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N° 1672

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 juin 2004

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur les réformes de l'assurance maladie en Europe,

ET PRÉSENTÉ

par M. Edouard LANDRAIN,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. François Guillaume, Jean-Claude Lefort, secrétaires ; MM. Alfred Almont, François Calvet, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 9

I. LES SYSTEMES NATIONAUX DE SANTE : DECENTRALISER ET METTRE EN CONCURRENCE 15

A. Le Royaume-Uni : une décentralisation contractualisée, focalisée sur l'amélioration de l'accès aux soins 15

1) Une large décentralisation 15

2) Une mise en concurrence accrue 17

3) Des moyens de contrôle multiples 19

B. La réforme finlandaise : décentralisation, responsabilisation, informatisation 22

1) La décentralisation, axe prioritaire de réforme du système finlandais 22

2) Une deuxième vague de réformes pragmatiques, marquée notamment par la responsabilisation des malades et le développement du secteur privé 25

3) Des résultats globalement positifs 27

C. Un système suédois plus décentralisé et mieux contrôlé 28

1) Une vaste décentralisation 28

2) Des dispositifs d'évaluation étendus 29

3) Des mesures globalement appréciées 30

D. Le Danemark : une gestion modernisée favorisant la mise en concurrence 31

1) Un régime décentralisé étendant la liberté de l'offre et de la demande 31

2) Améliorer la gestion 31

3) Un effort d'évaluation et de mise en concurrence 32

4) Un bilan satisfaisant 33

E. L'Irlande : un régime mixte cherchant à concilier efficacité économique et qualité sanitaire 34

1) Un service national de santé recourant au secteur privé 34

2) Des réformes recherchant l'efficacité de gestion et la qualité 34

II. LES REGIMES LIBERAUX : MIEUX REGULER L'ACCES AUX SOINS 37

A. Les Etats-Unis : un régime fondé sur le marché, mais tendant à étendre sa protection sociale en faveur de certaines populations fragiles 37

1) Un régime libéral 37

2) Une extension de la couverture sociale en faveur des personnes âgées 39

3) Des risques persistants 42

B. La Suisse : accroître la concurrence, sans renoncer à la solidarité 43

1) Un régime cherchant à allier liberté et solidarité, mais confronté à un problème de coût 43

2) Des mesures tendant à faire davantage jouer la concurrence, à mieux responsabiliser les assurés et à alléger les charges de certaines catégories de revenus moyens 44

C. Le Japon : des augmentations successives de tickets modérateurs 46

III. LES MODELES D'ASSURANCE DE TYPE BISMARCKIEN : ACCROITRE LA RESPONSABILITE DES ASSURES, LA CONCURRENCE ET L'EFFICACITÉ DE GESTION 49

A. La réforme allemande : augmenter la contribution des assurés et rationaliser les dépenses 49

1) Une augmentation générale de la contribution des malades 50

2) Une diminution globale des prestations 51

3) Une amélioration du fonctionnement du système de santé 52

4) Des voies d'économies substantielles, mais un système dont l'efficacité est encore jugée insuffisante 53

B. Les Pays-Bas : un système de plus en plus libéral 56

1) Un régime d'assurance sociale semi-privé, confronté à une dérive des dépenses et à des problèmes de capacité 56

2) Des réformes axées sur la maîtrise des dépenses et la libéralisation du système 58

3) Un accord politique global 60

C. Un système autrichien décentralisé, soucieux de maîtriser les dépenses 61

1) Un régime universel décentralisé, principalement financé par les cotisations 61

2) De multiples mesures d'économie 62

D. La plupart des nouveaux Etats membres d'Europe centrale : des réformes courageuses, favorisant la responsabilité individuelle et les mécanismes de marché 63

1) Une première vague de réformes partielles n'ayant pu juguler les dérives des systèmes étatisés 63

2) Un nouveau mouvement de réformes tend à s'engager, axé sur la responsabilisation des acteurs et la mise en concurrence 66

IV. LES SYSTEMES MIXTES D'EUROPE DU SUD : DECENTRALISATION, RESPONSABI-LISATION, LIBERALISATION 69

A. L'Italie : entre régionalisation et responsabilisation 69

1) Régionaliser 69

2) Responsabiliser 70

3) Des résultats mitigés 72

B. L'Espagne : une gestion décentralisée où le secteur privé occupe une place importante 73

1) Une gestion décentralisée 74

2) Un secteur privé important 75

3) Des difficultés de financement appelant des mesures complémentaires 75

C. Le Portugal : un partenariat public/privé axé sur l'amélioration de la qualité et de la gestion 76

1) Un système mixte présentant des insuffisances 76

2) Des objectifs de réforme ambitieux 77

3) Des mesures diversifiées, focalisées sur l'amélioration de la qualité et de la gestion 78

4) Une évaluation encore incertaine, eu égard au caractère récent des mesures 80

D. Un régime grec pluriel, dont la gestion a été améliorée 81

1) Un dispositif offrant une large part au secteur privé 81

2) De meilleures conditions de gestion et de concurrence 82

3) Vers une rationalisation du système 83

V. LA FRANCE : UN REGIME DE TYPE BISMARCKIEN OFFRANT UNE BONNE PROTECTION SOCIALE, MAIS DONT LE SURCOÛT ET LES LACUNES APPELLENT DE PROFONDES ADAPTATIONS 85

A. Un système offrant une bonne couverture sociale, mais d'un coût élevé et handicapé par plusieurs faiblesses 85

1) Une couverture sociale large et des indicateurs de santé positifs 85

2) Un coût élevé 87

3) Plusieurs handicaps structurels 91

B. Un nécessaire aggiornamento, qui gagnerait à s'inspirer des enseignements étrangers 96

CONCLUSION 101

TRAVAUX DE LA DELEGATION 103

ANNEXES 107

Annexe 1 : Liste des personnes rencontrées ou contactées par le rapporteur 109

Annexe 2 : Tableau comparatif de synthèse 115

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La réforme de l'assurance maladie, pilier de notre protection sociale en même temps que composante du modèle social européen, a suscité, suscite et suscitera encore sans doute bien des débats. Mais une chose aujourd'hui est certaine et admise par tous
- professionnels, responsables politiques et experts : cette réforme est impérative et urgente. C'est ce qui ressort notamment du rapport établi par le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, composé de représentants de toutes origines professionnelles et de toutes sensibilités politiques : députés, sénateurs, représentants de l'Etat, des assurés sociaux, des employeurs, des régimes d'assurance maladie, des professions de santé, des établissements de soins, ainsi que des organismes de recherche.

De fait, si notre couverture sociale dans le domaine de la santé est l'une des plus protectrices du monde - les études de l'Organisation mondiale de la santé en témoignent -, notre régime d'assurance maladie est aussi marqué par une lourdeur, une complexité et un coût excessifs. Cette situation conduit à une double impasse. Impasse financière, d'abord, puisque le déficit de la branche maladie s'élèvera à 13 milliards d'euros cette année et devrait s'alourdir, selon les prévisions, d'environ 3 milliards par an - pour atteindre, si rien n'est fait, près de 30 milliards en 2010 et 66 milliards en 2020 (et ce, sans compter les charges de la dette). Impasse sanitaire et sociale, ensuite, car le régime actuel ne peut permettre, en l'état, de maintenir une offre de soins de qualité élevée pour tous.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a fait de cette réforme l'une de ses premières priorités. Le Président de la République a d'ailleurs déclaré le 6 janvier dernier, dans son discours de vœux aux « forces vives » de la Nation, que « l'indispensable adaptation de notre système de santé et d'assurance maladie devra être achevée d'ici l'été ». A cet effet, le Gouvernement devrait, à la suite des travaux du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie et du vaste processus de consultation mené sur le sujet, soumettre à l'Assemblée nationale un projet de loi dans les prochains jours, pour permettre son adoption d'ici la fin de juillet 2004.

