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N° 783

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 avril 2003

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur l'adhésion de la Slovénie à l'Union européenne,

ET PRÉSENTÉ

par M. Thierry MARIANI,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Union européenne.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; M. François Guillaume, M. Jean-Claude Lefort secrétaires ; MM. Alfred Almont, Bernard Bosson, Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Jean-Claude Lefort, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. UN CANDIDAT BIEN PLACE SUR LA VOIE DE L'ADHESION 7

A. Un pays politiquement stable au niveau de vie élevé 7

B. Des conditions d'adhésion globalement satisfaisantes pour la Slovénie et l'Union européenne 9

1) Un « bon élève » qui doit encore fournir quelques efforts 10

2) Une attention prioritaire accordée au contrôle de la frontière avec la Croatie 13

II. UN PAYS QUI S'INTERROGE SUR SA PLACE DANS LA FUTURE EUROPE 17

A. Une démarche d'adhésion qui se veut stabilisatrice sur le plan régional 17

B. Une double appartenance à l'Union européenne et à l'OTAN perçue comme étant tout à la fois nécessaire et problématique 19

1) La perception de l'OTAN et de « l'Europe puissance » 19

2) La vision d'un « petit pays » concernant l'avenir institutionnel de l'Union européenne 21

CONCLUSION 23

TRAVAUX DE LA DELEGATION 25

ANNEXES 33

Annexe 1 : Carte de la Slovénie 35

Annexe 2 : Liste des entretiens 37

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le 26 mars 2003, la Slovénie a été le deuxième des dix pays adhérents, après Malte, à tenir son référendum sur l'adhésion à l'Union européenne. Malgré un taux de participation peu élevé de 55%, le « oui » l'a massivement emporté avec 89,61 % des voix (le « non » obtenant 10,39 %).

Partageant ses frontières avec l'Autriche, la Hongrie, la Croatie et l'Italie, la Slovénie est le plus petit des dix pays adhérents d'Europe centrale et orientale tant en termes de superficie (20 273 km2) que de démographie (1,980 million d'habitants, hormis l'Estonie peuplée de 1,5 million d'habitants).

La Slovénie est souvent présentée comme étant le « bon élève » des dix pays devant adhérer le 1er mai 2004, notamment en raison de son état d'avancement dans le domaine de la reprise de l'acquis communautaire.

De plus, son niveau de vie élevé fait que son adhésion à l'Union européenne ne devrait pas susciter de difficultés particulières.

En outre, son entrée dans l'Union européenne apportera à celle-ci un véritable atout géopolitique : en effet, en intégrant cette ancienne république de la Yougoslavie, l'Europe fera un premier pas stabilisateur en direction des Balkans. La Slovénie est d'ailleurs très consciente de l'effet d'entraînement que peut avoir son adhésion sur ses voisins balkaniques. C'est la raison pour laquelle elle a favorablement accueilli l'annonce officielle de la candidature de la Croatie à l'adhésion à l'Union européenne, le 21 février 2003.

Enfin, le rapporteur a pu constater, lors de sa mission effectuée à Ljubljana les 4 et 5 mars 2003, que la Slovénie se perçoit essentiellement comme « petit pays » souhaitant préserver son identité nationale au sein de l'Europe élargie et tient de ce fait un discours sur l'avenir de l'Union qui doit être entendu.

I. UN CANDIDAT BIEN PLACE SUR LA VOIE DE L'ADHESION

A. Un pays politiquement stable au niveau de vie élevé

La Slovénie jouit d'une situation particulièrement enviable parmi les pays balkaniques.

Premier Etat issu de l'ex-Yougoslavie à entrer dans l'Union européenne, la Slovénie n'a connu que dix jours de guerre avec l'armée fédérale (dominée par les Serbes) après la proclamation de son indépendance, le 25 juin 1991.

Depuis lors, en raison d'un fort consensus de son peuple sur les grandes priorités nationales, elle présente une stabilité politique remarquable dans cette région troublée. Dirigée depuis mai 1992, par le même Premier ministre, M. Janek Drnosek, et le même Président, M. Milan Kucan, dans le cadre d'une coalition allant de la gauche au centre droit, la Slovénie a finalement choisi, aux élections présidentielles des 27 octobre et 1er décembre 2002, M. Janek Drnosek comme Président. Le nouveau Premier ministre est le ministre des finances du précédent Gouvernement, M. Anton Rop.

La Constitution slovène ne reconnaît que deux minorités, les Hongrois (8 500 environ) et les Italiens (3 000 environ), auxquels elle accorde le droit à l'éducation et à l'enseignement dans leur propre langue. Elle garantit par ailleurs un statut spécial à la communauté Rom, comprenant entre 6 500 et 10 000 personnes et dont 74% dépendent de l'aide sociale. Les Serbes (environ 48 000) et les Croates (environ 54 500), qui forment les minorités les plus importantes, ne se voient pas reconnaître de droits spécifiques.

Sur le plan économique et social, la Slovénie bénéficie d'un niveau de vie élevé, qui la place en deuxième position parmi les pays adhérents, derrière Chypre. Selon Eurostat, le PIB par habitant s'élevait en 2001 à 15 970 euros, ce qui représentait 69 % de la moyenne communautaire (23 180 euros), chiffre à comparer avec le niveau de vie moyen de l'Estonie, qui est de 9 800 euros par habitant. Le PIB par habitant atteignait 91 % de la moyenne communautaire dans la région de la capitale et 50 % de celle-ci dans les régions les plus pauvres situées à l'est du pays. Cette situation économique privilégiée a été acquise dès l'époque de la Fédération de Yougoslavie. En effet, le régime a autorisé depuis les années 1960 les Slovènes à venir travailler en Allemagne et en Autriche. En 1990, à la veille de l'éclatement de la Yougoslavie, le PIB par habitant en Slovénie était déjà de 8 000 dollars, contre 500 dollars seulement en Serbie.

