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N° 994

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er juillet 2003

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur la Convention sur l'avenir de l'Europe,

ET PRÉSENTÉ

par M. Pierre LEQUILLER,

Député.

TOME II

Travaux des représentants de l'Assemblée nationale
à la Convention sur l'avenir de l'Europe

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Union européenne.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. François Guillaume, Jean-Claude Lefort secrétaires ; MM. Alfred Almont, François Calvet, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

I. TRAVAUX DES REPRÉSENTANTS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE 5

A. Travaux de M. Pierre Lequiller, membre titulaire, 7

1. Contributions à la Convention 9

2. Contribution au groupe de travail « Action extérieure » 71

3. Interventions orales 83

4. Amendements déposés 119

B. Travaux de M. Jacques Floch, membre suppléant 177

1. Contributions à la Convention 179

2. Contributions au groupe de travail « Liberté, sécurité et justice » 203

3. Contribution au groupe de travail « Europe sociale » 225

4. Contributions au « cercle de discussion » sur la Cour de justice 233

5. Interventions orales 243

6. Amendements déposés 249

II. TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE 279

A. Communications sur les travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe 281

B. Auditions sur l'avenir de l'Europe 293

C. Réunions communes avec des délégations parlementaires des actuels et des futurs pays membres de l'Union européenne 387

III. AUDITION PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES DE M. VALÉRY GISCARD D'ESTAING, Président de la Convention sur l'avenir de l'Europe, le 27 novembre 2002 419

IV. DÉBAT EN SÉANCE PUBLIQUE SUR L'AVENIR DE L'EUROPE, le 3 décembre 2002 431

I. TRAVAUX DES REPRÉSENTANTS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Les représentants de l'Assemblée nationale à la Convention européenne ont été remplacés à la suite des élections législatives de juin 2002.

l Du 28 février au 8 juillet 2002, l'Assemblée nationale fut représentée par  :

- M. Alain Barrau, membre titulaire, député socialiste de l'Hérault, Président de la Délégation pour l'Union européenne ;

- Mme Anne-Marie Idrac, membre suppléante, députée UDF des Yvelines.

Leurs contributions à la Convention peuvent être consultées sur le site Internet de l'Assemblée nationale : www.assemblee-nationale.fr/europe/

l Du 9 juillet 2002 à la fin des travaux de la Convention, l'Assemblée nationale fut représentée par :

- M. Pierre Lequiller, membre titulaire, député UMP des Yvelines, Président de la Délégation pour l'Union européenne ;

- M. Jacques Floch, membre suppléant, député socialiste de Loire-Atlantique.

Leurs contributions écrites et interventions orales sont intégralement reproduites dans les annexes publiées ci-après.

I.

Pierre Lequiller

Né le 4 décembre 1949 à Londres

Marié, 4 enfants

Adresse :

Palais Bourbon, Casier de la Poste Tél. Secrétariat : + 33 1 40 63 86 62/86 82

75355 Paris 07 SP Fax : + 33 1 40 63 86 39

email : plequiller@assemblee-nationale.fr

CURRICULUM VITAE

Formation

- Licence de sciences économiques

- HEC

- Institut d'études politiques de Paris

Carrière professionnelle

Direction internationale de la Société générale de 1974 à 1986 (responsable Afrique)

Parcours politique

1977 : Maire-adjoint de Louveciennes en charge des finances

1979 : Conseiller général des Yvelines, Vice-président depuis 1982

1985 : Maire de Louveciennes

1988 : Député de la 4ème circonscription des Yvelines, réélu en 1993, 1997 et 2002

En application de la loi sur le cumul des mandats, ne s'est pas représenté en 2001 à la mairie de Louveciennes

1995-2001 : Président du Groupe permanent de lutte contre l'illettrisme (GPLI)

2000-2002 : Vice-président de l'Assemblée nationale

Actuellement

- Député UMP (Union pour la Majorité Présidentielle) des Yvelines, membre de la Commission des affaires étrangères

- Président de la Délégation pour l'Union européenne

- Vice-président du Conseil général des Yvelines, chargé des affaires scolaires et universitaires, des nouvelles technologies et du patrimoine

Ouvrages

- « La guerre scolaire n'aura pas lieu », 1992

- « L'Europe se lève à l'Est », 1994

- « 22 propositions pour la lutte contre l'illettrisme », 1995

- Rapport parlementaire « Sur l'enseignement français à l'étranger », 1996

- Auteur d'une proposition de loi relative à la protection du patrimoine, votée à l'unanimité à l'Assemblée nationale en 2001Annexe-1

A. TRAVAUX DE M. PIERRE LEQUILLER, membre titulaire,

l membre du groupe de travail « Action extérieure de l'Union »

Pages

1. Contributions à la Convention 9

2. Contribution au groupe de travail « Action extérieure » 71

3. Interventions orales 83

4. Amendements déposés 119

1. Contributions à la Convention

Pages

« Un Président pour l'Europe » CONV 320/02 du 7 octobre 2002 10

« La place du sport dans le futur traité » CONV 478/03 du 10 janvier 2003 25

« Pour un service des jeunes coopérants européens »
CONV 560/03 du 17 février 2003 28

« Initiative pour l'intégration de la Charte des droits fondamentaux dans la Constitution européenne »
CONV 607/03 du 11 mars 2003 31

« Référendum sur la Constitution européenne »
CONV 658/03 du 31 mars 2003 34

« Déclaration sur un partenariat institutionnel renforcé entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne »
CONV 688/03 du 14 avril 2003 38

« Pour une présidence unique, à terme, du Conseil européen et de la Commission » CONV 746/03 du 16 mai 2003 42

« Pour un gouvernement économique de l'Union européenne » CONV 747/03 du 16 mai 2003 49

« Pour la mise en place progressive d'une politique commune dans le domaine de la recherche et du développement » CONV 749/03 du 20 mai 2003 53

« Proposition pour une composition de la Commission équilibrée et efficace » CONV 837/03 du 27 mai 2003 55

« Proposition concernant la transparence »
CONV 830/03 du 10 juillet 2003 58

LA CONVENTION EUROPEENNE Bruxelles, le 7 octobre 2002

le secretariat

CONV 320/02

CONTRIB 108

NOTE DE TRANSMISSION________________________________________________

du Secrétariat

à__________________la Convention________________________________________

Objet : Contribution présentée par M. Pierre Lequiller, membre de la Convention

________ - "Un Président pour l'Europe"______________________________________

Le Secrétaire général de la Convention a reçu la contribution figurant en annexe de M. Pierre Lequiller, membre de la Convention.

CONV 320/02 1

FR

Annexe

Paris, le 2 octobre 2002

contribution de M. pierre lequiller a la convention europeenne

UN PRESIDENT POUR L'EUROPE

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Une réforme ambitieuse des institutions s'impose sans tarder

- La Convention constitue la dernière chance avant l'élargissement, qui impliquera des contraintes institutionnelles nouvelles ;

- l'opinion publique demande un « mieux » d'Europe centré sur les domaines où elle est plus efficace que l'action dispersée des Etats, dans la perspective de la consolidation d'une « Fédération d'Etats-nations »;

- le contexte de la mondialisation impose que l'Union soit davantage présente dans le monde pour défendre, ensemble, nos intérêts et nos valeurs et assumer nos responsabilités ;

- l'Europe a besoin d'un projet lisible pour ses citoyens, d'une ambition commune.

La réforme institutionnelle est indispensable pour donner une légitimité nouvelle et une efficacité accrue à l'Europe. L'alternative c'est la montée des scepticismes et populismes de tous ordres, et, à la clé, l'affaiblissement collectif.

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ANNEXE FR

2. Il existe une large majorité, au sein de la Convention, sur les objectifs de fond de la réforme institutionnelle et, d'ores et déjà, au-delà même de la question de la présidence, sur certaines orientations, que l'on doit garder à l'esprit dans le cadre de la réflexion en cours

a) Le renforcement de la démocratie européenne

Orientations qui s'esquissent au sein de la Convention :

- élaboration d'un « traité constitutionnel » plus lisible pour les citoyens et introduction dans le traité de la « Charte des droits fondamentaux » ;

- clarification du rôle de chaque institution, renforcement du Parlement européen (extension de la codécision, débat sur l'accroissement du rôle du Parlement européen en matière budgétaire) et confirmation du rôle de la Commission, en particulier de son indépendance ;

- introduction des parlements nationaux dans le système européen (rôle en matière de subsidiarité, celui d'un éventuel Congrès pour l'élection d'un Président ou pour un débat d'information annuel) ;

- simplification de la classification des compétences, des procédures et des instruments législatifs.

b) La concentration de l'Union sur les sujets d'intérêt commun, là où elle est efficace

Perspectives qui se dégagent :

- renforcement des objectifs de l'Union au sein du Traité (et débat sur l'introduction, dans le domaine de la politique étrangère, d'une « doctrine diplomatique » commune) ;

- pas de remise en cause des compétences actuelles de l'Union et application renforcée du principe de subsidiarité pour les compétences existantes ;

- développement de l'action de l'Union dans le domaine de la politique étrangère, de la défense, de la sécurité intérieure, de la justice (et, pour certains conventionnels, de la gouvernance économique).

c) L'amélioration des conditions de l'efficacité de l'action

Eléments d'orientation qui se dessinent :

- renforcement des conditions de la prise de décision : extension de la majorité qualifiée, application progressive de la méthode communautaire à l'essentiel des domaines du troisième pilier et introduction par étapes d'éléments communautaires dans la PESC (sur le plan de la capacité d'initiative, des règles de vote au sein du Conseil) ;

-nécessité d'un exécutif européen bénéficiant d'une capacité d'impulsion, cohérence, visibilité et stabilité accrues : sur le plan des relations extérieures, vis-à-vis des pays tiers et dans le cadre des organisations internationales et sur le plan intérieur, vis-à-vis des citoyens ;

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-mise en place des conditions institutionnelles d'une «avant-garde» ouverte et réflexion sur l'évolution des modes de révision du Traité évitant les blocages potentiels liés à la règle de l'unanimité ;

- débat sur la mise en place de véritables ressources propres.

Les objectifs de fond semblent rassembler une majorité de conventionnels et s'expriment d'ores et déjà par des orientations importantes qui peuvent inspirer un consensus. C'est sur cette convergence et dans ce contexte qu'il faut bâtir la réforme institutionnelle, au service des peuples d'Europe.

3. Pour atteindre les objectifs communs dans le cadre des orientations institutionnelles qui se dégagent, les propositions de réformes relatives à la Présidence de l'Union doivent confirmer un ensemble de principes de méthode qui sont au cœur de l'efficacité de l'action au service de l'intérêt commun européen

a) Renforcer les éléments de l'équilibre institutionnel et la méthode communautaire

II s'agit de ne pas remettre en cause le principe et les modalités essentielles de l'équilibre des pouvoirs entre légitimités nationale et européenne (intergouvememental/supranational) et les fondements institutionnels principaux des pouvoirs des éléments du « Triangle » (les pouvoirs de codécision du Conseil des ministres et du Parlement européen, le pouvoir d'initiative de la Commission qui impose de maintenir les conditions de son indépendance, et sa force executive ). Il convient de conforter la méthode communautaire qui a fait les preuves de son efficacité.

L'orientation générale des réformes institutionnelles doit donc plutôt aller dans le sens d'un renforcement simultané des différentes composantes du système, plutôt que d'un choix Conseil ou d'un choix Commission.

L'introduction des parlements nationaux au sein du système doit par ailleurs constituer un élément de réponse complémentaire à la nécessité d'un renforcement de la légitimité des institutions.

b) Intégrer pleinement le principe d'égalité entre Etats membres

II convient de prendre en compte la caractéristique fondamentalement collégiale de la construction européenne, les équilibres nécessaires entre « grands » et « petits » Etats, les équilibres régionaux, sur la base d'un principe d'égalité.

c) Mettre en place un véritable "exécutif" de l'Union

Donner à l'exécutif européen plus de stabilité, de lisibilité, de légitimité, de capacité d'impulsion - au service de l'intérêt des peuples d'Europe - correspond à un objectif largement partagé. Mais le terme d'"exécutif ou de "gouvernement" recouvre des concepts divers et des ambiguïtés. Il s'agit en effet à la fois de la capacité de gouverner, c'est-à-dire de donner les impulsions nécessaires et de décider dans les domaines non législatifs - par exemple dans le champ de la diplomatie - et de la responsabilité de la mise en œuvre, normative et administrative. La mission de représentation constitue un autre volet de ces fonctions executives.

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ANNEXE FR

Dans le système institutionnel actuel ces fonctions executives sont réparties entre le Conseil européen pour l'impulsion, la Commission pour le pouvoir de proposition, le Conseil des ministres pour le pouvoir de décision, et à nouveau, la Commission pour la mise en œuvre, en même temps que les Etats membres pour ce qui ne relève pas d'une mise en œuvre communautaire.

S'il ne s'agit pas de résoudre d'un coup cette complexité, pour une part nécessaire du fait des différents niveaux du pouvoir et des différentes sources de légitimité, il convient à la fois de mieux cerner les diverses composantes des fonctions executives - fonction de coordination, fonction d'exécution, fonction de représentation - et de donner à ce "pouvoir exécutif européen" plus de légitimité, de lisibilité, de cohérence, d'efficacité et finalement de poids politique.

C'est particulièrement vrai dans le domaine de la politique étrangère pour lequel l'actuel dichotomie entre le Conseil et la Commission, entre le champ diplomatique d'une part, et les relations commerciales et l'aide au développement, d'autre part, implique qu'une cohérence nouvelle soit trouvée par le haut.

Il y a là un enjeu majeur de la Convention.

d) Associer les différentes institutions

Le Président de l'Union devra avoir, d'une manière ou d'une autre - quel que soit le mode de désignation - la confiance du Conseil européen, mais aussi, selon des modalités à confirmer, celle des autres institutions, et en particulier des parlementaires.

e) S'efforcer de progresser vers plus de simplicité et de lisibilité

Outre l'enjeu majeur d'une plus grande « visibilité » la solution trouvée doit rester relativement simple et facile à communiquer, même si une certaine complexité restera la conséquence incontournable de la conjugaison des légitimités européenne et nationale.

Sur le plan de la méthode, il s'agit de dépasser une vision antagoniste des approches intergouvernementales et supranationales pour promouvoir l'expression institutionnelle d'une conciliation concrète de ces deux approches dans un esprit communautaire. C'est par le haut que pourront être transcendés les antagonismes potentiellement réducteurs et bloquants

* * *

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DISPOSITIF

Le mandat de la Convention européenne est ambitieux : imaginer un système institutionnel plus simple, plus légitime et plus efficace. L'alternative à laquelle nous sommes confrontés est claire :

- soit nous nous limitons à des réformes « techniques », à la marge, et nous décevrons les citoyens qui attendent beaucoup de nos travaux ;

- soit nous réfléchissons ensemble à une architecture institutionnelle qui surmonte les oppositions habituelles entre « communautaristes » et « intergouvernementaux », entre pays démographiquement les plus importants et les autres, pour donner du sens et des perspectives à l'Europe réunifiée.

Parce que la Convention doit se donner les moyens de saisir une chance historique, ma démarche s'inscrit sans ambiguïté dans la seconde option, mais avec le réalisme et le pragmatisme qui doivent guider toute réflexion institutionnelle.

Dans un esprit d'ouverture et de compromis, j'ai émis l'idée que l'Union se dote d'un Président unique, exerçant la présidence du Conseil européen et de la Commission. J'ai depuis plusieurs semaines multiplié les consultations avec de nombreux partenaires européens ; j'ai l'intention de poursuivre et d'intensifier ces contacts. J'ai écouté avec attention les arguments des uns et des autres, leurs préoccupations et leurs attentes. J'ai la conviction que nous avons aujourd'hui les moyens de surmonter nos divergences. D'ores et déjà, un accord se dégage sur des questions fondamentales :

- Il faut élaborer un « traité constitutionnel » unique qui soit lisible pour les citoyens ;

- Il faut inclure dans ce traité la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- L'Union européenne doit acquérir une personnalité juridique unique ;

-II faut fusionner les piliers de l'Union, tout en prévoyant des procédures distinctes selon les matières traitées ;

- Il faut encourager le recours à des coopérations renforcées ouvertes afin de progresser dans la voie de l'intégration européenne.

L'émergence d'un véritable exécutif européen est une condition essentielle à l'approfondissement du projet européen. Ma proposition d'une présidence intégrée poursuit l'objectif d'une clarification des fonctions et des responsabilités. Cette proposition n'est pas figée et ses modalités devront encore évoluer pour élargir la base d'un accord que je crois possible, et qui me semble avoir le mérite de la clarté. Mais j'entends avant tout tracer une nouvelle perspective qui nous permettra, le moment venu, d'expliquer au citoyen les raisons de nos choix institutionnels.

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Première hypothèse : Le Président de l'Europe exerce les présidences du Conseil européen et de la Commission.

1. Un triangle institutionnel dont la légitimité et l'efficacité sont renforcées :

Une Présidence du Conseil européen et de la Commission exercée par la même

personne

Une Commission européenne aux prérogatives confortées

Un Parlement européen aux pouvoirs renforcés

La Présidence de l'Europe et la présidence de la Commission sont intégrées et exercées par la même personne : le Président de l'Europe. Il est le « visage » de l'Union, tant sur le plan des relations extérieures (il représente l'Union vis-à-vis des pays tiers et dans le cadre des relations internationales) que sur le plan intérieur, vis-à-vis des citoyens européens. Le Président constitue, dans la durée, une capacité d'impulsion, de proposition et de mise en œuvre des décisions prises par les institutions européennes.

Le Président est élu pour un mandat de cinq ans non renouvelable, par le Conseil européen qui se prononce à la double majorité des Etats et de la population. Il ne peut être un Chef d'Etat ou de gouvernement en exercice et ne prend ses fonctions qu'après un vote d'investiture du Congrès, composé pour 1/3 de représentants du Parlement européen et pour 2/3 de représentants des Parlements nationaux.

// constitue le collège des commissaires, selon les règles actuellement en vigueur. Le caractère collégial de la Commission européenne est préservé et les équilibres géographiques sont respectés.

A travers le Président de l'Europe, la Commission est renforcée dans son rôle d'impulsion et d'exécution. Son monopole d'initiative est confirmé. Dans cette conception intégrée, le Président de l'Europe transcende une approche opposant d'un côté les légitimités nationales des Etats et de l'autre la légitimité européenne : il appartient au Président de l'Europe d'assumer et de conjuguer cette double légitimité. Dans cet esprit, il s'appuie dans l'exercice de ses fonctions sur les services de la Commission, et sur les services du secrétariat du Conseil, selon les domaines de compétence concernés. Pour exercer sa mission en toute indépendance, le Président de l'Europe ne vote pas, ni au sein du Conseil européen, ni au sein de la Commission.

Les pouvoirs et responsabilités du Président sont liés au rôle des institutions qu'il préside. A cet égard, il convient de conforter le rôle d'orientation du Conseil européen et d'éviter que celui-ci ne se transforme en instance d'appel des décisions - ou de l'impossibilité de décision - du Conseil des ministres.

Le Président de l'Europe est placé à la tête du Conseil permanent de l'Union (ex Conseil Affaires générales), devant lequel il propose le programme triennal de l'Union préparé par la Commission (ce qui renforce le rôle de la Commission par rapport aux conclusions du Conseil européen de Séville). Ce programme doit être validé par le Conseil européen. Au préalable, un débat d'information est organisé sur ce programme devant le Congrès européen.

Afin de renforcer la légitimité des institutions et de respecter le parallélisme des formes, le Président de l'Europe et la Commission sont responsables devant le Conseil européen et devant le Congrès, qui se prononce à la majorité des deux tiers de ses membres. L'initiative de la mise en

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ANNEXE FR

cause de la responsabilité du Président et de la Commission appartient concurremment au Conseil européen et au Parlement européen. Le Parlement européen dispose ainsi du pouvoir d'enclencher seul une procédure de révocation du Président de l'Europe et de la Commission en saisissant lui-même le Congrès européen, par le vote d'une résolution adoptée à la majorité des deux tiers de ses membres.

2. Un Conseil des ministres restructuré

L'organisation du Conseil des ministres est simplifiée afin d'accroître l'efficacité de son action.

Trois grandes formations sont créées : une formation « Economie et monnaie », composée des ministres de l'économie et des finances ; une formation « Politique étrangère et de sécurité commune », composée des ministres des Affaires étrangères et, éventuellement, des ministres de la Défense ; une formation « Affaires intérieures et Justice », composée des ministres de l'Intérieur et de la Justice.

Le Secrétariat général du Conseil est maintenu dans ses fonctions actuelles, notamment pour la PESC.

Le « Ministre des Affaires étrangères de l'Union », dont la nomination est confirmée par le Conseil européen, est placé auprès du Président de l'Europe et préside la formation « Politique étrangère et de sécurité commune ». Son mandat est de cinq ans. Il cumule, en tant que membre de la Commission, les fonctions de Commissaire chargé des relations extérieures et de Haut représentant, assurant ainsi la cohérence de la conduite des affaires extérieures et de la représentation de l'Union au sein des institutions internationales.

La stabilité et la lisibilité de la présidence du Conseil « Politique étrangère et de sécurité commune », incarnée par le ministre des Affaires étrangères de l'Union, permettra à celui-ci de mettre clairement en valeur, à l'issue des conseils, les points d'accord qui auront été obtenus. La même situation se retrouvera pour le Conseil européen, s'agissant du Président de l'Europe.

Conformément à la réforme des structures et du fonctionnement du Conseil, approuvée en juin 2002 par les Chefs d'Etat et de gouvernement lors du Conseil européen de Se ville, les six Conseils sectoriels seraient : Emploi, politique sociale, santé et consommateurs ; Compétitivité (marché intérieur, industrie et recherche) ; Transports, télécommunications et énergie ; Agriculture et pêche ; Environnement ;Education, jeunesse et culture.

Les présidences des différentes formations du Conseil des ministres devraient être assurées selon des règles de rotation géographique par groupes de pays pour une durée, par exemple, de deux ans et demi. Ce système, déjà proposé par plusieurs Etats membres, présente l'avantage de respecter le principe d'une participation égalitaire des Etats. A l'exception de la formation « Politique étrangère et de sécurité commune », les présidences du Conseil continueraient ainsi à être assurées par des ministres en exercice et la stabilité serait assurée, tout en conservant une rotation nécessaire dans une Europe élargie, qui tienne compte des équilibres politiques et géographiques.

A l'occasion des nombreux contacts pris pour préparer cette proposition, d'autres options ont été envisagées, pour assurer la présidence du Conseil des ministres, qui méritent d'être approfondies. Ainsi, dans le prolongement de la logique d'intégration, il pourrait être envisagé - à plus long terme - de confier la présidence des formations du Conseil directement à des

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Commissaires. Une autre solution consisterait à prévoir que chaque formation du Conseil élise en son sein son Président.

Parallèlement aux formations sectorielles du Conseil des ministres, il est créé un « Conseil permanent de l'Union », présidé par le Président de l'Europe. Composé des représentants permanents des pays membres - qui auraient le rang de ministre dans leur gouvernement national -, ce Conseil permanent de l'Union devrait être chargé de la coordination, de la préparation et du suivi des Conseils européens, des questions institutionnelles et administratives et des dossiers horizontaux affectant plusieurs politiques de l'Union. Il devrait se réunir au moins une fois par mois.

Afin de renforcer les compétences du Parlement européen, il convient d'étendre la co-décision à l'ensemble des matières communautarisées ; dans ces domaines, le Conseil des ministres devrait se prononcer à la majorité qualifiée. A plus long terme, la codécision pourrait être étendue en matière budgétaire.

3. Des compétences clarifiées et contrôlées

La répartition des compétences entre l'Union et les Etats membres doit obéir à des règles souples tout en s'inscrivant dans un cadre juridique clarifié. Sans établir de catalogue des compétences, il est proposé de distinguer, dans le prolongement du rapport Lamassoure adopté par le Parlement européen, trois catégories de compétences étant entendu que la compétence de droit commun doit appartenir aux Etats, sans qu'il soit nécessaire d'en préciser le contenu.

Trois catégories de compétences devraient être mentionnées dans le volet constitutionnel du traité : les compétences propres de l'Union, les compétences partagées entre l'Union et les Etats membres et les compétences complémentaires.

Afin de contrôler l'application du principe de subsidiarité, une délégation permanente chargée de ce contrôle est créée au sein du Congrès. Le rôle de cette délégation doit être entendu en combinaison avec la procédure « d'alerte rapide » prévue dans les conclusions du groupe de travail de M. Mendez de Vigo sur la subsidiarité.

Ainsi, tout en reconnaissant à chaque Parlement national - plus précisément à chaque chambre - le droit d'adresser directement un avis motivé à la Commission européenne puis la possibilité, le cas échéant, de saisir directement la Cour de Justice dans le cadre d'un recours juridictionnel ex-post, il convient de favoriser une concertation entre les Parlements nationaux. C'est pourquoi, s'agissant de la phase ex-ante, les avis motivés adressés à la Commission européenne devraient également être transmis pour information à la délégation permanente du Congrès qui pourrait éventuellement déposer un avis représentant le point de vue collectif de la délégation.

En favorisant la concertation, il s'agit aussi d'éviter la multiplication et la dispersion des recours en annulation, dans la phase juridictionnelle ex-post. Au sein de la Cour de Justice, l'exercice du contrôle du principe de subsidiarité devrait être confié à une chambre spécialisée, composée à parité déjuges communautaires et déjuges nationaux.

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Par ailleurs, le Congrès pourra être compétent pour la révision des traités, s'agissant de la partie non constitutionnelle. Il s'agit ainsi de conforter la méthode de la Convention.

Le Congrès n 'est en aucune manière une seconde chambre législative.

Seconde hypothèse : La présidence de l'Europe et la présidence de la Commission demeurent distinctes

L'hypothèse du maintien de deux présidences distinctes, celle de l'Union et celle de la Commission ne doit pas, à ce stade, être écartée.

Dans ce cas, le Président de la Commission doit être élu par le Conseil européen, puis investi par le Parlement européen qui se prononce par un vote à la majorité simple de ses membres. La Commission est responsable devant le Parlement européen qui a le pouvoir de la renverser ; en contrepartie, le Parlement européen peut-être dissous par le Conseil européen.

Le Président de l'Europe est élu pour un mandat de cinq ans non renouvelable par le Conseil européen qui se prononce à la majorité des Etats et de la population. Il ne peut être un Chef d'Etat ou de gouvernement en exercice et ne prend ses fonctions qu'après un vote d'investiture du Congrès, composé pour 1/3 de représentants du Parlement européen et pour 2/3 de représentants des Parlements nationaux.

Le Président de l'Europe exerce la Présidence du Conseil européen et s'appuie sur les services du Secrétariat général du Conseil. Il joue un rôle d'impulsion en contribuant à définir les orientations politiques fondamentales de l'Union. Il est le « visage » de l'Europe et assure la conduite de la politique étrangère de l'Union. Un ministre des Affaires étrangères, qui préside la formation « Politique étrangère » du Conseil des ministres, est placé auprès de lui.

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ANNEXE FR

CONCLUSION

La proposition institutionnelle d'un président de l'Europe - désigné par le Conseil européen et confirmé par le Congrès -faisant coïncider la présidence du Conseil européen et celle de la Commission, tel que le dispositif ci-dessus le décrit, permet de répondre concrètement à un double enjeu, expression essentielle d'un objectif de service de l'intérêt commun des peuples d'Europe :

- un impératif démocratique : en conférant au Président de l'Union - responsable de l'exécutif communautaire - la stabilité et les conditions de l'autorité liés à un mandat pluriannuel à plein temps, et à la double investiture du Conseil européen et du Congrès, on donne un "visage" à l'Europe et une légitimité nouvelle à l'exécutif de l'Union, conditions essentielles pour l'approfondissement de la démocratie européenne ;

- une exigence d'efficacité de l'action commune : la lisibilité et la légitimité nouvelle, gage d'indépendance et de poids politique, conférées à l'exécutif européen, permettront de lui donner la capacité d'insuffler à l'Europe - à travers ses responsabilité au sein du Conseil européen et de la Commission, et en coopération avec les autres institutions, en particulier le Parlement européen et le Conseil des ministres - l'élan nécessaire au service de l'action commune, tant dans le domaine interne que sur le plan international.

Cette proposition se veut être une contribution à la réflexion commune dans le cadre de la Convention. Beaucoup de ses éléments restent naturellement à préciser ou à débattre. La proposition n'est ni intergouvernementale ni communautariste. L'enjeu est de dégager les voies d'un progrès institutionnel au service de l'intérêt des peuples et d'une certaine conception de l'homme, dans un esprit d'union. C'est la voie communautaire.

Il est intéressant de noter qu'au stade actuel les premières observations portées à l'encontre de ces propositions, se basent aussi bien sur des craintes qu'elles n'induisent une dérive intergouvernementale que sur l'inquiétude qu'elles ne fassent le lit d'un pouvoir européen échappant au contrôle des Etats. La symétrie de ces observations encourage à penser que les voies proposées peuvent jalonner une direction d'équilibre et de progrès.

Dans cet esprit, cette proposition vise à mettre en place des institutions européennes plus démocratiques et plus efficaces et suppose donc d'accepter un certain nombre de principes de logique et de précaution :

- la proposition préserve et renforce les principaux éléments constitutifs de l'équilibre institutionnel actuel - en particulier les principaux pouvoirs respectifs des institutions, Conseil européen, Conseil des ministres, Parlement européen, Commission - et la méthode communautaire, associant légitimités nationales et supranationales ;

- elle assume la complexité incontournable liée en particulier à l'exercice de la double légitimité et le fait que les institutions communautaires ne peuvent s'inscrire dans les cadres classiques du droit constitutionnel et du droit international ;

- // n'y aura pas de solution adéquate qui soit une solution parfaite. Il convient de promouvoir celle qui sera susceptible de répondre, a priori, le mieux aux exigences de l'intérêt commun ;

CONV 320/02 11

ANNEXE FR

- enfin, les progrès du système institutionnel ne vaudront que si, dans l'avenir, la volonté politique de les mettre en œuvre dans un esprit d'union prévaut, dans la durée, sur la recherche de la préservation des intérêts particuliers.

Il faut souligner, en conclusion, que s'agissant de la présidence de l'Union deux propositions principales ont été présentées et évoquées depuis quelques mois, (outre celles qui visent à réformer le système de la rotation semestrielle de la présidence du Conseil des ministres, sans réellement le remettre en cause) : d'une part, la proposition d'un "Président de l'Union" et, d'autre part, celle d'un président de la Commission élu par le Parlement européen.

Si aucune des deux propositions de base concernant la présidence n'arrivent à rassembler un consensus au sein de la Convention le risque d'un statu quo institutionnel - peut être amélioré à la marge - est réel. Ce serait au détriment de l'Union et de l'intérêt des peuples d'Europe. Il convient de rechercher la voie d'un compromis équilibré au service de la démocratie et de l'efficacité. C'est l'objet même et l'inspiration de la proposition de présidence intégrée.

CONV 320/02 12

ANNEXE FR

ANNEXE

LES RÉPONSES AUX PREMIERES OBSERVATIONS DÉJÀ ÉMISES PAR RAPPORT A LA PRÉSENTE PROPOSITION D'UNE PRÉSIDENCE INTÉGRÉE

a) S'agissant de l'observation jugeant que la proposition serait trop intergouvernementale et pourrait mettre en cause l'indépendance de la Commission.

Plusieurs éléments infirment l'opinion d'un risque d'affaiblissement de l'indépendance de la Commission et de son rôle :

- la règle de nomination proposée et le mode de mise en cause éventuelle de sa responsabilité (Conseil européen et Congrès) confortent l'indépendance du Président ; elle sera à ce titre au moins aussi grande que celle du Président de la Commission dont l'indépendance n'est actuellement pas contestée. Le rôle de support des services de la Commission (sur lesquels le Président pourra se reposer au titre de ses attributions executives, comme pour son rôle de président de la Commission) va également dans le sens d'une indépendance réelle vis-à-vis de l'influence des Etats ;

-pour conforter l'indépendance nécessaire à l'exercice de la «double casquette présidentielle », et éviter les conflits d'intérêts, il convient de préciser que le Président ne vote pas au sein du Conseil européen ni au sein de la Commission.

La confirmation du rôle du Conseil européen comme organe d'impulsion et d'orientation, et non comme organe d'appel du Conseil des ministres, risque de dérive qui a été dénoncée unanimement au Conseil de Séville, doit permettre au Président de ne pas être impliqué directement dans une fonction relevant du processus législatif (qui serait liée au renvoi devant le Conseil européen de projets examinés par le Conseil des ministres), alors même qu'en tant que Président de la Commission il serait par ailleurs à l'origine des projets ;

- en réalité la cohérence entre les fonctions qu'exercent respectivement le Président du Conseil européen et le Président de la Commission serait forte :

sur le plan législatif, entre l'impulsion politique du Conseil européen et sa déclinaison normative par la Commission. Le Président européen propose au Conseil européen un programme pluriannuel stratégique. Le Président européen, en tant que Président de la Commission, en vertu de son monopole d'initiative, propose les textes législatifs correspondant au programme pluriannuel (qui est préparé par les services de la Commission et qui a été débattu au "Conseil permanent de l'Union" ; sur ce point la proposition renforce le pouvoir de la Commission par rapport à la situation actuelle).

dans le domaine exécutif, en particulier pour la PESC, entre les moyens et domaines d'action de l'Union : le Président européen, en tant que Président du Conseil européen, peut proposer les principes et les orientations générales de la politique étrangère et de sécurité commune, y compris pour les questions ayant des implications en matière de défense. Le Conseil des ministres décide. Le Président européen, en tant que Président de la Commission en assure le suivi en proposant toutes les initiatives nécessaires à leur mise en œuvre. Dans ce domaine il serait

CONV 320/02 13

ANNEXE FR

particulièrement paralysant de prolonger une situation qui sépare le pouvoir de décision de celui de la mise en œuvre - notamment financière - et la diplomatie de l'aide au développement et de la politique commerciale.

b) A propos de la perspective, inverse, de la constitution d'un «pouvoir européen » qui échapperait au contrôle des Etats :

Le but recherché est bien de donner à l'exécutif européen un poids politique important au service de l'intérêt commun, et donc les bases d'une indépendance (voir paragraphe précédent). Néanmoins le contrôle des Etats reste assuré :

- comme évoqué précédemment le pouvoir du Conseil européen pour nommer le Président, et éventuellement mettre en cause sa responsabilité, représente un contrôle effectif direct des Etats ;

- par ailleurs, les Etats conservent leurs pouvoirs actuels sur les décisions de l'Union : le Conseil européen est compétent pour les orientations générales et le Conseil des ministres est colégislateur (et détient le pouvoir de contrôle pour l'élaboration des normes executives).

D'autre part, des garanties supplémentaires sont prévues, confortant le rôle collectif du Conseil européen, parmi lesquelles :

-l'approbation par le Conseil européen du programme pluriannuel de l'Union, avec, bien entendu, la possibilité de l'amender ;

- la coordination des travaux du Conseil et la préparation du Conseil européen par un Conseil Affaires générales rénové (« Conseil permanent de l'Union »).

c) En ce qui concerne la crainte d'un « pouvoir présidentiel » trop fort qui affaiblirait la dimension collégiale des institutions :

L'objectif est bien de doter l'exécutif européen d'un poids et d'une visibilité réelles. En tout état de cause tout pouvoir exécutif, quel que soit le niveau auquel il se situe - local, national, ou supranational - a un « visage », le pouvoir de celui-ci étant contrôlé et équilibré par des organes collégiaux. Et, de fait, beaucoup d'éléments limitent le pouvoir du Président et constituent des contrepoids :

- le Président est doublement responsable devant le Conseil européen et le Congrès ;

- son pouvoir, comme Président du Conseil européen et de la Commission, est de nature executive, notamment pour la conduite de la diplomatie, la représentation de l'Union ; il lui revient aussi celui de participer à la responsabilité de l'initiative législative en tant que Président de la Commission ;

- les pouvoirs du Président n'empiètent ni sur le pouvoir collégial du Conseil européen (impulsion, orientation, programme pluriannuel), ni sur celui, du même type, de la Commission (initiative, participation à la mise en œuvre des décisions).

CONV 320/02 14

ANNEXE FR

d) En réponse aux observations craignant une diminution des pouvoirs du Parlement européen

Le Parlement européen est actuellement compétent pour valider la désignation du Président de la Commission. La présente proposition vise, par l'instauration d'un Congrès rassemblant parlementaires européens et nationaux, à élargir la légitimité et donc l'indépendance du Président de l'Union. Le Parlement européen reste en charge de la désignation du Président et de la mise en cause de sa responsabilité, même si ce pouvoir est partagé avec les parlements nationaux. En outre, le poids politique accru de ce Président, par rapport au Président de la Commission dans le système actuel, accroît conséquemment le poids politique du Parlement européen en tant qu'organe participant à la désignation du Président, et à la mise en cause éventuellement de sa responsabilité. C'est l'ensemble des éléments du "triangle" qui est renforcé.

Il faut souligner par ailleurs que le partage, avec les parlements nationaux, du pouvoir de validation du Président s'accompagne par ailleurs, dans la présente proposition, d'un renforcement du rôle du Parlement européen en matière législative par l'extension de la procédure de codécision. Le renforcement du rôle du Parlement européen en matière budgétaire pourrait par ailleurs constituer un renforcement utile de la démocratie européenne.

Le rôle du Parlement européen en sortira renforcé.

e) A propos de la préoccupation de la constitution d'un directoire des grands pays

II convient de souligner, s'agissant de la crainte d'un directoire auquel conduirait l'instauration de la présidence de l'Union, que la présente proposition ne porte en aucune manière atteinte à la structure communautaire des institutions. Les Etats membres restent maîtres des décisions de l'Union à travers les compétences d'orientation du Conseil européen et de colégislateur du Conseil des Ministres - sous réserve des règles de pondération. Par ailleurs, l'intérêt commun européen reste en particulier porté par la Commission, confortée dans son indépendance, et par le Parlement européen, renforcé dans ses pouvoirs.

D'autre part, la décision même de désignation du Président de l'Union est prise au sein du Conseil européen selon la règle de la double majorité - qui doit assurer les "petits" et les "grands" qu'aucune décision ne sera prise contre l'un ou l'autre de ces deux ensembles potentiels - et validée par le Congrès qui rassemble représentants des légitimités européennes et nationales. La validation par le Congrès reprend en compte la participation des Etats, par le biais du Parlement européen et des parlements nationaux.

Enfin, l'expérience passée, montre que pour l'ensemble des institutions européennes, les présidences ont été successivement exercées par des personnalités représentant des pays dont l'importance démographique est très variable.

CONV 320/02 15

ANNEXE FR

LA CONVENTION EUROPÉENNE Bruxelles, le 10 janvier 2003

le secretariat

CONV 478/03

CONTRIB 183

NOTE DE TRANSMISSION___________________________________________________

du: Secrétariat

à la:_______Convention________________________________________________________

Objet: Contribution présentée par MM. Hubert Haenel, Pierre Lequiller,
Olivier Duhamel, Alain Lamassoure, Josep Borell Fontelles,
Gabriel Cisneros Laborda, Louis Michel et Ernani Lopes, membres de la
Convention, et Mme Pascale Andréani, Mme Pervenche Berès,
MM. Robert Badinter, Jacques Floch, Alfonso Dastis,
Alejandro Munoz-Alonso, Carlos Carnero Gonzalez et Pierre Chevalier,
membres suppléants de la Convention:

__________ "La place du sport dans le futur traité "_______________________________

Le Secrétaire général de la Convention a reçu de MM. Hubert Haenel, Pierre Lequiller,

Olivier Duhamel, Alain Lamassoure, Josep Borell Fontelles, Gabriel Cisneros Laborda,

Louis Michel et Ernani Lopes, membres de la Convention, et Mme Pascale Andréani,

Mme Pervenche Berès, MM. Robert Badinter, Jacques Floch, Alfonso Dastis,

Alejandro Munoz-Alonso, Carlos Carnero Gonzalez et Pierre Chevalier, membres suppléants de la

Convention, la contribution figurant en annexe.

CONV 478/03 1

FR

ANNEXE

CONTRIBUTION AUX TRAVAUX DE LA CONVENTION EUROPÉENNE SUR LA PLACE DU SPORT DANS LE FUTUR TRAITE

Que ce soit par les rapports du Parlement européen, les actions de la Commission ou les arrêts des juridictions communautaires, l'intervention des institutions européennes en matière de sport n'a cessé de croître au cours des trente dernières années.

L'internationalisation croissante du sport et l'impact direct des politiques communautaires sur le sport européen ont nourri le débat au plan politique :

· en 1997, la déclaration d'Amsterdam relative au sport a marqué l'importance sociale du sport, ainsi que son rôle de ferment de l'identité et de trait d'union entre les hommes ; elle demande que soient ouvertes des possibilités de concertation entre les organes communautaires et le mouvement sportif lorsque les intérêts majeurs de ce dernier sont enjeu ;

· en 1998, les conclusions du Conseil européen de Vienne se sont référées à la nécessité de sauvegarder les structures sportives actuelles et de maintenir la fonction sociale du sport dans le cadre communautaire. Elles se sont également référées à la lutte contre le dopage ;

· en 1999, le rapport de la Commission présenté au Conseil européen d'Helsinki a plaidé pour le maintien du modèle sportif européen dans ses dimensions marchandes et non marchandes ;

· en 2000, une déclaration a été adoptée à Nice en faveur de la reconnaissance des spécificités du sport. Elle évoque la protection des jeunes sportifs dans les transactions commerciales dont ils peuvent faire l'objet ; les risques que représente pour l'équité de la compétition la propriété ou le contrôle économique par un même opérateur de plusieurs clubs sportifs ; la nécessité de développer les initiatives favorisant la mutualisation d'une partie des recettes provenant de la vente des droits de retransmission télévisuelle, bénéfiques au principe de solidarité entre tous les niveaux de pratique sportive et toutes les disciplines ; la pratique des activités physiques et sportives pour les personnes handicapées et le rôle économique et social du bénévolat sportif.

Le principe de subsidiarité s'applique certes au domaine du sport, qui demeure essentiellement de la compétence des États. Mais, dès à présent, des questions de plus en plus nombreuses sont soumises à des arbitrages au niveau communautaire. La Commission, comme les juridictions communautaires, ont ainsi été amenées à reconnaître progressivement la spécificité de l'organisation sportive.

Force est de constater que les évolutions économiques observées dans le domaine sportif et les réponses apportées par les autorités publiques et les organisations sportives aux questions nouvelles qu'elles soulèvent ne permettent à ce jour de garantir ni la sauvegarde des structures actuelles et spécifiques du sport, ni sa fonction sociale. La multiplication récente de procédures juridictionnelles, ayant trait notamment à l'application des règles de l'Union européenne en matière de concurrence et de libre circulation, sont à la source d'une certaines insécurité juridique pour les différents intervenants du domaine sportif.

La rédaction d'un texte de nature constitutionnelle proposée par le Président de la Convention européenne, offre aujourd'hui la possibilité d'inscrire le sport dans le droit primaire de l'Union et, de cette manière, d'aboutir à une prise en compte plus globale des activités sportives.

*

CONV 478/03 2
ANNEXE FR

Plusieurs membres de la Convention ont contribué aux travaux en proposant que le sport figure dans les matières pour lesquelles l'action de l'Union peut intervenir pour compléter celle des Etats membres qui gardent la compétence de droit commun, au même titre que l'éducation, la formation, la jeunesse, la protection civile, la culture, la santé, l'industrie, le tourisme, les contrats civils et commerciaux.

Sur cette base, onze Etats membres de l'Union européenne, ont réagi en se prononçant pour l'inclusion d'un article relatif au sport dans les traités, lors de la réunion informelle des ministres en charge du sport à Almeria, du 15 au 17 mai 2002.

L'instance suprême du mouvement sportif, le Comité International Olympique (CIO) a accueilli favorablement cette proposition et plaide officiellement (« contribution du Comité international olympique à la convention européenne ») pour l'inclusion d'une disposition en faveur du sport dans le traité de l'UE.

Une démarche identique (« contribution from European Non-Governmental Sports Organization to thé Convention preparing thé IGC 2004 and thé future of thé European Union ») conduit l'Organisation Européenne Non Gouvernementale des Sports (ENGSO) à souhaiter que l'encadrement juridique des activités sportives fasse l'objet d'un débat au sein de la Convention européenne. Elle soutiendrait également l'inclusion d'un article relatif au sport dans le prochain traité.

Afin de répondre aux défis nouveaux lancés au monde sportif, il serait souhaitable de consacrer dans le traité la compétence de la Communauté :

· Si pour des motifs rédactionnels, l'inclusion du sport devait s'effectuer sous une forme « réduite », le mot «sport » pourrait être simplement mentionné parmi d'autres comme la culture, la santé, l'éducation.

· Si, à l'inverse, la prise en compte du sport dans le nouveau traité se faisait sous une forme plus détaillée au travers d'un article relatif au sport, il serait souhaitable que soient mentionnés les objectifs suivants pour définir le champ de l'intervention communautaire :

la reconnaissance du rôle des structures sportives actuelles en Europe et leur indépendance, en tant qu'éléments constitutifs d'un modèle sportif européen,

la promotion des valeurs sociales, éducatives, et de solidarité entre toutes les pratiques, le partenariat entre les pouvoirs publics et le mouvement sportif à tous les échelons, la lutte contre toutes les dérives de la pratique sportive,

· la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes en la matière.

CONV 478/03 3
ANNEXE FR

LA CONVENTION EUROPEENNE Bruxelles, le 17 février 2003

le secretariat

CONV 560/03

CONTRIB 247

NOTE DE TRANSMISSION_____________________________________________

du : Secrétariat

à : la Convention_______________________________________________
Objet: Contribution de M. Pierre Lequiller, membre de la Convention:
__________ - « Pour un service des jeunes coopérants européens »________________

Le Secrétaire général de la Convention a reçu la contribution figurant en annexe de M. Pierre Lequiller, membre de la Convention.

CONV 560/03 1

FR

contribution de M pierre lequiller a la convention europeenne

POUR UN SERVICE DES JEUNES COOPERANTS EUROPEENS

« Paix, Liberté, Solidarité ». La Convention cherche une devise pour l'Europe. Au-delà des mots, elle doit donner corps à cette nouvelle citoyenneté par un projet concret. La solidarité au service de la paix et de la liberté, voici un principe qui devrait guider l'action des générations européennes à venir.

Pour devenir une ambition partagée, notre projet commun mérite d'être mieux compris par les citoyens. Le service volontaire européen, instauré par la Commission en 1996, permet déjà à des jeunes de travailler au service d'organisations caritatives. Mais il concerne encore très peu d'Européens et exclut de son champ d'application la majorité des pays en voie de développement.

Alors, franchissons une nouvelle étape en proposant à la Convention la création d'un service solidaire européen. Sans être obligatoire, il reposerait sur la constitution d'équipes déjeunes volontaires d'origines et de compétences différentes, prêts à consacrer quatre à six mois de leur vie d'européens au service d'une cause humanitaire dans un pays en voie de développement. Constitués en « équipages européens », ces jeunes âgés de 18 à 25 ans, deviendront ainsi les acteurs de projets de développement, encadrés par des organisations à but non-lucratif.

Pourquoi proposons-nous ce service volontaire ? Parce qu'il apporte une réponse innovante au modèle de développement durable qu'entend promouvoir l'Union européenne. Les « équipages européens » apporteront leur savoir et leur culture dans des domaines aussi divers que l'éducation, la santé, l'environnement, le développement social, économique et culturel, la protection des droits de l'homme, ou l'aide d'urgence. Les jeunes volontaires pourront ainsi former des équipes pédagogiques pluridisciplinaires dans les écoles locales, ou dans les villages isolés où les enfants n'ont pas accès à l'enseignement. Ils contribueront aussi au développement d'activités culturelles ou sportives en faveur des jeunes dans certains quartiers particulièrement déshérités.

Quant aux modalités de ce programme, elles devront répondre à une logique décentralisée : les procédures de candidature devront être simplifiées et gérées par des bureaux de représentation de la Commission directement dans les pays en voie de développement. Ceux-ci seraient chargés de constituer les « équipages » et de les former, en collaboration avec les

CONV 560/03 2
ANNEX FR

organisations partenaires, selon les besoins du pays. Entièrement financé par la Commission et les Etats membres, dont les volontaires sont originaires, l'accueil des équipages européens sera mis en place en collaboration étroite avec des ONG ou des organismes publics ou parapublics, qui assureront également la gestion des projets.

Les jeunes européens, nous en sommes convaincus pour avoir organisé des réunions avec nombre d'entre eux, ont conscience d'appartenir à un continent en cours de réunification qui a fait enfin la paix avec lui-même et peut désormais aspirer au bonheur, mais ils ne peuvent se satisfaire de vivre sur un îlot de paix et de prospérité quand des milliards d'êtres humains ne parviennent pas à s'affranchir des chaînes de la pauvreté. La paix en Europe est pour eux un acquis, mais ils savent qu'il n'y aura pas de paix dans le monde tant que les pays développés n'aideront pas ces peuples en détresse à se remettre en marche et à rejoindre le reste de l'humanité dans sa quête du respect et du progrès.

L'Europe doit répondre à l'élan de générosité et de solidarité de sa jeunesse en lui proposant des projets capables de mobiliser ses futurs citoyens au service d'une communauté qui ne sera pas seulement nationale, ni même européenne, mais avant tout humaine. Ce projet de service solidaire européen s'efforce de répondre à cette aspiration.

CONV 560/03 3
ANNEX FR

LA CONVENTION EUROPEENNE Bruxelles, le 11 mars 2003

le secretariat

CONV 607/03

CONTRIB 274

NOTE DE TRANSMISSION____________________________________________________

du Secrétariat

à________ la Convention_____________________________________________________

Objet : Contribution présentée par des membres de la Convention:

"Initiative pour l'intégration de la Charte des droits fondamentaux dans la _________ constitution européenne"______________________________________________

Le Secrétaire général de la Convention a reçu la contribution en annexe des membres de la Convention dont les noms figurent à la page 3.

CONV 607/03 1

FR

ANNEXE

Initiative pour l'intégration de la Charte des droits fondamentaux dans la constitution européenne

Les valeurs, les droits fondamentaux et les libertés que garantit la Charte européenne des droits fondamentaux forment la base du processus d'unification européenne.

La Charte des droits fondamentaux est un document unique de l'identité européenne. En effet, elle prouve que l'Union européenne est bien plus qu'une communauté économique et que les États et les peuples d'Europe se sont regroupés en son sein pour constituer une communauté de valeurs.

La Charte prouve aux citoyennes et aux citoyens d'Europe qu'ils font partie d'une communauté en voie d'intégration qui ne leur assigne pas seulement de manière directe des obligations mais leur confère aussi des droits. Ainsi la Charte est un élément majeur de l'identification des Européens avec l'Union.

C'est pourquoi nous nous félicitons du consensus qui s'esquisse au sujet de l'intégration de la Charte des droits fondamentaux comme élément juridiquement contraignant de la constitution européenne, sans qu'elle crée des compétences nouvelles pour l'Union.

S'agissant d'un document si fondamental, non seulement le caractère juridiquement contraignant mais aussi la présentation politique sont essentiels: le lecteur de la constitution s'attend à trouver au début du texte ses droits fondamentaux et ses libertés. Dissimuler la Charte des droits fondamentaux dans un protocole irait à rencontre de l'importance d'un tel document et du respect qu'il mérite.

C'est pourquoi nous demandons que le texte intégral de la Charte des droits fondamentaux figure à une place éminente dans le traité constitutionnel européen.

CONV 607/03 2
ANNEXE FR

Nous invitons tous les membres de la Convention à participer à cette initiative.

Teresa Almeida Garrett, Peter Altmaier, Pascale Andreani, Vytenis Andriukaitis, Michael

Attalides, Paraskevas Avgerinos, Eduarda Azevedo, Robert Badinter,

Peter Balazs, Michel Barnier, Pervenche Beres, Maria Berger,

Josep Borrell Fontelles, Mihael Brejc,EImar Brok, Hans Martin Bury,

Carlos Carnero Gonzalez, Gabriel Cisneros Laborda, Nikolaos Constantopoulos, Alberto

Costa, Manfred Dammeyer, Alfonso Dastis, Karel de Gucht, Proinsias de Rossa, Kemal

Dervis, Dominique de Villepin, Panayiotis Demetriou, Elio Di Rupo,

Lamberto Dini, Guilherme d'Oliveira Martins, Andrew Duff, Olivier Duhamel,

Péter Eckstein-Kovacs, Caspar Einem, Hannes Farnleitner, Ben Fayot, Joschka Fischer,

Jacques Floch, Marta Fogler, Michael Frendo, Emilio Gabaglio, John Gormley,

Peter Gottfried, Genewefa Grabowska, Hubert Haenel, Klaus Hânsch, Paul Helminger,

Danuta Hiibner, Panayiotis loakirnidis, Georges Katiforis, Sylvia-Yvonne Kaufmann,

Piia-Noora Kauppi, Andrâs Kelemen, Kimmo Kiljunen, Jan Kohout,

Alain Lamassoure, Janez Lenarcic, Pierre Lequiller, Evelin Lichtenberger,

Manuel Lobo Antunes, Ernani Lopes, Diego Lopez Garrido, Hanja Maij-Weggen,

Luis Marinho, Rytis Martikonis, Eleni Mavrou, Neil McCormick,

Inigo Mendez de Vigo, Jùrgen Meyer, Louis Michel, Juraj Migas, Marie Nagy,

Jozef Oleksy, David O'Sullivan, Elena Paciotti, Ana Palacio, Alojz Peterle,

Danny Pieters, Paolo Ponzano, Hildegard Puwak, Reinhard Rack, Dimitrij Rupel, Jaques

Santer, Nicolas Schmit, Wolfgang Senff, Adrian Severin, Valdo Spini,

Jozef Szajer, Istvân Szent-Ivânyi, Erwin Teufel, Belle Thorning-Schmidt,

Frans Timmermans, Janusz Trzcinski, Gerhard Tusek, René van der Linden,

Anne van Lancker, Evripidis Stylianidis, Pal Vastagh, Johannes Voggenhuber,

Renée Wagner, Edmund Wittbrodt, Joachim Wuermeling,

Marietta Yannakou-Koutsikou

CONV 607/03 3
ANNEXE FR

LA CONVENTION EUROPÉENNE Bruxelles, le 31 mars 2003 (03.04)

le secretariat (OR.en)

CONV 658/03

NEW VERSION

CONTRIB 291

NOTE DE TRANSMISSION___________________________________________________

du: Secrétariat

à la:______Convention______________________________________________________

Objet: Contribution présentée par plusieurs membres, membres suppléants et

observateurs:

________ "Référendum sur la Constitution européenne"____________________________

Le Secrétaire général de la Convention a reçu la contribution figurant en annexe de:

Peter BALÂSZ, Irena BELOHORSKÀ, Jens-Peter BONDE, Panayiotis DEMETRIOU,

Olivier DUHAMEL, Johannes FARNLEITNER, Algirdas GRICIUS, Hubert HAENEL,

David HEATHCOAT-AMORY, Sylvia-Yvonne KAUFMANN, Alain LAMASSOURE, Pierre

LEQUILLER, Eleni MAVROU, Jurgen MEYER, Alojz PETERLE, Johannes VOGGENHUBER,

membres;

William ABITBOL, Robert BADINTER, Filadelfio BASILE, Pervenche BERÈS,

Carlos CARNERO GONZALEZ, Lone DYBKJAER, John GORMLEY, Piia-Noora KAUPPI,

Evelin LICHTENBERGER, Marie NAGY, Antonio NAZARÉ-PEREIRA, Elena PACIOTTI,

Reinhard RACK, Esko SEPPÀNEN, Gintautas SIVICKAS, Francesco SPERONI,

Alexander STOCKTON, Janusz TRZCINSKI, Gerhard TUSEK, Joachim WUERMELING

membres suppléants;

Roger BRIESCH, Claude du GRANRUT, observateurs.

CONV 658/03 sen/gg 1

FR

ANNEXE

Referendum on the European constitution

ADOPTION, RATIFICATION AND ENTRY INTO FORCE PROCEDURE

We propose that the Convention recommends to the Inter-Governmental Conference that the draft European Constitution be approved not only by National Parliaments and the European Parliament but also by the citizens of Europe in binding referendums. These referendums should take place in accordance with the constitutional provisions of the member states. They should be held simultaneously on the same day, an option being the same day as the European Parliament Elections in June 2004. Those member states whose constitutions do not currently permit referendums are called upon to hold at least consultative referendums. An information campaign must be publicly funded.

NOTES

Background

The Laeken Declaration recognised the need to bring Europe closer to the people. This was the impetus for the Convention on the Future of Europe, which will produce a Constitution or a constitutional treaty for Europe. If the Constitution is to have real democratic legitimacy, then it ought to be put to the people of Europe in a Europe-wide referendum. Not to do so would simply reinforce the impression of a deep democratic deficit in Europe; it would also send a signal that Europe is not about the people but about the governing elites.

CONV 658/03 2
ANNEXE FR

Why a Europe-wide referendum?

It has been argued that there is no European demos, that Europe consists solely of member states which ratify treaties according to their own constitutional requirements. While it is the case that a 'European People' does not exist, it is equally clear that a Europe-wide referendum would create a common political space. It would be a means of bringing the peoples of Europe closer politically; it would ensure that the people were more engaged with and had a greater knowledge of the project.

The demand for greater and more effective involvement of European Citizens in the political process is not new. In 1949, before the emergence of the European Economic Community (EEC), Charles de Gaulle declared, "I think that the organisation of Europe has to proceed from Europe itself. I consider that the start shall be given by a referendum of all free Europeans".1

Similarly, Altiero Spinelli proposed, in 1984, the creation of an ED Constitution, which would have to be ratified by the people in a referendum.2

Many members of the Convention have already spoken in support of a Europe-wide Referendum. The Convention President, Valery Giscard d'Estaing, stated at the opening of the assembly that treaties should be concluded by countries, but a constitution by the people. Mr. Amato and the other Vice-President, Mr. Dehaene, have supported him in his call for a referendum. In the European Parliament, the Liberals and the Greens have both declared their support for a European Referendum. As the work of the Convention reaches a conclusion, an increasing number of leading European political figures are speaking in favour of a Europe-wide Referendum.

Legal difficulties

Such a proposal does not come without political or constitutional difficulties. Currently, ratification of a European treaty requires unanimity. Theoretically, therefore, in a Union of twenty-five, one country can block the European treaty. Not only can this be seen as unfair and undemocratic, it must also be recognised that the present position puts undue pressure on certain member states which have a constitutional obligation to hold a referendum. For example, during the second Nice Referendum in Ireland, the most compelling argument to ratify had nothing to do with the treaty itself and everything to do with the fact that Ireland would block the treaty by voting 'no'. In a Europe-wide referendum, held on the same day in member states, arguments could centre on the merits or otherwise of the constitution and not on the political consequences of voting 'yes' or 'no'. Member states which have at present no constitutional provision for holding a referendum would need to immediately introduce appropriate measures to enable such a possibility. If this is not achievable at least consultative referenda should be held. They would undoubtedly carry enormous political weight.

CONV 658/03 3
ANNEXE FR

Method

As Europe consists of citizens and member states, the fairest and most democratic means of consulting the people would be by a referendum based on a dual majority, i.e., a majority of citizens and a majority of states would be necessary to secure ratification. If in any member state the proposed constitution is rejected in the referendum, the state in question can - in accordance with the relevant provisions of international and European law - use one of the following options. It could - after negotiating special status - hold a second referendum. It could try to regulate its relationship to the new "constitutional" European Union by a bilateral treaty; or it could choose to leave the European Union. It is therefore necessary to include a secession clause in the new Constitution. So we avoid two extremes: no country can be forced under the new constitution against the will of its citizens and on the other side one country alone can not block the whole constitutional process by its veto.

In any EU Referendum Campaign, it is vital that the electorate is properly informed about the issues. That is why we propose a referendum information leaflet to all households listing the arguments 'for' and 'against'. An elected Referendum Commission which would be responsible for ensuring a fair and balanced dissemination of information to the public could be an additional instrument.

In the White Paper on "Good Governance" recently published by the EU Commission, it is stated that the institutions of the EU have to become more transparent and more open to participation by the citizens. If the Convention fails to make such a recommendation to the Intergovernmental Conference a real opportunity to democratise the European Union and empower the European citizens will have been missed.

-1 De Gaulle, Charles (1970). "Discours et messages. Dans I'attente. Fevrier 146 - Avril 1958. Paris: Plon, Vol II. P.309.

2 Spinelli, Altiero: "Una strategia per gli stati unit! d'Europa". Bologna: Societa editrice il Mulino.

CONV 658/03 4
ANNEXE FR

LA CONVENTION EUROPÉENNE Bruxelles, le 14 avril 2003

le secretariat

CONV 688/03

NEW VERSION

CONTRIB 305

NOTE DE TRANSMISSION__________________________________________________________

du: Secrétariat

à la:______Convention_________________________________________________________
Objet: Déclaration sur un partenariat institutionnel renforcé entre le Conseil de
l'Europe et l'Union européenne.

Le Secrétaire général de la Convention a reçu la contribution figurant en annexe de: R. van der Linden, V. Andriukaitis, I. Belohorska,M. Brejc, E. Brok, P. Demetriou, K. Dervis, J. van Dijk, W.vanEekelen, M. Fogler, M. Kuneva, S. Lekberg, G. Lennmarker, L. Liepina, P. Lequiller, H. Maij-Weggen, J. Meyer, A. Nazare-Pereira, A. Peterle, R. Rack, P. De Rossa, J. Santer, A. Severin, G. Stuart, E. Teufel, F. Timmermans, G. Vella, E. Wittbrodt.

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FR

ANNEXE

Déclaration sur un partenariat institutionnel renforcé entre le Conseil de

l'Europe et l'Union européenne

« Eviter de nouvelles divisions en Europe »

1. Le Conseil de l'Europe et l'Union européenne partagent les mêmes valeurs et poursuivent des objectifs communs pour la construction d'une Europe pacifique, stable, démocratique et prospère.

2. Il est dès lors tout à fait naturel que les relations développées entre le Conseil de l'Europe et la Communauté européenne soient marquées par le sceau du partenariat conformément au Traité sur les Communautés européennes recommandant à la Communauté européenne d'établir toute coopération utile avec le Conseil de l'Europe (article 303) et plus spécifiquement de favoriser la coopération avec le Conseil de l'Europe en matière d'éducation (article 149 paragraphe 3) et dans le domaine de la culture (article 151 paragraphe 3).

3. Ce partenariat se manifeste notamment par la concertation au plus haut niveau qui s'est développée depuis 1989 grâce aux réunions «quadripartites» réunissant les dirigeants des deux institutions. Il s'est exprimé concrètement par le développement considérable des programmes communs d'assistance technique du Conseil de l'Europe et de la Commission européenne. A ce titre, il convient de souligner l'importance de la « Déclaration commune de coopération et de partenariat entre le Conseil de l'Europe et la Commission européenne» en date du 3 avril 2001, visant à donner une nouvelle impulsion au renforcement de la coopération entre le Conseil de l'Europe et la Communauté européenne.

4. Parallèlement, la coopération entre le Parlement européen et l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qui est une assemblée paneuropéenne où tous les parlements nationaux européens sont représentés, s'est considérablement accrue au cours des dernières années au niveau de leurs bureaux et de leurs commissions.

5. Le resserrement des relations entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne bénéficie au premier chef aux Etats candidats à l'adhésion à cette dernière. Leur présence au sein du Conseil de

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ANNEXE FR

l'Europe est non seulement un brevet de démocratie mais permet de renforcer leur préparation à l'adhésion à l'Union.

6. Nous pensons qu'il est nécessaire que l'interaction entre l'Union européenne élargie et le Conseil de l'Europe soit inscrite dans le futur Traité constitutionnel. Cela permettrait d'assurer le développement d'une Europe où l'élargissement de l'Union européenne se poursuivrait à l'intérieur d'un cadre de coopération plus large marqué par l'œuvre normative du Conseil de l'Europe qui maille toute l'Europe de ses conventions et instruments juridiques.

7. La Déclaration de Laeken de décembre 2001 a souligné que les relations entre l'Union européenne et les autres Etats européens qui sont ses voisins immédiats, revêtent une importance particulière aussi bien pour l'Union elle-même que pour ces Etats. Par ailleurs, en décembre 2002, le Conseil européen de Copenhague a affirmé que l'Union européenne devait saisir l'occasion offerte par l'élargissement de faire progresser les relations avec les pays voisins sur la base de valeurs communes. Nous soulignons avec force que l'Union européenne elle-même a rappelé qu'elle était déterminée à éviter la formation de nouvelles lignes de démarcation en Europe et à promouvoir la stabilité et la prospérité à l'intérieur et au-delà de ses nouvelles frontières.

8. Dans cette perspective, la Convention sur l'avenir de l'Europe doit prendre en compte les atouts du Conseil de l'Europe en raison de sa dimension paneuropéenne, de son rôle crucial dans l'édification d'institutions démocratiques, de son expérience et de ses réalisations en matière de droits de l'homme, de prééminence du droit, de protection des minorités et de pouvoirs locaux et régionaux. Il constitue un forum politique privilégié et irremplaçable de dialogue et de coopération aux niveaux parlementaire, gouvernemental, et régional où tous les Etats européens, qu'ils soient ou non-membres de l'Union européenne coopèrent sur un pied d'égalité.

9. L'Union européenne, par l'approfondissement et l'élargissement de ses tâches depuis le Traité sur l'Union européenne (Maastricht 1992) intervient dans des domaines (espace de liberté, de sécurité et de justice, droits fondamentaux, certains aspects de la politique étrangère et de sécurité commune) dans lesquels l'expérience du Conseil de l'Europe est considérable. La Convention sur l'avenir de l'Europe devrait dès lors, dans sa révision des traités actuels, prendre en considération les structures et les travaux du Conseil de l'Europe dans la formulation et dans la mise en œuvre des politiques de l'Union européenne afin d'éviter des duplications d'efforts et des gaspillages de ressources.

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ANNEXE FR

10. Nous, soussignés, demandons que dans le cadre du titre IX de l'avant-projet de Traité constitutionnel, intitulé « L'Union européenne et son environnement proche », qui propose d'envisager les relations privilégiées que l'Union européenne pourrait entretenir avec les Etats voisins, l'article 303 du Traité sur les Communautés européennes soit maintenu au sein du futur Traité constitutionnel tout en élargissant son champ d'application à tous les domaines d'activité relevant de la compétence de l'Union européenne.

R. van der Linden

V. Andriukaitis

I. Belohorska

M. Brejc

E. Brok

P. Demetriou

K. Dervis

J. van Dijk

W. van Eekelen

M. Fogler

M. Kuneva

S. Lekberg

G. Lennmarker

L. Liepina

P. Lequiller

H. Maij-Weggen

J. Meyer

A. Nazare-Pereira

A. Peterle

R. Rack

P. De Rossa

J. Santer

A. Severin

G. Stuart

E. Teufel

F. Timmermans

G. Vella

E. Wittbrodt

CONV 688/03 4
ANNEXE FR

LA CONVENTION EUROPEENNE Bruxelles, le 16 mai 2003

le secrétariat

CONV 746/03

CONTRIB 327

NOTE DE TRANSMISSION_________________________________________________

du: Secrétariat

à;_____________la Convention__________________________________________

Objet : Contribution by MM. Dini, Duff, Lequiller, membres de la Convention:

"Pour une présidence unique, à terme, du Conseil européen et de la ________Commission"______________________________________________________

Le Secrétaire général de la Convention a reçu de MM. Dini, Duff, Lequiller, membres de la Convention, la contribution figurant en annexe.

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FR

ANNEXE

contribution

de MM. lamberto DINI, andrew DUFF et pierre LEQUILLER

membres de la convention

15 mai 2003

Pour une présidence unique, à terme, du Conseil européen

et de la Commission

Chacun s'accorde au sein de la Convention sur la nécessité de renforcer l'exécutif européen, lui donner plus de visibilité, une capacité de « leadership » accrue, une légitimité renforcée.

Pourtant, à ce stade, il semble que le débat au sein de la Convention, ou autour d'elle, s'éloigne de la libre recherche de la meilleure expression institutionnelle des objectifs partagés, et tend à se transformer en enjeux de pouvoirs ou de défense d'à priori idéologiques.

Nous pensons pourtant qu'il est possible de répondre à la question des présidences des formations du Conseil - Conseil européen et Conseil des ministres - en répondant à la fois au souci de stabilité, à celui de ne pas remettre en cause les équilibres institutionnels-entre institutions ou entre Etats membres (et donc ne pas remettre en cause le rôle de la Commission et faire une place à la rotation)- et à l'objectif de cohérence et de visibilité accrues.

Compte tenu des propositions faites le 24 avril dernier par le Présidium, du débat en plénière le 15 mai, et dans la recherche d'une solution à la fois ambitieuse et susceptible d'être soutenue par une large majorité, il nous semble qu'il convient tout d'abord :

- de s'accorder sur plusieurs éléments proposés par le Présidium s'agissant du Conseil, qui constituent des avancées importantes, et notamment : la création d'un Conseil législatif distinct, la présidence du Conseil Affaires étrangères par le ministre des affaires étrangères de l'Union, le principe de la double majorité pour la prise de décision au sein du Conseil;

- de distinguer clairement la question de la présidence du Conseil européen de celle des Conseils des ministres, comme le prévoient les propositions du Présidium.

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Les critiques qui ont été faites à la proposition de présidence stable du Conseil européen avancée par le Présidium peuvent s'articuler brièvement autour des points suivants :

-risques d'incohérence entre le président du Conseil européen et le président de la Commission, dont les champs de responsabilités participent tous deux de l'exécutif et qui pourraient se recouper (en particulier : préparation des décisions du Conseil européen et suivi de ces décisions, représentation de l'Union en interne et sur le plan international). La coordination entre les deux têtes de l'exécutif pourrait se révéler difficile, et même conduire à une certaine compétition ;

-risques de complexité, d'une mauvaise visibilité vis-à-vis de l'opinion et au niveau international ;

-perspective possible d'une nouvelle administration autour du président faisant partiellement double emploi avec celle de la Commission ;

- responsabilité du président du Conseil européen vis-à-vis du seul Conseil, excluant le Parlement européen.

L'intérêt majeur de la proposition faite par le Présidium - la stabilité de la présidence du Conseil européen - n'est pas vraiment contesté, mais pas non plus véritablement débattu. Cet argument fort est occulté par les objections soulevées par ailleurs par la proposition.

A ce stade, la proposition du Présidium en ce qui concerne la présidence ne paraît pas en mesure, en l'état, de rassembler le consensus nécessaire au sein de la Convention. Il s'agit donc de réfléchir à une solution, ou une variante, qui puisse répondre aux objectifs fixés et recevoir le soutien de la Convention.

Dans cet esprit, et dans le respect des équilibres institutionnels existants, nous proposons d'instituer, à terme, une présidence de l'Union regroupant les fonctions de président du Conseil européen - telles que décrites par la proposition du Présidium (à l'article 16 bis) - et celles du président de la Commission ( telles que prévues à l'article 18 bis). La logique de cohérence, qui motive la proposition d'un Ministre des Affaires étrangères regroupant les fonctions actuelles de Haut Représentant et de Commissaire chargé des relations extérieures, soutient également celle d'une présidence unique.

L'annexe ci-jointe propose le dispositif qui pourrait être inséré dans le texte de la Constitution (article additionel 16 ter), et dont la mise en oeuvre serait reportée à une période déterminée. La majorité des membres de la Convention estimera peut-être en effet que les conditions politiques de l'unification de l'exécutif européen ne sont pas encore actuellement réunies, et qu'il convient, à ce stade, de maintenir la dualité de l'exécutif. Si tel est le cas, il faut prévoir une effectivité à terme de la présidence unique. C'est pourquoi nous proposons un délai de deux mandats du Parlement européen, à moins que le Conseil européen ne décide, à l'unanimité,

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d'une unification par anticipation. A l'inverse, il resterait possible de ne pas passer à la présidence unique dans le délai prévu si le Conseil européen le décidait par une majorité super-qualifiée (les cinq sixième des Etats membres représentant les deux tiers de la population de l'Union).

Le dispositif prévoirait que le président serait élu pour une durée de deux ans et demi. Il serait proposé par le Conseil européen et confirmé par un collège électoral composé de représentants du Parlement européen et des parlements nationaux. Cette procédure de nomination conférerait au président le poids, l'indépendance et la légitimité nécessaire pour représenter l'Union ( une option alternative consisterait à donner au seul Parlement européen ce rôle de confirmation de la désignation du Président).

Le président aurait vis-à-vis du Conseil européen un rôle de « chairman », de facilitateur de décision. A son niveau, il représenterait l'Union en interne, comme sur le plan international. Il aurait la responsabilité de la Commission selon les termes prévus par le texte du Présidium .

Le président, expression à la fois de l'unité de l'Union et de sa nature composite, fondée sur la double souveraineté des peuples et des Etats, doit avoir à la fois la confiance du Conseil et celle du Parlement européen. C'est pourquoi nous proposons qu'il puisse être mis fin à son mandat par décision conjointe du Conseil européen (à la majorité des deux tiers de ses membres, représentant au moins les deux tiers de la population de l'Union ) et du Parlement européen (statuant à la majorité de ses membres).

En aucun cas la proposition de présidence unique n'instituerait un pouvoir de type présidentiel, un « super président ». Ce président n'aura en effet pas de pouvoir de décision propre au nom de l'Union. Les décisions continueront à être prises collégialement au sein du Conseil et de la Commission, conformément aux règles de l'Union. En outre, l'Europe n'ayant pas vocation à être un super Etat, le pouvoir exécutif continuera à relever d'abord des Etats.

L'hypothèse de la présidence unique de l'Union ne bouleverserait pas non plus le sens, ni l'équilibre, des institutions. Il ne s'agit en effet nullement de revenir sur la répartition des rôles qui doit rester la règle de base régissant les institutions, et en particulier le domaine législatif : la Commission propose, le Conseil et le Parlement décident. L'institution d'un président unique ne changera rien à cela. Il faut souligner que l'on est ici, s'agissant du rôle du président de l'Union, dans le champ non-législatif, dans le domaine exécutif: représentation de l'Union, animation de la politique étrangère, présidence du Conseil européen, mise en œuvre de ses décisions (et c'est parce que le champ de l'exécutif communautaire -de l'opérationnel- s'est fortement renforcé depuis Maastricht que l'on a besoin d'une façon cruciale d'une présidence stable et lisible, capable d'insuffler un « leadership » communautaire). La Commission participe déjà très largement dans le système actuel au pouvoir exécutif au niveau de l'Union et y a déjà un rôle moteur (mise en œuvre des décisions du Conseil, élaboration des mesures d'exécution dans le cadre de la comitologie -sous la présidence de la Commission - conduite des relations extérieures, en lien avec le Conseil).

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La présidence unique ne constitue donc pas une révolution, mais une étape importante pour l'efficacité de l'Union, au service de l'intérêt commun. Ni intergouvernementale, ni supranationale, elle est d'inspiration communautaire, à la confluence de la double nature de l'Union.

Afin de renforcer l'implication des États membres dans l'organisation de la vie institutionnelle de l'Union, il serait par ailleurs souhaitable que le Conseil européen se tienne successivement dans chacun des États, selon un principe d'alternance.

En outre, la solution de compromis doit s'apprécier dans le cadre d'un équilibre d'ensemble, intégrant les préocupations légitimes de chacun. C'est pourquoi les solutions mises en place pour la présidence des Conseils des Ministres, devront prendre clairement en compte la nécessaire distinction entre les activités législatives et executives du Conseil, intégrer le système de rotation (notamment pour le Conseil législatif), tout en assurant les éléments de continuité et de coordination nécessaires, et favoriser une bonne synergie entre le Conseil et la Commission.

Par ailleurs, nous proposons de retenir le principe selon lequel un programme pluriannuel de travail est préparé par la Commission, débattu par le Conseil « Affaires générales » et adopté par le Conseil européen. Il est en effet essentiel, au delà de la stabilité accrue des présidences, de donner un cadre stratégique à l'Union lui permettant d'organiser efficacement son action et ses priorités.

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ANNEXE

Rédiger ainsi l'article 16 ter (article nouveau) :

« Article 16 ter : Le Président de l'Union

1 - La présidence de l'Union est instaurée au terme de deux mandats du Parlement européen après l'entrée en vigueur de la Constitution de l'Union. Le Conseil européen peut décider, à l'unanimité, d'instaurer la présidence unique à une date anticipée. Le Conseil européen peut par ailleurs décider de ne pas instaurer la présidence unique au terme prévu, par une décision prise à la majorité des cinq sixième des États membres, représentant au moins les deux tiers de la population de l'Union.

2 - Afin de procéder à la désignation du Président de l'Union, un collège électoral parlementaire est constitué à la suite des élections au Parlement européen, composé de représentants du Parlement européen et des Parlements nationaux. Il est présidé par le Président du Parlement européen. Le total des membres de ce collège ne dépasse pas sept cents.

Le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, et compte tenu des élections au Parlement européen, propose au collège électoral un candidat à la fonction de Président de l'Union. Ce candidat est élu par le collège électoral à la majorité des membres qui le compose. Si ce candidat ne recueille pas la majorité, le Conseil européen propose, dans un délai d'un mois, et suivant la même procédure, un nouveau candidat au collège électoral.

Il peut être mis fin au mandat du Président de l'Union par décision conjointe du Conseil européen, statuant à la majorité des deux tiers de ses membres, représentant au moins les deux tiers de la population de l'Union et du Parlement européen, statuant à la majorité de ses membres. L'initiative de la procédure appartient à la fois au Conseil européen et au Parlement européen.

3 - Le Président de l'Union préside et anime les travaux du Conseil européen et en assure la préparation et la continuité. Il œuvre pour faciliter la cohésion et le consensus au sein du Conseil européen. Il présente au Parlement européen un rapport à la suite de chacune des réunions du

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Conseil européen.

4 - Le Président de l'Union assure à son niveau la représentation extérieure.

5 - Le Président de l'Union préside la Commission européenne. Il définit les orientations dans le cadre desquelles la Commission européenne exerce sa mission.

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LA CONVENTION EUROPEENNE Bruxelles, le 16 mai 2003

le secrétariat

CONV 747/03 CONTRIB 328

NOTE DE TRANSMISSION________________________________________________

du: Secrétariat

à:_______ la Convention ________________________________________________
Objet : Contribution de M. Pierre Lequiller, membre de la Convention:
________"Pour un gouvernement économique de l'Union européenne"_______

Le Secrétaire général de la Convention a reçu de M. Pierre Lequiller, membre de la Convention, la contribution figurant en annexe.

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ANNEX

Paris, le 14 mai 2003

Contribution présentée par M. Pierre Lequiller,

membre de la Convention

POUR UN GOUVERNEMENT ÉCONOMIQUE DE L'UNION EUROPÉENNE

La Convention a franchi avec succès plusieurs étapes décisives, et s'apprête à présenter le premier projet de Constitution de l'Europe, le groupe de travail sur la gouvernance économique a été incapable de résoudre ses divergences et de proposer des solutions innovantes. La Convention, qui a été une incontestable réussite par ailleurs, n'est pas parvenue à dégager le moindre début de consensus.

Alors que l'Europe va devoir coordonner la politique économique et budgétaire de 25 Etats membres à partir de 2004, alors que la croissance est aujourd'hui en panne, la Convention ne peut pas se permettre de faire du sur-place et de proposer le maintien du statu quo.

Il convient aujourd'hui de profiter du succès de l'euro pour renforcer la coordination des politiques macro-économiques. L'euro est en effet un immense succès. Il constitue la deuxième monnaie du monde, sinon la première, et la zone euro est devenue la deuxième puissance économique et commerciale mondiale. La monnaie européenne est désormais une réalité pour la plupart des citoyens européens. L'euro est le signe le plus concret et le plus quotidien de notre appartenance à une même communauté.

Or, l'Union européenne ne retire pas les bénéfices du succès de l'euro.

D'une part, les performances des pays membres de la zone euro sont trop disparates en termes de croissance et d'inflation, ce qui ne facilite pas la baisse par la BCE des taux d'intérêt, pourtant souhaitable pour lutter contre le chômage. La divergence est également sensible entre les trois grandes puissances économiques mondiales, dont le taux de croissance annuel est de 3 % pour les Etats-Unis, de 2 % pour l'Europe et de 1 % pour le Japon. L'écart n'a cessé de se creuser de part et d'autre de l'Atlantique depuis 1995. La hausse du PIB des pays membres de l'Union européenne a presque toujours été inférieure à celle des Etats-Unis, depuis dix ans. L'Europe souffre manifestement encore d'un réel écart de productivité avec les Etats-Unis, du vieillissement de sa population, de l'insuffisance des dépenses de recherche et de développement, et de l'absence de politique volontariste d'incitation à la création d'entreprise.

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D'autre part, en face de la BCE, chargée de la politique monétaire, il n'y a pas d'institution chargée de la politique économique. Or, une forme de gouvernement économique de l'Union européenne est aujourd'hui nécessaire. L'Europe économique et monétaire est unijambiste et le système mis en place à Maastricht est déséquilibré.

Il faut tout d'abord renforcer le rôle de proposition de la Commission. A l'heure actuelle, la Commission adresse au Conseil de simples recommandations sur les grandes orientations de politique économique. Il conviendrait de transformer ces recommandations en propositions. Pour aller contre l'avis de la Commission, les Etats membres devraient voter à l'unanimité contre elle. Le Parlement européen devrait également être consulté sur ces propositions, alors qu'il est aujourd'hui largement tenu à l'écart de la coordination des politiques économiques en Europe.

Deuxièmement, l'Eurogroupe devrait faire l'objet d'une reconnaissance officielle dans la Constitution européenne, et être doté d'un président permanent élu pour deux ou trois ans, le système de la présidence tournante constituant un handicap évident. L'Eurogroupe serait ainsi en mesure d'avoir une véritable capacité de décision sur toutes les questions concernant la zone euro.

La création d'un Conseil écofin-zone euro, disposant d'un pouvoir de décision dans les domaines où les membres de la zone euro disposent de responsabilités communes spécifiques et n'ont pas à se faire imposer des décisions par des pays qui n'y appartiennent pas, relève du bon sens. Il est anormal qu'aujourd'hui seul le conseil des quinze ministres des finances soit habilité à prendre des décisions, même si elles ne concernent que les douze pays membres de la zone euro. Cela ne pourra évidemment plus continuer après l'élargissement puisque, dans un premier temps, les pays membres de la zone seront minoritaires. La zone euro restera naturellement ouverte à tous les Etats membres qui souhaiteront la rejoindre, à commencer par la Suède où un référendum aura lieu le 14 septembre, et peut être demain le Danemark et la Grande-Bretagne.

Troisièmement, des progrès doivent pouvoir être réalisés pour parvenir à la « chaise unique » dans la représentation externe de la zone euro, afin de peser davantage dans les organisations internationales, notamment le FMI, au moment où l'élargissement risque de diluer la cohésion.

Quatrièmement, la majorité qualifiée, pour certains domaines touchant à la fiscalité, constitue le complément indispensable de la mise en place d'un véritable gouvernement économique de l'Europe et de l'achèvement du marché intérieur. Il s'agit en effet d'éviter que des règles fiscales puissent entraver le marché intérieur. La règle de l'unanimité conduit, en l'état actuel des choses, à des décisions contestables en matière fiscale. Il convient donc de passer à la majorité qualifiée, notamment en matière de coopération entre autorités fiscales, ou en matière de suppression des obstacles à la libre circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux.

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La coordination des politiques économiques doit enfin s'accompagner de la mise en place de politiques communes spécifiques, qu'il s'agisse de la création d'entreprises, d'un marché unique des services financiers, ou de la recherche, qui devrait être clairement classée dans le domaine des compétences partagées par la Convention, afin de permettre le développement d'une véritable politique européenne de la recherche.

L'Europe financière reste aussi à construire, car la nouvelle souveraineté monétaire de l'Europe ne s'est pas accompagnée, pour l'instant, d'une souveraineté financière. L'absence d'une infrastructure de marché européen des capitaux, qui pourrait donner naissance à une véritable bourse européenne, témoigne des progrès insuffisants du plan d'action initié par la Commission dans ce domaine.

Avec une bourse purifiée, les investisseurs disposeraient d'un canal unique pour l'ensemble de leurs transactions boursières, ce qui renforcerait l'image du marché financier européen et abaisserait le coût des transactions. Les entreprises verraient la liquidité de leurs titres s'améliorer, grâce à un bassin d'investisseurs élargi. Les bourses des petits pays auraient également intérêt à un tel système pour éviter le risque de voir les valeurs vedettes aller se faire coter sur les grandes places pour accroître la liquidité. Une bourse européenne unifiée sera donc bénéfique pour l'économie des Etats membres. Elle peut être mise en place en moins de dix ans, à condition de faire aboutir le droit européen des titres, en remplaçant les règles actuelles de territorialité, et de renforcer l'harmonisation du droit fiscal.

L'Europe de l'entreprise est également en panne. Il faut créer un statut européen de l'entreprise et encourager la constitution de grands groupes européens, capables de rivaliser avec les géants américains.

Aujourd'hui le réveil économique de l'Europe n'est donc possible que si une véritable coordination des politiques économiques en Europe est mise en œuvre. L'harmonisation et la coordination renforcées des politiques économiques ne peuvent pas avoir d'autre objectif que de rendre l'Europe plus compétitive, notamment en réduisant les prélèvements fiscaux.

En tout état de cause, sans une coordination économique renforcée, il n'y aura pas de croissance forte et durable. Or, sans une croissance forte et durable, et sans puissance économique et commerciale de premier rang, il n'y aura pas d'Europe politique.

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LA CONVENTION EUROPEENNE Bruxelles, le 20 mai 2003

le secretariat

CONV 749/03 CONTRIB 329

NOTE DE TRANSMISSION____________________________________________

du: Secrétariat_

à;________la Convention_____________________________________________

Objet : Contribution de M. Pierre Lequiller, membre de la Convention:

- "Pour la mise en place progressive d'une politique commune dans le __________domaine de la recherche et du développement"___________________

Le Secrétaire général de la Convention a reçu de M. Pierre Lequiller, membre de la Convention, la contribution figurant en annexe.

CONV 749/03 1

FR

ANNEX

Contribution de M. Pierre Lequiller

Membre titulaire de la Convention européenne

« POUR LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE

D'UNE POLITIQUE COMMUNE

DANS LE DOMAINE DE LA RECHERCHE

ET DU DEVELOPPEMENT »

L'avenir économique et social de l'Europe se joue, pour une part importante, dans notre capacité commune à investir davantage dans le domaine de la recherche scientifique. L'évolution globale de l'effort de recherche en Europe constatée ces dernières années est inquiétante. Le fossé se creuse avec nos partenaires et en particulier vis-à-vis des Etats-Unis.

Si nous ne sommes pas capables de réagir très fortement dans ce domaine, nous serons durablement marginalisés.

La relance de l'effort de recherche à Lisbonne en mars 2000 pour la mise en œuvre d'un « espace européen de la recherche », ainsi que le plan d'action visant à porter à 3 % du PIB l'effort de recherche de l'Europe (1,9 % actuellement, contre 2,8 % pour les Etats-Unis et 2,9 % pour le Japon), témoignent d'une reprise de conscience salutaire.

Néanmoins, pour renforcer les bases de la constitution progressive d'une véritable politique commune de la recherche - au-delà de la mise en œuvre de programmes-cadre -, il convient de modifier les bases juridiques des compétences de l'Union dans ce domaine.

Il est en effet essentiel que les pays européens rapprochent progressivement leurs efforts en matière de recherche. L'insuffisance de la coordination des politiques nationales est un handicap majeur pour la recherche européenne.

La compétence de l'Union en matière de recherche doit donc relever clairement des compétences partagées et porter non seulement sur la mise en œuvre des programmes mais sur la définition même des politiques (c'est aussi le sens du projet de "Conseil européen de la recherche" regroupant tous les acteurs concernés).

C'est pourquoi il est nécessaire de modifier le texte proposé par le Présidium pour le paragraphe 5 de l'article 12, relatif aux compétences partagées, en adoptant le texte suivant :

« Dans les domaines de la recherche, du développement technologique et de l'espace, l'Union a une compétence pour définir une politique, créer des structures et mettre en œuvre des programmes, sans que l'exercice de cette compétence puisse avoir pour effet d'interdire aux États membres d'exercer la leur ».

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ANNEX FR

LA CONVENTION EUROPÉENNE Bruxelles, le 27 mai 2003

le secretariat

CONV 837/03

?

CONTRIB 373

NOTE DE TRANSMISSION____________________________________________________

du: Secrétariat

à:_________la Convention____________________________________________________
Objet: Contribution présentée par M. Pierre Lequiller, membre de la Convention:
__________- "Proposition pour une composition de la Commission équilibrée et efficace"

Le Secrétaire général de la Convention a reçu de M. Pierre Lequiller, membre de la Convention, la contribution figurant en annexe.

CONV 837/03 1

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ANNEX

PROPOSITION POUR UNE COMPOSITION DE LA COMMISSION ÉQUILIBRÉE ET EFFICACE

Le projet d'article 18 du Traité constitutionnel, proposé par le Présidium de la Convention, indique que la Commission serait composée d'un Président et d'un maximum de quatorze autres membres, et qu'elle pourrait être assistée par des commissaires délégués.

Cette proposition correspond à l'esprit des institutions. La mission de la Commission, organe supranational, est indépendante des gouvernements des États-membres. Une Commission élargie pourrait affaiblir sa capacité d'impulsion. Le nombre de commissaires proposé correspond à l'ordre de grandeur des fonctions de commissaires. A ce jour, une douzaine de portefeuilles peuvent être recensés (économie ; politique extérieure et de sécurité ; commerce international et union douanière ; affaires sociales ; développement régional et transports ; personnel, contrôle budgétaire et affaires générales ; agriculture et pêche ; environnement ; recherche et développement technologique ; éducation et communication ; fiscalité ; justice et affaires intérieures).

Néanmoins il est légitime de prévoir les règles permettant à la Commission de refléter dans sa composition les principes - qu'il convient de combiner au mieux - d'égalité des États et des citoyens (1). Cet équilibre doit en effet être le reflet des deux fondements de l'Union, la souveraineté des États et celle des peuples ou des citoyens.

Pour la prochaine Commission (2005-2009) le nombre de commissaires correspondra aux règles du Traité de Nice, c'est-à-dire un commissaire par État, ce qui permettra aux nouveaux États membres de bénéficier de cette période transitoire en étant assuré d'un commissaire de leur nationalité au sein du Collège.

Mais la Convention doit prévoir pour l'avenir une solution pérenne équilibrée et efficace, qui soit susceptible de recevoir le soutien du plus grand nombre. Cette solution doit passer par l'instauration de règles de rotation claires, justes et comprises par tous.

Le système de rotation pourrait porter sur les 14 membres de la Commission, autres que le Président.

Afin de permettre une rotation équilibrée, satisfaisant à la fois les critères d'équilibre entre États-membres et les critères démographiques, il est proposé de :

- fixer à 2 ans et demi le mandat de la Commission, afin d'accélérer la vitesse de

(1) Dans l'Union élargie à 25 membres, 6 pays représentent 74 % de la population, 8 pays 19 % de la population et 11 pays, 7 % de la population.

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ANNEXE FR

rotation entre les différents pays ;

- distinguer trois catégories de pays :

· les 6 plus peuplés (Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Espagne, Pologne);

· les 8 moyennement peuplés (Pays-Bas, Belgique, Grèce, Portugal, République Tchèque, Hongrie, Suède, Autriche) ;

· les 11 moins peuplés (Slovaquie, Danemark, Finlande, Irlande, Lituanie, Lettonie, Slovénie, Estonie, Chypre, Luxembourg, Malte) ;

- prévoir que les pays les plus peuplés auraient toujours un représentant au sein de la Commission, que quatre autres commissaires représenteraient les 8 pays moyens, et quatre les 11 pays les moins peuplés.

Ainsi les pays dits "moyens" auraient un commissaire dans une Commission sur deux, et les pays dits "petits" dans au moins une Commission sur trois (2).

(2) La représentation au sein de la Commission en termes de ratio par habitant (pour chacun des États-membres : représentation au sein de la Commission/nombre d'habitants), sur la base d'une période de 7,5 ans, soit trois Commissions : le rapport serait d'environ 1 à 68 entre l'État le plus peuplé, l'Allemagne, et les États les moins peuplés, le Luxembourg et Malte. Ce rapport de 1 à 68 est nettement plus favorable pour les États les moins peuplés à celui prévalant au sein du Parlement européen, qui est de l'ordre de 1 à 10 entre l'Allemagne et le Luxembourg (pour les élections 2004, 1 député allemand représentera environ 832.000 électeurs et un député luxembourgeois ou maltais environ 80.000 électeurs).

CONV 837/03 3
ANNEXE FR

LA CONVENTION EUROPEENNE Bruxelles, le 10 juillet 2003 (15.07)

le secretariat (OR. multilingue)

CONV 830/03

CONTRIB 386

NOTE DE TRANSMISSION

du: Secretariat

a la: Convention

Objet: Contribution presentee par M. Jens-Peter Bonde a la Convention

Proposition concernant la transparence, signee par 200 membres et suppléants

Le Secrétaire général de la Convention a reçu de la contribution figurant en annexe de M. Jens-Peter Bonde, membre de la Convention.

CONV 830/03

sen/jcc

1

FR

ANNEXE

Proposal submitted to the Convention on transparency

Dear Mr. President,

Dear Praesidium Members, Dear Convention secretariat, Dear Convention members,

The attached proposal outlines the procedure for derogation to the general rule that all documents shall be open to the public.

This proposal has been signed by 200 members and alternates of the Convention including representatives for 23 different governments. Even more members of the Convention support the proposal and more signatures will be collected. A proposal with such a large majority behind it cannot be over looked.

Please do not hesitate to contact me if you have any questions of how to include the principle of the transparency procedure expressed in this proposal.

Yours sincerely,

Jens-Peter Bonde,
Member of the Convention

CONV 830/03 2

FR

ANNEXE

Proposal to the Convention on the Transparency in the Ell-institutions

Acknowledging the importance of transparency in the EU-institutions for democratic life in the European Union and the need for narrowing the gap between the citizens and the EU.

Proposing the inclusion, somewhere in the Constitution, the below procedure for derogations from openness and transparency, already adopted by the European parliament in the Martin-Bourlanges report:

Transparency as stated in the Martin-Bourlanges report Please find all official languages below

English:

Drafts and proposals should be accessible to the public as soon as they are adopted or handed over to other bodies, interest organizations or individuals, or published wholly or partly by others.

All meetings on proposed legal acts are to be held in public unless a specific and duly justified exception is decided by a two-thirds majority. Such exceptions shall be notified together with the reasons for them to the European Parliament.

All documents should be accessible to the public unless exceptions are decided by a two-thirds majority in the responsible body.

CONV 830/03 3

ANNEXE FR

CONV 830/03 4

ANNEXE FR

CONV 830/03 5

ANNEXE FR

Signatures for the Proposal on the Transparency procedure

last updated 09-07-2003

A

Abitbol Willian

Akcam Zekeriya

Almeida Garrett Teresa Altmaier Peter

Amato Giuliano

Andriukaitis Vytenis

Antunes Manuel L Arabadjiev Alexandar Athanasiu Alexanru Attalides Michalis Avgerinos Paraskevas Azevedo Maria Eduardo

B

Badinter Robert

Balazs Peter

Basile Filadelfio

Belohorska Irena

Beres Pervenche

Berger Maria

Bonde Jens-Peter

Borrell Fontelles Josep

Bosch Reinhard

Brejc Mihale

Briesch Roger

Brok Elmer

Bruton John

Budak Necdet

C

Carey Pat

Carlslund Erik

Carnero Gonzales Carlos Charbert Jos

Chevalier Pierre

Cisneros Laborda Gabriel Costa Alberto

Cousquer Yver

Cravinho Joao

Cristina Dolores

Cushnahan John

CONV 830/03 6

ANNEXE FR

D

Dalgaard, Per

Dam Kristensen Henrik

Dammeyer Manfred

Dastis Alfonso (With reservation to some parts of the text)

De Buck Philippe

De Gucht Karel

De Rossa Proinsias

Demetriou Panayiotis

Demiralp Oguz

Dervis Kemal

Di Rupo Elio

Dijk Jan Jacob van

Dini Lamberto

DOliveira Martins Guilherme

Duff Andrew

Dybkjaer Lone

E

Eckstein-Kovacs Eekelen Wim van Einem Caspar Ene Constantin

F

Farnleitner Hannes Fayot Ben

Figel Jan

Fini Gianfrance Floch Jacques Fogler Marta Follini Marco Frendo Michael Frerichs Goke

G

Gabaglio Emilio

Giannakou Marietta Giberyen Gaston

Gormley John

Grabowska Genowefa Granrut Claude du

Gricius Algirdas

Gull Abdullah

H

Haenel Hubert Hasotti Puiu

Heathcoat-Amory David Helle, Esko

CONV 830/03 7

ANNEXE FR

Helminger Paul

Hjelm-Wallen Lena Hololei Henrik

Horvat Franc

Hiibner Danuta

I

Inguanez John

J

Jacobs, Georges Jusys, Oskaras

K

Kacin Jelko

Kalniete Sandra

Katiforis Giorgos Kaufmann Sylvia-Yvonne Kauppi Pia-Noora

Kelam Tunne

Kelemen Andras

Kiljunen Kimmo

Kirjhope Timothy

Kohout Jan

Konstantopoulos Nikos A. Korcok Ivan

Krrasts Guntars

Krisjanis Karins Arturs Kroupa Frantisek

Kuneva Meglena

Kutzkova neli

Kvist Kenneth

L

Lamassoure Alain Lang, Pain

Lekberg Soren Lenarcic Janez Lenmarker Goran Lequiller Pierre Lichtenberger

Liepina Liene

Linden Rene van den Lopes Ernani

Lopez Garrido Diego

M

MacCormick Neil MacLennan of Roger Lord Maij-Weggen Hanja Mainoni Eduard

CONV 830/03 8

ANNEXE FR

Maldeikis Eugenijus

Marinho Luis

Martikonis Rytis

Martinakova Zuzana

Martini Claudio

Matsakis Marios

Mavrou Eleni

McAven Linda

McDonagh Bobby

Mendez de Vigo Inigo

Meri Lennart

Meyer Jurgen

Michel louis

Migas Juraj

Mladenov Nickolay

Munez Alonso Alejandro Muscardini Cristina

N

Nagy Marie Nazare Pereira Necas Petr

O

Oleksy Jozef Olsson Jan Ozal Ibrahim

P

Paciotti Elena

Palacio Vallelersund Ana (With reservation to some parts of the text)

Papandreou Giorgos

Peltomaki Antti

Peterle Alojz

Pieters Danny

Piks Rihards

Puwak Hildegard

Q

Queiro Luis

R

Rack Reinhard Regaldo Giacomo Reinsalu Urmas Roche Dick

Rovna Lenka

Rupel Dimitrij

CONV 830/03 9

ANNEXE FR

s

Sant Alfred

Santer Jacques

Schmit Nicolas

Sepi Mario

Seppanen Esko

Serrancini-Inglott Peter

Severin Adrian

Sigmund Anne-Marie

Sivickas Gintautas

Skaarup Peter

Speroni Francesco

Spini Valdo

Stilanidis Evripidis

Stockton The Earl of

Svensson, Ingvar

Szajer Jozsef

Szent-Ivanyi Istvan

T

Tajani Antonio

Takkula Hannu

Teufel Erwin

Theophilou, Theophilos Thorning-Schmidt Helle Tiilikainen Teija

Timmermans Frans

Tonisson Lina

Trzcinski Janusz

Tusek Gerhard

U

Uzun Nesrin

V

Valcarcel Siso, Ramon Luis Valtchev Daniel

Van Lancker

Vassiliou Androula

Vastagh Pal

Vella George

Voggenhuber Johannes

Vilen Jari

W

Wagener Renee Wittbrodt Edmund Wurmeling Joachim

CONV 830/03 10

ANNEXE

X Y

Z

Zahradil Jan

Zala Boris Zieleniec Josef

Zile Roberts

CONV 830/03 11

ANNEXE FR

10.07.2003

Who did not sign the Transparency-proposal for the Convention by Jens-Peter Bonde, MEP and President of the EDD group

For more information and a copy of the proposal please see it at www.bonde.com or call Jens-Peter Bondes office 02 2845176 or mail jbonde@europarl.eu.int

Representatives of the European Parlament

Duhamel, Olivier

Hansch, Klaus (Praesidium) - supports, but will not write to himself.

Representatives of the National Parliaments

Helveg Petersen, Niels (Alternate for Henrik Dam Kristensen)

Gerhards, Wolfgang (Alternate for Erwin Teufel)

Stuart, Gisela (Praesidium), - supports, but will not write to herself.

Tomlinson, Lord (Alternate for Gisela Stuart)

Representatives of the Governments

Andreani, Pascale (Alternate for Dominique de Villepin)

de Bruijn, Thorn (Alternate for Gijs de Vries)

Bury, Hans-Martin (Alternate for Joschka Fischer)

Christophersen, Henning (Praesidium)

Fischer, Joschka (Germany)

Gottfried, Peter (Alternate for Peter Balazs)

Hain, Peter (UK)

Petersson, Sven-Olof (Alternate for Lena Hjelm-Walien)

Scotland of Asthal, Baroness Patricia (Alternate for Peter Hain)

Schluter, Poul (Alternate for Henning Christophersen)

de Villepin, Dominique (France)

de Vries, Gijs (The Netherlands)

The Praesidium

Barnier, Michel (Commissioner)

Christophersen, Henning (Representative of the Danish government) - has supported in the

plenary.

Dehaene, Jean-Luc (Vice president)

Giscard d'Estaing, Valery (President)

Hansch, Klaus (MEP) - supports, but will not write to himself.

O'Sullivan, David (Alternate for Michel Barnier)

Ponzano, Paolo (Alternate for Antonio Vitorino)

Stuart, Gisela (Representative of the UK Parliament) - supports, but will not write to herself.

Vitorino, Antonio (Commissioner)

The Commissioners have said they will support the proposal.

All the observers from Committee of Regions and the Economic and Social Committe have supported the proposal.

CONV 830/03 12

ANNEXE FR

2. Contribution au groupe de travail « Action extérieure »

Pages

« Comment parvenir à la convergence des politiques étrangères des Etats membres et des actions extérieures de l'Union européenne ? » WG VII - WD 49 du 21 novembre 2002 73

LA CONVENTION EUROPEENNE Bruxelles, le 21 novembre 2002
le secrétariat

Working Group VII Working document 49

Groupe de travail VII « Action Extérieure »

Objet : Document de M. Pierre Lequiller, membre de la Convention

- "Comment parvenir à la convergence des politiques étrangères des Etats membres et des actions extérieures de l'Union européenne ?"

Les membres du Groupe de travail VII « Action extérieure » trouveront ci-joint un document de M. Pierre Lequiller, représentant du Parlement français, membre de la Convention.

WG VII - WD 49 1

FR

ANNEX

Paris, le 20 novembre 2002

D270/PP/CB

Monsieur le Président,

Je vous adresse ci-joint une contribution sur le processus de convergence des politiques dans le domaine de la PESC ainsi qu'une proposition de modification pour la déclaration sur les principes et objectifs de l'action extérieure de l'Union européenne.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de ma considération distinguée.

Pierre LEQUILLER

Monsieur Jean-Luc DEHAENE

Président du groupe de travail de la Convention

sur l'action extérieure de l'Union européenne

WG VII - WD 49 2
ANNEX FR

D261/PP/CB

Paris, le 12 mars 2003

Comment parvenir à la convergence des politiques étrangères des Etats membres
et des actions extérieures de l'Union européenne ?

Le mandat du groupe de travail sur la réforme de la PESC et des actions extérieures de l'Union européenne est au cœur des enjeux de la Convention.

L'Union européenne doit en effet relever le défi majeur de se doter, sur la scène internationale, d'une influence politique à la mesure de sa puissance économique et financière pour devenir un acteur global de premier plan. Elle doit en particulier réduire le décalage immense qui sépare ses deux sphères constitutives, d'une part une union économique et monétaire qui a réussi, au bout de quarante années d'efforts d'intégration des politiques, à réaliser l'unité du marché et de la monnaie et, d'autre part, une union politique embryonnaire qui n'est pas encore parvenue à définir une politique étrangère et de sécurité commune de même ambition dix ans après sa création.

La réforme doit partir d'un quadruple constat.

· En premier lieu, il est impératif de renforcer la confiance entre les partenaires du triangle institutionnel et entre les Etats membres qui s'est affaiblie en raison d'un cloisonnement excessif entre l'intégration communautaire du premier pilier et la coopération intergouvernementale des deux autres piliers. Il est ensuite indispensable d'enclencher un processus de convergence des politiques qui n'a pas vraiment commencé dans le domaine extérieur en raison de ce clivage.

· La reconnaissance d'une double souveraineté européenne et nationale devrait mettre fin à l'ambiguïté qui consistait à faire du supranational sans jamais oser le dire. Elle constitue le socle du rétablissement de la confiance entre des partenaires désormais capables d'assumer pleinement la combinaison des deux légitimités et d'en tirer des conséquences institutionnelles respectueuses de ce nouvel équilibre.

· Les Etats membres ont eu recours à la coopération intergouvernementale dans les domaines essentiels de souveraineté de la politique étrangère et de la défense, de peur que les

WG VII - WD 49 3
ANNEX FR

contraintes de la méthode communautaire ne les entraînent dans une politique intégrée qui serait contraire à leurs intérêts nationaux les plus importants ou qui serait moins ambitieuse que leur propre politique étrangère. Stigmatiser les égoïsmes nationaux en la matière est parfaitement stérile et mieux vaut s'inspirer de la leçon du passage à la monnaie unique. L'Union européenne n'a pu réaliser la monnaie unique que parce qu'elle a garanti au seul Etat membre capable d'exercer pleinement sa souveraineté monétaire nationale - l'Allemagne - que l'euro serait aussi fort et stable que le deutsche mark. Les Etats membres n 'accepteront de partager l'exercice de leur souveraineté dans le cadre d'une politique étrangère intégrée que si l'Union leur apporte la garantie qu'elle n 'est pas contraire à leurs intérêts nationaux les plus importants et qu 'elle est au moins aussi forte et ambitieuse que leur politique nationale. Si l'intérêt général européen doit être plus que la somme des intérêts nationaux, il ne peut pas être son contraire. Il doit également être porteur d'un message fort pour que la voix unique de l'Europe ne soit pas qu'un filet de voix et que les Etats membres lui cèdent la parole.

· Si la contrainte n'est pas de mise en la matière, encore faut-il que le dispositif incite les Etats membres à débattre de l'intérêt commun européen autour d'un projet présenté par un organe ayant la confiance des Etats membres et ne pouvant être soupçonné de privilégier certains intérêts nationaux au détriment d'autres.

Il convient de mesurer la difficulté d'un exercice qui, s'il va au bout de sa logique, implique que les Etats membres dévoilent à leurs partenaires leurs priorités les plus intimes et les secrets de fabrication de leur diplomatie. Elle suppose une confiance et une loyauté qui ne se décrètent pas dans les textes mais se construisent pas à pas dans les actes, sur le terrain diplomatique comme sur celui des opérations extérieures.

Il est frappant de constater que la PESC a corrigé dans une certaine mesure ses faiblesses relatives à l'absence d'une vision commune et d'une dimension de défense plus sous la pression des conflits de l'ex-Yougoslavie que sous celle des mécanismes institutionnels.

Il a manqué en particulier à la PESC un organe fédérateur et médiateur ayant suffisamment de pouvoir pour rapprocher les positions des Etats membres, ainsi qu'un engagement des Etats scellant leur volonté politique de le faire.

Il faut à cet égard tirer les conséquences du succès du Traité d'Amsterdam avec la création du Haut représentant pour la PESC et de son échec avec l'établissement des stratégies communes.

WG VII - WD 49 4
ANNEX FR

A. Pour la création d'un ministre des Affaires étrangères de l'Union européenne à « double chapeau »

La création d'un ministre des Affaires étrangères de l'Union européenne, auquel serait confié les pouvoirs du Haut représentant et du Commissaire chargé des relations extérieures, sans modifier les équilibres entre le Conseil et la Commission, a déjà fait l'objet d'une contribution de référence de M. Lamberto Dini (132 - Convention 387/02). Cette réforme répond à une triple exigence d'impulsion, de continuité et de cohérence.

L'impulsion n'a pu être donnée dans le système actuel ni par les Etats membres qui ne pouvaient exercer leur droit d'initiative sans être soupçonnés par les autres de privilégier leurs propres intérêts ni par la Commission qui n'avait pas de légitimité aux yeux des Etats membres dans le domaine de la PESC ni par le Haut représentant privé du droit d'initiative. Le ministre des Affaires étrangères de l'Union, disposant du droit d'initiative et des services du Conseil et de la Commission, aura une véritable force de proposition et d'action.

La continuité de la politique étrangère de l'Union impose de confier la Présidence de la session relations extérieures du Conseil Affaires générales au ministre des Affaires étrangères. Les changements de priorités des présidences semestrielles affaiblissent la PESC qui a besoin, au contraire, de stabilité pour être mieux comprise par les partenaires de l'Union ainsi que du réseau de relations personnelles constitué par le ministre des Affaires étrangères sur la longue durée.

La cohérence entre les initiatives relevant du premier et du deuxième pilier, qui a dépendu jusqu'à présent de la bonne entente du Haut représentant et du Commissaire chargé des relations extérieures, ne peut qu'être facilitée par l'exercice des deux fonctions par une seule personne, assistée le cas échéant de deux adjoints pour chacun des domaines. Ce regroupement des fonctions en une seule personne paraît d'autant plus nécessaire que le concept de sécurité globale intérieure et extérieure devra également tenir compte de la dimension extérieure du troisième pilier et nécessitera de prendre des initiatives conjointes avec les organes compétents en ce domaine dans le cadre d'une coordination renforcée.

La limitation des risques de la double loyauté implique que le ministre des Affaires étrangères agisse sur le fondement d'une distinction claire entre les deux domaines dans le cadre du maintien de procédures différenciées préservant les équilibres entre le Conseil et la Commission.

Mais l'intérêt principal de la création du ministre « à double chapeau » est qu 'il puisse proposer à terme des initiatives globales intégrant des objectifs et des mesures relevant des deux piliers. L'échec des stratégies communes montre qu'il ne suffit pas d'introduire des règles de majorité qualifiée pour lever les indéterminations et les blocages des Etats membres dans le domaine de la PESC. L'Union européenne peut déjà agir en principe selon la règle de la majorité

WG VII - WD 49 5
ANNEX FR

qualifiée pour sa politique à l'égard de la Russie, de l'Ukraine et de la Méditerranée dans le cadre des trois stratégies communes qu'elle a adoptées, mais leur bilan mitigé montre que, dans le domaine de souveraineté de la politique étrangère, la formation d'une vision commune entre les Etats membres est un processus sur lequel l'assouplissement des conditions de vote n'a pas vraiment d'influence.

La formation d'une vision commune doit précéder l'assouplissement des conditions de vote et non l'inverse. Puisque les stratégies communes censées inciter le Conseil à resserrer la PESC sur des lignes directrices et des priorités pour l'Union ont échoué, il faut que les Etats membres s'engagent, dans le Traité constitutionnel, à entreprendre une démarche de convergence de leurs politiques étrangères, en utilisant pleinement la force de proposition et de médiation du ministre des Affaires étrangères de l'Union.

La création d'un ministre des Affaires étrangères à « double chapeau » et la conclusion d'un pacte de convergence sont les deux pivots d'une démarche progressive et incitative seule applicable en la matière.

B. Pour un pacte de convergence liant les Etats membres dans le cadre de la PESC

Je propose que les Etats membres s'engagent à définir et à mettre en œuvre un pacte de convergence de leurs politiques étrangères et de sécurité dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune. La disposition-clé du pacte est que, dans un délai de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur du traité constitutionnel, les Etats membres procèdent, sur proposition du ministre des Affaires étrangères de l'Union européenne à un examen complet du champ de la politique étrangère et de sécurité commune, afin d'identifier les domaines où ils peuvent soit renforcer leur coopération soit mener une politique commune.

La proposition présente trois caractéristiques.

Premièrement, elle répond à la nécessité d'une remise à plat de la PESC au moment où les bouleversements géopolitiques et l'unification du continent européen obligent l'Union élargie à redéfinir ses intérêts stratégiques dans les relations avec ses grands partenaires et son voisinage. Cet examen permettra notamment de prendre en compte les positions des futurs Etats membres sur ces grands choix.

Deuxièmement, elle repose sur une approche globale afin de procéder à un examen approfondi libéré de tous les cloisonnements antérieurs.

Le champ de l'examen concerne la PESC et donc la PESD qui en est un sous-ensemble et peut s'étendre aux autres domaines de l'action extérieure de l'Union, afin d'assurer la cohérence des programmes de convergence qui résulteront de cet examen général.

WG VII - WD 49 6
ANNEX FR

L'objectif de l'examen est de définir dans des programmes de convergence les lignes directrices d'une politique et les voies et moyens juridiques, financiers et humains mobilisables pour leur application. Cet objectif était déjà celui des stratégies communes, mais les Etats membres n'ont pas eu la volonté de s'en servir pour définir des plates-formes de doctrine commune ayant un fort contenu politique et stratégique et se sont contentés d'établir des catalogues de bonnes intentions représentant autant de vœux pieux.

A cet égard, une déclaration sur les principes et les objectifs de l'action extérieure de l'Union européenne est nécessaire, mais ne suffit pas pour enclencher le mécanisme de convergence. Les principes et les modes opératoires figuraient déjà dans le traité d'Amsterdam, mais l'incitation à agir n'était pas assez forte.

Cet examen complet n'a pas pour objet de définir la PESC à la place des autorités politiques de l'Union, mais d'obliger les Etats membres à déterminer ce qu'ils veulent ou peuvent faire ensemble, à la suite d'une discussion approfondie, franche et loyale menée avec l'aide d'un ministre des affaires étrangères initiateur et médiateur.

La question centrale est moins de déterminer ce que l'Union fait des 40 millions d'euros de la PESC et des 6 milliards d'euros des actions extérieures de l'Union européenne que ce que les Etats membres sont prêts à faire ensemble avec les 70 milliards d'euros de leurs politiques étrangères nationales, en cohérence avec l'action extérieure de l'Union.

La proposition leur laisse bien entendu le choix entre une coopération améliorée et une politique commune intégrée. Elle s'inscrit en effet dans une perspective de double souveraineté européenne et nationale où la PESC n'a pas vocation à se substituer à l'ensemble des politiques étrangères des vingt-cinq (et plus) Etats membres dans tous les domaines, mais seulement à intervenir là où ils auront su définir leurs intérêts communs et où une approche commune sera jugée plus efficace qu'une action nationale. Jusqu'à présent, l'Union européenne a eu tendance à s'occuper de tout, tout en étant incapable d'agir sur l'essentiel, et n'a eu, sauf quelques exceptions notables, d'influence décisive sur rien. Il faut désormais qu'elle intervienne à bon escient sur quelques sujets essentiels pour l'Union et qu'elle corrige les effets de sa diversité lorsqu'elle est une faiblesse, mais s'appuie sur elle lorsqu'elle est une richesse. A l'issue de cet examen complet, les Etats membres auront le choix de coopérer à vingt-cinq plus un ou de s'unir à vingt-cinq en un.

La proposition a en effet pour troisième caractéristique d'être souple et de n 'imposer aux Etats membres qu 'une obligation d'examen complet dans un délai de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur du Traité constitutionnel, tout en leur laissant au sein du Conseil européen la maîtrise des suites à lui donner.

WG VII - WD 49 7
ANNEX FR

Le pacte de convergence n'impose aux Etats membres qu'une obligation de moyen et non de résultat et n'engage que le premier pas du processus de convergence. Contraindre les Etats en préjugeant du résultat nuirait à la qualité d'un examen qui, pour être performant, doit être sans faux-semblants.

Le pacte comporte cependant des garde-fous pour rappeler aux Etats membres le respect de leur engagement. Non seulement le ministre des Affaires étrangères exercera un pouvoir d'impulsion en conduisant l'examen, mais il pourra s'appuyer sur la pression des institutions parlementaires pour faire avancer le processus. En effet, le ministre présente, chaque année, un rapport sur les progrès de la convergence au Parlement européen et aux Parlements nationaux. Il est évident que la modalité la plus appropriée est le Congrès, mais le dispositif proposé voile ce mot que certains ne sauraient voir pour respecter le souhait du Président du groupe de travail de ne pas soulever en son sein un débat institutionnel ultérieur.

Le Conseil européen ne sera cependant soumis à aucun délai pour décider de l'adoption des programmes de convergence, sur proposition du ministre des affaires étrangères après avis du Conseil « Affaires générales » (relations extérieures).

Pour chaque programme de convergence, l'ambition la plus haute du pacte est de dégager des intérêts communs et de prendre en compte les intérêts essentiels des Etats dans une synthèse suffisamment forte pour s'engager non pas dans une coopération, mais dans une politique commune intégrée. Si l'examen permet d'atteindre un tel accord, le Conseil européen aura le choix de soumettre la mise en œuvre des programmes de convergence par le Conseil à la règle de l'unanimité ou à celle de la majorité qualifiée, en adoptant dans ce dernier cas des stratégies communes. Les stratégies communes retrouveront ainsi le rôle qu'elles n'auraient jamais dû perdre dans la convergence des politiques.

Le passage à la majorité qualifiée dans le cadre des stratégies communes s'exercerait dans le respect des modalités et des limites prévues par l'article 23, paragraphe 2 du traité sur l'Union européenne. D'une part, un Etat membre pourrait invoquer des raisons de politique nationale importantes pour demander au Conseil de saisir le Conseil européen de son opposition à une décision à la majorité qualifiée, mais la prise en compte des intérêts essentiels des Etats membres par le programme de convergence devrait rendre cette hypothèse théorique. D'autre part, le passage à la majorité qualifiée ne s'appliquerait pas aux décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense.

Enfin, pour donner la plus grande portée à cet engagement des Etats membres, le principe de convergence des politiques dans le domaine de la PESC devrait figurer dans un article du Traité constitutionnel ou faire l'objet d'un protocole annexé au traité, dans des termes qui pourraient être les suivants :

WGVII-WD49 8
ANNEX FR

« Les Etats membres s'engagent à définir et à mettre en œuvre un pacte de convergence de leurs politiques étrangères et de sécurité dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune.

