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N° 782

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 avril 2003

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur l'adhésion de l'Estonie à l'Union européenne,

ET PRÉSENTÉ

par M. André SCHNEIDER,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Union européenne.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; M. François Guillaume, M. Jean-Claude Lefort secrétaires ; MM. Alfred Almont, Bernard Bosson, Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Jean-Claude Lefort, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. UNE DEMOCRATIE PARLEMENTAIRE STABILISEE 7

II. UNE MINORITE RUSSE DE MIEUX EN MIEUX INTEGREE 9

III. LE PASSAGE D'UNE ECONOMIE CENTRALISEE A UNE ECONOMIE DE MARCHE PERFORMANTE 11

IV. UN NIVEAU ELEVE D'ALIGNEMENT SUR L'ACQUIS COMMUNAUTAIRE 13

V. UN INTERET CROISSANT POUR L'ADHESION 17

CONCLUSION 19

TRAVAUX DE LA DELEGATION 21

ANNEXES 25

Annexe 1 : Carte de l'Estonie 27

Annexe 2 : Liste des entretiens du rapporteur 29

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'Estonie, située au nord des Pays baltes, apparaît comme une vaste plaine parsemée de lacs, qui émerge sur la Baltique et se prolonge de plus de 1 500 îles, dont les deux principales sont, à l'ouest, Saaremaa et Hiiumaa.

Du 13ème au 17ème siècle, l'Estonie fut une région prospère de commerce et d'échanges, comme en témoignent de nombreux vestiges architecturaux. Tallinn faisait partie des villes hanséatiques, ces villes libres, organisées démocratiquement, qui se sont alliées pour développer le commerce entre la Baltique et la Mer du Nord.

Puis l'Estonie passa sous tutelle suédoise. Pierre le Grand l'occupa et l'acquit à la paix de Nystadt en 1721. Indépendante en 1918, l'Estonie est réoccupée par les Russes après le pacte germano-soviétique, et annexée de force par l'URSS, avec les autres républiques baltes, en 1944. L'Estonie n'a retrouvé son indépendance qu'en 1991, après d'immenses souffrances.

On ne doit donc pas s'étonner que l'Estonie soit si impatiente d'intégrer l'OTAN, gage de sécurité et de protection face à son puissant voisin.

Mais l'Estonie est aussi, depuis toujours, un pays européen. C'est d'ailleurs le seul des pays baltes à faire partie du premier groupe de pays candidats avec lesquels, sur décision du Conseil européen de Luxembourg (en décembre 1997), des négociations d'adhésion ont été ouvertes dès le 31 mars 1998. L'Estonie est apparue, dès le début de ces négociations, comme un candidat sérieux et déterminé.

Les nombreuses discussions du rapporteur avec ses interlocuteurs estoniens, et notamment un long entretien avec le Président Arnold Ruutel, ont confirmé la capacité de l'Estonie à intégrer l'Union dès 2004.

I. UNE DEMOCRATIE PARLEMENTAIRE STABILISEE

La Constitution de 1992 a institué une véritable démocratie parlementaire. Le Parlement monocaméral, le Riigikogu compte 101 membres, élus pour quatre ans à la représentation proportionnelle selon une loi électorale très complexe. Ses pouvoirs sont très étendus : il adopte les lois, décide de l'organisation des référendums, élit le Président de la République, investit le gouvernement, peut voter la défiance au gouvernement, ou à un ministre en particulier.

Les élections de 1999 avaient donné la victoire au Parti du Centre de M. Savisaar. Mais trois autres partis se sont alliés et ont formé une coalition (Parti de la Réforme de M. Kallas, Pro Patria de M. Laar, Modérés de M. Ilves). Cette coalition gouvernementale a éclaté en janvier 2002 et M. Siim Kallas a constitué un gouvernement de coalition entre le Parti du Centre et le Parti de la Réforme. Le gouvernement de M. Kallas a poursuivi la libéralisation de l'économie, tout en mettant davantage l'accent sur les questions sociales (santé publique, sécurité sociale, réforme des retraites).

