenne. Elle souhaite également que la France, qui présente de nombreuses propositions à la Convention, ait des discussions très ouvertes avec les futurs Etats membres.

Le Président Svoboda a salué également en la personne du Président Lequiller l'auteur d'un livre intitulé « L'Europe se lève à l'Est » qui est connu en République tchèque, où il avait pris une position ouvertement favorable à l'élargissement dès le début de la décennie quatre-vingt-dix. Il a conclu en déclarant qu'il se sentait déjà membre de l'Union européenne.

M. Vladimir Laštůvka, président de la commission des affaires étrangères, s'est déclaré très heureux de cette rencontre. Il a souligné les bonnes relations existant traditionnellement entre la République tchèque et la France. Il a exprimé son souhait de renforcer celles-ci, dont atteste d'ailleurs la venue conjointe aujourd'hui de la commission des affaires étrangères et de la commission pour l'intégration européenne de la Chambre des députés de la République tchèque. Il a suggéré qu'au-delà des points de débat proposés par le Président Lequiller, la question de la coopération renforcée soit également abordée.

Le Président Pierre Lequiller a indiqué qu'on ne savait pas à ce jour comment en France seraient ratifiés le traité d'adhésion, ni la future constitution européenne, dont la décision revient au Président de la République. Il a estimé probable que la ratification du traité d'adhésion se fasse par la voie parlementaire, auquel cas une forte majorité en faveur de celui-ci devrait, selon lui, se dégager. S'agissant de la ratification de la future Constitution, on peut penser que, au vu de l'enjeu du sujet, le Président de la République pourrait opter pour la voie référendaire. Cela supposerait de la France un effort important d'information et de communication auprès des citoyens, en raison de la sensibilisation encore insuffisante des Français aux questions européennes.

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que l'Assemblée nationale accordait d'ailleurs une place de plus en plus importante à ces questions. Ainsi a-t-elle récemment invité le Président Giscard d'Estaing à débattre - en commission, puis en séance plénière - de la réforme des institutions européennes. De même, a-t-elle instauré une séance mensuelle de questions européennes, sachant que ces sujets peuvent également être évoqués lors des séances hebdomadaires de questions au Gouvernement, comme ce fut par exemple le cas hier. Il a en outre signalé qu'un fonctionnaire de l'Assemblée nationale avait récemment été affecté auprès des institutions européennes et rappelé que les parlementaires européens étaient invités aux réunions de la Délégation. De plus, celle-ci a convié à plusieurs reprises des membres de la Commission européenne - dont le Président Romano Prodi, dernièrement. Enfin, plusieurs réunions solennelles se sont tenues à l'Assemblée nationale avec les parlementaires allemands au mois de janvier dernier, à l'occasion de la commémoration du Traité de l'Elysée.

Mme Elisabeth Guigou s'est dite très heureuse de ce type de rencontres. Elle a estimé, qu'après la longue séparation qu'a connue l'Europe pendant la période de la guerre froide, il était nécessaire de renforcer ces échanges parlementaires afin d'éviter certains malentendus. Elle a indiqué que le choix que paraissent exprimer certains pays d'Europe centrale en faveur d'une conception d'une Europe « minimale », voire américaine, était ressenti par beaucoup en France de façon douloureuse. Elle a appelé de ses vœux une autre conception, fondée sur une union politique forte, dotée d'une véritable politique étrangère et de défense, dont la crise internationale actuelle souligne d'ailleurs d'autant plus la nécessité. Cela étant, le droit de chaque pays d'exprimer sa position doit, selon elle, être parfaitement respecté. Elle a précisé à cet égard, que la politique étrangère et de défense européenne ne devait pas se faire contre les Etats-Unis, mais en coopération avec eux. Cette politique pourrait donner lieu à une coopération renforcée - ou à une intégration renforcée - dont l'Europe doit encore démontrer la possibilité et l'efficacité. Cette intégration renforcée pourrait se faire selon un mode comparable à la mise en œuvre de la politique monétaire commune, sachant que tous les pays européens ont de toute façon vocation à y participer. Elle s'est enfin déclarée confiante sur la ratification du processus d'adhésion.

Le Président Vladimir Laštůvka a souligné que l'on pouvait d'ores et déjà considérer que l'élargissement était réalisé. La question qui reste encore posée est celle de savoir dans quel cadre institutionnel cet élargissement va fonctionner : de ce point de vue les résultats de la Convention seront décisifs.

Il a souhaité répondre à Mme Elisabeth Guigou sur la nature même du projet européen auquel la République tchèque souhaite participer. Il a, sur ce point, fortement souligné que la très grande majorité de la représentation politique tchèque était attachée à la construction d'une Europe politique. Il a considéré que le volet économique de la construction européenne pouvait être encore renforcé, par exemple dans le domaine fiscal. Il a estimé que l'intégration politique - qui a vocation à inclure la politique étrangère et la défense - se fera selon un processus assez long qui pourra notamment s'appuyer sur des coopérations renforcées. Il a noté que l'on ne pouvait pas dire que la République tchèque était « du côté des Etats-Unis », en précisant que son pays avait - comme la France - autorisé le survol de son territoire par les alliés mais, conformément à ses prises de positions antérieures, ne participait pas aux opérations de guerre, celles-ci n'ayant pas obtenu de mandat des Nations unies.

M. Christian Philip a souligné que si un accord existait sur la perspective politique du projet de l'Union européenne, il pouvait être intéressant de débattre des instruments qui devraient être mis au service de ce projet, en vue notamment du futur traité constitutionnel sur lequel travaille la Convention. Il a en particulier évoqué la question de la présidence de l'Europe - monocéphale ou bicéphale -, la répartition des compétences, ainsi que les coopérations renforcées.