Par ailleurs, la Slovénie dispose d'une petite économie très ouverte, avec un ratio des échanges commerciaux rapporté au PIB élevé (environ 121 %). Ses exportations sont essentiellement constituées de biens d'équipement pour les transports et sa structure de production est dominée par les secteurs tertiaire (57,8 %) et secondaire (38,5 %), son agriculture ne représentant que 3,7 % du PIB. L'intégration commerciale de la Slovénie à l'Union européenne est en outre très avancée : cette dernière est son premier client (elle représente 67 % de ses exportations dont 29 % pour l'Allemagne) et son premier fournisseur (elle représente 69 % des ses importations dont 19,2 % pour l'Allemagne). A titre de comparaison, les autres Etats de l'ex-Yougoslavie représentaient, en 2001, 17 % des exportations et 5 % des importations slovènes. De plus, la France est le deuxième investisseur étranger dans le pays, derrière l'Autriche mais devant l'Allemagne. Renault, Peugeot et Citroën détiennent 45 % du marché automobile, Renault étant le premier employeur du pays avec l'un des trois sites de production de la Clio en Europe.

La plupart des indicateurs attestent de la bonne santé économique de la Slovénie : elle a retrouvé en 1997 le niveau de son PIB de 1989 et la croissance de ce dernier a été égale ou supérieure à 3 % depuis 1998. Elle a su en outre préserver ses principaux équilibres économiques : en 2002, son déficit budgétaire n'a atteint que 2,1 % du PIB, la dette publique 28,2 %. Elle reste cependant confrontée à la persistance d'un taux d'inflation élevé (+7,6 % en 2002) dû à l'indexation des salaires et des contrats financiers sur les prix.

La Slovénie est donc un candidat richement doté, qui une fois entré dans l'Union européenne paiera une contribution élevée au budget commun et recevra moins de fonds communautaires que la majorité des autres pays adhérents, même si elle a négocié, comme tous ces derniers, des conditions d'adhésion lui permettant d'être un bénéficiaire net du budget de l'Union. Sur les 40,853 milliards d'euros que l'Union européenne dépensera en crédits d'engagement, entre 2004 à 2006, pour ses 10 nouveaux membres, la Slovénie en recevra 1,27 milliard. Elle recevra 1,014 milliard en crédits de paiement pendant cette période, soit 3,6 % seulement du total (28,87 milliards d'euros). Sa contribution au budget de l'Union européenne étant de 771 millions d'euros, le solde net de la Slovénie est positif de 244 millions d'euros seulement, ce qui représente un taux de retour sur contribution de 131 %, à comparer avec celui de l'Estonie (318 %) ou de la Pologne (206 %). Ce taux de retour se situe juste derrière celui de la République tchèque (130 %), qui est le plus faible des pays adhérents.

B. Des conditions d'adhésion globalement satisfaisantes pour la Slovénie et l'Union européenne

La Slovénie conçoit son adhésion à l'Union européenne comme une démarche à caractère essentiellement politique, qui doit lui permettre de normaliser sa relation à l'Europe.

En effet, ce petit pays a subi pratiquement six siècles de domination des Habsbourg, de 1278 à 1918. En 1919, le traité de Versailles a éloigné la Slovénie de l'Occident auquel elle avait toujours été attachée pour la lier au monde balkanique lors de la création du nouveau royaume des Serbes, Croates et Slovènes, transformé, après la seconde guerre mondiale, en République socialiste fédérative de la Yougoslavie.

La Slovénie a donc fait partie de deux ensembles plurinationaux, qui n'ont pas reconnu ou respecté sa conscience nationale.

C'est au vu de ce passé que l'entrée dans l'Union européenne présente trois avantages majeurs, qui ont été soulignés au rapporteur par le ministre des affaires européennes, M. Janez Potocnik :

- elle lui permet d'acquérir une plus grande confiance dans son destin, dont elle a besoin, car ce dernier lui a longtemps échappé ;

- elle lui apporte la garantie d'une stabilité des relations entre les Etats par l'existence d'institutions communes et d'un espace partagé de liberté, de sécurité et de justice ;

- elle lui offre enfin un cadre de prospérité pour son économie, la qualité de sa main d'œuvre constituant un atout indéniable. On observera que le coût mensuel moyen de la main d'œuvre slovène dans l'industrie et les services est le plus élevé parmi les pays adhérents (soit 1 291 euros), après celui de Chypre (1 638 euros).

1) Un « bon élève » qui doit encore fournir quelques efforts

Dans son dernier rapport sur les progrès de la Slovénie sur la voie d'adhésion, publié en octobre 2002, la Commission européenne confirme le bon état général de préparation de ce pays selon les trois critères d'adhésion de Copenhague(1), tout en indiquant les différents domaines qui nécessitent encore un effort de sa part.

Elle constate que la Slovénie est dotée d'une économie de marché qui fonctionne et qu'à condition de poursuivre le processus de réformes visant à renforcer la concurrence sur son marché, elle devrait être en mesure de faire face à la pression concurrentielle du marché unique de l'Union. Le secteur bancaire notamment est toujours dominé par deux grandes banques appartenant à l'Etat, la NLB et la NKBM. Celui des assurances est également fermé, une entreprise publique détenant encore près de la moitié du marché. Dans le secteur ferroviaire enfin, la restructuration et la modernisation doivent se poursuivre, ainsi que la mise en place des mécanismes de régulation concernant la tarification, le financement des infrastructures et la surveillance du marché.

En ce qui concerne la reprise de l'acquis communautaire, le Bureau du Gouvernement pour les affaires européennes, placé sous l'autorité du Premier ministre, est chargé de coordonner la transposition de l'acquis, qui est assurée par 31 groupes de travail créés au sein des 14 différents ministères. Cette structure qui s'inspire du SGCI français, semble faire preuve d'une grande efficacité puisque la Commission européenne a constaté dans son rapport d'octobre 2002 qu'un « haut niveau » d'alignement sur la législation communautaire avait été atteint, même s'il restait quelques progrès à accomplir. Ainsi, la transposition des règles communautaires concernant la sécurité alimentaire et les denrées alimentaires doit être parachevée, comme doivent se mettre en place les contrôles officiels des nouveaux aliments et des organismes génétiquement modifiés. La libéralisation de l'acquisition de biens immobiliers, demandée par la Commission européenne dans le rapport d'octobre 2002, est effective depuis le 1er février 2003. La Slovénie, qui ne demandait pas de période transitoire pour se conformer à l'acquis, a toutefois accepté une clause de sauvegarde de sept ans pour maintenir d'éventuelles restrictions aux acquisitions foncières des ressortissants communautaires non résidents, afin de ne pas se désolidariser avec les autres pays adhérents ayant fait une demande en ce sens.