Dans un délai de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur du Traité constitutionnel, ils procèdent, sur proposition du ministre des Affaires étrangères de l'Union européenne, à un examen complet du champ de la politique étrangère et de sécurité commune, afin d'identifier les domaines où ils peuvent soit renforcer leur coopération soit mener une politique commune. Les programmes de convergence définissent les lignes directrices et les voies et moyens nécessaires à la mise en œuvre des propositions et établissent, le cas échéant, leur cohérence avec les autres domaines de l'action extérieure de l'Union européenne.

Le ministre des Affaires étrangères présente, chaque année, un rapport sur les progrès de la convergence au sein de la politique extérieure et de sécurité commune au Parlement européen et aux Parlements nationaux selon les modalités appropriées.

Le Conseil européen décide de l'adoption des programmes de convergence, sur proposition du ministre des Affaires étrangères après avis du Conseil Affaires générales (relations extérieures). Il peut décider de leur mise en œuvre par le Conseil sous forme de stratégies communes ».

*

* *

Principes et objectifs de l'action extérieure de l'Union européenne

Remplacer le paragraphe 2, f) par l'alinéa suivant :

« élaborer des mesures internationales pour préserver l'environnement et les ressources naturelles mondiales, assurer un développement durable et garantir la diversité culturelle ; et »

Commentaire : l'Union européenne doit affirmer le principe selon lequel la mondialisation n'est pas un processus d'effacement et d'uniformisation des cultures et qu'elle doit au contraire s'appuyer sur leur diversité et leur richesse pour développer le dialogue entre les peuples dans un monde multipolaire.

G VII - WD 49 9
ANNEX FR

3. Interventions orales

SESSION PLENIERE DES 11 ET 12 JUILLET 2002

Intervention sur l'action extérieure de l'Union

Je voudrais d'abord partir d'un constat que j'ai fait lors d'un de mes séjours à l'ONU auprès de la délégation française, lorsque la France présidait l'Union européenne, avec M. l'Ambassadeur qui était sur place. Il me faisait remarquer que 95 % des résolutions et décisions qui sont prises par l'Europe à l'ONU le sont à l'unanimité. Le problème, ce sont les 5 % sur lesquels l'Europe se divise. Ce sont souvent les décisions les plus importantes et sur lesquelles les États-Unis ne sont pas d'accord. Je crois doncque nous devons faire en sorte que l'Europe soit toujours unie. Si elle est d'accord avec les États-Unis, tant mieux, mais sur certains sujets elle doit pouvoir adopter une position autonome et unie. Je crois qu'il n'y a pas d'opposition entre les petits et les grands pays, entre ceux qui sont plus ou moins fédéralistes. En effet, nous sommes arrivés, selon moi, à une conception en commun de la fédération d'États-nations. Ainsi, au-delà des problèmes déontologiques, l'objectif doit être le pragmatisme.

Je proposerais donc de mettre à l'ordre du jour l'idée suivante : la décision de proposer ensemble, chaque année, une déclaration de politique générale en matière d'affaires étrangères sur laquelle pourraient se prononcer les trois organes (Conseil des Ministres, Commission et Parlement européen) en fonction de leurs responsabilités effectives et actuelles. Cette déclaration de politique générale en matière d'affaires étrangères pourrait évoluer progressivement vers un rapprochement de ces positions.

Je crois que l'Union a fait énormément de progrès dans le domaine de la politique étrangère, notamment suite au conflit majeur des Balkans, avec la création du Haut représentant pour la PESC, mais nous devons aussi fournir un effort cohérent en matière de défense. Je le mentionne parce que le gouvernement français a l'intention de remonter progressivement les efforts de défense de la France, de façon à atteindre l'objectif de 2,5 % du PIB, non atteint actuellement. Les pays désireux d'entrer dans cette politique étrangère et de sécurité commune devraient consentir des efforts parallèles.

Dans le domaine de l'industrie d'armement, il faut, selon moi, une coopération et, parfois, une complémentarité. En effet, certains pays ont chacun leurs spécialités, et il est un peu dommage que nous nous fassions concurrence, entre nous, au sein de l'Europe. Alors notre collaboration pourrait être beaucoup plus intelligente et beaucoup plus forte. Il me semble donc très important que nous ayons une coopération avec les États-Unis au sein de l'OTAN, dans un respect mutuel et que nous sachions non pas être indépendants mais autonomes quant il s'agit d'intervenir sur le théâtre européen mais parfois aussi à l'extérieur. Il va de soi que chaque État a sa souveraineté mais je crois qu'autour de cet objectif de déclaration commune de politique étrangère, de renforcement de la PESC, de coopération en matière industrielle, nous pouvons avancer, après l'euro, vers un nouvel objectif qui doit être défini, lui aussi, avec pragmatisme et sans opposition.

Je crois beaucoup à la démocratie parlementaire. Je souhaiterais voir, au poste auquel je viens d'être élu, se développer cette diplomatie parlementaire entre les parlements et le Parlement européen afin de voir de quelle façon nous pouvons donner un visage à l'Europe. Ce visage est très important, non seulement par rapport à l'extérieur mais par rapport aux citoyens qui, selon moi, ont besoin de savoir qui est leur président. Nous devons y réfléchir.

SESSION PLENIERE DES 12 ET 13 SEPTEMBRE 2002

Intervention sur la simplification des instruments et des procédures

Je voudrais dire qu'il est un peu paradoxal que c'est précisément au moment où l'Europe a fait des progrès considérables, je pense notamment à la dernière étape qui est celle de l'euro, où elle est extrêmement attractive, avec les pays qui souhaitent y entrer, que se crée un certain scepticisme dans l'esprit du citoyen de l'Union et parfois, même dans les pays candidats. J'attribue ce scepticisme au fait que le citoyen a le sentiment que l'Europe décide de plus en plus. On dit qu'en France, 60 % des décisions sont prises au niveau européen, et qu'en même temps,on ne sait pas comment sont prises ces décisions. A cet effet, il faut reconnaître que c'est extrêmement compliqué comme nous l'a fortement bien décrit Monsieur Amato. Directives, réglements, décisions, avis et recommandations, positions communes, actions communes, décisions-cadres, conventions, livres blancs, livres verts, résolutions... Le citoyen, voudrait-on le lui expliquer, n'y comprendrait rien.

Par conséquent, je crois que lorsqu'après la Convention, après la CIG, nous devrons revenir devant nos opinions pour faire ratifier le Traité constitutionnel que je souhaite, il faudra absolument que ce soit sous le sceau de la simpification. En effet, notre préoccupation doit être celle de la compréhension de notre fonctionnement par le citoyen. Sans efficacité et lisibilité accrue, sans démocratie et transparence renforcée, l'Europe va devenir impopulaire, le citoyen européen s'en détournera et le populisme progressera. Ainsi, tout en maintenant la distinction fondamentale entre droit primaire et droit dérivé, on pourrait selon moi distinguer plusieurs catégories. Nous aurions le Traité constitutionnel unique. Ensuite, nous aurions les lois européennes qui seraient les normes de droit commun de l'Union européenne qui auraient une portée générale, comportant des principes d'action sans contenir des règles de détail. Dans cet esprit, le recours à des lois-cadres serait susceptible de conférer une meilleure lisibilité aux politiques de l'Union. Avant d'être adoptées, ces normes feraient l'objet d'une large consultation, en application du principe de transparence. Il faudrait, à terme, envisager une procédure d'adoption uniforme des lois européennes en généralisant progressivement le recours à la codécision où le Parlement européen jouerait pleinement son rôle avec un vote à la majorité qualifiée du Conseil. Enfin, nous aurions les réglements qui seraient, dans ce schéma, des normes d'exécution élaborées par la Commission sous le contrôle, bien sûr, du Conseil et du Parlement européen. Il faudrait autant que possible pouvoir transposer, en l'adaptant, cette simplification au deuxième et troisième piliers.

Je terminerai en disant que je suis favorable à l'attribution à l'Union européenne de la personnalité juridique unique.

SESSION DES 3 ET 4 OCTOBRE 2002

Intervention sur le « Congrès des peuples d'Europe »

Je voudrais dire que je crois que le rapport de Gisela Stuart est extrêment important et qu'il me semble que dans cette enceinte, nous avons déjà une expérience extrêmement positive du travail en commun entre les Parlements nationaux, le Parlement européen, les Commissaires européens et les représentants du gouvernement.

Je trouverais franchement dommage que le travail formidable qui est accompli à cette Convention ne se prolonge pas par la suite. Et c'est pour cela que je rejoins tout à fait ce qui a été dit tout à l'heure et par mon collègue Hubert Haenel et par Peter Glotz. Je crois que l'idée du Congrès est une idée intéressante dans la mesure où elle continuerait le travail qu'on fait ici. Mais selon moi, il faut être très précis en disant que ce n'est pas une Assemblée dotée d'un pouvoir législatif, le pouvoir législatif appartenant au seul Parlement européen. Par contre, il serait bon que ce congrès ait, une fois par an, un débat d'information sur le programme pluriannuel européen et qu'il ait effectivement la possibilité, comme le disait Peter Glotz, de participer à la nomination d'un nombre restreint de responsables européens. Je pense, à cet effet, que si l'on arrivait à un Président de l'Europe, il faudrait que son choix soit cautionné par un Congrès réunissant à la fois les parlementaires européens et les parlements nationaux. On pourrait réfléchir à un mécanisme qui pourrait être mixte entre le système de Monsieur Méndez de Vigo et ce congrès. Il s'agirait peut-être d'une existence sur le contrôle du principe de subsidiarité à travers une délégation mais qui n'aurait qu'un rôle ex-ante sachant que le rôle ex-post serait confié à une chambre spéciale de la Cour de Justice des Communautés européennes.

Donc, sincèrement, je crois qu'il serait dommage de ne pas réfléchir à cette proposition intéressante d'un travail en commun qui, bien entendu, ne créerait pas, Monsieur Hain, une nouvelle instance à l'intérieur du processus législatif puisqu'elle serait complètement exclue de celui-ci.

Intervention sur le rapport final du groupe de travail
sur le contrôle du principe de subsidiarité

Le système proposé par Monsieur Méndez de Vigo a le grand mérite de la simplicité et je l'approuve.

Si les citoyens constatent que nous sommes capables de mettre en oeuvre un contrôle simple impliquant les Parlements nationaux, pour veiller à la proximité des décisions, ils seront rassurés tant on leur dit souvent à tort, d'ailleurs, que l'Union a outrepassé ses pouvoirs et tant cela les exaspère. Donc un oui clair aux propositions du groupe de travail dirigé par Monsieur Méndez de Vigo, à savoir l'alerte non bloquante ex-ante et le recours devant la Cour de Justice des Communautés Européennes ex-post.

Toutefois, je me permettrai de formuler trois remarques. Tout d'abord, comme l'a dit Pierre Moscovici, je ne mettrai pas de lien précis entre l'avis émis par un Parlement dans la première phase et la possibilité pour lui seul d'engager ex-post un recours devant la Cour de Justice. Cela risquerait, selon moi, de susciter une inflation de saisines dans le simple but de prendre date. Ensuite, le recours devant la Cour de Justice doit intervenir entre l'adoption et l'entrée en vigueur du texte afin d'éviter une situation d'insécurité juridique préjudiciable. Enfin, il convient de prévoir, à mon avis, une Chambre spécialisée de la Cour de Justice, composée à partir des juges européens et de juges nationaux.

J'en ai parlé à Monsieur Méndez de Vigo et je ne voudrais pas compliquer ni retarder la procédure. Mais dans l'alerte ex-ante, comme l'avait évoquée Pierre Moscovici, une démarche collective parallèle à l'initiative d'un Parlement pourrait rendre, selon moi, le système plus efficient encore. A l'instar de Monsieur Glotz, je pense que l'on pourrait envisager non pas le Congrès dans son ensemble, mais plutôt, une délégation spécialisée et réduite du Congrès qui pourrait être saisi par un Parlement national. L'avis de cette délégation donnerait plus de force à l'alerte, et cela permettrait à la Commission européenne d'apprécier le caractère significatif de ces avis dès lors qu'ils rassemblent des représentants des Parlements nationaux et européens. Voilà ce que je pense concernant la procédure. Toutefois, je confirme que le mécanisme, moyennant ces remarques, de Monsieur Méndez de Vigo, est le bon. D'ailleurs, ce contrôle permettra probablement aux citoyens européens de constater que l'Union n'outrepasse pas ses compétences aussi souvent qu'on veut bien le dire. Il mettra peut-être en valeur le fait que les gouvernements utilisent souvent l'Union comme bouc-émissaire, n'assumant pas toujours des décisions qu'ils préfèrent, tout en protestant contre l'Union, voir prendre par elle.

En tout état de cause, l'image de l'Union sera rehaussée chez les citoyens et c'est pour moi l'essentiel.

SESSION PLENIERE DES 28 ET 29 OCTOBRE 2002

Intervention sur le rapport final du groupe de travail
sur le rôle des parlements nationaux

Je voudrais d'abord féliciter le groupe de travail de Gisela Stuart qui a fait des propositions extrêmement intéressantes et audacieuses. S'il y a bien un sujet sur lequel on nous attend, c'est celui d'une meilleure association des Parlements nationaux à la construction européenne. Vous avez vous-même évoqué en juin dernier, la nécessité de prendre des "dramatic initiatives", c'est-à-dire des initiatives fortes dans ce domaine, pour apporter une réponse à la mesure des attentes exprimées par les citoyens.

Le moment est venu de nous prononcer. J'approuve pleinement les conclusions du groupe de travail présidé par Gisela Stuart. C'est dans cet esprit qu'il nous faut approfondir l'idée d'un congrès qui ne doit pas être une nouvelle institution législative ajoutant à la complexité du système actuel. Ce congrès devrait plutôt être une réunion périodique, annuelle par exemple, de représentants du Parlement européen et des Parlements nationaux, qui débattrait annuellement des orientations politiques fondamentales de l'Union et prendrait part à la procédure de ratification de la seconde partie du Traité constitutionnel. Je m'inscris en faux contre ceux qui prétendent que la création de ce congrès porterait atteinte au Parlement européen. Je voudrais donner comme exemple la Convention européenne dans laquelle nous travaillons avec lui en étroite symbiose et avec une excellente qualité de travail. A cette Convention, je souhaiterais que nous puissions continuer à travailler ensemble, sachant qu'il ne s'agit pas, encore une fois, d'une seconde chambre législative. Je voudrais, d'ailleurs, indiquer que dans le célèbre discours qu'il a tenu à l'Université Humboldt à Berlin, Monsieur Fischler a insisté, comme beaucoup d'autres, sur la nécessité d'associer les Parlements nationaux. Cela fait longtemps que l'on en parle et donc, je suis partisan d'un passage à l'acte.

Ce congrès pourrait, à mon sens, également être compétent pour confirmer ou infirmer à terme l'élection par le Conseil européen d'un Président de l'Europe. Cela aurait le mérite, comme je l'ai déjà indiqué dans cette enceinte, à l'image de l'élection du Président allemand par une association du Bundestag et des représentants des Länder, de donner à l'Union une véritable légitimité populaire. Sur le principe de subsidiarité, je voudrais aussi dire que je suis d'accord avec les propositions de Gisela Stuart qui rejoignent d'ailleurs celles de notre ami Monsieur Méndez de Vigo. Il pourrait être utile que dans les attributions du congrès figure la possibilité pour lui de juger d'un rapport sur l'application annuelle du contrôle de subsidiarité émis par les Parlements nationaux individuellement. Cela constituerait une fois encore un grand progrès parce que le citoyen attend que les Parlements nationaux soient associés. Je voudrais d'ailleurs dire que ce contrôle de la subsidiarité permettrait sans doute de prouver au citoyen européen que l'Union ne s'approprie pas aussi souvent qu'on le croit de pouvoirs excessifs.

En ce qui concerne le contrôle juridictionnel ex-post, je suis d'accord avec ce que disait Monsieur Lekberg. Il faut peut-être qu'on réfléchisse au concours de la Cour de justice. Nous savons nous-mêmes que la Cour de justice n'est pas forcément elle-même intéressée exercer ce contrôle. Il faudrait peut-être réfléchir à la composition d'une Chambre spéciale qui exercerait un contrôle ex-post mi-politique, mi-juridictionnel du principe de subsidiarité.

Le rôle des Parlements nationaux doit être inscrit dans le futur Traité constitutionnel. Nous devons favoriser le recours à la coopération interparlementaire. Il s'agit là, me semble-t-il, d'un aspect essentiel de l'équilibre institutionnel européen.

SESSION PLENIERE DES 7 ET 8 NOVEMBRE 2002

Intervention sur le rapport final du groupe de travail
sur la gouvernance économique

Je voudrais moi aussi féliciter Monsieur Hänsch des efforts qu'il a déployés pour surmonter les divergences qui pouvaient exister au sein de son groupe et lui dire que je regrette un peu les conclusions qui, à mon avis, malheureusement, manquent d'ambition.

Je crois qu'il faut qu'on cesse d'opposer l'Europe économique et l'Europe sociale qui constituent, en réalité, les deux faces d'une même pièce. Si nous voulons bâtir ensemble une économie performante, c'est bien pour la mettre au service des citoyens européens et je crois que l'objectif de cette Convention est de faire sortir un texte qui soit compréhensible et apprécié des citoyens européens. A mon avis, il n'y aura pas de conscience de la citoyenneté européenne si, comme l'a dit Pierre Moscovici tout à l'heure, nous n'obtenons pas une définition commune des valeurs et orientations sociales qui nous unissent.

Je crois que c'est par l'économie que l'Europe s'est d'abord construite à travers le marché unique, la politique de la concurrence. C'est par le commerce qu'on a fait en sorte que l'Europe se construise. Et nous allons devoir coordonner la politique économique et budgétaire de vingt-cinq Etats membres à partir de 2004 alors que la croissance connaît aujourd'hui un ralentissement et qu'une réflexion sur le pacte de stabilité est en cours. Je crois que la Convention doit apporter des réponses ambitieuses.

Bien sûr, les politiques économiques doivent rester décentralisées et relever des Etats membres. Mais dans une Europe élargie, cela rend encore plus nécessaire une coordination forte et efficace qui justifie un renforcement du rôle de la Commission. Il faut lui donner un véritable pouvoir de proposition, et pas seulement de recommandation, dans l'élaboration des grandes orientations politiques économiques. Et, parallèlement, le Parlement européen qui, à mon avis, est trop tenu à l'écart de la gouvernance économique de l'Union, doit renforcer son contrôle sur la validation de ses grandes orientations de politique économique.

Il me semble aussi nécessaire, dans une Europe élargie, de passer au vote à la majorité qualifiée en matière de fiscalité. Je pense notamment à la fiscalité indirecte ou à la fiscalité des entreprises. J'y vois une condition sine qua non pour que l'Europe progresse dans ce domaine.

Enfin, je serais partisan d'une reconnaissance officielle de l'euro-groupe dans le Traité constitutionnel en le dotant d'un président stable. Le raisonnement que nous tenons au niveau de la présidence du Conseil européen ou au niveau du Ministre des affaires étrangères européen est encore plus important et probant en ce qui concerne cette zone euro qui s'est constituée et qui a décidé de travailler ensemble de façon extrêmement proche. Il faut donc mettre un terme à la présidence tournante qui d'ailleurs, du fait même de la composition des membres, est en décalage avec la présidence tournante du Conseil européen. Je crois donc que de la même manière qu'il faut un président de l'Europe stable, il faut un président de l'euro stable, qui ait, avec l'euro-groupe, une véritable capacité de décision sur les questions concernant la zone euro.

Sur tous ces sujets, il me semble que la Convention ne peut pas se contenter du statu quo. Elle doit faire preuve d'ambition et de plus d'imagination. Je sais que tel était l'objectif de Monsieur Hänsch. Je regrette que le groupe de travail se soit un peu divisé et ait atténué les objectifs qu'il aurait été, selon moi, souhaitable de dégager.

Intervention sur la structure d'avant-projet de traité constitutionnel

Votre proposition d'architecture constitue une étape capitale pour la Convention. A nous maintenant, grâce à cet ordre du jour clair, de définir concrètement son contenu. Sans aborder le fond, je voudrais insister sur quelques priorités.

Premièrement, comme l'a très bien dit le représentant du gouvernement allemand hier, Monsieur Bury, ministre délégué aux Affaires européennes, il faut préserver l'acquis communautaire, et notamment les compétences de la Commission dans les domaines du Marché intérieur et de la concurrence qui ont tant fait pour l'Europe. Et, à ce titre, Monsieur le Président, je vous proposerais, dans la deuxième partie consacrée aux politiques, de ne pas considérer la politique de la concurrence comme relevant d'un domaine spécifique, distinct du marché intérieur.

Deuxièmement, il faudrait réformer les procédures de décisions communautaires, notamment dans les domaines de la politique étrangère et de défense, ainsi que, comme on l'a indiqué hier, sur la gouvernance économique et sociale de l'Union.

Troisièmement, il faudrait renforcer le système institutionnel afin d'offrir une majeure lisibilité au citoyen européen. Je rejoins tout à fait ce que vient de dire Monsieur Christophersen à cet égard. Il faut faire simple si l'on veut rendre l'Europe populaire. Cela doit nous guider dans une réforme ambitieuse, car nous ne pouvons pas sortir de cette Convention sans une réforme ambitieuse. Il faut du pragmatisme.

La nouvelle Constitution, me semble-t-il, ne doit pas être faite pour nous faire plaisir, mais pour faire plaisir au citoyen européen. S'il ne la comprend pas, il la désapprouvera et nous aurons échoué. Elle ne se fera donc pas par la défense de chacun des coins du triangle (Parlement, Commission, Conseil) mais par un renforcement des trois (extension de la majorité qualifiée, extension de la codécision, grande visibilité de l'exécutif). Il ne faut pas que chacune des Institutions tire à elle le drapeau européen au risque de le déchirer. Il faut, au contraire, que les trois acteurs renforcés œuvrent ensemble pour faire en sorte que l'Europe, au sortir de la Convention, soit une Europe puissante. C'est dans cet esprit de compromis que j'aimerais que, sans a priori, on n'exclue pas l'idée d'une présidence unique de l'Union, qui pourrait rassembler, peut-être, ceux qui la voient au Conseil, et ceux qui la voient à la Commission.

C'est, enfin, l'esprit de démocratie qui doit guider nos travaux, en associant les deux sources de la souveraineté européenne : celle des Etats et celle des peuples. C'est l'idée du Congrès. Là encore, il faut être pragmatique et réaliste. Il ne s'agit aucunement de créer une nouvelle institution législative. Pour preuve, je suggérerais que l'on ne le fasse pas apparaître dans le titre 4 de l'avant-projet mais peut-être dans une rubrique séparée après ce titre, ou bien encore dans le titre 6 sur la vie démocratique de l'Union. Cela montrerait que le congrès est une Institution essentielle, mais qu'elle n'a pas vocation à jouer un rôle législatif.

Enfin, je crois utile d'inscrire, comme vous l'avez fait, la question des ressources de l'Union. L'Europe doit, selon moi, avoir ses ressources propres et ses Institutions seront ainsi responsables de leur gestion.

Je conclurai par une remarque sur la dénomination puisque vous nous avez opportunément posé la question. Je constate en lisant la presse européenne que dans toutes les langues, l'Union européenne s'abrège en Union. On dit "l'Union", "the Union", "die Union". Dès lors, je réponds d'ores et déjà à votre question en disant que ma préférence va à l'Europe unie, dont l'abréviation sera l'Europe, ce qui est beaucoup plus fort et beaucoup plus parlant pour le citoyen européen.

Intervention sur le rapport final du groupe de travail
sur les compétences complémentaires

Je voudrais, tout d'abord, saluer la qualité du travail effectué par le groupe sous la présidence de notre collègue Monsieur Christophersen sur ce sujet central pour le renforcement de l'efficacité de l'action commune.

Je crois qu'il s'agit, à ce stade, d'améliorer et de renforcer les conditions de l'exercice des compétences plutôt que d'en modifier sensiblement la répartition comme Monsieur Christophersen l'a exprimé.

Dans cet esprit, l'effort de clarification de la répartition des compétences qui a animé les travaux du groupe, constitue une priorité que j'approuve pleinement. Je pense en particulier à la proposition du groupe de répartir les compétences selon trois catégories distinctes qui reprenaient d'ailleurs les propositions de notre collègue Alain Lamassoure dans son rapport au Parlement européen. Personnellement, je préférerais que l'on s'en tienne aux termes de "compétences complémentaires" qui me semble plus juste que "mesures d'appui".

S'agissant des principes devant régir l'exercice des compétences, j'approuve tout à fait la proposition du groupe ajoutant le principe de solidarité au principe de subsidiarité et de proportionnalité. Il s'agit du fondement même de la construction européenne. Cela rejoint le débat que nous avons eu hier sur l'aspect social de l'Europe. Mais je voudrais insister sur le fait que l'effort louable de clarification ne doit pas affaiblir la capacité d'action de l'Union. Il s'agit en particulier de maintenir ses capacités à s'adapter à des besoins d'action commune, qui resteront nécessairement évolutifs. Le maintien d'un accès à la procédure de l'article 308 me semble de ce point de vue essentiel avec les observations que vous avez faites, Monsieur le Commissaire. Comme notre Convention l'a fortement souligné en plénière, je crois qu'il ne faut pas de catalogue de compétences. On doit laisser leur place aux critères de compétences par objectif. En tout état de cause, je suis réticent sur la proposition du groupe faisant correspondre strictement les catégories de compétence à certains types d'instruments. Il me semble qu'il faut laisser la souplesse nécessaire, qu'il ne faut pas exclure ni rendre exceptionnelle l'utilisation de directives ou de règlements dans le champ des compétences complémentaires. Enfin, sur quelques points précis, en termes de domaine de compétences, compte tenu de l'importance de l'action de l'Union dans ce domaine, la recherche ne me paraît pas relever de compétences complémentaires mais plutôt de compétences partagées.

Et, enfin, je terminerai par un domaine extrêmement populaire par essence puisqu'il touche de très nombreux membres et de très nombreuses associations. Il s'agit du sport, que je souhaiterais voir introduit dans les compétences complémentaires de l'Union. C'est déjà le cas dans les faits mais le manque actuel de base juridique dans les Traités handicape sérieusement l'action commune dans ce domaine. Le sport constitue à l'évidence un sujet éminemment populaire à travers lequel l'Union peut se rendre plus proche des citoyens.

SESSION PLENIERE DES 5 ET 6 DÉCEMBRE 2002

Intervention sur le rapport final du groupe de travail
sur la simplification des instruments et des procédures

Je voudrais à mon tour féliciter le groupe de travail de Monsieur Giuliano Amato. Je rappellerai trois principes qui doivent guider notre réflexion pour faire de ces questions si confuses pour nos citoyens un instrument de lisibilité des actions de l'Union.

Premier principe : le principe de clarté. Il justifie l'adoption d'un vocabulaire plus simple et la reconnaissance d'une indispensable hiérarchie des normes européennes. J'approuve totalement la proposition consistant à modifier la dénomination des instruments législatifs de l'Union, plus de directives, plus de règlements mais des lois cadres de l'Union européenne et des lois européennes pour les actes législatifs, des règlements et des décisions pour les actes d'exécution. Cette nouvelle dénomination porte d'ailleurs en elle l'émergence d'une hiérarchie des normes, devenue indispensable pour s'y retrouver dans la multitude d'actes adoptés par les Institutions européennes. Elle va de pair avec une clarification de la distinction entre fonctions exécutives et fonctions législatives. Peut-être faudrait-il également réfléchir à une nouvelle catégorie de lois organiques européennes infra-constitutionnelles mais supra-législatives pour préciser les règles de fonctionnement institutionnel de l'Union, qui pourrait ainsi évoluer plus facilement sans qu'il soit nécessaire de recourir à une révision du Traité institutionnel imposant un vote à l'unanimité.

Deuxième principe : l'efficacité et la souplesse. Le rapport suggère la création d'une nouvelle catégorie d'actes délégués pour répondre aux exigences de rapidité et d'efficacité de la législation européenne. Je suis réservé sur cette proposition qui est, à mon avis, une complexification inutile qui nuira à la clarté de la hiérarchie des normes. Quant à la suppression envisagée des piliers, elle devra nécessairement s'accompagner d'une rationalisation des instruments juridiques. Selon moi, leur nombre doit être sensiblement réduit sans que soit pour autant niée la spécificité des procédures qui doivent rester adaptées au sujet traité, qu'il s'agisse de la PESC ou de JAI.

Troisième principe : le principe de démocratie. En effet, simplifier, c'est faire preuve de démocratie. L'extension mais pas la généralisation de la procédure de codécision confirme la vocation du Parlement européen à devenir le véritable colégislateur de l'Union sur un pied d'égalité avec le Conseil des ministres. Je voudrais insister sur le fait qu'il n'y a pas, en cette matière, opposition à faire entre le communautaire, qui dépendrait du Parlement européen et l'intergouvernemental, qui dépendrait du Conseil des ministres. La procédure communautaire est celle qui associe le Parlement européen et le Conseil des ministres. La codécision, comme l'a très justement dit Monsieur Fischer tout à l'heure, va de paire avec l'extension du vote à la majorité qualifiée au Conseil et doit devenir la procédure législative de droit commun de l'Union.

Je terminerai en disant qu'il est indispensable de consacrer le principe de transparence des procédures. A cet égard, je pense en particulier à la publicité des réunions du Conseil des ministres dans sa formation législative. J'y vois notamment la condition d'une meilleure information des Parlements nationaux, à laquelle je suis attaché.

SESSION PLENIERE DU 20 DÉCEMBRE 2002

Intervention sur les rapports des groupes de travail
« Action extérieure » et « Défense »

Tout d'abord je voudrais vous féliciter d'avoir regroupé les deux discussions sur l'action extérieure et la défense car, pour moi, elles sont inséparables. La guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens, disait Clausewitz, et pour moi il faut bien être conscient que, dans ce domaine, ce qui doit être notre obsession c'est l'efficacité ou alors l'Europe n'aura ni voix ni puissance.

C'est en raison de ce souci d'efficacité que j'approuve totalement la proposition du groupe Dehaene de créer un et un seul représentant européen pour les affaires extérieures. Parce qu'il faut être clair: je crois qu'il faut l'appeler Ministre des affaires étrangères pour marquer son rôle majeur. Il faut force et simplicité parce que dans une Union élargie de vingt-cinq Etats membres, définir une vision commune sera un enjeu fondamental. Et cette vision commune nous impose d'abord de définir notre ambition pour la place de l'Europe dans le monde. Allons-nous accepter d'être sur la scène internationale un géant économique tout en étant un politique faible ? C'est pour cela que je propose qu'à compter de l'entrée en vigueur de la Constitution, les Etats membres procèdent, dans un délai d'un an, à la définition d'un pacte de convergence. En effet, les réformes institutionnelles ne serviront de rien s'il n'y a pas volonté et objectifs communs et si, sur le fond, nous ne définissons pas notre vision.

J'insiste donc sur l'adoption de ce pacte de convergence. Selon les programmes de convergence, le Conseil européen aura le choix de soumettre leur mise en œuvre par le Conseil à la règle de l'unanimité ou à celle de la majorité qualifiée et adopter dès lors des stratégies communes qui seraient présentées chaque année et soumises au Parlement européen comme aux Parlements nationaux par la voie que je souhaiterais du congrès.

On comprend que le futur Ministre des affaires étrangères dépendant du Conseil et nommé par lui, présiderait le Conseil des Ministres des affaires étrangères. Dès lors, il faut que ce ministre puisse mobiliser les moyens financiers conséquents et rapides pour soutenir sa politique. Ce n'est pas le cas du Haut représentant actuel et cela affaiblit la lisibilité de son action. Il suffit de voir le temps qu'on a mis avant de dégager les moyens financiers pour l'Afghanistan ou pour les Balkans. Ne faut-il pas prévoir une agence rattachée à ce ministre, lui permettant d'engager les moyens suffisants ? Il faut insister sur le fait que les moyens sont ridiculement faibles actuellement.

En ce qui concerne la guerre, continuité de la politique par d'autres moyens, je me réjouis que le rapport Barnier apporte une contribution positive. Mais je préférerais remplacer l'idée d'objectif par l'idée de critère, idée d'ailleurs qu'il a évoquée. C'est là encore un contrat avec des conditions, un peu comme les critères de l'euro, qui fonderont la PESC. Ces critères pourraient être l'effort de défense consenti par chaque pays, sa volonté de participer à un article 5 européen, sa participation à l'Agence européenne d'armement pour construire une industrie européenne d'armement, sa participation effective à la force militaire européenne ou encore son approbation du pacte de convergence.

L'efficacité en matière de PESC ne peut se contenter de vagues et grandes déclarations. Elle a besoin de la part de ceux qui la veulent d'un véritable engagement à construire une Europe puissante dans le monde.

SESSION PLENIERE DES 20 ET 21 JANVIER 2003

Intervention sur le fonctionnement des institutions de l'Union européenne

La réunification est une date historique et heureuse pour l'Europe et pour la paix. Mais l'Europe à vingt-cinq rend indispensable une réforme en profondeur, lisible pour le citoyen et sur la scène internationale. L'élargissement doit être l'aiguillon du changement dans l'audace, l'imagination et l'esprit de compromis. Nous ne réussirons que si nous n'imposons pas, chacun de notre côté, notre modèle constitutionnel national au niveau de l'Union et que nous respectons les équilibres du triangle. A cet effet, je salue l'accord franco-allemand intervenu la semaine dernière, très important dans l'esprit de compromis que j'évoquais. La Commission est renforcée, son pouvoir d'initiative est conforté, son indépendance est garantie et la stabilité de la présidence du Conseil, indispensable tant sur la scène internationale que vis-à-vis du citoyen, est également garantie. En outre, la création d'un Ministre européen des Affaires étrangères à double casquette répond à cette exigence puisqu'il présiderait le Conseil des Relations extérieures conformément aux propositions du groupe Dehaene. Cette logique devrait d'ailleurs être étendue à d'autres domaines tels que l'Union économique et monétaire ou la Justice et les Affaires intérieures. L'extension de la procédure de codécision va de paire avec la règle du vote à la majorité qualifiée au Conseil. La publicité des débats du Conseil dans sa formation législative permettra une transparence absolument indispensable du processus d'adoption des lois européennes.

Nous sentons bien depuis hier, d'autres l'ont dit avant moi, que nous sommes au coeur de nos débats. La méthode conventionnelle que vous défendez, Monsieur le Président, doit nous amener à chercher le consensus, à chercher à comprendre le point-de-vue des autres, sans a priori. C'est cela que je salue dans le progrès que constitue l'accord franco-allemand et dans ma contribution de septembre où précisément, je cherchais à rapprocher deux conceptions éloignées. Ma première option était très proche de cet accord. Toutefois, vous me le permettrez de rester attaché à ma deuxième option à terme, à savoir la présidence unique de l'Europe. Il est vrai qu'elle représente un saut conceptuel audacieux, trop audacieux aujourd'hui pour certains. Mais je ferais remarquer que nous faisons aujourd'hui ce saut conceptuel au niveau du Ministre européen des Affaires étrangères en lui confiant la double casquette. A ce stade de nos travaux, je pense donc qu'il ne faut pas écarter à terme la perspective d'un Président unique. Cette proposition est selon moi et comme l'ont dit Messieurs Dini, Duff, Barnier et Fini, entre autres, lisible pour le citoyen et forte pour l'Europe.

SESSION PLENIERE DES 27 ET 28 FÉVRIER 2003

Intervention sur le projet d'articles relatifs
aux valeurs et aux objectifs de l'Union européenne

Sur la crise internationale, je voudrais souligner mon total accord avec votre déclaration liminaire. Devant la division de l'Europe, les conventionnels doivent et peuvent tirer d'un mal un bien. Nous devons non pas baisser les bras, mais au contraire redoubler d'efforts pour donner une voix unique, un bras armé commun, une volonté commune à l'Europe.

L'opinion européenne jamais aussi sensibilisée qu'aujourd'hui sur le contexte international, ne comprendrait pas que l'on ne fasse pas ici le choix de l'ambition et ce, avant juin prochain. Prenons garde sinon de la sévérité avec laquelle l'opinion jugerait notre travail, qui s'ajouterait à la sévérité avec laquelle elle juge aujourd'hui la désunion européenne.

Sur notre sujet d'aujourd'hui, je voudrais vous dire, Monsieur le Président, mon soutien d'une part, aux éléments clés proposés par le praesidium que constituent les dispositions de l'article 1, relatives à la double souveraineté des Etats et des peuples d'Europe et à la gestion, sur le mode fédéral, de certaines compétences communes et d'autre part, sur la personnalité juridique unique.

Je proposerai quelques amendements. Il me paraît indispensable, comme l'a dit Dominique De Villepin, de maintenir dans le texte de la Constitution à l'article 1, les termes d'Union sans cesse plus étroite. Il me semble que revenir sur cette disposition, qui figurait dans le Traité de Rome, constituerait un signal négatif. Dans le même esprit, il me semble nécessaire d'inscrire à l'article 1, le principe de solidarité entre les Etats membres, qui constitue le fondement des politiques communes.

En second lieu, plusieurs de mes amendements visent à renforcer dans le texte les bases du projet de société. Je propose ainsi d'insérer le texte de la Charte au début de la Constitution pour plus de portée politique et symbolique. Je propose de renforcer les objectifs de l'Union en matière culturelle, en indiquant que l'Union favorise la diversité culturelle et linguistique.

Enfin, il convient de compléter les dispositions relatives aux objectifs de l'Union dans le monde en faisant expressément référence aux Droits de l'homme, à la diversité culturelle, à la préservation de l'environnement et des ressources naturelles.

Intervention sur le projet d'articles relatifs
à la politique étrangère et de sécurité commune

Nous avons souligné à plusieurs reprises qu'une grande majorité de nos concitoyens souhaitent, sur le plan international, que l'Europe parle d'une seule voix et agisse de façon conjointe. C'est, à mon avis, un des points clés de nos travaux, aussi bien sur la position de l'Europe sur la scène internationale que sur le sentiment même de citoyenneté européenne. Les citoyens européens n'auront l'impression d'être véritablement citoyens européens que si nous sommes capables de progresser dans cette voie. A cet égard, je dirais que la crise actuelle doit nous amener à ne pas baisser les bras mais à redoubler d'efforts.

Je voudrais donc dire que je soutiens pleinement la rédaction proposée par le praesidium quant au principe de compétence de l'Union dans le domaine de la politique étrangère prévu par l'article 10 et l'inclusion, dès le début de la Constitution, à l'article 14, du principe de solidarité qui lie les Etats membres dans ce domaine.

En ce qui concerne la défense, je pense qu'à l'article 10, il serait souhaitable de viser non seulement la définition progressive d'une politique de défense commune mais aussi sa mise en œuvre. En effet, très concrètement, nous ne sommes plus à la simple définition de la politique de défense. Nous sommes déjà passés, dans les Balkans, à la mise en œuvre de cette politique. La convergence des Etats membres dans le domaine de la politique étrangère ne peut être qu'un processus progressif. Mais il faut clairement indiquer la direction que nous souhaitons prendre ensemble et prévoir les mécanismes concrets favorisant cette convergence.

Dans cet esprit, les institutions constituent un facteur important. Le très large soutien qui existe au sein de la Convention pour instituer un ministre des Affaires étrangères de l'Union est un pas important. De même, une présidence stable du Conseil constituerait de ce point de vue un progrès essentiel. Dans le même esprit, j'ai proposé, et je crois que Monsieur Dehaene l'a retenu, de mettre en place un pacte de convergence qui fixerait progressivement les étapes du renforcement de la politique étrangère commune et les grandes lignes sur lesquelles nous pourrions nous mettre d'accord.

Enfin, je pense que l'on n'échappera pas à la nécessité de prévoir la possibilité concrète, pour les Etats membres, d'aller plus vite et plus loin dans ce domaine, comme l'a évoqué le groupe de travail de Monsieur Barnier. Comme nous l'avons fait dans le domaine monétaire, nous pourrions préciser les conditions, avec des critères précis de coopération renforcée dans le domaine de la défense.

Je conclurai en évoquant l'article 11 qui étend la compétence exclusive de l'Union en matière de politique commerciale commune aux accords conclus dans les domaines du commerce, des services culturels et audiovisuels, des services d'éducation ainsi que des services sociaux et de santé humaine. Je souhaite que ces matières continuent à relever du domaine des compétences partagées.

SESSION PLENIERE DES 17 ET 18 MARS 2003

Intervention sur le projet de protocole
sur le contrôle des principes de subsidiarité et de proportionnalité

Des progrès substantiels semblent d'ores et déjà acquis avec la confirmation du mécanisme d'alerte précoce, la transmission systématique aux parlements nationaux par la Commission de propositions législatives et des documents de consultation et une plus grande transparence des activités du Conseil, au moins dans sa formation législative. Toutefois, certains points me semblent devoir être précisés ou complétés. Ils ont déjà d'ailleurs été abordés.

S'agissant du mécanisme d'alerte précoce, en amont, la possibilité d'adresser un avis motivé sur le non-respect du principe de subsidiarité doit être reconnue à chaque chambre et non à chaque parlement national afin de tenir compte, comme vous l'avez dit vous-même, de la situation particulière des parlements bicaméraux. Bien entendu, le seuil d'un tiers devra alors s'entendre comme un tiers des chambres.

Dans cette phase de contrôle politique ex-ante, je ne suis pas favorable à l'instauration d'un carton rouge qui obligerait la Commission à retirer sa proposition législative. Cela me semble dangereux au regard de son droit d'initiative.

En ce qui concerne enfin le contrôle juridictionnel ex-post, il est essentiel que chaque chambre puisse directement saisir la Cour de justice comme le proposait clairement le groupe de travail dans son rapport final.

SESSION PLENIERE DES 3 ET 4 AVRIL 2003

Intervention sur le projet d'articles relatifs
à l'espace de liberté, de sécurité et de justice

Les projets d'articles qui nous sont proposés par le praesidium comportent des avancées majeures qui renforceront l'efficacité de l'Union en matière d'immigration, d'asile et de lutte contre la criminalité organisée. Des progrès substantiels sont d'ores et déjà acquis : adoption d'une structure institutionnelle unique, passage à la majorité qualifiée et à la codécision, adoption des instruments communautaires à la place de ceux inadaptés et inefficaces du troisième pilier.

S'agissant du parquet européen, il nous faut être plus volontaristes et nous inscrire dans un calendrier précis et contraignant. Je propose de reprendre la méthode utilisée pour le marché intérieur et la monnaie unique, en fixant une date buttoir dans la Constitution, cinq ans après son entrée en vigueur. Je suggère également de recourir à la majorité qualifiée pour réaliser ce saut qualitatif. L'Europe a besoin de visibilité et de crédibilité. La création d'un parquet européen y contribuera.

La justice et les affaires intérieures touchent directement à la protection des libertés publiques et concernent dès lors les parlements nationaux. La disparition des conventions du troisième pilier limitera considérablement leur intervention avec la suppression des procédures de ratification. C'est pourquoi je propose de créer un mécanisme spécifique établissant, sur le modèle de ce que nous prévoyons pour la subsidiarité, un droit d'alerte précoce lorsqu'une initiative législative paraît aller à l'encontre d'un droit fondamental. La création d'une commission mixte, composée de parlementaires européens et nationaux, chargée de contrôler Europol et le futur parquet européen me paraît également indispensable.

Enfin, je rejoins Monsieur Dominique de Villepin pour dire que sur l'intégration, l'Union doit prendre des responsabilités car il est évident qu'il y a un lien étroit entre la politique d'immigration, d'asile, de lutte contre la criminalité organisée et l'intégration.

Intervention sur le projet d'articles relatifs
aux finances de l'Union

Les projets d'articles présentés par le praesidium en matière budgétaire et financière permettent d'accomplir des progrès significatifs. Je ne reviendrai pas sur ceux sur lesquels vous avez indiqué d'assez larges consensus.

Pour autant, je ne suis pas satisfait de la rédaction de l'alinéa 1 de l'article 38 qui, selon moi, ne se démarque pas suffisamment du texte actuel du Traité. Ce que l'on nomme actuellement "ressources propres de l'Union européenne", ce ne sont pas de véritables ressources propres. Ce sont des contributions des Etats membres. Or, le principe du consentement à l'impôt est l'un des fondements de la démocratie.

L'instauration de véritables ressources propres européennes inclurait la possibilité, pour le Parlement européen, de participer à la procédure de décision sur les recettes en améliorant ainsi sa légitimité démocratique. Elle améliorerait la citoyenneté européenne en créant un lien direct entre les citoyens et le budget communautaire. Elle garantirait un meilleur respect du principe de subsidiarité en instaurant l'autonomie financière et la pleine responsabilité de chaque niveau de décision, y compris le niveau européen. L'instauration d'un impôt perçu directement sur les citoyens au profit de l'Europe permettrait à ceux-ci de s'interroger sur le coût et l'efficacité de l'Union européenne et d'exprimer leur satisfaction ou leur mécontentement lors des élections européennes.

Il doit toutefois être bien clair que la réforme du mode de financement de l'Union européenne ne doit pas avoir pour objectif d'accroître le volume global du budget. Ces deux questions sont totalement indépendantes et cette réforme ne pourra réussir que si le prélèvement perçu sur les citoyens reste globalement identique.

Par contre, je suis plus réservé sur certaines des conséquences des propositions visant à donner au Parlement européen le dernier mot en matière de dépenses. En cas de conflit entre les deux branches de l'autorité budgétaire, dans certains domaines, le dernier mot devrait revenir au Conseil, notamment en matière agricole.

L'Europe est la première puissance économique dans le monde. Il s'agit qu'à l'issue de cette Convention, elle devienne une puissance politique sur le plan interne comme sur le plan externe. Il n'y aura pas de puissance politique si après l'euro, nous n'avons pas d'autres sauts conceptuels tels que l'impôt européen et la coordination indispensable des politiques économiques.

SESSION PLENIERE DES 24 ET 25 AVRIL 2003

Intervention sur le projet d'articles relatifs
à la vie démocratique de l'Union

Au-delà des déclarations de principe, il faut donner un contenu à la citoyenneté européenne et le projet du praesidium va dans le bon sens. Il appelle cependant de ma part plusieurs observations générales et particulières.

Une observation générale. Plusieurs articles reprennent des dispositions de la Charte. C'est le cas de l'article 35 bis sur les partis politiques européens, une partie de l'article 36 bis sur la protection des données à caractère personnel et de l'article 37 sur le statut des Eglises et des organisations non confessionnelles -je précise que je reste attaché à la référence à notre patrimoine spirituel et religieux-. Je ne vois pas d'inconvénient à ce que ces articles précisent des principes énoncés dans la Charte à la condition toutefois que cela ne remette pas en cause le principe de l'intégration de la Charte dans le Traité constitutionnel avec la même valeur juridique que les autres dispositions du Traité.

Quelques observations particulières. A l'article 34, il devrait être fait expressément mention du rôle des partenaires sociaux qui constituent des acteurs importants dans une démocratie participative. L'article 35 bis devrait prévoir le respect par les partis politiques européens des valeurs démocratiques de l'Union et mentionner l'existence d'un statut des partis politiques européens adopté selon la procédure législative de l'Union. A l'article 36, il serait nécessaire de prévoir la publicité, non seulement des réunions, mais aussi des comptes-rendus, des débats du Conseil siégeant en formation législative. A l'article 37, il me semble important de préciser que les organisations philosophiques et non confessionnelles que respecte l'Union européenne ne doivent pas porter atteinte à l'intégrité de la personne humaine. En effet, il ne faudrait pas permettre à des organisations sectaires de se prévaloir de cette disposition pour justifier des activités parfois illégales et criminelles.

Je soulignerai pour conclure que la création d'un congrès -que l'on pourrait d'ailleurs selon moi appeler "convention" compte tenu de l'image positive de l'organisation dans laquelle nous siégeons-, composé de représentants du Parlement européen et des parlements nationaux, apporterait une réponse forte à la nécessité de renforcer la démocratie et le débat européen. Ce congrès, comme le propose Dominique de Villepin, pourrait d'ailleurs notamment aussi participer à la procédure de révision de la Constitution.

SESSION PLENIERE DES 15 ET 16 MAI 2003

Intervention sur le projet d'articles relatifs
à l'action extérieure et à la défense

J'approuve bien entendu les articles proposés par le praesidium sur l'action extérieure et la défense où se retrouvent l'ambition et l'équilibre des propositions des deux groupes de travail dont j'avais souligné la qualité des conclusions. Je propose cependant deux amendements de précision.

Le premier vise à limiter les consultations des autres Etats membres avant d'engager toute action extérieure nationale aux intérêts de l'Union préalablement définis.

Le deuxième vise à prévoir le déploiement à titre exceptionnel et comme ultime recours, ce qui n'est pas prévu, des moyens de la PESD au sein de l'Union s'il fallait les maintenir au moment de l'adhésion des pays de l'Europe du sud-est ou en cas de conflit très grave entre deux Etats membres.

Je propose par ailleurs plusieurs amendements de fond. L'un inscrit l'encouragement et la diversité culturelle dans les principes et les objectifs de l'action extérieure. En effet, il serait étonnant que le message de l'Europe au monde n'ait pas une dimension culturelle fondée sur la diversité et la richesse des cultures.

Ensuite, dans les principes et objectifs de son action extérieure, l'Union européenne doit affirmer sa volonté de construire des partenariats fondés sur l'équilibre des droits et obligations. Je fais notamment référence à la politique étrangère européenne qui doit s'inscrire dans le cadre d'un partenariat transatlantique équilibré, fondé sur le partage des charges mais aussi des responsabilités avec les Etats Unis au sein de l'Alliance atlantique dans le respect mutuel. Mais cette relation équilibrée tient d'abord, comme l'a dit Gianfranco Fini, à notre capacité propre à parler d'une seule voix et à construire une défense européenne commune. Je souscris dans ces domaines aux propositions du praesidium.

Pour parler d'une voix, il faut des mécanismes institutionnels comme le ministre des affaires étrangères européen unique, mais aussi une volonté commune. Et je propose donc, comme je l'avais déjà fait, Monsieur Dehaene, que les Etats membres s'engagent par un pacte de convergence inscrit dans le Traité constitutionnel à entreprendre une démarche de convergence de leurs politiques étrangères en utilisant pleinement la force de proposition et de médiation du ministre des affaires étrangères de l'Union pour que cet engagement des Etats membres soit gravé dans la Constitution. Il me semble regrettable qu'il ne l'ai pas été.

Intervention sur le projet d'articles relatifs
aux institutions de l'Union

Ne perdons pas de vue l'essentiel. Regardons le chemin que nous avons déjà parcouru ensemble à la Convention. Il faut le dire clairement: la Convention est déjà une réussite. Jamais une conférence intergouvernementale n'aurait abouti à ce que nous avons construit depuis quinze mois, jamais elle ne pourra être aussi efficace. La méthode conventionnelle est donc la seule qui puisse réussir. C'est pourquoi je soulignerai, comme d'autres l'ont fait pour commencer, combien notre responsabilité à nous conventionnels, est capitale. Nous n'avons pas le droit d'échouer au regard de la confiance qui nous est faite, des espoirs placés en nous. Il nous faut donc un vrai consensus le 20 juin pour éviter un blocage ultérieur qui constituerait un très grave préjudice pour l'Europe.

Je souscris à l'esprit général des propositions du praesidium, à savoir la clarification du rôle du Conseil européen avec la stabilité de sa présidence indispensable à l'extérieur comme à l'intérieur - si nous n'aboutissions pas sur ce point, ce serait un échec pour l'Europe et nous serions ridicules aux yeux des citoyens européens qui attendent cette réforme comme dans le monde -, le renforcement du Parlement européen comme colégislateur, la distinction des fonctions législatives et exécutives du Conseil des ministres, la création d'un forum ou d'une Convention - au passage je préfère ces dénominations qui me paraissent plus populaires que celles de congrès - pour avoir un débat annuel sur l'état de l'Union devant les représentants du Parlement européen et des parlements nationaux.

Je suis également partisan d'une Commission reserrée parce que la Commission ne représente pas les Etats mais promeut l'intérêt général européen. J'ai participé à des très nombreuses réunions sur le terrain, notamment au cours de ce dernier mois de mai très européen, avec des citoyens et notamment des jeunes. Pour eux, nous devrions consacrer la Commission comme gardienne de l'intérêt général européen, dans son rôle comme dans sa composition. En cédant à une représentation de chaque Etat, on consacrerait un comble et une immense chance manquée. J'ajoute, comme je l'ai dit ce matin à l'occasion d'un carton bleu, que nous aurons bien cette période transitoire qui devrait rassurer les inquiets. Mais, au terme de cette période, il nous faudra faire progresser l'Europe, en instaurant une proposition reserrée de la Commission et en s'inspirant peut-être de certaines propositions qui ont été faites par le Bénélux.

Pour ce qui concerne la présidence du Conseil des ministres, je crois nécessaire de rechercher un équilibre entre l'indispensable stabilité du Conseil européen et le nécessaire partage des responsabilités entre les différents Etats membres. J'ai déposé un amendement dans ce sens qui prévoit un mécanisme de présidence par équipe de trois pays pour une période de 18 mois.

J'ai la conviction qu'il nous faut faire preuve à la fois d'imagination et de pragmatisme pour atteindre l'efficacité et le consensus. C'est ce que nous avons fait en ce qui concerne le ministre européen unique des affaires étrangères. Compte tenu du débat contradictoire dans cette Convention sur la double présidence de la Commission et du Conseil, nous pourrions, afin de rapprocher les points de vue et de défendre une idée véritablement européenne, proposer au moins à terme une présidence unique de l'Union, comme l'ont exposé Lamberto Dini, Andrew Duff, Michel Barnier, Marco Follini, Antonio Tajani, René Van der Linden et d'autres. Je serais heureux, Monsieur le Président, que le Praesidium prenne en compte cette idée. Elle permettrait, selon moi, une grande visibilité, une simplicité de compréhension et une force sur la scène internationale comme sur la scène intérieure. Encore une fois, nous sommes régis depuis le 1er février 2003 par le Traité de Nice qui restera en vigueur jusqu'à la ratification de la Constitution. Nous pourrions proposer ce Président unique par exemple au terme de deux législatures. Ce serait faire déjà un pas en direction de ceux qui ont exprimé leur réserve quant à la double présidence.

Si l'on est frileux, si l'on s'arc-boute sur l'avantage de chaque institution ou chaque Etat, on tourne le dos à l'idéal de Monnet, de Schuman, de De Gasperi et on affaiblit l'Europe. Le mandat que l'on nous a donné est de construire une Europe forte et cohérente. Je souhaite qu'on aboutisse le 20 juin à une proposition forte de la Convention.

SESSION PLENIERE DES 30 ET 31 MAI 2003

Intervention sur le projet d'article relatif
aux coopérations renforcées

La coopération renforcée paraît concilier toutes les exigences puisqu'elle permet aux plus ambitieux d'aller de l'avant tout en préservant une unité institutionnelle de l'Union européenne et en préservant, pour les autres, la possibilité de rejoindre la coopération renforcée. L'euro a été une sorte de coopération renforcée qui s'est élargie et qui - j'en suis convaincu -, sera élargie dans l'avenir. C'est ce genre de procédure qu'il faut que nous étendions. Elle a été introduite dans le Traité d'Amsterdam pour éviter que les initiatives les plus audacieuses, comme celles qui ont conduit à l'euro ou à Schengen, ne se développent en dehors de l'Union. Pourtant, ce mécanisme d'apparence si pertinent n'a jusqu'à présent pas eu d'effets utiles parce que les Traités d'Amsterdam et de Nice l'ont étouffé sous un luxe de précautions, de complexités et, finalement, d'entraves.

J'approuve donc les articles proposés par le praesidium sur les coopérations renforcées parce qu'ils sont fondés sur un compromis équilibré, capable de rassembler les volontaires comme les réticents. Ces propositions simplifient et homogénéisent les procédures d'autorisation. Elles renforcent le rôle d'arbitre de la Commission et celui du Parlement européen. Elles éliminent ou clarifient des dispositions obscures et permettent de ne pas limiter leur champ d'action à des actes ponctuels. Elles autorisent la fixation de conditions objectives de participation permettant de garantir un haut niveau d'ambition mais aussi d'équité. Pour le seuil minimum, je suis favorable à ce que l'on fixe le nombre à huit, quel que soit le nombre d'Etats membres futurs de l'Union car il faut encourager et non décourager les coopérations renforcées. Encore une fois, le succès de l'euro est un exemple superbe de réussite et nous devons l'étendre.

Ces améliorations de procédure suffiront-elles à donner vie à un mécanisme qui, jusqu'à présent, est resté à l'état d'abstraction intelligente? Le risque qu'il ne serve pas me paraît moins grave que le risque d'une dissociation institutionnelle de l'Union européenne. Il faut, en effet, lever l'ambiguïté qui pèse depuis le début sur les coopérations renforcées. Elles constituent un instrument d'intégration progressive ouvert à tous les Etats membres à tout moment et elles sont le contraire d'une Europe à deux vitesses puisqu'elles représentent le moyen d'éviter la désintégration d'une Union hétérogène en deux Europes institutionnelles.

Intervention sur le projet d'articles relatifs
à la gouvernance économique européenne

Le projet global pour la Constitution européenne du praesidium contient quelques avancées sensibles mais il reste, comme l'ont dit un certain nombre de conventionnels avant moi, trop timide sur de nombreux sujets fondamentaux en matière de gouvernance économique et de fiscalité.

Premièrement, il faut, selon moi, renforcer le rôle d'arbitre de la Commission en transformant les recommandations de la Commission sur les GOPE (grandes orientations de politique économique) en propositions directes. C'est d'ailleurs le mode de décision habituel pour la quasi totalité des textes européens. Cela permettrait de donner un poids accru à la Commission pour faire respecter les règles et garantir la cohérence des politiques.

Deuxièmement, il faudrait faciliter la prise de décisions au sein de la zone euro. Dans le cadre actuel, seul le Conseil Ecofin est en mesure de prendre des décisions. Or, le mode le plus intégré de l'Union est le groupe euro. C'est la raison pour laquelle j'appuie la proposition de créer un Conseil Ecofin pour la zone euro, doté de pouvoirs de décision dans les domaines d'intérêts communs aux Etats participants. Mais c'est, selon moi, un progrès insuffisant. Je reste, conformément à la contribution que j'ai déposée, favorable à une inscription dans la Constitution de l'eurogroupe qui ne doit pas rester informel et à l'élection de son président pour deux ou trois ans par les ministres des Etats de la zone euro à la majorité.

Troisièmement, il faudrait donner à la zone euro les moyens d'exister sur la scène internationale. L'euro est aujourd'hui la monnaie la plus forte du monde, peut-être trop forte selon certains. Or, l'Europe ne tire pas tous les fruits sur le plan international de cette force, faute de s'exprimer d'une même voix. L'article concernant la représentation extérieure de l'euro va donc dans le bon sens. Toutefois, il n'est pas suffisamment précis. A qui confier ce rôle? Au président d'Ecofin, au président de l'eurogroupe ou à la Commission? Quelle que soit la solution retenue, il conviendra que le représentant de la zone euro dispose du temps nécessaire à la conduite de négociations internationales, comme c'est le cas dans le cadre de l'OMC. Cela inciterait, selon moi, à confier ce rôle à la Commission et, comme le proposait Messieurs Barnier ou Méndez de Vigo tout à l'heure, à un vice-président de la Commission, président du Conseil des ministres des affaires économiques.

Dans le domaine de la fiscalité, le projet de Constitution prévoit que l'unanimité demeure la règle, sauf pour la coopération administrative et la lutte contre la fraude fiscale. Cela n'est pas suffisant. Et je suis favorable à la proposition que j'avais exprimée dans ma contribution mais aussi à celle qui a été exprimée par le parti populaire européen d'un vote à la majorité qualifiée pour tous les impôts indirects qui ont un impact sur le bon fonctionnement du marché intérieur, au moins sur les pays de la zone euro.

Sur tous ces sujets, la Convention ne peut pas se permettre de faire des propositions trop timides. L'Europe doit avancer en matière de gouvernance économique au même rythme que sur le plan institutionnel.

Intervention sur le projet d'articles
des parties II et III du projet de traité constitutionnel

L'intégration de la Charte représente l'un des acquis les plus importants de la Convention. J'y reviens comme d'autres l'ont fait.

Les deux ambitions d'une Constitution sont d'organiser les pouvoirs et d'assurer la protection des droits fondamentaux. En inscrivant la Charte dans le corps même de notre projet, nous avons déjà atteint notre deuxième objectif. Combinée à l'adhésion de l'Union à la Convention européenne des droits de l'homme, cette consécration permettra à l'Europe d'affirmer ses valeurs. Son caractère juridiquement contraignant est d'autant plus indispensable que nous envisageons de permettre à l'Union de légiférer plus efficacement en matière pénale mais aussi d'asile et d'immigration. Je souhaite que nous tirions toutes les conséquences de ce choix au cours des débats qui vont suivre. Nous devons aller plus loin en ouvrant un peu plus l'accès des citoyens à la Cour de justice, en créant un véritable parquet européen et en garantissant le respect de la diversité culturelle au sein de l'Union.

Sur la politique étrangère, par contre, je regrette que le praesidium soit en recul par rapport à la proposition franco-allemande qui était audacieuse, notamment sur le vote à la majorité qualifiée. Je crois qu'il est dommage que nous soyons en recul par rapport aux propositions qui ont été faites au sein du groupe de travail de M. Hain auquel je participais.

Sur la diversité culturelle, veillons à être cohérents. Nous ne pouvons pas d'un côté proclamer le respect de la diversité culturelle et de l'autre, soumettre les accords relatifs au commerce des services culturels et audiovisuels, ainsi que les services d'éducation et de santé, aux règles de la politique commerciale commune qui sont soumises à des règles de la majorité qualifiée. Il ne s'agit pas là de marchandises comme les autres mais bien de ce qui constitue le cœur des identités nationales. C'est pourquoi il est essentiel de préserver dans ce domaine la règle de l'unanimité au Conseil.

Enfin, je me félicite bien entendu de l'inscription du sport dans la Constitution. Je voudrais, comme Monsieur Tajani, indiquer que je souhaiterais qu'on développe la dimension européenne du sport tout en sauvegardant ses caractéristiques nationales.

SESSION PLENIERE DES 5 ET 6 JUIN 2003

Intervention sur les projets d'articles relatifs
aux institutions de l'Union et à la définition de la majorité qualifiée

Je voudrais vous dire que, suite aux consultations qui ont eu lieu hier, notamment avec le groupe des parlementaires nationaux, j'ai l'impression que nos travaux progressent sensiblement. Il faut absolument qu'au sommet de Thessalonique, nous aboutissions à un texte unique qui marque une étape majeure sur la voie d'une union politique. Comme beaucoup, je suis très attaché à ce que nous ayons un texte sans option.

Parmi les points principaux qui me paraissent encore devoir être sensiblement renforcés, je voudrais citer quelques clés essentielles. Il s'agit tout d'abord des conditions de la prise de décision au sein du Conseil. Le principe de la généralisation de la majorité qualifiée doit aller au bout de sa logique et l'unanimité doit devenir véritablement exceptionnelle. Le veto dans une Europe à vingt-cinq, comme tout le monde le reconnaît, entraîne la paralysie. C'est pourquoi je soutiens à la fois le principe de double majorité proposé par le praesidium et par ailleurs, l'idée que dans les domaines sensibles, la Constitution prévoie la règle d'une majorité super qualifiée, comme l'ont dit Alain Lamassoure, Lamberto Dini ou Andrew Duff. Cette majorité pourrait correspondre à la règle des deux tiers des Etats, représentant au moins les trois quarts de la population de l'Union. A terme, le Conseil européen pourrait décider à l'unanimité de passer de la majorité super qualifiée à la majorité qualifiée.

Cette règle pourrait selon moi s'appliquer notamment au domaine de la politique étrangère. Il est en effet capital pour l'avenir que l'Union puisse avoir une capacité de décision dans ce domaine. Les dispositions prévues par le dernier projet du texte du praesidium ne me semble pas aller assez loin . La règle de la majorité super qualifiée permettrait peut-être de progresser dans ce domaine.

Le second domaine d'application de la majorité super qualifiée pourrait être le domaine fiscal. Dans mon intervention sur la gouvernance économique, j'avais insisté sur le fait qu'il faudrait que, dans certains domaines, notamment la fiscalité indirecte et la fiscalité des entreprises, nous puissions décider à la majorité. On pourrait adopter ce principe de majorité super qualifiée pour les domaines fiscaux.

La majorité super qualifiée pourrait être appliquée à la future décision du Conseil de mettre en place un parquet européen, le texte proposé jusqu'ici envisageant l'unanimité.

Enfin, il faudrait également se libérer de la règle de l'unanimité pour la révision constitutionnelle, qui devrait pouvoir être adoptée lorsque quatre cinquièmes des Etats représentant au moins trois quarts de la population de l'Union l'auraient ratifiée.

SESSION PLENIERE DES 11, 12 ET 13 JUIN 2003

Intervention sur le compromis présenté par le Praesidium de la Convention
sur les parties I et II du projet de traité constitutionnel

Je voudrais dire très fortement ma satisfaction pour le chemin que nous avons parcouru au cours de cette Convention et mon attachement à ce qu'on aboutisse à une proposition sans option. Je crois que c'est quelque chose qui a été répété, notamment dans le groupe des parlements nationaux. Je voudrais saluer le travail du praesidium tant sur le fond que sur la forme. J'ai trouvé que toutes les réunions que nous avons eues la semaine dernière ont été extrêmement positives pour permettre d'aboutir à un texte de consensus. Je voulais vous féliciter, collectivement et vous-même, Monsieur le Président, de ce travail extrêmement positif. Bien entendu, nous arrivons à un texte sur lequel personne ne peut être satisfait à 100 % par définition. Mais l'essentiel, c'est que l'Europe va franchir une étape décisive vers l'Union politique.

Je voudrais donc vous dire que je souscris à ce qui a été dit. Je crois qu'il faut que nous nous réunissions à nouveau pour parler de certains thèmes sur lesquels on a des améliorations à faire. Je crois, comme Michel Barnier l'a dit tout à l'heure qu'en matière de gouvernance économique, on peut peut-être aller plus loin. J'avais déposé une contribution en ce sens. Je voudrais insister sur le fait que je pense que la majorité qualifiée devrait progressivement remplacer la majorité super qualifiée en matière de politique extérieure et en matière de fiscalité liée au marché intérieur. Je voudrais également souligner l'importance de la question de la diversité culturelle qu'il faut promouvoir et qui est l'esprit même de notre union. C'est pourquoi je tiens à manifester très fortement le soutien à la règle de l'unanimité en ce qui concerne les biens culturels. Les biens culturels ne sont pas des marchandises et nous avons avec nous tout le milieu culturel qui est très concerné par ces questions.

Intervention sur le compromis présenté par le Praesidium de la Convention
sur les parties I et II du projet de traité constitutionnel

Je voudrais faire deux remarques d'ordre général. Je trouve qu'on voit bien que les débats tournent autour de la majorité qualifiée et de l'unanimité. Vous-même d'ailleurs, Monsieur le Président, aviez fait une remarque qui consistait à introduire l'idée de super majorité qualifiée, qui aurait permis de sortir de l'unanimité un certain nombre de sujets et de permettre quand même à ces sujets d'être traités à la majorité qualifiée mais à une super majorité qualifiée. Je vois notamment deux domaines où des améliorations sont possibles. Il s'agit bien sûr du domaine de la politique étrangère et de sécurité commune, mais aussi celui de l'harmonisation fiscale. Dans le domaine de l'harmonisation fiscale, ne peut-on pas aller plus loin à partir de l'idée d'une super majorité qualifiée.

Je trouve que l'on fait du très bon travail, ici, ensemble. Il me semble que les parlementaires nationaux ont apportés au débat beaucoup d'idées très européennes. Je ne crois pas qu'ils aient été les défenseurs de leurs corporations, de leurs parlements. Personnellement, j'aurai, au moment où se termine cette Convention, un grand regret, si je puis dire, comme le disait mon voisin Monsieur Lennmarker tout à l'heure. On ne se connaissait pas il y a un an et aujourd'hui, on se connaît. C'est à la fois bien sûr dans l'efficacité mais aussi dans l'affectif. Je le dis franchement. Je trouve dommage qu'on nous renvoie, nous parlementaires nationaux, après avoir travaillé pour l'Europe pendant un an et demi, en nous disant de rentrer dans nos pénates. En effet, je crois que nous pouvons continuer à apporter beaucoup dans le débat européen, notamment à travers l'idée d'une réunion qui pourrait se tenir une fois par an. Je pense qu'il est regrettable - et ce serait une grosse faute de la Convention - de ne pas avoir retenu l'idée de la possibilité pour nous de travailler ensemble avec les parlementaires européens, avec les commissaires comme ce fut le cas au cours de cette Convention. C'est avec un peu de nostalgie que j'ai dit cela, Monsieur le Président.

SESSION PLENIERE DU 4 JUILLET 2003

Intervention sur le projet d'articles
de la partie III du traité constitutionnel

Tout d'abord, je voudrais insister sur les symboles de l'Europe. Je crois que la citoyenneté européenne est étroitement liée aux symboles de l'Europe et je dirais, comme d'autres, que c'est extrêmement important. J'avais même envisagé que les sportifs dans les grandes compétitions aient sur leurs maillots à la fois le drapeau national et le drapeau européen pour bien faire sentir l'appartenance à la citoyenneté européenne. C'est donc dire que je regrette moi aussi qu'on ait retiré les symboles de l'Europe. Il me paraît essentiel de se servir du peu de temps qui reste à la Convention pour concentrer nos efforts sur quelques points clés. J'ai déposé des amendements dans ce sens. Je ne pourrai ici tous les évoquer. Je m'en tiendrai aux essentiels.

Tout d'abord, dans le domaine économique, la Convention, selon moi, a été trop timide. Si nous voulons réellement rendre les économies européennes plus cohérentes, plus efficaces, plus performantes, il faut donner à la Commission la possibilité de faire des propositions en ce qui concerne les GOPE et non plus de simples recommandations. Il faut passer à la majorité qualifiée dans le domaine de la fiscalité liée au marché intérieur et au moins le faire dans le domaine de la fiscalité indirecte. Il faut accroître la capacité décisionnelle de la zone euro, soit en officialisant, ce qui était ma préférence, l'euro-groupe comme structure de décision - je crois qu'une cohérence forte est très importante au niveau de l'attractivité de la zone euro- , soit en étendant, comme l'ont dit mes collègues Haenel, Duhamel ou Lamassoure, la liste des matières sur lesquelles seuls les Etats membres de la zone euro votent au Conseil Econfin.

Ensuite, il faut renforcer notre capacité commune à agir ensemble sur le plan international. Si nous le voulons vraiment, il faut aller plus loin en étendant davantage la procédure de la majorité qualifiée. Dans cet esprit, je propose que la règle de la majorité qualifiée s'applique dès lors qu'une décision est proposée au Conseil des ministres par le ministre des affaires étrangères.

En ce qui concerne le domaine culturel, je reste profondément convaincu, comme je l'ai indiqué à plusieurs reprises, qu'il est essentiel de promouvoir la diversité culturelle comme un des fondements de l'Union, comme l'est d'ailleurs la diversité linguistique. Par conséquent, au-delà des pétitions de principe, il faut se donner ensemble les moyens de promouvoir cette dimension culturelle de l'Union. C'est pourquoi il faut à la fois développer les moyens de l'Union dans ce domaine et préserver les systèmes nationaux d'aide à la création culturelle. C'est dans cet esprit que je suis partisan du maintien de la règle de l'unanimité pour les accords commerciaux internationaux concernant la culture ou l'éducation, qui ne sont évidemment pas de produits comme les autres.

Je pense qu'il faut être plus audacieux en ce qui concerne les règles de révision du futur Traité. Je propose donc, comme Dominique De Villepin, que si à l'issue d'un délai de deux ans à compter de la signature d'un Traité de révision de la Constitution, les quatre cinquièmes des Etats membres ont déjà ratifié cette révision constitutionnelle et que les autres Etats n'apparaissent pas en mesure de procéder à cette ratification, le Conseil européen statue à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission sur l'entrée en vigueur du Traité de révision.

Enfin, je me félicite que le sport ait été intégré clairement dans les compétences de l'Union mais je soutiens à ce propos les amendements déposés par plusieurs conventionnels, tendant à modifier le texte proposé pour l'article 3.177 afin d'y intégrer les dispositions de la déclaration sur le sport, annexée au Traité de Nice.

Je souhaite que nos débats d'aujourd'hui permettent encore d'avancer sur ces différents points clés et que le praesidium puisse ensuite améliorer dans ce sens le texte proposé.

J'en terminerai pour dire que je suis tout à fait partisan, suite au Sommet de Thessalonique, que nous continuions à jouer un rôle de veille sur cette Constitution qui a été le travail de seize mois de la Convention. On ne peut pas passer par pertes et profits un travail aussi intense et aussi important qui a été fait par la coopération des parlementaires européens, parlementaires nationaux, gouvernements et représentants de la Commission. Il serait impensable que nous ne continuions pas à jouer un rôle de vigilance. Le travail qui a été fait est une très bonne avancée pour l'Europe et par conséquent, je trouverais très dangereux que l'on commence à détricoter cette Constitution, et en tout à cas, à le faire sans notre coopération.

SESSION PLENIERE DES 9 ET 10 JUILLET 2003

Intervention sur le compromis présenté par le Praesidium de la Convention
sur la partie III du projet de traité constitutionnel

Nous voici au terme des travaux. Le praesidium vient de nous transmettre un nouveau projet pour la partie III et comme Monsieur Dini, je dirais que les modifications apportées aux textes de la semaine dernière restent en retrait par rapport aux attentes notamment sur les points clés que les représentants des parlements nationaux avaient émis. Mais je voudrais saluer la portée des avancées acquises, notamment dans les domaines de la politique étrangère et de la gouvernance économique.

Je voudrais faire plusieurs remarques et tout d'abord sur les symboles, que vous appelez les signes. C'est une affaire capitale. Nous avons élaboré cette Constitution. Nous allons avoir à ratifier l'entrée des dix nouveaux pays. Nous entrons dans une période où il va falloir expliquer cette Constitution aux citoyens et paradoxalement, nous renoncerions aux symboles qui sont ceux qui parleront aux citoyens. Les symboles, les signes sont quelque chose de très important pour la citoyenneté européenne. Je crois qu'il est absolument capital que nous décidions d'avoir un drapeau, un hymne, une journée - le 9 mai -. C'est ce qui parle aux citoyens. C'est ce qui fera que les citoyens se sentiront européens et c'est ce qui fera qu'ils adhéreront aux projets européens, aux ratifications que nous aurons à faire à la fois sur l'élargissement et sur la Constitution et bien sûr pour faire en sorte que la participation aux élections européennes soit forte.

En ce qui concerne l'exception culturelle, je regrette qu'à ce stade, le praesidium ne soit pas parvenu à une rédaction plus conforme à l'un des objectifs de l'Union qui est largement partagé ici et qui est de promouvoir la diversité culturelle sur notre continent qui a cette spécificité de la diversité culturelle.

Je voudrais rejoindre ce qu'a dit Monsieur Vitorino sur la recherche et la santé. Enfin, je voudrais conclure sur la CIG qui va s'ouvrir le 15 octobre. A côté des gouvernements, le Parlement européen et la Commission seront associés à ces travaux. Les parlementaires nationaux n'auront pas le moyen de continuer le travail si nous ne décidons pas, comme Monsieur Dini l'a proposé, de nous réunir tout au long de cette conférence intergouvernementale afin de faire une veille constructive. Je propose donc que la CIG adresse régulièrement aux membres de la Convention des rapports écrits sur l'état d'avancement des négociations. Vous avez rappelé tout à l'heure le travail énorme fait par la Convention. Je crois que vous avez cité vingt-six séances plénières et également de très nombreux groupes de travail. Je voudrais dire que les parlementaires nationaux ont été très nombreux à ne pas en manquer une, ce qui mettait à mal leur présence dans les circonscriptions qui, comme tout le monde sait, est le gage de leur réélection qu'ils mettent en péril. Je crois qu'il serait tout à fait injuste que les parlementaires nationaux ne soient pas associés et il serait scandaleux que les gouvernements décident de modifier sensiblement ce texte. Cela accroîtrait le caractère anti-démocratique de l'Europe. Ce sont les gouvernements qui ont voulu cette Convention, ce sont les gouvernements qui ont voulu que cette Convention associe tous les représentants des parlements européen et nationaux. Je crois qu'ils serait très dommageable pour l'image de l'Europe si l'on modifiait sensiblement le texte auquel nous aurons travaillé pendant seize mois.

Intervention conclusive lors de la session de clôture
de la Convention sur l'avenir de l'Europe

Tout d''abord un immense merci et un immense bravo à la Convention, à tous les conventionnels, au praesidium, à vos vice-présidents, au secrétariat et à vous-même Monsieur le Président, sans qui la Convention n'aurait jamais abouti à ce résultat remarquable.

Quel chemin parcouru. Cette nouvelle Constitution regardée avec scepticisme il y a seize mois. Cette nouvelle Constitution réussie, applaudie aujourd'hui. Cette nouvelle Constitution que nous allons signer tout à l'heure. Que les gouvernements mesurent bien à la fois l'avancée majeure qu'elle représente et l'équilibre délicat qu'elle contient. Nous sommes unanimes, parlementaires nationaux, à penser qu'il serait gravissime et irresponsable que l'immense travail de cette Convention, que les gouvernements ont voulue et à laquelle les gouvernements ont pleinement participé, soit demain remis en cause. Ce serait d'ailleurs donner un très mauvais signe à l'opinion, sur la forme comme sur le fond.

L'Europe a été construite par les pères fondateurs pour tourner à jamais les pages de guerre au cœur de l'Europe, pour assurer la paix sur notre continent par son union. L'élargissement du 1er mai 2004 est dans l'esprit de l'accomplissement de ce rêve. Notre Constitution affirme dans son Titre I article 3 que l'Union devra promouvoir ses valeurs et ses intérêts dans le monde et, dans cet esprit, notre Constitution ouvre la voie à une nouvelle ambition, qu'il faut avouer déçue ces derniers temps dans les faits, celle d'une Europe politique unique. L'Union est aujourd'hui un géant économique, commercial et monétaire et demain elle le sera plus encore. Toutefois, elle n'a pas conscience de la puissance politique qu'elle peut représenter dans le monde pour défendre ses valeurs et ses intérêts communs. Cette Constitution est historique parce qu'elle donne le moyen de faire cette Europe politique unie. Elle permet aussi que les signes ou les symboles de l'Europe que nous avons adoptés tout à l'heure sous les applaudissements de cette Convention soient respectés dans le monde et fassent la fierté des citoyens européens. Cette Constitution a l'énorme mérite d'accompagner ce rêve.

4. Amendements déposés

Les amendements présentés ci-après ont été déposés sur le fondement des propositions d'articles successivement présentés par le Præsidium de la Convention, qui ne correspondent ainsi pas nécessairement à la version définitive adoptée par la Convention.

Par ailleurs, ne sont répertoriés dans cette annexe que les amendements déposés à titre individuel. Les amendements collectifs et/ou ceux déposés à l'initiative des composantes politiques de la Convention peuvent être consultés sur le site Internet de la Convention : www.european-convention.eu.int

AMENDEMENTS DEPOSES PAR M. PIERRE LEQUILLER

PARTIE I DU PROJET DE TRAITE INSTITUANT UNE CONSTITUTION POUR L'EUROPE

TITRE I : DEFINITION ET OBJECTIFS DE L'UNION

· Article 1 : Etablissement de l'Union

- Au point 1, après les mots : « leur avenir commun », insérer les mots: « sur la base d'une union sans cesse plus étroite » ;

- Après le point 1., insérer le point 1. bis suivant :

"La devise de l'Union est [à compléter]. L'emblème de l'Union est le drapeau bleu frappé d'un cercle de douze étoiles d'or. L'hymne de l'Union est "l'Hymne à la joie" de Ludwig Van Beethoven. La monnaie de l'Union est l'euro. Le 9 mai, jour de l'Europe, est jour férié "

- Au point 2, remplacer les mots « respecte l'identité nationale de ses États membres. » par les mots : « est fondée sur un principe de solidarité entre ses États membres et respecte leur identité nationale, et notamment leur structure politique, constitutionnelle, y compris l'organisation des pouvoirs publics au niveau national, régional et local. »

Justification :

Au point 1, la référence à "Union sans cesse plus étroite" faisant actuellement partie intégrante des Traités, la supprimer constituerait un signal négatif vis-à-vis des citoyens européens.

La mention des symboles contribuera à donner une identité à l'Union aux yeux de ses citoyens, comme sur le plan international.

L'amendement présenté au point 2 vise à la fois à intégrer le principe de la solidarité entre les États membres, dans la Constitution - ce principe constitue un fondement essentiel de la construction européenne - et à mettre clairement en exergue que la responsabilité de l'organisation des pouvoirs publics de chaque État membre leur appartient en propre.

· Article 2 : Les valeurs de l'Union

Après le mot « démocratie, », insérer les mots : « de pluralisme, ».

Justification :

L'amendement vise à souligner l'importance du pluralisme- politique, médiatique, culturel- comme valeur de l'Union.

· Article 3 : Les objectifs de l'Union

- Au point 1., après les mots « le bien être des peuples » insérer les mots « en préservant l'acquis de la construction européenne » ;

- Au point 2, remplacer les mots « économique et sociale » par les mots « économique, sociale et territoriale »

- Au point 2., après les mots « les hommes et les femmes », insérer les mots «, la qualité du travail, la santé publique, la formation tout au long de la vie, »

- Au point 2., remplacer les mots « et la protection sociale. » par les mots « , un niveau élevé de protection sociale, la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et contre toute forme de discrimination et l'accès à des services d'intérêt général efficaces et de qualité. »

- Au point 3., remplacer les mots « culturelle respectée » par « culturelle et linguistique respectée et favorisée » ;

- Au point 4., après le mot « protection », insérer les mots : « des droits de l'homme et en particulier »

- Au point 4, après les mots « droit international, » insérer les mots « au maintien et au développement de la diversité culturelle, à la préservation de l'environnement et des ressources naturelles » ;

Justification :

La cohésion territoriale est au cœur des politiques communautaires et en particulier de la politique régionale. L'objectif de convergence du développement des territoires de l'Union doit être intégré dans la Constitution.

Les amendements au point 2 reprennent des objectifs importants mentionnés par les Traités actuels et des recommandations du groupe de travail sur l'Europe sociale.

Au point 3, la diversité linguistique étant un des fondements de l'identité européenne, sa promotion participe directement au projet qui rassemble les États membres.

L'amendement au point 4 se justifie par le fait que la protection et le développement des droits de l'homme participent dès à présent aux axes principaux de l'action de l'Europe dans le monde.

L'action internationale en faveur de la diversité culturelle, comme celle en faveur de la protection de l'environnement et des ressources naturelles (qui ne se confond pas avec le développement durable) constituent une des priorités de l'action de l'Europe dans le monde. Il ne serait pas concevable de revenir en arrière en ne les inscrivant pas dans la Constitution. Par ailleurs, ces objectifs sont mentionnés parmi les priorités internes de l'Union (point 2). TITRE I : LES COMPETENCES DE L'UNION

· Article 11 : Catégories de compétences

- Au point 3., après le mot « économique », insérer le mot « et sociale »

- Au point 4., après les mots « la définition » , insérer les mots « et la mise en œuvre ».

Justification :

Au point 3 : les débats à la Convention et les travaux du groupe social ont montré l'importance d'associer les dimensions économiques et sociales. D'ores et déjà ces deux volets sont étroitement associés dans les politiques de l'Union.

Au point 4 : après Saint-Malo, les Conseils européens de Cologne et de Laeken, les arrangements Union européenne-OTAN et la première opération militaire de gestion de crise de l'Union européenne en Macédoine, l'Union européenne a dépassé le stage exclusif de la définition progressive d'une politique de défense commune et a commencé à la mettre en œuvre.

· Article 12 : les compétences exclusives

- Au point 1, après les mots "la politique commerciale commune", insérer les mots "à l'exception des accords internationaux visés à l'article 12, paragraphe 4, dernier alinéa"

- Au point 1, après les mots : "adopté l'euro", rajouter l'alinéa" - les organisations communes de marché des produits agricoles couverts par la deuxième partie,"

- Au point 2, remplacer les mots "d'exercer sa compétence au niveau interne" par les mots "de réaliser l'un de ses objectifs".

- Après le point 2, rajouter l'alinéa suivant : "Le présent paragraphe ne s'applique pas à la conclusion des accords définis par l'article 12, paragraphe 4, dernier alinéa, comme relevant de la compétence partagée de l'Union et des États membres".

Justification :

Au point 1 : Il est indispensable de maintenir la compétence partagée entre l'Union et les États membres dans les accords visés par l'article 133, paragraphe 6, deuxième alinéa du TCE. Par ailleurs, les organisations communes de marché relèvent de la compétence exclusive de l'Union.

Au point 2, la compétence peut être exercée en l'absence d'accord international. Par contre la conclusion d'accords peut être en revanche nécessaire pour réaliser un des objectifs de l'Union.

L'existence d'un acte interne dans les domaines du commerce des services audiovisuels, culturels, d'éducation, de santé ou sociaux ne remet pas en cause la compétence partagée dans ces domaines, en particulier en ce qui concerne la compétence de conclure un accord international.

· Article 13 : les domaines de compétence partagée

Après le point 4, ajouter les alinéas suivants :

- les règles de concurrence ;

- la recherche et le développement technologique, l'espace ;

- la coopération au développement ;

- l'aide humanitaire ;

- les accords internationaux dans le domaine du commerce des services culturels et audiovisuels, des services d'éducation, ainsi que des services sociaux et de santé humaine et des accords concernant les aspects non commerciaux de la propriété intellectuelle.

Justification :

L'ensemble des domaines inclus par cet amendement fait à l'heure actuelle partie des domaines de compétence partagée.

· Article 14 : La coordination des politiques économiques et de l'emploi

- Dans le titre, et aux points 1. et 2., après le mot « économique », insérer les mots « et sociales ».

- Après le point 1, rajouter la phrase suivante : « Ces grandes orientations comportent des objectifs mesurables dans les domaines économiques, environnemental et social ».

Justification :

Les débats à la Convention et les travaux du groupe social ont montré l'importance d'associer les dimensions économiques et sociales. D'ores et déjà ces deux volets sont étroitement associés dans les politiques de l'Union.

L'amendement déposé après l le point 1 vise à permettre la mise en œuvre les engagements pris par l'Union et les États membres, dans le domaine du développement durable, au sommet de Johannesburg en septembre 2002.

· Article 15 : La politique étrangère et de sécurité commune

Avant la première phrase, insérer les alinéas suivants :

« Les objectifs de la politique étrangère et de sécurité commune sont :

- la promotion des valeurs et des objectifs communs définis aux articles 2 et 3 ;

- la sauvegarde des intérêts fondamentaux, de l'indépendance et de l'intégrité de l'Union, conformément aux principes de la charte des Nations Unies ;

- le renforcement de la sécurité de l'Union sous toutes ses formes ;

- le maintien de la paix et le renforcement de la sécurité internationale, conformément aux principes de la charte des Nations Unies , ainsi qu'aux principes de l' acte final de Helsinki et aux objectifs de la charte de Paris, y compris ceux relatifs aux frontières extérieures ;

- la promotion de la paix internationale ;

- le renforcement de la démocratie et de l'État de droit, ainsi que le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Justification :

Cet amendement introduit dans le traité les objectifs de la politique étrangère et de sécurité commune tels que le prévoit l'article 11 du TUE. Il serait peu compréhensible pour le lecteur de ne mentionner dans cet article 14 relatif à la PESC que la clause selon laquelle les États membres sont solidaires de cette politique, sans en avoir auparavant exposé le contenu.

· Article 16 : Les domaines d'action d'appui, de coordination ou de complément

- Dans le titre remplacer les mots « d'appui » par les mots « de coordination, de complément ou d'appui ».

- Au point 2., remplacer les mots "d'appui" par les mots « de coordination, de complément ou d'appui » ;

- Au point 2., rajouter l'alinéa suivant : - le tourisme

- Au point 4., après les mots « des États membres », rajouter les mots « , sauf exception prévue par la deuxième partie ».

Justification :

La formulation "d'appui" est trop restrictive comme l'avait montré les débats sur les conclusions du groupe de travail sur les compétences.

La formulation "d'appui" est trop restrictive comme l'avait montré les débats sur les conclusions du groupe de travail sur les compétences.

Le tourisme fait partie des domaines d'intérêt commun : l'Union doit pouvoir y contribuer par des action d'appui, de coordination ou de complément (elle y est d'ailleurs déjà actuellement engagée).

L'interdiction de toute harmonisation n'est expresse dans le TCE que pour certains des domaines concernés; Il peut en outre y avoir certains sujets pour lesquels une telle harmonisation peut être souhaitable (par exemple, s'agissant du sport, pour la lutte contre le dopage).

TITRE IV : LES INSTITUTIONS DE L'UNION

· Article 20 : Le Conseil européen

- Après le paragraphe 4, insérer le paragraphe suivant :

5. Le Conseil européen tient ses réunions dans l'un des pays de l'Union, par rotation semestrielle.

Justification :

Il s'agit par cet amendement de renforcer l'implication successive des États membres dans l'organisation des réunions du Conseil.

· Proposition d'article additionnel 21 bis sur la présidence de l'Union 

Le Président de l'Union

1 -  La présidence de l'Union est instaurée au terme de deux mandats du Parlement européen après l'entrée en vigueur de la Constitution de l'Union. Le Conseil européen peut décider, à l'unanimité, d'instaurer la présidence unique à une date anticipée. Le Conseil européen peut par ailleurs décider de ne pas instaurer la présidence unique au terme prévu, par une décision prise à la majorité des cinq sixième des États membres, représentant au moins les deux tiers de la population de l'Union.

2 - Afin de procéder à la désignation du Président de l'Union, un collège électoral parlementaire est constitué à la suite des élections au Parlement européen, composé de représentants du Parlement européen et des Parlements nationaux. Il est présidé par le Président du Parlement européen. Le total des membres de ce collège ne dépasse pas sept cents.

Le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, et compte tenu des élections au Parlement européen, propose au collège électoral un candidat à la fonction de Président de l'Union. Ce candidat est élu par le collège électoral à la majorité des membres qui le compose. Si ce candidat ne recueille pas la majorité, le Conseil européen propose, dans un délai d'un mois, et suivant la même procédure, un nouveau candidat au collège électoral.

Il peut être mis fin au mandat du Président de l'Union par décision conjointe du Conseil européen, statuant à la majorité des deux tiers de ses membres, représentant au moins les deux tiers de la population de l'Union et du Parlement européen, statuant à la majorité de ses membres. L'initiative de la procédure appartient à la fois au Conseil européen et au Parlement européen.

3 - Le Président de l'Union préside et anime les travaux du Conseil européen et en assure la préparation et la continuité. Il œuvre pour faciliter la cohésion et le consensus au sein du Conseil européen. Il présente au Parlement européen un rapport à la suite de chacune des réunions du Conseil européen.

4 - Le Président de l'Union assure à son niveau la représentation extérieure.

5 - Le Président de l'Union préside la Commission européenne. Il définit les orientations dans le cadre desquelles la Commission européenne exerce sa mission.

Article 23 : Les formations du Conseil

« La présidence du Conseil des Ministres est exercée conjointement par trois États membres par périodes successives de 18 mois, suivant une liste établie par le Conseil européen en tenant compte des équilibres politiques et géographiques européens et de la diversité de tous les États membres. Dans le cadre de cette présidence conjointe de 18 mois, la présidence du Conseil Affaires générales et celle du Conseil législatif sont exercées par un même État membre pour une période de 6 mois selon un principe de rotation entre les trois États membres exerçant la présidence conjointe. Les présidences des autres conseils sont attribuées, pour 18 mois, sur la base d'un accord entre les trois États membres, qui doit tenir compte des différents équilibres européens ».

Justification :

La présidence du Conseil des Ministres doit être plus stable et, dans le même temps, l'implication successive des États membres qui permet la rotation doit être maintenue.

Par ailleurs, il faut consacrer l'existence d'un Conseil législatif distinct et assurer la nécessaire fonction de coordination du Conseil. Il s'agit donc, par cet amendement, d'assurer à la présidence du Conseil des Ministres, à la fois, une plus grande stabilité que dans le système actuel, et par les présidences par équipe, de permettre l'implication successive des États membres. Il y aura au sein de la coprésidence, une présidence de la coprésidence pour une durée de 6 mois, assurant dans le même temps la présidence du CAG et du Conseil législatif, ce qui permet une bonne coordination du Conseil des Ministres pris dans son ensemble.

· Proposition d'article additionnel 23 bis sur l'Eurogroupe

« L'Eurogroupe réunit au niveau ministériel les représentants des États membres ayant adopté la monnaie unique. La présidence est attribuée pour une période de deux ans et demi par un accord à la majorité qualifiée des membres ».

Justification :

Il est indispensable d'assurer la stabilité de la présidence de l'Eurogroupe et d'officialiser son existence.

· Article 24 : La majorité qualifiée

Après le § 4 , ajouter :

« Pour la négociation et la conclusion d'un accord dans le domaine du commerce des services culturels et audiovisuels, des services d'éducation ainsi que des services sociaux et de santé humaine, le Conseil statue également à l'unanimité ».

Justification :

Compte tenu de la nature particulière du commerce dans les domaines des services culturels et audiovisuels, des services sociaux d'éducation et de santé humaine, les accords internationaux les concernant doivent continuer à relever de la compétence partagée et de la procédure de l'unanimité.

TITRE V : L'EXERCICE DES COMPETENCES DE L'UNION

· Amendement à l'intitulé du Titre V :

TITRE V : LES INSTRUMENTS JURIDIQUES DE L'UNION

Justification :

Le titre V portant sur les instruments juridiques utilisés par l'Union pour l'exercice de ses compétences, il est souhaitable, dans un souci de clarté, de faire coïncider l'intitulé du Titre avec son contenu.

· Article 32 : Les actes juridiques de l'Union

1. Dans l'exercice des compétences qui lui sont attribuées dans la Constitution, l'Union utilise comme instruments juridiques en conformité avec les dispositions de la Partie II, la loi organique européenne, la loi-cadre européenne, la loi européenne, le règlement européen, la décision européenne, les recommandations et les avis.

La loi organique européenne est un acte législatif qui établit les dispositions nécessaires au bon fonctionnement institutionnel de l'Union.

La loi-cadre européenne est un acte législatif qui lie tout État membre destinataire quant au Résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant au choix de la forme et des moyens.

La loi européenne est un acte législatif de portée générale. Elle est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre.

Le règlement européen est un acte non législatif exécutif de portée générale pour la mise en œuvre des actes législatifs et de certaines dispositions spécifiques de la Constitution. Il est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre.

La décision européenne est un acte non législatif exécutif qui est obligatoire dans tous ses éléments. Lorsqu'elle désigne des destinataires, elle n'est obligatoire que pour ceux-ci. Les recommandations et les avis adoptés par les institutions n'ont pas d'effet contraignant.

2. Lorsqu'ils sont saisis d'une proposition d'acte législatif, le Parlement européen et le Conseil s'abstiennent d'adopter des actes non prévus par la Constitution.

Justification :

L'introduction d'une nouvelle catégorie de « lois organiques européennes » vise à permettre l'adoption de dispositions relatives fonctionnement institutionnel de l'Union sans recourir à la règle de l'unanimité. Dans l'ordre juridique communautaire, ces lois organiques sont infra-constitutionnelles, mais supralégislatives, ce qui les soumet à une procédure d'adoption spécifique faisant notamment intervenir le Conseil européen et prévoyant le recours à une majorité qualifiée renforcée tant au Parlement européen qu'au Conseil des ministres.

Les règlements et les décisions européennes sont qualifiés d'actes exécutifs, de préférence à la dénomination d'actes « non législatifs ». Il est en effet préférable de définir positivement ces actes dont la nature est par essence exécutive, ce qui les distingue des lois organiques, des lois cadres et de lois européennes.

· Article 33 : Les actes législatifs

1. Les lois organiques, les lois-cadres et les lois européennes sont adoptées, sur proposition de la Commission, conjointement par le Parlement européen et le Conseil conformément aux modalités de la procédure législative visées à l'article X (deuxième partie de la Constitution). Si les deux institutions ne parviennent pas à un accord, l'acte en question n'est pas adopté.

Des dispositions spécifiques sont d'application pour les cas prévus à l'article Z (ex-troisième pilier)

2. Dans les cas spécifiques prévus par la Constitution, les lois et les lois-cadres européennes sont adoptées par le Conseil.

3. Lorsqu'ils statuent dans le cadre d'une procédure conduisant à l'adoption d'une loi organique européenne, d'une loi-cadre européenne ou d'une loi européenne, le Parlement européen et le Conseil siègent en public.

· Article 37 : Principes communs aux actes juridiques de l'Union

1. Lorsque la Constitution ne le stipule pas spécifiquement, les institutions décident, dans le respect des procédures applicables, du type d'acte à adopter dans chaque cas, selon le principe de proportionnalité visé à l'article 8.

2. Les lois organiques européennes, les lois-cadres européennes, les lois européennes, les règlements européens et les décisions européennes sont motivés et visent les propositions ou avis prévus par la présente Constitution.

· Article 38 : Publication et entrée en vigueur

1. Les lois organiques européennes, les lois-cadres européennes et les lois européennes, adoptées conformément à la procédure législative, sont signés par le Président du Parlement européen et par le Président du Conseil.

Dans les autres cas, elles sont signées par le Président du Conseil. Les lois organiques européennes, les lois-cadres européennes et les lois européennes sont publiées au Journal Officiel de l'Union européenne et entrent en vigueur à la date qu'elles fixent ou, à défaut, le vingtième jour suivant leur publication.

2. Les règlements européens de la Commission ou du Conseil et les décisions européennes lorsqu'elles n'indiquent pas de destinataire ou lorsqu'elles sont adressées à tous les États membres, sont publiés au Journal Officiel de l'Union européenne et entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le vingtième jour suivant leur publication.

3. Les autres décisions sont notifiées à leurs destinataires et prennent effet par cette notification.

· Article 39 : Dispositions particulières à la mise en œuvre de la politique étrangère et de sécurité commune

5. Les États membres se concertent au sein du Conseil et du Conseil européen sur toute question de politique étrangère et de sécurité présentant un intérêt général en vue de définir une approche commune. Avant d'entreprendre toute action sur la scène internationale ou tout engagement qui pourrait affecter les intérêts de l'Union préalablement définis, chaque État membre consulte les autres au sein du Conseil ou du Conseil européen. Les États membres assurent, par la convergence de leurs actions, que l'Union puisse faire valoir ses intérêts et valeurs sur la scène internationale. Les États membres sont solidaires entre eux.

Justification :

L'obligation de consulter les autres États membres avant d'entreprendre toute action sur la scène internationale ou tout engagement qui pourrait affecter les intérêts de l'Union doit se limiter aux intérêts préalablement définis par le Conseil européen ou, pour les intérêts non stratégiques, par le Conseil, afin d'éviter la paralysie des politiques nationales des États membres par un concept flou d'intérêt indéterminé de l'Union. Cette précision constituera également une incitation pour l'Union à définir clairement les intérêts communs à promouvoir par la PESC.

· Article 40 : Dispositions particulières à la mise en œuvre de la politique de sécurité et de défense commune

1. La politique de sécurité et de défense commune, qui fait partie intégrante de la politique étrangère et de sécurité commune, assure à l'Union une capacité opérationnelle s'appuyant sur des moyens militaires et civils. L'Union peut les déployer dans des missions en dehors de l'Union pour le maintien de la paix et le renforcement de la sécurité internationale conformément aux principes de la Charte des Nations Unies. A titre exceptionnel et comme ultime recours, l'Union peut également les déployer en son sein.

Justification :

Même si la politique de sécurité et de défense commune ne s'applique par définition qu'à des

missions en dehors de l'Union, il faut prévoir le cas où l'Union devrait maintenir provisoirement des forces militaires et civiles dans certaines régions appartenant à des États faisant leur entrée dans l'Union, comme ceux de l'Europe du Sud-Est. Il ne faut pas non plus écarter totalement l'hypothèse d'un conflit suffisamment grave entre deux États membres nécessitant la mise en place d'une force d'interposition pour apaiser les tensions.

Quelle serait la légitimité de l'Union à intervenir dans des crises extérieures aux yeux des pays tiers si elle ne pouvait pas régler elle-même ses éventuels conflits internes les plus graves et devait demander l'aide de forces extérieures pour des raisons juridiques ?

Enfin la règle du vote à l'unanimité au Conseil pour une mission de la PESD garantirait aux deux États membres en conflit que cette intervention serait impartiale et dictée par l'intérêt général européen.

TITRE VI : LA VIE DEMOCRATIQUE DE L'UNION

· Article 49 : Transparence des travaux des institutions de l'Union

1. Afin de promouvoir une bonne gouvernance, et d'assurer la participation de la société civile, les institutions de l'Union œuvrent dans le plus grand respect possible des principes d'ouverture et de transparence.

2. Le Parlement européen siège en public, ainsi que le Conseil lorsqu'il délibère sur une proposition législative intervient dans la procédure législative. Les comptes-rendus des débats sont rendus publics.

3. Toute citoyenne ou tout citoyen de l'Union ou toute personne physique ou morale résidant dans un Etat membre dispose d'un droit d'accès aux à l'ensemble des documents, quelle que soit la forme dans laquelle ils sont produits, du Parlement européen, du Conseil et de la, de la Commission et de la Banque centrale européenne, ainsi que des agences et organes créés par ces institutions. Les documents créateurs de droits sont disponibles dans toutes les langues officielles de l'Union européenne.

Justification :

Au point 1, il est souhaitable d'ajouter au principe d'ouverture celui de transparence qui est indissociable de la bonne gouvernance de l'Union.

Au point 2, il est indispensable que les sessions du Conseil, lorsque celui-ci siège en formation législative, fassent l'objet d'un compte rendu public afin d'assurer une véritable transparence et une large diffusion des débats, notamment auprès des Parlements nationaux.

Au point 3, les documents de l'ensemble des institutions faisant l'objet d'un droit d'accès, il faut mentionner explicitement la Banque centrale européenne. Par ailleurs, il paraît souhaitable de confirmer dans cette disposition que les actes créateurs de droits sont disponibles dans toutes les langues officielles de l'Union européenne, conformément au règlement n°1 de 1958 portant fixation du régime linguistique de la Communauté européenne.

· Article 51 : Statut des églises et des organisations non confessionnelles

1. L'Union européenne respecte également le statut des organisations philosophiques et non confessionnelles, dans la mesure où elles ne portent pas atteinte à l'intégrité de la personne humaine.

Justification :

Si l'Union européenne respecte le statut des organisations philosophiques et non confessionnelles, elle ne doit cependant pas cautionner les activités parfois illégales et criminelles de certaines sectes qui mettent en péril l'intégrité physique et psychique de la personne humaine.

· Projet d'article X du Titre VI sur le Congrès des peuples d'Europe (finalement écarté par le Præsidium de la Convention)

- Insérer le texte proposé par le présidium concernant le Congrès des Peuples de l'Europe dans le titre VI sur la vie démocratique de l'Union.

Justification :

L'instauration d'un forum parlementaire composé de représentants du Parlement européen et des parlements nationaux constituerait un approfondissement significatif de la vie démocratique de l'Union. Ce forum pourrait également jouer un rôle pour confirmer la nomination de hauts responsables de l'Union.

TITRE VII : LES FINANCES DE L'UNION

· Article 52 : Les principes budgétaires et financiers

Avant le point 1, insérer :

« Le budget de l'Union est, sans préjudice des autres recettes, intégralement financé par des ressources propres. Un impôt communautaire est substitué aux transferts des États membres, sans accroître la charge fiscale pesant sur les citoyens ».

Justification :

L'objectif visé est la transparence, la simplicité, un meilleur contrôle démocratique des institutions européennes et une plus grande sensibilisation des citoyens aux enjeux de la construction européenne.

PARTIE II DU PROJET DE TRAITE INSTITUANT UNE CONSTITUTION POUR L'EUROPE

(Charte des droits fondamentaux)

Reprendre le texte de la Charte dans une nouvelle "deuxième partie", insérée après la première, et supprimer les dispositions relatives aux droits fondamentaux, qui seraient redondantes avec la Charte, dans le présent titre II

Justification :

Cet amendement a pour objet d'intégrer la Charte en début du traité constitutionnel, conformément à l'option privilégiée par une large majorité du groupe de travail sur la Charte.

Cette option améliore la lisibilité du traité constitutionnel et exprime l'importance accordée par l'Union à la protection des droits fondamentaux.

Elle correspond aux solutions retenues par la plupart des Constitutions contemporaines et, en particulier, par la majorité des Constitutions des États membres, qui font figurer les garanties des droits fondamentaux dans le corps même et au début de leur Constitution (cf. articles 1er à 19 de la Loi fondamentale allemande, articles 1er à 54 de la Constitution italienne, articles 10 à 55 de la Constitution espagnole, articles 12 à 79 de la Constitution du Portugal, articles 1er à 23 de la Constitution néerlandaise, articles 9 à 31 de la Constitution luxembourgeoise, articles 4 à 24 de la Constitution belge, articles 4 à 25 de la Constitution grecque, articles 40 à 45 de la Constitution irlandaise, etc.). Cette inscription au début du traité constitutionnel prend ainsi mieux en compte les traditions constitutionnelles des Etats membres.

Si des procédures de révision différenciées devaient être prévues pour les différentes parties du Traité, la Charte devra en tout état de cause faire l'objet de la procédure de modification la plus solennelle, parce qu'assurer la garantie des droits fondamentaux participe au « noyau dur » de toute véritable Constitution (certaines d'entre elles excluent d'ailleurs toute révision des dispositions relatives aux droits fondamentaux - cf. art. 79 alinéa 3 de la Loi fondamentale allemande, par exemple).

NB : Dans la note en bas de page (1) de la note du secrétariat (CONV 528/03), il convient de préciser que ne devront pas être reprises toutes les adaptations rédactionnelles de la Charte mentionnées dans le rapport du groupe de travail, mais seulement certaines de ces adaptations.

PARTIE III DU PROJET DE TRAITE INSTITUANT UNE CONSTITUTION POUR L'EUROPE

(Les politiques et le fonctionnement de l'Union)

TITRE I : CLAUSES D'APPLICATION GENERALE

· Article III-6 : Services d'intérêt économique général

Sans préjudice des [ex-articles 73, 86 et 87], et eu égard à la place qu'occupent les services d'intérêt économique général en tant que services auxquels tous dans l'Union attribuent une valeur ainsi qu'au rôle qu'ils jouent dans la promotion de sa cohésion sociale et territoriale, l'Union et ses États membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d'application de la Constitution, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions qui leur permettent d'accomplir leurs missions. Ces services respectent notamment les principes d'adaptabilité, de qualité, de continuité, d'égalité d'accès et de traitement et, dans certains domaines, de gratuité.

TITRE III : POLITIQUES ET ACTIONS INTERNES

- Marché intérieur

· Article III-62

1. Une loi ou une loi-cadre européenne du Conseil établit les mesures touchant à l'harmonisation des législations relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, aux droits d'accises et autres impôts indirects pour autant que cette harmonisation soit nécessaire pour assurer le fonctionnement du marché intérieur et éviter les distorsions de concurrence. La loi ou la loi-cadre est adoptée à l'unanimité la majorité qualifiée après consultation du Parlement européen et du Comité économique et social.

· Article III-63

Lorsque les mesures relatives à la fiscalité directe concernent la coopération administrative, la lutte contre la fraude fiscale et l'évasion fiscale, le marché intérieur, les situations de discrimination, de double exonération ou de double imposition, le Conseil adopte, à la majorité qualifiée, une loi ou une loi-cadre établissant ces mesures, pour autant qu'elles soient nécessaires pour assurer le fonctionnement du marché intérieur.

La loi ou la loi-cadre est adoptée après consultation du Parlement européen et du Comité économique et social.

- Politique économique et monétaire

· Article III-71

2. Le Conseil, sur recommandation proposition de la Commission, élabore un projet pour les grandes orientations des politiques économiques des Etats membres et de l'Union et en fait rapport au Conseil européen.

· Article III-83 :

Article additionnel 

Article III-83 bis (nouveau)

"L'Eurogroupe réunit au niveau ministériel les représentations des États membres ayant adopté la monnaie unique. La présidence est attribuée pour une période de deux ans par un accord à la majorité qualifiée des membres".

- Politiques sectorielles

Environnement

· Article III-130

2. Par dérogation au paragraphe 1 et sans préjudice de [l'article III-62 (ex-95)], le Conseil, adopte à l'unanimité des lois ou des lois-cadres européennes établissant:

a) des mesures essentiellement de nature fiscale;

b) les mesures affectant:

i) l'aménagement du territoire;

ii) la gestion quantitative des ressources hydrauliques ou touchant directement ou indirectement la disponibilité desdites ressources;

iii) l'affectation des sols, à l'exception de la gestion des déchets;

c) les mesures affectant sensiblement le choix d'un État membre entre différentes sources d'énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique.

Le Conseil peut adopter, à l'unanimité, une décision européenne définissant les questions visées au présent paragraphe sur lesquelles il statue à la majorité qualifiée.

Dans tous les cas, le Conseil statue après consultation du Parlement européen, du Comité des régions et du Comité économique et social.

- Espace de liberté, de sécurité et de justice

Rôle des Parlements nationaux

· Article III-160

1. Les parlements nationaux peuvent participer aux mécanismes d'évaluation figurant à l'article 4 de la Constitution et sont associés au contrôle politique des activités d'Europol conformément à l'article 22 de la Constitution.

2. Par dérogation aux dispositions prévues dans le protocole sur le respect de l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, dans le cas où, au moins un quart des Parlements nationaux émettrait des avis motivés sur le non-respect du principe de subsidiarité par une proposition de la Commission présentée dans le cadre des chapitres 3 et 4 du présent titre, cette dernière est tenue de la réexaminer. A l'issue de ce réexamen, la Commission peut décider, soit de maintenir sa proposition, soit de la modifier, soit de la retirer. La présente disposition s'applique également aux initiatives émanant d'un groupe d'Etats membres conformément aux dispositions de l'article 8 du présent titre.

1. Les Parlements nationaux peuvent adresser aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission un avis motivé concernant la conformité d'une proposition législative de la Commission ou d'une initiative des Etats membres avec les aspects fondamentaux de leur droit pénal et civil national ou avec les droits fondamentaux garantis par le [titre I bis] de la présente Constitution.

Le Parlement européen, le Conseil et la Commission tiennent compte des avis motivés des Parlements nationaux. Dans le cas où au moins un tiers des chambres des Parlements nationaux émettraient des avis motivés sur le non-respect par une proposition de la Commission des droits fondamentaux ou des aspects fondamentaux de leur droit pénal et civil national, la Commission est tenue de réexaminer sa proposition. A l'issue de ce réexamen la Commission peut décider, soit de maintenir sa proposition, soit de la modifier, soit de la retirer. La Commission motive sa décision. La présente disposition s'applique également aux initiatives émanant d'un groupe d'Etats membres conformément aux dispositions de l'article 8 du présent titre.

2. Les Parlements nationaux sont consultés lors de la détermination, par le Conseil européen, des orientations stratégiques et des priorités de la politique européenne en matière de justice pénale.

3. Des conférences interparlementaires, composées de représentants des parlements nationaux et du parlement européen, sont tenues périodiquement sur les activités de l'Union dans le domaine de l'espace de sécurité, liberté et justice.

4. Les Parlements nationaux sont associés au mécanisme d'évaluation mutuelle existant dans le domaine de l'espace de sécurité, liberté et justice.

5. Une commission mixte, regroupant des membres des commissions compétentes des Parlements nationaux et du Parlement européen est étroitement associée au contrôle d'Europol et du parquet européen. »

Justification :

Cet amendement reprend les propositions formulées par le groupe de travail présidé par M. John Bruton, qui sont indispensables pour assurer la légitimité démocratique de l'Union :

- association des parlements nationaux à la définition des orientations stratégiques et des priorités de la politique européen en matière de justice pénale;

- recours aux conférences interparlementaires spécifiques proposées par le groupe de travail sur le rôle des parlements nationaux, qui permettrait de surmonter les blocages lorsque les divergences entre Etats membres font obstacle à un accord, comme cela s'est produit fréquemment lors des discussion de textes « JAI » ;

- association des parlements nationaux au dispositif d'évaluation mutuelle.

L'amendement reprend également, sous une forme étendue à la protection des droits fondamentaux et au droit civil, le droit d'alerte précoce spécifique évoqué dans le rapport (p.23), qui suggérait la création d'« un mécanisme similaire « d'alerte précoce » pour les cas où certains parlements nationaux estiment qu'une initiative va à l'encontre d'aspects fondamentaux du droit pénal national de leur Etats. L'activation de ce mécanisme pourrait entraîner des conséquences similaires à celles du mécanisme envisagé pour la subsidiarité [...] ».

Les questions relatives à l'espace de sécurité, liberté et justice présentent en effet une spécificité justifiant une procédure particulière, s'inspirant de celle prévue pour la subsidiarité, mais distincte :

- ce secteur touche, plus qu'aucun autre, à des droits constitutionnellement protégés, et se situe au cœur de la compétence des parlements nationaux : la protection des libertés publiques ;

- c'est, en outre, un domaine dans lequel le droit d'initiative de la Commission est partagé avec les Etats membres, et les initiatives des Etats membres, fondées sur leur propre agenda politique, ne prennent pas aussi bien en compte que la Commission la diversité des traditions constitutionnelles des Etats membres.

Cette option est préférable à celle consistant à retenir un seuil différent en matière de subsidiarité.

L'amendement prévoit la création d'une commission mixte (Parlement européen et Parlements nationaux) pour le contrôle d'Europol et du futur parquet européen, conformément à la proposition figurant dans la communication de la Commission sur le contrôle démocratique d'Europol (COM (2002) 95 final). Cette commission, dont la création a été suggérée par la conférence interparlementaire de La Haye des 7 et 8 juin 2001, figurait d'ailleurs dans le projet de rapport du groupe de travail « JAI », mais cette mention a été supprimée, sans qu'aucun débat n'ait eu lieu sur cette question au sein du groupe.

L'espace de sécurité, de liberté et de justice se situe au centre des compétences des Parlements nationaux et de la vie des citoyens européens. Les mesures adoptées dans ce domaine, en particulier en matière pénale, doivent faire l'objet d'un débat démocratique et transparent, aussi bien au niveau européen - les compétences du Parlement européen seront renforcées à cet effet - que national.

Dans ce secteur, des changements majeurs, aux conséquences importantes pour les Parlements nationaux, sont envisagés au sein de la Convention européenne :

- les conventions de l'actuel « troisième pilier » de l'Union européenne, couvrant la coopération judiciaire pénale et policière, vont être remplacées par des instruments de droit communautaire classique, non soumis à ratification ;

- les actuelles décisions-cadres et décisions, dépourvues d'effet direct, seront remplacées par les futures lois-cadres et lois, dotées d'effet direct dès leur entrée en vigueur ou à l'expiration de leur délai de transposition, sans qu'une intervention des Parlements nationaux ne soit nécessaire ;

- l'Union européenne sera dotée de la personnalité juridique internationale, et les accords négociés avec des pays tiers en matière pénale (extradition et entraide judiciaire) ou policière ne feront donc plus l'objet d'une autorisation parlementaire nationale avant d'être ratifiés.

Ces évolutions, dans un domaine aussi sensible et touchant profondément aux compétences des Parlements nationaux, doivent nécessairement s'accompagner d'un renforcement de leur rôle dans l'élaboration du droit de l'Union. La nature des compétences et des questions traitées par l'Union change en effet radicalement. Les politiques des Etats membres en matière criminelle, d'asile, et d'immigration se définissent, de plus en plus, à Bruxelles. Les questions qui sont abordées au cours de chaque session du Conseil « Justice et affaires intérieures » touchent ainsi au cœur des droits et de la vie de chaque citoyen et des compétences de leurs représentants :

- Faut-il, dans le cadre de la répression de l'exploitation sexuelle des enfants et de la pédopornographie, établir des échelles de peines différentes en fonction du consentement d'une victime mineure ?

- Peut-on accepter d'extrader une personne vers un Etat où elle risque d'être jugée par des juridictions militaires d'exception ?

- Faut-il prévoir un traitement différencié pour le trafic de certaines drogues en petites quantité ?

- Peut-on débouter automatiquement les demandeurs d'asile provenant de pays que l'on aura préalablement définis comme des « pays tiers sûrs » ?

Ces questions, quelle que soit la réponse qu'on leur apporte, doivent être débattues publiquement, dans la transparence, par des représentants élus et responsables devant leurs électeurs. C'est, en particulier, une condition indispensable pour l'élaboration du droit pénal dans une société démocratique, seule à même de conférer au principe de légalité des délits et des peines (« Nullum crimen, nulla poena sine lege ») toute sa portée.

Mécanismes d'évaluation

· Article III-161

Mécanisme d'évaluation

Sans préjudice des articles [226 à 228] du présent traité, le Conseil peut établir des modalités par lesquelles les Etats membres, en collaboration avec la Commission, procèdent à une évaluation objective et impartiale de la mise en œuvre par les autorités des Etats membres, des politiques de l'Union visées au présent titre.

Les systèmes judiciaires des Etats membre font l'objet d'une évaluation indépendante, aux fins de l'application du principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice.

Lorsque l'évaluation fait apparaître de sérieuses difficultés dans les conditions de mise en œuvre des politiques visées au présent titre, la Commission peut proposer l'adoption de mesures spécifiques visant à y remédier. Ces mesures peuvent prendre la forme d'une suspension temporaire des dispositions applicables en matière de reconnaissance mutuelle des décisions de justice, décidées par le Conseil à la majorité qualifiée. Ces mesures sont maintenues pendant la durée strictement nécessaire et sont levées dès que les difficultés constatées ont disparu. Lorsqu'il en est fait application de ces dispositions, le Conseil, sur la base de nouveaux rapports d'évaluation, examine tous les six mois, s'il y a lieu de prolonger les mesures de suspension, dans la perspective d'une levée rapide de celles-ci ».

