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N° 994

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er juillet 2003

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur la Convention sur l'avenir de l'Europe,

ET PRÉSENTÉ

par M. Pierre LEQUILLER,

Député.

TOME I

« Unie dans la diversité »
Le projet constitutionnel de l'Europe réunifiée

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Union européenne.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. François Guillaume, Jean-Claude Lefort secrétaires ; MM. Alfred Almont, François Calvet, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

Synthèse du projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe 7

AVANT-PROPOS DE M. PIERRE LEQUILLER, membre titulaire 11

AVANT-PROPOS DE M. JACQUES FLOCH,
membre suppléant 13

PREMIERE PARTIE : L'EUROPE, UNION D'ETATS ET DE CITOYENS 17

I. L'AFFIRMATION DE PRINCIPES CONSTITU-TIONNELS EUROPEENS 17

A. Le Préambule 17

B. Définition et objectifs de l'Union 21

1) Etablissement et symboles de l'Union 21

2) Les valeurs de l'Union 23

3) Les objectifs de l'Union 23

C. L'appartenance à l'Union 25

II. LA CONFIRMATION DE LA DOUBLE LEGITIMITE DE L'UNION 27

A. L'Europe des citoyens 27

1) La vie démocratique de l'Union 27

2) L'intégration de la Charte des droits fondamentaux 29

B. L'Europe des Etats 31

1) La clarification des compétences 31

2) Le rôle nouveau des parlements nationaux et leur implication dans le contrôle du principe de subsidiarité 33

3) Le protocole sur le rôle des parlements nationaux : la reconnaissance et la mise en œuvre du droit à l'information des parlementaires nationaux 36

III. DES INSTITUTIONS PLUS LEGITIMES ET PLUS EFFICACES 39

A. Les enjeux du débat institutionnel 39

B. Un équilibre institutionnel renforcé et pérennisé 42

1) Le Parlement européen 42

2) Le Conseil européen 44

3) Le Conseil des ministres 47

4) La Commission européenne 48

C. Des instruments plus efficaces 52

1) La simplification des instruments et des procédures 52

a) La réduction à six du nombre des instruments juridiques 52

b) La simplification des procédures 54

2) Une définition plus simple de la majorité qualifiée 56

3) La reconnaissance explicite de la personnalité juridique de l'Union 58

DEUXIEME PARTIE : DES POLITIQUES RENOVEES AU SERVICE DE L'INTERET COMMUN EUROPEEN 59

I. L'ESPACE DE LIBERTE, DE SECURITE ET DE JUSTICE 59

A. Une « communautarisation » partielle 60

1) Un cadre institutionnel unique 60

2) Le maintien de procédures spécifiques 61

B. Le renforcement des politiques de l'espace de liberté, de sécurité et de justice 63

1) Contrôle des frontières, immigration et asile 63

2) Coopération judiciaire en matière civile 64

3) Coopération judiciaire en matière pénale 65

4) Coopération policière 67

II. L'ACTION EXTERIEURE 69

A. Un nouvel équilibre entre l'unification institutionnelle et la dualité des procédures de décision 69

B. La politique étrangère et de sécurité commune 71

C. La politique de sécurité et de défense commune 73

D. Les politiques commerciales, de coopération et d'action humanitaire 77

III. LA GOUVERNANCE ECONOMIQUE ET LA POLITIQUE SOCIALE 81

A. La gouvernance économique 81

B. La politique sociale 85

CONCLUSION 89

TRAVAUX DE LA DELEGATION 93

ANNEXES 95

Annexe 1 : Composition de la Convention sur l'avenir de l'Europe 97

Annexe 2 : Contribution franco-allemande à la Convention européenne sur l'architecture institutionnelle de l'Union 109

SYNTHÈSE DU PROJET DE TRAITÉ ETABLISSANT
UNE CONSTITUTION POUR L'EUROPE

Le projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe, adopté par consensus (*) par la Convention les 13 juin et 10 juillet 2003, comprend un préambule et quatre parties. Cinq protocoles et trois déclarations sont annexés.

Le projet de traité constitutionnel opère une fusion des traités existants, à l'exception du traité Euratom, qui demeure distinct.

L'architecture de l'Union en trois piliers (communautaire, politique étrangère et de sécurité commune, justice et affaires intérieures) est abolie.

_ Le PREAMBULE mentionne les « héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe, dont les valeurs, toujours présentes dans son patrimoine ». Mentionnant la devise de l'Europe, « Unie dans la diversité », ce texte court affirme notamment la volonté des peuples à dépasser leurs anciennes divisions et à « forger leur destin commun » d'une « manière sans cesse plus étroite ».

_ La PARTIE I contient les dispositions d'essence constitutionnelle : définition de l'Union, de ses valeurs et de ses objectifs, répartition des compétences entre les Etats membres et l'Union, architecture institutionnelle, instruments d'action, cadre financier et dispositions relatives à l'appartenance à l'Union.

Parmi les modifications significatives apportées par la Convention, il faut notamment mentionner :

- la reconnaissance explicite de la personnalité juridique de l'Union ;

- la clarification des compétences fondée sur la distinction entre compétences exclusives, compétences partagées et compétences d'appui ;

- la création des lois-cadres et des lois européennes, en remplacement des directives et règlements communautaires, ainsi que l'établissement d'une véritable hiérarchie des normes de l'Union entre les actes législatifs et les actes non législatifs ;

- la reconnaissance d'un droit d'initiative populaire permettant à un nombre significatif de citoyens de l'Union, au moins égal à un million, de demander à la Commission européenne de présenter une proposition d'acte juridique sur un sujet donné ;


- le vote des perspectives financières de l'Union à la majorité qualifiée au Conseil, après approbation du Parlement européen ;

- l'existence d'une clause de retrait de l'Union permettant à un Etat membre, sous certaines conditions, de mettre un terme à son appartenance à l'Union.

En ce qui concerne la nouvelle architecture institutionnelle, les réformes proposées sont les suivantes :

Parlement européen : il exerce, conjointement avec le Conseil de l'Union, les fonctions législative et budgétaire, ainsi que des fonctions de contrôle politique et consultatives, selon les conditions fixées par la Constitution. Il élit le Président de la Commission européenne et peut, comme c'est déjà le cas aujourd'hui, le renverser. Le nombre de ses membres est plafonné à 736.

Conseil européen : suppression de la présidence tournante et instauration d'une présidence stable du Conseil européen, élue à la majorité qualifiée des membres du Conseil européen, pour un mandat de deux ans et demi renouvelable.
Conseil des ministres de l'Union : création d'un Conseil commun des affaires générales et législatives. Création d'un ministre européen des affaires étrangères, chargé notamment de présider le Conseil des affaires étrangères.

Commission européenne :  nouvelles règles de composition prévoyant la désignation de 15 commissaires européens et de 15 commissaires sans droit de vote, à partir de 2009 et sur la base d'une rotation égalitaire. Le Président de la Commission est élu par le Parlement européen sur proposition du Conseil européen. Le ministre européen des affaires étrangères, désigné à la majorité des membres du Conseil européen, avec l'accord du Président de la Commission, a le statut de vice-président de la Commission.

Majorité qualifiée : la majorité qualifiée se définit comme réunissant la majorité des Etats représentant 60% de la population Cette règle de la double majorité ne s'appliquera toutefois qu'à partir du 1er novembre 2009. Une majorité superqualifiée réunissant 2/3 des Etats représentant 60% de la population pourrait également être appliquée sur certains sujets liés à la PESC et aux affaires de justice et de sécurité.

_ La PARTIE II contient la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, proclamée par le Conseil européen réuni à Nice en décembre 2000, et qui a désormais vocation à acquérir une pleine valeur juridique.

Le contenu de la Charte reste inchangé, seules quelques adaptations formelles ayant été apportées afin de rendre le texte de la Charte cohérent avec les autres dispositions du projet de traité constitutionnel. La Convention a toutefois explicitement mentionné, dans le Préambule de la Charte, que les commentaires du Praesidium de la Convention chargée d'élaborer la Charte lieront les juridictions nationales et communautaires dans leur interprétation des dispositions de ce texte.


_ La PARTIE III regroupe les dispositions relatives aux politiques de l'Union et au fonctionnement des institutions. Elle comprend sept titres, déclinés en chapitres, sections et sous-sections qui décrivent les politiques et le fonctionnement de l'Union.

Un article est consacré aux services d'intérêt économique général, dont les principes et les conditions seront fixés par la loi européenne.

Dans le domaine de la politique économique et monétaire, la Commission dispose de prérogatives renforcées dans la procédure de déficit excessif. La coordination des politiques économiques demeure du ressort des Etats membres et l'Eurogroupe, qui n'est pas formellement créé comme instance de décision de l'Union, fait l'objet d'un protocole séparé. S'agissant de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, la politique d'asile et d'immigration sera désormais soumise au vote à la majorité qualifiée et à la procédure législative européenne, c'est-à-dire à la codécision entre le Parlement européen et le Conseil de l'Union. Dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune, les décisions du Conseil resteront prises à l'unanimité, sauf pour les décisions prises sur une proposition du ministre des affaires étrangères présentée à la suite d'une demande du Conseil européen. Un service européen pour l'action extérieure est créé, chargé d'assister le futur ministre des affaires étrangères de l'Union.

_ La PARTIE IV énonce les clauses générales et finales du projet de traité constitutionnel. Elle prévoit notamment que le traité instituant une Constitution pour l'Europe ne pourra entrer en vigueur qu'une fois ratifié par l'ensemble des Etats membres. La procédure de révision du traité constitutionnel pérennise la méthode conventionnelle puisque le Conseil européen peut décider de convoquer une Convention chargée d'adopter, par consensus, une recommandation à la Conférence intergouvernementale. Le projet de traité constitutionnel maintient la condition de la ratification par tous les Etats membres pour l'entrée en vigueur des amendements apportés à la Constitution.

_ Cinq PROTOCOLES et trois DECLARATIONS sont annexés au projet de traité instituant une Constitution européenne.

l Un Protocole sur le rôle des parlements nationaux dans l'Union européenne, qui définit le droit à l'information des parlements nationaux ainsi que le cadre de la coopération interparlementaire.

l Un Protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, qui permet notamment aux parlements nationaux de contrôler le respect, par les institutions de l'Union, du principe de subsidiarité par la reconnaissance d'un droit d'alerte précoce.

l Un Protocole sur la représentation des citoyennes et des citoyens au Parlement européen et la pondération des voix au Conseil européen et au Conseil des ministres qui définit les règles applicables jusqu'en 2009.

l Un Protocole sur l'Eurogroupe qui prévoit que les ministres des Etats membres qui ont adopté l'euro se réunissent entre eux de façon informelle et élisent en leur sein un président pour deux ans et demi.
l Un Protocole portant modification du traité Euratom afin d'assurer la compatibilité de ce traité avec celui instituant une Constitution pour l'Europe.


l Une Déclaration annexée au Protocole sur la représentation des citoyennes et des citoyens au Parlement européen et la pondération des voix au Conseil européen et au Conseil des ministres, dans la perspective de l'adhésion de la Roumanie et/ou de la Bulgarie à l'Union européenne.

l Une Déclaration sur la création d'un Service européen pour l'action extérieure, en vue d'assister le futur ministre des affaires étrangères de l'Union.

l Une Déclaration à l'Acte final de signature du traité établissant la Constitution qui prévoit que si, à l'issue un délai de deux ans à compter de la signature de ce traité, les quatre cinquièmes des Etats membres ont ratifié ledit traité et qu'un ou plusieurs Etats membres ont rencontré des difficultés pour procéder à ladite ratification, le Conseil européen se saisit de la question.

AVANT-PROPOS DE M. PIERRE LEQUILLER, membre titulaire

La Convention a remporté son pari. Le mandat est rempli et le résultat est sans ambiguïté : un seul texte, sans options, a été transmis à la présidence de l'Union européenne le 18 juillet 2003, à Rome, par le Président Valéry Giscard d'Estaing. L'exercice était périlleux et jusqu'au bout incertain mais nous avons finalement réussi à nous rassembler autour d'un compromis ambitieux sans jamais céder aux querelles de boutiquiers auxquelles nous ont tristement habitués, dans le secret du huis clos, les précédentes conférences intergouvernementales. Et pourtant, les obstacles furent nombreux. La Convention a traversé, à un moment important de ses travaux, la plus grave crise internationale des dix dernières années. La guerre en Irak, les divisions de l'Europe et les soubresauts de la relation transatlantique ne l'ont pourtant pas fait dévier de son cap, qu'elle a su tenir avec persévérance.

Que de chemin parcouru depuis Nice ! La Déclaration de Laeken invitait la Convention à clarifier les ambitions européennes, à simplifier le fonctionnement de l'Union dans la perspective d'un élargissement historique et à rendre l'Europe plus légitime et plus proche des citoyens. Les résultats sont au rendez-vous. La répartition des compétences sera mieux définie et le principe de subsidiarité mieux respecté grâce à l'instauration d'un mécanisme d'alerte précoce qui permettra aux parlements nationaux d'adresser un carton jaune à la Commission si celle-ci outrepasse ses compétences. La future Constitution ouvre également la voie vers une Europe politique plus présente sur la scène internationale, au service des valeurs et des intérêts qu'elle entend promouvoir dans un monde multipolaire. A l'avenir, l'exécutif européen sera plus stable et plus visible. Le Président du Conseil européen, désigné pour un mandat de deux ans et demi, sera là pour donner les impulsions qui font aujourd'hui défaut. A ses côtés, le Ministre des affaires étrangères - inimaginable il y a encore quelques mois - devra favoriser les convergences nécessaires pour que l'Europe s'exprime d'une voix plus unie. Le Parlement européen devient enfin le véritable législateur de l'Union, sur un pied d'égalité avec le Conseil des ministres. Ses pouvoirs sont sensiblement renforcés, notamment en matière budgétaire, et il jouera un rôle essentiel dans l'élection du président de la Commission. Celle-ci, resserrée à quinze membres - et donc plus efficace - se voit confortée dans son rôle de gardienne de l'intérêt général européen, au-delà des positions nationales, et son pouvoir d'initiative est confirmé.

Mais c'est avant tout au citoyen que notre Constitution s'adresse. Plus de légitimité, plus de transparence, plus de démocratie. En reconnaissant un droit d'initiative populaire qui permettra aux citoyens de plusieurs pays de soumettre à la Commission une proposition de loi européenne, l'Union va beaucoup plus loin que nombre des Etats membres. En accordant une pleine valeur juridique à la Charte des droits fondamentaux, intégrée dans le corps de la Constitution, la Convention place l'homme au cœur du projet européen. Parce que l'Europe est aussi faite de rêve et de générosité, une autre disposition que j'ai soutenue est la création d'un service solidaire qui permettra à des jeunes Européens de se rendre utiles dans des régions du monde où tant reste à faire en matière de santé publique, d'environnement et d'éducation.

Bien sûr, notre projet n'est pas parfait. Bien sûr, il faudra un jour aller plus loin. Mais des perspectives sont tracées : vers une représentation unique de la zone euro dans les institutions financières internationales, vers un véritable gouvernement économique européen, vers la création d'un parquet européen pour renforcer la lutte contre la criminalité organisée, vers une politique étrangère et de défense commune grâce à des coopérations renforcées qui permettront à chacun d'avancer à son rythme, mais dans la même direction. Un jour aussi, je formule le vœu que l'Europe aura un visage unique : celui d'un président de l'Union qui assurera à la fois la présidence du Conseil européen et de la Commission. D'ici là, le souffle européen ne doit pas retomber et il incombe maintenant à la Conférence intergouvernementale qui va prochainement s'ouvrir de transformer l'essai parce que, comme l'a affirmé Valéry Giscard d'Estaing en concluant nos travaux, « le résultat est certes imparfait mais inespéré ».

AVANT-PROPOS DE M. JACQUES FLOCH,
membre suppléant

De la belle ouvrage ? Certainement !

Seize mois pour élaborer et proposer un « traité constitutionnel pour l'Europe unie » : l'ambition paraissait démesurée, à défaut d'être impossible.

Démesurée parce qu'elle était une première dans l'histoire de l'humanité : 450 millions de citoyens européens pouvaient-ils décider de vivre ensemble et de bâtir un avenir commun ?
Pouvaient-ils écrire des règles pour mieux vivre ensemble ? Cela sans contraintes intérieures ou extérieures comme seuls peuvent le faire des femmes et des hommes libres, avertis, conscients de leurs responsabilités.

Impossible, le mot ne fut jamais prononcé, sauf pour le rejeter. Au contraire, tout était proposable, tout était possible, les seules limites furent celles que se donnèrent les conventionnels
eux-mêmes. C'est-à-dire que l'image de l'Europe subit toutes les contradictions, depuis l'Europe un seul Etat à l'Europe zone de libre-échange sans contraintes et frontières.

Pour les socialistes français (ils ont existé à la Convention), le débat, parfois le combat, a toujours été de faire évoluer l'Europe vers plus de fédéralisme, vers plus d'unité, vers plus de solidarité :

- pour plus de progrès, de démocratie et de transparence des institutions ;

- pour une politique commune de sécurité et de relations avec le monde ;

- pour des politiques de plein emploi, de protections sociales avancées, de non-discrimination ;

- pour la reconnaissance des services d'intérêt général, que l'on peut traduire en français par les services publics nécessaires à l'équilibre social et territorial.

Les seize mois de travaux à Bruxelles furent des mois de tensions tant l'enjeu était important, mais aussi parce que les joueurs n'avaient pas tous le même niveau de connaissance, à la fois des institutions et des « us et coutumes » de l'Union européenne.

Les Quinze vivent sur un ensemble de compromis difficilement obtenus lors des réunions successives des Conseils européens, qui portent tous le nom d'une ville, là où le compromis a eu lieu.

La Convention s'est constamment référée à Nice, Laeken, Amsterdam, ou Lisbonne, chacun essayant de trouver dans ces accords l'argumentation qui lui était nécessaire pour convaincre, voire imposer son point de vue.

Mais nous avons voulu faire du neuf tout en ne faisant pas table rase du passé. La contradiction aurait pu être permanente, elle le fut rarement. C'est pourquoi on peut juger la proposition finale insuffisante, mais aussi comportant de belles avancées.

Par exemple, le problème posé par les services d'intérêt général (SIG), qu'en France on traduit très vite par services publics. Les SIG offrent toute la gamme d'éléments forts et contradictoires à la discussion : quel cadre juridique en Europe ? Quid de la subsidiarité ? Quels domaines prendre en compte : l'énergie, les transports, les communications, la distribution des fluides (eau, électricité, gaz,...), la santé, les services sociaux de proximité, l'éducation (pas d'économie performante sans des enseignements de grande qualité) ? La liste est presque non limitative. Nous avons quand même réussi à donner aux SIG une base juridique acceptable ; il restera au Parlement à faire son travail.

On peut évidemment multiplier les exemples au cours de ces seize mois de discussions fortes, âpres, parfois très tendues, souvent amicales et compréhensives. C'est d'ailleurs cet aspect des choses que je voudrais souligner, car on ne côtoie pas pendant de longues semaines des personnalités ayant dans leur pays les mêmes responsabilités que les nôtres, sans engager des liens forts et durables, sans essayer de comprendre le pourquoi de leurs propositions et des arguments utilisés, sans faire l'effort de regarder au plus près l'histoire, la sociologie, le développement social des interlocuteurs, de simplement les regarder vivre.

La future Union européenne est diverse, c'est le moins que l'on puisse dire, mais elle est aussi remplie de points communs : elle aspire à la paix, elle exige la solidarité, elle demande un développement harmonieux, elle veut être un espace de liberté, de justice et de sécurité, elle se donne une charte des droits fondamentaux. Il serait possible d'ajouter à cette liste tout ce que nous aurions pu, aurions dû, disent certains, obtenir :

- l'exigence du plein emploi, qui devrait être l'objectif numéro un de la Banque centrale européenne : on « tendra » seulement vers le plein emploi ;

- une meilleure organisation de la police, de la justice européenne comme de la garde de nos frontières communes ;

- une extension réelle de la fiscalité européenne comme mesure de clarification ;

- une politique étrangère et de sécurité identifiable, pour que le monde constate la puissance de l'Europe comme élément incontournable de sécurité, de développement de la paix.

La Convention a réussi mieux et plus qu'aucune autre institution européenne, simplement (à mon avis) parce qu'elle a été la rencontre de femmes, d'hommes de bonne volonté, libres de paroles et de propositions, acteurs-responsables dans leurs pays de la vie politique, économique et sociale. Ils en ont tous perçu la responsabilité, l'honneur et, pourquoi pas, la grandeur.

Les responsables gouvernementaux qui vont maintenant poursuivre les travaux de mise au point du traité constitutionnel doivent comprendre, doivent savoir qu'on ne pourrait leur pardonner de faire leur la définition d'une Constitution telle que décrite par Napoléon Bonaparte : « (...) Il faudrait qu'une Constitution soit courte et obscure (...) ». Courte, ainsi elle peut être manipulée, obscure, elle est incompréhensible des citoyennes et des citoyens.

Nous avons fait un texte long, nécessairement long, pour embrasser tous les moments de la vie et de son organisation. Nous avons fait un texte clair, il est lisible par tout un chacun qui peut en comprendre la teneur.

Oui, la Convention a bien travaillé.

PREMIERE PARTIE :
L'EUROPE, UNION D'ETATS ET DE CITOYENS

Le projet de Constitution clarifie et renforce les fondements de l'Union européenne, expression de la double légitimité des Etats et des citoyens. Décrivant les principes fondateurs de l'Union, il intègre ses objectifs fondamentaux, ses valeurs, clarifie la répartition des compétences et prévoit l'organisation des institutions au service de l'intérêt commun.

I. L'AFFIRMATION DE PRINCIPES CONSTITU-TIONNELS EUROPEENS

La nature constitutionnelle du projet de traité résulte notamment de l'intégration dans ce projet d'un Préambule - élément fondamental d'une Constitution - et des articles relatifs aux valeurs et aux objectifs de l'Union, base du projet politique européen. Ces éléments sont à mettre en parallèle avec la deuxième partie qui intègre la Charte des droits fondamentaux.

A. Le Préambule

Le projet de Préambule a été élaboré par le Praesidium, le Préambule de la Charte des droits fondamentaux étant par ailleurs intégré dans la deuxième partie.

Le Préambule décrit dans un style assez littéraire le contexte et les objectifs de la démarche des Etats membres fondant la Constitution. Il apparaît ainsi clairement que celle-ci repose sur la volonté des Etats, ce qui correspond à la nature juridique de la Constitution, exprimée sous la forme d'un traité.

Précédé d'une citation de Thucydide définissant la démocratie, le Préambule évoque les racines historiques, culturelles et religieuses de la civilisation européenne et trace les grandes lignes de l'inspiration humaniste qui est au cœur du projet européen. Il inclut la formule d'une Union « sans cesse plus étroite », reprise du traité actuel. Cette formule avait été mise en cause par certains conventionnels qui critiquaient le principe même d'un approfondissement continu de l'Union(1).