Les récentes élections législatives, qui se sont déroulées le 2 mars 2003, ont consacré la victoire de deux partis, le parti du Centre de M. Savisaar, et le parti des « nouveaux venus » Res publica de M. Parts, qui ont obtenu chacun 28 sièges. Ce dernier a séduit les déçus du système ultralibéral, notamment dans les classes moyennes, et fait campagne contre la corruption. Pro patria et les Modérés sont en recul. Les partis russophones ont presque disparu, ce qui semble être le signe d'une bonne intégration de la minorité russophone.

Toutefois, malgré le succès du nouveau parti Res publica, il n'est pas encore certain qu'il s'intègre à la nouvelle coalition en cours de formation.

Le Président de la République est élu par le Parlement à la majorité des deux-tiers, pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois. Il a compétence en matière de relations internationales et de défense, mais ses pouvoirs semblent assez limités.

M. Arnold Ruutel, ancien chef du praesidium de l'Estonie soviétique, qui avait conduit le retour du pays à l'indépendance, a été élu le 21 septembre 2001 à l'issue d'une élection très longue. Trois tours de scrutin n'ayant pas permis de lui accorder les deux tiers des votes du Parlement, c'est un collège électoral élargi aux élus locaux qui a fini par désigner le Président. Ancien ingénieur agronome, M. Arnold Ruutel est d'ailleurs un fervent défenseur des revendications du monde rural dans le cadre des négociations d'adhésion, et un partisan du renforcement de la décentralisation. Très populaire dans son pays, il a pris ses distances avec le gouvernement et s'est prononcé très clairement contre la guerre en Irak. Très attaché à la qualité des relations entre l'Estonie et la France, il serait d'ailleurs très heureux d'être reçu par le Président Jacques Chirac, qu'il n'a pas encore rencontré.

En tout état de cause, et dans l'attente de la formation du nouveau gouvernement, il apparaît très clairement que le Président Ruutel, comme l'ensemble des formations politiques représentées au Parlement, sont globalement favorables à l'entrée du pays dans l'Union européenne et dans l'OTAN.

II. UNE MINORITE RUSSE DE MIEUX EN MIEUX INTEGREE

L'Estonie est la moins peuplée des trois Républiques baltes. Elle compte 1,4 million d'habitants, dont 62 % sont Estoniens, 29 % Russes (soit 400 000 personnes), 3 % Ukrainiens, et 1,8 % Biélorusses. Le pays, très proche de la Suède et de la Finlande, est d'ailleurs plus nordique que véritablement balte, l'estonien appartenant à la même famille de langues que le finnois.

Juste après l'indépendance de 1991, une nouvelle loi a permis à toutes les personnes qui résidaient en Estonie avant 1940 et à leurs descendants de se voir attribuer automatiquement la nationalité estonienne. Un permis de séjour de trois ans est octroyé aux autres citoyens, contraints de passer un examen linguistique et de faire allégeance à la République d'Estonie s'ils souhaitent obtenir la nationalité estonienne. En juin 1993, les relations entre Estoniens et Russes se sont dégradées à la suite de l'adoption d'une loi obligeant les personnes ne bénéficiant pas de la nationalité estonienne de choisir entre l'acquisition de cette dernière ou la décision de rester étranger dans le pays où ils résident. Cette loi sur l'acquisition de la nationalité entrée en vigueur le 25 février 1992 prévoyait une période de résidence de trois ans assortie d'un test de langue estonienne et d'une déclaration d'allégeance.

En 1995, le Riigikogu a adopté une nouvelle loi sur la citoyenneté, plus exigeante que la précédente pour les étrangers souhaitant devenir Estoniens. Pour se voir délivrer la nationalité, les étrangers doivent avoir vécu en Estonie au moins les cinq années précédant leur demande et une année supplémentaire après celle-ci. Ils doivent également connaître la Constitution et la loi sur la citoyenneté, percevoir un revenu légal et suffisant pour subvenir à leurs besoins et à ceux des personnes à leur charge et enfin prêter serment d'allégeance en déclarant : « Je jure fidélité au système constitutionnel de l'Estonie ». Mais, l'exigence la plus contraignante pour les étrangers reste linguistique. La nouvelle loi a maintenu l'examen d'aptitude à l'estonien obligatoire pour toute personne désireuse d'acquérir la nationalité.