Le Président Pierre Lequiller a évoqué la question de la nature du projet européen en notant que la conception fortement prédominante au sein de la classe politique française était en faveur d'une Europe politique, qui dépasse la seule intégration économique et qui puisse exister sur le plan international. Il a souligné qu'il ne s'agissait pas pour autant d'introduire une distanciation vis-à-vis des Etats-Unis : la relation transatlantique doit être bonne, mais, quand il y a désaccord, l'Europe a le droit et le devoir de l'exprimer. Il faut que l'Europe sorte de son mutisme. Dans un monde qui sera nécessairement multipolaire, l'Europe doit pouvoir jouer un rôle positif, compte tenu en particulier de son expérience et de ses capacités.

Le Président Pavel Svoboda a rejoint l'opinion exprimée par le Président Vladimir Laštůvka en soulignant que le gouvernement de la République tchèque, ainsi que la plupart des parlementaires tchèques, étaient en faveur de la construction d'une union politique de l'Europe. Il s'est dit partisan d'une approche progressive qui, s'inspirant de l'exemple réussi de la mise en place de la monnaie unique, puisse bâtir par étapes une véritable politique étrangère et de sécurité commune. Il a considéré que cette approche - qui n'était pas contraire au maintien nécessaire d'un partenariat avec les Etats-Unis - ne pouvait exclure les pays candidats, et a estimé qu'il était possible de construire une union politique avec l'ensemble des Etats membres, actuels et futurs.

S'agissant du futur référendum, il a indiqué que le gouvernement tchèque avait engagé une campagne publique d'information très importante. Il a noté qu'à l'heure actuelle les sondages indiquaient qu'environ 73 % des Tchèques étaient favorables à l'adhésion alors que 20 % y étaient hostiles. Il a précisé que plus on se rapprochait de la date du référendum, plus le soutien de l'opinion à l'adhésion était net, indiquant que ce soutien n'était que de 40 % il y a deux ans.

M. René André s'est félicité de l'organisation de cette rencontre et de la liberté de ton qui la caractérisait. Il a considéré qu'un renforcement du dialogue entre parlementaires tchèques et français était nécessaire. Il a souligné que s'il était personnellement très favorable à l'élargissement, comme la plupart des parlementaires français, ce n'était pas forcément le cas de la majorité de l'opinion publique française. Il a estimé en particulier que les épisodes récents du choix d'avions américains F-16 par la Pologne, et de la lettre signée par les « huit » à propos de la crise irakienne, avaient été mal reçus par les Français et avaient nourri une position de nature « émotionnelle ». Il a considéré que la réaction du chef de l'Etat aux prises de position des pays candidats à propos de l'affaire irakienne exprimait le sentiment prédominant des Français, tout en soulignant que les propos du Président Jacques Chirac avaient été déformés par une mauvaise traduction anglaise.

Il a rappelé son attachement ancien à la construction d'une Europe politique qui puisse exister en tant que puissance dans le monde. Il a précisé que la voie économique avait été choisie après la guerre, au début de la construction européenne, comme un instrument au service d'un projet politique et, au premier chef, au service de la paix. Il faut que l'Europe puisse avoir dans le monde l'influence qui lui revient de par le poids de son économie et son importance démographique.

M. René André a considéré qu'il ne s'agissait pas de bâtir cette Europe contre les Etats-Unis, rappelant qu'il était élu dans un département qui avait directement connu sur son sol le débarquement des troupes alliées en 1944. Il a affirmé son amitié avec le peuple américain tout en soulignant qu'il ne se reconnaissait nullement dans le néoconservatisme de l'administration américaine actuellement au pouvoir.

Il a souligné que la construction progressive d'une politique étrangère et de sécurité commune devait inclure au premier rang de ses priorités une politique commune dans le domaine de l'industrie des armements. Il a estimé qu'il ne s'agissait pas de substituer une défense européenne à l'OTAN, mais que l'OTAN ne devait pas non plus se substituer à l'action de l'Europe dans ce domaine.

Le Président Pierre Lequiller a demandé que les participants abordent dans leurs échanges les questions institutionnelles. Il a souhaité connaître la position des députés tchèques sur les propositions françaises concernant l'institution d'un ministre européen des affaires étrangères, l'extension du vote à la majorité qualifiée à certains aspects de la politique étrangère et la mise en place d'une présidence plus stable du Conseil.

M. Tomá_ Dub a estimé certaine la victoire du « oui » au référendum à l'adhésion. Il a affirmé que les électeurs de son propre parti, le parti démocratique civique, deuxième force politique au Parlement, soutiendront le vote en faveur de l'entrée dans l'Union européenne. Par ailleurs, ce parti organise au mois de mai une conférence sur l'adhésion.

S'agissant des coopérations renforcées, M. Tomá_ Dub a considéré que les arguments présentés pour les défendre s'appuient sur des éléments plutôt négatifs que positifs. Il a émis le vœu que le conflit irakien soit le plus court possible et n'influe pas sur le processus d'adhésion.

La lettre des « huit » a été signée par M. Vaclav Havel. La position de l'actuel Président de la République tchèque, M. Vaclav Klaus, est plutôt proche de celle du Président Jacques Chirac.

M. Tomá_ Dub a estimé que l'émergence d'une vraie PESD doit être le fruit d'une évolution naturelle, découlant d'une discussion démocratique et ouverte entre Etats membres et pays candidats. Il a affirmé que ce projet ne peut aboutir que s'il se fonde sur un processus qualitatif et non sur une démarche trop rapide.

M. François Guillaume a souhaité faire part de ses interrogations sur l'inflexion à donner à la démarche communautaire dans la perspective de l'élargissement. Il a rappelé le proverbe « qui trop embrasse, mal étreint » pour évoquer ensuite le premier projet d'une Europe de la défense - la Communauté européenne de défense  - qui a échoué. L'Europe s'est donc construite sur une union économique, mais celle-ci résulte d'un long travail de rapprochement entre les Etats membres. Cela a imposé la constitution d'un marché commun, qui repose sur la liberté des échanges et l'existence de politiques structurelles. A l'inverse d'une simple zone de libre-échange comme l'ALENA, un marché commun constitue un ensemble économique solidaire doté d'un budget traduisant cette solidarité.