Sur le chapitre de la libre circulation des personnes, la Slovénie s'est vu accorder à Copenhague une période transitoire de sept ans avant que ses travailleurs ne bénéficient de cette liberté. Sa demande était notamment motivée par sa démographie, marquée par un important vieillissement (on compte dans ce pays un retraité pour 1,6 actif) et qui la transformera en importateur de main d'œuvre.

Au total, la reprise de l'acquis par la Slovénie ne souffre pas de lacunes majeures qui puissent porter un grave préjudice au fonctionnement des règles communes devant régir la future Europe des vingt-cinq : elle a d'ailleurs été le seul des dix pays adhérents à ne pas recevoir, le 5 mars dernier, une note d'alerte rapide de la Commission européenne concernant les retards « sérieusement inquiétants » apparus dans la transposition de la législation communautaire.

Les capacités administratives permettant l'application effective de l'acquis doivent toutefois être renforcées. Il s'agit de la principale demande formulée par la Commission européenne dans son rapport d'octobre 2002, qui concerne notamment les effectifs de l'Institut de normalisation et de l'Institut d'accréditation dans le domaine de la sécurité et des denrées alimentaires, de l'Office de protection de la concurrence, chargé de faire appliquer les règles communautaires concernant les ententes, de l'Agence de l'énergie, chargée d'assurer le fonctionnement transparent et non discriminatoire des marchés du gaz et de l'électricité, de l'Agence slovène de la sûreté nucléaire, compétente pour l'attribution des licences dans le domaine de la sûreté nucléaire, et de l'Office de protection des consommateurs.

Par ailleurs, la Commission européenne, constatant que la piraterie et la contrefaçon « restent un problème à traiter en priorité » (60 % des logiciels sont piratés selon certaines estimations), recommande d'améliorer la coordination entre les organes administratifs et judiciaires chargés de faire appliquer la loi, afin d'accroître l'efficacité de leurs interventions.

Lors d'entretiens effectués au ministère de l'intérieur, le rapporteur a interrogé ses interlocuteurs sur le nombre total de fonctionnaires en service. Il lui a été répondu que 130 000 agents étaient employés aujourd'hui par l'ensemble des structures publiques, le nombre de fonctionnaires stricto sensu de l'Etat et des collectivités locales étant de 33 000. Ces effectifs sont considérés comme satisfaisants par les autorités slovènes d'autant que celles-ci pilotent, dans la perspective de l'adhésion, des réformes de la fonction publique (stratégies pour les années 1997-1999, 1999-2002 et 2002-2005), qui visent à optimiser la gestion des ressources humaines et à développer l'administration électronique. Dans les domaines précis pour lesquels la Commission européenne exige un renforcement des capacités, il est prévu de procéder à des redéploiements d'effectifs et de recruter un nombre limité de fonctionnaires supplémentaires. Ainsi, 20 nouveaux postes doivent être pourvus cette année au ministère de l'agriculture.

2) Une attention prioritaire accordée au contrôle de la frontière avec la Croatie

Dans le domaine de la justice et des affaires intérieures (JAI), le renforcement du contrôle aux frontières est le dossier le plus important. En effet, la Slovénie, qui partage 670 kilomètres de frontière commune avec la Croatie, sera chargée de contrôler l'une des futures frontières extérieures de l'Union.

Dès 1998, la Slovénie a adopté son plan d'action visant à reprendre d'ici 2005 l'acquis de Schengen. Par ailleurs, sur les 31 groupes de travail constitués pour la reprise de l'acquis, 23 d'entre eux, qui dépendent du ministère de l'intérieur, se consacrent exclusivement aux aspects concernant le pilier « justice et affaires intérieures ».

Au cours de sa mission, le rapporteur a pu constater que la Slovénie est consciente de la responsabilité éminente qui sera la sienne dans la surveillance de la « route des Balkans », afin de lutter contre le crime organisé en général et l'immigration clandestine en particulier.

De fait, ce pays a considérablement accru les moyens affectés à la surveillance de ses frontières et entend poursuivre ses efforts dans ce domaine :

- 60 des 66 postes-frontières slovènes se situent sur la frontière avec la Croatie ;

- 1 900 policiers doivent être recrutés d'ici 2005 pour se consacrer à la surveillance des frontières, ce qui portera à 3 344 le nombre de policiers affectés à cette tâche ;

- entre 400 et 500 fonctionnaires des douanes doivent être affectés à la frontière méridionale après mai 2004 ;

- un projet de formation des fonctionnaires chargés de l'application de l'acquis de Schengen sera mis en œuvre entre octobre 2003 et avril 2004 avec la coopération des forces de police allemande et autrichienne ;

- les processus d'informatisation des équipements et de développement des moyens de communications utilisés dans le cadre de la surveillance de la frontière sont terminés ;

- un navire sera affecté cette année à la surveillance de la frontière maritime et deux hélicoptères seront livrés d'ici 2005 pour le contrôle de la frontière terrestre.

La Slovénie participe également à des négociations visant à densifier le réseau de ses accords de coopération transfrontalière. Un accord de ce type, préparé avec l'aide de l'Allemagne et de l'Autriche, doit être signé cette année avec la Croatie. Afin de faciliter sa mise en œuvre, un programme de jumelage entre les administrations croate et slovène chargées de la surveillance des frontières est en cours d'application. Il est financé en partie par le programme communautaire d'aide au pays de l'Europe du Sud Est CARDS. La Slovénie négocie par ailleurs avec l'Autriche et la Hongrie un accord relatif à la surveillance de la frontière « intérieure ».