Justification :

Cet amendement a pour objet de mettre en place un mécanisme d'évaluation spécifique de la qualité des systèmes judiciaires des Etats membres, afin de s'assurer que les garanties nécessaires pour la mise en œuvre de ce principe sont présentes et de consolider la confiance mutuelle. Il introduit également une clause de sauvegarde, permettant une suspension temporaire de la reconnaissance mutuelle en cas de sérieuses difficultés.

Coopération judiciaire en matière civile

· Article III-170

1) L'Union développe une coopération judiciaire en matière civile fondée sur le principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et extrajudiciaires, y compris les actes authentiques. Cette coopération inclut l'adoption des mesures de rapprochement des législations nationales susceptibles d'avoir une incidence transfrontalière.

2) A cet effet, le Parlement européen et le Conseil, conformément à la procédure législative, adoptent des lois et des lois-cadre visant entre autres à assurer :

- la reconnaissance mutuelle entre les Etats membres des décisions judiciaires et extrajudiciaires et leur exécution ;

- la signification et notification transfrontalières des actes judiciaires et extrajudiciaires ;

- la compatibilité des règles applicables dans les Etats membres en matière de conflit de lois et de compétence ;

- la coopération en matière d'obtention des preuves ;

- un niveau élevé d'accès à la justice ;

- le bon déroulement des procédures civiles, au besoin en favorisant la compatibilité des règles de procédure civile applicables dans les Etats membres ;

- le développement de mesures de justice préventive et de méthodes alternatives de résolution de litiges ;

- un soutien à la formation de magistrats et des personnels de justice.

3) Le Conseil, sur proposition de la Commission, adopte à l'unanimité des lois et des lois-cadre concernant le droit de la famille ; il statue après consultation du Parlement européen. Le Parlement européen et le Conseil, conformément à la procédure législative, adoptent des lois et des lois-cadre concernant la responsabilité parentale.

Justification :

Cet amendement a pour objet de donner une base juridique expresse pour la reconnaissance mutuelle des actes authentiques.

Parquet européen

· Article III-175

Amendements à la seconde version présentée par la Praesidium

1. Pour combattre la criminalité ayant une dimension transfrontalière, ainsi que les activités illégales portant atteinte aux intérêts de l'Union, une loi européenne du Conseil peut instituer un parquet européen est créé à partir d'Eurojust, par une loi européenne, au plus tard cinq ans après l'entrée en vigueur de la présente Constitution. Il statue à l'unanimité, après approbation du Parlement européen.

2. Le Parquet européen est compétent pour rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement, le cas échéant en liaison avec Europol, les auteurs et complices des crimes graves affectant plusieurs Etats membres, ainsi que des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union, tels que déterminées par la loi prévue au paragraphe 1. Il exerce devant les juridictions compétentes des Etats membres l'action publique relative à ces infractions. Il supervise les activités d'enquête d'Europol et de l'Office de lutte anti-fraude.

3. La loi européenne visée au paragraphe 1 fixe le statut du parquet européen, les conditions d'exercice de ses fonctions, les règles de procédure applicables à ses activités ainsi que celles gouvernant l'admissibilité des preuves et les règles applicables au contrôle juridictionnel des actes de procédure qu'il arrête dans l'exercice de ses fonctions. »

Justification :

L'institution d'un parquet européen est indispensable pour renforcer l'efficacité de la lutte contre la criminalité organisée. Le projet d'article, tel qu'il est actuellement rédigé, ne permettra pas de créer ce parquet européen, compte tenu de la règle de l'unanimité et du caractère facultatif de cette création. Il se situe dès lors en deçà des ambitions affirmées lors de la session plénière des 5 et 6 avril derniers. Au cours de ce débat, une majorité significative des conventionnels s'est en effet prononcée en faveur de l'instauration de ce parquet, tandis qu'une minorité s'y est opposée. Cet amendement propose un compromis raisonnable, tenant compte de ces oppositions.

Amendements à la première version présentée par la Praesidium

1. En vue de combattre les crimes graves ayant une dimension transfrontalière, ainsi que les activités illégales portant atteinte aux intérêts de l'Union, le Conseil, statuant à l'unanimité, après avis conforme du Parlement européen, peut adopter une loi européenne créant un parquet européen est créé au sein d'Eurojust, par le Conseil statuant à la majorité qualifiée, après avis conforme du Parlement européen, au plus tard cinq ans après l'entrée en vigueur de la présente Constitution. Le Parquet européen est compétent pour rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs et complices des crimes graves affectant plusieurs Etats membres, ainsi que des infractions aux intérêts financiers de l'Union, tels que déterminées par la loi prévue au paragraphe suivant. Il exerce devant les juridictions compétentes des Etats membres l'action publique relative à ces infractions. Il supervise les activités d'enquête d'Europol et de l'Office de lutte anti-fraude.

2. La loi visée au paragraphe précédent, adoptée par le Conseil statuant à la majorité qualifiée, après avis conforme du Parlement européen, fixe le statut du parquet européen, les conditions d'exercice de ses fonctions, les règles de procédure applicables à ses activités ainsi que celles gouvernant l'admissibilité des preuves et les règles applicables au contrôle juridictionnel des actes de procédure pris par le parquet européen dans l'exercice de ses fonctions.»

Justification :

La création d'un parquet européen est indispensable pour renforcer l'efficacité de la lutte contre la criminalité organisée. Les enquêtes concernant des réseaux transnationaux sont trop souvent réduites à néant, faute de centralisation des poursuites ou parce que les preuves recueillies dans un Etat membre ne sont pas recevables dans un autre. Ces difficultés seront accrues par l'élargissement.

Cette création permettrait d'accroître la visibilité et la crédibilité de l'Europe. Elle offre l'opportunité de montrer concrètement aux citoyens européens ce que peut apporter la construction européenne. A l'inverse, donner l'impression qu'un parquet européen a été créé, sans le faire, serait dangereux pour l'image de l'Union.

Un « saut qualitatif » est indispensable pour l'Europe de la justice. La Convention nous offre une occasion historique de le faire. Peut-on imaginer une Constitution sans de véritables institutions judiciaires ? Différer cette création serait la condamner sans appel, dans le contexte d'une Europe à vingt-cinq, voire au-delà.

Cet amendement propose de fixer un calendrier contraignant, avec une date butoir, pour la création d'un parquet européen, au lieu d'une simple clause d'habilitation qui ne permettrait cette création que dans un avenir très lointain.

Il prévoit également que cette création et la loi précisant le statut de ce parquet pourront être adoptées à la majorité qualifiée, et non à l'unanimité. Le vote à l'unanimité risquerait en effet de rendre impossible cette avancée.

- Domaines où l'Union peut décider de mener une action de coordination, de complément ou d'appui

Tourisme 

· Article III-180 bis

Article additionnel

Article III-180 bis (nouveau)

En matière de tourisme, l'Union veille à encourager la coopération entre les Etats membres et, si nécessaire, à appuyer leur action dans les domaines suivants :

- analyse et échanges de bonnes pratiques en matière de gouvernance et de savoir-faire technique;

- amélioration de la compétitivité par un développement durable;

- connaissance du poids économique du secteur.

Action extérieure de l'Union

Dispositions d'application générale

· Article III-193

1. L'action de l'Union sur la scène internationale repose sur [s'inspire] des principes qui ont présidé à sa création, à son développement et à son élargissement et qu'elle vise à promouvoir dans le reste du monde : la démocratie, l'État de droit, l'universalité, et l'indivisibilité des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine, les principes d'égalité et de solidarité et le respect du droit international conformément aux principes de la Charte des Nations Unies. L'Union s'efforce de développer des relations, et de construire des partenariats fondés sur l'équilibre des droits et des obligations avec les pays et avec les organisations régionales ou mondiales qui partagent ces valeurs. Elle favorise des solutions multilatérales aux problèmes communs, en particulier dans le cadre des Nations Unies.

2. L'Union européenne définit et mène des politiques communes et des actions de l'Union, et œuvre pour assurer un degré de coopération maximal dans tous les domaines des relations internationales afin de :

a) sauvegarder les valeurs de l'Union, les intérêts fondamentaux, l'indépendance et l'intégrité de l'Union ;

b) consolider et soutenir la démocratie, l'État de droit, les droits de l'homme et les principes du

droit international ;

c) préserver la paix, prévenir les conflits et renforcer la sécurité internationale, conformément aux principes de la Charte des Nations Unies ;

d) soutenir le développement économique et social durable des pays en voie de développement dans le but essentiel d'éradiquer la pauvreté, en particulier dans les pays à faible revenu ;

e) encourager l'intégration de tous les pays dans l'économie mondiale, y compris par la suppression progressive des obstacles au commerce international ;

f) élaborer des mesures internationales pour préserver et améliorer l'environnement et les

ressources naturelles mondiales, assurer un développement durable et favoriser la diversité culturelle ;

g) aider les populations, les pays et les régions confrontés à des catastrophes d'origine humaine ou naturelle ; et

h) promouvoir un système international basé sur une coopération multilatérale renforcée, et une bonne gouvernance mondiale.

3. L'Union veille à la cohérence entre les différents domaines de son action extérieure. Elle tient également compte des principes et objectifs énumérés ci-dessus dans l'élaboration et la mise en œuvre des aspects extérieurs des autres politiques de l'Union.

Justification :

1. L'Union européenne doit affirmer sa volonté de construire des partenariats fondés sur l'équilibre des droits et des obligations entre leurs membres, qu'elle y assume un rôle moteur comme dans le partenariat euro méditerranéen, ou que tel ne soit pas le cas, comme dans le partenariat transatlantique. En particulier, une politique étrangère autonome doit s'inscrire dans le cadre d'un partenariat transatlantique équilibré, fondé sur le partage des charges mais aussi des responsabilités avec les Etats-Unis au sein de l'Alliance atlantique, conformément à la conception du Président Kennedy qui envisageait une Europe politique plus unie non comme un rival, mais comme un partenaire appelé à constituer le deuxième pilier de l'Alliance.

2. L'Union européenne doit affirmer le principe selon lequel la mondialisation n'est pas un

processus d'effacement et d'uniformisation des cultures et qu'elle doit au contraire s'appuyer sur leur diversité et leur richesse pour développer le dialogue entre les peuples.

Après l'article III-194, insérer un article III-194 bis (nouveau) :

La convergence dans la politique étrangère et de sécurité commune

« Les Etats membres s'engagent à définir et à mettre en oeuvre un pacte de convergence de leurs politiques étrangères et de sécurité dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune. Dans un délai maximal de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur du Traité constitutionnel, ils procèdent, sur proposition du ministre des Affaires étrangères de l'Union européenne, à un examen complet du champ de la politique étrangère et de sécurité commune, afin de hiérarchiser les priorités et d'identifier les domaines où ils peuvent soit renforcer leur coopération soit mener une politique commune. Les programmes de convergence définissent les lignes directrices et les voies et moyens nécessaires à la mise en œuvre des propositions et établissent, le cas échéant, leur cohérence avec les autres domaines de l'action extérieure de l'Union européenne.

Le ministre des Affaires étrangères veille, au delà de ce délai, aux progrès de la convergence pour prendre en compte toute évolution. Il présente, chaque année, un rapport sur les progrès de la convergence au sein de la politique extérieure et de sécurité commune au Parlement européen et aux Parlements nationaux selon les modalités appropriées.

Le Conseil européen décide à l'unanimité de l'adoption des programmes de convergence, sur

proposition du ministre des Affaires étrangères après avis du Conseil des affaires étrangères. Le Conseil les met en œuvre en statuant à l'unanimité ou, si le Conseil européen en décide ainsi, à la majorité qualifiée, sauf pour les décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense. »

Justification :

Les divisions européennes lors de la crise irakienne ont montré la nécessité pour l'Union de définir une vision commune face aux grands défis du monde et aux crises internationales majeures. Elle permettrait en particulier à l'Union de mener avec son allié américain un dialogue équilibré dans lequel les deux partenaires pourraient s'influencer mutuellement et elle éviterait à l'Europe de se placer dans une position toujours réactive par rapport à la stratégie des Etats-Unis, n'aboutissant qu'à un choix inacceptable entre l'alignement ou l'affrontement.

Action extérieure de l'Union

Politique étrangère et de sécurité commune

· Article III-201

2. Par dérogation au paragraphe 1, le Conseil statue à la majorité qualifiée :

lorsque, sur la base d'une décision du Conseil européen portant sur les intérêts et objectifs stratégiques de l'Union, telle que définie à [l'article 2 paragraphe 1] de ce Titre, il adopte des décisions portant sur des actions et des positions de l'Union ;

lorsqu'il adopte une décision à l'initiative du Ministre des Affaires étrangères, suite à une demande du Conseil européen ;

lorsqu'il adopte toute décision mettant en œuvre une action ou une position de l'Union ;

lorsqu'il nomme un représentant spécial conformément à [l'article 11] de ce Chapitre.

Si un membre du Conseil déclare que, pour des raisons de politique nationale vitales et qu'il expose, il a l'intention de s'opposer à l'adoption d'une décision devant être prise à la majorité qualifiée, il n'est pas procédé au vote. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut demander que le Conseil européen soit saisi de la question en vue d'une décision à l'unanimité.

Politique de sécurité et de défense commune

· Article III-212

1. L'Agence européenne de l'armement, de la recherche et, du développement des capacités militaires et de l'armement, placée sous l'autorité du Conseil, contribue à la coordination des efforts entrepris par les Etats membres de même que dans le cadre de l'Union. Elle a notamment pour mission de:

a) contribuer à identifier les objectifs quantitatifs et qualitatifs de capacités militaires des États membres et à évaluer les progrès réalisés le respect des engagements de capacités souscrits par les États membres;

b) promouvoir une l'harmonisation des besoins opérationnels et l'adoption de méthodes d'acquisition performantes en termes de coût et compatibles;

c) proposer des projets multilatéraux pour remplir les objectifs en termes de capacités militaires, et assurer la coordination efficace des programmes exécutés par les États membres et la gestion de programmes de coopération spécifiques;

d) soutenir la recherche en matière de technologie de défense, coordonner et planifier contribuer à des activités de recherche conjointes et apporter sa contribution, en tant que de besoin, à la réalisation des objectifs et des programmes visés à l'article III-144 (PCRD). des études de solutions techniques répondant aux besoins opérationnels futurs;

e) contribuer à identifier, et le cas échéant mettre en œuvre, toute des mesures utile pour renforcer la base industrielle et technologique du secteur européen de la défense et pour améliorer l'efficacité des dépenses militaires.

f) contribuer à la définition progressive d'une politique européenne de l'armement et au développement d'un marché européen des équipements de défense, y compris par des recommandations sur les réglementations spécifiques applicables au secteur de l'armement.

2. L'Agence est ouverte à tous les États membres qui souhaitent y participer. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, adopte une décision définissant le statut, le siège et les modalités de fonctionnement de l'Agence. Ceux-ci doivent tenir compte du degré de participation effective dans les activités de l'Agence. Des groupes spécifiques sont constitués à l'intérieur de l'Agence rassemblant des États membres qui mènent des projets conjoints. L'Agence accomplit ses missions en liaison avec la Commission en tant que de besoin.

3. L'Agence accomplit ses missions en liaison avec la Commission en tant que de besoin. Le Conseil veille à la cohérence des activités de l'Agence avec celles des autres organes de l'Union.

Politique étrangère et de sécurité commune : dispositions financières

· Article III-215

1. Les dépenses administratives entraînées pour les institutions par les dispositions visées au présent chapitre sont à la charge du budget de l'Union.

2. Les dépenses opérationnelles entraînées par la mise en œuvre desdites dispositions sont également à la charge du budget de l'Union, à l'exception des dépenses afférentes à des opérations ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense et des cas où le Conseil en décide autrement à l'unanimité.

Quand une dépense n'est pas mise à la charge du budget de l'Union, elle est à la charge des États membres selon la clé du produit national brut, à moins que le Conseil, statuant à l'unanimité, n'en décide autrement. Pour ce qui est des dépenses afférentes à des opérations ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense, les États membres dont les représentants au Conseil ont fait une déclaration formelle au titre de [l'article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa], ne sont pas tenus de contribuer à leur financement.

2bis Par dérogation à l'article III-306 (procédure budgétaire annuelle), le ministre des affaires étrangères élabore le chapitre du projet de budget de l'Union relatif aux dépenses de la PESC, dans le respect du cadre financier pluriannuel. En cas de désaccord entre le Parlement et le Conseil à l'issue de la procédure budgétaire, le montant proposé par le ministre des affaires étrangères pour ces dépenses est inscrit au budget.

3. Une décision du Conseil établit les procédures spécifiques pour garantir l'accès rapide aux crédits du budget de l'Union destinés au financement d'urgence d'initiatives dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune et notamment aux activités préparatoires d'une missions visées à [l'article 32, paragraphe 1, partie I] de la Constitution.

Les activités préparatoires des missions visées à [l'article 32, paragraphe 1 de la Partie I] de la Constitution, qui ne sont pas mises à la charge du budget de l'Union, sont financées par un fonds de lancement, constitué de contributions des États membres

Le Conseil adopte à la majorité qualifiée sur proposition du Ministre des Affaires étrangères:

a) les modalités de l'institution et du financement du fonds, notamment les montants financiers alloués au fonds ainsi que les modalités de son remboursement;

b) les modalités de gestion du fond;

c) les modalités de contrôle financier.

Lorsqu'il envisage une mission visée à [l'article 32 paragraphe 1], de la Partie I de la Constitution, qui ne peut être mise à la charge du budget de l'Union, le Conseil autorise le Ministre des Affaires étrangères à utiliser ce fonds. Le Ministre des Affaires étrangères fait rapport au Conseil sur l'exécution de ce mandat. Politique commerciale commune

· Article III-216

En établissant une union douanière entre eux, les États membres entendent contribuer, conformément à l'intérêt commun, au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, et à la réduction des barrières douanières et autres.

· Article III-217

1. La politique commerciale commune est fondée sur des principes uniformes, notamment en ce qui concerne les modifications tarifaires, la conclusion d'accords tarifaires et commerciaux relatifs aux échanges de marchandises et services, et les aspects commerciaux de la propriété intellectuelle, les investissements étrangers directs, l'uniformisation des mesures de libération, la politique d'exportation, ainsi que les mesures de défense commerciale, dont celles à prendre en cas de dumping et de subventions. La politique commerciale commune est menée dans le cadre des principes et objectifs de l'action extérieure de l'Union, tels qu'énoncés dans l'article 1 du présent Titre.

[2 et 3 sans changements]

4. Pour la négociation et la conclusion d'un accord dans les domaines du commerce des services impliquant des déplacements des personnes et des aspects commerciaux de la propriété intellectuelle, le Conseil statue à l'unanimité lorsque cet accord comprend des dispositions pour lesquelles l'unanimité est requise pour l'adoption de règles internes. Le Conseil statue à l'unanimité pour la négociation et la conclusion d'un accord lorsque cet accord comprend des dispositions pour lesquelles l'unanimité est requise pour l'adoption de règles internes, ou lorsqu'un tel accord porte sur un domaine dans lequel l'Union n'a pas encore exercé, en adoptant des règles internes, ses compétences en vertu du présent traité.

5. L'exercice des compétences attribuées par le présent article dans le domaine de la politique commerciale n'affecte pas la délimitation des compétences entre l'Union et les États membres, et n'entraîne pas une harmonisation des dispositions législatives ou réglementaires des États membres dans la mesure où la Constitution exclut une telle harmonisation. Les accords qui comprennent des dispositions portant sur le commerce des services culturels et audiovisuels, des services d'éducation, ainsi que des services sociaux et de santé humaine relèvent de la compétence partagée entre l'Union et les Etats membres. Dès lors leur négociation et leur conclusion requièrent le commun accord des Etats membres.

Fonctionnement de l'Union

Commission européenne

· Article III-255

Rédiger ainsi l'article III- 255

Les délibérations du collège sont acquises à la majorité de ses membres. Le règlement intérieur fixe le quorum. Pour la mise en œuvre d'une décision dans le domaine de la politique étrangère commune qui relève de la compétence de la Commission, le Ministre est habilité à prendre, au nom de la Commission, toute initiative appropriée.

PARTIE IV DU PROJET DE TRAITE INSTITUANT UNE CONSTITUTION POUR L'EUROPE

(Dispositions générales et finales)

· Article IV-7 : Procédure de révision du traité instituant la Constitution

Amendements à la seconde version présentée par la Praesidium

4. Si à l'issue d'un délai de deux ans à compter de la signature du traité modifiant le traité instituant la Constitution, les quatre-cinquièmes des États membres ont ratifié ledit traité et qu'un ou plusieurs États membres ont rencontré des difficultés pour procéder à ladite ratification, le Conseil européen statue à la majorité qualifiée, sur proposition de la Commission, sur l'entrée en vigueur du traité de révision et sur le retrait des Etats membres qui n'ont pas procédé à sa ratification se saisit de la question.

Amendements à la première version présentée par la Præsidium

Le gouvernement de tout Etat membre, le Parlement européen, ou la Commission, le Comité économique et social ou le Comité des régions peut soumettre au Conseil des projets tendant à la révision du Traité constitutionnel. Ces projets sont notifiés aux Parlements nationaux. La procédure est différente selon que les projets de révision concernent les parties I, II ou III du Traité constitutionnel ou les protocoles annexés au présent traité.

Les modifications aux parties I, III et aux protocoles peuvent être préparées par une Convention, convoquée pour une durée limitée, et dont la composition est définie par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, également compétent pour en désigner le Président. La Convention réunit des représentants des gouvernements, du Parlement européen, de la Commission et des Parlements nationaux. La Cour de Justice, la Cour des comptes, le Comité économique et social, le Comité des régions et le Médiateur sont représentés avec le statut d'observateur.

Au terme des travaux de la Convention, si le Conseil, après avoir consulté le Parlement européen et, le cas échéant, la Commission, émet un avis favorable à la réunion d'une conférence des représentants des gouvernements des Etats membres, celle-ci est convoquée par le président du Conseil en vue d'arrêter d'un commun accord les modifications à apporter au Traité constitutionnel. Dans le cas de modifications institutionnelles dans le domaine monétaire, le Conseil de la Banque centrale européenne est également consulté.

Les modifications aux parties I, III et aux protocoles entreront en vigueur après avoir été ratifiées par tous les Etats membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.

Les modifications apportées à la partie II du présent traité sont rédigées par une Convention convoquée à cet effet, pour une durée limitée, par le Conseil qui en fixe les règles de composition et en désigne le Président. La Convention réunit des représentants des gouvernements, du Parlement européen, de la Commission et des Parlements nationaux. La Cour de Justice, la Cour des comptes, le Comité économique et social, le Comité des régions et le Médiateur sont représentés avec le statut d'observateur.

Le Conseil, après avoir consulté le Parlement européen et, le cas échéant, la Commission, adopte à la majorité qualifiée les amendements proposés par la Convention, le cas échéant après les avoir modifiés.

Les amendements à la partie II entreront en vigueur après avoir été ratifiés par 4/5e Etats membres, représentant 4/5e de la population de l'Union, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.

Justification :

Aucune raison ne justifie de limiter le droit d'initiative d'une révision du Traité constitutionnel aux seuls gouvernements nationaux et à la Commission. Il est donc souhaitable d'étendre cette possibilité, non seulement au Parlement européen mais également au Comité économique et social et au Comité des régions, susceptibles de relayer les préoccupations des citoyens de l'Union.

Si toutes les dispositions du Traité constitutionnel auront la même valeur juridique (y compris les protocoles ainsi que la Charte des droits fondamentaux, indépendamment de son emplacement dans le Traité constitutionnel), il est souhaitable d'introduire deux procédures de révision : l'une contraignante pour les parties I, III et les protocoles et l'autre plus légère pour les modifications apportées à la partie II.

En effet, dans une Union élargie, l'exigence de l'unanimité risque de paralyser toute évolution du traité constitutionnel. L'amendement déposé vise à ainsi à distinguer :

- Une procédure de révision « lourde » pour les parties I, III et les protocoles prévoyant la possibilité (et non l'obligation) de convoquer une Convention pour préparer la Conférence intergouvernementale. La composition précise de cette Convention doit être laissée, au cas par cas, à la discrétion du Conseil. La Constitution doit cependant prévoir une représentation des différentes institutions mentionnées. L'exigence de l'unanimité doit être maintenue pour l'entrée en vigueur des modifications apportées.

- Une procédure de révision plus légère pour la partie II, confiant systématiquement à une Convention le soin de rédiger les propositions de modifications, sans qu'il soit nécessaire de convoquer une Conférence intergouvernementale. Dans le schéma proposé, c'est au Conseil qu'il appartiendra de se prononcer sur les propositions de cette Convention, à la majorité qualifiée. Pour entrer en vigueur, les modifications envisagées devront avoir été ratifiées par 4/5e des Etats représentant 4/5e de la population. Cette majorité « superqualifiée » permet ainsi d'éviter qu'un très faible nombre d'Etats puisse bloquer une révision constitutionnelle approuvée par tous les autres.

· PROTOCOLE SUR LE ROLE DES PARLEMENTS NATIONAUX DANS L'UNION EUROPEENNE

LES HAUTES PARTIES CONTRACTANTES,

RAPPELANT que la manière dont les différents Parlements nationaux exercent le contrôle sur leur propre gouvernement pour ce qui touche aux activités de l'Union relève de l'organisation et de la Pratique constitutionnelles propres à chaque État membre, et soulignant l'adoption par la XVIIIe COSAC de Bruxelles du 27 janvier 2003 de normes minimales indicatives permettant aux Parlements nationaux de suivre et de contrôler la politique européenne de leurs gouvernements respectifs ;

DÉSIREUSES, cependant, d'encourager une participation accrue des Parlements nationaux aux activités de l'Union européenne et de renforcer leur capacité à exprimer leur point de vue sur les questions qui peuvent présenter pour eux un intérêt particulier,

ONT ADOPTÉ les dispositions ci-après, qui sont annexées à la Constitution:

I. Informations destinées aux Parlements nationaux des États membres

1. La Commission envoie toutes ses propositions législatives directement aux Parlements nationaux des États membres en même temps qu'au Parlement européen et au Conseil.

2. Tous les documents de consultation de la Commission (livres verts, livres blancs et communications) sont transmis directement par la Commission aux Parlements nationaux des États membres.

3. Les Parlements nationaux des États membres peuvent adresser aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission un avis motivé concernant la conformité d'une proposition législative de la Commission avec le principe de subsidiarité, selon la procédure prévue dans le Protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

4. Un délai de six semaines s'écoule entre le moment où une proposition législative est mise par la Commission à la disposition du Parlement européen, du Conseil et des Parlements nationaux des États membres dans leurs langues et la date à laquelle elle est inscrite à l'ordre du jour du Conseil en vue de son adoption ou de l'adoption d'une position dans le cadre de la procédure législative prévue à l'article [X dans la Partie II du traité instituant une constitution pour l'Europe], des exceptions étant possibles pour des raisons d'extrême urgence, dont les motifs doivent être exposés dans l'acte ou la position commune. Afin de permettre aux Parlements nationaux d'exercer leur contrôle, un délai raisonnable doit s'écouler entre l'examen d'une proposition législative par le COREPER et l'adoption d'une position commune par le Conseil.

5. Les ordres du jour et les résultats des sessions du Conseil sont communiqués directement aux Parlements nationaux des États membres, dès leur établissement par le Secrétariat général du Conseil. Les gouvernements des pays membres s'efforcent d'établir, pour leurs parlements nationaux respectifs, un matériel d'information claire et facilement lisible concernant les propositions législatives européennes.

6. La Commission envoie adresse directement aux Parlements nationaux des États membres à titre d'information tout instrument de programmation législative ou de stratégie politique qu'elle présenterait au Parlement européen et au Conseil, en même temps qu'à ces institutions.

7. La Cour des comptes envoie adresse directement à titre d'information son rapport annuel aux Parlements nationaux des États membres en même temps qu'au Parlement européen et au Conseil.

8. Le Parlement européen examine avec les et les parlements nationaux comment promouvoir encouragent de façon efficace la coopération inter-parlementaire au sein de l'Union européenne.

9. La Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires, instituée les 16 et 17 novembre 1989, peut soumettre toute contribution qu'elle juge appropriée à l'attention du Parlement européen, du Conseil et de la Commission. De telles contributions ne lient en rien les Parlements nationaux ni ne préjugent leur position. L'institution destinataire d'une contribution est tenue d'y répondre dans un délai de trois mois.

Après le point 9., ajouter un II. ainsi rédigé :

« II. Rôle des Parlements nationaux en ce qui concerne l'espace de sécurité, liberté et justice

10. Les Parlements nationaux peuvent adresser aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission un avis motivé concernant la conformité d'une proposition législative de la Commission ou d'une initiative des Etats membres avec les aspects fondamentaux de leur droit pénal et civil national ou avec les droits fondamentaux garantis par le [titre I bis] de la présente Constitution.

11. Les Parlements nationaux sont consultés lors de la détermination, par le Conseil européen, des orientations stratégiques et des priorités de la politique européenne en matière de justice pénale.

12. Des conférences interparlementaires sont tenues périodiquement sur les activités de l'Union dans le domaine de l'espace de sécurité, liberté et justice.

13. Les Parlements nationaux sont associés au mécanisme d'évaluation mutuelle existant dans le domaine de l'espace de sécurité, liberté et justice.

14. Une commission mixte, regroupant des membres des commissions compétentes des Parlements nationaux et du Parlement européen est étroitement associée au contrôle d'Europol et du parquet européen. »

Justification :

Les règles minimales indicatives adoptées le 27 janvier 2003 par la XVIIIe COSAC de Bruxelles constituent une source importante quant aux critères du contrôle exercé par les Parlements nationaux sur les affaires européennes. A ce titre, il est souhaitable d'y faire référence dans le présent protocole.

Les points 1 et 2 ont été inversés afin de tenir compte de la hiérarchie entre les actes juridiquement contraignants (propositions législatives) et les documents de consultation.

Il est nécessaire qu'un délai raisonnable s'écoule entre l'examen d'une proposition législative par le COREPER et l'adoption d'une position commune par le Conseil afin que les Parlements nationaux puissent tenir compte de l'évolution des négociations dans l'élaboration de leur position.

Afin d'être utiles aux Parlements nationaux, les ordres du jour et les résultats des sessions du Conseil doivent leur être adressés suffisamment à temps. En outre, il est souhaitable que les Parlements nationaux soient régulièrement tenus informés des positions défendues par leurs gouvernements respectifs ainsi que de l'évolution des négociations, pour se prononcer en connaissance de cause sur les propositions législatives européennes qui sont soumises à leur examen.

L'obligation pour une institution destinataire de répondre à une contribution de la COSAC dans un délai de trois mois permet de s'assurer que de telles contributions feront l'objet d'un examen par leurs destinataires.

L'espace de sécurité, de liberté et de justice se situe au centre des compétences des Parlements nationaux et de la vie des citoyens européens. Les mesures adoptées dans ce domaine, en particulier en matière pénale, doivent faire l'objet d'un débat démocratique et transparent, aussi bien au niveau européen - les compétences du Parlement européen seront renforcées à cet effet - que national.

Dans ce secteur, des changements majeurs, aux conséquences importantes pour les Parlements nationaux, sont envisagés au sein de la Convention européenne :

- les conventions de l'actuel « troisième pilier » de l'Union européenne, couvrant la coopération judiciaire pénale et policière, vont être remplacées par des instruments de droit communautaire classique, non soumis à ratification ;

- les actuelles décisions-cadres et décisions, dépourvues d'effet direct, seront remplacées par les futures lois-cadres et lois, dotées d'effet direct dès leur entrée en vigueur ou à l'expiration de leur délai de transposition, sans qu'une intervention des Parlements nationaux ne soit nécessaire ;

- l'Union européenne sera dotée de la personnalité juridique internationale, et les accords négociés avec des pays tiers en matière pénale (extradition et entraide judiciaire) ou policière ne feront donc plus l'objet d'une autorisation parlementaire nationale avant d'être ratifiés.

Ces évolutions, dans un domaine aussi sensible et touchant profondément aux compétences des Parlements nationaux, doivent nécessairement s'accompagner d'un renforcement de leur rôle dans l'élaboration du droit de l'Union.

La nature des compétences et des questions traitées par l'Union change en effet radicalement. Les politiques des Etats membres en matière criminelle, d'asile, et d'immigration se définissent, de plus en plus, à Bruxelles. Les questions qui sont abordées au cours de chaque session du Conseil « Justice et affaires intérieures » touchent ainsi au cœur des droits et de la vie de chaque citoyen et des compétences de leurs représentants :

- Faut-il, dans le cadre de la répression de l'exploitation sexuelle des enfants et de la pédopornographie, établir des échelles de peines différentes en fonction du consentement d'une victime mineure ?

-Peut-on accepter d'extrader une personne vers un Etat où elle risque d'être jugée par des juridictions d'exception ?

- Faut-il prévoir un traitement différencié pour le trafic de certaines drogues en petites quantité ?

- Peut-on débouter automatiquement les demandeurs d'asile provenant de pays que l'on aura préalablement définis comme des « pays tiers sûrs » ?

Ces questions, quelle que soit la réponse qu'on leur apporte, doivent être débattues publiquement, dans la transparence, par des représentants élus et responsables devant leurs électeurs. C'est, en particulier, une condition indispensable pour l'élaboration du droit pénal dans une société démocratique, seule à même de conférer au principe de légalité des délits et des peines (« Nullum crimen, nulla poena sine lege ») toute sa portée.

Le présent amendement reprend les propositions formulées sur ce sujet par le groupe de travail présidé par M. John Bruton, en élargissant le droit d'alerte précoce à la protection des droits fondamentaux et au droit civil, et en y ajoutant la création d'une commission mixte (Parlement européen et Parlements nationaux) pour le contrôle d'Europol et du futur parquet européen (conformément à la proposition figurant dans la communication de la Commission sur le contrôle démocratique d'Europol).

· PROTOCOLE SUR L'APPLICATION DES PRINCIPES DE SUBSIDIARITE ET DE PROPORTIONNALITE

LES HAUTES PARTIES CONTRACTANTES,

DÉTERMINÉES à fixer les conditions d'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité énoncés à l'article 8 de la Constitution, ainsi qu'à établir un système de contrôle de l'application par les Institutions dudit principe,

(...)

3. La Commission adresse directement toutes ses propositions législatives ainsi que ses propositions modifiées aux Parlements nationaux des Etats membres en même temps qu'au législateur de l'Union. Dès leur adoption, les résolutions législatives du Parlement européen et les positions communes du Conseil sont directement envoyées par ceux-ci aux Parlement nationaux des Etats membres.

4. La Commission motive sa proposition au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Toute proposition législative doit comporter une fiche contenant des éléments circonstanciés permettant de formuler une appréciation quant au respect de ces principes. Cette fiche doit comporter des éléments d'appréciation de son impact sur le plan financier ainsi que de son implication, lorsqu'il s'agit d'une loi-cadre, sur la réglementation à mettre en œuvre par les Etats membres, y inclus, le cas échéant, la législation régionale. Les raisons permettant de conclure qu'un objectif de l'Union peut être mieux réalisé au niveau de celle-ci doivent s'appuyer sur des indicateurs qualitatifs et, chaque fois que c'est possible, quantitatifs.

La Commission tient compte de la nécessité de faire en sorte que toute charge, financière ou administrative, incombant à l'Union, aux gouvernements nationaux, aux autorités régionales ou locales, aux opérateurs économiques et aux citoyens soit le moins élevée possible et à la mesure de l'objectif à atteindre.

5. Toute chambre d'un Parlement national d'un Etat membre peut, dans un délai de six semaines à compter de la date de transmission de la proposition législative de la Commission, adresser aux Présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission un avis motivé contenant les raisons pour lesquelles elle estimerait que la proposition en cause n'est pas conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité. Il appartient à chaque Parlement national d'organiser les modalités internes de consultation de chacune des Chambres dans le cas des Parlements bicaméraux et/ou, le cas échéant, des Parlements régionaux avec pouvoirs législatifs.

6. Le Parlement européen, le Conseil et la Commission tiennent compte des avis motivés des Parlements nationaux. Dans le cas où au moins un tiers des chambres des Parlements nationaux émettraient des avis motivés sur le non-respect par la proposition de la Commission des principes de subsidiarité et de proportionnalité, la Commission est tenue de réexaminer sa proposition. Afin d'assurer une égalité de traitement entre Parlements monocaméraux et bicaméraux, les Parlements monocaméraux disposent de deux voix. A l'issue de ce réexamen la Commission peut décider, soit de maintenir sa proposition, soit de la modifier, soit de la retirer. La Commission motive sa décision.

7. Les chambres des Parlements nationaux des Etats membres peuvent aussi, dans le délai entre la convocation du Comité de conciliation et la tenue de celui-ci, émettre un avis motivé contenant les raisons pour lesquelles ils estiment que, soit la position commune du Conseil, soit les amendements du Parlement européen, ne respectent pas les principes de subsidiarité et de proportionnalité. Lors de la réunion du comité de conciliation, le Parlement européen et le Conseil tiennent le plus grand compte des avis exprimés par les Parlements nationaux des Etats membres.

8. En vertu de l'article [actuel article 230] de la Constitution, la Cour de Justice a juridiction pour connaître des recours pour violation des principes de subsidiarité et de proportionnalité introduits par les Etats membres, en particulier directement par chaque chambre d'un Parlement national. Conformément au même article de la Constitution, de tels recours peuvent aussi être introduits par le Comité des Régions pour des actes législatifs pour lesquels il a été consulté.

9. La Commission présente chaque année au Conseil européen, au Parlement européen et au Conseil un rapport sur l'application de l'article 8 par. 3 de la Constitution. Ce rapport annuel est également transmis au Comité des régions et au Comité économique et social, et aux Parlements nationaux.

Justification :

La subsidiarité et la proportionnalité sont deux principes étroitement liés. Il est donc nécessaire que les dispositions contenues dans le protocole s'appliquent à ces deux principes, d'autant plus que l'intitulé même du protocole y fait référence.

La co-existence au sein de l'Union européenne de Parlements bicaméraux et monocaméraux provoquerait une inégalité de traitement en défaveur des parlements bicaméraux si la possibilité de déposer un avis motivé n'était reconnue qu'au Parlement et non à une chambre individuellement. En outre, les délais de coordination entre les chambres d'un Parlement peuvent se révéler difficilement compatibles avec le délai de six semaines qui est prévu pour adresser un avis motivé.

L'amendement au point 6 vise à assurer une égalité de traitement entre Parlements monocaméraux et bicaméraux.

Au point 8, conformément à ce qui est proposé dans le rapport final du groupe de travail I, les Parlements nationaux doivent pouvoir saisir la Cour de Justice indépendamment d'éventuels recours introduits par les gouvernements nationaux.

Au point 9, les Parlements nationaux étant directement impliqués dans le contrôle du principe de subsidiarité, il doivent être destinataires du rapport annuel de la Commission, au même titre que les institutions de l'Union.

M. Jacques Floch

Tél. + 33 1 40 63 68 91 Né le 28 février 1938 à Bihorel

Fax + 33 1 40 63 57 54 Marié, 2 enfants

Email : jfloch@assemblee-nationale.fr

CURRICULUM VITAE

Formation/Diplômes

Ecole régionale d'agriculture

Ecole nationale de statistiques des affaires économiques

Université de Nantes - Faculté de droit

- Technicien agricole

- Diplôme de l'école nationale des statistiques des affaires économiques (attaché de l'INSEE)

- Diplôme de recherche en droit public - 1995 - (ancien doctorat d'université)

- Avocat - CAPA Barreau de Paris - janvier 2001

Position militaire

De mai 1958 à août 1960 : Armée de l'air en Algérie et au Maroc

Vie politique

1966 à 2002 : Membre du Parti socialiste

1971 à 1978 : Premier adjoint à Alexandre Plancher, Maire de Rezé

1974 à 1983 : Conseiller régional des Pays de la Loire

1976 à 1982 : Conseiller général de Loire-Atlantique

1978 : Maire de Rezé, réélu en 1988, 1989 et 1995

1999 : Maire honraire de Rezé, conseiller municipal

1981 : Député de Loire-Atlantique, réélu en 1988, 1993, 1997 et 2002

Fonctions occupées à l'Assemblée nationale :

Secrétaire puis vice-président de la Commission des lois à l'Assemblée nationale

Rapporteur du budget de l'aministration pénitentiaire et de l'éducation surveillée

Rapporteur du budget de la justice

Délégué de la France à l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité en Europe (OSCE)

Président de la Commission des affaires économiques de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE

sept. 2001 à mai 2002 : Secrétaire d'Etat à la défense

Depuis juin 2002 : Membre de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne

Délégué à la Convention pour l'avenir de l'Europe

Autres fonctions

- Président de l'Agence d'études urbaines de l'Agglomération nantaise

- Secrétaire général de la Fédération nationale des agences d'urbanisme

- Président de la Fédération départementales des élus socialistes et républicains

Travaux parlementaires

Auteur de 34 rapports de projets de loi et de rapports au Parlement dont le rapport sur la situation dans les prisons françaises

Auteur de 2 rapports internationaux : Monaco : les coopérations économiques sous-régionales en Europe

Nantes : les coopérations économiques sous-régionales en Europe face aux nouveaux enjeux

Décorations

- Chevalier dans l'Ordre national du mérite

- Titre de Reconnaissance de la Nation

- Chevalier du Mérite agricole

- Officier de l'Ordre de Saint-Charles de la Principauté de Monaco

- Commandeur de l'Ordre du Libertador du Vénézuela

Autres écrits

- Diderot, ou le bonheur en plus - 1991 - Editions ouvrières

- Petite histoire de la population française - préface Kofi Yamgnane - 1993

B. TRAVAUX DE M. JACQUES FLOCH, membre suppléant

l membre des groupes de travail « Liberte, sécurite et justice » et « Europe sociale »

l membre du cercle de discussion sur la Cour de justice

Pages

1. Contributions à la Convention 179

2. Contributions au groupe de travail « Liberté, sécurité et justice » 203

3. Contribution au groupe de travail « Europe sociale » 225

4. Contributions au « cercle de discussion » sur la Cour de justice 233

5. Interventions orales 243

6. Amendements déposés 249

1. Contributions à la Convention

Pages

« La place du sport dans le futur traité » CONV 487/03 du 10 janvier 2003 181

« Pour une Constitution européenne qui reconnaît la laïcité » CONV 577/03 du 25 février 2003 184

« Initiative pour l'intégration de la Charte des droits fondamentaux dans la Constitution européenne »
CONV 607/03 du 11 mars 2003 187

« Proposition sur la transparence » CONV 830/03 du 10 juillet 2003 190

LA CONVENTION EUROPÉENNE Bruxelles, le 10 janvier 2003

le secretariat

CONV 478/03

CONTRIB 183

NOTE DE TRANSMISSION___________________________________________________

du: Secrétariat

à la:_______Convention________________________________________________________

Objet: Contribution présentée par MM. Hubert Haenel, Pierre Lequiller,
Olivier Duhamel, Alain Lamassoure, Josep Borell Fontelles,
Gabriel Cisneros Laborda, Louis Michel et Ernani Lopes, membres de la
Convention, et Mme Pascale Andréani, Mme Pervenche Berès,
MM. Robert Badinter, Jacques Floch, Alfonso Dastis,
Alejandro Munoz-Alonso, Carlos Carnero Gonzalez et Pierre Chevalier,
membres suppléants de la Convention:

__________ "La place du sport dans le futur traité "_______________________________

Le Secrétaire général de la Convention a reçu de MM. Hubert Haenel, Pierre Lequiller,

Olivier Duhamel, Alain Lamassoure, Josep Borell Fontelles, Gabriel Cisneros Laborda,

Louis Michel et Ernani Lopes, membres de la Convention, et Mme Pascale Andréani,

Mme Pervenche Berès, MM. Robert Badinter, Jacques Floch, Alfonso Dastis,

Alejandro Munoz-Alonso, Carlos Carnero Gonzalez et Pierre Chevalier, membres suppléants de la

Convention, la contribution figurant en annexe.

CONV 478/03 1

FR

ANNEXE

CONTRIBUTION AUX TRAVAUX DE LA CONVENTION EUROPÉENNE SUR LA PLACE DU SPORT DANS LE FUTUR TRAITE

Que ce soit par les rapports du Parlement européen, les actions de la Commission ou les arrêts des juridictions communautaires, l'intervention des institutions européennes en matière de sport n'a cessé de croître au cours des trente dernières années.

L'internationalisation croissante du sport et l'impact direct des politiques communautaires sur le sport européen ont nourri le débat au plan politique :

· en 1997, la déclaration d'Amsterdam relative au sport a marqué l'importance sociale du sport, ainsi que son rôle de ferment de l'identité et de trait d'union entre les hommes ; elle demande que soient ouvertes des possibilités de concertation entre les organes communautaires et le mouvement sportif lorsque les intérêts majeurs de ce dernier sont enjeu ;

· en 1998, les conclusions du Conseil européen de Vienne se sont référées à la nécessité de sauvegarder les structures sportives actuelles et de maintenir la fonction sociale du sport dans le cadre communautaire. Elles se sont également référées à la lutte contre le dopage ;

· en 1999, le rapport de la Commission présenté au Conseil européen d'Helsinki a plaidé pour le maintien du modèle sportif européen dans ses dimensions marchandes et non marchandes ;

· en 2000, une déclaration a été adoptée à Nice en faveur de la reconnaissance des spécificités du sport. Elle évoque la protection des jeunes sportifs dans les transactions commerciales dont ils peuvent faire l'objet ; les risques que représente pour l'équité de la compétition la propriété ou le contrôle économique par un même opérateur de plusieurs clubs sportifs ; la nécessité de développer les initiatives favorisant la mutualisation d'une partie des recettes provenant de la vente des droits de retransmission télévisuelle, bénéfiques au principe de solidarité entre tous les niveaux de pratique sportive et toutes les disciplines ; la pratique des activités physiques et sportives pour les personnes handicapées et le rôle économique et social du bénévolat sportif.

Le principe de subsidiarité s'applique certes au domaine du sport, qui demeure essentiellement de la compétence des États. Mais, dès à présent, des questions de plus en plus nombreuses sont soumises à des arbitrages au niveau communautaire. La Commission, comme les juridictions communautaires, ont ainsi été amenées à reconnaître progressivement la spécificité de l'organisation sportive.

Force est de constater que les évolutions économiques observées dans le domaine sportif et les réponses apportées par les autorités publiques et les organisations sportives aux questions nouvelles qu'elles soulèvent ne permettent à ce jour de garantir ni la sauvegarde des structures actuelles et spécifiques du sport, ni sa fonction sociale. La multiplication récente de procédures juridictionnelles, ayant trait notamment à l'application des règles de l'Union européenne en matière de concurrence et de libre circulation, sont à la source d'une certaines insécurité juridique pour les différents intervenants du domaine sportif.

La rédaction d'un texte de nature constitutionnelle proposée par le Président de la Convention européenne, offre aujourd'hui la possibilité d'inscrire le sport dans le droit primaire de l'Union et, de cette manière, d'aboutir à une prise en compte plus globale des activités sportives.

*

CONV 478/03 2
ANNEXE FR

Plusieurs membres de la Convention ont contribué aux travaux en proposant que le sport figure dans les matières pour lesquelles l'action de l'Union peut intervenir pour compléter celle des Etats membres qui gardent la compétence de droit commun, au même titre que l'éducation, la formation, la jeunesse, la protection civile, la culture, la santé, l'industrie, le tourisme, les contrats civils et commerciaux.

Sur cette base, onze Etats membres de l'Union européenne, ont réagi en se prononçant pour l'inclusion d'un article relatif au sport dans les traités, lors de la réunion informelle des ministres en charge du sport à Almeria, du 15 au 17 mai 2002.

L'instance suprême du mouvement sportif, le Comité International Olympique (CIO) a accueilli favorablement cette proposition et plaide officiellement (« contribution du Comité international olympique à la convention européenne ») pour l'inclusion d'une disposition en faveur du sport dans le traité de l'UE.

Une démarche identique (« contribution from European Non-Governmental Sports Organization to thé Convention preparing thé IGC 2004 and thé future of thé European Union ») conduit l'Organisation Européenne Non Gouvernementale des Sports (ENGSO) à souhaiter que l'encadrement juridique des activités sportives fasse l'objet d'un débat au sein de la Convention européenne. Elle soutiendrait également l'inclusion d'un article relatif au sport dans le prochain traité.

Afin de répondre aux défis nouveaux lancés au monde sportif, il serait souhaitable de consacrer dans le traité la compétence de la Communauté :

· Si pour des motifs rédactionnels, l'inclusion du sport devait s'effectuer sous une forme « réduite », le mot «sport » pourrait être simplement mentionné parmi d'autres comme la culture, la santé, l'éducation.

· Si, à l'inverse, la prise en compte du sport dans le nouveau traité se faisait sous une forme plus détaillée au travers d'un article relatif au sport, il serait souhaitable que soient mentionnés les objectifs suivants pour définir le champ de l'intervention communautaire :

la reconnaissance du rôle des structures sportives actuelles en Europe et leur indépendance, en tant qu'éléments constitutifs d'un modèle sportif européen,

la promotion des valeurs sociales, éducatives, et de solidarité entre toutes les pratiques, le partenariat entre les pouvoirs publics et le mouvement sportif à tous les échelons, la lutte contre toutes les dérives de la pratique sportive,

· la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes en la matière.

CONV 478/03 3
ANNEXE FR

LA CONVENTION EUROPEENNE Bruxelles, le 25 février 2003

le secretariat

CONV 577/03

CONTRIB 256

NOTE DE TRANSMISSION__________________________________________________

du Secrétariat

à_______ _la Convention____________________________________________________
Objet : Contribution présentée par M. Jacques Floch, membre suppléant de la Convention :
________ - « Pour une constitution européenne qui reconnaît la laïcité »_______________

Le secrétaire général de la Convention a reçu la contribution figurant en annexe de M. Jacques Floch, membre suppléant de la Convention.

CONV 577/03 1

FR

ANNEXE « Pour une constitution européenne qui reconnaît la laïcité »

Contribution de M. Jacques Floch

membre suppléant

Diverses contributions ont été déposées à la Convention contenant une demande commune, même si les formulations peuvent varier, pour que la constitution de l'Europe fasse référence à l'héritage religieux de l'Europe.

Bien entendu, chaque Etat membre a une histoire qui lui est propre et parfois commune avec d'autres Etats. Personne ne conteste la ou les traditions religieuses ou confessionnelles de tel ou tel Etat.

La question est : la Constitution doit-elle faire référence à cet élément ? Il ne paraît pas fondé d'inclure cet élément dans la Constitution

1) La référence au passé figerait la référence à quelques religions seulement sans considération des évolutions des croyances des européens.

En se référant au compromis adopté pour la rédaction de la Préambule de la Charte des droits fondamentaux, qui évoque le patrimoine spirituel de l'Union, H. Haenel parle dans sa contribution sur « L'identité européenne » de l'héritage religieux que les Peuples européens auraient en commun, pour mieux asseoir la spécificité de l'Europe.

Or cette intention a priori louable recouvre une conception particulièrement chrétienne de l'héritage religieux de l'Europe que n'a justement pas en commun l'ensemble des Peuples d'Europe.

Préambule de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (2eme paragraphe) :

« Consciente de son patrimoine spirituel et moral, l'Union se fonde sur des valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d'égalité et de solidarité... »

Article 10-1 de: Liberté de pensée, de conscience et de religion

« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. »

La Charte reconnaît également, en son article 22, que l'Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique.

2) Faut-il alors faire référence à l'ensemble des religions et croyances partagées par les Européens d'aujourd'hui ?

CONV 577/03 2
ANNEXE FR

La référence à l'héritage religieux se justifierait si cela avait un sens au regard de l'engagement des européens dans la Construction européenne. Les Peuples d'Europe se sont-ils engagés dans cette Union sans cesse plus étroite au nom de valeurs religieuses communes qu'ils auraient souhaité défendre ou promouvoir ? Non, il n'en a jamais été question.

L'élément religieux ne constitue pas un élément identitaire de l'Union européenne et il n'y a aucune raison de l'introduire dans le texte constitutionnel. Il est d'ailleurs constant dans l'histoire de l'Europe que les religions ont été un des éléments, souvent tragiques, de la division de l'Europe.

On est d'ailleurs en droit de s'interroger sur les motivations des conventionnels qui proposent l'inclusion d'une telle disposition et surtout de ceux qui tels les membres du Parti populaire européen souhaitent que soit inscrit que : « Les valeurs de l'Union européenne incluent les valeurs de ceux qui croient en Dieu comme la source de vérité, de la justice, du bien et de la beauté , comme celles de ceux qui ne partagent pas cette croyance mais respectent les valeurs universelles émanant d'autres sources ».

Cette proposition est parfaitement contraire aux caractéristiques fondamentales de la République Française.

Article premier de la Constitution de la République française :

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »

Elle est également choquante pour les croyants qui se prétendent tolérants et qui pourtant font une proposition qui frise le paganisme.

Les auteurs de cette proposition doivent avoir bien peu de foi dans leur croyance et dans leur Dieu pour demander à ce que la Constitution européenne fasse une telle référence. Même si les conventionnels ont conscience de travailler à une œuvre majeure pour les Peuples d'Europe, ils n'ont pas la prétention de rédiger un texte Saint.

La proposition du groupe de travail sur les compétences complémentaires d'inclure à l'article 6, §3 du TUE le statut légal des Eglises et des sociétés religieuses parmi les éléments constitutifs de l'identité nationale des Etats membres que doit respecter l'Union n'est pas plus acceptable pour un pays comme la France au regard de la nature fondamentalement laïque de notre République telle que le reconnaît notre Constitution.

Par contre, sur la base de ce qui est déjà reconnu par la Déclaration n°ll annexée au traité d'Amsterdam relative au statut des Eglises et des organisations non confessionnelles, on peut éventuellement admettre que cette Déclaration devienne un Protocole annexé à la Constitution.

Actuellement, la laïcité, valeur fondamentale et cruciale pour l'avenir de l'Europe ne figure toujours pas dans le traité alors qu'elle a sa place dans un texte constitutionnel et qu'elle est depuis les origines une des sources d'inspiration de la construction européenne.

La Constitution européenne doit reconnaître la laïcité comme principe fondamental de l'Union européenne.

CONV 577/03 3
ANNEXE FR

LA CONVENTION EUROPEENNE Bruxelles, le 11 mars 2003

le secretariat

CONV 607/03

CONTRIB 274

NOTE DE TRANSMISSION____________________________________________________

du Secrétariat

à________ la Convention_____________________________________________________

Objet : Contribution présentée par des membres de la Convention:

"Initiative pour l'intégration de la Charte des droits fondamentaux dans la _________ constitution européenne"______________________________________________

Le Secrétaire général de la Convention a reçu la contribution en annexe des membres de la Convention dont les noms figurent à la page 3.

CONV 607/03 1

FR

ANNEXE

Initiative pour l'intégration de la Charte des droits fondamentaux dans la constitution européenne

Les valeurs, les droits fondamentaux et les libertés que garantit la Charte européenne des droits fondamentaux forment la base du processus d'unification européenne.

La Charte des droits fondamentaux est un document unique de l'identité européenne. En effet, elle prouve que l'Union européenne est bien plus qu'une communauté économique et que les États et les peuples d'Europe se sont regroupés en son sein pour constituer une communauté de valeurs.

La Charte prouve aux citoyennes et aux citoyens d'Europe qu'ils font partie d'une communauté en voie d'intégration qui ne leur assigne pas seulement de manière directe des obligations mais leur confère aussi des droits. Ainsi la Charte est un élément majeur de l'identification des Européens avec l'Union.

C'est pourquoi nous nous félicitons du consensus qui s'esquisse au sujet de l'intégration de la Charte des droits fondamentaux comme élément juridiquement contraignant de la constitution européenne, sans qu'elle crée des compétences nouvelles pour l'Union.

S'agissant d'un document si fondamental, non seulement le caractère juridiquement contraignant mais aussi la présentation politique sont essentiels: le lecteur de la constitution s'attend à trouver au début du texte ses droits fondamentaux et ses libertés. Dissimuler la Charte des droits fondamentaux dans un protocole irait à rencontre de l'importance d'un tel document et du respect qu'il mérite.

C'est pourquoi nous demandons que le texte intégral de la Charte des droits fondamentaux figure à une place éminente dans le traité constitutionnel européen.

CONV 607/03 2
ANNEXE FR

Nous invitons tous les membres de la Convention à participer à cette initiative.

Teresa Almeida Garrett, Peter Altmaier, Pascale Andreani, Vytenis Andriukaitis, Michael

Attalides, Paraskevas Avgerinos, Eduarda Azevedo, Robert Badinter,

Peter Balazs, Michel Barnier, Pervenche Beres, Maria Berger,

Josep Borrell Fontelles, Mihael Brejc,EImar Brok, Hans Martin Bury,

Carlos Carnero Gonzalez, Gabriel Cisneros Laborda, Nikolaos Constantopoulos, Alberto

Costa, Manfred Dammeyer, Alfonso Dastis, Karel de Gucht, Proinsias de Rossa, Kemal

Dervis, Dominique de Villepin, Panayiotis Demetriou, Elio Di Rupo,

Lamberto Dini, Guilherme d'Oliveira Martins, Andrew Duff, Olivier Duhamel,

Péter Eckstein-Kovacs, Caspar Einem, Hannes Farnleitner, Ben Fayot, Joschka Fischer,

Jacques Floch, Marta Fogler, Michael Frendo, Emilio Gabaglio, John Gormley,

Peter Gottfried, Genewefa Grabowska, Hubert Haenel, Klaus Hânsch, Paul Helminger,

Danuta Hiibner, Panayiotis loakirnidis, Georges Katiforis, Sylvia-Yvonne Kaufmann,

Piia-Noora Kauppi, Andrâs Kelemen, Kimmo Kiljunen, Jan Kohout,

Alain Lamassoure, Janez Lenarcic, Pierre Lequiller, Evelin Lichtenberger,

Manuel Lobo Antunes, Ernani Lopes, Diego Lopez Garrido, Hanja Maij-Weggen,

Luis Marinho, Rytis Martikonis, Eleni Mavrou, Neil McCormick,

Inigo Mendez de Vigo, Jùrgen Meyer, Louis Michel, Juraj Migas, Marie Nagy,

Jozef Oleksy, David O'Sullivan, Elena Paciotti, Ana Palacio, Alojz Peterle,

Danny Pieters, Paolo Ponzano, Hildegard Puwak, Reinhard Rack, Dimitrij Rupel, Jaques

Santer, Nicolas Schmit, Wolfgang Senff, Adrian Severin, Valdo Spini,

Jozef Szajer, Istvân Szent-Ivânyi, Erwin Teufel, Belle Thorning-Schmidt,

Frans Timmermans, Janusz Trzcinski, Gerhard Tusek, René van der Linden,

Anne van Lancker, Evripidis Stylianidis, Pal Vastagh, Johannes Voggenhuber,

Renée Wagner, Edmund Wittbrodt, Joachim Wuermeling,

Marietta Yannakou-Koutsikou

CONV 607/03 3
ANNEXE FR

LA CONVENTION EUROPEENNE Bruxelles, le 10 juillet 2003 (15.07)

le secretariat (OR. multilingue)

CONV 830/03

CONTRIB 386

NOTE DE TRANSMISSION

du: Secretariat

a la: Convention

Objet: Contribution presentee par M. Jens-Peter Bonde a la Convention

Proposition concernant la transparence, signee par 200 membres et suppléants

Le Secrétaire général de la Convention a reçu de la contribution figurant en annexe de M. Jens-Peter Bonde, membre de la Convention.

CONV 830/03

sen/jcc

1

FR

ANNEXE

Proposal submitted to the Convention on transparency

Dear Mr. President,

Dear Praesidium Members, Dear Convention secretariat, Dear Convention members,

The attached proposal outlines the procedure for derogation to the general rule that all documents shall be open to the public.

This proposal has been signed by 200 members and alternates of the Convention including representatives for 23 different governments. Even more members of the Convention support the proposal and more signatures will be collected. A proposal with such a large majority behind it cannot be over looked.

Please do not hesitate to contact me if you have any questions of how to include the principle of the transparency procedure expressed in this proposal.

Yours sincerely,

Jens-Peter Bonde,
Member of the Convention

CONV 830/03 2

FR

ANNEXE

Proposal to the Convention on the Transparency in the Ell-institutions

Acknowledging the importance of transparency in the EU-institutions for democratic life in the European Union and the need for narrowing the gap between the citizens and the EU.

Proposing the inclusion, somewhere in the Constitution, the below procedure for derogations from openness and transparency, already adopted by the European parliament in the Martin-Bourlanges report:

Transparency as stated in the Martin-Bourlanges report Please find all official languages below

English:

Drafts and proposals should be accessible to the public as soon as they are adopted or handed over to other bodies, interest organizations or individuals, or published wholly or partly by others.

All meetings on proposed legal acts are to be held in public unless a specific and duly justified exception is decided by a two-thirds majority. Such exceptions shall be notified together with the reasons for them to the European Parliament.

All documents should be accessible to the public unless exceptions are decided by a two-thirds majority in the responsible body.

CONV 830/03 3

ANNEXE FR

CONV 830/03 4

ANNEXE FR

CONV 830/03 5

ANNEXE FR

Signatures for the Proposal on the Transparency procedure

last updated 09-07-2003

A

Abitbol Willian

Akcam Zekeriya

Almeida Garrett Teresa Altmaier Peter

Amato Giuliano

Andriukaitis Vytenis

Antunes Manuel L Arabadjiev Alexandar Athanasiu Alexanru Attalides Michalis Avgerinos Paraskevas Azevedo Maria Eduardo

B

Badinter Robert

Balazs Peter

Basile Filadelfio

Belohorska Irena

Beres Pervenche

Berger Maria

Bonde Jens-Peter

Borrell Fontelles Josep

Bosch Reinhard

Brejc Mihale

Briesch Roger

Brok Elmer

Bruton John

Budak Necdet

C

Carey Pat

Carlslund Erik

Carnero Gonzales Carlos Charbert Jos

Chevalier Pierre

Cisneros Laborda Gabriel Costa Alberto

Cousquer Yver

Cravinho Joao

Cristina Dolores

Cushnahan John

CONV 830/03 6

ANNEXE FR

D

Dalgaard, Per

Dam Kristensen Henrik

Dammeyer Manfred

Dastis Alfonso (With reservation to some parts of the text)

De Buck Philippe

De Gucht Karel

De Rossa Proinsias

Demetriou Panayiotis

Demiralp Oguz

Dervis Kemal

Di Rupo Elio

Dijk Jan Jacob van

Dini Lamberto

DOliveira Martins Guilherme

Duff Andrew

Dybkjaer Lone

E

Eckstein-Kovacs Eekelen Wim van Einem Caspar Ene Constantin

F

Farnleitner Hannes Fayot Ben

Figel Jan

Fini Gianfrance Floch Jacques Fogler Marta Follini Marco Frendo Michael Frerichs Goke

G

Gabaglio Emilio

Giannakou Marietta Giberyen Gaston

Gormley John

Grabowska Genowefa Granrut Claude du

Gricius Algirdas

Gull Abdullah

H

Haenel Hubert Hasotti Puiu

Heathcoat-Amory David Helle, Esko

CONV 830/03 7

ANNEXE FR

Helminger Paul

Hjelm-Wallen Lena Hololei Henrik

Horvat Franc

Hiibner Danuta

I

Inguanez John

J

Jacobs, Georges Jusys, Oskaras

K

Kacin Jelko

Kalniete Sandra

Katiforis Giorgos Kaufmann Sylvia-Yvonne Kauppi Pia-Noora

Kelam Tunne

Kelemen Andras

Kiljunen Kimmo

Kirjhope Timothy

Kohout Jan

Konstantopoulos Nikos A. Korcok Ivan

Krrasts Guntars

Krisjanis Karins Arturs Kroupa Frantisek

Kuneva Meglena

Kutzkova neli

Kvist Kenneth

L

Lamassoure Alain Lang, Pain

Lekberg Soren Lenarcic Janez Lenmarker Goran Lequiller Pierre Lichtenberger

Liepina Liene

Linden Rene van den Lopes Ernani

Lopez Garrido Diego

M

MacCormick Neil MacLennan of Roger Lord Maij-Weggen Hanja Mainoni Eduard

CONV 830/03 8

ANNEXE FR

Maldeikis Eugenijus

Marinho Luis

Martikonis Rytis

Martinakova Zuzana

Martini Claudio

Matsakis Marios

Mavrou Eleni

McAven Linda

McDonagh Bobby

Mendez de Vigo Inigo

Meri Lennart

Meyer Jurgen

Michel louis

Migas Juraj

Mladenov Nickolay

Munez Alonso Alejandro Muscardini Cristina

N

Nagy Marie Nazare Pereira Necas Petr

O

Oleksy Jozef Olsson Jan Ozal Ibrahim

P

Paciotti Elena

Palacio Vallelersund Ana (With reservation to some parts of the text)

Papandreou Giorgos

Peltomaki Antti

Peterle Alojz

Pieters Danny

Piks Rihards

Puwak Hildegard

Q

Queiro Luis

R

Rack Reinhard Regaldo Giacomo Reinsalu Urmas Roche Dick

Rovna Lenka

Rupel Dimitrij

CONV 830/03 9

ANNEXE FR

s

Sant Alfred

Santer Jacques

Schmit Nicolas

Sepi Mario

Seppanen Esko

Serrancini-Inglott Peter

Severin Adrian

Sigmund Anne-Marie

Sivickas Gintautas

Skaarup Peter

Speroni Francesco

Spini Valdo

Stilanidis Evripidis

Stockton The Earl of

Svensson, Ingvar

Szajer Jozsef

Szent-Ivanyi Istvan

T

Tajani Antonio

Takkula Hannu

Teufel Erwin

Theophilou, Theophilos Thorning-Schmidt Helle Tiilikainen Teija

Timmermans Frans

Tonisson Lina

Trzcinski Janusz

Tusek Gerhard

U

Uzun Nesrin

V

Valcarcel Siso, Ramon Luis Valtchev Daniel

Van Lancker

Vassiliou Androula

Vastagh Pal

Vella George

Voggenhuber Johannes

Vilen Jari

W

Wagener Renee Wittbrodt Edmund Wurmeling Joachim

CONV 830/03 10

ANNEXE

X Y

Z

Zahradil Jan

Zala Boris Zieleniec Josef

Zile Roberts

CONV 830/03 11

ANNEXE FR

10.07.2003

Who did not sign the Transparency-proposal for the Convention by Jens-Peter Bonde, MEP and President of the EDD group

For more information and a copy of the proposal please see it at www.bonde.com or call Jens-Peter Bondes office 02 2845176 or mail jbonde@europarl.eu.int

Representatives of the European Parlament

Duhamel, Olivier

Hansch, Klaus (Praesidium) - supports, but will not write to himself.

Representatives of the National Parliaments

Helveg Petersen, Niels (Alternate for Henrik Dam Kristensen)

Gerhards, Wolfgang (Alternate for Erwin Teufel)

Stuart, Gisela (Praesidium), - supports, but will not write to herself.

Tomlinson, Lord (Alternate for Gisela Stuart)

Representatives of the Governments

Andreani, Pascale (Alternate for Dominique de Villepin)

de Bruijn, Thorn (Alternate for Gijs de Vries)

Bury, Hans-Martin (Alternate for Joschka Fischer)

Christophersen, Henning (Praesidium)

Fischer, Joschka (Germany)

Gottfried, Peter (Alternate for Peter Balazs)

Hain, Peter (UK)

Petersson, Sven-Olof (Alternate for Lena Hjelm-Walien)

Scotland of Asthal, Baroness Patricia (Alternate for Peter Hain)

Schluter, Poul (Alternate for Henning Christophersen)

de Villepin, Dominique (France)

de Vries, Gijs (The Netherlands)

The Praesidium

Barnier, Michel (Commissioner)

Christophersen, Henning (Representative of the Danish government) - has supported in the

plenary.

Dehaene, Jean-Luc (Vice president)

Giscard d'Estaing, Valery (President)

Hansch, Klaus (MEP) - supports, but will not write to himself.

O'Sullivan, David (Alternate for Michel Barnier)

Ponzano, Paolo (Alternate for Antonio Vitorino)

Stuart, Gisela (Representative of the UK Parliament) - supports, but will not write to herself.

Vitorino, Antonio (Commissioner)

The Commissioners have said they will support the proposal.

All the observers from Committee of Regions and the Economic and Social Committe have supported the proposal.

CONV 830/03 12

ANNEXE FR

2. Contributions au groupe de travail
« Liberté, sécurité et justice »

Pages

« Une justice pour l'Europe » WG X - WD 6 du 31 octobre 2002 205

« Pistes de réflexion pour le Groupe de travail » WG X - WD 13 du 15 novembre 2002 213

« Espace commun de liberté, de sécurité et de justice » WG X -WD 26 du 25 novembre 2002 220

LA CONVENTION EUROPEENNE Bruxelles, le 31 Octobre 2002
le secretariat

Working Group X Working document 06

Groupe de travail X « Liberté, sécurité et justice »

Objet : Note de M. Jacques FLOCH, membre suppléant de la Convention, "Une justice pour l'Europe"

WG X-WD 6 1

FR

Paris, le 28 octobre 2002

CONTRIBUTION DE M. JACQUES FLOCH

AU GROUPE DE TRAVAIL « LIBERTE, SECURITE ET JUSTICE »
DE LA CONVENTION EUROPENNE

UNE JUSTICE POUR L'EUROPE

L'Europe est une « Communauté de droit ». Or, il n'est pas d'Etat de droit sans que l'activité policière ne soit soumise à un contrôle judiciaire, seul à même d'assurer la garantie des droits individuels.

La préservation des souverainetés nationales ne doit pas faire de l'Europe un «paradis pénal ». Le maintien des frontières juridiques en matière pénale devient en effet inacceptable, à mesure que l'ouverture de l'espace européen progresse. Il faut mettre fin, dans un domaine circonscrit aux intérêts relevant clairement de la compétence communautaire, au

morcellement de l'espace pénal européen. Il en va de la crédibilité de l'Union européenne aux
yeux de ses citoyens.

Il est aujourd'hui indispensable de créer un ministère public européen, placé sous le contrôle d'une Chambre préliminaire et compétent en matière de criminalité portant atteinte aux intérêts communautaires.

*

* *

I. - UNE CREATION INDISPENSABLE

Cette création est nécessaire, pour renforcer la garantie des droits fondamentaux des citoyens de l'Union et accroître l'efficacité de la lutte contre la criminalité portant atteinte aux intérêts communautaires.

a. Une garantie plus effective des droits fondamentaux

La coopération policière s'est considérablement développée au sein de l'Union européenne.

Dans le premier pilier, l'Organe européen de lutte anti-fraude (OLAF) constitue une véritable « police financière », dont une partie significative de l'activité opérationnelle est transmise aux autorités judiciaires, tout en restant doté du statut d'un service administratif d'enquête. Le Comité de surveillance et l'unité de magistrats récemment créée au sein de l'OLAF, en dépit de leur intérêt, ne sont pas à même d'exercer un contrôle satisfaisant en matière de protection des droits individuels (présomption d'innocence, respect de la vie privée et des droits de la défense, notamment). Seule la création d'une autorité judiciaire chargée de contrôler, notamment, l'activité de l'OLAF, constituerait une réponse appropriée.

Au sein du troisième pilier, Europol a vu ses pouvoirs s'accroître progressivement, et devrait se voir conférer, à terme, des compétences opérationnelles (comme la possibilité de procéder à des auditions de témoins), au moins dans les domaines relevant clairement de la criminalité contre l'Europe. Ces prérogatives devront elles aussi être soumises à un contrôle judiciaire pour assurer le respect des droits des justiciables.

C'est pour cette première raison qu'il est urgent de créer un ministère public européen indépendant et responsable, instruisant à charge et à décharge, et placé sous le contrôle d'une Chambre préliminaire européenne.

b. Une lutte plus efficace contre la criminalité portant atteinte aux intérêts communautaires

. La fraude au budget communautaire représente, chaque année, des sommes très

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FR

importantes. Les derniers chiffres publiés par la Commission, dans son rapport annuel sur la protection des intérêts financiers des Communautés et la lutte contre la fraude, font ainsi apparaître des fraudes ou irrégularités d'un montant global de 687 millions d'euros en 2001. Selon d'autres estimations, ce montant annuel serait d'environ un milliard d'euros. L'implication de la criminalité organisée est avérée dans une proportion élevée de ces affaires, qui présentent un caractère transnational marqué.

Les instruments juridiques actuels ne permettent pas de lutter efficacement contre cette fraude. Les cas de fraude décelés par l'OLAF n'aboutissent en effet que très marginalement à des poursuites sur le plan pénal. Le cloisonnement entre autorités judiciaires des Etats membres, les insuffisances de la coopération judiciaire en matière pénale - en dépit de la création d'Eurojust - et l'absence de reconnaissance des preuves mettent trop souvent en échec des mois d'enquête. Le caractère transnational de la fraude aux intérêts financiers communautaires oblige en effet à une coopération avec, actuellement, dix-sept ordres judiciaires appliquant des règles de fond et de procédure différentes. Ces difficultés vont, en outre, s'accroître après l'élargissement, avec l'augmentation du nombre d'Etats et d'opérateurs impliqués dans la gestion des fonds communautaires.

La création d'un ministère public européen est la seule réponse pertinente face à ce morcellement de l'espace pénal européen. Il existe une réelle convergence de vues sur ce point, émanant d'institutions et d'organismes divers. La Commission a avancé ce projet lors de la Conférence intergouvernementale qui a conduit à la signature du traité de Nice, et lui a consacré plus récemment un Livre vert, présenté le 11 décembre 2001. M. Klaus Hânsch en a proposé la création dès 1996, alors qu'il était président du Parlement européen. Cette idée a également été préconisée par le groupe d'experts ayant rédigé, sous la direction du professeur M. Delmas-Marty, le Corpus Jurïs publié en 1997 et amendé en 2000. Le comité des sages, que présidait M. Jean-Luc Dehaene, aujourd'hui vice-président de la Convention, a repris cette proposition en 1999. L'Institut universitaire européen de Florence y est favorable, de même que l'Association européenne des magistrats.

Ce ministère public européen permettrait d'assurer un contrôle judiciaire homogène de l'activité opérationnelle et des enquêtes de niveau communautaire, garantissant le respect des droits individuels, de centraliser les poursuites judiciaires et de déclencher l'action publique devant les tribunaux nationaux. C'est indispensable, pour qu'à la communautarisation du

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FR

crime réponde enfin une communautarisation de la répression.

. Il apparaît légitime d'étendre la compétence du ministère public européen à l'ensemble de la criminalité contre l'Europe, c'est-à-dire aux infractions portant atteinte à des intérêts communs et pour lesquels existe un droit du fond communautaire. La contrefaçon de l'euro, les abus commis par les agents de la fonction publique communautaire et la protection des marques et des brevets communautaires devraient ainsi être visés.

II. - UN PROJET CONFORME AUX EXIGENCES DE L'ETAT DE DROIT ET DE LA DEMOCRATIE

La création du ministère public européen est légitime, parce qu'il sera doté de fortes garanties d'indépendance et placé sous un contrôle juridictionnel et démocratique efficace.

a. De fortes garanties d'indépendance

Le statut du ministère public européen doit s'inspirer de celui des juges de la Cour de justice. Choisi parmi des personnalités réunissant les conditions requises pour l'exercice, dans leurs pays respectifs, des plus hautes fonctions juridictionnelles, il ne peut solliciter ni accepter aucune instruction. Les procureurs européens délégués nationaux devraient également être dotés d'un statut européen assurant leur indépendance.

Ses conditions de nomination devraient être identiques à celles des juges de la Cour de justice, en prévoyant toutefois le recours à la majorité qualifiée et la consultation du Parlement européen. Le caractère non renouvelable du mandat de six ans, proposé par la Commission, devrait également être retenu.

b. Un contrôle juridictionnel et politique efficace

Le ministère public européen doit être indépendant, mais pas pour autant irresponsable. Une procédure disciplinaire doit être mise en place, et s'il a commis une faute grave ou s'il ne remplit plus les conditions nécessaires à l'exercice de ses fonctions, une procédure de destitution pourrait être engagée devant la Cour de justice, à la requête du Parlement européen, du Conseil, ou de la Commission. Une requête collective des parlements nationaux pourrait

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FR

également être envisagée, selon des modalités qui restent à définir.

Le ministère public européen devrait également présenter un rapport annuel devant le Parlement européen. Ce rapport serait transmis aux parlements nationaux.

La protection des droits des justiciables exige également la création d'une Chambre préliminaire européenne, rattachée à la Cour de justice. Le système prévu par la Commission n'est en effet pas satisfaisant. Le contrôle par un juge national de l'acte de renvoi en jugement ne protège pas les justiciables contre la pratique du «forum shopping », qui consisterait à laisser le choix au procureur européen de renvoyer l'affaire devant les tribunaux de l'Etat où celle-ci aurait le plus de chance d'aboutir à une condamnation, et le contrôle par un «juge des libertés » national des actes de recherche paraît difficile à exercer en pratique s'agissant d'affaires transnationales. Il convient par conséquent de confier à une Chambre préliminaire les fonctions déjuge des libertés à l'échelle de l'espace judiciaire européen, en lui conférant le contrôle de la phase préparatoire et la décision de renvoi en jugement.

III. - UNE INSTITUTION COMPATIBLE AVEC LA DIVERSITE DES TRADITIONS JURIDIQUES NATIONALES ET LES ORGANES EXISTANTS

La faisabilité du ministère public européen ne fait pas de doute, parce que les traditions juridiques des Etats membres se sont considérablement rapprochées, mais elle requiert la définition de règles communes d'admissibilité des preuves et une clarification des relations avec les institutions existantes.

a. Les traditions juridiques des Etats membres se sont considérablement rapprochées

La diversité des traditions juridiques des Etats membres est souvent opposée à la création d'un ministère public européen, au motif que la tradition accusatoire, qui n'implique pas l'institution d'un service de poursuites publiques, lui serait totalement étrangère. Mais cette opposition entre la tradition accusatoire et inquisitoire est excessive, dans la mesure où ces deux modèles ont évolué et que leurs caractères d'origine se sont estompés. L'influence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en matière de procès équitable, en particulier, a contribué à rapprocher ces deux systèmes. On peut ainsi mentionner, à titre

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d'exemple, la création en Angleterre et au Pays de Galles du Crown Prosecution Service, en 1985, et du Serions Fraud Office, en 1987, et la disparition progressive sur le continent européen du juge d'instruction1.

b. Des règles communes d'admissibilité des preuves

Le principe de reconnaissance mutuelle et de libre circulation des preuves proposé par la Commission ne paraît pas de nature à surmonter toutes les difficultés rencontrées sur ce point essentiel. Il convient par conséquent de prévoir une harmonisation de certaines règles en matière de preuves, en adoptant une liste ouverte des modes de preuves que les Etats membres reconnaîtraient comme communément admissibles devant leurs juridictions, sur le modèle de l'article 32 du Corpus juris.

c. Une institution compatible avec les organes existants

Le ministère public européen ne doit pas aggraver la « sédimentation » des institutions observable en matière de coopération judiciaire. Eurojust et le ministère public européen sont deux institutions complémentaires - mais Eurojust ne saurait constituer un substitut au ministère public européen, car il relève d'une logique différente, de coopération judiciaire -entre lesquelles un lien doit être établi, afin d'éviter tout cloisonnement. Le représentant du ministère public européen pourrait ainsi être membre de droit du collège Eurojust, tout en conservant son statut particulier et son indépendance fonctionnelle. Une solution plus ambitieuse consisterait également à opérer une fusion organique entre ces deux instances, avec une relation hiérarchique qui ferait du représentant du ministère public européen un «primus inter pares » au sein de la seconde.

La fusion d'Europol et de l'OLAF, tous deux placés sous le contrôle du Procureur européen, devrait également être envisagée, dans un esprit de rationalisation et afin d'accroître l'indépendance organique de l'OLAF à l'égard de la Commission, dans le contexte d'un cadre institutionnel européen unique.

*

Cf. Mireille Delmas-Marty et John Spencer, «Ministère public européen : articles 18-19 Corpus juris », in Mireille Delmas-Marty et J.A.E. Vervaele, La mise en œuvre du Corpus juris dans les Etats membres, vol. 1, Intersentia, 2000, p.321-322.

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La création d'un ministère public européen constitue une réforme indispensable avant l'élargissement, pour restaurer la confiance des citoyens dans la poursuite de la construction européenne.

C'est une étape nécessaire afin de créer un véritable espace judiciaire européen, corollaire de l'espace de libre circulation. Il serait paradoxal que les Etats membres refusent de la franchir, alors qu'il existe déjà, au niveau international, des réalisations plus ambitieuses, comme la Cour pénale internationale, qu'ils ont pourtant unanimement acceptée.

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LA CONVENTION EUROPEENNE Bruxelles, le 15 novembre 2002
le secretariat

Working Group X Working document 13

Groupe de travail X « Liberté, sécurité et justice »

Objet : Observations de M. Jacques FLOCH, Membre de la Convention, sur le document de travail 05 du 6 novembre 2002 "Pistes de réflexion pour le Groupe de travail"

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Paris, le 12 novembre 2002

OBSERVATIONS DE M. JACQUES FLOCH SUR LES PISTES DE

REFLEXION POUR LE GROUPE DE TRAVAIL « LIBERTE, SECURITE ET JUSTICE »

- DOCUMENT DE TRAVAIL 05 DU 6 NOVEMBRE 2002 -

La construction d'un espace de liberté, de sécurité de justice est devenue une priorité majeure, depuis le traité d'Amsterdam, de la construction européenne. Les questions d'asile et d'immigration, la gestion des frontières extérieures et la coopération judiciaire en matière civile et pénale sont, de plus en plus fréquemment, placées au sommet de l'agenda politique européen, comme en témoignent les conclusions des nombreux conseils européens consacrés à ces sujets, de Tampere à Séville, en passant par celui de Laeken. Les attentes des citoyens européens sur ce point sont particulièrement fortes, et ne devront pas être déçues. Les propositions formulées par la Convention européenne devront se montrer à la hauteur de ces enjeux, et être ambitieuses.

Les progrès enregistrés en la matière ont en effet, jusqu'à présent, été particulièrement lents, et les avancées réalisées souvent décevantes, en dépit d'une activité législative soutenue. De l'« affaire Rezala » à l'« affaire Ramda », en passant par la querelle franco-britannique sur le centre de Sangatte, les insuffisances de la coopération européenne ont frappé l'opinion publique.

Les frontières se sont ouvertes pour les criminels, mais elles restent fermées pour les policiers et les magistrats. La plupart des Etats membres ont renoncé à leur monnaie, mais l'attachement à leur souveraineté nationale contribue à faire de l'Europe un paradis pénal. Plus de 5,5 millions d'Européens vivent dans un autre Etat membre et les mariages mixtes se multiplient, mais il reste impossible de faire reconnaître simplement une décision de divorce ou de garde d'enfant. Il est temps de mettre un terme à ce déséquilibre de la construction européenne, en proposant des réformes ambitieuses, pour un cadre institutionnel efficace et démocratique, mettant en œuvre des politiques d'asile et d'immigration humanistes et constituant un véritable espace

judiciaire européen.

*

* *

I. - UN CADRE INSTITUTIONNEL EFFICACE a.Un cadre institutionnel unique

Un cadre institutionnel unique surmontant l'actuelle séparation entre piliers, comme le préconise le groupe de travail « Personnalité juridique de l'Union », apparaît effectivement indispensable. Cette structure unique renforcerait la lisibilité et la cohérence du système, en mettant fin notamment aux problèmes considérables de base juridique rencontrés pour certains instruments (comme en matière de protection des intérêts financiers ou de protection de l'environnement).

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Mais il faudra tenir compte de la spécificité de ce secteur, en prévoyant que le Conseil européen pourra adopter des instruments de programmation pluri-annuels, définissant une vision d'ensemble de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, et en renforçant le rôle des parlements nationaux, aussi bien au stade de l'élaboration des actes législatifs que de leur mise en œuvre.

b. Des instruments juridiques efficaces

Les décisions et les décisions-cadre du troisième pilier actuel devront impérativement être remplacées par les futures lois et lois-cadre communautaires, de manière à disposer d'instruments juridiques efficaces et lisibles.

Le recours aux conventions devrait être supprimé (la majorité d'entre elles n'est en effet pas encore entrée en vigueur, faute de ratification par les Etats membres), sauf pour établir des coopérations renforcées entre certains Etats membres. Les conventions actuelles seraient remplacées par des instruments de droit communautaire.

c. Une procédure décisionnelle cohérente

Le recours à la majorité qualifiée et à la co-décision doit devenir la règle dans ce domaine. L'unanimité continuerait cependant à jouer un rôle, par exemple pour compléter la liste des infractions (cf. infrd) ou pour créer de nouveaux organes dotés de compétences opérationnelles.

Le droit d'initiative devrait continuer d'être partagé entre la Commission et les Etats membres. Mais l'initiative des Etats membres doit être davantage encadrée, afin d'éviter que chacun ne soit tenté de transposer les priorités de son agenda politique national au niveau européen, et être réservée à un groupe de trois ou quatre Etats membres. Cette limitation pourrait être compensée par le droit pour chaque Etat membre ou pour le Parlement européen de demander à la Commission de déposer une proposition, un refus éventuel de celle-ci devant obligatoirement être motivé.

d. Une « voix et un visage »pour l'Espace de liberté, sécurité et justice

II existe un besoin de personnalisation de l'Union, dans ce domaine comme dans d'autres, et de davantage de cohérence. La création d'une nouvelle institution n'est cependant pas souhaitable, compte tenu de la concurrence qu'elle créerait avec l'existence d'un commissaire européen pour la justice et les affaires intérieures. Il est sans doute préférable de renforcer ce dernier, en en faisant le vice-président de la Commission et en renforçant sa légitimité démocratique (par une procédure spécifique de désignation par le Conseil européen, avec une confirmation par le Parlement européen, par exemple).

e. Un recours indispensable aux coopérations renforcées

Le recours aux coopérations renforcées dans ce secteur devra également être prévu par le traité, dans la perspective de l'élargissement. Il est en effet indispensable de permettre à un noyau dur d'Etats membres de progresser plus loin et plus vite, dans une Europe élargie.

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II. - UN CADRE INSTITUTIONNEL DEMOCRATIQUE

a. Des pouvoirs renforcés pour le Parlement européen

Ces pouvoirs seraient renforcés, en premier lieu, par le recours à la co-décision pour l'ensemble de l'espace de sécurité, liberté, et justice. Des procédures particulières devraient également être mises en place en ce qui concerne le contrôle démocratique d'Europol et du futur ministère public européen.

S'agissant d'Europol (dont le rôle opérationnel doit s'affirmer), le traité devrait poser le principe d'un contrôle parlementaire efficace d'Europol, afin que l'instrument de droit communautaire reprenant la Convention Europol prévoit qu'un seul et même rapport d'activité annuel soit adressé au Conseil et au Parlement européen, ainsi que le droit pour le Parlement européen de demander un échange de vues avec la présidence sur ce rapport annuel, et le droit d'inviter le directeur d'Europol à se présenter devant la commission compétente1.

En ce qui concerne le ministère public européen, le Parlement européen devrait également être consulté sur sa nomination, et pouvoir engager une procédure de destitution devant la Cour de justice, en cas de faute grave ou s'il ne remplit plus les conditions nécessaires à l'exercice de ses fonctions. Un rapport annuel devrait également être présenté au Parlement européen.

b. Un contrôle accru des parlements nationaux

Le contrôle des parlements nationaux doit être renforcé dans ce secteur, qui se situe au cœur des préoccupations et des droits fondamentaux des citoyens européens.

Des modalités particulières de mise en œuvre du mécanisme d'alerte précoce prévu par le groupe de travail I « Subsidiarité » pourraient être prévues ; un seuil moins élevé d'avis motivés (un quart au lieu d'un tiers des parlements nationaux) pouvant, par exemple, contraindre la Commission à réexaminer sa proposition.

Un mécanisme d'alerte précoce du même type pourrait également être prévu en cas d'atteinte aux droits fondamentaux, le dépôt d'un avis motivé entraînant, comme pour le respect du principe de subsidiarité, la possibilité de saisir la Cour de justice pour un parlement national. Le

développement de l'activité législative en matière de justice et d'affaires intérieures soulève en effet, de plus en plus fréquemment, des interrogations en matière de respect des droits fondamentaux.

Le contrôle parlementaire d'Europol devrait également associer davantage les parlements nationaux, avec la création d'une commission mixte, composée de membres des commissions et du Parlement européen compétentes en matière policière, comme l'a proposée la Commission dans sa communication sur le contrôle démocratique d'Europol du 26 février 2002.

Les parlements nationaux pourraient également déposer une requête collective, selon des modalités qui restent à définir, engageant une procédure de destitution du ministère public européen, dans les mêmes conditions que le Parlement européen.

1 Cf. les propositions figurant dans la communication de la Commission du 26 février 2002, « Exercice d'un contrôle démocratique sur Europol », COM (2002) 95 final du 26 février 2002 et dans la recommandation du Parlement européen sur le développement futur d'Europol du 30 mai 2002.

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c. Un contrôle élargi de la Cour de justice

Le régime général de compétence de la Cour de justice doit impérativement s'appliquer dans l'ensemble de l'espace de liberté, de sécurité et de justice. Le maintien des limitations actuelles est en effet difficilement acceptable, tant sur le plan de l'efficacité qu'en termes de garanties des droits individuels, dans une Communauté de droit.

III. - des politiques d'asile, d'immigration et d'integration humanistes a.Une politique d'asile ambitieuse

En matière d'asile, les dispositions actuelles de l'article 63 du traité CE apparaissent clairement insuffisantes pour mettre en œuvre les objectifs ambitieux affirmés lors du Conseil européen de Tampere d'octobre 1999. La mise en place d'un système commun d'asile, avec des procédures, des définitions et des conditions d'accueils communs, requiert en effet d'aller au-delà de la définition de « normes minimales ». Les articles du traité devront être complétés en ce sens, afin de garantir une base juridique adéquate.

La règle de l'unanimité a, en outre, clairement montré ses limites lors des négociations sur le « paquet asile » présenté par la Commission. Elle a en effet conduit à vider les textes de leur substance, en ne retenant que le plus petit dénominateur commun des législations des Etats membres. Le passage à la majorité qualifiée est donc nécessaire, sans attendre que les conditions posées par le Traité de Nice soient remplies. L'application de la procédure de co-décision est également indispensable, afin d'assurer le contrôle démocratique et la légitimité des décisions prises dans ce domaine.

D'une manière générale, l'affirmation d'un principe de solidarité, y compris financière, entre Etats membres dans les domaines de l'immigration, de l'asile et du contrôle des frontières extérieures doit également être approuvée, parce qu'il est conforme à la logique communautaire et qu'il garantira une répartition équitable des efforts consentis par l'ensemble des Etats membres.

Enfin, il devrait être clairement affirmé que les textes communautaires en la matière s'appliqueront également aux autres formes de protection internationale subsidiaire (comme l'asile territorial, en France), parce qu'un traitement différencié en fonction de l'auteur des persécutions -étatique ou non étatique - dont les personnes sont victimes n'est pas acceptable.

b. Une politique d'immigration et d'intégration commune

L'accent a trop souvent été mis, dans ce domaine, sur la lutte contre l'immigration clandestine, et pas assez sur la politique d'intégration. Cette dimension doit être renforcée, en introduisant un lien explicite entre la politique d'immigration et les politiques qui visent déjà dans le traité la lutte contre toute forme de discrimination.

L'articulation de la politique d'immigration, de la politique étrangère et de la politique d'aide au développement devrait également être améliorée dans les traités, parce que la coopération avec les pays tiers constitue l'un des axes centraux d'une véritable politique d'immigration.

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IV. UN VERITABLE ESPACE JUDICIAIRE EUROPEEN

a. L'affirmation du principe de reconnaissance mutuelle

Le principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice rendues par les autres Etats membres constitue la « pierre angulaire » de l'espace judiciaire européen. Ce principe de libre circulation des décisions de justice doit être clairement affirmé, en matière civile comme en matière pénale. Il devrait figurer en tête du titre spécifique du traité consacré à l'espace judiciaire européen.

Cette affirmation, fondée sur la confiance mutuelle dans les systèmes judiciaires des autres Etats membres, doit s'accompagner de la mise en place de mécanismes d'évaluation de la qualité de la justice, et d'une amélioration de la connaissance qu'ont les professionnels de la justice des autres systèmes judiciaires, à travers des formations communes et des échanges visant les magistrats et les avocats.

Elle doit également s'appuyer sur la définition de garanties procédurales, fondées sur la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sur la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, mais pouvant aller au-delà si nécessaire.

Une base juridique devrait également être incluse dans les traités, en vue d'élaborer des normes communes en matière d'admissibilité des preuves, en matière civile et pénale.

b. Des compétences communautaires clairement définies

En matière pénale, l'harmonisation de certaines infractions, relatives à la criminalité transfrontalière, doit également constituer l'une des priorités de l'action de l'Union européenne. La définition des infractions visées devraient combiner le recours à une liste pouvant être complétée à l'unanimité, sous réserve de respecter des critères cumulatifs reposant sur la dimension transfrontalière des infractions et l'atteinte à des intérêts ou des valeurs communs.

En matière civile, la base juridique figurant dans le traité devrait être clarifiée, notamment en ce qui concerne la conclusion d'accords avec des Etats tiers en matière de coopération judiciaire civile, en affirmant le principe d'une compétence partagée.

c. Un ministère public européen (2)

La création d'un ministère public européen apparaît indispensable pour assurer la protection des droits individuels, compte tenu du développement de l'activité policière européenne (de l'OLAF comme, à terme, d'Europol). C'est une condition nécessaire de l'Etat de droit, parce que dans aucun Etat de droit l'activité policière ne s'est développée sans un contrôle juridictionnel. Cette création constitue également la seule manière de surmonter le morcellement de l'espace pénal européen, et de renforcer la lutte contre la criminalité portant atteinte aux intérêts communautaires (protection des intérêts financiers, contrefaçon de l'euro, abus commis par les agents de la fonction publique communautaire, protection des marques et brevets communautaires), pour qu'à la communautarisation du crime réponde enfin une communautarisation de la répression.

2 Cf., sur ce point, la contribution déposée au groupe de travail du 28 octobre 2002, « Une justice pour l'Europe », WD 06, qui développe plus substantiellement cette argumentation.

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Cette création est légitime, parce que ce ministère public européen sera doté de fortes garanties d'indépendance et soumis à un contrôle juridictionnel - avec la création d'un Chambre préliminaire européenne - et politique efficace. Elle est parfaitement compatible avec les traditions juridiques des Etats membres, se sont considérablement rapprochées (l'Angleterre et le Pays de Galles ont, par exemple créé un Crown Prosecution Service en 1985, et le Serions Fraud Office en 1987, dont les pouvoirs sont supérieurs à ceux que détiendraient le ministère public européen).

Enfin, elle n'aggravera pas la « sédimentation » des institutions existantes, dans la mesure où un lien étroit serait établi entre le Procureur européen et Eurojust, le représentant du ministère public européen pouvant être membre de droit du collège Eurojust, qui conserverait ses attributions en matière de coopération judiciaire.

Sa création pourrait, en outre, s'accompagner, dans un esprit de rationalisation et afin d'accroître l'indépendance organique de l'OLAF à l'égard de la Commission, d'une fusion d'Europol et de l'OLAF.

Si la création d'un parquet collégial, éventuellement à partir d'Eurojust, devait lui être préférée, il conviendrait de préciser comment cette collégialité pourrait être conciliée avec l'exigence de réactivité que requiert une conduite efficace des poursuites judiciaires et de l'action publique devant les tribunaux nationaux.

d. Le développement opérationnel d'Europol

Des compétences opérationnelles devraient être conférées à Europol, qui doit jouer un rôle directeur dans le cadre des équipes communes d'enquête et doit pouvoir auditionner des témoins, dans le cadre de ses compétences correspondant à la protection des intérêts communautaires. En contrepartie, son contrôle démocratique par le Parlement européen et les parlements nationaux doit être renforcé (cf. supra), de même que son contrôle juridictionnel, qui serait confié au ministère public européen pour ce qui relève de la criminalité contre l'Europe.

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LA CONVENTION EUROPEENNE Bruxelles, le 25 Novembre 2002
le secretariat

Working Group X Working document 26

Groupe de travail X «Liberté, sécurité et justice»

Objet : Note de Anne Van Lancker, Marie Nagy et Jacques Floch "Espace commun de liberté, de sécurité et de justice"

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"ESPACE COMMUN DE LIBERTE, DE SECURITE ET DE JUSTICE"

Note de Anne Van Lancker, Marie Nagy et Jacques Floch

1. Introduction

L'établissement d'un espace commun de liberté, de sécurité et de justice au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes, doit être défini par le Traité constitutionnel comme une des missions essentielles de l'Union européenne.

Dans cet espace, dans l'intérêt des personnes et le respect du droit international, doit être assuré un juste équilibre entre les exigences de la liberté, celles de la sécurité et celles de la justice.

Si certains progrès ont été effectués depuis le Traité de Maastricht, de nombreuses critiques continuent d'être adressées à la manière dont l'UE et ses EM traitent ces questions : manque de cohérence et de sécurité juridiques, lenteurs et blocages du processus décisionnel, insuffisance des contrôles parlementaire et juridictionnel, normes minimales établies selon le principe du plus petit commun dénominateur.

Les propositions suivantes devraient apporter une amélioration substantielle.

2. Respect des droits fondamentaux et de la dignité de la personne

L'Union européenne repose sur les principes de l'Etat de droit ainsi que sur le respect des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Dans ce but, le Traité constitutionnel doit consacrer l'intégration de la Charte des Droits fondamentaux dans le traité comme un ensemble de principes obligatoires s'imposant aux institutions européennes et aux EM dans l'exercice de leurs politiques au sein de l'UE ainsi que rendre possible l'adhésion de l'Union à des actes internationaux en matière de droits fondamentaux comme la Convention européenne des Droits de l'Homme, la Convention de Genève sur le statut des Réfugiés, ou la Charte de Turin et ses protocoles en matière sociale ; ceci ne sera rendu possible que par l'attribution de la personnalité juridique à l'UE ;

Les groupes de travail "Charte" et "personnalité juridique" ont fait des recommandations en la matière. Nous voulons encore insister sur l'accès au juge.

3. Sécurité et cohérence juridiques du système européen

L'établissement, l'exécution et le contrôle de l'application des règles communes relatives au fonctionnement de l'espace de liberté, sécurité et justice doivent être soumis à un contrôle juridictionnel effectif, homogène et cohérent, garantissant le respect de l'Etat de droit au sein de l'UE.

Il est requis que la CEJ assume intégralement le rôle d'instance de recours pour l'ensemble des questions traitées au niveau européen, que ce soit au titre du recours préjudiciel, du recours en manquement, du recours en annulation.

Les nombreuses insuffisances du contrôle juridictionnel que comporte l'actuel 3° pilier ne peuvent être efficacement corrigées que par une application des dispositions juridictionnelles prévues dans le cadre communautaire du 1er pilier.

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4. Objectifs, compétences et instruments de l'UE

4.1. Objectifs

L'UE constituant un ensemble au sein duquel est garantie la libre circulation, il est nécessaire d'établir des règles communes en matière de conditions formelles d'accès des personnes au territoire de l'UE, de contrôle de cet accès et de renvoi; même si les agents en charge de cette tâche demeurent des officiers nationaux, il s'impose qu'ils appliquent les mêmes règles, à l'instar de ce qui se fait déjà dans le cadre de l'union douanière, (ceci n'est pas exclusif de la création d'un corps européen).

Pour les autres aspects de la politique d'immigration et d'asile (conditions d'accueil et d'intégration...), des prescriptions communes sont requises et leur niveau de protection doit être élevé afin de prévenir des effets négatifs.

En matière de droit civil, pour assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, faciliter la reconnaissance mutuelle des jugements, et régler des litiges dans des situations ou opérations ayant un caractère transfrontalier comme le droit de garde ou les pensions alimentaires pour les couples binationaux divorcés, une certaine harmonisation est nécessaire. S'agissant de crimes à caractère transfrontalier ou d'infractions particulièrement graves considérées comme préoccupations communes en raison de leur nature même (terrorisme, trafic d'êtres humains, d'armes, de drogue, blanchiment, criminalité organisée, fraude communautaire, corruption...), pour lesquels il faut éviter que leurs auteurs puissent abuser du paradoxe de la libre circulation des personnes et l'abolition des frontières économiques alors que sont maintenues les frontières nationales pour l'activité policière et judiciaire, une harmonisation est nécessaire au plan de la définition des incriminations, des sanctions, de l'exécution des peines, ainsi que des procédures, afin de faciliter la reconnaissance des jugements et décisions des autorités judiciaires nationales ; cette harmonisation s'impose encore plus si l'on entend développer un embryon de code pénal et de code de procédure pénal européen.

4.2. Compétences

- L'établissement et le contrôle de l'application des règles relatives à l'accès au territoire de l'UE (franchissement des frontières extérieures) doit être une compétence exclusive de l'Union ; les EM (police des frontières et des douanes) interviennent au nom de l'UE et en vertu des règles édictées par celle-ci.

- En revanche l'établissement et le contrôle du respect des règles à prévoir dans cet espace commun pour éviter les effets pervers et distorsions pouvant découler de l'élimination des frontières intérieures ou pour traiter des situations et opérations à dimension transfrontalière, relèvent de la compétence concurrente de l'UE et des EM.

4.3. Instruments

En ces matières, la compétence de l'UE est essentiellement législative et se traduit par

- la définition de normes communes pour le franchissement des frontières l'harmonisation ou le rapprochement des législations nationales ; la reconnaissance mutuelle des jugements et décisions des autorités judiciaires

La loi et la loi-cadre sont donc les deux instruments appropriés ;

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Toutefois lorsqu'une même application efficace est requise dans l'ensemble de l'Union, en particulier en matière de franchissement des frontières ou de lutte contre la criminalité, on privilégiera la loi en raison de son effet direct.

5. Rôle des institutions.

Dans ce domaine, où la première tâche est législative, le processus décisionnel doit remplir les trois conditions de transparence, d'efficacité et de contrôle démocratique ; la méthode communautaire répondra à cette triple exigence lorsque toute proposition émanera de la seule Commission -qui au préalable aura pu s'entourer de tous les avis pertinents- , et que le Parlement européen et le Conseil statuant à la majorité qualifiée adopteront la mesure en codécision.

Comme indiqué plus haut, la Cour de Luxembourg doit assumer l'ensemble des tâches de recours.

L'application et le respect du prescrit communautaire sont de la responsabilité des Etats Membres et singulièrement des agents des services nationaux de police et des magistrats nationaux. Toutefois pour soutenir l'efficacité de la lutte contre la criminalité à dimension européenne, Europol doit voir son rôle d'analyse doublé d'un droit d'injonction aux services nationaux de police de mener une enquête, et d'une possibilité d'apporter à ces derniers un appui opérationnel.

Pour sa part Eurojust doit avoir pour mission non seulement de coordonner les enquêtes judiciaires européennes mais aussi de surveiller la légalité de l'action d'Europol.

S'agissant de l'enquête et de la poursuite de crimes considérés comme « européens », Eurojust aurait vocation à se transformer en un Parquet européen, tandis qu'un tribunal pénal européen devrait être créé auprès de la Cour de Luxembourg .

Dans ce cadre, Europol devrait changer de base juridique (actuellement, il s'agit d'une convention intergouvernementale) pour devenir un organe communautaire, relevant du budget communautaire et soumis au contrôle du Parlement européen.

6. Conclusion

En termes de structure du Traité, ces diverses propositions ont pour effet d'abolir le 3° pilier et de transférer les matières concernées vers le 1 er pilier avec application de ses procédures de décision, instruments et contrôle juridictionnel.

Elles reposent aussi sur l'octroi de la personnalité juridique à l'UE.

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3. Contribution au groupe de travail « Europe sociale »

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« Premières réponses aux questions du mandat du groupe de travail sur l'Europe sociale » WG XI - WD 32 du 14 janvier 2003 227

LA CONVENTION EUROPEENNE Bruxelles, le 14 janvier 2003
le secretariat

Working Group XI Working document 32

Groupe de travail XI «Europe Sociale»

Objet; Premières réponses aux questions du mandat du groupe de travail Europe sociale

Les membres du groupe trouveront ci-joint un document présenté par M. Jacques Floch, membre suppléant de la Convention

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EM/ES1

CONVENTION - GT Europe sociale Paris, le 12 mars 2003

CONTRIBUTION DE M. JACQUES FLOCH
Premières réponses aux questions du mandat du groupe de travail Europe sociale

1) Les valeurs essentielles :

Etant donné que la définition de valeurs essentielles suppose la concision et qu'un consensus se dégage pour intégrer la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dans le futur traité constitutionnel, on pourrait insérer à l'article 2 une formule du type :

« L'Union exprime, conformément aux principes contenus dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, son attachement aux valeurs de dignité humaine, de liberté, de prospérité, d'égalité des droits, de citoyenneté, de justice et de solidarité entre les peuples et les citoyens.»

Cette formule permet de concilier brièveté, clarté et précision (par le renvoi à la Charte).

2) Les objectifs généraux :

Là encore, la définition des objectifs généraux suppose la concision, d'autant que les dispositions relatives aux compétences de l'Union permettront de rentrer davantage dans le détail. On pourrait dès lors proposer d'intégrer à l'article 3 la rédaction suivante :

« L'Union poursuit un double objectif social :

assurer le plein emploi, un haut niveau de pouvoir d'achat, de qualité de vie, de santé, de qualification et de protection sociale ;

offrir un mode de formation permettant le libre accès de chacun aux diverses activités et fonctions de la société et une répartition équitable des richesses entre les citoyens. »

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3) Les compétences :

· La compétence de l'Union pourrait être étendue à quatre nouveaux domaines :

a) La fixation d'un salaire minimum européen : la définition d'un salaire minimum, qui existe aujourd'hui dans les quinze Etats membres, est devenue une caractéristique du modèle social européen ; permettre au Conseil de le fixer peut donc être considéré comme une exigence sociale. Par ailleurs, cela éviterait les distorsions de concurrence liées aux fortes disparités existant en la matière, en particulier avec plusieurs pays candidats d'Europe centrale et orientale.

b) La coordination des politiques salariales : si ces politiques relèvent avant tout, selon le principe de subsidiarité, des partenaires sociaux et des Etats, il est de l'intérêt de tous les Etats membres que ces politiques soient coordonnées, à la fois pour limiter les distorsions de concurrence liées à de trop fortes différences de revenus d'un pays à l'autre, mais aussi parce que ces politiques constituent une des composantes majeures des politiques économiques, qu'il convient, dans le cadre de la zone euro, de coordonner.

c) La définition de prescriptions minimales en matière de droit de grève et de droit de lock out : on voit mal pourquoi l'Union aurait compétence, comme c'est le cas aujourd'hui, pour légiférer sur la protection des travailleurs en cas de résiliation du contrat de travail, les CDI, les CDD ou le travail intérimaire, et non sur le droit de grève et le droit de lock out - qui est son pendant - alors que ceux-ci sont reconnus dans tous les pays de l'Union et constituent également l'un des traits du modèle social européen.

d) La détermination de prescriptions minimales en matière de santé publique :

l'évolution récente a montré que des phénomènes tels que la vache folle, la tremblante du mouton, la salmonellose ou, dans un autre registre, la publicité en faveur du tabac, sont des phénomènes qui dépassent les frontières nationales et appellent, en conséquence, des réponses communes. La discussion récente sur la directive « tabac » a montré que les compétences actuelles du traité CE en matière de santé ne permettaient pas à l'Union de légiférer et qu'il lui fallait s'appuyer, pour ce faire, sur ses compétences en matière de marché intérieur, au risque de voir ses mesures censurées par la Cour de justice, comme ce fut le cas pour la dernière directive « tabac »*.

1 Directive 98/43/CE du 6 juillet 1998 annulée par la Cour de justice dans un arrêt du 5 octobre 2000 (affaire C-376/98).

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· Cependant, les compétences de l'Union pouvant être amenées à évoluer, il serait préférable qu'elles figurent en annexe ou en deuxième partie de la future constitution et puissent être modifiées par la voie de la loi organique. Le renvoi en annexe, que propose notamment Robert Badinter, aurait le mérite d'alléger le texte constitutionnel, qui devra être nécessairement bref. On pourrait en profiter en même temps pour épurer et simplifier la rédaction des dispositions concernées (actuels articles 136 et suivants du traité CE tels qu'ils résultent des modifications apportées par le traité de Nice) (voir annexe jointe).

4) Place de la méthode ouverte de coordination :

Etant donné la place acquise par la méthode ouverte de coordination dans la politique communautaire et son utilité - notamment dans le domaine de l'emploi et de la lutte contre les exclusions - pour faire converger les politiques sociales des Etats membres, il y a lieu de la consacrer dans le traité parmi l'ensemble des procédures d'action possibles. Il pourrait être indiqué qu'elle est applicable à la politique de l'emploi, de la lutte contre les exclusions et à tous les domaines dans lesquels le Conseil juge approprié d'y recourir. Cependant, afin de ne pas alourdir le texte constitutionnel de dispositions trop techniques, il serait souhaitable de renvoyer à une loi organique le soin d'en définir les modalités.

5) Coordination des politiques économiques et sociales

La coordination entre les actions économiques et les actions sociales de l'Union est souhaitable, tant les unes dépendent des autres et réciproquement. Il pourrait donc être mentionné, dans les dipositions relatives aux compétences de l'Union, que celle-ci assure la coordination de ses politiques économiques et sociales, en renvoyant à une loi organique la mission de définir au besoin les modalités de cette coordination.

6) Les procédures

L'un des traits les plus caractéristiques de l'Europe par rapport aux autres grands ensembles régionaux du monde, notamment les Etats-Unis ou la Chine, est sans conteste l'attachement à un haut niveau de protection sociale et au respect d'un minimum de garanties sociales, qui sont une des composantes essentielles de la dignité humaine. Ces valeurs, que l'on résume souvent sous l'expression de modèle social européen, ne pourront prévaloir dans une communauté de 25 ou 30 Etats que si l'Union est en mesure de les garantir par l'adoption d'un ensemble de mesures concrètes, touchant l'ensemble du domaine social.

Dans ces conditions, le passage à la règle de la majorité qualifiée pour l'ensemble des compétences sociales de l'Union paraît indispensable. L'importance de ces questions justifie la participation obligatoire du Parlement européen à la prise de décision et, par conséquent, la généralisation de la procédure de codécision. Une exception devrait cependant continuer de relever de la règle de l'unanimité afin de préserver les légitimes spécificités nationales existant en

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cette matière : l'harmonisation des régimes de sécurité sociale. Il paraîtrait en effet inconcevable au peuple français de devoir par exemple abandonner le régime de retraite par répartition, auquel il reste très attaché, si une loi européenne un jour, au motif d'harmoniser les règles du marché intérieur, le lui imposait.

1. 7) Le rôle des partenaires sociaux

Le rôle des partenaires sociaux gagnerait à être mentionné au titre VI. En effet, ils participent pleinement à la vie démocratique des Etats membres et de l'Union. En outre, leur rôle a été renforcé au cours des modifications successives apportées au traité instituant la Communauté européenne, en particulier par le traité d'Amsterdam, qui leur confère une mission de co-législateur en matière sociale. Ces nouvelles attributions ont d'ailleurs permis l'adoption de textes importants au cours des dernières années, qu'il s'agisse du travail à temps partiel ou du travail à durée déterminée notamment. Enfin, l'association des partenaires sociaux aux politiques sociales constitue une tendance structurelle, liée à l'approfondissement des démocraties : la création récente d'un Sommet social tripartite pour la croissance et l'emploi au niveau communautaire montre bien à cet égard l'attention que les dirigeants européens, et par leur voix, les opinions publiques, attachent à cette question.

L'article 34 de l'avant-projet de traité constitutionnel, relatif au principe d'une démocratie participative, paraît le plus approprié pour ce faire. Il pourrait être indiqué brièvement que les partenaires sociaux sont associés à la politique sociale de l'Union, en renvoyant aux articles définissant les modalités de cette association (actuels articles 138 et 139).

2. ANNEXE : Simplification des dispositions du traité CE relatives à la politique

sociale (articles 136 et suivants tels qu'ils résultent des modifications apportées par le traité de Nice)

- Article 136 : cet article, qui traite principalement des objectifs de la Communauté en matière sociale pourrait être supprimé si l'article de la future constitution relatif aux objectifs de l'Union est suffisamment précis.

- Article 137: cet article pourrait, comme aujourd'hui, préciser les compétences de l'Union en matière sociale et la procédure d'adoption des textes applicable.

Articles 138 et 139 (prise en compte de l'avis des partenaires sociaux) : ces dispositions gagneraient, pour des raisons de clarté, à être transférées vers le titre relatif aux procédures.

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- Articles 140 (compétences de la Commission pour encourager la coopération entre les Etats membres et la coordination de leur action) : cette disposition pourrait être raccourcie et intégrée dans l'article définissant les compétences (actuel article 137).

Article 141 et 142 (égalité de rémunération et de traitement entre hommes et femmes ; maintien de l'équivalence des régimes de congés payés) : il en est de même de ces dispositions.

- Les articles 143 et 145 (rapports de la Commission) ne paraissent pas devoir figurer dans un texte constitutionnel et devraient plutôt faire l'objet d'une loi organique. Il en est de même de l'article 144 (comité de la protection sociale).

Les articles 146 à 148 (actions du fonds social européen) pourraient aussi donner lieu à une loi organique, la constitution se bornant seulement à les évoquer parmi les institutions de l'Union.

Quant aux dispostions portant sur la formation professionnelle (partie des articles 149 et 150) et celles relatives à la santé publique (article 152), elles pourraient être intégrées dans l'article définissant les compétences sociales si l'on décidait de donner à l'Union une compétence propre en la matière.

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4. Contributions au « cercle de discussion »
sur la Cour de justice

Pages

« Dénomination des juridictions communautaires et accès des particuliers au juge communautaire » Cercle I-WD 06 du 4 mars 2003 235

« Amendement au projet de rapport du cercle de discussion sur la Cour de justice » Cercle I - WD 16 du 14 mars 2003 240

LA CONVENTION EUROPEENNE Bruxelles, le 4 mars 2003

le secretariat

CERCLE I

Document de travail 06

« Cercle de discussion » sur la Cour de justice

Objet : 1. Dénomination des juridictions communautaires

2. Accès des particuliers au juge communautaire par M. Jacques Floch

Les membres du « cercle de discussion » sur la Cour de justice, trouveront en annexe les commentaires de M. Jacques Floch, membre suppléant de la Convention.

CIRCLE I - WD06 1

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ANNEX
Paris, le 4 mars 2003

CONTRIBUTION DE M. JACQUES FLOCH

AU « CERCLE DE DISCUSSION » SUR LA COUR DE JUSTICE

Cette contribution est une proposition de compromis sur deux sujets débattus lors de la réunion du 3 mars 2003, et sur lesquels les opinions exprimées se sont révélées divergentes. Il s'agit d'une part de la dénomination des juridictions communautaires et d'autre part, de l'accès des particuliers au juge communautaire.

I - DENOMINATION DES JURIDICTIONS COMMUNAUTAIRES

Cour de Justice

L'appellation « Cour de Justice » a le mérite de la clarté et de la simplicité ; un changement de dénomination entraînerait une confusion au détriment de l'institution.

Il semble donc important de conserver l'appellation « Cour de justice » en l'adaptant à la dénomination future de l'Union. Il pourrait ainsi s'agir de la « Cour de justice de l'Union européenne ».

Tribunal de Première instance

Lors de son audition par les membres du cercle de réflexion, M. Bo Vesterdorf, Président du Tribunal de première instance (TPI), s'est clairement prononcé en faveur d'un changement de dénomination, notamment pour tenir compte de l'évolution des compétences juridictionnelles du TPI.

Le terme de «tribunal » ayant une signification différente selon les pays de l'Union, il semble souhaitable de le remplacer par le terme «juridiction ». Compétent à la fois en premier ressort, mais également en appel des décisions des chambres juridictionnelles, cette «juridiction » pourrait ainsi être qualifiée de « Haute juridiction de l'Union européenne » ou simplement « Juridiction de l'Union européenne ».

CIRCLE I - WD06 2

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Chambres juridictionnelles

Dans un souci de clarté, les chambres juridictionnelles placées auprès de la « Haute juridiction de l'Union européenne » ou « Juridiction de l'Union européenne » pourraient prendre le nom de « Tribunaux spécialisés ».

II - ACCES DES PARTICULIERS AU JUGE COMMUNAUTAIRE

Le débat qui s'est tenu lors de la réunion du 3 mars a révélé de profondes divergences quant à un assouplissement du droit d'accès des particuliers à la Cour de Justice. La rédaction actuelle de l'article 230§4 est très restrictive puisqu'un particulier ne peut saisir la juridiction communautaire que s'il est « directement et individuellement » concerné par une décision, même si l'on constate que la jurisprudence atténue les effets les plus restrictifs.

Le document préparé par le Secrétariat du cercle de réflexion1 a présenté 3 options possibles :

- une option extensive, défendue par M. Meyer, qui propose de remplacer «directement et_ individuellement » par « directement ou individuellement » ;

- une option présentée par MM. Farnleitner et Rack qui propose de supprimer les mots « ou individuellement » et de les remplacer pour les mots « concerne directement sa situation juridique » ;

- une autre option propose de maintenir le système actuel mais en y ajoutant les recours des particuliers contre des actes de l'Union de portée générale qui les concernent directement et qui ne comportent aucune mesure d'exécution. Cette solution permettrait d'éviter qu'un particulier soit dans l'obligation de violer un acte communautaire et d'être sanctionné par une juridiction nationale pour être en droit d'attaquer un acte communautaire.

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Aucune de ces trois options n'ayant fait l'objet d'un consensus, une voie de compromis doit être recherchée, qui permette d'élargir l'accès des particuliers au juge communautaire, en tenant compte de la diversité des arguments avancés. Au cours de la réunion, MM. Badinter, Dastis et Mme la Baroness Scotland ont plaidé pour le statu quo, craignant qu'un assouplissement des conditions posées par l'article 230§4 ne provoque un engorgement de la Cour qui serait nuisible au bon fonctionnement de la justice communautaire, et donc in fine, au justiciable.