M. François Guillaume a jugé que vouloir mettre en place une PESD aboutit « à mettre la charrue avant les bœufs ». A ses yeux, on ne peut avancer en matière européenne que pas à pas. En ce qui concerne la relation avec l'OTAN, il a déclaré que les PECO ont érigé leur adhésion à l'Alliance atlantique en priorité et même épousé la cause de l'atlantisme. Dans ces conditions, comment peut-on croire qu'une PESD peut se mettre en place quand l'Europe économique et monétaire n'est pas encore achevée ? Il a qualifié l'affaire irakienne de test révélateur du fait selon lequel si la PESD à quinze est impossible, a fortiori il sera encore plus difficile de la réaliser à vingt-cinq.

Il s'est en revanche déclaré partisan d'une « défense en commun », à distinguer d'une politique étrangère unique ou commune. Cette défense en commun est réalisable à condition de mettre en place les instruments nécessaires, comme une agence de l'armement qui puisse assurer l'interopérabilité des matériels. M. François Guillaume a souhaité connaître la position des députés tchèques sur cette question, ainsi que leur sentiment concernant les négociations en cours à l'OMC. Celles-ci doivent retenir toute l'attention des pays candidats, car elles concernent directement l'avenir du marché commun européen. Il s'agit là d'une question concrète et immédiate, qui doit trouver une réponse rapide. En revanche, s'agissant de la PESD, le choix géopolitique de faire l'élargissement avant l'approfondissement de l'Europe, a conduit l'Union dans l'impasse provoquée par la crise irakienne. M. François Guillaume a exprimé son désaccord sur l'analyse de Mme Elisabeth Guigou concernant la nécessité d'œuvrer rapidement en faveur de la PESD : cette démarche précipitée ne peut aboutir à des résultats probants.

Le Président Pierre Lequiller a observé que les propos qui viennent d'être tenus reflètent la diversité des opinions existant au sein de la même majorité concernant l'avenir de l'Union. Pour sa part, la crise actuelle ne peut que faire progresser la construction européenne.

Le Président Pavel Svoboda a rappelé quelques éléments d'ordre historique pour répondre à certains propos qu'il a qualifiés de « provocants ». La République tchèque a fait le choix de l'OTAN car après l'expérience des occupations nazie et communiste, la République tchèque s'est retrouvée, au lendemain de l'effondrement du bloc soviétique, dans un « vide » inquiétant pour sa sécurité. Or, seule l'OTAN pouvait lui apporter la garantie de sécurité dont elle avait besoin. Personne ne peut obliger la République tchèque à faire un choix entre le lien transatlantique et l'appartenance à l'Union européenne : ces deux piliers sont complémentaires. D'ailleurs, la PESD ne pourra se bâtir qu'en s'appuyant sur ce lien transatlantique. En ce qui concerne les travaux de la Convention, la rotation de la présidence du Conseil à vingt-cinq sera sans doute compliquée, mais la République tchèque ne soutient pas à l'heure actuelle l'idée d'un « Président de l'Europe ». En revanche, elle est favorable à l'élection du Président de la Commission européenne. L'institution d'un ministre unique des affaires étrangères de l'Union ne devrait pas se heurter à l'opposition de la République tchèque, mais il faut s'assurer que cette fonction ne recouvre pas une enveloppe vide.

Le Président Pavel Svoboda a estimé nécessaire un développement par étapes de la PESD. Elle ne devra agir qu'avec l'accord d'une majorité d'Etats membres et non sous l'impulsion de deux à trois pays seulement. Il a incité la France à partager cette conception de la PESD. Sur la mise en place d'une agence de l'armement, cette dernière doit tenir compte des différents intérêts économiques des Etats membres. On ne doit pas oublier que la modernisation de l'outil militaire coûte cher, surtout pour les pays entrants. La rareté des ressources budgétaires a d'ailleurs motivé en partie le choix de la Pologne en faveur des F16.

M. Jacques Floch a déclaré que les différences ne lui semblaient pas aussi tranchées entre les positions de la République tchèque et celles de la France. A cet égard, l'attitude des pays candidats au sein de la Convention sur l'avenir de l'Europe semble significative : tandis que, pour ce qui concerne le développement économique et social, l'adhésion leur paraît souhaitable, sur les questions de défense, ils s'en remettent à l'OTAN et à la protection qu'elle accorde, ce qui s'explique par le fait que l'Europe n'offre aucune garantie similaire. Il faut aussi évoquer des parcours historiques différents, qui ne vont pas sans évolution. Ainsi en France, le débat sur la Communauté européenne de défense a débouché sur un échec du fait de l'opposition des partis communiste et gaulliste en 1954, les uns y voyant une menace pour l'Union soviétique, tandis que les autres s'inquiétaient d'une perte de l'indépendance française. Mais aujourd'hui, au sein de la mouvance gaulliste, des voix s'élèvent pour évoquer l'éventualité d'une Europe de la défense.

Cela comporte des implications pratiques. Hier, le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin a souligné que les relations de la France avec le Royaume-Uni restaient bonnes, en prenant argument de ce que les deux pays construisent en commun un porte-avions. Il faut cependant observer que 20 % de ses composants seront d'origine américaine, et que les Etats-Unis auront ainsi barre sur la construction militaire franco-britannique. Il convient donc de développer une agence de l'armement et une industrie militaire propre à l'Union européenne, de sorte qu'elle puisse, le cas échéant, équiper par elle-même la future armée européenne.