Ce processus de consultation, relayé à l'Assemblée par la mission d'information sur la problématique de l'assurance maladie présidée par M. Jean-Louis Debré, s'inscrit à la fois dans un souci de dialogue - les grandes réformes ne réussissent en général que si elles sont partagées - mais aussi un besoin d'explication. Les études d'opinion montrent à cet égard que les Français ne sont pas toujours bien informés - loin s'en faut - de la situation. Ainsi, par exemple, un Français sur deux serait incapable de se prononcer sur les dépenses qu'il engage en moyenne chaque année. Un substantiel effort d'information est donc nécessaire.

C'est dans cet esprit que la Délégation pour l'Union européenne a souhaité savoir et faire connaître la façon dont les autres pays de l'Union - et, au-delà, certains pays industrialisés(1) - ont eux-mêmes relevé les défis de l'assurance maladie. Des défis, dont la plupart sont, faut-il le rappeler, communs à tous : la maîtrise des dépenses de santé, dont la croissance est liée notamment au vieillissement de la population et au coût de certains traitements ou appareils innovants ; et le souhait des citoyens de se voir garantir un bon accès aux soins et des prestations de qualité.

La Délégation estime en effet que sur certains grands débats de société, la comparaison internationale est salutaire. Elle l'a montré récemment, s'agissant notamment du service minimum dans les services publics et de l'aménagement du temps de travail en Europe(2). L'observation des autres systèmes est en effet utile à au moins deux égards. D'abord, pour mieux apprécier nos forces et nos faiblesses ; mais aussi et surtout, pour identifier, au travers des expériences étrangères, les bons et les mauvais remèdes. Sachant, bien sûr, que ces mesures doivent toujours être appréciées en fonction des particularités de chaque système national et des caractéristiques culturelles, sociales, politiques ou médicales de chaque Etat. L'entreprise est d'autant plus justifiée en l'occurrence que peu d'études exhaustives actualisées existent en la matière.

Cet effort de comparaison va d'ailleurs dans le sens de la politique communautaire et de la construction européenne. Rappelons que, au titre de l'article 137, point 2, du traité instituant la Communauté européenne, le Conseil peut - ce qu'il fait en pratique - adopter, en vue notamment d'assurer « une protection sociale adéquate », des mesures destinées à « encourager la coopération entre les Etats membres par le biais d'initiatives visant à améliorer les connaissances, à développer les échanges d'information et de meilleures pratiques, à promouvoir des approches novatrices et à évaluer les expériences ». Et ce, « à l'exclusion de toute harmonisation de dispositions législatives et réglementaires des Etats membres ».

Par ailleurs, la Communauté soutient et complète l'action des Etats membres dans plusieurs domaines - dont la sécurité sociale et la protection sociale des travailleurs - par le biais de « prescriptions minimales applicables progressivement ». Ces mesures ne portent néanmoins pas atteinte à « la faculté reconnue aux Etats membres de définir les principes fondamentaux de leur système de sécurité sociale et ne doivent pas en affecter sensiblement l'équilibre financier ».

Parallèlement, le traité prévoit que le Conseil adopte, dans le domaine de la sécurité sociale, des mesures nécessaires à la libre circulation des travailleurs, en instituant notamment un système permettant de garantir aux travailleurs migrants et à leurs ayants-droit la totalisation - pour l'ouverture et le maintien du droit aux prestations, de même que le calcul de celles-ci - de toute période prise en considération par les législations nationales des Etats membres, ainsi que le paiement des prestations aux personnes résidant sur le territoire de ceux-ci.

Enfin, en vertu de l'article 152 du traité, « un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de la Communauté ». Il est stipulé que l'action de la Communauté, qui complète les politiques nationales, porte principalement sur l'« amélioration de la santé publique et la prévention des maladies ». Cette action, illustrée notamment par les programmes communautaires de santé publique, influe naturellement sur les politiques de santé des Etats membres et leur régime d'assurance maladie.

La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui devrait être insérée dans la future Constitution européenne, prévoit en outre que « toute personne a le droit d'accéder à la prévention en matière de santé et de bénéficier de soins médicaux dans les conditions établies par les législations et pratiques nationales. Un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de l'Union » (article II-35).

C'est dire combien le droit à l'assurance maladie fait partie intégrante de l'acquis et de l'action communautaires. Il l'est d'autant plus que son financement est tributaire à la fois des contraintes fixées par le pacte de stabilité et de la coordination des politiques économiques et sociales au sein de l'Union.

Aussi, constatant que la protection sociale représente un élément essentiel du modèle européen - d'autant que la qualité des soins dispensée en Europe a peu d'équivalent sur la planète -, la Commission européenne a-t-elle proposé dans une communication récente du 20 avril dernier(3), de favoriser « la définition d'un cadre commun permettant de soutenir les efforts nationaux de réforme et le développement des soins de santé ainsi que des soins de longue durée, pris en charge par la protection sociale, grâce à l'application de la « méthode ouverte de coordination » ». Cette démarche rejoint d'ailleurs le souhait exprimé par le Parlement européen en la matière.

Cette communication propose trois objectifs communs pour le développement et la modernisation de l'offre et du financement des soins : assurer un accès à des soins de qualité, fondé sur les principes d'universalité, d'équité et de solidarité ; promouvoir la qualité des soins ; garantir la viabilité financière des systèmes de santé publique. Elle propose de créer un « comité de coopération en matière de services de santé et de soins médicaux », qui serait l'instance opérationnelle de mise en œuvre du dispositif.

Elle préconise, dans le cadre de la « méthode ouverte de coordination », la fixation d'objectifs communs dès 2004, suivie de rapports d'évaluation par les Etats membres, puis, en 2006, d'une première série de « stratégies de développement et de réforme » des soins de santé de longue durée, couvrant la période 2006-2009.

En outre, les ministres des finances des Vingt-cinq, réunis le 11 mai dernier à Bruxelles, se sont inquiétés du poids excessif entraîné par les dépenses de santé sur les finances publiques. Selon Eurostat, la part des dépenses de santé dans le total des dépenses des Quinze serait passée de 10,8 % en 1995 à 13,6 % en 2001. Les Vingt-cinq en ont conclu que si ce phénomène « n'est pas géré de manière appropriée, il pourrait affecter négativement l'équilibre des finances publiques ».

Ce double contexte - national et européen - a conduit le rapporteur à proposer un exposé aussi complet - tout en restant synthétique - et neutre que possible. A cet effet, le rapporteur a interrogé, par le biais d'un questionnaire, l'ensemble des postes diplomatiques et des missions économiques des Etats membres et de quelques autres pays industrialisés (Etats-Unis, Canada, Japon, Suisse, Australie)(4). Il s'est, en outre, rendu à Bruxelles, auprès des services de la Commission européenne, ainsi qu'en Allemagne, aux Pays-Bas, en Finlande et en Italie. Il a par ailleurs entendu plusieurs experts français, notamment dans le cadre de la mission d'information sur la problématique de l'assurance maladie, à laquelle il a participé.

Il ressort de ce travail que, si les défis de l'assurance maladie sont généralement communs à tous les pays (vieillissement de la population, maîtrise des dépenses, qualité et accès aux soins), les réformes de l'assurance maladie - définie comme tout régime de sécurité sociale de soins(5) garanti par des institutions publiques (Etat, caisses publiques, collectivités locales, ou autres organismes publics) - ne peuvent être comprises qu'en fonction des caractéristiques propres à chaque système de soins. Dès lors, cinq orientations principales se dessinent :

- les systèmes publics nationaux de santé, financés par l'impôt et incarnés par des pays comme le Royaume-Uni, la Suède ou la Finlande, tendent à être décentralisés et mis en concurrence ;

- les régimes libéraux, illustrés par les Etats-Unis ou la Suisse, témoignent d'une volonté de mieux réguler l'accès aux soins ;

- les modèles d'assurance de type bismarckien, reposant sur les cotisations sociales, que l'on trouve en Allemagne, aux Pays-Bas, en Autriche ou dans la plupart des pays d'Europe centrale, font une place croissante à la responsabilité financière des assurés, à la concurrence et à l'efficacité de gestion ;

- les systèmes mixtes d'Europe du Sud (Italie, Espagne, Portugal, Grèce) sont marqués par une volonté de décentralisation, de responsabilisation et de libéralisation ;

- dans ce contexte, la France - qui s'apparente à un régime de type bismarckien - se caractérise par une bonne couverture sociale, mais aussi par un surcoût et des lacunes, qui appellent de profondes adaptations.

