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N° 1430

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 février 2004

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur la réforme des organisations communes de marché
du coton, de l'huile d'olive, du houblon et du tabac
(COM [2003] 698 final / E 2457)

ET PRÉSENTÉ

par M. Jean-Marie SERMIER,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. François Guillaume, Jean-Claude Lefort, secrétaires ; MM. Alfred Almont, François Calvet, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. QUATRE PRODUCTIONS CARACTERISEES PAR LEUR CONTRIBUTION AUX EQUILIBRES DU MODELE AGRICOLE EUROPEEN 7

A. Des productions « mineures » 7

1) Le coton 7

2) L'huile d'olive 9

3) Le houblon 11

4) Le tabac 12

B. Une contribution forte à l'emploi et à l'aménagement du territoire 14

II. UNE PROPOSITION D'EXTENSION DU DECOUPLAGE ACCEPTABLE SI CE DERNIER EST STRICTEMENT ENCADRE 17

A. Les leçons amères de l'échec de Cancún 17

B. Un découplage partiel proposé pour le coton, l'huile d'olive et le houblon 19

1) Une approche conforme au cadre mis en place par l'accord de Luxembourg 19

2) Des aménagements à apporter 22

a) Un découplage souple 22

b) La prise en compte de l'évolution de la production 24

c) L'équilibre entre les deux piliers 25

3) Le problème du coton africain à l'OMC 27

C. Le tabac : la santé publique constitue une priorité ; l'aide doit être partiellement découplée et accompagner l'adaptation du secteur 28

1) Une cohérence à trouver entre protection de la santé publique et pérennité de la politique agricole 28

2) Une proposition de découplage total impliquant le quasi-arrêt de la production et d'importantes pertes d'emplois 30

3) La solution alternative à défendre : un découplage raisonné qui facilite la restructuration 33

CONCLUSION 35

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA DELEGATION 37

ANNEXE : Liste des personnes entendues par le rapporteur 39

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La Délégation est saisie d'une proposition de règlement qui vise à réformer les organisations communes de marché (OCM) du coton, de l'huile d'olive, du tabac et du houblon(1).

L'objectif de cette réforme consiste à étendre à ces productions le découplage des aides introduit par l'accord de Luxembourg du 26 juin 2003, qui a profondément modifié le système de soutien aux grandes cultures et à la production de viande. Cet accord, traduit dans le règlement n° 1782/2003 du 29 septembre 2003, a changé le visage de la politique agricole commune (PAC) et risque de modifier durablement celui des campagnes, en instituant un droit à la prime échangeable, qui affaiblit le lien entre aide et production.

Les productions concernées par la proposition de la Commission européenne sont « mineures » en ce qu'elles reçoivent un volume d'aides relativement faible et mobilisent des surfaces limitées.

Cependant, elles participent pleinement aux équilibres du modèle agricole européen, en permettant de faire vivre des exploitations de type familial et des filières qui contribuent à l'aménagement du territoire et à l'emploi régional.

Ces particularités justifient un découplage partiel des aides, afin que la part découplée n'excède pas ce qui est nécessaire au maintien de la rentabilité économique des exploitations.

C'est à l'aune de ce critère que doivent être appréciées les évolutions proposées pour les secteurs du coton, de l'huile d'olive et du houblon, et que doit être contesté le découplage intégral préconisé pour le tabac, car ce dernier n'est pas conforme aux orientations de la réforme de juin 2003 et conduirait à l'arrêt immédiat de la quasi-totalité de la production européenne, sans que soit proposée une alternative claire pour les tabaculteurs et la main d'œuvre employée dans le secteur. Si la santé publique constitue une priorité qui justifie une adaptation de l'aide au tabac, celle-ci doit être maîtrisée et progressive.

Les choix à opérer pour les quatre productions étudiées ici doivent être pragmatiques, d'autant que la réforme se fait dans un contexte de négociations enlisées à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) : l'Europe doit procéder à un découplage raisonné pour ne pas créer de dangereux précédents, qui seraient utilisés contre elle par ses partenaires.

I. QUATRE PRODUCTIONS CARACTERISEES PAR LEUR CONTRIBUTION AUX EQUILIBRES DU MODELE AGRICOLE EUROPEEN

A. Des productions « mineures »

1) Le coton

La création de l'OCM coton est contemporaine de l'entrée de la Grèce, le principal producteur, dans la Communauté européenne, en 1981.

Représentant seulement 0,5 % de la production agricole finale dans l'Union européenne, le coton revêt une grande importance pour deux pays : la Grèce, qui avec 79 % de la production européenne totale, tire 9 % de sa production agricole totale de ce secteur ; l'Espagne, 1,5 %. La campagne de commercialisation 2001/2002 a concerné un total de 1,6 million de tonnes de coton, dont 1,25 million de tonnes pour la Grèce et 340 000 tonnes pour l'Espagne. Les autres Etats membres produisent moins de 1 500 tonnes.

L'Union européenne ne contribue que pour environ 2,5 % à la production mondiale totale et elle est le principal importateur net de coton (708 000 tonnes d'importations, contre 227 000 tonnes d'exportations). Elle n'accorde pas de restitutions à l'exportation pour ce produit.

Les exportations de ce produit sont dominées par les Etats-Unis, qui assurent à eux seuls 30 % du commerce mondial, alors même que les coûts de production de ce pays sont deux fois plus élevés que le prix mondial. Ces derniers ont en effet accru, depuis quinze ans, leur part dans les exportations mondiales par une politique de subventions massives aux producteurs. Selon l'ONG Oxfam, les Etats-Unis ont versé, en 2001, 4 milliards d'aides à ce secteur, pour une production dont la valeur totale est estimée à 3 milliards de dollars. Les autres grands exportateurs, représentant chacun environ 800 000 tonnes de coton, sont les pays africains de la zone du franc CFA, l'Australie et l'Ouzbékistan.

Le régime communautaire de soutien s'appuie sur une aide à la production à la tonne de coton non égrené, compte tenu d'une quantité maximale garantie : lorsque cette dernière, qui est de 1 031 000 tonnes, dont 782 000 tonnes pour la Grèce, 249 000 tonnes pour l'Espagne et 1 500 tonnes pour les autres Etats membres, est dépassée, l'aide est réduite dans le pays responsable du dépassement. Ce mécanisme stabilisateur, mis en place en 1987, a fonctionné pour la campagne de commercialisation 2001/2002, entraînant l'exclusion de 144 551 tonnes de coton grec du régime et une réduction de 41 % du prix minimal versé aux producteurs.

L'aide est versée aux transformateurs, qui paient un prix minimum aux producteurs. Son niveau est fixé périodiquement, à partir de la différence constatée entre un « prix d'orientation » et le prix mondial. Depuis la campagne 1995/1996, le prix d'orientation a été fixé à 1 063 euros la tonne, avec un prix minimum de 1009,9 euros la tonne.

Par ailleurs, lorsque la qualité du coton égrené livrée au cours d'une campagne donnée est supérieure à la norme, l'égreneur peut bénéficier d'une aide pour une quantité supérieure à celle qui a été livrée, le pourcentage d'augmentation de la quantité étant limité à 3,125 %.

Les dépenses effectives encourues par l'OCM coton ont été de 816,4 millions d'euros en 2002.

Dans son rapport spécial n° 13/2003 sur l'aide à la production de coton, la Cour des comptes européenne, outre les remarques concernant la mauvaise qualité des contrôles grecs, destinés à vérifier l'existence des producteurs et la vraisemblance des quantités livrées, a formulé les deux observations suivantes.