Enfin, la Slovénie bénéficiera d'une facilité Schengen d'un montant de 107 millions d'euros pour la période 2004 à 2006, qui viendra soutenir les financements nécessaires au contrôle de la frontière extérieure de l'Union.

Le renforcement de la surveillance des frontières a donné lieu à des résultats visibles en matière de lutte contre l'immigration illégale. Celle-ci repose sur une stratégie globale, qui vise à accroître de manière dissuasive le coût effectif du franchissement illégal de la frontière, qui est passé, selon les indications fournies par le ministère de l'intérieur au rapporteur, de 200 à 300 euros à près de 1 200 euros. Le nombre de franchissements illégaux de la frontière constatés par la police qui avait augmenté de 4 175 en 1995 à 35 892, a ainsi fortement baissé suite à la mise en œuvre de cette stratégie. En effet, il est passé à 20 871 en 2001 puis à 6 926 en 2002. La Croatie a fourni, en 2002, le plus gros contingent de clandestins arrêtés à la frontière avec 2 015 personnes. Suivent la Macédoine (1 221 personnes), la Turquie (820 personnes), l'Irak (586 personnes) et la Bosnie (425 personnes).

Le nombre d'étrangers reconduits à la frontière est passé, quant à lui, de 1 917 en 1995 à 5 740 en 2000, 5 885 en 2001 et 2 372 en 2002. Le taux de reconduite des étrangers ayant franchi illégalement la frontière était de 66 % en 2002 ; 24 % de ces étrangers étant restés sur le territoire et 9 % d'entre eux ayant déposé une demande d'asile. Le nombre d'étrangers non admis à entrer sur le territoire slovène s'est également accru, de 43 791 en 1997 à 51 339 en 2002.

II. UN PAYS QUI S'INTERROGE SUR SA PLACE DANS LA FUTURE EUROPE

A. Une démarche d'adhésion qui se veut stabilisatrice sur le plan régional

Le rapporteur a pu constater lors de sa mission effectuée à Ljubljana que l'entrée prochaine de la Slovénie dans l'Union européenne présente un réel intérêt géopolitique pour l'Europe.

En effet, l'adhésion de ce pays peut avoir un effet stabilisateur sur les autres pays balkaniques, en donnant à ces derniers une perspective de sortie du mal-être historique, politique et économique qui pèse sur cette région de notre continent.

L'assassinat du Premier ministre de Serbie, M. Zoran Djindjic, le 12 mars 2003, souligne toute l'importance des effets à moyen et long terme d'une telle démarche d'adhésion.

Aussi, la stratégie d'intégration de la Slovénie est-elle présentée par les autorités du pays comme ayant un caractère pédagogique pour ses voisins balkaniques, qui apprennent ainsi le chemin à parcourir pour se préparer à l'entrée dans l'Union européenne.

D'autre part, son passé et son statut de pays balkanique font que la Slovénie se perçoit comme un modèle et un partenaire idéal pour ses voisins de l'Europe du Sud-Est. Une expérience juridique et historique commune et le caractère comparable des langues constituent, selon la Slovénie, autant d'atouts naturels pour aider les autres pays des Balkans à se préparer à l'adhésion.

L'annonce, le 21 février 2003, par la Croatie de sa demande officielle d'adhésion à l'Union européenne a donc été bien accueillie par Ljubljana.

Le ministère des affaires étrangères slovène estime que Zagreb, en raison de tous les progrès enregistrés par la Croatie en matière de stabilité politique et économique, mérite de bénéficier d'un chemin d'adhésion « accéléré ».

De plus, selon les autorités slovènes, seule la perspective de l'intégration permettra de donner toute l'impulsion politique nécessaire à l'apaisement définitif des relations entre la Croatie et la Slovénie.

En effet, celles-ci restent encore marquées par un certain ressentiment de la part des Croates à l'égard d'une « petite » Slovénie épargnée par la guerre et très présente économiquement chez son voisin méridional.

D'autre part, les relations bilatérales continuent d'être entachées par trois différends. D'abord, la Croatie, pour des raisons de prestige, souhaite obtenir une frontière maritime avec l'Italie aux dépens de celle de la Slovénie. Ensuite, la centrale nucléaire de Krsko, construite par les deux pays et située en Slovénie, doit être, conformément à un accord signé en décembre 2001, détenue en copropriété par les deux Etats à parts égales, pour mettre fin aux importants retards de paiement des frais de fonctionnement accumulés par la Croatie. La Slovénie a reçu cependant de la Croatie une proposition de vente de la partie de la centrale dont elle est propriétaire, qui est jugée trop élevée. Enfin, les deux pays ne parviennent pas à s'entendre sur les voies d'un règlement du litige financier qui les oppose depuis 1991 et qui porte sur les avoirs de ressortissants ex-yougoslaves en Croatie à la Ljubljanska Banka. La Slovénie estime que ces trois différends ne peuvent être réglés indépendamment l'un de l'autre, alors que Zagreb affirme sa préférence pour un traitement individualisé des dossiers. Toutefois, ces points de désaccord ne sont pas insurmontables, ainsi que l'a souligné au rapporteur M. Jasa Zlobec, membre de la Commission des affaires européennes du Parlement slovène : tout ira très vite à partir du moment où il existera une volonté forte de part et d'autre pour lever ce qui pourrait constituer un obstacle à la voie de l'adhésion de la Croatie.

S'agissant des autres pays balkaniques (Serbie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine et Kosovo), la Slovénie est également favorable à leur adhésion à l'Union européenne à condition qu'ils respectent les critères de Copenhague, qui constituent, selon elle, autant de leviers pour leur stabilisation. Elle estime que la Serbie entrera en premier, tandis que l'adhésion des autres ne pourra se faire qu'à long terme.

Les autorités slovènes adoptent la même position à l'égard de la Turquie.