Pour autant, l'intégration de la Charte dans le traité constitutionnel, avec pleine valeur juridique, n'a de sens que si elle s'accompagne de la possibilité pour les justiciables européens de s'en prévaloir directement devant le juge communautaire. Cela est nécessaire pour assurer le droit fondamental à une protection juridictionnelle effective contre les actes européens, alors même que le droit de recours est garanti par l'article 47 de la Charte2. Cette possibilité d'invoquer la Charte ne doit pas être encadrée dans un recours spécifique qui serait difficile à distinguer des autres recours, les droits fondamentaux pouvant être invoqués dans presque tous les litiges. En outre, l'intégration de la Charte signifie qu'elle soit invocable au même titre, et selon les mêmes règles que n'importe quelle autre norme de droit primaire.

Pour tenir compte des travaux du groupe de travail IX sur la simplification des instruments et des procédures3, il pourrait être envisagé de prévoir un accès différencié au juge selon qu'il s'agit d'actes législatifs (lois-cadre et lois) ou d'actes réglementaires (règlements délégués, règlements et décisions).

Pour les actes législatifs, il est proposé de maintenir les règles actuelles : un particulier ne pourrait saisir la juridiction communautaire que s'il est « directement et individuellement » concerné par un acte législatif de l'Union.

Pour les actes réglementaires, la formulation proposée par M. MEYER pourrait être reprise : un particulier pourrait saisir la juridiction communautaire s'il est « directement ou individuellement concerné par un acte réglementaire de l'Union ».

1 CERCLE I - WD 1

2 L'article 47 al.l de la Charte des droits fondamentaux énonce que « toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article ».

3CONV424/02WGIX13.

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En ce qui concerne le cas de figure spécifique où la législation communautaire formule une interdiction directement applicable sans qu'un acte national d'exécution soit nécessaire : il conviendrait d'appliquer les mêmes conditions que pour les actes réglementaires, afin de répondre au problème posé par l'arrêt Jégo-Quéré1.

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1 Arrêt du Tribunal de première instance du 3 mai 2002, Jégo-Quéré/Commission, T-177/01.

CIRCLE I - WD06 5

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LA CONVENTION EUROPEENNE Bruxelles, le 14 mars 2003

le secretariat

CERCLE I

Working Document 16

« Cercle de discussion » sur la Cour de justice

Objet : Amendement de M. Jacques Floch au projet de rapport du Cercle de discussion sur la Cour de justice

Les membres du « cercle de discussion » sur la Cour de justice, trouveront en annexe une proposition de Monsieur Jacques Floch.

CERCLE I-WD 16 1

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ANNEXE

AMENDEMENT M. JACQUES FLOCH

au projet de rapport du Cercle de discussion sur la Cour de justice

Proposition de modifications à apporter à l'article 230, quatrième alinéa :

Toute personne physique ou morale peut former, dans les mêmes conditions, un recours contre :

les décisions dont elle est le destinataire ;

les actes législatifs qui la concernent directement et individuellement ;

les actes législatifs ne comportant pas de mesure d'exécution, et qui la concernent directement ou individuellement ;

les actes réglementaires qui la concernent directement ou individuellement.

Justification :

La formule de compromis proposée dans le projet de rapport est très restrictive puisqu 'elle ne modifie la rédaction actuelle de l'article 230§4 qu'en ce qui concerne les actes ne comportant pas de mesures d'exécution, afin d'apporter une réponse au problème soulevé par la jurisprudence Jégo-Quéré.

Si le cercle est divisé sur l'assouplissement des conditions de recevabilité pour les recours des particuliers contre les actes législatifs, il semble en revanche qu 'un compromis puisse être trouvé en ce qui concerne les actes réglementaires. C'est l'objet de l'amendement présenté qui propose, pour cette catégorie d'actes, de rendre alternatives et non plus cumulatives les conditions « directement » et « individuellement ».

CERCLE I-WD 16 2
(ANNEXE) FR

5. Interventions orales

SESSION PLENIERE DES 5 ET 6 DECEMBRE 2002

Intervention sur le rapport final
du groupe de travail « Liberté, sécurité et justice »

La construction d'un espace de liberté, de sécurité et de justice est devenue une priorité majeure dans la construction européenne. Il semble bien que les attentes des citoyens européens dans ce domaine sont particulièrement fortes et ne devront pas être déçus. Les frontière se sont ouvertes pour les criminels et elles restent fermées pour les policiers et magistrats qui les combattent. La plupart des Etats membres ont renoncé à leur monnaie et l'attachement à leur souveraineté dans ces domaines contribue à faire de l'Europe un paradis pénal. Cette absurdité tolérée n'est plus acceptable. Nos propositions doivent être à la hauteur de ces enjeux. Sur un certain nombre de points, le rapport du groupe de travail particulièrement bien conduit par Monsieur Bruton répond à ces défis.

L'adoption d'une structure institutionnelle unique surmontant l'actuelle division en piliers, le passage à la majorité qualifiée et à la codécision dans de nombreux domaines, l'adoption des instruments communautaires à la place de ceux inadaptés et inefficaces du troisième pilier constituent des avancées remarquables. Mais sur deux sujets cruciaux, la création d'un procureur européen et le rôle des Parlements nationaux, le rapport est en-deça de nos attentes.

Premièrement, la création d'un procureur européen est indispensable pour qu'à la communautarisation du crime réponde enfin la communautarisation de la répression. L'activité policière européenne est en plein développement qu'il s'agisse de celle de OLAF, véritable police financière européenne ou d'Europol, futur police criminelle européenne. Dans une communauté de droit, cette activité doit faire l'objet d'un contrôle judiciaire efficace. Le procureur européen est également nécessaire pour renforcer la lutte contre la criminalité portant atteinte aux intérêts communs. Le morcellement de l'espace pénal européen, la diversité des règles de preuve, les insuffisances de la coopération judiciaire constituent des obstacles actuellement insurmontables en l'absence d'un procureur européen dont l'indépendance et la responsabilité devront être garanties par le Traité constitutionnel lui-même et non par un acte du Conseil statuant à l'unanimité. La délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale française a clairement pris position en ce sens.

Deuxièmement, le rôle des Parlements nationaux doit être également renforcé. La justice et les affaires intérieures sont au cœur de la compétence des Parlements nationaux parce qu'elle touche directement à la protection des libertés publiques et que les Parlements sont, pour reprendre l'expression du philosophe Alain, les délégués de la liberté face au pouvoir.

Un mécanisme spécifique propre à l'espace de liberté, de sécurité et de justice doit donc être mis en place pour que les Parlements nationaux puissent déclencher une procédure d'alerte précoce sur le modèle de celui conçu pour le principe de subsidiarité si une initiative paraît contraire aux Droits fondamentaux. Il convient de ne pas limiter cette possibilité aux seuls aspects fondamentaux du droit pénal national. C'est une condition nécessaire pour que l'espace de sécurité, de liberté et de justice soit un espace démocratique. Sur ces deux points, il nous faut encore progresser afin de mettre terme au déséquilibre de la construction européenne et créer cet espace judiciaire européen que vous avez été le premier, Monsieur le Président, à appeler de vos vœux en 1977 lors du Conseil européen de Bruxelles.

SESSION PLENIERE DES 6 ET 7 FEVRIER 2003

Intervention sur le rapport final
du groupe de travail « Europe sociale »

Un grand merci, Monsieur le Président Katiforis, car grâce à vous je crois que nous avons bien travaillé. Et, contrairement à ce qui vient d'être dit, nos propositions sont claires et peuvent être adoptées. En effet, le groupe de travail ayant abouti à un relatif consensus sur les valeurs, sur les objectifs, sur la place des méthodes de travail, sur la coordination des politiques économiques et sociales, sur le rôle des partenaires sociaux et le débat possible avec la société civile, mon intervention portera sur les deux points qui restent les plus discutés et qui sont, selon moi, déterminants pour l'avenir de l'Europe, et de l'Europe sociale en particulier : l'extension des compétences et la généralisation du vote à la majorité qualifiée.

La généralisation du vote à la majorité qualifiée me paraît la question la plus importante. Parmi les nombreux arguments évoqués en sa faveur, je n'en retiendrai qu'un seul. Il se suffit à lui-même. Dans une Europe à vingt-cinq ou à vingt-sept, l'Union ne peut se donner des compétences et en même temps s'empêcher de les exercer. Il est donc nécessaire que, dans les matières telles que la lutte contre les discriminations, la sécurité sociale du travailleur migrant, la protection du travailleur, la représentation et la défense collective des intérêts des travailleurs et des employeurs ou les conditions d'emploi des ressortissants des pays tiers en situation régulière, l'Union prenne ces décisions à la majorité qualifiée. La règle de l'unanimité apparaîtrait comme un refus de tout progrès. La majorité qualifiée est certes indispensable, mais il faut également intégrer la procédure de codécision. En effet, il est indispensable que le Parlement européen soit pleinement associé à l'action de l'Union dans tous les aspects de la politique sociale.

L'extension des compétences de l'Union me paraît souhaitable dans les domaines actuellement exclus par l'article 137 paragraphe 5 du Traité instituant la Communauté, à savoir les rémunérations, le salaire minimum, le droit d'association, le droit de grève et le droit de lock out. En effet, ces domaines étant déjà couverts par la Charte des droits, on ne voit pas pourquoi l'Union ne fixerait pas des normes minimales. Par ailleurs, outre les progrès que cette extension permettrait de faire, elle éviterait des distorsions de concurrence, voire de dumping social, qui troubleraient encore un peu plus notre vie économique commune. Enfin, il me paraît indispensable de permettre à l'Union de déterminer les prescriptions minimales dans le domaine de la santé.

Pour conclure, je crois que la généralisation de la majorité qualifiée et l'extension des compétences sont deux conditions majeures du renforcement de l'Europe sociale auxquelles les citoyens européens tiennent parce que cela constitue une dimension essentielle de l'identité européenne. Les Européennes et les Européens que tous ici nous représentons, lorsqu'on leur demandera leur avis sur nos travaux, se prononceront pour beaucoup d'entre eux, en fonction de leur avenir économique et social. L'Europe unie ne peut et ne doit les décevoir.

SESSION PLENIERE DU 4 JUILLET 2003

Intervention sur le projet d'articles de la partie III
relatifs à la coopération judiciaire et policièreAnnexe-1

La section 5 du chapitre IV de la partie III définie la coopération judiciaire et la coopération policière.

Les missions d'Eurojust apparaissent à l'article III-169 entre autres les déclenchement et la coordination des poursuites pénales, certes avec les autorités nationales et cela doit rester ainsi.

La coopération policière apparaît à l'article III-172 qui autorise l'organisation d'enquêtes et d'actions opérationnelles par Europol.

Quelles institutions contrôlent l'activité d'Europol ? Aucune ! Or dans un Etat où un ensemble démocratique, c'est le juge qui assure ce contrôle. Nous avons donc l'obligation d'instaurer un parquet européen.

C'est pourquoi je propose que l'on adopte l'amendement signé, entre autres, par M. Barnier, qui demande que le Conseil des ministres puisse instituer un parquet européen à la majorité qualifiée.

Intervention sur le projet d'article de la partie III
relatif aux services d'intérêt économique général

Le groupe de travail sur les affaires sociales avait longuement étudié le problème de la reconnaissance des services d'intérêt économique général.

Le Praesidium propose dans l'article III-3 la définition des SIEG et encadre leurs possibilités d'exister. Cela est confirmé par l'article III-5L alinéa 2.

Je me félicite de la position du Praesidium. C'est le minimum acceptables pour tous ceux, dont je suis, qui reconnaissent dans les services d'intérêt économique général des instruments indispensables pour assurer la cohésion sociale et le meilleur développement des territoires en Europe.

Ces services sont et doivent rester des éléments essentiels de la culture économique et sociale européenne.

6. Amendements déposés

Les amendements présentés ci-après ont été déposés sur le fondement des propositions d'articles successivement présentés par le Præsidium de la Convention, qui ne correspondent ainsi pas nécessairement à la version définitive adoptée par la Convention.

Par ailleurs, ne sont répertoriés dans cette annexe que les amendements déposés à titre individuel. Les amendements collectifs et/ou ceux déposés à l'initiative des composantes politiques de la Convention peuvent être consultés sur le site Internet de la Convention : www.european-convention.eu.int

AMENDEMENTS DEPOSES PAR M. JACQUES FLOCH

PREAMBULE

S'inspirant des héritages culturels, religieux, laïcs, et humanistes de l'Europe qui, nourris d'abord par les civilisations hellénique et romaine, marqués par l'élan spirituel qui l'a parcourue et est toujours présent dans son patrimoine, puis par les courants philosophiques des Lumières, ont ancré dans la vie de la société sa perception du rôle central de la personne humaine et de ses droits inviolables et inaliénables, ainsi que du respect du droit...

PARTIE I DU PROJET DE TRAITE INSTITUANT UNE CONSTITUTION POUR L'EUROPE

TITRE I : DEFINITION ET OBJECTIFS DE L'UNION

· Article 2 : Les valeurs de l'Union

Ajouter :

Au travers de l'affirmation de ces valeurs, l'Union européenne reconnaît les luttes et

combats de tout temps contre tous les régimes nazis, fascistes, autoritaires, totalitaires, racistes et xénophobes.

Pour l'affirmation et le respect de ses valeurs, l'Union poursuit le combat de ces hommes et de ces femmes.

· Article 3 : Les objectifs de l'Union

L'Union œuvre pour une Europe du développement durable fondée sur une croissance économique équilibrée et la justice sociale, dans le cadre d'un marché unique et d'une union économique et monétaire, visant le plein emploi et générant de hauts niveaux de compétitivité et hauts niveaux de vie. Elle promeut la cohésion économique et ,sociale et territoriale, le plein emploi, la justice sociale, la paix sociale, l'économie sociale de marché, la qualité de l'emploi, l'éducation tout au long de la vie, l'insertion sociale, un degré élevé de protection sociale, la protection de l'environnement et la protection sociale, l'égalité entre les hommes et les femmes, la non discrimination pour des motifs d'origine raciale ou ethnique, d'orientation religieuse ou sexuelle, de handicap et d'âge, les droits de l'enfant, un niveau élevé de santé, des services sociaux et des services d'intérêt général efficaces et de qualité, et favorise le progrès scientifique et technique, notamment la découverte de l'espace. Elle encourage la solidarité entre les générations et entre les Etats et l'égalité des chances pour tous.

TITRE V : LES INSTITUTIONS DE L'UNION

· Article 23 : Les formations du Conseil

Modifier le paragraphe 6 de l'article comme suit :

6. Le Conseil relations extérieures est présidé par le Ministres des affaires étrangères.

Le Conseil Affaires générales est présidé par le Président de la Commission européenne.

Les autres Conseils sont présidés pour une durée de un an par chaque Etat membre, en tenant compte des équilibres politiques et géographiques européens et de la diversité des Etats membres ».

· Article 29 : La Banque Centrale Européenne

Modifier le paragraphe 2 de l'article comme suit :

2. L'objectif principal de la Banque est de maintenir la stabilité des prix, la croissance économique et le plein emploi. Sans préjudice de l'objectif de stabilité des prix, elle apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l'Union en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de l'Union.

Modifier le paragraphe 3 de l'article comme suit :

4. La Banque est dotée de la personnalité juridique. Dans l'exercice de ses pouvoirs et dans ses finances, elle est indépendante. Les institutions et organes de l'Union ainsi que les gouvernements des Etats membres s'engagent à respecter ce principe.

La définition de la stratégie monétaire de la banque doit faire l'objet d'une concertation préalable avec les institutions de l'Union.

La Banque rend compte de l'exécution de son action devant les institutions et organes de l'Union ainsi que les gouvernements.

TITRE V : L'EXERCICE DES COMPETENCES DE L'UNION

· Article 39 : Dispositions particulières à la mise en œuvre de la politique étrangère et de sécurité commune

Insérer après le paragraphe 8 de l'article 29, le paragraphe suivant :

« 1. En cas d'incapacité du Conseil européen et du Conseil à adopter des décisions, notamment celles relatives à l'identification des intérêts stratégiques de l'Union et des objectifs de la politique étrangère et de sécurité commune, un groupe d'Etats peu établir une coopération renforcée dans le cadre de l'Union.

2. La coopération renforcée a pour but de sauvegarder les valeurs et de servir les intérêts de l'Union en affirmant son identité en tant que force cohérente et responsable sur la scène internationale.

3. Les Etats qui proposent d'instaurer entre eux une coopération renforcée adressent une demande en ce sens au Ministre européen des affaires étrangères.

4. La Commission vérifie dans un délai raisonnable que la coopération envisagée s'inscrit dans le respect de l'Union et de l'affirmation de ses valeurs et de ses objectifs fondamentaux.

5. L'autorisation est accordée par le Conseil statuant à la majorité des Etats membres

6. Un membre du Conseil peut demander que le Conseil européen soit saisi. Après examen, le Conseil statue comme prévu au point 5 de cet article.

7. la coopération renforcée est ouverte à tout Etat membre pour autant qu'il remplisse les éventuels critères de capacités.

8. La coopération renforcée s'appuie sur le dispositif institutionnel du traité, mais seuls les représentants des Etats membres participants à la coopération prennent part à l'adoption des décisions.

9. Le Ministre européen des affaires étrangères est étroitement associé à la mise en œuvre de la coopération renforcée. »

TITRE VI : LA VIE DEMOCRATIQUE DE L'UNION

· Article 45 : Principe de la démocratie représentative

Modifier le paragraphe 4 de l'article comme suit :

Les partis politiques au niveau européen sont importants en tant que facteur d'intégration au sein de l'Union. Ils contribuent à la formation de la conscience européenne et à l'expression de la volonté politique des citoyens de l'Union.

Les partis politiques au niveau européen doivent respecter les valeurs de l'Union.

Une loi cadre adoptée conformément à l'article 25 fixe le statut des partis politiques au niveau européen, et notamment les règles relatives à leur financement.

Justification :

L'article doit reprendre l'intégralité de l'actuel article 191 du TCE, le statut n'étant toujours pas adopté, et il paraît important de préciser le respect par ces partis des valeurs fondamentales de l'Union compte tenu du rôle qui leur est à juste titre reconnu.

· Article 50 : Protection des données à caractère personnel

1. Toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant.

2. Le Parlement et le Conseil adoptent, conformément à la procédure législative, les règles relatives à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les Institutions et les organes de l'Union, ainsi que par les Etats membres dans l'exercice d'activités qui relèvent du champ d'application du droit de l'Union, et à la libre circulation de ces données.

3. Le respect de ces règles est contrôlé par une Autorité indépendante.

· Article 51 : Statut des églises et des organisations non confessionnelles

1. L'Union européenne respecte et ne préjuge pas le statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les églises et les associations ou communautés religieuses dans les Etats membres.

2. L'Union européenne respecte également le statut des organisations philosophiques et non confessionnelles.

3. l'Union maintient un dialogue régulier avec ces églises et organisations, en reconnaissance de leur identité et leur contribution spécifique.

· Proposition d'article additionnel sur le respect de la laïcité de l'Union européenne

Le dialogue que l'Union maintient avec les Eglises et les associations et communautés religieuses ainsi qu'avec les organisation philosophiques et non confessionnelles, doit se faire dans le respect du caractère profondément laïc de l'Union européenne.

· Proposition d'article additionnel sur le Congrès des Peuples d'Europe

1. Le Congrès des Peuples de l'Europe est l'instance de rencontre et de réflexion de la vie politique européenne. Il se réunit au moins une fois par an. Ses sessions sont publiques. Le Président du Parlement européen les convoque et les préside.

2. Le Congrès n'intervient pas dans la procédure législative de l'Union.

3. Le Président du Conseil européen fait rapport sur l'état de l'Union. Le Président de la Commission présente le programme législatif.

4. Le Congrès est composé pour un tiers de membres du Parlement européen et pour les deux tiers de représentants des Parlements nationaux. Le total ne dépasse pas sept cents.

5. Le Congrès se tient à Strasbourg, au Parlement européen.

· Proposition d'article additionnel sur le rôle des partenaires sociaux

Les partenaires sociaux jouent un rôle majeur et spécifique dans le cadre de la politique sociale menée par l'Union et ses Etats membres et tiennent une place centrale dans le dialogue social en Europe.

L'Union et ses institutions soutiennent et promeuvent l'implication des partenaires sociaux dans la gouvernance économique et sociale.

Justification:

Le rôle des partenaires sociaux doit être reconnu dans le partie constitutionnelle du traité en plus des dispositions relevant des politiques.

Leur rôle est parfaitement distinct de celui tenu par la société civile et doit donc être reconnu en tant que tel.

PARTIE III DU PROJET DE TRAITE INSTITUANT UNE CONSTITUTION POUR L'EUROPE

(Les politiques et le fonctionnement de l'Union)

TITRE III : POLITIQUES ET ACTIONS INTERNES

Espace de liberté, de sécurité et de justice

Rôle des Parlements nationaux

· Article III-160

1. Les parlements nationaux peuvent participer aux mécanismes d'évaluation figurant à l'article 4 de la Constitution et sont associés au contrôle politique des activités d'Europol conformément à l'article 22 de la Constitution.

2. Par dérogation aux dispositions prévues dans le protocole sur le respect de l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, dans le cas où, au moins un quart des Parlements nationaux émettrait des avis motivés sur le non-respect du principe de subsidiarité par une proposition de la Commission présentée dans le cadre des chapitres 3 et 4 du présent titre, cette dernière est tenue de la réexaminer. A l'issue de ce réexamen, la Commission peut décider, soit de maintenir sa proposition, soit de la modifier, soit de la retirer. La présente disposition s'applique également aux initiatives émanant d'un groupe d'Etats membres conformément aux dispositions de l'article 8 du présent titre.

1. Les Parlements nationaux peuvent adresser aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission un avis motivé concernant la conformité d'une proposition législative de la Commission ou d'une initiative des Etats membres avec les aspects fondamentaux de leur droit pénal et civil national ou avec les droits fondamentaux garantis par le [titre I bis] de la présente Constitution.

Le Parlement européen, le Conseil et la Commission tiennent compte des avis motivés des Parlements nationaux. Dans le cas où au moins un tiers des chambres des Parlements nationaux émettraient des avis motivés sur le non-respect par une proposition de la Commission des droits fondamentaux ou des aspects fondamentaux de leur droit pénal et civil national, la Commission est tenue de réexaminer sa proposition. A l'issue de ce réexamen la Commission peut décider, soit de maintenir sa proposition, soit de la modifier, soit de la retirer. La Commission motive sa décision. La présente disposition s'applique également aux initiatives émanant d'un groupe d'Etats membres conformément aux dispositions de l'article 8 du présent titre.

2. Les Parlements nationaux sont consultés lors de la détermination, par le Conseil européen, des orientations stratégiques et des priorités de la politique européenne en matière de justice pénale.

3. Des conférences interparlementaires, composées de représentants des parlements nationaux et du parlement européen, sont tenues périodiquement sur les activités de l'Union dans le domaine de l'espace de sécurité, liberté et justice.

4. Les Parlements nationaux sont associés au mécanisme d'évaluation mutuelle existant dans le domaine de l'espace de sécurité, liberté et justice.

5. Une commission mixte, regroupant des membres des commissions compétentes des Parlements nationaux et du Parlement européen est étroitement associée au contrôle d'Europol et du parquet européen. »

Justification :

Cet amendement reprend les propositions formulées par le groupe de travail présidé par M. John Bruton, qui sont indispensables pour assurer la légitimité démocratique de l'Union :

- association des parlements nationaux à la définition des orientations stratégiques et des priorités de la politique européen en matière de justice pénale;

- recours aux conférences interparlementaires spécifiques proposées par le groupe de travail sur le rôle des parlements nationaux, qui permettrait de surmonter les blocages lorsque les divergences entre Etats membres font obstacle à un accord, comme cela s'est produit fréquemment lors des discussion de textes « JAI » ;

- association des parlements nationaux au dispositif d'évaluation mutuelle.

L'amendement reprend également, sous une forme étendue à la protection des droits fondamentaux et au droit civil, le droit d'alerte précoce spécifique évoqué dans le rapport (p.23), qui suggérait la création d'« un mécanisme similaire « d'alerte précoce » pour les cas où certains parlements nationaux estiment qu'une initiative va à l'encontre d'aspects fondamentaux du droit pénal national de leur Etats. L'activation de ce mécanisme pourrait entraîner des conséquences similaires à celles du mécanisme envisagé pour la subsidiarité [...] ».

Les questions relatives à l'espace de sécurité, liberté et justice présentent en effet une spécificité justifiant une procédure particulière, s'inspirant de celle prévue pour la subsidiarité, mais distincte :

- ce secteur touche, plus qu'aucun autre, à des droits constitutionnellement protégés, et se situe au cœur de la compétence des parlements nationaux : la protection des libertés publiques ;

- c'est, en outre, un domaine dans lequel le droit d'initiative de la Commission est partagé avec les Etats membres, et les initiatives des Etats membres, fondées sur leur propre agenda politique, ne prennent pas aussi bien en compte que la Commission la diversité des traditions constitutionnelles des Etats membres.

Cette option est préférable à celle consistant à retenir un seuil différent en matière de subsidiarité.

L'amendement prévoit la création d'une commission mixte (Parlement européen et Parlements nationaux) pour le contrôle d'Europol et du futur parquet européen, conformément à la proposition figurant dans la communication de la Commission sur le contrôle démocratique d'Europol (COM (2002) 95 final). Cette commission, dont la création a été suggérée par la conférence interparlementaire de La Haye des 7 et 8 juin 2001, figurait d'ailleurs dans le projet de rapport du groupe de travail « JAI », mais cette mention a été supprimée, sans qu'aucun débat n'ait eu lieu sur cette question au sein du groupe.

L'espace de sécurité, de liberté et de justice se situe au centre des compétences des Parlements nationaux et de la vie des citoyens européens. Les mesures adoptées dans ce domaine, en particulier en matière pénale, doivent faire l'objet d'un débat démocratique et transparent, aussi bien au niveau européen - les compétences du Parlement européen seront renforcées à cet effet - que national.

Dans ce secteur, des changements majeurs, aux conséquences importantes pour les Parlements nationaux, sont envisagés au sein de la Convention européenne :

- les conventions de l'actuel « troisième pilier » de l'Union européenne, couvrant la coopération judiciaire pénale et policière, vont être remplacées par des instruments de droit communautaire classique, non soumis à ratification ;

- les actuelles décisions-cadres et décisions, dépourvues d'effet direct, seront remplacées par les futures lois-cadres et lois, dotées d'effet direct dès leur entrée en vigueur ou à l'expiration de leur délai de transposition, sans qu'une intervention des Parlements nationaux ne soit nécessaire ;

- l'Union européenne sera dotée de la personnalité juridique internationale, et les accords négociés avec des pays tiers en matière pénale (extradition et entraide judiciaire) ou policière ne feront donc plus l'objet d'une autorisation parlementaire nationale avant d'être ratifiés.

Ces évolutions, dans un domaine aussi sensible et touchant profondément aux compétences des Parlements nationaux, doivent nécessairement s'accompagner d'un renforcement de leur rôle dans l'élaboration du droit de l'Union. La nature des compétences et des questions traitées par l'Union change en effet radicalement. Les politiques des Etats membres en matière criminelle, d'asile, et d'immigration se définissent, de plus en plus, à Bruxelles. Les questions qui sont abordées au cours de chaque session du Conseil « Justice et affaires intérieures » touchent ainsi au cœur des droits et de la vie de chaque citoyen et des compétences de leurs représentants :

- Faut-il, dans le cadre de la répression de l'exploitation sexuelle des enfants et de la pédopornographie, établir des échelles de peines différentes en fonction du consentement d'une victime mineure ?

- Peut-on accepter d'extrader une personne vers un Etat où elle risque d'être jugée par des juridictions militaires d'exception ?

- Faut-il prévoir un traitement différencié pour le trafic de certaines drogues en petites quantité ?

- Peut-on débouter automatiquement les demandeurs d'asile provenant de pays que l'on aura préalablement définis comme des « pays tiers sûrs » ?

Ces questions, quelle que soit la réponse qu'on leur apporte, doivent être débattues publiquement, dans la transparence, par des représentants élus et responsables devant leurs électeurs. C'est, en particulier, une condition indispensable pour l'élaboration du droit pénal dans une société démocratique, seule à même de conférer au principe de légalité des délits et des peines (« Nullum crimen, nulla poena sine lege ») toute sa portée.

· Article III-167

1) L'Union développe une politique commune en matière d'asile et de protection temporaire visant à offrir un statut approprié à toute personne ressortissant d'un pays tiers nécessitant une protection internationale et à assurer le respect du principe de non-refoulement. Cette politique doit être conforme à avec la Convention de Genève du 28 juillet 1951, au protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés et aux autres traités pertinents.

2) A cette fin, la loi ou la loi-cadre européenne établit les mesures visant à établir un système européen commun d'asile comportant :

a) un statut uniforme d'asile en faveur de ressortissants de pays tiers, valable dans toute l'Union,

b) un statut uniforme de protection subsidiaire pour des ressortissants des pays tiers qui, sans obtenir l'asile européen, ont besoin d'une protection internationale,

c) un système commun visant une protection temporaire concernant des personnes déplacées en cas d'afflux massif ;

d) une procédure commune pour l'octroi et pour le retrait du statut d'asile ou de protection subsidiaire,

e) des critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile ou de protection subsidiaire,

f) des normes concernant les conditions d'accueil des demandeurs d'asile ou de protection subsidiaire,

g) le partenariat et la coopération avec des pays tiers en vue de gérer les flux de personnes demandant l'asile ou une protection subsidiaire ou temporaire.

3. Au cas où un ou plusieurs États membres se trouvent dans une situation d'urgence caractérisée par un afflux soudain de ressortissants de pays tiers, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut adopter des règlements ou décisions comportant des mesures provisoires au profit du ou des États membres concernés. Il statue après consultation du Parlement européen.

Justification :

Cet amendement a pour objet de rétablir le texte initial de ce projet d'article. Celui-ci prévoyait en effet une procédure commune pour l'octroi et le retrait du statut d'asile ou de protection subsidiaire. L'institution d'un « guichet unique » conduisant à une seule procédure pour l'asile conventionnel comme pour la protection subsidiaire présente en effet de nombreux avantages, notamment en termes de rapidité, de cohérence de la prise de décision et de coûts. La plupart des Etats membres ont d'ailleurs opté pour cette architecture, ceux qui ne l'avaient pas fait y viennent (c'est le cas de la France) et tous les Etats candidats ont également opéré ce choix. C'est pourquoi la mise en place d'une procédure commune à ces deux formes de protection internationale doit constituer un objectif clairement affirmé.

Coopération judiciaire en matière civile

· Article III-170

1) L'Union développe une coopération judiciaire en matière civile fondée sur le principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et extrajudiciaires, y compris les actes authentiques. Cette coopération inclut l'adoption des mesures de rapprochement des législations nationales susceptibles d'avoir une incidence transfrontalière.

2) A cet effet, le Parlement européen et le Conseil, conformément à la procédure législative, adoptent des lois et des lois-cadre visant entre autres à assurer :

- la reconnaissance mutuelle entre les Etats membres des décisions judiciaires et extrajudiciaires et leur exécution ;

-la signification et notification transfrontalières des actes judiciaires et extrajudiciaires ;

- la compatibilité des règles applicables dans les Etats membres en matière de conflit de lois et de compétence ;

- la coopération en matière d'obtention des preuves ;

- un niveau élevé d'accès à la justice ;

- le bon déroulement des procédures civiles, au besoin en favorisant la compatibilité des règles de procédure civile applicables dans les Etats membres ;

- le développement de mesures de justice préventive et de méthodes alternatives de résolution de litiges ;

- un soutien à la formation de magistrats et des personnels de justice.

3) Le Conseil, sur proposition de la Commission, adopte à l'unanimité des lois et des lois-cadre concernant le droit de la famille; il statue après consultation du Parlement européen. Le Parlement européen et le Conseil, conformément à la procédure législative, adoptent des lois et des lois-cadre concernant la responsabilité parentale.

Justification :

Cet amendement a pour objet de donner une base juridique expresse pour la reconnaissance mutuelle des actes authentiques.

Parquet européen

· Article III-175

Article III-170 : Parquet Procureur européen

1. En vue de combattre les crimes graves ayant une dimension transfrontalière, ainsi que les activités illégales portant atteinte aux intérêts de l'Union, le Conseil, statuant à l'unanimité, après avis conforme du Parlement européen, peut adopter une loi européenne créant un parquet européen, au sein d'Eurojust. Le Parquet européen est compétent pour rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs et complices des crimes graves affectant plusieurs Etats membres, ainsi que des infractions aux intérêts financiers de l'Union, tels que déterminées par la loi prévue au paragraphe suivant. Il exerce devant les juridictions compétentes des Etats membres l'action publique relative à ces infractions.

2. La loi visée au paragraphe précédent, fixe le statut du parquet européen, les conditions d'exercice de ses fonctions, les règles de procédure applicables à ses activités ainsi que celles gouvernant l'admissibilité des preuves et les règles applicables au contrôle juridictionnel des actes de procédure pris par le parquet européen dans l'exercice de ses fonctions. »

1. En vue de combattre les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union, il est institué un Procureur européen.

Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après avis conforme du Parlement européen, nomme le Procureur européen parmi les personnalités offrant toutes les garanties d'indépendance, et qui réunissent les conditions requises pour l'exercice, dans leurs pays respectifs des plus hautes fonctions juridictionnelles.

Le Procureur européen est nommé pour un mandat de six ans, non renouvelable.

Dans l'accomplissement de ses devoirs, le Procureur européen ne sollicite ni n'accepte aucune instruction. S'il ne remplit plus les conditions nécessaires à l'exercice de ses fonctions ou s'il a commis une faute grave, il peut être déclaré démissionnaire par la Cour de justice à la requête du Parlement européen, du Conseil, de la Commission ou d'un tiers des parlements nationaux.

2. Le Procureur européen est compétent pour rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs ou complices des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union.

Il exerce devant les juridictions compétentes des Etats membres l'action publique relative à ces infractions, dans les conditions fixées par la loi prévue au paragraphe 4.

A cette fin, il est assisté par des procureurs délégués dans les Etats membres.

Il supervise les activités d'enquête d'Europol et de l'Office de lutte anti-fraude.

3. Le Conseil, statuant à l'unanimité, peut décider d'élargir la compétence du Procureur européen à d'autres crimes portant atteinte aux objectifs d'une politique de l'Union ou revêtant une dimension transfrontalière. Il statue après avis conforme du Parlement européen.

4. La loi fixe le statut du Procureur européen, les conditions d'exercice de ses fonctions, les règles de procédure applicables à ses activités ainsi que celles gouvernant l'admissibilité des preuves, les règles applicables au contrôle juridictionnel des actes de procédure pris par le Procureur européen dans l'exercice de ses fonctions et les relations entre le Procureur européen, Eurojust et Europol.

Justification :

L'amendement proposé vise à instituer un procureur européen, avec un champ de compétence matérielle étroit, mais immédiatement doté de pouvoirs de centralisation des enquêtes et de déclenchement des poursuites.

L'article proposé par le præsidium ne constitue qu'une clause d'habilitation, permettant de créer le parquet européen à l'unanimité, sans fixer de calendrier contraignant. Une telle rédaction rend la création de ce parquet très improbable, pour ne pas dire impossible, dans une Europe réunifiée à vingt-cinq Etats membres, ou au-delà. L'obstacle constitué par l'unanimité ne pourrait en effet sans doute jamais être levé. Cette solution serait très en deçà des attentes des citoyens, alors que la Convention européenne offre une occasion historique de réaliser un « saut qualitatif » pour l'Europe de la justice.

Le 1er alinéa de l'article proposé précise le statut de ce procureur européen, qui sera indépendant, sans être pour autant irresponsable. Il pourrait ainsi faire l'objet d'une procédure disciplinaire, pouvant aller jusqu'à la destitution s'il a commis une faute grave ou s'il ne remplit plus les conditions nécessaires à l'exercice de ses fonctions.

Le 2e alinéa prévoit ses compétences, y compris à l'égard des enquêtes menées par Europol et par l'OLAF.

Le 3e alinéa permet au Conseil, à l'unanimité, d'élargir ses compétences à d'autres formes de criminalité transfrontalière grave.

Le 4e alinéa permet enfin au législateur de préciser le statut du procureur européen, les conditions d'exercice de ses activités ainsi que celle gouvernant l'admissibilité des preuves, et les règles applicables au contrôle juridictionnel de ses actes de procédure. Il réserve la possibilité de confier ce contrôle à une chambre préliminaire placée auprès de la Cour de justice, ce dernier point devant être abordé lors de la discussion des articles relatifs à la Cour de justice.

Politique commerciale commune

· Article III-217

Après le §4, ajouter :

Pour la négociation et la conclusion d'un accord dans les domaines du commerce des services culturels et audiovisuels, des services d'éducation, ainsi que des services sociaux et de santé humaine relèvent de la compétence partagée entre l'Union et ses Etats membres.

Pour toutes les négociations portant sur ces domaines, le Conseil statuera, à l'unanimité après avis du Parlement européen.

PARTIE IV DU PROJET DE TRAITE INSTITUANT UNE CONSTITUTION POUR L'EUROPE

(Dispositions générales et finales)

· Article IV-7 : Procédure de révision du traité instituant la Constitution

1. Le gouvernement de tout Etat membre, ou la Commission, ou le Parlement européen, peut soumettre au Conseil des projets tendant à la révision du traité constitutionnel. Ces projets sont notifiés aux Parlements nationaux des Etats membres.

2. Si le Conseil, après avoir consulté le Parlement européen et, le cas échéant, la Commission, émet un avis favorable à la réunion d'une conférence des représentants des gouvernements des Etats membres, celle-ci est convoquée par le président du Conseil en vue d'arrêter d'un commun accord les modifications à apporter au Traité constitutionnel. Dans le cas de modifications institutionnelles dans le domaine monétaire, le Conseil de la Banque centrale européenne est également consulté.

Ajouter un troisième paragraphe :

Le Conseil, après consultation du Parlement européen, et le cas échéant, avis de la Commission, décide, pour préparer la conférence des représentants des gouvernements des Etats membres, de convoquer une Convention composée de représentants des Parlements nationaux, des chefs d'Etat et de gouvernement des Etats membres, du Parlement européen, de la Commission et d'observateurs.

Les amendements entreront en vigueur après avoir été ratifiés par tous les Etats membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.

Justification :

Quels que soient les résultats de l'actuelle Convention et sans présumer d'éventuels perfectionnements de son fonctionnement, le principe de la Convention comme méthode de préparation d'une conférence intergouvernementale doit avoir sa place dans le traité.

· Article IV-8 : Adoption, ratification et entrée en vigueur du traité instituant la Constitution

1. Le traité constitutionnel sera ratifié par Les Hautes Parties Contractantes les Peuples d'Europe par la voie d'un référendum qui sera organisé le même jour dans chacun des Etats membres, conformément aux règles constitutionnelles respectives des Hautes Parties Contractantes. Les instruments de ratification seront déposés auprès du gouvernement de la République italienne.

Justification :

L'importance du traité constitutionnel et l'esprit du projet d'article 1 du traité qui dispose que : « Inspirée par la volonté des Peuples et des Etats d'Europe de bâtir leur avenir en commun, cette Constitution vise à établir une Union... », justifie de recourir à l'expression directe de la souveraineté nationale par les Peuples d'Europe.

Il ne s'agit pas de faire un référendum européen dans la mesure où le décompte des voix se fera au niveau national et non européen.

· Protocole sur le rôle des parlements nationaux dans l'Union européenne

Après le point 8., ajouter un II. ainsi rédigé :

« II. Rôle des Parlements nationaux en ce qui concerne l'espace de sécurité, liberté et justice

9. Les Parlements nationaux peuvent adresser aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission un avis motivé concernant la conformité d'une proposition législative de la Commission ou d'une initiative des Etats membres avec les aspects fondamentaux de leur droit pénal et civil national ou avec les droits fondamentaux garantis par le [titre I bis] de la présente Constitution.

10. Les Parlements nationaux sont consultés lors de la détermination, par le Conseil européen, des orientations stratégiques et des priorités de la politique européenne en matière de justice pénale.

11. Des conférences interparlementaires sont tenues périodiquement sur les activités de l'Union dans le domaine de l'espace de sécurité, liberté et justice.

12. Les Parlements nationaux sont associés au mécanisme d'évaluation mutuelle existant dans le domaine de l'espace de sécurité, liberté et justice.

13. Une commission mixte, regroupant des membres des commissions compétentes des Parlements nationaux et du Parlement européen est étroitement associée au contrôle d'Europol et du parquet européen. »

Justification:

L'espace de sécurité, de liberté et de justice se situe au centre des compétences des Parlements nationaux et de la vie des citoyens européens. Les mesures adoptées dans ce domaine, en particulier en matière pénale, doivent faire l'objet d'un débat démocratique et transparent, aussi bien au niveau européen - les compétences du Parlement européen seront renforcées à cet effet - que national.

Dans ce secteur, des changements majeurs, aux conséquences importantes pour les Parlements nationaux, sont envisagés au sein de la Convention européenne :

- les conventions de l'actuel « troisième pilier » de l'Union européenne, couvrant la coopération judiciaire pénale et policière, vont être remplacées par des instruments de droit communautaire classique, non soumis à ratification ;

- les actuelles décisions-cadres et décisions, dépourvues d'effet direct, seront remplacées par les futures lois-cadres et lois, dotées d'effet direct dès leur entrée en vigueur ou à l'expiration de leur délai de transposition, sans qu'une intervention des Parlements nationaux ne soit nécessaire ;

- l'Union européenne sera dotée de la personnalité juridique internationale, et les accords négociés avec des pays tiers en matière pénale (extradition et entraide judiciaire) ou policière ne feront donc plus l'objet d'une autorisation parlementaire nationale avant d'être ratifiés.

Ces évolutions, dans un domaine aussi sensible et touchant profondément aux compétences des Parlements nationaux, doivent nécessairement s'accompagner d'un renforcement de leur rôle dans l'élaboration du droit de l'Union.

La nature des compétences et des questions traitées par l'Union change en effet radicalement. Les politiques des Etats membres en matière criminelle, d'asile, et d'immigration se définissent, de plus en plus, à Bruxelles. Les questions qui sont abordées au cours de chaque session du Conseil « Justice et affaires intérieures » touchent ainsi au cœur des droits et de la vie de chaque citoyen et des compétences de leurs représentants :

- Faut-il, dans le cadre de la répression de l'exploitation sexuelle des enfants et de la pédopornographie, établir des échelles de peines différentes en fonction du consentement d'une victime mineure ?

-Peut-on accepter d'extrader une personne vers un Etat où elle risque d'être jugée par des juridictions d'exception ?

- Faut-il prévoir un traitement différencié pour le trafic de certaines drogues en petites quantité ?

- Peut-on débouter automatiquement les demandeurs d'asile provenant de pays que l'on aura préalablement définis comme des « pays tiers sûrs » ?

Ces questions, quelle que soit la réponse qu'on leur apporte, doivent être débattues publiquement, dans la transparence, par des représentants élus et responsables devant leurs électeurs. C'est, en particulier, une condition indispensable pour l'élaboration du droit pénal dans une société démocratique, seule à même de conférer au principe de légalité des délits et des peines (« Nullum crimen, nulla poena sine lege ») toute sa portée.

Le présent amendement reprend les propositions formulées sur ce sujet par le groupe de travail présidé par M. John Bruton, en élargissant le droit d'alerte précoce à la protection des droits fondamentaux et au droit civil, et en y ajoutant la création d'une commission mixte (Parlement européen et Parlements nationaux) pour le contrôle d'Europol et du futur parquet européen (conformément à la proposition figurant dans la communication de la Commission sur le contrôle démocratique d'Europol).

· Protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité

Rédiger les points 7 et 8 comme suit :

7. Après leur entrée en vigueur, les actes juridiques de l'Union peuvent faire l'objet d'un recours devant la Chambre de la subsidiarité, constituée au sein de la Cour de justice de l'Union européenne, et composée de 9 membres nommés par le Président du Conseil (3 membres), le Président de la Commission (3 membres) et le Président du Parlement européen (3 membres). La Chambre de la subsidiarité peut être saisie par tout Etat membre, en particulier directement par tout Parlement national. Conformément au même article de la Constitution, de tels recours peuvent aussi être introduits par le Comité des Régions pour des actes législatifs pour lesquels il a été consulté.

8. La Commission présente chaque année au Conseil européen, au Parlement européen et au Conseil un rapport sur l'application de l'article 7 par. 3 de la Constitution. Ce rapport annuel est également transmis au Comité des régions et au Comité économique et social, et aux Parlements nationaux.

Justification :

Au point 7 :

La subsidiarité est un principe mi politique -mi juridique pour lequel une appréciation exclusivement juridique par la Cour de justice de l'Union européenne ne semble pas approprié.

En revanche, la création, au sein de la Cour, d'une chambre spécialisée dont les membres seraient nommés à parité par les présidents des trois institutions du « triangle » répondrait à une exigence de légitimité démocratique et serait mieux à même d'assurer un contrôle ex-post prenant en compte la double dimension de ce principe.

Des actes juridiques de l'Union non conformes au principe de subsidiarité pouvant empiéter sur les compétences du législateur national, il est justifié de permettre aux Parlements nationaux de pouvoir saisir directement cette Chambre de la subsidiarité.

Au point 8 :

Les Parlements nationaux étant directement impliqués dans le contrôle du principe de subsidiarité, il est souhaitable que la Commission leur adresse son rapport annuel sur l'application du principe de subsidiarité.

II. TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION
POUR L'UNION EUROPÉENNE

Pages

A. Communications sur les travaux de la Convention européenne 281

B. Auditions sur l'avenir de l'Europe 293

C. Réunions communes avec des délégations parlementaires des actuels et des futurs pays membres de l'Union européenne 387

A. Communications sur les travaux
de la Convention sur l'avenir de l'Europe

réunion du 25 juillet 2002

Le Président Pierre Lequiller, membre titulaire de la Convention, a souligné l'importance des travaux de la Convention à un moment clé de l'avenir de l'Europe, marqué en particulier par la perspective prochaine de l'élargissement et par le contexte de la mondialisation et de l'influence prédominante des Etats-Unis. Il faut que l'Europe soit capable d'être une force dans le monde au service de ses valeurs. Les citoyens européens souhaitent une réforme des institutions européennes qui prenne en compte leurs aspirations à une Europe plus généreuse, plus proche et plus efficace. La Convention constitue la dernière chance de l'Europe unie, ou le risque d'un rendez-vous manqué.

Au-delà des quatre sujets mentionnés par la déclaration adoptée à Nice
- délimitation des compétences, statut de la Charte des droits fondamentaux, simplification des traités, rôle des parlements nationaux - le mandat de la Convention fixé par la déclaration de Laeken couvre très largement l'ensemble des questions institutionnelles, en perspective d'une meilleure répartition et définition des compétences, de la simplification des instruments de l'Union, d'un progrès vers davantage de démocratie, de transparence et d'efficacité et d'une éventuelle constitution pour l'Europe.

Le Président a également évoqué la composition pluraliste de la Convention, estimant que celle-ci constituait un gage d'ouverture, à travers en particulier une forte participation parlementaire et celle des représentants des pays candidats. Il a d'autre part souligné l'importance de l'organisation du débat public autour de la Convention, et en particulier celle de la participation des jeunes, qui s'est notamment concrétisée à travers l'organisation de la « Convention des jeunes ». Cet effort d'ouverture du débat public européen devra se poursuivre.

Abordant l'organisation des travaux de la Convention, le Président Lequiller a évoqué le déroulement de la « phase d'écoute », qui s'est achevée fin juin, et a estimé qu'il était essentiel de prendre le temps de cette réflexion approfondie - qu'il a jugé de grande qualité - avant d'en venir à l'examen des propositions. Il a considéré qu'il était par conséquent trop tôt pour essayer de tirer sur le fond quelles que conclusions que ce soient du déroulement des débats de la Convention.

Six groupes de travail ont été mis en place afin d'approfondir certaines problématiques en discussion : Subsidiarité, Charte, Personnalité juridique, Parlements nationaux, Compétences « complémentaires », Gouvernance économique. Ces groupes termineront leurs travaux en septembre-octobre. Quatre nouveaux groupes ont été décidés lors de la session des 11 et 12 juillet, qui débuteront courant septembre : Espace de liberté, Sécurité et justice, Simplification des procédures législatives et des instruments, Relations extérieures, Défense. Le Président Pierre Lequiller s'est inscrit au groupe « Relations extérieures » et M. Jacques Floch au groupe « Liberté, sécurité, justice ». Une troisième vague de groupes de travail, relative aux questions proprement institutionnelles, est prévue pour la fin de l'automne.

S'agissant des discussions sur le rôle des parlements nationaux, le Président a annoncé que Mme Gisèla Stuart, parlementaire britannique, présidente du groupe de travail mis en place à ce sujet, serait entendue par la Délégation au début du mois d'octobre. Evoquant l'état actuel des débats de la Convention dans ce domaine, il a noté qu'une tendance forte se dégageait en faveur d'un renforcement du contrôle exercé par les parlements nationaux sur leurs gouvernements respectifs en matière européenne.

Le Président a indiqué à ce propos à la Délégation que le Président Jean-Louis Debré, avec lequel il s'est entretenu, était tout à fait d'accord pour développer l'information de l'Assemblée sur les questions européennes.

En ce qui concerne l'idée d'une seconde chambre, le Président Lequiller a indiqué que cette proposition ne paraissait pas, à ce stade, rallier beaucoup de partisans au sein de la Convention.

Il a précisé que le président Valéry Giscard d'Estaing avait pour sa part, récemment proposé de créer un « congrès des peuples d'Europe », qui rassemblerait périodiquement l'ensemble des parlementaires européens, et un nombre proportionnel de parlementaires nationaux. Ce congrès serait en particulier consulté sur l'évolution éventuelle des compétences de l'Union et sur les élargissements à venir.

Le Président Pierre Lequiller a également noté, s'agissant des orientations que l'on pouvait d'ores et déjà voir s'esquisser, une certaine convergence sur la nécessité d'une plus grande coordination des politiques économiques des Etats membres et sur le renforcement de la politique commune dans le domaine des relations extérieures.

Il a estimé que, globalement, il était concevable d'envisager que les propositions de la Convention puissent aboutir à concilier les points de vue, d'une part, de ceux qui se réclament plutôt d'une approche communautaire et, d'autre part, des partisans de l'intergouvernemental, et a évoqué à ce propos la proposition faite par le Président Jacques Chirac, ainsi que par le Premier ministre britannique et le chef du gouvernement espagnol, d'instituer un président de l'Union, personnalité désignée par le Conseil européen et exerçant ses fonctions à temps plein.

En conclusion, le Président a souligné que les travaux de la Convention se poursuivaient d'une façon satisfaisante, que rien n'était encore décidé à ce stade et que les débats allaient devenir de plus en plus denses et discutés lorsqu'il s'agira d'examiner des propositions de textes, notamment dans le cours de la phase de synthèse. Il a annoncé qu'il rendrait compte très régulièrement à la Délégation, avec M. Jacques Floch, des travaux de la Convention et qu'un débat en séance publique serait organisé à ce sujet à l'automne.

M. Jacques Floch, membre suppléant de la Convention, a également fait part de ses premières impressions. Il a notamment insisté sur la présidence, très active, de M. Giscard d'Estaing. Il a souligné que les débats organisés au sein de certains groupes de travail avaient d'ores et déjà permis d'avancer dans la préparation des textes à présenter au Præsidium puis à l'assemblée plénière de la Convention.

Il a estimé que le Præsidium jouerait un rôle essentiel dans la rédaction de textes de consensus. Un premier cadrage sera présenté en octobre, et soumis à l'assemblée plénière.

Il a toutefois souhaité que la Convention évite d'accumuler les propositions. Ses participants éprouvent aujourd'hui un sentiment d'euphorie et sentent le poids de leur responsabilité. Le Président Giscard d'Estaing contribue à favoriser cette impression. Mais, lors du passage à une phase plus active des travaux de la Convention, consacrée à la rédaction des propositions, des divisions fortes vont apparaître et des décisions devront être prises.

M. Jacques Floch a jugé que l'intention du Président Giscard d'Estaing était d'élaborer un texte fort et audacieux. Il a senti qu'une majorité de membres de la Convention étaient disposés à aller dans le même sens que leur président. Néanmoins, plusieurs questions fondamentales demeurent en suspens :

- le texte élaboré par la Convention sera-t-il un nouveau traité ?

- la France organisera-t-elle un référendum à l'occasion de sa ratification ?

- la Constitution sera-t-elle modifiée, par exemple pour transformer la Délégation pour l'Union européenne en commission des affaires européennes ?

Evoquant le traitement des questions européennes par le Parlement français, M. Jacques Floch a considéré qu'un débat en séance publique sur les travaux de la Convention était indispensable.

Il a indiqué qu'il était prématuré de tirer des conclusions sur la qualité et l'intérêt des travaux de la Convention. Par ailleurs, les travaux de la « Convention jeunes » ont été quelque peu décevants et n'ont abouti à aucune avancée notable. Par contre, les contributions de la société civile semblent devoir enrichir significativement les propositions de la Convention.

Soulignant la qualité de la participation d'Alain Barrau et d'Anne-Marie Idrac - propos auxquels s'est associé le Président Pierre Lequiller -, il a conclu en faisant part de son intention de contribuer activement aux travaux de la Convention.

Réunion du 25 septembre 2002

Le Président Pierre Lequiller a indiqué que les travaux de la Convention se développaient d'une façon satisfaisante, la réflexion des groupes de travail ayant à présent pris la suite de la phase d'écoute. Il a indiqué qu'une nouvelle vague de groupes de travail avait été mise en place : sur les relations extérieures, sur la défense européenne, sur l'espace de liberté, de sécurité et de justice, et sur la simplification des procédures et des instruments.

Il a souligné que quelques orientations de fond pouvaient d'ores et déjà être dégagées, parmi lesquelles :

- l'octroi de la personnalité juridique à l'Union ;

- l'extension de la procédure de codécision et de la majorité qualifiée ;

- l'intégration de la Charte des droits fondamentaux dans le futur traité constitutionnel ;

- la confirmation du droit d'initiative de la Commission.

Il a par ailleurs évoqué la première réunion du groupe sur les relations extérieures, auquel il participe, et a indiqué que celui-ci avait en particulier étudié l'hypothèse selon laquelle le Haut représentant présiderait le Conseil des ministres « Affaires extérieures » et l'idée d'une déclaration annuelle de politique étrangère.

Le Président a ensuite évoqué les propositions du groupe de travail sur la subsidiarité, présidé par M. Inigo Mendez de Vigo. Il a précisé que celles-ci prévoyaient d'associer les parlements nationaux au contrôle de subsidiarité à travers, d'une part, une procédure d'« alerte précoce » consistant en une information directe des parlements nationaux sur les projets de texte, et une possibilité pour ceux-ci de donner un avis au titre de la subsidiarité, et, d'autre part, l'ouverture aux parlements nationaux, dans une seconde phase, d'une possibilité de saisine de la Cour de justice.

Il a enfin indiqué que l'ordre du jour de la prochaine session de la Convention, fixée aux 3 et 4 octobre, prévoyait des débats sur la personnalité juridique et sur la subsidiarité sur la base des conclusions des groupes de travail, et des présentations orales de l'avancée des travaux des groupes sur la Charte et sur les parlements nationaux.

Au terme de cet exposé, M. Patrick Hoguet a demandé au Président Pierre Lequiller s'il était possible d'adresser aux membres de la Délégation les documents de travail de la Convention ainsi que les ordres du jour des différentes réunions. Puis, réagissant aux propositions évoquées sur le contrôle du principe de subsidiarité, il s'est étonné de l'idée de confier ce contrôle à la Cour de justice alors qu'aucune base juridique précise ne lui permet de se prononcer sur la subsidiarité. Par essence politique, ce contrôle devrait plutôt être confié à la COSAC qui pourrait transmettre un avis au Conseil des ministres.

En réponse, le Président Pierre Lequiller a indiqué que l'ensemble des documents de travail de la Convention sont accessibles sur Internet, et qu'il s'engageait à rendre compte systématiquement de l'état d'avancement des travaux de la Convention devant la Délégation. Il a également annoncé qu'un débat en séance publique aura lieu à l'automne afin de permettre à l'ensemble des députés de se prononcer sur les sujets traités par la Convention. S'agissant des observations formulées sur le contrôle de la subsidiarité, le Président Pierre Lequiller a indiqué qu'à titre personnel, il était également favorable à l'idée de confier ce contrôle à un organe politique, représentant collectivement les parlements nationaux. Cet organe pourrait être, non pas la COSAC mais un Congrès composé de représentants du Parlement européen et des parlements nationaux, qui ne serait pas doté de compétences législatives mais se réunirait régulièrement pour débattre des orientations politiques fondamentales de l'Union européenne et jouerait un rôle dans la procédure de désignation d'un Président de l'Europe. Ce Congrès constituerait en son sein une délégation permanente chargée du contrôle de la subsidiarité qui pourrait, en amont, adresser des avis à la Commission européenne et serait habilité, uniquement en fin de processus, à saisir une chambre spécialisée de la Cour de justice composée à parité de juges nationaux et de juges communautaires.

M. Patrick Hoguet, après avoir mentionné l'échec des Assises de Rome en 1990, a réitéré son objection à tout contrôle juridictionnel - même ex post - estimant que seul le Conseil des ministres serait à même d'arbitrer les questions relatives à la subsidiarité.

M. Nicolas Dupont-Aignant l'a rejoint dans cette analyse en considérant qu'il devait revenir au Conseil de se prononcer.

M. Daniel Garrigue a émis l'hypothèse de la création d'un organe ad hoc, sur le modèle du Conseil constitutionnel français, afin de tenir compte de la nature spécifique de ce contrôle.

En réponse, le Président Pierre Lequiller a précisé que la Convention entendait également établir une distinction plus claire des compétences entre l'Union et les Etats membres, rendant plus objectif le contrôle de la subsidiarité. Il a également insisté sur le fait qu'un recours juridictionnel serait adapté aux exigences du principe de subsidiarité puisque formé devant une chambre spécialisée de la Cour de justice, composée de juges nationaux et de juges communautaires.

A l'issue du débat, M. Daniel Garrigue a interrogé le Président Pierre Lequiller sur la réelle implication des gouvernements dans le déroulement des travaux de la Convention, reflétant le sentiment partagé par plusieurs membres de la Délégation d'un certain retrait des exécutifs nationaux lors des débats de la Convention.

Rappelant les règles de composition de la Convention, le Président Pierre Lequiller a au contraire insisté sur la participation pleine et entière des gouvernements à la Convention. Il a en outre souligné qu'en tout état de cause, il appartiendra aux gouvernements nationaux, lors de la Conférence intergouvernementale qui devrait se tenir à l'automne 2003, de décider des suites à donner aux conclusions de la Convention.

Réunion du 20 mai 2003

Le Président Pierre Lequiller a présenté une communication sur l'état d'avancement des travaux de la Convention, qui a débattu les 15 et 16 mai derniers des projets d'articles sur la future architecture institutionnelle de l'Union. Après avoir souligné l'accélération des travaux de la Convention qui entre désormais dans sa phase conclusive, il a précisé le contenu des principales propositions formulées par le Praesidium :

- l'instauration d'un Président stable du Conseil européen, élu à la majorité qualifiée pour une durée de deux ans et demi, renouvelable une fois. Pour être élu, celui-ci devrait être membre du Conseil européen, ou y avoir siégé au moins pendant deux ans. Une fois élu, ce président à temps plein devrait démissionner de tout mandat national. Le Président Pierre Lequiller a indiqué que cette proposition, qui vise à assurer une nécessaire stabilité, est soutenue par les « grands pays » mais suscite une opposition des Etats faiblement peuplés et des futurs pays membres. Pour autant, il s'est déclaré relativement confiant quant à la possibilité d'obtenir un accord sur cette question ;

- la création d'un ministre européen des affaires étrangères, à la fois membre du Conseil des ministres, et Vice-Président de la Commission. Ce ministre serait nommé par le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, avec l'accord du Président de la Commission et présiderait la formation « affaires étrangères » du Conseil des ministres. Le Président Pierre Lequiller a fait état du consensus qui s'est dégagé sur cette proposition ;

- l'élection du Président de la Commission par le Parlement européen, statuant à la majorité des membres qui le composent, sur proposition du Conseil européen statuant à la majorité qualifiée, et la soumission du Président de la Commission et du collège des commissaires à un vote d'approbation du Parlement européen ;

- la réduction de la taille de la Commission, composée d'un Président et d'un maximum de quatorze autres membres (y compris le ministre européen des Affaires étrangères). Par souci d'efficacité dans une Europe élargie, cette proposition rompt avec le principe retenu à Nice d'un commissaire par Etat membre. Toutefois, le projet du Praesidium prévoit l'existence d'autant de « commissaires délégués » qu'il existe de commissaires. Le Président Pierre Lequiller a néanmoins mentionné la forte réticence des « petits » pays et des pays adhérents face à cette proposition alors même que pendant la phase transitoire qui précédera l'entrée en vigueur du futur traité constitutionnel, la Commission restera bien composée d'un commissaire par Etat membre ;

- une distinction plus nette entre les fonctions législatives et exécutives du Conseil des ministres. La fonction législative serait exercée conjointement avec le Parlement européen, selon le principe de transparence des travaux, ce qui suscite un consensus à la Convention ;

- une réforme de la règle de la majorité qualifiée, plus simple et plus compréhensible par les citoyens, se définissant comme la majorité des Etats membres, représentant au moins les trois cinquièmes de la population de l'Union.

Le Président Pierre Lequiller a ensuite fait part de son analyse sur le déroulement des débats, en soulignant deux aspects marquants : d'une part, une opposition injustifiée entre les « petits » et les « grands » pays, d'autre part des réflexes corporatistes qui se manifestent notamment au travers certaines positions exprimées par de nombreux représentants du Parlement européen face à un renforcement possible du rôle des parlements nationaux. Prenant l'exemple du Congrès, il a regretté que cette proposition soit à tort perçue comme un empiétement des parlements nationaux sur les prérogatives du Parlement européen.

Dans la recherche d'un compromis global, le Président Pierre Lequiller a indiqué qu'il avait déposé plusieurs amendements visant à instaurer des mécanismes de rotation pour la présidence des formations du Conseil des ministres, dans le souci de répondre aux préoccupations des « petits » pays. Il a rappelé également sa contribution sur l'instauration, à terme, d'une présidence unique de l'Union, soutenue, à ce stade, par une quinzaine de conventionnels.

Evoquant l'issue prochaine des travaux, il a estimé que la Convention ne fera pas l'économie d'options sur certains sujets, mentionnant notamment la question du Congrès, tout en mettant en garde contre l'absence d'un consensus sur l'architecture institutionnelle globale, ce qui conduirait à s'en remettre entièrement à la Conférence intergouvernementale. S'agissant du calendrier, le Président Pierre Lequiller a confirmé que la Convention transmettra son document définitif le 20 juin au Conseil européen de Thessalonique, tout en précisant qu'un délai supplémentaire pourrait lui être accordé pour siéger jusqu'au mois de juillet afin de perfectionner la rédaction de la troisième partie du Traité constitutionnel, relative à la mise en œuvre des politiques de l'Union.

M. Jacques Floch a estimé que la première phase des travaux de la Convention européenne a fonctionné sans heurts, en raison du caractère technique des modalités de discussion retenues pour cette étape. Celle-ci a pris place au sein de groupes de travail associant des spécialistes du sujet traité. Les présidents de ces groupes de travail étaient chargés d'établir des rapports, présentés ensuite en séance plénière.

Avec la présentation du projet du Praesidium sur les institutions, la nature des travaux a brusquement changé : la Convention est entrée de plain pied dans une phase de négociation, par définition plus tendue. Le projet soumis à discussion conduit chaque membre à vouloir faire entendre sa voix. C'est particulièrement vrai pour les représentants des « petits pays ».

M. Jacques Floch a jugé que le ton vif employé par certains Etats adhérents était dû au fait qu'ils disposent de peu d'éléments de négociation pour la phase finale des travaux.

Ils devront pourtant faire des choix et les assumer, car après tout, ce sont eux qui ont demandé à entrer dans l'Union européenne. Mais il est vrai que, pour certains, le choix de l'Europe est un choix par défaut, les Etats-Unis étant trop éloignés. Ces pays, sortis d'un système totalitaire et d'une économie caractérisée par le « tout Etat », sont avant tout attirés par le modèle libéral américain. Ce tropisme ultralibéral comporte néanmoins des risques, car s'ils viennent à trop négliger les politiques sociales, ils pourraient être amenés à gérer des situations explosives, dangereuses pour l'ensemble de l'Europe.

En ce qui concerne la présidence du Conseil, M. Jacques Floch a observé que le maintien du système actuel de la présidence tournante, dans l'hypothèse où elle serait d'une durée d'un an, conduira à ce que les « petits pays » l'exercent, une fois par génération, tous les vingt-cinq ans. Cette solution n'est pas viable : l'Europe a besoin d'une présidence plus stable et assurée de pouvoir agir.

S'agissant du nombre de commissaires européens, M. Jacques Floch s'est interrogé sur le fait de savoir si la Commission à vingt-cinq membres, mise en place très prochainement, va pouvoir fonctionner de manière satisfaisante. Rien ne peut conduire à affirmer qu'une Commission à vingt-cinq est vouée à l'échec, lorsque l'on constate qu'une formation collégiale à quarante membres, comme le Gouvernement, fait preuve d'esprit de décision.

Le Président Pierre Lequiller a répondu que l'élargissement était un objectif politique incontournable qu'il a toujours soutenu. Il est vrai qu'il serait très grave que les pays adhérents s'arc-boutent sur leur position hostile à la présidence stable du Conseil et à une Commission resserrée. Des compromis sont tout à fait possibles pour concilier l'efficacité recherchée par le Praesidium et les préoccupations des « petits pays ». Encore faut-il qu'ils entrent dans la discussion sur les solutions proposées. Par ailleurs, il a souligné que les critiques concernant le maintien d'un commissaire européen par Etat membre portent essentiellement sur le fait que cette configuration fait entrer la conception intergouvernementale au sein de la Commission.

M. Jacques Floch a rappelé que si l'actuel traité ne prévoit pas qu'un juge par Etat membre soit nommé à la Cour de justice, cette pratique s'est pourtant imposée.

Puis il a noté que certains conventionnels se sont prononcés en faveur de la désignation d'un Président de la Commission qui émane de la majorité issue des élections au Parlement européen. Cette procédure de désignation est propre à tout système de démocratie majoritaire. Il serait souhaitable que les formations politiques européennes désignent à l'avance leur candidat à la présidence de la Commission. Cette procédure permettrait aux citoyens européens de donner un visage au Président de la Commission, ce qui rendrait le système institutionnel plus transparent. Elle obligerait également les partis politiques à présenter, dans le même temps, un vrai programme pour l'Union, ce qui ancrerait la démarche démocratique au cœur des institutions.

Au total, M. Jacques Floch a considéré que le débat d'idées va évoluer très rapidement. Il est d'ailleurs significatif que l'attitude des représentants des gouvernements à la Convention soit celle de négociateurs se préparant déjà aux travaux de la prochaine Conférence intergouvernementale.

En ce qui concerne le Congrès, il a été suggéré de lui confier un rôle en matière de révision de la partie constitutionnelle du prochain traité. Cette procédure de révision constitutionnelle est indispensable, car elle permet d'associer les parlements nationaux aux évolutions de la Constitution de l'Union. La démocratisation des institutions européennes impose une telle solution.

D'autre part, il est évident que les représentants des parlements nationaux souhaiteront poursuivre le travail commencé avec la Convention, ce qui rend d'autant plus nécessaire la création du Congrès. Cependant, il conviendra peut-être de lui trouver une autre appellation.

M. Jacques Floch a noté que la méthode de travail du Président de la Convention allie habilement diplomatie et unilatéralisme : il écoute, puis fait une synthèse qui s'achève principalement sur ses propres propositions.

Il a souhaité que s'ouvre un débat sur les modalités d'approbation du traité constitutionnel par les peuples d'Europe. Les différentes sensibilités politiques, sociale-démocrate ou libérale, doivent débattre des différentes propositions institutionnelles : les négociations ne doivent pas se réduire à des échanges entre les différentes catégories de représentants faisant partie de la Convention, elles doivent revêtir aussi un caractère plus partisan.

Enfin, M. Jacques Floch a jugé que la troisième partie du traité ne pourra être « bouclée » dans le court délai supplémentaire éventuellement accordé à la Convention que si un consensus se dégage sur les deux premières parties.

A l'issue des exposés du Président Pierre Lequiller et de M. Jacques Floch, le débat suivant s'est engagé.

M. Michel Herbillon a souhaité savoir où en était la discussion sur la création d'un Congrès européen.

Le Président Pierre Lequiller a estimé que si la Convention ne parvient pas à un consensus sur la création d'un Congrès, celle-ci pourrait prendre la forme d'une option dans le projet final présenté aux Chefs d'Etat et de Gouvernement.

Pour sa part, M. Jacques Floch a considéré que le Congrès serait, jusqu'à la fin des travaux de la Convention, un élément d'échange dans le cadre d'une négociation globale. Il a ainsi estimé que l'avenir du Congrès dépendra de ce qui sera finalement décidé sur d'autres sujets.

Mme Elisabeth Guigou a indiqué que toute évolution institutionnelle qui permettrait de remédier aux défauts du « désastreux » traité de Nice irait dans le bon sens. Bien que se déclarant en faveur du renforcement du Conseil, elle a considéré que les propositions actuelles du Praesidium risquaient d'entraîner un déséquilibre des institutions, au détriment de la Commission, et de privilégier une approche intergouvernementale. Elle a souhaité que le Parlement européen soit en charge de l'élection du Président de la Commission et que le rôle de celui-ci soit renforcé.

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que les travaux de la Convention prévoyaient d'ores et déjà de développer les responsabilités de la Commission, en étendant notamment son droit d'initiative, en particulier dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. Il s'est dit par ailleurs en faveur des dispositions proposées par le Praesidium en ce qui concerne la désignation du Président de la Commission, soulignant notamment que le Conseil européen devra tenir compte des résultats des élections européennes lorsqu'il proposera au Parlement européen un candidat pour la présidence de la Commission.

Mme Elisabeth Guigou a considéré qu'il était capital, pour rapprocher l'Europe des citoyens, de faire des élections au Parlement européen un moment fort de la vie de l'Union, permettant un débat démocratique sur des projets politiques et sur des candidats. Elle a précisé qu'elle était hostile à la proposition faite par le Président Romano Prodi prévoyant un système de majorité qualifiée pour l'élection du Président de la Commission. Elle s'est déclarée en revanche favorable à ce que le Président de la Commission ait le pouvoir de nommer lui-même les membres de la Commission et de les révoquer.

En conclusion, elle a interrogé le Président Pierre Lequiller et M. Jacques Floch sur le système proposé pour la présidence des Conseils des ministres, sur la possibilité d'un délai supplémentaire qui pourrait être accordé à la Convention pour débattre des dispositions de la troisième partie du projet de Constitution, relative aux politiques communes, et sur le calendrier de la future Conférence intergouvernementale.

Le Président Pierre Lequiller a indiqué que la Conférence intergouvernementale devrait commencer rapidement après la clôture des travaux de la Convention. Il s'est déclaré hostile à un report de la CIG, demande faite par plusieurs Etats membres, parmi lesquels les pays nordiques et les nouveaux adhérents.

M. Jacques Myard s'est déclaré opposé à toute évolution fédérale, jugeant que les citoyens européens y sont majoritairement hostiles. Il a par ailleurs considéré qu'il était irréaliste de penser que les membres en exercice du Conseil européen seraient susceptibles d'accepter d'être présidés par un Chef d'Etat ou de Gouvernement « à la retraite ».

M. Daniel Garrigue a considéré que la dualité des compétences du Conseil et de la Commission en matière de politique étrangère était préoccupante. Il a estimé que la complexité du système de prise de décision prévu par les propositions du Praesidium dans le domaine des relations extérieures constituait un inconvénient important.

Le Président Pierre Lequiller a souligné que la France avait proposé des avancées significatives pour faciliter la prise de décision dans ce domaine, notamment le passage à la majorité qualifiée, à l'exclusion des décisions ayant des implications dans le domaine militaire.

Il a rappelé qu'il avait lui-même proposé de mettre en place un « pacte de convergence » visant à rapprocher progressivement les positions des Etats membres en matière de politique étrangère.

M. Daniel Garrigue s'est interrogé sur la portée du dispositif proposé par le Praesidium en ce qui concerne la coordination des activités du ministre des affaires étrangères de l'Union avec celles des ministres des affaires étrangères des Etats membres.

Le Président Pierre Lequiller a précisé qu'il était prévu que le ministre des affaires étrangères de l'Union préside le Conseil des ministres des affaires étrangères et qu'il s'appuie sur une administration propre, composée à la fois de fonctionnaires européens et de diplomates nationaux détachés.

B. Auditions sur l'avenir de l'Europe

Audition de M. Alain Lamassoure, député européen
et rapporteur de la résolution adoptée par le Parlement européen le 16 mai 2002 sur la délimitation des compétences entre l'Union européenne
et les Etats membres, le 25 juillet 2002,

M. Alain Lamassoure, exprimant son accord avec le souhait formulé par le Président Pierre Lequiller de renforcer les liens entre l'Assemblée nationale et le Parlement européen, a estimé qu'un contact permanent entre les deux assemblées était nécessaire non seulement pour les travaux de la Convention, mais aussi pour les travaux législatifs des uns et des autres.

Avant d'aborder le sujet de la répartition des compétences, M. Alain Lamassoure a souhaité évoquer le contexte général dans lequel le Parlement européen a présenté sa contribution.

Après avoir observé que les travaux de la Convention n'avaient pas encore vraiment commencé, il a considéré que le débat entre fédéralistes et souverainistes avait profondément évolué depuis dix ans en raison de trois grands phénomènes.

En premier lieu, la construction européenne est confrontée à un véritable changement de perspective historique. Depuis l'origine, l'Europe a été bâtie sur du provisoire. Les approfondissements et les élargissements successifs ont en effet conduit l'Europe à se doter périodiquement d'un nouveau traité. Or, le contexte géopolitique actuel, caractérisé par la fin de la guerre froide et la perspective de l'élargissement, donne à l'Europe la possibilité de sortir du provisoire pour élaborer un texte durable. L'Union européenne bénéficie aussi pour ce projet de l'expérience qu'elle a acquise en matière d'exercice des compétences, car elle a fait le tour de ce qui peut être fait à plusieurs Etats membres.

En deuxième lieu, l'Europe doit relever le défi de la révolution du nombre. L'Europe à trente ne pourra pas fonctionner comme l'Europe des Six ou celle des Quinze, qui connaît déjà d'importants dysfonctionnements. A titre d'exemple, une Commission composée d'un commissaire par Etat membre dans une Union européenne de trente Etats membres ferait double emploi avec le Conseil, ce qui serait absurde. De l'autre côté, un Conseil à trente comprendrait plus de membres que la première assemblée générale de la Société des Nations. Dans ces conditions, le débat entre partisans d'un renforcement de la Commission et ceux d'un renforcement du Conseil devient obsolète.

Enfin, l'Europe est confrontée à une troisième révolution, celle du peuple. De fait, il n'est pas pensable que le texte issu de la Convention ne fasse pas l'objet d'une ratification par référendum dans la plupart des Etats membres. Ce texte devra donc être clair, pour être compris par tous les citoyens.

M. Alain Lamassoure a ensuite évoqué les trois problèmes auxquels était confrontée la Convention.

D'abord, la Convention doit parvenir à adopter un texte par consensus, c'est-à-dire dans les faits, par une « majorité significative » selon les propos du Président de la Convention, M. Valéry Giscard d'Estaing. Il est donc impératif que l'adoption du texte ne crée pas de minorités résolument hostiles au projet ou se fasse contre l'avis de minorités « caractérisées », c'est-à-dire constituées sur la base de la nationalité des conventionnels ou du statut de ceux-ci, représentants des gouvernements ou des parlements par exemple. M. Alain Lamassoure s'est déclaré optimiste sur l'issue des travaux de la Convention, compte tenu de la qualité des débats actuels et de l'état d'esprit des conventionnels.

Le deuxième problème est celui du calendrier. Celui retenu par le Conseil européen est intenable, car il risque de se télescoper avec toutes les échéances suivantes : achèvement du processus de ratification du traité de Nice et entrée en vigueur de ce dernier, signature et entrée en vigueur du traité de l'élargissement, qui se heurtera à une difficulté politique majeure, la question chypriote, et élection du Parlement européen en 2004.

Le dernier problème est un sujet tabou, qui est peu évoqué : le sort du futur traité, si celui-ci ne devait pas être ratifié par tous les Etats membres, et le statut de ces pays dans l'Union. Sur les 28 pays concernés par les travaux à venir de la construction européenne, certains d'entre eux ne voudront pas du nouveau traité. Or, à l'heure actuelle, le système de révision des traités permet à un seul pays de bloquer l'entrée en vigueur d'un nouveau traité. Il est donc indispensable que le prochain traité ne se heurte pas à un tel obstacle juridique.

Puis, M. Alain Lamassoure a présenté les travaux du Parlement européen sur la délimitation des compétences entre l'Union européenne et les Etats membres.

Il a rappelé que le Parlement européen avait souhaité, au lendemain du Conseil européen de Nice, apporter sa contribution au débat sur l'avenir de l'Union européenne ouvert à cette occasion.

Il a souligné que les institutions européennes n'avaient jamais procédé auparavant à un tel examen des compétences de l'Union. Le Parlement européen a pourtant fait une première tentative dans ce sens en 1990, en confiant ce travail à M. Valéry Giscard d'Estaing, alors député européen. Ces travaux n'ont pas abouti, M. Valéry Giscard d'Estaing ayant souligné que ce travail impliquait préalablement de définir un principe légitimant l'action de l'Union européenne aux yeux des citoyens. Cette remarque a constitué le point de départ de la réflexion ayant abouti au principe de subsidiarité, qui figure dans le traité.

M. Alain Lamassoure a indiqué que la résolution adoptée par le Parlement européen sur la délimitation des compétences était le fruit de dix-huit mois de travaux, qui ont conduit à entendre le point de vue des parlements nationaux et du Comité des régions. Les régions ont d'ailleurs été à l'origine de cette demande de mise à jour de la délimitation des compétences. La résolution du Parlement européen a été adoptée par une large majorité, constituée du Parti populaire européen, du Parti socialiste européen, des Verts et des Libéraux, après avoir fait l'objet d'environ cent cinquante amendements. Observant que ce texte n'a pas été débattu au sein des parlements nationaux ni au sein des pays candidats, il a souhaité que la réflexion engagée sur ce document soit prolongée.

Puis, il a précisé que la résolution ne se présentait pas sous la forme d'un traité en bonne et due forme. Elle vise plutôt à dégager des lignes directrices, qui doivent permettre de réécrire les traités.

M. Alain Lamassoure a présenté les considérations concrètes ayant présidé à l'élaboration de la résolution.

D'abord, la mise à jour des traités européens est devenue indispensable pour trois raisons.

Premièrement, cette mise à jour est rendue nécessaire par l'empilement des compétences auquel ont procédé les traités depuis cinquante ans. Les auteurs des traités successifs estimaient qu'il n'était pas envisageable d'instituer rapidement une union de type fédéral en raison des profondes divisions ayant opposé les pays européens et notamment la France et l'Allemagne. C'est la raison pour laquelle ils ont choisi de construire l'Europe en commençant par la mise en commun de sujets politiquement importants mais non sensibles tels que le charbon, le marché intérieur ou l'agriculture. Depuis lors, la mise en place de la monnaie unique a apporté un premier élément fédéral à la construction européenne. Les attentes des pays candidats, qui ne sont pas les mêmes que celles des Etats membres, rendent également nécessaire une telle mise à jour. Celle-ci est enfin devenue indispensable en raison du trop fort décalage vécu par les opinions publiques entre les sujets actuellement traités par l'Europe et ceux pour lesquels les citoyens estiment qu'il n'y a pas assez d'Europe comme la PESC.

La deuxième considération est celle de la lisibilité du prochain texte, qui doit être égale à celle d'une constitution.

Les traités actuels ne peuvent être compris par les citoyens, car ils ont été conçus comme « des automobiles destinées à être pilotées par des ingénieurs » : ils sont véritablement le fruit de l'œuvre de diplomates et de juristes. Ce défaut de lisibilité est en outre aggravé par le fait que les traités portent sur les compétences et la manière d'exercer ces compétences. De fait, ils mélangent ce qui, dans l'ordre juridique interne, relève de la Constitution, de la loi organique et de la loi ordinaire. Le traité de Nice rendra le droit primaire de l'Union encore plus incompréhensible.

Le Parlement européen a donc souhaité définir les compétences de l'Union de manière simple et claire, en n'utilisant qu'une ou deux phrases par secteur.

S'agissant des articles relatifs aux modalités d'exercice des compétences, il a souhaité les conserver tout en donnant à ceux-ci une valeur « organique », inférieure à celle du droit primaire mais supérieure à celle du droit dérivé.

Les dispositions des traités ont donc été distinguées en deux grandes catégories : les dispositions de caractère constitutionnel définissant les compétences de l'Union, et les autres qui doivent pouvoir être révisées plus facilement.

Concernant la répartition des compétences, les travaux du Parlement européen ont abouti aux conclusions suivantes :

- la compétence de droit commun devrait appartenir aux Etats, sans qu'il soit nécessaire d'en préciser le contenu ;

- l'Union européenne aurait des compétences d'attribution, qui seraient réparties en deux catégories principales. D'abord, des compétences propres, dans lesquelles l'Union aurait le pouvoir de légiférer, les Etats ne pouvant intervenir que dans le cadre fixé par elle. A cet égard, le Parlement a souhaité écarter l'expression de « compétences exclusives », car si certaines de ces compétences propres sont effectivement exclusives (comme la politique monétaire), la plupart sont des compétences principales (comme celles relatives au marché intérieur). La deuxième catégorie correspondrait aux compétences partagées. Celles-ci, qui seraient les plus nombreuses, comprendraient notamment deux sous-catégories : des compétences complémentaires (dans des domaines tels que l'éducation, la culture, la santé, le tourisme ou le sport) et des compétences relevant entièrement des Etats - comme la politique de l'emploi, la politique budgétaire ou la politique fiscale - mais imposant politiquement ou juridiquement à ceux-ci de coordonner leur action ;

- la politique étrangère et de défense ne serait plus une compétence partagée
- compte tenu des résultats décevants qu'elle a enregistrés jusqu'ici - mais une compétence propre de l'Union, les Etats n'intervenant que dans le cadre général fixé par elle ;

- le principe, cher à la France, de hiérarchie des normes serait retenu, même s'il n'est pas dans la tradition du droit communautaire ni de plusieurs pays européens, en particulier la Grande-Bretagne. Ainsi, seraient clairement distinguées les normes de valeur constitutionnelle, celles relevant de la loi organique ou de la loi ordinaire, et les autres ;

- si des normes techniques communes sont nécessaires dans de multiples domaines, comme par exemple en matière de navigation aérienne, elles devraient être édictées par des autorités administratives ou techniques soumises à un contrôle politique, et non directement par des instances politiques, qui ne sont pas compétentes pour cela ;

- l'idée selon laquelle définir une répartition des compétences figerait le système devrait être écartée, car, en réalité, c'est le dispositif actuel qui est une source de paralysie ; en revanche, un texte constitutionnel court permettrait davantage de souplesse, selon l'interprétation qu'on en ferait. En outre, l'article 308 du traité instituant la Communauté européenne - qui permet au Conseil, en cas de nécessité, de légiférer dans un domaine non communautaire - pourrait être modifié afin de fonctionner aussi dans le sens inverse. Les parlements nationaux pourraient d'ailleurs être associés à ce mécanisme ;

- pour assurer le contrôle de la répartition des compétences, il est proposé une procédure ad hoc inspirée du contrôle français de constitutionnalité des lois. Cette procédure, peu familière aux autres Etats européens - et donc difficile au départ à accepter pour eux - permettrait au Conseil, à la Commission, au Parlement européen, aux parlements nationaux, voire au Comité des régions, dans le mois suivant l'adoption définitive d'un texte par le Conseil, de saisir la Cour de justice des Communautés européennes pour vérifier le respect de la répartition des compétences et du principe de subsidiarité. La Cour devrait rendre sa décision dans un délai rapide (quatre à six semaines) ;

- l'autorité chargée de se prononcer sur ces recours devrait être, au sein de la Cour, une instance combinant à la fois compétence juridique et compétence politique, à la façon du Conseil constitutionnel en France. Cela ne devrait cependant pas conduire à créer une nouvelle institution, afin d'éviter d'avoir deux cours suprêmes.

Tout en marquant son approbation à la démarche de M. Lamassoure sur la répartition des compétences, M. Jacques Myard a déclaré que la construction européenne avait effacé le chauvinisme né des excès du nationalisme et fait revenir des économies de guerre sclérosées à la liberté des échanges pratiquée par l'Europe avant 1914, mais qu'elle était entrée désormais dans une phase de banalisation justifiant sa remise à plat. Or, on ne peut le faire sans la situer dans une perspective historique : pour certains, l'Europe est une finalité en soi alors que pour les peuples, elle est un moyen et c'est la raison pour laquelle ils lui ont attribué une simple délégation de compétences et non une délégation de souveraineté. Il faut donc « faire avec » l'Europe mais pas de manière exclusive et, à cet égard, transférer la politique étrangère et de sécurité commune dans les compétences exclusives de l'Union européenne relève d'une totale utopie. La réalité du monde l'a amplement démontré, les affaires sérieuses se traitent toujours entre puissances militaires, c'est-à-dire pour ce qui concerne l'Union européenne, entre le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne, ainsi que, sur certains points, l'Espagne et l'Italie. La finalité d'une Europe-puissance n'est pas une tendance forte de civilisation parce que la mondialisation a transcendé l'Union européenne et provoqué ainsi sa crise actuelle.

Après avoir jugé séduisante la répartition des compétences proposée par M. Lamassoure, M. Daniel Garrigue a marqué sa préférence pour un nouveau traité souple et révisable après dix années d'application plutôt que pour une constitution plus difficilement adaptable.

Par ailleurs, le contrôle de la répartition des compétences comporterait une incohérence s'il reposait sur l'affirmation de la compétence de principe des Etats tout en étant confié à une instance purement communautaire, la Cour de justice. Ce contrôle doit s'appuyer sur un meilleur équilibre entre la représentation des Etats et celle de l'Union, en associant la Cour de justice et les représentants des Etats, et il pourrait constituer l'une des missions d'une deuxième chambre émanant des parlements nationaux.

Enfin, le débat sur l'avenir de l'Europe doit définir la place qui sera assignée aux Etats qui diront non à la nouvelle Union et prévoir la possibilité de construire deux Europe au lieu d'une.

Mme Elisabeth Guigou a jugé extrêmement intéressants l'exposé de M. Lamassoure et les travaux du Parlement européen sur la manière de désengorger l'Union européenne d'un fatras de textes, parfois de niveau réglementaire, qui ont entraîné une dilution de l'impulsion politique. Ces classifications sont fécondes et la Délégation aurait intérêt à les prendre comme point de départ de sa réflexion.

On ne peut pas tout concilier et il va falloir faire des choix, en particulier sur l'articulation entre la constitution et le traité ainsi que sur le mode de révision des traités, si l'on veut refonder les politiques communes de manière démocratique. Il faut éviter l'écueil d'une Union européenne où la politique serait déterminée par le juge. Tant que l'Union européenne reste une construction de droit, il est cohérent de soumettre la répartition des compétences à un contrôle juridictionnel. Mais l'élaboration d'une constitution devrait conduire à soumettre cette répartition à un système de contrôle politique intégré réunissant des représentants du Parlement européen et des parlements nationaux. Il convient de traiter à la fois du cadre juridique et, ce qui intéresse davantage l'opinion, du fond des politiques, mais il est compréhensible de commencer par l'architecture et le juridique pour chasser le mauvais souvenir de Nice, même si le calendrier imposera d'accélérer mais aussi de prolonger les travaux de la Convention.

Le Président Pierre Lequiller a déclaré que le Président Giscard d'Estaing ne se laisserait pas limiter par le calendrier, et que l'institutionnel, au cœur du sujet, n'avait pas encore été abordé, en particulier la répartition des pouvoirs entre le Conseil et la Commission ainsi que la création d'un Président de l'Europe.

M. Patrick Hoguet, évoquant la réforme de l'article 308 du traité instituant la Communauté européenne proposée par M. Lamassoure, s'est interrogé sur la nature de l'organe qui sera compétent en la matière et a craint qu'une telle suggestion ne débouche sur un retour à un mécanisme intergouvernemental. Il a souligné la nécessité de prévenir la judiciarisation du contrôle des compétences, estimant que cette matière devrait relever des organes politiques et notamment des parlements nationaux, auxquels il conviendra de conférer un rôle qui ne soit pas simplement consultatif.

M. François Guillaume, déclarant que l'élargissement allait renforcer la distinction entre les petits Etats, qui souhaitent une intégration totale, et les grands Etats, dont l'autorité dans les domaines politique, diplomatique et militaire, risque d'être amputée, a regretté que l'on n'ait pas mesuré les difficultés qui pourraient en résulter, alors que comme l'a observé M. Alain Lamassoure, les institutions communautaires actuelles étaient menacées de paralysie.

Quant à la question de la répartition des compétences, il a constaté que, jusqu'à présent, elle était réglée à l'aide de la notion de subsidiarité, à laquelle il a reproché son imprécision et son caractère subjectif. Tout en notant que les propositions présentées s'inspiraient du système en vigueur en France - dans lequel les grands principes sont fixés par la loi et les modalités d'application par les décrets - il a toutefois douté qu'une telle démarche permette à elle seule au futur traité de répondre aux exigences de clarté et de lisibilité, à l'exemple du traité de Rome initial.

Enfin, il a estimé souhaitable que le peuple puisse se prononcer en connaissance de cause sur le futur traité par voie de référendum.

M. Christian Philip, évoquant la proposition de chambre ad hoc, a considéré qu'il serait erroné d'y inclure des juges, car ces derniers seraient ainsi appelés à intervenir dans un domaine qui relève d'un contrôle de nature politique.

Ayant fait part de sa conviction que les peuples devraient être consultés par voie référendaire, il a estimé nécessaire de ne pas attendre les résultats de la Convention pour que les Etats entreprennent une campagne d'explication auprès des citoyens, afin d'éviter que ceux-ci n'aient l'impression d'être consultés sur un texte élaboré sans leur participation. Il a par ailleurs demandé à M. Lamassoure s'il avait des propositions pour inciter tous les Etats membres à recourir au référendum, puisque certains d'entre eux pourraient l'écarter.

M. René André s'est élevé contre l'idée que la Cour de justice des Communautés européennes puisse intervenir dans des affaires de nature politique, cette dérive risquant à ses yeux d'accroître le déficit démocratique qui est reproché par le peuple à la construction européenne, comme le montrent les problèmes posés par l'application de la réglementation communautaire en matière de chasse. Il serait plus opportun d'instituer une deuxième chambre composée par les Etats à qui il incombera de contrôler l'application du principe de subsidiarité et de pouvoir modifier les blocs de compétence.

En réponse aux différents intervenants, M. Alain Lamassoure a apporté les précisions suivantes :

S'agissant du contrôle de la répartition des compétences, il paraît difficile d'affirmer que ce n'est pas l'affaire des juges. Dans tout système fédéral, c'est un organe juridictionnel qui est compétent. En France, où la décentralisation va être relancée prochainement, c'est également un juge qui tranche les conflits de compétences entre l'Etat et les collectivités locales. Quant au caractère a priori ou a posteriori de ce contrôle, le Parlement européen a pris ces deux options en considération. Un contrôle exclusivement a priori ne serait en effet pas suffisant : la version initiale d'un texte peut respecter le principe de subsidiarité, et des « débordements » apparaître après son adoption. Il faut donc un contrôle qui soit à la fois a priori et a posteriori. Avant, un commissaire spécialisé rend un avis non contraignant, mais public ; puis un contrôle a posteriori intervient. Ce deuxième contrôle ne devrait pas être confié à un organe exclusivement politique. Si tel était le cas, sa composition poserait problème. Il ne pourrait être composé exclusivement de parlementaires nationaux, qui seraient à la fois juges et parties. Il faudrait donc également des parlementaires européens. Mais les parlementaires nationaux seraient dans une situation inconfortable à l'égard de leurs gouvernements, qui siègent au conseil des ministres et qui sont responsables, le plus souvent, de ces extensions de compétences au profit de l'Union. L'article 308 du traité instituant la Communauté européenne a d'ailleurs été utilisé sept cents fois par le conseil des ministres, à l'unanimité. Un arbitre de nature juridictionnelle est donc préférable, avec des personnalités ayant une expérience politique. Cet organe ne serait pas par essence communautaire, puisque ses membres seraient nommés par les gouvernements des Etats membres.

A M. Jacques Myard qui a souhaité savoir pourquoi il n'a pas été envisagé de confier ce contrôle au Conseil européen, composé de membres élus, M. Alain Lamassoure a répondu que les membres du Conseil européen ont bien été élus, mais pas pour diriger l'Europe. Ils ont été élus, chacun dans leur pays, pour gouverner celui-ci et le représenter dans les instances communautaires. Un système juridictionnel, qui introduirait des critères politiques tout en étant un arbitre extérieur, paraît donc préférable.

En matière de politique étrangère, la Convention est confrontée à une réelle difficulté, parce que la quasi-totalité des Etats membres n'ont, en réalité, pas une réelle présence internationale, et ne souhaitent pas que l'Union en ait une. Ils se satisfont du rôle important joué par les Etats-Unis. Pour compter, il faut des moyens militaires, et les Etats membres qui en ont - principalement le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne - sont rarement d'accord entre eux. Ainsi, pour simplifier, le Royaume-Uni considère généralement que les Etats-Unis ont raison avant même qu'ils aient pris une décision, la France juge qu'ils ont tort avant même d'avoir décidé quoi que ce soit, et l'Allemagne attend qu'ils aient pris leur décision pour marquer son approbation. Dans ce domaine, il faudrait adopter la même démarche que pour l'Union économique et monétaire, avec un calendrier, de dix ou douze ans, et des étapes fixant des objectifs précis. M. Alain Lamassoure a rappelé que sa contribution écrite aux travaux de la Convention repose sur cette idée.

La nature du document à venir - Constitution ou traité - ne fait pas de doute. Juridiquement, ce sera un traité, même s'il est qualifié de constitutionnel, parce qu'il aura été adopté par des Etats souverains. Quant à son adaptation, il faudrait distinguer ce qui sera « gravé dans le marbre », et difficilement révisé, de ce qui pourra être modifié plus souplement. Un bilan pourrait être fait dans une dizaine d'années, par exemple, pour procéder à des mises à jour, auxquelles les parlements nationaux seraient associés.

L'article 308 constitue une question technique, que le Parlement européen a développé dans son rapport sur la répartition des compétences.

Il faut, en tout état de cause, sensibiliser l'opinion publique sur la Convention. C'est un défi fantastique, parce que moins d'un Français sur mille sait que la Convention existe, et que ceux qui le savent pensent que le Président Valéry Giscard d'Estaing va rédiger le texte seul. Il ne faut pas que la Convention produise, à l'issue d'une procédure, certes transparente et publique, mais d'initiés, un texte « à prendre ou à laisser ». Ce ne serait pas une situation idéale pour un référendum. Il faut une interaction entre la Convention et les citoyens, allant au-delà de la consultation réalisée dans le cadre du forum, où les associations présentes regroupent, pour l'essentiel, des spécialistes.

Quant aux pays qui diraient « non », il conviendra, peut-être, de proposer deux textes : un texte de base, susceptible d'être accepté par tous, et un autre texte pour ceux qui désirent aller plus loin. Il existe également une difficulté à l'égard des pays dont on ne sait pas s'ils entreront dans le système, comme la Turquie, l'Ukraine, le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord.

M. le Président Pierre Lequiller a, pour conclure, rappelé sa volonté d'inviter régulièrement des parlementaires européens et de développer les relations de la Délégation avec les organes spécialisés dans les affaires communautaires des autres parlements nationaux.

Audition de M. Michel Barnier, commissaire européen
et membre de la Convention sur l'avenir de l'Europe, le 1er octobre 2002,
sur la communication de la Commission « un projet pour l'Union européenne »

Le Président Pierre Lequiller a souhaité la bienvenue à M. Michel Barnier, commissaire européen, en soulignant qu'il s'agissait de la première audition ouverte à la presse organisée par la Délégation depuis le début de la législature. Il a évoqué le développement des travaux de la Convention et, en particulier, la mise en place d'une nouvelle vague de groupes de travail, dont le groupe sur la défense présidé par M. Michel Barnier.

Le Président a souligné que la Commission avait d'ores et déjà joué un rôle particulièrement actif dans le cadre de la Convention, à travers sa proposition d'ensemble de mai dernier - « un projet pour l'Union européenne » - plaidant pour un approfondissement et une cohérence renforcée des politiques de l'Union, au moyen d'une réforme institutionnelle ambitieuse. Il a évoqué les contributions déposées par M. Michel Barnier, conjointement avec le commissaire Antonio Vitorino, à propos, d'une part, du « droit d'initiative de la Commission » et, d'autre part, de la « méthode communautaire ».

Il a rappelé que la Délégation débattait régulièrement des points à l'ordre du jour de la Convention, et qu'un cycle d'auditions avait été engagé, associant en particulier le Parlement européen, afin d'ouvrir la réflexion en cours. Il a enfin indiqué qu'un débat serait prochainement organisé en séance publique sur les travaux de la Convention.

M. Michel Barnier, commissaire européen, a déploré la distance qui sépare les citoyens de la construction européenne et a estimé que chacun devait s'efforcer de contribuer à réduire cette distance, au nom de l'intérêt général. Il a souligné que la Convention sur l'avenir de l'Europe constituait un grand rendez-vous européen, tranchant heureusement sur la méthode de la confidentialité diplomatique, et dont l'importance égalait potentiellement celle du traité de Rome. Il a rendu hommage au travail mené dans le cadre de la Convention par M. Alain Barrau et par Mme Anne-Marie Idrac, représentants de l'Assemblée nationale au cours de la précédente législature. Il a considéré que la Convention avait à présent trouvé son rythme de croisière et que chacun prenait pleinement au sérieux l'enjeu que représentent les futures propositions de la Convention, sur lesquelles la Conférence intergouvernementale devra décider. Il a estimé qu'il fallait que la Convention trouve un chemin d'équilibre, à la fois audacieux et réaliste, entre une approche qui risquerait d'être trop académique et idéale et, à l'inverse, un projet qui serait trop prudent.

Evoquant l'idée d'une constitution européenne, il a estimé que c'était d'abord le contenu même du texte qui sera proposé qui importait, et que celui-ci devait s'inspirer du courage et de la lucidité des hommes politiques qui avaient su, il y a cinquante ans, trouver ensemble les voies permettant à l'Europe de devenir durablement un pôle de paix, de stabilité et de prospérité. Il a jugé que la promesse initiale avait été tenue et que le projet avait réussi, grâce en particulier à trois audaces institutionnelles fondamentales : l'équilibre entre les « grands » et les « petits » Etats, la place grandissante faite à la procédure de la majorité qualifiée, et la méthode communautaire, basée notamment sur l'indépendance de la Commission dont le pouvoir d'initiative permet à la décision communautaire de s'élaborer à partir d'un projet exprimant une vision de l'intérêt général de l'Union.

M. Michel Barnier a ensuite souligné que si les raisons initiales ayant présidé à la naissance et au développement de l'Europe restaient valables, de nouveaux défis devaient être pris en compte, parmi lesquels la mondialisation, l'émergence de nouvelles menaces pour la sécurité des citoyens européens, la nécessité de trouver les voies d'une gouvernance économique européenne, l'augmentation très sensible du nombre des Etats membres. Il a jugé que la méthode communautaire restait plus que jamais nécessaire pour relever ces nouveaux défis, quitte à ce que des modalités particulières soient instaurées pour certains domaines spécifiques. Il a considéré que la méthode intergouvernementale avait fait la preuve de ses limites, le droit de veto constituant un facteur de blocage important.

Faisant référence à la contribution relative aux questions institutionnelles que la Commission projette de déposer prochainement dans le cadre des travaux de la Convention, le commissaire a estimé qu'il convenait que les trois principales institutions soient fortes, et qu'il fallait progresser vers plus de légitimité, plus de transparence, et une amélioration de l'application du principe de subsidiarité.

Abordant enfin le déroulement à venir des travaux de la Convention, M. Michel Barnier a souligné que les conclusions des groupes de travail auront une influence déterminante sur le résultat final de la Convention. Il a indiqué que celle-ci devrait terminer ses travaux au printemps prochain, afin qu'un nouveau « traité de Rome » puisse être conclu avant la fin 2003.

M. Patrick Hoguet, après avoir souhaité que cette audition d'un commissaire européen soit suivie de beaucoup d'autres, a interrogé M. Michel Barnier sur le débat actuel relatif au contrôle du principe de subsidiarité : ce contrôle doit-il être confié à des juges ou relever plutôt, comme il le pense, d'un arbitrage politique après avis du Parlement européen et des parlements nationaux ? Il a, par ailleurs, demandé au commissaire ce qu'il pensait de l'idée d'extraire les dépenses de défense du calcul des dépenses prises en compte dans le pacte de stabilité.

Rappelant que le principe de subsidiarité avait fait l'objet d'un protocole additionnel dans le traité d'Amsterdam, M. Michel Barnier a indiqué qu'il fallait que des mécanismes assurent le respect de ce principe. Il a observé qu'au sein de la Convention, la réflexion avait progressé sur ce sujet : on s'est rendu compte qu'on ne pouvait pas toujours établir une répartition claire entre les compétences de l'Union et celles des Etats, en raison de l'existence d'une zone « grise », correspondant aux compétences partagées. Le contrôle de ce principe est d'abord du devoir de la Commission, qui doit être plus vigilante à cet égard ; c'est ensuite celui du Conseil des ministres et du Parlement européen, qui peuvent avoir tendance à ajouter des précisions limitant la marge de manœuvre des Etats ; c'est enfin celui des administrations nationales, qui veulent parfois imposer leurs vues, comme on a pu l'observer notamment pour l'adoption des normes environnementales. Au-delà de la Commission, il appartient au Conseil des ministres, puis au Parlement européen, d'assurer ce contrôle. En outre, on a imaginé un système d'alerte précoce permettant à un tiers des parlements nationaux d'interpeller la Commission afin qu'elle justifie le bien-fondé d'un texte en discussion. A côté de ce contrôle ex ante, on peut concevoir un contrôle ex post associant davantage les parlements nationaux. Cependant, cela ne doit pas bloquer le processus législatif, mais plutôt l'expliquer.

S'agissant de l'application du pacte de stabilité, le commissaire a rappelé la récente décision de la Commission, consistant à repousser l'échéance de 2004 à 2006. Elle traduit la volonté d'utiliser les marges de manœuvre offertes par le traité sans remettre en cause le contenu même du pacte. Certes, la France entend accroître ses efforts de défense, mais d'autres pays, notamment les pays neutres, préfèrent défendre d'autres priorités. Extraire les dépenses de défense de celles prises en compte dans le pacte reviendrait en réalité à remettre en cause celui-ci, et cela n'est pas souhaitable. Les responsables politiques doivent expliquer aux citoyens que ce pacte est la contrepartie d'un système monétaire où les crises, les dévaluations, les plans d'austérité qu'elles entraînent, ont disparu au profit d'une mutualisation des risques. Certes, il se traduit pour les Etats par une perte de souveraineté nationale, mais la souveraineté monétaire de ceux-ci avant l'euro était en pratique très limitée.

M. François Guillaume a interrogé le commissaire sur la distance existant entre le projet européen et les citoyens. Ce problème soulève, selon lui, deux questions clés : à cause de qui et pourquoi ? Si la fonctionnarisation du système répond à la première question, l'explication tient à l'élaboration d'un certain nombre de règles qui ont rompu avec l'esprit du pacte d'origine et provoqué un désenchantement. Ainsi, pour la PAC, l'introduction en 1992 du système des primes - aux dépens d'une politique des prix - n'a plus permis que les agriculteurs européens soient traités de manière équitable et a conduit à une approche comptable par Etat. De même, le développement du pilier environnemental conduit aujourd'hui à un repli national.

Puis, il a abordé la question du compromis de Luxembourg - qu'il ne considère pas comme un veto, mais comme un moyen permettant de remettre en cause un projet pouvant porter un grave préjudice à un Etat. Or, avec le traité de Nice, plusieurs petits pays peuvent contraindre des grands à des contributions financières excessives. Aussi, ne faut-il pas considérer que ce compromis est tombé en désuétude.

M. Michel Barnier a indiqué que plusieurs réponses différentes peuvent être apportées au sujet de la fracture entre l'Union européenne et les citoyens, mais il a jugé qu'une part importante de responsabilité incombe aux gouvernements des Etats membres, qui vont négocier et adopter les textes communautaires à Bruxelles, sans les expliquer ensuite à leurs concitoyens. Ce silence entretient la peur, et la peur nourrit toutes les démagogies. Le Général de Gaulle recommandait de « combattre la démagogie par la démocratie ». Ainsi, il convient de rapprocher les députés européens du territoire et des parlements nationaux, et de créer davantage de Maisons de l'Europe et de points d'information, non pour faire de la propagande, mais pour informer les citoyens sur l'Europe.

Il faut aussi renforcer la popularité des politiques que l'Union conduit, qu'il s'agisse de la politique agricole commune ou de la politique régionale. La politique régionale, qui représente pour la France environ quinze milliards et demi d'euros sur la période 2000-2006, soit presque autant que les contrats de plan conclus avec les régions pour la même période, n'est pas de la réglementation : ce sont des aides concrètes et positives. Quant à la politique agricole commune, préservée et réorientée à Berlin, elle doit être rénovée et adaptée aux exigences nouvelles des consommateurs.

Le compromis de Luxembourg, non écrit, constitue une « arme atomique », de dissuasion, qui permet à chaque pays de dire non s'il estime l'un de ses intérêts nationaux essentiels menacé. Mais le droit de veto qui continue d'exister dans de nombreux domaines
- celui de la fiscalité des entreprises, par exemple - est devenu une source excessive de blocage à quinze, qui deviendra ingérable après l'élargissement.

M. Marc Laffineur a déclaré partager la crainte de M. Michel Barnier devant la montée du sentiment anti-européen, alors que l'Europe a tant apporté. Il a souligné que la responsabilité n'en incombe pas qu'aux seuls responsables politiques, mais à l'ensemble de la société : les syndicats, les responsables économiques ont, eux aussi, tendance à « blâmer Bruxelles ». Les institutions communautaires ont également leur part ; leur gestion du dossier des fonds structurels, par exemple, n'a pas clarifié la situation. En ce qui concerne la Convention, la nécessité de développer une véritable politique extérieure et de défense devrait, selon M. Laffineur, s'imposer, mais il s'est interrogé sur la volonté des pays neutres de l'accepter, et sur la nature de l'organe qui sera appelé à mettre en œuvre cette politique.

Le Président Pierre Lequiller, réagissant à la réponse du commissaire européen, a souligné que la Délégation contribue au rapprochement des députés européens et des parlementaires nationaux, rappelant l'audition de M. Alain Lamassoure, sur la répartition des compétences entre l'Union européenne et les Etats membres. Les parlementaires européens seront d'ailleurs invités régulièrement à certaines réunions de la Délégation, et les échanges avec les autres parlements des Etats membres se développeront également, comme en témoigne la rencontre prévue le 23 octobre prochain avec des parlementaires espagnols.

M. Michel Barnier, se félicitant de ces initiatives, a confirmé, en réponse à M. Marc Laffineur, que la responsabilité de cette fracture entre l'Europe et les citoyens n'est évidemment pas seulement celle des responsables politiques. Il y a en effet une tendance générale à considérer, parce que tout cela est complexe, qu'il y a à Bruxelles un pouvoir extérieur qui impose sa loi, alors que la Commission, en dehors du domaine de la concurrence, n'a qu'un pouvoir de proposition et d'exécution. Ce sont les dirigeants des Etats membres qui décident, ensemble, et non la Commission. S'agissant du rôle des parlements nationaux, M. Barnier a rappelé que de nombreux parlementaires rencontrent, eux aussi, des députés européens régulièrement, et que dans certains Etats membres les ministres reçoivent, avant chaque négociation communautaire, des instructions de leur parlement. Il a indiqué que Mme Gisela Stuart présenterait, en tant que présidente du groupe de travail de la Convention sur les Parlements nationaux, un recensement de toutes les « bonnes pratiques » en la matière.

En ce qui concerne la défense, le commissaire européen s'est déclaré convaincu qu'il faut aller plus loin que les dispositions actuelles des traités. Il a souligné que les quatre pays neutres souhaitent se limiter aux « tâches de Petersberg », de maintien de la paix et de prévention des crises, introduites dans les traités à leur demande et mises en œuvre en Bosnie et au Kosovo, notamment. Il faudra peut-être laisser ceux qui le veulent aller plus loin dans le sens d'une défense collective, avec des clauses d'opting in. Mais ce débat n'est pas tranché, pas plus que celui sur les fonds européens de recherche, la préférence communautaire ou les programmes d'armement. Le groupe de travail devra également évaluer ce qui existe déjà, notamment la manière dont la force d'intervention européenne, avec près de 60 000 hommes, se met en place.

En matière de politique extérieure, des progrès ont été faits depuis le traité d'Amsterdam, avec la création du Haut représentant. Celui-ci a prouvé son utilité, même si ses moyens restent limités. M. Javier Solana réalise un travail important, avec M. le commissaire Chris Patten, responsable des relations extérieures, et des résultats très positifs ont été obtenus au Kosovo et en Macédoine, par exemple, qui marquent un net progrès par rapport au conflit en Bosnie. La guerre de Bosnie ne serait sans doute plus possible aujourd'hui, avec les institutions actuelles.

Il importe néanmoins d'aller plus loin en harmonisant les moyens et, surtout, en consolidant le poste du Haut Représentant de l'Union européenne. Il pourrait être envisagé notamment de faire de ce dernier un vice-président de la Commission responsable devant le Conseil.

M. Michel Herbillon s'est félicité de la mise en perspective des défis auxquels l'Union européenne doit faire face, en particulier le passage de quinze à vingt-cinq Etats membres qui n'est pas seulement un problème arithmétique. Il a souhaité connaître le sentiment du commissaire sur le couple franco-allemand et sur son rôle dans la construction européenne. La nécessité de refonder ce couple est reconnue par tous et deux opportunités se présentent : le quarantième anniversaire du traité de l'Elysée de janvier 1963 et la fin de longues périodes électorales dans les deux pays.

M. Michel Barnier a estimé qu'il s'agissait effectivement d'une question majeure, puisque le projet européen a besoin d'une entente, voire d'une complicité franco-allemande. Cette relation ne doit pas être exclusive ou arrogante. En outre, si elle est nécessaire, dans la mesure où sans le couple franco-allemand l'Europe ne peut pas avancer, elle ne peut être suffisante. Il convient de noter d'ailleurs que cette relation est singulière car les deux pays ne se ressemblent pas et c'est d'ailleurs ce qui donne du poids à cette entente, qui est loin d'être évidente. Il y a urgence à relancer le couple franco-allemand mais il faut tenir compte du nouveau contexte géopolitique. En effet, si le vingtième siècle a été franco-allemand, avec une première phase marquée par les guerres puis une seconde phase de reconstruction politique, le vingt-et-unième siècle sera européen. La vraie question est de savoir si dans les différents axes qui vont apparaître dans le cadre européen, les français et les allemands souhaiteront être ensemble ou face à face. Il a considéré que la réponse à cette question appartenait aux deux chefs d'Etat et de gouvernement, mais qu'elle constituait la clé de la poursuite du projet européen.

M. Jacques Myard a contesté la présentation laissant entendre que l'Europe n'apportait que des avantages. Le pacte de stabilité, par exemple, entraîne une perte de croissance que l'on peut estimer à 0,5 point par an. De même, le problème de la dévaluation compétitive en Italie était en réalité essentiellement explicable par la politique du franc fort menée par la France. Il a regretté qu'en matière de fonds structurels, tous les dossiers doivent être étudiés par la Commission à Bruxelles, ce qui illustre le postulat principal de cette institution, à savoir la nécessité d'un système unique ne respectant pas la diversité de chacun des Etats membres. Cette critique peut également être faite dans le domaine de la fiscalité, où l'on refuse de concevoir un modèle de concurrence fiscale à l'image de celui en vigueur aux Etats-Unis. Il a dénoncé la méthode irréaliste poursuivie par la Communauté européenne en matière de défense et de diplomatie et il a affirmé que l'Europe pourrait mourir de son intégrisme. Il a souhaité savoir s'il était envisagé de remettre en cause l'acquis communautaire.

M. Michel Barnier a regretté que ses propos puissent être mal interprétés. Le cadre institutionnel unique ne doit pas effacer le cadre national mais il importe de ne plus s'en tenir à la règle de l'unanimité, qui conduirait inéluctablement au blocage. Il est également très important qu'une personne ou une institution située dans une position mixte dispose d'une capacité d'initiative.

Pour sa part, il a avancé l'idée que ce qui avait fait ses preuves dans le domaine du commerce pourrait aussi fonctionner dans d'autres domaines. Il a précisé à cet égard que, lorsqu'il proposait de rénover l'acquis communautaire, il n'entendait certainement pas le démanteler. Il était plutôt d'avis d'y apporter des améliorations, comme de rendre publiques les réunions du Conseil des ministres, voire d'y faire accompagner les ministres par deux parlementaires nationaux, le ministre restant le chef de la délégation nationale.

Il a exprimé sa conviction que de grands progrès pouvaient être réalisés pour améliorer la transparence et la légitimité de l'Union, sans mettre en cause l'acquis communautaire.

M. Daniel Garrigue a évoqué la question du processus de décision. Après avoir rappelé qu'il devait exister une voie moyenne entre, d'une part, l'unanimité qui implique le veto et entraîne la paralysie, et d'autre part la frilosité européenne qui résulte parfois du mécanisme de vote à la majorité qualifiée, il s'est étonné qu'on n'ait pas encore exploré la politique des coopérations renforcées telles qu'elles sont prévues par le traité d'Amsterdam. Il a abordé la question de la subsidiarité, pour déplorer que le dispositif d'alerte en discussion à la Convention ne laisse un rôle qu'à la Cour de justice des Communautés européennes, alors que sa jurisprudence va toujours dans le sens de l'Union.

M. Michel Barnier a assuré que les coopérations renforcées prévues par le traité d'Amsterdam, mais aussi actualisées par le traité de Nice, seraient bientôt opérationnelles, ce dernier traité n'attendant plus que le vote irlandais pour entrer en vigueur : les pays qui le désireraient pourraient alors former un groupe prêt à aller de l'avant. Pour la défense, une autre formule lui paraît devoir s'imposer, à savoir une coopération qu'on pourrait qualifier de très renforcée et qui comporterait une clause d'opting in à l'intention des pays voulant aller plus loin. Quant au contrôle de la subsidiarité, il convient de voir que le contrôle dit ex ante, de nature politique, n'exclut pas un contrôle ex post, de nature juridictionnelle. Il a estimé qu'il était parfois difficile de porter sur les travaux de la Cour de justice des Communautés européennes un regard objectif. Il a cependant précisé que certains avaient imaginé que le contrôle ex post soit assuré par une chambre spéciale au sein de la Cour de Justice.

M. Jacques Floch a abordé le sujet du divorce de plus en plus prononcé entre la politique européenne et les citoyens. Il a concédé qu'il avait pu être tentant parfois d'exploiter cette image négative pour la tourner à son avantage. Il a ajouté qu'en ce domaine un mea culpa général serait sans doute bienvenu. Il a mis en cause le mode d'élection des députés européens, réduits à ne faire campagne qu'à l'intérieur de leur parti. Selon lui, ce mode d'élection expliquerait pourquoi les parlementaires européens seraient si peu nombreux à rendre compte à leurs électeurs. Il a rappelé qu'il ne pouvait exister de défense viable sans une industrie nationale qui soit autonome dans le secteur. Or, a-t-il ajouté, la France ne peut aujourd'hui construire seule un avion de chasse. Il s'est demandé ce qu'il adviendrait si les Etats-Unis cessaient un jour de livrer les composants indispensables utilisés dans la construction de nos avions de chasse à hauteur de quinze pour cent. Il en a tiré la conclusion que la coopération européenne en ce domaine se révélait un passage obligé. Abordant la question du modèle économique et social européen, il s'est inquiété des situations de concurrence qui peuvent naître aujourd'hui au sein de l'Union, l'opinion ne comprenant pas qu'on puisse fermer des entreprises pour les délocaliser vers un autre pays de l'Union ou vers l'un des pays candidats.

M. René André a souligné l'opposition entre la conception d'une Europe limitée à une zone de libre échange et celle, plus ambitieuse, de l'Europe politique qui ne pourra se réaliser que par la voie des coopérations renforcées. S'associant aux propos de M. Jacques Floch sur la distance qui existe entre l'Union européenne et les citoyens, il a regretté certaines maladresses de la Commission qui ne sait pas toujours bien expliquer ses propositions. Il a également estimé que les divergences de vues entre les pays européens sur certains sujets, comme la politique sociale, ne facilitaient pas la compréhension du projet européen. Enfin, et alors que s'ouvre en France le procès des attentats de 1995, M. René André a souligné les enjeux de la construction de l'Europe judiciaire et policière (Europol et Eurojust), apportant son plein soutien au projet de procureur européen.

M. Christian Philip a demandé au commissaire si la Commission entendait prendre des initiatives pour que s'engage enfin un véritable débat public sur les enjeux de la Convention, rappelant que la majorité des citoyens européens devraient être appelés à se prononcer par référendum sur le futur traité constitutionnel européen. En ce qui concerne le calendrier de l'élargissement, il s'est déclaré préoccupé par l'idée d'organiser, à quelques mois d'écart, deux consultations distinctes dans les pays candidats (l'une sur les traités d'adhésion puis l'autre sur le futur cadre institutionnel de l'Union) et a plaidé pour une ratification commune.

M. Bernard Deflesselles a souligné l'urgence de proposer des remèdes à la fracture qui existe entre l'Europe et les citoyens, estimant nécessaire de dépasser le stade du diagnostic que chacun s'accorde à établir.