En premier lieu, elle estime que l'augmentation de la production annuelle de coton communautaire, de 0,3 million de tonnes en 1981 à 1,7 million de tonnes aujourd'hui, résulte du fait que l'aide à la production de coton est trois à quatre fois supérieure à celle versée pour les cultures de remplacement. En Andalousie, l'aide au coton représente 2 071 euros par hectare, contre 478 euros pour le maïs, 234 euros pour les céréales (à l'exclusion du maïs), 530 euros pour le blé dur et 338 euros pour les protéagineux. Une comparaison entre les marges brutes par hectare montre que la marge réalisée pour le coton est environ une fois et demie supérieure à celle d'autres cultures : en 2000, la marge est, en Macédoine-Thrace, de 572 euros pour le coton, contre 192 euros pour le blé dur et 113 euros pour le maïs grain.

En second lieu, la Cour remarque que la Commission européenne ne dispose d'aucune information précise sur la réussite ou l'échec de l'incitation financière visant à améliorer la qualité du coton produit. Ainsi, en l'état actuel des informations disponibles, cette dernière ne constitue « guère plus qu'une source de revenu supplémentaire aux producteurs », ce qui incite la Cour à recommander à la Commission d'examiner l'efficacité de ce mécanisme.

2) L'huile d'olive

L'olivier est une production clef du modèle agricole européen, qui se rattache par l'histoire, les traditions populaires et la religion au patrimoine méditerranéen. Sa culture s'est étendue sur tout le bassin méditerranéen dès le sixième siècle avant Jésus-Christ, au point de s'identifier avec ce lieu d'échange : ainsi que l'écrit Duhamel, « Là où l'olivier renonce, s'achève la Méditerranée ».

L'olivier contribue, en outre, à la promotion de la biodiversité, ainsi qu'à la lutte contre la désertification et les risques d'incendie et d'érosion.

Il génère par ailleurs une production de qualité, qui est valorisée pour ses effets positifs sur la santé. Ainsi, depuis 1995, la demande d'huile d'olive a augmenté d'environ 6 % par an. D'autre part, au cours des dix dernières années, l'Union européenne a doublé ses exportations d'huile d'olive, qui ont atteint 324 000 tonnes en 2001/2002.

L'Union européenne à Quinze est le premier producteur mondial d'huile d'olive. Assurant un taux de couverture de ses besoins en huile d'olive de 113 %, sa production était, en 2001/2002, de 2,4 millions de tonnes (4 000 tonnes produites en France, dont 2 800 environ sont présentées à l'aide), pour une production mondiale chiffrée à 2,8 millions de tonnes. La Tunisie, la Turquie, la Syrie et le Maroc sont les autres principaux producteurs, représentant environ 20 % de la production totale mondiale.

En 1998/1999, la superficie des oliveraies dans l'Union européenne couvrait environ 5,4 millions d'hectares, soit près de 4 % de la superficie agricole utile. 44,5 % de ces hectares sont situés en Espagne, 26,3 % en Italie, 18,8 % en Grèce, 9,7 % au Portugal et 0,7 % en France. En France, on compte environ 3,5 millions d'oliviers, plantés sur 43 000 hectares.

L'OCM huile d'olive a été créée en 1966. Elle repose sur une aide à la production, à un taux de 1322,5 euros la tonne, qui est accordée à tous les producteurs sur la base de la quantité réellement produite et de l'équivalent olive de table, dans le cadre d'une quantité maximale garantie fixée, depuis 1998, à 1 777 261 millions de tonnes. Cette dernière est ainsi répartie entre les différentes quantités nationales garanties (QNG) : 760 027 tonnes pour l'Espagne ; 543 164 tonnes pour l'Italie ; 419 529 tonnes pour la Grèce ; 51 224 tonnes pour le Portugal et 3 297 tonnes pour la France.

Lors de la dernière réforme de l'OCM, en 1998, il a été convenu de donner aux Etats membres la possibilité d'allouer au soutien des olives de table une part de leur QNG et de l'aide à leur production d'huile d'olive.

Par ailleurs, les aides ont été limitées aux seules plantations d'oliviers existantes avant le 1er mai 1998, sauf dérogation à accorder dans le cadre d'un programme de plantations. Trois pays producteurs ont bénéficié de cette mesure dérogatoire pour les nouvelles plantations à venir : la France, ainsi que la Grèce, à hauteur de 3 500 hectares, et le Portugal, à hauteur de 30 000 hectares.

Il a été également décidé :

- de maintenir les restitutions à l'exportation, lesquelles sont fixées au niveau zéro depuis 1998, et les aides à la production accordées pour l'huile d'olive utilisée dans les conserves à poisson ;

- d'affecter 1,4 % de l'aide à la production au financement d'actions sur le plan régional visant à améliorer la qualité de la production et son impact sur l'environnement dans chaque Etat membre producteur ;

- de retenir 0,8 % du montant de l'aide à la production pour contribuer au financement des frais occasionnés par les activités de gestion de l'aide des organisations de producteurs et de leurs unions.

En 2001, l'OCM a été prolongée pour trois campagnes jusqu'en 2003/2004. Les dépenses du FEOGA-Garantie pour ce secteur se sont élevées, en 2002, à 2,36 milliards d'euros.

3) Le houblon

Le houblon est cultivé dans huit Etats membres (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Irlande, Portugal et Royaume-Uni) sur 22 600 hectares environ, l'Allemagne représentant 80 % de la superficie communautaire et constituant le premier producteur mondial, devant les Etats-Unis.

Le taux de couverture par l'Union à Quinze de ses besoins est de 138 % (38 000 tonnes produites en 2002). L'Allemagne, avec 1 943 exploitations spécialisées, assure 80 % de cette production, essentiellement en Bavière, et la France 3 % avec 109 exploitations.

Créée en 1971, l'OCM houblon prévoit une aide de 480 euros par hectare récolté, quels que soient le volume et la variété. Elle repose sur des groupements de producteurs, qui peuvent retenir jusqu'à 20 % des aides de leurs adhérents pour assurer leurs missions. La France compte deux groupements, qui ne pratiquent pas cette retenue.

Une réforme intervenue en 1998 introduit la possibilité pour les groupements de producteurs de recourir à des mesures de mise en repos temporaire des terres et/ou d'arrachage des houblonnières.

Lorsque ces mesures dites « spéciales » sont appliquées, la compensation financière à l'hectare destinée aux planteurs est égale à la prime de récolte, la condition étant la renonciation de l'exploitant d'étendre sa culture de houblon à une autre superficie de son exploitation et de mettre la surface arrachée en herbage permanent pour améliorer la fertilité du sol.

La France n'utilise pas cette mesure puisque les pouvoirs publics encouragent l'augmentation des surfaces à travers le contrat de plan : cette culture permet en effet de consolider de nombreuses exploitations de petite taille et de maintenir la diversification.

En 2002, les dépenses du FEOGA-Garantie pour le houblon se sont élevées à 12,5 millions d'euros.

4) Le tabac

Avec 348 000 tonnes de tabac, soit 5,4 % de la production mondiale, l'Union européenne est le cinquième producteur mondial de tabac, derrière la Chine (38 %), le Brésil (9 %), l'Inde (8 %) et les Etats-Unis (7 %). Elle importe environ 75 % de ses besoins, soit 540 000 tonnes de tabac brut.

Selon certaines projections, le marché mondial du tabac se caractérisera par un déclin de la place des Etats-Unis, qui connaissent un effondrement de la production, et une montée en puissance de pays comme le Brésil, actuellement le premier exportateur mondial, le Zimbabwe, le Malawi, et, en Asie, l'Inde, les Philippines et l'Indonésie.