B. Une double appartenance à l'Union européenne et à l'OTAN perçue comme étant tout à la fois nécessaire et problématique

1) La perception de l'OTAN et de « l'Europe puissance »

Le rapporteur a senti au cours de ses entretiens que la crise irakienne et les déchirements qu'elle provoque en Europe suscitent un véritable malaise chez les autorités slovènes, qui se traduit par des appels répétés en faveur du maintien de l'unité au niveau de l'Europe, du Conseil de sécurité des Nations unies et du lien transatlantique.

Ce sentiment d'inquiétude résulte de la combinaison de deux facteurs.

D'une part, la Slovénie voit d'un mauvais œil les tensions pouvant affecter durablement les relations de confiance entre les « grands », car elle ne peut qu'en être la victime en tant que « petit pays ».

D'autre part, il traduit le refus absolu de la part de la Slovénie d'être placée en situation de choisir entre l'OTAN et l'Union européenne, la Slovénie ayant élevé, dès sa déclaration d'indépendance de juin 1991, au rang de priorité de sa politique étrangère, la double appartenance à l'Alliance atlantique et à l'Union. Les autorités du pays ont toujours estimé que les deux processus d'adhésion étaient complémentaires, comme l'exprimait le slogan utilisé en faveur du « oui » pour le double référendum organisé le 23 mars 2003 sur l'entrée dans l'OTAN et l'Union : « Etre chez nous en Europe et en sécurité dans l'OTAN ». 66 % des votants ont d'ailleurs répondu favorablement à la question concernant l'entrée de la Slovénie dans l'OTAN, malgré le poids d'une opinion publique majoritairement hostile à l'intervention américaine en Irak.

Les partisans de l'entrée dans l'OTAN ont fait valoir que celle-ci offre à la Slovénie le meilleur système de sécurité collective en Europe. A l'inverse, la politique étrangère et de défense commune (PESC) n'est pas considérée comme étant un instrument de défense efficace, son rôle se limitant actuellement à la gestion des opérations de maintien de la paix.

Par ailleurs, faire partie de l'Alliance atlantique permet à la Slovénie d'être à la table des « grands » et de décider avec eux.

Enfin, l'adhésion à l'OTAN est perçue par les autorités comme une décision rationnelle sur le plan financier, car elle permet à la Slovénie de diminuer le coût de l'entretien de sa sécurité.

Les opposants à l'entrée dans l'OTAN ont mis en avant l'absence de menace clairement identifiée, l'incertitude de l'avenir de l'Alliance et la domination des Etats-Unis dans l'OTAN. Ces arguments ont porté au moment du déclenchement de la guerre en Irak, le soutien à l'adhésion à l'OTAN tombant à 37 % en février 2003 lors de la crise provoquée par l'octroi d'une protection militaire à la Turquie face à l'Irak. Le renversement de tendance intervenu en faveur du oui est donc récent et peut en partie s'expliquer par les craintes renaissantes concernant un regain d'instabilité dans les Balkans suite à l'assassinat du Premier ministre de Serbie.

En ce qui concerne la perspective d'une « Europe puissance », les interlocuteurs du rapporteur en ont une perception contrastée. Certains d'entre eux ont souligné que le débat sur cette notion n'avait pas cours en Slovénie, car il paraît trop abstrait au regard de la faiblesse du contenu actuellement donné à la PESC et des chances de voir se réaliser une convergence politique et militaire durable entre des grands Etats membres tels que la France et le Royaume-Uni. D'autres ont estimé au contraire que la crise actuelle renforcerait la PESC dans un avenir proche...

Toutefois, si les autorités slovènes émettent parfois quelques doutes sur l'émergence d'une « Europe puissance », elles demeurent aussi très attachées à la construction d'une identité internationale spécifiquement européenne. Cette ambition a été très clairement exprimée par M. Jasa Zlobec, qui estime que la participation de la Slovénie à la « Déclaration du groupe de Vilnius » du 6 février 2003, qui comprend depuis sa création, en 2000, 10 pays européens dont 5 adhérents à l'Union européenne (Lettonie, Lituanie, Estonie, Slovénie et Slovaquie), deux pays candidats (la Bulgarie et la Roumanie) et trois autres pays (l'Albanie, la Croatie et la Macédoine) soutenant la politique des Etats-Unis, équivalait à un faux pas, qui transformait les pays signataires en « vassaux » des Etats-Unis. Selon lui, l'Europe ne doit pas s'américaniser, mais tracer son propre chemin, la « vieille » comme la « nouvelle » Europe.

2) La vision d'un « petit pays » concernant l'avenir institutionnel de l'Union européenne

Avec 4 voix au Conseil et 7 députés européens, la Slovénie fera partie des petits Etats membres de l'Union européenne pour qui il est essentiel de pouvoir se faire entendre au sein des institutions d'une Europe élargie.

C'est pourquoi elle souhaite que la future architecture institutionnelle de l'Union renforce le rôle de la Commission européenne, car celle-ci est la garante de l'intérêt général communautaire et donc des intérêts de tous les Etats membres.

D'autre part, elle est favorable au maintien du système de la présidence tournante du Conseil, afin que les grands et les petits pays puissent exercer alternativement le rôle d'impulsion politique qui échoit au Conseil.

Ces deux positions de principe expliquent ses réactions à la contribution franco-allemande du 16 janvier 2003. La proposition de désigner le président du Conseil européen pour une longue durée risque, selon M. Alojz Peterle, le représentant du Parlement slovène à la Convention, d'être une source de déséquilibre institutionnel et de déstabilisation de la méthode communautaire, en renforçant le poids du Conseil au détriment de la Commission européenne.

La Slovénie soutient en revanche les autres points de la contribution franco-allemande, en particulier l'élection du Président de la Commission européenne par le Parlement européen et la fusion des postes de Commissaire européen aux relations extérieures et de Haut représentant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC).

La Slovénie est par ailleurs réticente à toute évolution institutionnelle trop marquée vers une Union de type fédéral, le concept de fédération étant pour elle, pour des raisons historiques évidentes, connoté de manière négative.