Le Préambule n'a fait l'objet que d'un nombre réduit d'amendements, portant essentiellement sur la question d'une référence explicite à la religion chrétienne ou à Dieu.

Plusieurs conceptions se sont exprimées à cet égard, d'une laïcité vigilante (ce fut notamment la position du Gouvernement français) à la défense d'une vision consistant à rappeler dans le texte constitutionnel les fondements chrétiens de la civilisation occidentale.

Le débat sur les « origines religieuses » de l'Union n'est pas nouveau. Lors de la précédente Convention chargée d'élaborer la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, face à la proposition d'ajouter au préambule de la Charte une formule ainsi libellée : « s'inspirant de son héritage culturel, humaniste et religieux, l'Union européenne se fonde... », les autorités françaises avaient indiqué qu'elles refuseraient de signer le texte de la Charte si la référence à l'héritage religieux était maintenue, celle-ci étant considérée comme contraire au principe de laïcité reconnu par la Constitution française. Un compromis a finalement pu être trouvé pour le préambule de la Charte en remplaçant la référence à « l'héritage religieux » par l'évocation du « patrimoine spirituel »(2).

Au sein de la Convention, les défenseurs d'une référence explicite à l'héritage religieux sont venus autant de certains actuels Etats membres (notamment l'Allemagne, l'Italie, la Grèce) que de nouveaux adhérents (notamment la Pologne, la Lituanie, la République tchèque).

Une contribution présentée par M. Joachim Wuermeling, membre suppléant de la Convention, représentant le Parlement européen, et cosignée par vingt-cinq conventionnels, a ainsi été déposée le 31 janvier 2003 pour demander que le texte de la Constitution inclue une référence explicite à Dieu. Par ailleurs, beaucoup d'amendements ont tendu à demander une référence explicite au christianisme ou aux valeurs judéo-chrétiennes(3).

Le Parti populaire européen (PPE), principal groupe politique au Parlement européen, a lui aussi proposé, dans un projet de Préambule pour la Constitution, une référence à Dieu et à « l'héritage religieux » de l'Union. M. Elmar Brok, président de la composante PPE à la Convention, souligne que la contribution du christianisme à l'histoire de l'Europe est « un fait, non une opinion ».

Dans une contribution sur « l'identité européenne », déposée le 25 novembre 2002, M. Hubert Haenel, représentant du Sénat français à la Convention, considère « qu'admettre, dans son pluralisme, la dimension religieuse des héritages européens pourrait constituer un des aspects d'un modèle européen de laïcité fait de séparation du politique et du religieux, de garantie de la liberté de conscience, mais aussi de reconnaissance du fait religieux dans l'esprit de favoriser le dialogue, le respect mutuel, l'effort de reconnaissance réciproque ». Il estime ainsi que, dans le cas de l'Europe, « héritage culturel » et « héritage religieux » sont indissociables.

A l'inverse, d'autres conventionnels sont intervenus dans les débats pour soutenir le principe de laïcité. Ainsi MM. Borrell, Carnero et Lopez Garido, représentants espagnols, ont déposé à la Convention le 26 février 2003, en leur nom, une résolution signée par 163 membres du Parlement européen « pour le respect des principes de liberté religieuse et de laïcité de l'Etat dans la future Constitution européenne ». Ils ont demandé en particulier « qu'aucune référence directe ou indirecte à une religion ou croyance spécifique ne soit incluse dans la future Constitution européenne ».

Notre collègue Jacques Floch a également déposé, le 25 février 2003, une contribution plaidant « pour une Constitution européenne qui reconnaisse la laïcité »(4). Par ailleurs, M. Jacques Floch a déposé un amendement au Préambule tendant à insérer une référence à l'« héritage laïc », outre celle faite aux héritages « culturels, religieux et humanistes ». D'autre part, certains amendements ont proposé de supprimer la référence à l'héritage religieux et d'évoquer plutôt l'héritage spirituel (amendement de MM. Olivier Duhamel et Robert Badinter, et de Mme Pervenche Beres) reprenant ainsi la solution adoptée pour la Charte des droits fondamentaux.

Dans une première version, le projet de Préambule proposé par le Praesidium mentionnait « les civilisations helléniques et romaines » et les « courants philosophiques des Lumières », se contentant d'une allusion à la religion et plus particulièrement au christianisme à travers l'évocation de « l'élan spirituel qui a parcouru l'Europe ».

Le Préambule adopté par la Convention fait finalement référence aux « héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe, dont les valeurs, toujours présentes dans son patrimoine, ont ancré dans la vie de sa société sa perception du rôle central de la personne humaine et de ses droits inviolables et inaliénables, ainsi que du respect du droit ». Il n'est ainsi fait mention d'aucune religion en particulier(5).

Cette rédaction a paru rassembler un assez large consensus. Plusieurs gouvernements (Espagne, Portugal, Pologne) ont néanmoins déjà annoncé qu'ils évoqueraient à nouveau dans le cadre de la Conférence intergouvernementale (CIG) la question d'une référence explicite au christianisme ou à Dieu.

Il faut mentionner par ailleurs l'article 51 relatif au statut des églises et des organisations non confessionnelles. Cet article reprend, en l'intégrant dans la Constitution, le contenu de la déclaration n°11 annexée au traité d'Amsterdam sur le respect du statut des églises et associations religieuses et non confessionnelles.

B. Définition et objectifs de l'Union

Les articles premier à 5 de la première partie de la Constitution exposent les fondements mêmes de l'Union, sa définition, ses valeurs, ses objectifs, et ont été par conséquent très débattus.

Une première version de ces articles a été rendue publique par le Praesidium début février. Elle a été discutée lors de deux sessions plénières, fin février et début mars, et a fait l'objet de très nombreux amendements. Une nouvelle version, modifiée et enrichie, a été présentée par le Praesidium fin mai et débattue en plénière le 5 juin.

1) Etablissement et symboles de l'Union

L'article premier établit l'Union et décrit ses caractéristiques fondamentales. Il évoque le double fondement de l'Union, la « volonté des citoyens » (la première version parlait de la volonté des « peuples ») et celle des Etats d'Europe. Il contient implicitement la définition géographique des limites de l'Union.

L'article dispose clairement que ce sont les Etats qui confèrent à l'Union des compétences pour atteindre leurs objectifs communs, et non la Constitution elle-même (rédaction reprise d'une proposition britannique).

En ce qui concerne les modes d'exercice de ces compétences, il évoque à la fois la coordination des politiques des Etats membres et l'exercice « sur le mode communautaire » des compétences transférées. Cette dernière expression a remplacé celle, contenue dans la première version de l'article, qui faisait référence à la gestion « sur le mode fédéral »(6) de certaines compétences communes.

Certains membres britanniques de la Convention s'étaient élevés contre l'usage du mot « fédéral » et ont ainsi obtenu gain de cause. Le Président Giscard d'Estaing a indiqué oralement à la Convention qu'il comprenait que dans certaines langues européennes le mot « fédéral » pouvait être perçu négativement. Sur le fond, cela ne change rien quant à la réalité de l'exercice supranational de certains domaines de compétences.

Par ailleurs, la mention selon laquelle l'«Union respecte l'identité nationale de ses Etats membres », qui figurait dans la première version de l'article premier a été supprimée. Cette idée a été reprise dans un nouvel article 5 relatif aux relations entre l'Union et les Etats membres, qui intègre également une référence aux fonctions essentielles de l'Etat, à l'autonomie locale et régionale, et à la coopération loyale entre l'Union et les Etats membres.

Enfin, les débats de la dernière session de la Convention, les 9 et 10 juillet, ont permis d'intégrer au texte de la Constitution
- malgré des réticences britanniques - les symboles de l'Union dans un article nouveau (qui sera intégré dans la première partie). Cet article prévoit que l'Union est dotée d'un drapeau - représentant un cercle de douze étoiles d'or sur fond bleu -, d'un hymne - l'Ode à la joie de Beethoven -, d'une monnaie - l'euro -, d'une « journée de l'Europe » - le 9 mai - et d'une devise - « Unie dans la diversité ».

2) Les valeurs de l'Union

Les valeurs de l'Union sont précisées par l'article 2 du projet de Constitution. Cet article est centré sur une liste brève des valeurs européennes fondamentales : le respect de la dignité humaine, la démocratie, l'égalité, l'état de droit, le respect des droits de l'homme (les principes de liberté, de démocratie, du respect des droits de l'homme, des libertés fondamentales, ainsi que de l'état de droit figurent actuellement dans l'article 6 du traité sur l'Union européenne). Il précise que les sociétés européennes sont caractérisées par « le pluralisme, la tolérance, la justice, la solidarité et la non-discrimination ». Les notions d'égalité, de non-discrimination et de pluralisme(7), ont été introduites par la seconde version de cet article, en date du 27 mai 2003, à la suite des très nombreux amendements portant sur cet article et des débats en séance plénière (par contre cette seconde version a supprimé la notion de « société paisible » qui figurait dans la première proposition du Praesidium).

Il convenait d'éviter une trop longue liste ou des concepts trop flous, à la fois pour des raisons liées à la force symbolique du texte et à la clarté, mais aussi parce que cette liste sert de base au mécanisme prévu par ailleurs par la Constitution (article 58) selon lequel un risque clair de violation grave d'une des valeurs européennes par un Etat membre peut engager la procédure d'alerte et de sanction contre cet Etat.

3) Les objectifs de l'Union

L'article 3 énonce les principaux objectifs justifiant l'existence de l'Union pour l'exercice de certaines compétences en commun au niveau européen. Cet article intègre les dispositions principales de l'actuel article 2 du traité sur l'Union européenne
- en leur donnant une forme constitutionnelle -, les complète et les enrichit. Les objectifs énoncés recouvrent chacun un certain nombre de politiques et d'objectifs précis figurant dans la partie III de la Constitution.

De nombreux objectifs évoqués par cet article ne figurent pas, ou en tout cas pas directement, dans les objectifs mentionnés par le traité actuel. Beaucoup d'éléments nouveaux ont été notamment introduits par amendements ou à la suite des débats en plénière.

Parmi les principaux éléments nouveaux figurant en tant qu'objectifs de l'Union, il convient de citer, s'agissant des objectifs internes :

- la mention d'une « économie sociale de marché » (de nombreux amendements dans ce sens, provenant de divers conventionnels, dont notre collègue Jacques Floch) ;

- l'objectif du plein emploi (l'article 2 du traité de l'Union mentionne un niveau d'emploi élevé) ;

- un niveau élevé de protection et d'amélioration de l'environnement (qui ne figure pas en tant que tel, comme objectif de l'Union, dans le traité actuel, mais dans les dispositions relatives à la politique de l'environnement) ;

- le progrès scientifique et technique ;

- la lutte contre l'exclusion sociale et les discriminations ;

- la promotion de la justice et de la protection sociale (l'article 2 du traité actuel évoque la notion de « progrès économique et social ») ;

- l'égalité entre femmes et hommes, la solidarité entre les générations, la protection des droits des enfants ;

- la cohésion territoriale, qui s'ajoute à la cohésion économique et sociale visée à l'actuel traité (amendements dans ce sens du rapporteur et d'autres conventionnels) ;

- respect de la richesse de la diversité culturelle et linguistique (amendement dans ce sens du rapporteur et d'autres conventionnels). Cet objectif a été par ailleurs repris en compte dans les dispositions régissant la prise de décision dans le domaine des accords commerciaux, concernant notamment le domaine culturel et audiovisuel, puisque le texte final de la Convention, complété sur ce point lors de la dernière session des 9 et 10 juillet 2003, prévoit que l'unanimité est maintenue lorsqu'un projet d'accord commercial risque de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique (article III-217).

Il faut en outre souligner qu'un paragraphe particulier concerne les objectifs de l'Union dans le monde. Ce paragraphe a été sensiblement renforcé à la suite des amendements et des débats en plénière afin de souligner la démarche ouverte de l'Europe vis-à-vis du reste du monde : dans « ses relations avec le reste du monde l'Europe promeut ses valeurs et ses intérêts ».

L'article 2 du traité actuel indique très brièvement que l'Union se donne pour objectif d'« affirmer son identité sur la scène internationale ». Le projet d'article 3 de la Convention renforce sensiblement les objectifs internationaux de l'Union, en visant expressément la paix, la sécurité, le développement durable, la solidarité et le respect mutuel entre les peuples, le commerce libre et équitable, l'élimination de la pauvreté et la protection des droits de l'homme (amendement du rapporteur et d'autres conventionnels), en particulier des droits des enfants, le strict respect et le développement du droit international notamment le respect des principes de la Charte des Nations Unies.

C. L'appartenance à l'Union

Le Titre IX du projet de Constitution (articles 57 à 59) contient les dispositions relatives aux critères d'éligibilité et à la procédure d'adhésion, à la suspension des droits d'appartenance à l'Union et au retrait volontaire de l'Union. Les critères d'éligibilité et la procédure d'adhésion à l'Union, ainsi que les règles prévues pour la suspension des droits d'appartenance à l'Union, reprennent les grandes lignes des dispositions actuellement en vigueur.

Les critères d'éligibilité comme la suspension des droits d'appartenance à l'Union font notamment référence aux respects des valeurs visées à l'article 2.

La principale innovation du projet de Constitution, en ce qui concerne l'appartenance à l'Union, concerne l'introduction d'une possibilité de retrait volontaire de l'Union. Les traités ne prévoyaient en effet pas cette possibilité jusqu'à présent et la doctrine restait divisée sur l'existence ou non d'une possibilité implicite de retrait unilatéral.

Le Praesidium a considéré que la Constitution devait contenir une disposition spécifique sur le retrait volontaire de l'Union. Il a estimé qu'une telle disposition clarifiait la situation et permettait d'introduire une procédure pour la négociation et la conclusion entre l'Union et l'Etat membre concerné d'un accord régissant les modalités de retrait et le cadre de leurs relations futures. Il a jugé qu'en outre, l'existence d'une telle disposition constituait « un signal politique important pour ceux qui soutiendraient que l'Union est une entité rigide de laquelle il est impossible de sortir ». Le Président Giscard d'Estaing a nettement appuyé cette proposition du Praesidium(8), qui a reçu le soutien de la Convention .

Cette opinion n'était cependant pas unanime au sein de la Convention. Certains ont en effet estimé qu'une possibilité de retrait volontaire risquait d'alimenter les campagnes eurosceptiques et de faire peser sur l'Union des menaces de chantage au retrait. Plusieurs conventionnels ont proposé que la possibilité de retrait soit liée à la non-ratification par un Etat d'une révision constitutionnelle.

La procédure prévue par l'article 59 précise en définitive que « Tout Etat membre peut, conformément à ses règles constitutionnelles, décider de se retirer de l'Union européenne ». Cette possibilité est indépendante de toute procédure de révision de la Constitution. Un accord régissant les modalités du retrait est conclu entre l'Etat concerné et le Conseil. La Constitution cesse d'être applicable à l'Etat concerné au plus tard deux ans après la notification de la demande du retrait, et à défaut même d'accord sur les modalités du retrait.

II. LA CONFIRMATION DE LA DOUBLE LEGITIMITE DE L'UNION

L'Union européenne n'est ni une fédération, ni une confédération. L'expression utilisée par M. Jacques Delors de « Fédération d'Etats nations », largement commentée, exprime cette dimension duale de la construction européenne, fondée à parité sur les citoyens européens et sur les Etats.

L'article premier du projet de traité constitutionnel consacre ce dualisme : « Inspirée par la volonté des citoyens et des Etats d'Europe de bâtir leur avenir commun, cette Constitution établit l'Union européenne, à laquelle les Etats membres confèrent des compétences pour atteindre leurs objectifs communs ».

A. L'Europe des citoyens

1) La vie démocratique de l'Union

« À l'intérieur de l'Union, il faut rapprocher les institutions européennes du citoyen. Certes, les citoyens se rallient aux grands objectifs de l'Union, mais ils ne voient pas toujours le lien entre ces objectifs et l'action quotidienne de l'Union. Ils demandent aux institutions européennes moins de lourdeur et de rigidité et surtout plus d'efficacité et de transparence » (Extrait de la Déclaration de Laeken, décembre 2001).

Le renforcement démocratique de l'Union fut l'un des objectifs majeurs poursuivis par la Convention. A elle seule, la méthode conventionnelle constitue déjà une rupture avec le huis clos des conférences intergouvernementales. Les débats de la Convention ont été en effet largement ouverts au public, et l'intégralité des documents de travail furent accessibles en ligne, sur le site Internet de la Convention.

La Convention a également constitué un forum permanent qui a pris la forme d'un réseau structuré d'organisations représentant la société civile (partenaires sociaux, monde des affaires, organisations non gouvernementales, milieux universitaires, etc.). Une session plénière fut d'ailleurs exclusivement consacrée, les 24 et 25 juin 2002 à « l'écoute de la société civile ». Il convient aussi de mentionner la création d'une « Convention de jeunes », installée en juillet 2002, et qui a présenté son propre projet de Constitution européenne.

« La vie démocratique de l'Union » correspond au Titre VI du projet de Constitution, qui comporte huit articles. Plusieurs principes fondamentaux sont déclinés : le principe d'égalité démocratique (article 44), de démocratie représentative
(article 45) et de démocratie participative (article 46). Quant au principe de transparence, il fait l'objet d'une disposition spécifique (article 49) qui énonce que « les institutions, les organes et les agences de l'Union œuvrent dans le plus grand respect du principe possible d'ouverture ». Cet objectif d'ouverture concerne essentiellement la société civile, mais vaut aussi pour les églises et les organisations philosophiques et non confessionnelles telles que définies par l'article 51.

Le projet de traité constitutionnel confirme plusieurs dispositions existantes telles que le droit d'accès aux documents de l'Union, le rôle du médiateur européen, la protection des données à caractère personnel avec la création d'une autorité indépendante, ou encore l'existence des partis politiques européens. Le statut des églises et des organisations non confessionnelles est, pour sa part, précisé à l'article 51 qui reprend en substance, dans le corps du texte constitutionnel, les termes de la Déclaration n°11 annexée au traité d'Amsterdam en prévoyant que « L'Union respecte et ne préjuge pas le statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les églises et les associations ou communautés religieuses dans les Etats membres ».

Deux innovations importantes doivent être soulignées.

La règle selon laquelle le Conseil de l'Union siège en public, comme le Parlement européen, lorsqu'il adopte une proposition législative.

Ce principe de publicité des réunions du Conseil « législatif » trouve son corollaire dans le protocole sur le rôle des parlements nationaux qui prévoit que « les ordres du jour et les résultats des sessions du Conseil, y compris les procès-verbaux des réunions du Conseil lorsqu'il délibère sur des propositions législatives, sont communiqués directement aux parlements nationaux des Etats membres, en même temps qu'aux gouvernements des Etats membres ».

Le droit d'initiative populaire permettant à un nombre significatif de citoyens de l'Union, au moins égal à un million, et issus d'un nombre significatif d'Etats membres, de demander à la Commission de présenter une proposition d'acte juridique sur un sujet donné (article 46). Cette disposition résulte d'un amendement déposé par M. Jürgen Meyer, représentant du Bundestag à la Convention.

Ces dispositions, regroupées au sein du Titre VI sur « la vie démocratique de l'Union » assurent une plus grande visibilité des garanties fondamentales accordées aux citoyens européens. Elles sont indissociables de la deuxième partie du traité constitutionnel que constitue la Charte des droits fondamentaux qui acquiert ainsi une pleine valeur juridique, permettant aux citoyennes et aux citoyens d'Europe d'être ceux qui, dans le monde, bénéficieront des droits les plus étendus.

2) L'intégration de la Charte des droits fondamentaux

Un groupe de travail a été spécialement créé au sein de la Convention sur le thème de l'intégration de la Charte des droits fondamentaux dans le corps même du texte constitutionnel. Cette Charte, élaborée en 1999 par une Convention et signée en décembre 2000 lors du Conseil européen réuni à Nice, n'a pas, en effet, pleine valeur juridique. Ses dispositions sont déclaratives et nul ne peut s'en prévaloir directement devant la Cour de justice des Communautés européennes.

Le groupe de travail présidé par M. Antonio Vitorino a apporté une réponse positive d'une part, à l'intégration de la Charte au sein même du traité constitutionnel, et d'autre part, à la possibilité pour l'Union d'adhérer à la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH).

Il a été décidé de ne pas rouvrir le débat sur le contenu de la Charte qui reste donc inchangé, mises à part quelques adaptations rédactionnelles rendues nécessaires pour assurer la compatibilité de la Charte avec le nouveau traité constitutionnel.

L'intégration de la Charte était une demande expressément formulée par l'Allemagne, tandis que le Royaume-Uni s'est montré beaucoup plus réticent, sans toutefois opposer son veto. Les représentants britanniques ont en effet craint que les juridictions nationales européennes procèdent à une interprétation extensive de la Charte conduisant à la reconnaissance de nouveaux droits. C'est pourquoi il a finalement été décidé d'ajouter au préambule de la Charte que celle-ci « sera interprétée par les juridictions de l'Union et des Etats membres en prenant dûment en considération les explications établies sous l'autorité du Praesidium de la Convention qui a élaboré la Charte »(9) .

Il peut paraître surprenant de conférer une pleine valeur constitutionnelle aux explications du Praesidium, mais ce fut là une condition sine qua non à l'acceptation par le Royaume-Uni de l'intégration de la Charte dans le corps de la Constitution. D'autant que la Charte constitue la deuxième partie du projet de traité constitutionnel, alors que les représentants britanniques auraient préféré qu'elle soit annexée à la Constitution, sous la forme d'un protocole additionnel.

Incontestablement, l'intégration de la Charte des droits fondamentaux représente une avancée essentielle dans la construction d'une Europe des citoyens, qui dépasse la réalisation d'un simple marché unique. Les Européens partagent des valeurs et des objectifs communs que vient consacrer l'intégration de la Charte. L'article 7 du projet de traité constitutionnel énonce ainsi que « L'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux qui constitue la partie II de la présente Constitution ». Et le second alinéa de cet article dispose que « L'Union s'emploie à adhérer à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales » mais que « l'adhésion à cette Convention ne modifie pas les compétences de l'Union telles qu'elles sont définies dans la présente Constitution ».

Ainsi, en matière de protection des droits fondamentaux, l'opportunité politique et juridique de l'adhésion de l'Union à la CEDH reste controversée, mais devient désormais possible grâce à l'octroi d'une personnalité juridique de l'Union. Il convient de préciser qu'une adhésion de l'Union à la CEDH n'impliquerait pas que l'Union devienne membre du Conseil de l'Europe et n'affecterait pas les positions individuelles des Etats membres concernant la CEDH.