I. LES SYSTEMES NATIONAUX DE SANTE : DECENTRALISER ET METTRE EN CONCURRENCE

Les systèmes nationaux de santé, inspirés du modèle dit « beveridgien », du nom de Lord Beveridge, père fondateur du système britannique, sont généralement gérés par l'Etat et financés par l'impôt. Reposant sur les principes d'universalité et d'égalité, ils se caractérisent le plus souvent par un accès gratuit aux services de soins pour les résidents, des hôpitaux publics et des professionnels de santé pour la plupart fonctionnaires salariés.

Ce modèle est principalement incarné aujourd'hui, outre le Royaume-Uni, par les pays scandinaves (Suède, Finlande, Danemark) et l'Irlande. Mais, contrairement au régime britannique, les systèmes de santé des pays scandinaves sont traditionnellement plus décentralisés : le fonctionnement et le financement des services de soins y sont régis par les collectivités locales, qui peuvent, dans certaines limites, arbitrer entre les ressources affectées à ces services et d'autres services de santé, voire d'autres services sociaux, tels que l'éducation ou les aides sociales. L'Irlande est, quant à elle, surtout marquée par la place importante accordée au secteur privé, qui la fait parfois se ranger parmi les régimes libéraux.

A. Le Royaume-Uni : une décentralisation contractualisée, focalisée sur l'amélioration de l'accès aux soins

1) Une large décentralisation

Fondé, dès sa création, à la fin des années 1940, sur l'idée d'un accès gratuit de tous aux soins, le système de santé britannique a montré, au cours des dernières années, plusieurs défauts : rationnement des soins, bureaucratisation, retards d'investissements criants, pénurie de médecins, délabrement des hôpitaux, délais d'attente excessifs, notamment. Ainsi, en 2002, plus d'un million de patients attendaient une intervention chirurgicale, dont 31 000 depuis plus d'un an.

Ces lacunes ont conduit le Gouvernement conservateur à entreprendre une réforme d'ampleur dans les années 1990, fondée principalement sur deux axes : permettre, d'une part, aux médecins généralistes de gérer librement leur propre budget
- comprenant à la fois les prescriptions et les soins (y compris les soins hospitaliers) ; rendre, d'autre part, autonomes les hôpitaux, qui faisaient jusque-là partie intégrante de l'administration du National Health Service (NHS). L'une des idées clés était de responsabiliser financièrement les offreurs de soins et de diffuser une culture entreprenariale dans les cabinets médicaux et les hôpitaux. Si cette politique a permis des économies substantielles et un meilleur emploi des fonds publics, elle a également entraîné des inégalités de traitement entre les patients (selon le cabinet ou l'hôpital dont ils relevaient) et n'a pas résolu durablement la plupart des problèmes, en particulier celui des délais d'attente.

Le Gouvernement travailliste a donc engagé une nouvelle réforme, entamée en 2000. Cette réforme est marquée par la poursuite de trois objectifs principaux : réduire les délais d'attente, améliorer la qualité des services, et élargir la diversité de l'offre et le choix des patients.

A cet effet, le Gouvernement a décidé d'augmenter très fortement les dépenses de santé. Celles-ci devraient, en effet, s'accroître de 10 % par an entre 2001 et 2008, grâce à la hausse de 1 % des cotisations de sécurité sociale. Les dépenses publiques de santé, qui représentent 85 % des dépenses totales de santé, passeraient ainsi de 6,4 % du PIB en 2000 à 9,4 % en 2008. Ces augmentations ont essentiellement pour vocation d'accroître les investissements et les effectifs et, partant, de soigner les malades plus vite et mieux, sans renoncer au principe de la gratuité des soins. Parallèlement, un plan du NHS a été adopté en juillet 2000, dessinant les modalités de la réforme en Angleterre. Des plans similaires ont été élaborés pour l'Ecosse et le pays de Galles.

La réforme est caractérisée par la décentralisation du système de santé : les autorités locales du NHS et les bureaux régionaux du ministère de la santé ont été remplacés par 28 autorités stratégiques de la santé. Parallèlement, depuis 2002, l'essentiel des dotations affectées au NHS, y compris celles relatives au coût des ordonnances, sont directement versées aux Primary Care Trusts (PCT) ou Primary Care Organizations (PCO), qui constituent les centres locaux de soins et jouissent, comme les hôpitaux, d'une grande autonomie de gestion. Le ministère de la santé continue néanmoins à assumer une mission stratégique, consistant à fixer la politique relative aux soins de santé, à l'affectation des ressources et à la définition de normes générales applicables aux services de santé. Le Gouvernement a souligné que cette restructuration ne conduirait pas pour autant à une privatisation.

Par ailleurs, a été voté, en décembre 2003, le nouveau statut des hôpitaux (Foundation Hospitals), qui renforce l'autonomie de ces derniers. Ceux-ci ne sont, en effet, plus soumis aux objectifs chiffrés du NHS et bénéficient d'une totale liberté de gestion. Mais ils doivent cependant en rendre compte devant les différentes structures de contrôle et d'inspection, ainsi que devant le comité des gouverneurs de chaque hôpital, composé de représentants divers, en particulier des patients, des associations et des professionnels de santé. Ce dispositif, appliqué d'abord à dix hôpitaux principaux, a vocation à s'étendre à l'ensemble du système hospitalier.

2) Une mise en concurrence accrue

Outre la décentralisation, cette réforme tend à accorder le libre choix aux patients et à mettre en concurrence les professionnels de santé dans le cadre d'un processus contractuel. La principale illustration en est la réforme de la médecine de ville, incarnée par le nouveau contrat passé entre le NHS et les services de médecine générale (Cf. encadré 1).

ENCADRE N° 1

La réforme de la médecine de ville :
le nouveau contrat entre le National Health Service
(NHS)
et les services de médecine générale
du 20 juin 2003

Le 20 juin 2003, les médecins de ville (GPs) ont adopté un nouveau contrat liant les services de médecine générale, constitués par les General Medical Services (GMS) (cabinets de médecine générale) et les organisations locales du NHS (Primary Care Trusts ou Organizations - PCT ou PCO).

Ce contrat fixe un nouveau statut pour les médecins généralistes en vue d'améliorer les services rendus aux patients, ainsi que les conditions de travail et de rémunération des médecins. Il est opérationnel depuis le 1er avril 2004.

La rémunération des médecins généralistes est désormais fondée sur le principe : à supplément de charge de travail, supplément de rémunération. Trois niveaux d'intervention des médecins sont distingués :

- les prestations essentielles (soins pour maladie) ;
- les prestations additionnelles (services de contraception, services de suivi de maternité, surveillance de la santé des enfants, certains actes de prévention et certains actes de chirurgie mineure) ;
- les prestations complémentaires (vaccinations, prises en charge de patients violents, alcooliques, toxicomanes, préparation des rapports de qualité...).

Les cabinets de médecine de ville ont le choix de ne pas délivrer certaines prestations additionnelles de façon permanente ou pour une période limitée. Les services complémentaires sont optionnels. Les cabinets reçoivent leur financement de l'organisation locale de rattachement (PCT ou PCO) en fonction, non pas du nombre de médecins, mais des services qu'ils offrent à leurs patients et des soins effectivement fournis (sommes globales correspondant aux prestations essentielles et additionnelles et paiement grâce à un système de points pour les services étendus).