Ces projections reflètent la très forte compétitivité des nouveaux producteurs qui, grâce à une main d'œuvre de faible coût et à un potentiel de production stimulé par les investissements de sociétés multinationales, peuvent vendre le kilogramme de tabac à un prix moyen de 1,19 dollar pour le Brésil ou 1,60 dollar pour le Malawi, contre 4,03 dollars pour les Etats-Unis ou 4,15 euros pour un pays européen comme la France.

Le tabac ne représente que 0,4 % de la production agricole européenne et n'est cultivée que sur 0,1 % de la superficie agricole utile. Il est produit dans huit Etats membres : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Grèce, Italie et Portugal. A eux deux, la Grèce et l'Italie assurent 75 % de la production européenne.

Quatrième Etat membre producteur de tabac, derrière l'Italie et la Grèce, produisant respectivement 130 000 tonnes, et l'Espagne, produisant 40 000 tonnes, la France a, en 2002, produit 24 800 tonnes de tabac.

Depuis la fin des années 1970, les producteurs européens ont délaissé les tabacs bruns, afin de se tourner vers des variétés blondes, les plus cultivées au monde et à la base du goût anglais et américain, qui, en raison de leur meilleure qualité, intéressent davantage les industriels : il s'agit du tabac de Virginie, séché au four, et du tabac Burley, séché à l'air libre. Le premier a une teneur moindre en alcaloïdes (nicotine) et peut être mélangé au tabac brésilien, qui contient davantage d'alcaloïdes, pour le « neutraliser », quand le second se caractérise par son goût typé et aromatisé.

La production française, organisée par neuf coopératives, dont le principal client est la société Altadis, héritière de la Seita, a suivi ce mouvement vers la qualité : sur les 24 800 tonnes de tabac produites en 2002, on compte 11 100 tonnes de tabac Virginie et 9 200 tonnes de tabac Burley. 70 % de cette production étant exportée, les producteurs français de tabac souhaitent développer leur part sur le marché européen, qui constitue leur principal débouché.

Le régime d'aide de l'OCM repose sur un système de primes liées au volume de la production, celles-ci étant modulées sur la base de critères de qualité et soumises à des quotas de production individuels pour chaque groupe de variété de tabac.

Depuis 1992, un prélèvement de 3 % sur le montant des primes versées a été institué, afin de financer, par le truchement d'un fonds spécifique, des recherches et des campagnes d'information sur le produit fini et sa nocivité.

Les dépenses liées aux primes se sont élevées, en 2002, à 951 millions d'euros ; celles liées au Fonds communautaire de recherche et d'information à 11,9 millions d'euros.

Le montant de l'aide au tabac est, par hectare, le plus élevé de toute la politique agricole commune. Si le montant moyen de l'aide est difficile à calculer, car celui-ci varie en fonction des variétés de tabac, l'étude d'impact de la Commission européenne l'évalue à 7 800 euros par hectare.

L'importance de ce montant est liée au fait qu'il permet d'assurer la rentabilité économique des exploitations dans un contexte où le prix de marché brut du tabac ne permet pas de couvrir les coûts de production d'un secteur reposant sur de très petites unités et employant une importante main d'œuvre saisonnière.

En France, la Fédération Nationale des Producteurs de Tabac indique que le total, par hectare, des charges opérationnelles des producteurs de tabac Burley, dont les tiges sont vendues à environ 4,15 euros le kilogramme, est de 4 269 euros, dont 1 829 euros pour la main-d'œuvre saisonnière ; pour la variété Virginie, vendue 4,18 euros le kilogramme, les chiffres sont de, respectivement, 6 515 euros et 2 863 euros. Le produit brut moyen par hectare des exploitations cultivant du tabac Burley et du tabac de Virginie étant respectivement de 12 000 euros et de 12 600 euros, la dépendance à la prime du revenu des tabaculteurs est donc très élevée : l'aide représente environ 70 % du produit brut moyen par hectare.

B. Une contribution forte à l'emploi et à l'aménagement du territoire

Les exploitations produisant de l'huile d'olive, du tabac, du coton et du houblon ont souvent un caractère familial et sont de petite taille.

Elles contribuent fortement à l'aménagement du territoire et au développement rural par leur maillage de l'espace et leur lien avec les entreprises situées en amont et en aval de la filière. Elles constituent donc un pôle de stabilité économique essentiel pour les régions productrices.

La grande majorité des hectares consacrés à la culture de coton se concentrent, en Grèce, dans trois régions : en Thessalie, en Macédoine-Thrace et en Sterea Elleda. Cette culture fait vivre 71 600 exploitations, dont la taille moyenne est de 4,9 hectares. En Espagne, 7 600 exploitations, avec une taille moyenne de 12 hectares, produisent du coton, essentiellement dans les régions de Cordoue et de Séville. Dans ces deux Etats membres, la majorité des producteurs font partie d'organisations, qui se chargent de la coordination et de la gestion. Le secteur fait en outre travailler des usines d'égrenage, soit 22 en Espagne, dont la moitié sont des coopératives, et 75 en Grèce, dont 20 coopératives.

Le secteur oléicole est caractérisé, lui aussi, par la présence de petites exploitations, dont la taille varie de 13,5 hectares en Espagne à 3,2 hectares en Grèce. Il occupe 2,5 millions de producteurs dans l'Union européenne, ce qui représente près du tiers des agriculteurs européens, et constitue une source d'emplois et de revenus pour des régions relevant majoritairement de l'objectif 1 de la politique régionale(2). Il génère en outre un emploi saisonnier complémentaire aux autres activités agricoles en hiver et des emplois en aval dans les entreprises de broyage et de transformation.

En France, la production d'huile d'olive concerne quatre régions, au sein desquelles se répartissent un peu plus de 160 moulins : Provence-Alpes-Côte d'Azur (66 %), Languedoc-Rousillon (13,8 %), Rhône-Alpes (12,85 %) et Corse (7 %).

La superficie moyenne des exploitations européennes produisant du tabac est de 1,6 hectare, 60 % des exploitations cultivant moins de cinq hectares. En France, la superficie moyenne consacrée à la culture de tabac est de 4,15 hectares pour le tabac Virginie et de 1,15 hectare pour le tabac Burley. Par ailleurs, les exploitations produisant du tabac sont majoritairement de petite taille : 16 % des exploitations ont une surface agricole utile inférieure ou égale à 20 hectares et 45 % d'entre elles une surface agricole utile comprise entre 20 et 50 hectares.

La production de tabac est, comme celle du coton, hautement concentrée : sept régions européennes totalisent 70 % des exploitations et 63 % des superficies consacrées à la culture du tabac. A elles seules, les régions grecques de Macédoine centrale et Macédoine orientale représentent 60 % du total des exploitations européennes de tabac. En France, les 8 600 hectares cultivés se répartissent entre l'Aquitaine (25 %), le Poitou-Charentes et les Pays de Loire (20 %), la région Midi-Pyrénées (18 %), l'Alsace et la Champagne (15 %) et la région Rhône-Alpes (9 %).

Enfin, comme cela a déjà été souligné, le tabac est un secteur à forte intensité de main d'œuvre : il occupe dans l'Union européenne 456 000 emplois directs, dont 111 000 exploitants et 345 000 saisonniers. Il fournit jusqu'à 34 % de l'emploi dans les deux régions les plus productrices de Grèce. Les 4 500 exploitations françaises génèrent 6 750 emplois familiaux et 41 400 emplois saisonniers, soit 8 640 équivalents à temps plein, auxquels il convient d'ajouter les 182 emplois équivalents à temps plein que compte l'usine de transformation de Sarlat, détenue par l'union des coopératives de producteurs.