M. Pierre Forgues a demandé au commissaire de préciser les orientations du groupe de travail sur la défense européenne qu'il préside au sein de la Convention et sur les moyens de faire avancer l'idée d'une politique commune de défense. Il a ainsi regretté que la France ait décidé seule de la construction d'un second porte avion.

M. André Schneider a souhaité recueillir le sentiment du commissaire sur l'avenir européen de la ville de Strasbourg.

M. Guy Lengagne a abordé la question de l'avenir institutionnel de l'UEO et de l'existence de l'Assemblée parlementaire de l'UEO. Il a plaidé pour son maintien afin de ne pas transférer au seul Parlement européen un contrôle auquel les Parlements nationaux doivent rester étroitement associés.

Le Président Pierre Lequiller a interrogé le commissaire Michel Barnier sur les conséquences pour l'Union d'un nouveau « Non » irlandais au traité de Nice.

Le commissaire a apporté les réponses suivantes :

- l'élargissement a besoin du traité de Nice et une hypothèse négative pour le deuxième référendum irlandais est inimaginable dans la mesure où, après un premier vote, d'autant plus inquiétant qu'il ne portait pas réellement sur un traité mal présenté à la population mais plutôt sur toute la question européenne, les autorités irlandaises ont bien expliqué le contenu et la portée du traité de Nice et le Conseil européen de Séville a donné des assurances supplémentaires à ce pays sur le respect de sa neutralité en matière de défense ;

- le mode d'élection des députés européens devra être modifié pour qu'ils aient des comptes à rendre à leurs électeurs et puissent le faire. Sa proposition de fonder les élections au Parlement européen sur une base territoriale plus proche des citoyens avait été reprise par le Gouvernement de M. Lionel Jospin, mais elle s'est heurtée aux conservatismes de droite comme de gauche, alors qu'elle s'appuyait sur l'expérience du travail en commun entre plusieurs régions, notamment dans le domaine des transports. Il faudrait réaliser le grand projet de rapprocher les citoyens de leurs élus européens lors des prochaines élections au Parlement européen en 2004 ;

- même si la Convention en est assez vite venue au débat institutionnel, le modèle européen est la réponse à la question qu'elle doit d'abord se poser sur ce que nous voulons faire ensemble. En mettant l'accent notamment sur les missions de service public, la protection sociale, les nouvelles politiques et la gouvernance économique, ce modèle marque nos différences par rapport aux modèles américain et asiatique ;

- la création d'un procureur européen est dans l'intérêt de l'Union européenne et des Etats membres, dans la mesure où, sans empiéter sur la compétence des juges nationaux qui trancheront, il instruira les affaires par-dessus les frontières intérieures de l'Union afin que les délinquants ne puissent exploiter les différences entre les procédures nationales pour échapper à la sanction ;

- la décision du Royaume-Uni de ne pas extrader un terroriste en prison depuis plusieurs années est une situation qui ne devrait plus se reproduire lorsqu'entrera en vigueur, le 31 décembre 2002, la procédure harmonisée de remise immédiate entre six pays de l'Union, dont la France et le Royaume-Uni ;

- il ne faut pas être injuste avec le commissaire Franz Fischler qui est favorable au maintien de la politique agricole commune mais plaide pour son évolution, et dialoguer avec lui en abordant ce dossier de manière positive et non pas défensive ;

- il est très inquiétant que le moment stratégique de la réunification de l'Europe soit pour demain sans que personne n'en parle ou alors qu'il devienne sujet de polémique et de démagogie. M. Barnier s'est déclaré très choqué, en tant que commissaire européen, par l'article de deux députés qui énumérait toutes les raisons de retarder l'élargissement alors que la France s'est totalement engagée dans ce processus. Non seulement il augmente le doute dans les pays candidats sur la réalité de l'engagement de la France, mais il aggrave les peurs. Tout le monde sait que l'élargissement a un coût et comporte des risques, mais il faut sans cesse redire qu'il va instaurer le plus grand marché organisé du monde et assurer la paix, la stabilité et la prospérité en Europe, tout en évitant la concurrence sauvage et en permettant la maîtrise de tous les trafics et du terrorisme qui se nourrissent de la misère. Or, ce rendez-vous capital arrive sans que les Français y soient préparés et ce débat serait trop tardif s'il avait lieu dans deux ans. Il est indispensable que le Président de la République et tous les responsables politiques, qui sont parfaitement conscients de l'importance cruciale de cette échéance, en expliquent davantage les enjeux aux Français ;

- les pays candidats qui sont déjà associés à la Convention, et avec lesquels les négociations vont se conclure, se prononceront sur leur adhésion en 2003 et devront voter une deuxième fois en 2004 sur la réforme de l'Union européenne ;

- la fracture entre l'Europe et les citoyens sera réduite lorsque les responsables politiques ne considéreront plus, comme un de ses anciens collègues ministres, qu'il gaspillait son temps ministériel à consacrer vingt-huit journées complètes à parler de l'Europe dans les régions parce que « l'Europe, c'est trop compliqué pour qu'on en parle avec les gens » ;

- le groupe de travail sur la défense au sein de la Convention n'élude aucune question, notamment pas la création d'une agence commune au moins pour la recherche militaire, et ce n'est pas un secret que M. Javier Solana défend l'idée que la crédibilité de la PESC est liée au renforcement de son volet défense constitué par la P.E.S.D. ;

- le siège du Parlement européen est fixé à Strasbourg par le traité d'Amsterdam, mais cette question exige une vigilance « proactive » dans la mesure où le Parlement européen dispose d'une forte autonomie pour organiser ses travaux et où il faut répondre d'urgence aux critiques relatives aux transports qui vont se multiplier avec l'arrivée de nouveaux Etats membres ;

- le sort de l'UEO est scellé depuis l'intégration de la plupart de ses attributions et de ses structures dans l'Union européenne, mais il faudra mieux associer les parlements nationaux et le Parlement européen sur ces questions de défense et de sécurité pour qu'ils puissent en débattre ensemble, et même envisager une extension de cette formule à d'autres domaines essentiels, comme les questions économiques et monétaires.

Audition de Mme Gisela Stuart, députée britannique,
présidente du groupe de travail de la Convention sur l'avenir de l'Europe
sur le rôle des parlements nationaux, le 9 octobre 2002

Le Président Pierre Lequiller a d'abord indiqué qu'il s'agissait de la première réunion tenue conjointement avec la Délégation pour l'Union européenne du Sénat et que ce travail en commun devait se développer dans l'avenir, comme c'est notamment le cas dans le cadre des travaux de la Convention.

Il a ensuite accueilli Mme Gisela Stuart en soulignant l'importance centrale pour la Convention des travaux du groupe sur le rôle des parlements nationaux qu'elle préside.

Abordant les orientations qui se dégagent d'ores et déjà des travaux du groupe de travail, le Président Pierre Lequiller a évoqué le renforcement du contrôle des parlements nationaux sur les gouvernements, le rôle des parlements en matière de contrôle de la subsidiarité, l'intensification des relations entre parlements nationaux et le Parlement européen.

Il a également fait référence à l'idée d'un Congrès qui rassemblerait des représentants des parlements nationaux et du Parlement européen.

M. Hubert Haenel, président de la Délégation du Sénat pour l'Union européenne, a souligné l'intérêt de tenir des réunions conjointes, rassemblant les deux délégations, pour approfondir des sujets d'intérêt commun. Il a félicité Mme Gisela Stuart pour la qualité de la présidence qu'elle exerce à la tête du groupe de travail sur le rôle des parlements nationaux, et s'est dit très heureux d'avoir pu y participer personnellement. Il a considéré qu'un certain consensus se dégageait sur les objectifs à atteindre, s'agissant du rôle des parlements nationaux, mais qu'il convenait de poursuivre encore la réflexion commune sur les moyens les plus appropriés pour atteindre les objectifs fixés.

Après avoir remercié les délégations de leur accueil, Mme Gisela Stuart a souligné que l'étroite collaboration présidant, dans beaucoup d'Etats membres et notamment au Royaume-Uni, aux relations entre le Gouvernement et le Parlement en matière européenne, ne devait pas masquer le fait que les parlements ont un rôle propre à jouer dans ce domaine. Rappelant l'organisation des travaux de la Convention, elle a précisé que les conclusions des dix groupes de travail seraient toutes disponibles avant la fin de l'année. Elle a souligné l'intérêt qu'un consensus puisse progressivement se dégager sur les futures conclusions de la Convention, afin que la Conférence intergouvernementale, qui sera ensuite saisie de ces conclusions, soit amenée à les faire siennes.

Elle a estimé que le rôle des parlements nationaux au sein de l'Union européenne ne devait pas se limiter au seul contrôle des gouvernements. Elle a considéré que ce rôle était complémentaire de celui du Parlement européen. Soulignant que le groupe de travail avait examiné les divers systèmes de contrôle parlementaire sur l'activité européenne des gouvernements, en vigueur dans les différents Etats membres, elle a jugé que la réflexion sur le rôle des parlements nationaux devait prendre en compte la diversité des réalités nationales, du point de vue culturel, historique et politique, notant, par exemple, que la correspondance étroite entre l'Etat et la nation, existant dans le système français, ne se retrouve pas forcément dans les autres Etats membres.

Elle a souligné la nécessité d'améliorer le flux d'informations à destination des parlements nationaux, dont le contrôle doit s'effectuer le plus en amont possible. Le groupe de travail devrait formuler des recommandations en ce sens.

S'exprimant sur les conclusions du groupe de travail sur la subsidiarité présidé par M. Mendez de Vigo, Mme Gisela Stuart a marqué son accord avec un mécanisme qui permet aux parlements nationaux de jouer le rôle principal dans ce domaine, ce qui permettra de mieux ancrer la prise de décision européenne au sein des institutions nationales.

Reprenant à son compte les propos d'un député italien, Mme Gisela Stuart a estimé que le Parlement européen a le pouvoir mais pas de visage lorsque les parlements nationaux ont un visage mais pas le pouvoir en matière européenne. C'est pourquoi les propositions législatives de la Commission doivent être adressées directement aux parlements nationaux à qui il faut reconnaître le pouvoir de se prononcer. Pour autant, certaines questions restent en suspens à ce stade des travaux : faut-il permettre à chaque chambre d'émettre un avis motivé, ce qui risque de provoquer une inégalité entre les parlements monocaméraux et bicaméraux ? Quelle fonction précise pourrait avoir une réunion périodique entre parlementaires européens et parlementaires nationaux ?

Mme Gisela Stuart a alors évoqué l'instance de la COSAC, dont chacun s'accorde à reconnaître qu'elle doit évoluer. Il faudrait en premier lieu modifier son nom et la transformer en un Forum des parlements nationaux.

Dans le même temps, elle a souligné le besoin d'une meilleure coopération entre parlementaires européens et parlementaires nationaux, qui pourrait se réaliser au sein d'un Congrès ne disposant pas de pouvoir législatif.

A ce stade des travaux de la Convention, Mme Gisela Stuart a indiqué que le débat reste encore imprécis - mais ouvert - sur la composition et les attributions de ce Congrès. Elle a plaidé pour la création d'une semaine européenne au cours de laquelle chaque parlement national débattrait simultanément du programme législatif de la Commission. Le Congrès pourrait aussi se réunir lors de cette semaine.

En conclusion, Mme Gisela Stuart a insisté sur l'enjeu de la Convention, déclarant qu'il s'agit de faire un bond qualitatif en avant, à la veille de l'élargissement. Un échec aurait des conséquences durables, mais une convergence autour des nombreux points communs qui se dégagent permettrait de prendre des décisions qui se démarquent de l'ambiguïté qui prévaut trop souvent dans le débat européen.

Réagissant à ces propos, le Président Pierre Lequiller a remercié Mme Gisela Stuart pour la qualité et la précision de son intervention. Il a salué les orientations du groupe de travail qu'elle préside, et l'évolution du débat qui se développe sur l'idée du Congrès, étant entendu qu'il ne doit pas s'agir d'une nouvelle chambre dotée de compétences législatives.

Le Président Pierre Lequiller a précisé, à titre personnel, sa conception du Congrès : il devrait s'agir d'une instance composée pour un tiers de représentants du Parlement européen et pour deux tiers de représentants des parlements nationaux, qui se réunirait une fois par an pour un débat d'information sur le programme législatif de la Commission. Le Congrès pourrait aussi participer à la désignation d'un Président de l'Europe, proposée par le Conseil européen, qui disposerait ainsi d'une véritable légitimité des peuples. Le Congrès serait également compétent pour prendre part à la procédure de révision de la partie non constitutionnelle du futur traité européen.

Enfin, le Président Pierre Lequiller, réagissant aux propositions du groupe de travail de M. Mendez de Vigo sur la subsidiarité, a souhaité qu'une délégation permanente du Congrès puisse également adresser des avis motivés à la Commission européenne, sans retirer ce droit à chaque parlement national. Il s'agirait, par le biais d'un avis collectif émanant de cette délégation permanente du Congrès, de donner davantage de force au contrôle politique ex ante.

Le Président Hubert Haenel a souhaité que les propositions de la Convention soient simples, efficaces, et compréhensibles par les parlementaires nationaux. Il a jugé que l'idée d'un Congrès méritait d'être étudiée, mais qu'elle ne pourrait être précisée que dans le cadre de propositions globales sur l'architecture des institutions européennes.

Il a estimé que l'un des principaux problèmes à régler serait celui du rôle des parlements nationaux dans le déclenchement d'une procédure d'alerte, lorsque le principe de subsidiarité aura été méconnu par la Commission, puis dans la saisine de la juridiction compétente, qu'il s'agisse d'une juridiction ad hoc, ou d'une nouvelle chambre de la Cour de Justice des Communautés européennes.

Il a souhaité que la COSAC ne soit pas remise en cause, tant qu'aucune décision ne serait prise sur le rôle des parlements nationaux dans les institutions européennes. Il a contesté l'idée d'une représentation du Parlement européen au sein du Congrès.

Mme Elisabeth Guigou a remercié Gisela Stuart de la clarté et de la concision de sa présentation. Elle a estimé que les sujets abordés par le groupe de travail sur le rôle des parlements nationaux étaient étroitement liés à ceux du groupe de travail sur la subsidiarité tout en soulignant certaines différences entre les deux groupes.

Elle a considéré que l'association des parlements nationaux à l'Union européenne permettrait de rapprocher les citoyens de l'Europe, en particulier dans la perspective de l'élargissement.

Elle a souhaité que les projets de textes européens soient automatiquement et directement transmis aux parlements nationaux par la Commission, et accompagnés d'une fiche « subsidiarité », pour permettre l'exercice du contrôle ex ante.

Elle s'est déclarée favorable à un avis motivé des parlements nationaux - avec en France la possibilité de donner le dernier mot à l'Assemblée nationale -, sans que cet avis motivé ex ante soit une condition pour le déclenchement de la procédure ex post. En tout état de cause, le pouvoir d'initiative de la Commission ne doit pas être remis en cause.

Evoquant les différentes procédures envisageables pour le contrôle ex post, elle a souhaité que l'on évite une superposition trop complexe d'institutions.

Elle a reconnu que le fonctionnement de la COSAC actuelle n'était pas satisfaisant, mais elle a souhaité que le Congrès ne se substitue pas au Parlement européen et aux parlements nationaux, et contesté la proposition de créer une commission compétente en matière de subsidiarité au sein du Congrès.

Elle a estimé que l'Union européenne a besoin d'un Président, que l'opinion y est favorable, mais qu'il faudra prendre le temps de réfléchir au rôle qui lui serait attribué et aux modalités de sa désignation.

En conclusion, elle a jugé que les résultats des travaux du groupe de travail de la Convention sur le rôle des parlements nationaux étaient très prometteurs, et qu'ils permettraient de dégager des lignes de consensus, avant que les chefs d'Etat et de gouvernement ne prennent des décisions.

M. Michel Herbillon s'est déclaré intéressé par la proposition de Mme Gisela Stuart concernant l'institution d'une « semaine européenne », au cours de laquelle les parlements nationaux de l'Union débattraient simultanément des sujets européens. Cette initiative permettrait de donner davantage de visibilité aux activités de l'Union européenne.

Il a souhaité connaître la position de Mme Gisela Stuart sur les voies et les moyens d'une réforme de la COSAC. Il a notamment demandé si cette COSAC réformée allait se superposer au Congrès ou si l'un de ces organes était appelé à remplacer l'autre. En ce qui concerne le Congrès, il a interrogé Mme Gisela Stuart sur la composition de cette assemblée, la périodicité de ses travaux et ses compétences.

Enfin, M. Michel Herbillon a observé que l'accord de principe sur les deux objectifs de la réforme institutionnelle - rapprocher l'Europe des citoyens et rendre ses institutions plus efficaces, lisibles et compréhensibles - n'entraînait pas pour autant un accord sur les modalités de réalisation de cette réforme aussi bien entre les Etats membres qu'au sein même des parlements nationaux.

M. Patrick Hoguet a estimé souhaitable que les parlements nationaux jouent, aux côtés du Parlement européen, un rôle de médiateur entre les institutions européennes et les citoyens. S'agissant des mécanismes de contrôle de la subsidiarité, il a considéré que la procédure ex ante, impliquant la saisine de la Commission par les parlements nationaux, devait prévoir également la saisine du Conseil de l'Union européenne. Il a en effet jugé que la nature des litiges concernant la subsidiarité imposait le recours à une instance d'arbitrage politique, rôle normalement exercé par le Conseil. Il a donc estimé nécessaire que le Conseil prenne position sur chaque dossier ayant trait à la subsidiarité une fois la Commission saisie d'un avis sur la question.

En ce qui concerne le Congrès, M. Patrick Hoguet a rappelé une première expérience de congrès européen, réuni à la fin des années 1980, pour observer ensuite que celle-ci n'avait pas été concluante. Puis, il a souligné que si un tel Congrès devait être institué, ce dernier devrait logiquement axer ses travaux sur l'ordre du jour du Conseil européen. Cette compétence permettrait ainsi aux parlements nationaux d'exprimer leur avis sur le programme de travail du Conseil européen.

S'agissant de la COSAC, celle-ci devrait, à ses yeux, traiter plus spécifiquement des questions de subsidiarité. M. Patrick Hoguet a considéré que, dans ce cadre, la COSAC devait servir d'organe d'expression collective des parlements nationaux tout en laissant à ceux-ci la possibilité de se saisir individuellement des questions de subsidiarité.

M. Christian Philip s'est interrogé sur la possibilité de maintenir l'existence de la COSAC si un Congrès devait voir le jour. La coexistence de ces deux institutions serait problématique au regard de l'objectif de clarification et de simplification poursuivi par la Convention. Exprimant alors son accord avec l'une des remarques du Président Pierre Lequiller, il a estimé indispensable qu'aucune réforme n'aboutisse à la création d'une chambre supplémentaire. La création d'un organe composé pour partie de parlementaires nationaux et pour partie de parlementaires européens constitue une garantie dans ce sens. De plus, cet organe fonctionnera comme un lieu de dialogue permanent entre le Parlement européen et les parlements nationaux.

Puis M. Christian Philip a considéré, marquant ainsi son accord avec une observation de Mme Elisabeth Guigou, que l'octroi d'un droit de saisine aux parlements nationaux dans le cadre du contrôle de subsidiarité risquait d'aboutir à une inflation des saisines. En outre, la pertinence d'une telle procédure est rendue problématique par le fait que, parfois, ce sont les amendements apportés aux propositions initiales de la Commission européenne qui soulèvent des difficultés au regard du principe de subsidiarité.

M. Christian Philip a déclaré qu'il n'était pas favorable à l'institution d'une chambre spécialisée dans le contrôle de la subsidiarité au sein de la Cour de Justice des Communautés européennes. Il a jugé que cette évolution institutionnelle pouvait porter atteinte à l'autorité de la Cour de Justice et tendait à mélanger deux types de contrôle qui devaient rester distincts. Il a considéré, en revanche, qu'un mécanisme ad hoc pouvait être imaginé pour préserver le caractère spécifique du contrôle de subsidiarité.

Mme Gisela Stuart a apporté les éléments de réponse suivants :

- il convient de coordonner le débat tant au niveau national qu'au niveau européen. Or, si les électeurs peuvent demander des comptes à leurs élus pour leur politique nationale, ce n'est guère le cas s'agissant de la politique européenne ou de textes communautaires. De même, l'opinion peut demander à un Gouvernement de repousser une décision qu'elle ne juge pas opportune, alors qu'elle peut difficilement faire de même vis-à-vis des instances communautaires. Il faut donc faire en sorte que les parlementaires nationaux soient davantage associés à la décision communautaire afin qu'ils puissent rendre compte à leurs électeurs de celle-ci. Le principe de subsidiarité consiste avant tout en cela ;

- du point de vue pratique, la procédure pourrait être la suivante : la Commission ferait part de sa proposition ; les parlements nationaux pourraient demander, au nom du principe de subsidiarité, que le texte soit revu ; si la nouvelle mouture ne leur convenait pas, ils pourraient alors saisir le Conseil des ministres pour l'amener à trancher. Ce n'est qu'après ce contrôle politique qu'un recours juridictionnel pourrait avoir lieu. A ce sujet, Mme Gisela Stuart a marqué son accord avec Mme Elisabeth Guigou sur la nécessité de ne pas faire du dépôt d'un avis négatif par les parlements nationaux une condition pour exercer un recours juridictionnel, car cela pourrait inciter les parlements à multiplier les avis négatifs afin de se ménager la possibilité éventuelle d'un recours en justice ;

- la subsidiarité doit, en tout état de cause, être l'affaire des parlementaires nationaux, et non des parlementaires européens, qui risqueraient d'être en la matière juge et partie ;

- il ne serait enfin pas opportun, alors qu'on cherche à simplifier le fonctionnement des institutions communautaires, de créer un nouvel organe juridictionnel. D'autant que si le contrôle ex ante tel qu'il vient d'être présenté est appliqué, il devrait y avoir peu de recours juridictionnels pour manquement au principe de subsidiarité. C'est, d'ailleurs, au premier chef au pouvoir politique de décider de l'application de ce principe, plutôt qu'à une instance juridictionnelle.

M. Daniel Garrigue a rappelé qu'il existait deux approches possibles de la subsidiarité : l'une, empirique, liée à la notion de proportionnalité, consistant à s'en remettre à la Commission et à la Cour de justice ; l'autre, formaliste, plus conforme à la tradition française, qui tend à définir avec précision les compétences respectives de l'Union et des Etats. Il faudra bien, selon lui, choisir entre ces deux approches.

Par ailleurs, s'agissant de la façon dont les parlements nationaux rendront leur avis motivé, il n'est pas souhaitable de fixer des règles uniformes : mieux vaut au contraire laisser les Etats déterminer celles-ci librement en fonction de la spécificité de leur régime constitutionnel.

Enfin, M. Daniel Garrigue a estimé, au sujet du contrôle ex post, qu'il devrait être exercé par un nouvel organe, distinct de la Cour de justice, faute de quoi continuera à prévaloir la jurisprudence traditionnelle de la Cour.

M. René André a indiqué que de nombreux parlementaires français étaient encore attachés à l'idée de créer une deuxième chambre au sein de l'Union européenne. Ce n'est pas, selon lui, parce que le Parlement européen y est opposé que l'on doit pour autant y renoncer. Il a considéré par ailleurs que si le Congrès devait se réunir tous les cinq ans ou consister en une grande messe annuelle, il perdrait de son utilité. S'il était en revanche conçu comme une véritable instance de débat et de proposition, il deviendrait naturellement une deuxième chambre. De toute façon, il devrait être, selon lui, la seule émanation des parlements nationaux, et de toutes les chambres. A défaut, on créerait un mélange des genres. Pour le reste, il existe suffisamment de structures permettant aux parlementaires nationaux et européens de se rencontrer.

Il a, d'autre part, exprimé son accord sur le contrôle ex ante qui a été présenté. Il s'est dit, en revanche, opposé à ce que le contrôle ex post soit confié à une formation de la Cour de justice. Il a considéré que cette mission devait au contraire être exercée par un organe non judiciaire et ad hoc.

M. Yann Gaillard a souligné qu'en ce qui concerne le contrôle de subsidiarité, le contrôle ex post ne doit en effet pas dépendre de celui exercé ex ante. S'agissant du bicamérisme, le contrôle de la subsidiarité devrait être assuré selon une procédure comparable à la procédure législative, à savoir la navette entre les deux chambres avec possibilité de donner le dernier mot à l'Assemblée nationale, quoique l'ensemble doive être examiné dans des délais plus brefs qu'en matière législative. Il ne faudrait pas non plus que les deux chambres d'un même pays puissent donner deux avis différents sur un même sujet, au risque d'entamer le crédit et l'influence du Parlement à l'extérieur. Quant aux députés européens, ils n'ont pas à être associés au contrôle, parce qu'ils interviennent déjà directement dans la procédure européenne. Le Congrès en revanche pourrait être composé de parlementaires nationaux ainsi que de parlementaires européens, s'il n'intervient pas dans le contrôle de la subsidiarité. Enfin, il apparaît difficile de maintenir la COSAC si le Congrès est créé, et de superposer les deux institutions.

Le Président Hubert Haenel a précisé qu'il faut laisser s'appliquer, en matière de contrôle de subsidiarité, le système constitutionnel propre à chaque Etat membre. Notamment, ne pas reconnaître de rôle aux secondes chambres des Etats membres poserait un problème au moment de la ratification du traité constitutionnel. Elles permettent au demeurant d'associer au contrôle les entités régionales ou les Etats fédérés des Etats membres : le Sénat français, par exemple, assure la représentation des collectivités territoriales, tout comme le Bundesrat assure celle des Länder. Ecarter les secondes chambres exigerait par conséquent de trouver un autre moyen d'associer au contrôle collectivités locales et régions autonomes.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe a rappelé sa double expérience, en tant que sénateur et parlementaire européen, s'étonnant que l'on puisse négliger le rôle du Sénat, tout aussi intéressé que l'Assemblée nationale à la législation communautaire. Il a souligné le désarroi des parlementaires européens, au moins français, devant l'incertitude où ils sont laissés par des parlements nationaux qui gardent le silence ou ne prennent pas position sur certains textes, insistant sur la nécessité de trouver un lieu de rencontre entre les parlementaires européens et nationaux, que ce soit le Congrès ou une « semaine européenne ». Il y a une inquiétude et une frustration, de la part des citoyens comme des parlementaires nationaux, en face de la prolifération des normes européennes, et les réponses à ces préoccupations restent trop souvent confuses. Il faut que les parlements nationaux s'expriment, ce qui exige un contrôle efficace de la subsidiarité, et le Congrès européen ne constituerait sans doute pas une bonne réponse, s'il ne se réunit qu'une fois par an. Il faut une réponse plus appropriée.

Le Président Pierre Lequiller a souligné que son idée n'est pas de créer un système plus compliqué, mais qu'un Congrès exerçant un contrôle ex ante qui réunisse parlementaires nationaux et européens aurait des effets positifs. Associer les parlementaires européens au contrôle de subsidiarité permettrait en effet de les sensibiliser à cette question. En outre, un contrôle exercé par une commission permanente du Congrès présente l'avantage de conduire à l'adoption d'une position collective européenne ayant davantage de poids que celle d'un parlement national isolé.

Mme Gisela Stuart a exprimé sa conviction que les institutions de base de la citoyenneté se situent au niveau de l'Etat-nation. Chaque pays doit donc décider seul comment il associera ses assemblées régionales ou ses Etats fédérés. Le but est de permettre aux parlements nationaux de s'exprimer sur le respect de la subsidiarité. Au départ, les Allemands voulaient un catalogue de compétences, mais après réflexion, cette solution est apparue trop rigide. La subsidiarité est en effet souvent une question de proportionnalité, sur laquelle les parlements nationaux doivent pouvoir intervenir. Il faudrait, à un stade de la procédure, un avis collectif, mais dans un cadre qui ne doit pas être trop formel, parce que le processus doit être rapide. Un forum de rencontre est nécessaire, mais il ne s'agit pourtant pas de créer une seconde chambre, même si cette évolution, à terme, est envisageable. Les compétences des parlements nationaux doivent être rassemblées et les meilleures pratiques échangées, ce qui ne peut se passer au niveau du Parlement européen. Le Congrès constitue également l'occasion d'incarner concrètement, en un moment solennel, l'identité européenne, d'une manière directement perceptible et visible pour les citoyens européens.

M. Patrick Hoguet a estimé que les travaux du Congrès devraient pouvoir être liés à l'ordre du jour des conseils européens, ce qui permettrait au Congrès de s'exprimer à cette occasion et de donner son avis sur les préoccupations des chefs d'Etat et de gouvernement.

Le Président Hubert Haenel s'est déclaré favorable à la mise en place d'une « semaine européenne » dans tous les parlements nationaux des Etats membres, une fois par an, qui permettrait d'adresser des messages clairs aux opinions publiques. Il a estimé que l'institution de la COSAC devrait être conservée, parce qu'elle est utile, et a approuvé les propositions de la présidence danoise à son sujet. En ce qui concerne le contrôle ex post de subsidiarité, la mise en place d'une juridiction ad hoc représenterait un coût, qui doit être évalué, mais qui n'est pas nécessairement important. Le groupe de travail devrait également rappeler dans son rapport que la méthode conventionnelle est une bonne méthode, en amont des conférences intergouvernementales, pour réviser les traités. Quant à l'idée de créer un Congrès, c'est une idée intéressante, qui doit être précisée davantage.

Mme Gisela Stuart a déclaré qu'il fallait, en tout état de cause, laisser cette idée cheminer lentement au sein de la Convention et dans les esprits, s'engageant à ce que le rapport de son groupe mentionne que la méthode conventionnelle est effectivement très positive pour réviser les traités.

Le Président Pierre Lequiller, en conclusion, a estimé que la Convention devait formuler des propositions suffisamment précises pour être prises en compte à la Conférence intergouvernementale. Le rôle des présidents des groupes de travail est très important à cet égard, en particulier celui de Mme Gisela Stuart, parce que, comme l'a déclaré le président de la Convention, M. Valéry Giscard d'Estaing, il ne se conçoit pas que l'Europe continue à fonctionner sans les parlements nationaux.

Audition de Mme Michaele Schreyer, commissaire européen chargée du budget, et de Mme Diemut Theato, présidente de la commission du contrôle budgétaire au Parlement européen,
en présence de M. Giorgos Dimitrakopoulos, vice-président du Parlement européen et rapporteur pour avis de la commission des affaires constitutionnelles, sur la création d'un procureur européen, le 28 novembre 2002

Le Président Pierre Lequiller s'est félicité de la présence de Mme Michaele Schreyer, commissaire européen responsable du budget, qui a présenté, le 11 décembre 2001, le Livre vert sur la protection pénale des intérêts financiers communautaires et la création d'un procureur européen, et qui a déposé des contributions sur ce sujet à la Conférence intergouvernementale de Nice ainsi qu'à la Convention européenne. Il s'est également réjoui de la venue de Mme Diemut Theato, présidente de la commission du contrôle budgétaire du Parlement européen, et a rappelé, à cette occasion, que le Parlement européen avait eu un rôle majeur d'initiative en la matière, puisqu'il propose la création d'un procureur européen depuis 1996. En outre, la commission présidée par Mme Diemut Theato a toujours souhaité associer les parlements nationaux à ses travaux grâce à l'organisation de conférences et d'auditions publiques.

Il a également souhaité la bienvenue à M. Giorgos Dimitrakopoulos, vice-président du Parlement européen, rapporteur pour avis de la commission des affaires constitutionnelles, ainsi qu'aux parlementaires européens des commissions compétentes.

Mme Michaele Schreyer s'est dite honorée de son invitation à l'Assemblée nationale et a tenu à préciser que si la création du procureur européen relève de la commissaire responsable du budget, dans la mesure où cette dernière s'occupe de la lutte contre les fraudes, les travaux ont été menés en étroite collaboration avec le commissaire européen responsable des secteurs de l'intérieur et de la justice.

Elle s'est félicitée de l'intérêt de la Délégation pour la création d'un procureur européen, qui n'est pas un sujet nouveau puisque, après avoir été initié par le Parlement européen et notamment par Mme Diemut Theato, il a également été évoqué par le manifeste de Strasbourg du 20 octobre 2000 et par la Conférence intergouvernementale de Nice. Le Livre vert vise à concrétiser cette initiative et à lancer une vaste discussion. On est actuellement dans une phase décisive car ce thème devrait être abordé par la session plénière de la Convention européenne, le 6 décembre prochain. Elle a d'ailleurs déposé, avec MM. Michel Barnier et Antonio Vitorino, une contribution devant cette Convention. A cet égard, elle a tenu à remercier M. Jacques Floch pour sa propre contribution et M. René André pour l'appui qu'il a apporté à la Commission dans les diverses discussions.

L'institution d'un procureur européen permettrait de poursuivre la fraude communautaire, qui relève de plus en plus de la criminalité organisée et dont les dommages peuvent être évalués à plusieurs centaines de millions d'euros par an, au minimum. Les instruments existants ne sont pas suffisants. Pour être véritablement efficace, il faudrait un organe unique chargé de la poursuite, centralisant les actions et pouvant porter plainte au niveau national. Cette réforme est urgente car, avec l'élargissement, les poursuites judiciaires pourraient buter sur dix frontières juridiques supplémentaires.

La création d'un procureur européen nécessite, dans un premier temps, une base juridique dans les traités, qui sera complétée à travers le droit dérivé quant à son fonctionnement, ce qui prendra nécessairement du temps.

Elle a souligné que la Commission était sceptique sur la proposition visant à donner au Conseil le pouvoir de créer le procureur européen.

S'agissant des compétences de ce dernier, la Commission propose de les limiter, dans une première phase, aux fraudes touchant le budget européen, dans la mesure où ce budget constitue un bien commun. Une extension progressive des compétences à d'autres biens communautaires serait néanmoins envisageable, notamment pour la protection de l'euro, qui ne fait pas l'objet actuellement de falsifications à grande échelle, mais il faut demeurer prudent. La démarche progressive est sans aucun doute la bonne et il ne serait pas réaliste de donner immédiatement au procureur européen compétence sur toute la criminalité transfrontalière.

Le Livre vert présenté par la Commission fixe un cadre pour l'organisation de l'institution du procureur européen et, en vertu des principes de subsidiarité et de proportionnalité, il appartiendra aux Etats membres de préciser cette organisation, ce qui implique une structure décentralisée s'appuyant sur des procureurs délégués nationaux, ne devant pas être des fonctionnaires européens.

Le principe de reconnaissance mutuelle, affirmé par le Conseil européen de Tampere en 1999, doit valoir pour la reconnaissance des preuves, mais il ne doit pas déboucher sur une restriction des droits de défense des citoyens. Une certaine harmonisation sera donc nécessaire en la matière.

La Commission européenne n'est pas convaincue de la nécessité d'une chambre préliminaire européenne, mais elle reste ouverte à un débat sur ce point.

Par ailleurs, le procureur européen doit être indépendant, ce qui ne signifie pas qu'il ne sera soumis à aucun contrôle. Il serait responsable devant la Cour de justice des Communautés européennes et devrait déposer un rapport d'activité annuel auprès du Parlement européen.

Eurojust ne rend pas le procureur européen superflu. Au contraire, Eurojust et le procureur, sans être des institutions concurrentes, auront des fonctions complémentaires.

Mme Michaele Schreyer s'est déclarée convaincue que le rapport et la résolution de la Délégation pour l'Union européenne permettront de faire avancer le débat.

La mise en place d'un procureur européen constitue l'un des éléments clés de la construction d'un espace européen de liberté, de sécurité et de justice. C'est la raison pour laquelle il est souhaitable que ce projet soit examiné par la Convention et par la Conférence intergouvernementale qui suivra.

Mme Diemut Theato a remercié la Délégation pour l'Union européenne et le Président Pierre Lequiller de leur invitation, en rappelant les nombreuses auditions organisées sur le procureur européen par la commission du contrôle budgétaire du Parlement européen et dernièrement par la Commission.

Depuis la présentation du Livre vert de la Commission, en décembre 2001, la Commission et le Parlement européen défendent ensemble le projet d'un procureur européen, qui devrait être repris dans les travaux de la Convention.

Le Parlement européen a demandé dans de nombreuses résolutions, que des dispositions pénales spécifiques soient incluses dans le traité pour protéger les intérêts financiers de l'Union. Les membres de la Convention et les Etats doivent être cohérents : on ne peut pas à la fois dénoncer la fraude et être réservé à l'égard d'un projet qui vise à la combattre efficacement. L'opinion publique est favorable à la protection pénale des intérêts financiers de l'Union.

Mme Diemut Theato a insisté sur les difficultés actuelles de lutter contre la criminalité transfrontalière qui porte préjudice au budget européen et sur les limites de l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF), liées à son statut. Il est donc nécessaire que le cadre juridique du procureur européen soit intégré au futur traité constitutionnel, parallèlement à l'élargissement de l'Union européenne.

Elle a souligné l'importance d'une protection des intérêts financiers de l'Union et rappelé que les Etats membres ont décidé son incorporation au traité. Toutefois, le fait d'insérer un nouvel article 280bis au traité en 2004 ne permettra pas au nouveau système d'entrer rapidement en vigueur. Nous devons donc réagir sans plus attendre pour que la délinquance financière n'en profite pas.

Mme Diemut Theato a félicité la Commission et Mme Michaele Schreyer pour la qualité du Livre vert et l'originalité de la méthode suivie.

Elle a estimé que le projet d'un procureur européen s'inscrit dans la construction d'un espace européen de la justice, en liaison avec Eurojust, Europol ou l'OLAF. Le système retenu doit respecter les principes de subsidiarité et de proportionnalité. Il doit être efficace, transparent et respectueux des droits fondamentaux de la personne humaine. L'incorporation de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne au futur traité constitutionnel ira dans ce sens. Il convient par ailleurs d'éviter l'écueil de la lourdeur administrative, qui caractérise actuellement la coopération en matière pénale.

Mme Diemut Theato a estimé que le statut du procureur européen et des procureurs européens délégués devrait garantir leur indépendance à l'égard des Etats et des institutions européennes.

Faut-il faire contrôler le procureur européen par le juge national des libertés ou faut-il privilégier une approche communautaire ? La création d'une chambre préliminaire auprès de la Cour de justice des Communautés européennes est envisagée. Elle offrirait l'avantage de renforcer l'unité et l'équité dans l'application et l'interprétation du droit communautaire. Cette procédure serait toutefois plus lente. Cela constituerait les prémices d'une Cour pénale européenne.

En ce qui concerne le champ des compétences du procureur européen, le minimalisme de la Commission a parfois été critiqué. Le Parlement européen souhaite également s'en tenir à la fraude aux recettes et aux dépenses de l'Union. Il ne faut pas être hostile a priori à un élargissement des compétences du procureur européen, mais il convient d'être prudent. Il appartiendra à la Convention et aux gouvernements des Etats membres d'en décider.

Elle a souligné que le rôle de coordination confié à Eurojust se différenciait de celui envisagé pour un procureur européen qui se verrait confier un pouvoir propre d'investigation. Par ailleurs, le champ de compétence d'Eurojust est plus vaste que la seule protection des intérêts financiers de la Communauté. Les relations entre Eurojust et le procureur européen doivent donc être conçues dans un esprit de complémentarité et non de concurrence.

Mme Diemut Theato a conclu en soulignant que bien des aspects importants de la proposition d'un procureur européen restaient à approfondir, comme celle de l'articulation entre le ministère public européen et les systèmes judiciaires nationaux - mais que la question de la justice européenne de demain constituait un sujet majeur de préoccupation pour nos concitoyens et qu'il fallait y apporter une réponse politique forte en saisissant la chance historique que représente la Convention européenne.

M. Giorgos Dimitrakopoulos, vice-président du Parlement européen, rapporteur pour avis de la commission des affaires constitutionnelles sur le Livre vert de la Commission concernant la protection générale des intérêts financiers communautaires et la création d'un procureur européen, a souligné que les membres du Parlement européen étaient quasi unanimes sur le principe de l'institution d'un procureur européen, même si certains sont sceptiques sur tel ou tel aspect du système proposé. Il a considéré qu'il était important d'envoyer ce message politique fort à la Convention, celle-ci pouvant, à partir de là, examiner les réponses nécessaires à certaines critiques portées à l'encontre des orientations proposées, à ce stade, par la Commission.

Il a estimé que la question de la base juridique de l'institution d'un procureur européen qui serait proposée, à travers un article nouveau ayant vocation à être inséré dans le projet de traité constitutionnel, constituait un point essentiel devant être examiné avec une grande attention. Il a souligné que le débat sur le procureur européen était en partie lié à celui, plus large, relatif à la répartition des compétences au sein de l'Union et à l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Il a considéré que le projet de création d'un procureur européen pouvait constituer un facteur favorable à la constitution progressive d'un droit pénal européen, une des priorités qui doivent être débattues dans le cadre de la réflexion plus fondamentale sur la refonte du projet européen.

En ce qui concerne la question des compétences du procureur européen, M. Giorgos Dimitrakopoulos a jugé que, s'il était opportun de commencer par le domaine relevant de la criminalité économique, il était impératif de laisser la porte ouverte à une extension ultérieure des compétences du procureur européen.

S'agissant des relations entre le procureur européen et les procureurs nationaux, il a estimé que la coopération qui s'est mise en place entre le médiateur européen et les médiateurs nationaux pouvait constituer un bon exemple. Il a souligné que l'OLAF et le procureur européen devaient constituer deux institutions complémentaires.

M. Dimitrakopoulos a alors plaidé en faveur de l'introduction d'un véritable volet judiciaire qui devra se substituer au processus administratif actuellement fondé sur les pouvoirs de l'OLAF. Il faut en effet rééquilibrer le système en vigueur qui permet de qualifier les infractions sans pour autant prévoir les instruments juridiques nécessaires pour les sanctionner. Il a souligné les enjeux de la Convention européenne qui doit formuler des propositions novatrices sur ces sujets.

M. Jacques Floch, rapporteur et membre du groupe de travail de la Convention sur la sécurité et la justice, a fait part de ses nombreux entretiens avec des représentants des autorités françaises dans les domaines de la justice et de la police, qui se sont très majoritairement prononcés en faveur d'une modification substantielle du système judiciaire et de police européens. Il a exposé les conclusions du groupe de travail de la Convention, qui s'est réuni à neuf reprises depuis le mois d'octobre. Il a évoqué les difficultés de compréhension entre les membres du groupe de travail : que recouvre la notion d'espace judiciaire européen ? Quels sont les enjeux de la reconnaissance mutuelle des systèmes judiciaires nationaux ? Faut-il limiter aux seuls intérêts financiers le périmètre du procureur européen ? Il a déclaré qu'une majorité de membres était favorable à l'extension de cette protection aux « eurocrimes », c'est-à-dire aux crimes et aux délits commis à l'échelle européenne, au sein d'un espace géographique fondé sur le principe de la liberté de circulation. Il s'agit en réalité de prévoir un mécanisme efficace pour protéger les droits qui sont reconnus par la charte des droits fondamentaux  ce qui implique nécessairement son intégration dans le futur traité constitutionnel.

M. Jacques Floch a fait état des réticences qui sont apparues au sein du groupe de travail, certains membres refusant de reconnaître l'existence même d'un espace judiciaire européen, alors qu'il est une conséquence du principe de libre circulation. Il s'est félicité de la reconnaissance par le groupe de travail de la diversité des systèmes judiciaires nationaux, qui n'est pas incompatible avec une approche commune et mieux coordonnée. Aucun système national n'est meilleur qu'un autre, et les traditions juridiques de chaque Etat doivent être préservées. Mais il a souligné l'importance de prévoir des règles d'évaluation de la qualité et de la fiabilité des différents systèmes judiciaires et de leur fonctionnement. M. Jacques Floch a estimé indispensable d'instaurer un mécanisme de reconnaissance mutuelle des systèmes de preuve, même si les preuves ne sont pas acquises de la même façon selon les pays.

Il faut tendre vers la reconnaissance mutuelle de décisions judiciaires en matière civile et pénale, même si cette évolution exige beaucoup d'efforts et doit être menée sans précipitation. Mais on ne peut pas se contenter de l'approche suivie jusqu'à présent d'un maintien du statu quo, qui constitue un terrible frein à la construction européenne.

Il est vrai que le droit familial est fondé sur des comportements forgés par la diversité des modes de vie, des conceptions philosophiques et des apports religieux qui peuvent être aussi dissemblables en Suède qu'en Italie. La définition des crimes et délits a par ailleurs beaucoup évolué si l'on pense que le code Napoléon sanctionnait l'adultère, qualifié de crime uniquement à l'égard des femmes.

La discussion au groupe de travail de la Convention a été difficile. Les représentants français avaient mis la barre très haut puisque le Président Hubert Haenel proposait la création d'un « Monsieur Justice et affaires intérieures », personnalité politique d'importance ayant la haute responsabilité de ce domaine. A cet égard, le choix du vocabulaire n'est pas neutre. Autant le terme de procureur européen faisait horreur au Royaume-Uni, autant celui de parquet européen lui paraissait plus acceptable. Les gouvernements allemand et français ont par ailleurs présenté des propositions concrètes sur la justice européenne.

Les autres avancées du groupe de travail portent sur la définition d'un cadre institutionnel unique, surmontant l'actuelle division en piliers.

Ces propositions ont été relativement bien accueillies, notamment grâce à la persévérance du Président John Bruton qu'il faut saluer sur un sujet aussi délicat. Elles seront présentées dans quelques jours à la Convention et elles sont pour nous acceptables, dans la mesure où elles ont au moins surmonté les risques de blocage et où elles offrent des possibilités d'ouverture dans tous les domaines de l'espace judiciaire européen et du procureur européen.

M. René André, rapporteur, a déclaré qu'après la présentation du possible par M. Jacques Floch, il insisterait sur le souhaitable déjà évoqué par Mme Schreyer, Mme Theato et M. Dimitrakopoulos, en partant de la formule de la Cour des comptes européenne : il faut apporter une réponse radicale à l'absurdité qui consiste à avoir des frontières nationales ouvertes aux grands criminels et fermées à ceux qui luttent contre eux, pour ne pas transformer l'Union européenne en paradis criminel. L'enjeu est encore plus grand dans une Union européenne élargie à des pays qui font des progrès continus mais n'ont pas encore atteint le niveau judiciaire des Etats membres.

Il a souligné que deux options sont possibles pour créer un ministère public européen. La première, qui est celle de la Commission, consiste à créer un procureur européen indépendant ; la seconde, moins ambitieuse, repose sur un développement progressif d'Eurojust. M. René André a exprimé sa préférence pour la première solution, qui permettrait de répondre selon lui aux défis auxquels l'Union doit faire face.

Le procureur européen serait indépendant, caractéristique essentielle qui doit être garantie par des conditions de nomination impliquant la Commission, le Conseil et le Parlement européen. Il ne doit cependant pas devenir un électron libre ne rendant de comptes à personne et, sur ce point, la présentation d'un rapport annuel à la Commission et au Parlement européen, permettant d'apprécier son activité et de décider son remplacement éventuel, est très importante.

L'OLAF exerce au sein de l'Union européenne des tâches policières importantes et contraignantes qui mettent en cause les droits des individus dans ce qu'ils ont de plus personnel et de plus sacré, sans contrôle et dans une sorte de non-droit auquel il faut mettre un terme en soumettant l'OLAF à un contrôle supérieur donnant une légitimité à ses actions.

Les deux rapporteurs d'information ont entendu le Premier président de la Cour de cassation et le procureur général près la Cour de cassation et, sans les engager, il est permis de dire qu'ils se sont montrés favorables à la création d'un procureur européen et, avec des nuances, à la mise en place d'une juridiction pénale européenne.

L'articulation du procureur européen avec les procureurs des Etats membres suscite des divergences avec la Commission sur la manière d'engager les poursuites. La question du contrôle du procureur européen, par une chambre préliminaire européenne ou par des juges nationaux, fait également l'objet de réponses différentes. Une chambre préliminaire, à laquelle serait notamment confiée la détermination de la juridiction de jugement, permettrait, en particulier, d'éviter que ne se développe une pratique de « forum shopping ».

En matière de compétences, l'idéal serait que le champ soit le plus large possible, mais il faut être prudent pour ne pas faire échouer le projet. Il faut donc se rallier à la proposition de la Commission et limiter les compétences à la protection des intérêts financiers de la Communauté, en l'étendant tout de même à la protection des brevets et des marques communautaires. Le Gouvernement français n'accepte pas cette proposition et préconise de faire appel à l'institution actuelle d'Eurojust.

Deux thèses sont d'ailleurs en présence puisque la proposition conjointe franco-allemande du 26 novembre va assez loin et propose de passer peu à peu au déclenchement des procédures d'enquête par le procureur européen, alors que le ministère de la justice est plus en retrait. Eurojust désignerait un procureur chef de file, mais il ne pourrait pas engager les poursuites. Cette frilosité semble traduire une attitude corporatiste de certains magistrats. Ce dossier montre que la majorité et l'opposition parlementaires auront surmonté leurs divergences pour défendre ce qu'elles jugent être l'intérêt supérieur de notre pays et de l'Europe.

Enfin, cette proposition de se servir d'Eurojust plutôt que de créer un procureur européen se heurte à deux difficultés.

En premier lieu, l'absence d'un patron placé à la tête du parquet se fera sentir dans un système comme Eurojust. Cet organe est en effet un club de concertation entre des personnes qui n'ont pas de pouvoir, même si ce sont des personnes de qualité. La collégialité sera difficilement compatible avec la réactivité nécessaire. La contrebande sur le tabac en est un bon exemple. Les vedettes rapides qui ont chargé en haute mer ce produit d'un bateau naviguant des Etats-Unis vers Amsterdam ont été arraisonnées par les marines française et espagnole, mais les juges français et espagnol ont pris leur temps parce qu'ils ne pouvaient pas faire autrement et le problème n'est toujours pas réglé.

La deuxième difficulté vient du fait qu'il est peu probable que les services de police acceptent que leurs investigations soient centralisées par un procureur d'un autre Etat membre désigné comme chef de file par Eurojust, alors qu'ils accepteront plus facilement la légitimité d'un procureur européen pour assumer cette mission.

Ce qui est proposé est une avancée, mais la solution n'est pas à la hauteur des enjeux. Aussi faudra-t-il continuer le travail d'explication.

M. Patrick Hoguet, après avoir observé que le débat sur le procureur européen à la Convention portait désormais sur des thèmes plus larges que ceux initialement retenus par la Commission européenne, a posé quatre questions. En premier lieu, le champ de compétence proposé par la Commission, actuellement limité aux seules atteintes portées aux intérêts financiers de la Communauté, paraît trop restreint au regard des attentes des citoyens européens concernant la lutte contre toutes les formes de criminalité organisée en Europe. Dans ces conditions, n'est-il pas souhaitable que la Commission élargisse le champ de sa proposition pour répondre à ces attentes et s'inspire dans ce but des réflexions engagées par le groupe de travail de la Convention sur le procureur européen ?

Sur ce dernier point, M. Patrick Hoguet a rappelé que la proposition conjointe franco-allemande prévoyait d'inscrire le procureur européen dans le futur traité constitutionnel et d'établir cet organe à partir d'Eurojust. Or, il a jugé qu'Eurojust, étant une création intergouvernementale, ne pouvait servir de base à la mise en place d'un organe tel que le procureur européen.

En deuxième lieu, M. Patrick Hoguet a souhaité obtenir des précisions sur la procédure de saisine du procureur européen. Est-ce que ce dernier pourra être saisi par le Parlement européen ou par la Commission, ainsi que par les Etats membres ou les particuliers ? En troisième lieu, quelle sera la nature du contrôle exercé sur le procureur européen ? En particulier, est-ce que ce contrôle sera de nature juridictionnelle et si tel est le cas, sera-t-il national ou communautaire ou les deux ? Enfin, quelle institution européenne disposera du pouvoir de donner des instructions générales au parquet européen, afin d'assurer une homogénéité dans l'application de la réglementation communautaire ?

En réponse aux questions des différents intervenants, Mme Michaele Schreyer, après s'être réjouie de la qualité du débat suscité au sein d'un parlement national par la question du procureur européen et du soutien apporté par les parlementaires à la position de la Commission européenne, a fourni les précisions suivantes :

- en ce qui concerne le domaine de compétences, les propositions respectives de la Commission et du Parlement européen s'appuient sur l'article 280 du traité instituant la Communauté européenne, qui consacre l'objectif de la lutte contre les atteintes portées aux intérêts financiers de la Communauté. Cette mission constituant un devoir pour les institutions européennes, celles-ci ont mis en place un premier instrument, l'OLAF, qui doit être désormais complété par un instrument de caractère pénal, le procureur européen, mais dont la compétence est encadrée par avance par le traité. Si les Etats membres souhaitent élargir le champ de compétence de ce dernier en raison notamment des risques que comporte l'élargissement, il revient aux autorités nationales de prendre en commun une décision politique allant dans ce sens ;

- la protection des intérêts financiers ne se limite pas à celle du budget, elle englobe aussi celle de l'euro, ainsi que la protection des citoyens européens dans leurs relations avec les intérêts financiers de la Communauté ;

- le procureur européen ne sera pas compétent pour connaître des crimes commis dans un seul Etat membre. Il le serait en revanche dès lors que le crime présente un caractère transfrontalier ou qu'il existe une incertitude quant à la compétence territoriale des Etats membres ;

- le contrôle des activités du procureur européen et des procureurs délégués devra s'exercer par le biais des législations nationales. Celles-ci devront prévoir des voies de recours, afin de permettre aux citoyens injustement mis en cause par le procureur européen de se défendre ;

- en ce qui concerne la proposition franco-allemande, la méthode proposée pour créer un parquet européen comporte des risques de blocage. La formule retenue (« l'autorisation de créer un parquet européen sera introduite dans le traité ») permettra en effet à chaque Etat membre de disposer d'un droit de veto sur cette création;

- il est vrai qu'Eurojust est un organe intergouvernemental et non communautaire. Cependant, il convient de s'appuyer sur un outil qui existe déjà, afin de faciliter une mise en place rapide du procureur européen ;

- la proposition sur le procureur européen a suscité une discussion pratique, qui a permis à chacun de prendre conscience de la nécessité de créer un tel organe.

En réponse aux questions des différents intervenants, Mme Diemut Theato, après avoir remercié les participants pour la qualité de leurs réflexions, a apporté les précisions suivantes :

- le débat sur le procureur européen est sorti du cercle des experts et des élites pour devenir un vrai débat citoyen, qui se développe avec rapidité ;

- le champ de compétence du procureur européen a été limité dès le début de la discussion par les dispositions de l'article 280 du traité. Avec l'augmentation du budget communautaire, les risques de fraude ont été accrus de manière proportionnelle. Il était donc nécessaire de mettre en place l'OLAF. Cependant, la lutte contre la criminalité transfrontalière ne pouvant se limiter à l'application de sanctions administratives, il était indispensable de prévoir un cadre pénal, ce qui a été obtenu avec le traité d'Amsterdam, qui sert de base juridique au projet actuel  ;

- les conventions relatives à la protection des intérêts financiers et les protocoles afférents peuvent servir de base de départ parce que l'acquis communautaire est solide dans ce domaine, même si ces instruments n'ont été ratifiés que très récemment. La liste détaillée de 32 infractions relevant du mandat d'arrêt européen ne peut être intégrée immédiatement dans le champ de compétence du procureur européen. Une telle démarche soulèverait, en premier lieu, un problème au niveau du respect du principe de la subsidiarité. En second lieu, les partisans d'un telle approche pourraient aussi avoir pour objectif de reporter de manière indéfinie la création du procureur européen. Il convient donc de se concentrer sur l'objectif initial, qui est d'assurer rapidement une protection efficace des intérêts financiers de la Communauté par l'institution d'un procureur européen. Il est peut être souhaitable d'aller plus loin, mais il faut faire preuve de patience pour cela ;

- l'OLAF est le fruit de la coopération entre la Commission et le Parlement européen, en vue de protéger les intérêts financiers communautaires. La question de son contrôle est cruciale pour la protection des droits individuels ;

- en cas de fraude, les autorités publiques seraient obligées d'informer le procureur européen. Quant à ses compétences, elles se limiteraient à la fraude présentant un caractère transnational, les institutions des Etats membres demeurant compétentes pour ce qui a trait au déroulement de la procédure sur leur propre territoire. Le respect du principe de subsidiarité ne doit toutefois pas faire obstacle au développement de la coopération judiciaire ;

- le contrôle du procureur européen au plan disciplinaire pourrait relever d'une chambre préliminaire rattachée à la de la Cour de justice.

En conclusion, Mme Diemut Theato a déclaré que la question du procureur européen revêtait désormais un caractère politique, et n'était plus réservée aux seuls juristes. Elle a jugé souhaitable des avancées significatives, afin d'éviter que la protection des intérêts financiers ne retombe dans le domaine de la coopération intergouvernementale.

Le Président Pierre Lequiller a également souligné la dimension politique du problème du procureur européen et déclaré que le représentant de l'Assemblée nationale à la Convention était déterminé à amener cette dernière à effectuer des avancées.

Audition de M. Jean-Luc Dehaene,
vice-président de la Convention sur l'avenir de l'Europe

et président du groupe de travail de la Convention « Action extérieure »
de l'Union européenne, le 11 décembre 2002

Le Président Pierre Lequiller a remercié le vice-président de la Convention sur l'avenir de l'Europe de venir présenter à la Délégation les recommandations du groupe de travail de la Convention sur l'action extérieure de l'Union européenne, en soulignant en sa qualité de membre de ce groupe que celui-ci avait été très actif et était allé au fond des sujets grâce à la présidence de M. Jean-Luc Dehaene.

Après avoir déclaré qu'il était important que la Convention ne travaille pas en vase clos mais entretienne des contacts réguliers, notamment avec les parlements nationaux et la société civile, pour expliquer et écouter, M. Jean-Luc Dehaene a témoigné que les représentants du Parlement français à la Convention en étaient des membres très actifs.

Le groupe de travail est parti de l'idée qu'il fallait faire de l'Union européenne un acteur crédible et influent sur la scène internationale, c'est-à-dire un acteur global dans la gouvernance mondiale dont nous avons besoin. C'est une nécessité pour l'Union européenne et une finalité centrale de l'intégration européenne. La question n'est pas « est-ce que nous voulons jouer un rôle ? » mais « comment le jouer de façon efficace ? », pour en finir avec la situation observée dans plusieurs secteurs où nous sommes les plus grands contributeurs sans exercer une influence proportionnelle.

Les recommandations du groupe de travail portent essentiellement sur les principes et objectifs de l'action extérieure de l'Union européenne, les compétences, l'organisation de la cohérence et de l'efficacité, la négociation et la conclusion des accords internationaux, l'organisation de la représentation et des services extérieurs.

Elles ont pour but de définir les voies et moyens d'une action collective plus efficace qui dépend néanmoins d'abord d'une volonté politique. Lorsque l'Union a cette volonté politique, elle est relativement efficace comme dans les Balkans, lorsqu'elle ne l'a pas, elle est en retrait comme au Moyen-Orient ou en Irak.

Il faut donc créer les structures et les procédures capables de favoriser l'émergence d'une volonté politique commune. L'action extérieure concerne des domaines fort différents, elle ne se limite pas à la gestion des crises et peut être en relation directe avec des politiques internes. Il en résulte une multiplicité de procédures et de compétences dans les différents domaines de l'action extérieure et la nécessité d'introduire une bonne articulation entre les différents circuits de décisions qui doivent être suffisamment reliés les uns aux autres.

Le groupe de travail ne propose pas de faire une révolution, mais de tirer les leçons des progrès déjà accomplis et de bâtir dans la continuité de la voie tracée par la réussite de la création du Haut Représentant pour la PESC.

Il essaie de définir les principes et objectifs de l'action extérieure de l'Union européenne, dans un texte bref utilisant le langage des traités. Ceux-ci se concrétiseront dans des stratégies définies par le Conseil européen pour être mises en œuvre par le Conseil et le Représentant pour les affaires extérieures dans la gestion au jour le jour, qui sera ensuite évaluée par le Conseil européen.

Les compétences au niveau international restent assez proches de la situation actuelle avec deux grands pans : les compétences liées à l'action et l'intégration internes, selon le principe que la compétence internationale doit suivre la compétence communautaire interne, pour lesquelles s'affirme le rôle central de la Commission, en relation étroite avec le Conseil ; les compétences liées à la PESC, de nature intergouvernementale, où prédomine le rôle du Conseil européen et du Conseil des ministres, pour déboucher autant que possible sur une politique étrangère commune à l'Union européenne, et disposant de services et de moyens budgétaires accrus.

La gestion quotidienne assumée par la Commission dans ses domaines de compétence serait assurée par le « Représentant pour les affaires extérieures » et par le Conseil « Action extérieure », formellement dissocié du Conseil « Affaires générales », même s'il n'est pas exclu que les Etats membres puissent y être représentés par le même ministre. La scission du Conseil « Affaires générales » parait nécessaire pour gérer efficacement la politique étrangère et la coordination interne de l'Union européenne.

Par ailleurs, l'exigence de continuité dans l'agenda, la représentation et l'expression de la politique étrangère conduisent à proposer de remplacer la troïka actuelle par une présidence du Conseil « Action extérieure » assumée par le « Représentant pour les affaires extérieures », afin d'éviter un changement de priorités tous les six mois.

En ce qui concerne la cohérence interne et l'efficacité, le souci principal a été d'éviter que les deux pans de la politique extérieure ne débouchent sur deux politiques. Un assez large consensus s'est dégagé au groupe de travail pour une solution de compromis qui satisfait les partisans des deux thèses opposées. Elle établit un pont entre les deux circuits de décision en proposant la création d'un « Représentant européen pour les affaires extérieures » avec un double mandat bien distinct. Nommé par le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, avec l'approbation du président de la Commission et l'accord du Parlement européen, il recevrait du Conseil européen, auquel il devrait rendre compte, un mandat direct pour la PESC. Il serait également membre de la Commission, avec un statut spécifique puisqu'il ne serait pas désigné comme les autres membres de la Commission, et participerait pleinement aux initiatives communautaires dans le cadre des décisions prises par le collège, en sa qualité de commissaire chargé des relations extérieures.

Ce représentant disposerait du droit d'initiative en matière de PESC, mais, lorsqu'il l'exercerait, pour éviter toute contradiction en sa personne, la Commission s'abstiendrait de proposer une initiative concurrente et ses initiatives dans le domaine de la PESC ne seraient pas soumises à une approbation préalable du collège des commissaires. En revanche, le représentant pourrait demander à la Commission de soutenir son initiative ou même lui proposer une « initiative conjointe » pour favoriser une utilisation cohérente des instruments de l'Union européenne pour l'action extérieure.

Enfin, le représentant présiderait le Conseil « Action extérieure » sans disposer du droit de vote en son sein.

La solution du « double chapeau » a pour objectif d'éviter les conflits et d'augmenter les chances d'une action coordonnée. D'autres options ont été examinées, qui n'ont pas obtenu de soutien aussi large au sein du groupe de travail. Une préoccupation importante du groupe a été d'assurer, quelle que soit l'option institutionnelle retenue, une mise en œuvre cohérente des décisions prises et d'éviter les double-emplois. Dans cet esprit, le groupe a préconisé la mise en place d'un service unique de stratégie auquel participeraient à la fois des fonctionnaires de la Direction générale « Relations extérieures » et des fonctionnaires du secrétariat du Conseil ainsi que des diplomates nationaux détachés. De même, le groupe propose la création d'une école de diplomatie de l'Union européenne et d'un service diplomatique de l'Union européenne. Les délégations de la Commission deviendraient des délégations ou des ambassades de l'Union et comprendraient des fonctionnaires de la Commission et du secrétariat du Conseil, ainsi que des membres des services diplomatiques nationaux. Dans les pays où des Etats membres n'ont pas de représentation diplomatique, la représentation de l'Union pourrait remplir certaines fonctions, notamment en ce qui concerne les tâches de chancellerie.

En ce qui concerne le financement de la PESC, le groupe a considéré le budget actuel insuffisant et les procédures trop lourdes pour permettre un financement rapide des activités. Il a recommandé de prévoir des marges de souplesse budgétaire afin de faire face à des développements imprévus et à la nécessité d'agir rapidement.

Lorsque la négociation d'accords internationaux concerne à la fois le champ communautaire et des compétences relevant du domaine intergouvernemental, le groupe de travail préconise que, dans la mesure du possible, un seul accord soit conclu. Dans le même esprit, il recommande que la négociation soit menée par un seul négociateur selon une procédure arrêtée par le Conseil, en tenant compte de l'objet principal de l'accord.

Le groupe a par ailleurs estimé qu'il convenait de renforcer la participation de l'Union, en tant que telle, dans les organisations internationales, notamment au sein des organisations spécialisées des Nations unies, par exemple dans le domaine de l'environnement, comme c'est le cas pour l'Organisation mondiale du commerce. La participation de l'Union contribuerait à renforcer globalement la capacité des organisations internationales d'améliorer la gouvernance mondiale et, à cet effet, l'Union doit s'efforcer de faire modifier les statuts des organisations internationales pour qu'elle puisse en devenir membre. Le groupe a d'autre part recommandé une représentation unique de la zone euro au sein des institutions financières internationales.

M. Jean-Luc Dehaene a souligné que les recommandations du groupe de travail devaient s'apprécier dans le cadre d'un équilibre institutionnel global et qu'elles devront donc être réexaminées lorsque la Convention aura débattu de l'organisation et du fonctionnement des institutions de l'Union.

Enfin, il a estimé que les conclusions du groupe ne pouvaient être déconnectées de celles du groupe de travail sur la défense. Il a considéré qu'il conviendra d'examiner comment s'articulent les recommandations des deux groupes, en particulier, en ce qui concerne la gestion des crises.

Le Président Pierre Lequiller a remercié M. Jean-Luc Dehaene pour la clarté et la précision de son exposé. Il a ensuite mentionné l'importance des questions institutionnelles que soulève le débat sur la politique étrangère européenne et qui sont appelées à occuper, dans les mois à venir, une place croissante au sein de la Convention.

M. Jacques Myard a déclaré que si la communautarisation a bien fonctionné dans les secteurs de la politique commerciale et du marché intérieur, le domaine de la politique étrangère relevait en revanche de l'exercice des souverainetés nationales. Il est certes nécessaire d'améliorer la coordination des politiques extérieures des pays membres pour peser davantage sur la scène internationale, mais à condition d'inscrire ce rapprochement dans un cadre strictement intergouvernemental. Tant les crises afghane et irakienne que le conflit au Moyen-Orient témoignent de l'irréalisme d'une communautarisation. Regrettant enfin un cloisonnement artificiel entre la politique étrangère d'une part, et la politique de défense d'autre part, il a insisté sur la kyrielle de défense d'intérêts nationaux que recouvre l'action extérieure, citant notamment la promotion de la langue et la défense des intérêts économiques à l'étranger.

M. Patrick Hoguet a imputé l'inefficacité de l'action extérieure européenne à l'insuffisante harmonisation des politiques nationales. Il s'est interrogé sur la complexité de la proposition du groupe de travail de la Convention visant à créer un ministre européen des Affaires étrangères qui serait placé simultanément à l'extérieur et à l'intérieur de la Commission. Rappelant la compétence de la Commission sur un certain nombre de sujets tels que, par exemple, la politique de coopération, M. Patrick Hoguet a plaidé pour la désignation d'un vice-Président de la Commission, chargé de coordonner les différentes actions menées au niveau communautaire. En ce qui concerne le ministre européen des Affaires étrangères, celui-ci devrait être placé directement auprès du Conseil européen ou d'un futur Président de l'Europe, tandis que les procédures devraient être radicalement réformées pour être en mesure d'assurer l'efficacité de l'action de l'Union sur la scène internationale.

M. Michel Delebarre a estimé que l'instauration probable d'un Président de l'Europe traduira une meilleure visibilité de l'exercice du pouvoir européen. Mais la création d'un ministre européen des Affaires étrangères fera inévitablement de cette personne le deuxième personnage de l'Union, reléguant de fait le Président de la Commission au troisième rang. Dans cette optique, il a évoqué le risque que la Commission ne se transforme en secrétariat général tandis que la conduite des affaires européennes ne serait plus assurée que par quelques personnalités politiques. M. Delebarre s'est demandé s'il ne serait pas préférable de confier au futur président de l'Europe la représentation extérieure de l'Union, renforçant ainsi la visibilité et l'efficacité de la politique étrangère européenne. Il a interrogé M. Jean-Luc Dehaene sur l'éventualité pour l'Union européenne d'être, à long terme, représentée au Conseil de sécurité de l'ONU.

M. Christian Philip a déclaré que la création d'un ministre européen des Affaires étrangères s'inscrivait dans une démarche de simplification et de rationalisation. Il a néanmoins relevé que d'autres responsables politiques européens - notamment le Président du Conseil européen et le Président de la Commission - seront tout aussi légitimes pour s'exprimer au nom de l'Union, sur la scène internationale. Mais pour éviter que la Commission ne se transforme en secrétariat général, il a plaidé pour la solution d'un Président unique de la Commission et du Conseil européen dont le mode de désignation devrait lui assurer une véritable légitimité, et qui permettrait à la fois de renforcer la Commission tout en donnant un visage à l'Europe, vis-à-vis des pays tiers.

En réponse aux intervenants, M. Jean-Luc Dehaene a fourni les précisions suivantes :

- au stade actuel de ses travaux, la Convention souhaite conserver la distinction entre l'aspect communautaire et l'aspect intergouvernemental de la politique étrangère. Mais pour éviter que cela n'aboutisse à deux politiques étrangères différentes, il faut accroître la coordination ;

- la Convention a fait du bon travail, et obtenu des résultats significatifs depuis six mois. Toutefois, des divergences subsistent, notamment en matière institutionnelle. C'est la raison pour laquelle le groupe de travail « action extérieure » a volontairement exclu de débattre de la présidence du Conseil. Ce qui est proposé aujourd'hui pourra faire l'objet d'une révision en fonction de l'architecture institutionnelle d'ensemble qui résultera du compromis adopté à la Convention ;

- à titre personnel, son souci est de rechercher un équilibre institutionnel global, les différentes propositions avancées ne pouvant pas faire l'objet d'une discussion séparée ;

- il est essentiel que l'Europe puisse travailler sur la base d'un agenda définissant clairement ses priorités. Or, la présidence a actuellement un rôle trop prépondérant dans la détermination de cet agenda, alors qu'elle ne devrait être qu'une présidence de séance. L'évolution observée depuis dix ans remet en cause la continuité des politiques de l'Union. L'agenda européen doit donc être défini par la Commission ;

- les relations entre MM. Javier Solana et Chris Patten ont été satisfaisantes, en raison de leur bonne entente à titre personnel, et non pas pour des raisons institutionnelles ;

- certaines des propositions présentées à la Convention pour la présidence de l'Union risquent d'entraîner une multiplication des conflits ;

- la solution d'une présidence unique, le Président du Conseil présidant également la Commission, présente de nombreux avantages, et il la défendra s'il apparaît qu'un consensus est possible ;

- les pays du Benelux ont présenté des propositions consistant, d'une part, à maintenir le système de la rotation semestrielle pour le Conseil européen et les Conseils des ministres sectoriels et, d'autre part, à confier à la Commission la présidence du Conseil « Affaires générales » ;

- si la nécessité d'un président permanent du Conseil européen paraît s'imposer, c'est parce que le Conseil travaille actuellement dans le vide et n'est pas suffisamment bien préparé par le Conseil « Affaires générales » ;

- s'agissant de la représentation de l'Union européenne au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, le groupe de travail n'a pas évoqué directement cette question et n'a envisagé qu'une meilleure coordination des Etats membres. A titre personnel, il a dit partager le point de vue de M. Javier Solana estimant que cette représentation unique serait probablement mise en place un jour prochain, mais ce jour n'est pas encore venu, même s'il faut avoir conscience, qu'au sein même des Nations unies, l'équilibre fixé en 1945 sera de plus en plus contesté. Pour l'instant, on a déjà pu s'apercevoir que des solutions pratiques permettaient d'ores et déjà à l'Union européenne de s'exprimer au sein du Conseil de sécurité, lorsqu'un Etat membre cède son siège provisoirement à M. Javier Solana. Dès lors, il importe surtout de se concentrer sur la représentation européenne au sein des autres institutions ayant un rôle primordial dans la définition et la mise en œuvre de la globalisation.

Le Président Pierre Lequiller a indiqué que l'ancien ambassadeur français auprès des Nations unies lui avait récemment fait observer que quatre pays européens - la France, le Royaume-Uni, mais aussi l'Allemagne et l'Espagne - seraient prochainement membres du Conseil de sécurité et qu'une représentation unique pourrait aboutir à un affaiblissement des positions européennes. L'important n'est peut être pas une représentation formelle mais la définition de positions communes.

Après avoir noté que les pêcheurs français et belges bloquaient en ce moment même plusieurs ports de la Manche et de la Mer du Nord à cause des mesures annoncées par la Commission européenne en matière de pêche, M. Guy Lengagne a souligné que les parlements nationaux craignaient d'être de plus en plus écartés sur les matières touchant à la politique étrangère, alors même qu'ils ont déjà des difficultés non seulement pour agir mais également pour être informés en ce domaine. Cette situation a permis de conserver l'Union de l'Europe occidentale. Il a demandé si le groupe de travail avait envisagé d'autres possibilités.

M. Jean-Luc Dehaene a observé que la question du rôle des parlements nationaux pouvait être envisagée à deux niveaux. Elle peut signifier que ces parlements doivent avoir un rôle spécifique au niveau des institutions européennes, mais elle recouvre également le contrôle parlementaire sur les gouvernements. Cette dernière activité lui paraît essentielle et l'exemple des pays scandinaves en est une illustration. En effet, leurs ministres ne peuvent négocier qu'après avoir été auditionnés par les parlements et, dès lors, ces derniers n'expriment aucune plainte sur leur rôle dans l'organisation européenne. En revanche, les parlementaires britanniques critiquent fortement la faible place des parlements nationaux mais, lorsqu'on les interroge sur les contrôles qu'ils exercent sur leur Gouvernement en matière européenne, ils sont encore bien loin d'accomplir effectivement cette mission.

Le Président Pierre Lequiller a précisé que, sur ce point, l'image des parlementaires français devrait s'améliorer compte tenu des initiatives récemment prises, sur sa suggestion, par le Président Jean-Louis Debré, qui a notamment annoncé la création de séances de questions portant spécifiquement sur les affaires européennes.

M. Jean-Luc Dehaene a ajouté que la création d'un Congrès ne conduirait pas à renforcer le rôle des parlements nationaux.

Le Président Pierre Lequiller a souhaité rappeler deux propositions qu'il avait présentées au groupe de travail et qui n'ont pas été retenues faute d'avoir pu en débattre, à savoir la définition d'un pacte de convergence liant les Etats membres dans le cadre de la PESC et l'encouragement à la diversité culturelle. Or, sur ce dernier point, le groupe de travail recommande d'étendre le vote à la majorité qualifiée et la codécision aux services et à la propriété intellectuelle pour la conclusion d'accords internationaux et le minimum serait que le passage à la majorité qualifiée dans ces domaines soit contrebalancé par des garde-fous au niveau des principes et des objectifs de l'action extérieure, pour éviter les dérives d'une mondialisation mal maîtrisée.

M. Jean-Luc Dehaene a constaté que, malheureusement, la définition d'un pacte de convergence n'avait pas donné lieu à une véritable discussion au sein du groupe de travail, mais qu'il serait souhaitable de revenir en séance plénière sur cette idée intéressante. Sur l'encouragement à la diversité culturelle, un consensus ne s'est pas dégagé. Il a suggéré que la France réfléchisse au moyen de limiter le recours à l'exception, en particulier dans le domaine du commerce extérieur, pour renforcer l'efficacité des institutions, car la liste des domaines où il faut un commun accord des Etats membres pour négocier couvre la culture, l'audiovisuel, l'éducation, la formation professionnelle et la santé et celle-ci est trop longue.

Enfin, il a tenu à faire part des deux avancées suggérées par le groupe de travail. En premier lieu, une initiative conjointe du Haut Représentant et de la Commission dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune pourrait se traduire par un vote à la majorité qualifiée. Par ailleurs, la Grande-Bretagne propose que le Conseil puisse décider seul d'élargir la majorité qualifiée sur certaines matières, ce qui constituerait une simplification du fonctionnement des institutions.

Audition de Mme Evelyne Pichenot, présidente de la Délégation pour l'Union européenne du Conseil économique et social
et rapporteur de l'avis « Quelles compétences sociales, quels acteurs dans
une Union européenne élargie
 », le 4 février 2003

Le Président Pierre Lequiller a rendu hommage à M. Patrick Hoguet, déclaré démissionnaire d'office par le Conseil constitutionnel, et a salué l'importance et la qualité du travail qu'il a accompli au sein de la Délégation.

Mme Evelyne Pichenot a tout d'abord rappelé que la Délégation pour l'Union européenne du Conseil économique et social existait depuis deux ans et qu'elle disposait d'une compétence transversale au sein du Conseil. Elle a indiqué que l'avis dont elle avait été rapporteur résultait d'une saisine du Gouvernement et qu'il avait été adopté à l'unanimité.

Les deux thèmes principaux de la saisine ont porté, d'une part, sur la répartition des compétences dans le domaine social et, d'autre part, sur la représentativité des partenaires sociaux au niveau européen et sur l'efficacité de leur action. Il se base en premier lieu sur un bilan de l'Europe sociale, en distinguant les principales étapes qui ont marqué la progression de ces questions dans le cadre de la construction européenne. Le jugement porté sur ce bilan reste nuancé, mais une appréciation très positive est faite sur l'action des partenaires sociaux.

L'avis propose une définition du « modèle social européen » en tant qu'équilibre entre la compétitivité économique et l'intégration sociale. Mme Pichenot a noté que cette définition avait servi de référence aux contributions déposées sur ce thème par les représentants du Gouvernement français au sein de la Convention.

L'avis met ensuite l'accent sur trois défis qu'il considère essentiels : le déficit de la participation des citoyens, l'incidence de l'élargissement, la situation de l'emploi. Il précise que pour préserver, renforcer et moderniser le modèle social européen, il convient, en premier lieu, d'intégrer dans le traité la Charte des droits fondamentaux. Mme Pichenot a précisé que l'avis s'était basé à ce propos sur une étude du Conseil économique et social présentée par M. Christian Bigaut, rapporteur au nom de la section des Relations extérieures : « La charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, son intégration dans un traité constitutionnel : quelles implications pour les Européens ? ». L'avis propose une procédure de suivi politique dans le traité, la mise en place d'un dispositif visant à la justiciabilité des droits reconnus et la rédaction d'un rapport annuel sur la mise en œuvre des droits sociaux.

Par ailleurs, l'avis suggère qu'afin de développer la coordination économique et sociale, un sommet social tripartite soit organisé chaque printemps, avant la réunion du Conseil européen. Ce sommet social serait précédé de rencontres au niveau national. Mme Pichenot a estimé qu'il ne fallait pas opposer une approche normative et la nécessaire concertation liée au développement du dialogue social, celui-ci devant d'une façon ou d'une autre impliquer, non seulement les partenaires sociaux, mais aussi les acteurs de la société civile.

Le Conseil économique et social indique en outre que, pour renforcer le modèle social européen, il convient de rendre plus efficace la répartition des compétences. Il recommande à cet égard de confirmer le pouvoir d'initiative de la Commission, de statuer à la majorité qualifiée en matière sociale, hors la protection sociale, d'intégrer dans le traité le principe d'objectifs en matière de lutte contre la pauvreté, d'assurer une transposition rapide et efficace des directives, et de permettre aux partenaires sociaux d'exercer une capacité conventionnelle dans la mise en œuvre des directives.

L'avis prend également en compte l'objectif de l'extension du modèle social européen aux futurs Etats membres. Dans cet esprit, il recommande de se baser sur un principe de solidarité financière, y compris par une augmentation du plafond du budget de l'Union. Il souhaite que la Commission s'assure de l'effectivité de l'acquis communautaire.

Mme Evelyne Pichenot a ensuite indiqué que la seconde partie des recommandations de l'avis portait sur le confortement de la place et du rôle des partenaires sociaux européens. L'avis rappelle à ce propos que trois organisations interprofessionnelles ont un rôle de co-régulateur reconnu par les traités : la Confédération européenne des syndicats, le CEEP (Centre européen des entreprises à participation publique), représentant les entreprises publiques ou privées chargées de missions d'intérêt général, et l'UNICE (l'Union des confédérations de l'industrie et des employeurs d'Europe), qui représente le patronat, en lien avec l'UEAPME (Union européenne de l'artisanat et des PME). Il estime que le dialogue social est inégal au niveau sectoriel et qu'un effort doit être fait dans ce domaine.

L'avis recommande de préserver une représentation patronale unique mais d'associer au dialogue social les employeurs de l'économie sociale et des professions libérales. Il préconise la participation des branches professionnelles aux décisions de négociation.

Afin d'améliorer les résultats de l'action des partenaires sociaux, le Conseil économique et social souhaite maintenir la conciliation du pouvoir d'initiative de la Commission et du rôle des partenaires sociaux comme « producteurs » de droit. Il recommande de renforcer le dialogue social dans les pays candidats en maintenant l'effort de structuration des partenaires sociaux dans ces pays. Il estime par ailleurs qu'il convient de conserver, pour le déroulement du dialogue social, le principe de l'exclusivité de la participation des partenaires sociaux, mais il recommande néanmoins d'élargir la consultation aux mouvements associatifs européens sur la dimension sociale hors les relations de travail (pauvreté, immigration, dépendance, ...).

L'avis préconise enfin que le futur traité consacre pleinement la mission du Comité économique et social européen comme relais privilégié de la « société civile organisée ».

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que la France était largement à l'origine de la création d'un groupe de travail sur l'Europe sociale à la Convention et que nombre des idées exposées par Mme Evelyne Pichenot rejoignent les propositions défendues par les conventionnels français.

M. Jérôme Lambert, constatant que le rapport du CES évoque un déficit de participation citoyenne, a souhaité connaître l'avis personnel de Mme Evelyne Pichenot sur le projet de réforme du mode d'élection des représentants français au Parlement européen.

M. Christian Paul a interrogé Mme Evelyne Pichenot sur les raisons pour lesquelles elle propose un statu quo sur les compétences sociales de l'Union européenne.

M. Daniel Garrigue, évoquant la répartition des compétences entre l'Union et les Etats membres, a demandé si des conventions collectives européennes étaient envisageables.

M. Pierre Forgues a soulevé une contradiction entre le fait de déplorer un déficit de participation des citoyens et la volonté de vouloir conserver dans le traité l'exclusivité du dialogue social aux partenaires sociaux. Il a regretté l'insuffisante représentation des associations de retraités sur le plan national et sur le plan européen.

M. Christian Philip a constaté que le Conseil économique et social recommande de statuer à la majorité qualifiée en matière sociale, sauf pour la protection sociale, où l'unanimité serait requise. Mais l'unanimité sera très difficile à obtenir après l'élargissement.

Mme Evelyne Pichenot a apporté les éléments de réponse suivants :

- l'avis du Conseil économique et social ne porte pas sur la réforme du mode de scrutin aux élections européennes. A titre personnel, elle en comprend l'intérêt pour rapprocher l'Europe du citoyen ;

- le Conseil économique et social propose effectivement le statu quo pour la répartition des compétences entre l'Union et les Etats membres, qui ne pose pas actuellement de problème de fond. On doit rester dans le cadre de compétences partagées ;

- l'intégration de la Charte des droits fondamentaux au traité constituerait une avancée majeure ;

- le développement des coordinations, en matière macro-économique, sur l'emploi ou sur la protection sociale renforcerait les compétences de l'Union européenne ;

- le fait de détenir comme référence des normes sociales trop élevées pourrait être considéré par les pays candidats comme une forme de protectionnisme à leur égard ;

- le faible montant du budget européen ne permet pas d'assurer une convergence rapide entre les Etats membres en matière de protection sociale ;

- la mise en place de conventions collectives européennes, que souhaitait Jacques Delors, ne peut être envisagée que par étapes ;

- le débat sur l'exclusivité des partenaires sociaux est sensible en France et en Europe. Les représentants des salariés peuvent légitimement arbitrer entre l'effort des entreprises et celui des salariés dans le financement des retraites et les représentants des retraités, qui bénéficient d'une pension, ne doivent être que consultés.

M. Pierre Forgues a jugé contestable la séparation stricte entre le dialogue social et le dialogue civil, qui aboutit à limiter l'expression de celui-ci.

Mme Evelyne Pichenot a reconnu que l'imbrication du domaine social dans le travail soulève des problèmes, notamment si l'on envisage le cas des travailleurs handicapés, et qu'elle mérite une réflexion.

S'agissant de la majorité qualifiée, cette dernière constitue la garantie de l'approfondissement de l'Europe sociale. Le Conseil économique et social s'est inspiré, sur ce point, du rapport publié en 1999 par le groupe « Europe sociale » du Commissariat général au Plan, présidé par M. Joël Maurice, ayant souligné que la cohésion nationale repose sur la protection sociale, elle-même induite par son financement. Ce dossier ne pourra donc évoluer qu'en fonction de l'avancement des travaux relatifs à ce dernier point.

Le Président Pierre Lequiller a souligné que l'Europe doit impérativement progresser dans le domaine social, mais que les spécificités nationales en la matière constituent autant d'obstacles. Il est d'ailleurs significatif, qu'au sein de la Convention, le groupe de travail sur la gouvernance économique, présidé par M. Klaus Hänsch, est l'un de ceux dont les travaux sont les plus décevants. Le blocage constaté est imputable à un clivage qui, en simplifiant, oppose les pays membres de la zone euro favorables au développement des garanties économiques et sociales et les pays en dehors de cette zone euro.

Il a remercié Mme Evelyne Pichenot pour la qualité de son travail et s'est félicité des relations nouées entre les deux délégations.

Audition de M. Jacques Delors,
ancien président de la Commission européenne,

sur l'avenir de l'Europe, le 6 mars 2003

Le Président Pierre Lequiller a d'abord souligné le plaisir qu'avait la Délégation à accueillir M. Jacques Delors, à la fois au titre de ses anciennes fonctions à la tête de la Commission européenne et en tant que président de l'association « Notre Europe ». Il a évoqué le développement des travaux de la Convention en indiquant que celle-ci avait d'ores et déjà accompli un travail important et abordait à présent une phase décisive relative, en particulier, aux sujets concernant les compétences, les institutions et la politique étrangère.

M. Jacques Delors a, en premier lieu, considéré que la Convention était déjà un succès - à travers, notamment, les propositions précises déjà acquises sur nombre de sujets - estimant que ce succès contredisait le scepticisme initial affiché par beaucoup de partenaires, notamment par certains chefs de gouvernement.

Abordant ensuite l'attitude de l'Europe dans le contexte international actuel, et en particulier par rapport à la question irakienne, il a souligné que l'incapacité des pays européens à agir ensemble ne l'avait pas réellement surpris. Il a estimé que les dispositions introduites par le traité de Maastricht relatives à la mise en œuvre d'une politique étrangère et de sécurité commune étaient prématurées, du fait de profondes différences entre les Etats membres, liées à des pesanteurs historiques. Il aurait été préférable de prévoir un système selon lequel les Etats membres agissent ensemble quand ils en sont d'accord, avec une possibilité d'abstention constructive. Il a considéré qu'il ne fallait pas mener les Européens avec des songes et que la convergence des intérêts économiques ne conduisait pas nécessairement, par engrenage vertueux, à un rapprochement de nature politique. Dans le même esprit, il faut prendre garde aux annonces non suivies d'effets et aux « cabris » qui évoquent l'Europe à propos d'un peu tous les sujets. Il a insisté sur la permanence des nations pour assurer la cohésion des sociétés européennes et la nécessité de leur conserver les compétences correspondantes.

En ce qui concerne les institutions, il a estimé que s'il était nécessaire d'améliorer le système actuel, il ne fallait pas croire pour autant que, par les seules institutions, il était possible de créer un « vouloir vivre ensemble ». Il a rappelé que certains, plus attachés à l'impact des réformes institutionnelles, le considérait, de ce fait, comme « fonctionnaliste » et a évoqué à ce propos sa différence de point de vue avec M. Altiero Spinelli.

M. Jacques Delors a ensuite évoqué la question de l'Union économique et monétaire et a déploré le déséquilibre existant de ce point de vue entre un pilier monétaire fort et un pilier économique faible. Il a considéré que ce déséquilibre ne constituait pas une fatalité et a noté que le traité de Maastricht prévoyait déjà la coordination des politiques économiques. Il a estimé que la France portait une responsabilité importante à ce propos en n'ayant pas, lors des discussions sur le pacte de stabilité demandé par l'Allemagne, soutenu concrètement l'idée d'un pacte de coordination des politiques économiques qui aurait inclus un droit d'initiative de la Commission dans ce domaine. Il a évoqué le paradoxe actuel d'une hausse de l'euro coexistant avec des Etats-Unis forts et une économie européenne qui ne va pas bien. Il s'est déclaré partisan de responsabilités plus importantes données à la Commission en matière économique, à condition que ne soient pas pris en compte les seuls critères monétaires et de l'équilibre budgétaire, mais aussi, d'une façon plus large, le développement économique et social équilibré et durable de l'Union.

Il a indiqué qu'il avait défendu l'idée d'introduire dans le pacte de stabilité des critères supplémentaires, comme celui du taux de chômage des jeunes et du chômage de longue durée, mais que cela avait été rejeté, à l'époque, par certains Etats membres.

Abordant enfin la perspective du prochain élargissement, M. Jacques Delors a indiqué qu'il n'avait jamais cru que les objectifs du traité pouvaient être atteints à vingt-cinq. Il a rappelé qu'il était depuis longtemps en faveur d'objectifs réalistes pour la « grande Europe », ce qui ne nécessitait pas la mise en place d'un traité spécial.

M. Jacques Delors a alors évoqué trois objectifs pour la « grande Europe » :

- la constitution d'un espace de paix et de sécurité, notamment au regard du passé de nombreux pays qui ont la douloureuse mémoire d'avoir été le jeu des traités. De même, le problème particulier des Balkans souligne la nécessité pour l'Union de créer les conditions de la paix. Doit aussi être assurée la garantie de la sécurité des personnes qui relève des politiques de l'actuel troisième pilier ;

- un cadre pour le développement durable, au-delà de l'extension des bénéfices du grand marché. Dans cet esprit, M. Jacques Delors a mentionné la compétitivité qui stimule, la coopération qui renforce et la solidarité qui unit. Il a souligné les enjeux d'un accroissement des investissements européens en matière de recherche et de technologie ainsi qu'en ce qui concerne les grands travaux ; il a à cet égard déploré les difficultés de financement du TGV Est. S'agissant de la solidarité, M. Jacques Delors a salué l'action de l'Union en faveur des régions en crise, qui démontre que la solidarité européenne est une réalité. C'est d'ailleurs un jeu à somme positive puisque les pays bénéficiaires des subventions ont pu se développer tandis que les contributeurs ont pu y développer leurs investissements. Il s'est à ce sujet déclaré préoccupé par les perspectives budgétaires de l'Union pour la cohésion sociale et territoriale de l'Europe élargie ; d'autres sujets, comme la politique de l'environnement et la politique sociale - mais dans une mesure raisonnable - participent également de cette solidarité européenne ;

- une expression enrichie de nos diversités : l'Europe doit se donner les moyens de lutter contre l'uniformisation qui menace du fait des excès de la mondialisation. M. Jacques Delors s'est ainsi félicité de la politique française en faveur du cinéma, qui, loin d'être protectionniste, reflète la diversité des approches et des cultures. On ne construit pas, en effet, l'avenir en ignorant le passé.

En conclusion de son exposé, M. Jacques Delors a estimé qu'un accord politique sur ces trois objectifs dans le futur Traité constitutionnel permettra dans vingt-cinq ans aux historiens d'écrire que l'Europe a réussi à apporter sa pierre à une certaine maîtrise de la mondialisation.

Après avoir remercié M. Jacques Delors pour la clarté et la précision de son propos, le Président Pierre Lequiller l'a interrogé sur les points suivants :

- les divisions de l'Europe sur la question irakienne.

A cet égard, le Président Pierre Lequiller a évoqué le changement d'état d'esprit qu'il a constaté au sein de la Convention : après une session au début du mois de février marquée par un fort pessimisme, les conventionnels semblent désormais considérer cette crise comme un catalyseur pour progresser dans la voie de propositions institutionnelles ambitieuses ;

- les propositions institutionnelles franco-allemandes, en tant qu'elles constituent un compromis de progrès entre deux conceptions initialement différentes de l'avenir institutionnel de l'Union ;

- la coordination économique et monétaire et l'opportunité d'instaurer un président stable de l'Eurogroupe.

En réponse, M. Jacques Delors a estimé indispensable d'établir une distinction nette entre la politique étrangère commune et la politique de défense.

S'agissant de la politique étrangère, la proposition franco-allemande part du principe qu'on ne peut pas revenir sur l'idée d'une politique étrangère commune - voire unique - et qu'il faut jouer sur la progressivité. Cette option présente l'avantage de ne pas mettre l'Union à nu dans le domaine de la politique étrangère, mais l'inconvénient de s'engager dans la voie d'une Europe à deux vitesses.

M. Jacques Delors a alors évoqué l'alternative qu'il propose, mais qui se heurte à une opposition franco-britannique, visant à mener des actions communes uniquement lorsque cela est possible, et donc pas dans le cadre de coopérations renforcées, ou d'une avant-garde. L'ensemble des moyens de la Commission doivent être mis au service de la politique étrangère lorsqu'une action commune est entreprise. Cela est également vrai dans les domaines de la politique commerciale ou de l'aide communautaire au développement. C'est là une condition pour que les Européens cessent « d'essuyer la vaisselle après que les Américains ont envoyé les cuisiniers ».

Le Président Pierre Lequiller a souhaité connaître le sentiment de M. Jacques Delors sur la proposition franco-allemande de doter l'Union d'un ministre européen des affaires étrangères, qui cumulerait les fonctions du Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune et du commissaire européen chargé des relations extérieures.

M. Jacques Delors a jugé cette évolution souhaitable, mais à condition d'en préciser les modalités. Le Haut représentant a effectué un travail remarquable en Macédoine et en Bosnie, mais ce travail aurait pu être fait par le commissaire européen chargé des relations extérieures. Il faut, en tout état de cause, mettre fin à la schizophrénie actuelle de l'Union dans ce domaine. M. Delors a rappelé que dans la formule qu'il a présentée, l'action extérieure relèverait d'un ministre, qui serait membre de la Commission et désigné selon des modalités à définir. La proposition franco-allemande serait plus difficile à mettre en œuvre, mais elle constitue un point de départ acceptable. La perspective d'un « service diplomatique commun » reste très lointaine : dans l'immédiat il y a, à la Commission, un capital qu'il faut mieux utiliser, en mettant fin aux dysfonctionnements actuels.

En ce qui concerne la défense, une coopération renforcée, une avant-garde, est indispensable. La défense est une question d'ambitions, de moyens et de technologies. Une politique européenne de défense ne pourra se développer qu'en s'appuyant sur les nations qui en ont la volonté et les moyens. Sur ce point, l'approche de la contribution franco-allemande doit être approuvée. L'Europe doit développer sa propre industrie de défense, aussi bien du point de vue stratégique qu'économique. Il faut également faire clairement comprendre à tous, en particulier aux Etats candidats, que l'Union n'a pas pour seule vocation de traiter des questions économiques, tandis que le politique relèverait de l'OTAN. L'Europe n'a pas été faite pour arriver à cela.

Pour l'Union économique et monétaire, il faut souhaiter que la « pensée unique » cesse de faire des ravages et adopter une position claire et cohérente. La politique économique ne peut pas se centrer sur le déficit budgétaire, sans prendre en compte, par exemple, la part des dépenses que l'on peut qualifier d'avenir, ou ce qui relève du structurel ou de la conjoncture. Il faut des règles nouvelles et que la Commission prenne ses responsabilités et dispose d'un droit d'initiative dans ce domaine. La création d'un « M. Euro », qui puisse représenter la zone euro à l'étranger est également nécessaire. Cette représentation pourrait être assurée par le président de la Commission, ou par une présidence plus longue de l'Eurogroupe. L'isolement du président de la Banque centrale européenne doit cesser. La France a, sur ce dossier, un grand rôle à jouer.

M. Jérôme Lambert a souligné que si l'union monétaire est aujourd'hui réalisée, l'Union ne s'est pas dotée d'un pacte économique. Les critiques adressées au pacte de stabilité budgétaire sont compréhensibles, mais il faudra bien reprendre des critères de convergence des politiques économiques. Il a également exprimé son inquiétude face aux divergences des politiques économiques de la France et de l'Allemagne.

M. Jacques Delors a déclaré que la monnaie unique a évité aux Etats membres les difficultés qu'auraient rencontrées leurs monnaies nationales dans cette période délicate et que sa proposition de pacte de coordination des politiques économiques ne remplacerait pas le pacte de stabilité et de croissance mais s'y ajouterait. Le contenu du budget et la qualité des dépenses sont aussi importants que le plafonnement du déficit à 3 % du PIB et le Chancelier de l'Echiquier britannique a raison de rappeler la règle d'or consistant à mettre de côté les investissements d'avenir dans l'appréciation du déficit budgétaire. Si la Commission avait fait son travail dans la période des « vaches grasses », moins d'asymétrie aurait permis d'augmenter de 1 % le taux de croissance et l'occasion aurait été saisie de réduire le déficit budgétaire, en particulier le déficit structurel. Demander maintenant de poursuivre une réduction du déficit budgétaire jusqu'à son élimination en 2006 dans une période de difficultés économiques et de faible croissance est inopportun. Dans la situation actuelle de la France et de l'Allemagne, on ne peut pas condamner leurs positions et brandir le pacte de stabilité comme les tables de la loi. Il faut tirer les enseignements du passé. Un pacte de coordination des politiques économiques enrichirait le pacte de stabilité maintenu. Par ailleurs, l'Union économique et monétaire devrait devenir une coopération renforcée pour mettre fin à la situation actuelle dans laquelle l'Eurogroupe se réunit, puis les Quinze prennent la décision avec le risque d'introduire un cheval de Troie dans le dispositif.

M. Michel Herbillon a demandé à M. Jacques Delors s'il voyait le renforcement de la coopération franco-allemande, particulièrement manifeste depuis le quarantième anniversaire du traité de l'Elysée, comme une condition indispensable au développement d'une Europe à vingt-cinq ou comme un risque d'hégémonie susceptible de la diviser, et quelle place il fallait assigner à l'Europe de la culture, au combat de la France pour la diversité culturelle, à la question des langues et de l'utilisation du français dans l'Europe élargie, non évoquée à la Convention.

Après avoir déclaré que si personne ne mettait en doute l'engagement européen de M. Jacques Delors, ses propos paraissaient avoir une tonalité eurosceptique, M. Pierre Forgues a demandé comment faire une « politique sociale raisonnable » et organiser un pacte économique dans une Europe élargie dont les différences sociales s'accroissent pour éviter des délocalisations d'entreprises et des pertes d'emploi, dans des conditions réalistes permettant de réaliser l'élargissement.

M. Christian Philip a demandé quelle était la différence entre avant-garde et coopération renforcée, comment organiser l'avant-garde pour répondre à la nécessité de refonder des politiques entre certains Etats membres à la suite de l'élargissement et comment faire accepter par les nouveaux adhérents une avant-garde dont ils ne seraient pas membres dans un premier temps.

M. Jacques Delors a observé que les propositions communes franco-allemandes n'ont pas été considérées comme un facteur de division par nos partenaires, mais que toutes les initiatives qui ont été prises au sortir d'une réunion du Conseil qui avait pris une décision sur l'Irak ont été choquantes, dans la mesure où leurs auteurs auraient dû demander un renvoi devant les ministres des affaires étrangères réunis en Conseil.

L'expérience montre qu'il ne suffit pas que la France et l'Allemagne proposent pour que les autres membres suivent. M. Delors a rappelé qu'au Conseil européen de Milan en 1985, une initiative franco-allemande constituant la troisième version du Plan Fouchet avait été jugée inacceptable par le Président de la Commission qu'il était et les autres Etats membres. En cas d'initiatives communes franco-allemandes, le Président François Mitterrand ne prononçait jamais une parole impérative au Conseil européen et ménageait les autres membres, rompant avec certaines pratiques antérieures, de sorte que ses rares exigences avaient du poids. Les propositions communes franco-allemandes n'auraient d'ailleurs jamais été adoptées sans l'appui d'autres Etats membres, en particulier parmi les membres fondateurs mais pas seulement.

L'inquiétant est la faiblesse de la Commission qui n'explique pas ces initiatives aux autres Etats membres ni au collège des Commissaires.

Dans le domaine culturel, trois batailles sont à mener en matière de règles, de programmes média et à l'OMC. La prédominance du français dans les institutions communautaires avait pu être maintenue parce qu'il est la langue qui sert le mieux la clarté et qui impressionne, comme l'a montré le discours de M. de Villepin à l'ONU, et il faut essayer de préserver cet atout auprès de nos partenaires, en particulier auprès de l'Italie et de l'Espagne.

Dans le domaine social, M. Delors a rappelé qu'il n'avait pas été étranger aux progrès accomplis par l'Union européenne, que ce soit les politiques structurelles, passées d'environ 5 milliards d'euros à l'origine à 36 milliards d'euros actuellement, le dialogue social ayant permis d'aboutir à trois conventions collectives européennes, ou les minima sociaux liés à l'Acte unique et plus particulièrement l'harmonisation des conditions de travail.

Il a indiqué également qu'il avait été le premier à déposer le concept de fédération d'Etats-nations, car il avait toujours pensé que la nation avait un avenir et que le maintien de la cohésion nationale était lié à celui de la cohésion sociale. Les politiques de l'emploi, de l'éducation et de la formation professionnelle, de la culture, de la santé et de la sécurité sociale doivent continuer à relever des compétences nationales, même si ce principe n'empêche pas la coordination entre Etats membres ni la cohérence nécessaire avec la politique économique. Les Etats membres qui ont le plus maintenu cette cohérence sont également ceux qui ont eu le plus recours à la politique contractuelle, comme la Suède et le Danemark.

Une politique de coordination des politiques économiques favoriserait une compétition loyale tout à fait bénéfique, à condition d'harmoniser deux points : la fiscalité des revenus du capital et les grandes règles de l'impôt sur les entreprises. Il est tout à fait anormal que l'Irlande pratique un dumping fiscal tout en percevant de nombreuses aides communautaires.

Une avant-garde ou une coopération renforcée doivent être ouvertes aux membres qui veulent mais aussi qui peuvent. A ceux qui craignent une Europe à deux vitesses, il faut répondre que la différenciation a toujours été nécessaire aux progrès de la construction européenne, comme le montrent les périodes transitoires adoptées pour l'élargissement à l'Espagne et au Portugal, le protocole social de Maastricht, l'UEM ou Schengen.

A la différence des coopérations renforcées qui devront figurer dans la future constitution, l'avant-garde ne pourra pas être le produit d'un accord ou d'un consensus. Elle ne résultera que d'une crise. Elle pourrait porter sur les affaires étrangères, la défense et une partie des affaires judiciaires, mais pas sur les questions économiques.

M. Marc Laffineur a précisément estimé que l'Europe traverse une crise qui justifierait une avant-garde dans le domaine de la défense. Or, la conjoncture économique actuelle ne permet pas d'accroître sensiblement les crédits budgétaires affectés à l'effort de défense.

Le Président Pierre Lequiller a jugé que la Grande-Bretagne devrait impérativement faire partie d'une avant-garde en matière de défense, ce qui semble très difficile à l'heure actuelle, compte tenu de sa proximité avec les Etats-Unis.

M. Christian Paul a interrogé M. Jacques Delors sur les conditions de sortie de la crise et sur la possibilité d'intégrer l'existence d'une avant-garde dans la future constitution européenne.

Evoquant les travaux de la Convention, il a regretté les résistances de certains Etats membres. Il a souligné le risque d'une déception des opinions publiques si la Convention n'apporte pas un surcroît de démocratie dans les institutions européennes.

M. Edouard Landrain a demandé à M. Delors de préciser ce qu'il considère comme des compétences sociales « raisonnables » pour l'Union européenne. Il a évoqué la mise en place d'une Europe sportive, notamment en matière de dopage et de libre circulation des joueurs. Il a regretté que l'Europe n'ait pas créé une commission d'enquête sur la catastrophe du Prestige, ainsi qu'un corps de garde-côtes européen.

M. Jacques Delors a apporté les éléments de réponse suivants :

- l'idée d'une avant-garde n'a pas eu beaucoup de succès parmi les Etats membres ;

- les coopérations renforcées doivent être incluses dans la constitution européenne ;

- la Commission doit demeurer un collège et ne pas être trop présidentialiste ;

- la politique de défense ne concerne pas que les militaires. Elle doit être en cohérence avec la politique étrangère. La Grande-Bretagne devra donc choisir entre une politique de défense commune et une trop forte dépendance à l'égard de l'Alliance atlantique ;

- on ne peut pas demander à l'Europe, à elle seule, de combattre le désenchantement démocratique qui frappe l'ensemble des nations ;

- sur le plan institutionnel, il est nécessaire de renforcer les pouvoirs du Parlement européen, notamment en matière budgétaire et d'étendre la codécision ;

- l'élection du président de la Commission par le Parlement européen comporte un risque. Le Président doit pouvoir travailler avec le plus grand nombre possible de députés européens, au-delà de clivages politiques. S'il est élu à la majorité simple, cela sera difficile. Le Président de la Commission doit demeurer un personnage indépendant, s'efforçant de rapprocher les points de vue. On pourrait donc réfléchir au principe d'une élection à la majorité des deux tiers.

Le Président Pierre Lequiller a déclaré que la politisation du président de la Commission n'était pas souhaitable. La règle des deux tiers permettrait peut-être de l'éviter. Mais elle présente un défaut sur le plan démocratique. Lorsque, au Parlement européen, le PSE et le PPE auront chacun fait campagne sur le nom d'un candidat, c'est une troisième personnalité qu'il faudra trouver car aucun des deux candidats officiels ne pourra réunir sur lui la majorité requise, quels que soient ses talents de négociateur. Aussi les électeurs pourront-ils se sentir floués.

M. Jacques Delors a apporté les éléments de réponse suivants :

- la règle des deux tiers ne constitue qu'un pis-aller, lui-même étant partisan du maintien du statu quo, comme le Président Lequiller ;

- sur le rôle des parlements nationaux, il convient de distinguer entre la subsidiarité, principe politique et philosophique, et le principe de proportionnalité, concept proprement juridique. C'est aux députés nationaux qu'il revient de décider si un mécanisme d'alerte précoce peut être viable et s'il leur est possible de se prononcer sur un texte européen dans un délai de six semaines. Le Comité des régions pourra même être associé au dispositif. Quant au Congrès, son existence se justifie si une instance solennelle est nécessaire. Se réunissant tous les cinq ans, il pourrait ratifier officiellement les nominations mais sans les empêcher. Ce pourrait être aussi l'occasion de prononcer un discours d'adresse qui exposerait le programme de l'Union européenne pour les cinq ans à venir. Il faut toutefois remarquer qu'il existe déjà beaucoup d'institutions. Or la tendance naturelle d'une institution, une fois créée, est de développer ses compétences, voire de les déborder ;

- quant à la Cour de justice des Communautés européennes, la question est de savoir si elle doit devenir une Cour constitutionnelle. C'est ce qui s'annonce, si la Charte des droits fondamentaux se trouve intégrée à la Constitution. Cela ne semble pas souhaitable. La Cour a en effet déjà fait beaucoup et devrait plutôt continuer sur les mêmes bases. Sans l'arrêt Cassis de Dijon, aucune proposition concrète n'aurait ainsi pu être proposée dans les années 1980 sur le marché intérieur ;

- la simplification de la réglementation constitue aussi un enjeu essentiel. Certes, elle passe par une hiérarchie claire des normes et des actes, mais il faudrait d'abord réduire le nombre des textes. Un Livre blanc sur l'éducation est-il par exemple vraiment nécessaire ? Il n'entre pas dans les compétences de la Commission d'avancer des propositions dans ce domaine, sauf pour les échanges d'étudiants (programme Erasmus). L'expérience enseigne que le président de la Commission doit savoir lutter au sein du collège contre la démangeaison législative. Il suffit d'avoir la ténacité nécessaire, qui n'a été prise en défaut qu'une fois dans les années 1980, à propos du projet Natura 2000. La propreté des plages devrait être en effet une compétence nationale. Il est donc primordial de limiter les initiatives européennes ;

- l'Union européenne est une communauté politique dont les citoyens devraient pouvoir suivre l'activité. Il est pourtant difficile de se tenir informé sur le cheminement de ses publications au chromatisme bigarré. Lorsqu'un projet est proposé par la Commission, les représentants permanents en sont saisis ; des groupes spéciaux sont désignés, qui l'étudient pendant une période d'un an à un an et demi. A intervalles réguliers, le texte disparaît et reparaît ainsi à la surface, tel le Yellow submarine. Dans une démocratie nationale, les premières mesures suivent relativement rapidement l'apparition d'un texte. Pour arriver à ce résultat à l'échelon communautaire, les institutions doivent s'appuyer sur le tandem clé que constitue le Conseil « Affaires générales » et la Commission. Ce tandem définirait tous les quinze jours l'agenda politique immédiat de l'Union européenne. Dans ce domaine aussi, il faut rechercher la simplicité. Ainsi, un Conseil « Affaires générales » efficace réunirait des ministres des affaires européennes qui prendraient leurs instructions auprès de leur Gouvernement. La mission du Coreper s'en trouverait changée et il cesserait de fonctionner en vase clos. Aujourd'hui, lorsque le Conseil « Affaires générales » se réunit, les ministres des affaires étrangères sont rarement présents. Qu'en sera-t-il à vingt-cinq Etats membres ? Si les séances sont publiques, tout se compliquera encore. Les compromis s'élaborent dans une certaine confidentialité et ce n'est qu'ensuite qu'ils doivent être présentés et expliqués au grand jour. L'exigence de transparence actuelle vient des pays nordiques, mais elle n'est peut-être pas tout à fait adaptée à l'échelle européenne ;

- la concurrence au sein de l'Union européenne joue sur des facteurs autres que monétaires : coût de la main-d'œuvre, organisation des entreprises, infrastructures, facteurs de production... Pour l'heure, l'effort d'harmonisation doit porter sur l'impôt sur les revenus des capitaux mobiliers et sur l'impôt sur les entreprises. Pour le reste, la théorie des avantages comparatifs reste la base du fonctionnement du marché intérieur ;

- le sport est un sujet européen qui a été maltraité. Les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes ont conduit à une marchandisation accrue du football, aux dépens de son rôle comme sport éducatif et sport populaire. En ce domaine, la Cour de justice des Communautés européennes, au nom de la liberté du travail, est sortie du cercle de ses compétences. Le sport ne doit pas obéir à des lois purement commerciales. Les difficultés des clubs professionnels en témoignent. Ils vont jusqu'à réclamer aujourd'hui un régime d'exonération fiscale parce que leurs coûts opérationnels seraient devenus trop élevés ;

- en matière de lutte contre la pollution maritime, aucun retard ne peut être imputé à la Commission, qui, en outre, ne pouvait aller plus loin dans ses propositions, sauf à faire appel à l'opinion publique en stigmatisant les Etats freinant l'évolution de la réglementation.

Dans l'avancement de la construction européenne, l'aspect politique est tout aussi important que l'aspect institutionnel. A cet égard, le projet visant à faire présider le Conseil « Affaires générales » par le secrétaire général du Conseil est inacceptable, son président devant impérativement être une personnalité politique.

M. René André, après avoir précisé que son intervention pessimiste se voulait également provocante, s'est demandé si toutes les discussions actuelles ne revêtaient pas un caractère théorique, dans la mesure où, premièrement, beaucoup d'hommes politiques nationaux ne croient plus en l'Europe, deuxièmement, les divisions suscitées par la crise en Irak font de l'Europe un « champ de ruines », troisièmement, certains pensent que les travaux de la Convention européenne ne pourront aboutir même s'ils sont intéressants et où, quatrièmement, les futurs Etats membres semblent surtout attachés à la construction d'un espace économique de libre échange et au recours à l'Alliance atlantique. Il faut ajouter que la coopération franco-allemande est très liée à une conjonction d'éléments imputable à la crise irakienne. Une alternance politique en Allemagne pourrait remettre en cause cette forte coopération et, d'ailleurs, les propos tenus lors de la réunion de Versailles de janvier 2003, affirmant « qu'il n'existe pas l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette » entre les positions de nos deux pays, n'ont pas toujours été bien reçus en Allemagne.

Adoptant une tonalité plus optimiste, il a considéré que tous les Etats membres devraient œuvrer pour « re-construire » l'Europe, même si cela doit passer par une « avant-garde éclairée ». Cette reconstruction est indispensable car, d'une façon quelque peu curieuse, les peuples d'Europe semblent plus européens que leurs dirigeants.

Il a enfin regretté que la France n'ait pas participé, d'une façon ou d'une autre, au financement de la réunification allemande. Il est peut-être encore temps d'intervenir, afin d'aider l'Allemagne à sortir de ses difficultés économiques actuelles. Une telle action serait déjà un élément fort d'une avant-garde éclairée.

M. Nicolas Dupont-Aignan a noté que M. Jacques Delors s'inquiétait d'une fuite en avant et rejoignait ceux qui pensent que l'Europe, en se mêlant de trop de problèmes, conduit au désenchantement démocratique.

Il s'est demandé s'il ne serait pas préférable d'évoquer une Europe à géométrie variable, plutôt qu'une avant-garde, ce qui permettrait d'éviter les deux écueils du blocage et du passage en force.

La position française sur la politique agricole commune pourrait aboutir à une impasse si par ailleurs on prétend financer l'élargissement à budget constant. Il existe là un risque de crise profonde que l'Europe refuse d'évoquer.

Il a également souhaité savoir si M. Jacques Delors rejoignait la position de M. Valéry Giscard d'Estaing quant à l'adhésion de la Turquie et les critiques sur la fuite en avant dans le domaine de l'élargissement.

M. Gérard Voisin, ayant pris acte des propos de M. Jacques Delors sur l'architecture actuelle de gouvernance, incapable de bien gérer l'Europe, a considéré que le problème essentiel était l'absence de « patrons ».

M. Jérôme Lambert a admis que le déficit démocratique européen était profondément lié aux problèmes rencontrés au niveau national, mais il existe une interaction et les élus nationaux ont souvent le sentiment que la construction européenne et la mondialisation les dépossèdent de leurs pouvoirs. Il semble donc nécessaire de donner à l'Europe des institutions plus démocratiques.

En réponse à ces divers intervenants, M. Jacques Delors a apporté les précisions suivantes :

- il ne faut pas oublier qu'aux yeux des historiens, la construction européenne est l'un des faits majeurs de la seconde moitié du vingtième siècle. Mais il est vrai que, comme un boxeur, l'Europe « remet constamment son titre en jeu » et il y a eu des moments où tout semblait désespéré : ce fut le cas après le rejet de la Communauté européenne de défense, même si ce projet était prématuré, lors de la politique de la chaise vide menée par le Général de Gaulle, pendant le débat sur le « chèque » britannique, à l'occasion des états d'âme français et anglais sur la réunification allemande ou encore lors de la guerre en Yougoslavie ;

- actuellement, deux conceptions économique et sociale de l'Europe s'affrontent : l'une défendue principalement par le Bénélux, et soutenue dans une moindre mesure par la France et l'Allemagne, l'autre préconisée par Tony Blair, qui se contente d'un espace économique commun soumis à des règles, mais qui refuse de s'écarter du pôle atlantique en ce qui concerne la politique étrangère et la défense. A cet égard, MM. Tony Blair et Georges Bush ont transposé en politique, l'opposition entre le bien et le mal, ce qui est particulièrement grave et dangereux. Face à cette conception britannique, la France et l'Allemagne sont en difficulté, compte tenu de leurs problèmes économiques, et ceux qui représentent le mieux la position équilibrée, à savoir le Danemark, la Finlande et la Suède, ne pèsent pas assez politiquement. Dès lors, l'Europe ne parvient pas à discuter de questions importantes comme celle de la distinction à appliquer en matière de solidarité entre ceux qui la méritent du fait des fâcheux héritages de la vie et ceux qui en profitent ;

- une certaine méfiance existe toujours entre la France et l'Allemagne. Les Français craignent toujours que l'Allemagne réemprunte le « Sonderweg » et les Allemands se méfient de la « Grande nation ». En tout état de cause, le Chancelier Gerhard Schroeder a choisi, comme ses prédécesseurs, de fonder l'avenir de son pays dans l'engagement en Europe ;

- la reconstruction de l'Europe est indispensable, mais ne doit pas s'appuyer uniquement sur l'axe franco-allemand. La France ne peut oublier ses solidarités avec le Sud, l'Afrique ou l'Amérique latine, qui nécessiteraient un effort économique, technique et financier ;

- l'Europe à géométrie variable proposée par M. Nicolas Dupont-Aignan présenterait, dans la terminologie, les mêmes défauts que l'Europe à deux vitesses aux yeux de la population ;

- en ce qui concerne les perspectives budgétaires, le plafond de 1,27 % est intenable et il convient que les Etats membres fassent un effort de générosité ;

- s'agissant de la PAC, deux objectifs doivent être pris en compte en France, celui de rester une puissance agricole et celui de maintenir un nombre suffisant d'agriculteurs, ce qui implique des politiques de développement rural et la prise en compte du facteur environnemental ;

- à propos de la candidature de la Turquie à l'adhésion, il aurait été totalement impossible de la rejeter, compte tenu du chemin déjà parcouru. Il conviendra, le moment venu, de juger de l'acceptabilité de cette candidature à l'aune des progrès que la Turquie doit réaliser pour constituer une véritable démocratie pluraliste respectueuse du droit des hommes et des femmes ;

- en ce qui concerne les institutions, il n'est pas convaincu par l'idée d'un président unique du Conseil européen et de la Commission. Il convient, en tout état de cause, d'assurer un bon compromis entre la dimension communautaire et l'approche intergouvernementale, base nécessaire à une union des Etats et des peuples. Il faut utiliser le fédéralisme comme méthode mais non comme objectif. Un système qui rendrait le président de la Commission otage d'une majorité politique n'est pas acceptable. Le maintien de la rotation semestrielle n'est pas tenable et l'institution d'un président « chairman », personnalité qui aurait les qualités de sagesse et d'expérience nécessaires pour assurer, de façon satisfaisante, la continuité et la stabilité recherchées est souhaitable. Ce « chairman » s'appuierait sur la collaboration entre le Conseil « Affaires générales » et la Commission chargée de la préparation des Conseils européens. Mais l'institution de deux véritables présidences distinctes conduirait inévitablement à des conflits et des incohérences. Une solution alternative d'une réforme du système de rotation pourrait, par exemple, être basée sur la mise en place de 7 équipes de 5 Etats membres qui assureraient successivement la présidence pour des périodes de deux ans et demi.