Les médecins salariés d'un PCT/PCO ou d'un GMS bénéficient d'un salaire minimum - fixé au niveau national - et perçoivent des émoluments supplémentaires en fonction des prestations additionnelles et complémentaires rendues. Les médecins isolés (Personal Medical Services) ne délivrent que les services essentiels.

Il revient aux organisations locales du NHS (PCT, PCO, GMS) d'assurer aux patients une disponibilité médicale 24 heures sur 24. Les médecins peuvent se décharger de leur responsabilité vis-à-vis de leurs patients pendant une période de la journée, moyennant le paiement d'une prime. Par ailleurs, les patients sont libres de choisir leur organisation locale de santé (GMS, PCT ou PCO) et peuvent en changer à tout moment. Ils sont également libres de choisir leur médecin au sein de ces organisations. Cependant, ils ne peuvent avoir recours en même temps à plusieurs structures d'offre de soins.

Les médecins généralistes décident de l'organisation et de la gestion de leurs propres services. Ce nouveau statut bénéficie d'un effort financier public substantiel : une augmentation de 33 % des budgets affectés à ces structures de soins est prévue entre 2003 et 2006. En conséquence, le revenu annuel moyen du médecin généraliste devrait augmenter de £ 65 000 (94 000 €) à £ 82 000 (119 000 €) pendant cette période, avec des augmentations individuelles variant entre 10 et 50 % selon le travail de chacun.

Dans le même ordre d'idées, un nouveau statut des médecins hospitaliers a été adopté l'année dernière. Pour éviter que ces médecins ne profitent du cadre hospitalier pour se consacrer essentiellement à des prestations d'ordre privé, ce statut, validé par un accord entre le NHS et les médecins, prévoit que ceux-ci doivent consacrer 40 heures par semaine au moins à une activité publique ; s'ils souhaitent s'adonner, à l'hôpital, à une activité privée, ils doivent accorder un temps équivalent à leur activité publique au-delà de cette obligation minimale de 40 heures. En contrepartie, les médecins voient le niveau de leurs rémunérations sensiblement augmenter.

3) Des moyens de contrôle multiples

Enfin, la réforme du système britannique est marquée par un fort souci de contrôle et d'évaluation. En témoigne la création de nouvelles institutions, telles que l'Agence de modernisation du NHS
- responsable du contrôle de la bonne mise en œuvre de la réforme -, la Commission de promotion de la santé - chargée de l'amélioration de la qualité des services - et le nouveau Conseil réglementant les professions de santé. L'instauration des « Patient and Public Involvement Forums » - nouvelles commissions locales indépendantes, représentant les habitants et les patients et chargées de la surveillance et de la délivrance des soins par le NHS - l'atteste également (Cf. encadré 2).

ENCADRE N° 2

Le service de santé britannique sous la surveillance des patients et du public : la création des Patient and Public Involvement Forums

Le Gouvernement vient de mettre en place 572 forums locaux adossés aux structures locales du National Health Service (NHS), à savoir les Primary Care Trusts ou Organizations (PCT/PCO).

Chaque forum est composé d'au moins 7 personnes issues de la population locale. La majorité d'entre elles doivent utiliser ou avoir eu recours aux services de santé qu'elles ont pour mission de suivre. Nommés formellement par une commission nationale (« Commission for Patients and Public Involvement in Health ») pour une durée de 1 à 4 ans (selon leur souhait), les membres ne doivent pas avoir travaillé ou travailler pour le NHS ou des organismes lui étant reliés.

Ces forums ont pour objet de permettre aux patients et, plus généralement, à la population locale, de faire connaître leur avis sur le fonctionnement des services de soins du NHS en vue de l'améliorer. A cet effet, les forums ont été pourvus de pouvoirs d'enquête et de visite : les organismes du NHS sont tenus de répondre à leurs demandes (exceptions faites de celles violant le secret médical) et d'organiser les visites nécessaires à ces contrôles.

Ces enquêtes donnent lieu à des rapports, remis aux organismes contrôlés et à la Commission nationale. Les forums rédigent également un rapport d'activité annuel.

On compte aujourd'hui environ 4000 personnes travaillant dans ces forums, qui disposent de divers moyens : locaux, matériel bureautique, remboursement des déplacements...

La Commission nationale, qui a été mise en place en janvier 2003, jouit d'un statut indépendant. Outre son rôle de nomination des membres des forums, elle est responsable de leur fonctionnement et de leur financement. Elle travaille en collaboration avec la Commission d'audit et d'inspection des services de santé (Commission for Health, Audit and Inspection - CHAI) et le service indépendant de conseil et de soutien aux patients, qui dépose des plaintes contre le NHS (Independant Complaints Advocacy Services - ICAS).

Elle a pour mission de faire des recommandations au ministre de la santé, sur le fondement des informations recueillies auprès des forums locaux. Elle prépare, en outre, un ensemble de guides très précis pour les forums, concernant leur fonctionnement, leurs droits, leurs obligations et les méthodes d'investigation qu'ils sont en droit d'appliquer dans les services du NHS.

Les résultats des travaux conduits par les forums et la Commission nationale sont rendus publics.

De même, la création d'un dossier médical informatisé, qui devrait commencer à être opérationnel dès la fin de cette année et totalement généralisé en 2010, exprime la volonté de suivre et d'utiliser au mieux les soins de santé. A cette date, chacun des patients du NHS en Angleterre aura un dossier médical informatisé contenant des informations détaillées sur les traitements et prises en charge dont il a fait l'objet à la fois par le NHS et les services sociaux (Cf. encadré 3).

ENCADRE N° 3

L'informatisation des dossiers médicaux en Angleterre :
un service universel disponible en tous lieux, 24h sur 24

Un programme d'informatisation des dossiers médicaux des patients a été mis en place en 2003. Il prévoit que d'ici 2010, les 50 millions de patients du NHS en Angleterre posséderont un dossier médical informatisé. Le système sera géré par un service national unique (NHS Care Records Service).

Les dossiers seront disponibles pour des consultations en tous points du NHS. Ils contiendront des informations détaillées sur les traitements et prises en charge des patients à la fois par le NHS et les services sociaux.

Le NHS Care Records Service garantira le bon fonctionnement et la sécurisation du système, qui devrait permettre la consultation immédiate d'un dossier par les professionnels autorisés - notamment les services d'urgence - 24h sur 24 et 7 jours sur 7.

Il sera organisé en deux parties, l'une chargée de tous les services de niveau national, l'autre des services délivrés au niveau régional.

Le système, qui commencera à devenir opérationnel dès cette année, devrait progressivement se développer pour être achevé d'ici 2010.

S'il est encore trop tôt pour faire un bilan définitif de cette réforme, on peut d'ores et déjà souligner plusieurs résultats positifs.

En premier lieu, une réduction sensible des délais d'attente, qui constitue le problème principal. Ainsi, en mars 2004, 97,4 % des patients ont pu voir leur médecin généraliste dans les 48 heures suivant leur demande, contre 74,6 % en mars 2002. S'agissant des spécialistes, 18 patients seulement attendaient leur rendez-vous depuis plus de 17 semaines en mars 2004, contre 38 000 en mars 2003. De même, 48 patients attendaient une opération depuis plus de 9 mois en mars 2004, contre 53 200 en mars 2003 et 126 400 en mars 2000. Enfin, s'agissant des urgences, 93,7 % des patients ont pu être pris en charge dans les quatre heures ayant suivi leur admission à l'hôpital en mars 2004, contre 77 % en septembre 2002.

Par ailleurs, les réformes ont permis notamment la modernisation du système de soins, un meilleur emploi des fonds publics - grâce à la décentralisation de ceux-ci et à la mise en concurrence des professionnels - et le libre choix accordé aux patients. Mais ces résultats sont au prix d'une très nette augmentation des dépenses publiques et, par conséquent, des prélèvements obligatoires permettant de les financer.