II. UNE PROPOSITION D'EXTENSION DU DECOUPLAGE ACCEPTABLE SI CE DERNIER EST STRICTEMENT ENCADRE

La proposition de règlement relative aux secteurs du coton, de l'huile d'olive, du houblon et du tabac s'inscrit dans l'engagement pris par la Commission européenne, lors du Conseil de Luxembourg du 26 juin 2003, de présenter un texte modifiant ces OCM, qui soit fondé sur les principes de la PAC réformée.

L'élément central du projet de la Commission est le découplage différencié des aides directes aux quatre secteurs concernés : il se traduit par l'instauration d'un paiement unique à l'exploitation, basé sur des références, qui peut être complété, selon les productions, par une aide partiellement couplée.

A. Les leçons amères de l'échec de Cancún

Contrairement aux affirmations de la Commission européenne, la réforme de la PAC de juin 2003, qui n'était pas prévue par l'accord de Berlin, scellé en mars 1999 par les chefs d'Etat et de gouvernement, obéissait moins à une nécessité interne à l'Europe, l'élaboration d'un système de soutien tournant le dos à un modèle soi disant « productiviste », qu'à une stratégie d'affichage politique en vue de la Conférence ministérielle de l'OMC de Cancún de septembre 2003.

En effet, selon l'analyse de la Commission européenne, la PAC ne pouvait survivre aux négociations de l'OMC sans changer radicalement de nature : l'Europe devait ainsi impérativement découpler ses aides, pour mettre en conformité sa politique agricole avec l'orthodoxie ultra libérale des règles du commerce international, qui tendent à proscrire ou à contraindre fortement les aides liées aux prix et aux volumes.

En classant, grâce à la réforme imposée par la Commission européenne, ses aides fraîchement découplées dans la « boîte verte » de l'OMC, l'Europe pourrait alors les « sanctuariser » juridiquement, car cette catégorie de soutien est exempte de toute obligation de réduction.

Ce mouvement était en outre rendu nécessaire par l'hostilité déclarée des autres membres de l'OMC à la PAC, Etats-Unis et pays émergents en particulier, qui sont fortement intéressés par l'ouverture du marché communautaire.

De plus, ce dénigrement tactique de la PAC était conforté par les jugements très négatifs portés à son égard par les institutions financières internationales et l'ONU : ces dernières n'hésitent pas à faire de « l'Europe verte » la responsable du sous-développement et de la faim dans le monde.

Aussi, l'Europe a-t-elle bougé avant Cancún, en révolutionnant sa politique agricole par un découplage partiel des aides.

Ce choix doit être assumé, d'autant que les effets de la réforme sur la vie quotidienne des agriculteurs se feront rapidement sentir(3). Ces derniers seront amenés à faire un effort d'adaptation considérable, avec la garantie toutefois, donnée en juin dernier, que la nouvelle PAC sera préservée à l'OMC.

Or, cette garantie est toute théorique, car l'Europe, comme tous les autres membres de l'OMC, est repartie les mains vides de Cancún, la Conférence ministérielle s'étant soldée par un échec.

Ce dernier était cependant prévisible, à partir du moment où un seul acteur prenait la négociation agricole au sérieux, au point de faire des concessions substantielles quand les autres ne donnaient aucune contrepartie.

Il en résulte qu'à l'heure actuelle, l'Union européenne ne peut s'appuyer sur aucun engagement précis de l'OMC concernant la sauvegarde de sa politique agricole : si elle peut faire basculer la majorité de ses aides dans la boîte verte, les négociateurs de l'OMC ont tacitement convenu, dans le cadre d'un préaccord élaboré le dernier jour de la Conférence de Cancún, de renégocier les critères d'admissibilité des aides à cette catégorie de soutien...

Le rapporteur ne peut s'empêcher d'appliquer l'expression populaire, « une guerre pour rien », à la longue bataille diplomatique qui a conduit à la réforme de Luxembourg.

Les risques que celle-ci fait peser sur l'équilibre des territoires ruraux et le maintien de l'activité agricole suscitent l'appréhension des élus et des exploitants, alors qu'au niveau multilatéral, le geste de l'Europe peut n'être plus considéré comme un atout à valoriser pour la suite des discussions, mais être perçu par les autres membres de l'OMC comme un acquis, qui entraînera de nouvelles exigences et conduira - à terme - à une nouvelle réforme de la PAC, alors réduite au rôle de variable d'ajustement pour boucler le Cycle de Doha.

Ces considérations doivent inciter la Commission européenne et les Etats membres à faire preuve de la plus grande prudence dans la poursuite de la réforme de la PAC, qui après les quatre secteurs étudiés ici, devra concerner les secteurs majeurs que sont le sucre et les fruits et légumes.

La précipitation n'est pas de mise, tout comme l'approche dogmatique du découplage : il est impératif que l'Europe évite de créer des précédents néfastes, car susceptibles d'être exploités à l'OMC, en voulant aller trop vite et trop loin, sans tenir compte des leçons du passé.

B. Un découplage partiel proposé pour le coton, l'huile d'olive et le houblon

1) Une approche conforme au cadre mis en place par l'accord de Luxembourg

L'approche suivie par la Commission européenne pour les secteurs du coton, de l'huile d'olive et du houblon respecte les grandes lignes de la réforme de juin 2003, en maintenant un lien entre aide et production, dans le respect du principe de subsidiarité.

Aux yeux du rapporteur, le principe qui doit guider l'application du découplage est le suivant : le niveau de ce dernier ne doit pas excéder celui de la marge nécessaire au maintien de la rentabilité économique de l'exploitation.

Il doit donc être partiel et laisser aux Etats membres suffisamment de flexibilité pour être mis en œuvre d'une manière qui soit adaptée aux spécificités de la production et du territoire.

¬ La réforme du secteur du coton

Pour l'essentiel, la réforme du secteur du coton consiste à répartir les dépenses consacrées au soutien des producteurs pendant la période de référence 2000-2002, soit environ 800 millions d'euros, de la manière suivante :

- 60 % seraient intégrés dans le paiement unique à l'exploitation, donc découplés ;

- les 40 % restants seraient versés sous la forme d'un paiement à l'hectare dans la limite d'une superficie maximale garantie de 425 360 hectares (340 000 pour la Grèce, 85 000 pour l'Espagne et 360 pour le Portugal).

Le versement de cette aide serait lié à certains critères tels que la participation du producteur à une organisation professionnelle, la Communauté européenne pouvant contribuer à leurs activités en majorant de dix euros l'aide à la production par hectare admissible.

Le solde des dépenses de marché, soit 100 millions d'euros, serait affecté à des opérations de restructuration des zones de production du coton et utilisé dans le cadre des mesures de développement rural.

Ces dispositions nouvelles devraient s'appliquer à compter du 1er septembre 2005.

¬ La réforme du secteur de l'huile d'olive

La Commission européenne propose d'introduire l'aide à la production d'huile d'olive dans le paiement unique à l'exploitation à hauteur de 60 % (100 % pour les oléiculteurs ayant une surface inférieure à 0,3 hectare) de l'aide perçue au cours d'une période de référence définie par rapport aux campagnes 2000/2001, 2001/2002 et 2002/2003.

Afin d'éviter l'abandon des oliveraies consécutif au découplage de l'aide, 40 % des paiements à l'huile d'olive durant la période de référence seront attribués aux Etats membres sous la forme d'une enveloppe nationale.

Cette enveloppe budgétaire sera utilisée à l'octroi d'une aide à l'oliveraie, par hectare ou par arbre, non liée à la production, et destinée à maintenir les oliviers et leur entretien et à préserver les sols et l'environnement, en tenant compte des traditions locales.

Il appartiendra aux Etats membres de désigner les zones concernées sur la base d'un cadre à établir par la Commission européenne, en respectant un maximum de cinq catégories d'oliveraies admissibles à l'aide en fonction de leur valeur environnementale et sociale.