B. L'Europe des Etats

1) La clarification des compétences

Qui fait quoi en Europe ? La Déclaration relative à l'avenir de l'Union, annexée au traité de Nice, mentionne la répartition des compétences entre l'Union et les Etats membres comme l'une des questions majeures invitant le Conseil européen à prendre les initiatives appropriées afin d'assurer une meilleure délimitation des compétences.

Le projet de traité constitutionnel adopté par la Convention clarifie les compétences de l'Union grâce à une définition plus claire et plus stable des compétences. Trois catégories de compétences sont désormais envisagées :

- les compétences exclusives de l'Union où celle-ci est seule habilitée à légiférer et à adopter des actes juridiquement contraignants, les Etats membres ne pouvant intervenir eux-mêmes que par habilitation de l'Union ou pour la mise en œuvre des actes qu'elle a adoptés ;

Les compétences exclusives mentionnées à l'article 12 sont :

- la politique monétaire pour les Etats membres qui ont adopté l'euro,

- la politique commerciale commune,

- l'Union douanière,

- la conservation des ressources biologiques de la mer dans le cadre de la politique commune de la pêche.

- les compétences partagées entre l'Union et les Etats membres, ces derniers exerçant leur compétence dans la mesure où l'Union n'a pas exercé la sienne ou a décidé de cesser de l'exercer ;

Les compétences partagées entre l'Union et les Etats membres s'appliquent aux domaines suivants (article 13) :

- le marché intérieur,

- l'espace de liberté, de sécurité et de justice,

- l'agriculture et la pêche, à l'exclusion de la conservation des ressources biologiques de la mer,

- le transport et les réseaux transeuropéens,

- l'énergie,

- la politique sociale, pour des aspects définis dans la partie III,

- la cohésion économique, sociale et territoriale,

- l'environnement,

- la protection des consommateurs,

- les enjeux communs de sécurité en matière de santé publique,

- la recherche, le développement technologique et l'espace,

- la coopération au développement et l'aide humanitaire.

- les compétences d'appui de l'Union, afin de coordonner ou de compléter l'action des Etats membres, sans pour autant remplacer leur compétence dans ces domaines. Il n'est ainsi pas prévu, dans ces domaines, d'harmonisation de la législation des Etats membres.

Selon l'article 16 du projet de traité constitutionnel, l'Union peut mener des actions d'appui, de coordination ou de complément dans les domaines suivants :

- l'industrie,

- la protection et l'amélioration de la santé humaine,

- l'éducation, la formation professionnelle, la jeunesse et le sport,

- la culture,

- la protection civile.

Les débats furent animés au sein de la Convention pour décider s'il fallait ou non établir un catalogue rigide des compétences entre l'Union et les Etats membres. En effet, alors que certains ont prôné l'établissement d'une liste de compétences flexible et
non exhaustive, d'autres ont opté pour une définition claire des prérogatives entre l'Union et les Etats membres. Dans certains pays de l'Union où l'organisation administrative est fortement décentralisée, c'est notamment le cas en Allemagne et en Italie, la répartition des compétences peut avoir des conséquences sur l'exercice des compétences régionales.

La clarification de la répartition des compétences s'accompagne parallèlement d'une incitation à une meilleure coordination des politiques des Etats membres, à travers la « méthode ouverte de coordination » afin de favoriser, en dehors de tout mécanisme contraignant d'harmonisation des législations, une convergence des politiques nationales respectives. Sans inscrire nommément la méthode ouverte de coordination le projet de Constitution y fait référence dans les domaines de la politique sociale, de la recherche, de la santé et de l'industrie (articles III-107, III-148, III-179 et III-180).

Par ailleurs, l'article 308 du traité instituant la Communauté européenne permet actuellement de justifier une action de l'Union « dès lors que celle-ci apparaît nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun, l'un des objets de la Communauté ». Cette clause de flexibilité est maintenue dans le projet de traité constitutionnel (article 17), mais s'accompagne d'un renforcement du mécanisme de contrôle des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

2) Le rôle nouveau des parlements nationaux et leur implication dans le contrôle du principe de subsidiarité

Le principe de subsidiarité, introduit par le traité de Maastricht, fait référence au niveau d'intervention le plus pertinent lorsqu'une compétence est partagée entre l'Union et les Etats membres. Dans ce cas de compétences « partagées » ou « concurrentes », une action européenne ne se justifie que si l'Union est réellement en mesure d'agir plus efficacement que les Etats membres individuellement.

L'application du principe de subsidiarité est l'un des quatre thèmes prioritaires qui figure dans la Déclaration sur l'avenir de l'Europe annexée au traité de Nice. C'est un sujet étroitement lié à celui du rôle des parlements nationaux, tant l'absence d'un contrôle approprié du respect de la subsidiarité peut entraîner une dépossession du champ de compétence parlementaire.

Un protocole spécifique sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité est annexé au projet de traité constitutionnel. Il jette les bases d'une meilleure prise en compte du principe de subsidiarité lors de la phase d'élaboration et de proposition des actes législatifs et permet aux parlements nationaux d'exercer un contrôle politique ex-ante de la subsidiarité grâce à l'instauration d'un mécanisme d'alerte précoce.

Une disposition du protocole prévoit l'obligation pour la Commission de motiver ses propositions au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Désormais, toute proposition législative devrait comporter une fiche contenant des éléments circonstanciés permettant de formuler une appréciation quant au respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Il est prévu que dans un délai de six semaines, tout parlement national d'un Etat membre ou toute chambre d'un parlement national pourra adresser aux Présidents du Parlement européen, du Conseil des ministres et de la Commission un avis motivé contenant les raisons pour lesquelles il estimerait que la proposition en cause n'est pas conforme au principe de subsidiarité.

Au cas où au moins un tiers des parlements nationaux(10) émettraient un avis motivé sur le non-respect par la proposition de la Commission du principe de subsidiarité, celle-ci serait tenue de réexaminer sa proposition. A l'issue de ce réexamen, la Commission pourrait décider, soit de maintenir sa proposition, soit de la modifier, soit de la retirer. Il convient de souligner que, s'agissant d'une proposition de la Commission ou d'une initiative émanant d'un groupe d'Etats membres dans le cadre des dispositions de la troisième partie de la Constitution relatives à l'espace de liberté, de sécurité et de justice, le seuil d'un tiers des parlements nationaux est abaissé à un quart.

L'alerte précoce vise ainsi à permettre aux parlements nationaux d'exprimer leur position, individuellement et directement, au début de la procédure législative communautaire. Il s'agit là d'un contrôle politique ex ante, qui n'a pas vocation à faire intervenir les parlements nationaux directement dans la procédure législative communautaire. La Commission ne peut être juridiquement liée par les avis émis.

Plusieurs amendements ont été déposés sur ce projet de protocole, visant à instaurer un « carton rouge » qui obligerait la Commission à retirer sa proposition dès lors que deux tiers des parlements nationaux auraient émis un avis négatif. Les effets pervers d'une telle proposition ne doivent pas être sous-estimés ; en intervenant dans la procédure législative, les parlements prendraient le risque d'apparaître comme une source de blocage de la construction européenne. Or, il existe de nombreux autres moyens d'associer les parlements nationaux que de les placer exclusivement en position d'opposition.

En tout état de cause, même si elle n'est pas juridiquement liée par les avis parlementaires, la Commission sera en pratique tenue par un rapport de force politique qui aura naturellement des conséquences sur le contenu de ses propositions législatives. L'histoire de la construction européenne est un jeu de négociations permanentes ; en ce sens, le droit d'alerte précoce s'inscrit pleinement dans la logique communautaire.

Le groupe de travail « subsidiarité » de la Convention avait préconisé la possibilité pour les parlements nationaux d'exercer directement un recours juridictionnel ex post, devant la Cour de justice de l'Union européenne, après l'entrée en vigueur des actes législatifs. Dans son projet de protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, le Praesidium de la Convention ne leur a toutefois reconnu un droit de recours que par le truchement de leurs gouvernements respectifs. La déception fut réelle parmi les parlementaires nationaux dans la mesure où le projet du Praesidium s'inscrit en retrait par rapport aux propositions du groupe de travail qui avaient pourtant fait l'objet d'un consensus lors de la session plénière de la Convention.

Un droit de recours juridictionnel est en revanche reconnu au Comité des régions, mais uniquement en ce qui concerne les actes législatifs pour l'adoption desquels la Constitution prévoit sa consultation.

3) Le protocole sur le rôle des parlements nationaux : la reconnaissance et la mise en œuvre du droit à l'information des parlementaires nationaux

L'entrée en vigueur en 1999 du Protocole sur le rôle des parlements nationaux dans l'Union européenne, annexé au traité d'Amsterdam, a marqué une avancée importante dans les droits reconnus aux parlements nationaux, en prévoyant que « tous les documents de consultation de la Commission (livres verts, livres blancs et communications) sont transmis rapidement aux parlements nationaux des Etats membres ». S'agissant des « propositions législatives », leur communication doit intervenir « suffisamment à temps pour que le gouvernement de chaque Etat membre puisse veiller à ce que le parlement national de son pays les reçoive comme il convient ». En pratique, cela signifie que la Commission n'adresse jamais directement ses documents aux parlements nationaux et que c'est par l'intermédiaire des gouvernements que les parlements nationaux sont informés des activités législatives de l'Union.

Le nouveau protocole adopté par la Convention sur le rôle des parlements nationaux prévoit que « tous les documents de consultation de la Commission (livres verts, livres blancs et communications) sont transmis directement par la Commission aux parlements nationaux des Etats membres lors de leur publication » et ajoute que « toutes les propositions législatives adressées au Parlement européen et au Conseil des ministres sont envoyées simultanément aux parlements nationaux des Etats membres ». Il est également prévu que les parlements nationaux soient destinataires du programme législatif annuel de la Commission ainsi que de tout autre instrument de programmation législative ou de stratégie politique.

Le protocole sur le rôle des parlements nationaux clarifie également les relations entre les parlements nationaux et le Conseil de l'Union composé des représentants des gouvernements des Etats membres.

Le protocole actuellement en vigueur sur le rôle des parlements nationaux annexé au traité d'Amsterdam prévoit que, sauf cas d'urgence, un délai de six semaines s'écoule entre le moment où la Commission transmet une proposition législative au Conseil et au Parlement européen, et l'inscription de cette proposition à l'ordre du jour du Conseil en vue d'une décision. Or des difficultés se posent lorsque, sans prendre une décision formelle, les ministres parviennent à un accord politique avant l'expiration du délai de six semaines. Le protocole adopté par la Convention mentionne ainsi désormais que « dix jours doivent s'écouler entre l'inscription d'une proposition à l'ordre du jour du Conseil des ministres et l'adoption d'une position ».

Les relations entre gouvernements et parlements nationaux relèvent des règles constitutionnelles propres à chaque Etat. Cependant, la pratique indique que certains systèmes nationaux sont plus favorables que d'autres au contrôle parlementaire, et qu'un recensement des meilleures pratiques observées dans l'Union européenne peut se révéler très utile. Dans son rapport final, le groupe de travail « parlements nationaux » de la Convention a ainsi estimé utile d'examiner les différents systèmes nationaux afin de définir des normes minimales. Un tel « benchmarking » serait de nature à renforcer la portée du protocole approuvé par la Convention.

III. DES INSTITUTIONS PLUS LEGITIMES ET PLUS EFFICACES

La réforme des institutions a constitué un élément majeur des travaux de la Convention. La Déclaration de Laeken en faisait l'un des points clés du mandat conventionnel : « La première question à se poser est de savoir comment nous pourrons augmenter la légitimité démocratique et la transparence des institutions actuelles, et elle vaut pour les trois institutions ».

A. Les enjeux du débat institutionnel

L'élargissement à vingt-cinq membres, et bientôt vingt-sept, comme la nécessité d'un approfondissement de l'Union, notamment en matière de sécurité, comme dans le domaine Justice-Affaires intérieures, rendait la réforme indispensable.

Pourtant, la discussion institutionnelle n'est intervenue que très tardivement dans le déroulement de la Convention. Le premier débat général sur l'architecture institutionnelle de l'Union a été organisé les 20 et 21 janvier 2003, soit près d'un an après le début des travaux de la Convention et moins de six mois avant leur clôture. Cette session a, pour l'essentiel, été marquée par les réactions des conventionnels à la proposition institutionnelle franco-allemande rendue publique le 15 janvier 2003. Le premier texte portant sur les institutions proposé par le Praesidium a été transmis fin avril à la Convention et le premier débat en plénière sur ces propositions s'est déroulé les 15 et 16 mai, soit un mois avant la remise du projet de Constitution au Conseil européen.

Par ailleurs, la réforme des institutions n'a pas fait l'objet d'un groupe de travail, contrairement aux autres principaux domaines de discussion.

Les sujets institutionnels étant sans conteste les plus sensibles
- voire passionnels - dans la mesure où ils touchent aux divers équilibres de pouvoir (au sein des institutions, mais aussi entre Etats membres), il était certainement de bonne méthode de les aborder après avoir auparavant consolidé l'« esprit de la Convention » et déjà abouti à un consensus sur un ensemble de résultats très significatifs (fusion des traités, suppression des piliers, personnalité juridique de l'Union, intégration de la Charte ...).

Les discussions institutionnelles ont tourné principalement autour de quelques sujets centraux, liés les uns aux autres : la question de la présidence du Conseil européen, celle du mode de désignation du Président de la Commission, de la composition de la Commission, de l'organisation du Conseil des ministres. A ces questions relatives à l'organisation institutionnelle se sont mêlés étroitement d'autres sujets portant sur le fonctionnement des institutions et en particulier la définition de la majorité qualifiée au sein du Conseil.

Les propositions institutionnelles de la Convention n'ont pu se dégager qu'à l'extrême fin des travaux, lors de la dernière session plénière précédant le sommet de Thessalonique du 20 juin.

Il n'est pas dans l'objet de ce rapport de retracer précisément les points de vue des différents participants à la Convention, et leur évolution. Le déroulement des discussions institutionnelles au sein de la Convention (et en dehors d'elle) a constitué un jeu très complexe et évolutif dont les acteurs multiples et la diversité des formations se sont combinés selon des modes très variés, différents suivant les sujets et l'avancée des débats dans le temps.

Néanmoins, il convient ici de faire référence à certaines positions, ou propositions, qui ont structuré le développement des discussions institutionnelles et leur conclusion :

- la proposition de la France, du Royaume Uni et de l'Espagne, introduite par le discours du Président Jacques Chirac à Strasbourg du 6 mars 2002 et reprise notamment par la proposition institutionnelle franco-allemande de janvier 2003, d'une présidence stable du Conseil européen. La plupart des autres participants à la Convention ont été très longtemps opposés à cette proposition ;

- l'attachement de l'Allemagne et de nombreux conventionnels à un renforcement de la légitimité démocratique du Président de la Commission, à travers son élection par le Parlement européen ;

- le souhait de la plupart des petits pays et des nouveaux adhérents de maintenir la rotation de la présidence du Conseil, et leur attachement à ne pas affaiblir la Commission, comme à maintenir le principe d'un commissaire par Etat membre prévu à Nice (rejoints sur ces deux points par les représentants de la Commission) ;

- le rôle charnière du Bénélux sur les principaux points clés, (qui a œuvré très activement à l'émergence progressive du consensus final) ;

- l'attachement de l'Espagne à maintenir les règles de majorité qualifiée prévues par le traité de Nice.

Un certain accord s'est par ailleurs dégagé assez vite quant au respect de certains principes, ce qui a permis de progresser vers une solution d'équilibre :

- le confortement de la méthode communautaire ;

- le maintien des équilibres institutionnels et donc le renforcement simultané des trois pôles du « triangle », le Parlement, le Conseil et la Commission - expression du double fondement de l'Union, la légitimité des Etats et celle des citoyens ;

- le respect du principe d'égalité, entre les Etats mais aussi entre les individus, le poids démographique de chacun des pays devant être pris en compte.

Dans la recherche difficile d'une solution institutionnelle équilibrée qui ne rencontre pas d'opposition radicale, le talent du Président de la Convention - mélange subtil d'inspiration, d'autorité, de diplomatie et de réalisme - a été un élément majeur. Le rôle des deux vice-présidents, MM. Jean-Luc Dehaene et Giuliano Amato a été également très actif et très positif.

La proposition institutionnelle franco-allemande a aussi constitué un élément essentiel pour favoriser la « cristallisation » du débat ; elle se retrouve d'ailleurs assez largement dans le texte final.

La Commission a, quant à elle, joué un rôle très utile de « veilleur » pour encourager la Convention à adopter des solutions ambitieuses, dans le sens de l'intérêt commun.

Par ailleurs, les solidarités politiques exprimées par le travail des groupes ont permis de faire très utilement avancer le débat.

Enfin, la dimension parlementaire a été essentielle : elle a permis de conférer au travail de la Convention un tour réellement « politique ». En particulier, dans les toutes dernières semaines de la Convention, les parlementaires nationaux comme les représentants du Parlement européen, en adoptant souvent des positions communes, ont constitué un point d'appui majeur pour permettre au Praesidium de dépasser les blocages de certains gouvernements et de proposer ainsi un texte unique, sans options, répondant au mandat de Laeken et, de ce fait, dépassant les équilibres institutionnels du traité de Nice.

C'est ainsi le souhait partagé par tous les membres de la Convention que le travail de celle-ci ne soit pas vain, et la conscience de la nécessité de réformer les institutions, elle aussi largement partagée, qui ont permis de conclure positivement les travaux.

B. Un équilibre institutionnel renforcé et pérennisé

1) Le Parlement européen

En présentant les résultats de la Convention au Conseil européen de Thessalonique, le Président Giscard d'Estaing a considéré que le Parlement européen était le « grand gagnant » de la Constitution. En effet, la nouvelle procédure législative, dans laquelle le Parlement est colégislateur à égalité avec le Conseil, devient la règle générale. A l'heure actuelle la procédure de codécision couvre 37 domaines. Ce nombre sera porté à environ 80, et ainsi tous les domaines qui couvrent les politiques les plus importantes de l'Union seront régis par la procédure législative.

Le Parlement voit aussi ses pouvoirs accrus en matière budgétaire, conformément aux propositions faites par le cercle de discussion sur la procédure budgétaire mis en place par la Convention. En effet, la distinction entre dépenses obligatoires et dépenses non obligatoires est supprimée et, dans la discussion budgétaire entre le Conseil et le Parlement, celui-ci pourra avoir le dernier mot (dispositions de l'article III-310).

Il convient de préciser que le texte de la Constitution intègre le « cadre financier pluriannuel » (anciennes « perspectives financières pluriannuelles » qui font l'objet dans le système actuel d'un accord interinstitutionnel). Celui-ci fixe le montant des plafonds par catégorie de dépenses. Le cadre financier doit être approuvé par le Parlement.

En outre, à la demande notamment des représentants du Gouvernement français, l'article III-319 précise que « le Parlement européen, le Conseil et la Commission veillent à la disponibilité des moyens financiers permettant à l'Union de remplir ses obligations juridiques à l'égard de tiers ».

Les dispositions relatives à la composition du Parlement européen (article 19) ne prévoient pas une diminution du nombre des députés européens comme beaucoup l'auraient souhaité. Elles prévoient en effet que « le nombre de ses membres ne dépasse pas sept cent trente six (avec un seuil minimum de quatre membres par Etat) », soit quatre de plus que le plafond fixé par le traité de Nice.

Pour la législature 2004-2009, le nombre des représentants au Parlement européen élus dans chaque Etat membre correspondra aux décisions prises dans le cadre du traité de Nice et du traité d'adhésion.

Pour la suite, l'article 19 précise que « suffisamment longtemps avant les élections parlementaires européennes de 2009, et si besoin est par la suite en vue d'élections ultérieures, le Conseil européen adopte à l'unanimité, sur la base d'une proposition du Parlement européen et avec son approbation, une décision fixant la composition du Parlement européen ». La Constitution prévoit que la représentation des citoyens européens est assurée de façon « dégressivement proportionnelle ».

Il convient enfin de noter que la Convention n'a pas adopté la proposition avancée par un nombre significatif de conventionnels, tendant à prévoir une possibilité de dissolution du Parlement en cas de mise en cause de la responsabilité de la Commission. Cette disposition aurait constitué un utile élément complémentaire d'équilibre du « triangle ».

2) Le Conseil européen

La Constitution consacre le Conseil européen comme une institution à part entière de l'Union. Il joue ainsi le rôle d'une sorte de souverain collectif. L'article 20 précise ses fonctions : donner les impulsions nécessaires au développement de l'Union, définir ses orientations et ses priorités politiques générales. A la demande de plusieurs conventionnels, le texte final de la Convention dispose que le Conseil européen n'exerce pas de fonctions législatives. Cette précision permet de renforcer et de clarifier la distinction entre le Conseil européen et le Conseil des ministres. Il s'agit de deux institutions nettement différenciées et le Conseil européen n'est pas une instance d'appel du Conseil des ministres.

Contrairement à la situation actuelle, la Constitution ne prévoit pas que les ministres des affaires étrangères participent au Conseil européen. Les membres du Conseil européen seront les chefs d'Etat ou de gouvernement, le Président du Conseil européen et le Président de la Commission (qui en est déjà membre dans la situation actuelle). Le ministre des affaires étrangères de l'Union, participera à ses travaux. Les membres du Conseil pourront décider d'être assistés par un ministre, et, pour le Président de la Commission, par un membre de la Commission. Sauf exception prévue par la Constitution, le Conseil européen continuera à se prononcer par consensus.

Une nouveauté essentielle de la Constitution est l'introduction d'une présidence stable du Conseil européen. Le Président du Conseil européen sera élu pour deux ans et demi. Il ne pourra exercer conjointement un mandat national. Il présidera les travaux du Conseil européen et assurera à son niveau la représentation extérieure de l'Union pour les matières relatives à la politique étrangère et de sécurité commune, sans préjudice des compétences du ministre des affaires étrangères. Cette initiative française, soutenue dès le début par les Britanniques et les Espagnols, reprise ensuite dans la proposition institutionnelle franco-allemande, correspond à une nécessité forte : il s'agit d'assurer aux institutions de l'Union une plus grande lisibilité - tant en interne que sur le plan international - et une continuité accrue. A vingt-cinq Etats membres, la rotation semestrielle, déjà problématique dans la situation actuelle, n'a plus de sens.

Cette proposition s'est heurtée au départ à une opposition nettement majoritaire des conventionnels, en particulier des petits pays et des nouveaux adhérents, des représentants du Parlement européen et de la Commission. Les craintes exprimées mettaient en lumière le risque d'un déséquilibre des institutions au détriment de la Commission, les dangers de compétition ou d'incohérence entre les deux présidents - celui du Conseil européen et celui de la Commission -, la perspective possible d'une administration nouvelle autour du Président du Conseil européen. Beaucoup soulignaient les avantages des présidences tournantes pour impliquer successivement chacun des Etats membres de l'Union.

En revanche, le Président Giscard d'Estaing s'est, dès le départ, montré favorable à l'idée d'une présidence stable.