La République balte a en effet pris des mesures draconiennes pour protéger sa langue et sa culture asservies durant des dizaines d'années au joug soviétique. La connaissance de l'estonien a ainsi été rendue obligatoire pour accéder à certaines fonctions. Nombre d'étrangers considèrent que la loi sur la citoyenneté est un obstacle à la naturalisation, les conditions exigées étant trop sévères, les cours de langue trop onéreux et les professeurs trop peu nombreux.

L'Union européenne a beaucoup fait pour que les critères linguistiques requis pour la naturalisation des étrangers ou pour l'accès de ceux-ci à certaines fonctions soient assouplis. A la fin 2001, le Riigikogu a ainsi levé l'obligation pour les candidats aux élections locales et législatives de parler couramment l'estonien.

Aujourd'hui, 170 000 personnes ayant perdu la nationalité russe mais n'étant pas considérées comme citoyens estoniens (et donc apatrides) vivent en Estonie. Ce nombre est toutefois en diminution plus rapide qu'en Lettonie du fait des naturalisations, des décès et des départs, et la disparition des partis politiques russophones montre que les Russes naturalisés s'intègrent rapidement dans la société estonienne. Les non citoyens ont d'ailleurs le droit de vote aux élections locales, ce qui serait inconcevable en Lettonie.

Enfin, la reconnaissance récente par le ministre de l'intérieur estonien de l'église orthodoxe russe, placée sur l'autorité du patriarche de Moscou, a mis fin à une tension avec la Russie qui réclamait la reconnaissance de ses 10 000 fidèles.

III. LE PASSAGE D'UNE ECONOMIE CENTRALISEE A UNE ECONOMIE DE MARCHE PERFORMANTE

Après une croissance exceptionnelle de 6,9 % en 2000, la progression du PIB estonien a été de 5,4 % en 2001 et de 5,6 % en 2002, grâce au dynamisme de la demande interne et des investissements.

L'anticipation d'une reprise des économies européennes notamment nordiques, au second semestre 2003, permet aux autorités estoniennes de prévoir une croissance de 5 % cette année.

Si les indicateurs internes sont positifs (baisse de l'inflation à 3,6 % et du chômage à 11,2 %, excédent budgétaire de 1,1 % du PIB), la forte aggravation des déséquilibres extérieurs est un point qui mérite une surveillance particulière : déficit de la balance courante de 11-12 % du PIB en 2002, contre 6,1 % en 2001. La Banque d'Estonie reste également vigilante sur l'explosion des crédits bancaires, notamment la forte progression des prêts immobiliers aux ménages, susceptible de fragiliser un secteur bancaire réputé fiable et solide.

Disposant d'une monnaie stable (parité fixe avec l'euro sous un système de caisse d'émission) et de bonnes notations des agences financières internationales, l'Estonie doit toutefois poursuivre ses réformes sociales, régler les problèmes du secteur énergétique et pérenniser le financement de son déficit courant.

Les relations commerciales avec la France demeurent modestes, malgré une progression rapide.

La croissance de nos échanges a été très forte en 2000 (+ 50 %) et en 2001 (+ 30 %), mais elle s'est ralentie en 2002 (+ 4,3 % seulement), en raison de la chute de nos importations en provenance d'Estonie (- 27 %), alors que nos exportations poursuivent leur développement sur un rythme élevé (+ 30 %).

Malgré la progression de nos ventes (164 M€) et de notre part de marché qui s'élève à 2,6 % (+ 0,2 point), la France rétrograde de la 11ème à la 12ème place au sein des fournisseurs de l'Estonie, du fait d'une plus forte croissance des ventes de la Pologne et des Etats-Unis. Cette position nous place devant le Royaume-Uni et le Danemark.