Les zones d'oliveraies plantées après le premier mai 1998, hormis celles incluses dans les nouveaux plans de plantation approuvés au niveau communautaire, seront exclues du régime de paiement unique par exploitation et par oliveraie.

La Commission européenne propose par ailleurs la suppression des restitutions à l'exportation et de l'aide à l'utilisation d'huile d'olive dans les conserves.

Le financement communautaire des agences de contrôle veillant au paiement de l'aide à la production serait également supprimé à partir de novembre 2005, en raison de l'application du nouveau dispositif de soutien. Le maintien du stockage privé est en revanche envisagé.

Enfin, il est proposé d'appliquer le nouveau régime à compter du 1er novembre 2004, afin de mettre en œuvre les paiements uniques par exploitation à partir du 1er janvier 2005.

¬ La réforme du secteur du houblon

La Commission européenne laisse aux Etats membres la possibilité de choisir entre une aide totalement découplée et une aide partiellement découplée, avec la faculté de maintenir une aide couplée jusqu'à 25 % pour tenir compte de conditions de production particulières ou de spécificités régionales.

2) Des aménagements à apporter

La France soutient, dans ses grandes lignes, l'approche retenue par la Commission européenne pour réformer les trois secteurs. Toutefois, sur certains points, elle demande des aménagements, afin que la réforme soit la plus équitable possible.

Par ailleurs, les Etats membres les plus directement concernés souhaitent obtenir davantage de souplesse dans la mise en œuvre des mesures proposées.

a) Un découplage souple

¬ En ce qui concerne le coton, la Grèce et l'Espagne, les deux principaux pays producteurs, estiment que la part couplée de l'aide (40 %) sera insuffisante pour éviter les risques d'une diminution de la production et de la disparition de certains égreneurs.

Par exemple, l'Espagne fait valoir que le découplage à 60 % provoquerait un abandon des zones de culture, car l'investissement nécessaire dans le secteur pour rentabiliser l'activité est supérieur au montant du paiement unique. En réponse, la Commission européenne considère que l'aide couplée doit permettre une marge bénéficiaire de 300 à 350 euros par hectare pour le producteur de coton comparable à celle des productions alternatives, comme le blé dur.

En outre, l'Espagne et la Grèce insistent sur la nécessité de prévoir une période de transition adaptée pour faciliter une application sans heurts du nouveau régime d'aide.

¬ S'agissant de l'huile d'olive, le principe d'un découplage partiel n'est pas contesté, mais l'Espagne demande une certaine flexibilité du taux de l'aide découplée, qui pourrait prendre la forme d'une fourchette. Celle-ci permettrait aux Etats membres producteurs d'octroyer les aides en tenant compte des conditions nationales.

Par ailleurs, l'Espagne, l'Italie et le Portugal ont demandé que l'Etat membre dispose d'un maximum de souplesse dans la fixation des catégories et des critères pour l'attribution de l'aide à la surface de 40 %, qui sera gérée dans le cadre d'une enveloppe nationale. Ainsi, l'Espagne propose que parmi ces critères, celui de la « stabilité des revenus », en tant que critère social, soit pris en compte. L'Italie, quant à elle, soutient le critère de l'entretien du paysage.

D'autre part, l'Espagne estime que l'ensemble de l'aide à la surface et non pas seulement la moitié de celle-ci, comme le prévoit la Commission européenne, doit être gérée par les organisations professionnelles.

Avec le Portugal et l'Italie, elle considère en outre que la retenue pour le financement des activités de contrôle de la qualité menées par les producteurs doit être appliquée sur le montant total de l'aide, et non pas la seule partie couplée, afin de dégager davantage de crédits à cette fin.

La France, qui possède une oléiculture très extensive, souhaite évaluer la pertinence du seuil de 0,3 hectare de surface, qui détermine l'octroi d'une aide découplée à 100 %. S'il était appliqué, ce dernier concernerait 5 000 oléiculteurs français, soit plus du tiers des demandeurs d'aide, représentant 8 % de l'aide totale.

La France relève, en outre, que la proposition de la Commission européenne reste floue quant à la possibilité de verser la prime à des producteurs « non professionnels », alors que près de 80 % de ses oléiculteurs ne sont pas des exploitants agricoles. Il semble cependant qu'une solution juridique interne pourrait autoriser le versement à ces producteurs.

Enfin, s'agissant du houblon, l'Allemagne considère qu'une aide couplée s'élevant à 25 % au maximum du paiement total risque de s'avérer insuffisante. Elle propose le découplage de 60 % de l'aide seulement, avec une retenue de 20 % de la partie couplée pour financer les activités des groupements de producteurs.

Le rapporteur estime que le découplage total proposé pour ce secteur n'est pas en soi contestable, en raison de la part marginale qu'occupe l'aide de 480 euros par hectare dans le chiffre d'affaires des exploitations cultivant cette plante : en France, ce chiffre est de 7 600 euros par hectare. Toutefois, compte tenu de sa relation privilégiée avec l'Allemagne, il serait souhaitable que la France fasse preuve de compréhension à l'égard de la position de son voisin.

b) La prise en compte de l'évolution de la production

¬ La Commission européenne propose de réduire les superficies plantées de coton éligibles à l'aide à l'hectare, ce que contestent l'Espagne et la Grèce. D'après elles, cette mesure qui entraînerait une diminution de 11 % de la surface maximale pour la Grèce et de 5 % pour l'Espagne, risque de mettre en péril le maintien des exploitations et ne tient pas compte des efforts de réduction de surface importants consentis, au cours des dernières années, pour répondre aux exigences environnementales.

¬ En ce qui concerne l'huile d'olive, la Commission européenne propose de faire reposer la répartition du budget sur celle des quantités nationales garanties (QNG) appliquées pendant la période de référence 2000-2002.

Lors de la réforme de l'OCM intervenue en 1998, il a été convenu de renégocier les QNG en fonction de l'évolution de la production. Il s'agissait alors de répondre à une demande l'Espagne, dont la production des plantations d'oliveraies des années 1996-1998 n'avait pu être prise en compte, ces arbres n'étant pas encore « productifs ».

Aujourd'hui, l'Espagne conteste les chiffres de sa QNG retenus par la Commission européenne et défend la nécessité de choisir une période de référence représentative, qui indique l'ordre de grandeur réel de sa production.

De leur côté, la France et le Portugal demandent que les nouvelles plantations d'oliviers qui relèvent des programmes autorisés par la Commission européenne reçoivent les aides qu'elles sont en droit d'attendre. Pour la France, le programme approuvé en 1998 concerne 3 500 hectares éligibles à l'aide, qui depuis lors ont été plantés et vont donc commencer à produire.

Le Commissaire européen en charge de l'agriculture, M. Franz Fischler, a reconnu devant le rapporteur qu'il serait illogique que la Commission européenne refuse d'accéder à la demande de la France, s'agissant de plantations autorisées.

Toutefois, la question du financement de ces aides reste en suspens, pour un coût évalué à deux millions d'euros, à rapporter aux deux milliards dépensés pour l'OCM huile d'olive et aux 43 millions d'euros d'économies que devrait dégager la réforme proposée.

Une solution doit être trouvée, qui consiste à utiliser les crédits économisés et non pas, comme le propose la Commission européenne, à ponctionner les crédits de la réserve nationale : la France est fondée à refuser de mobiliser cette ressource, car la situation des planteurs autorisés à produire en 1998 ne correspond pas à celle des jeunes agriculteurs dépourvus de références historiques pour lesquels le mécanisme de la réserve a été institué(4).

c) L'équilibre entre les deux piliers

Dans le cadre de la réforme du secteur du coton, la Commission européenne propose d'utiliser les crédits restants, non affectés au financement de l'aide découplée et de l'aide à l'hectare, pour des actions de restructuration au titre du développement rural.