Les précisions apportées par les débats et le texte de la Constitution quant au rôle de « Chairman » du Président du Conseil européen - rôle d'influence, de « facilitateur de décision », mais en aucune façon de décideur -, comme les dispositions aboutissant par ailleurs à un renforcement du Président de la Commission, et la dynamique finale qui a accompagné les dernières sessions de la Convention, ont permis de faire aboutir cette proposition. Bien que certains semblent continuer à douter de son opportunité, elle paraît à présent hors de portée d'une remise en cause par la CIG.

Cette présidence stable constitue une étape essentielle pour rendre l'exécutif européen plus efficace et plus lisible. Elle constitue un résultat remarquable d'une entente franco-allemande persévérante, autour des propositions faites en janvier dernier.

Convaincu de l'intérêt d'une présidence stable, le rapporteur avait proposé dès octobre 2002 (contribution du 7 octobre 2002) de mettre en place une présidence unique du Conseil européen et de la Commission(11). Il s'agissait à travers cette proposition de faire un pas supplémentaire vers un « visage » de l'Europe, de promouvoir un véritable exécutif européen assurant la cohérence de la préparation et de la mise en œuvre des décisions de l'Union, sans remettre nullement en cause les équilibres du « triangle », ni bien entendu les pouvoirs des organes de décision de l'Union, exercés collégialement.

Beaucoup de conventionnels se sont ralliés à cette proposition ou s'y sont déclarés favorables(12) . Elle est néanmoins apparue à un certain nombre comme proposant un saut probablement trop audacieux à ce stade, qui serait perçu négativement par certains Etats.

Dans cet esprit, le rapporteur a proposé dans le courant des derniers mois de la Convention (contribution du 16 mai 2003)
- conjointement avec M. Lamberto Dini et M. Andrew Duff (et comme d'autres conventionnels, notamment M. Michel Barnier, membre du Praesidium) - que la présidence unique soit mise en place à terme, dans un délai de dix ans après l'entrée en vigueur de la Constitution.

A l'issue de débats prolongés au sein du Praesidium, il a été décidé de laisser la porte ouverte à une possible présidence unique dans l'avenir. Le Praesidium a en effet proposé à la Convention de supprimer la disposition de l'article 21 - dans la nouvelle version des articles institutionnels transmise le 10 juin - qui prévoyait que « le Président du Conseil européen ne peut être membre d'une autre institution européenne » (cette disposition figurait dans le projet de Constitution dès la première version des articles relatifs aux institutions transmise le 23 avril).

Le Conseil européen aura donc la possibilité de décider de cette présidence unique, lorsque les conditions politiques lui paraîtront réunies.

3) Le Conseil des ministres

Les propositions de la Convention concernant l'organisation du Conseil des ministres s'inscrivent dans la ligne des évolutions déjà engagées depuis plusieurs années et partiellement concrétisées au sommet européen de Séville de juin 2002. Pour l'essentiel, les travaux de la Convention ont été animés par le triple souci d'une rationalisation des structures du Conseil, d'une autonomie nette de la formation législative du Conseil, et de la consécration d'une structure du Conseil spécifique dédiée aux affaires étrangères.

Aux débats relatifs au Conseil se sont mêlées les discussions sur la présidence, stable ou tournante, qui ont d'ailleurs bien davantage mobilisé les conventionnels que celles relatives à la structure interne du Conseil des ministres.

La proposition de créer un Conseil législatif distinct a été largement débattue, et a été soutenue par de nombreux conventionnels, en particulier par la plupart des représentants du Parlement européen. Mais elle s'est heurtée à la réticence de plusieurs grands pays, et la proposition finale de la Convention prévoit à cet égard une formule intermédiaire.

Le projet de Constitution (article 23) propose en effet de regrouper les Conseils en deux formations :

- le « Conseil législatif et des affaires générales », qui « assure la cohérence des travaux du Conseil des ministres » et qui est la seule formation ayant compétence législative. Ce Conseil est également chargé de la préparation des Conseils européens. Il est composé d'un représentant par Etat membre, au niveau ministériel. L'intention est de prévoir un même représentant pour toutes les réunions du Conseil. Cette représentation peut être complétée lorsque le Conseil agit comme législateur.

La présidence de ce Conseil est assurée selon un système de « rotation égale pour des périodes d'au moins un an ». Les règles de rotation seront établies par le Conseil européen, « en tenant compte des équilibres politiques et géographiques européens et de la diversité des Etats membres »(13;

- le « Conseil des affaires étrangères » qui élabore les politiques extérieures de l'Union selon les lignes stratégiques définies par le Conseil européen. Il est présidé par le ministre des affaires étrangères à « double casquette ».

Les principes régissant les compétences du Conseil des ministres sont globalement inchangés : le Conseil des ministres est législateur et autorité budgétaire, conjointement avec le Parlement européen. Il exerce par ailleurs des « fonctions de définition de politiques et de coordination selon les conditions fixées par la Constitution ».

Les modalités de décision au sein du Conseil ont par ailleurs été rationalisées, ce qui représente une innovation majeure (voir
III-C de ce rapport).

4) La Commission européenne

Pendant toute la durée des travaux de la Convention, la très grande majorité des conventionnels s'est déclarée en faveur d'un renforcement du rôle de la Commission au sein des institutions, comme gardien de l'intérêt commun européen et force de proposition. Même si ce sont les petits pays et les nouveaux adhérents qui ont exprimé le plus souvent cette préoccupation, un consensus s'est dégagé sur ce point. Les débats se sont d'ailleurs à cet égard plutôt focalisés sur les conséquences, quant au rôle de la Commission, de l'institution d'une présidence stable du Conseil.

Le rôle de la Commission se trouve conforté dans le projet de Constitution par la réaffirmation de son droit exclusif d'initiative, sauf exception prévue par la Constitution (ainsi, pour certains sujets du domaine Justice - Affaires intérieures, pour lesquels la Constitution prévoit le maintien, dans certaines conditions, du droit d'initiative des Etats). Cette réaffirmation n'était pas évidente au départ, plusieurs conventionnels, notamment certains représentants du Parlement européen, ayant évoqué l'idée d'un partage du droit d'initiative.

Par ailleurs, ce rôle est également conforté par la suppression des piliers, la communautarisation d'un ensemble de domaines (voir en particulier la deuxième partie de ce rapport, chapitre I, en ce qui concerne le domaine Justice - Affaires intérieures), et des compétences nouvelles en matière de gouvernance économique (voir deuxième partie, chapitre III, sur la gouvernance économique). Par ailleurs, la Commission est clairement et justement identifiée (article 25) comme étant en charge de la programmation pluriannuelle de l'Union, ce qui constitue un élément un peu passé inaperçu mais incontestablement très important, et qui était préalablement discuté, au regard de la répartition des rôles entre le Conseil et la Commission.

S'agissant de la Commission, les débats ont surtout porté sur sa composition. Des préoccupations contradictoires ont dû être prises en compte. D'une part, l'idée d'un resserrement de la Commission à un nombre de membres reflétant une logique fonctionnelle - par domaine de compétences - indépendante du nombre des Etats membres (la diminution du nombre des membres de la Commission est prévue par le traité de Nice, « lorsque l'Union comptera
vingt-sept Etats membres
 »). D'autre part, la préoccupation des Etats membres, en particulier les petits Etats et les nouveaux adhérents, d'être représentés au sein du collège des commissaires (de ce point de vue, il convient aussi de prendre en compte la diversité démographique des Etats, ce qui a été une préoccupation constante du Président Giscard d'Estaing au cours des travaux de la Convention). Cette demande des petits Etats et des nouveaux adhérents a été relayée par la Commission elle-même au cours de la Convention.

Ce n'est qu'au terme de ses travaux que la Convention a pu aboutir à une proposition qui a fait partie du consensus final de la Convention mais qui pourrait être rediscutée par certains gouvernements au sein de la CIG. Il s'agit incontestablement - avec les nouvelles règles de majorité qualifiée au sein du Conseil - d'un des sujets qui restent les moins profondément consensuels.

Le projet de Constitution prévoit en premier lieu que, jusqu'en 2009, le traité de Nice s'appliquera, c'est-à-dire avec un commissaire par Etat membre. Cela permettra aux nouveaux adhérents de disposer du temps nécessaire pour s'« approprier » de l'intérieur les institutions européennes.

Pour la suite, la Commission serait composée de 13 commissaires, en plus du Président de la Commission et du ministre des affaires étrangères. Le Président Giscard d'Estaing a indiqué à Thessalonique que ce chiffre maximum était celui « recommandé par les anciens Présidents de la Commission, pour respecter son caractère collégial et exercer les douze fonctions identifiées pour la Commission ». Le collège serait complété par des « commissaires délégués » sans droit de vote afin que chaque Etat puisse être présent au sein de la Commission par l'intermédiaire d'un commissaire de sa nationalité.

La répartition des membres du collège des commissaires entre Etats membres à partir de 2009 devra faire l'objet d'une décision du Conseil européen qui, selon la Constitution, devra prendre en compte les principes suivants :

- a) « les Etats membres sont traités sur un strict pied d'égalité en ce qui concerne la détermination de l'ordre de passage et du temps de présence de leurs nationaux au sein du Collège ; en conséquence, l'écart entre le nombre total des mandats détenus par des nationaux de deux Etats membres donnés ne peut jamais être supérieur à un ».

- b) sous réserve du point a), chacun « des collèges est constitué de manière à refléter de façon satisfaisante l'éventail démographique et géographique de l'ensemble des Etats membres de l'Union ».

Ces dispositions laissent une certaine marge d'appréciation au Conseil européen. Les règles de rotation devront être claires, justes, et pouvoir être comprises par tous. Il convient de satisfaire à la fois les critères d'équilibre entre Etats membres et les critères démographiques.

Le principe d'un commissaire par Etat, qui résulte du traité de Nice, aboutit à des résultats très déséquilibrés dans l'Union à
vingt-cinq : six commissaires des six plus « grands » pays représenteront 74 % de la population, huit commissaires - des huit pays « moyens » - 19 % de la population et onze commissaires des « petits » pays, 7 % de la population. Ce système risque de nuire à la légitimité et à l'autorité de la Commission .

Le rapporteur a proposé à la Convention une formule qui s'efforce de prendre en compte les divers équilibres(14).

La Constitution prévoit d'ailleurs de renforcer le statut du Président de la Commission. Il serait élu par le Parlement sur proposition du Conseil européen « compte tenu des élections au Parlement européen, et après des consultations appropriées ». La contribution institutionnelle franco-allemande prévoyait que le Président de la Commission serait élu par le Parlement européen et approuvé par le Conseil. Dans le système actuel, issu du traité d'Amsterdam, le Président de la Commission est désigné par le Conseil européen, après approbation par le Parlement européen.

L'autorité du Président est également renforcée par le choix des commissaires (à l'heure actuelle les membres de la Commission sont désignés par le Conseil européen, en accord avec le Président de la Commission ; la Commission est ensuite soumise à un vote d'approbation du Parlement européen). Le projet de Constitution propose que le Président désigne les treize commissaires, sur des listes proposées par les Etats membres, chaque Etat établissant « une liste de trois personnes, parmi lesquelles les deux genres sont représentés ». Le Collège est ensuite soumis à un vote d'approbation du Parlement.

C. Des instruments plus efficaces

1) La simplification des instruments et des procédures

a) La réduction à six du nombre des instruments juridiques

On dénombre aujourd'hui 15 instruments juridiques et 22 procédures législatives différentes. Cette multitude conduit à une complexité que la structure de l'Union en piliers vient renforcer. Pour autant, la fusion des trois piliers (communautaire, PESC et JAI) opérée par la Convention n'a pas vocation à supprimer un particularisme juridique rendu nécessaire par le bon fonctionnement de l'Union.

Le titre V de la partie I du projet de traité constitutionnel est consacré à l'exercice des compétences de l'Union. L'article 32 ramène de 15 à 6 le nombre des instruments juridiques de l'Union. Il s'agit de la loi européenne, de la loi-cadre européenne, de la décision, du règlement, de la recommandation et de l'avis.

Parallèlement, une hiérarchie des normes européennes est instaurée, grâce à l'établissement d'une distinction entre les actes législatifs, d'une part, et les actes d'exécution d'autre part.

La loi et la loi-cadre sont des actes législatifs soumis, sauf exception explicitement mentionnée dans le traité constitutionnel, à la procédure de codécision, désormais nommée « procédure législative européenne », qui place le Parlement européen à égalité avec le Conseil de l'Union. Les actes législatifs, adoptés sur proposition de la Commission européenne, contiennent les éléments essentiels et opèrent les choix politiques fondamentaux de l'Union.

- La loi européenne, qui remplace l'actuel règlement, est obligatoire et directement applicable dans toute l'Union européenne.

- La loi-cadre européenne, qui se substitue à l'actuelle directive, est obligatoire quant aux résultats à atteindre, les modalités de mise en œuvre étant laissées à la discrétion des Etats membres.

Les actes d'exécution sont le règlement et la décision. Ces deux instruments sont utilisés pour la mise en œuvre des actes législatifs et relèvent en règle générale de la compétence de la Commission, et à titre exceptionnel, de celle du Conseil.

- Le règlement européen est un acte non législatif de portée générale pour la mise en œuvre des actes législatifs et de certaines dispositions spécifiques de la Constitution. Il peut, soit être obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout Etat membre, soit lier tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant au choix de la forme et des moyens.

- La décision européenne est un acte non législatif qui est obligatoire dans tous ses éléments. Lorsqu'elle désigne des destinataires, elle n'est obligatoire que pour ceux-ci.

Le projet de Constitution crée à l'article 35 une nouvelle catégorie d'instruments que sont les « règlements délégués ». Cette disposition prévoit en effet que les lois et les lois-cadres européennes peuvent déléguer à la Commission le pouvoir d'édicter des règlements délégués qui complètent ou qui modifient certains éléments non essentiels de la loi ou de la loi-cadre. Cette délégation législative s'accompagne cependant d'un droit d'évocation (« call back ») permettant au législateur de contrôler la mise en œuvre, par la Commission, de ce pouvoir législatif délégué.

Quant aux instruments non contraignants, ils sont au nombre de deux : la recommandation et l'avis.

La nouvelle typologie des instruments juridiques s'applique à l'ensemble des domaines d'action de l'Union, tirant les conséquences juridiques de la suppression des piliers. Ainsi, les instruments juridiques spécifiques à certaines matières, telles que la politique étrangère ou la justice et les affaires intérieures sont supprimés. C'est ainsi que disparaissent dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune les « stratégies communes », les « actions communes » et les « positions communes ». Il en est de même, par exemple, pour les « conventions » de l'actuel troisième pilier, dont l'entrée en vigueur est soumise la ratification de tous les Etats membres.

Pour autant, la suppression des piliers ne s'accompagne pas de la disparition de certains instruments spécifiques à certaines matières. C'est ainsi que s'agissant de la PESC, les instruments actuels sont remplacés par la « décision PESC » et la « décision de mise en œuvre PESC », adoptées selon des modalités particulières. En ce qui concerne en revanche l'espace de liberté, de sécurité et de justice, les instruments spécifiques du troisième pilier (convention, décision-cadre et décision) sont remplacés par les nouvelles lois-cadres et lois européennes, moyennant toutefois certains aménagements de procédure.

Traité ou Constitution ?

Avec l'adoption d'un traité instituant une Constitution pour l'Europe, se pose la question de la nature juridique de la norme de droit originaire et de son caractère ou non constitutionnel. Un débat a eu lieu au sein de la Convention afin de déterminer les conditions d'entrée en vigueur du traité constitutionnel ainsi que les modalités de révision de ce texte. Malgré les nombreux amendements suggérant une procédure de révision et d'entrée en vigueur selon des règles de majorité « super qualifiée », le Praesidium de la Convention a fait le choix du maintien de l'unanimité, conformément à une logique de traité plutôt qu'à une dynamique constitutionnelle. L'article IV-6 prévoit toutefois que « si à l'issue d'un délai de deux ans à compter de la signature du traité modifiant le traité instituant la Constitution, les quatre cinquièmes des Etats membres ont ratifié ledit traité et qu'un ou plusieurs Etats membres ont rencontré des difficultés pour procéder à ladite ratification, le Conseil européen se saisit de la question ».

b) La simplification des procédures

La réforme des procédures est essentiellement marquée par une extension très sensible de la procédure de codécision qui devient la procédure législative de droit commun de l'Union.

En effet, prenant acte de la quasi-impossibilité de maintenir la règle de l'unanimité dans une Europe élargie, et suivant en cela les conclusions du groupe de travail sur la simplification des procédures qui préconisaient une rationalisation de l'ensemble des procédures législatives, le projet de traité constitutionnel prévoit le recours à la procédure de codécision (désormais appelée « procédure législative européenne ») comme règle générale d'adoption des textes législatifs sur la base du vote à la majorité qualifiée, à l'exception de certains sujets pour lesquels le traité constitutionnel prévoit une motivation objective. C'est ainsi le cas en ce qui concerne la négociation et la conclusion d'accords dans le domaine du commerce des services culturels et audiovisuels « lorsque ceux-ci risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l'Union » (article III-217).

Mais la Constitution fait passer près d'une trentaine de nouveaux domaines de l'unanimité à la majorité qualifiée en ce qui concerne notamment la liberté d'établissement et l'accès aux activités non salariées, la coopération administrative en matière de justice et d'affaires intérieures, les contrôles aux frontières, la comitologie, les nouvelles missions de la Banque centrale européenne ou bien encore la modification du statut de la Cour de justice européenne. En revanche, une soixantaine de cas continueront de relever de la règle de l'unanimité. C'est le cas, notamment, de la fiscalité, du Parquet européen et de la procédure de révision de la Constitution.

La procédure de coopération, instaurée par l'Acte unique entré en vigueur en 1987 est supprimée et la procédure de l'avis conforme devient dérogatoire à la procédure législative européenne de droit commun.

Il convient cependant de préciser que des dispositions spécifiques déterminent les procédures décisionnelles particulières dans les domaines de la PESC, de la défense, de la coopération policière et de la justice pénale. Les politiques issues des actuels deuxième et troisième piliers du traité sur l'Union européenne demeurent, en tout ou partie, soumises à l'unanimité du Conseil, avec consultation du Parlement. Cependant, le titre V de la première partie du projet de Constitution prévoit la possibilité pour les Etats membres qui le souhaitent d'approfondir leur intégration dans un domaine qui ne relève pas des compétences exclusives de l'Union, y compris dans le domaine de la PESC, de constituer une avant-garde au sein d'une coopération renforcée. Pour se constituer, cette coopération renforcée devra concerner au moins un tiers des Etats membres. Il faut souligner que cette option est également ouverte pour la politique de défense, sans qu'un seuil minimum d'Etats participants soit fixé dans le texte constitutionnel.

Dans le domaine budgétaire, le projet de traité constitutionnel abolit la distinction opérée entre dépenses obligatoires et dépenses non obligatoires, renforçant ainsi sensiblement les prérogatives du Parlement européen.

2) Une définition plus simple de la majorité qualifiée

L'article 24 du projet de Constitution définit la majorité qualifiée comme « réunissant la majorité des Etats membres, représentant au moins les trois cinquièmes de la population de l'Union »(15).

Ce principe de la double majorité des Etats et de la population rompt avec le mécanisme complexe de pondération des voix au Conseil en vigueur jusqu'à présent. En effet, selon la déclaration relative à l'élargissement de l'Union européenne, annexée au traité de Nice, les délibérations du Conseil dans l'Europe à vingt-cinq sont acquises si elles ont recueilli au moins 232 voix sur 321, exprimant le vote de la majorité des membres, lorsqu'elles doivent être prises sur proposition de la Commission. Il est par ailleurs prévu qu'un Etat a toujours la possibilité de demander que, lors de la prise d'une décision par le Conseil à la majorité qualifiée, il soit vérifié que les Etats membres constituant cette majorité qualifiée représentent au moins 62 % de la population totale de l'Union. S'il s'avère que cette condition n'est pas remplie, la décision en cause n'est pas adoptée.

En réalité, s'il simplifie les règles existantes, on peut considérer que le nouveau système proposé par la Convention ne bouleverse pas véritablement l'équilibre des dispositions en vigueur. De la majorité des Etats représentant 62 % de la population, on passe à la majorité des Etats membres représentant 60 % de la population...

Pourtant, cette nouvelle disposition a constitué l'un des points d'achoppement les plus importants lors de la phase finale des travaux de la Convention. L'opposition la plus forte est venue de l'Espagne, qui bénéficie avec le traité de Nice d'une surpondération au sein du Conseil, proportionnellement à sa population. En effet, avec 40 millions d'habitants, ce pays dispose de 27 voix au Conseil tandis que l'Allemagne et la France, avec respectivement 80 millions et 60 millions d'habitants, ne disposent que de 29 voix.

Un compromis a donc dû être trouvé qui précise notamment que les dispositions relatives au calcul de la majorité qualifiée ne prendront effet qu'au 1er novembre 2009, après la tenue des élections parlementaires européennes.

Par ailleurs, l'article 24 prévoit une clause « passerelle » qui permet au Conseil européen de décider, de sa propre initiative et à l'unanimité, après une période minimale d'examen de six mois, de faire passer une matière de l'unanimité à la majorité qualifiée. De nombreux amendements ont été déposés afin que le Conseil puisse décider non pas à l'unanimité mais à la majorité qualifiée d'élargir le champ d'application de la procédure législative européenne de droit commun. Il faut souligner que cette clause « passerelle » aboutit en réalité à une révision du texte constitutionnel(16), en dehors de la procédure spéciale de la partie IV de la Constitution qui exige une ratification par l'ensemble des Etats membres. Or la clause « passerelle » n'évoque que l'obligation pour le Conseil européen de statuer après consultation du Parlement européen et information des parlements nationaux.

A côté de cette clause « passerelle » générale de l'article 24, il existe des passerelles spécifiques à la PESC (articles 39 et 201), au domaine social (article III-104), à l'environnement (article III-130) et au droit de la famille (article III-170). En ce qui concerne la coopération administrative et la lutte contre les fraudes dans le domaine fiscal, l'article III-63 prévoit une passerelle spécifique : le Conseil constate au préalable à l'unanimité que les mesures soumises concernent bien ces domaines, après quoi, il peut statuer à la majorité qualifiée.

3) La reconnaissance explicite de la personnalité juridique de l'Union

Une phrase suffit dans la Constitution pour reconnaître explicitement la personnalité juridique de l'Union. L'article 6 énonce ainsi que « L'Union est dotée de la personnalité juridique ».

A l'heure actuelle, l'Union européenne n'a pas de personnalité juridique explicite, alors que la Communauté européenne, incluse dans l'Union européenne, est bien un sujet de droit international. Il en résulte trop souvent une confusion, notamment dans les relations extérieures de l'Union.