B. La réforme finlandaise : décentralisation, responsabilisation, informatisation

1) La décentralisation, axe prioritaire de réforme du système finlandais

Le régime d'assurance maladie finlandais a fait l'objet d'une vaste réforme au début des années 1990, consistant à transférer la gestion et le financement des services publics sociaux et de santé (y compris hospitaliers) aux 446 municipalités. Cette réforme fait suite à la crise économique majeure connue par le pays après l'effondrement du bloc communiste.

Aujourd'hui, le système d'assurance maladie finlandais est considéré comme le plus décentralisé au monde, selon les propos, notamment, de M. Osmo Soininvaara, ancien ministre de la santé et des affaires sociales de 2000 à 2002. Ainsi, les municipalités assurent, à travers leurs 270 centres de santé locaux, de nombreuses prestations, telles que les consultations médicales, l'assistance médicale aux personnes âgées, les soins dentaires, ou la santé scolaire (Cf. encadré 4).

ENCADRE N° 4

Services assurés par les 270 centres de santé locaux finlandais
détenus par les municipalités

- consultations médicales ;
- promotion de la santé ;
- soins aux personnes âgées ;
- transports ambulanciers ;
- soins dentaires ;
- santé scolaire (vérification de l'acuité visuelle et auditive, radiographies, tests de laboratoire) ;
- santé des étudiants ;
- scanners ;
- services de soins à domicile ;
- médecine du travail (pour les salariés dont les employeurs ont adhéré aux centres de santé plutôt que de recruter leurs propres médecins du travail) ;
- services de soins psychiatriques (lorsque le recours à une structure hospitalière n'est pas nécessaire).

Ces centres de soins sont, selon les cas, détenus et gérés par une ou plusieurs municipalités, elles-mêmes regroupées en une vingtaine de districts. Lorsque la maladie du patient exige une opération particulière, les centres de soins renvoient les patients vers les structures hospitalières adaptées, qu'elles aient un caractère général ou spécialisé.

La gestion des hôpitaux, qui relève également directement des municipalités et des districts, a été largement rationalisée au cours des dernières années : distinction entre les structures à caractère général et les établissements spécialisés ; adaptation de la carte hospitalière aux besoins ; application de méthodes de management privé, à des fins d'efficacité ; renforcement de l'autonomie de gestion dans le cadre d'une négociation annuelle sur les services et les prix avec les municipalités.

Ce régime est financé principalement - pour 42 % - par les impôts locaux, dont une partie importante repose sur une taxation du revenu. Les autres sources de financement public sont constituées par des subventions de l'Etat (18 %) et l'agence nationale de sécurité sociale KELA (15 %) - qui est financée essentiellement par des cotisations sociales des employeurs et des salariés (pour respectivement 29,6 % et 31,4 %) et une subvention de l'Etat (22,5 %), et qui prend en charge les dépenses de médicaments, de transports et de services privés. La contribution nette des ménages est de 21 %.

Le ministère des affaires sociales et de la santé (STM) conserve principalement des missions d'ordre général : élaboration des objectifs généraux du système de santé (votés par le Parlement) et fixation du budget de l'agence KELA.

La décentralisation opérée au début des années quatre-vingt dix a permis de créer un lien direct, au travers des municipalités et des districts, entre l'organisme collectant l'impôt et celui qui achète les services de santé. Cela a eu trois avantages : gérer ces services au plus près des besoins locaux et des demandes des malades, éviter une séparation trop rigide entre les services sanitaires et les services médico-sociaux, désigner, vis-à-vis des citoyens, un responsable bien identifié, au travers de la municipalité. Un médiateur (Ombudsman) chargé de régler les réclamations des patients a d'ailleurs été instauré dans chaque district.

Parallèlement, cette réforme, en renforçant la contribution financière des usagers, a permis de mieux maîtriser les dépenses de santé. En effet, depuis 1993, les services des centres de santé sont payants, sauf pour les enfants de moins de quinze ans. Le patient a le choix entre un abonnement forfaitaire (de l'ordre de 22 euros par an), lui permettant de bénéficier de consultations gratuites, et le paiement de chaque consultation (à 11 euros), avec un plafond maximum de 33 euros (soit trois consultations). Les soins offerts par les centres privés ne sont remboursés par la sécurité sociale qu'à hauteur d'environ un tiers. Quant aux hôpitaux, les soins y sont payants dans la limite de plafonds nationaux, qui sont notamment de 15 euros pour une consultation d'urgence, 22 euros pour une consultation de spécialiste, 27 euros pour le forfait hospitalier et 72 euros pour la chirurgie de jour. Enfin, les médicaments sont généralement remboursés à 50 % pour la part dépassant 8 ou 10 euros par médicament prescrit, ce taux de remboursement pouvant atteindre 75 ou 100 % pour les malades souffrant de pathologies chroniques. Cette participation des patients est cependant plafonnée à 600 euros, seuil au-delà duquel les médicaments sont pris en charge à 100 %.

2) Une deuxième vague de réformes pragmatiques, marquée notamment par la responsabilisation des malades et le développement du secteur privé

D'autres mesures ont été mises en œuvre récemment pour améliorer le fonctionnement du système. On peut retenir notamment les mesures suivantes :

- la définition de plusieurs plans d'action généraux, tels que le projet national pour la santé, le programme 2004-2007 pour la protection sociale et la santé, ou la nouvelle stratégie de santé publique « Santé 2015 », fondée sur les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et comportant un important volet en faveur de la prévention ;

- la possibilité offerte aux pharmaciens - doublée d'une incitation financière sur leurs marges - de substituer un produit générique aux médicaments d'origine. Cette mesure, en vigueur depuis avril 2003, aurait permis d'économiser 55 millions d'euros au cours de ses huit premiers mois d'application ;

- une nouvelle loi sur l'accès aux soins, en cours de préparation, permettra en particulier une plus grande mobilité des patients en dehors de leur circonscription de rattachement. Les centres de santé et les hôpitaux devront par ailleurs respecter des délais maximums pour l'accès à leurs services. Ces délais devraient être de trois jours au plus pour pouvoir consulter un médecin généraliste, de trois semaines pour un médecin spécialiste, et de trois à six mois pour des soins hospitaliers. Ces mesures ne s'appliquent pas aux cas d'urgence, qui font l'objet d'une prise en charge immédiate, adaptée à la gravité de chaque cas ;

- il est prévu, en outre, de généraliser le système de données informatiques actuel, qui permet à chaque médecin, dans chaque centre de soins, de consulter, sur son ordinateur, outre les bases de données nationales et internationales, les dossiers des malades. Ces dossiers comprennent le plus souvent les caractéristiques générales du patient, les prescriptions qui lui ont été attribuées et les examens médicaux, tels que les radiographies ou les électrocardiogrammes. L'idée du Gouvernement est d'étendre ce dispositif performant à l'ensemble des centres et des régions et de permettre, d'ici 2007, la transmission électronique de toutes les données entre eux ;

- une loi sur l'obligation de formation continue du personnel médical devrait entrer en vigueur au cours de cette année ;

- une loi sur les coupons de service pour les soins à domicile, applicable depuis le 1er janvier 2004, permet aux personnes âgées de bénéficier de services privés grâce à un coupon, sans avoir besoin de demander de remboursement.

Outre ces mesures, le Gouvernement, en accord avec les principales forces politiques, entend renforcer la responsabilisation des malades et accroître la place des centres de soins privés dans le système de soins.

S'agissant du premier aspect, il convient de noter que, depuis 2000, les patients bénéficient d'un plafond maximal annuel des dépenses de santé à leur charge à hauteur de 600 euros (hors dépenses de médicaments et dépenses du secteur privé).