Elle prévoit de répartir les 102,9 millions d'euros concernés de la manière suivante : 82,68 millions pour la Grèce ; 20,13 millions pour l'Espagne et 0,12 million pour le Portugal.

L'Espagne et la Grèce contestent le transfert d'une enveloppe vers le deuxième pilier de la PAC, arguant du fait qu'il constituerait une seconde contribution des producteurs de coton, en plus de la modulation, au développement rural. Selon les deux Etats membres, cette mesure est d'autant moins justifiée qu'elle n'est pas prévue pour les autres secteurs faisant l'objet de la réforme.

Il convient de rappeler qu'aux termes de l'accord de Luxembourg, la modulation consiste à réduire les aides directes aux exploitations percevant plus de 5 000 euros d'aide par an pour financer de nouvelles actions de développement rural. Ce mécanisme s'appliquera à partir de 2005, avec un taux de 3 %, puis de 4 % en 2006 et 5 % en 2007. Sur les fonds ainsi dégagés, un point de pourcentage sera laissé à la disposition des Etats membres, les montants correspondants aux points de pourcentage restants étant répartis sur la base de critères relatifs aux surfaces agricoles, à l'emploi agricole et au PIB par habitant. Le produit de cette modulation doit notamment servir à financer l'adaptation des agriculteurs aux normes sanitaires et environnementales.

Le rapporteur souhaite insister ici, comme il l'a déjà fait à l'occasion de son travail sur la réforme de juin 2003, sur la difficulté à laquelle se heurte le renforcement du deuxième pilier de la PAC, tant que ce dernier recouvre des mesures disparates(5). En effet, la montée en puissance d'un développement rural aux contours imprécis se fait au détriment des politiques d'orientation des marchés. Aussi, le « grignotage » de la politique agricole par une politique rurale mal définie ne peut-il satisfaire ceux qui souhaitent préserver une PAC forte, qui fait de la régulation des prix et des productions un outil central de l'aménagement du territoire.

3) Le problème du coton africain à l'OMC

La réforme du secteur du coton ne peut être dissociée des discussions actuellement consacrées à « l'affaire du coton » au sein de l'OMC.

Ce dossier a été inscrit à l'ordre du jour de la Conférence ministérielle de Cancún sous l'impulsion des pays producteurs d'Afrique de l'Ouest, le Bénin, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad, injustement concurrencés sur le marché mondial par les aides des Etats-Unis.

En effet, le coton africain, malgré un coût de production d'environ 0,5 dollar la livre de coton, ne peut être compétitif face à celui produit aux Etats-Unis, car ce dernier est vendu, en dépit d'un coût de production estimé à 0,7 dollar la livre, à 0,4 dollar la livre, grâce aux subventions massives versées aux producteurs américains (4 milliards de dollars pendant la campagne 2000/2001). Le Brésil, par solidarité avec ces pays, a déposé une plainte à l'OMC, en septembre 2002, contre les subventions américaines au coton.

A Cancún, les Etats africains ont demandé l'établissement d'un mécanisme de réduction progressive du soutien des pays développés à la production et à l'exportation de coton, en vue de son élimination complète, et de compensation financière des pertes de revenu provoquées par ce soutien. Les Etats-Unis, pour des raisons de politique intérieure, ont refusé de faire un geste dans cette direction, ce qui a précipité l'échec de la Conférence.

L'Union européenne a soutenu la demande des pays africains, tout en faisant valoir qu'elle ne verse aucune subvention à l'exportation pour sa production de coton et que celle-ci ne représente que 2,5 % de la production mondiale, ce qui limite fortement l'impact de sa politique de soutien sur le commerce international.

Cette position doit être maintenue : il est indispensable que l'Europe continue d'appuyer une initiative coton forte à l'OMC, mais à la condition expresse que sa politique agricole ne paie pas pour une autre, celle des Etats-Unis, dont les effets catastrophiques sont démontrés.

Aussi, l'Union européenne doit-elle défendre, dans la ligne du discours prononcé le 24 octobre 2003 par le Président de la République au Mali, une action volontariste en faveur du secteur cotonnier en Afrique.

Elle doit tout d'abord rappeler l'engagement, historique, qu'elle a pris en faveur des pays les moins avancés, avec la suppression, en février 2001, des droits de douane à l'importation du coton et des textiles africains, ainsi que sa volonté de faire aboutir la réforme de l'OCM coton dans un sens qui réduise les distorsions sur le marché.

Forte de la cohérence de sa position, l'Europe doit soutenir à l'OMC la démarche engagée par les quatre pays d'Afrique de l'Ouest et adopter, par ailleurs, une action structurelle en faveur de la filière cotonnière de ces pays. Celle-ci pourrait encourager la réalisation de politiques agricoles nationales et régionales, renforcer l'organisation des producteurs, lancer un programme de recherche axé sur la qualité et la compétitivité du coton africain et développer les mesures permettant de lutter contre les effets de la volatilité des cours (appui aux fonds nationaux de protection contre les variations des prix, création d'un fonds régional d'assurance privé garantissant un revenu minimum et poursuite des allègements additionnels de dette en faveur des pays très pauvres et très endettés).

C. Le tabac : la santé publique constitue une priorité ; l'aide doit être partiellement découplée et accompagner l'adaptation du secteur

1) Une cohérence à trouver entre protection de la santé publique et pérennité de la politique agricole

A l'occasion du Conseil européen de Göteborg de juin 2001, la Commission européenne a présenté une communication sur le développement durable, faisant référence au secteur du tabac et demandant aux Etats membres d'adapter l'OCM, en vue du retrait (phasing out) des soutiens aux producteurs, et de développer des sources alternatives de revenu.

Le Conseil européen s'est abstenu d'adopter des conclusions précises sur le tabac, mais son engagement en faveur de la cohérence des politiques communes a été interprété, par la Commission européenne, comme indiquant que la protection de la santé publique devait primer sur le maintien d'une aide à la tabaculture.

Les effets nocifs du tabac sur la santé sont connus : selon la Commission française d'orientation sur le tabac, chaque année, 40 000 décès sont attribuables à des cancers liés au tabac. C'est la raison pour laquelle la France, sous l'impulsion du Président de la République, a fait de la lutte contre le tabac un axe majeur de son plan cancer, lancé le 24 mars 2003.

Dans cette perspective, le Gouvernement, poursuivant l'action commencée lors de la précédente législature, a décidé d'augmenter, par le biais de la hausse de la fiscalité, le prix des cigarettes, afin d'en diminuer de la consommation, notamment chez les jeunes. A la suite des hausses de prix successives en 2003 et 2004 (+8 à 16 % en janvier 2003, +18 à 20 % en octobre 2003 et +5 à 10 % en janvier 2004), les ventes de cigarettes ont baissé, en 2003, de 13,5 %. Selon une étude de l'Institut de prévention et d'éducation de la santé publiée en février 2004, la France compterait aujourd'hui 1,8 million de fumeurs de moins qu'en 1999.

Le rapporteur soutient cette action déterminée des pouvoirs publics en faveur de la santé, qui est une priorité partagée par les autres pays européens.

Mais l'émergence de cette priorité commune ne peut autoriser la Commission européenne, en dehors de tout mandat explicite donné par les chefs d'Etat et de gouvernement, à sortir du cadre de la politique agricole pour proposer un bouleversement de l'OCM tabac tel qu'il aurait pour effet de conduire à l'abandon quasi total de la production en Europe, avec des conséquences très négatives sur l'aménagement du territoire et l'emploi.