La Convention a suivi les conclusions du groupe de travail « Personnalité juridique » présidé par M. Giuliano Amato en accordant une personnalité juridique unique pour l'Union européenne. Devenant un sujet de droit international, l'Union pourra désormais signer des traités en son nom propre, sans que la signature des Etats membres soit nécessaire. Elle pourrait également ester en justice et adhérer à des organisations internationales. Il en résulte une plus grande clarté tant vis-à-vis de l'extérieur qu'à l'égard des citoyens de l'Union.

La création d'une personnalité juridique unique rend également possible la fusion des différents traités régissant l'Europe, ouvrant la voie à un traité constitutionnel européen unique(17).

DEUXIEME PARTIE :
DES POLITIQUES RENOVEES AU SERVICE DE L'INTERET COMMUN EUROPEEN

Outre l'élaboration d'un cadre constitutionnel, la Convention a permis de renforcer les bases de l'action de l'Union dans les domaines prioritaires que sont, notamment, la justice et la sécurité, l'action extérieure, la gouvernance économique et la politique sociale. Les propositions concernant les politiques communes, contenues dans la troisième partie du projet de Constitution, ne vont sans doute pas aussi loin que beaucoup de conventionnels, et en particulier le rapporteur, l'auraient souhaité pour donner à l'Union les moyens d'être pleinement efficace, notamment sur le plan de la politique étrangère et dans le domaine économique. Le point d'équilibre atteint par les propositions de la Convention va néanmoins aussi loin que l'autorisaient les réticences politiques de certains participants. Il constitue en tout état de cause une étape majeure.

IV. L'ESPACE DE LIBERTE, DE SECURITE ET DE JUSTICE

L'espace de liberté, de sécurité et de justice, consacré par le traité d'Amsterdam, est l'un des domaines où la Convention européenne propose les avancées les plus importantes. Les progrès envisagés permettront à l'Europe, pour reprendre les termes du président de la Convention lorsqu'il a présenté le projet de traité au Conseil européen de Thessalonique, de disposer « de deux des éléments sur lesquels se fonde la vie commune des peuples : la monnaie et la justice ».

Les travaux de la Convention sur ce sujet ont été préparés au sein d'un groupe de travail présidé par M. John Bruton, qui a rendu son rapport définitif en décembre 2002. La France et l'Allemagne ont également déposé une contribution commune sur ces questions, en novembre 2002.

Le projet de traité constitutionnel prévoit des clauses générales, concernant l'ensemble de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, et des dispositions sectorielles, relatives au contrôle des personnes aux frontières, aux politiques d'asile et d'immigration, à la coopération judiciaire en matière pénale et civile et à la coopération policière.

A. Une « communautarisation » partielle

1) Un cadre institutionnel unique

La suppression de la structure en piliers constitue une innovation importante. Les politiques relevant de l'espace de liberté, de sécurité et de justice relèvent actuellement de deux piliers : les visas, l'asile, l'immigration et les autres politiques liées à la libre circulation des personnes ont été transférés dans le premier pilier communautaire (titre IV du traité CE) par le traité d'Amsterdam, tandis que la coopération policière et judiciaire en matière pénale est restée dans le troisième pilier (titre VI du traité UE). La coopération policière et judiciaire en matière pénale sera ainsi « communautarisée ». Cette simplification rend le traité plus lisible et devrait atténuer les difficultés suscitées par le choix de la base juridique de certaines mesures.

Les procédures communautaires classiques seront pour partie applicables aux politiques relevant de l'espace de liberté, de sécurité et de justice :

- Les instruments spécifiques du troisième pilier (convention, décision-cadre et décision) sont ainsi remplacés par les nouvelles lois-cadre et lois européennes. Les conventions restaient en effet trop souvent lettre morte, faute de ratification, et les décisions-cadre et les décisions étaient dépourvues d'effet direct.

- L'application de la majorité qualifiée et de la codécision est étendue. C'est une innovation et une avancée majeure pour les matières relevant du troisième pilier (coopération policière et judiciaire en matière pénale) et, dans une moindre mesure, en ce qui concerne les visas, l'asile, l'immigration et le contrôle des frontières (dans certains de ces domaines, le passage à la majorité qualifiée est déjà prévu à compter du 1er mai 2004, sous certaines conditions, Cf. infra.).

- Le régime général de compétence de la Cour de justice sera applicable, les dérogations prévues aux actuels articles 35 TUE et 68 CE étant supprimées. Une exception est cependant maintenue à l'égard des opérations de police ou de maintien de l'ordre public, lorsqu'elles relèvent du droit interne.

2) Le maintien de procédures spécifiques

La Convention a cependant considéré que des procédures spécifiques devront être maintenues, afin de tenir compte des particularités de ces politiques :

- Actuellement, le pouvoir d'initiative est partagé, au sein du titre IV du traité CE comme dans le troisième pilier, entre la Commission et les Etats membres. Le traité CE prévoit qu'à compter du 1er mai 2004, la Commission disposera d'un droit d'initiative exclusif. Le droit d'initiative partagé continuera en revanche de s'appliquer au titre VI du traité UE.

Le droit de chaque Etat membre de faire des propositions est contesté : il complique la fixation de priorités stables et certaines propositions émanant d'Etats membres correspondent davantage à leur agenda politique national qu'à l'intérêt commun. Certains souhaitaient sa suppression. La Convention a préféré un compromis consistant à encadrer davantage ce droit, en fixant un seuil d'un quart des Etats membres pour qu'une initiative puisse être déposée. En contrepartie, les Etats membres conserveront la possibilité de présenter des initiatives, aux côtés de la Commission, y compris dans les matières relevant du titre IV du traité CE.

Le rôle essentiel des parlements nationaux dans ce domaine, qui touche tout particulièrement aux droits de l'homme et se situe au cœur du principe de subsidiarité, a été souligné par la plupart des Conventionnels. Le projet prévoit un droit d'alerte précoce renforcé, si une initiative paraît contraire au principe de subsidiarité. Le seuil d'un tiers des voix des parlements nationaux, à partir duquel la Commission est tenue de réexaminer sa proposition, a ainsi été abaissé à un quart pour les propositions relevant de l'espace de liberté, de sécurité et de justice. Le projet prévoit également d'associer les parlements nationaux aux mécanismes d'évaluation mutuelle mis en place, ainsi qu'au contrôle politique d'Europol et à l'évaluation d'Eurojust. Enfin, en matière d'harmonisation pénale, l'Union ne pourra intervenir que par le biais de lois-cadre européennes, et non de lois, afin d'associer les parlements nationaux à la transposition de ces mesures.

Ces avancées sont importantes mais ne suffiraient pas, à elles seules, à compenser la diminution du rôle des parlements nationaux entraînée par les modifications envisagées. La suppression des conventions du troisième pilier, le renforcement des compétences de l'Union en matière pénale et policière et la conclusion par l'Union d'accords de coopération judiciaire avec des pays tiers, par exemple, limiteront considérablement la compétence des parlements nationaux. Seul un renforcement des pouvoirs que détient le Parlement français au titre de l'article 88-4 de la Constitution permettrait d'assurer aux actes adoptés par l'Union dans ce domaine la légitimité démocratique indispensable à ces matières. L'Assemblée nationale s'est ainsi prononcée, dans une résolution en date du 10 avril 2003, pour que soit reconnu au Parlement le pouvoir d'établir des mandats de négociation impératifs en matière de coopération policière et judiciaire pénale, sur le modèle scandinave.

- Un mécanisme d'évaluation mutuelle de l'application des politiques européennes de justice et d'affaires intérieures est mis en place, en particulier afin de favoriser la pleine application du principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires. La France souhaiterait que cette évaluation vise plus précisément la qualité de la justice dans les Etats membres.

- Un comité de coopération opérationnelle, compétent en matière de sécurité intérieure, serait institué au sein du Conseil des ministres. Il remplacerait l'actuel « comité de l'article 36 ». La France souhaiterait qu'un comité chargé de la coopération opérationnelle en matière judiciaire puisse également être créé au sein du Conseil.

- Aucune procédure spécifique n'a en revanche été prévue pour la mise en place de coopérations renforcées pour ces matières, en dépit du souhait de certains Conventionnels.

B. Le renforcement des politiques de l'espace de liberté, de sécurité et de justice

1) Contrôle des frontières, immigration et asile

La Convention propose de passer à la majorité qualifiée et à la codécision dans ces domaines. En matière d'asile, le passage à la majorité qualifiée et à la codécision est déjà prévu par le traité de Nice dès qu'une législation communautaire définissant les règles communes et les principes essentiels aura été adoptée, c'est-à-dire lorsque les deux propositions de directive encore en discussion auront été adoptées. En ce qui concerne l'immigration, le passage à la majorité qualifiée constitue une innovation majeure (à laquelle l'Allemagne s'est d'ailleurs activement opposée au sein de la Convention), sauf pour l'immigration clandestine, le séjour irrégulier et le rapatriement, pour lesquels ce changement a déjà fait l'objet d'un accord à compter du 1er mai 2004, dans une déclaration annexée au traité de Nice. Pour la politique en matière de visas, la majorité qualifiée est déjà la règle depuis l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, ou doit le devenir pour certains aspects à compter du 1er mai 2004. S'agissant du contrôle des frontières extérieures, le passage à la majorité qualifiée serait une innovation, dans la mesure où il est actuellement subordonné à une décision du Conseil prise à l'unanimité.

Un principe de solidarité et de partage équitable des responsabilités entre les Etats membres, y compris sur le plan financier, est affirmé pour la mise en œuvre de ces politiques. Cette question a fait l'objet d'un débat important lors du Conseil européen de Thessalonique, en juin 2003. La France souhaite que cette solidarité reste exclusivement financière.

Une base juridique nouvelle permet la mise en place progressive d'un système commun intégré de gestion des frontières extérieures. Cette disposition prend en compte les orientations du Conseil européen de Séville de juin 2002 et pourrait permettre, à terme, la création d'un « corps européen de garde-frontières », souhaitée par la Commission européenne et par certains Etats membres. Une référence explicite à cette perspective a cependant été exclue.

En matière d'asile, la Convention propose d'aller au-delà de la fixation de simples « normes minimales » et de mettre en place un système commun en matière d'asile, conformément aux orientations données par le Conseil européen de Tampere d'octobre 1999. Le projet permet ainsi de créer un système commun, fondé sur des statuts uniformes d'asile et de protection subsidiaire et sur des procédures communes d'octroi et de retrait. Une disposition nouvelle, relative au partenariat et à la coopération avec les pays tiers a également été introduite, à la suite d'une demande britannique.

En ce qui concerne l'immigration, la Convention propose de permettre à l'Union d'appuyer l'action des Etats membres visant l'intégration des ressortissants de pays tiers, à l'exclusion de toute mesure d'harmonisation des législations. Une disposition nouvelle, ajoutée à la demande de l'Allemagne, précise que cette compétence de l'Union n'affecte pas le droit des Etats membres de fixer les volumes d'entrée des ressortissants de pays tiers sur leur territoire dans le but d'y rechercher un emploi. Une référence explicite aux accords de réadmission avec des pays tiers et à la lutte contre le trafic des êtres humains, déjà couverts par le traité, a également été ajoutée.

2) Coopération judiciaire en matière civile

Le principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et extrajudiciaires, dont le Conseil européen de Tampere a fait la « pierre angulaire » de l'espace judiciaire européen, est constitutionnalisé.

La référence limitant l'action de l'Union aux mesures nécessaires au bon fonctionnement du marché intérieur a été supprimée. La nécessité d'une incidence transfrontalière des matières visées a en revanche été maintenue.

Actuellement, la coopération judiciaire civile est décidée à la majorité qualifiée, à l'exception des aspects touchant le droit de la famille, auxquels s'applique l'unanimité. Cette exception a été maintenue, faute d'un accord suffisant pour passer à la majorité qualifiée. Une clause nouvelle permet cependant au Conseil des ministres, à l'unanimité, de rendre la procédure législative ordinaire applicable.

La formation des magistrats et des personnels de justice peut être soutenue par l'Union, en matière civile comme pénale. L'objectif d'un niveau d'accès élevé à la justice est également affirmé. Il pourrait avoir des conséquences en matière, notamment, d'aide juridique, de simplification et d'accélération du règlement des litiges transfrontaliers.

3) Coopération judiciaire en matière pénale

Dans ce domaine également, le principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires est constitutionnalisé. L'évaluation de la qualité de la justice des Etats membres est essentielle pour l'application de ce principe, afin de garantir la confiance mutuelle qui en constitue le fondement.

Les instruments du troisième pilier sont remplacés par les nouvelles lois et lois-cadre européennes, et la majorité qualifiée et la codécision seront applicables à la plupart des domaines visés. Ce sont deux avancées majeures, qui devraient permettre d'adopter des textes apportant une réelle valeur ajoutée, et non une harmonisation « à droit constant » ou « en trompe l'œil », multipliant les dérogations ou les renvois au droit national.

Les compétences de l'Union en matière de coopération judiciaire pénale sont clarifiées. En ce qui concerne la procédure pénale, l'Union pourra établir des règles minimales en matière d'admissibilité mutuelle des preuves (qui est considérée par les praticiens comme une question clé dans le traitement des affaires transnationales), de droits des personnes dans la procédure pénale (sujet sur lequel la Commission envisage déjà de déposer une décision-cadre, dans le cadre du traité UE actuel), ainsi que de droits des victimes de la criminalité. D'autres éléments spécifiques de la procédure pénale, identifiés préalablement par le Conseil à l'unanimité, pourront également faire l'objet de règles minimales. L'Union ne pourra intervenir que par le biais de lois-cadre, afin d'associer les parlements nationaux à la transposition de ces actes.

En matière de droit pénal matériel, des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et de sanctions pourront être établies dans des domaines de criminalité particulièrement grave et qui revêtent une dimension transfrontière résultant du caractère ou des incidences de ces infractions ou d'un besoin particulier de les combattre sur des bases communes. Une liste de ces infractions figure dans le projet : le terrorisme, la traite des êtres humains et l'exploitation sexuelle des femmes et des enfants (et non, comme le souhaitait la France, des êtres humains), le trafic illicite de drogues, le trafic illicite d'armes, le blanchiment d'argent, la corruption, la contrefaçon de moyens de paiement, la criminalité informatique et la criminalité organisée sont ainsi visés. Elle pourra être complétée par le Conseil statuant à l'unanimité, après approbation du Parlement européen. La France souhaite aller au-delà de la définition de règles minimales en prévoyant l'adoption d'un socle commun, germe d'un futur « code pénal de l'Union », et à permettre au Conseil de compléter la liste des « eurocrimes » à la majorité qualifiée et après consultation du Parlement européen.

Un rapprochement des infractions et sanctions est également possible lorsqu'elle est indispensable pour assurer la mise en œuvre efficace d'une politique de l'Union dans un domaine ayant fait l'objet de mesures d'harmonisation, selon la même procédure que celle utilisée pour cette harmonisation. Cet alinéa permet de couvrir, selon le Praesidium, des domaines comme la contrefaçon de l'euro, la protection des intérêts financiers communautaires, la contrefaçon des produits, les crimes contre l'environnement et la lutte contre le racisme et la xénophobie. Dans ces domaines également, l'Union doit intervenir par le biais de lois-cadre européennes.

La prévention du crime fait l'objet d'une nouvelle disposition, permettant à l'Union d'encourager et appuyer l'action des Etats membres, à l'exclusion de toute mesure d'harmonisation.

Les compétences d'Eurojust, organe de coopération et de coordination judiciaire, pourront être étendues. La loi européenne pourra ainsi lui donner la possibilité de déclencher des poursuites pénales, alors qu'Eurojust ne peut actuellement que demander aux autorités nationales d'engager des poursuites. La supervision des activités opérationnelles d'Europol, envisagée dans la première version du projet et proposée par le groupe de travail, a finalement été supprimée. Elle aurait permis une supervision judiciaire des activités d'enquête de l'Office européen de police et, en particulier, des équipes communes d'enquête. La France souhaite aller plus loin, en dotant également Eurojust de pouvoirs de substitution aux autorités nationales défaillantes, d'une force d'appui opérationnelle et d'un pouvoir de coordination des enquêtes menées par Europol et l'Office de lutte anti-fraude (OLAF).

Le projet permet au Conseil, à l'unanimité et après approbation du Parlement européen, de créer un parquet européen à partir d'Eurojust. Cette disposition a fait l'objet d'un débat très vif au sein de la Convention, en raison notamment d'une forte opposition du Royaume-Uni. Ce parquet européen serait compétent pour rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement, en liaison avec Europol, les auteurs et complices de crimes graves affectant plusieurs Etats membres, ainsi que les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union. Il exercerait également l'action publique relative à ces infractions devant les juridictions nationales. La France a proposé qu'un calendrier contraignant soit prévu, afin que cette création intervienne au plus tard cinq années après l'entrée en vigueur du traité, et que ce parquet européen dirige les enquêtes menées par Europol et l'OLAF. L'Assemblée nationale, dans une résolution du 22 mai 2003, a souhaité que cette création puisse être décidée à la majorité qualifiée, l'unanimité constituant, dans une Europe à vingt-cinq, voire au-delà, un obstacle quasiment insurmontable.

4) Coopération policière

La Convention propose de passer à la majorité qualifiée dans ce domaine également, à l'exception de la coopération opérationnelle, qui continuera de relever de l'unanimité. La suppression des instruments du troisième pilier conduira, entre autres, à remplacer la convention Europol par une loi européenne, qui pourra ainsi être plus facilement modifiée.

L'article consacré à Europol est plus concis et plus général que les dispositions actuelles et offre donc une marge de manœuvre plus étendue au législateur. Des compétences plus importantes pourraient être potentiellement accordées à l'Office, mais l'application de mesures de contrainte continuera de relever exclusivement des Etats membres et toute action opérationnelle d'Europol sur le territoire d'un Etat membre requiert l'accord de cet Etat. Les parlements nationaux seront associés au contrôle d'Europol exercé par le Parlement européen.

V. L'ACTION EXTERIEURE

Les travaux de la Convention sur l'action extérieure de l'Union européenne ont montré une progression vers le consensus et l'émergence de très larges majorités sur des sujets où l'accord paraissait encore inaccessible il y a quelques mois.

Cette heureuse évolution pourrait s'expliquer par plusieurs raisons. D'abord, les responsables politiques européens doivent donner une réponse satisfaisante à l'opinion publique de l'Union, dont 63 % des citoyens réclament une politique étrangère commune et 71 % une politique de défense et de sécurité commune (contre respectivement 22 % et 17 % d'opposants). La France est à 63 % et 74 % pour et le Royaume-Uni est le seul pays où l'opposition à une politique étrangère commune l'emporte (mais où une majorité de 52 % se prononce pour une politique de défense et de sécurité commune). Ensuite, les attentats du 11 septembre ont certainement fait prendre conscience de la nécessité de donner une réponse commune aux nouvelles menaces. Enfin, les divergences européennes apparues lors de la crise irakienne ont probablement suscité un désir de rapprochement, sinon encore d'unité, autour d'une politique étrangère commune, afin que l'Union élargie puisse instaurer un dialogue plus équilibré avec son partenaire américain pour faire face aux grands défis du monde et aux crises internationales majeures.

Le projet de Constitution a repris largement les propositions à la fois ambitieuses et équilibrées des deux groupes de travail sur l'action extérieure et la défense, pour définir un socle commun capable de rassembler des Etats membres aux positions et aux ambitions différentes et, sur ce socle, permettre aux plus ambitieux de coopérer plus étroitement en sauvegardant l'unité institutionnelle de l'Union.

A. Un nouvel équilibre entre l'unification institutionnelle et la dualité des procédures de décision

La Convention a d'abord eu le souci de l'unification et de la cohérence de l'action extérieure, en supprimant la division en trois piliers, en attribuant la personnalité juridique à l'Union européenne, en simplifiant les instruments et les procédures et en regroupant toute l'action extérieure dans un même titre V, partie III, comprenant huit chapitres.

En particulier, l'attribution de la personnalité juridique à l'Union européenne mettra fin à une situation bancale dans laquelle l'Union européenne, qui regroupe sous un cadre institutionnel unique l'union économique du premier pilier et l'union politique des deuxième et troisième piliers, n'est pas dotée de la personnalité morale et jouit d'un statut juridique inférieur à celui de la Communauté européenne qu'elle englobe. Les Etats membres craignaient que l'affirmation de l'Union européenne sur la scène internationale en tant que personne autonome ne conduise à leur propre effacement en tant que personnes de droit international dans le domaine de la PESC. Il n'en sera rien dans la mesure où la PESC ne devient pas un domaine de compétence exclusive de l'Union éliminant toute intervention des Etats membres en tant que personnes juridiques propres, mais reste au contraire un domaine de coopération intergouvernementale dans lequel l'Union européenne pourra juridiquement agir en complément des Etats membres et où ils auront le choix de coopérer à vingt-cinq plus un ou de s'unir à vingt-cinq en un.

La personnalité juridique de l'Union européenne lui confère la capacité de conclure des accords internationaux avec des Etats tiers ou des organisations internationales dans tous les domaines de l'action extérieure, y compris désormais la PESC. La procédure de négociation et de conclusion des accords reste totalement sous le contrôle des Etats membres au sein du Conseil, avec une consultation ou un avis conforme du Parlement européen dans tous les autres domaines que la PESC.

L'affirmation de principes fondamentaux et objectifs concernant tous les domaines de l'action extérieure devrait également permettre au Conseil européen de mieux définir les intérêts et objectifs stratégiques de l'Union à l'égard d'un pays, d'une région ou d'un thème, même si l'on peut regretter que l'encouragement à la diversité culturelle n'y figure pas.

Cependant, le projet ne va pas jusqu'à uniformiser les procédures de décision. Elles restent de nature communautaire pour la politique commerciale totalement intégrée ou la politique de coopération et d'aide humanitaire de compétence partagée avec les Etats membres : monopole d'initiative et d'exécution de la Commission avec unanimité des Etats membres au Conseil pour rejeter sa proposition ; majorité qualifiée du Conseil sauf exception ; généralisation de la codécision législative du Conseil avec le Parlement européen ; contrôle de la Cour de justice. Elles restent également de nature intergouvernementale pour la PESC et la défense : initiative des Etats membres ou du ministre des affaires étrangères de l'Union, seul ou avec le soutien de la Commission ; unanimité du Conseil sauf exception ; simple consultation ou information du Parlement européen et exclusion des lois et lois-cadres européennes ; pas de contrôle de la Cour de justice sur les actes de la PESC, sauf celui du respect de la délimitation des compétences avec les autres domaines de l'action extérieure, ainsi que son avis éventuel sur la compatibilité d'un accord international avec la Constitution.

Il subsiste donc une dualité au sein de l'action extérieure de l'Union entre la « grande politique » concernant la sécurité et les intérêts vitaux de l'Europe qui relève d'un pouvoir partagé entre les Etats membres au sein du Conseil européen et du Conseil, et une action extérieure économique, de coopération et humanitaire dans laquelle les Etats membres partagent le pouvoir exécutif avec la Commission et le pouvoir législatif avec le Parlement européen , sous le contrôle de la Cour de justice.