Par ailleurs, une nouvelle réforme du système de contribution des patients est prévue, en vue d'accroître la transparence et l'efficacité du dispositif. Une commission sur la politique des contributions devrait faire des propositions en la matière d'ici la fin de cette année.

Le développement du secteur privé est attesté par la création de nouveaux centres de santé ou d'hôpitaux, de même que par celle de sociétés privées d'intérim pour les médecins. Ces établissements privés permettent de fournir des soins alternatifs ou complémentaires du système public. Les prestations, plus coûteuses pour les malades, y sont aussi plus rapides et parfois plus conformes à leurs attentes. Elles obéissent, en tout état de cause, aux règles sanitaires générales fixées par l'Etat. Parallèlement, se font jour des structures cofinancées par le public et le privé. De même, de nombreux médecins travaillent à la fois pour le secteur public et les établissements privés.

3) Des résultats globalement positifs

Ces réformes se révèlent globalement fructueuses. Plusieurs éléments l'attestent. En premier lieu, une forte satisfaction de l'opinion publique, qui considère, à plus de 70 %, que le système de soins fonctionne de façon satisfaisante.

Deuxièmement, ce régime permet à la Finlande d'avoir une situation de santé parmi les plus favorables des pays industrialisés. Ainsi, la mortalité cardio-vasculaire a-t-elle, par exemple, été divisée par trois au cours des vingt dernières années.

Troisièmement, la décentralisation - et les mesures qui l'ont suivie - ont conduit à une meilleure maîtrise des dépenses de santé. Celles-ci représentent en effet 7,3 % du PIB, contre 8,5 % pour la moyenne des pays de l'Union européenne et 9,7 % pour la France. On peut observer, par exemple, que la dépense de santé par personne n'a progressé que de 42 % entre 1990 et 2001 en Finlande, alors qu'elle avait augmenté de 70 % en France pendant la même période.

Le niveau relativement bas de ces dépenses s'explique principalement, selon les interlocuteurs rencontrés par le rapporteur, par l'efficacité de ce système très décentralisé, sa modernisation, la responsabilisation financière des patients et le montant, il est vrai, relativement faible des rémunérations des personnels médicaux.

En outre, le fait, pour un malade, de devoir passer par son médecin généraliste pour bénéficier de la consultation d'un spécialiste ou d'un service hospitalier, a tendu à réduire les dépenses occasionnées par les patients, d'autant que les médecins doivent suivre des règles générales de prescription visant à optimiser les dépenses.

Malgré ce bilan nettement positif, on note également certaines insuffisances.

En premier lieu, on observe des différences de prestations significatives d'une région à une autre, ou d'un centre de soins local à un autre. Et ce, même si les fonds attribués aux municipalités tiennent compte notamment de la structure de la population, de son âge, du taux de mortalité et du niveau de développement des collectivités concernées. En renforçant l'autonomie des municipalités, les réformes ont du même coup souligné les aptitudes diverses de celles-ci à bien gérer le système de soins.

Deuxièmement, on relève encore des listes d'attente importantes pour certaines opérations chirurgicales non urgentes. C'est le cas notamment pour les opérations d'orthopédie ou de la cataracte.

En troisième lieu, le développement des services privés se traduit par l'accroissement des dépenses de l'agence nationale KELA, conduisant à une injection croissante de fonds publics.

Enfin, le pays est confronté, du fait du niveau relativement bas des rémunérations des personnels médicaux, à un déficit de ces personnels, qui ont parfois tendance à s'exiler à l'étranger. Le système de formation de ceux-ci gagnerait, en outre, selon les informations communiquées, à être amélioré.

Le pays dispose a priori de tous les moyens pour remédier à ces difficultés. Le Centre national de recherche et développement pour les affaires sociales et la santé (STAKES), qui est indépendant, réalise de nombreuses évaluations permettant d'apporter des solutions adaptées. En outre, on note un accord général des forces politiques, des organisations syndicales et de l'opinion publique pour poursuivre les réformes, en vue d'améliorer la qualité et l'efficacité du système de santé.

C. Un système suédois plus décentralisé et mieux contrôlé

1) Une vaste décentralisation

La décentralisation du système suédois a été étendue et renforcée à plusieurs reprises au cours des vingt-cinq dernières années. En 1982, l'organisation des services de santé a été transférée aux conseils généraux. Trois ans plus tard, en 1985, le financement et l'organisation des services ambulatoires leur ont été également conférés. Les conseils sont devenus libres de choisir leur régime de tarification et de faire appel à des prestataires privés. En 1992, les municipalités se sont vu transférer le financement et l'organisation des soins et des services sociaux aux personnes âgées ainsi que des soins psychiatriques. Parallèlement, depuis cette date jusqu'à aujourd'hui, a été mise en place dans certains conseils généraux une organisation d'acheteurs de santé, assortie d'une totale liberté de gestion des activités d'offre de soins. Dans d'autres conseils, a été introduit un système de contrats avec tarifs à la pathologie et contrôle du volume des prestations et des règles de qualité.

Par ailleurs, une loi de 1998 a décentralisé les soins aux toxicomanes aux conseils généraux et une loi de 1999 a consacré les droits des patients au regard, notamment, des conseils généraux et des municipalités.

2) Des dispositifs d'évaluation étendus

Plusieurs mesures tendant à renforcer le contrôle et l'évaluation des dépenses et de la qualité ont été prises au cours de la dernière décennie et, en particulier :

- en 1997, diverses lois, dont la loi sur la surveillance
- prévoyant que chaque fournisseur de soins doit donner lieu à une supervision - et la loi sur la qualité du système de santé ;

l'instauration, en 1999, d'un contrôle technique et statistique par une agence nationale indépendante (Socialstryrelsen), ayant pour mission de rendre compte de ses travaux au Parlement ;

- la définition, en 2002, des objectifs nationaux de santé et l'obligation d'élaborer des plans locaux et régionaux de santé publique, dont l'application générale est contrôlée ;

- la mise en œuvre, en 2003, du plan national contre la progression des congés maladie.

3) Des mesures globalement appréciées

S'agissant de la maîtrise des dépenses, la Suède, sans parvenir à enrayer la croissance de celles-ci, a réussi néanmoins à les freiner davantage que certains autres pays industrialisés. Ainsi, le montant des dépenses par rapport au PIB s'est-il accru de 9,5 % de 1990 à 2002, contre près de 13 % en France pendant la même période.

Plus précisément, il a été établi que la création, par les conseils généraux, d'organisations séparant acheteurs de santé et offreurs de soins avait permis de faire 13 % d'économies. Les mesures de rationalisation de la carte hospitalière, fondées sur l'objectif de mieux répondre aux besoins et de regrouper les services par spécialité, devraient, selon les informations communiquées, permettre de réduire les effectifs et d'accroître les économies d'échelle.

Concernant l'accès aux soins, on observe, malgré des progrès, des listes d'attente pour l'accès aux hôpitaux dans certaines zones du pays. Cependant, il reste toujours possible de se faire soigner sans attendre dans d'autres zones.

S'agissant de la qualité des prestations, la Suède enregistre de très bons indicateurs de santé, notamment en matière d'espérance de vie, ainsi que de faibles taux de mortalité pour les maladies telles que le cancer. Par ailleurs, la fermeture de certains établissements de long séjour au profit du développement des soins à domicile a permis, outre des économies, d'améliorer la qualité des prestations.

De manière générale, la décentralisation et la modernisation du système suédois sont jugées globalement positives par l'opinion publique, qui peut avoir une connaissance précise du coût des prestations et agir plus directement sur les responsables politiques. La réussite du système repose sur un régime d'évaluation indépendant, composé principalement des organismes de recherche universitaires ainsi que de l'Agence nationale chargée des affaires sociales et de la santé (Socialstryrelsen).