2) Une proposition de découplage total impliquant le quasi-arrêt de la production et d'importantes pertes d'emplois

La proposition de la Commission européenne prévoit, dans le cadre du maintien de l'enveloppe budgétaire actuelle (970 millions d'euros), un découplage total de l'aide au tabac actuelle et le transfert d'une partie du soutien vers le second pilier au bénéfice des zones tabacoles.

Elle ne respecte pas la logique de la réforme de Luxembourg, qui a consacré le découplage partiel, et rompt d'ailleurs l'équilibre global de son projet de texte, en réservant au tabac un traitement qui se démarque de celui appliqué à l'huile d'olive et au coton.

Le découplage intégral serait introduit en trois étapes, selon des tranches de production, mais les premières affectées par cette évolution concernent les petits producteurs, dont la dépendance à l'aide est la plus forte, et sur lesquels repose la viabilité de la filière.

Les modalités d'introduction du découplage sont les suivantes :

- de 0 à 3,5 tonnes : découplage total et transfert intégral dans le paiement unique dès la première étape ;

- de 3,5 à 10 tonnes : découplage total, transfert partiel (4/5) dans le paiement unique et abondement de l'enveloppe de restructuration (1/5) dès la première étape ;

- au-delà de 10 tonnes : découplage partiel, transfert dans le paiement unique (1/6 dès la première étape, 1/3 à compter de la deuxième étape), abondement de l'enveloppe de restructuration (1/6 dès la première étape, 1/3 à compter de la deuxième étape) et maintien d'une prime couplée pendant les deux premières étapes (2/3, puis 1/3).

Lorsque la troisième étape sera réalisée, plus de 70 % de la prime actuelle seront transférés dans le régime de paiement unique et au moins 20 % dans l'enveloppe de restructuration gérée dans le cadre du développement rural.

Cette proposition est critiquable sur trois points.

Premièrement, elle est source de complexités : la mise en œuvre, par étapes, du nouveau régime alourdit la gestion administrative de l'aide, en laissant coexister, durant trois années, deux dispositifs d'aide. Elle retarde en outre la restructuration du secteur, un objectif pourtant recherché par la Commission européenne.

Deuxièmement, elle institue un traitement différencié des producteurs, qui n'a aucune justification économique. De fait, la proposition de la Commission européenne s'appuie sur les caractéristiques de la tabaculture en Italie et en Grèce, en ignorant les spécificités d'un petit Etat membre producteur comme la France, où la plupart des tabaculteurs produisent moins de dix tonnes, dans le cadre de très petites unités, et recourent plus souvent à l'emploi salarié qu'à l'emploi familial.

Troisièmement, l'application de la proposition entraînerait la quasi-disparition de la tabaculture européenne, comme le reconnaît l'étude d'impact de la Commission, à l'exception des tabacs orientaux produits en Grèce, très appréciés sur le marché mondial, en raison de leurs caractéristiques aromatiques exceptionnelles.

Pour les autres tabaculteurs, le découplage remettra en cause la rentabilité économique des exploitations, qui ne peuvent que difficilement survivre sans une marge suffisante permettant de couvrir les coûts de production, en particulier celui de la main d'œuvre.

Selon les données fournies par la Fédération Nationale des Producteurs de Tabac, le découplage total proposé pour les tabaculteurs ayant produit moins de 3,5 tonnes concernerait 52 % des producteurs français, qui seraient alors contraints de cesser leur activité. Deux régions seraient affectées : l'Aquitaine pour 41 % et la région Midi Pyrénées pour 27 %. Les groupements de producteurs et les caisses d'assurances mutuelles enregistreraient une réduction des cotisations de 19 %. La seconde tranche du dispositif proposé, qui prévoit un découplage total pour les producteurs ayant produit entre 3,5 et moins de 10 tonnes, avec l'intégration dans le paiement unique de 80 % du montant de référence, concernerait 34 % des tabaculteurs français. Un quart d'entre eux seulement continueraient la culture de tabac, ce qui conduirait à une baisse de la production de l'ordre 6 750 tonnes.

Ces deux effets cumulés réduiraient la production totale de 11 380 tonnes, avec un impact sur l'usine de transformation de Sarlat, dont le seuil de rentabilité est estimé à 17 000 tonnes de tabac traité.

Au total, sans prendre en compte les 4 500 emplois agricoles, l'arrêt de la culture de tabac en France induit la perte de près de 10 000 emplois.

Selon l'analyse établie par le ministère de l'agriculture, la proposition de la Commission européenne conduirait à la disparition des producteurs produisant moins de dix tonnes dès la première phase. Ces producteurs représentant 80 % de la production tabacole française, la filière, c'est-à-dire les neuf coopératives, l'usine de transformation et le régime d'assurance, s'effondrerait.

La méthode retenue par la Commission européenne explique les conséquences prévisibles de la réforme : ce sont celles-ci qui expliquent celle-là, autrement dit, le but poursuivi, l'arrêt de la production de tabac en Europe, justifie, les moyens employés, c'est-à-dire un découplage qui déroge au droit commun de la PAC réformée.

Or, ce résultat n'est pas défendable au regard des buts fondamentaux de la PAC : si cette dernière doit prendre en compte les impératifs de santé publique, elle ne peut se fixer comme objectif la disparition de tout un secteur, alors qu'elle cherche à promouvoir la durabilité des productions agricoles.

En outre, l'impact de la disparition de la production européenne sur la consommation de tabac risque de se limiter à une seule conséquence, à savoir que l'Europe importera 100 % de sa consommation, au lieu de 70 % actuellement. L'effet de cette évolution sur la diminution des risques liés au tabac est donc plus qu'incertain. Ainsi, l'Europe aura sacrifié sa production au bénéfice de celle de pays cultivant un tabac à plus forte teneur en alcaloïdes et faisant parfois travailler une main d'œuvre dans des conditions sociales déplorables.

De même, les efforts de recherche, soutenus par le fonds communautaire institué à cet effet et qui disparaît dans la proposition de la Commission européenne, seront abandonnés, au détriment une fois encore du consommateur et de la santé publique.

3) La solution alternative à défendre : un découplage raisonné qui facilite la restructuration

L'approche retenue par la Commission européenne ne donne pas à la majorité des producteurs de tabac de choix autre que celui d'arrêter leur activité.

Certes, l'aide découplée leur est conservée et ils disposent, en théorie du moins, de la possibilité de l'utiliser pour d'autres productions. Mais, dans les faits, compte tenu des conditions climatiques et agronomiques des régions de production, comme les Abruzzes, la Campanie et les Pouilles en Italie ou l'Andalousie en Espagne, les cultures de substitution sont difficilement envisageables.

De plus, ces régions sont souvent confrontées à une forte dépopulation et à des taux de chômage élevés, qui rendent difficile une reconversion économiquement viable à des producteurs peu ou pas formés à des activités hors tabac.

Enfin, la reconversion vers d'autres cultures augmenterait la production dans des domaines qui peuvent être excédentaires ou sous quotas. En effet, le recours à d'autres solutions comme les fruits et légumes ou l'élevage hors sol par exemple, risque d'entraîner un engorgement sur des marchés déjà saturés.

Il est vrai que les producteurs peuvent être également tentés de percevoir la prime et se contenter d'entretenir la terre, sans produire. Mais quelle pourrait être alors la légitimité, aux yeux de l'opinion publique, d'une aide pouvant atteindre 8 000 euros à l'hectare, qui serait versée à des agriculteurs ne produisant plus ? Un tel scénario n'est pas défendable sur un plan politique et social.