Après s'être félicité que 70 % des Tchèques soient favorables à l'adhésion, M. Jacques Floch a cependant déclaré, paraphrasant Voltaire, que l'opinion est une marâtre dont les sentiments sont volatiles. Ainsi, en France, l'opinion se demande quel retentissement peut avoir l'élargissement sur l'emploi et la politique sociale du pays, car la protection sociale n'est pas partout aussi élevée. Or les réponses institutionnelles, comme l'institution d'une présidence de l'Europe, ne sauraient dissiper les inquiétudes sur le pouvoir d'achat.

A la Convention, les bonnes relations entre délégués tchèques et français prouvent que les positions des deux pays ne sont pas si éloignées. Même s'il s'exprime intuitu personae, chacun arrête sa ligne de conduite à l'issue d'une concertation dans son pays d'origine. Or sur les questions de justice, de sécurité, de législation sociale ou sur le rôle du Parlement européen, les délégués des deux pays défendent des positions semblables. En outre, il apparaît que la République tchèque joue en Europe centrale le rôle d'un chef de file, ce qui semble au reste promettre qu'une approbation tchèque de l'adhésion en entraînera d'autres. En matière de politique étrangère, la France et la République tchèque devraient pouvoir trouver des positions communes. La crise actuelle aura nécessairement une fin et, lorsque la paix sera revenue, il faudra résoudre ensemble le problème palestinien qui hypothèque toute stabilité durable dans la région, mais aussi le problème kurde qui peut avoir un impact direct sur l'immigration en Europe.

Le Président Pierre Lequiller a repris ces propos en observant qu'il comprenait la préoccupation des Tchèques en matière de sécurité. Comme il l'a écrit dans son livre « L'Europe se lève à l'Est », cela s'explique par leur histoire. Il y a aujourd'hui une corrélation totale entre l'absence de politique européenne de sécurité et l'attirance des pays d'Europe centrale pour les Etats-Unis, l'OTAN étant actuellement la seule à offrir la sécurité. Mais, à partir de ce constat, des avancées sont possibles et même indispensables.

M. Libor Rouček a déclaré que le débat mettait en évidence que les deux pays commençaient à mieux se connaître. L'Europe autrefois divisée se réunifie aujourd'hui. Il n'y a pas de division entre une « vieille » et une « jeune » Europe, mais la fin d'une séparation qui a duré quarante ans. Entre les vingt-cinq, voire bientôt les vingt-sept, la compréhension mutuelle doit avancer et se développer, ce qui demande de la patience. L'avenir immédiat paraît incertain : après que les quinze ont longtemps connu une certaine stabilité, des évolutions rapides se font jour. Entrent de nouveaux pays adhérents qui connaissent des histoires et des situations économiques et politiques différentes, ce qui a aussi une portée en matière de sécurité. Ce constat doit exclure l'affrontement : lorsque le dialogue s'engage, les positions ne paraissent pas si éloignées, même sur l'Irak. Au fond, ce qui rassemble les deux pays est plus fort que ce qui les sépare.

Quant à la politique sociale et industrielle commune, les statistiques commerciales le prouvent, 70 % du commerce de la République tchèque se réalise avec l'Union européenne et seulement 2 à 3 % avec les Etats-Unis. Il en va de même de la Pologne, de la Hongrie, de l'Europe orientale d'une manière générale, mais aussi des pays baltes qui commercent d'abord avec les pays scandinaves, tous membres de l'Union européenne à l'exception de la Norvège. En matière de politique industrielle, les intérêts de la République tchèque se situent nettement en Europe, même si elle reçoit aussi des investissements étrangers venus d'ailleurs, notamment du Japon. Cela impose, semble-t-il, de coordonner les politiques fiscales. Si l'Europe repose sur le principe du libre-échange des capitaux et des personnes, il conviendrait aussi de développer un système commun d'assurance sociale. Le gouvernement tchèque, composé de trois partis coalisés, souhaite aller en ce sens, même si des débats ont lieu en son sein. M. Tomá_ Dub a pu ainsi exprimer une opinion différente. Il reste que le parti communiste de Bohême-Moravie est le seul en République tchèque qui se soit prononcé contre l'adhésion.

Même en étant un fédéraliste européen convaincu, il faut être réaliste. S'il paraît possible d'avancer rapidement dans les domaines social, environnemental et monétaire, où la coopération est déjà étroite et profonde, il faudra veiller à ce que la politique étrangère et de sécurité commune, tout en se développant aussi vite que possible, englobe l'ensemble des vingt-cinq Etats membres et non seulement les quinze. Certes, l'Union européenne est un géant économique mais, tant qu'elle n'aura pas développé de politique étrangère et de défense commune, elle fera figure d'un nain à l'extérieur.

Dans la presse internationale, les autorités françaises apparaissent parfois faire porter certaines responsabilités à l'Europe centrale, alors que les bases américaines ne sont pas installées en République tchèque, mais en Allemagne, en Espagne et en Italie. Dans un monde multipolaire, la politique de sécurité devra englober différents pays en s'appuyant sur leur potentiel respectif. Ainsi, la France siège comme membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, elle a des possessions dans le Pacifique Sud, elle dispose de l'arme nucléaire ; avec un potentiel comparable, les Britanniques conservent une influence mondiale à travers le Commonwealth ; l'Espagne exerce également une grande influence linguistique, culturelle et commerciale en Amérique du Sud. Autant d'atouts pour l'Union européenne, qui doit bâtir sur ce potentiel. Au demeurant, l'Est le renforcera encore, les Polonais ayant par exemple de bonnes relations avec les républiques baltes, l'Ukraine ou encore la Russie. Si une politique étrangère commune est vraiment nécessaire, elle ne doit donc pas rester dans les mains de trois ou quatre Etats, puisque c'est l'origine même des divisions actuelles.