B. La politique étrangère et de sécurité commune

La Convention n'avait pas mandat de définir une PESC à la place des Etats membres, mais de les mettre dans les meilleures conditions institutionnelles et procédurales pour y parvenir.

L'innovation majeure est la création d'un ministre des affaires étrangères de l'Union à « double casquette », réunissant les fonctions de Haut représentant et de Commissaire chargé des relations extérieures qu'il devra exercer selon les procédures propres à chaque domaine. Désigné par le Conseil européen à la majorité qualifiée avec l'accord du Président de la Commission, il conduit la politique étrangère et de sécurité commune, contribue à son élaboration et l'exécute en tant que mandataire du Conseil et agit de même pour la politique de sécurité et de défense. Il dispose du droit d'initiative et préside le Conseil « Affaires étrangères ». En sa qualité de membre de la Commission dont il est l'un des vice-présidents, mais à statut spécial et non soumis à la collégialité dans le domaine de la PESC et de la PESD, il y est chargé des relations extérieures et de la coordination des autres aspects de l'action extérieure de l'Union, en étant soumis pour ses seules responsabilités aux procédures de la Commission. Il assume la représentation extérieure de l'Union pour la PESC au plan opérationnel, aux côtés du Président du Conseil européen, tandis que la Commission l'assume pour les autres domaines de l'action extérieure. Il dispose enfin d'un service commun d'action extérieure et de délégations dans 123 pays et auprès de l'OCDE, de l'OSCE, de l'ONU et de l'OMC, placés sous son autorité, ainsi que de procédures d'accès rapide au budget de l'Union pour des financements d'urgence dans le domaine de la PESC.

Une déclaration annexée au projet de Constitution prévoit la mise en place d'un service diplomatique conjoint placé sous l'autorité du ministre des affaires étrangères, composé de fonctionnaires originaires de services compétents du Secrétariat général du Conseil et de la Commission et de personnel détaché des services diplomatiques nationaux. La dernière session de la Convention a complété le projet de texte en précisant que la mise en place de ce service devra faire l'objet d'un accord entre le Conseil et la Commission, sans préjudice des droits du Parlement européen.

Ce nouvel organe d'impulsion et de médiation entre les Etats membres sera fonctionnellement au centre de toute l'action extérieure de l'Union et aura les pouvoirs de proposer une politique extérieure véritablement cohérente, combinant la PESC et la PESD avec les autres actions et politiques extérieures de l'actuel premier pilier.

Encore faudra-t-il surmonter les risques de blocage dans une Union élargie avec des procédures de vote très contraignantes en matière de PESC et de PESD. L'unanimité reste la règle et la majorité qualifiée l'exception. Certes, un Etat membre ne peut plus s'opposer à une décision à la majorité qualifiée et ne peut demander la saisine du Conseil européen que pour des raisons de politique nationale vitales et non plus seulement importantes. Mais toute possibilité d'évolution dépendra du Conseil européen : il pourra décider à l'unanimité d'autoriser le Conseil à statuer à la majorité qualifiée dans un domaine où la majorité qualifiée s'appliquera aux initiatives du ministère des affaires étrangères en matière de PESC, suite à une demande du Conseil européen. De nombreux conventionnels s'étaient prononcés en faveur d'une extension de la majorité qualifiée en matière de politique étrangère, notamment la France dans une perspective de renforcement du Conseil et du ministère des affaires étrangères et les députés européens dans une perspective de renforcement de la Commission et des institutions communautaires.

Toutefois, une volonté politique commune ne naîtra pas de la seule amélioration des instruments et des procédures tant que les Etats membres ne s'engageront pas dans une analyse commune des enjeux et des priorités de l'Union. C'est la raison pour laquelle le rapporteur avait proposé que les Etats membres s'engagent, par un pacte de convergence inscrit dans le traité constitutionnel, à entreprendre une démarche de convergence de leurs politiques étrangères en utilisant pleinement la force de proposition et de médiation du ministre des affaires étrangères de l'Union. Il semble que la crise irakienne a convaincu les Etats membres de la nécessité de définir une stratégie de sécurité de l'Union, dont ils ont adopté les grandes lignes au Conseil européen de Thessalonique, pour ne plus se trouver divisés et dans une position toujours réactive d'alignement ou d'affrontement par rapport à la stratégie des
Etats-Unis.

C. La politique de sécurité et de défense commune

La Convention a délibéré dans une période où l'ampleur des divergences pouvait faire douter des progrès d'une politique étrangère commune, mais où, parallèlement, l'Union européenne commençait à recueillir le fruit des efforts entrepris depuis l'accord de Saint-Malo conclu en 1998 entre la France et le Royaume-Uni pour mettre en place une force militaire apte à la gestion des crises. La déclaration des ministres de la défense de l'Union européenne du 19 mai 2003 sur la capacité opérationnelle des forces de l'Union à mener à bien toutes les missions de gestion de crises, même si beaucoup reste à faire pour assumer des crises de haute intensité, mais aussi le relais de l'OTAN que l'Union a pris en Macédoine et l'intervention de l'Union au Congo, sans recours aux moyens de l'OTAN et sous mandat de l'ONU, témoignent de ces avancées.

En outre, des ambitions fortes se sont exprimées en matière de défense et certaines initiatives ont dépassé les clivages nés de la crise irakienne. Dans le fil des propositions conjointes franco-allemandes du 22 novembre 2002, la France a marqué son ambition de créer une véritable union européenne de sécurité et de défense et un marché de l'armement. De nombreux pays se sont prononcés en faveur des coopérations renforcées, à condition qu'elles soient ouvertes, ainsi que d'un renforcement des capacités militaires, à condition qu'il ne fasse pas doublon avec l'OTAN. L'initiative du 29 avril 2003 a montré que deux grands et deux petits Etats fondateurs partageaient la même ambition et le Sommet du Touquet a souligné les coïncidences des vues franco-britanniques sur la PESD.

La Convention propose d'abord de mieux définir la nature et les ambitions de la PESD. En premier lieu, elle fait partie intégrante de la PESC au nom de la cohérence. Ensuite, elle est évolutive, avec la définition progressive d'une politique de défense commune qui peut conduire à terme à une défense commune intégrée. Dans la phase actuelle, elle assure à l'Union une capacité opérationnelle civile et militaire constituée de moyens nationaux ou de forces multinationales fournies par les Etats membres. Enfin, elle est volontariste dans la mesure où elle repose sur l'engagement solennel des Etats membres d'améliorer progressivement leurs capacités militaires, qui sera soumis à l'évaluation du Conseil.

La Convention propose ensuite une extension des missions et des engagements, qui s'arrête toutefois à la défense mutuelle. Pour répondre aux nouvelles menaces diffuses du terrorisme étatique et non étatique et de la prolifération des armes de destruction massive et s'adapter au nouveau concept global de sécurité intérieure et extérieure, d'une part, elle ajoute aux missions de Petersberg de maintien et de rétablissement de la paix le désarmement, l'assistance militaire, la prévention des conflits, le soutien à un Etat tiers dans la lutte contre le terrorisme, la stabilisation à la fin des conflits, d'autre part, elle inscrit une clause de solidarité entre tous les Etats membres contre une menace ou une attaque terroriste d'un Etat tiers ou d'entités non étatiques. La lutte contre le terrorisme est exclue dans la PESD à la suite d'un amendement conjoint de l'Allemagne, de la France et du Royaume Uni. La politique de neutralité de certains Etats membres ne permet cependant pas encore de prévoir un engagement de défense mutuelle liant tous les membres de l'Union face à une agression armée d'un Etat tiers liant tous les membres de l'Union.

La Convention propose enfin quatre coopérations spécifiques ambitieuses, contrastant avec l'exclusion de toute coopération renforcée au sein du deuxième pilier dans le traité d'Amsterdam, puis seulement au domaine de la défense dans le traité de Nice. Son projet assume pleinement le fait que l'hétérogénéité s'accroît dans une Union élargie entre les volontés et les capacités des différents Etats membres et que, compte tenu des résultats insuffisants des coopérations actuelles menées en dehors de l'Union européenne en matière d'armement et de l'urgence de renforcer les capacités militaires de l'Union dans le nouveau contexte stratégique, il est nécessaire d'introduire des coopérations prédéfinies dès l'entrée en vigueur des traités, sans attendre un recours hypothétique au dispositif global des coopérations renforcées. Cependant, afin que ces coopérations spécifiques à la défense ne prennent pas une autonomie excessive, affectant la cohérence et l'unité de l'Union, les règles générales sur les coopérations renforcées s'appliqueront, de manière appropriée, à ces coopérations spécifiques, en particulier à la coopération structurée, selon une clause formelle.

Premièrement, le Conseil peut confier la mise en œuvre d'une mission de gestion de crise, dans sa nouvelle définition élargie, à un groupe d'Etats membres volontaires et disposant des capacités nécessaires. Ils la gèrent ensuite entre eux, avec le ministre des affaires étrangères de l'Union, et informent le Conseil de son déroulement.

Deuxièmement, une coopération structurée est instaurée entre les Etats membres satisfaisant à des critères de capacités militaires élevés et à des engagements plus contraignants en vue de missions plus exigeantes. Un protocole annexé à la Constitution, requérant l'accord de tous les Etats membres, établira la liste des Etats membres participants ainsi que les critères et engagements en matière de capacités militaires de ce qui devrait constituer le « noyau dur » de l'Union en matière de défense. Son accès ne dépendra pas de la taille, mais du niveau d'exigence, notamment budgétaire, que l'on s'impose à soi-même vis-à-vis de ses partenaires et de l'Union. Seuls les participants gèrent cette coopération dont le Conseil est informé du développement par le ministre des affaires étrangères, et seuls ils statuent sur toute demande de participation ultérieure d'un Etat membre souscrivant à ses obligations, après délibération du Conseil.

Troisièmement, le projet consacre à l'intérieur de l'Union l'engagement de défense mutuelle liant certains Etats membres au sein de l'Union de l'Europe occidentale pour se porter aide et assistance, y compris militaires, en cas d'agression armée sur le territoire de l'un des membres de cette coopération. Une déclaration annexée à la Constitution fixe la liste des Etats participants, ouverte à des participations ultérieures par simple information du Conseil européen. Les Etats membres participants auraient notamment recours aux structures spécialisées de l'Union : comité politique et de sécurité, comité militaire, état-major.

Quatrièmement, la création d'une Agence européenne de l'armement, de la recherche et des capacités militaires est une initiative majeure pour arriver à une politique européenne autonome d'armement en termes de production, d'acquisition et d'utilisation. Son champ d'action est pratiquement complet puisqu'elle doit :

- contribuer à identifier les objectifs de capacités des Etats membres et à évaluer le respect des engagements ;

- promouvoir une harmonisation des besoins opérationnels et des méthodes d'acquisition performantes et compatibles ;

- proposer des projets multilatéraux et assurer la coordination des programmes ;

- soutenir la recherche et contribuer à renforcer la base industrielle et technologique ainsi qu'à améliorer l'efficacité des dépenses militaires.

Placée sous l'autorité du Conseil et de nature intergouvernementale, l'agence accomplit ses missions en liaison avec la Commission compétente pour la régulation du marché unique et la gestion du programme-cadre de recherche et de développement (PCRD). Seule en effet une formule institutionnelle bien équilibrée peut faire naître un grand marché européen permettant de réduire l'écart avec les Etats-Unis.

L'agence sera ouverte à tous les Etats membres qui souhaitent y participer et sera donc d'un accès beaucoup moins exclusif que les coopérations actuelles créées en dehors de l'Union, comme l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) ou la lettre d'intention (LOI).

Le Conseil définira à la majorité qualifiée les modalités de fonctionnement de l'agence en tenant compte du degré de participation effective dans ses activités et des groupes spécifiques seront constitués entre Etats membres sur des projets conjoints. Les critères de participation devront faire en sorte que l'ouverture d'accès à l'agence n'empêche pas de maintenir des règles de l'OCCAR comme la renonciation au principe du « juste retour » industriel, ou des règles de la lettre d'intention, comme la participation à un projet européen majeur en matière de recherche et de développement.

D. Les politiques commerciales, de coopération et d'action humanitaire

En matière de politique commerciale, le projet de Constitution a fait l'objet jusqu'à la dernière session de la Convention d'un débat acharné sur le point de savoir s'il fallait soumettre à la compétence exclusive de l'Union et à la règle de la majorité qualifiée les accords avec les pays tiers sur le commerce des services culturels et audiovisuels, des services d'éducation ainsi que des services sociaux et de santé qui relèvent actuellement de la compétence partagée et de l'unanimité. Après un combat mené pendant des mois par l'ensemble des conventionnels français, mais aussi par d'autres conventionnels, a été ajoutée in extremis l'exception selon laquelle le Conseil statue à l'unanimité pour la négociation et la conclusion d'accords dans le domaine des services culturels et audiovisuels, lorsque ceux-ci risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l'Europe. Ce texte est en effet une garantie plus claire de sauvegarde de la diversité culturelle que la seule mention de la diversité culturelle et linguistique de l'Union figurant à l'article 3, paragraphe 3 (partie I).

La politique de coopération intègre un renforcement du rôle du Parlement européen, le vote à la majorité qualifiée pour les mesures d'assistance financière urgente, la création d'un corps volontaire d'aide humanitaire et la budgétisation du Fonds européen de développement (FED). Cette dernière disposition mettra fin à la clé de répartition financière spécifique du FED, comportant notamment une contribution plus élevée de la France, et soumettra son financement à la clé de répartition budgétaire de droit commun. La France devra se montrer particulièrement vigilante pour que cette normalisation budgétaire apparemment justifiée du FED ne se traduise pas par un étiolement progressif de l'aide aux pays d'Afrique, Caraïbes, Pacifique (A.C.P.). Il aura fallu en effet toute la force de conviction de la France et le soutien de la Commission européenne pour que les Quinze adoptent les accords de Cotonou et acceptent de renouveler ce qui constitue le système le plus complet et le plus cohérent de coopération au développement Nord-Sud et représente l'une des singularités de la politique extérieure de l'Union, en particulier à l'égard de l'Afrique.

*

* *

Compte tenu des blocages du passé et des divisions du présent, la conclusion générale du Président de la Convention est particulièrement appropriée au résultat qu'elle a obtenu dans le domaine de l'action extérieure : il est imparfait mais inespéré.

Cependant, l'action extérieure est aussi un domaine où les pratiques ont autant d'importance que les dispositifs et, à cet égard, trois questions restent ouvertes.

Tout d'abord, la volonté de réforme qui a animé la Convention n'a pas produit tous ses effets dans l'instauration d'un contrôle parlementaire global et cohérent sur l'ensemble de l'action extérieure de l'Union. Le refus de créer un congrès ou un forum parlementaire annuel dans lequel le Parlement européen et les parlements nationaux auraient pu débattre ensemble des grandes orientations stratégiques de l'Union y a beaucoup contribué. Le Parlement européen n'a pas obtenu le pouvoir de délibérer sur la PESC et le protocole sur les parlements nationaux, annexé à la Constitution, prévoit la possibilité pour la conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) de débattre des questions de politique étrangère et de sécurité commune. La dimension parlementaire de l'action extérieure de l'Union reste donc éclatée, au moment où l'Union cherche à définir ses orientations stratégiques de sécurité et à mobiliser les budgets nationaux en faveur de la défense et de la recherche.

Ensuite, la représentation extérieure de l'Union mettra en jeu un équilibre délicat entre les trois personnes institutionnelles les plus importantes de l'Union : le Président du Conseil européen, le Président de la Commission et le ministre des affaires étrangères de l'Union.

Enfin, se pose la question capitale de savoir comment créer un leadership supranational dans une Union d'Etats à droits égaux et à ambitions et capacités variables, sans créer un super Etat fédéral ni aboutir à un directoire des grands Etats.

VI. LA GOUVERNANCE ECONOMIQUE ET LA POLITIQUE SOCIALE

Les propositions de la Convention en matière économique et sociale marquent une avancée significative de l'action de l'Union dans ces domaines, qui relèvent pour partie des compétences partagées et pour partie des compétences d'appui ou de coordination.

A. La gouvernance économique

· La gouvernance économique a fait l'objet d'un groupe de travail, présidé par M. Klaus Hänsch qui a commencé ses travaux en juin 2002, et remis un rapport final à la Convention le 21 octobre 2002.

Le groupe de travail a procédé à un examen systématique de toutes les questions énoncées dans son mandat. Celles-ci portaient sur trois thèmes : la politique monétaire, la politique économique, et les questions institutionnelles.

Le groupe a tout d'abord recommandé de faire figurer les objectifs économiques et sociaux de l'Union dans le projet de texte constitutionnel, certains membres souhaitant mettre l'accent sur la croissance et la compétitivité, d'autres sur le plein emploi, la cohésion sociale ou les services publics.

Le groupe de travail n'a pas fondamentalement remis en cause l'architecture actuelle des compétences en matière économique. La compétence exclusive en matière de politique monétaire à l'intérieur de la zone euro incombe à l'Union européenne et est exercée par la banque centrale européenne, et la politique économique relève de la compétence des Etats membres.

Toutefois, le groupe de travail a convenu qu'il était nécessaire d'améliorer la coordination entre les politiques économiques des Etats membres. Il propose de renforcer les obligations qui incombent aux Etats membres à la suite des décisions prises dans le cadre de la coordination au niveau européen, notamment en mettant davantage l'accent sur la mise en œuvre et en veillant à ce que les parlements nationaux soient associés à cette responsabilité.

Les grandes orientations des politiques économiques (GOPE) constituent le principal instrument de la coordination de la politique économique. Certains membres du groupe ont émis l'idée que la Commission devrait pouvoir présenter une proposition plutôt qu'une recommandation. D'autres ont craint que les Etats membres ne perdent ainsi une partie de leur maîtrise sur les orientations.

L'ensemble du groupe de travail a considéré que le Parlement européen devrait être consulté sur les projets de grandes orientations des politiques économiques.

Le groupe de travail a souhaité que les dispositions relatives aux procédures applicables en cas de déficit excessif soient modifiées afin de permettre à la Commission d'adresser directement à l'Etat membre concerné un premier avertissement concernant des déficits excessifs. Pour les étapes suivantes, le Conseil devrait statuer à la majorité qualifiée sur la base d'une proposition de la Commission, en excluant du vote l'Etat membre concerné.

Une majorité des membres du groupe s'est accordée à penser que certaines modifications devraient être apportées aux procédures de prise de décision en matière de politique fiscale afin de faciliter les progrès en ce domaine. Toutefois, le groupe n'est pas parvenu à un consensus sur le degré d'extension du vote à la majorité qualifiée.

Sur le plan institutionnel, tout en reconnaissant que l'Eurogroupe doit subsister en tant qu'enceinte informelle pour les discussions, un certain nombre de membres du groupe de travail ont estimé que les décisions qui concernent exclusivement la zone euro devraient être prises par le Conseil Ecofin, réunissant uniquement les Etats membres participants. D'autres membres se sont déclarés favorables au maintien du système actuel.

Le groupe de travail s'est enfin prononcé en faveur d'une amélioration de la représentation de la zone euro au sein des organisations internationales, sans parvenir à s'entendre sur la manière d'atteindre cet objectif.

· Le projet de Constitution reflète les difficultés éprouvées par le groupe de travail à trouver un équilibre entre les différentes sensibilités. Il permet de renforcer légèrement la gouvernance économique, mais aux yeux de beaucoup de membres de la Convention, il n'est pas à la hauteur des enjeux.

L'article 14 de la première partie du traité constitutionnel porte sur la « coordination des politiques économiques et de l'emploi » en ajoutant l'emploi à l'économie. Le texte initial prévoyait que « l'Union coordonne les politiques économiques des Etats membres, notamment en établissant les grandes orientations de ces politiques ». La nouvelle version tente un équilibre entre ceux qui, comme la France, l'Allemagne ou le Royaume-Uni souhaitent reprendre les dispositions de l'article 99 du traité actuel, et ceux qui plaident pour donner clairement à l'Union européenne la compétence de la coordination des politiques économiques. Elle indique que « l'Union adopte des mesures en vue d'assurer la coordination des politiques économiques des Etats membres, notamment en adoptant les grandes orientations de ces politiques. Les Etats membres coordonnent leurs politiques économiques au sein de l'Union ». Elle précise que « l'Union adopte des mesures en vue d'assurer la coordination des politiques de l'emploi des Etats membres, notamment en adoptant les lignes directrices de ces politiques ».

Le texte de la partie III du traité constitutionnel donne un peu plus de pouvoir à la Commission sans pour autant lui reconnaître la possibilité de faire des propositions en matière de GOPE. La Commission pourra adresser directement un « avertissement » à un Etat membre dont la politique économique n'est pas conforme aux grandes orientations des politiques économiques. Le Conseil pourra ensuite adresser des recommandations à l'Etat membre concerné. Il statue alors « sans tenir compte du vote du représentant de l'Etat membre concerné et la majorité qualifiée se définit comme la majorité des voix des autres Etats membres, représentant au moins les trois cinquièmes de la population de ceux-ci ». La Commission pourra aussi adresser directement un « avis » à un Etat membre en situation de déficit excessif et « proposer » des recommandations au Conseil. Lorsque le Conseil aura décidé qu'il y a effectivement déficit excessif, il adressera des recommandations à cet Etat, sans tenir compte du vote de cet Etat. L'article III-88 du texte donne aux Etats membres de la zone euro la possibilité d'adopter des mesures additionnelles notamment pour renforcer la coordination de leurs politiques économiques et la discipline budgétaire (orientations de politiques économiques, surveillance et déficits excessifs). Dans ce cas, le droit de vote des Etats qui ne sont pas membres de la zone est suspendu.

Un protocole concernant l'Eurogroupe est ajouté en annexe du traité, en constitutionnalisant la pratique actuelle. Il dispose que « les ministres des Etats membres qui ont adopté l'euro élisent un président pour deux ans et demi, à la majorité de ces Etats membres ». L'idée d'un Conseil Ecofin de la zone euro n'est cependant pas retenue.

L'article concernant la représentation extérieure de l'euro indique que, sur la base d'une coordination des actions des membres de la zone et de la Commission, « le Conseil, sur proposition de la Commission, peut adopter les mesures appropriées pour assurer une représentation unifiée au sein des institutions et conférences financières internationales ».

Le vote à la majorité qualifiée n'est possible en matière fiscale que dans les cas relevant des domaines de la TVA, des droits d'accises et autres impôts indirects et qui concernent la coopération administrative ou la lutte contre la fraude fiscale et l'évasion fiscale.

*

* *

Les propositions du Praesidium sur la gouvernance économique de l'Union européenne représentent un léger progrès, mais elles ne sont pas à la hauteur des enjeux. De nombreux conventionnels l'ont, à juste titre, déploré, et le commissaire Michel Barnier a même relancé l'idée d'un ministre européen de l'économie, vice-président de la Commission, et représentant de la zone euro à l'extérieur.