Après une hausse de 56 % en 2000 et de 22 % en 2001, nos importations en provenance d'Estonie ont chuté de 27 % pour atteindre 77 M€ en 2002. Ce résultat est totalement imputable à la forte baisse de nos achats de pétrole brut et de produits pétroliers raffinés en provenance de Russie qui représentent 11 % du total de nos achats en Estonie en 2002, contre 45 % en 2001.

Au total, notre excédent commercial avec l'Estonie est passé de 19 M€ en 2001 à 87 M€ en 2002. Le taux de couverture de nos échanges s'élève à 213 % contre 118 % en 2001.

Au plan sectoriel, nos exportations sont dominées par le secteur automobile, qui représente plus d'un tiers du total. Peugeot a une position dominante sur le marché estonien, avec 15 % de part de marché. Le reste de nos exportations est constitué de biens intermédiaires (25 %), de biens d'équipement (13 %) et de biens de consommation (12 %). Une augmentation sensible de nos exportations est également observée sur les produits alimentaires, notamment due à nos ventes de sucre et de boissons alcoolisées.

Les principaux investisseurs étrangers en Estonie sont la Suède et la Finlande, qui totalisent 70 % des investissements directs dans ce pays. Au 30 septembre 2002, la France est le 17ème investisseur étranger en Estonie avec un stock de 21,3 M€, soit 0,5 % du total des investissements directs étrangers. Notre position est encore très insuffisante, mais en rapide progression : la France occupait la 34ème place fin 1998 avec un stock de 1,5 M€. Cependant, les chiffres ne tiennent pas compte des investissements effectués par les groupes français au travers de leurs filiales nordiques (à titre d'exemple, les investissements réalisés par Saint-Gobain en Estonie au travers de ses filiales nordiques sont estimés à 50 M€ sur dix ans).

L'ouverture, le 1er avril 2003, par Estonian Air d'une liaison aérienne directe entre Tallinn et Paris, inaugurée par la ministre, Mme Noëlle Lenoir, accompagnée du rapporteur, devrait également contribuer au renforcement des échanges et des investissements entre la France et l'Estonie.

IV. UN NIVEAU ELEVE D'ALIGNEMENT SUR L'ACQUIS COMMUNAUTAIRE

La mise en place du programme de réforme de l'administration publique s'est poursuivie à un bon rythme. Le fonctionnement du service public estonien et ses procédures administratives demeurent satisfaisants. Il convient cependant de continuer à améliorer la transparence dans les questions de personnel et la coordination entre les différents organes. Il ne faut d'ailleurs jamais oublier que l'Estonie a été intégrée pendant un demi-siècle au bloc soviétique et qu'elle a dû construire en un temps record une administration nationale, forger ses propres instruments et mettre au point ses méthodes.

Les Estoniens reconnaissent avoir beaucoup d'efforts à fournir pour moderniser leurs collectivités territoriales qui souffrent de l'absence de cadres locaux bien formés et de l'insuffisance de leurs ressources fiscales.

La modernisation du système judiciaire a bien progressé. L'indépendance et la gestion de l'appareil judiciaire ont été renforcées. La formation des juges a continué de s'améliorer. L'Estonie doit toutefois s'efforcer de pourvoir les nombreux postes vacants de magistrats et continuer à renforcer l'efficacité du traitement des affaires, tout en améliorant la qualité et l'exécution des décisions des tribunaux.

L'Estonie a progressé d'année en année sur le plan du développement des capacités administratives nécessaires pour mettre en œuvre l'acquis et le faire respecter efficacement. La plupart des institutions requises sont en place, mais, dans certains secteurs, de nouveaux efforts sont nécessaires pour renforcer les capacités.