Enfin, la Slovénie s'attache dès maintenant à défendre son rôle dans la prochaine Conférence intergouvernementale (CIG), chargée d'adopter le futur traité constitutionnel de l'Union européenne élaboré par la Convention. Elle estime que tous les pays adhérents devront participer aux travaux de la CIG sur un pied d'égalité avec les Etats membres actuels, car c'est dans cette enceinte que seront négociés effectivement les compétences et les pouvoirs des institutions de la nouvelle Union.

CONCLUSION

L'entrée de la Slovénie dans l'Union européenne ne doit pas être négligée, sous prétexte que ce pays est peuplé de 1,980 million d'habitants seulement et dispose d'un profil d'« adhérent idéal ».

L'importance de cette adhésion dépasse largement les données démographiques et juridiques pour une raison essentielle : ce pays peut servir de modèle de stabilité, de prospérité et d'intégration à l'Union européenne pour tous les Etats de la région des Balkans.

En outre, la France ne saurait négliger « l'atout slovène ». En effet, la vision de la Slovénie du projet européen est plus proche de la nôtre que la conception fédéraliste d'une Union qui ne s'appuierait pas sur les Etats-nations.

La France et la Slovénie entretiennent déjà d'étroites relations. Nous sommes le troisième fournisseur et le cinquième client de la Slovénie, ainsi que le deuxième investisseur étranger dans ce pays. La Slovénie est notre cinquième partenaire commercial en Europe centrale. Par ailleurs, la coopération administrative entre les deux pays est étroite, la France ayant consacré, en 2002, dans le cadre de jumelages avec la Slovénie, 150 000 euros à la formation des fonctionnaires de ce pays. L'enseignement de notre langue occupe toutefois une place très modeste, celle-ci étant la quatrième avec 2,7 % d'apprenants derrière l'anglais, l'allemand et l'italien.

Aussi, la France doit-elle continuer à développer ses relations avec la Slovénie : l'Europe puissance de demain ne pourra se bâtir qu'avec le consensus de tous nos partenaires européens, grands et petits.

{texte de la conclusion...}

TRAVAUX DE LA DELEGATION

La Délégation s'est réunie le mercredi 9 avril 2003, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d'information.

Le rapporteur a rappelé, en introduction, que la Slovénie s'est déjà prononcée par la voie référendaire en faveur de l'adhésion : en effet, le 23 mars 2003, 89,61 % des électeurs slovènes ont voté en faveur de l'entrée de leur pays dans l'Union européenne. Ce vote massif en faveur de l'Europe est aussi celui du pays adhérent dont l'intégration ne devrait susciter aucune difficulté particulière pour l'Union européenne.

Le rapporteur a cependant insisté sur le fait que ce profil « d'adhérent modèle » ne doit pas inciter l'Union à se désintéresser de la Slovénie pour deux raisons essentielles. D'une part, en intégrant cette ancienne république de l'ex-Yougoslavie, l'Europe fera un premier pas stabilisateur en direction de la région des Balkans. Il s'agit là d'une avancée capitale, car les autres pays balkaniques ne pourront échapper à leur mal-être historique, politique et économique que par une perspective claire d'adhésion à l'Union européenne dont la Slovénie offre le modèle.

D'autre part, la Slovénie est un « petit pays », qui ne disposera que de quatre voix au Conseil et de sept députés européens, mais dont la vision du projet européen devra être respectée : seul un compromis fructueux entre grands et petits pays sur l'avenir institutionnel de l'Union permettra à l'Europe de progresser.

Abordant la première partie de son exposé, le rapporteur a évoqué la logique profonde qui guide la volonté d'adhésion de la Slovénie, ainsi que l'état de préparation de ce pays, qui est très avancé.

La Slovénie conçoit son adhésion comme une démarche à caractère essentiellement politique, qui doit lui permettre de normaliser sa relation à l'Europe.

En effet, ce petit pays a subi pratiquement six siècles de domination des Habsbourg, puis il s'est éloigné de l'Occident auquel il avait toujours été rattaché pour appartenir à partir de 1919 à un deuxième ensemble plurinational, la Yougoslavie, qui n'a pas respecté non plus son identité nationale.

Faire le choix de l'Union équivaut pour la Slovénie à réintégrer sa famille d'origine, comme l'illustrait le slogan utilisé en faveur du oui pour la campagne référendaire, « Etre chez nous en Europe ».

Ce consensus national très fort en faveur de l'adhésion se double d'un état de préparation à l'entrée dans l'Union plus que satisfaisant.

La Slovénie est aidée en cela par le fait qu'elle est un pays adhérent richement doté, dont la situation privilégiée a d'ailleurs été acquise dès l'époque de la République fédérale de Yougoslavie. Le PIB par habitant de la Slovénie atteint, en 2001, 69 % de la moyenne communautaire, voire même 90 % dans la région de la capitale. Cette bonne santé économique et sociale fait que la Slovénie recevra, entre 2004 et 2006, seulement 3,6 % des crédits de paiement destinés aux dix pays adhérents.

En ce qui concerne la reprise de l'acquis communautaire, la Slovénie fait figure de « premier élève de la classe » : elle a été le seul des dix pays adhérents à ne pas recevoir, le 5 mars dernier, une note d'alerte rapide de la Commission européenne concernant les retards « sérieusement inquiétants » apparus dans la transposition de la législation de la Communauté. Les capacités administratives d'un nombre limité d'organismes de surveillance, qui exigent le recrutement de quelques fonctionnaires supplémentaires, doivent être toutefois encore renforcées, ce que prévoient de faire les autorités slovènes.