D. Le Danemark : une gestion modernisée favorisant la mise en concurrence

1) Un régime décentralisé étendant la liberté de l'offre et de la demande

Le système danois est marqué en premier lieu par son caractère décentralisé. La mission de l'Etat se borne principalement à fixer les objectifs de la politique nationale de la santé, à définir la législation générale sur les soins de santé et à coordonner les principales activités menées en la matière. Les 14 départements (comtés) du pays sont directement responsables des hôpitaux et de la plupart des professionnels de santé. Les 275 communes sont, elles, en charge des soins infirmiers à domicile, des services dentaires et des plans de prévention sanitaire pour les enfants et les jeunes. Elles ont également la responsabilité de la majorité des services sociaux.

Ce système est en outre caractérisé par un accroissement de la liberté de l'offre de soins. En effet, les prestations en matière de chirurgie dentaire, de kinésithérapie, ou pour certains produits pharmaceutiques notamment, relèvent des divers prestataires du secteur privé. En outre, se développent des hôpitaux privés, régis par la libre concurrence, pour compléter les prestations offertes par le secteur public.

Le régime danois a instauré, enfin, une liberté de choix des patients - à la fois vis-à-vis des établissements de soins et des professionnels - qui n'a cessé de croître au cours des dernières années. Il est même prévu que les patients qui ne peuvent être traités dans leur département dans les deux mois peuvent s'adresser au secteur privé, voire, éventuellement, se faire soigner à l'étranger, tout en restant pris en charge par le département. Des conventions ont d'ailleurs été passées avec plusieurs pays à cet effet, dont l'Allemagne.

2) Améliorer la gestion

La gestion du système a été, au cours des dernières années, améliorée grâce aux principales mesures suivantes :

la généralisation des dossiers électroniques pour les patients. Il s'agit de fichiers comprenant de nombreuses indications médicales sur le patient, y compris des documents tels que les images à haute définition. Ils ont vocation à être accessibles sur tout le territoire danois, par tous les professionnels et tous les centres de soins. Il reste néanmoins à permettre l'informatisation des cabinets de la moitié des spécialistes qui n'ont pas encore accès au réseau, à harmoniser le contenu des fichiers et à permettre une interconnexion facile entre les différents systèmes informatiques existants ;

- un comité national est chargé de définir un modèle d'accréditation pour tous les hôpitaux danois afin de garantir un ensemble de normes de qualité ;

- le Gouvernement a décidé d'augmenter les quotas d'étudiants en médecine et de favoriser le recours à des médecins étrangers, afin de remédier aux problèmes de démographie médicale résultant de l'accroissement des demandes de soins. Ainsi, le quota d'étudiants en médecine est-il passé de 500 en 1990 à 800 en 2003 ;

le développement des génériques a été fortement encouragé. La part des médicaments génériques dans les ventes de médicaments est passé de 42,7 % en 1994 à 46,7 % en 2001. Aujourd'hui, le Danemark serait, selon l'OCDE, le pays ayant le plus développé ce type de produits. Cette évolution s'accompagne d'une faible consommation de médicaments « classiques », qui représentent 0,7 % du PNB au Danemark contre 1,3 % en moyenne pour les pays de l'OCDE.

3) Un effort d'évaluation et de mise en concurrence

Un comité chargé d'examiner les réformes du système de santé, en particulier au regard des expériences étrangères, a remis un rapport en décembre 2003. Ce rapport propose de réduire le nombre des communes, par fusion, afin de rationaliser la gestion du système sanitaire. Un projet de loi devrait prochainement être déposé à cet effet. Par ailleurs, ce rapport définit un certain nombre de principes d'action, en particulier l'accroissement de la concurrence entre les établissements de soins, la liberté de gestion des hôpitaux, une séparation nette entre les fonctions d'acheteur des services et de fournisseur de soins, un financement fondé sur l'activité et une planification des spécialités au niveau national.

Par ailleurs, à côté d'un très bon système de recherche et d'évaluation universitaire, ont été créés en 1997 l'Institut danois d'évaluation des technologies, ainsi que, en 1998, un centre d'évaluation de l'activité hospitalière, qui ont encouragé le développement de projets d'assurance-qualité.

4) Un bilan satisfaisant

Le régime danois présente de nombreux avantages : un dispositif décentralisé et souple, une dépense relativement modérée (les dépenses de santé représenteraient aujourd'hui environ 8,5 % du PNB), une large liberté de choix accordée aux patients, un accès facile aux médecins généralistes, une utilisation intelligente des nouvelles technologies et des mécanismes d'évaluation performants. En outre, les réformes engagées sont globalement approuvées par tous les partis politiques et l'opinion publique.

Quelques insuffisances sont néanmoins soulignées : le système gagnerait, semble-t-il, à être mieux coordonné et à favoriser davantage la concurrence. De plus, il a parfois été accusé de provoquer des listes d'attente excessives. Selon les informations communiquées par notre mission économique à Copenhague, ces critiques semblent fortement exagérées. En effet, ce sont essentiellement les opérations de chirurgie non urgentes, telles que celles concernant les hanches, les genoux, la cataracte ou les varices, qui enregistrent les listes d'attente les plus longues. Dans l'ensemble, les résultats du Danemark sont dans la moyenne des pays de l'OCDE. Ainsi, en 2000(6), 93 % des patients étaient pris en charge dans les trois mois et 71 % sans délai. Il est vrai que le Gouvernement a injecté 200 millions d'euros au cours des dernières années pour aider les hôpitaux réduisant leurs listes d'attente.

E. L'Irlande : un régime mixte cherchant à concilier efficacité économique et qualité sanitaire(7)

1) Un service national de santé recourant au secteur privé

Le régime irlandais se caractérise par l'association entre des organismes et des investisseurs publics et privés. Il est accessible à tous les habitants et principalement financé par l'impôt. Le ministère définit principalement les orientations générales de la politique de la santé et en évalue les effets. L'offre des services de santé et des services sociaux relève en pratique des administrations régionales de la santé, composées de représentants locaux élus, de responsables du ministère et de représentants des professions de santé.

Si un certain nombre de soins, en particulier pour les personnes les plus fragiles (invalides, personnes âgées de plus de 70 ans), sont gratuits, environ 48 % de la population a souscrit des contrats privés d'assurance maladie. Les lois de 1994 et de 2001 sur l'assurance maladie réglementent le fonctionnement de ce marché. Elles imposent aux assureurs un ensemble de normes garantissant notamment la liberté d'accès et un minimum de prestations.

2) Des réformes recherchant l'efficacité de gestion et la qualité

Plusieurs réformes ont été mises en œuvre au cours des dernières années, tendant à améliorer la gestion et la politique des soins, en particulier :

- la définition, à la fin des années 90, d'un Plan de services accroissant la responsabilité financière des acteurs tout en facilitant l'adaptation des services de santé à l'évolution des besoins et en favorisant le développement de normes de qualité. Il propose des stratégies de long terme et une évaluation annuelle de la capacité du système à atteindre les objectifs globaux qui lui sont fixés. Des indicateurs de performances ont été définis à cet effet ;

- les investissements ont par ailleurs été renforcés à partir de la fin des années 1990 ;

- des réformes d'organisation ont également été entreprises, comme la création, en mars 2000, de l'Autorité de la santé pour la région Est du pays, qui est responsable de l'offre de services dans cette partie très peuplée du territoire. De même, ont été instaurés, en 1999, l'Inspection des services sociaux et le Bureau de lutte anti-tabac ;

- plusieurs programmes nationaux ont été lancés, comme le programme de promotion de la santé, le programme cardio-vasculaire, le programme national pour les enfants. Tous ces programmes traduisent une volonté de synthèse et d'évaluation en vue de favoriser une amélioration permanente du système ;

- à la fin de 2001, le Gouvernement a défini une nouvelle stratégie nationale en matière de santé, intitulée Qualité et équité, qui propose un cadre de croissance et de modernisation pour les dix années à venir. Cette stratégie repose essentiellement sur quatre principes : l'équité, la priorité à l'individu, la qualité et la responsabilité.