Le Président Pierre Lequiller, tout en déclarant approuver les propos de M. Tomá_ Dub, a insisté sur la nécessité de se départir de l'idée fausse - parce qu'elle n'est pas celle de la France - selon laquelle les pays d'Europe centrale et orientale seraient responsables de la division de l'Europe constatée à l'occasion de la crise irakienne. Par ailleurs, il a considéré que cette dernière avait confirmé qu'une défense européenne ne saurait se construire en l'absence de la Grande-Bretagne.

M. Nicolas Dupont-Aignan a souligné la volonté d'adaptation considérable du gouvernement tchèque, ainsi que l'ampleur des réformes intervenues depuis une dizaine d'années, qu'il a pu constater à l'occasion de son déplacement.

Evoquant l'élargissement, il a insisté sur la nécessité de réussir ce processus qui résulte, selon lui, d'un choix collectif et d'éviter qu'il ne soit altéré par des débats qu'il a qualifiés de surréalistes. Il en est ainsi du mythe révélé par la crise irakienne selon lequel une Europe politique pourrait se réaliser immédiatement. Car, l'application de la majorité qualifiée à la politique de défense n'est pas concevable, tandis qu'une PESC ne pourra être envisagée avant un délai de plusieurs années. Dès lors, la question est de savoir si l'élargissement débouche sur un potentiel économique et industriel qui permette à l'Europe de faire contrepoids aux Etats-Unis et non si l'Europe est en mesure de disposer d'une politique étrangère et de défense commune.

M. Nicolas Dupont-Aignan a considéré qu'il existait des domaines dans lesquels la Convention devait imaginer une troisième voie entre la paralysie dont, selon lui, l'Europe élargie souffrira, et le fédéralisme, solution utopique parce qu'inconciliable avec l'existence de grands Etats qu'il sera difficile de contraindre. Il convient donc de promouvoir des coopérations à géométrie variable, sources, selon lui d'une Europe puissance et à défaut desquelles les peuples risqueraient d'être fortement déçus.

Le Président Pierre Lequiller a déclaré nécessaire une réflexion sur la PESC et la PESD à laquelle selon lui les Tchèques devraient être également associés. Il importe que l'Europe réfléchisse à l'opportunité de mettre en œuvre en ces domaines des mécanismes de coopération renforcée dont les principes s'inspireraient de ceux qui ont permis l'instauration de l'euro, afin qu'un tel processus puisse être ouvert à tous les Etats.

Le Président Vladimir Lástůvka, abordant les craintes suscitées par l'élargissement a constaté, qu'en dépit de sondages positifs, certains groupes
socio-professionnels éprouvaient une peur de l'inconnu plus grande selon lui que celle qui existait en France lors de l'élargissement de la Communauté européenne à l'Espagne et à la Grèce.

S'agissant des craintes suscitées par l'évolution des liens transatlantiques, il s'est déclaré surpris des réactions qu'ont pu susciter l'adhésion des pays d'Europe centrale à l'OTAN et le rapprochement de certains d'entre eux avec les Etats-Unis à l'occasion de la crise irakienne. Il a tenu à souligner qu'il ne devait y avoir ni fétichisme ni phobie en la matière, car les liens transatlantiques reposent sur une coopération entre deux partenaires - les Etats-Unis et l'Europe - disposant d'intérêts et de droits identiques sans que l'un puisse dominer l'autre. En tout état de cause, la sécurité ne peut être assurée dans le monde en l'absence des Etats-Unis et de l'Europe. C'est une situation que tous doivent accepter, de même qu'il convient de discuter le fait qu'une politique commune puisse se concilier avec des approches différentes.

En conclusion, il a considéré que l'Europe, contrairement à ce que l'on peut croire, disposait de peu de temps pour élaborer cette PESC, qu'il a qualifiée de question d'actualité. Le monde et l'Europe font face à une configuration nouvelle issue de la chute du mur de Berlin, de la guerre en Yougoslavie et de la crise irakienne. Dès lors, si l'Europe veut être un acteur effectif dans cette nouvelle configuration, il lui faudra se doter des instruments nécessaires. A cet égard, il a déclaré approuver l'idée de coopération renforcée, ouverte à un grand nombre de membres.

M. Edouard Landrain a pu constater au vu de ses différents déplacements en Tchécoslovaquie, que ce pays était devenu communiste à la suite d'un coup d'Etat qu'il a qualifié d'aberration de l'Histoire, et profondément européen depuis la « révolution de velours ».

Soulignant l'importance de la question de la subsidiarité, il s'est enquis de la position des Tchèques quant à cette notion et quant au rythme que doit revêtir leur intégration.

Mme Katerina Konečná a souhaité exposer les raisons pour lesquelles le parti communiste de Bohême-Moravie avait recommandé à ses électeurs de se prononcer contre l'adhésion de la République tchèque à l'Union européenne. Les agriculteurs et de nombreux chefs d'entreprise ont déploré les conditions très strictes imposées à la République tchèque. En second lieu, bien qu'il ne s'agisse pas d'un problème relevant de la responsabilité de l'Union européenne, le gouvernement tchèque n'a pas été en mesure de traiter correctement la question de l'attribution des fonds structurels, en vue de régler les problèmes sociaux. Dans ce contexte, le parti communiste n'ayant pu obtenir des réponses objectives à ces différentes questions, s'est trouvé dans l'impossibilité d'apporter les informations nécessaires à ses électeurs.

Le parti communiste a déploré cette situation alors qu'il est favorable à l'intégration européenne. Il demande seulement que la République tchèque puisse bénéficier des principes d'équité et d'égalité.

M. René André, après avoir souhaité que les Tchèques se départissent de leurs craintes et déclaré que la construction européenne était un acte de foi et de confiance, a rappelé que beaucoup d'agriculteurs français, à l'époque de l'élargissement de la Communauté européenne à l'Espagne et à la Grèce avaient également éprouvé de très fortes craintes, qui, par la suite, sont apparues injustifiées. Aujourd'hui, la majorité d'entre eux est parfaitement consciente des apports bénéfiques de l'Union européenne.