Dans le domaine de la justice et des affaires intérieures, le renforcement du contrôle aux frontières est l'enjeu le plus important : en effet, la Slovénie, qui partage 670 km de frontières communes avec la Croatie, sera chargée de surveiller l'une des futures frontières extérieures de l'Union européenne. La Slovénie est consciente de la responsabilité éminente qui sera la sienne dans la surveillance de la « route des Balkans », qui appelle la plus grande vigilance. En effet, ce pays n'a cessé d'accroître les moyens qui sont affectés à cette tâche prioritaire et entend les renforcer d'ici son adhésion. Il a d'ailleurs obtenu des résultats visibles en matière de lutte contre l'immigration clandestine, en faisant passer le coût du franchissement illégal de la frontière méridionale de 250 à 1 200 euros. Cette augmentation est directement liée à l'action de la police : le nombre de franchissement illégaux détectés est passé de 4 175 en 1992 à 35 892 en 2000 pour baisser ensuite à 6 926 en 2002. Le taux de reconduite des étrangers ayant franchi illégalement la frontière était de 66 % en 2002, chiffre à comparer avec le taux de reconduite de la France, qui est d'environ 20 %.

Abordant la seconde partie de son exposé, le rapporteur a présenté les interrogations de la Slovénie sur les contours et le contenu de la future Europe, pour faire trois séries d'observations.

Premièrement, sur le plan géopolitique, l'entrée de la Slovénie dans l'Union présente un réel intérêt pour l'Europe, car elle peut avoir un effet stabilisateur sur les autres pays balkaniques.

C'est la raison pour laquelle la Slovénie a accueilli favorablement la demande officielle d'adhésion de la Croatie, présentée le 21 février 2003. Elle estime que ce pays mérite un chemin d'adhésion accéléré en raison des progrès qu'il a enregistrés. Pour les autres pays des Balkans, l'adhésion n'est envisageable qu'à long terme, dès qu'ils se seront stabilisés par la mise en œuvre des critères de Copenhague. La Slovénie adopte le même raisonnement en ce qui concerne la Turquie.

Deuxièmement, s'agissant de la perspective d'une Europe puissance, la Slovénie en a une vision pour le moins contrastée. D'abord, l'Europe puissance paraît encore trop lointaine pour un pays qui a élevé, dès sa déclaration d'indépendance de juin 1991, la double appartenance à l'Union et à l'OTAN au rang de priorité de sa politique étrangère.

Ainsi, le jour même du référendum sur l'adhésion, une seconde consultation concernant l'entrée de la Slovénie dans l'OTAN a vu le « oui » l'emporter avec 66 % des voix. Le rapporteur s'est déclaré quelque peu surpris par ce score relativement élevé, ses interlocuteurs en Slovénie ayant plutôt prédit une courte majorité, surtout après le début de la guerre en Irak.

Les partisans de l'entrée dans l'OTAN ont fait valoir que celle-ci offre à la Slovénie le meilleur système de sécurité collective en Europe, à moindre frais pour son budget, et lui permet également d'être assise à la table des grands. A l'inverse, la faiblesse du contenu opérationnel de la PESC et un certain scepticisme concernant un rapprochement durable entre les grands pays sur la défense commune ne plaident pas immédiatement en faveur de l'Europe puissance.

Cependant, le peu d'enthousiasme actuellement constaté pour l'Europe puissance ne signifie pas pour autant que la Slovénie ait fait le choix d'un atlantisme inconditionnel, et ce malgré la signature de la déclaration du groupe de Vilnius dans laquelle cinq pays adhérents à l'Union européenne affirment leur soutien à la politique des Etats-Unis à l'égard de l'Irak.

D'abord, l'opinion publique slovène est majoritairement hostile à la guerre contre l'Irak. Ensuite, la signature de la déclaration du groupe de Vilnius est critiquée dans le pays comme étant un signe d'allégeance trop marqué à l'égard des Etats-Unis, alors que les Slovènes sont attachés à la construction d'une identité internationale spécifiquement européenne.

Ces différents éléments indiquent que la réflexion sur la place de l'Europe dans le monde vient à peine de commencer en Slovénie. Mais il s'agit d'une réflexion inquiète en raison du véritable sentiment de malaise qu'éprouvent les autorités slovènes face aux déchirements provoqués par la crise irakienne. La Slovénie ne cesse d'en appeler à l'unité de l'Europe, de la communauté atlantique et des Nations unies, car elle ne veut pas, en tant que petit pays, être la victime des tensions qui opposent les grands entre eux.

Troisièmement et dernièrement, la Slovénie fera partie des petits Etats membres de l'Union européenne pour qui il est essentiel de pouvoir se faire entendre au sein des institutions de l'Europe élargie.

C'est pourquoi elle souhaite que la future architecture institutionnelle de l'Union renforce le rôle de la Commission européenne, car celle-ci est la garante de l'intérêt général communautaire et donc des intérêts de tous les Etats membres.

D'autre part, elle est favorable au maintien du système de la présidence tournante du Conseil, afin que les grands et les petits pays puissent exercer alternativement le rôle d'impulsion politique qui échoit au Conseil.

La Slovénie est par ailleurs réticente à toute évolution institutionnelle trop marquée vers une Union de type fédéral, le concept de fédération étant pour elle, pour des raisons historiques évidentes, connoté de manière négative.

Cette dernière observation conduit le rapporteur à penser, en conclusion, que la France ne saurait négliger « l'atout slovène » dans le processus global d'élargissement : outre le fait que ce pays offre un modèle irremplaçable de stabilité, de prospérité et d'intégration à l'Union pour ses voisins balkaniques, sa vision du projet européen est plus proche de la nôtre que la conception étroitement fédéraliste d'une Union qui ne s'appuierait pas sur les Etats nations.

Le Président Pierre Lequiller a observé, s'agissant de la signature de la déclaration du groupe de Vilnius, que le Premier ministre de Slovénie avait fait de récentes déclarations qui revenaient à remettre en question la participation de son pays à cette démarche.

M. Jacques Floch a souhaité savoir pourquoi le rapporteur avait affirmé que la France se démarquait d'une conception étroitement fédéraliste de l'Union européenne alors que le ministre des affaires étrangères avait tenu des propos allant dans le sens contraire.