Audition de M. Romano Prodi,
président de la Commission européenne,

sur l'avenir de l'Europe, le 12 mars 2003

Le Président Pierre Lequiller a vivement remercié le Président Romano Prodi d'avoir accepté de s'entretenir avec la Délégation pour l'Union européenne, et d'avoir choisi de le faire en français.

Il a précisé que c'était la première fois qu'un président en exercice de la Commission européenne était auditionné par la Délégation.

Il a souligné que, depuis le début de la législature, il avait tenu à intensifier les relations de travail avec la Commission européenne et a rappelé que dans cet esprit, la Délégation avait d'ores et déjà procédé à l'audition de plusieurs commissaires, M. Franz Fischler, M. Michel Barnier, M. Gunther Verheugen, Mme Michaele Schreyer, M. Pascal Lamy.

Il a ensuite indiqué que le thème général de l'audition était l'« avenir de l'Europe ». Il a souligné que cette question était doublement d'actualité, du fait, d'une part, des discussions en cours au sein de la Convention - soulignant à ce propos la participation très active de la Commission à ses travaux - et, d'autre part, du contexte international actuel qui amène à poser, d'une façon cruciale, la question de rôle de l'Europe dans le monde. Il a estimé que la crise actuelle devait favoriser la prise de conscience de la nécessité d'une politique étrangère commune.

Il a enfin proposé que le débat soit centré prioritairement autour des thèmes de la politique étrangère et de sécurité commune, de la réforme institutionnelle et de la politique économique et sociale.

Le Président Romano Prodi a tout d'abord exprimé sa profonde tristesse à l'annonce de l'assassinat du Premier ministre serbe, M. Zoran Djindjic. Il a considéré que cet attentat mettait encore davantage en lumière la situation politiquement très difficile dans laquelle se trouve la région des Balkans.

Il a ensuite souligné le fort intérêt qu'il avait à s'entretenir avec les membres de la Délégation pour l'Union européenne. Il a évoqué la participation de l'Assemblée nationale à la Convention et a salué en particulier le travail mené dans ce cadre par le Président Pierre Lequiller et par M. Jacques Floch.

Il a rappelé qu'il s'était déclaré partisan, dès le lendemain du Conseil européen de Nice, d'un changement de méthode de révision des traités. De ce point de vue, il a considéré que l'un des intérêts majeurs de la Convention résidait dans le fait d'associer directement les parlements nationaux à l'élaboration du futur traité constitutionnel. Il a estimé que la Délégation jouait un rôle important à travers le suivi de l'activité normative européenne et en participant à l'animation en France du débat sur l'Europe.

Il a jugé que cette audition se déroulait à un moment clé de l'intégration européenne, au cœur d'une crise internationale majeure et à un tournant de la Convention européenne.

Abordant en premier lieu la crise internationale actuelle, le Président Romano Prodi a considéré qu'une éventuelle guerre en Irak concernerait le monde entier et pourrait avoir notamment des répercussions durables sur l'intégration européenne. Il a souligné que cette éventualité met en cause des valeurs chères aux Européens, telles que notre attachement à la paix, à la règle de droit et aux instances multilatérales. Il a noté qu'il se trouvait que quatre Etats membres de l'Union et un pays candidat siégeaient actuellement au Conseil de sécurité des Nations unies. Il a considéré qu'un peu plus de dix ans après l'introduction, par le Traité de Maastricht, de dispositions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune, la crise actuelle constituait la première épreuve de la « Grande Europe ».

Il a estimé qu'il convenait, dans cette situation, d'éviter deux pièges :

- le premier consisterait à exagérer notre divergence avec les Etats-Unis. L'Europe ne se construit contre personne. Avoir sur un sujet une approche différente de celle de l'actuelle administration américaine, ne signifie pas que les Européens soient hostiles aux Américains. Nous partageons avec eux de nombreuses conceptions communes et des chapitres de notre histoire. Nous sommes des partenaires commerciaux et, dans notre grande majorité, des alliés militaires des Américains. Des partenaires doivent pouvoir dialoguer dans le respect mutuel et exprimer des désaccords ;

- le second piège serait d'exagérer nos divergences internes. Sur les grands principes et l'orientation générale, les Européens sont unis : comme l'a rappelé le Conseil européen extraordinaire du 17 février dernier, nous tenons à ce que les Nations unies demeurent au centre de l'ordre international et nous soutenons le Conseil de sécurité dans l'exercice de ses responsabilités. Nous croyons que la guerre n'est pas inévitable et plaçons l'Irak devant ses responsabilités.

Le Président Romano Prodi a néanmoins souligné qu'il fallait regarder en face les faiblesses de l'Europe, qui, malgré les dispositions expresses des traités n'est pas parvenue à une position commune. Depuis Maastricht, les Etats membres doivent faire preuve de loyauté et de solidarité mutuelle. Les Etats membres qui siègent au Conseil de sécurité doivent se concerter et tenir les autres Etats membres informés. Quant aux membres permanents, ils ont pris l'engagement de défendre les positions et les intérêts de l'Union.

Le Président Romano Prodi a estimé que, bien qu'après beaucoup de discours théoriques appelant à la naissance d'une « Europe puissance » ou d'un « superpower » les dispositions actuelles du traité n'aient pas été suffisantes, il ne fallait pas pour autant abandonner l'objectif d'une politique étrangère et de sécurité commune. Il s'est déclaré en accord avec l'appel lancé aux membres de la Convention par le Président Valéry Giscard d'Estaing, les incitant à poursuivre leur travail dans ce sens. Il a jugé que cet appel devait concerner également les parlementaires nationaux et qu'il convenait, en tout état de cause, de s'attacher à répondre à des questions de fond qui ont été éludées jusqu'à présent : quelle Europe voulons-nous bâtir ? Quel est notre projet commun ? Un simple « supermarché » ou un espace politique nous permettant de défendre nos convictions à l'échelle globale ?

Le Président Prodi a estimé qu'une opinion européenne émergeait peu à peu et que celle-ci demandait notamment à l'Union d'assurer sa sécurité intérieure et extérieure. Il a rappelé que dans sa communication à la Convention du 22 mai dernier, la Commission avait proposé un « projet » pour l'Europe incluant la nécessité pour l'Union d'« exercer les responsabilités d'une puissance mondiale ».

Il a considéré qu'il convenait de réfléchir d'abord aux finalités de l'action commune plutôt que de se focaliser sur les questions proprement institutionnelles. L'erreur commise à Nice en décembre 2000 a été d'aborder les questions de vote à la majorité qualifiée, de taille de la Commission et de pondération des voix, sans vérifier ce que nous voulions faire ensemble.

Il a jugé qu'au stade actuel de l'intégration, et dans la perspective de l'élargissement, l'efficacité de la prise de décision impliquait le recours à la majorité qualifiée, tout en reconnaissant que le développement du vote majoritaire était délicat et supposait la confiance, qui naît dans le dialogue et le respect mutuel. Le maintien de l'unanimité est un faux « bouclier » : il risque d'entraîner plus de blocages qu'il ne nous protège.

Il a estimé qu'une vertu de la crise irakienne était de favoriser un débat sans tabou sur l'essence même de l'Union.

Soulignant que le défi actuel auquel était confrontée l'Union était l'émergence de l'Europe dans le monde, le Président Romano Prodi a considéré que dans ce domaine, l'apport de la France était essentiel, compte tenu en particulier de l'expérience diplomatique et de la vision globale de notre pays. Il a estimé qu'en prenant le parti des Nations unies et des procédures multilatérales et, en courant le risque d'exprimer haut et fort leur point de vue, les autorités françaises défendaient implicitement une certaine conception de l'Europe, celle qui existait à l'origine de l'intégration. Lorsque l'Union politique émergera, elle recueillera les fruits de cette lucidité. Il a déclaré compter sur la France pour faire preuve de la même lucidité au sein de la Convention. Il a considéré que les différences démographiques, l'ampleur des défis économiques, les menaces sur l'environnement ou sur notre sécurité notamment, impliquaient d'approfondir le mouvement d'intégration pour permettre à nos pays de continuer à exister dans le monde. Il a cité le Général de Gaulle qui, s'exprimant lors d'une conférence de presse en 1967, estimait que « pour que l'Europe puisse se construire par elle-même et pour elle-même, de manière à n'être pas sous la dépendance d'un système économique, monétaire, politique qui lui soit étranger..., pour qu'elle puisse faire équilibre à l'immense puissance des Etats-Unis, il lui faut non pas du tout affaiblir, mais au contraire resserrer les liens et les règles de la Communauté ».

Le Président Romano Prodi a ensuite abordé directement les travaux de la Convention. Il a à cet égard noté l'importance qui s'attachait pour les pays européens à ne pas être prisonniers d'une « schizophrénie » qui consisterait à s'en remettre à l'Union pour leur prospérité et à déléguer aux Américains la charge de leur sécurité. Il a jugé que le projet européen était un projet politique qui formait un tout, comme il le rappelle souvent aux pays candidats.

Il a considéré qu'il était fortement souhaitable que la Convention aboutisse à un texte unique, clair et cohérent, qui constitue une proposition complète, sans options.

Dans cet esprit, il a estimé que ce texte devait prévoir des institutions capables d'agir, ce qui supposait pour chacune de celles-ci de se remettre en cause. Il a confirmé que la Commission y était prête, comme il l'avait indiqué lors de sa séance inaugurale.

Il a évoqué plus particulièrement la question de l'exécutif européen. Il a estimé que si l'Union avait incontestablement besoin d'un exécutif stable et identifiable, les propositions franco-allemandes tendant à doter le Conseil européen d'un président permanent pouvaient conduire à une rivalité entre le Président de la Commission et le Président du Conseil européen et à un dédoublement des bureaucraties. Il a souligné la nécessité de garantir une meilleure qualité du travail du Conseil européen et des différentes formations du Conseil des ministres et soulevé la question de la responsabilité du Président du Conseil européen (de son « accountability » comme disent les Anglo-saxons). Plusieurs points devraient, selon lui, être clarifiés, en particulier, le partage des compétences entre les deux présidents et la durée de leur mandat respectif, la question de la responsabilité du président du Conseil européen, l'organisation des travaux du Conseil des Ministres, notamment la présidence du Conseil « Affaires générales ».

Il a souhaité qu'un débat s'engage sur ces aspects institutionnels en tenant compte de l'intérêt général commun. Il a considéré que certaines solutions qui pouvaient paraître bonnes au niveau national ne l'étaient pas nécessairement dans le domaine communautaire. Il a souligné qu'il fallait notamment prendre en compte les avantages de la collégialité des institutions au regard de la diversité culturelle, du pluralisme, indispensables pour créer la confiance.

Il a par ailleurs indiqué qu'une réorganisation interne de la Commission était nécessaire et qu'il avait d'ailleurs fait des propositions en ce sens en juin dernier.

Le Président Prodi a enfin abordé l'Union économique et monétaire. Il a souligné que la Commission était pleinement consciente des difficultés actuelles de l'économie européenne, et en particulier du drame que constitue le chômage. Notant que, dans le cadre de l'Union économique et monétaire, le volet économique était moins développé que le volet monétaire, il a estimé que le Pacte de stabilité et de croissance, instrument principal de la surveillance multilatérale des politiques budgétaires, conçu dans la phase de naissance de l'euro, avait fait la preuve de son utilité dans ce contexte.

Il a souligné que la Commission, dans un souci de concilier discipline et flexibilité, avait revu les critères de mise en œuvre du pacte, afin de tenir compte de la conjoncture et des spécificités de nos économies.

Il a néanmoins rappelé qu'en tant que gardienne des traités elle devait appliquer les règles de la même manière à tous les Etats membres. Il a estimé que plus de flexibilité serait possible si une autorité commune disposait d'un plus grand pouvoir d'appréciation politique. Il a appelé à ouvrir sur ces sujets une réflexion sans tabou pour imaginer des instruments économiques adaptés aux défis que doit relever l'Europe.

Dans le même esprit, et en conclusion, il a considéré qu'il convenait de promouvoir une conciliation équilibrée entre, d'une part, le développement de l'impératif de concurrence et, d'autre part, les règles de protection sociale et la préservation des « services d'intérêt général ».

A l'issue de l'exposé du Président Romano Prodi, le débat suivant s'est engagé.

M. Pierre Lellouche a interrogé le Président de la Commission européenne sur les conséquences de la crise irakienne sur les institutions futures de l'Union, notamment quant au rôle d'un éventuel ministre européen des Affaires étrangères, alors que le recours à la majorité qualifiée peut conduire à ce qu'un « grand pays » soit mis en minorité par ses partenaires. S'agissant de la convergence des opinions publiques européennes sur le refus de la guerre en Irak, M. Pierre Lellouche a estimé que ce rapprochement ne s'inscrit pas dans le sens d'une « Europe puissance ». Alors que le cumul des budgets européens de la défense ne représente que 40 % du budget qu'y consacrent les Américains et que l'écart est de 1 à 7 en ce qui concerne la recherche, il s'est interrogé sur les moyens de parvenir à la définition d'un véritable budget européen de la défense.

M. René André a abordé le thème de l'élargissement. Tout en soulignant l'enthousiasme qui accompagne le processus de réunification de l'Europe, il s'est déclaré préoccupé par les difficultés que doivent encore surmonter les futurs pays membres. Il a ainsi demandé des précisions sur la manière dont les conditions posées à l'adhésion pourront effectivement être remplies. Au-delà, il s'est dit convaincu que la réussite de l'élargissement dépendra aussi d'un approfondissement des relations entre l'Union et ses voisins proches de l'Est et du Sud. Citant une expression du Roi du Maroc (« moins que l'adhésion mais plus que l'association »), il a souhaité des précisions sur la proposition formulée par le Président Romano Prodi visant à tout partager avec ces pays, sauf les institutions, pour éviter ainsi que les frontières de l'Union ne deviennent infranchissables.

Mme Elisabeth Guigou a évoqué la crise irakienne et les divisions de l'Europe qui ont révélé le non-respect des traités en vigueur. Après avoir souligné que l'élargissement n'est nullement en cause d ans ces divisions (les oppositions constatées ne font que révéler la coexistence ancienne de deux conceptions de l'Europe qui transcendent la distinction entre pays membres et pays candidats : l'une minimaliste, l'autre plus ambitieuse), elle s'est interrogée sur la façon dont l'Union pourra sortir renforcée de cette épreuve. Alors que la Convention élabore le cadre institutionnel de l'Europe élargie, Mme Elisabeth Guigou a posé la question de l'avant-garde, considérant que tous les pays ne seront pas prêts à tout faire ensemble, et au même moment. Elle a alors interrogé le Président Romano Prodi sur le champ d'action de ces avant gardes et sur leur base juridique, privilégiant leur inscription dans le cadre des traités plutôt que sur la base d'une coopération intergouvernementale qu'elle n'estime pas viable.

En réponse, le Président Romano Prodi a admis que le passage à la majorité qualifiée dans le domaine de la politique étrangère aura en effet des conséquences pour les « grands pays », qui se trouveront parfois placés en situation de minorité ; mais c'est là le propre d'une politique étrangère commune, qui ne pourra toutefois se réaliser que progressivement. La seule alternative à la majorité qualifiée, c'est l'absence de politique étrangère commune. Or pour être écoutée, l'Europe devra parler d'une seule voix. Il s'est à ce sujet déclaré surpris par l'unanimité des opinions publiques sur la crise irakienne, qui tranche avec les divisions affichées par les gouvernements. En ce qui concerne la création d'un ministre européen des Affaires étrangères, il a souligné que celui-ci existe déjà, mais que sa fonction est exercée par deux personnes : le Haut Représentant et le Commissaire chargé des relations extérieures. Le Président Romano Prodi a ainsi plaidé en faveur d'une fusion de ces deux postes, dans le souci notamment d'une meilleure coordination entre la politique étrangère et la politique d'aide au développement. Ce ministre européen des Affaires étrangères devra être une force de proposition tandis que le pouvoir de décision continuera de relever du Conseil, statuant à la majorité qualifiée. S'agissant du domaine militaire, il a toutefois estimé nécessaire le maintien, à ce stade, de la règle de l'unanimité. A long terme, l'Europe devra cependant disposer d'une capacité de défense efficace - elle ne représente actuellement que 8% de la capacité de défense américaine -, à côté d'une diplomatie performante, respectueuse du droit onusien.

En ce qui concerne l'élargissement, le Président Romano Prodi s'est déclaré confiant dans la capacité des futurs pays membres à remplir les conditions posées pour leur adhésion. Mais il a souligné l'importance qu'un débat public se tienne à tous les niveaux (européen, national, local) sur les frontières de l'Europe et sur la notion d'identité commune. C'est pour répondre à la critique de ceux qui considèrent que le processus actuel d'élargissement ne fait que déplacer le rideau de fer qu'il a proposé aux pays voisins de l'Union de « tout partager, sauf les institutions », parce que l'Europe n'est pas qu'un grand marché.

Les trois grandes locomotives de l'économie mondiale sont actuellement en crise avec moins de 1 % de croissance et l'ironie de l'histoire est que les puissances les plus performantes sont la Chine et la Russie.

L'avant-garde ne doit pas se réaliser au détriment de l'acquis communautaire sous peine de tomber dans une Europe à la carte qui n'est pas acceptable.

Les pays des Balkans font partie intégrante de l'Europe et ont vocation à entrer dans l'Union européenne au terme d'un processus qui prendra du temps. La Croatie vient de déposer sa demande d'adhésion et l'Europe a déjà fait des miracles dans les Balkans, même si ce jour de deuil en Serbie peut laisser penser le contraire.

L'Albanie par exemple a vraiment changé parce que ce pays veut être membre de l'Union européenne. Les pays des Balkans ont un PIB global représentant 1 % de celui de l'Union européenne et disposent d'une capacité d'absorption des aides s'élevant à 5 % de leur PIB national ; leur intégration dans l'Union européenne est donc réalisable financièrement.

Après avoir remercié le Président Prodi d'avoir introduit de la passion mais aussi un sens de la relativité italien dans le débat, M. Jacques Myard a affirmé que la crise irakienne avait déjà fait deux victimes collatérales : Tony Blair et l'idée d'« Europe puissance ». Vouloir forcer l'intérêt commun à coup de procédure est une fuite en avant vouée à l'échec. On ne peut pas forcer l'Allemagne, le Royaume-Uni, la France et l'Italie quand il faut choisir entre la guerre et la paix. Les hommes pressés n'ont pas compris que l'Europe est déjà faite dans certains domaines comme l'économie, mais qu'elle ne constitue pas la base d'un super-Etat et qu'il y a plusieurs niveaux d'Europe. L'ancien Président de la République avait raison de vouloir donner du temps au temps et c'est une grave erreur de penser pouvoir dégager une volonté commune par la procédure là où cette volonté n'existe pas. Il faut faire une pause, consolider le consolidable, élargir et considérer que l'« Europe puissance » est « une idée d'avenir et de génie dans la pensée de Dieu ».

Après avoir rappelé la réticence de la Commission à l'égard de la désignation du président du Conseil européen pour une période plus longue qu'actuellement au motif qu'elle ouvrirait une concurrence entre le Conseil européen et la Commission, M. François Guillaume a demandé si l'élection du Président de la Commission à la majorité simple par le Parlement européen, en débat actuellement à la Convention, ne créerait pas une rivalité entre le Président du Conseil européen et le Président de la Commission et n'empêcherait pas la Commission de continuer à être le moteur de l'intégration en la politisant excessivement.

Par ailleurs il ne faudrait pas que la fuite en avant dans la PESC suscitée par la crise irakienne laisse de côté des problèmes en suspens, comme l'harmonisation des accises en matière de fiscalité, la nécessité de compléter l'Union économique et monétaire et le besoin de corriger les défaillances sur les aspects commerciaux.

M. Christian Philip a demandé au Président Prodi de préciser sa position sur les objectifs réalistes en politique étrangère pour les cinq prochaines années, sur la proposition du Président Lequiller de présidence unique du Conseil européen et de la Commission de l'Union européenne, sur le nombre souhaitable de commissaires dans une Europe élargie et sur les conséquences pour les discussions avec la Turquie du refus du plan de réunification de Chypre par les deux communautés.

M. François Bayrou a estimé que la profondeur de la crise européenne provoquée par l'affaire de l'Irak peut être mesurée en rappelant les engagements relatifs à la politique étrangère que les Etats membres doivent respecter en vertu des traités en vigueur. Que disent en effet les dispositions actuellement applicables ? D'abord, les Etats membres doivent assurer une information réciproque et procéder à des consultations entre eux avant toute prise de position. La fracture révélée par la position franco-allemande, d'une part, et la lettre des huit, d'autre part, va donc à l'opposé de cet engagement. De plus, cette division s'est faite sur un grand sujet de politique étrangère, qui aura sans doute des répercussions sur les dix années à venir. Ensuite, les Etats membres doivent faire preuve de solidarité et de loyauté entre eux. Or, au Conseil de sécurité des Nations unies, des pays européens vont s'opposer, voire imposer leur veto, à un projet de résolution soutenu par les Etats-Unis et un autre Etat membre. Enfin, le traité stipule que les Etats membres, membres permanents du Conseil de sécurité doivent représenter les intérêts de l'Union, ce qui n'est évidemment pas le cas en l'espèce. Ainsi, on peut mesurer la distance qui reste à parcourir pour bâtir une vraie politique étrangère commune lorsque l'on constate que ce qui est déjà prévu n'est même pas respecté.

M. François Bayrou a déclaré que dans ces conditions, il ne pouvait pas partager les propos du président de la République sur la nature et la gravité de cette crise européenne. Il a par ailleurs souligné le contraste choquant qui existe entre les délibérations et les votes publics du Conseil de sécurité des Nations unies, qui permettent d'informer et d'associer les citoyens aux graves décisions qui y sont prises, et la clandestinité et l'opacité des réunions du Conseil des ministres ou du Conseil européen. Puis, en réponse aux intervenants qui semblent appeler de leurs vœux la venue d'une « crise finale » de l'Europe, M. François Bayrou a fait deux observations. Il a d'abord estimé que si un Etat membre n'accepte pas un jour d'être mis en minorité sur un sujet de politique étrangère, alors l'Europe doit se résigner à ne pas exister dans le monde. Il a ensuite souligné les dangers d'une diplomatie qui n'acceptait pas d'être mise en minorité, en citant l'exemple des Etats-Unis prêts à agir seuls contre l'opinion publique mondiale et la plupart des pays de la planète. En conclusion, il a demandé au Président Romano Prodi quels sont, selon lui, les points clefs permettant de dessiner une architecture institutionnelle qui puisse doter l'Europe d'une véritable politique étrangère commune.

Le Président Romano Prodi a apporté les éléments de réponse suivants :

- l'« Europe puissance » n'est certainement pas une victime collatérale de la crise irakienne, car pour l'instant cette Europe-là n'existe pas encore. Toutefois, l'affaire de l'Irak a illustré aux yeux de l'opinion publique la nécessité de construire une telle Europe. En outre, la France et l'Allemagne ne pourront, à l'avenir, gérer toujours seules ce type de crise. Venise était à la fin du quinzième siècle une grande puissance mondiale, puis l'histoire l'a fait disparaître de la scène internationale car elle ne s'est pas associée à Gênes. Il faut donc choisir entre une France qui disparaît de l'histoire et une France qui reste un acteur de l'histoire avec ses partenaires européens. Certes, l'unité sur le plan militaire et diplomatique ne peut se faire que progressivement, à l'instar de l'euro qui a été réalisé après 45 ans de construction européenne, mais cet objectif doit être impérativement poursuivi afin que l'Europe puisse exister face à un acteur en pleine expansion tel que la Chine. D'ailleurs, le Premier ministre chinois déclare lui-même qu'il préfère un monde multipolaire à un monde unipolaire et que pour cela il souhaite détenir la même quantité de dollars et d'euros. Si les autres pays croient en l'« Europe puissance », pourquoi l'Europe ne ferait-elle pas ce pari pour l'avenir ? ;

- actuellement, dans le domaine des relations extérieures, seules la coopération au développement et la politique commerciale sont communautarisées. Ce sont des domaines dans lesquels l'Europe est performante, surtout en matière de négociations commerciales. L'efficacité des procédures entièrement communautarisées et confiées à la Commission, concernant la concurrence et le contrôle des fusions, illustre les avantages de la méthode communautaire. Elle nous vaut d'ailleurs pour ces domaines le respect des Etats-Unis ;

- s'agissant du risque de politisation de la Commission européenne si son président est élu par le Parlement européen à la majorité simple, M. Prodi a indiqué qu'il est difficile de faire l'économie d'une Europe démocratique sans associer les forces politiques aux institutions. Il est d'ores et déjà investi par le Parlement européen. L'onction du Président de la Commission européenne par un organe élu au suffrage universel donne à celui-ci un réel poids politique. Mais il est également important que la Commission européenne reçoive l'appui du Conseil européen, car l'Europe se construit sur la double légitimité des peuples, représentés par le Parlement européen, et des Etats, représentés par le Conseil européen ;

- il est vrai qu'on ne peut réfléchir à la politique étrangère commune sans définir une politique économique commune. On ne peut vouloir l'un sans l'autre. D'autre part, par rapport à la politique étrangère, l'Europe dispose de moins de temps pour progresser dans l'intégration des politiques économiques : la monnaie unique nous impose d'avancer rapidement, sinon l'Europe risque de s'exposer à de très graves problèmes ; à cet égard, il y a urgence ;

- le traité de Nice a réglé la question du nombre des commissaires en prévoyant deux phases : une première phase à 25 commissaires, puis une phase qui verra moins de commissaires qu'il n'y a d'Etats membres. Ce n'est pas le nombre de commissaires qui suscite de réelles difficultés : le vrai enjeu est celui des pouvoirs du Président de la Commission européenne, qui doit disposer de la faculté d'établir une hiérarchie entre les portefeuilles des commissaires. Par ailleurs, la solution actuellement retenue est très importante pour les futurs Etats membres, très attachés à posséder un commissaire pour mieux se faire entendre ;

- il faut expliquer aux futurs Etats membres la nécessité de construire une politique étrangère commune. Certes, ces pays ont vécu un passé difficile et l'OTAN leur offre une garantie importante. Mais ils doivent écarter l'idée selon laquelle il est rationnel de confier leurs seuls intérêts économiques à l'Union européenne et leur sécurité aux Etats-Unis, car cette « schizophrénie » n'est pas viable sur le long terme ;

- Chypre sera réunifiée un jour. Il est regrettable que les efforts du Secrétaire général des Nations unies n'aient pas abouti, ce qui aurait permis d'accueillir un pays réunifié. Il est à espérer que cette adhésion n'ait pas de conséquences négatives sur le plan des relations avec la Turquie ;

- la publicité des débats est nécessaire au Conseil des ministres et au Conseil européen, puisqu'ils exercent des compétences exécutives mais aussi législatives, tout comme le Parlement européen où les séances sont déjà publiques ;

- la future architecture institutionnelle ne pourra fonctionner harmonieusement que s'il est mis fin à la règle de l'unanimité, qui constitue la question essentielle.

M. Jacques Floch a évoqué les tentatives qui avaient eu lieu à la Convention pour remettre en cause la primauté du droit communautaire sur le droit national, s'interrogeant sur la position de la Commission à ce sujet. Passant à la question du récent référendum maltais, il s'est demandé quelle portée il fallait donner à la majorité de 53 % de oui qui s'est dégagée, puisque l'opposition maltaise affirme vouloir remettre en cause le résultat dans le cas de sa victoire aux prochaines élections législatives. L'Union européenne serait-elle prête à proposer dans cette hypothèse un partenariat, alors que cela risquerait de donner un mauvais exemple aux autres pays concernés par l'élargissement ?

M. Jean-Louis Bianco a souhaité savoir quels Etats membres poussaient dans la direction de l'Europe « supermarché » et quels autres marquaient la volonté d'en faire un espace politique. Abordant la question des services d'intérêt général, ou services publics, il s'est enquis des pas concrets qui avaient été faits pour mieux répondre en ce domaine aux attentes de nos concitoyens.

M. Daniel Garrigue a demandé où en était le sujet de la nécessaire clarification des compétences dans les débats de la Convention, observant qu'il importait que soient bien définis les champs respectifs de l'Union européenne et des Etats membres. Reprenant les propos du Président de la Commission sur la démocratie et la légitimité, il a souligné que la proposition franco-allemande reposait à la fois sur la légitimité des Etats nations et sur celle du Parlement européen, demandant si elle ne devait pas être soutenue dans cette mesure. Analysant la situation internationale, il a affirmé que la capacité de l'Europe à agir sur la scène internationale était moins en cause que les rapports particuliers de chaque Etat avec les Etats-Unis. Mais l'influence extérieure ne se réduit pas au domaine militaire et diplomatique. En matière de recherche et d'aménagement du territoire, l'Europe ne souffre-t-elle pas aussi d'un manque de moyens qui l'empêche d'exister sur le plan international ?

A ces questions, le Président Romano Prodi a apporté les éléments de réponse suivants :

- la primauté du droit communautaire constitue la pierre angulaire de la communauté de droit que constitue l'Union européenne. L'expérience montre que l'abandonner sonnerait le glas des décisions européennes ;

- le score de 53 % de « oui » à Malte est extraordinaire, si l'on garde à l'esprit que les consultations électorales s'y jouent d'ordinaire à quelques voix seulement. Si Malte adhère, elle deviendra un membre à part entière de l'Union européenne, mais elle ne saurait être à la fois dehors et dedans. Il ne saurait y avoir d'exception maltaise. Refuser l'adhésion renverrait l'île dans le « cercle des amis » ;

- les clivages entre Etats membres sont connus de tous, lorsqu'il s'agit de l'avenir de l'Europe. Toutefois, même certains pays qui veulent une Europe minimale dans certains domaines sont partisans dans d'autres d'un approfondissement des relations communautaires. L'Union européenne doit fixer sa doctrine en la matière également au vu de ses relations extérieures. Aussi la théorie du « cercle des amis » est-elle particulièrement importante parce qu'elle permet de développer des coopérations fortes avec les Etats voisins, dans le domaine de l'énergie, du libre-échange ou des visas. Sans adhérer dans l'Union européenne, Russie et pays de la Méditerranée peuvent se trouver ainsi associés à quelques aspects de son fonctionnement ;

- Bruxelles n'est pas la capitale d'un super-libéralisme européen qui ne ferait pas sa place aux services publics. A l'heure où l'exclusion s'aggrave, , où le lien social s'effrite, où les écarts de revenus se creusent, les services publics ont un rôle à jouer, dans le respect des règles du marché. Fruit d'une réflexion longue de dix ans, un Livre vert de la Commission, invitant au débat, devrait paraître sur ce sujet en avril prochain ; on y trouvera des réflexions tout à fait équilibrées ;

- aucun catalogue des compétences n'a été établi à la Convention, mais des domaines sont circonscrits dans le souci du plus grand respect de la subsidiarité qui veut qu'on n'accorde à l'Union que les compétences qu'il est nécessaire d'exercer à l'échelle européenne mais ce sont parfois les plus délicates. La culture ou l'enseignement supérieur n'entrent pas dans les compétences naturelles de l'Union européenne, même si elle doit encourager la mobilité des étudiants et des professeurs. Mais elle doit aussi s'appuyer sur des centres de recherche d'excellence, qui lui permettront de tenir sa place dans la concurrence intellectuelle avec les Etats-Unis ;

- la double présidence présente l'inconvénient de dédoubler les appareils administratifs, avec le risque de faire naître deux bureaucraties. Si elle doit se réaliser, il peut être utile que le Président du Conseil exerce ses fonctions plus de six mois. Mais, en tout cas, il faut éviter la dispersion des énergies ; la présidence unique , du Conseil européen et de la Commission, pourrait être une solution ;

- le développement d'une politique étrangère européenne n'exclut pas le maintien de bonnes relations avec les Etats-Unis. L'expérience actuelle peut être source d'enseignement sur les progrès qui restent à faire en ce domaine ;

- les avant-gardes ont le mérite d'encourager l'ensemble des Etats membres à avancer, mais l'acquis doit être préservé. L'expérience de l'euro, qui est une avant-garde, même très large, prouve qu'il n'est pas possible de faire l'économie de cette formule, mais il faut éviter une Europe à la carte.

Le Président Pierre Lequiller a remercié le Président de la Commission d'avoir usé d'un langage aussi direct malgré la réserve que lui imposent ses fonctions. Il a souhaité que la Délégation se fasse l'écho au sein de l'Assemblée nationale de ses propositions et de ses analyses, notamment en matière de politique étrangère et de sécurité commune.

Audition de M. Karl Lamers, ancien député du Bundestag,
sur la politique étrangère et de sécurité commune, le 3 juin 2003

Le Président Pierre Lequiller, rappelant les raisons qui l'ont incité à inviter M. Karl Lamers devant la Délégation, a indiqué que ce dernier avait cosigné, le 1er septembre 1994, un rapport avec M. Wolfgang Schaüble sur l'avenir de l'euro dans lequel était défini le rôle du noyau dur. Constitué de cinq Etats - à l'exclusion de l'Italie et de l'Espagne regardées alors comme ne satisfaisant pas aux critères de convergence -, il avait pour mission d'entraîner l'Union européenne à mettre en place la monnaie unique.

En second lieu, le Président Pierre Lequiller a fait observer que les discussions actuellement en cours à la Convention sur la PESC et la PESD justifiaient pleinement l'audition de M. Karl Lamers, car se trouve posée la question de savoir si l'Europe ne doit pas reposer sur un groupe pionnier ouvert aux autres Etats membres ou, comme l'a dit Jacques Delors à propos de l'euro, à ceux qui peuvent et à ceux qui le veulent, configuration qui, seule, permet d'effectuer un saut qualitatif dans une Europe élargie à vingt-cinq membres. A cet égard, il a relevé que le rapport Lamers-Schaüble de 1994 demeurait d'actualité de par les thèmes qu'il avait alors abordés : développement institutionnel de l'Europe, réalisation du principe de subsidiarité et transfert des compétences au niveau inférieur, renforcement du noyau dur au sein de l'Union, intensification qualitative de la coopération franco-allemande, renforcement de l'Union en matière de politique extérieure et élargissement de l'Europe à l'Est. Il a considéré que l'élargissement offrait l'occasion d'un débat entre la Délégation pour l'Union européenne et M. Karl Lamers sur sa vision de la Convention et ses réflexions en matière de PESC et de PESD, d'autant qu'au travers des différents groupes politiques, il existe un consensus sur la nécessité pour l'Europe de ne pas constituer seulement un marché et une zone monétaire, mais également de jouer un rôle politique sur la scène internationale.

M. Karl Lamers a indiqué que cette invitation offrait l'occasion d'aborder la question de l'avenir politique de l'Europe à un moment où ce dernier dépend de la France, de l'Allemagne et de la coopération entre ces deux pays.

Observant que la Convention présentera bientôt un projet de traité sur la Constitution européenne, il a rappelé que cette même idée de Constitution européenne figurait déjà dans le rapport qu'il avait présenté avec M. Schaüble, ce qui avait alors choqué de nombreuses personnalités.

Il importe de débattre sur la PESC car il s'agit d'un élément fondamental de l'Europe politique. Celle-ci n'existe pas encore, parce qu'elle n'aura conscience d'elle-même que lorsqu'elle pourra affirmer son identité par rapport au monde extérieur. Or, aujourd'hui, la PESC demeure toujours balbutiante en dépit d'efforts récents. L'identité politique de l'Europe est encore très peu marquée, comme l'ont montré, de manière éclatante, la crise irakienne, le débat intervenu au sein du Conseil de sécurité des Nations unies et la crise qui s'est produite consécutivement en Europe. Le besoin d'une PESC est apparu non seulement lors de ces événements, mais aussi lorsque l'Europe n'était pas en mesure de prendre seule ses intérêts en charge, ainsi que l'a illustré la crise des Balkans, puisque l'incapacité des Européens à surmonter leurs propres divergences les avaient alors conduits à faire appel aux Etats-Unis pour régler cette crise.

Abordant les principes sur la base desquels la Convention pourrait contribuer à l'élaboration de l'Europe politique et d'une PESC, M. Karl Lamers a d'abord évoqué le rôle de la majorité qualifiée. Il y a vu une condition d'efficacité des décisions, devant permettre l'expression d'une volonté commune. Certes, dans le traité actuel, le vote à la majorité qualifiée existe déjà, mais il est difficile à mettre en œuvre puisque, dans certains cas, le Conseil statuant à la majorité qualifiée peut demander que le Conseil européen soit saisi de la question en vue d'une décision à l'unanimité. On peut affirmer que l'application des procédures actuelles n'aurait pas suffi pour permettre à l'Europe d'adopter une position commune au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, lors de la crise irakienne.

Ces difficultés risquent de s'accroître dans l'Europe élargie, car certains Etats ne pourront pas participer aux décisions relevant de la PESC, lorsqu'il sera nécessaire de procéder à des missions sur le terrain. Il est donc, dans ce contexte, nécessaire d'inscrire le principe des coopérations renforcées dans les traités européens. Cette notion est toutefois différente de celle de noyau dur, cette dernière correspondant à un groupe de pays qui joue un rôle moteur dans tous les domaines, quelle que soit la situation. Ce groupe inclut les quatre Etats membres qui ont récemment voulu faire avancer la PESC, à l'initiative de la Belgique, et auxquels pourraient s'associer un ou deux autres Etats.

M. Karl Lamers a déclaré que le cœur du noyau dur était constitué par la France et l'Allemagne et a regretté que l'Italie et les Pays-Bas n'en fassent pas partie. Seul ce rôle central joué par la France et l'Allemagne dans le noyau dur permettra réellement à la PESC d'exister. C'est pourquoi il serait souhaitable que les deux pays fassent des propositions communes concernant la constitution d'une avant-garde en matière de politique étrangère et de sécurité commune.

Il a également jugé que ces propositions ne peuvent susciter un écho chez les autres Etats membres que si la France et l'Allemagne se déclarent prêtes à avancer toutes seules dans ce domaine. C'est à cette condition que la détermination du couple franco-allemand peut avoir un effet d'entraînement en Europe et déboucher éventuellement sur l'inscription du principe du noyau dur dans la future Constitution de l'Union.

M. Karl Lamers a indiqué que ces propos dont il faisait part aux membres de la Délégation résultaient d'une longue réflexion, stimulée par la récente crise irakienne. En effet, celle-ci a mis en lumière une question existentielle pour l'avenir de l'Europe, celle du maintien de l'union des Européens autour de règles institutionnelles communes.

Il a souligné l'importance des procédures institutionnelles, qui sont les seules à pouvoir fabriquer un consensus et faciliter la prise de décisions communes. Il a toutefois précisé que l'enjeu de ces procédures ne pouvait se résumer à la question du vote à la majorité qualifiée. Certes, un tel système de décision oblige les participants à rechercher le consensus sur les sujets traités, car cette procédure peut les mettre en minorité, ce qu'ils cherchent à éviter. Mais l'existence de procédures institutionnelles efficaces implique aussi un consensus sur les principes.

M. Karl Lamers a estimé que la crise irakienne avait démontré que ce consensus n'existait pas. En effet, l'Europe s'est divisée sur la question fondamentale de savoir si elle devait ou non faire la guerre. Cette question essentielle a provoqué des clivages au sein même des pays européens.

Il a cependant considéré que la question qui a divisé l'Europe à l'occasion de la crise irakienne a également posé un problème bien plus important encore, qui concerne le rôle que doivent jouer les Etats-Unis en Europe. Il a ainsi observé que les signataires de la lettre des huit et de la déclaration du groupe de Vilnius n'avaient pas souhaité convoquer un sommet européen pour traiter de la question irakienne, mais s'étaient directement adressés aux Etats-Unis, érigeant ces derniers en partenaire à part entière du Conseil européen, sans qu'ils n'aient toutefois à se plier aux règles de ce dernier.

Ces initiatives ont conduit les Etats-Unis à agir comme une puissance qui intervient en Europe pour rétablir l'équilibre, menacé par l'Allemagne. Ce rôle de « protecteur » a déjà été joué par les Etats-Unis, à la satisfaction d'ailleurs de l'Allemagne de l'après-guerre. Comme l'a souligné Margaret Thatcher, lors d'un discours prononcé à Bruges, la puissance allemande rassure l'Europe lorsqu'elle est contrôlée par les Etats-Unis.

M. Karl Lamers a jugé que la principale motivation des signataires de la lettre des huit et de la déclaration du groupe de Vilnius ét ait de contrecarrer les ambitions du couple franco-allemand. A l'exception de la Grande-Bretagne qui avait sa propre vision, ce n'est pas le dossier de l'Irak qui a conduit ces pays à s'aligner sur la position des Etats-Unis, mais leur souhait de s'opposer à une tutelle franco-allemande en Europe. Cela est particulièrement vrai pour les pays d'Europe centrale et orientale, et notamment pour la Pologne : la résurgence d'un axe Paris-Berlin-Moscou ne pouvait que susciter des frayeurs dans cette partie du continent. M. Karl Lamers a regretté que la France et l'Allemagne n'aient pas fait davantage d'efforts pour expliquer leur position. La manière dont ces deux pays ont procédé dans cette crise a eu des conséquences regrettables, car elle a empêché l'unité de l'Europe.

Il a insisté sur le fait que les Européens sont divisés sur le rôle que doivent jouer les Etats-Unis sur le continent. La crise irakienne a incité les Etats-Unis à entrer une nouvelle fois sur le terrain de jeu de l'Europe et à se retrouver sur un pied d'égalité avec les Européens.

C'est la raison pour laquelle l'Europe doit réfléchir à sa relation avec les Etats-Unis. M. Karl Lamers a affirmé que l'identité de l'Europe comme communauté ne peut se construire que si cette dernière redéfinit ses relations avec le reste du monde. Or, comme les Etats-Unis sont présents partout, l'Europe ne peut éviter de se repositionner par rapport à l'Amérique, exercice qui s'impose à d'autres parties du monde, y compris aux pays les plus puissants, comme la Chine.

M. Karl Lamers a souligné la difficulté de cet exercice pour l'Europe, en rappelant que les Etats-Unis sont à la fois une puissance non européenne et européenne au regard des valeurs qu'ils défendent. La question est encore plus délicate pour l'Allemagne en raison du rôle historique qu'ils ont joué au lendemain de la deuxième guerre mondiale.

Il a néanmoins ajouté que la redéfinition des rapports de l'Europe avec les Etats-Unis ne devait pas déboucher sur une coopération euro-américaine moins importante. En effet, le défi auquel est actuellement confronté l'Occident est, malgré la domination économique de ce dernier, bien plus vaste que celui vécu pendant la période de la Guerre Froide.

Il a jugé que, dans ces conditions, les Etats-Unis et l'Europe doivent coopérer sur un pied d'égalité et non selon des liens de vassalité. Les Etats-Unis doivent donc traiter l'Europe en véritable partenaire et ne pas attendre d'elle une attitude de suivisme. D'autre part, l'Europe doit gagner en puissance. La maturation de ce partenariat devrait être facilitée par le fait que les Etats-Unis ont de plus en plus besoin de l'Europe. Si les exemples de l'Afghanistan et de l'Irak montrent que les Etats-Unis peuvent se passer d'elle dans un premier temps, et atteindre leurs objectifs militaires sans l'aide des Européens, ils ne peuvent gérer efficacement l'après-guerre en restant seuls.

La puissance militaire reste décisive et constitue une nécessité pour l'Europe. Il est inexact de dire que l'Allemagne est par nature un pays pacifiste : elle est réticente à employer la force, mais elle est aussi consciente qu'en certaines occasions, le recours aux armes est inéluctable. M. Karl Lamers a rappelé qu'il s'est prononcé pour un tel usage de la force lors de la crise des Balkans, défendant au départ une position isolée.

Cependant, les moyens militaires ne peuvent pas tout régler : au mieux, ils peuvent préparer le terrain pour une solution politique, comme le montre l'exemple de l'Afghanistan. Les limites de l'action militaire soulignent toute l'importance qu'il faut donner aux solutions diplomatiques et c'est précisément dans ce domaine que l'Europe peut avancer ses propres propositions. M. Karl Lamers a déclaré que l'Europe politique ne peut exister que si elle sait ce qu'elle veut en cas de conflit.

La future Constitution européenne doit donc contenir trois principes fondamentaux en matière de politique étrangère et de défense commune. Tout d'abord, un exécutif fort avec un ministre des affaires étrangères disposant de véritables capacités d'action, ce qui impose l'existence d'une administration propre. Deuxièmement, il faut prévoir des possibilités de décider à la majorité qualifiée et, enfin, la faculté de créer des coopérations renforcées. On peut se demander néanmoins s'il sera possible de parvenir à un tel résultat, car, même si la Convention adopte les trois principes précités, il n'est pas certain qu'elle sera suivie par la conférence intergouvernementale. Dès lors, le noyau dur franco-allemand est appelé à jouer un rôle essentiel. Si ces deux Etats parviennent à se mettre d'accord, il est probable qu'ils pourront convaincre les autres Etats membres de suivre leur politique, pour peu qu'ils fassent preuve de tact envers eux. On peut même affirmer que le futur ordre mondial dépend de ce noyau dur, car s'il parvient à prendre forme, le monde aura un nouveau visage.

M. Karl Lamers a déclaré qu'au cours de sa carrière politique, il avait eu l'occasion de rencontrer des dirigeants non occidentaux qui exprimaient des attentes à l'égard de l'Europe. Or, aujourd'hui, il lui semble malheureusement qu'ils ont renoncé à cet espoir et qu'ils sont résignés.

Le Président Pierre Lequiller a remercié M. Karl Lamers pour cette présentation à la fois forte, franche et libre.

M. Marc Laffineur a dit partager cette analyse soucieuse de l'avenir de l'Europe. Il faut avoir conscience que l'Europe est à un tournant et, pourtant, on ne sent plus l'existence d'un consensus de base. A cet égard, la crise irakienne conduit peut-être à regretter le choix d'un élargissement rapide aux pays d'Europe centrale et orientale, avant toute réforme des institutions. Il est exact que la France et l'Allemagne ne peuvent se résoudre à un ordre mondial américain, les Etats-Unis ne pouvant d'ailleurs à eux seuls organiser le monde. Mais l'Europe est aujourd'hui malade, ce qui se perçoit même dans les opinions publiques et notamment auprès des jeunes, qui ne comprennent plus très bien l'intérêt de l'Union européenne. On peut se demander si la seule chance de sauver l'Europe ne serait pas l'existence d'un noyau dur susceptible de prendre des décisions innovantes, ne se limitant pas à la construction d'une zone de libre-échange.

M. Pierre Forgues a exprimé son accord sur l'essentiel de l'intervention de M. Karl Lamers, mais a néanmoins souligné une différence, tenant à l'importance de la puissance militaire européenne pour l'établissement de relations équilibrées avec les Etats-Unis. On ne peut redéfinir les relations Europe-Etats-Unis qu'en construisant, avant même un exécutif fort, une défense européenne crédible. Le couple franco-allemand a pu jouer un rôle primordial dans une Europe à six, à neuf, voire même à quinze, mais cela ne saurait être le cas dans une Europe à vingt-cinq, ce qui conforte la nécessité d'une défense commune, afin que les autres Etats membres disposent d'une alternative pour assurer leur sécurité. Il importe enfin de ne pas considérer que l'organisation mondiale doit être exclusivement définie par les Etats-Unis et l'Europe. D'autres partenaires ont manifestement leur place dans cette organisation.

M. Jacques Floch a considéré que la relecture du rapport Lamers-Schaüble, mettait en évidence son actualité. Il était déjà souligné que les institutions étaient mal adaptées au nombre d'Etats membres, qu'il existait des divergences d'intérêts reposant sur des niveaux économiques et sociaux très disparates et que les perceptions des priorités internes et externes étaient très différentes. Aujourd'hui, les écarts entre les produits intérieurs bruts par habitant vont de 1 à 30, les politiques sociales sont absentes dans certains Etats membres et, s'agissant des relations avec les pays méditerranéens, le Président Romano Prodi a pu formuler le concept de « cercle des amis » pour exclure la possibilité de leur intégration.

Le constat étant le même qu'en 1994, on peut supposer que les propositions formulées à l'époque pourraient également être reprises, notamment en ce qui concerne l'affirmation du principe de subsidiarité, la nécessaire constitution d'un noyau dur et le développement d'une politique étrangère et de sécurité commune. Il convient d'affirmer qu'on ne peut avoir pour seul but un rapprochement avec les Etats-Unis. L'objectif essentiel est en réalité la contribution de l'Europe à la paix dans le monde et il ne pourra être atteint sans la participation de la Chine et de certains Etats d'Amérique du Sud et, à plus longue échéance, des Etats africains.

Au sein de la Convention européenne, certains Etats candidats n'ont aucun complexe à affirmer que leur sécurité dépend des Etats-Unis, ce qui est compréhensible dans la mesure où ils ont longtemps rêvé de la protection de l'OTAN. On peut donc penser que le couple franco-allemand aurait intérêt à être plus pédagogue, pour faire comprendre à ces Etats, sans moquerie ni agacement, qu'ils font partie de l'histoire européenne.

Le Président Pierre Lequiller a considéré qu'on ne pouvait faire l'Europe politique sans une défense commune et, peut-être même, que l'instauration de cette défense commune doit précéder la mise en place d'une politique étrangère commune. Il existe aujourd'hui, de façon schématique, trois perceptions de l'Europe : l'une souhaitant son indépendance à l'égard des Etats-Unis, position défendue par la France, l'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg ; une vision atlantiste soutenue par la Grande-Bretagne et, enfin, une perception atlantiste par opportunité ou par confort, à laquelle se rallient l'Espagne, l'Italie et les pays candidats. Ces derniers Etats se rangeront aux côtés des Etats-Unis tant que l'on n'aura pas élaboré une politique de défense commune, compte tenu de leur désir de protection contre la Russie, alors même qu'ils ont souhaité intégrer l'Europe pour des raisons essentiellement d'ordre politique et non pas économique.

Le Président Pierre Lequiller s'est interrogé sur la composition du noyau dur. M. Karl Lamers n'y inclut pas le Royaume-Uni, ce qui apparaît difficile si l'on souhaite progresser à partir de la défense, pour arriver dans un second temps à une politique étrangère commune. Le Royaume-Uni, compte tenu de ses capacités en la matière et de la volonté dont il fait preuve sur ce sujet, apparaît en effet incontournable. Le Président Pierre Lequiller a également souligné que le couple franco-allemand était aujourd'hui toujours nécessaire et essentiel, mais plus suffisant. Il faut y associer notamment les Espagnols et les Italiens, et entraîner les autres. Il a aussi souhaité savoir si l'Allemagne devrait réaliser un effort supplémentaire en matière de dépenses militaires. Enfin, il a rappelé que la France et l'Allemagne avaient pris position en faveur du passage à la majorité qualifiée dans ce domaine, ce qui représente une évolution importante pour la France, et que les propositions du Præsidium de la Convention européenne étaient malheureusement très en retrait sur ce point.

En réponse aux différents intervenants, M. Karl Lamers a apporté les précisions suivantes :

- en 1994 déjà, il y a eu une querelle sémantique sur l'expression « noyau dur », certains préférant parler d'un « noyau solide ». Le « noyau dur » serait celui qui s'isole des autres, tandis que le « noyau solide » est un « noyau magnétique » qui agit comme un aimant et attire les autres. Ces deux aspects sont nécessaires : il faut un « noyau magnétique », qui attire les autres, mais aussi un noyau dur qui les guide. En ce qui concerne la composition de noyau dur, M. Lamers a indiqué qu'il espérait, à l'époque, qu'il serait composé des Etats fondateurs, des « Carolingiens ». L'empreinte de l'histoire est en effet très forte et la proximité géographique exerce une influence importante. Mais l'Europe est aujourd'hui bien plus étendue que le royaume carolingien. L'Italie ne fait pas partie, pour l'instant, de ce noyau dur, parce qu'elle joue actuellement un rôle « singulier » en Europe, alors qu'elle est sans doute le plus européen des Etats membres. Cette situation ne devrait cependant pas durer ;

- ce ne sont pas des motivations économiques qui ont conduit les nouveaux Etats membres à adhérer à l'Union, même si cette adhésion aura évidemment des effets très positifs sur l'économie de ces Etats. Un ancien Premier ministre roumain a déclaré que lorsque les citoyens d'Europe occidentale parlent de l'Europe, ils pensent à l'Europe du futur, alors que ceux de l'Est évoquent celle du passé. Pour les Européens de l'Est, la souveraineté est particulièrement importante, parce qu'ils en ont été privés pendant plus de quarante ans. Ils sont donc attachés à leur souveraineté retrouvée et leur vision de l'Europe est différente. L'élargissement rend indispensable l'adoption de réformes importantes. En 1994, il y a eu un débat très vif à la suite de nos propositions et l'on aurait dû en tirer des conclusions. L'analyse faite à l'époque reste en tout état de cause valable aujourd'hui ;

- en matière de défense, les Etats membres, à l'exception peut-être du Royaume-Uni, doivent réaliser des efforts importants. La France dispose d'un budget militaire supérieur à celui de l'Allemagne et a surtout décidé de le relever. L'Allemagne doit, elle aussi, augmenter son budget, non seulement en matière de défense, mais aussi en ce qui concerne les affaires étrangères et l'aide publique au développement. Les dépenses de ces trois ministères sont en effet passées de 22 % du PIB en 1989, à moins de 12 % en 2002. Cette évolution est en contradiction avec les priorités actuelles. Il faut répartir autrement les fruits de la croissance. L'objectif, à terme, ne doit cependant pas être de disposer d'un budget militaire équivalent à celui des Etats-Unis. L'Europe doit plutôt insister sur ses points forts, tout en prenant en compte le facteur militaire ;

- la participation du Royaume uni à une défense européenne est souhaitable, mais elle risque de soulever des difficultés en cas de divergences de fond, comme cela a été le cas lors de la crise irakienne. La politique étrangère commune doit donc constituer une priorité pour l'Europe, la mise en commun des forces armées n'étant que l'instrument de cette politique ;

- les réformes structurelles en matière économique et sociale entreprises par les Etats sont fondamentales pour permettre de relancer l'activité en Europe ;

- il ne faut jamais dépendre des décisions britanniques. Les Britanniques ont l'armée la plus importante en Europe, mais le potentiel de la France, de l'Allemagne, de la Belgique et du Luxembourg est supérieur. La France et l'Allemagne doivent donc prendre l'initiative en matière de défense commune, et le Royaume uni suivra le mouvement ;

- la méfiance manifestée par de nombreux Etats européens vis-à-vis de la France et de l'Allemagne permet aux Etats-Unis de jouer un rôle diplomatique important dans le monde. L'Espagne se méfie traditionnellement de la France, l'Italie de la France et de l'Allemagne et la Pologne de l'Allemagne. Nous devons donc être plus attentifs aux souhaits des autres Etats européens et adopter une ligne politique plus claire à leur égard ;

- l'Europe doit être assez forte pour pouvoir faire face aux Etats-Unis dans certaines situations, mais il faut rejeter l'antiaméricanisme, qui ne peut que nous inquiéter ;

- contrairement à ce que l'on pense parfois, l'Allemagne n'a pas uniquement le regard tourné vers les pays d'Europe centrale et orientale. Les Allemands ont compris depuis longtemps l'importance fondamentale des pays du bassin méditerranéen pour l'avenir de l'Europe. C'est la raison pour laquelle ils ont été très affectés par la crise irakienne ;

- il est regrettable que les Etats-Unis participent seuls au sommet d'Aqaba et que les Européens en soient exclus. Le monde islamique est aujourd'hui très présent en France et en Allemagne, qui doivent rester en première ligne sur les dossiers du Proche-Orient ;

- le cœur du noyau dur demeure la France et l'Allemagne. Mais le noyau dur doit rester ouvert et accueillir d'autres Etats, s'ils partagent la vision d'une « Europe européenne » et non pas d'une « Europe atlantiste » ;

- la France et l'Allemagne ont aujourd'hui des alliés, les peuples européens, qui se sont sentis concernés et mobilisés lors de l'intervention américaine en Irak. A une large majorité, les Européens étaient contre la guerre. Si la France et l'Allemagne continuent à avancer dans la même direction, les peuples contraindront les autres Etats - l'Italie et l'Espagne, notamment - à les rejoindre.

Audition de M. Dominique de Villepin,
ministre des affaires étrangères,

le 18 juin 2003

Le Président Pierre Lequiller a indiqué que l'audition du ministre porterait essentiellement sur deux thèmes : d'une part, la réforme de l'Union européenne à la suite des travaux de la Convention qui a réussi à présenter un projet de Constitution européenne, sans options, et dont il faut espérer que la Conférence intergouvernementale ne le remettra pas en cause malgré la réaction de certains gouvernements ; d'autre part, les perspectives offertes par le Conseil européen de Thessalonique, en particulier dans le débat sur l'asile et l'immigration.

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, s'est réjoui que le Président Valéry Giscard d'Estaing puisse présenter au Conseil européen de Thessalonique un projet de texte pour la future Constitution européenne et, au moment où s'achève l'entreprise historique de la Convention, a salué la qualité du travail accompli par l'ensemble des Conventionnels. En seize mois, malgré les tensions internationales, la Convention a réussi à dégager un consensus pour répondre à la mission qui lui avait été fixée au Conseil européen de Laeken en décembre 2001 : rendre l'Europe élargie plus efficace, plus démocratique et plus transparente. Quand on se rappelle l'état d'esprit européen d'alors, on mesure le tour de force.

Le texte qui sera présenté aux vingt-cinq chefs d'Etat ou de gouvernement marque un résultat ambitieux auquel la France apporte tout son soutien.

D'abord, il répond largement à l'objectif de simplification qui avait été fixé par la déclaration de Laeken afin de rapprocher l'Europe des citoyens : la structure en piliers est supprimée ; la distinction entre Communauté européenne et Union européenne est abolie ; les instruments et les procédures ont été rationalisés. Leur dénomination (loi européenne, loi-cadre, règlement...) paraîtra plus claire et plus compréhensible.

Ensuite, il répond au souci de rendre le système institutionnel plus efficace et plus légitime dans une Union élargie : la création d'une présidence stable du Conseil européen permettra d'assurer l'efficacité, la continuité et la visibilité nécessaires à l'action de l'Union ; l'élection du président de la Commission par le Parlement européen, le renforcement de son pouvoir de direction sur les commissaires et la réduction de la taille du collège à partir de 2009 renforceront le rôle de la Commission en améliorant son efficacité ; la généralisation de la procédure de codécision permettra au Parlement européen de devenir un véritable co-législateur avec le Conseil ; enfin la création d'un ministre des affaires étrangères européen apportera à la politique étrangère la visibilité et la cohérence qui lui font encore défaut.

En ce qui concerne les politiques, rien n'est encore définitif puisque la Convention doit encore se réunir en juillet pour en débattre. Les propositions du Praesidium vont dans le bon sens, notamment sur la généralisation du champ de la majorité qualifiée pour répondre aux attentes de nos concitoyens dans un certain nombre de domaines, comme la justice et les affaires intérieures. Le champ de la majorité qualifiée et de la codécision y est largement étendu, et les moyens opérationnels de l'Union sont renforcés dans la perspective d'un parquet européen, inscrit dans le projet.

Néanmoins, la France souhaite davantage d'ambition dans les domaines de la politique étrangère et de défense et dans le champ social notamment, où nos concitoyens ont des attentes particulièrement fortes.

Sur la politique étrangère et de sécurité commune, la France a proposé que la majorité qualifiée s'applique pour les propositions émanant du ministre des affaires étrangères de l'Union. Cette extension de la majorité qualifiée doit s'accompagner de la définition d'un statut spécial pour le ministre au sein de la Commission, afin de préserver le lien particulier qui doit l'unir au Conseil dont il devrait présider la formation « relations extérieures ».

En matière sociale, la France est très attentive à ce que la majorité qualifiée soit étendue afin de rendre l'Union plus efficace et, sur les services d'intérêt général équivalant à nos services publics, elle reste fermement attachée à ce que la future Constitution permette de les consolider en tant que partie intégrante de notre modèle social.

Sur la question si délicate des accords commerciaux en matière de services culturels et audiovisuels, la France s'est efforcée de faire reconnaître la spécificité de ce secteur et la nécessité de maintenir la compétence partagée entre l'Union et les Etats, donc l'unanimité. Elle a un bon espoir de progresser au cours des prochaines semaines dans un domaine où le Gouvernement se montrera déterminé durant la Conférence intergouvernementale.

Enfin, deux des propositions qui seront présentées par le président Valéry Giscard d'Estaing méritent une mention particulière. D'abord, l'intégration de la Charte des droits fondamentaux, qui était notre vœu depuis Nice, permettra de donner aux valeurs et aux droits essentiels la force contraignante qui leur manquait. Ensuite, le rôle des parlements nationaux est renforcé par des avancées majeures, notamment dans le contrôle du principe de subsidiarité, même si l'on peut regretter que notre proposition de créer un Congrès n'ait pas été retenue alors qu'elle aurait donné une meilleure lisibilité à la politique générale de l'Union.

Le Conseil européen de Thessalonique marquera une nouvelle étape du processus de réforme engagé à Laeken. Il fixera les conditions d'organisation et le calendrier de la Conférence intergouvernementale qui devrait commencer ses travaux fin octobre. Le texte de la Convention doit constituer la base des travaux de la Conférence intergouvernementale et non un simple « point de départ ». Si celle-ci ouvrait à nouveau la boîte de Pandore, il serait en effet difficile de répondre dans les délais. Il faut donc que les gouvernements confirment les choix des Conventionnels et qu'ils sachent répondre avec audace aux défis de l'Europe élargie et aux attentes des citoyens européens. La France, pour sa part, y est déterminée.

Le Conseil européen se penchera également sur les questions d'asile et d'immigration. Conformément au mandat adopté l'an dernier à Séville, la présidence grecque entend faire de Thessalonique un temps fort de la montée en puissance des politiques communautaires en matière d'immigration et de contrôle des frontières extérieures. Le Gouvernement appuie cette mobilisation, qui s'inscrit dans le contexte du renforcement des politiques de sécurité intérieure dans l'Union, conforme aux souhaits de nos concitoyens.

D'abord, en ce qui concerne la question du « partage du fardeau », la présidence cherchera à faire prendre en compte cette préoccupation qui est la sienne, mais aussi celle de tous les Etats membres confrontés à la pression migratoire extérieure à leurs frontières. La présidence et la Commission souhaitent faire avaliser par le Conseil européen des financements supplémentaires en faveur des politiques de lutte contre l'immigration. Ces politiques devront naturellement connaître une traduction budgétaire et prendre en compte la situation des Etats membres les plus directement confrontés à la pression migratoire. Toutefois, il n'est pas souhaitable de préempter les décisions budgétaires de l'après 2006 et nos partenaires partagent en majorité cette préoccupation.

En ce qui concerne la gestion des frontières extérieures, le principal point en discussion concerne le développement d'une politique commune et intégrée de contrôle des frontières extérieures. La Commission prône la création d'une structure opérationnelle communautaire pour gérer et coordonner les actions aux frontières extérieures. La France est favorable à cette initiative, pour peu qu'elle place cette unité auprès du Conseil et n'aille pas jusqu'à créer une agence de type Europol, comme le souhaiteraient certains partenaires, qui conduirait à un alourdissement tout à fait considérable du dispositif.

Sur la question du retour des immigrés illégaux, les autorités françaises réagissent avec prudence à ce stade aux idées de la Commission européenne de créer un fonds pour financer les retours. Elles souhaitent en effet préserver la compétence des Etats membres et demandent une évaluation préalable des besoins.

Par ailleurs, le thème de l'immigration devra être intégré au dialogue entre l'Union et les pays tiers, dont la coopération en matière de retour et de lutte contre l'immigration illégale devra dorénavant être prise en compte. La France, soucieuse d'une approche équilibrée dans ce domaine, a exclu l'an dernier à Séville toute idée de sanction à l'égard des pays tiers non coopératifs. Pour autant, l'idée de développer un mécanisme d'évaluation de la coopération des pays tiers dans ce domaine paraît compatible avec notre approche. Il ne faut pas prendre en otage les budgets de coopération, mais faire passer des mesures indispensables par le dialogue.

Enfin, la France partage les réticences de ses partenaires à l'égard de l'initiative britannique qui vise à créer des zones d'accueil pour les demandeurs d'asile dans les pays tiers. Les Quinze n'ont pas souhaité lancer de projets pilotes sur la création de centres de transit pour recevoir les demandeurs d'asile aux portes de l'Union. En revanche, l'idée de créer des zones d'accueil en marge des régions de conflit pourrait faire l'objet d'expérimentations.

La position des autorités françaises dans le domaine de l'asile et de l'immigration est inspirée par le souci d'équilibre qui a prévalu lors du Conseil européen de Tampere, en octobre 1999, et qui s'exprime par l'image du triptyque : fermeté dans la lutte contre l'immigration illégale, intégration des étrangers en situation régulière, coopération avec les pays d'origine dans le cadre du co-développement. La réforme récente de notre droit d'asile, afin de rendre effectif ce droit devenu très largement virtuel du fait de la complexité des procédures et de l'accroissement des demandes, est une traduction de cette approche.

M. Christian Philip a évoqué les réserves exprimées par les chefs de gouvernement de certains Etats membres à l'égard des résultats de la Convention et a interrogé le ministre sur la capacité de la Conférence intergouvernementale à ne pas rouvrir la « boîte de Pandore ». Il a souligné la nécessité d'engager une vaste campagne publique pour expliquer aux Français les enjeux des réformes proposées par la Convention. Il a regretté qu'il n'ait pas été possible d'aller plus loin dans le renforcement du rôle des parlements nationaux, estimant que, de ce point de vue, le résultat final de la Convention était en retrait par rapport aux propositions des groupes de travail de la Convention sur les parlements nationaux et sur la subsidiarité.

M. Marc Laffineur a souligné le rôle éminent joué par le Président Valéry Giscard d'Estaing pour permettre d'aboutir à un texte ambitieux et cohérent. Il a rejoint l'opinion exprimée par M. Christian Philip quant à la nécessité de lancer en France une grande campagne publique d'information sur les résultats de la Convention. Il faut expliquer aux Français où va l'Europe, l'ambition de la France pour l'Europe ainsi que les conséquences tangibles, pour chaque Français, des réformes envisagées.

M. Christian Paul a souligné l'importance du résultat de la Convention. Il s'est félicité que celle-ci, grâce à un travail en profondeur, ait pu vaincre les nombreux obstacles qu'elle a trouvés sur sa route. Il a néanmoins estimé qu'il s'agissait plus d'une rationalisation structurelle que d'une véritable avancée sur le fond. Il a considéré que l'Europe devra faire maintenant la preuve de sa capacité à relever les défis qui s'offrent à elle : celui de la mondialisation, de la mise en place d'une politique étrangère commune, de la gestion de l'élargissement. Il a souhaité connaître l'avis du ministre sur l'opportunité de l'organisation d'un référendum en France sur les résultats de la Convention.

En réponse aux intervenants, le ministre a rejoint les opinions exprimées sur le rôle remarquable joué par le Président Valéry Giscard d'Estaing, qui a permis d'aboutir à un résultat ambitieux et inespéré. Il a évoqué les réactions des gouvernements vis-à-vis du texte de la Convention. Il a indiqué à cet égard que, malgré un certain nombre de réserves exprimées par quelques gouvernements, il apparaissait que la Convention avait réussi à dégager une ligne d'équilibre entre les partisans d'un statu quo et ceux qui étaient déterminés à aller de l'avant. Il a estimé que le statu quo ne pouvait pas fonctionner à vingt-cinq et qu'il était par conséquent essentiel de mettre en place de nouvelles règles répondant aux exigences de la prise de décision et de l'efficacité. Il a souligné que le renforcement de chacun des trois pôles du « triangle institutionnel » constituait par lui-même une avancée importante.

Il a émis le souhait que la Conférence intergouvernementale ne remette pas en cause l'équilibre global de la Convention, même s'il est légitime de prendre en compte les préoccupations des uns et des autres sur certains aspects particuliers. La remise en cause des résultats de la Convention rouvrirait des débats très difficiles.

S'agissant des dispositions concernant les parlements nationaux, il a évoqué le renforcement des règles relatives à l'information des parlements sur les projets d'actes communautaires, la mise en place, en ce qui concerne la subsidiarité, d'un système « d'alerte précoce » et d'une possibilité de recours indirect des parlements nationaux auprès de la Cour de justice.

Il s'est déclaré convaincu de la nécessité de lancer sans tarder une campagne publique d'information, même s'il n'est pas possible d'anticiper à ce stade les résultats de la Conférence intergouvernementale. Il convient de multiplier les échanges avec les nouveaux pays adhérents, ce qui correspond à la mission qui a été confiée à cet égard à Mme Noëlle Lenoir.

Le ministre s'est déclaré en accord avec M. Christian Paul sur les défis que l'Europe se doit de relever, notamment en matière de politique étrangère et de défense. Il a néanmoins souligné que des progrès importants avaient déjà été faits dans ce domaine. Il a ainsi évoqué l'action de l'Union en Macédoine et en Ituri, indiquant à cet égard qu'il s'agissait là du premier engagement de l'Union européenne en dehors de l'Europe - la France assurant le pilotage concret de l'opération. Il a précisé que la décision prise à ce propos par les Etats membres l'avait été sans aucune difficulté. Il a cependant estimé que l'émergence d'une politique étrangère commune impliquait encore des débats difficiles, notamment à propos des relations transatlantiques. Il a considéré que les objectifs de politique étrangère étaient assez largement partagés par les Etats membres, mais que les approches concrètes restaient diverses. Il a jugé souhaitable de sortir de l'ambiguïté à cet égard.

M. Jérôme Lambert a salué le travail accompli par la Convention. Il a toutefois souligné que la véritable attente des citoyens ne concerne pas les institutions mais le projet politique de l'Europe et ses implications en matière de progrès économique et social, de paix et de prospérité. Il est indispensable d'apporter des réponses claires aux questions que se posent les citoyens pour éviter que ne se creuse davantage l'écart entre Bruxelles et les préoccupations quotidiennes des Européens. En ce qui concerne la politique européenne d'immigration, il s'est ému de la proposition du Royaume-Uni de créer dans les pays tiers des « centres de transit » fermés pour les demandeurs d'asile, ce qui reviendrait à reconstituer des « super Sangatte ». S'agissant du mode d'élection des députés européens, M. Jérôme Lambert s'est déclaré satisfait que le projet de la Convention n'impose pas le recours au mode de scrutin proportionnel qui, selon lui, qui exprime là une position minoritaire au sein de l'Assemblée nationale, ne permet pas de rapprocher suffisamment les citoyens de leurs élus. Il a enfin demandé au ministre si la politique agricole commune figurera à l'ordre du jour du Conseil européen de Thessalonique.

Mme Elisabeth Guigou a pris acte des avancées notables de la Convention, soulignant que la méthode conventionnelle avait ainsi apporté la preuve de son efficacité. Les résultats sont inespérés au regard de ce que les dernières semaines pouvaient laisser présager et l'accord obtenu constitue vraisemblablement le moins mauvais des compromis possibles. Pour autant, le projet transmis au Conseil européen est, sur plusieurs points, en retrait au regard des espoirs suscités. Tout en se félicitant de l'acquis considérable que représente l'intégration de la Charte des droits fondamentaux dans la Constitution, elle a regretté l'absence de progrès quant à la reconnaissance des services publics, à l'extension des compétences de l'Union ainsi que de la règle de la majorité qualifiée. Sur ce point précis, Mme Elisabeth Guigou a déploré que le mécanisme de « passerelle » envisagé pour passer de l'unanimité à la majorité qualifiée soit trop contraignant En ce qui concerne l'architecture institutionnelle, elle a craint que le texte proposé par la Convention ne provoque un déséquilibre du fonctionnement institutionnel au profit d'une logique intergouvernementale, même s'il est faux de considérer que le renforcement d'une institution entraîne automatiquement l'affaiblissement d'une autre. Quant à l'issue possible de la Conférence intergouvernementale, elle s'est déclarée sceptique sur la capacité à améliorer le texte actuel, et a interrogé le ministre sur les marges de manœuvre de cette Conférence qui s'ouvrira à l'automne, souhaitant qu'elle ne « détricote » pas le travail accompli par la Convention.

M. Jacques Myard a souhaité rompre avec les propos très fédéralistes exprimés par ses collègues et a demandé que le débat public qui doit maintenant s'ouvrir permette à toutes les sensibilités de s'exprimer. Il ne s'agit pas d'exiger sans cesse « plus » d'Europe mais « mieux » d'Europe, ce qui suppose justement de « détricoter » des propositions qui conduisent à une impasse. Il a cependant souligné quelques progrès, tels que la clause de retrait qui démontre que le texte proposé par la Convention reste bien un traité et en aucun cas une Constitution, dénonçant là une imposture terminologique. En ce qui concerne le contrôle de la subsidiarité, M. Jacques Myard s'est dit dubitatif quant à la viabilité du mécanisme envisagé, dans la mesure où rien n'est prévu pour restituer aux Etats des compétences que la Commission continue de s'arroger. Cela a pour effet de cantonner les parlements nationaux au rang de chambres d'enregistrement. Il a plaidé en faveur d'une distinction entre ce qui relève du marché intérieur, qui doit être traité au niveau communautaire, et les sujets de nature intergouvernementale tels que la défense qui devrait être gérée par les six Etats qui fournissent l'effort budgétaire le plus important.

M. René André a souhaité faire part de son inquiétude face à la complexité des textes en discussion, estimant que même une très large campagne d'information ne donnerait pas le résultat pour acquis. Il a plaidé en faveur d'un recours plus fréquent aux coopérations renforcées, et a interrogé le ministre sur les propositions de la Convention dans ce domaine ainsi que sur les ambitions de la France. Il s'est déclaré préoccupé par la perception qu'ont de la France les futurs pays membres, citant notamment la Pologne et les pays baltes, qui ont souvent le sentiment que notre pays veut leur imposer ses vues. Il a ainsi estimé qu'il était indispensable de mieux expliquer nos positions et d'intensifier notre dialogue avec les représentants de ces Etats. M. René André a demandé au ministre d'évoquer les perspectives de la présidence italienne de l'Union européenne, qui doit débuter le 1er juillet prochain.

A ces questions, le ministre a apporté les éléments de réponse suivants :

- définir un cadre institutionnel n'est pas suffisant et il convient effectivement de renforcer aussi le contenu des politiques communes. Ce sujet est abordé dans la troisième partie du projet de Constitution, qui porte notamment sur les questions sociales, d'éducation et de recherche ainsi que sur la politique de sécurité et de défense. Comme l'indiquent les enquêtes d'opinion, les Français comprennent que l'Europe est à même de satisfaire des besoins réels : ainsi, sur le plan intérieur, l'espace de sécurité et de justice et la lutte contre les pollutions maritimes apportent des réponses tangibles, de même qu'à l'extérieur, la récente intervention en Afrique ;

- au sujet de l'emploi, l'action à mener doit s'appuyer sur l'acquis de l'euro et du marché intérieur, qu'il convient de développer encore ;

- quant à l'immigration, les positions sont connues d'avance selon le pays d'Europe où elles sont exprimées. Etablir des camps aux frontières de l'Union est une idée acceptée dans certains Etats, mais elle paraît particulièrement choquante en France. Il en va de même en matière de retour : la fermeté qu'il faut marquer à l'encontre des pays tiers ne doit pas aller jusqu'à engager avec eux un marchandage inégal ;

- la PAC n'est pas à l'ordre du jour du sommet de Thessalonique, quoique l'on ne puisse pas exclure qu'elle y fasse l'objet d'échanges informels ; la possibilité d'un nouveau Conseil « Agriculture » les 23 et 24 juin n'est pas exclue dans le cas où les ministres de l'agriculture n'arriveraient pas à conclure leur travaux actuellement en cours ;

- sur les rivalités qui pourraient naître du nouvel équilibre institutionnel, la meilleure solution pour les éviter paraît être de renforcer chacun des trois pôles à la fois. L'institution d'un président stable du Conseil européen ne doit pas inquiéter, puisque ce président ne fera qu'assurer la continuité d'une institution existante, et le passage à vingt-cinq Etats membres rend mécaniquement nécessaire un travail préparatoire plus approfondi, effectué par des Conseils « Affaires générales » plus efficaces ;

- le renforcement de la dimension intergouvernementale ne présente pas de vrai risque, dans la mesure où le phénomène est contrebalancé par des procédures de vote qui permettent, dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune, de ne statuer à la majorité qualifiée que sur les propositions formulées par le ministre des affaires étrangères de l'Union, dont on peut attendre par nature des initiatives raisonnables au regard de l'intérêt commun. Dans le domaine de la défense et des affaires extérieures, des avancées fédéralistes seraient au demeurant prématurées, la politique à mener en la matière étant moins une politique unique qu'une politique commune pour laquelle le respect d'un code de conduite a encore besoin de s'imposer. Ainsi, malgré l'existence d'une position commune à l'égard de l'Autorité palestinienne, les autorités italiennes ont encore récemment refusé les contacts avec le Président Arafat. Sur la question irakienne, la position commune de l'Union d'une part, la lettre des Huit, d'autre part, ont mis à jour des divergences. Il reste néanmoins que l'Europe doit jouer un rôle pilote dans les Balkans, mais aussi agir davantage en Afrique, et au Maghreb à travers des coopérations concrètes. Le ministre des affaires étrangères de l'Union apportera à la réalisation de ces objectifs son expertise et sa capacité de proposition. Par ailleurs, la part de l'intergouvernemental recule dans le secteur de la justice et des affaires intérieures ;

- dans le domaine social, trop de lacunes subsistent en effet et il convient d'avancer encore, sans craindre de passer outre certaines oppositions, si nécessaire par l'intermédiaire de coopérations renforcées qui peuvent être un moyen de les contourner ;

- quant à la question de savoir si la Conférence intergouvernementale apportera au texte de la Convention des améliorations ou lui enlèvera de sa substance, cela dépendra de la solidité des convictions européennes qui s'exprimeront chez les différents partenaires. Il conviendra de voir quels sont les points d'achoppement pour tel ou tel pays, et notamment pour l'Espagne, la France entendant quant à elle rester particulièrement ferme sur les compétences des Etats membres dans les négociations commerciales en matière culturelle et la question agricole. Aujourd'hui comme hier, il faut tenir compte des susceptibilités et des héritages historiques, telle que la relation ancienne et solide que les Etats-Unis et la Pologne entretiennent sur les questions de sécurité. Sur tous ces sujets, le texte de la Convention a cependant marqué qu'il existait une volonté commune d'avancer ;

-  les coopérations renforcées devraient bénéficier d'une souplesse accrue, la décision d'y recourir pouvant être prise désormais par un tiers des Etats membres, ce qui devrait éviter les blocages. La France a proposé pour sa part que les Etats qui participent à une coopération renforcée puissent la conduire à la majorité qualifiée dans les domaines régis à vingt-cinq par l'unanimité ;

- la présidence italienne sera confrontée à des choix difficiles. Ses priorités seront largement dictées par le calendrier, qu'il s'agisse de la Conférence intergouvernementale, de la justice et des affaires intérieures (en particulier la lutte contre l'immigration clandestine), de la finalisation de l'élargissement et de la relance de la croissance par une politique de grands travaux et un grand emprunt européen sous l'égide de la Banque européenne d'investissement.

M. Bernard Deflesselles a constaté que les avancées réalisées par la Convention étaient substantielles mais fragiles. Il a fait part de l'impression ressentie lors d'une mission en Macédoine en mars dernier, à l'occasion du passage de témoin entre les forces de l'OTAN et celles de l'Union européenne. Il a pu mesurer à cette occasion le scepticisme des pays des Balkans à l'égard de la capacité de l'Europe à les protéger et à les intégrer, ainsi que leur attirance pour les Etats-Unis. Il a souhaité interroger le ministre sur les initiatives que la France pourrait prendre pour donner envie aux pays des Balkans d'associer leur destin à celui de l'Union européenne.

Le Président Pierre Lequiller a remercié le ministre pour le souci qu'il a manifesté pendant les travaux de la Convention de répondre à l'invitation de la Délégation pour l'Union européenne, afin d'assurer une information complète des parlementaires sur les positions de la France. Il a remarqué que les conclusions adoptées par la Convention étaient assez proches de la contribution franco-allemande. Il a émis le souhait que le Gouvernement et la Délégation pour l'Union européenne demeurent en contact permanent pendant la Conférence intergouvernementale, les parlements nationaux devant suivre étroitement les travaux de cette conférence afin de veiller à ce que le texte adopté par la Convention ne soit pas remis en cause.

Le ministre a souligné que la France, initiatrice de la conférence de Zagreb, avait tenu à ouvrir une perspective européenne aux pays des Balkans. Le Conseil européen de Thessalonique doit le confirmer. Des instruments de pré-adhésion devront être mis en place le moment venu. L'Europe est active en Macédoine, en Bosnie et au Kosovo. Toutefois, ces pays doivent encore réaliser des progrès dans la consolidation de l'Etat de droit, et dans la mise en place d'une justice et d'une police efficaces. L'Union européenne leur tend la main, tout en faisant preuve d'exigence pour des raisons évidentes de sécurité.

Audition de Mme Noëlle Lenoir,
ministre déléguée aux affaires européennes,

sur les conclusions du Conseil européen de Thessalonique, le 25 juin 2003

Le Président Pierre Lequiller a souhaité la bienvenue à Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, et s'est dit heureux que la Délégation puisse l'entendre sur les conclusions du Conseil européen de Thessalonique des 19 et 20 juin derniers.

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, a présenté les principales conclusions du Conseil européen de Thessalonique, essentiellement marqué par la présentation, par le Président Valéry Giscard d'Estaing, du projet de traité constitutionnel élaboré par la Convention. La ministre a toutefois indiqué que de nombreux autres sujets, non sans lien avec la Convention, avaient été débattus, mentionnant notamment les questions d'asile et d'immigration. La réalisation d'un espace de sécurité, de liberté et de justice constitue en effet la prochaine étape majeure de la construction européenne, et concerne directement les citoyens de l'Union. Puis, elle a évoqué les autres points abordés par les chefs d'Etat et de gouvernement :

- la tenue, au lendemain du Conseil européen, d'un sommet sur l'avenir des Balkans qui a réuni 33 pays (les 28 Etats membres et candidats à l'entrée dans l'Union et les cinq pays des Balkans), en présence notamment du Secrétaire général de l'OTAN ;

- la mise en œuvre du processus d'élargissement de l'Union européenne ;

- la candidature de M. Jean-Claude Trichet à la présidence de la Banque centrale européenne ;

- la politique commune de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, qui a fait l'objet d'une déclaration spécifique annexée aux conclusions du Conseil européen ;

- l'approbation de l'intention de la Commission de lancer une initiative, en coopération avec la Banque européenne d'investissement, pour soutenir la croissance et l'intégration grâce à une augmentation des investissements globaux et à la participation du secteur privé aux réseaux transeuropéens et aux principaux projets de recherche et développement.

S'agissant plus précisément du résultat des travaux de la Convention, la ministre a fait part de la satisfaction des autorités françaises, même si la troisième partie du projet de traité constitutionnel doit encore faire l'objet d'ajustements techniques au cours des deux sessions de la Convention prévues au mois de juillet. Elle s'est félicitée qu'un projet unique, sans options, ait pu être présenté, illustrant ainsi la volonté politique des Etats de ne pas rompre le consensus qui s'est formé. Elle a ensuite salué l'équilibre du projet de la Convention, soulignant notamment :

- l'intégration de la Charte des droits fondamentaux qui permettra à la Cour de justice de l'Union européenne de développer une jurisprudence, notamment sur les droits civils et politiques des citoyens, ce qui est particulièrement important pour les démocraties émergentes que sont les futurs pays membres ;

- la simplification des instruments et des procédures ;

- le renforcement de chacun des côtés du « triangle » institutionnel, fondé sur le respect de la double légitimité de l'Union : celle des Etats et celle des peuples. Le Conseil européen, grâce à l'instauration d'un président stable élu pour un mandat à plein temps de deux ans et demi, pourra donner les impulsions politiques et définir les orientations stratégiques européennes. Ce Président facilitera la recherche des consensus et pourra mieux définir les priorités politiques de l'Union. Le Parlement européen sera renforcé dans son rôle de co-législateur, à égalité avec le Conseil des ministres. Quant à la Commission, sa capacité de coordination sera améliorée grâce au renforcement des pouvoirs de son président, élu par le Parlement européen, et gardien de la collégialité de l'institution. Enfin, les parlements nationaux seront désormais directement associés à la prise de décision communautaire grâce au mécanisme d'alerte précoce instauré pour le contrôle du principe de subsidiarité ;

- l'extension de la règle de la majorité qualifiée, nécessaire pour éviter les blocages liés à l'augmentation du nombre des Etats membres ;

- l'impact positif de la suppression des piliers, surtout en matière de justice et d'affaires intérieures ;

- l'institution d'un ministre européen des affaires étrangères et la création envisagée d'une agence européenne d'armement.

En ce qui concerne la troisième partie du projet de traité constitutionnel, la ministre a toutefois estimé que certains points doivent encore être précisés et a insisté sur les éléments suivants, indiquant que des amendements avaient été déposés en ce sens par les représentants du gouvernement :

- le maintien de la compétence nationale en matière de commerce des services culturels qui ne sont pas des marchandises comme les autres ;

- le statut du ministre européen des affaires étrangères dont la relation avec le Conseil doit être précisée, notamment en ce qui concerne son autorité budgétaire dans le domaine de la PESC ;

- l'extension de la majorité qualifiée à la politique sociale, nécessaire pour éviter le dumping social ;

- la reconnaissance d'un pouvoir de décision autonome de l'eurogroupe pour les questions économiques et financières liées à la gestion de la zone euro ;

- le refus de l'extension de la procédure de codécision à toute la politique agricole commune ;

- un recours facilité aux coopérations renforcées afin de favoriser une intégration plus rapide dans certains secteurs ;

- une procédure de révision allégée pour certaines dispositions du traité constitutionnel, afin que l'exigence de l'unanimité n'empêche pas toute évolution ultérieure d'un traité qui a vocation s'inscrire dans la durée.

En conclusion de son intervention, la ministre a confirmé que la Conférence intergouvernementale devrait s'ouvrir à la mi-octobre et qu'il serait souhaitable qu'elle achève ses travaux avant la fin de l'année 2003, pour une signature du traité constitutionnel après le 1er mai 2004, date d'entrée des dix nouveaux pays dans l'Union européenne. Elle a alors indiqué que le traité sera déposé à Rome mais fera préalablement l'objet d'une signature dans toutes les capitales européennes.

Le Président Pierre Lequiller a demandé à la ministre déléguée quelle était la position de la France concernant la création d'une agence européenne pour la surveillance des frontières - évoquée par le Conseil européen - et le partage des charges relatives à la gestion de ces frontières extérieures. Il a souhaité savoir si le Gouvernement était favorable à la création d'un fonds européen pour le retour, proposé par la Commission. Il a demandé si le Royaume-Uni avait définitivement renoncé à son idée de créer des centres de transit fermés pour les demandeurs d'asile, écartée par le Conseil européen.

Concernant le projet de Constitution européenne élaboré par la Convention, le Président Pierre Lequiller a estimé qu'il ne devait pas être remis en cause par les Etats membres. Il a rappelé qu'il avait proposé, dans le cadre de la dernière réunion des commissions des affaires européennes du Triangle de Weimar, que celui-ci veille au respect des grandes lignes de ce projet au cours de la future Conférence intergouvernementale.

S'agissant du rapport de M. Javier Solana, l'Union européenne semble avoir opté pour une politique d'action préventive. Il a demandé des précisions sur cette politique et si elle se distinguait de celle des Etats-Unis.

M. François Guillaume a demandé à la ministre déléguée si la procédure de codécision s'appliquerait à la politique agricole commune. Il a souhaité savoir quelle était la position de la France au sujet de la proposition britannique en faveur du droit de veto : ne serait-ce pas une bonne façon de conserver le compromis de Luxembourg ? Par ailleurs, si le Président du Conseil européen - élu pour deux ans et demi - ne pouvait cumuler sa fonction avec celle de chef d'Etat ou de gouvernement en exercice, il est permis de se demander parmi quelles personnalités il serait choisi. Enfin, il a considéré que l'élection du Président de la Commission par le Parlement européen risquait de créer un grave conflit d'intérêt entre le Président de la Commission et le Président du Conseil européen.

M. Jérôme Lambert s'est interrogé sur les modifications susceptibles d'être apportées au projet de Constitution élaboré par la Convention par les gouvernements des Etats membres. Il a souhaité savoir si le Gouvernement français était lui-même pleinement satisfait de ce projet ou s'il entendait lui apporter des modifications.

Il s'est demandé en quoi l'élection du Président de la Commission par le Parlement européen constituait un véritable changement par rapport à la situation actuelle. Par ailleurs, si la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est intégrée dans le traité, son encadrement par des dispositions régissant son interprétation et son application dans le traité risque d'en limiter sa portée. Après avoir fait observer que les précédents traités européens avaient permis, au fil du temps, une adaptation des institutions communautaires, il a demandé si les conditions de révision prévues par le projet de Constitution ne risquaient pas d'empêcher de telles adaptations. Il a souhaité connaître les conditions d'adoption du projet de Constitution. Sera-t-il approuvé par référendum ?

Il a enfin demandé quel compromis se dessinait en matière de politique agricole commune et dans quelle mesure l'Union européenne s'engagerait, conformément au souhait du Président de la République, en faveur de la lutte contre le sida.

M. Jean-Marie Sermier s'est félicité de ce que le projet de Constitution associe davantage les parlements nationaux à l'action de l'Union européenne. Il a estimé souhaitable que le maintien de la politique agricole commune figure, au même titre que les principes relatifs à la justice et à l'exception culturelle, parmi les objectifs de l'Union européenne. A défaut, l'extension du cofinancement de la PAC risquerait de remettre en cause la politique de développement rural, indispensable à l'aménagement du territoire et à la protection de l'environnement.

Mme Noëlle Lenoir a apporté les éléments de réponse suivants :

- il y a déjà des textes en discussion dans le cadre de l'Union européenne sur l'asile et le regroupement familial. Le défi majeur est aujourd'hui le contrôle des frontières extérieures et la lutte contre l'immigration clandestine ;

- la France est favorable à la mise en place d'une structure opérationnelle de gestion des frontières. Elle souhaite même aller plus loin, vers une police européenne des frontières, mais cette idée se heurte à des résistances venant des Britanniques et des pays scandinaves. L'Europe s'oriente donc actuellement plutôt vers un renforcement de la coordination entre les polices des frontières nationales, les nouveaux membres de l'Union européenne ne pouvant adhérer à l'espace Schengen qu'après une période transitoire ;

- l'intégration d'une somme de 140 millions d'euros dans les perspectives financières, et son affectation au partage des charges de la lutte contre l'immigration illégale ont été approuvées par le sommet de Thessalonique. On ne sait pas encore quels seront les pays bénéficiaires de ces fonds ;

- les Britanniques ont proposé la mise en place de centres de rétention en dehors des frontières de l'Europe mais l'Union européenne n'a pas retenu cette suggestion ;

- en matière d'asile, les orientations définies par l'Union européenne sont relayées par le projet de loi du Gouvernement français sur l'asile, actuellement en discussion au Parlement, qui prévoit la réduction des délais d'instruction des dossiers ;

- le rapport Solana en matière de PESC n'implique pas le ralliement de l'Europe à une politique de guerre préventive. La référence à l'action préventive n'a, en effet, pas ce sens : l'Europe doit simplement se donner les moyens de prévenir les crises, comme elle le fait actuellement en Macédoine ou au Congo ;

- les représentants français à la Convention, et notamment les présidents des deux délégations parlementaires, ont été particulièrement imaginatifs et constructifs. La France n'a d'ailleurs jamais été isolée, comme en témoignent les contributions franco-allemande, franco-belge, franco-hollandaise, franco-germano-britannique, et les travaux communs avec de nombreux autres pays, dont la Grèce. L'équilibre obtenu dans le projet de Constitution ne doit pas être remis en cause et les débats de la Convention ne doivent pas se prolonger, car plusieurs nouveaux Etats membres doivent encore acquérir l'habitude de la négociation communautaire. Cette prudence n'empêche pas la France de maintenir ses positions, qui ont fait l'objet d'amendements en vue des deux prochaines réunions de la Convention ;

- s'agissant des modalités de calcul de la majorité qualifiée, les autorités françaises considèrent que le traité de Nice avait abouti à un bon équilibre entre la France et l'Allemagne, évitant tout risque de blocage. De façon autonome, le Président Valéry Giscard d'Estaing a souhaité simplifier le dispositif existant, ce qui renforce la position allemande et réduit le nombre de voix accordé à l'Espagne, qui a affirmé que cette solution était inacceptable. La Pologne s'estime également pénalisée par les nouvelles modalités de calcul. La France ne souhaite pas remettre en cause la décision de la Convention et espère obtenir une compensation sur le nombre de sièges attribués aux députés français au Parlement européen. Il serait souhaitable d'ailleurs que les parlementaires cherchent à multiplier les contacts avec leurs homologues, notamment espagnols et polonais, pour tenter de parvenir à un compromis sur ce point ;

- en ce qui concerne le nombre de commissaires réservé à chaque Etat membre, la Convention propose un mécanisme tendant à n'attribuer qu'un seul commissaire au lieu de deux à la France jusqu'en 2009. Au-delà de cette date, la France pourrait être représentée, dans certaines Commissions, par un commissaire sans droit de vote. Cette solution est lourde de conséquences et fait l'objet aujourd'hui d'une réflexion ;

- la France devrait obtenir satisfaction sur l'exception culturelle, mais aura plus de difficultés pour améliorer le texte dans le domaine social. En tout état de cause, la procédure de codécision est inadaptée à la politique agricole commune. La France souhaite des avancées plus importantes en matière de santé publique et de prévention des épidémies, d'autant que ces problèmes vont connaître une importance accrue avec l'adhésion des dix nouveaux Etats membres. L'énergie, le sport et l'espace devraient être ajoutés à la liste des compétences partagées ;

- la France n'est pas favorable à la réouverture du débat sur l'inscription de l'héritage chrétien dans le texte de la Constitution européenne, d'autant que la Charte des droits fondamentaux prévoit déjà la liberté de religion, ce qui constitue une innovation importante pour notre pays, qui ne reconnaît que la liberté de croyance ;

- le Président du Conseil européen devrait acquérir une stabilité à deux niveaux. Tout d'abord, il ne changera plus tous les six mois. Ensuite, il sera un président à plein temps, devant être disponible pour des déplacements dans les capitales des vingt-cinq, et bientôt vingt-sept, Etats membres. Le titulaire de ce poste, pour lequel les candidats ne manquent pas, devra avoir un passé politique prestigieux, tout en sachant respecter la souveraineté des Etats. S'agissant du risque de cohabitation entre ce président et le président de la Commission, la France n'était pas favorable à l'élection de ce dernier par le Parlement européen. L'arbitrage obtenu retient une formule raisonnable, puisque le Conseil européen devra présenter un candidat unique, reflétant la configuration du Parlement européen, élu par ce Parlement. En tout état de cause, la France est hostile à la politisation de la fonction de président de la Commission, car, comme l'illustre l'histoire de la coopération franco-allemande, l'Europe recouvre de nombreux domaines très consensuels, susceptibles d'associer des personnalités de sensibilités différentes ;

- le compromis de Luxembourg n'a jamais été inscrit dans les traités. C'est un accord politique qui continue d'exister en cas de désaccord sur une question d'intérêt vital pour un Etat membre. Dans les négociations communautaires, le droit et le fait coexistent et tout le monde sait qu'il y a des lignes infranchissables pour certains Etats membres. Toutefois, il n'y a pas de droit de veto au sens que revêt cette expression au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. Le seul veto susceptible d'être pris en compte pourrait être trouvé dans les domaines où l'unanimité est exigée, mais précisément ces domaines concernent des secteurs où les compétences européennes sont limitées ;

- la Charte des droits fondamentaux n'était, jusqu'à présent, qu'un document déclaratif, sans valeur juridique. Son intégration dans la Constitution européenne devrait permettre aux citoyens de l'invoquer pour contester des décisions devant la Cour de justice. Ces contestations pourront toucher notamment le domaine social, ce qui constitue une grande avancée pour les citoyens d'un pays comme la Grande-Bretagne. Cette intégration devrait donc permettre l'identification de l'Europe à des valeurs fondamentales. Il importe de souligner, néanmoins, que ces règles ne s'appliquent pas dans les matières relevant des compétences nationales ;

- la France regrette que la Constitution prévoit des dispositions autorisant le retrait d'un Etat membre, ce qui pourrait permettre à un Etat ayant largement bénéficié des subventions européennes de quitter l'Union quand son intérêt politique l'y pousserait, sans avoir à effectuer des restitutions. Il serait souhaitable d'aboutir à un dispositif plus équilibré en matière de révision du traité et la France a d'ailleurs déposé un amendement sur ce point ;

- le choix de la procédure de ratification du futur traité constitutionnel et le recours éventuel au référendum relève du Président de la République ;

- en ce qui concerne la politique agricole commune, la France souhaite maintenir une minorité de blocage, avec l'Espagne, l'Irlande, le Luxembourg et l'Allemagne. Il faut éviter que les prix agricoles ne s'alignent sur les prix mondiaux, qui ont beaucoup baissé. Le découplage proposé par la Commission est devenu partiel, mais il ne l'est pas encore suffisamment. Beaucoup d'Etats membres sont en accord avec la France sur ce point et il en va de même de certains Etats adhérents, compte tenu de leurs intérêts agricoles ;

- la France n'a pas obtenu, comme elle le souhaitait avec le Royaume-Uni, que l'Union européenne s'engage à verser un milliard d'euros au fonds mondial contre le sida. Une formule de compromis a été trouvée, aux termes de laquelle la Commission et les Etats membres sont invités à apporter une contribution élevée au financement du fonds.

M. Gérard Voisin a souhaité savoir si la France prendrait des initiatives sur la diversité linguistique dans l'Union européenne et s'est déclaré préoccupé par l'insuffisante prise en compte de cette diversité par l'Union.

M. François Calvet a interrogé la ministre sur son sentiment à l'égard des « petits Etats » de l'Union européenne et sur le rôle que la France pourrait jouer à leur égard. Il a également souhaité connaître les initiatives que la France prendrait en ce qui concerne la création d'un parquet européen.

M. Christian Philip a rappelé que le Conseil européen a qualifié le projet de Constitution élaboré par la Convention de « bonne base de départ » et souligné les risques d'enlisement si la Conférence intergouvernementale s'en écarte. Il s'est demandé si l'absence de lien entre la Convention et la Conférence intergouvernementale n'augmentera pas le risque que les travaux de la Convention soient « détricotés ». Il a également interrogé la ministre au sujet du statut d'observateur accordé à la Turquie au sein de la Conférence intergouvernementale, qui tend à la mettre sur le même plan que la Roumanie et la Bulgarie et donc à franchir une étape supplémentaire sur le chemin de son adhésion. Il a aussi souhaité connaître le bilan du sommet Union européenne-Balkans occidentaux.

M. Michel Herbillon a demandé s'il existait encore des risques de blocage en ce qui concerne la partie III du projet de Constitution, qui doit faire l'objet de discussions au sein de la Convention au début du mois de juillet.

A ces questions, Mme Noëlle Lenoir a apporté les éléments de réponse suivants :

- le multilinguisme doit être préservé et le rapport de la Délégation présenté par M. Michel Herbillon sur le sujet mériterait d'être adressé aux institutions européennes, et notamment à la Commission. Les textes offrent les moyens de faire respecter le multilinguisme, mais l'anglais monte inexorablement en puissance, les représentants de certains Etats membres, comme le Danemark ou la Suède, n'hésitant pas à s'exprimer directement en anglais. Les nouveaux Etats membres tendent à adopter un comportement similaire, même si le français conserve chez eux de solides positions. Dans le nouveau traité, la diversité linguistique sera inscrite parmi les objectifs de l'Union, ce qui, loin d'être une simple pétition de principe, fournira la base juridique à d'éventuels recours contre le non-respect du multilinguisme. Pour le moment, le français reste cependant en usage au Conseil aux côtés de l'anglais et il est la langue de délibéré de la Cour de justice. En outre, nous avons obtenu une avancée très importante lors de la négociation de la réforme du statut des fonctionnaires communautaires puisque, pour avoir leur première promotion (en général dans les trois premières années de leur affectation), les fonctionnaires communautaires devront maîtriser deux (et non plus une) langues étrangères. Cela devrait beaucoup profiter au français. Pour conserver et développer le multilinguisme, des actions communautaires doivent être menées, avec le relais des Etats membres : trop d'enseignants d'allemand restent sans affectation en France, faute d'élèves ; d'autre part, l'activité des lycées français à l'étranger doit être soutenue ;

- au sujet des pays de moindre poids démographique, la France doit tirer profit de sa forte présence économique dans les futurs Etats membres pour s'efforcer de construire des alliances dans l'Europe élargie, ce qui nécessite encore un important travail d'explication de nos positions ;

- la création d'un parquet européen a suscité beaucoup de débats, en Europe mais aussi à l'intérieur de notre pays. Aux termes du projet de Constitution, les Etats membres pourraient décider à l'unanimité d'instituer un ministère public européen, qui serait à même de déclencher et de diriger des enquêtes lorsqu'une coordination des poursuites nationales s'avère nécessaire ; seul un événement extraordinaire paraît cependant capable d'enclencher ce processus, comme l'a montré l'expérience du mandat d'arrêt européen, qui doit son existence aux événements du 11 septembre 2001. Pour lutter contre la criminalité organisée, il est également indispensable d'instituer des mécanismes d'évaluation de la qualité des services judiciaires nationaux ;

- le risque d'un « détricotage » du texte de la Convention ne paraît pas si grand, même s'il faut s'attendre à ce que des pays comme la Pologne et l'Espagne fassent entendre leur voix au moment de la Conférence intergouvernementale ;

- l'adhésion de la Turquie reste en débat ;

- dans les Balkans, la Croatie, profitant de son avance relative, souhaiterait adhérer à l'Union européenne dès 2007, aux côtés de la Bulgarie et de la Roumanie, mais la situation dans la région paraît encore trop instable pour que sa demande n'apparaisse pas prématurée aujourd'hui ; des tensions latentes subsistent en effet dans la région, où les appareils d'Etat peinent à modifier les habitudes anciennes ;

- ces pays, candidats potentiels à l'adhésion à l'Union européenne, devraient développer une collaboration accrue avec le Tribunal pénal international de La Haye.

C. Réunions communes avec des délégations parlementaires des actuels et des futurs pays membres de l'Union européenne

Echanges de vues avec une délégation de la Commission mixte pour
les affaires européennes du congrès espagnol, le 23 octobre 2002

Le Président Pierre Lequiller a souhaité la bienvenue à la délégation de la Commission mixte pour les affaires européennes du Congrès espagnol conduite par M. Josep Borrell Fontelles, Président de la Commission, et composée en outre de MM. Guillermo Martinez Casan et Luis Mardones Sevilla. Il a précisé qu'il s'agissait de la première réunion, depuis le début de la nouvelle législature, tenue conjointement par la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne avec des représentants d'une Commission homologue d'un autre Etat membre. Il a précisé que M. Josep Borrell Fontelles représentait le Parlement espagnol au sein de la Convention sur l'avenir de l'Europe et était membre du groupe de travail de la Convention sur l'action extérieure.

Le Président a souligné que la Délégation pour l'Union européenne s'efforçait de développer le débat européen au sein même du Parlement, et suivait attentivement le développement des travaux de la Convention. Saluant le résultat positif du référendum irlandais sur le traité de Nice, il a estimé qu'une nouvelle étape vers l'élargissement était à présent ouverte. Il a ensuite proposé que l'ordre du jour de la réunion comprenne plus particulièrement, outre l'élargissement, la réforme des institutions, la politique agricole commune et le rôle joué par les parlements espagnol et français dans le domaine des affaires européennes.

Le Président Josep Borrell Fontelles a souligné l'intérêt de cette réunion conjointe, à un moment où le débat sur l'avenir de l'Union est entré dans une phase cruciale. Il a félicité le Président Pierre Lequiller pour sa récente élection comme Vice-président du parti populaire européen et a évoqué le travail mené au sein de la Convention. Il a en particulier fait référence aux propositions de réforme institutionnelle faites récemment par le Président Lequiller, qu'il a jugées inspirées d'une vision audacieuse transcendant les lignes traditionnelles de résistance.

Il a indiqué qu'il était d'usage au sein du Parlement espagnol de réserver la présidence de la Commission mixte pour les affaires européennes à un parlementaire de l'opposition, ainsi que les présidences des Commissions compétentes pour le budget et pour l'audiovisuel.

Approuvant le projet d'ordre du jour proposé par le Président Lequiller, M. Josep Borrell Fontelles a souligné l'importance majeure des travaux de la Convention, qui se reflète notamment à travers la participation directe des ministres des affaires étrangères de plusieurs Etats membres, dont Mme Ana Palacio, représentant le Gouvernement espagnol au sein de la Convention. Il a considéré que deux conceptions différentes de l'Europe étaient en débat à la Convention et qu'il était important, dans ce contexte, que l'Espagne et la France développent une concertation étroite.

Il a estimé que les discussions au sein des groupes de travail étaient plus ouvertes que dans le cadre des séances plénières. Il a souligné que la question du rôle des régions en Europe constituait un sujet important pour l'Espagne et a rappelé que la création d'un groupe de travail chargé d'examiner cette question avait été demandée par plusieurs membres de la Convention.

Ouvrant le débat sur l'élargissement, M. René André, rapporteur d'information sur ce dossier, a salué l'initiative de cette rencontre commune et a plaidé pour un renforcement des liens politiques et parlementaires franco-espagnols.

Puis il a souligné l'importance du travail de communication à accomplir pour faire comprendre et accepter l'élargissement par les citoyens, regrettant que la classe politique française reste trop souvent muette sur ce sujet. Insistant sur le défi, mais surtout sur la chance historique que représente l'élargissement, M. René André a estimé nécessaire de faire preuve d'une plus grande volonté pour être à la hauteur de cette échéance. L'Union doit faire face à sa responsabilité historique et sensibiliser les peuples à cette réalité plutôt que de focaliser le débat sur les seuls aspects budgétaires. La question des frontières de l'Europe ne devant pas être occultée, M. René André a estimé nécessaire d'expliquer à un certain nombre de pays que l'Union n'a pas vocation à accueillir l'ensemble des Etats qui se réclament de l'Europe. Des modalités d'une coopération plus étroite pourraient ainsi être envisagées avec la Russie, la Turquie, l'Ukraine et les Etats du Maghreb.

S'agissant des conséquences institutionnelles de l'élargissement, M. René André a rappelé l'exigence exprimée par certains de conditionner l'adhésion des pays candidats à l'adoption préalable d'une réforme des institutions qui permette à l'Europe élargie de devenir un espace politique qui compte dans le monde. M. René André a enfin souligné l'indispensable recours aux coopérations renforcées qui devraient pouvoir s'engager, par exemple, dans les domaines de l'agriculture, de la politique étrangère et de la justice.

Réagissant à l'intervention de M. René André, le Président Pierre Lequiller a estimé indispensable de respecter les délais fixés pour le calendrier de l'élargissement. Tout report serait très mal compris par les pays candidats, alors que vient de se tenir le référendum irlandais. S'agissant des frontières de l'Europe, il s'est prononcé en faveur d'un partenariat renforcé qui permette notamment de relancer le processus euro-méditerranéen de Barcelone et de répondre aux demandes qui sont actuellement formulées. En ce qui concerne le recours aux coopérations renforcées, le Président Pierre Lequiller a mentionné le domaine de la défense, dans lequel la France pourrait s'engager activement.

M. Pierre Forgues est pour sa part intervenu sur l'impact agricole de l'élargissement, qui doit se réaliser dans les meilleures conditions possibles afin que l'Europe conserve une image positive auprès des citoyens. L'élargissement nécessitera inévitablement une réorientation de la politique agricole commune, qui devra de plus en plus répondre à des objectifs de qualité et de développement durable. La réforme des aides doit pouvoir bénéficier aux futurs pays membres afin de leur donner les moyens de moderniser leur agriculture, ce qui provoque une inquiétude des agriculteurs français. M. Pierre Forgues a ainsi souhaité des précisions sur le sentiment des agriculteurs espagnols. Puis il est revenu sur la question du rôle des régions, qui se pose certes en Espagne mais également en France.

M. Guillermo Martinez Casan a constaté avec satisfaction que les analyses des responsables français et espagnols étaient convergentes sur de nombreux sujets, en particulier sur l'élargissement qu'il a qualifié d'évènement historique. Il a souligné que, malgré un contexte difficile, il s'agissait d'accomplir un geste politique, par solidarité et par générosité. Il s'est félicité des résultats du référendum irlandais.

Il a par ailleurs regretté la dévalorisation des traités d'association, avançant l'idée d'un partenariat renforcé avec certains Etats non membres de l'Union européenne.

Les nouveaux pays membres doivent passer par une longue période transitoire, dans la mesure où leur situation économique est très éloignée de celle du reste de l'Europe. Le PIB de la totalité des dix pays candidats est en effet inférieur à celui des Pays-Bas. Mais cela ne doit pas remettre en cause l'objectif, qui est de donner un signal politique très clair à tous nos pays frères et de construire à terme une Europe forte et unie, quelle qu'en soit la forme (Fédération, Confédération ou Fédération d'Etats nations).

Evoquant les institutions, M. Guillermo Martinez Casan a porté une appréciation positive sur les travaux de la Convention, qui mettent en évidence les points de convergence et de divergence entre les différents Etats membres.

Il a regretté la distance entre l'Europe et les citoyens. Les citoyens doivent être mieux informés et appelés à décider eux-mêmes d'un accroissement des compétences de l'Union européenne, ce qui sera plus difficile en France qu'en Espagne, où l'appartenance à l'Union européenne donne lieu à un sentiment d'euphorie et où l'élargissement est envisagé avec enthousiasme.

Il a suggéré l'établissement d'une coordination plus étroite entre les parlementaires nationaux et les parlementaires européens par l'intermédiaire des groupes et des partis politiques.

Il s'est déclaré favorable aux coopérations renforcées, dans les conditions prévues par le traité de Nice. Mais elles doivent être en permanence ouvertes à tous les pays membres, en fonction des progrès réalisés dans l'intégration de l'acquis communautaire.

Il a considéré qu'il était exclu de modifier les perspectives financières ou de remettre en cause l'accord de Berlin avant 2006.

Il a enfin évoqué les frontières extérieures de l'Union. Les Espagnols souhaitent qu'elles soient flexibles et évolutives. Il est naturel de chercher à définir les limites géographiques de l'Europe, mais le projet européen peut être appelé à se transformer. Ce qui semble inenvisageable aujourd'hui le sera peut-être un jour. Rien ne permet d'exclure l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne le jour où ce pays respectera les critères définis à Copenhague. Si ce n'est pas le cas pour l'instant, il convient de ne pas définitivement fermer la porte.

M. Luis Mardones Sevilla a déclaré qu'il est l'un des quatre députés du parti « Coalition canarienne », parti nationaliste des îles Canaries, et indiqué que la France et l'Espagne sont concernées par le sort des régions ultrapériphériques dans l'Union européenne. Il a rappelé l'organisation, à l'île de La Palma, il y a quelques jours, d'une Conférence des régions ultrapériphériques, à laquelle ont participé Mme Girardin, ministre français des DOM-TOM, et le commissaire européen Michel Barnier, qui joue un rôle essentiel dans le développement de ces régions.

Il a critiqué les propositions du commissaire européen Fischler sur la politique agricole commune. La Commission européenne ne peut pas contraindre des agriculteurs à transformer la structure de leurs exploitations, alors que leur production est par ailleurs d'un haut niveau de qualité. Le plan Fischler sera catastrophique pour la France et pour l'Espagne, notamment dans les îles Canaries, où les exploitations sont de taille réduite.

Il a proposé la formation, autour de la France et de l'Espagne, d'un groupe d'Etats hostiles au plan Fischler et suggéré, plus largement, l'établissement d'une coopération renforcée entre pays méditerranéens sur l'agriculture.

Il a suggéré un renforcement des dispositions de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam sur les régions ultrapériphériques, afin que les citoyens de ces régions ne se sentent pas abandonnés.

Il a enfin évoqué les problèmes soulevés par l'immigration clandestine dans les pays méditerranéens. Les îles Canaries sont à cent kilomètres des côtes du Maroc. Elles subissent l'arrivée massive d'immigrants irréguliers d'Afrique du Nord et d'Afrique de l'Ouest qui souhaitent, à terme, s'installer en France. 400 d'entre eux sont renvoyés chaque mois dans leur pays d'origine. Face aux conséquences sociales et économiques très graves entraînées par cette situation, il est nécessaire que la France et l'Espagne se coordonnent étroitement, car leur préoccupation est plus spécifique que celle d'autres Etats membres. Cela justifierait également une coopération renforcée.

M. Josep Borrel Fontelles a souhaité savoir si un référendum serait organisé en France pour approuver l'élargissement de l'Union aux pays d'Europe centrale et orientale.

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que cette décision relevait du Président de la République. A titre personnel, il lui semble difficile que le futur traité sur les institutions, qui, de façon symbolique, peut être un nouveau traité de Rome, ne soit pas approuvé par référendum, compte tenu de son importance. De ce fait, il ne pense pas qu'un autre référendum sera organisé pour approuver l'élargissement.

M. Josep Borrell Fontelles s'est inquiété du développement dans l'opinion française d'un sentiment d'appréhension à l'égard de l'élargissement.

Le Président Pierre Lequiller s'est voulu rassurant sur ce point. Au cours des nombreuses réunions sur l'Europe qu'il a tenues durant les campagnes électorales présidentielle et législative sur l'ensemble du territoire métropolitain, il n'a jamais senti percer cette menace. En revanche, il est évident qu'on ne parle pas assez, en France, de cette question et l'exemple irlandais démontre clairement que lorsque les responsables politiques décident de s'engager, on peut passer d'un non à un oui massif lors d'un référendum. Il va d'ailleurs demander aux parlementaires d'organiser, dans leur circonscription, des réunions sur le thème de l'élargissement. Il vient également de publier dans Le Figaro, aujourd'hui même, un article cosigné par M. Christian Philip, pour montrer que l'élargissement serait positif sur le plan commercial pour la France et que son coût resterait modéré. Un élan de générosité peut exister en France, tout comme en Espagne, d'autant que des liens historiques unissent notre pays et plusieurs pays candidats.

Abordant le deuxième point consacré aux travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe, M. Christian Philip a souhaité avoir des précisions sur la façon dont la Convention est perçue tant au niveau du Parlement que de l'opinion publique espagnols. Après avoir rappelé la récente audition par la Délégation de Mme Gisela Stuart, présidente du groupe de travail sur le rôle des parlements nationaux, il s'est interrogé sur la position espagnole à l'égard des propositions de ce groupe de travail et de celles du groupe chargé de la subsidiarité.

Le Président Pierre Lequiller a observé que ce dernier groupe de travail était présidé par une personnalité espagnole, M. Inigo Mendez de Vigo.

M. Christian Philip a estimé que la proposition visant à confier le contrôle de la subsidiarité à la Cour de justice des Communautés européennes ne constituait pas une bonne formule, même si le contrôle était exercé par une chambre spécialisée. Il a enfin demandé l'opinion des Espagnols sur les propositions faites par le Président Pierre Lequiller relatives à un président unique de l'Europe et au rôle du congrès.

M. Patrick Hoguet a observé que, lors de la réunion de Copenhague de la COSAC, la semaine dernière, on avait noté une crispation des parlementaires européens sur la question de la majorité qualifiée, alors même qu'ils y sont généralement favorables dans les autres institutions. Il serait peut-être souhaitable que ce sujet soit abordé par la Convention afin de lever les blocages actuels. S'agissant de la politique étrangère et de sécurité commune, il a souhaité connaître la position espagnole concernant le rôle du Haut représentant, l'articulation de ses compétences avec celles de la Commission européenne et, enfin, la mise en œuvre de la majorité qualifiée.

Le Président Pierre Lequiller a tenu à expliquer plus précisément sa proposition relative à la présidence unique, en observant notamment qu'il avait soumis deux propositions, dont une pouvait être considérée comme plus traditionnelle, dans la mesure où elle laisse subsister le Président du Conseil et le Président de la Commission. Il a craint le développement de la crispation des parlementaires européens, déjà observée non seulement lors de la réunion de la COSAC, mais également à Estoril et au sein du groupe de travail sur le rôle des parlements nationaux. Sa proposition visant à fusionner la présidence du Conseil et la présidence de la Commission pourrait justement être considérée comme une position de compromis.

Il a souhaité avoir l'avis de la délégation espagnole sur le statut du futur ministre des affaires étrangères de l'Europe, sur les modalités de contrôle du respect du principe de subsidiarité et sur la création d'un Congrès permettant d'associer les parlements nationaux à la construction européenne sans constituer toutefois une seconde chambre. Ce congrès pourrait, par exemple, être le lieu d'un débat annuel sur l'état de l'Union et participer à la nomination du Président de l'Europe, ce qui imposerait à ce dernier de faire campagne auprès des parlements nationaux, qui seraient ainsi associés plus étroitement aux débats européens.

M. Josep Borrell Fontelles a noté que la grande question concernait l'évolution future du triangle constitué par la Commission, le Conseil et le Parlement européen. L'attitude de ce dernier lors de la réunion de la COSAC reflète sa crainte de voir se développer l'interparlementarisme, qui, selon les parlementaires européens, quelle que soit leur appartenance politique, freinerait l'émergence d'un Parlement fédéral.

En matière institutionnelle, il importe de distinguer le souhaitable et le possible. Or, il semble impossible de donner plus de poids politique à la Commission européenne, du fait de l'hostilité des gouvernements nationaux.