Pour ce qui est des liens transatlantiques, il a considéré qu'ils revêtaient un caractère obsédant à cause du déséquilibre sur lesquels ils reposent. La situation changera le jour où ces liens seront rééquilibrés au travers notamment de l'institution d'une agence européenne de l'armement.

En ce qui concerne la question de la subsidiarité, il a considéré qu'une réflexion sur le rôle de la souveraineté était d'autant plus nécessaire, du fait des contextes historiques propres à la République tchèque et à la France. Il faudra envisager la création d'une deuxième chambre pour rappeler que, dans le cadre de la Constitution européenne, les nations et les Etats doivent continuer à jouer le rôle qui est le leur, tout en se gardant de tomber dans les excès du souverainisme. Evoquant le rôle que devrait jouer la coopération renforcée, il a également estimé qu'elle devait être ouverte à ceux qui se sentent capables d'y prendre part.

Le Président Pierre Lequiller s'est félicité de la qualité du travail accompli au cours de cette rencontre et de la capacité d'écoute mutuelle qu'il a pu constater entre les membres de la Chambre des Députés tchèque et ceux de la Délégation pour l'Union européenne. Notant que cette réunion a été dominée par les thèmes de la PESC et de la PESD - ce qui était inévitable selon lui, compte tenu du contexte actuel -, il a déclaré comprendre les explications données à ce sujet par les députés tchèques. La République tchèque et la France doivent jouer un rôle important à la Convention. Il a estimé que la crise irakienne avait révélé l'émergence d'une conscience européenne au travers des diverses manifestations qui se sont déroulées, lesquelles ne doivent pas être considérées comme des manifestations d'anti-américanisme. Les liens d'amitié existant entre l'Europe et les Etats-Unis ne doivent pas avoir pour effet d'empêcher la poursuite de la construction européenne.

Les Présidents Pavel Svoboda et Vladimir Laštůvka ont remercié les membres de la Délégation pour leur accueil. Le Président Pavel Svoboda a souligné que cette réunion a montré qu'il existe un besoin réel de communication entre nos deux pays. Il a invité le président Pierre Lequiller et les membres de la Délégation à se rendre, à leur tour, en République tchèque pour approfondir ce dialogue.

2) Réunion du mardi 8 avril 2003

La Délégation s'est réunie le mardi 8 avril 2003, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, pour examiner le présent rapport d'information.

Le rapporteur, a indiqué que la mission qui l'a conduit en République tchèque du 11 au 13 mars 2003 lui a permis de rencontrer de nombreux responsables politiques et administratifs tchèques dont, notamment, le président de la commission des affaires étrangères de la Chambre des députés et le président de la commission pour l'intégration européenne du Sénat. Il ressort de cette mission une volonté manifeste des autorités tchèques d'entrer dans l'Union européenne et de remplir les conditions d'adhésion. D'ailleurs, 60 % de la population tchèque y serait également favorable, dans la perspective du référendum d'adhésion des 15 et 16 juin prochains. En outre, le rapporteur a noté la difficulté, souvent, de disposer d'une évaluation précise de la situation, c'est-à-dire d'une appréciation détaillée de la mise en œuvre des mesures réglementaires prises et de leur efficacité concrète. Il a constaté une certaine réticence des autorités tchèques à accepter une tutelle trop étroite de l'Union européenne, ne serait-ce qu'en raison de leur volonté de ne pas retomber, après 40 ans d'autoritarisme soviétique, sous l'emprise d'un nouveau joug contraignant.

Le rapporteur a indiqué que la République tchèque se révélait l'un des pays adhérents les plus aptes à intégrer l'Union européenne, que ce soit du point de vue politique, économique ou juridique.

Dans le domaine politique, il a souligné l'évolution positive qu'a connue le pays. Il a rappelé que la Commission européenne constatait que la République tchèque satisfaisait aux conditions politiques d'adhésion et avait fait des progrès considérables pour renforcer la démocratie et le respect des droits de l'homme. Force est d'ailleurs d'observer que, depuis la « révolution de velours » en 1989, le pays connaît un régime politique stable, rythmé par des élections démocratiques régulières. Parmi les mesures prises au cours des dernières années, on note en particulier deux grandes réformes administratives. En premier lieu, celle de la fonction publique, qui repose sur une loi offrant aux fonctionnaires un statut juridique stable. Deuxièmement, une vaste décentralisation, fondée sur la création de huit régions et deux cent cinq communes à compétences renforcées. Celles-ci se sont vu - et doivent continuer à se voir - transférer de nouvelles compétences de l'Etat (en particulier en matière d'éducation, de culture, d'assistance sociale, de santé, de transports et de développement régional) et bénéficier en conséquence de dotations nouvelles et de recettes fiscales propres. Par ailleurs, la réforme de l'ordre judiciaire s'est poursuivie - avec l'élaboration d'un nouveau code de procédure criminelle et la création de l'Académie de justice notamment - et le pays a accentué sa politique de lutte contre la corruption et le crime économique.

En matière économique, l'état de préparation de la République tchèque répond également aux conditions d'adhésion, comme le montrent les travaux de la Commission. En effet, le pays enregistre l'un des taux de PIB par habitant les plus élevés des pays adhérents et présente de nombreux atouts : sa proximité avec l'Union européenne, des équipements publics de qualité, une qualification professionnelle élevée, une bonne cohésion sociale, un flux d'investissements extérieurs substantiel, un coût de main-d'œuvre compétitif - qui peut, d'ailleurs, être un facteur de délocalisation pour certaines entreprises françaises - et la présence de beaucoup d'entrepreneurs dynamiques. La République tchèque bénéficie également d'un taux de croissance important (3 % en moyenne depuis 2000) et d'un taux d'inflation relativement modéré (3,9 % en 2002).