S'agissant du marché intérieur, des progrès ont été réalisés en ce qui concerne la libre circulation des marchandises. Il convient cependant d'améliorer le système de surveillance du marché et notamment la sécurité alimentaire. Pour ce qui est de la libre circulation des personnes, l'alignement de la législation s'est poursuivi dans le domaine de la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, des droits de citoyens et de la libre circulation des travailleurs ; il est néanmoins nécessaire de veiller à ce que la formation des membres des professions libérales soit mise en conformité totale avec les normes communautaires. En ce qui concerne la libre prestation de services, la libre circulation des capitaux, le droit des sociétés, la concurrence, et la protection des consommateurs et de la santé, domaines dans lesquels les préparatifs sont relativement avancés, l'alignement sur l'acquis s'est poursuivi. L'attention doit continuer d'être portée au développement plus poussé des capacités de l'Office des marchés publics et de la Cellule de renseignements financiers (anti-blanchiment). Il importe également de veiller à l'application efficace de l'acquis en matière de concurrence et d'améliorer la capacité de faire respecter la législation dans le domaine de la contrefaçon.

Sur le plan de l'agriculture, les préparatifs en vue de l'application de la politique agricole commune se sont poursuivis et l'alignement a progressé dans les secteurs vétérinaire et phytosanitaire. Une nouvelle Fondation pour le développement rural a été instituée. Les travaux doivent se poursuivre en ce qui concerne le renforcement des capacités du ministère de l'agriculture en vue de l'instauration des mécanismes de la PAC, dont le système intégré de gestion et de contrôle ; il convient également de continuer à développer les capacités dans le domaine vétérinaire, à renforcer l'Inspection phytosanitaire et les contrôles aux frontières et à veiller au respect des normes de qualité pour les produits alimentaires. L'Estonie continue de demander que soit raccourcie la période d'introduction progressive des aides directes aux agriculteurs et que soit accru le quota laitier.

Pour ce qui est de la pêche, le rythme des progrès a été lent, en dépit de certaines avancées dans le domaine de la gestion des ressources, des inspections et des contrôles. Des améliorations urgentes s'imposent : il convient, en particulier, de poursuivre la mise en place du système d'information sur la pêche, de développer les politiques structurelles et de marché.

Il est nécessaire d'achever l'alignement dans le secteur ferroviaire, d'appliquer l'acquis social dans le secteur routier et d'améliorer la sécurité maritime, d'autant plus que les exigences de l'Union européenne se sont accrues à la suite de la catastrophe du « Prestige ». S'agissant de l'énergie, des progrès ont été accomplis pour ce qui est de la suppression des distorsions tarifaires ainsi que de la sûreté nucléaire. L'Estonie doit développer les sources d'énergie renouvelables.

Sur le plan de la politique industrielle, l'Estonie doit achever le processus de restructuration dans le secteur du schiste bitumineux, l'une des seules ressources naturelles du pays.

L'Estonie a accompli quelques progrès dans l'alignement de la législation relative à la santé et à la sécurité du travail. Le dialogue social doit être développé.

La préparation aux fonds structurels a progressé régulièrement. Il demeure cependant nécessaire d'améliorer fortement les capacités des autorités désignées en vue de la programmation et de la mise en œuvre de la politique régionale communautaire après l'adhésion, notamment dans le domaine des contrôles financiers. N'oublions pas que l'Estonie devra être capable d'absorber un solde budgétaire net évalué à 123 millions d'euros en 2004, 175 millions d'euros en 2005 et 196 millions d'euros en 2006.

L'Estonie doit continuer à améliorer l'exécution de la législation en matière d'environnement, en faisant porter ses efforts sur les déchets et la qualité de l'air et de l'eau.

En tant que future frontière extérieure de l'Union, l'Estonie a réalisé de nouveaux progrès en matière de justice et affaires intérieures. Un registre des visas en ligne et un système électronique d'enregistrement des crimes ont été mis en place. Il convient d'achever l'alignement législatif dans les domaines des migrations, de l'asile, du blanchiment des capitaux et de la lutte contre la criminalité organisée.

La fiscalité est l'un des secteurs les plus sensibles. La forte spécificité du système fiscal estonien sera préservée, au même titre que l'exonération de la taxe sur les investissements. L'alignement de la législation relative à la TVA a progressé. L'Estonie doit renforcer les capacités de l'administration fiscale, réorganiser ses services douaniers, et mettre en œuvre, dès l'adhésion, des procédures douanières concernant la perception des droits de douane.