On ne peut que se rallier à cette idée.

Aujourd'hui, le réveil économique de l'Europe n'est possible que si une véritable coordination des politiques économiques en Europe est mise en œuvre. L'harmonisation et la coordination renforcée des politiques économiques ne peuvent pas avoir d'autre objectif que de rendre l'Europe plus compétitive, notamment en réduisant les prélèvements fiscaux.

En tout état de cause, sans une coordination économique renforcée, il n'y aura pas de croissance forte et durable. Or, sans une croissance forte et durable, et sans puissance économique et commerciale de premier rang, il n'y aura pas d'Europe politique.

B. La politique sociale

La politique sociale a fait l'objet d'une attention particulière de la Convention, à travers les réunions d'un groupe de travail et des sessions plénières.

La majorité du groupe de travail, incarnée notamment par la plupart des représentants français, allemands, espagnols, portugais, italiens ou belges, s'est montrée favorable au renforcement de l'Europe sociale dans le futur traité constitutionnel, que ce soit, notamment, par un rééquilibrage de la part faite à la politique sociale par rapport à la politique économique, la mention de valeurs spécifiquement sociales de l'Union, l'élargissement des compétences de la Communauté, ou l'extension de la règle de la majorité qualifiée.

Dans l'ensemble, le projet de texte constitutionnel préserve les nouvelles dispositions introduites dans ce domaine par les traités antérieurs tout en étendant le champ d'action de l'Union sur quelques points déterminés.

D'abord, le projet rappelle que l'égalité, la justice, la solidarité et la non-discrimination figurent parmi les valeurs de l'Union, ainsi que, de manière plus générale, les droits de l'homme - qui comprennent un ensemble de droits sociaux, tels que le droit au travail, la protection sociale ou la liberté syndicale.

Il précise en outre, s'agissant des objectifs de l'Union, que celle-ci « œuvre pour une Europe du développement durable fondé sur une croissance économique équilibrée, une économie sociale de marché hautement compétitive, visant le plein emploi et le progrès social (...) ». Par ailleurs, l'Union combat l'exclusion sociale et les discriminations ; elle promeut la justice et la protection sociale, l'égalité entre femmes et hommes, la solidarité entre les générations, la protection des droits des enfants, la cohésion sociale et la solidarité entre les Etats membres.

Mais l'une des principales nouveautés par rapport aux traités antérieurs est l'insertion de la Charte des droits fondamentaux dans le texte constitutionnel, qui donne à celle-ci une portée juridique effective. Une grande partie des droits définis par la Charte ont, en effet, un caractère social. On peut citer, entre autres, l'interdiction du travail forcé, la liberté professionnelle, le droit de travailler, la non-discrimination, les droits des personnes âgées, l'intégration des personnes handicapées, le droit à l'information et à la consultation des travailleurs au sein de l'entreprise, le droit de négociation et d'action collectives, le droit d'accès aux services de placement, la protection en cas de licenciement injustifié, des conditions de travail justes et équitables, l'interdiction du travail des enfants, le droit d'accès à la sécurité sociale, la protection de la santé, ou l'accès aux services d'intérêt économique général.

Le projet dispose, d'autre part, que l'Union prend des mesures en vue d'assurer la coordination des politiques de l'emploi des Etats membres, notamment en définissant les lignes directrices de ces politiques. Elle peut aussi adopter des initiatives en vue d'assurer la coordination des politiques sociales des Etats membres.

Le projet ne prévoit pas, en revanche, comme une partie des conventionnels l'avaient souhaité, que l'Union coordonne entre elles les politiques économiques et sociales.

Les dispositions relatives à la politique sociale - qui fait partie stricto sensu des compétences partagées - ont été clarifiées. Mais demeure la distinction entre le principe général du vote à la majorité qualifiée et les quatre domaines d'exception relevant du vote à l'unanimité (sécurité sociale et protection sociale des travailleurs, protection des travailleurs en cas de résiliation du contrat de travail, représentation collective des intérêts des travailleurs et des employeurs, et conditions d'emploi des ressortissants des pays tiers en séjour régulier). Le Conseil pourra continuer, dans ces trois derniers domaines d'exception, à décider à l'unanimité de statuer à la majorité qualifiée. Les rémunérations, le droit d'association, le droit de grève et le droit de lock-out restent exclus du champ de compétence de l'Union.

Enfin, le projet prévoit que l'Union reconnaît et promeut « le rôle des partenaires sociaux au niveau de l'Union, en prenant en compte la diversité des systèmes nationaux » et « facilite de dialogue entre eux, dans le respect de leur autonomie ».

De manière plus générale, le projet, reprenant l'article 16 du traité instituant la Communauté européenne, réaffirme la place des services d'intérêt économique général, le rôle qu'ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union et la nécessité de veiller à ce que ces services fonctionnent en vertu de principes et dans des conditions qui leur permettent d'accomplir leurs missions. Il précise, au surplus, que la loi européenne définit ces principes et ces conditions.

Enfin, la dernière session de la Convention des 9 et 10 juillet 2003, a permis de renforcer les dispositions relatives à la non-discrimination (article III-8) en prévoyant que la loi, ou la loi-cadre, européenne peut définir les mesures visant à appuyer l'action des Etats dans ce domaine.

Beaucoup de conventionnels auraient souhaité aller plus loin dans l'extension des compétences de l'Union, en y ajoutant, notamment, certains domaines actuellement exclus (tels que les rémunérations, le droit d'association ou le droit de grève), en permettant à l'Union de déterminer des prescriptions minimales en matière de santé publique, en étendant davantage le principe de la majorité qualifiée, en précisant le statut des services d'intérêt général et en retenant le principe d'une coordination entre les politiques économiques et les politiques sociales. Telle était notamment la position du Gouvernement et de la plupart des représentants français à la Convention.

On peut souhaiter que la Conférence intergouvernementale s'y attèle, tout en conservant l'œuvre importante de consolidation et de clarification des compétences sociales de l'Union réalisée par la Convention.

CONCLUSION

Au moment où les travaux de la Convention s'achèvent, il faut mesurer le chemin parcouru. La Convention a réussi sa mission. Le texte proposé doit permettre à l'Europe de franchir l'étape majeure dont elle a besoin, sur la voie d'une Union politique, plus efficace, plus légitime, mieux comprise par nos concitoyens.

La réunification de l'Europe, que représente un élargissement historique et sans précédent de l'Union rendait la réforme indispensable. Il fallait aussi répondre à l'exigence de l'approfondissement du partage des souverainetés nationales dans les domaines où ce n'est qu'ensemble que nous pouvons exister efficacement : la politique étrangère, la défense, la gouvernance économique, la lutte contre la criminalité, l'immigration, l'environnement, la recherche... Dans tous ces domaines, les opinions européennes sont en avance sur les gouvernements et demandent plus d'Union, au service de l'intérêt de nos pays et de chacun de ses citoyens.

Le Président Valéry Giscard d'Estaing a su, à plusieurs reprises, mettre les conventionnels devant leurs responsabilités : « La Convention est la dernière chance de l'Europe unie»(18).

Une des clés du succès a sûrement été le temps relativement long dont la Convention a su profiter, sous la houlette du Praesidium, pour que les conventionnels se connaissent, apprennent à s'écouter, à accepter les concessions nécessaires pour que le consensus puisse aboutir. Une autre clé a été l'esprit « politique » des débats liés notamment à la composition de la Convention et en particulier à sa forte composante parlementaire - qui a permis de surmonter les blocages à la lumière d'une conscience partagée par la quasi-unanimité des membres de la Convention que celle-ci ne pouvait pas, ne devait pas, échouer. La méthode conventionnelle a fait ses preuves et elle est maintenant consacrée par la procédure de révision proposée par la Constitution. « Unie dans la diversité », c'est la devise que la Convention a proposé pour l'Union. C'est bien aussi l'esprit qui a présidé aux travaux des conventionnels. Le rapporteur souhaite que cet esprit continue à inspirer ceux de la CIG.

Sur la base du résultat obtenu, et en conclusion, le rapporteur voudrait insister sur trois points.

Tout d'abord, le rapporteur rejoint l'opinion exprimée par la très large majorité des conventionnels, et très fortement par le Président Giscard d'Estaing : il faut absolument éviter tout « détricotage » du texte final obtenu à la suite de très longs débats et de difficiles compromis. Même si ce texte ne peut bien entendu pas répondre complètement aux attentes de chacun des conventionnels.

Le rapporteur aurait lui-même souhaité aller plus loin sur tel ou tel aspect, en particulier en ce qui concerne l'extension de la majorité qualifiée - mais est convaincu qu'il n'était pas possible d'obtenir un meilleur résultat, sauf à la marge, compte tenu de la nécessité de trouver une position commune. Il faut que les gouvernements, dans leur sagesse, entendent ce message. En outre, le texte de la Convention, même imparfait, comporte des « fenêtres » d'évolution, ou des « passerelles » que les institutions européennes pourront utiliser pour aller plus loin lorsque les conditions seront réunies. Il en est ainsi en particulier des dispositions permettant au Conseil européen de décider de passer à la majorité qualifiée dans les domaines qui restent à l'unanimité, ou à la possibilité d'instituer une présidence unique du Conseil européen et de la Commission.

En second lieu, le rapporteur souhaite que les représentants des parlements nationaux à la Convention, qui ont joué un rôle politique essentiel pour permettre d'atteindre le résultat final, restent « en veille » pour suivre les travaux de la CIG. Il serait absurde que la capacité de réflexion et de proposition accumulée au cours des seize mois des travaux de la Convention soit à présent dispersée.

Le rapporteur pense enfin que les conventionnels ont un rôle essentiel à jouer pour expliquer aux citoyens européens les résultats de la Convention et préparer les possibles référendums qui interviendront, en particulier dans notre pays.

TRAVAUX DE LA DELEGATION

Lors de la réunion de la Délégation du 1er juillet 2003, le Président Pierre Lequiller a fait part de son souhait de déposer ce rapport d'information sur les travaux de la Convention européenne, dans le cadre de la mission générale d'information de la Délégation.

Ce document permettra ainsi à l'ensemble des députés de disposer, dans un document unique, des principales innovations résultant de la Convention et du projet de traité constitutionnel qui servira de base aux travaux de la Conférence intergouvernementale.

La Délégation a décidé la publication de ce rapport d'information.

ANNEXES

Annexe 1 :
Composition de la Convention sur l'avenir de l'Europe Annexe-1

PRESIDENCE :

M. Valéry GISCARD d'ESTAING, Président

M. Giuliano AMATO, Vice-président

M. Jean-Luc DEHAENE, Vice-président

AUTRES MEMBRES DU PRAESIDIUM

M. Michel BARNIER, Représentant de la Commission européenne

M. John BRUTON, Représentant des parlements nationaux

M. Henning CHRISTOPHERSEN, Représentant de la Présidence danoise

M. Alfonso DASTIS, Représentant de la Présidence espagnole (à partir de mars 2003)

M. Klaus HANSCH, Représentant du Parlement européen

M. Georgios KATIFORIS, Représentant de la Présidence grecque (jusqu'en février 2003)

M. Inigo MENDEZ DE VIGO, Représentant du Parlement européen

Mme Ana PALACIO, Représentante de la Présidence espagnole (jusqu'en mars 2003)

M. Giorgos PAPANDREOU, Représentant de la Présidence grecque (à partir de février 2003)

Mme Gisela STUART, Représentante des parlements nationaux

M. Antonio VITORINO, Représentant de la Commission européenne

M. Alojz PETERLE, Invité

LES CONVENTIONNELS

REPRESENTANTS DU PARLEMENT EUROPEEN

M. Jens Peter BONDE (DK), membre titulaire

M.Elmar BROK (D), membre titulaire

M. Andrew Nicholas DUFF (GB), membre titulaire

M. Olivier DUHAMEL (F), membre titulaire

M. Klaus HÄNSCH (D), membre titulaire

Mme Sylvia-Yvonne KAUFMANN (D), membre titulaire

M. Timothy KIRKHOPE (GB), membre titulaire

M. Alain LAMASSOURE (F), membre titulaire

Mme Linda McAVAN (GB), membre titulaire

Mme Hanja MAIJ-WEGGEN (NL), membre titulaire

M. Luis MARINHO (P), membre titulaire

M. Inigo MENDEZ DE VIGO Y MONTOJO (E), membre titulaire

Mme Cristiana MUSCARDINI (I), membre titulaire

M. Antonio TAJANI (I), membre titulaire

Mme Anne van LANCKER (B), membre titulaire

M. Johannes VOGGENHUBER (AUT), membre titulaire

M. William ABITBOL (F), membre suppléant

Mme Almeida GARRETT (P), membre suppléant

M. John CUSHNAHAN (IRL), membre suppléant

Mme Lone DYBKJAER (DK), membre suppléant

Mme Pervenche BERÈS (F), membre suppléant

Mme Maria BERGER (AUT), membre suppléant

M. Carlo CARNERO GONZALEZ (E), membre suppléant

M. Neil MacCORMICK (GB), membre suppléant

Mme Piia-Noora KAUPPI (FL), membre suppléant

Mme Elena PACIOTTI (I), membre suppléant

M. Luis QUEIRÒ (P), membre suppléant

M. Reinhard RACK (AUT), membre suppléant

M. Esko SEPPÂNEN (FL), membre suppléant

The Earl of STOCKTON (GB), membre suppléant

Mme Helle THORNING-SCHMIDT (DK), membre suppléant

M. Joachim WUERMELING (D), membre suppléant

REPRESENTANTS DE LA COMMISSION

M. Michel BARNIER, membre titulaire

M. Antonio VITORINO, membre titulaire

M. David O'SULLIVAN, membre suppléant

M. Paolo PONZANO, membre suppléant

REPRESENTANTS DES ETATS MEMBRES

ALLEMAGNE

 

Gouvernement

 

M. Joschka FISCHER, membre titulaire,
a remplacé M. Peter GLOTZ en novembre 2002

M. Hans Martin BURY, membre suppléant,
a remplacé M. Gunter PLEUGER en novembre 2002

   

Parlement

 

M. Jürgen MEYER, membre titulaire

M. Peter ALTMAIER, membre suppléant

M. Erwin TEUFEL, membre titulaire

M. Wolfgang GERHARDS, membre suppléant, a remplacé M. Wolfgang SENFF en mars 2003

   

AUTRICHE

 

Gouvernement

 

M. Hannes FARNLEITNER, membre titulaire

M. Gerhard TUSEK, membre suppléant

   

Parlement

 

M. Caspar EINEM, membre titulaire

Mme Evelin LICHTENBERGER, membre suppléant

M. Reinhard Eugen BÖSCH, membre titulaire

M. Eduard MAINONI, membre suppléant,
a remplacé M. Gerhard KURZMANN en mars 2003

   

BELGIQUE

 

Gouvernement

 

M. Louis MICHEL, membre titulaire

M. Pierre CHEVALIER, membre suppléant

   

Parlement

 

M. Karel DE GUCHT, membre titulaire

M. Danny PIETERS, membre suppléant

M. Ello DI RUPO, membre titulaire

Mme Marie NAGY, membre suppléant

   

DANEMARK

 

Gouvernement

 

M. Henning CHRISTOPHERSEN, membre titulaire

M. Poul SCHLUTER, membre suppléant

   

Parlement

 

M. Peter SKAARUP, membre titulaire

M. Per DALGAARD, membre suppléant

M. Henrik dam KRISTERSEN, membre titulaire

M. Niels HELVEG PETERSEN, membre suppléant

ESPAGNE

 

Gouvernement

 

M. Alfonso DASTIS, membre titulaire,
a remplacé M. Carlos BASTARRECHE comme suppléant, en septembre 2002, puis Mme Ana PALACIO comme titulaire, en mars 2003

Mme Ana PALACIO, membre suppléant,
a remplacé M. Alfonso DASTIS en mars 2003

   

Parlement

 

M. Josep BORRELL FONTELLES, membre titulaire

M. Diego LÓPEZ GARRIDO, membre suppléant

M. Gabriel CISNEROS LABORDA, membre titulaire

 M. Alejandro MUŇOZ LONSO, membre suppléant

   

FINLANDE

 

Gouvernement

 

M. Teija TIILIKAINEN, membre titulaire

M. Antti PELTOMÄKI, membre suppléant

   

Parlement

 

M. Kimmo KILJUNEN, membre titulaire

M. Hannu TAKKULA, membre suppléant,
a remplacé Mme Riitta KORHONEN en mai 2003

M. Jari VILEN, membre titulaire, a remplacé M. Matti VANHANEN en mai 2003

M. Esko HELLE, membre suppléant

   

FRANCE

 

Gouvernement

 

M. Dominique de VILLEPIN, membre titulaire, a remplacé M. Pierre MOSCOVICI en novembre 2002

Mme Pascale ANDREANI, membre suppléant, a remplacé M. Pierre VIMONT en août 2002

   

Parlement

 

M. Pierre LEQUILLER, membre titulaire,
a remplacé M. Alain BARRAU en juillet 2002

M. Jacques FLOCH, membre suppléant,
a remplacé Mme Anne-Marie IDRAC en juillet 2002

M. Hubert HAENEL, membre titulaire

M. Robert BADINTER, membre suppléant

   

GRECE

 

Gouvernement

 

M. Giorgos PAPANDREOU, membre titulaire, a remplacé M. Giorgos KATIFORIS en février 2003

M. Georgios KATIFORIS, membre suppléant,
a remplacé M. Panayotis IOAKIMIDIS en février 2003

   

Parlement

 

M. Paraskevas AVGERINOS, membre titulaire

M. Nikolaos CONSTANTOPOULOS, membre suppléant

Mme Marietta GIANNAKOU, membre titulaire

M. Evripidis STILIANIDIS, membre suppléant

IRLANDE

 

Gouvernement

 

M. Dick ROCHE , membre titulaire, a remplacé M. Ray MacSHARRY en juillet 2002

M. Bobby McDONAGH, membre suppléant

   

Parlement

 

M. John BRUTON, membre titulaire

M. Pat CAREY, membre suppléant, a remplacé M. Martin CULLEN en juillet 2002

M. Proinsias DE ROSSA, membre titulaire

M. John GORMLEY, membre suppléant

   

ITALIE

 

Gouvernement

 

M. Gianfranco FINI, membre titulaire

M. Francesco E.SPERONI, membre suppléant

   

Parlement

 

M. Marco FOLLINI, membre titulaire

M. Valdo SPINI, membre suppléant

M. Lamberto DINI, membre titulaire

M. Filadelfio Guido BASILE, membre suppléant

   

LUXEMBOURG

 

Gouvernement

 

M. Jacques SANTER, membre titulaire

M. Nicolas SCHMIT, membre suppléant

   

Parlement

 

M. Paul HELMINGER, membre titulaire

M. Gaston GIBERYEN, membre suppléant

M. Ben FAYOT, membre titulaire

Mme Renée WAGENER, membre suppléant

   

PAYS-BAS

 

Gouvernement

 

M. Gijs de VRIES, membre titulaire

M. Thom de BRUIJN, membre suppléant

   

Parlement

 

M. René van der LINDEN, membre titulaire

M. Wim van EEKELEN, membre suppléant

M. Frans TIMMERMANS, membre titulaire

M. Jan Jacob van DIJK, membre suppléant,
a remplacé M. Hans van BAALEN en octobre 2002

   

PORTUGAL

 

Gouvernement

 

M. Ernâni LOPES, membre titulaire,
a remplacé M. Joao de VALLERA en mai 2002

M. Manuel LOBO ANTUNES, membre suppléant

   

Parlement

 

M. Alberto COSTA, membre titulaire

M. Guilherme d'OLIVEIRA MARTINS, membre suppléant, a remplacé M. Osvaldo de CASTRO en juin 2002

Mme Eduarda AZEVEDO, membre titulaire

M. Antonio NAZARÉ PEREIRA, membre suppléant

ROYAUME-UNI

 

Gouvernement

 

M. Peter HAIN, membre titulaire

Baroness SCOTLAND of ASTHAL, membre suppléant

Parlement

 

Mme Gisela STUART, membre titulaire

Lord TOMLINSON, membre suppléant

M. David HEATHCOAT-AMORY, membre titulaire

Lord MACLENNAN OF ROGART, membre suppléant

   

SUEDE

 

Gouvernement

 

Mme Lena HJELM-WALLÉN, membre titulaire

M. Sven-Olof PETERSSON, membre suppléant, a remplacé Mme Lena HALLENGREN en décembre 2002

   

Parlement

 

M. Sören LEKBERG, membre titulaire

M. Kenneth KVIST, membre suppléant

M. Göran LENNMARKER, membre titulaire

M. Ingvar SVENSSON, membre suppléant

REPRESENTANTS DES PAYS CANDIDATS

   

BULGARIE

 

Gouvernement

 

Mme Meglena KUNEVA, membre titulaire

Mme Neli KUTSKOVA, membre suppléant

   

Parlement

 

M. Daniel VALCHEV, membre titulaire

M. Alexander ARABADJIEV, membre suppléant

M. Nickolai MLADENOV, membre titulaire

M. Nesrin UZUN, membre suppléant

   

CHYPRE

 

Gouvernement

 

M. Michael ATTALIDES, membre titulaire

M. Theophilos V. THEOPHILOU, membre suppléant

   

Parlement

 

Mme Eleni MAVROU, membre titulaire

M. Marios MATSAKIS, membre suppléant

M. Panayiotis DEMETRIOU, membre titulaire

Mme Androula VASSILIOU, membre suppléant

   

ESTONIE

 

Gouvernement

 

M. Lennart MERI, membre titulaire

M. Henrik HOLOLEI, membre suppléant

   

Parlement

 

M. Tunne KELAM, membre titulaire

M. Liina TÕNISSON, membre suppléant,
a remplacé Mme Liia HANNI en avril 2003

M. Rein LANG, membre titulaire, a remplacé M. Peeter REITZBERG en avril 2003

M. Urmas REINSALU, membre suppléant,
a remplacé M. Ulo TARNO en avril 2003

   

HONGRIE

 

Gouvernement

 

M. Peter BALÁZS, membre titulaire,
a remplacé M. Janos MARTONYI en juin 2002

M. Péter GOTTFRIED, membre suppléant

   

Parlement

 

M. Jozsef SZÁJER, membre titulaire

M. Andras KELEMEN, membre suppléant

M. Pal VASTAGH, membre titulaire

M. Istvan SZENT-IVÁNYI, membre suppléant

LETTONIE

 

Gouvernement

 

Mme Sandra KALNIETE, membre titulaire,
a remplacé M. Roberts ZILE en janvier 2003

M. Roberts ZILE, membre suppléant,
a remplacé M. Gundars KRASTS en janvier 2003

   

Parlement

 