La solution la plus cohérente consiste à faire évoluer le régime d'aide dans un sens qui soit conforme aux principes de la PAC réformée : le découplage doit être partiel, afin que les tabaculteurs conservent un intérêt à produire et disposent du choix de poursuivre, de diminuer ou de cesser leur production, sans être condamnés par avance.

Dans un courrier adressé le 17 novembre 2003 au Commissaire européen à l'agriculture, M. Franz Fischler, les ministres de l'agriculture de l'Espagne, de la France, de la Grèce, de l'Italie et du Portugal, ont préconisé une telle approche.

Sur la base de cette orientation, le rapporteur propose de fixer à un tiers de la prime actuelle le montant de l'aide découplée et à deux tiers de la prime le montant de l'enveloppe de restructuration et de reconversion.

Ce couplage de l'aide à hauteur de 70 % est moins important que celui envisagé par le rapporteur du Parlement européen, M. Sergio Berlato, qui préconise une aide couplée à hauteur de 85 %, mais ce chiffre a très peu de chance de recueillir une majorité qualifiée au sein du Conseil des ministres, en raison de l'hostilité déclarée des Etats membres du Nord de l'Union européenne à l'OCM tabac.

La gestion et la mise en œuvre de l'enveloppe de restructuration doit être confiée aux Etats membres, dans le cadre du premier pilier de la PAC, conformément au principe de subsidiarité, afin que des dispositifs utilisés à l'échelon national permettent d'éviter toute rupture dans la production pouvant entraîner des perturbations sur le plan territorial et environnemental : chaque Etat membre doit pouvoir adapter son enveloppe aux spécificités des zones de production, aux caractéristiques d'organisation de la filière, ainsi qu'au poids de l'emploi salarié.

Cette enveloppe doit permettre de recoupler les aides en fonction de critères de qualité, de traçabilité et de respect des normes environnementales et de mener des actions de restructuration, pouvant être appuyées par des investissements spécifiques, et de reconversion pour certaines catégories de planteurs.

Enfin, le budget destiné aux actions d'information et de lutte contre le tabagisme, qui n'est plus assuré après 2007 dans la proposition de la Commission européenne, doit être pérennisé : la retenue de 3 % sur le budget global du secteur doit devenir définitive.

CONCLUSION

L'enjeu de la proposition de règlement soumise à l'examen de la Délégation est double.

En premier lieu, ce texte constitue l'occasion de mettre en œuvre les principes de l'accord de Luxembourg de juin 2003. Si la PAC a profondément évolué à cette occasion, elle n'a pas pour autant complètement renoncé, grâce à la position très ferme des autorités françaises, à sa mission fondamentale de régulation de la production et des marchés agricoles, ce qui s'est traduit par l'abandon d'une approche dogmatique du découplage. Ce pragmatisme doit influencer les discussions en cours visant à réformer les OCM coton, huile d'olive, tabac et houblon.

En second lieu, il est d'autant plus important de maîtriser la réforme en cours que la moindre avancée en faveur du découplage total sera perçue par les négociateurs à l'OMC comme un encouragement à faire davantage pression sur les aides européennes encore autorisées par les règles multilatérales.

Aussi, cette nouvelle étape dans l'histoire de la PAC ne peut-elle être considérée comme une réforme mineure : à l'heure où la France fait ses choix concernant les modalités concrètes d'application de l'accord de Luxembourg, les responsables publics ont l'obligation de maintenir un cap clair pour les agriculteurs.

*

* *

Lors de sa réunion du mercredi 11 février 2004, la Délégation, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, a adopté les conclusions dont le texte figure ci-après et autorisé la publication du présent rapport d'information.{texte de la conclusion...}

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA DELEGATION

La Délégation,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1782/2003 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune de marché dans le secteur de l'huile d'olive et des olives de table et modifiant le règlement (CEE) n° 827/68 (COM [2003] 698 final / E 2457).

1. Demande que la poursuite de la réforme de la politique agricole commune (PAC) respecte le cadre fixé par l'accord du 26 juin 2003, qui a fait prévaloir le maintien d'un lien entre les aides directes et la production ;

2. Juge que si les orientations proposées pour l'huile d'olive, le coton et le houblon sont globalement conformes à ce cadre, le niveau de découplage retenu pour ces trois productions doit correspondre à celui de la marge nécessaire au maintien de la rentabilité économique des exploitations ;

3. Refuse le découplage total proposé pour le tabac, qui constituerait un dangereux précédent, pouvant être utilisé contre l'Union européenne dans le cadre des négociations commerciales multilatérales, et entraînerait la disparition de la quasi totalité de la production en France, avec des conséquences importantes sur l'emploi, l'activité économique et l'aménagement du territoire ;



4. Demande, afin de laisser aux producteurs le choix de poursuivre ou non leur activité, le transfert du tiers de la prime pour le tabac vers le régime de paiement unique et des deux-tiers restants vers une enveloppe de restructuration et de reconversion dont la gestion serait confiée aux Etats membres.

ANNEXE :
Liste des personnes entendues par le rapporteur

I. A PARIS

- M. Sylvain LAMBERT, conseiller technique du ministre de l'agriculture ;

- M. Blaise MISTLER, attaché parlementaire du ministre de l'agriculture ;

- M. François de la GUERONNIERE, chef du service des relations internationales du ministère de l'agriculture ;

- M. Jean-Paul BASTIAN, vice-président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles ;

- M. Jean SALMON, vice-président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture ;

- M. René LAVY, secrétaire général, et M. François VEDEL, directeur, de la Fédération nationale des producteurs de tabac.

II. A STRASBOURG

- M. Joseph DAUL, président de la commission de l'agriculture et du développement rural du Parlement européen.

II. A BRUXELLES

- M. Franz FISCHLER, commissaire européen chargé de l'agriculture ;

- M. Alexander TILGENKAMP, directeur général adjoint de la direction générale de l'agriculture de la Commission européenne ;

- M. Jean-Marc BOURNIGAL, conseiller agricole de la Représentation permanente de la France auprès des institutions de l'Union européenne.

Annexe-1

1 () Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1782/2003 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et proposition de règlement du Conseil portant organisation commune de marché dans le secteur de l'huile d'olive et des olives de table et modifiant le règlement (CEE) n° 827/68 (document E 2457).

2 () Les régions de l'objectif 1 de la politique régionale se voient attribuées les deux tiers des crédits des fonds structurels en raison d'un PIB par habitant inférieur à 75 % de la moyenne communautaire.

3 () Le ministère de l'agriculture, après une concertation avec les organismes professionnels, doit annoncer prochainement les mesures qu'il compte prendre pour appliquer le découplage partiel des aides en France. Tous les Etats membres prévoient d'appliquer le nouveau système de soutien à partir du 1er janvier 2005 plutôt qu'au 1er janvier 2007, l'accord de juin 2003 laissant aux Etats membres la possibilité de choisir entre les deux dates.

4 () Prévue par le règlement n° 1783/2003, la réserve nationale permet à chaque Etat membre de prélever des crédits allant jusqu'à 3 % du montant des aides directes qu'ils versent à leurs exploitants. Elle vise à faciliter l'installation des jeunes agriculteurs qui, ne pouvant justifier de références historiques de production, ne bénéficient pas du droit à la prime.

5 () Le développement rural contribue au financement de la préretraite, des mesures agro-environnementales, du boisement, du régime concernant les zones défavorisées et des mesures de diversification et de modernisation des exploitations. Il recouvre aussi, depuis la réforme de juin 2003, l'adaptation aux normes environnementales, de santé, de bien-être des animaux, ainsi que le soutien aux méthodes de production respectueuses de l'environnement et du bien-être des animaux et visant à améliorer la qualité des produits.

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