Ainsi, tous les problèmes qui étaient graves hier ont été résolus ou réduits à un niveau qui les empêche de devenir des obstacles à l'adhésion. On ne peut donc qu'espérer que le nouveau gouvernement poursuivra la politique engagée et que le référendum du 14 septembre 2003 démontrera clairement que l'opinion publique accepte l'adhésion de l'Estonie.

V. UN INTERET CROISSANT POUR L'ADHESION

Les demandes que les Estoniens font aux centres d'information de l'Union européenne se font plus précises. Les questions, souvent très pointues, émanent le plus souvent d'étudiants ou d'hommes d'affaires. Toutefois, les retraités se montrent de plus en plus intéressés.

Les centres d'information mènent en outre de vastes campagnes dans la perspective du référendum du 14 septembre, avec des journées d'information, des participations à des débats, des expositions, et aussi un jeu-concours dans les écoles. Les entreprises demandent qu'on les aide à trouver des partenaires dans l'Union et qu'on les aiguille dans le flot d'informations sur les programmes et l'acquis communautaire.

Selon toutes les enquêtes, les Estoniens entendent avant tout veiller à préserver l'identité estonienne après l'adhésion. Ils veulent que leur pays bénéficie des avantages financiers de l'adhésion sans que celui-ci renonce à son autonomie de décision.

58 % des Estoniens sont aujourd'hui favorables à l'adhésion, 36 % y sont hostiles et 6 % sans opinion, ce qui confirme une haute diminution du nombre des eurosceptiques.

Par ailleurs, l'introduction de l'euro fiduciaire en janvier 2002 a suscité une réaction d'autant plus positive que le pays vit déjà au rythme de la monnaie européenne, la couronne disposant d'une parité fixe avec l'Euro.

Tallinn en attend une simplification des transactions commerciales et espère être l'un des premiers pays candidats à rejoindre l'Union économique et monétaire.

CONCLUSION

Avec ses voisins, l'Estonie est aujourd'hui disposée à jouer dans l'Union européenne un rôle très constructif. L'entrée de l'Estonie dans l'Union est une chance pour elle-même, mais c'est aussi une chance pour l'Europe.

Elle termine la continuité territoriale européenne au nord de la Baltique et aux frontières de la Russie. Mais surtout, elle nous apporte la jeunesse, la force et le dynamisme d'un peuple d'Europe fier de ses racines et capable, désormais, de se passionner pour le projet européen. Sachons l'accueillir avec enthousiasme.

{texte de la conclusion...}

TRAVAUX DE LA DELEGATION

La Délégation s'est réunie le mercredi 9 avril 2003, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d'information.

Le rapporteur a rappelé que l'Estonie, située au nord des pays baltes, est une vaste plaine parsemée de lacs, prolongée de plus de 1 500 îles. Comme les autres Républiques baltes, l'Estonie n'a retrouvé son indépendance qu'en 1991 après d'immenses souffrances. Les nombreuses discussions qu'il a eues avec ses interlocuteurs estoniens, et notamment son long entretien avec le Président Arnold Ruutel, lui ont confirmé la capacité de l'Estonie à intégrer l'Union dès 2004.

La Constitution de 1992 a institué une véritable démocratie parlementaire. A l'occasion des récentes élections législatives, un nouveau parti « Res publica » a obtenu 28 des 101 sièges du Parlement monocaméral. La coalition gouvernementale n'était toutefois pas définitivement constituée lors de la mission effectuée les 25 et 26 mars 2003. Les partis russophones ont presque totalement disparu, ce qui semble être le signe d'une bonne intégration de la minorité russophone.

L'Estonie compte en effet 29 % de Russes, sur 1,4 million d'habitants. En 1995, le Parlement a adopté une nouvelle loi sur la citoyenneté, très exigeante pour les étrangers souhaitant devenir estoniens, notamment sur le plan linguistique. Pourtant le nombre des non-citoyens est en diminution rapide. Ils ont d'ailleurs le droit de vote aux élections locales, ce qui serait inconcevable en Lettonie.