M. Rihards PIKS, membre titulaire

M. Guntars KRASTS, membre suppléant,
a remplacé M. Maris SPRINDZUKS en janvier 2003

Mme Liene LIEPINA, membre titulaire,
a remplacé M. Edvins INKENS en janvier 2003

M. Arturs KRISJANIS KARINS, membre suppléant, a remplacé Mme Inese BIRZNIECE en janvier 2003

   

LITUANIE

 

Gouvernement

 

M. Rytis MARTIKONIS, membre titulaire

M. Oskaras JUSYS, membre suppléant

   

Parlement

 

M. Vytenis ANDRIUKAITIS, membre titulaire

M. Gintautas _IVICKAS, membre suppléant,
a remplacé en février 2003 M. Gediminas DALINKEVICIUS, qui avait lui-même remplacé M. Rolandas PAVILIONIS, en décembre 2002

M. Algirdas GRICIUS, membre titulaire,
a remplacé M. Alvydas MEDALINSKAS en décembre 2002, qui a lui-même remplacé comme suppléant
Mme Dalia KRUTRAITE-GIEDRAITIENE

M. Eugenijus MALDEIKIS, membre suppléant, a remplacé M. Alvydas MEDALINSKAS en février 2003

   

MALTE

 

Gouvernement

 

M. Peter SERRACINO-INGLOTT, membre titulaire

M. John INGUANEZ, membre suppléant

   

Parlement

 

M. Michael FRENDO, membre titulaire

Mme Dolores CRISTINA, membre suppléant

M. Alfred SANT, membre titulaire

M. George VELLA, membre suppléant

   

POLOGNE

 

Gouvernement

 

Mme Danuta HÜBNER, membre titulaire

 M. Janusz TRZCIŃSKI, membre suppléant

   

Parlement

 

M. Jozef OLEKSY, membre titulaire

Mme Marta FOGLER, membre suppléant

M. Edmund WITTBRODT, membre titulaire

Mme Genowefa GRABOWSKA, membre suppléant

REPUBLIQUE TCHEQUE

 

Gouvernement

 

M. Jan KOHOUT, membre titulaire, a remplacé M. Jan KAVAN en septembre 2002

Mme Lenka Anna ROVNA, membre suppléant, a remplacé M. Jan KOHOUT en septembre 2002

   

Parlement

 

M. Jan ZAHRADIL, membre titulaire

M. Petr NEČAS, membre suppléant

M. Josef ZIELENIEC, membre titulaire

M. Frantisek KROUPA, membre suppléant

   

ROUMANIE

 

Gouvernement

 

Mme Hildegard Carola PUWAK, membre titulaire

M. Constantin ENE, membre suppléant,
a remplacé M. Ion JINGA en décembre 2002

   

Parlement

 

M. Alexandru ATHANASIU, membre titulaire, a remplacé M. Liviu MAIOR en février 2003

M. Peter ECKSTEIN-KOVACS, membre suppléant

M. Puiu HASOTTI, membre titulaire

M. Adrian SEVERIN, membre suppléant

   

SLOVAQUIE

 

Gouvernement

 

M. Ivan KORČOK, membre titulaire,
a remplacé M. Jan FIGEL en novembre 2002

M. Juraj MIGAŠ, membre suppléant

   

Parlement

 

M. Jan FIGEL, membre titulaire, a remplacé
M. Pavol HAMZIK en octobre 2002

Mme Zuzana MARTINAKOVA, membre suppléant, a remplacé M. Frantisek SEBEJ en novembre 2002

Mme Irena BELOHORSKÁ, membre titulaire

M. Boris ZALA, membre suppléant, a remplacé Mme Olga KELTOSOVA en novembre 2002

   

SLOVENIE

 

Gouvernement

 

M. Dimitrij RUPEL, membre titulaire,
a remplacé M. Matjaz NAHTIGAL en janvier 2003

M. Janez LENARČIČ, membre suppléant

   

Parlement

 

M. Jelko KACIN, membre titulaire, a remplacé M. Slavko GABER en janvier 2003

M. Franc HORVAT, membre suppléant,
a remplacé Mme Danica SIMSIC en janvier 2003

M. Alojz PETERLE, membre titulaire

M. Mihael BREJC, membre suppléant

TURQUIE

 

Gouvernement

 

M. Abdullah GÜL, membre titulaire,
a remplacé en mars 2003 M. Yasar YAKIS,
lui-même remplaçant M. Mesut YILMAZ en décembre 2002

M. Oguz DEMIRALP, membre suppléant,
a remplacé M. Nihat AKYOL en août 2002

   

Parlement

 

M. Zekeriya AKCAM, membre titulaire,
a remplacé M Ali TEKIN en décembre 2002

M. Ibrahim ŐZAL, membre suppléant,
a remplacé M. Kürsat ESER en décembre 2002

M. Kemal DERVIS, membre titulaire,
a remplacé M. Ayfer YILMAZ en décembre 2002

M. Necdet BUDAK, membre suppléant,
a remplacé M. A. Emre KOCAOGLU en décembre 2002

LES OBSERVATEURS

M. Roger BRIESCH, Comité économique et social

M. Josef CHABERT, Comité des régions

M. Joao CRAVINHO, Partenaires sociaux européens

M. Manfred DAMMEYER, Comité des régions

M. Patrick DEWAEL, Comité des régions

M. Nikiforos DIAMANDOUROS, Médiateur européen (a remplacé M. Jacob SODERMAN en mars 2003)

Mme Claude DU GRANRUT, Comité des régions

M. Göke Daniel FRERICHS, Comité économique et social

M. Emilio GABAGLIO, Partenaires sociaux européens

M. Georges JACOBS, Partenaires sociaux européens

M. Claudio MARTINI, Comité des régions

Mme Anne-Marie SIGMUND, Comité économique et social

M. Ramón Luis VALCÁRCEL SISO, Comité des régions (a remplacé M. Eduardo ZAPLANA en février 2003, après la suppléance de Mme Eva-Riitta SIITONEN en octobre 2002)

Annexe 2 :
Contribution franco-allemande à la Convention européenne
sur l'architecture institutionnelle de l'Union

(CONV 489/03)

Paris et Berlin, le 15 janvier 2003

Lors du Conseil européen de Copenhague qui s'est tenu il y a quelques semaines, l'Union a réalisé le plus grand élargissement de son histoire. Si elle entend conserver son unité et sa capacité d'action à l'intérieur comme à l'extérieur avec 25 Etats membres et plus, l'Union doit plus que jamais s'approfondir.

Nous souhaitons réussir une réforme des institutions qui réponde à trois exigences : clarté, légitimité et efficacité. Afin d'atteindre ces objectifs, un renforcement du triangle institutionnel (préservant son équilibre) ainsi qu'une réforme fondamentale de la représentation extérieure de l'Union sont nécessaires dans la Constitution européenne.

A cet égard, nous nous félicitons de l'avant-projet de traité constitutionnel présenté par le président de la Convention européenne. Nous estimons que ce texte devrait définir précisément dans sa première partie les objectifs des politiques de l'Union.

L'Europe est une Union des Etats, des peuples et des citoyens. Cette vocation politique peut s'exprimer dans les institutions par l'idée de fédération d'Etats-nations.

Nous souhaitons que l'Union soit dotée d'une personnalité juridique unique ainsi que d'institutions communes fortes qui prennent appui sur une architecture rénovée mettant fin à l'organisation actuelle en piliers, tout en conservant des procédures adaptées selon les domaines.

Nous souhaitons que les citoyens d'Europe puissent se reconnaître dans une communauté de valeurs et de droit : c'est pourquoi la Charte des droits fondamentaux doit être intégralement insérée dans la future Constitution. Un autre préalable important réside dans une meilleure délimitation des compétences entre l'Union et les Etats membres, conformément aux principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Nous faisons toute confiance à la Convention pour présenter un traité constitutionnel ambitieux appelé à remplacer les traités existants et souhaitons que la conférence intergouvernementale qui s'en suivra puisse parachever cette Constitution dans les plus brefs délais, si possible avant la fin de cette année.

1. Le Conseil européen

Il a notamment pour fonctions :

- d'arrêter les grandes orientations politiques et stratégiques de l'Union, en liaison avec la Commission ;

- de définir les principes et les grands axes de la politique étrangère et de sécurité commune, y compris en matière de défense.

Comme la Commission et le Parlement européen, le Conseil européen doit être doté d'une présidence stable. Dans une Europe élargie, il est indispensable de donner une continuité, une stabilité et une visibilité à la direction du Conseil européen.

Le Conseil européen élit son président à la majorité qualifiée pour une durée de cinq ans ou de deux ans et demi renouvelables. Cette personnalité exerce ses fonctions à temps plein pendant la durée de son mandat.

Le président du Conseil européen a deux fonctions principales :

- il prépare, préside et anime les travaux du Conseil européen et veille à l'exécution de ses décisions ;

- il représente l'Union sur la scène internationale lors des rencontres des chefs d'Etat ou de gouvernement, sans préjudice des compétences de la Commission et de son Président, sachant que la conduite quotidienne de la politique étrangère et de sécurité commune revient au ministre européen des affaires étrangères.

2. La Commission européenne

Au moment où l'Europe devient plus diverse en s'élargissant, le traité constitutionnel doit confirmer la Commission européenne dans son rôle de moteur de la construction européenne, de gardienne des traités ainsi que dans sa vocation à incarner l'intérêt général européen.

La Commission a le droit d'initiative selon les procédures prévues par les traités.

Elle est chargée de l'exécution de la législation adoptée par le Parlement européen et le Conseil ainsi que du suivi et du contrôle de la bonne application des décisions du Conseil par les Etats membres. Elle doit avoir les moyens d'exercer pleinement ce rôle majeur. Cela suppose une simplification radicale de la procédure de comitologie. Pour être en mesure d'assumer leur responsabilité politique, les commissaires disposent d'un pouvoir d'instruction sur les Directions générales.

Dans le domaine de la politique économique, le rôle de la Commission doit être renforcé, notamment dans la surveillance du pacte de stabilité et de croissance, par la possibilité de constater l'existence ou le risque de déficits publics excessifs.

Sa légitimité doit être mieux assurée, sans que cela porte atteinte à son indépendance et à son autonomie. Sa désignation et celle de son président doivent intervenir au lendemain des élections du Parlement européen. Après l'élection du président de la Commission par le Parlement européen à une majorité qualifiée de ses membres, il est approuvé par le Conseil européen statuant à la majorité qualifiée.

Le président de la Commission constitue son collège en tenant compte des équilibres géographiques et démographiques. Le président de la Commission peut opérer une distinction au sein du collège entre commissaires ayant un portefeuille sectoriel et commissaires chargés de fonctions ou de missions spécifiques, avec un système de rotation égalitaire. Après approbation du Parlement européen, les membres de la Commission sont nommés par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée.

Le président de la Commission donne des directives politiques aux travaux de la Commission.

La Commission est politiquement responsable à la fois devant le Parlement européen et le Conseil européen.

3. Le Parlement européen

Le Parlement européen exerce, conjointement avec le Conseil, le pouvoir législatif. Toute extension de la règle du vote majoritaire au Conseil doit s'accompagner automatiquement d'un pouvoir de codécision conféré au Parlement européen.

L'Allemagne et la France souhaitent que la procédure budgétaire soit rationalisée et simplifiée et qu'une réflexion s'engage sur les conditions selon lesquelles le Parlement Européen pourrait statuer sur tout ou partie des recettes du budget, sans accroître la charge fiscale globale.

4. Le Conseil des ministres

Le Conseil des ministres, qui élabore avec le Parlement européen les lois européennes, exercera aussi des responsabilités opérationnelles accrues - en particulier en matière de JAI et de PESC - qui imposent une direction plus stable.

Il doit se concentrer sur l'essentiel : les décisions prises par le Conseil doivent laisser à la Commission et aux Etats membres une large capacité de mise en œuvre et d'exécution.

Il doit être efficace : les décisions doivent être prises, en règle générale, à la majorité qualifiée.

Pour rendre l'action du Conseil plus visible et plus compréhensible, il est souhaitable de séparer dans son activité les tâches opérationnelles et législatives. Dans le premier cas, les méthodes de travail doivent privilégier efficacité et rapidité dans la prise de décisions. Dans le second cas, les débats du Conseil sont publics et ses attributions s'exercent, de manière générale, en codécision avec le Parlement européen.

Les modalités de la présidence du Conseil des ministres varient selon les matières. Ainsi, le Conseil affaires générales est présidé par le secrétaire général du Conseil ; la présidence du Conseil Relex incombe au ministre européen des affaires étrangères ; le Conseil Ecofin, l'Eurogroupe et le Conseil JAI élisent leurs présidents pour deux ans parmi les membres du Conseil. La présidence d'autres formations du Conseil doit être organisée de manière à garantir la plus grande participation possible de tous les Etats membres sur la base d'une rotation égalitaire.

5. L'action extérieure de l'Union

Pour que l'Europe soit forte et crédible sur la scène mondiale, ses moyens opérationnels, financiers et humains doivent être en adéquation avec sa volonté politique. Cette exigence de cohérence implique que les fonctions de haut représentant et de commissaire chargé des relations extérieures soient exercées par une seule et même personne, un ministre européen des affaires étrangères.

Le rôle de ce ministre européen des affaires étrangères est renforcé par rapport à la situation actuelle : il dispose d'un droit d'initiative formel en matière de PESC et préside le Conseil des ministres chargé des relations extérieures et de la défense.

Le Conseil européen nomme le ministre européen des affaires étrangères à la majorité qualifiée, en accord avec le président de la Commission européenne. Le Ministre européen des Affaires étrangères participe ès qualités et en tant que membre de la Commission doté d'un statut spécial, aux réunions de la Commission. La Commission ne prend pas de décisions en matière de PESC.

En matière de politique étrangère et de sécurité commune, les décisions sont prises en général à la majorité qualifiée. Toutefois, les décisions qui ont des implications en matière de sécurité et de défense sont prises à l'unanimité. Si un Etat membre invoque un intérêt national pour s'opposer à une décision, le ministre européen des affaires étrangères est invité à rechercher avec lui une solution ; s'il n'y parvient pas, le président du Conseil européen en fait de même ; si aucune solution n'est trouvée, le Conseil européen est saisi de la question en vue d'une décision à la majorité qualifiée.

Le ministre européen des affaires étrangères s'appuie sur un service diplomatique européen associant la direction générale des relations extérieures de la Commission à une unité de politique étrangère qui doit être créée. Celle-ci comprend les services de politique étrangère du secrétariat du Conseil et est renforcée par des fonctionnaires envoyés par les Etats membres et la Commission. Le service diplomatique européen travaille en étroite relation avec les diplomaties des Etats membres. Les délégations existantes de la Commission sont transformées en délégations de l'Union européenne. Ce schéma permettrait l'émergence d'une diplomatie européenne.

Dans le domaine de la politique européenne de sécurité et de défense, il est souhaitable que tous les États membres de l'Union participent. Néanmoins, il y aura des situations où tous les États membres ne seront pas disposés à participer à des coopérations ou ne seront pas en mesure de le faire. Dans ce cas de figure, ceux qui le souhaitent doivent pouvoir utiliser l'instrument de la coopération renforcée pour la PESD.

6. Les parlements nationaux

Les parlements nationaux doivent être mieux associés à l'élaboration et au contrôle des décisions de l'Union européenne : ils sont un relais irremplaçable entre les citoyens et l'Union et contribuent au sentiment d'appartenance à l'ensemble européen. C'est une exigence de démocratie.

Les parlements nationaux interviennent dans le contrôle du principe de subsidiarité, par un mécanisme "d'alerte précoce".

Les parlements nationaux participent aux futures réformes des traités dans une Convention européenne.

Sans créer de nouvelles institutions, un dialogue entre parlementaires européens et parlementaires nationaux est développé, par exemple par l'organisation d'un débat annuel sur l'état de l'Union au sein du Congrès. Ces réunions, qui se tiendraient à Strasbourg, seraient présidées par le président du Parlement européen.

* *) Huit conventionnels ont déposé un contre-rapport intitulé « l'Europe des démocraties ».

1 () Le rapporteur, de même que d'autres conventionnels, avait déposé un amendement demandant la reprise du concept d'« Union sans cesse plus étroite » à l'article 1er relatif aux objectifs de l'Union.

2 () Au-delà du préambule de la Charte, plusieurs dispositions de celle-ci font référence à la religion :

- l'article 10 relatif à la liberté de penser, de conscience et de religion ;

- l'article 14 relatif au droit à l'éducation, qui énonce notamment que « la liberté de créer des établissements d'enseignement dans le respect des principes démocratiques, ainsi que le droit des parents d'assurer l'éducation et l'enseignement de leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses, philosophiques et pédagogiques, sont respectés selon les lois nationales qui en régissent l'exercice » ;

- l'article 21 relatif à la non-discrimination qui interdit toute discrimination fondée notamment sur la religion ;

- l'article 22 qui énonce que « l'Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique ».

3 () Des amendements ont notamment été déposés en ce sens par Mmes Giannakou, Hübner, Muscardini et Fogler et par MM. Tajani, Martikonis, Cisneros Laborda, Fini, Speroni, Wuermeling, Inglott, Frendo, Inguanez et Wittbrodt.

4 () M. Jacques Floch considère dans cette contribution que « l'élément religieux ne constitue pas un élément identitaire de l'Union européenne » et « qu'il est d'ailleurs constant dans l'histoire de l'Europe que les religions ont été un des éléments, souvent tragiques, de la division de l'Europe ».

5 () L'article 2 sur les valeurs de l'Union ne fait pas non plus référence à la religion. De nombreux amendements ont cependant été déposés pour demander une référence au fait religieux dans cet article, sous diverses formes. Différents amendements ont été déposés dans ce sens, notamment par MM. Brok, Kroupa, Skaarup, Fini, Teufel, Korcoc, Wittbrodt et Fogler, et par Mme Muscardini. M. Edmund Wittbrodt, représentant du Parlement polonais à la Convention, a proposé de reprendre un passage du préambule de la Constitution polonaise de 1997 qui aurait énoncé que « les valeurs de l'Union incluent les valeurs de ceux qui croient en Dieu, source de la vérité, de la justice, du bien et du beau, comme celles de ceux qui ne partagent pas cette conviction mais puisent ces valeurs universelles dans d'autres sources ». Cette proposition a été soutenue par le gouvernement italien.

6 () Le Président Valéry Giscard d'Estaing avait déjà proposé le concept d'« Union d'Etats gérant des compétences fédérales » lors de son audition du 23 octobre 2001 par la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.

7 () Le rapporteur avait proposé des amendements visant à intégrer le pluralisme dans la liste des valeurs européennes. M. Jacques Floch a déposé un amendement proposant d'intégrer dans les valeurs de l'Union la lutte commune contre les totalitarismes et les régimes racistes et xénophobes, le nazisme, le fascisme.

8 () Le Président Giscard d'Estaing a déclaré sur France Inter le 29 octobre 2002 : « Il y avait une campagne des adversaires de l'Europe sur certains continents qui disait : mais l'Europe c'est une prison. C'est-à-dire qu'une fois qu'un pays est entré, les citoyens ont l'impression qu'on leur impose de faire des choses qu'ils ne veulent pas faire ou qui leur déplaisent et qu'ils ne peuvent rien faire, ils sont emprisonnés dans l'Europe malgré leurs protestations, leurs mécontentements. Alors je voudrais répondre à cette campagne et dire que non, l'Europe est une organisation fondée sur la volonté démocratique des peuples de vivre ensemble. Donc ils décident de vivre ensemble, ils s'organisent et ainsi de suite. Mais s'il y en a qui à l'expérience constatent que ça ne leur convient pas, qu'ils le constatent de manière démocratique, c'est-à-dire qu'il faut que ce soit un choix réfléchi, accompagné d'un certain nombre de précautions, mais s'ils l'estiment, eh bien ça n'est pas une prison, on peut en sortir ».

9 () Une mise à jour (CONV 828/1/03 REV 1) des explications relatives au texte de la Charte, établie sous la responsabilité du président du groupe de travail et approuvée par le Praesidium peut être consultée sur le site internet de la Convention : www.european-convention.eu.int

10 () Il s'agit plus précisément d'un tiers de l'ensemble des voix attribuées aux parlements nationaux des Etats membres et aux chambres des parlements nationaux. En effet, les parlements nationaux des Etats membres ayant un système monocaméral disposent de deux voix tandis que chacune des chambres d'un système parlementaire bicaméral dispose d'une voix.

11 () Voir aussi note de la Fondation Schuman, « Un président pour l'Europe », de Pierre Lequiller, janvier 2003.

12 () Cette proposition a reçu un écho significatif au sein de la Convention. Outre l'appui de Joschka Fischer, Lamberto Dini, Antonio Tajani, Andrew Duff, Jacques Santer, Louis Michel, Adrian Severin, Josef Olesky, Hanja Maïj-Weggen, Peter Altmaïer, René Van der Linden, Hubert Haenel, Pervenche Beres, Jacques Floch se sont prononcés en sa faveur. Il en est de même à l'extérieur de la Convention de Wilfried Martens, Wolfgang Schaüble, Dominique Strauss-Kahn, François Bayrou et Claude Allègre. D'autres ont adhéré à l'esprit de cette proposition : Jean-Luc Dehaene, Guy Verhofstadt, Franco Frattini, Jean-Louis Bourlanges, Michel Barnier, Alain Lamassoure, Klaus Hänsch et Gianfranco Fini.

13 () Le rapporteur avait proposé, par amendement, un système de rotation des présidences des Conseils des ministres fondé sur des équipes de trois Etats membres exerçant conjointement la présidence pour une période de 18 mois. Il s'agissait d'assurer une meilleure visibilité de la présidence du Conseil des ministres et d'assurer une implication régulière de chacun des Etats membres.

14 () Les six pays les plus peuplés (Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Espagne et Pologne) auraient toujours un représentant au sein de la Commission. Les huit pays moyennement peuplés (Pays-Bas, Belgique, Grèce, Portugal, République tchèque, Hongrie, Suède, Autriche) seraient représentés par quatre commissaires, ainsi que les onze pays les moins peuplés (Slovaquie, Danemark, Finlande, Irlande, Lituanie, Lettonie, Slovénie, Estonie, Chypre, Luxembourg et Malte).

15 () Toutefois, lorsque la Constitution n'exige pas que le Conseil européen ou le Conseil des ministres statue sur la base d'une proposition de la Commission ou lorsque le Conseil européen ou le Conseil des ministres ne statue pas à l'initiative du ministre des affaires étrangères de l'Union, la majorité qualifiée est constituée des deux tiers des Etats membres, représentant au moins les trois cinquièmes de la population de l'Union.

16 () En effet, les matières soumises à une procédure législative spéciale ou à la procédure législative européenne de droit commun sont explicitement mentionnées dans la Constitution.

17 () Il convient toutefois de préciser que la fusion des traités ne concerne pas le traité Euratom, qui demeure distinct du traité établissant une Constitution pour l'Europe.

18 () Article du Monde, du 22 juillet 2002.

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