Ainsi que l'ont souligné le commissaire Pascal Lamy et le Haut représentant de la PESC, Javier Solana, la « grande politique », comme la PESD, ne doit pas être laissée aux mains de la Commission européenne. Comme l'a indiqué ce dernier, la politique commerciale commune traite de questions tangibles, tandis que la politique étrangère poursuit des objectifs intangibles. Cette dernière ne peut donc être confiée à un collège de 25 membres dans lequel un petit pays est à parité avec un grand pays.

Au sujet de la présidence de l'Union, le système des présidences tournantes ne pouvant fonctionner dans une Union élargie à 25 membres, il est nécessaire d'instituer une présidence plus ou moins permanente de l'Union. La proposition du Président Pierre Lequiller sur la présidence intégrée de l'Union est trop audacieuse et arrive trop tôt : la fusion du pouvoir administratif de la Commission et du pouvoir d'impulsion politique du Conseil européen donne en effet le vertige à certains Etats membres. La solution qui s'impose pour l'instant est de garder les deux présidences, même si cela ne crée pas une situation favorable pour la Commission, qui ne se résigne pas à ne pas devenir le « gouvernement » de l'Europe.

S'agissant de la désignation du Président du Conseil, le recours à l'élection au suffrage universel direct ou à l'élection par le Parlement européen constituent des solutions trop compliquées à mettre en œuvre et comportant de plus un risque politique. Ces modes de désignation pourraient en effet donner une trop forte légitimité à cet organe, qui pourrait déstabiliser l'équilibre du triangle institutionnel.

La politique étrangère doit-elle être incarnée par un « Monsieur PESC » permanent ou par le Président du Conseil ? Qui George W. Bush doit-il appeler ? Si c'est le Président du Conseil, est-il concevable que ce dernier soit l'interlocuteur privilégié des Etats-Unis au point de court-circuiter le Président Jacques Chirac, surtout si le Président du Conseil en exercice est M. Tony Blair ? En revanche, si l'on décide d'instituer un Monsieur PESC, celui-ci doit présider le Conseil des ministres des affaires étrangères et se voir reconnaître juridiquement le droit d'initiative qu'il exerce de fait. En outre, il ne doit pas y avoir une fusion des rôles du commissaire en charge des relations extérieures et du Haut représentant, mais ceux-ci doivent être exercés par la même personne.

Il ne faut pas oublier que certaines avancées importantes de la construction européenne sont le fruit d'accords politiques intergouvernementaux : ces derniers ont notamment permis de mettre en place la monnaie unique, l'espace Schengen et les embryons d'une défense européenne.

Le Congrès européen ne doit en aucun cas jouer le rôle d'une seconde chambre, cette évolution institutionnelle ne pouvant être en tout état de cause acceptée par le Parlement européen. A l'inverse, il peut jouer un rôle symbolique important en se réunissant périodiquement pour débattre collectivement de grandes questions européennes, qui bénéficieraient ainsi d'une plus grande visibilité.

Le contrôle de subsidiarité et de proportionnalité ne doit pas être « judiciarisé », car ces concepts n'ont pas une nature juridique, mais posent au contraire des problèmes d'interprétation politique. Confier ce contrôle à la Cour de justice reviendrait à instituer un gouvernement des juges au niveau européen, ce que personne ne souhaite, à commencer par les juges eux-mêmes. Quant au rôle des parlements nationaux dans ce domaine, le système proposé d'alerte, d'échanges d'informations, de coordination des positions et de saisine éventuelle de la Commission ne paraît pas très solide sur le plan institutionnel. Il convient donc d'imaginer des mécanismes plus structurés.

Le Président Pierre Lequiller a indiqué que sa proposition concernant le Congrès ne visait en aucun cas à instituer une seconde chambre exerçant des compétences législatives. La logique de sa proposition consiste à renforcer le triangle institutionnel tout en laissant une place à une assemblée débattant publiquement chaque année du programme de travail des institutions, mais sans que cela soit sanctionné par un vote.

M. Guillermo Martinez Casan a apporté aux différents intervenants les éléments de réponse suivants :

- les travaux de la Convention sont de fait contrôlés par les représentants du Parlement européen, ce qui conduit à imposer progressivement la ligne du Parlement européen. Le risque existe que le texte qui sera proposé par la Convention ne soit qu'une pure création de cette institution, ignorant ainsi les positions défendues par les parlements nationaux et les gouvernements ;

- s'agissant du contrôle de la subsidiarité, la proposition consistant à confier cette compétence à la Cour émane du Parlement européen, qui souhaite éviter la création d'une nouvelle instance pouvant amoindrir ses pouvoirs. Or, cette tâche devrait être confiée aux parlements nationaux dans le cadre d'un renforcement des procédures de contrôle de la politique européenne des gouvernements. Il faut par ailleurs garder à l'esprit que le contrôle de la subsidiarité peut être une source de paralysie ;

- l'objectif primordial de la réforme institutionnelle doit être de préserver l'équilibre du triangle communautaire. Il est à noter que ceux qui souhaitent renforcer les pouvoirs du Parlement européen sont aussi les députés européens de l'Etat membre le mieux représenté dans cette instance. Mais la préservation de l'équilibre institutionnel doit aussi prendre en compte les nouvelles réalités de la pratique décisionnelle, ce qui doit conduire à reconnaître pleinement le rôle d'impulsion politique du Conseil européen. Par ailleurs, le maintien d'une Commission forte et indépendante implique que cet organe ne soit pas sous la coupe du Parlement européen, ce qui serait le cas si ce dernier devait élire le Président de la Commission ;

- en ce qui concerne la présidence du Conseil européen, la proposition du Président Jacques Chirac a fait du chemin et a été reprise par M. José Maria Aznar et par M. Tony Blair. La proposition sur la présidence unique risque d'altérer l'objectif du maintien de l'équilibre institutionnel et semble difficile à accepter pour plusieurs Etats membres ;

- concernant la politique étrangère et de sécurité commune, la question du statut et des pouvoirs de la personne qui en sera chargée dépend de la formule que l'on retient pour la présidence du Conseil européen. Si un président permanent du Conseil européen était institué, il devrait, en effet, disposer de compétences en la matière ;

- la COSAC était à l'origine une bonne idée proposée par la France, qui a d'ailleurs été institutionnalisée lors du Conseil européen d'Amsterdam. Cependant, elle soulève aujourd'hui des problèmes importants : alors que cet organe a vocation à exprimer la volonté des parlements nationaux, il est difficilement acceptable que le Parlement européen soit membre permanent de la troïka. Le Parlement européen a toujours rejeté les projets de réforme de la COSAC. Il faudrait lui donner un statut d'invité - et non de membre -, doter la COSAC d'un secrétariat qui lui soit propre et prévoir des durées de réunion plus longues, qui permettraient d'avoir des débats approfondis.

Le Président Pierre Lequiller a précisé à ce sujet que l'idée du congrès qu'il défend pourrait remédier à ce déficit de représentation des parlements nationaux, puisque cette institution serait composée pour les deux tiers de parlementaires nationaux et pour un tiers de parlementaires européens. Dès lors, la COSAC n'aurait plus beaucoup de raisons d'être.

M. Guillermo Martinez Casan a estimé que le congrès serait alors en quelque sorte une nouvelle COSAC et que, si cette idée était retenue, il serait inutile de conserver la COSAC actuelle.

M. Luis Mardones Sevilla a, en premier lieu, marqué son accord avec ses collègues espagnols sur la question de la subsidiarité. Il a estimé que confier la compétence en cette matière à un organe juridictionnel - la Cour de justice en l'occurrence - dénaturerait les institutions. De plus, cette proposition crée plusieurs difficultés : la remise en cause inévitable du mode de nomination des juges de la Cour, le fait de confier à cette institution chargée d'appliquer le droit la mission de l'interpréter, l'opposition éventuelle entre la Cour et des parlements nationaux élus démocratiquement, et la préservation naturelle des intérêts du Parlement européen. En outre, elle pose le problème de l'interférence dans le temps entre le moment où la Cour prendrait sa décision et les éventuels changements liés aux élections législatives, de même que celui d'une hypothétique dissolution du parlement national auquel la Cour n'aurait pas donné raison. La judiciarisation du contrôle de la subsidiarité constitue donc une voie dangereuse, de nature à remettre gravement en cause la construction européenne.

Au sujet de la politique étrangère et de sécurité commune, il a souligné que son efficacité reposait sur la capacité de l'Europe à être à la fois une puissance économique et une puissance militaire. Aussi, l'idée d'un responsable à part entière de la politique étrangère commune conduit-elle naturellement à envisager l'équivalent en matière de défense. Il n'est pas admissible, par exemple, que lors du contentieux récent entre l'Espagne et le Maroc, il ait fallu faire appel aux Etats-Unis pour le résoudre et que ce soit ce pays qui ait déterminé le lieu des réunions diplomatiques. Cela s'explique par le fait que les Etats-Unis disposent de la puissance économique et de la puissance militaire, tandis que l'Union européenne n'a pas été jusqu'ici en mesure de bâtir une véritable puissance militaire. Cette situation nous fragilise, nous Européens, face à ce pays ; les discussions sur la création du Tribunal pénal international ont en effet montré notre manque d'unité vis-à-vis de la position américaine et ont conduit aujourd'hui à ce paradoxe que, pour des mêmes faits, des soldats européens pourraient encourir une sanction de cette juridiction alors que les soldats américains en seraient exemptés.

S'associant à ces propos, le Président Pierre Lequiller a estimé qu'une coopération renforcée en matière de défense exige de la part des Etats impliqués qu'ils aient déjà fourni des efforts significatifs pour améliorer leurs équipements militaires. La politique de défense commune s'inspirerait ainsi de la méthode adoptée pour arriver à la monnaie unique. Diplomatie et défense sont intimement liées.

M. Patrick Hoguet a approuvé la position de M. Guillermo Martinez Casan sur le Parlement européen. Il a souligné que la COSAC ne saurait subsister si un Congrès était constitué, soulignant que les parlements nationaux devaient pouvoir délibérer par eux-mêmes et ès qualités dans un cadre où ne s'exerce pas l'influence du Parlement européen. À cet égard, le Congrès ne serait pas la panacée si l'influence, selon lui, excessive du Parlement européen s'y faisait sentir.

M. Pierre Forgues s'est interrogé sur certaines incohérences du processus communautaire, en évoquant la question concrète du futur réseau transpyrénéen. Il a relevé que la Commission mixte espagnole avait fait paraître un Livre blanc sur les transports. Y figurait la position commune à l'ensemble des formations politiques espagnoles, toutes très favorables à ce projet majeur. Or le processus de décision a achoppé au niveau communautaire : alors que le Parlement européen s'était prononcé en faveur du projet par un vote et que la Commission l'avait approuvé à l'unanimité, le Conseil « Transports » du 17 juin 2002 a pu refuser malgré cela d'en faire un projet prioritaire.

M. Josep Borrell Fontelles a répondu que la question du réseau transpyrénéen avait été largement débattue en Espagne, où le projet était, de fait, soutenu par l'ensemble des formations politiques.

M. Guillermo Martinez Casan a rappelé que c'était le vote à l'unanimité qui était de rigueur au sein du Conseil « Transports », ce qui expliquait qu'une même proposition puisse recueillir l'assentiment de la Commission sans obtenir le soutien du Conseil. Il a estimé que, sur ces sujets aussi, les parlements nationaux devaient pouvoir être appelés à exprimer leur position.

Abordant la politique agricole commune, M. Jean-Marie Sermier a remercié la Délégation espagnole de sa franchise de nature à faire avancer le débat. Il a rappelé que cette politique de la Communauté européenne avait eu pour instigateur le couple franco-allemand, capable de traiter à la fois et respectivement agriculture et aménagement rural d'une part, et industrie d'autre part. Il a posé les données de base du problème, en soulignant que l'existence de cette politique commune était essentielle pour le monde agricole. Sans elle, les agriculteurs n'auraient pu subsister jusqu'à aujourd'hui, et elle est en outre la seule politique européenne à être pleinement intégrée.

Il a reconnu qu'elle était aujourd'hui à la croisée des chemins. Selon lui, le commissaire Fischler outrepasse les termes de la mission de révision à mi-parcours qui lui est impartie. Ce faisant, le commissaire avance des arguments discutables quand il traite des excédents et qu'il appelle à une agriculture moins polluante et à un développement agricole devant prendre la forme d'un développement rural. Le grief le plus difficile à accepter est que la politique agricole provoque de la famine dans les pays en voie de développement.

M. Jean-Marie Sermier a souligné que la COPA (Confédération des Organisations Professionnelles Agricoles) s'était déclarée hostile, à la quasi-unanimité, au « découplage ». Cette proposition revient en effet à verser une aide qui ne va plus à la production, mais à l'entretien du milieu rural ; il a estimé à cet égard que les montants retenus -il est question de 5 000 euros annuellement par exploitation- relevaient davantage de l'aide sociale.

Il ne faut pas modifier les règles avant 2007, sous peine de manquer de crédibilité à l'égard de nos futurs partenaires et de compromettre l'élargissement et le fonctionnement de l'Europe de demain.

M. Jean-Marie Sermier a émis l'idée que le couple franco-allemand serait peut-être remplacé à l'avenir, au moins sur les questions agricoles, par le couple franco-espagnol, même si des divergences sur la viticulture, la pêche et les fruits et légumes subsistent entre les deux pays. Le groupe des Sept, à savoir le bloc des pays signataires d'un manifeste hostile aux propositions Fischler, doit s'agrandir et accueillir en son sein l'Italie, dont il peut sembler étonnant qu'elle ne l'ait pas encore rejoint.

Mais il n'exclut pas de réfléchir en commun à ce que pourrait être la politique agricole commune après 2006. L'essentiel est selon lui de ne pas baisser la garde avant même les négociations à l'OMC. Ce serait y arriver sans avoir plus aucune concession à faire, au moment où les États-Unis ont adopté une position offensive, radicalement inverse.

Il a souligné que ses propos rejoignaient ceux du Président de la République, qui s'est déclaré favorable à une révision, pour peu qu'elle respecte le calendrier de Berlin, c'est-à-dire qu'elle entre en vigueur après 2006.

M. Edouard Landrain a souhaité savoir, au moment où se tient un débat sur la relance de la décentralisation et sur l'Europe des régions, comment l'Espagne a surmonté les difficultés rencontrées avec ses communautés autonomes. Il a interrogé la délégation espagnole sur la réforme de la politique commune de la pêche proposée par le commissaire Fischler, et sur sa position à l'égard des règles européennes dans ce domaine, s'agissant, par exemple, des aides aux navires en fonction de leur tonnage et du repos biologique.

M. Josep Borrel Fontelles a rappelé que les régions espagnoles ont une identité historique et linguistique très forte et que certaines d'entre elles souhaitent participer directement à la construction européenne. Il a souligné que cette volonté relève davantage d'une stratégie d'affirmation de leur identité et de leur personnalité, que du souci de faire avancer l'Europe. M. Jordi Pujol, président de la communauté autonome de Catalogne, souhaite, par exemple, que le catalan - qui est parlé par au moins six millions d'Européens - soit reconnu comme l'une des langues officielles communautaires. L'Union européenne compte déjà onze langues officielles, et ne pourra satisfaire toutes les demandes. Mais il faut éviter de rejeter le basque ou le catalan au seul motif que la Catalogne et le Pays basque ne sont pas des Etats, sous peine d'encourager les courants séparatistes. Il faudra donc, dans la perspective de l'élargissement, réduire le nombre des langues officielles, et définir quatre ou cinq langues de travail. Cette réduction pourrait s'accompagner du principe selon lequel les locuteurs ne s'expriment pas dans leur propre langue, afin d'assurer une égalité de traitement.

Au sujet de la politique agricole commune, M. Josep Borell Fontelles s'est interrogé sur la possibilité que la France accepte une réduction de la dépense agricole.

M. Patrick Hoguet a souligné que les dépenses de la politique agricole commune, qui ne représentent que 0,45 % du PIB communautaire, ne doivent pas être surestimées, et qu'il n'est pas envisageable de réduire à la fois les aides et les mesures de protection à l'égard du marché mondial. Le secteur agricole se voit assigner de nouvelles missions, en termes de protection de l'environnement et d'aménagement de l'espace notamment, qui requièrent un maintien de la protection dont il fait l'objet.

M. Jérôme Lambert a évoqué les écarts existant en matière de répartition des aides agricoles en France, quatre-vingt pour cent des ressources étant distribués à seulement vingt pour cent des agriculteurs. Il a estimé qu'une répartition plus équilibrée permettrait de diminuer le montant global des aides, sans réduire le bien-être global des agriculteurs.

M. Jean-Marie Sermier a estimé qu'une protection doit effectivement être maintenue afin d'affronter le marché mondial et les prochaines négociations commerciales multilatérales. La réduction du financement de la politique agricole est difficilement envisageable, parce que le modèle européen, exigeant en termes de traçabilité, de qualité des produits, de protection de l'environnement et d'aménagement du territoire, a un coût élevé. La politique agricole commune, avec le développement de son « second pilier », intègre ces exigences nouvelles. Les réformes proposées devront, en tout état de cause, emporter l'adhésion du milieu agricole et de ses représentants.

M. Jacques Floch a souligné les écarts existant entre les prix de revient des différents Etats membres, certains ayant des coûts de production sensiblement inférieurs aux coûts français. Ces écarts vont s'accroître après l'élargissement, certains Etats membres ayant un secteur agricole qui, au fur et à mesure qu'il obtiendra des aides, deviendra plus compétitif. La politique agricole commune doit donc intégrer un volet social important, pour tenir compte de ces écarts.

M. Pierre Forgues a déclaré que la PAC devait faire face à deux grands problèmes : d'une part, la fixation d'un prix mondial pour les produits agricoles est un exercice totalement artificiel et il faut revoir les conditions de sa fixation à l'OMC ; d'autre part, la répartition actuelle des aides n'est pas satisfaisante - en particulier la politique de la montagne ne coûte pas cher à l'Union - et il faut prendre en compte l'exigence des consommateurs en faveur d'une réorientation de l'agriculture européenne. Rien n'est donc figé et le budget européen n'est pas extensible. Si l'on veut aider les nouveaux Etats membres, il faut revoir les positions de la France pour réorienter le dispositif et stabiliser voire diminuer l'impact de ces aides sur le budget communautaire. Notre pays ne doit pas adopter une attitude d'opposition systématique à toute évolution, même s'il doit veiller à ne pas affaiblir sa position de négociation sur la révision de la PAC.

Après avoir rappelé les déclarations du ministre des affaires étrangères, le mardi 22 octobre devant la Délégation, selon lesquelles un examen financier des politiques de l'Union européenne devrait inclure l'ensemble des politiques européennes, le Président Pierre Lequiller a souhaité que l'Espagne et la France travaillent ensemble et a exprimé son accord à une évolution tout en étant bien déterminé à défendre les intérêts des agriculteurs, conscient qu'ils doivent leur existence à la PAC.

M. Guillermo Martinez Casan a déclaré que la France et l'Espagne sont clairement du même côté sur cette révision, même s'il y a des points sur lesquels elles ont des avis différents, et qu'elles devaient travailler ensemble. Il faut d'abord rappeler que les conditions externes doivent être les mêmes pour tous, au moment où les Etats-Unis augmentent leurs aides et protections afin de renforcer leur position de négociation. Il n'est pas admissible de démanteler la PAC pour la recréer dans chaque Etat membre, au risque de casser le marché intérieur et de le remplacer par des marchés nationaux avec leurs barrières internes. Il faut adapter la PAC à la nouvelle situation et garder cette politique commune en lui confiant des fonctions multiples concernant non seulement la production agricole, mais aussi la biodiversité, l'environnement et d'autres domaines.

L'Espagne rencontre des difficultés supplémentaires dues au fait que la PAC n'a pas été adaptée pour répondre aux besoins de l'agriculture méditerranéenne de l'Europe et que, par exemple, les producteurs de fruits secs ne sont pas protégés par rapport aux productions turques ou américaines.

Lier les aides aux coûts de production est dangereux car les conditions de la productivité ne sont pas les mêmes dans les différentes zones de production en Europe. Va-t-on lier les aides aux coûts de transport, puis lier la rémunération des travailleurs et la protection sociale au coût de la vie ? Un débat approfondi ne pourra être mené qu'avec des idées claires sur tous les sujets.

M. Luis Mardones Sevilla a approuvé les critiques adressées au commissaire Fischler pour son manque de respect politique des conclusions du Conseil européen de Berlin. Les conclusions relatives aux aides à la production s'imposent et ont donné une orientation aux agriculteurs sur ce qu'ils pouvaient faire jusqu'en 2006. Les agriculteurs français, espagnols et des autres Etats membres ont fait leurs prévisions d'investissement à partir de cette décision de Berlin et ils ne peuvent pas en changer tous les ans.

Les réformateurs de la PAC devraient par ailleurs garder un œil sur l'extérieur et sur ce que font notamment les Etats-Unis en matière d'aide à la production, quand par exemple les producteurs de bananes des régions ultrapériphériques de l'Union, qu'ils exercent aux Canaries, à Madère ou dans les DOM français, se défendent face aux multinationales américaines qui essaient d'introduire leurs produits en Europe.

Le coût des produits importés dans l'Union est très bas, y compris dans les pays liés avec elle par des accords d'association. Ainsi le Maroc veut-il augmenter ses contingents de tomates alors que ses coûts de production représentent un cinquième des coûts français et espagnols.

En ce qui concerne la pêche, M. Luis Mardones Sevilla s'est déclaré prêt à dialoguer, mais pas selon les termes de M. Fischler. Celui-ci voudrait faire couler plus de bateaux qu'il n'en a été perdu pendant la guerre. Il ne restera plus aux flottes du Canada et d'autres pays qu'à donner le coup de grâce aux bateaux communautaires qui n'auront pas été éliminés par la réforme du commissaire Fischler.

Un accord en Conseil européen ne doit pas être ignoré et il faut être conscient que s'il n'y a pas de sécurité de la production, il y aura inévitablement baisse de la qualité.

Enfin, le débat sur la réforme de la PAC doit prendre en compte le fait que l'agriculture n'est pas un secteur économique comme les autres et que, si l'Allemagne peut délocaliser une partie de sa production industrielle dans les pays d'Europe centrale et orientale, les pays agricoles européens ne peuvent pas délocaliser leur production agricole ailleurs.

Le Président Pierre Lequiller a remercié la Délégation espagnole avec laquelle a pu s'engager un débat très ouvert sur des sujets fondamentaux pour l'avenir de l'Europe et il a souhaité que puisse se renouveler cette rencontre très amicale et très franche entre parlementaires nationaux de l'Union européenne.

Réunion commune avec la Commission des affaires européennes
du Bundestag, le 25 février 2003

(Déclaration de Stuttgart sur l'avenir de l'Europe)

La déclaration commune, du 22 janvier 2003, de l'Assemblée nationale française et du Bundestag allemand, marquant le 40ème anniversaire du Traité de l'Élysée, a souligné les succès que la coopération franco-allemande, poursuivie depuis quarante ans, a permis de remporter dans le processus d'intégration européenne et a réaffirmé la responsabilité de nos deux assemblées vis-à-vis de l'approfondissement de l'Union européenne et de l'intégration des futurs pays membres.

Par l'intensification des relations de travail entre nos commissions parlementaires, nous souhaitons contribuer au développement de la coopération franco-allemande, pour une Europe unie au service de l'intérêt commun des citoyens européens.

La construction européenne a permis de réaliser la paix et la prospérité économique en Europe, et a largement contribué au renforcement d'un modèle social associant compétitivité économique, développement durable et solidarité. Le renforcement de la légitimation démocratique de l'Union, la nécessité de renforcer l'action au niveau communautaire dans des champs nouveaux - en particulier dans les domaines de la politique étrangère, de la défense, de la justice et de la sécurité - l'événement historique que représente la réunification de l'Europe, l'évolution du contexte international vers un monde plus ouvert mais aussi plus dangereux, imposent une véritable refondation du projet européen.

L'Europe doit, dans le futur, être à même de constituer une force efficace - en interne comme sur le plan international - au service, en particulier, de la paix, d'un développement durable, de la justice sociale et de la solidarité, des libertés individuelles, de la diversité culturelle, de la protection de l'environnement.

Ces objectifs - et les valeurs de respect de la dignité humaine et des droits de l'homme, de liberté, de démocratie, d'état de droit - constituent le socle du projet politique autour duquel nous souhaitons, dans un esprit d'union, contribuer à rassembler les citoyens européens.

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* *

La Convention européenne qui poursuit ses travaux doit permettre d'élaborer une Constitution européenne, cadre de l'avenir de l'Europe que nous appelons de nos vœux. La forte participation parlementaire aux travaux de la Convention constitue un élément essentiel d'un approfondissement politique et citoyen de l'Union. Dans leur déclaration commune du 10 décembre 2001, en prévision du Conseil européen de Laeken, nos deux commissions avaient déjà clairement exprimé leur soutien à la convocation d'une convention constitutionnelle européenne.

La Constitution européenne, fondée sur la double souveraineté des Etats et des citoyens, doit répondre prioritairement à la nécessité d'un approfondissement démocratique de l'intégration. Nous nous félicitons des propositions que la Convention a d'ores et déjà élaborées sur cette voie.

Nous soutenons le travail en commun réalisé au sein de la Convention par les représentants français et allemands.

Ensemble, nous souhaitons que la Charte des droits fondamentaux, qui contient les dispositions relatives aux droits de l'homme et du citoyen dans l'Union, figure au début d'une future Constitution pour l'Europe. Dans le cadre du développement d'une Europe politique, les citoyens européens devraient se voir conférer de manière étendue le droit de participation aux décisions, ainsi qu'une protection juridique entière.

La Convention aborde par ailleurs les discussions proprement institutionnelles. Les propositions faites dans ce domaine devront s'efforcer de dépasser les clivages résultant d'approches principalement intergouvernementales ou supranationales pour s'inscrire dans une logique pleinement communautaire.

Les rôles, complémentaires, du Parlement européen et des parlements nationaux - qui ont, ensemble, vocation à être pleinement partie prenante de la démocratie européenne - doivent être renforcés.

Le Parlement européen doit devenir colégislateur de droit commun à travers la généralisation de la codécision. Son rôle en matière budgétaire doit être développé.

Les parlements nationaux doivent pouvoir exercer un droit de regard au cours du processus législatif sur la prise en compte effective du principe de subsidiarité, sans néanmoins que ce rôle donné aux parlements nationaux ne ralentisse, ou ne puisse bloquer, la procédure législative. Les propositions faites par les groupes de travail de la Convention vont à cet égard dans le bon sens.

L'Europe a aussi besoin d'un exécutif plus lisible, stable, dont la légitimité et la cohérence soit renforcée, et qui dispose d'une capacité d'impulsion accrue, tant sur le plan interne qu'au niveau international, ce qui impose notamment la création d'un « ministre européen des Affaires étrangères ». Nous saluons l'initiative franco-allemande sur l'architecture institutionnelle de l'Union comme contribution aux discussions futures de la Convention.

Le rôle essentiel de la Commission dans le fonctionnement des institutions doit être conforté, et son droit d'initiative confirmé. L'élection du Président de la Commission par le Parlement européen, qui devrait voter à la majorité simple, permettra de renforcer sa légitimité. Il convient de renforcer la capacité de travail de la Commission dans une Europe réunifiée en conférant au président de la Commission la responsabilité de définir lui-même l'organisation de l'institution.

S'agissant du Conseil des Ministres, la prise de décision doit être facilitée par l'application, en règle générale, du principe de la majorité qualifiée. Par ailleurs, lorsqu'il remplit ses fonctions législatives, le Conseil doit se réunir en séance publique, afin de rendre la procédure législative européenne plus lisible pour le citoyen.

Pour les futures révisions constitutionnelles, la méthode conventionnelle devrait être consacrée comme méthode de révision.

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Nous souhaitons que l'adoption de la Constitution puisse se conclure avant la fin de l'année 2003, à l'issue d'une conférence intergouvernementale courte, à laquelle la Convention devrait être associée, - par exemple par l'intermédiaire de son Praesidium.

Nos deux commissions poursuivront leur travail en commun sur les prochains développements de l'élaboration de la Constitution, et consacreront à ce sujet une deuxième réunion commune dans les prochains mois.

Réunion commune avec une délégation conjointe de la Commission pour l'intégration européenne et la Commission des affaires étrangères de la Chambre des députés de la République tchèque,
le 26 mars 2003

Le Président Pierre Lequiller s'est déclaré heureux d'accueillir la Délégation conjointe de la Commission des affaires étrangères et de la Commission pour l'intégration européenne de la Chambre des Députés de la République tchèque, puis il a rappelé qu'il avait rencontré les deux Présidents de la Délégation conjointe lors d'une visite à Prague en décembre 2002 et que M. Nicolas Dupont-Aignan avait effectué une mission ce mois-ci en sa qualité de rapporteur chargé du suivi de l'adhésion de la République tchèque. Il a souligné que cette rencontre constituait la première réunion commune de la Délégation de l'Assemblée nationale avec les commissions compétentes du Parlement d'un pays adhérent et qu'elle était la troisième depuis le début de la législature, après celles avec les commissions homologues de l'Allemagne et de l'Espagne. Ces rencontres doivent s'intensifier dans le cadre du développement indispensable de la coopération interparlementaire entre Etats membres de l'Union élargie.

Il a proposé d'aborder en premier lieu le sujet de l'élargissement, en faveur duquel la Délégation s'est toujours prononcée. Elle a constamment suivi le processus, elle a rencontré de nombreuses fois les ambassadeurs des pays adhérents et ses membres sont à la disposition des parlementaires tchèques pour les accompagner dans leur campagne, s'ils le souhaitent, lors du référendum du 16 juin sur le Traité d'adhésion.

L'examen des débats de la Convention sur l'avenir de l'Europe doit être l'occasion d'aborder librement le développement de la PESC à la suite de la crise irakienne et des divisions qu'elle a engendrées en Europe. La position officielle de la République tchèque semble pencher plutôt en faveur du soutien à l'intervention des Etats-Unis, même s'il y a un débat au sein de la classe politique tchèque. La position des autorités françaises recueille un accord pratiquement unanime au sein de l'Assemblée nationale. Chacun respecte la position de l'autre et doit l'expliquer pour éviter tout malentendu, mais ce respect n'obère pas notre volonté de créer une Europe politique capable de parler d'une seule voix sur la scène internationale et de soutenir des propositions sur la PESC à la Convention allant dans ce sens.

Le débat sur la réforme des institutions de l'Union européenne élargie n'a pas encore été vraiment ouvert à la Convention et le Président Valéry Giscard d'Estaing a exprimé son inquiétude sur la possibilité d'aboutir à la fin du mois de juin. Le Président Pierre Lequiller a confirmé sa déclaration en faveur d'une prolongation de la Convention, si nécessaire.

Il s'est enfin interrogé sur les possibilités de travail en commun avec la Commission pour l'intégration européenne et la Commission des affaires étrangères, après l'adhésion, et a salué le vote massif des Slovènes en faveur de l'adhésion à l'Union européenne lors du référendum du 23 mars dernier.

M. Pavel Svoboda, Président de la Commission pour l'intégration européenne, a remercié chaleureusement le Président Pierre Lequiller d'avoir organisé si rapidement cette rencontre après la visite qu'il avait effectuée à Prague. Le moment est historique : la signature du Traité d'adhésion est maintenant très proche, le 16 avril ; le référendum l'est aussi et sera étalé sur deux jours à la mi-juin, le samedi et le dimanche ou le dimanche et le lundi ; la Convention va entrer dans la phase finale pour décider de l'avenir de l'Union européenne pour une longue période.

La délégation tchèque est prête à parler de sa position très ouverte sur la crise irakienne et souhaite entendre de la délégation française un point de vue très clair sur la ratification du Traité d'adhésion ainsi que des précisions sur la campagne d'information qui la précédera.

La délégation tchèque est arrivée en France dans un esprit amical. Elle espère que les liens étroits qui se sont tissés entre les pays candidats leur permettront de communiquer sur les sujets qui vont définir l'avenir de l'Union européenne. Elle souhaite également que la France, qui présente de nombreuses propositions à la Convention, ait des discussions très ouvertes avec les futurs Etats membres.

Le Président Svoboda a salué également en la personne du Président Lequiller l'auteur d'un livre intitulé « L'Europe se lève à l'Est » qui est connu en République tchèque, où il avait pris une position ouvertement favorable à l'élargissement dès le début de la décennie quatre-vingt-dix. Il a conclu en déclarant qu'il se sentait déjà membre de l'Union européenne.

M. Vladimir Laštůvka, président de la commission des affaires étrangères, s'est déclaré très heureux de cette rencontre. Il a souligné les bonnes relations existant traditionnellement entre la République tchèque et la France. Il a exprimé son souhait de renforcer celles-ci, dont atteste d'ailleurs la venue conjointe aujourd'hui de la commission des affaires étrangères et de la commission pour l'intégration européenne de la Chambre des députés de la République tchèque. Il a suggéré qu'au-delà des points de débat proposés par le Président Lequiller, la question de la coopération renforcée soit également abordée.

Le Président Pierre Lequiller a indiqué qu'on ne savait pas à ce jour comment en France seraient ratifiés le traité d'adhésion, ni la future constitution européenne, dont la décision revient au Président de la République. Il a estimé probable que la ratification du traité d'adhésion se fasse par la voie parlementaire, auquel cas une forte majorité en faveur de celui-ci devrait, selon lui, se dégager. S'agissant de la ratification de la future Constitution, on peut penser que, au vu de l'enjeu du sujet, le Président de la République pourrait opter pour la voie référendaire. Cela supposerait de la France un effort important d'information et de communication auprès des citoyens, en raison de la sensibilisation encore insuffisante des Français aux questions européennes.

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que l'Assemblée nationale accordait d'ailleurs une place de plus en plus importante à ces questions. Ainsi a-t-elle récemment invité le Président Giscard d'Estaing à débattre - en commission, puis en séance plénière - de la réforme des institutions européennes. De même, a-t-elle instauré une séance mensuelle de questions européennes, sachant que ces sujets peuvent également être évoqués lors des séances hebdomadaires de questions au Gouvernement, comme ce fut par exemple le cas hier. Il a en outre signalé qu'un fonctionnaire de l'Assemblée nationale avait récemment été affecté auprès des institutions européennes et rappelé que les parlementaires européens étaient invités aux réunions de la Délégation. De plus, celle-ci a convié à plusieurs reprises des membres de la Commission européenne - dont le Président Romano Prodi, dernièrement. Enfin, plusieurs réunions solennelles se sont tenues à l'Assemblée nationale avec les parlementaires allemands au mois de janvier dernier, à l'occasion de la commémoration du Traité de l'Elysée.

Mme Elisabeth Guigou s'est dite très heureuse de ce type de rencontres. Elle a estimé, qu'après la longue séparation qu'a connue l'Europe pendant la période de la guerre froide, il était nécessaire de renforcer ces échanges parlementaires afin d'éviter certains malentendus. Elle a indiqué que le choix que paraissent exprimer certains pays d'Europe centrale en faveur d'une conception d'une Europe « minimale », voire américaine, était ressenti par beaucoup en France de façon douloureuse. Elle a appelé de ses vœux une autre conception, fondée sur une union politique forte, dotée d'une véritable politique étrangère et de défense, dont la crise internationale actuelle souligne d'ailleurs d'autant plus la nécessité. Cela étant, le droit de chaque pays d'exprimer sa position doit, selon elle, être parfaitement respecté. Elle a précisé à cet égard, que la politique étrangère et de défense européenne ne devait pas se faire contre les Etats-Unis, mais en coopération avec eux. Cette politique pourrait donner lieu à une coopération renforcée - ou à une intégration renforcée - dont l'Europe doit encore démontrer la possibilité et l'efficacité. Cette intégration renforcée pourrait se faire selon un mode comparable à la mise en œuvre de la politique monétaire commune, sachant que tous les pays européens ont de toute façon vocation à y participer. Elle s'est enfin déclarée confiante sur la ratification du processus d'adhésion.

Le Président Vladimir Laštůvka a souligné que l'on pouvait d'ores et déjà considérer que l'élargissement était réalisé. La question qui reste encore posée est celle de savoir dans quel cadre institutionnel cet élargissement va fonctionner : de ce point de vue les résultats de la Convention seront décisifs.

Il a souhaité répondre à Mme Elisabeth Guigou sur la nature même du projet européen auquel la République tchèque souhaite participer. Il a, sur ce point, fortement souligné que la très grande majorité de la représentation politique tchèque était attachée à la construction d'une Europe politique. Il a considéré que le volet économique de la construction européenne pouvait être encore renforcé, par exemple dans le domaine fiscal. Il a estimé que l'intégration politique - qui a vocation à inclure la politique étrangère et la défense - se fera selon un processus assez long qui pourra notamment s'appuyer sur des coopérations renforcées. Il a noté que l'on ne pouvait pas dire que la République tchèque était « du côté des Etats-Unis », en précisant que son pays avait - comme la France - autorisé le survol de son territoire par les alliés mais, conformément à ses prises de positions antérieures, ne participait pas aux opérations de guerre, celles-ci n'ayant pas obtenu de mandat des Nations unies.

M. Christian Philip a souligné que si un accord existait sur la perspective politique du projet de l'Union européenne, il pouvait être intéressant de débattre des instruments qui devraient être mis au service de ce projet, en vue notamment du futur traité constitutionnel sur lequel travaille la Convention. Il a en particulier évoqué la question de la présidence de l'Europe - monocéphale ou bicéphale -, la répartition des compétences, ainsi que les coopérations renforcées.

Le Président Pierre Lequiller a évoqué la question de la nature du projet européen en notant que la conception fortement prédominante au sein de la classe politique française était en faveur d'une Europe politique, qui dépasse la seule intégration économique et qui puisse exister sur le plan international. Il a souligné qu'il ne s'agissait pas pour autant d'introduire une distanciation vis-à-vis des Etats-Unis : la relation transatlantique doit être bonne, mais, quand il y a désaccord, l'Europe a le droit et le devoir de l'exprimer. Il faut que l'Europe sorte de son mutisme. Dans un monde qui sera nécessairement multipolaire, l'Europe doit pouvoir jouer un rôle positif, compte tenu en particulier de son expérience et de ses capacités.

Le Président Pavel Svoboda a rejoint l'opinion exprimée par le Président Vladimir Laštůvka en soulignant que le gouvernement de la République tchèque, ainsi que la plupart des parlementaires tchèques, étaient en faveur de la construction d'une union politique de l'Europe. Il s'est dit partisan d'une approche progressive qui, s'inspirant de l'exemple réussi de la mise en place de la monnaie unique, puisse bâtir par étapes une véritable politique étrangère et de sécurité commune. Il a considéré que cette approche - qui n'était pas contraire au maintien nécessaire d'un partenariat avec les Etats-Unis - ne pouvait exclure les pays candidats, et a estimé qu'il était possible de construire une union politique avec l'ensemble des Etats membres, actuels et futurs.

S'agissant du futur référendum, il a indiqué que le gouvernement tchèque avait engagé une campagne publique d'information très importante. Il a noté qu'à l'heure actuelle les sondages indiquaient qu'environ 73 % des Tchèques étaient favorables à l'adhésion alors que 20 % y étaient hostiles. Il a précisé que plus on se rapprochait de la date du référendum, plus le soutien de l'opinion à l'adhésion était net, indiquant que ce soutien n'était que de 40 % il y a deux ans.

M. René André s'est félicité de l'organisation de cette rencontre et de la liberté de ton qui la caractérisait. Il a considéré qu'un renforcement du dialogue entre parlementaires tchèques et français était nécessaire. Il a souligné que s'il était personnellement très favorable à l'élargissement, comme la plupart des parlementaires français, ce n'était pas forcément le cas de la majorité de l'opinion publique française. Il a estimé en particulier que les épisodes récents du choix d'avions américains F-16 par la Pologne, et de la lettre signée par les « huit » à propos de la crise irakienne, avaient été mal reçus par les Français et avaient nourri une position de nature « émotionnelle ». Il a considéré que la réaction du chef de l'Etat aux prises de position des pays candidats à propos de l'affaire irakienne exprimait le sentiment prédominant des Français, tout en soulignant que les propos du Président Jacques Chirac avaient été déformés par une mauvaise traduction anglaise.

Il a rappelé son attachement ancien à la construction d'une Europe politique qui puisse exister en tant que puissance dans le monde. Il a précisé que la voie économique avait été choisie après la guerre, au début de la construction européenne, comme un instrument au service d'un projet politique et, au premier chef, au service de la paix. Il faut que l'Europe puisse avoir dans le monde l'influence qui lui revient de par le poids de son économie et son importance démographique.

M. René André a considéré qu'il ne s'agissait pas de bâtir cette Europe contre les Etats-Unis, rappelant qu'il était élu dans un département qui avait directement connu sur son sol le débarquement des troupes alliées en 1944. Il a affirmé son amitié avec le peuple américain tout en soulignant qu'il ne se reconnaissait nullement dans le néoconservatisme de l'administration américaine actuellement au pouvoir.

Il a souligné que la construction progressive d'une politique étrangère et de sécurité commune devait inclure au premier rang de ses priorités une politique commune dans le domaine de l'industrie des armements. Il a estimé qu'il ne s'agissait pas de substituer une défense européenne à l'OTAN, mais que l'OTAN ne devait pas non plus se substituer à l'action de l'Europe dans ce domaine.

Le Président Pierre Lequiller a demandé que les participants abordent dans leurs échanges les questions institutionnelles. Il a souhaité connaître la position des députés tchèques sur les propositions françaises concernant l'institution d'un ministre européen des affaires étrangères, l'extension du vote à la majorité qualifiée à certains aspects de la politique étrangère et la mise en place d'une présidence plus stable du Conseil.

M. Tomá_ Dub a estimé certaine la victoire du « oui » au référendum à l'adhésion. Il a affirmé que les électeurs de son propre parti, le parti démocratique civique, deuxième force politique au Parlement, soutiendront le vote en faveur de l'entrée dans l'Union européenne. Par ailleurs, ce parti organise au mois de mai une conférence sur l'adhésion.

S'agissant des coopérations renforcées, M. Tomá_ Dub a considéré que les arguments présentés pour les défendre s'appuient sur des éléments plutôt négatifs que positifs. Il a émis le vœu que le conflit irakien soit le plus court possible et n'influe pas sur le processus d'adhésion.

La lettre des « huit » a été signée par M. Vaclav Havel. La position de l'actuel Président de la République tchèque, M. Vaclav Klaus, est plutôt proche de celle du Président Jacques Chirac.

M. Tomá_ Dub a estimé que l'émergence d'une vraie PESD doit être le fruit d'une évolution naturelle, découlant d'une discussion démocratique et ouverte entre Etats membres et pays candidats. Il a affirmé que ce projet ne peut aboutir que s'il se fonde sur un processus qualitatif et non sur une démarche trop rapide.

M. François Guillaume a souhaité faire part de ses interrogations sur l'inflexion à donner à la démarche communautaire dans la perspective de l'élargissement. Il a rappelé le proverbe « qui trop embrasse, mal étreint » pour évoquer ensuite le premier projet d'une Europe de la défense - la Communauté européenne de défense  - qui a échoué. L'Europe s'est donc construite sur une union économique, mais celle-ci résulte d'un long travail de rapprochement entre les Etats membres. Cela a imposé la constitution d'un marché commun, qui repose sur la liberté des échanges et l'existence de politiques structurelles. A l'inverse d'une simple zone de libre-échange comme l'ALENA, un marché commun constitue un ensemble économique solidaire doté d'un budget traduisant cette solidarité.

M. François Guillaume a jugé que vouloir mettre en place une PESD aboutit « à mettre la charrue avant les bœufs ». A ses yeux, on ne peut avancer en matière européenne que pas à pas. En ce qui concerne la relation avec l'OTAN, il a déclaré que les PECO ont érigé leur adhésion à l'Alliance atlantique en priorité et même épousé la cause de l'atlantisme. Dans ces conditions, comment peut-on croire qu'une PESD peut se mettre en place quand l'Europe économique et monétaire n'est pas encore achevée ? Il a qualifié l'affaire irakienne de test révélateur du fait selon lequel si la PESD à quinze est impossible, a fortiori il sera encore plus difficile de la réaliser à vingt-cinq.

Il s'est en revanche déclaré partisan d'une « défense en commun », à distinguer d'une politique étrangère unique ou commune. Cette défense en commun est réalisable à condition de mettre en place les instruments nécessaires, comme une agence de l'armement qui puisse assurer l'interopérabilité des matériels. M. François Guillaume a souhaité connaître la position des députés tchèques sur cette question, ainsi que leur sentiment concernant les négociations en cours à l'OMC. Celles-ci doivent retenir toute l'attention des pays candidats, car elles concernent directement l'avenir du marché commun européen. Il s'agit là d'une question concrète et immédiate, qui doit trouver une réponse rapide. En revanche, s'agissant de la PESD, le choix géopolitique de faire l'élargissement avant l'approfondissement de l'Europe, a conduit l'Union dans l'impasse provoquée par la crise irakienne. M. François Guillaume a exprimé son désaccord sur l'analyse de Mme Elisabeth Guigou concernant la nécessité d'œuvrer rapidement en faveur de la PESD : cette démarche précipitée ne peut aboutir à des résultats probants.

Le Président Pierre Lequiller a observé que les propos qui viennent d'être tenus reflètent la diversité des opinions existant au sein de la même majorité concernant l'avenir de l'Union. Pour sa part, la crise actuelle ne peut que faire progresser la construction européenne.

Le Président Pavel Svoboda a rappelé quelques éléments d'ordre historique pour répondre à certains propos qu'il a qualifiés de « provocants ». La République tchèque a fait le choix de l'OTAN car après l'expérience des occupations nazie et communiste, la République tchèque s'est retrouvée, au lendemain de l'effondrement du bloc soviétique, dans un « vide » inquiétant pour sa sécurité. Or, seule l'OTAN pouvait lui apporter la garantie de sécurité dont elle avait besoin. Personne ne peut obliger la République tchèque à faire un choix entre le lien transatlantique et l'appartenance à l'Union européenne : ces deux piliers sont complémentaires. D'ailleurs, la PESD ne pourra se bâtir qu'en s'appuyant sur ce lien transatlantique. En ce qui concerne les travaux de la Convention, la rotation de la présidence du Conseil à vingt-cinq sera sans doute compliquée, mais la République tchèque ne soutient pas à l'heure actuelle l'idée d'un « Président de l'Europe ». En revanche, elle est favorable à l'élection du Président de la Commission européenne. L'institution d'un ministre unique des affaires étrangères de l'Union ne devrait pas se heurter à l'opposition de la République tchèque, mais il faut s'assurer que cette fonction ne recouvre pas une enveloppe vide.

Le Président Pavel Svoboda a estimé nécessaire un développement par étapes de la PESD. Elle ne devra agir qu'avec l'accord d'une majorité d'Etats membres et non sous l'impulsion de deux à trois pays seulement. Il a incité la France à partager cette conception de la PESD. Sur la mise en place d'une agence de l'armement, cette dernière doit tenir compte des différents intérêts économiques des Etats membres. On ne doit pas oublier que la modernisation de l'outil militaire coûte cher, surtout pour les pays entrants. La rareté des ressources budgétaires a d'ailleurs motivé en partie le choix de la Pologne en faveur des F16.

M. Jacques Floch a déclaré que les différences ne lui semblaient pas aussi tranchées entre les positions de la République tchèque et celles de la France. A cet égard, l'attitude des pays candidats au sein de la Convention sur l'avenir de l'Europe semble significative : tandis que, pour ce qui concerne le développement économique et social, l'adhésion leur paraît souhaitable, sur les questions de défense, ils s'en remettent à l'OTAN et à la protection qu'elle accorde, ce qui s'explique par le fait que l'Europe n'offre aucune garantie similaire. Il faut aussi évoquer des parcours historiques différents, qui ne vont pas sans évolution. Ainsi en France, le débat sur la Communauté européenne de défense a débouché sur un échec du fait de l'opposition des partis communiste et gaulliste en 1954, les uns y voyant une menace pour l'Union soviétique, tandis que les autres s'inquiétaient d'une perte de l'indépendance française. Mais aujourd'hui, au sein de la mouvance gaulliste, des voix s'élèvent pour évoquer l'éventualité d'une Europe de la défense.

Cela comporte des implications pratiques. Hier, le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin a souligné que les relations de la France avec le Royaume-Uni restaient bonnes, en prenant argument de ce que les deux pays construisent en commun un porte-avions. Il faut cependant observer que 20 % de ses composants seront d'origine américaine, et que les Etats-Unis auront ainsi barre sur la construction militaire franco-britannique. Il convient donc de développer une agence de l'armement et une industrie militaire propre à l'Union européenne, de sorte qu'elle puisse, le cas échéant, équiper par elle-même la future armée européenne.

Après s'être félicité que 70 % des Tchèques soient favorables à l'adhésion, M. Jacques Floch a cependant déclaré, paraphrasant Voltaire, que l'opinion est une marâtre dont les sentiments sont volatiles. Ainsi, en France, l'opinion se demande quel retentissement peut avoir l'élargissement sur l'emploi et la politique sociale du pays, car la protection sociale n'est pas partout aussi élevée. Or les réponses institutionnelles, comme l'institution d'une présidence de l'Europe, ne sauraient dissiper les inquiétudes sur le pouvoir d'achat.

A la Convention, les bonnes relations entre délégués tchèques et français prouvent que les positions des deux pays ne sont pas si éloignées. Même s'il s'exprime intuitu personae, chacun arrête sa ligne de conduite à l'issue d'une concertation dans son pays d'origine. Or sur les questions de justice, de sécurité, de législation sociale ou sur le rôle du Parlement européen, les délégués des deux pays défendent des positions semblables. En outre, il apparaît que la République tchèque joue en Europe centrale le rôle d'un chef de file, ce qui semble au reste promettre qu'une approbation tchèque de l'adhésion en entraînera d'autres. En matière de politique étrangère, la France et la République tchèque devraient pouvoir trouver des positions communes. La crise actuelle aura nécessairement une fin et, lorsque la paix sera revenue, il faudra résoudre ensemble le problème palestinien qui hypothèque toute stabilité durable dans la région, mais aussi le problème kurde qui peut avoir un impact direct sur l'immigration en Europe.

Le Président Pierre Lequiller a repris ces propos en observant qu'il comprenait la préoccupation des Tchèques en matière de sécurité. Comme il l'a écrit dans son livre « L'Europe se lève à l'Est », cela s'explique par leur histoire. Il y a aujourd'hui une corrélation totale entre l'absence de politique européenne de sécurité et l'attirance des pays d'Europe centrale pour les Etats-Unis, l'OTAN étant actuellement la seule à offrir la sécurité. Mais, à partir de ce constat, des avancées sont possibles et même indispensables.

M. Libor Rouček a déclaré que le débat mettait en évidence que les deux pays commençaient à mieux se connaître. L'Europe autrefois divisée se réunifie aujourd'hui. Il n'y a pas de division entre une « vieille » et une « jeune » Europe, mais la fin d'une séparation qui a duré quarante ans. Entre les vingt-cinq, voire bientôt les vingt-sept, la compréhension mutuelle doit avancer et se développer, ce qui demande de la patience. L'avenir immédiat paraît incertain : après que les quinze ont longtemps connu une certaine stabilité, des évolutions rapides se font jour. Entrent de nouveaux pays adhérents qui connaissent des histoires et des situations économiques et politiques différentes, ce qui a aussi une portée en matière de sécurité. Ce constat doit exclure l'affrontement : lorsque le dialogue s'engage, les positions ne paraissent pas si éloignées, même sur l'Irak. Au fond, ce qui rassemble les deux pays est plus fort que ce qui les sépare.

Quant à la politique sociale et industrielle commune, les statistiques commerciales le prouvent, 70 % du commerce de la République tchèque se réalise avec l'Union européenne et seulement 2 à 3 % avec les Etats-Unis. Il en va de même de la Pologne, de la Hongrie, de l'Europe orientale d'une manière générale, mais aussi des pays baltes qui commercent d'abord avec les pays scandinaves, tous membres de l'Union européenne à l'exception de la Norvège. En matière de politique industrielle, les intérêts de la République tchèque se situent nettement en Europe, même si elle reçoit aussi des investissements étrangers venus d'ailleurs, notamment du Japon. Cela impose, semble-t-il, de coordonner les politiques fiscales. Si l'Europe repose sur le principe du libre-échange des capitaux et des personnes, il conviendrait aussi de développer un système commun d'assurance sociale. Le gouvernement tchèque, composé de trois partis coalisés, souhaite aller en ce sens, même si des débats ont lieu en son sein. M. Tomá_ Dub a pu ainsi exprimer une opinion différente. Il reste que le parti communiste de Bohême-Moravie est le seul en République tchèque qui se soit prononcé contre l'adhésion.

Même en étant un fédéraliste européen convaincu, il faut être réaliste. S'il paraît possible d'avancer rapidement dans les domaines social, environnemental et monétaire, où la coopération est déjà étroite et profonde, il faudra veiller à ce que la politique étrangère et de sécurité commune, tout en se développant aussi vite que possible, englobe l'ensemble des vingt-cinq Etats membres et non seulement les quinze. Certes, l'Union européenne est un géant économique mais, tant qu'elle n'aura pas développé de politique étrangère et de défense commune, elle fera figure d'un nain à l'extérieur.

Dans la presse internationale, les autorités françaises apparaissent parfois faire porter certaines responsabilités à l'Europe centrale, alors que les bases américaines ne sont pas installées en République tchèque, mais en Allemagne, en Espagne et en Italie. Dans un monde multipolaire, la politique de sécurité devra englober différents pays en s'appuyant sur leur potentiel respectif. Ainsi, la France siège comme membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, elle a des possessions dans le Pacifique Sud, elle dispose de l'arme nucléaire ; avec un potentiel comparable, les Britanniques conservent une influence mondiale à travers le Commonwealth ; l'Espagne exerce également une grande influence linguistique, culturelle et commerciale en Amérique du Sud. Autant d'atouts pour l'Union européenne, qui doit bâtir sur ce potentiel. Au demeurant, l'Est le renforcera encore, les Polonais ayant par exemple de bonnes relations avec les républiques baltes, l'Ukraine ou encore la Russie. Si une politique étrangère commune est vraiment nécessaire, elle ne doit donc pas rester dans les mains de trois ou quatre Etats, puisque c'est l'origine même des divisions actuelles.

Le Président Pierre Lequiller, tout en déclarant approuver les propos de M. Tomá_ Dub, a insisté sur la nécessité de se départir de l'idée fausse - parce qu'elle n'est pas celle de la France - selon laquelle les pays d'Europe centrale et orientale seraient responsables de la division de l'Europe constatée à l'occasion de la crise irakienne. Par ailleurs, il a considéré que cette dernière avait confirmé qu'une défense européenne ne saurait se construire en l'absence de la Grande-Bretagne.

M. Nicolas Dupont-Aignan a souligné la volonté d'adaptation considérable du gouvernement tchèque, ainsi que l'ampleur des réformes intervenues depuis une dizaine d'années, qu'il a pu constater à l'occasion de son déplacement.

Evoquant l'élargissement, il a insisté sur la nécessité de réussir ce processus qui résulte, selon lui, d'un choix collectif et d'éviter qu'il ne soit altéré par des débats qu'il a qualifiés de surréalistes. Il en est ainsi du mythe révélé par la crise irakienne selon lequel une Europe politique pourrait se réaliser immédiatement. Car, l'application de la majorité qualifiée à la politique de défense n'est pas concevable, tandis qu'une PESC ne pourra être envisagée avant un délai de plusieurs années. Dès lors, la question est de savoir si l'élargissement débouche sur un potentiel économique et industriel qui permette à l'Europe de faire contrepoids aux Etats-Unis et non si l'Europe est en mesure de disposer d'une politique étrangère et de défense commune.

M. Nicolas Dupont-Aignan a considéré qu'il existait des domaines dans lesquels la Convention devait imaginer une troisième voie entre la paralysie dont, selon lui, l'Europe élargie souffrira, et le fédéralisme, solution utopique parce qu'inconciliable avec l'existence de grands Etats qu'il sera difficile de contraindre. Il convient donc de promouvoir des coopérations à géométrie variable, sources, selon lui d'une Europe puissance et à défaut desquelles les peuples risqueraient d'être fortement déçus.

Le Président Pierre Lequiller a déclaré nécessaire une réflexion sur la PESC et la PESD à laquelle selon lui les Tchèques devraient être également associés. Il importe que l'Europe réfléchisse à l'opportunité de mettre en œuvre en ces domaines des mécanismes de coopération renforcée dont les principes s'inspireraient de ceux qui ont permis l'instauration de l'euro, afin qu'un tel processus puisse être ouvert à tous les Etats.

Le Président Vladimir Lástůvka, abordant les craintes suscitées par l'élargissement a constaté, qu'en dépit de sondages positifs, certains groupes socio-professionnels éprouvaient une peur de l'inconnu plus grande selon lui que celle qui existait en France lors de l'élargissement de la Communauté européenne à l'Espagne et à la Grèce.

S'agissant des craintes suscitées par l'évolution des liens transatlantiques, il s'est déclaré surpris des réactions qu'ont pu susciter l'adhésion des pays d'Europe centrale à l'OTAN et le rapprochement de certains d'entre eux avec les Etats-Unis à l'occasion de la crise irakienne. Il a tenu à souligner qu'il ne devait y avoir ni fétichisme ni phobie en la matière, car les liens transatlantiques reposent sur une coopération entre deux partenaires - les Etats-Unis et l'Europe - disposant d'intérêts et de droits identiques sans que l'un puisse dominer l'autre. En tout état de cause, la sécurité ne peut être assurée dans le monde en l'absence des Etats-Unis et de l'Europe. C'est une situation que tous doivent accepter, de même qu'il convient de discuter le fait qu'une politique commune puisse se concilier avec des approches différentes.

En conclusion, il a considéré que l'Europe, contrairement à ce que l'on peut croire, disposait de peu de temps pour élaborer cette PESC, qu'il a qualifiée de question d'actualité. Le monde et l'Europe font face à une configuration nouvelle issue de la chute du mur de Berlin, de la guerre en Yougoslavie et de la crise irakienne. Dès lors, si l'Europe veut être un acteur effectif dans cette nouvelle configuration, il lui faudra se doter des instruments nécessaires. A cet égard, il a déclaré approuver l'idée de coopération renforcée, ouverte à un grand nombre de membres.

M. Edouard Landrain a pu constater au vu de ses différents déplacements en Tchécoslovaquie, que ce pays était devenu communiste à la suite d'un coup d'Etat qu'il a qualifié d'aberration de l'Histoire, et profondément européen depuis la « révolution de velours ».

Soulignant l'importance de la question de la subsidiarité, il s'est enquis de la position des Tchèques quant à cette notion et quant au rythme que doit revêtir leur intégration.

Mme Katerina Konečná a souhaité exposer les raisons pour lesquelles le parti communiste de Bohême-Moravie avait recommandé à ses électeurs de se prononcer contre l'adhésion de la République tchèque à l'Union européenne. Les agriculteurs et de nombreux chefs d'entreprise ont déploré les conditions très strictes imposées à la République tchèque. En second lieu, bien qu'il ne s'agisse pas d'un problème relevant de la responsabilité de l'Union européenne, le gouvernement tchèque n'a pas été en mesure de traiter correctement la question de l'attribution des fonds structurels, en vue de régler les problèmes sociaux. Dans ce contexte, le parti communiste n'ayant pu obtenir des réponses objectives à ces différentes questions, s'est trouvé dans l'impossibilité d'apporter les informations nécessaires à ses électeurs.

Le parti communiste a déploré cette situation alors qu'il est favorable à l'intégration européenne. Il demande seulement que la République tchèque puisse bénéficier des principes d'équité et d'égalité.

M. René André, après avoir souhaité que les Tchèques se départissent de leurs craintes et déclaré que la construction européenne était un acte de foi et de confiance, a rappelé que beaucoup d'agriculteurs français, à l'époque de l'élargissement de la Communauté européenne à l'Espagne et à la Grèce avaient également éprouvé de très fortes craintes, qui, par la suite, sont apparues injustifiées. Aujourd'hui, la majorité d'entre eux est parfaitement consciente des apports bénéfiques de l'Union européenne.

Pour ce qui est des liens transatlantiques, il a considéré qu'ils revêtaient un caractère obsédant à cause du déséquilibre sur lesquels ils reposent. La situation changera le jour où ces liens seront rééquilibrés au travers notamment de l'institution d'une agence européenne de l'armement.

En ce qui concerne la question de la subsidiarité, il a considéré qu'une réflexion sur le rôle de la souveraineté était d'autant plus nécessaire, du fait des contextes historiques propres à la République tchèque et à la France. Il faudra envisager la création d'une deuxième chambre pour rappeler que, dans le cadre de la Constitution européenne, les nations et les Etats doivent continuer à jouer le rôle qui est le leur, tout en se gardant de tomber dans les excès du souverainisme. Evoquant le rôle que devrait jouer la coopération renforcée, il a également estimé qu'elle devait être ouverte à ceux qui se sentent capables d'y prendre part.

Le Président Pierre Lequiller s'est félicité de la qualité du travail accompli au cours de cette rencontre et de la capacité d'écoute mutuelle qu'il a pu constater entre les membres de la Chambre des Députés tchèque et ceux de la Délégation pour l'Union européenne. Notant que cette réunion a été dominée par les thèmes de la PESC et de la PESD - ce qui était inévitable selon lui, compte tenu du contexte actuel -, il a déclaré comprendre les explications données à ce sujet par les députés tchèques. La République tchèque et la France doivent jouer un rôle important à la Convention. Il a estimé que la crise irakienne avait révélé l'émergence d'une conscience européenne au travers des diverses manifestations qui se sont déroulées, lesquelles ne doivent pas être considérées comme des manifestations d'anti-américanisme. Les liens d'amitié existant entre l'Europe et les Etats-Unis ne doivent pas avoir pour effet d'empêcher la poursuite de la construction européenne.

Les Présidents Pavel Svoboda et Vladimir Laštůvka ont remercié les membres de la Délégation pour leur accueil. Le Président Pavel Svoboda a souligné que cette réunion a montré qu'il existe un besoin réel de communication entre nos deux pays. Il a invité le président Pierre Lequiller et les membres de la Délégation à se rendre, à leur tour, en République tchèque pour approfondir ce dialogue.

Réunion conjointe des commissions des affaires européennes
du Bundestag, de la Diète polonaise et de la Délégation
pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale

(Déclaration de Varsovie adoptée le 16 juin 2003)

Notre réunion conjointe se tient à un moment crucial où sont jetées les bases décisives de ce qui sera l'avenir de l'Union européenne. Après l'achèvement des travaux de la Convention européenne la semaine dernière, le Président de la Convention, Valéry Giscard d'Estaing, présentera le 20 juin au Conseil européen de Thessalonique le projet de Constitution pour l'Europe. A cette rencontre participeront également les chefs d'État et de gouvernement des dix pays candidats, dont la Pologne, qui doivent rejoindre l'Union le 1er mai 2004. Le succès du référendum du week-end dernier en Pologne a ouvert la voie de l'adhésion du pays à l'Union.

Les organes chargés des questions relatives à l'Union européenne au sein de la Diète polonaise, de l'Assemblée nationale française et du Bundestag allemand profitent de la rencontre d'aujourd'hui pour adresser un message commun au Conseil européen.

I. Référendum des 7 et 8 juin 2003 en Pologne sur l'adhésion à l'Union européenne

La plus grande vague d'élargissement de l'histoire de l'Union européenne, destinée à accueillir les pays d'Europe centrale et orientale, ainsi que Malte et Chypre, représente une étape déterminante dans la volonté de surmonter la division de l'Europe après la deuxième guerre mondiale, et fait de l'Europe un lieu de stabilité durable. Il faut profiter de ce progrès historique pour intensifier la coopération parlementaire entre nos commissions dans le cadre du Triangle de Weimar.

L'issue favorable du référendum sur l'adhésion de la Pologne à l'Union européenne marque l'apogée provisoire d'une réussite dans le processus de transformation politique, économique et sociétale du pays, et pose les bases d'une appartenance réussie de la Pologne à l'Union européenne, au service à la fois des intérêts des citoyens polonais et de ceux des autres Etats membres.

De même, l'Union européenne a fait des efforts considérables pour se préparer à accueillir dix nouveaux pays membres et plus. L'étape cruciale suivante est lancée à travers les propositions de la Convention pour une Constitution de l'Union européenne. Il s'agit désormais, dans une brève conférence intergouvernementale, qui devrait se conclure pendant la présidence italienne du Conseil, d'adopter, avec la participation pleine et entière des pays adhérents, les compromis auxquels a abouti la Convention.

II. Les travaux de la Convention sur la future Constitution pour l'Union européenne

Les débats de la Convention européenne sur l'avenir de l'architecture et des missions de l'Union européenne ont montré que la méthode de la Convention est bien adaptée pour faire avancer le processus européen d'intégration. A la différence de la conférence intergouvernementale, une convention répond bien à l'exigence de démocratie et de transparence des processus de formation de l'opinion et de prise de décision au sein de l'Union européenne.

Les organes chargés des questions relatives à l'intégration européenne au sein du Triangle de Weimar saluent le discours très ouvert, transparent et public sur l'avenir de l'Union européenne développé dans le cadre de la Convention, et qui se démarque des révisions antérieures des traités. La méthode de la convention devrait être ancrée formellement dans les textes comme procédure ordinaire pour les futures révisions constitutionnelles.

Le suivi intense des travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe par les Parlements des Etats membres a contribué à concevoir la future Constitution de l'Europe de telle sorte qu'elle permette la poursuite réussie de l'intégration européenne dans l'intérêt des citoyennes et des citoyens.

Nous soutenons les solutions retenues par la Convention. Il nous semble donc que la conférence intergouvernementale ne doit pas rouvrir le débat sur le texte constitutionnel résultant du compromis trouvé par la Convention. C'est pourquoi nous lui réaffirmons notre soutien, en particulier sur les points suivants:

L'Union européenne a besoin d'une Constitution tournée vers l'avenir, qui conduit à une amélioration supplémentaire de la démocratie, de l'efficacité et de la transparence de ses structures. L'Union doit pour cela se fonder tant sur la souveraineté des Etats que sur ses citoyennes et ses citoyens. Cette double source de légitimité de l'Union européenne doit se refléter à la fois dans les objectifs de l'Union et dans son architecture institutionnelle et juridique. Les compétences des échelons européens et nationaux doivent mieux se distinguer qu'auparavant.

Nous plaidons pour l'approfondissement d'une Europe politique proche des citoyens, et nous nous félicitons de l'ancrage de la Charte des droits fondamentaux comme un texte juridiquement contraignant à une place prééminente du futur texte constitutionnel. Nous nous réjouissons également de la proposition de la Convention d'introduire un droit d'initiative populaire européen.

La politique de l'Union européenne vise à assurer la sécurité intérieure et extérieure, à accroître la prospérité économique, à lutter contre la misère, l'exclusion sociale et à préserver les bases naturelles de notre vie.

Dans la lutte contre les foyers de crise à travers le monde, il est nécessaire de mieux coordonner les actions en matière de politique étrangère, de sécurité et de défense. Nous attendons une meilleure coopération des Etats membres de l'Union européenne en matière de politique étrangère et de sécurité. Pour cela, il faut un ministre européen des Affaires Etrangères, qui réunisse en une seule personne les fonctions du Haut-représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune et les compétences sises à la Commission en matière de représentation de l'Union à l'extérieur. La création de ce poste ne doit pas entraîner de faille dans le contrôle parlementaire de la politique étrangère de l'Union européenne. L'objectif doit être de conforter l'image de l'Union européenne comme acteur majeur de la politique étrangère et de sécurité, et de renforcer le pilier européen de l'OTAN.

Ensemble, nous, les Commissions du Triangle de Weimar en charge des questions relatives à l'intégration européenne, plaidons pour un renforcement du rôle du Parlement européen et des Parlements nationaux. Le Parlement européen doit avoir les mêmes droits que le Conseil en tant qu'organe législatif de l'Union. Les Parlements nationaux ont également un rôle très important à assumer comme piliers de la légitimité démocratique de l'Union. Ils participent à leur niveau au processus législatif européen et prennent part au contrôle du principe de subsidiarité.

Pour maîtriser les défis d'une Union élargie, il faut que le principe des décisions à la majorité devienne la règle au Conseil. L'attribution sur une plus longue durée de la fonction de président du Conseil peut permettre de pérenniser et de rendre plus lisible son travail, mais ne doit pas conduire à l'affaiblissement des autres institutions communautaires.

La composition de la Commission doit respecter un équilibre régional et politique, et préserver sa capacité d'action. Ce qui est décisif, c'est de maintenir le rôle de la Commission comme garant de l'intérêt communautaire.

III. Coopération future et suivi du Triangle de Weimar

La Commission des Affaires de l'Union européenne du Bundestag allemand, la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale française, et la Commission de l'Intégration européenne de la Diète polonaise conviennent de poursuivre à l'avenir leur coopération parlementaire dans le cadre dit du "Triangle de Weimar", et lorsque c'est possible, de l'intensifier.

La coopération franco-germano-polonaise se conçoit comme un forum ouvert, non exclusif.

Nous ne cherchons pas à institutionnaliser nos relations, en leur donnant un calendrier figé, mais les concevons plutôt comme un échange de vues entre parlementaires, qui doit se produire de façon ad hoc, lorsque l'occasion s'en présente, pour élaborer des positions communes.

III. AUDITION PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES DE M. VALÉRY GISCARD D'ESTAING, Président de la Convention sur l'avenir de l'Europe,
le 27 novembre 2002

Le Président Edouard Balladur a souhaité la bienvenue au Président Valéry Giscard d'Estaing, ajoutant que la Commission l'écouterait avec le plus grand intérêt pour bien des raisons, dont trois. La première réside dans la difficulté des problèmes posés à la Convention, la plaçant dans la dialectique de l'impossible et de l'indispensable. La deuxième est liée au calendrier européen extraordinairement compliqué qui s'annonce pour les années 2003 et 2004, si l'on considère l'enchevêtrement des échéances relatives à l'élargissement et à la réforme des institutions, ce qui laisse d'ailleurs penser que ce calendrier ne sera sans doute pas rigoureusement respecté. La troisième réside dans le processus de décision qui est celui de la Convention : son Président doit à la fois tenir compte des souhaits de vingt-huit Etats membres ou candidats et progresser vers des solutions. En cela, il se trouve cette fois dans le balancement entre l'unanimité et la majorité, comme dans la plupart des débats européens au cours des dernières années.

Le Président Valéry Giscard d'Estaing a admis qu'en effet la tâche apparaissait de prime abord techniquement impossible, puisqu'elle consiste à concilier les positions de quinze Etats membres, treize Etats candidats, un ensemble qui réunit des grands pays, des petits, dont l'antériorité dans l'Union, comme le niveau de développement économique et social, sont très différents. Pourtant, l'opinion publique européenne, dans sa majorité, souhaite une organisation, et 60% des Européens souhaitent une constitution. Le nécessaire doit donc l'emporter sur l'impossible.

Le calendrier sera effectivement très chargé, car les Quinze ont fixé la date butoir de l'élection du Parlement européen au printemps 2004. Les vingt-cinq Etats membres y participeront sur la base de la future constitution. Cela suppose que la vague de ratification des adhésions à l'Union soit achevée, ainsi que les procédures de ratification de la nouvelle constitution, chez les Quinze et chez les Dix. Chez ces derniers, il y aura même une double ratification : celle du Traité de Nice et celle du nouveau traité.

Concilier la position de tous les Etats représentés à la Convention est impossible si l'on subit la contrainte de l'unanimité, qui a souvent bloqué les conférences intergouvernementales dans le passé. De façon générale le principe même du vote au sein de la Convention, constituée de plusieurs catégories de nature différente de représentants, n'a pas véritablement de sens. Aussi le Président a-t-il indiqué que dès le départ la Convention avait délibérément choisi de retenir le principe du consensus qui confère à la Convention son originalité. Cette méthode conduit à faire ressortir des débats les points ou principes autour desquels s'accordent une majorité de représentants ou le plus grand nombre d'entre eux. Ce processus permet de progresser comme l'a montré l'accord qui a pu être obtenu sur le nouveau mécanisme de contrôle de la subsidiarité, lequel aurait été refusé à l'unanimité mais figurera dans les propositions de la Convention, car il reflète l'accord de la majorité.

Le Président Valéry Giscard d'Estaing a ensuite dressé le bilan des travaux de la Convention.

La première phase, la phase d'écoute, s'est achevée à l'été 2002. Elle a permis aux conventionnels de nouer des liens personnels entre eux et d'écouter la société civile, ce qui a eu lieu sous la forme d'auditions. Cette phase a permis de constater le besoin d'entreprendre une action en profondeur et de laisser aux esprits le temps de réfléchir et d'évoluer, ce qui aboutit aujourd'hui à l'acceptation de la perspective d'une constitution, alors que ce mot même avait suscité au début de l'année 2002 des réactions très négatives. Or, si le texte final sera juridiquement un traité, sa substance sera cependant constitutionnelle.

La deuxième phase d'étude a commencé en automne. Onze groupes de travail ont été créés pour éviter un travail trop concentré au sein du præsidium et du secrétariat. Composés sur la base du volontariat, ils préparent la réflexion et éventuellement élaborent des propositions, leurs travaux sont ensuite validés par la Convention. Certains groupes ont déjà transmis leur contribution à la Convention, et l'ensemble des groupes aura achevé ses travaux fin janvier 2003.

La demande d'un schéma de ce que pourrait être le futur texte s'étant exprimée avec force, un avant-projet de traité constitutionnel a été présenté en octobre, qui a reçu un accueil favorable tant par la Convention que par la presse écrite.

Les conclusions des groupes de travail sur la subsidiarité, la personnalité juridique, la Charte, la gouvernance économique et les compétences complémentaires ont d'ores et déjà été remises, celles des groupes consacrés à la justice et à la sécurité ainsi qu'à la simplification devraient l'être prochainement, avant celles consacrées à l'Europe sociale, à la politique extérieure et à la défense commune.

L'Union dans son ensemble n'a jusqu'à présent pas de personnalité juridique unique puisque le Traité de Rome a conféré une personnalité juridique aux Communautés, tandis que le Traité de Maastricht n'a pas donné une personnalité juridique, du moins pas totalement affirmée, à cet autre ensemble institutionnel qu'est l'Union européenne. Ce double ensemble, source de complexité et de confusion, appelle une simplification, mais cet exercice a échoué jusqu'à présent.

Le groupe de travail consacré à cette question a proposé de créer une personnalité juridique unique, que l'on devra nommer, et qui permettra la fusion des traités et leur réécriture complète. Le dispositif actuel de 1045 pages doit être repris, et, sur environ 400 articles existants, la moitié peut être conservée. Quant à l'autre moitié, ses deux tiers doivent être amendés ou améliorés, et le tiers restant (environ 75 articles) nécessite d'être complètement réécrit. Ce traité unique sera perçu par les opinions comme l'acte véritablement constituant de l'Union européenne. L'adoption de cette constitution soulève toutefois une importante question. L'abrogation des anciens traités ne peut intervenir qu'à l'unanimité des Etats membres, mais la nouvelle constitution peut ne pas être ratifiée par tous : qu'adviendrait-il si certains Etats ne ratifiaient pas le nouveau texte ?

Le groupe de travail consacré à la subsidiarité a conclu à la nécessité d'une plus grande participation des Parlements nationaux dans le processus de décision européen. Le projet de la Convention proposera notamment de les impliquer dans le contrôle de la subsidiarité, qui reste aujourd'hui assez inopérant. Les Parlements nationaux pourraient mettre en œuvre un mécanisme d'alerte précoce en vertu duquel la Commission transmettrait ses propositions à tous les Parlements nationaux qui disposeraient de six semaines pour, après un débat et un vote, décider si celles-ci sont contraires au principe de subsidiarité. La Commission devrait justifier sa position dès lors que des Parlements nationaux constateraient un manquement au principe de subsidiarité. En outre, si un nombre significatif de Parlements nationaux - l'hypothèse de travail actuelle est d'un tiers - estime que la proposition de la Commission est contraire au principe de subsidiarité, cette proposition pourra être retirée, modifiée ou maintenue. Les Parlements nationaux se verront par ailleurs reconnaître le droit de saisir la Cour de justice des Communautés européennes à la fin du processus décisionnel, afin de faire constater d'éventuels manquements au principe de subsidiarité. Cette faculté nouvelle est à certains égards comparables à celle reconnue aux parlementaires français vis à vis du Conseil constitutionnel. Il convient également d'améliorer les procédures d'information des Parlements nationaux sur l'ensemble des propositions d'actes communautaires en s'inspirant des dispositifs les plus performants existant au sein des pays membres de l'Union.

Plusieurs conventionnels, et notamment les Français, ont défendu l'idée d'un Congrès des peuples d'Europe, qui réunirait à la fois des parlementaires nationaux et des parlementaires européens. Cette proposition mérite une réflexion approfondie, car en effet il serait difficilement concevable que l'Europe future soit privée d'un lieu de rencontre des principaux acteurs politiques des différents pays d'Europe. Il faudra définir la périodicité de ces réunions, qui ne peuvent être trop fréquentes, et leur utilité. Ce pourrait être l'enceinte du compte rendu sur l'état de l'Union, qui intéresse aussi les parlementaires nationaux, effectué par le futur Président du Conseil et par celui de la Commission. Le Congrès pourrait également débattre ou être informé de grands sujets : les modifications de la répartition des compétences ou l'ouverture de nouvelles négociations d'élargissement de l'Union, par exemple. Par ailleurs, certaines désignations de hautes personnalités nécessitent une enceinte plus large que celle du Parlement européen. Si celui-ci peut désigner le Président de la Commission, il serait, en revanche, préférable que le Président du Conseil, qui représente les Etats, soit élu par le Congrès.

Le groupe de travail sur la simplification des procédures et des instruments est celui qui a rassemblé le moins de volontaires au sein de la Convention, alors que cette question est celle qui intéresse le plus le Président Giscard d'Estaing, notamment en tant qu'élu local. Le système européen est fait de strates successives et sa simplification est nécessaire. A l'heure actuelle, si l'on est optimiste, on dénombre au moins quinze procédures de décision, et trente si l'on est pessimiste.

Le nombre des procédures de décision pourrait être limité à cinq, en recourant à la codécision avec le Parlement. Ce principe serait généralisé pour tous les actes législatifs, qui seraient adoptés à la majorité qualifiée par le Conseil. Ce serait l'aboutissement d'un processus en cours depuis longtemps. Pour les mesures d'application et les décisions particulières, subsisteraient une ou deux autres procédures.

La législation européenne comprendrait trois étages : une partie législative, des textes d'application européens et nationaux, et des décisions particulières. A chacun d'entre eux, correspondraient trois groupes d'instruments et cinq types d'instruments et de procédures correspondants.

Le Président Valéry Giscard d'Estaing a émis le vœu que la Convention s'investisse davantage sur cette question des simplifications, et s'est félicité qu'un groupe d'étudiants européens en sciences politiques se soient portés volontaires pour étudier le vocabulaire juridique européen (directives, avis conformes) afin de le rendre plus explicite en employant la terminologie classique comme : loi, loi-cadre, décision européenne, par exemple.

La question de la gouvernance économique de l'Union a donné lieu à des positions divergentes entre ceux qui voient dans l'Union principalement une économie de marché et ceux qui la considèrent comme un ensemble doté d'une certaine cohérence. Cependant, chacun s'est accordé sur le fait que la compétence monétaire est une compétence exclusive de l'Union, et donc exercée sur le mode fédéral, en même temps qu'accord unanime s'est exprimé pour laisser la politique économique dans les compétences nationales, de même que la compétence sociale. Sur la question de la coordination des politiques économiques et celle des politiques sociales, un consensus s'est dégagé pour aller plus loin dans cette coordination.

Tout d'abord, la zone euro doit faire l'objet d'une coordination particulière au sein d'une instance à définir. Il semble que la solution d'un Conseil des ministres des finances de la zone euro, à l'intérieur du Conseil Ecofin serait préférée à la solution de la coopération renforcée.

La surveillance des grandes orientations de la politique économique (GOPE), doit être améliorée. La Convention est favorable au pacte de stabilité, même s'il peut faire l'objet d'aménagements, mais se demande comment obtenir son respect. Actuellement, un consensus apparaît sur le fait que les premiers avertissements contre les écarts pourraient être donnés par la Commission elle-même, sans saisine du Conseil. La sanction émanerait ensuite du Conseil.

S'agissant de l'Europe sociale, le Président a estimé qu'il fallait faire preuve de réalisme et de sagesse. Il a souligné le fait que personne n'avait proposé de transférer de nouvelles compétences à l'Union. En même temps, comme il est admis que certains progrès doivent être accomplis ensemble, la Convention recherche quel serait le meilleur dispositif de soutien et d'incitation, qui pourrait s'inspirer des grandes orientations existantes en matière économique.

Abordant ensuite la question de la fiscalité, il a rappelé qu'en dépit de nombreuses propositions, le Conseil européen n'avait jamais pu aboutir à une décision en raison de la règle de l'unanimité qui a conduit à des blocages que le système du consensus a le grand mérite d'éviter. Ainsi par consensus, il est proposé de distinguer entre la fiscalité résultant du pacte politique national répartissant les charges entre les citoyens, qui resterait de la compétence des Etats, et la fiscalité pouvant affecter la compétitivité et la concurrence dans un système de marché unique et qui pourrait être de la compétence de l'Union. Pour cette dernière, l'Union pourrait prendre des décisions à la majorité qualifiée fixant des fourchettes de taux ou des maximums d'imposition. Dans ce domaine très sensible, la méthode a permis de contourner les obstacles.

Evoquant le calendrier des travaux, le Président Valéry Giscard d'Estaing a indiqué que les rapports sur l'action extérieure et la défense seraient remis fin décembre à la Convention. Ces questions très importantes doivent être revues par la Convention elle-même, car beaucoup d'entre elles ont un lien avec le système institutionnel de l'Union. Quant à la réforme institutionnelle, qui fait les délices de chacun, il a souhaité que la réflexion préalable porte sur le bon fonctionnement des institutions. La réforme institutionnelle a toujours suivi les élargissements ; actuellement, les élargissements ont de l'avance sur la réforme institutionnelle, c'est pourquoi les institutions ne fonctionnent pas bien.

Le Conseil européen créé en 1975 comptait 18 membres. Après l'élargissement, il passera à 52, puis 56 membres. Sera-t-il un outil de délibération et d'impulsion efficace ? Cela mérite réflexion. Auparavant, la Commission représentait un équilibre dans lequel les pays les plus peuplés avaient au moins autant, si ce n'est plus, de représentants que les Etats les moins peuplés. Au fur et à mesure des élargissements, il y a eu successivement : 8 commissaires représentant les Etats les plus peuplés, et 5 représentant les moins peuplés, puis 10 commissaires pour les plus peuplés, et 10 pour les moins peuplés. Après le Traité de Nice, il y aura 6 commissaires représentant les Etats les plus peuplés et 19 représentant les Etats les moins peuplés. En l'absence de réflexion, nous connaîtrons des problèmes très sérieux. Si la Commission doit garder l'initiative des propositions, il lui faut être perçue comme représentant de façon satisfaisante de ce que peut être le bien commun européen.

Ensuite, sera abordé avec prudence le sujet de la modification des compétences des institutions car il ne faut pas paralyser le système, ni le déséquilibrer.

En conclusion, le Président Giscard d'Estaing s'est félicité du travail dense et intense accompli par la Convention, en liaison étroite avec les parlements. A cet égard, il s'est engagé à revenir devant la Commission des Affaires étrangères avant la fin des travaux de la Convention.

Mme Elisabeth Guigou a émis la crainte que le contrôle de subsidiarité proposé par la Convention, et qui semble devoir évoluer vers un contrôle juridictionnel in fine, ne risque de figer la définition de la subsidiarité qui est un concept de nature politique et donc évolutif.

S'agissant de la création d'un Congrès, elle a jugé qu'il était indispensable de prévoir un lieu de rencontre entre les parlementaires nationaux et les parlementaires européens tout en redoutant que l'octroi d'un pouvoir de décision à celui-ci ne complique encore le fonctionnement des institutions.

Par ailleurs, elle a souhaité savoir s'il était envisagé de modifier le contenu de la Charte européenne des droits fondamentaux. Dans la négative, elle a demandé si certaines disciplines pourraient être introduites dans le traité qui s'imposeraient aux Etats membres, citant l'exemple du principe d'un salaire minimum ou du droit de grève.

Enfin, elle a interrogé M. Valéry Giscard d'Estaing sur la place des coopérations renforcées dans la future Europe à vingt-cinq, et comment celles-ci pourraient être constituées sans froisser les susceptibilités de ceux qui n'en feraient pas partie.

M. Pierre Lequiller a souligné que la Convention était parvenue à de nombreuses avancées en utilisant la méthode du consensus, l'une d'entre elles étant sans conteste une meilleure lisibilité pour le citoyen. S'agissant de l'idée d'un Congrès européen, qui progresse moins rapidement, il s'est demandé si la meilleure solution ne consisterait pas à proposer la prorogation de la Convention.

Abordant la question de la répartition des compétences, il s'est interrogé sur la façon dont pourraient être conciliés deux facteurs qui sont, d'une part, la nécessité de définir des compétences pour pouvoir exercer la subsidiarité et, d'autre part, la nécessité que celles-ci soient évolutives.

M. François Loncle a, d'une part, observé que la méthode du consensus avait déjà été celle adoptée par la convention chargée d'élaborer la Charte européenne des droits fondamentaux et demandé si celle-ci constituerait le préambule de la future constitution, en l'état ou après avoir subi d'éventuelles modifications.

D'autre part, il s'est étonné de la façon dont le Président Valéry Giscard d'Estaing avait lancé un débat sur la candidature de la Turquie à l'Union européenne et lui a demandé pourquoi, en la refusant, il s'était placé dans une position en contradiction avec les engagements que les Quinze avaient pris à Helsinki.

Le Président Valéry Giscard d'Estaing a estimé qu'il n'y avait pas vraiment d'alternative à un contrôle juridictionnel du respect du principe de subsidiarité. Il est souhaitable que des instances politiques mettent en œuvre un tel contrôle, mais il faut bien, en définitive, qu'une instance juridique se prononce sur le respect du principe de subsidiarité : un tel système existe dans toutes les grandes démocraties, et notamment en France avec le Conseil constitutionnel. Le seul contrôle politique serait arbitraire. La voie qui se dessine est celle de l'inscription du principe de subsidiarité dans la future Constitution, avec, pour son respect, un débat au niveau politique, faisant intervenir les Parlements nationaux, sur d'éventuelles infractions, et, en fin de compte, une autorité juridictionnelle qui dira la conformité ou non d'une décision aux textes.

En ce qui concerne un éventuel Congrès, il est habituel de voir les institutions existantes critiquer l'émergence de nouvelles institutions. Pourtant Jean Monnet disait souvent que les progrès de l'Europe passeraient aussi par les institutions. En outre, il est assez étrange que dans une Communauté de 450 millions d'habitants, où la politique continuera encore longtemps de se faire dans les Parlements nationaux, les membres de ces derniers ne se rencontrent jamais.

Un tel Congrès pourrait se réunir selon une périodicité assez espacée, par exemple une fois par an. Il faudrait qu'il soit composé de façon plus représentative que la Convention, et que les chefs des grands partis y participent. Il n'aurait pas de compétence législative mais serait un lieu de débat sur des thèmes qui intéressent autant l'Union que les Etats-membres, comme l'élargissement ou les questions de répartition de compétences. Enfin, le discours du Président de la Commission européenne sur l'état de l'Union serait prononcé devant le Congrès, et non plus devant le Parlement européen. Bien que ce dernier soit probablement l'institution européenne qui fonctionne le mieux, le débat sur l'Etat de l'Union qui s'y déroule a aujourd'hui peu de retombées médiatiques.

Le Président Valéry Giscard d'Estaing a indiqué que la Charte sur les droits fondamentaux serait intégrée dans la constitution selon des modalités qui restent à déterminer, notamment en ce qui concerne son préambule. En effet, toute constitution a un préambule, ainsi se rajouterait-il à celui de la Charte. En tout état de cause, il n'est pas question de modifier la Charte, fruit d'un équilibre complexe, et il faut lui donner une force constitutionnelle, en prévoyant notamment selon quels moyens il est possible de l'invoquer au cours d'une procédure juridictionnelle.

Dans le domaine social, la Charte prévoit d'ores et déjà la reconnaissance du droit de grève et de nombreux droits sociaux, mais faut-il y ajouter des mesures qui relèvent davantage de la politique sociale ? En fait, la Charte ne doit ni imposer, ni empêcher de telles mesures, elle doit délimiter des règles générales mais pas des normes chiffrées entre des pays qui ont des niveaux de richesse très différents.

Le Président Valéry Giscard d'Estaing a dit ne pas croire au concept « d'avant-garde » qui est insultant pour les membres de « l'arrière-garde ». Dans un système à vingt-cinq, on ne peut décider qui seront les bons et les mauvais. Cette méthode n'est pas la meilleure, il faut lui préférer celle utilisée pour l'Union monétaire : à savoir un traité commun qui s'applique à tous, mais comprenant des clauses d'exception faciles à mettre en œuvre. Cette démarche pourrait être utilisée dans le cas de la politique de défense.

Il a admis qu'une meilleure lisibilité pour le citoyen était indispensable, ce que devrait favoriser certaines propositions probables de la Convention comme la stabilité de la présidence du Conseil, le nouveau mode de désignation du président de la Commission ou la désignation d'un « ministre des Affaires étrangères » de l'Union. Pour autant, le système européen reposera encore très longtemps, sinon toujours, à la fois sur la permanence des Etats et sur la nécessaire Union des peuples, d'où un système avec une double légitimité. Il faut donc se méfier d'architectures trop artificielles, qui peuvent être intellectuellement satisfaisantes, mais qui ne seraient pas adaptées aux spécificités de l'équilibre des pouvoirs au sein de l'Union européenne. Une capacité d'amortissement des crises doit exister.

Sur la question de l'évolution des compétences de l'Union, le mouvement continu d'extension de celles-ci semble aujourd'hui achevé. D'ailleurs, le Président de la Convention sur l'avenir de l'Europe a été surpris de constater que les conventionnels ne proposaient pas de nouvelle évolution dans ce domaine. Il convient cependant de prévoir l'adaptabilité du système, compatible avec sa stabilité et évitant les dérives que nous avons connues.

Il a ensuite rappelé qu'il n'avait pas lui-même cherché à lancer le débat sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Recevant des journalistes comme il le fait régulièrement, il a répondu à une question de l'un d'eux sur ce sujet, parmi de nombreux thèmes abordés. Il a indiqué tout d'abord que l'élargissement en cours n'étant pas achevé, il lui semblait prématuré de lancer le débat sur d'éventuels futurs élargissements : cela fait déjà de nombreuses années que le thème de l'élargissement l'emporte systématiquement face à celui de l'approfondissement, ce qui déséquilibre la construction européenne.

Le Président Valéry Giscard d'Estaing a ensuite estimé que l'Europe devrait un jour s'interroger sur l'élargissement de l'Union européenne au-delà des frontières géographiques de l'Europe : il suffit d'ouvrir un dictionnaire pour constater que l'Asie mineure ce n'est pas l'Europe. Cette question se posera d'ailleurs aussi pour la Russie, l'Ukraine, voire les pays du Maghreb qui ont des liens historiques forts avec l'Europe.

Enfin, il a fait remarquer que si tous les candidats avaient vocation à devenir membres, comment se fait-il que la Turquie n'ait pas encore rejoint l'Union européenne ? Contrairement aux pays d'Europe centrale et orientale qui ont été empêchés de participer aux débuts de la construction européenne, la Turquie n'était pas empêchée par des raisons géopolitiques, pourtant sa candidature n'a pas été retenue. La Commission n'a d'ailleurs pas proposé d'ouvrir les négociations d'adhésion. La décision appartiendra de toute façon au Conseil européen, et non à la Convention.

M. Alain Juppé a tout d'abord demandé sur quelle base se fonderait la procédure de contrôle de la subsidiarité.

Puis il a souhaité savoir si la Convention réfléchissait à une présidence de l'Union européenne commune au Conseil et à la Commission et il a demandé s'il était envisagé un statut particulier pour les pays très proches de l'Union européenne, comme la Turquie par exemple.

M. Jacques Myard a estimé que l'exposé de M. Valéry Giscard d'Estaing se situait entre l'impossible et le nécessaire, notant qu'aujourd'hui l'Europe était le résultat d'un aboutissement par strates où en définitive le quantitatif posait un problème qualitatif. Il a souhaité savoir quelles compétences devaient redescendre au niveau des Etats dans la nouvelle organisation.

M. François Guillaume a souligné qu'avec la désignation d'un ministre européen des Affaires étrangères pour la première fois une fonction de nature régalienne serait exercée par une seule personne ; jusqu'ici il s'agissait d'un collège constitué par le Conseil des ministres. A cet égard, il a souhaité savoir comment pourrait s'exercer cette fonction, supposant qu'il faudrait recourir à la méthode de la coopération renforcée, c'est-à-dire à une procédure intergouvernementale avec une évolution vers le recours au vote à la majorité qualifiée, ce qui pose la question du cas irakien où, avec une telle procédure, l'on aurait nécessairement abouti à un alignement sur la position américaine.

M. Hervé de Charette s'est enquis du concept de double nationalité et d'une définition de la citoyenne européenne.

Puis il a noté que la coopération renforcée n'avait pas fonctionné puisqu'elle s'était dans les faits transformée en une procédure destinée à empêcher certains d'aller plus loin et demandé si la Convention réfléchissait à une nouvelle méthode en la matière.

Le Président Edouard Balladur a également de son côté demandé des précisions sur le contenu de la notion de citoyenneté européenne.

Il s'est aussi intéressé au mode de désignation de la future présidence de l'Union européenne.

S'agissant des avant-gardes, il a estimé qu'il existait aujourd'hui en Europe, de fait, une sorte d'avant-garde dans la mesure où certains pays comme l'Allemagne, la France, l'Italie, le Benelux et l'Espagne participent à toutes les politiques européennes, commerciale, monétaire, de sécurité. C'est pourquoi il a souhaité savoir si l'on pouvait ou si l'on devait envisager une forme de coordination entre les pays qui avancent au même pas et dans la même direction.

Le Président Valéry Giscard d'Estaing a remercié les intervenants pour leurs questions et leurs réactions, très utiles puisque la convention est toujours dans sa phase de délibération.

Il a souligné que le principe de subsidiarité ne se réfère pas à la compétence de l'institution qui présente un projet mais renvoie à un problème d'application. Il permet de répondre à la question : l'action proposée relève t-elle de celui qui l'initie ? Le problème de la subsidiarité se pose dans les domaines où l'Europe n'a pas de compétence ou bien lorsqu'elle a une compétence partagée avec celle des Etats, des régions ou d'autres niveaux d'administration. Le texte futur comportera des listes de compétences : le Président a appelé les représentants français à la Convention à participer activement à ce travail important qu'est la définition de ces listes de compétences. Mais le contrôle de la subsidiarité est une autre question, dans laquelle interviennent une appréciation politique et une appréciation juridictionnelle, cette dernière ne pouvant qu'être fondée sur les traités.

La question des présidences de la Commission et de l'Union est complexe. Il est difficile de décider le meilleur moyen de désigner ou d'élire le Président de la Commission européenne dans une Europe de 450 millions d'habitants. La confirmation de cette désignation par un vote du Parlement européen serait un élément positif.

Chacun est conscient de la nécessité de mettre fin à la rotation des présidences de l'Union, d'autant plus que dans une Europe à vingt-cinq membres, on ne peut espérer aucune continuité et l'on assisterait à l'affichage successif de priorités différentes. L'Union disposant déjà de deux institutions stables, la Commission et le Parlement, le Conseil pourrait également connaître cette stabilité. A ce stade, différents modèles - américain, français...- sont évoqués. Confier la présidence de la Commission et du Conseil à la même personne serait franchement impossible, car aboutirait à une concentration excessive des pouvoirs : le président de la Commission, organe indépendant, ne peut à la fois présenter des propositions et prendre les décisions en tant que président du Conseil.

Le schéma de traité actuellement en cours de discussion mentionne dans son article 42 la définition de relations privilégiées entre l'Union et les Etats voisins. Ce dispositif s'appliquera à la Turquie, mais aussi à la Russie ou aux pays d'Afrique du Nord. Il permettra ainsi de sortir de l'alternative trop rigoureuse entre l'adhésion et l'exclusion.

S'agissant des transferts de compétences de l'Union vers les Etats, on ne voit pas très bien lesquelles pourraient faire l'objet d'un tel transfert. Il est possible que certaines compétences actuellement partagées entre l'Union et les Etats, soient mieux exercées au niveau des Etats, mais dans certaines matières le constat inverse peut être dressé.

S'agissant des réformes envisagées en matière de politique extérieure, il n'est pas exact de considérer qu'il s'agisse du premier domaine régalien transféré à l'Union, puisque la politique monétaire a déjà fait l'objet d'un tel transfert. Le Traité d'Amsterdam a, par ailleurs, donné à l'Union européenne une compétence en matière de politique extérieure et de défense commune. Il convient toutefois d'améliorer ce dispositif en confiant au Conseil le soin de définir la politique de l'Union en la matière. Il n'est en effet pas souhaitable de communautariser ce domaine en en confiant la charge à la Commission et au Parlement européen, car il relève d'une logique intergouvernementale. Le futur représentant de l'Union devrait ainsi recevoir un mandat, qui pourrait d'ailleurs être défini à la majorité qualifiée, afin d'éviter les risques de blocage inhérents à la règle de l'unanimité.

Le Président Valéry Giscard d'Estaing a rappelé que le concept de double citoyenneté, idée lancée par les Espagnols, n'est pas entièrement nouveau. La citoyenneté ne doit pas être confondue avec la nationalité, il s'agit d'une appartenance commune à un même ensemble, conférant des droits et des devoirs. Parmi les droits, on peut inclure la libre circulation, le libre établissement, la droit à accéder à une formation dans n'importe quel pays de l'Union, mais aussi des droits civiques comme le droit de vote et d'éligibilité des ressortissants européens aux élections locales et européennes. L'existence d'une citoyenneté européenne semble effrayer certains qui craignent qu'elle ne se développe au détriment de leur identité nationale, pourtant elle n'apporte pas une perte mais un « plus », une ouverture à laquelle les jeunes générations sont particulièrement sensibles.

Sur la question des coopérations renforcées et du statut à donner aux pays qui participent à l'ensemble de celles-ci, il a redit sa préférence pour un cadre commun à tous les Etats. Dans la période récente, il est vrai que, sur certains thèmes, des pays ont choisi d'aller plus vite que d'autres, ce qui ne signifie pas que ceux-ci ne vont pas finir pas rallier les autres, comme le montrent les interrogations suédoises et britanniques quant à une éventuelle adoption de l'Euro. Au contraire, le système des coopérations renforcées pourrait institutionnaliser une Europe à deux vitesses, alors qu'un système fondé sur un cadre commun assorti de dérogations permet des évolutions ultérieures.

Le Président Edouard Balladur a remercié le Président Valéry Giscard d'Estaing de son intervention qui a vivement intéressé les députés. Il a émis le vœu de le réinviter à s'exprimer devant la Commission à la fin du printemps prochain pour qu'il fasse part à ses membres de l'avancée des travaux de la Convention.

IV. DÉBAT EN SÉANCE PUBLIQUE
SUR L'AVENIR DE L'EUROPE,
le 3 décembre 2002

Compte-rendu analytique de la 2ème séance du mardi 3 décembre 2002
« Débat sur l'avenir de l'Europe »

M. le Président - MM. les huissiers, veuillez faire entrer M. le président de la Convention sur l'avenir de l'Europe.

Je suis heureux de souhaiter en votre nom, la bienvenue à M. Valéry Giscard d'Estaing.

Avant de lui donner la parole, je tiens à souligner l'innovation que constitue la séance exceptionnelle que nous tenons cet après-midi.

J'ai souhaité qu'un véritable dialogue s'engage sur l'avenir de l'Europe entre l'Assemblée nationale et M. le président de la Convention. Je remercie le Bureau et la Conférence des présidents d'avoir compris et accepté ma démarche. Puisse cette initiative contribuer à l'ouverture, dans l'opinion publique, d'un débat qui soit à la hauteur des enjeux.

M. Valéry Giscard d'Estaing, président de la Convention sur l'avenir de l'Europe - Je ressens intensément l'émotion et le plaisir de m'adresser à vous de cette tribune. Pour l'émotion, chacun en comprendra aisément les motifs ! Quant au plaisir, c'est le plaisir de l'esprit de venir m'adresser à vous, qui représentez le peuple français, et qui constituez à ce titre un auditoire particulièrement exigeant, pour vous parler d'un sujet qui est au c_ur du débat politique sur notre continent, un sujet qui constitue sans doute, sans forcer la note, un fragment important de notre destin historique, et qui fait l'objet de la mission dans laquelle, avec mes collègues conventionnels, je suis totalement engagé.

Certains d'entre eux sont présents dans cet hémicycle : M. Dominique de Villepin, représentant du gouvernement français, ainsi que MM. Pierre Lequiller et Jacques Floch pour votre assemblée. Je les remercie pour leurs contributions présentes et futures à nos travaux.

Je voudrais également exprimer à MM. Alain Barrau et Pierre Moscovici, ma reconnaissance pour leur participation à nos débats, pendant les premières semaines ou les premiers mois de notre convention.

Neuf mois se sont écoulés depuis le lancement de la Convention. Huit mois nous séparent de l'été 2003, où nous devrons remettre au Conseil européen le produit de nos réflexions, c'est-à-dire notre projet de constitution pour l'Europe. Nous sommes donc à mi-parcours - au milieu du gué, diront certains - tenant dans une main un verre à moitié plein, dans l'autre, un verre encore à moitié vide.

C'est pourquoi je suis reconnaissant à votre Président, M. Jean-Louis Debré, de m'avoir donné l'occasion de partager avec vous les enseignements et les résultats de ce que nous avons déjà fait, et d'évoquer les interrogations sur ce qui nous reste à accomplir.

M. René Dosière - L'Assemblée a encore la priorité !

M. le Président de la Convention sur l'avenir de l'Europe - Je ne voudrais pas vous imposer la redite des comptes rendus que vous avez pu lire dans la presse. Permettez-moi d'être plus direct, de vous poser à haute voix les questions sur lesquelles je m'interroge, de vous indiquer les pistes dans lesquelles il nous reste encore à nous engager.

Je vous parlerai donc de la problématique de la Convention, des résultats déjà acquis, et de la démarche en direction de la constitution pour l'Europe.

L'Europe d'aujourd'hui doit faire face à trois enjeux.

D'abord, redéfinir le sens du projet, et le rendre lisible aux Européens. L'accumulation des textes et des protocoles - plus de 1 045 pages au total - a fait disparaître l'Europe derrière une cloison de papiers, alors que les textes fondateurs étaient simples. Les citoyens attendent, sans trop oser y croire, simplicité, efficacité, transparence et démocratie. En même temps, nous devons proposer une réponse à la question qui passionne à juste titre les milieux intellectuels : « Qu'est-ce qui fait que l'on se sent européen ? » Qu'est ce qui fait qu'au fond de nous, malgré les incertitudes et les désillusions, brille cette petite lueur qui nous a fait apercevoir, à vous comme à moi, que nous sommes aussi européens ?

Ensuite, répondre à la demande de l'opinion d'une action plus efficace, à la fois dans les domaines traditionnels du marché unique, mais aussi dans les domaines nouveaux de la politique étrangère, de la défense, et d'un espace de liberté, de sécurité et de justice en Europe.

Enfin, réussir l'élargissement en cours de l'Union européenne, qui va donner à notre continent, pour la première fois de son histoire - car ni l'Empire romain, ni les conquêtes napoléoniennes n'y sont parvenus ! - sa quasi-unité. Les dimensions de cet élargissement - dix candidats à terme proche, deux à terme plus éloigné - imposent de réexaminer toute la mécanique du système.

Pour faire face à ces enjeux, on ne peut pas se contenter d'un bricolage. Il faut réexaminer sans tabou l'ensemble de l'architecture, et réinventer, au moins en partie, le dispositif.

En considérant le passé proche, on peut dire que l'Europe avance par pas de cinquante ans. Du traité de Rome jusqu'à la monnaie unique, les pères fondateurs ont réussi leur enjambée. Il nous revient d'en renforcer les acquis, et d'offrir un cadre stable - une constitution - pour les avancées des trente ou cinquante prochaines années.

M. Philippe de Villiers - Et les reculs !

M. le Président de la Convention sur l'avenir de l'Europe - C'est donc le travail de la Convention.

Sa composition est originale. Elle représente les quatre forces vives de l'ensemble européen : les gouvernements, les parlementaires nationaux, les parlementaires européens, et la Commission. Les pays candidats participent à nos travaux, et à cette occasion, je voudrais saluer la présence de M. Cinozewicz, ministre polonais des affaires étrangères, qui assiste à notre rencontre d'aujourd'hui, tout comme la quasi-totalité du corps diplomatique de l'Union européenne présent dans notre capitale.

Cette méthode rompt avec le mode de négociation diplomatique - celui des conférences intergouvernementales précédentes -, peu adapté au progrès de l'Europe, où le gain de l'un est égal à la perte de l'autre, ce qui provoque sa réaction négative.

Son avantage réside dans la durée et la continuité. Aucun investissement comparable n'a été effectué depuis la conférence de Messine, qui a accouché du traité de Rome. Les conventionnels ne raisonnent plus comme ils le faisaient en avril dernier. Un « esprit de la Convention » s'est créé. Il permet de dégager effectivement un consensus sur certaines propositions.

La Convention ne vote pas, car ses votes ne seraient pas représentatifs - il y a trois fois plus de députés nationaux que de députés européens, on compte vingt et un représentants des gouvernements et deux représentants de la Commission. La recherche du consensus, qui n'est pas celle de l'unanimité, permet de contourner les risques de blocage.

Ainsi nous avons pu enregistrer des consensus sur des questions auxquelles aucune conférence intergouvernementale n'avait apporté de réponses. Mais il en faudra beaucoup d'autres ! Quels sont les premiers résultats de nos travaux ? Deux constatations, d'abord, dominent l'approche du sujet. Nous avons acquis la forte perception de la double nature de l'Europe unie : une union des Etats et une union des peuples d'Europe. Cette union gérera sur le mode fédéral - même si le mot effraie - ses compétences communes - monnaie, commerce international, concurrence, entre autres - et coordonnera étroitement des politiques dont les compétences restent ancrées au niveau national - politique économique et sociale, diplomatie, défense, notamment. Sans une conception claire de cette double nature du projet, il est exclu qu'on puisse réussir.

Ceux dont le crâne serait trop étroit pour accueillir les deux lobes du cerveau - le cerveau gauche, l'affectif, celui de l'union des peuples, et le cerveau droit, dépositaire de la mémoire, celui de la survie des Etats-nations - feraient capoter le projet !

M. Jacques Myard - Très bien !

M. le Président de la Convention sur l'avenir de l'Europe - Seconde constatation : une union, bientôt composée de 25 ou 27 Etats membres, et peuplée de 450 millions d'habitants - le plus grand regroupement humain des pays industrialisés - devra éviter la centralisation et le monolithisme du pouvoir. Elle ne pourra survivre et se renforcer que si elle respecte dans son action le principe de subsidiarité et si elle organise à sa tête un jeu démocratique et équilibré des pouvoirs.

Quels sont alors les premiers résultats concrets ?

Le premier est la nécessité absolue d'obtenir l'adhésion - encore incertaine - des citoyens au projet européen. Ils doivent s'y reconnaître et ressentir qu'il leur apportera un « plus » dans leur propre vie. Il faut pour cela des symboles forts : un nom porteur d'avenir et d'ambition pour l'Union, une citoyenneté européenne avec des droits et des devoirs, et des avantages dans la vie quotidienne, citoyenneté qui viendrait s'ajouter - sans l'éliminer bien entendu - à la nationalité qui émane de la nation. Il faut aussi établir les principes et les valeurs qui fondent l'identité européenne, et qui constituent le « pacte européen » des citoyens de l'Europe. C'est pourquoi nous proposerons d'inscrire la charte des droits fondamentaux dans la constitution européenne.

Deuxième résultat : une plus forte implication des parlements nationaux dans le vie de l'Union. Elle se manifesterait d'abord par la mise en place d'une mécanisme d'alerte précoce, permettant aux parlements nationaux d'exercer un contrôle politique de l'application du principe de subsidiarité au début du processus législatif : les textes vous seraient transmis, et vous disposeriez de six semaines pour dire s'ils respectent ou non ce principe, donc pour éventuellement adresser un « carton jaune » ; vous pourriez ainsi répondre en toute responsabilité aux électeurs qui vous demandent pourquoi l'Europe se mêle de tel ou tel sujet.

A l'autre extrémité de la procédure serait reconnu aux parlements nationaux le droit de saisir la Cour de justice sur cette même question.

Mais sans doute faut-il aller encore plus loin. Peut-on, en effet, accepter que dans la future Europe démocratique, les parlements nationaux et le Parlement européen poursuivent des débats parallèles, qui ne se rencontrent jamais ? Pour faire disparaître cette anomalie, on pourrait mettre en place un forum - qu'on le baptise congrès des peuples ou convention - où les parlementaires européens et une représentation proportionnelle des parlementaires nationaux se rencontreraient, à intervalles réguliers et publiquement, pour entendre les comptes rendus sur l'état de l'Union des présidents du conseil européen et de la Commission, et pour débattre des grandes orientations de l'Union, telles que les propositions de modifications de la répartition des compétences entre l'Union et les Etats membres ou les éventuels élargissement à venir. Il reviendrait au Président du Parlement européen de présider ces débats.

J'entends bien la critique : « Le système est déjà suffisamment compliqué ! » Mais j'écoute en écho la réflexion de Jean Monnet : « Les projets s'incarnent dans les institutions ». Nous avons besoin d'un forum - ou d'une agora ! - où s'exprime davantage la lisibilité démocratique de l'Europe unie et où se rencontrent les principaux dirigeants qui animent la vie politique des Etats de l'Union.

Le troisième résultat porte sur la réponse à apporter à l'immense besoin de simplification, qui est la première attente exprimée par l'opinion. Nous sommes arrivés à la conclusion qu'on peut juridiquement, et qu'on doit politiquement, doter l'Union européenne - née du traité de Maastricht - et les Communautés européennes - nées du traité de Rome - d'une personnalité juridique unique. En effet, la situation actuelle est à ce point confuse que ceux qui agissent sur la scène européenne ne savent souvent pas dans quel cadre juridique ils agissent.

L'établissement de cette personnalité juridique unique ouvre la voie à la fusion et à la restructuration de l'ensemble des traités - qui comportent au total 1 045 pages. Nous avons proposé d'élaborer un seul nouveau traité constitutionnel, clair et lisible, qui se substituerait aux traités antérieurs. Si nous voulons rédiger une constitution, il ne serait pas imaginable de la présenter sous forme d'amendements à des traités d'une nature juridique différente ! Cette constitution, dont on parlait timidement il y a un an mais dont la nécessité est maintenant reconnue par l'ensemble des membres de la Convention, constituerait la première simplification du système européen.

S'y ajouteraient la simplification et la réduction du nombre des procédures et des moyens d'action - sujet sur lequel, Monsieur le Premier ministre, nous rejoignons les préoccupations nationales et vos propres chantiers.

En effet, dans la plupart des pays européens, il existe en général une ou deux procédures législatives, bien connues des citoyens. En Europe, nous disposons de plus de quinze instruments de décision différents et, pour les adopter, les traités connaissent - suivant les experts consultés, qui ne sont pas d'accord entre eux - de quinze à trente procédures différentes ! La simplification sera un très gros travail, mais c'est une priorité politique pour rendre l'Europe compréhensible à ses citoyens. Ceux-ci ne reconnaîtront comme légitimes que les décisions européennes à condition que si nous adoptions une terminologie claire et directement compréhensible - par exemple loi européenne au lieu de directive -, un nombre limité d'instruments - il en existerait trois catégories - et des procédures démocratiques, lisibles par chacun et transparentes.

Le quatrième enseignement a été une surprise pour moi : nous n'avons entendu de la part des conventionnels aucune demande pour transférer de nouveaux domaines de compétences vers l'Union. C'est une grande nouveauté. Nous allons donc pouvoir confirmer et préciser dans la constitution les compétences qui figurent dans les traités.

En revanche, on nous demande d'améliorer l'exercice des compétences, et aussi de rendre plus efficace la coordination des actions des Etats membres, là où il n'existe pas de compétence commune. Cela vaut en particulier pour la gouvernance économique, et c'est souhaitable dans le domaine social.

Un consensus global n'a pas encore été atteint sur ces sujets - ce qui est d'ailleurs intéressant en soi.

En matière économique, la Convention a déjà dégagé un consensus clair sur un principe : la politique monétaire est une compétence de l'Union ; les politiques économiques restent du domaine des Etats membres. Néanmoins, vous connaissez l'ancien débat, qui remonte au rapport Werner, sur le fait que l'unité de la politique monétaire présuppose la convergence des politiques économiques.

Le sentiment de la Convention paraît être aujourd'hui le suivant - mais nous allons encore en discuter - : la coordination des politiques économiques existe déjà, mais sa discipline doit être renforcée. La Commission pourrait par exemple adresser ses premières mises en garde de manière autonome et agir ainsi directement. Les pénalités resteraient de la compétence du Conseil, mais seraient décidées à la majorité qualifiée, le pays concerné ne prenant pas part au vote.

Pour les Etats de la zone euro, la demande de coordination est plus forte, car même si chaque Etat définit sa politique économique, celle-ci doit tenir compte de son appartenance à la zone et prendre en considération les conséquences qu'elle peut avoir sur l'intérêt monétaire commun, qui peut en être affecté.

On pourrait alors envisager un double cercle de coordination : le conseil des ministres de l'économie et des finances Ecofin pour l'ensemble de l'Union, et l'Euro-groupe, définissant ses propres règles de fonctionnement, pour les Etats de la zone euro.

Pour certains conventionnels, cet Euro-groupe serait une formation spécialisée de l'Ecofin. D'autres recommandent d'avoir recours à la formule des coopérations renforcées. Il faudra trancher.

Nous pourrons envisager sa mise en place dans la partie de la constitution consacrée à l'Union monétaire. Il serait aussi le correspondant de la Commission pour la surveillance et le respect du Pacte de stabilité, dont la Convention recommande le maintien.

S'agissant du domaine social - sujet longuement débattu dans les instances européennes depuis le début des années 1980 -, un groupe de travail est en cours d'installation. Il fera des propositions sur une formulation nouvelle des objectifs sociaux de l'Union, qu'il faut sans doute préciser et compléter, et sur une coordination plus efficace des actions des Etats membres dans les domaines sociaux, où ceux-ci conservent leurs compétences.

Pour compléter cette évaluation des premiers résultats des travaux de la Convention, je voudrais vous dire un mot des trois nouvelles demandes d'action européenne, adressées à la Convention, et formulées pour la première fois par le traité de Maastricht : la politique étrangère, la défense et l'espace de liberté, de sécurité et de justice européen.

A l'heure actuelle, ces sujets sont traités selon la méthode dite « des trois piliers », qui donne une impression de grande confusion. Puisqu'elle envisage pour l'Union un système institutionnel unique, la Convention proposera l'abandon des trois piliers, et leur remplacement par des procédures spécifiques, adaptées à la nature de chaque problème.

C'est sur l'espace de liberté, de sécurité et de justice que la Convention a le plus avancé. Le troisième pilier disparaîtrait. Certaines dispositions seraient communautarisées, et s'accompagnerait d'un recours plus systématique à la procédure de vote à la majorité qualifiée, dans la logique de ce qui a déjà été décidé pour l'immigration et le droit d'asile et que vous connaissez bien, Monsieur le ministre de l'intérieur.

Un dispositif plus efficace serait mis en place pour le rapprochement des législations pénales, qui se caractérisent par leurs disparités, cependant que serait établie une liste des actes d'une particulière gravité et relevant de la criminalité transfrontalière. En cette matière, le flou doit absolument être évité.

En matière opérationnelle, où la responsabilité reste celle des Etats, des solutions imaginatives permettraient de coordonner l'activité des polices nationales et celles d'Europol, ainsi que de renforcer les contrôles aux frontières de l'Union.

Vous attendez sans doute de connaître les orientations de la Convention en matière de politique étrangère et de défense, mais il est trop tôt pour le faire, car les groupes de travail n'ont pas achevé leurs travaux ; je ne saurais anticiper leurs conclusions.

Mais des débats généraux de la Convention, on peut déjà retenir deux avancées, qui ont toutes chances d'être retenues, et dont la première serait l'élévation au rang de ministre des affaires étrangères de l'Europe unie du Haut représentant pour la PESC. Ce poste a été créé, on s'en souvient, à l'initiative de la France, sur l'insistance du Président Jacques Chirac.

Ce ministre, nommé par le Conseil, présiderait le conseil des ministres des affaires étrangères de l'Union. Son rôle, chacun le comprend, ne serait pas de décider seul de la politique étrangère de l'Union, mais de rester en contact étroit, quasi quotidien, avec ceux qui mènent aujourd'hui la politique étrangère des Etats membres, pour conduire une stratégie de convergence des positions, en direction d'une position unique. En cas de crise, il recevrait du Conseil des directives et une marge d'initiative, permettant à l'Union d'éviter la cacophonie - vous voyez sans doute ce que je veux dire - et de coordonner dans les enceintes internationales les initiatives des Etats membres. Certes, le traité d'Amsterdam prévoit déjà un tel dispositif, mais il n'a pas fonctionné. Nous proposerons donc d'aller plus loin.

Pour éviter le blocage qui résulterait d'un droit de veto à 25 ou 27 membres - soit cinq fois plus qu'au Conseil de sécurité des Nations unies ! -, il conviendra de garantir une certaine flexibilité dans le processus de décision, passant, par exemple, par un recours plus large au vote à la majorité qualifiée et à un usage plus fréquent des coopérations renforcées.

Quant à la politique de défense commune, même si elle fait encore l'objet d'appréciations divergentes, sa nécessité n'est curieusement pas contestée - certains Etats membres de l'Union étant attachés à la neutralité, on pouvait imaginer des divergences profondes ; or la reconnaissance de la nécessité d'une politique européenne de défense commune est unanime. Les représentants allemands et français à la Convention ont transmis, il y a deux semaines, des propositions importantes dans ce domaine.