L'Estonie est passée en 10 ans d'une économie centralisée à une économie de marché performante avec un taux de croissance annuel de plus de 5 %. Si les indicateurs internes sont positifs (baisse de l'inflation et du chômage, et excédent budgétaire), la forte aggravation des déséquilibres extérieurs est un point qui mérite une surveillance particulière.

L'ouverture, le 1er avril 2003, par Estonian Air, d'une liaison aérienne directe entre Tallinn et Paris devrait contribuer au renforcement des échanges et des investissements entre la France et l'Estonie, encore très insuffisants.

En dépit d'un niveau élevé d'alignement sur l'acquis communautaire, il reste à poursuivre la réforme de l'administration publique et des collectivités territoriales, à entreprendre des efforts dans le secteur vétérinaire et alimentaire et dans le domaine de la sécurité maritime.

L'opinion publique manifeste un intérêt croissant pour l'adhésion. 58 % des Estoniens sont aujourd'hui favorables à l'Union européenne, ce qui confirme une diminution du nombre des eurosceptiques. Les Estoniens entendent avant tout préserver leur identité et leur culture après l'adhésion. Avec ses voisins, l'Estonie est aujourd'hui disposée à jouer dans l'Union européenne un rôle très constructif. L'entrée de l'Estonie dans l'Union est une chance pour elle-même, mais c'est aussi une chance pour l'Europe.

Le Président Pierre Lequiller a remercié l'ensemble des rapporteurs pour la qualité de leurs rapports sur l'élargissement. Il a estimé que les pays candidats attendent beaucoup de la France. Les rapporteurs devront donc garder des liens étroits avec leurs interlocuteurs, qu'il faudra envisager de recevoir à Paris.

Le rapporteur a constaté que les trois Etats baltes étaient impatients de voir leurs futurs députés européens siéger au Parlement européen à Strasbourg.

M. Edouard Landrain s'est félicité de l'entrée dans l'Union européenne de peuples qui ont toujours été profondément européens, malgré l'occupation soviétique. Rappelant que le « Prestige » était parti du port de Tallinn, il a toutefois souhaité que l'Estonie soit en mesure d'appliquer rapidement la législation communautaire en matière de sécurité maritime.

Le rapporteur a jugé, à titre personnel, après avoir visité les trois Etats baltes, que l'Estonie faisait des efforts considérables pour s'aligner sur l'acquis communautaire.

M. Jean-Marie Sermier a évoqué les risques de pollution dus au stockage de résidus radioactifs.

Le rapporteur lui a répondu que ce sujet n'avait pas été évoqué lors de sa mission en Estonie mais qu'il avait constaté, lors de son passage à Vilnius, les efforts entrepris par la Lituanie, avec le soutien financier de la Commission européenne, pour démanteler la centrale nucléaire d'Ignalina et mettre fin au stockage de déchets radioactifs.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la Délégation a donné un avis favorable à l'adhésion de l'Estonie à l'Union européenne.

ANNEXES

Annexe 1 :
Carte de l'Estonie

(Pour la carte de l'Estonie voir la version PDF de ce document)

Annexe 2 :
Liste des entretiens du rapporteur

- M. ArnoldAnnexe-1 RUUTEL, Président de la République d'Estonie ;

- Mme Kristina OJULAND, Ministre des affaires étrangères ;

- M. Peeter KREITZBERG, Vice-Président du Parlement ;

- M. Andres HERKEL, Vice-Président du groupe d'amitié parlementaire Estonie-France ;

- M. Henrik HOLOLEI, ancien Ministre de l'économie, Représentant de l'Estonie à la Convention pour l'avenir de l'Europe ;

- M. Alar STREIMANN, Sous-Secrétaire d'Etat, négociateur en chef pour l'élargissement ;

- M. John KJAER, Chef de la Délégation de l'Union européenne en Estonie ;

- S. Exc. Mme Chantal de BOURMONT, Ambassadrice de France en Estonie.

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