S'agissant des aspects juridiques, le pays s'est, pour l'essentiel, conformé - ou est sur le point de le faire - à l'acquis communautaire. Et ce, même si sa réglementation doit évoluer sur certains points ponctuels (comme le régime de la TVA et des droits d'accises ou la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles) ou dans certains domaines (tels que la liberté de circulation des personnes ou la liberté d'installation). Il a poursuivi ses réformes dans la plupart des domaines, notamment les services financiers, la législation phytosanitaire, les transports routiers, la politique sociale, l'environnement ainsi que la justice et les affaires intérieures.

Malgré ce bilan d'ensemble positif, le pays reste cependant confronté à plusieurs défis majeurs, d'ordre politique ou économique.

D'abord, la reconstruction de l'Etat et la réussite de la décentralisation. La République tchèque doit, comme la plupart des pays adhérents, faire face à un problème de capacités administratives, et ce en dépit des efforts considérables qu'elle a déjà consentis. Il en est ainsi notamment dans le domaine de l'agriculture, de l'environnement, de la politique régionale, du contrôle financier et de la justice et des affaires intérieures. Le passage, en à peine treize ans, d'un régime autoritaire à une démocratie à économie de marché et la mise en conformité de la réglementation nationale avec la loi communautaire exigent des moyens administratifs importants, que le pays n'est pas toujours en mesure de fournir. Il s'agit tout autant d'un problème quantitatif (touchant à la fois le nombre des agents publics et celui des moyens d'équipement) que d'un problème qualitatif : la difficulté à disposer d'effectifs formés et de qualité, en particulier dans les secteurs réglementaires nouveaux. Le faible niveau des rémunérations des fonctionnaires, en limitant l'attractivité de la fonction publique, explique pour une large part cet état de fait.

En outre, le gouvernement ne dispose pas de véritable pouvoir réglementaire autonome, ce qui se traduit par le rallongement du processus de décision et la complexité des lois. Enfin, la décentralisation soulève encore plusieurs incertitudes, tenant notamment aux compétences futures respectives de l'Etat, des régions, des districts, des communes à compétences renforcées et des communes, ainsi qu'à leurs ressources financières et au fonctionnement du contrôle de légalité et du contrôle financier des collectivités locales.

Le deuxième défi concerne le fonctionnement de la justice, qui souffre également d'un manque de moyens quantitatif et qualitatif. De plus, le mode de promotion des magistrats est critiqué par certains, qui le jugent trop corporatiste et insuffisamment fondé sur des critères objectifs et transparents de qualité et d'efficacité. Des cas de corruption de magistrats ont également été signalés, en particulier dans le domaine de la justice financière et commerciale. On déplore aussi des délais excessifs de jugement (la moyenne allant de un à deux ans selon les tribunaux), largement liés au caractère complexe et coûteux des procédures judiciaires, qu'il est envisagé de simplifier. De même, la loi sur les faillites est jugée lacunaire par beaucoup, n'assurant pas suffisamment de garanties aux différentes parties intéressées et freinant l'activité économique.

Le troisième défi réside dans la lutte contre la corruption, qui, bien que souvent difficile à prouver et à quantifier, a été attestée par la plupart des interlocuteurs. La réglementation des marchés publics, qui n'est pas encore totalement mise en conformité, peut donner lieu à des versements occultes. Quant aux dispositions prises pour lutter contre le blanchiment des capitaux et la criminalité organisée, leur mise en œuvre est jugée encore insuffisante.

Quatrième défi : la sécurité sanitaire. Même si la réglementation tchèque est très avancée en la matière, la Commission observe des lacunes dans la législation vétérinaire. Corollairement, peu d'entreprises agro-alimentaires seraient aujourd'hui en conformité avec les exigences communautaires (vingt neuf seulement pour la production de lait et vingt neuf également pour la production de viande). La République tchèque a d'ailleurs obtenu une période transitoire jusqu'au 31 décembre 2006 pour permettre à cinquante six établissements de transformation de produits animaux de s'aligner sur la réglementation vétérinaire communautaire. Cela étant, aucune grave maladie n'aurait été à ce jour constatée.

La protection de l'environnement fait l'objet d'un autre défi. En effet, la mise en œuvre des normes dans le domaine de la qualité de l'eau, des déchets, de la protection de la nature ou de la pollution industrielle doit être achevée.

Enfin, le pays va devoir remédier à certaines fragilités économiques. En premier lieu, un niveau de déficit budgétaire élevé (9 % du PIB en 2002). D'autre part, une forte dépendance vis-à-vis de l'extérieur, comme le montre, par exemple, la cession des trois principales banques du pays à des sociétés étrangères.

Le rapporteur a estimé, en conclusion, que le dynamisme manifesté par la République tchèque pour se réformer devrait lui permettre d'apporter une réponse satisfaisante à ces défis. Il y a lieu, dans ces conditions, de soutenir son entrée dans l'Union européenne.

Cela étant, si, de manière plus générale, l'élargissement constitue à la fois un devoir moral et une chance, son succès est conditionné, au-delà de la satisfaction des conditions d'adhésion, par la réussite de la réforme des institutions communautaires. Enfin, il est souhaitable que la France saisisse cet événement historique pour renforcer ses liens avec les pays d'Europe centrale et orientale, où l'Allemagne, les Etats-Unis et le Royaume-Uni sont souvent plus présents et mieux organisés. Ce serait particulièrement justifié avec la République tchèque, avec laquelle notre pays entretient des relations d'amitié traditionnelles.

M. Marc Laffineur a demandé si les prélèvements obligatoires étaient élevés. Il a souligné, par ailleurs, que les industriels français étaient non seulement présents dans ce pays, mais également performants.