Le Président Pierre Lequiller a souhaité répondre à cette intervention en rappelant que le débat sur la nature de l'Union à construire est tranché par les autorités françaises. Celles-ci ont une vision pragmatique de l'Union, qui consiste à distinguer les compétences à caractère fédéral, comme la monnaie unique, des compétences partagées ou devant demeurer aux Etats membres. Il a estimé par ailleurs que les pays comme la Slovénie sont, en raison de leur histoire, préoccupés par leur sécurité militaire. Cette recherche de la sécurité explique la difficulté de leur positionnement entre un pôle européen de défense et un pôle américain constitué autour de l'OTAN. Les scores respectifs du oui aux deux référendums, soit près de 90 % des voix pour l'entrée dans l'Union et 66 % des voix pour l'entrée dans l'OTAN, qui dénotent un certain décrochage entre l'importance accordée à chacune des deux adhésions, constituent une bonne surprise.

M. Gérard Voisin a estimé que l'appétit des petits pays tels que la Slovénie et Malte en faveur de l'exercice de la présidence de l'Union dans le cadre d'un système tournant va poser de redoutables problèmes à la bonne marche des institutions d'un ensemble devant comprendre 450 millions d'habitants.

Le Président Pierre Lequiller a noté à cet égard que seize pays européens parmi les actuels et futurs Etats membres ont signé une déclaration critiquant le projet qui vise à instituer une présidence stable de l'Union.

M. Christian Philip a demandé si la volonté d'adhérer à l'OTAN est motivée par le fait que la Slovénie est dépourvue d'une armée.

M. Jacques Myard a souhaité savoir si la Slovénie continue d'être tournée vers la Bavière.

M. Jean-Claude Lefort, après avoir rappelé qu'il avait effectué une mission en Slovénie pour le compte de la Délégation lors de la précédente législature, a souhaité obtenir des informations concernant les problèmes de voisinage posés par les minorités autrichienne et italienne et l'importance des moyens affectés à la surveillance de la frontière avec la Croatie, cette dernière étant une « frontière verte » par laquelle passent tous les types de trafic.

Le rapporteur a apporté les éléments de réponse suivants :

- il est vrai que certains responsables slovènes regrettent ouvertement la signature de la déclaration du groupe de Vilnius et vont jusqu'à considérer que la Slovénie a été piégée dans cette affaire ;

- la méfiance de la Slovénie envers une évolution de l'Union trop marquée vers le fédéralisme s'explique par le fait que ce pays ne souhaite pas que sa souveraineté acquise depuis seulement douze ans soit dissoute dans un ensemble trop intégré ;

- l'Union européenne est perçue comme le cadre permettant d'apporter la prospérité à la Slovénie, tandis que l'OTAN est considérée comme la meilleure garantie de sécurité existant en Europe. De plus, l'adhésion à l'Alliance atlantique permet de réduire les dépenses affectées à la défense, un aspect important pour un pays qui n'a jamais eu de vocation guerrière même s'il entretient depuis son indépendance une petite armée ;

- les réticences de la Slovénie à l'égard d'une présidence stable de l'Union résultent d'abord du désir qu'a ce pays de pouvoir à son tour exercer cette fonction au sein des institutions de l'Union. Cet argument s'exprime souvent sous la forme d'un cri du cœur en faveur du respect de cette ambition ;

- la Slovénie est moins tournée vers la Bavière que vers l'Autriche. L'enseignement du français occupe une place modeste, cette langue étant la quatrième avec 2,7 % d'apprenants seulement ;

- la question des minorités ne semble plus poser de difficultés particulières pour les autorités slovènes ;

- la Slovénie est très consciente de la responsabilité éminente qu'elle devra assumer en surveillant de manière efficace la frontière commune avec la Croatie. Ainsi, 60 des 66 postes frontières slovènes se situent sur cette frontière ; 1 900 policiers supplémentaires doivent être recrutés d'ici 2005 pour se consacrer à la surveillance des frontières, ce qui portera à 3 344 le nombre de policiers affectés à cette tâche ; plus de 400 fonctionnaires des douanes doivent être également envoyés à la frontière méridionale après mai 2004 et deux hélicoptères seront employés à partir de 2005 pour effectuer cette mission de contrôle de la frontière.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la Délégation a donné un avis favorable à l'adhésion de la Slovénie à l'Union européenne.

ANNEXES

Annexe 1 :
Carte de la Slovénie

(Pour la carte de la Slovénie voir la version PDF de ce document)

Annexe 2 :
Liste des entretiens

- M. Janez POTOCNIK, ministre des affaires européennes ;

- M. Samuel ZBOGAR, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères ;

- M. Jasa ZLOBEC, député, membre de la Commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale, ancien Ambassadeur de la Slovénie auprès de l'Union européenne ;

- M. Aleksander MERLO, président du groupe d'amitié Slovénie-France ;

- Mme Polona KOVAC, secrétaire d'Etat adjointe pour l'organisation et le développement de la fonction publique au ministère de l'intérieur ;

- Mme Liliyana SIPEC, conseiller technique du ministère de l'intérieur ;

- M. Marko GASPERLIN, conseiller technique du ministère de l'intérieur ;

- M. Zoran KRUNIC, conseiller technique du ministère de l'intérieur ;

- M. Anton TRAVNER, chef de la protection des frontières.

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Le rapporteur remercie M. Olivier de la BAUME, Ambassadeur de France en Slovénie, M. Pascal LE DEUNFF, premier conseiller, et les membres de l'ambassade de France, pour leur concours au bon déroulement de cette mission. Il remercie également les représentants des entreprises françaises installées en Slovénie, qui ont apporté un éclairage utile en matière de relations économiques franco-slovènes.

1 () Les critères politiques d'adhésion sont : le respect de la démocratie, de l'Etat de droit, des droits de l'homme et la protection des minorités. Les critères économiques sont les suivants : existence d'une économie de marché viable et capacité de faire face à la pression concurrentielle et au jeu des forces du marché à l'intérieur de l'Union. Enfin, le dernier critère est celui de la reprise de l'acquis, c'est-à-dire la capacité du pays candidat à assumer les obligations résultant de l'adhésion telles qu'elles découlent des Traités, du droit dérivé et des politiques de l'Union.

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