Il semble qu'un accord pourra se dessiner en faveur de la création d'une agence européenne de l'armement et du développement technologique, constituant, pour les années 2000, le symétrique du pool charbon-acier des années 1950. Peut-être pourra-t-on également s'inspirer, pour les contributions de défense, des critères de convergences qui ont permis la mise en place de l'euro.

Je vous remercie de votre patience, car je sais que j'ai déjà quelque peu excédé le temps de parole que vous m'avez alloué, Monsieur le Président .

Voici donc le contenu du verre à moitié plein. Je vous décrirai brièvement comme nous allons remplir le verre à moitié vide.

A partir du début de 2003, nous disposerons des conclusions de tous nos groupes de travail, et nous aurons pris acte de toutes les contributions déposées devant la Convention, dont, jeudi prochain, celle de la Commission européenne.

Nous allons entreprendre la rédaction de notre constitution, et nous aborderons le problème de la mise à jour des institutions de l'Union.

Pour les articles de la constitution, nous débuterons par ceux qui définissent les objectifs et les valeurs de l'Union - ce qui n'est pas seulement théorique, mais qui a une valeur d'identité forte - ainsi que le rôle de la charte des droits fondamentaux, puis par ceux qui décrivent et précisent les compétences de l'Union. Je vous engage à les lire, car elles indiquent, en creux, celles qui demeurent du ressort des Etats nationaux.

Nous devrions en présenter le texte à la Convention en février.

Nous poursuivrons par les procédures et les instruments d'action de l'Union, car il nous faut procéder par ordre, en commençant par les institutions. Parallèlement, nous engagerons donc la réflexion sur la mise à jour des institutions de l'Union. Nous l'ouvrirons par un débat général de la Convention portant sur l'ensemble des contributions qui nous ont été présentées. Puis nous entrerons dans le vif du sujet, par une démarche que je souhaite concrète et réfléchie.

Il ne s'agit pas de nous passionner pour savoir quel lambeau de pouvoir une institution réussira à arracher à une autre, problème qui passionne quelques personnes en Europe... Il s'agit de répondre à la question fondamentale posée par la déclaration de Laeken : comment les trois institutions de l'Union, que sont le Parlement, le Conseil et la Commission, peuvent-elles assurer un fonctionnement efficace, démocratique et transparent de l'Europe unie après son élargissement ? Ce n'est pas une question de frontières entre les institutions : c'est la question du fonctionnement d'un système global.

Ceci nous impose de commencer par une évaluation réaliste des conditions actuelles de fonctionnement du système, qui, pour parler franchement, ne sont pas toujours satisfaisantes. Il faut soulever le capot de la voiture pour voir comment tourne le moteur !

M. Jean-Pierre Brard - Les mains dans le cambouis !

M. le Président de la Convention pour l'avenir de l'Europe - Nous examinerons ensuite les conséquences sur les trois institutions de l'effet de nombre, dû aux élargissements successifs. Le Conseil européen passera à plus de cinquante membres alors qu'il en comptait dix-huit lors de sa première réunion, à l'Elysée. La Commission atteindra vingt-cinq membres. Quant au Parlement, il dépassera la limite de sept cents membres qu'il s'était fixée lui-même. Quels peuvent être leur mode d'organisation, leurs règles de fonctionnement et leur mécanisme de décision, pour en faire un ensemble institutionnel, efficace et transparent, qui donne une image brillante et moderne de l'Europe du XXIe siècle ?

C'est une tâche ardue, sans doute ingrate, car elle se déroule sur une toile de fond de lutte pour le pouvoir, mais indispensable si l'on veut que l'Europe devienne un sujet d'adhésion, voire d'enthousiasme, pour ses citoyens, et éventuellement une référence pour le monde. Nous pouvons déjà avancer quelques propositions. Tout d'abord, le système doit être stable, et lisible pour les citoyens. C'est déjà le cas pour le Parlement et la Commission, dotés de présidences stables. Seul le Conseil connaît une rotation semestrielle de sa présidence. Je pense qu'il faut y mettre un terme : imaginée pour l'Europe à six, où elle revenait tous les trois ans, cette rotation est absurde pour l'Europe à vingt-cinq ou à vingt-sept, où elle reviendrait tous les treize ans. Elle présente deux des défauts majeurs des systèmes politiques contemporains : l'anonymat, puisqu'elle ne permet pas de connaître les véritables dirigeants, et l'instabilité de l'action par la fixation semestrielle de priorités nouvelles pour l'Union, sans que soit ensuite possible un suivi efficace de leur mise en _uvre.

La rotation trimestrielle n'a guère de défenseur. Certains redoutent toutefois que sa suppression remette en cause l'équilibre institutionnel, et affaiblisse la Commission. En réalité, les trois institutions de l'Union seraient placées sur un pied d'égalité, avec trois présidences stables, et le rôle du président du Conseil européen ne serait pas modifié, comme certains le craignent, par son mode de désignation. Il lui appartiendrait de veiller à ce que le Conseil exerce la fonction que lui assigne le traité d'Union européenne, et qui consiste à « donner à l'Union les impulsions nécessaires à son développement, et à en définir les orientations politiques générales ». Il ne s'agit donc pas d'une gestion directe et décisionnelle de la vie de l'Union.

Permettez-moi ici une digression. L'imaginaire contemporain, sans doute alimenté par les images médiatiques omniprésentes de présidents tels que George Bush et Vladimir Poutine, tend à doter ce président du Conseil européen d'une autorité forte et d'un pouvoir de décision étendu. La réalité, j'en suis convaincu, sera différente. Je vous l'ai dit : l'Europe devra éviter la centralisation excessive du pouvoir, et ce sera d'ailleurs l'un des signaux qu'elle pourra envoyer au monde de son temps. Le rôle du président sera bien davantage de coordonner que de commander ; son pouvoir sera plus proche de l'influence que de la décision. Pour reprendre une belle expression de notre Constitution, « il assurera le fonctionnement régulier des pouvoirs européens, ainsi que la continuité de l'Europe ». Il sera davantage médiateur que décideur.

Quant à la Commission, elle devra confirmer sa nature de collège indépendant des pouvoirs nationaux, capable d'identifier et de proposer les mesures conformes à l'intérêt européen. C'est là ce qui fait l'originalité de cette institution, et sa très grande utilité. Pour lui maintenir, comme je le crois souhaitable, son monopole d'initiative - lequel ne s'entend pas, bien entendu, que dans les domaines où les traités confèrent la compétence de l'Union -, il faut éviter sa politisation. Imaginez une Commission politisée par sa procédure de désignation : face au Conseil et au Parlement, comment pourrait-elle exercer sereinement son rôle d'initiative pour le bien commun européen, alors que ses décisions feraient l'objet de contestations politiques ? Et il faut lui restituer le caractère de collège restreint, et représentatif de l'intérêt européen, non des intérêts nationaux, comme l'ont voulu les fondateurs. Le mode d'élection de son président sera débattu par la Convention. Beaucoup souhaitent qu'il soit élu par le Parlement européen. Mais se poserait alors le problème de la sélection et de la présentation des candidats.

Le Parlement européen se verrait reconnaître pleinement le rôle de colégislateur, pour l'ensemble des lois européennes. Son mode d'élection deviendrait homogène - ce qui ne signifie pas identique - pour assurer aux députés européens une légitimité comparable, et une proximité plus étroite vis-à-vis de leurs électeurs. C'est là un sujet, Monsieur le Premier ministre, sur lequel le gouvernement français va certainement se pencher...

Chacune de ces questions viendra à son heure pour remplir l'architecture constitutionnelle de manière cohérente et équilibrée. Sur ces sujets difficiles, je souhaite un débat réfléchi, dont les questions de personnes comme de préférences institutionnelles soient absentes, et qui se concentre sur le véritable enjeu : comment organiser et faire fonctionner un système institutionnel original, adapté à la double nature de l'Union, c'est-à-dire capable à la fois d'assumer la gestion fédérale des compétences dévolues à celle-ci, et la gestion des actions concertées des Etats membres là où leurs compétences sont respectées ? Je ne crois ni à une concentration excessive du pouvoir, ni à la confusion des rôles entre les institutions, mais à un équilibre entre elles et à un esprit de coopération. On peut se référer à ce que défendait Montesquieu : réfléchissant, il est vrai, dans le cadre de l'organisation politique des Etats, il prônait la séparation des pouvoirs ; dans celui, plus complexe, de l'Union européenne, le problème est plutôt celui de la distinction des fonctions. Chacun doit savoir qui fait quoi, et qui est responsable de quoi.

En conclusion, je vous rappellerai qu'aujourd'hui plus de 60 % des citoyens de toute l'Europe souhaitent une constitution européenne. Il n'y a qu'un pays où ce v_u ne rassemble pas une majorité ; encore l'opinion s'y divise-t-elle par moitié. C'est, après huit mois de travail, la meilleure récompense que pouvait espérer la Convention européenne. Cette constitution, aidez-nous à la concevoir et à la rédiger. Par vos délibérations, par les contributions de vos représentants à la Convention, faites qu'elle soit imprégnée de la clarté et de la logique de l'esprit français ! Je ne sais pas encore si nous allons réussir, mais je crois que nous sommes sur le bon chemin. Vous qui constituez le relais privilégié avec les citoyens, je vous demande de nous accompagner dans cette dernière étape : dotons l'Europe du XXIe siècle d'une constitution qui en fera une grande puissance, juste, libérale, tolérante, respectueuse du droit pour elle-même et pour les autres, à l'image de ce que nous souhaitons pour la France, et de ce que la France propose à l'Europe !

M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères - Nous nous réjouissons de la participation aux débats de l'Assemblée nationale du président Giscard d'Estaing, que nous avons entendu avec le plus grand intérêt. Elle nous permet d'engager le débat sur l'avenir de la construction européenne. Je souhaite qu'au-delà des préférences partisanes, nous sachions saisir cette chance d'éclairer notre pays sur l'importance des choix qu'il devra faire.

Depuis bientôt un demi-siècle, la construction européenne n'a progressé qu'en s'affranchissant des modèles établis et des idées reçues. C'est la clé de sa réussite, la marque de son ambition. La Convention constitue une étape décisive dans cette entreprise sans précédent qui consiste à obtenir de nations qui, souvent, sont au nombre des plus glorieuses du monde, qu'elles mettent en commun des pans entiers de leurs compétences souveraines. Etape décisive autant que difficile, tant les problèmes institutionnels sont de ceux qui attisent les passions, nourrissent les ambitions et favorisent les affrontements théoriques. Mais étape décisive, aussi, parce qu'elle survient au moment où s'opère enfin un élargissement à dix nouveaux pays, qui va permettre à l'Europe de renouer avec une part importante de son héritage moral et culturel.

Les questions auxquelles la Convention doit répondre sont aussi nombreuses que délicates. Vous les avez évoquées, Monsieur le président de la Convention. L'accroissement du nombre des Etats composant l'Union a ses conséquences inévitables : on ne peut pas fonctionner à vingt-cinq comme à quinze, surtout quand le fonctionnement à quinze est déjà fort difficile et qu'on se fixe comme objectif louable la démocratisation des institutions.

M. Jacques Myard - C'est évident !

M. le Président de la commission - C'est dire que la convention est principalement confrontée à quatre débats, étroitement interdépendants. Quelle organisation des relations entre les institutions ? Quel degré d'efficacité dans la mécanique des décisions ? Quelles ambitions nouvelles assigner à l'Union ? Quel degré de cohésion espérer d'une Union à vingt-cinq, dotée de compétences nouvelles ?

Une question me semble essentielle : dès lors que tous les membres de l'Union ne participent pas, de leur propre fait, aux mêmes politiques communes, quelles conséquences en tirer pour l'organisation nouvelle des institutions communautaires ?

Le problème est d'autant plus aigu qu'il se pose déjà aujourd'hui, au sein de l'Union à quinze. Disons, pour simplifier à l'extrême, que tous sont membres du marché unique, mais que tous, et il s'en faut de beaucoup, ne sont pas membres de la zone euro, ou ne participent pas à la politique européenne de défense, ou ne sont pas parties aux accords de Schengen.

Que nous le voulions ou non, cette situation est appelée à durer, du fait même de l'élargissement. Les vingt-cinq membres ne seront pas parties prenantes au même titre que toutes les politiques européennes communes, soit qu'ils ne le puissent pas, ou pas tout de suite, soit qu'ils ne le souhaitent pas, ou pas encore. Il résultera longtemps complexité, voire confusion. Aussi est-il nécessaire de mettre de l'ordre dans cette réalité aussi diverse que foisonnante.

Conscient de cette nécessité, j'avais, voilà quelques années, constaté qu'existaient de fait entre les Etats membres, outre la coopération dans le cadre du marché unique qui les regroupait tous, des « cercles » - mot qui depuis a fait florès -, des cercles, donc, de compétences et de compositions variables selon les sujets : cercle monétaire, cercle de sécurité intérieure, ou encore cercle à compétence militaire.

Telle est encore, peu ou prou, la situation d'aujourd'hui.

M. Jacques Myard - Et cela continuera !

M. le Président de la commission - Rien n'indique qu'il en ira différemment demain, bien au contraire. Il faut prendre acte de cette réalité pour l'organiser.

Dès lors, doit-on décider de pérenniser le système actuel, c'est-à-dire qu'au sein des institutions européennes, les mêmes pour tous, fonctionnent, selon les sujets, des coopérations plus approfondies entre les Etats membres, regroupés en cercles multiples ? Ou bien doit-on envisager qu'au sein de ces institutions existe un cercle avancé, qui regrouperait ceux des Etats membres qui ont décidé d'aller aussi loin que possible, en coopérant à la gestion de toutes les politiques communes que les traités permettent ? Autrement dit, doit-on souhaiter que ceux des Etats qui adhèrent à toutes les formes de coopération se rassemblent en ce cercle avancé ?

Nous devons nous affranchir des querelles de mots et d'une vision statique des institutions européennes. Il ne serait pas réaliste de faire comme si tous les membres de l'Union étaient dans la même situation, alors qu'en réalité les uns mettent en commun davantage de compétences que les autres. Ne faut-il pas reconnaître que si un cercle, forcément restreint au début, regroupait les pays participant à toutes les coopérations prévues par le traité, l'existence de cette avant-garde - mot contesté, je le sais - serait un motif puissant pour convaincre les autres, qui se tiennent en dehors, d'entrer progressivement dans cette Union plus parfaite et plus complète ?

Cependant je ne crois pas qu'il soit souhaitable de consacrer une dichotomie dans la future constitution européenne. Laissons faire la nature, et remettons-nous en aux réalités. Que ceux qui veulent avancer plus vite se regroupent est légitime. Pour autant, il n'y a pas lieu d'imaginer en leur faveur une organisation différente de celle de l'Union toute entière. Une chose est certaine : si cette structure à composition plus restreinte devait voir le jour, elle devrait être présidée par le président du Conseil européen, en présence du président de la Commission, et soumise au contrôle du Parlement. Contentons-nous de souhaiter que la constitution européenne permette ce regroupement à composition plus restreinte.

Quelles seraient les conséquences ? La Grande-Bretagne, tant qu'elle n'a pas rejoint la zone euro, dont elle n'est absente que par sa propre volonté, n'en ferait-elle pas partie, mais on doit espérer que cette situation ne serait que temporaire. D'ailleurs, la simplification escomptée ne serait pas encore totale, tant il est vrai que, sur vingt-cinq membres dont moins de la moitié appartiendrait à ce cercle avancé, les autres relèveraient de situations diverses selon qu'ils pratiquent telle ou telle forme de coopération, mais pas toutes.

Résumons : tous les Etats seraient sur un pied d'égalité au sein de l'Union ; tous seraient habilités à adhérer à des coopérations plus ambitieuses que la coopération économique et commerciale, qu'elles concernent la monnaie, la sécurité, la politique extérieure ou la défense ; tous auraient vocation à entrer dans le cercle plus restreint des Etats pratiquant entre eux la totalité des coopérations prévues par la constitution en voie d'élaboration. Les transitions seraient ménagées, la confusion dissipée, les passions apaisées, du moins peut-on l'espérer.

Depuis que la construction européenne est en marche, la diversité des situations des différents Etats membres, leur degré inégal de participation à l'effort commun sont un frein à l'émergence de la puissance européenne. Déjà tous ne sont pas prêts à marcher du même pas. Faut-il se résigner à ce que les autres, indéfiniment, attendent ? Je ne le pense pas. De la situation actuelle et de celle, ô combien prévisible, de demain, il faut tirer toutes les conséquences en organisant avec souplesse des institutions permettant une évolution de tous les membres de l'Union vers la plus grande cohésion possible, mais en permettant aux plus ambitieux d'aller de l'avant en se regroupant, sans exclure personne.

Ainsi, notre pays pourrait prendre l'initiative, une fois la constitution adoptée, de proposer à tous ceux de ses partenaires qui participent comme lui à toutes les formes de coopération de se retrouver régulièrement, afin de coordonner leurs efforts et de rendre leurs actions cohérentes entre elles et avec celle qui est menée par l'Union au nom de ses vingt-cinq membres.

Je le relevais au début, le propre de l'idéal européen est qu'il n'a pas de précédent dans l'histoire. Si nous voulons que cet idéal soit pleinement traduit dans les faits, nous devons persévérer dans la voie du pragmatisme et de l'originalité.

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne - Mes premiers mots s'adressent au Président de notre assemblée. Je vous rends hommage, avec la Conférence des présidents, Monsieur le Président, de vouloir placer l'Europe au c_ur du travail de notre assemblée : avec ce débat exceptionnel, avec la réunion conjointe avec le Bundestag le 22 janvier prochain, avec l'instauration de séances de questions d'actualité européenne, ou d'autres initiatives envisagées.

Plus de 60 % des règles de la vie du citoyen sont d'origine européenne ; il convient d'en parler tout autant à Paris qu'à Bruxelles.

M. Jean-Pierre Brard - Et à Strasbourg !

M. le Président de la délégation - C'est dans cet esprit que la délégation pour l'Union européenne s'est efforcée d'ouvrir ses travaux aux commissaires comme aux parlementaires européens, aux commissions pour les affaires européennes des autres parlements de l'Union comme à la délégation européenne du Sénat français. Je me réjouis également du travail en commun avec les commissions permanentes de l'Assemblée.

L'Europe traverse une période historique avec, d'abord, l'élargissement, que je préfère appeler « l'unification de l'Europe ». En effet, Monsieur le président de la Convention, vous proposez dans votre architecture plusieurs dénominations pour l'Europe de demain et ma préférence va à « l'Europe unie », beaucoup plus parlante que le nom d'Union européenne.

Cette Europe unie, c'est la garantie accrue de la paix, qui n'a pas de prix. L'Europe a réconcilié la France et l'Allemagne. Par le marché intérieur, elle a uni quinze pays. Avec le transfert de souveraineté majeur qu'est l'euro, elle a intégré nos destins. Avec l'élargissement, le rêve et l'objectif des pères fondateurs deviennent réalités.

Aux quelques Cassandre à la vision courte, je rappelle que ces peuples de l'Est, que Copenhague va, dans dix jours, arrimer aux nôtres, nous ont libérés de Yalta et du mur de Berlin ; aux alarmistes, que déjà nos accords d'association avec ces pays ont été bénéfiques à nos exportations. Il faut éviter d'agiter les peurs et les égoïsmes. C'est donc par un oui clair qu'il faudra, en 2004, les accueillir.

Deuxième rendez-vous majeur : la constitution. La Convention qui, sous votre égide, y travaille, remplit un rôle historique. Jacques Floch et moi-même, qui avons l'honneur d'y représenter l'Assemblée, en mesurons les remarquables avancées.

Qui aurait dit, il y a seulement un an, que nous aurions une constitution avec un préambule intégrant la charte ? Que nous aurions un accord sur la personnalité juridique unique de l'Union ? Que nous nous accorderions, grâce aux groupes de travail d'Inigo Méndez de Vigo et de Gisela Stuart, sur l'implication des parlements nationaux dans le contrôle de la subsidiarité ? Que le groupe de travail Dehaene se prononcerait pour un ministre unique des affaires étrangères, présidant le conseil « Relations extérieures » ?

Je salue la méthode qui a consisté à associer, au sein de la Convention, parlementaires européens et nationaux, gouvernements et commissaires, pays membres et pays candidats, et j'ai bon espoir qu'elle conduira à des conclusions suffisamment fortes pour permettre une conférence intergouvernementale courte. Comme le souhaite le Premier ministre, nous pourrions peut-être ainsi aboutir à un nouveau traité de Rome avant la fin de 2003.

Pour autant, il faut être vigilant et tenace, audacieux et ambitieux. Si le résultat est tiède et médiocre, nous aurons manqué le rendez-vous de l'Histoire, nous ne serons pas parvenus à rendre notre « Europe unie », lisible et populaire.

Et nous n'avons plus que six mois pour réussir.

Que doit faire - et ne pas faire - l'Europe ? Que doivent faire les Etats ? Certes, le système d'alerte précoce préconisé dans le rapport Méndez de Vigo permettra aux parlements nationaux de contrôler enfin l'application du principe de subsidiarité. Mais si, le rapport Lamassoure propose de distinguer compétences exclusives, compétences partagées et compétences complémentaires, le contenu de ces catégories n'est pas encore clarifié. Par exemple, certains sont encore tentés de faire de la politique étrangère une compétence exclusive de l'Union, y compris, à terme, dans le domaine militaire, ce qui est évidemment irréaliste et inopportun. L'ordre d'envoyer au combat des soldats français peut-il ne pas être de la responsabilité exclusive de la France ?

M. Jacques Myard - On y arrive !

M. le Président de la délégation - Certains - les mêmes souvent - souhaitent renationaliser la PAC, ce qui serait un dangereux recul.

Les citoyens ne comprendront bien l'Europe que si leur vie quotidienne est concernée et l'euro implique que nous coordonnions mieux nos politiques économiques et sociales. Je me réjouis que, sur ce sujet, la France et l'Allemagne travaillent désormais de concert.

Puissance économique, l'Union doit aussi être une puissance politique pour éviter un monde unipolaire. J'ai donc proposé au groupe « action extérieure » de la Convention de définir un pacte de convergence des politiques étrangères et de sécurité dans le cadre de la PESC. S'agissant par exemple de la sécurité maritime, compétence partagée, l'Europe doit avoir une politique ambitieuse, au lieu de réagir au coup par coup, après les catastrophes. Et les Etats membres doivent appliquer les décisions prises en commun...

Enfin, même pour ce qui est des compétences complémentaires, il faut une coopération beaucoup plus intense. Dans le domaine culturel, par exemple, afin de défendre le français et les autres langues européennes, afin de promouvoir notre création, il nous faut consacrer le principe de la diversité. Mais il s'agit aussi de défendre un patrimoine commun et l'Europe est bien timide aujourd'hui à cet égard : au sein de l'Union, les échanges universitaires sont parfois moindres qu'avec l'outre-Atlantique... Développons les manifestations culturelles européennes, les échanges universitaires, le soutien européen à la création artistique, les lycées et centres culturels communs, les universités européennes, afin de faire émerger une citoyenneté européenne !

S'agissant des institutions, tout le monde s'accorde sur la nécessité d'une refondation. L'Europe ne peut plus avancer masquée au fil de compromis successifs et de traités obscurs.

Le triangle institutionnel doit être conservé et ses composantes renforcées. Il faut préserver et même étendre le droit d'initiative de la Commission. Il faut que le Parlement européen devienne un vrai parlement, qui participe pleinement à l'élaboration, non de directives et de règlements, mais bien de lois européennes. Cela nécessite d'étendre la procédure de codécision, et donc de recourir plus souvent au vote à la majorité qualifiée, au Conseil. Un vrai parlement vote les recettes comme les dépenses. Il est donc bon, Monsieur le président de la Convention, que vous ayez posé la question des ressources propres, c'est-à-dire d'un impôt européen dont les députés européens seraient, lors des élections, comptables devant le citoyen.

Vous avez opportunément relancé, aussi, en juillet, l'idée française d'un « congrès », composé de représentants du Parlement européen et des parlements nationaux. Cela permettrait que l'Europe soit enfin au c_ur des débats nationaux - ce qui n'a pas été le cas lors des dernières élections, en France comme en Allemagne.

M. Jacques Myard - Et pour cause !

M. le Président de la Délégation - Cependant, nombreux sont ceux qui, dans la Convention, craignent que ce congrès fasse concurrence au Parlement européen. Pour assurer le succès de cette belle idée, il nous faut expliquer qu'il ne s'agit aucunement d'une deuxième chambre législative, ni même d'une institution permanente.

J'en viens au troisième côté du triangle : le Conseil. Avec un président du Conseil qui change tous les six mois, l'Europe n'est ni crédible ni efficace sur la scène internationale et elle n'est pas lisible pour le citoyen. La proposition d'une présidence stable, formulée par Jacques Chirac à Strasbourg en mars dernier, répond à cette double critique.

La désignation d'un ministre européen des affaires étrangères, cumulant les fonctions de MM. Solana et Patten, va également dans le sens d'une efficacité accrue.

Cependant, là encore, il faut prêter attention aux conventionnels qui, du côté allemand ou du côté de pays moins peuplés, veulent un président de la Commission directement élu par le Parlement européen. En fait, ils veulent même faire des élections européennes une confrontation partisane pour ce poste. Pour moi, cette dérive est contraire à l'esprit du traité de Rome. Prisonnière d'une majorité de circonstance, la Commission perdrait son indépendance et son autorité.

Il faut évidemment rechercher une solution qui rassemble, en dépassant le clivage entre approches intergouvernementale et supranationale, en évitant de faire un « choix Conseil » ou un « choix Commission ». C'est dans cet esprit que j'ai déposé une contribution visant à instituer un président unique de l'Europe, présidant à la fois le Conseil et la Commission, et responsable devant le premier. Cette solution me paraît conforme à l'esprit de la proposition française à Strasbourg.

De toute façon, la présidence stable de l'Union, qu'elle soit bicéphale ou unique, constituera une avancée politique majeure de la construction européenne. L'Europe aura enfin un visage.

Le choix du mode de ratification du futur traité constitutionnel appartient au Président de la République seul, mais, quelle que soit sa décision, nous devons nous mobiliser tous. Pour l'Europe, rien ne serait pire que le silence et l'indifférence. Comme nous l'ont démontré les référendums irlandais, quand on ne parle pas de l'Europe, elle perd ; quand on en parle, elle gagne. Je me réjouis donc que le Premier ministre ait décidé de lancer une grande campagne d'information et de dialogue. L'Europe mérite en effet un immense débat parce qu'elle est synonyme de paix et peut-être demain, nous le souhaitons, de puissance.

Mme Élisabeth Guigou - Réformer l'Union européenne, ses objectifs et ses institutions : l'enjeu est vital. Ou bien l'Union y parviendra, ou bien elle ne sera plus qu'une zone de libre-échange, incapable de défendre un modèle de société et impuissante à faire entendre sa voix.

Il faut à la fois lui donner un nouveau contenu, définir ce que les Européens veulent faire ensemble, et définir les instruments nécessaires pour atteindre ces objectifs. De même, en raison de la proximité de l'élargissement, il faut raisonner dans la perspective d'une Union à vingt-cinq membres ou plus. La Convention est donc appelée à faciliter les coopérations renforcées entre les pays qui veulent et peuvent aller plus loin et plus vite, en même temps qu'à définir les frontières de l'Europe et à mieux cerner la notion d'identité européenne.

On ne peut séparer la réforme institutionnelle de la question des objectifs car ce sont ces derniers qui donnent sens à la construction européenne. En outre, si on veut lutter contre le populisme et contre les discours de peur et de repli sur soi, il importe de montrer ce que l'Europe peut apporter aux citoyens. Enfin, parce que la mécanique institutionnelle, aussi importante soit-elle, est assez rébarbative, elle ne peut avoir de justification que par rapport à ces objectifs mêmes. Le contenu - le projet - n'est donc pas séparable du contenant - les institutions.

Je ne nie certes pas l'extrême importance d'un gouvernement économique, nécessaire pour que l'Union européenne et monétaire marche sur ses deux jambes et pour que nous tirions tous les bénéfices de l'euro en termes de croissance - mais aussi pour éviter une compétition fiscale dangereuse entre Etats membres.

Je souhaite avec force également une véritable politique européenne de l'asile et de l'immigration, qui tienne compte des 13 millions de chômeurs de l'Union comme des intérêts des pays en développement.

J'accorde aussi la plus grande importance à une politique plus résolue de lutte contre la criminalité internationale, contre ce qui la nourrit - l'argent sale qui, profitant du secret bancaire, s'infiltre partout à partir des paradis fiscaux et alimente toutes les formes de criminalité, de la traite des êtres humains au terrorisme.

M. Émile Zuccarelli - Très bien !

Mme Élisabeth Guigou - Quelques avancées, encore bien insuffisantes, ont eu lieu depuis le Conseil européen de Tampere. Nous avons besoin d'une police et d'un parquet européens.

J'accorde également une grande importance à la politique étrangère et à la politique de sécurité commune, alors que s'impose la nécessité d'un contrepoids à l'hyperpuissance et à l'unilatéralisme des Etats-Unis. Mais j'insiste sur l'impératif que constitue l'Europe sociale, car le modèle européen tient, pour une large part, au niveau élevé de ses normes sociales. C'est une urgence, car les citoyens européens craignent que la mondialisation ne menace leurs acquis sociaux. Une ambition forte peut donc contribuer à conjurer ces peurs qui font le lit du populisme.

Je me réjouis qu'un groupe de travail, à la demande d'une quarantaine de conventionnels, ait finalement pu être créé.

Nous serons particulièrement attentifs à ce que le traité constitutionnel inclue, bien sûr, la charte des droits fondamentaux, ce qui donnera à la Cour de justice un droit de contrôle, mais aussi des références claires aux valeurs de justice sociale et de solidarité, aux objectifs de progrès social, de cohésion sociale, et enfin des dispositions précises quant à l'objectif d'un plein emploi de qualité sur la base de l'actuel article 128, quant au principe d'un salaire minimum dans chaque Etat membre, quant à la possibilité concrète d'un droit de grève européen - ce qui implique d'aller au-delà de sa simple mention, dans la charte des droits fondamentaux, et donc de modifier l'article 137, paragraphe 6, du traité actuel. Si j'insiste sur ce point, Monsieur le président de la Convention, c'est parce que nous y avons consacré une longue discussion en commission des affaires étrangères.

J'insisterai également sur la reconnaissance du rôle des partenaires sociaux et du dialogue social, sur la définition des missions et principes qui garantissent les services d'intérêt général afin de faciliter l'adoption d'une directive-cadre, sur l'exigence d'un niveau élevé de protection de la santé - qui suppose à la fois un dispositif d'alerte sur les menaces pour la sécurité sanitaire et le traitement sous l'angle de la santé publique de questions qui ne sont aujourd'hui abordées que dans l'optique du marché intérieur.

Pour remplir ces objectifs, nous avons besoin, sur le plan institutionnel, d'une réforme en profondeur.

Mes collègues Jérôme Lambert et Jacques Floch insisteront davantage sur les réformes institutionnelles. Je me bornerai à quelques brèves remarques.

Il faudra notamment améliorer la capacité de décision du Conseil en généralisant le vote à la majorité qualifiée dans les domaines où l'Union mène des politiques communes ; renforcer la Commission dans son rôle d'initiative ; renforcer le rôle du Parlement européen ; associer les parlements nationaux au contrôle du respect de la subsidiarité, qui est un principe important.

De nouveaux défis sont lancés à une Union européenne forte de vingt-cinq Etats membres, dont celui de la nécessaire différenciation. Nul ne peut imaginer, quand bien même le nouveau traité sera ambitieux, que les vingt-cinq Etats membres de l'Union européenne puissent réaliser tous les objectifs au même moment. D'ailleurs, même entre les Etats membres actuels, la différenciation est admise, s'agissant de l'euro, et si l'on veut que l'Union ne soit pas seulement un grand marché, il faut accepter cette différenciation, mais afin qu'aucun Etat ne se sente exclu, la possibilité de rejoindre l'avant-garde doit être, bien sûr, possible à tout moment. Des dispositions institutionnelles sont nécessaires pour que les coopérations renforcées puissent se réaliser plus facilement, et que ceux qui les refusent ou qui n'y sont pas prêts ne puissent y faire obstacle, fût-ce devant le Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement.

Egalement nécessaire est la définition des frontières de l'Europe, ce qui n'est pas simple. Le critère historique est éclairant ; le critère géographique est essentiel, car un pays non européen ne doit pas adhérer à l'Union, mais en réalité il n'est pas déterminant, sauf si l'on considère que tous les Etats de l'Europe, y compris la Russie, ont vocation à être un jour membres de l'Union. Selon moi, une telle perspective n'est pas recevable, pour des raisons politiques et stratégiques évidentes. Mais cette position implique que l'Union propose à tous les pays voisins, situés ou non sur le continent européen, un partenariat renforcé qui ne se limite pas au libre-échange mais englobe les questions de sécurité et de circulation des personnes.

Sur quels critères définir les frontières ? Sur l'identité de l'Union, fondée sur les valeurs de paix et de droits des personnes. Il faudra juger les nouvelles demandes d'adhésion à l'aune de leur respect affirmé - ou de leur non-respect - du contenu du projet européen, et fonder notre réponse sur des critères précis, au premier rang desquels les droits de la personne et des minorités. L'exigence devra être élevée, avant même que toute négociation puisse être engagée - ceci vaut pour les républiques de l'ancienne Union soviétique comme pour les Balkans et pour la Turquie.

J'insiste sur un dernier point : le critère religieux n'est en aucune façon recevable. Depuis le traité d'Amsterdam, l'Union européenne l'a dit clairement : elle n'est pas un club chrétien, et considère à égalité tous les citoyens, quelles que soient leurs croyances religieuses ou leurs options philosophiques.

Votre tâche, Monsieur le Président, est lourde, mais elle est bien engagée. Il faudra que les gouvernements soient à la hauteur des propositions de la Convention - que j'espère ambitieuses - pour une Europe politique forte, capable de promouvoir ses valeurs et un modèle de civilisation fondé sur la paix, le respect des droits et la solidarité avec les plus pauvres. L'Europe n'a de sens que si elle porte un projet capable de promouvoir une autre mondialisation.

M. François Bayrou - Monsieur le Président de la Convention européenne, permettez-moi de commencer cette intervention par un mot personnel.

Nous le savons tous, l'Europe va vivre un moment crucial de son histoire, moment crucial qui sera, en grande partie, ce que vous, Valéry Giscard d'Estaing, en ferez.

Je n'oublie rien du chemin qui vous a conduit sur ce banc.

Président de la République française, vous avez voulu le Conseil européen. Vous avez voulu l'élection du Parlement européen au suffrage universel. Vous avez été à l'origine de la monnaie européenne. Vous voilà aujourd'hui en charge de préparer une constitution pour notre Europe.

Je sais quelle émotion cette charge vous procure. Je veux saluer la destinée personnelle ainsi consacrée, et aussi l'idée que les volontés personnelles peuvent toujours jouer le premier rôle dans l'histoire.

L'Europe, c'est la plus grande et la plus belle entreprise historique de tous les temps. Pour l'ambition, l'aventure vaut Napoléon et Alexandre le Grand, mais pour la justice, elle les écrase, car cette immense entreprise est fondée sur les plus hautes aspirations de l'être humain - la paix et la bonne volonté des peuples - alors que les grands conquérants ne fondaient leur empire que sur la force et la contrainte.

Robert Schuman, Jean Monnet, Konrad Adenauer, Alcide de Gasperi, ces hommes étaient humbles, persévérants et visionnaires. Passés les uns et les autres par la guerre, ayant vu leurs pays broyés, avilis et redressés, ils savaient que la vraie politique n'est pas gloriole, mais vision et volonté jusqu'à entraîner, contre toute attente, l'assentiment des peuples. À ce titre, ils méritent l'honneur que doivent leur rendre les générations.

Une seule erreur a été commise au cours de cette vaste entreprise, une erreur qui me rappelle le mot de Péguy, « tout commence en mystique et tout finit en politique ». Ici, tout a commencé en mystique et tout a continué en mécanique, en technique, en technocratie même, accessible aux seuls initiés et compréhensible seulement avec un cours et un lexique de droit européen. Or, l'Europe n'est pas affaire d'initiés, mais de citoyens.

Il n'y aura pas de régénérescence de l'idée européenne sans une volonté inflexible - et s'il le faut, iconoclaste - de rendre compréhensibles à tous les raisons qui nous font vivre ensemble et les règles qui nous permettent de le faire. En vérité, le mot Europe recouvre trois étapes, construites sur trois urgences.

Les deux premières sont réalisées ou suffisamment avancées, la troisième n'est pas encore initiée - c'est l'objet même de la Convention, et son succès ou son échec ne dépendront que de nous.

La première étape, c'est la paix. Notre continent, déchiré comme aucun autre par une guerre de cent ans, saigné et avili paraissait voué à des haines inexpiables.

Il faut avoir lu les débats qui, dans les années cinquante, précédèrent les premiers pas de la construction européenne. Robert Schuman, à la tribune de cette assemblée, fut insulté, traité de « boche ». C'est à cette haine que, sans crainte et le regard droit, osèrent s'attaquer les pères de l'Europe.

Et le miracle s'accomplit. En peu d'années, la vague de la construction européenne, rassemblant pour agir ensemble les ennemis de la veille - et d'abord la France et l'Allemagne - apporta la paix au continent.

La paix, ce n'est ni l'armistice, ni l'absence de combats, ni la vigilance armée ; la paix, c'est oublier jusqu'au souvenir même des conflits et jusqu'à l'idée même qu'ils pourraient reprendre un jour.

La deuxième étape, c'est la prospérité. Les pères de la Communauté économique européenne, pensaient que l'économie d'un marché commun, sans frontières intérieures, serait un atout incomparable pour la prospérité du continent, comme le marché américain l'avait été pour l'économie des Etats-Unis.

Il faut avoir entendu, dans cette enceinte même, les débats qui précédèrent la ratification du traité de Rome, pour mesurer à quelle peur il fallait faire face. Des hommes aussi respectés que Pierre Mendès-France expliquaient à cette assemblée que jamais l'agriculture ni l'industrie françaises n'auraient la capacité de faire face aux défis de l'ouverture des frontières.

Contre toutes les peurs, les fondateurs allèrent de l'avant. Cela ne serait pas advenu si le général de Gaulle ne l'avait voulu.

M. Jean-Pierre Brard - Il était temps que vous le reconnaissiez !

M. François Bayrou - Et le miracle s'accomplit. En peu d'années, on vit une économie démantelée multiplier les performances dans tous les domaines, notamment en matière agricole. On passa d'une économie de subsistance, au bord de la pénurie, à une économie puissante, dépassant en produit intérieur les Etats-Unis.

M. François Sauvadet - Très bien !

M. François Bayrou - Et la vision du traité de Rome s'accomplit dans l'impensable : une monnaie unique pour douze Etats ! Pour la première fois dans l'histoire des hommes, le changement de monnaie n'était pas la marque d'une domination nouvelle mais un mouvement volontaire de l'intelligence et du c_ur. Pour la première fois depuis longtemps, les pays européens recouvraient une véritable souveraineté monétaire ; qu'on imagine les conséquences qu'aurait eu le 11 septembre 2001 sur nos monnaies si nous n'avions pas bénéficier de la protection de l'euro !

L'opinion publique a suivi. Les appréhensions, les difficultés - qui n'étaient pas mineures - ont été surmontées dans l'optimisme, par l'élan des peuples qui choisissent l'avenir.

Nous avons vu se réaliser l'Europe de la paix. Nous avons vu se réaliser l'Europe de la prospérité, achevée avec l'Acte unique et l'euro, et un jour il faudra traiter dans le même esprit l'Europe sociale.

Mais il existe une troisième étape ! Aujourd'hui, nous devons répondre à la question de savoir si nous voulons, ou non, que l'Europe devienne un acteur de premier plan sur la scène du monde. Or, l'Europe de la paix, l'Europe de la prospérité et l'Europe-acteur, ce n'est pas la même Europe. Il s'agit d'un changement de nature, et non de degré, car nous sommes entrés dans le siècle des puissances.

C'est le temps des géants politiques. Les Etats Unis sont le géant absolu, la Chine, avec son milliard trois cents millions d'habitants et sa croissance à 8 %, est un géant en formation, l'Inde se préparer à en devenir un.

C'est aussi le temps des géants économiques, dont les décisions pèsent plus lourd sur le sort des peuples, que celles de la plupart des chefs d'Etat.

C'est également le temps des géants du crime organisé, à qui les quelque quatre-vingts places off-shore servent de refuges complaisants.

La pauvreté elle-même a pris visage de géant, des milliards de personnes n'ont toujours pas accès à l'eau potable, le sida a fait trois millions de morts et frappé trente-huit millions de nos contemporains.

Ce monde de géants, il ne nous appartient plus de le refuser. La seule question est de savoir si nous voulons y être impuissants ou agissants.

M. Jean-Claude Lefort - Très bien !

M. François Bayrou - Il y a trois conditions pour que naisse l'Europe qui agit : une vision nette de ce que nous voulons en faire, des institutions simples et démocratiques, une identité commune.

Si notre vision est bien celle d'une Europe-acteur sur la scène du monde, il nous faut en tirer les conclusions. Je n'emploie pas l'expression Europe-puissance, juste à bien des égards, mais néanmoins ambiguë car elle contient comme une idée de domination, un relent d'impérialisme que refusent beaucoup d'Européens, en particulier en Allemagne, pour des raisons que l'histoire permet aisément de comprendre.

L'Europe-acteur, ce n'est pas autre chose que la forme moderne de l'idée de souveraineté. Ces souverainetés qu'au fil du temps nous avons perdues en tant qu'Etats nationaux, nous allons les ressaisir par la création de l'Europe politique.

L'Europe-acteur, c'est une politique étrangère, une politique de développement, une politique de défense. Dans tous ces domaines, la période récente a suffisamment illustré les inconvénients de la division de l'Europe.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, j'ai loué à cette tribune les efforts et la réussite de la diplomatie française à l'ONU, sous votre impulsion, dans l'affaire irakienne. Mais si l'Europe avait été unie et non pas divisée, si elle avait défendu une position équilibrée, proche de celle de la France, il ne pourrait pas subsister d'ambiguïté sur l'interprétation de la résolution 1441.

M. Jean-Pierre Brard - Très bien !

M. François Bayrou - Elle aurait suffisamment d'influence pour imposer qu'avant toute action militaire en Irak une nouvelle résolution apparaisse à tous comme nécessaire, et les Etats-Unis ne pourraient pas prétendre qu'une simple réunion du Conseil de sécurité suffirait.

M. Jean-Pierre Brard - Très bien !

M. François Bayrou - Encore est-ce là le fleuron de notre action diplomatique de ces dernières années. « Convenons que l'essentiel de notre effort consiste à infléchir les positions des Etats-Unis, notamment en coulisses », disait il y a quelques jours John Holmes, l'ambassadeur de Grande-Bretagne, à l'occasion de sa réception par le groupe UDF... Je rêve d'un temps où la vision de l'Europe aura le même écho que celle des plus puissants de la planète. Pensons à ce qui se passerait au Moyen-Orient, avec lequel nous avons tant de liens, s'il existait une voix européenne capable de peser aussi lourd que la voie américaine ; songeons à l'Afrique, songeons au sida, songeons à l'eau. Imaginons ce que serait la force d'une Europe-acteur pour que devienne juste un monde injuste.

Et abordons sans crainte la question de la défense européenne. Il y a bientôt quatre ans, en décembre 1998, on a annoncé un prétendu « pas de géant » en ce domaine. Que s'est-il passé depuis ? Rien - ou si peu. Nous avons pris seuls la décision de construire notre deuxième porte-avions ; les Britanniques ont pris seuls leur décision en matière d'avion de combat ; et l'avion de transport de troupes, l'A400M, n'a toujours pas reçu son premier bon de commande, faute de la décision annoncée par les Allemands. Le fossé se creuse dramatiquement entre la capacité militaire des Etats-Unis et la nôtre. Nous devons impérativement nous ressaisir.

Oui, l'Europe est faite pour traiter de ces sujets, bien davantage que de la chasse, des conserves ou des fromages. Oui, le domaine de l'Europe est celui de la souveraineté régalienne que les Etats ne peuvent plus exercer seuls. Il nous faut construire l'Europe politique, acteur de premier plan sur la scène du monde.

Deuxième condition : des institutions simples et démocratiques. Pendant bien longtemps, la volonté politique est restée le seul fait des souverains, mais c'est l'acquis de nos révolutions démocratiques, et particulièrement de notre Révolution française, d'avoir changé cet état de choses.

M. Jean-Pierre Brard - Cela aussi, il était temps que vous le disiez !

M. François Bayrou - Comme il est écrit à l'article 2 de notre Constitution, le principe de notre République, c'est le « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ».

Certains diront encore que c'est une utopie. Parce que nous croyons à l'idéal démocratique, nous voulons que les peuples se saisissent de leur destin.

Dès lors que l'on accepte ce principe, on conviendra que la transparence des institutions et la participation consciente des citoyens sont les conditions de la volonté politique démocratique.

Or il n'y a rien de plus brouillé, de plus réservé aux seuls initiés que les institutions européennes actuelles.

Monsieur le Président, vous avez à faire oeuvre d'architecte, et ce qui guide le crayon de l'architecte, c'est la vision.

Il y a trois piliers pour les institutions européennes.

Le premier pilier, ce sont les Etats représentés par leur gouvernement. Il faut une institution dans laquelle les Etats délibèrent, dialoguent et décident, en public. Il faut un
« Conseil des Etats », armé de toutes les prérogatives qu'il est nécessaire de maintenir à ceux qui portent la légitimité des Etats et des nations qui ont voulu, ensemble, constituer l'Union.

Les délibérations des Etats doivent sortir de la clandestinité. Les citoyens ont besoin de connaître à l'avance l'ordre du jour et les projets sur lesquels, en leur nom, s'exprimeront leurs gouvernants. Plus, donc, de décision signée à la va-vite, en catimini, à l'insu des peuples, comme cette décision sur les retraites qui choqua si fortement, lors du sommet de Barcelone.

Les gouvernants engagent les citoyens : ils doivent donc délibérer sous leurs yeux.

Le deuxième pilier, ce sont les citoyens de l'Union, dont les représentants directs s'expriment au Parlement européen. La codécision, c'est-à-dire l'accord nécessaire entre les gouvernements et les représentants des citoyens pour légitimer les décisions principales de l'Union, va dans le bon sens, et son extension raisonnée est une bonne chose.

Le troisième pilier de l'Union, c'est celle du fédérateur, incarné dans la Commission.

La défense de l'intérêt général, dans un dialogue permanent avec les gouvernements et les représentants des citoyens, ne doit pas être affaibli. Mais les démocraties ont besoin d'un visage, et l'Europe a besoin d'une voix. C'est pourquoi il lui faut un président.

Monsieur le président, nous avons si souvent dénoncé, ensemble, les méfaits de la cohabitation dans notre pays pour ne pas inventer une cohabitation pour les institutions européennes !

Or, on dit que la Convention se dirigerait vers une double présidence pour l'exécutif de l'Union : présidence du Conseil, désignée par les gouvernements, et présidence de la Commission, élue par le Parlement. Nous retrouverions alors, en pire, les conflits de légitimité, l'illisibilité dont ne peuvent que souffrir toutes les institutions de toutes les entités politiques de la planète.

Que ceux qui ont tout fait pour supprimer la cohabitation de nos institutions à Paris se serrent les coudes pour empêcher la création de la cohabitation à Bruxelles !

Il n'y a qu'une direction raisonnable et juste, c'est que le président de l'Union ait la Commission sous son autorité, et qu'il tire sa légitimité des représentants des gouvernements et des peuples, avant de la tenir, un jour, des citoyens directement.

Nous avions défendu, dès 1999, l'idée d'un « congrès » qui permettrait de légitimer ce président. D'autres pistes peuvent sans doute être proposées, mais ce qui compte, c'est l'identification des responsables et du premier d'entre eux, le président de l'Union, et la légitimité qu'il tirera de la procédure de sa désignation.

Un Conseil des Etats où dialogueront et délibéreront les gouvernements ; un Parlement européen pleinement reconnu ; un fédérateur à la tête de la Commission : ce sont des institutions simples, démocratiques, compréhensibles dans une leçon d'éducation civique et de nature à rendre l'Europe aux citoyens qui en ont été trop longtemps écartés.

Troisième condition : l'identité européenne, notion qui renvoie à celle de l'élargissement. Je suis heureux de dire en présence de Monsieur le ministre des affaires étrangères de la Pologne que nous ressentons comme une chance pour l'Europe l'élargissement imminent, qui permettra que se retrouvent des pays qui n'auraient jamais dû être séparés. Mais il est d'autres élargissements... Vous avez été critiqué, Monsieur le président, pour avoir exprimé votre position sur la Turquie. Au nom de l'UDF, je vous remercie de l'avoir fait.

M. François Loncle - On pouvait le faire autrement !

M. François Bayrou - La question des frontières n'est pas différente de celle des institutions : c'est la même.

Si nous voulons une Europe capable de décider, il doit y avoir entre ses membres suffisamment de liens d'identité pour qu'ils constituent un véritable ensemble. C'est le fondement même du projet européen.

Ceux pour qui l'Europe n'est que la confrontation apaisée des souverainetés ne voient aucun inconvénient à élargir continuellement le cercle de ces démocraties méritantes.

Nous constituerions alors seulement une sorte d'ONU régionale, destinée à englober non seulement la Turquie, mais aussi le Maghreb, et pourquoi pas, comme le demandait récemment M. Berlusconi, la Fédération de Russie et demain le Sénégal ou Israël, comme beaucoup le demandent dans ces pays.

Si l'Europe n'est qu'une zone démocratique, avec des règles de paix et de vie en commun, quel inconvénient à la voir demain s'étendre jusqu'à se trouver frontalière de l'Irak, de l'Iran, de la Syrie, du Japon, de la Chine ou de l'Egypte ?

Le même raisonnement vaut pour cette zone de prospérité et de libre-échange que d'autres ont toujours voulu substituer au projet européen.

On a vu au Parlement européen avec quel enthousiasme les plus europhobes des conservateurs britanniques ont voté pour l'adhésion de la Turquie. Ils savaient bien, eux, qu'à reculer constamment les frontières, on diluait jusqu'à le faire disparaître le projet européen !

M. François Loncle - Il fallait le dire à Helsinki !

M. François Bayrou - Mais si l'on veut, comme nous le voulons, faire de l'Europe une entité, une identité, une volonté, alors il faut définir quelle communauté d'histoire, de géographie et de civilisation conduit les pays qui la forment à agir ensemble.

Que nous élaborions les accords nécessaires pour que soient reconnus à la Turquie ses liens avec l'Europe qui justifient une solidarité. C'est indispensable.

Les mêmes liens devront être reconnus par exemple, aux pays du Maghreb auxquels nous lie l'histoire, des aspirations et des cultures partagées.

Mais ce ne sera pas une Europe qui se dilue, ce sera l'Europe qui se définit et qui se lie avec ceux qui l'entourent.

Ce n'est pas une question de religion.

M. Jean-Pierre Brard - Ah ! Bon !

M. François Bayrou - Il existe des pays musulmans européens ! C'est le cas de la Bosnie qui, un jour ou l'autre, trouvera sa place dans notre ensemble. Mais si nous voulons que l'Europe existe, elle doit être européenne.

Un dernier mot : ce travail d'élaboration, nous ne le faisons pas seulement pour nous-mêmes. Si nous le réussissons, nous ouvrirons la voie à d'autres ensembles équivalents qui bâtiront avec nous une nouvelle architecture politique pour la planète : non pas la domination d'une seule hyperpuissance ou la confrontation mais l'équilibre des puissances.

Sur les pas de l'Europe marcheront l'Amérique latine, l'Afrique noire, le Sud-Est asiatique et, un jour, je l'espère, le Moyen-Orient.

Mais si nous échouons, c'est toute notre civilisation qui se trouvera exposée, celle de la diversité culturelle, celle du droit égal pour les faibles et pour les forts, celle des valeurs philosophiques et spirituelles qui nous ont fait ce que nous sommes.

Monsieur le président, vous disiez dans votre intervention devant notre commission que la responsabilité dont vous avez la charge est celle de la dialectique entre l'impossible et le nécessaire. Ce qui est impossible, c'est que nous renoncions par faiblesse, par pusillanimité ou par manque de vision à faire de l'Europe non plus un espace ou une zone, mais un acteur décidé non pas à subir, mais à façonner le monde.

M. Pierre Goldberg - Le débat sur l'avenir de l'Europe qui nous réunit nous permet d'affirmer notre vision de la construction européenne, qui est celle d'une Europe des nations, d'une Europe des peuples aux antipodes de la conception libérale. Nous voulons rompre avec l'Europe des marchands et des financiers pour garantir l'avènement de l'Europe des citoyens.

Le débat est donc salutaire car on ne peut que constater l'essoufflement de la dynamique européenne et la crise que connaît l'Union. Le paradoxe est que l'idée européenne séduit nos concitoyens mais que, dans le même temps, la politique appliquée par l'Union les rebute. Une telle réaction est légitime si cette politique se résume à la remise en cause des services publics, à l'obsession de la baisse des dépenses publiques, à l'alignement sur les exigences des marchés financiers, à un discours en demi-teinte en matière de protection de l'environnement et de santé publique, à l'absence d'initiative sur la scène internationale et enfin à un fonctionnement opaque, éloigné des citoyens et souvent contraire à leurs voeux.

Ce désarroi devant la construction européenne est encore renforcé par la manière dont l'élargissement est mené. Cette entreprise historique représente certes un grand projet de civilisation, tendant à rapprocher les peuples et à consolider la paix : c'est pourquoi nous soutenons l'ouverture de l'Union aux peuples européens concernés. Mais il ne faut pas qu'elle soit conçue comme une simple extension du grand marché européen, qui s'inscrirait dans la perspective de la mondialisation ultra-libérale.

C'est pourquoi le débat sur l'avenir de l'Europe ne peut porter seulement sur les institutions et leur réforme. La construction européenne n'a de sens que comme projet politique, projet de société, conception du monde. Or, aujourd'hui, le constat est amer : l'Union est un grand marché, mais un nain politique et social.

Le forum social et la manifestation qui ont rassemblé près d'un million de personnes à Florence ne sont pas anecdotiques. Prenant la suite des manifestations citoyennes de Seattle et de Nice, ils traduisent l'insatisfaction légitime des citoyens devant les lacunes de l'action de l'Union en matière sociale, mais aussi environnementale, sanitaire, démocratique. L'Union européenne est un acteur de premier rang dans la mondialisation. Or, au lieu de proposer un discours alternatif à la pensée dominante, fondé sur le développement durable, elle choisit de prêcher la libéralisation et la globalisation, aux côtés des Etats-Unis et de l'OMC... Cette Europe prise dans le carcan de l'ultralibéralisme mérite à coup sûr non un carton jaune... mais un carton rouge ! Car de tels choix ont un prix, que les citoyens paient notamment au détriment de leur santé. Les récentes crises comme celles de la « vache folle » montrent quels risques le productivisme à outrance fait peser sur le consommateur. Il est urgent d'en tirer la leçon : le consommateur est aussi un citoyen dont il faut renforcer la protection.

La loi du marché pousse à l'uniformité des modes de consommation et à la concentration des industries culturelles. Nous devons nous préserver collectivement de cette menace : c'est un enjeu de civilisation fondamental. Ainsi l'identité française est un apport progressiste à l'Europe ; il ne faut pas l'abandonner. Ce combat est un combat pour les cultures européennes, mais aussi pour toutes les cultures. L'Europe doit favoriser la création. La culture doit bénéficier d'une politique commune, non dominée par les règles du marché. L'engagement de l'Europe pour la diversité culturelle symbolise notre vision d'une société internationale ouverte et solidaire.

Dans le même sens, les menaces sur l'environnement - pollution croissante, atteintes au patrimoine naturel, danger de certaines centrales nucléaires de l'Est - créent une inquiétude profonde dans nos populations.

Ensemble, les quinze - et demain les vingt-cinq - pèsent plus que les Etats-Unis dans les institutions financières et commerciales internationales. L'Europe osera-t-elle user de ce poids pour proposer une alternative aux dogmes ultra-libéraux qui animent l'actuelle mondialisation ? Il y va de sa raison d'être. Elle doit se donner comme principe directeur le développement durable, à l'heure où les Etats-Unis semblent éluder leurs responsabilités. Face aux tentations de l'unilatéralisme, elle doit être un facteur d'équilibre dans les relations internationales. Dans l'actuel climat de tension internationale, on est en droit d'attendre de l'Union une attitude offensive, face à l'unilatéralisme de l'administration Bush. Comment accepter plus longtemps l'attitude belliqueuse et inique des Etats-Unis face aux peuples irakien et palestinien ?

La mise en place de l'euro et le transfert de la souveraineté monétaire à la Banque centrale européenne ont réduit à la portion congrue les prérogatives des gouvernements issus du suffrage universel. Le coût social risque d'en être insupportable pour un corps social européen déjà bien malade, avec 17 millions de sans-emploi et près de 50 millions de pauvres. La dimension sociale de l'Europe a été sacrifiée sur l'autel du marché commun. L'union économique et monétaire instituée par le traité de Maastricht a accentué le parti pris ultra-libéral, conduit à une refonte des structures sociales européennes sur le modèle anglo-saxon marqué par la déréglementation et la flexibilité, et renforcé les effets les plus nocifs de la concurrence, notamment le dumping social.

Le projet européen initial était économique : mettre en place un grand marché. Il est désormais crucial d'élargir cette perspective vers des problématiques politiques et sociales. L'Europe ne peut se réduire à un marché : elle renvoie à des valeurs plus fondamentales, à un patrimoine culturel commun.

Aussi le futur traité constitutionnel européen - qui ne saurait se confondre avec une « constitution » proprement dite - doit consacrer un modèle de société inhérent aux sociétés européennes, mais que la politique de l'Union remet toujours plus en cause. Les principes et les valeurs de ce modèle doivent figurer dans ce texte fondamental : la démocratie, les droits de l'homme, mais surtout le refus de dissocier la prospérité économique du progrès social. Dans la mesure où la charte des droits fondamentaux proclame ces principes et porte ces valeurs, elle s'affirme comme la clé de voûte de la constitution européenne, et mérite d'être consacrée comme son préambule. Cet acte solennel mettra en lumière le sens profond de la construction européenne que nous voulons : des principes, des valeurs et des objectifs qui mettent au centre le citoyen européen. Encore faut-il que la charte soit complétée et améliorée, notamment en matière de droits économiques et sociaux. De même on ne saurait accepter l'absence de référence au principe d'égalité entre les hommes et les femmes.

Consacrer ce « modèle européen de société » ferait apparaître que notre approche n'est pas isolée en Europe. Les services publics figurent parmi les piliers du modèle européen. En effet, nos sociétés, dès l'après-guerre, ont été en partie façonnées par leurs services publics respectifs, même si les histoires et les cultures des Etats membres ont produit des conceptions, des modes d'organisation et de gestion spécifiques. En ce sens, le « service public à la française » n'est pas un mythe. Mais partout, les services publics jouent un rôle essentiel dans la cohésion de la collectivité, certaines activités devant échapper à l'application de la seule logique marchande, pour permettre l'accès de tous à certains biens et services. Dans tous les cas, l'intérêt général légitime l'intervention de la puissance publique.

Mais la Commission européenne, malgré certaines déclarations, a toujours la même ligne doctrinale en matière économique et sociale. Sa politique révèle une conception consumériste du service public, envisagé sous l'angle économique et de la concurrence, non sous l'angle de la solidarité et de la justice sociale.

Il faut le dire, la Commission n'est pas seule responsable de cette volonté de démanteler les services publics. Les gouvernements qui se sont succédé en sont les premiers responsables. Non seulement ils proposent, mais ils décident in fine au Conseil. En fait, ils tentent de casser nos services publics en mettant en avant les exigences de l'Europe. Avec cette posture hypocrite, les Etats, et notamment notre gouvernement, doivent rompre, alors que l'attitude de la Commission vise essentiellement à accompagner le mouvement de libéralisation des services publics dans l'Union européenne et qu'un lourd climat continue de peser sur l'avenir des services publics de l'énergie et des transports, notamment. Assurer la consécration des services publics, au nom des valeurs de solidarité et de justice sociale, est un acte de principe qui s'impose.

Si l'Europe sociale reste à faire, l'Europe des citoyens est encore une illusion. Le « déficit démocratique » caractérise le mode de fonctionnement et de décision du système européen. Ainsi, la construction européenne est le fruit d'une série de traités internationaux, négociés lors de conférences intergouvernementales dont les citoyens européens sont exclus. Au moment des ratifications, la voie du référendum reste exceptionnelle. Les gouvernements utilisent trop largement, pour les affaires européennes, la méthode en usage pour les traités internationaux, alors que les questions européennes sont foncièrement et plus que jamais des questions nationales. Comment s'étonner dès lors du fossé qui ne cesse de se creuser entre les citoyens et l'Union européenne, et plus largement entre eux et la politique ?

De plus, dans le système européen, le véritable pouvoir décisionnaire se trouve aux mains d'un duo institutionnel : la Commission et le Conseil, qui manque indubitablement d'assise démocratique. Le Conseil de l'Union demeure une sorte d'intouchable. Ni le Parlement européen, ni les parlements nationaux des Etats membres ne peuvent en contrôler efficacement les décisions. En outre, celles-ci sont de plus en plus prises à la majorité qualifiée. Dès lors, les orientations de l'Union en certaines matières, notamment en droit de la concurrence et en politique commerciale, sont susceptibles d'échapper toujours plus à la volonté de la France. Quant au Parlement européen, il demeure en retrait par rapport au Conseil, malgré le pouvoir de codécision qui lui a été reconnu en certaines matières. Il ne dispose toujours pas de pouvoirs traditionnels d'un parlement digne de ce nom : les traités ne lui reconnaissent ni l'initiative des « lois » européennes, ni le dernier mot sur celles qui lui sont soumises. Au nom de la légitimité démocratique qui le caractérise parmi les institutions européennes, c'est à son profit que la répartition des pouvoirs devrait être modifiée.

Un tel rééquilibrage, je ne crains pas de le dire, doit se faire au détriment de la Commission. Composée exclusivement de personnes nommées par les Etats membres, elle a le monopole des propositions législatives et détient un pouvoir de décision exorbitant en matière de droit de la concurrence. Un contrôle politique s'impose à son égard, compte tenu des dérives que l'on observe tant pour ce qui est de ses choix envers les services publics, qu'à l'égard de ses rapports avec les intérêts privés. Ce contrôle est d'autant plus souhaitable que de telles dérives se sont déjà produites dans le passé. Dès lors, la Commission devrait être soumise à un contrôle renforcé tant du Parlement européen que des parlements nationaux réunis au sein d'une structure interparlementaire.

La Cour de justice, dans son _uvre jurisprudentielle, contribue à amplifier les effets des principes de libre concurrence et de libre-échange. Son action non contrôlée est si importante, que l'on est tenté de qualifier le système européen de « gouvernement des juges ».

Pour éviter certaines dérives, une hiérarchie des normes et des principes devrait être clairement définie, afin de conduire le juge européen à faire prédominer la cohésion économique et sociale, l'emploi et le développement durable sur les principes de la libre concurrence et du libre-échange.

La Banque centrale, elle, a dépossédé les gouvernements et les élus de la politique monétaire et, via le Pacte de stabilité, de la politique budgétaire. Son indépendance fait des Etats autant de territoires soumis à un régime de démocratie restreinte.

En somme, dans ce système institutionnel, si surprenant que cela puisse paraître, le « déficit démocratique » est érigé en principe directeur. Imposer le principe démocratique dans un dispositif communautaire opaque suppose de s'appuyer sur les parlements nationaux et de faire remonter la chaîne de la légitimité démocratique jusqu'aux centres de décision.

Fondamentalement, il s'agit de faire émerger une Europe politique, une Europe des citoyens. La construction d'un espace public européen devrait en constituer l'un des piliers, avec l'appropriation nécessaire de la chose européenne par les élus et les citoyens.

Aussi ne peut-on pas se contenter de réécrire les traités actuels. En effet, par-delà les travaux de la Convention, nous avons une occasion historique d'exprimer, par un acte politique fondamental, un projet de société dans lequel les Européens se reconnaissent. Il ne s'agit donc pas de procéder à un bricolage, mais de réfléchir à une refonte et à une réorientation de la construction européenne. Une telle ambition doit être portée par un fort élan populaire. En l'absence d'un débat de fond et d'un processus démocratique digne de ce nom, c'est la légitimité même du traité constitutionnel qui en pâtirait. Un tel traité n'a de sens que s'il est fait par les citoyens et pour les citoyens.

M. Jacques Barrot - Au lendemain de la guerre, il fallait la foi insensée des pères fondateurs pour croire à la possibilité d'unir les énergies de peuples qui s'étaient déchirés et de réaliser ensemble des projets communs. Leur démarche était faite de pragmatisme ; ils savaient qu'il valait mieux avancer pas à pas que de rêver au grand soir. De grands projets ont émaillé ce chemin : construction du Marché commun, libre circulation des citoyens, réussite du programme Erasmus, à tel point que l'on parle d'une génération Erasmus, et pour finir création de l'euro.

L'Union européenne est devenue le vrai moyen de peser sur les débats mondiaux. Face aux Etats-Unis et bientôt à des nations émergentes comme la Chine, si nous voulons défendre notre modèle de société, nous devons nous unir pour peser plus fort que ne le pourrait chaque pays isolément. L'Union européenne est une nouvelle forme de contrat social entre les peuples où chaque pays conserve son identité tout en s'unissant aux autres.

Si certains doutent de cette réussite qu'ils voient le désir d'un certain nombre de pays de nous rejoindre. L'élargissement signe en quelque sorte la réussite de ce projet européen.

Mais le lyrisme ne doit pas tenir lieu de politique. Il faut aussi regarder lucidement les défis qui nous attendent. Cet élargissement, comme ceux d'hier et de demain, n'ira pas sans difficultés. Il réclame du discernement et doit être conduit sans précipitation. L'adhésion de nouveaux pays ne doit pas provoquer la dilution de l'Europe. Par rapport aux précédents élargissements, les circonstances ont beaucoup changé : l'Europe a achevé l'ouverture de ses frontières commerciales, elle est dotée d'une monnaie unique, elle est plongée dans la mondialisation : les peuples de l'Europe attendent de l'Union qu'elle affirme son identité et assume ses responsabilités sur la scène internationale. Il faut donc que cet élargissement à l'Est représente un saut qualitatif vers une dimension politique accrue.

Pour cela, il faut mettre l'Union européenne en ordre de marche. Son système institutionnel, très complexe, a tendance à s'essouffler. Il est donc temps de mettre en question les modes de fonctionnement de l'Union européenne pour refondre un ensemble institutionnel qui s'est créé peu à peu de manière pragmatique.

Je voudrais d'abord, au nom du groupe UMP, me féliciter de la nouvelle méthode de travail utilisée. En écoutant M. Giscard d'Estaing, nous avons encore pu mesurer la sagesse qui a prévalu pour ce choix.

Nous nous réjouissons que cette refondation institutionnelle ait été confiée à une Convention à laquelle participent de nombreux parlementaires. Les conférences intergouvernementales avaient montré leurs limites. La Convention constitue une méthode originale qui s'affranchit plus facilement des compromis diplomatiques. Il s'agit de bâtir, à partir du consensus, de nouvelles formes d'organisations originales, comme l'a d'ailleurs été toute la construction européenne. Cette Convention a fait naître un esprit nouveau.

Qui plus est, elle est animée par un excellent connaisseur et praticien de l'Europe. Nous voulons saluer, Monsieur le président, votre engagement personnel en ce moment décisif pour la construction européenne. Nous mesurons votre opiniâtreté à élaborer l'architecture d'une construction européenne originale. Nous connaissons aussi votre attachement à l'Etat-nation et à la France dans laquelle vous avez assumé les responsabilités suprêmes. Vous avez appris, aux côtés d'autres grands hommes d'Etat, comme le général de Gaulle et le chancelier Adenauer, que l'union franco-allemande est le noyau de cette Europe. Vous avez vous-même apporté des améliorations décisives à la construction européenne, notamment en concevant le futur Conseil européen puis en inspirant le système monétaire européen.

Nous avons apprécié la manière dont les parlements nationaux ont été associés à votre travail. Cette première réunion tenue dans notre assemblée en témoigne. Et il est heureux que notre commission des affaires étrangères et notre délégation parlementaire aient pu prendre toute leur part à ce grand débat. Je salue l'action de Pierre Lequiller, qui s'est totalement investi dans ce travail destiné à dégager des synthèses nouvelles.

La première synthèse est celle de l'équilibre entre l'Etat-nation et l'Union. Certes, la construction européenne ne s'est jamais enfermée dans de vaines querelles doctrinales. Néanmoins, les sceptiques s'interrogent sur le conflit récurrent entre Etat national et Union, entre méthode communautaire et méthode intergouvernementale. L'heure est venue de dépasser ces controverses.

L'Europe doit s'appuyer sur deux piliers : les Etats et les peuples. Notre histoire européenne a forgé des identités nationales qui doivent avoir leur place dans la nouvelle architecture européenne. Les Etats nationaux demeurent un cadre privilégié pour préserver cette identité historique, et pour l'exercice de la citoyenneté. Nos Etats-nations permettent de répondre au besoin de diversité et de participation. Ils donnent à l'Union européenne ses nécessaires racines, qui font son originalité. Renoncer à faire place à la légitimité des Etats, ce serait risquer de désespérer ceux qui restent très soucieux du patriotisme, valeur authentique s'il en est, dans la mesure où il n'interdit en aucune manière l'ouverture vers les autres.

Mais il ne s'agit pas non plus de décevoir ceux qui attendent des progrès accessibles seulement par l'Union. L'Europe a besoin de toute l'énergie communautaire ; elle permet d'atteindre la masse critique pour mener des politiques ambitieuses, pour former ensemble des projets politiques significatifs, comme la paix, la prospérité et la sécurité.

L'Union européenne est devenue une absolue nécessité pour amortir le choc de la mondialisation. La dimension strictement étatique ne suffit plus pour peser dans le concert mondial. Le monde s'organise peu à peu en grandes régions pour mieux peser dans les échanges mondiaux et pour organiser des solidarités plus actives. Il serait dommage de ne pas conserver l'avance que nous donne notre passé communautaire.

Les Européens doivent réaliser cette synthèse en conjuguant la volonté des peuples et des Etats.

La seconde synthèse consiste à articuler deux méthodes : la voie communautaire et la voie de coopération. La méthode communautaire, qui a fait l'originalité de l'Europe, s'appuie sur le consensus et assure l'efficacité des politiques ; elle s'incarne dans la Commission européenne, une institution inédite qui a su faire avancer les projets européens. La méthode de coopération intergouvernementale reproduit, elle, un modèle plus classique mais qui reste nécessaire. Quand elle fonctionne selon la règle de l'unanimité, elle peut être un frein ; mais ces carences peuvent être palliées par la procédure des majorités qualifiées. Il s'agit donc, non pas d'opposer systématiquement la méthode intergouvernementale et la méthode communautaire, mais de les conjuguer avec pragmatisme.

Cette bonne articulation doit être assurée par la subsidiarité. Ce principe d'organisation oblige à trouver l'échelon le plus efficace pour entreprendre des politiques publiques selon qu'il faut les mener au plus près du terrain ou, au contraire, les conduire en commun.

La définition des compétences est sans doute moins décisive que la pratique de l'esprit de subsidiarité dans l'exercice de compétences le plus souvent partagées. Nous savons certes gré à la Convention et à son président d'avoir imaginé un dispositif d'alerte proprement politique, au profit des parlements nationaux, mais il convient de maintenir en aval la possibilité, pour la Cour européenne, d'invalider des décisions qui n'auraient pas respecté la délimitation des compétences. Mais nous avons confiance dans la maturité de l'Union européenne pour éliminer les conflits trop idéologiques ou abstraits, pour recourir à plusieurs méthodes en tenant compte de la volonté des Etats comme des peuples, ceci afin de définir une architecture institutionnelle acceptable par la plupart de nos partenaires.

Dans cet esprit de synthèse et de consensus, il doit être possible de rendre les institutions européennes plus efficaces. Mais faut-il pour cela bousculer le triangle institutionnel, affaiblir un des trois pôles pour renforcer l'autre ? Je pense préférable de « dynamiser » ces trois « moteurs » de l'Union.

S'agissant d'abord du Conseil, la France et son Président ont d'emblée souhaité une présidence à la fois plus visible et plus durable. Puissions-nous rallier l'ensemble de nos partenaires à cette idée ! Comment en effet les Européens peuvent-ils se sentir citoyens d'un ensemble dont ils ne connaissent guère les dirigeants ? Il faut des visages dans lesquels puisse s'incarner la légitimité d'un pouvoir démocratique. De la même manière, comment les autres puissances peuvent-elles reconnaître l'Europe si elle n'a pas une signature ? Pour cela, la présidence tournante, qui a pu servir l'intégration, devient aujourd'hui un handicap. L'Europe a besoin d'une présidence plus stable pour assurer à ses politiques une garantie de bonne fin.

On peut rêver à l'époque où le président de l'Union sera élu par l'ensemble des citoyens, ou tout au moins par les parlements, mais il apparaît plus raisonnable aujourd'hui de donner aux membres du Conseil européen la possibilité de choisir leur président, et de solliciter l'approbation du Parlement européen. A cela s'ajouterait la désignation d'un véritable ministre des relations extérieures. Cette réorganisation aura cependant des incidences sur le fonctionnement des différents conseils et nous attendons que la Convention formule des propositions à cet égard, en l'invitant à s'affranchir d'un souci d'uniformité à tout prix.

Naturellement, nous devons rassurer ceux qui risquent de s'opposer à cette affirmation du Conseil et de sa présidence, pour défendre la Commission. L'une n'est pas antinomique de l'autre et l'on peut fort bien consolider cette institution originale qu'est la Commission. Je ne saurais en tout cas comparer la coexistence d'une présidence de l'Union et d'une présidence de la Commission à la cohabitation, comme l'a fait M. Bayrou. Les fondateurs de l'Union ont imaginé un organe suffisamment compétent et indépendant pour dégager et garantir l'intérêt commun des Européens, qui ne peut se réduire à la somme des intérêts des Etats membres. Ce rôle demeurera très nécessaire dans une Union où bien des nouveaux arrivants n'auront aucune expérience communautaire. Pour bien le remplir, la Commission ne saurait devenir un organe partisan. Et même si elle comporte plus de membres, elle doit pouvoir conserver à la fois son caractère collégial et son efficacité grâce à une organisation spécifique appropriée - ce qui ne sera pas aisé mais vous ne nous avez pas caché que le verre n'était encore qu'à moitié plein, Monsieur le président de la Convention.

A ceux qui redoutent l'excès de son pouvoir, il faut rappeler qu'elle ne dispose que d'un droit de proposition ; à ceux qui redoutent son affaiblissement, qu'elle a joué un rôle décisif dans les avancées européennes. Et, pour cela, elle mérite d'être consacrée comme un des moteurs de l'Europe.

Naturellement, le Parlement européen doit jouer un rôle accru. Il le pourra notamment par l'extension de la méthode de codécision, qu'il faudra alléger, la lourdeur de la procédure actuelle ayant trop de conséquences dommageables, comme on l'a vu lorsqu'il s'est agi de réguler le trafic des supertankers.

L'institution d'un congrès ou d'un « forum » réunissant parlementaires européens et délégations des parlements nationaux, requiert notre adhésion. Nous avons noté qu'il ne s'agira pas d'une nouvelle institution dotée de pouvoirs propres, mais, comme vous l'avez dit devant la commission des affaires étrangères, d'un lieu où pourront se rencontrer tous les acteurs de cette construction européenne, où sera peut-être prononcé chaque année un discours sur l'Union, où l'on pourra prendre connaissance des rapports sur le respect de la subsidiarité... Des esprits chagrins lui reprocheront sans doute d'être un hybride, mais la sagesse de la Convention n'est-elle pas de proposer des formules transitoires qui permettront d'avancer en évitant le piège de constructions trop abstraites ? Le but final n'est pas, en effet, de construire un meccano institutionnel par pur jeu intellectuel, mais de relancer des projets politiques ambitieux, capables de susciter l'adhésion.

N'oublions jamais que Jean Monnet et Robert Schuman sont partis tout simplement de projets d'avenir, à l'intention de tous les Européens. Or les projets à faire avancer ne manquent pas ! Pour cela, deux méthodes sont susceptibles d'être retenues : l'extension du recours à la majorité qualifiée, qui peut permettre à l'ensemble des Etats de progresser sans se heurter au veto de l'un d'eux, et la coopération renforcée qui permet à un cercle plus restreint de s'engager en faveur d'une politique. La Convention devra faciliter le recours à l'une ou l'autre, ce qui supposera notamment de simplifier la procédure des coopérations renforcées.

Dans l'esprit même des fondateurs de l'Europe, nous souhaitons que l'Union puisse se doter progressivement d'une véritable défense commune. Des progrès ont eu lieu depuis Saint-Malo, avec l'absorption de l'UEO en particulier, et la contribution franco-allemande a ouvert de nouvelles possibilités : création d'une Union européenne de sécurité et de défense, regroupement d'un nombre limité de pays membres en vue de certaines avancées, ... Il faut maintenant accélérer le rythme et passer à l'acte. Alors que le traité de Nice a exclu du champ de la défense les coopérations renforcées, il est temps d'ouvrir le jeu. La création d'une agence européenne de l'armement et des développements technologiques pourrait être un des objectifs à se donner.

L'euro est une illustration parfaite de ce que peut être une coopération renforcée, mais, face à la Banque centrale européenne, il faut donner aux gouvernements de la zone la possibilité de travailler à des convergences plus fortes. Il est dommage aujourd'hui que la BCE considère des taux d'intérêt élevés comme une prime de risque nécessaire, en raison d'une convergence insuffisante. Nos entreprises en pâtissent. A nous de prouver que nous pouvons inverser la tendance !

Il faut aussi avancer dans l'harmonisation entre l'ensemble des membres de l'Union. Une partie des prérogatives fiscales restera bien sûr du ressort des Etats nationaux ; mais la convergence des fiscalités ne pourrait-elle relever de la majorité qualifiée ? Peut-on en effet tolérer, dans un marché intérieur, des variations du taux de l'impôt sur les sociétés, aussi excessives que celles que nous connaissons, en raison de la règle de l'unanimité ?

S'agissant de la sécurité intérieure, la contribution franco-allemande, quoique complexe, apporte beaucoup de suggestions. Nos compatriotes n'acceptent plus que l'action des policiers et des juges s'arrête aux frontières, ni que l'immigration soit gérée en ordre dispersé. Nous souhaitons que ces pistes soient explorées, qu'il s'agisse de créer un parquet européen, ou d'attribuer à Europol le droit de mener des enquêtes. Certes, l'harmonisation du droit pénal matériel ne doit pas se faire au détriment des domaines relevant habituellement des souverainetés nationales, mais on peut imaginer un socle commun de règles.

Enfin, la création d'un espace européen de la recherche est plus nécessaire que jamais si nous ne voulons rester distancés par les Etats-Unis. Songeons qu'entre 1994 et 2000, l'écart entre les efforts américains et européens a quasiment doublé !

Ainsi, cette refondation institutionnelle trouvera son sens lorsque apparaîtront des volontés politiques capables de susciter une plus large adhésion des Européens. Mais ceux-ci doivent comprendre qu'il s'agit de construire un modèle de société propre à humaniser une mondialisation qui risquerait d'éliminer la diversité à la faveur d'une domination absolue des marchés.

L'introduction de la charte des droits fondamentaux dans la constitution européenne répond à cette ambition - je ne reviendrai pas sur les dimensions sociales qui pourraient la compléter, concernant les systèmes de protection sociale ou le dialogue social. J'insiste sur le refus de toutes les fractures sociales, et en particulier de la fracture du savoir, qui devrait être la caractéristique majeure du socle européen.

Si l'on veut que ce désir d'Europe s'ancre dans les jeunes générations, il faut rappeler que l'Europe c'est un idéal de vie, le respect de l'autre, l'enrichissement par le dialogue. L'identité européenne naît de la confiance profonde en l'homme.

Merci, Monsieur le Président, merci au gouvernement de la France, d'avoir fait en sorte que cette refondation institutionnelle permette un débat approfondi, ouvert, riche de beaucoup d'apports, bref un débat à la mesure des enjeux fondamentaux qui sont en cause. L'heure est venue d'imaginer un système institutionnel original, plus transparent, plus efficace, afin d'accélérer les grands chantiers d'avenir de l'Europe, et, ainsi, de prouver à nos citoyens que l'Union est le terreau où se cultivent les fruits de.

M. Philippe de Villiers - Au-delà des colifichets médiatiques et des habiletés sémantiques d'un homme de grand talent - qui préside les travaux d'un aréopage dont, pour ma part, je conteste la légitimité démocratique -, il convient de chercher le sens du projet qui nous a été présenté avec brio.

Vous savez mieux que personne, Monsieur le président de la Convention, que les mots parlent d'eux-mêmes.

M. Jean-Pierre Brard - C'est une tautologie !

M. Philippe de Villiers - « Constitution » égale « Etat ». Qu'est-ce qu'une constitution ? La règle suprême que se donne un peuple souverain pour conférer un statut à son Etat. Qu'on le regrette, comme c'est mon cas, ou que l'on s'en réjouisse, comme c'est le cas de François Bayrou, constatons-le. N'ayons pas peur des mots. Vous proposez vous-même, Monsieur le président, un traité qui institue une constitution de l'Europe. Qui dit « constitution » dit « Etat » ; qui dit « constitution européenne » dit « super-Etat européen ». Je pense, en cet instant, aux héritiers des fondateurs de la Constitution de la Ve République : la constitution de la France serait subordonnée à une règle supérieure qui en ferait le règlement intérieur d'une super-région - ce que veut la Commission de Bruxelles depuis longtemps.

Cette constitution aura trois conséquences.

Tout d'abord, le renforcement d'un pouvoir supranational qui existe déjà - la Commission. Vous avez rappelé à ce propos qu'il n'est pas question de toucher à son monopole d'initiative législative. Nous savons bien ce qu'il en est, par exemple pour la TVA dans la restauration : nous devons demander à nos nouveaux maîtres l'autorisation de mettre en _uvre une promesse électorale du Président de la République.

Ensuite, la multiplication des décisions à la majorité qualifiée.

Enfin, la personnalité juridique : l'Union européenne pourra signer des traités en son nom propre et non plus au nom des Etats. A terme, le statut de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU de notre pays pourra être remis en question.

Cette constitution répond-elle aux aspirations de notre temps ? Apportera-t-elle plus de démocratie, plus de souplesse ? Les Français aspirent à la démocratie de proximité et rejettent tout ce qui leur semble lointain. Or, à chaque transfert de compétences au niveau européen, le pouvoir de décision s'éloigne. Cet été, la France a ainsi été condamnée pour utilisation de la langue française sur l'étiquetage de denrées alimentaires. Le mot « subsidiarité » n'est pas la chose. L'hétérogénéité provoquée par l'élargissement de l'ensemble des pays membres appelle flexibilité et géométrie variable. Votre réponse ? Plus de procédures communautaires et de verrouillage supranational.

Nous vivons une fuite en avant. Elargissement, constitution : ces deux éléments clés risquent d'être chargés de contresens historiques, et sur l'architecture de l'Europe - l'élargissement et la constitution devraient être l'occasion de passer d'une Europe disciplinaire à une Europe des diversités et du respect des identités -, et sur le périmètre. Monsieur le président, vous avez raison, à propos de la Turquie. François Bayrou disait tout à l'heure que le périmètre et les institutions, c'est la même question ! C'est en effet le c_ur du c_ur. Que l'Europe devienne l'Eurasie serait un non-sens géopolitique. Avec cette constitution et par application des traités de Nice et d'Amsterdam, la Turquie étant le pays le plus peuplé d'Europe,...

M. Jean-Pierre Brard - Après l'Allemagne !

M. Philippe de Villiers - ...nous risquons un jour d'avoir un président turc, ce que nous ne voulons pas.

Aujourd'hui, tous les arguments fédéralistes s'effondrent : l'Europe puissance ? Puissance additionnelle des Etats-Unis ? Etats-Unis d'Europe ? Les Etats-Unis en Europe ! Europe-bouclier ? Bouclier troué ! L'Europe n'est plus qu'un prétexte à la mondialisation qui nous submerge, et avec les délocalisations, et avec l'immigration.

Vous avez une occasion unique pour repartir sur une bonne base : la réalité des peuples, des démocraties, des nations. Cessons de piétiner les peuples, sinon ils se détourneront de la belle idée européenne.

M. Jean-Pierre Brard - Les janissaires seront bientôt à Paris !

M. Jacques Floch - Les femmes et les hommes de ma génération, enfants d'avant-guerre ou issus de la guerre, ont vécu la construction européenne comme un instrument de paix. Cinquante ans de paix sur la majeure partie de notre continent : beaucoup, parmi nos grands ancêtres du XIXe siècle, n'en espéraient pas tant.

Certes, une partie de l'Europe subissait alors le joug féroce des dictatures : à l'Est, celle des staliniens, en Grèce, les Colonels, en Espagne, Franco, sans oublier le Portugal de Salazar. Mais la liberté, la démocratie, le développement économique de l'Europe occidentale, associés aux velléités d'union, assuraient une image d'une telle force que les murs réels ou virtuels finirent par tomber.

Pourtant, ces cinquante années de l'histoire de cette communauté de droit, fondée sur l'acceptation de règles communes organisant un grand marché, ne nous ont pas encore conduits à l'Europe politique dont rêvaient Victor Hugo, Aristide Briand et les pères fondateurs de notre Europe en 1950.

L'Union d'aujourd'hui est en manque de projet, de démocratie, de solidarité, de tout ce qui permet de construire une conscience collective. Et l'on parle de crise, car à l'évidence, on ne peut en rester là. Pour organiser la société européenne, nous avons besoin d'institutions dont la représentativité démocratique soit indubitable, il nous faut retrouver le chemin de la solidarité, du partage équitable, sans effacer le génie culturel, philosophique, éthique des peuples de l'Europe. Nous avons l'immense honneur de participer à ce débat. Peu de responsables politiques, à travers l'histoire, ont eu à croiser sur leurs chemins un tel ouvrage.

Parmi les grands chantiers, l'élargissement de l'Union européenne - ou plutôt la réunification de l'Europe - m'intéresse particulièrement.

D'abord parce que cette réunification ne pourra se faire que s'il y a approfondissement de l'Europe politique. Mais la crainte de la dilution dans un trop vaste ensemble s'associe à la crainte de ne plus avoir droit à la parole ; l'absence de débat réel, l'insuffisance de l'information conduisent à ce paradoxe.

Un autre paradoxe concerne les Etats de l'Est. Certains n'ont eu qu'une brève existence. Et pourtant, sitôt souverains, ils sont candidats à entrer dans l'Union européenne. Leurs motivations sont diverses mais tous aspirent à la liberté, à la démocratie, à la paix. Leurs peuples sont aussi sensibles au niveau de consommation dans l'Union européenne qu'à la protection sociale - matière qui ne saurait être annexe à nos débats. Les Etats-Unis étaient trop loin pour offrir les mêmes conditions, à la Russie s'attachaient certains douloureux souvenirs. Créer une autre institution ? Ils s'en sont sentis incapables. C'est bien à l'Union européenne de rassembler ces nations.

Tous ces pays appartiennent à la civilisation européenne, celle qui reçut en héritage depuis trois millénaires les meilleurs mais aussi les pires idées que l'humanité ait été capable d'inventer.

A ceux qui frappent à notre porte, on répond qu'il leur faut, d'abord, être européens, sans préciser les contours de l'Europe. On a donc dit non au Maroc en 1987, mais ce n'est pas la réponse qu'on a fait à la Turquie en 1963. Les autres critères sont la démocratie, des institutions stables, l'Etat de droit, le respect des droits de l'homme, la protection des minorités, une économie de marché stable et concurrentielle, l'adhésion à la charte des droits fondamentaux, la liberté de circulation.

L'Europe rassemble des peuples qui veulent partager la démocratie, la liberté et le progrès social, mettre en commun leurs cultures, vivre en paix et en sécurité, et coopérer avec les peuples du monde entier pour peser d'un juste poids sur les destinées de l'humanité.

Pour cet immense programme, il fallait passer par un grand marché, une seule monnaie, un espace de libre circulation, mais les peuples demandent plus, et ils auront plus. Pour cela, point n'est besoin d'abolir nos patries, dont la construction de l'Europe a besoin, au nom d'un pseudo-internationalisme contraire à l'universalisme. « Prolétaires du monde, unissez-vous » est une phrase plus belle que « Les prolétaires n'ont pas de patrie »...

Les peuples d'Europe peuvent travailler ensemble sans rien renier de leurs histoires. Certains voudraient nous faire croire que la construction européenne serait contraire à l'intérêt de la France, de cette grande assemblée de peuples que l'on appelle la nation française. Tous les arguments sont bons : notre économie sombrera, nos cultures s'éteindront, nos langues seront muettes, nos enfants se mélangeront - avec qui, je vous le demande -, nos idées philosophiques et religieuses seront bafouées. Partout, dans le monde, des ruptures, des replis, des humains qui oublient l'humanité, et l'on voudrait rater la réunion pacifique de 500 millions de personnes ?

Je préfère suivre Edgar Morin qui disait en 1993, en parlant du devenir du monde : « C'est l'espérance courageuse de la lutte initiale : elle nécessite de restaurer une conception, une vision du monde, un savoir articulé, une éthique. Elle doit animer, non seulement un projet, mais une résistance contre les forces gigantesques de barbarie qui se déchaînent. Ceux qui relèveront le défi viendront de divers horizons, peu importe sous quelle étiquette, ils se rassembleront. Ils seront les porteurs des grandes aspirations historiques. Ce sont les redresseurs d'espérances... ». La réunification de l'Europe est particulièrement digne de ce beau combat. Demain, je l'espère, nous continuerons à la faire avancer vers plus d'unité, de fraternité, de solidarité. Ne manquons pas l'étape d'aujourd'hui, soyons les redresseurs d'espérances .

M. le Président de la Convention sur l'avenir de l'Europe - Je prie les deux orateurs qui doivent encore intervenir de m'excuser si je réponds maintenant à ceux qui se sont exprimés. Je prendrai bien sûr connaissance avec beaucoup de soin du compte rendu de leurs interventions, mais je suis tenu par l'horaire de mon train pour Bruxelles.

Monsieur le président Balladur, vous vous êtes concentré sur une question essentielle : quelle cohésion espérer, compte tenu des élargissements et, peut-être, des nouvelles formes de coopération ? Vous évoquez la possibilité d'une concertation particulière entre ceux des Etats qui participeront à l'ensemble des politiques de l'Union. Il me semble que nous avons intérêt à faire des propositions à tous, et à laisser à certains la possibilité de ne pas s'engager, plutôt que procéder au départ à des discriminations ; les membres de la Convention qui sont ici ont certainement mesuré combien il serait difficile d'agir autrement. Nous examinerons vers la fin de nos travaux la possibilité de donner suite à votre préoccupation.

Monsieur Lequiller, je crois tout d'abord qu'il faut une CIG courte, car sa faiblesse est la règle de l'unanimité. Il faudrait que nos travaux soient tels qu'elle puisse pratiquement accepter notre projet, tout en laissant ouvertes deux ou trois questions fondamentales sur lesquelles il est légitime que les grands responsables européens puissent se prononcer.

S'agissant des compétences, certaines, essentielles mais que nous avons choisi de ne pas énumérer, continuent clairement d'appartenir aux Etats membres : l'éducation, la culture, les institutions sociales, les systèmes de santé, le droit des personnes et des familles. Cela n'exclut pas des actions de coopération dans ces domaines.

J'ai noté votre idée, intéressante, d'un pacte de convergence pour la PESC. Mais je voudrais dire à M. Bayrou qu'en matière de politique étrangère, on ne fera pas le saut d'un seul coup : il s'agit de mettre en place une convergence.

M. François Bayrou - Bien sûr !

M. le Président de la Convention sur l'avenir de l'Europe - Madame Guigou, vous avez, comme d'autres, évoqué la possibilité de faciliter les coopérations renforcées. Les difficultés sont venues à ce sujet de la crainte, aujourd'hui apaisée, des non-participants à ces coopérations qu'elles se réalisent autrement que dans le cade institutionnel de l'Union.

S'agissant de la gouvernance sociale, ce que vous proposez sera assez largement réalisé par la Convention.

En matière de lutte contre la criminalité internationale et financière, les propositions de notre groupe de travail vont dans la meilleure direction possible, et je crois qu'on aboutira à un consensus quasi unanime. Dans le domaine social, la plupart des idées figurent déjà dans les traités ; sans doute faut-il être plus précis sur le rôle des partenaires sociaux et le dialogue social. Quant aux prescriptions minimales, nous en maintiendrons la possibilité, ouverte par l'article 137 - ancien article 118.

Je vous remercie, Monsieur Bayrou, de votre témoignage, dont la tonalité exprimait combien il était profondément ressenti. Vous vous êtes interrogé sur le point de savoir ce que nous voulions que l'Europe soit. A cette question, je répondrai : une Europe présente bien davantage qu'une Europe puissante, une Europe présente donc, sans nostalgie impériale et dont l'objectif devrait être, parmi d'autres, d'humaniser et de circonscrire les effets de la mondialisation, car elle est la seule à pouvoir le faire.

M. François Sauvadet - C'est exact.

M. le Président de la Convention sur l'avenir de l'Europe - Encore doit-elle se doter des structures nécessaires. Son autre ambition devrait être de faire respecter le droit international, hélas affaibli. La France a _uvré en ce sens lors de la crise irakienne ; l'Europe aurait dû pouvoir le faire avec davantage de poids et d'autorité.

S'agissant de la défense, le dossier est compliqué par l'existence de nombreux traités, dont celui de l'Alliance atlantique. La France a formulé des propositions, et la Convention ira assez loin dans les siennes.

Parlant des institutions, vous avez évoqué la nécessité d'un architecte. J'ajouterai qu'il y faudrait aussi un maître-verrier car il faut rendre transparentes des institutions qui ne le sont pas.

Vous avez aussi critiqué l'idée d'une double présidence, point sur lequel M. Barrot vous a, pour partie, répondu. J'ajouterai que, souvent, les institutions européennes font l'objet d'un contresens, car certains croient pouvoir opposer méthode communautaire et méthode intergouvernementale, ce qui n'a pas lieu d'être. La méthode communautaire regroupe le Parlement, le Conseil et la Commission : il n'y a donc pas d'antagonisme mais une spécialisation. Quant au fait que chacune de ces institutions ait un président, en quoi est-ce différent de ce que connaît le Parlement français, au sein duquel cohabitent harmonieusement le Président de l'Assemblée et le Président du Sénat ?

Vous avez encore évoqué l'idée que le président de l'Union devrait avoir la Commission sous son autorité. Vous me permettrez, à ce sujet, la plus grande prudence. Le reproche m'est souvent adressé de vouloir affaiblir la Commission ; ce n'est pas ce que je souhaite, car je souhaite qu'elle redevienne la conscience fédérative de l'Union. Dans ces conditions, la placer sous la tutelle du président ne me paraît pas être la meilleure solution.

Vous avez enfin posé la question fondamentale : quelle communauté d'idées et quelle identité voulons-nous pour l'Europe ? A cet égard, vous avez eu raison de souligner que le débat sur les limites de l'Europe et sur ses institutions est le même, car il n'est d'intégration possible que dans un ensemble homogène. C'est donc un débat de fond, qui dépasse largement des engagements antérieurs - beaucoup plus flous, d'ailleurs, qu'on a voulu le dire.

J'userai d'une expression gaullienne pour dire, tout simplement, qu'il faut faire une Europe européenne. Et si d'autres propositions sont faites, nos successeurs les examineront.

Enfin, jusqu'à présent la procédure d'élargissement n'était que très peu démocratique, sinon en fin de parcours : à l'origine, les peuples membres de l'Union n'ont jamais été consultés. Il faudra faire mieux à l'avenir.

Monsieur Goldberg, vous n'avez pas manifesté un soutien ardent à la Convention... mais nos relations, à la région Auvergne, sont nettement plus cordiales ! Vous avez évoqué la charte ; je le répète, elle ne sera pas incluse dans le préambule de la Convention, mais dans le corps même de la constitution, ce qui lui donnera une valeur intangible. Il est vrai, en revanche, que nous devrons insister plus fermement sur le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes.

Je vous remercie, Monsieur Barrot, d'avoir approuvé la méthode, la seule, à mon sens qui nous permettra d'avancer et peut-être d'aboutir. Vous avez évoqué la synthèse nécessaire entre les Etats-nations et l'Union et entre méthode communautaire et méthode intergouvernementale. Comme vous, je considère qu'il ne faut pas bousculer les trois pôles de l'Union. Cela ne se justifie pas, puisque nous ne cherchons pas une séparation verticale des pouvoirs. Ce dont il s'agit, c'est de combiner la souveraineté des Etats et celle de l'Union, qui est celle des peuples.

S'agissant de la présidence de l'Union, je pense que, dans un premier temps, seul le Conseil pourra l'élire. Peut-être la constitution prévoira-t-elle les étapes futures - des circonscriptions élargies - avant l'élection directe au suffrage universel.

Il est vrai que les différents conseils ne devraient pas être appelés à l'uniformité. Mais, dans tous les cas, ils devront faire des propositions au Conseil général, seule instance habilitée à prendre les décisions.

Il reste à régler le problème crucial de la représentativité de la Commission, puisqu'elle vote après avoir dégagé un consensus, et qu'elle vote souvent. A cet égard, les chiffres sont éloquents. L'Union est en effet composée de pays très peuplés et de pays peu peuplés. L'Europe des neuf comptait six pays fortement peuplés et trois pays moins peuplés. L'Europe des Quinze compte six pays densément peuplés et neuf qui le sont beaucoup moins. Or, depuis le traité de Nice, il faudrait se satisfaire que, dans l'Europe élargie, 350 millions d'habitants des pays les plus peuplés soient représentés par six commissaires, et que les 150 millions des pays les moins densément peuplés puissent dépêcher dix-neuf commissaires à Bruxelles. Quelle sera la légitimité de la prise de décision ? Comment un vote acquis dans ces conditions pourra-t-il être considéré comme représentatif ? Ce problème, qui ne peut être ignoré, devra être traité avec soin.

Vous vous êtes encore prononcé en faveur de la simplification des coopérations renforcées ; certes ! Mais il faudra, aussi, réfléchir à de nouveaux domaines d'action. Comment nier, par exemple, que les réseaux de télécommunications européens ne sont pas encore à la hauteur ?

Quant à M. de Villiers, il plaide mais n'écoute pas les arguments de l'avocat de la défense... Il a affirmé que la constitution c'était l'Etat. Je n'ai jamais lu ça nulle part ! La constitution, c'est l'organisation stable des institutions politiques ; qui peut nier que l'Europe élargie a besoin d'une organisation stable de ses institutions politiques ? Personne ! Et c'est pourquoi nous allons chercher à la.

M. Jean-Claude Lefort - Je ne monte à cette tribune que pour protester contre l'organisation non respectée de nos travaux et le départ du président de la Convention sur l'avenir de l'Europe. Voilà que, pour une raison de train, il quitte l'hémicycle sans avoir entendu tous les orateurs, et n'ayant répondu qu'à quelques-uns d'entre eux. Cette désinvolture insupportable en dit long sur ce qu'il faut entendre par « renforcement du rôle des parlements nationaux »... Décidément, « le charme discret de la bourgeoisie » n'est plus ce qu'il était !

M. Jérôme Lambert - Monsieur le ministre, Madame la ministre, Monsieur le président de la commission, merci d'être restés... Je m'associe, bien sûr, à ce qu'a dit M. Lefort. Toutefois, ayant préparé une intervention au nom du groupe socialiste, je vais vous en donner connaissance.

Nos concitoyens comme les médias parlent souvent des futures échéances de la construction européenne. Il est donc normal qu'elles soient abordées à l'Assemblée nationale, lieu de la souveraineté de la nation, où le peuple s'exprime par notre représentation.

A la suite du président de la délégation, Pierre Lequiller, je veux dire combien est intéressant le travail que nous entreprenons au sein de la délégation européenne, mais déplorer que ce travail reste trop souvent en marge, en quelque sorte, des travaux de notre assemblée. Alors que des pans entiers de notre réglementation et de notre législation sont en relation directe avec des décisions européennes, il serait normal que notre travail de contrôle parlementaire soit moins rarement au coeur de nos débats, tant l'Europe est présente à tous les niveaux de notre réflexion.

La voici donc au coeur de notre débat aujourd'hui. Avons-nous toujours le sentiment que, sur ce sujet majeur, notre nation et notre peuple sont parfaitement en phase avec les discours que nous prononçons du haut des diverses tribunes publiques ? Je n'en ai pas l'impression ! Attentifs à ce que nous entendons, nous avons le devoir de dire au Gouvernement ce que le peuple nous demande, ce qu'il souhaite et aussi ce qu'il craint. Quand j'écoute mes compatriotes qui me parlent de l'Europe, je constate souvent un fossé entre les idéaux qu'ils peuvent encore partager, notamment celui d'un espace de paix, et les aspects multiples et complexes de la politique européenne. Les citoyens ont le sentiment d'être de plus en plus éloignés des décisions qui les concernent et qui sont prises au niveau européen... Ils n'en comprennent pas toujours les mécanismes, et ils n'ont pas le sentiment d'avoir, à ce niveau, un pouvoir de contrôle et d'action, comme celui qu'ils peuvent avoir sur la politique de notre pays. Ils nous font souvent part d'un sentiment d'impuissance, lequel se traduit parfois par un rejet qu'exploitent les extrémistes. Aujourd'hui, tout comme la mondialisation, l'Europe peut apparaître à certains comme une menace. Menace pour les droits des salariés, en butte à un libéralisme économique dont personne ne semble maîtriser la dimension, européenne et planétaire ; menace pour nos agriculteurs, faute d'une réforme équitable de la PAC. Le risque est grand que les citoyens de notre pays, à la première occasion démocratique, disent non à l'Europe telle qu'elle leur apparaît aujourd'hui. Récemment encore, un vieux picto-charentais, personnage souvent sympathique et toujours épris de bon sens, me disait : « Nous décentralisons notre pays alors que nous construisons l'Europe, demain la France ne sera plus qu'une mosaïque de régions et ne pèsera plus rien dans les décisions européennes »... Cette réflexion est largement partagée ; on craint que notre pays, même s'il fait partie d'un ensemble plus fort, ne soit plus en mesure d'être véritablement entendu, non plus que ses citoyens. La crainte est même probablement plus profonde : c'est le citoyen européen, et non pas seulement le Français, qui ne trouve pas encore sa place en Europe.

Là est le premier enjeu d'avenir pour la construction européenne. Comment aller plus loin sans provoquer le rejet de ce qui existe déjà, si nous ne répondons pas à l'inquiétude de nos concitoyens à ce propos ? Oui, l'Europe est un espace de paix... au moins entre nous, mais le monde nous inquiète. Oui, l'Europe est un grand espace économique et monétaire, mais sa dimension dépasse le contrôle démocratique des peuples. Oui, l'Europe est un vaste territoire de libre circulation, mais avant on pouvait aussi voyager...

Ce n'est donc plus seulement avec de tels concepts que l'on peut provoquer l'adhésion des peuples. Si nos gouvernants et nous-mêmes n'en sommes pas encore conscients, je crains que les citoyens nous rappellent que la construction de tout espace politique doit amener la prise en compte des aspirations quotidiennes.

Il faut donc rendre à la construction de l'Europe un idéal que pourraient partager nos peuples, comme la génération précédente avait su le faire sur les enjeux premiers de la construction européenne. Ce ne sont pas les débats sur la PAC, les conditions de l'élargissement, les critères de convergence, l'abaissement de certains taux de TVA ou la révision de la directive oiseaux qui vont donner un idéal européen à notre jeunesse et aux citoyens européens !

Nous sommes donc obligés de considérer les enjeux à une autre échelle, et il est capital, pour cela, de réussir les travaux de la Convention. Il faut un véritable espace politique démocratique, où les décisions prises seront souhaitées et comprises par les citoyens européens. Une nouvelle dimension pour un nouveau débat politique, à l'échelle où se situent les enjeux sociaux et économiques du présent et de l'avenir. Oui, l'enjeu européen est une nouvelle frontière pour l'espace démocratique, politique, et social, et les institutions qui naîtront des travaux de la Convention doivent prendre en compte cet impératif pour redonner du sens à l'engagement des citoyens de tous nos pays dans la construction européenne.

Il faut des institutions démocratiques, élues plus directement que celles d'aujourd'hui, dont le fonctionnement est méconnu ou rejeté par nos concitoyens. Des dirigeants et des élus, plus directement responsables devant les citoyens européens... Bref, un fonctionnement plus conforme à l'idéal démocratique que nous partageons avec tous les peuples de l'Union ! La démocratie, c'est le peuple, directement, ou à travers ses représentants. Mais où est le peuple dans les institutions européennes telles qu'elles sont aujourd'hui perçues ? Au Parlement européen ? Il faut certes rendre hommage à son travail constructif, que nous pouvons mesurer, à la délégation. Mais il faut être lucide : nos concitoyens ne se sentent absolument pas représentés démocratiquement dans cette assemblée, faute d'un contrôle des élus par le peuple. Personne ne connaît son député européen, et pour cause... puisque personne n'a de député qui le représente directement. Il est pourtant de l'essence de la démocratie d'avoir des représentants dont on peut contrôler l'action. C'est pourquoi la question du mode d'élection des parlementaires européens doit être débattue rapidement.

Quant au Conseil et à la Commission, nos concitoyens n'en comprennent pas exactement le rôle, quand il ne les confondent pas. Ils ont le sentiment, alimenté souvent par l'actualité, qu'il se passe des choses dans leur dos, que certaines décisions en préparation risquent de s'imposer sans avoir été vraiment débattues. Qu'on se souvienne des négociations de l'AMI, que nous avons dénoncées et bloquées, il y a quelques années. Aujourd'hui, voici l'accord général sur le commerce des services, où la santé, l'éducation deviendraient des marchandises comme les autres. Or, à ce stade, personne ne semble informé, le débat n'a pas vraiment lieu ; et, le moment venu, si nous ne nous mobilisons pas à l'avance pour défendre nos valeurs, celles de la République sociale, nous serons au pied du mur, sans espace pour lutter. C'est bien ce mode de fonctionnement opaque dont les Français et les citoyens européens ne veulent plus ! Il faut redonner un sens démocratique à nos institutions, simplifier leurs fonctions et les rendre plus lisibles à tous.

Il ne peut y avoir de grandes avancées européennes, sans l'engagement démocratique de tous. Celui-ci doit donc être permis par le fonctionnement de nos institutions. Il faut oser. Il faut écouter le peuple : il nous dit que le chemin à suivre n'est certainement pas l'uniformisation de toutes nos réglementations, mais une meilleure prise en compte de l'intérêt général de tous les citoyens, et non pas seulement - comme il peut sembler que c'est le cas - des seuls intérêts financiers ou économiques. Agissons pour faire vivre la démocratie, pour faire évoluer les réglementations sociales, pour créer un formidable espace de vie et d'espoir partagé dans un idéal politique, au sens noble de ce mot, qui soit commun à tous les peuples de l'Union.

L'enjeu est extraordinaire, historique : nous devons le saisir, mobiliser nos concitoyens. Il faut pour cela que l'occasion nous en soit donnée par des propositions audacieuses de la Convention, qui redonnent un sens à l'engagement de tous.

Une nouvelle frontière est là, il faut oser la franchir. Les socialistes, mus par leur idéal de justice et de paix, sauront se mobiliser à travers toute l'Europe pour construire ce monde nouveau. Nous comptons sur les travaux de la Convention, pour qu'un cadre démocratique nouveau permette l'expression des citoyens européens et la prise en compte de nouvelles politiques sans lesquelles l'Europe ne trouvera jamais l'adhésion des peuples... Nous souhaitons que les parlements nationaux soient beaucoup mieux associés aux décisions européennes, pour que les peuples d'Europe le soient aussi à travers eux.

De nouvelles institutions, pour de nouvelles politiques, dans l'adhésion des peuples et la transparence, voici les grands axes que nous devons défendre aujourd'hui. Voilà ce que nous attendons des travaux de la Convention, pour que les citoyens français, consultés sur ces questions, puissent dire oui à ces nouvelles politiques européennes dans un cadre démocratique permettant leur contrôle et l'expression de leur volonté.

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères - C'est un honneur pour moi de clore ce débat au nom du Gouvernement. Cette discussion sérieuse, approfondie et sans préjugé sur l'avenir de notre projet européen était la bienvenue à la veille de l'élargissement le plus important de son histoire. Je salue votre initiative, Monsieur le Président, et je remercie le président Giscard d'Estaing d'avoir accepté de nous présenter l'état des travaux de la Convention et les perspectives de la future constitution européenne.

Cette Convention entre aujourd'hui dans sa phase décisive, puisqu'elle va devoir mettre au clair des propositions à soumettre aux Etats membres. Le Gouvernement est décidé à s'engager avec détermination aux côtés de la Convention pour dessiner l'avenir de l'Europe, dans un esprit ouvert, sans dogmatisme, et avec le souci de créer les conditions d'une véritable refondation du projet européen. C'est bien de refondation qu'il s'agit, alors que l'Europe va s'élargir à vingt-cinq membres demain, vingt-sept et plus après-demain. Face à cet objectif, je veux réaffirmer la volonté de la France de contribuer activement à la définition des futures institutions de notre Union, et souhaiter que la Convention parvienne à un consensus sur son projet de constitution pour l'Europe. Comme Jacques Barrot, je félicite le président de la Convention pour la méthode qu'il a choisie. Car les travaux de la Convention doivent être décisifs. Et la conférence intergouvernementale qui lui succédera devra être courte, pour adopter des propositions que les gouvernements des Etats membres auront ensuite à confirmer. Au terme de ce processus, il faudra conduire avec tous nos concitoyens un vaste débat sur cette constitution.

L'oeuvre commune des conventionnels deviendra donc celle de tous les Français, démentant ainsi ceux qui reprochent à notre Union de s'être éloignée de ses citoyens. François Bayrou l'a rappelé, l'Europe doit être d'abord celle des citoyens, dont il est nécessaire d'obtenir l'adhésion : c'est notre responsabilité d'y contribuer.

L'Europe élargie sera très différente de celle héritée des pères fondateurs. Le poids du nombre bouleverse le fonctionnement de nos institutions et les missions mêmes de l'Europe. Demain, nos nouvelles frontières vont être la diplomatie et la défense européenne, l'espace de liberté, de sécurité et de justice, l'Europe de la connaissance et de la diversité culturelle souhaitée par M. Goldberg, l'Europe sociale évoquée par Mme Guigou. En même temps, nous devrons réinventer une Europe efficace, démocratique et compréhensible par nos concitoyens.

Un premier défi à affronter est celui du nombre.

Dans une Europe à vingt-cinq, le Conseil et la Commission vont devenir de véritables assemblées délibératives : ainsi, le Conseil européen réunira désormais plus de cinquante membres. Le collège des commissaires sera porté dès l'élargissement à vingt-cinq et le Parlement européen comptera plus de sept cents élus.

Comment imaginer que des instances rassemblant autant de participants puissent, sans aucun changement, fonctionner efficacement ? Un simple tour de table au Conseil nécessitera plus de trois heures ! Que restera-t-il de la collégialité de la Commission ? L'ensemble des méthodes de travail devra changer en profondeur. Au Conseil, il faudra probablement envisager une meilleure préparation des débats, la suppression des tours de table, l'expression de positions collectives par un seul porte-parole...

Quant à la composition des institutions, il ne sera pas facile d'en revoir les effectifs, si l'on se souvient de l'âpreté des négociations de Nice. Mais il faudra faire preuve d'imagination et de persévérance pour corriger les effets du nombre.

Le second défi est celui de la diversité.

L'Europe élargie sera une Europe plus diverse, d'abord en raison de la disparité des niveaux de développement, ce qui conduira à une évolution inévitable de nos politiques communes pour satisfaire à l'exigence de solidarité. L'Europe sera diverse ensuite dans l'affirmation des ambitions et des volontés de chacun, comme l'a bien souligné M. Balladur. Déjà, l'Union n'a plus le caractère monolithique de ses débuts. De grands projets européens sont engagés dans le cadre de dispositifs souples, flexibles et fondées sur le volontariat. La coopération renforcée, instituée à Amsterdam, assouplie à Nice, il faut maintenant la faire vivre.

Cette flexibilité est indispensable pour que l'Europe avance au rythme des plus ambitieux plutôt qu'à celui des hésitants. Ainsi une Europe plus diverse pourra tirer parti, en fonction des situations, du dynamisme de certains de ses membres pour lancer des coopérations à quelques-uns.

La France souhaitera, Monsieur le président Balladur, être au nombre des Etats qui s'inscriront dans le cercle central de cette différenciation voulue et organisée, ce groupe pionnier évoqué naguère par le Président de la République.

Le troisième défi est celui des frontières de l'Europe, dont a parlé François Bayrou. Le Conseil de Copenhague engagera la semaine prochaine le cinquième élargissement, qui quadruplera en 2004 le nombre initial des Etats membres. Le sixième est prévu pour 2007, et d'autres adhésions se profilent.

Nous devons, face à ces évolutions, rassurer nos opinions publiques, d'abord en nous donnant du temps pour réussir ces différents élargissements, les laisser s'épanouir. Il nous faut ensuite réfléchir à ce que sera demain l'organisation des relations extérieures de l'Europe : j'ai esquissé, hier à Marseille, une répartition entre membres pleins, partenaires et associés. D'autres options sont envisageables ; l'essentiel est de clarifier et de rationaliser.

Dans ce contexte, nous devons évoquer le cas de la Turquie. La perspective de son adhésion a été reconnue dès 1963, sa candidature acceptée en 1999 à Helsinki. Reste à décider du moment où les négociations d'adhésion pourront être entamées. Le sommet de Copenhague en débattra. Il est clair que, pour décider de l'ouverture de ces négociations, la Turquie devra être en conformité avec les exigences démocratiques de l'Union. Elle doit donc poursuivre sur la voie des réformes. Nous la jugerons sur ses actes. L'appartenance à la famille européenne est aussi la marque d'une volonté politique. La Turquie devra montrer qu'elle a fait ce choix, dans son intérêt, comme l'a souligné M. Jacques Floch.

Cette Europe élargie, nous voulons qu'elle soit servie par des institutions plus fortes et plus modernes.

Dans cette perspective, nous entendons faire preuve d'une grande ouverture sur les solutions, dès lors qu'elles répondent à nos objectifs de clarté, de démocratie et d'efficacité.

Ces solutions doivent être ambitieuses. Le temps n'est plus au replâtrage institutionnel. Le projet européen n'a d'avenir qu'à la condition que l'élargissement ne rime pas avec paralysie.

Le plus difficile reste à venir. Les Européens sauront-ils dépasser leurs rivalités actuelles entre grands et petits Etats, ou entre partisans de la méthode intergouvernementale et de la méthode communautaire ? Le nouveau dispositif devra reconnaître la double nature de notre Union, illustrée par le président Giscard d'Estaing : une union des Etats et une union des peuples. L'essentiel de mettre en place un système institutionnel qui permette à l'Europe élargie de décider vite, d'approfondir ses politiques communes, de renforcer son rôle dans le monde.

Dans ce contexte, clarifions les deux pôles de l'action menée par l'Union.

Pour le marché intérieur et ses politiques d'accompagnement, nous sommes convaincus de l'avantage offert par la méthode communautaire. Nous souhaitons donc, dans ces domaines, renforcer le rôle de proposition de la Commission, accroître le champ du vote à la majorité qualifiée au Conseil, renforcer les prérogatives du Parlement européen.

En ce qui concerne la diplomatie et la défense, et la coopération policière et pénale, une communautarisation pure et simple est prématurée. Nous proposons une démarche fondée sur une coopération organisée et une solidarité renforcée, qui doit aller plus loin que la démarche intergouvernementale classique.

Enfin, l'approche française vis-à-vis de la future architecture institutionnelle repose sur trois principe simples : la clarté, la démocratie et l'efficacité.

Les traités sont devenus difficilement compréhensibles, non seulement pour les citoyens, mais pour les spécialistes. Nous devons donc simplifier le système, par la fusion des traités actuels dans une constitution, l'intégration de la charte des droits fondamentaux, la clarification des compétences, l'attribution à l'Union d'une personnalité juridique unique, la simplification des procédures décisionnelles.

Le second principe, évoqué par M. Lambert, est la démocratie. Les parlements nationaux doivent être davantage impliqués dans le système européen. Nous approuvons le principe d'un congrès qui réunirait, deux ou trois fois par an, leurs représentants avec ceux du Parlement européen. Le congrès pourrait ainsi tenir chaque année un débat sur l'état de l'Union ; certains songent à le faire participer à la procédure de révision de la future constitution européenne ou de contrôle de la subsidiarité. Soupesons ces idées, mais évitons les blocages ou les anathèmes qui empêchent de progresser.

Enfin, dernier principe, l'efficacité. Si l'on ne veut pas que la machine européenne s'arrête sous le poids du nombre, il est vital de réformer le système de la présidence semestrielle du Conseil.

Aussi, le Président de la République a-t-il proposé d'élire un président du Conseil européen et de désigner auprès de lui un véritable ministre des affaires étrangères. Au niveau du conseil des ministres, nous sommes ouverts à toutes les idées, à condition qu'elles garantissent un processus de décision rationnel et rapide.

Pour autant, notre pays ne souhaite pas mettre en cause les rapports entre les institutions. Bien au contraire, comme l'a indiqué Jacques Barrot, nous cherchons à renforcer l'équilibre actuel en encourageant la Commission, elle aussi, à améliorer son efficacité et en prônant une meilleure répartition du travail communautaire entre les trois grandes institutions.

Faut-il créer, selon la formule Pierre Lequiller, un président unique de l'Union coiffant à la fois la Commission et le Conseil ? Soyons conscients qu'une telle réforme ne peut sans doute venir qu'au terme d'une longue évolution.

Notre attitude, au total, est fondée sur une vraie exigence, celle d'être libres et inventifs. Nous souhaitons avancer dans un esprit d'écoute et de responsabilité. Nous serons ainsi fidèles à la vocation européenne de la France, qui lui a permis d'être au coeur des réformes et des progrès de l'Union, de rassembler sur ses idées un large accord de ses partenaires, de devenir l'un des moteurs du projet européen.

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