Le rapporteur a répondu que les dépenses publiques étaient importantes et le niveau des prélèvements obligatoires relativement élevé. Il a précisé que le manque d'Etat concernait moins le niveau des dépenses que les prérogatives régaliennes et le défaut de règles et de structures administratives adéquates. Il a ajouté que la bonne présence économique française actuelle résultait d'un investissement relativement récent. Il a observé, à cet égard, que le développement du tissu industriel tchèque était tributaire de l'action des investisseurs et des banques et qu'il présentait pour les chambres de commerce françaises des perspectives particulièrement intéressantes.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la Délégation a donné un avis favorable à l'adhésion de la République tchèque à l'Union européenne.

ANNEXES

Annexe 1 :
Carte de la République tchèque

Annexe 2 :
Liste des personnes entendues par le rapporteur

- M. Gilles Berouard, directeur général de l'EURO RSCG New Europe (conseiller commerce extérieur) ;

- M. Guillaume Bertier, directeur général de l'ACCOR Services CR (conseiller commerce extérieur) ;

- M. Boffi, attaché de sécurité intérieure, ambassade de France à Prague ;

- M. Pierre Calzat, sous-préfet, conseiller pré-adhésion au Ministère de l'intérieur tchèque ;

- M. Camrda, vice-ministre de la justice tchèque chargé des questions européennes ;

- M. Pavel Cernoch, universitaire, responsable des affaires internationale à l'Université Charles à Prague ;

- M. Adam Cerny, journaliste (Hospodarske noviny) ;

- M. Ramiro Cibrian, chef de la Délégation de la Commission européenne à Prague ;

- M. Dominique Clauet, directeur exécutif du Carrefour ;

- Mme Constant, attachée de coopération technique, ambassade de France à Prague ;

- Mme Florence Dobelle, conseiller économique et commercial, ambassade de France à Prague ;

- M. Ivan Dubsky, directeur général de l'entreprise aéronautique Latov à Prague (filiale de Latécoère) ;

- M. Alexis Dutertre, rédacteur à la sous-direction des relations extérieures de la Communauté, direction de la coopération européenne, Ministère des affaires étrangères ;

- M. Jan Eichler, chercheur à l'Institut des relations internationales de Prague ;

- M. Jean-Louis Falcony, sous-directeur des relations extérieures de la Communauté, direction de la coopération européenne, Ministère des affaires étrangères ;

- Mme Delphine Goepp-L'aot, rédactrice à la sous-direction de l'Europe centrale, direction de la coopération européenne, Ministère des affaires étrangères ;

- M. Jean-Luc Goester, conseiller culturel à Prague ;

- M. Hajny, directeur pour l'intégration européenne, Ministère de l'intérieur tchèque ;

- M. Jean-Pierre Hottinger, directeur de la société Vins de France/Belvedère (conseiller commerce extérieur) ;

- M. Gérard Hue, directeur de la Société CNIM Babcock (conseiller commerce extérieur) ;

- M. Nicolas Iung, conseiller commercial, ambassade de France à Prague ;

- M. Jarab, président de la commission pour l'intégration européenne du Sénat tchèque ;

- Mme Sylvie Jego, conseillère pré-adhésion, Ministère de l'environnement tchèque ;

- M. Alexis Juan, président du directoire et président directeur de la Komercni Banka ;

- M. Petr Kolar, journaliste (Radio Vltava) ;

- M. Laurent Laborie, représentant permanent de Latécoère à Prague ;

- M. Lastuvka, président de la commission des affaires étrangères à la Chambre des députés tchèque ;

- M. Charles Malinas, premier conseiller, ambassade de France à Prague ;

- M. Jiri Marek, directeur du département de la modernisation de l'administration publique, Ministère de l'intérieur tchèque ;

- M. Alain Massuard, conservateur de la médiathèque de l'Institut français de Prague ;

- M. Olivier Maurice, représentant permanent de Latécoère à Prague ;

- M. Didier Montagne, directeur de l'Institut français de Prague ;

- M. Marketa Pankova, chef de l'unité des relations internationales au département de la modernisation de l'administration publique du Ministère de l'intérieur tchèque ;

- M. Silvano Pedretti, directeur de la société ORCO Property Group (conseiller commerce extérieur) ;

- M. Postranecky, vice-ministre chargé de la réforme de l'administration publique au Ministère de l'intérieur tchèque ;

- M. Philippe Ray, premier secrétaire, ambassade de France à Prague ;

- M. Henri Raynaud, sous-directeur de l'Europe centrale, direction de la coopération européenne, Ministère des affaires étrangères ;

- M. Libor Roucek, vice-président de la commission pour l'intégration européenne de la Chambre des députés tchèque ;

- M. Jean-François Salzman, directeur de la société MAZARS & GUERARD (Conseiller commerce extérieur) ;

- M. Slanec, directeur-adjoint du département de l'hygiène, de la protection de la santé et de l'écologie au Ministère de l'agriculture tchèque ;

- Mlle Hélène Strag, stagiaire de l'ENA ;

- M. Henri Sylvestre, directeur général de la société ONDEO Services (conseiller commerce extérieur) ;

- M. Petr Uhl, journaliste (Pravo) ;

- M. François Veit, avocat au cabinet Gide-Loyrette-Nouel (conseiller commerce extérieur) ;

- M. Pierre de Vernon, directeur de la société PRIBINA Prague (conseiller commerce extérieur) ;

- Mme Vibert, attachée commerciale en charge de l'agriculture, ambassade de France à Prague ;

- M. VLK, vice-président de la Chambre d'agriculture tchèque ;

- M. Joël de Zorzi, ambassadeur de France à Prague.

1 () Rapport régulier 2002 sur les progrès réalisés par la République tchèque sur le voie de l'adhésion, 9/10/2002, SEC (2002) 1402 final.

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