*

* *

Forte décentralisation, mise en concurrence accrue, modernisation et informatisation de la gestion, responsabilisation financière des patients, amélioration de l'accès aux soins (pour réduire les listes d'attente), accroissement de l'évaluation et du contrôle : telles sont les principales tendances qui ont marqué les réformes - dans l'ensemble importantes - conduites par les pays disposant d'un système national de santé au cours des vingt dernières années.

II.

III. LES REGIMES LIBERAUX : MIEUX REGULER L'ACCES AUX SOINS

Au contraire des systèmes nationaux de santé, les régimes libéraux, illustrés principalement par les Etats-Unis et - de façon plus réglementée - la Suisse et le Japon, se caractérisent généralement par l'absence d'une protection sociale publique universelle et obligatoire financée par la solidarité. Le système de soins repose largement sur l'assurance privée, même si des programmes publics d'assurance existent pour certaines catégories bien délimitées, telles que les personnes de plus de 65 ans ou les plus pauvres aux Etats-Unis. Ce régime se caractérise par la liberté de l'offre et de la demande, qu'il s'agisse des malades, des assureurs, des médecins ou des établissements de santé.

A. Les Etats-Unis : un régime fondé sur le marché, mais tendant à étendre sa protection sociale en faveur de certaines populations fragiles

1) Un régime libéral

Le système américain d'assurance maladie repose avant tout sur la liberté de choix offerte aux patients comme aux prestataires de soins, qui sont principalement privés.

La prise en charge publique des dépenses d'assurance maladie se limite principalement à deux programmes :

Medicare, qui couvre, sans condition de revenu, les personnes âgées de 65 ans ou plus, les invalides et les personnes atteintes d'insuffisance rénale ;

Medicaid, qui s'adresse aux familles pauvres.

Ces deux programmes concernent respectivement 29,6 % et 15,8 % de la population assurée, alors que l'assurance privée couvre 83 % des assurés (les bénéficiaires des programmes publics pouvant aussi y adhérer).

Chiffres clés de l'assurance maladie aux Etats-Unis

- 85,4 % de la population américaine bénéficie d'un régime d'assurance maladie en 2002.

- 83 % des assurés sont couverts par une assurance privée, dont 73,3 % par le biais de leur emploi.

- 3 régimes publics d'assurance :

* Medicare : 29,6 % des assurés ;
* Medicaid : 15,8 % des assurés ;
* Régime des militaires : 3,9 % des assurés.

- Budget fédéral global de l'assurance maladie : 4,1 % du PIB en 2003 (les dépenses de santé représentent dans leur ensemble 14,6 % du PIB).

Source : Mission économique de Washington.

Cela étant, il convient de préciser que :

- le budget fédéral de l'assurance maladie, qui s'élevait à 438 milliards de dollars en 2003, soit 4,1 % du PIB, comprend également d'autres aides : subventions versées aux compagnies privées proposant des plans alternatifs aux programmes publics et des incitations fiscales (100 milliards de dollars en 2000) aux employeurs offrant des « plans de santé » à leurs salariés ou aux travailleurs indépendants ;

- à ce budget, s'ajoute celui des collectivités locales, qui porte les dépenses publiques à 45,9 % des dépenses totales de santé du pays (correspondant elles-mêmes à 14,6 % du PIB en 2002) ;

- les assurances privées sont, le plus souvent, garanties ou financées par l'employeur. C'est le cas pour 73,3 % des 83 % des assurés y ayant recours.

Ce système présente plusieurs avantages : la liberté de choix offerte aux patients, comme aux assureurs ou aux professionnels de santé, et la concurrence entre les prestataires, qui favorise une offre de soins au meilleur coût, la limitation des gaspillages et la responsabilisation des acteurs. Il convient par ailleurs de noter que, au cours des 40 dernières années, l'espérance de vie est passée de 70,2 à 77,3 ans, dans un pays pourtant marqué par des inégalités et l'afflux de populations immigrées pauvres. Mais il comporte également plusieurs inconvénients. Selon le degré d'intégration dans le marché du travail des malades, leurs moyens financiers, la taille de l'entreprise qui les emploie, leur âge ou leur état de santé, le niveau de protection peut sensiblement varier. Il est même parfois inexistant dans certains cas. On estime qu'environ 45 millions d'Américains, soit 15 % de la population, ne bénéficient d'aucune véritable couverture maladie. Selon le Congressional Budget Office, 60 millions de personnes n'ont pas eu d'assurance durant au moins 1 jour en 1998, 40 millions (en moyenne) d'assurance annuelle, et entre 21 et 31 millions n'ont eu aucune assurance au cours de l'année. Par ailleurs, sur 40 millions de personnes âgées de 65 ans et plus ou handicapées, 10 à 15 millions ne disposeraient pas d'une telle couverture.

2) Une extension de la couverture sociale en faveur des personnes âgées

C'est précisément pour pallier ces inconvénients qu'une importante réforme du système d'assurance maladie américain a été adoptée en décembre 2003. Elle tend à compléter le programme Medicare par une prise en charge partielle des dépenses de médicaments des personnes âgées et de certaines prestations de prévention.

Plusieurs règles nouvelles sont instaurées. Les personnes âgées ayant eu au moins 10 ans d'activité sont automatiquement éligibles aux prestations. Elles peuvent aussi opter pour une assurance privée complémentaire. Alors que Medicare ne couvrait jusqu'ici que les dépenses d'hôpital et de médecine ambulatoire, y sont ajoutées les dépenses de médicaments et de certaines prestations de prévention (dépistage du diabète ou examen de santé initial, par exemple). L'idée est aussi de permettre aux personnes âgées d'accéder plus facilement aux traitements dont elles ont besoin et d'éviter les hospitalisations dues à une insuffisance de soins préventifs.

La réforme doit être mise en œuvre en trois étapes : la première (2004-2006) porte sur l'extension de la prise en charge des médicaments pour les personnes de 65 ans ou plus et la deuxième (2005-2007) sur la modification des taux de couverture. La troisième prévoit, à partir de 2010, l'ouverture à la concurrence de ce marché de l'assurance. Un programme expérimental de concurrence entre Medicare et des « plans » d'assurance médicale privée devrait être mis en place dans six grandes agglomérations durant six années. (Cf. tableau ci-après).

La réforme du Medicare americain pour les personnes agees : une protection sociale plus large

DISPOSITIF ACTUEL

 

NOUVEAU DISPOSITIF

 

Source de financement

Conditions d'éligibilité

Cotisations 2004

Prestations

 

Etapes

Cotisation additionnelle

Prestations

Partie A

Cotisation de l'assuré et de l'employeur pendant les années d'activité à hauteur de 2,9 %.

- avoir 65 ans ;

- avoir cotisé pendant au moins 10 ans pour la retraite (Social Security) ou avoir un conjoint éligible(8) ;

- si moins de 10 ans de cotisations, être en situation régulière et avoir habité pendant au moins 5 ans aux Etats-Unis(9).

0

Entre 7 ans et demi et moins de 10 ans de cotisations : 189 $/mois.

Moins de 7 ans et
demi de cotisations : 343 $/mois.

Frais d'hospitalisation et traitements y afférant.

Franchise =

- 876 $ pour 1 à 60 jours d'hospitalisation ;

- 219 $/j du 61ème au 90ème jour ;

- 438 $/j du 91ème jour au 150ème jour.

Pas de prise en charge au-delà de 150 jours.

 

2004

30 $/mois.

Carte permettant d'obtenir une réduction de 15 à 20 % sur les médicaments prescrits par un médecin.

Subvention annuelle de 600 $ pour les faibles revenus.

Partie B

Cotisation de l'assuré.

Adhésion optionnelle.

66,60 $/mois(10).

Services de médecine (à l'exclusion, notamment, des soins dentaires), hôpital de jour, certains soins à domicile et équipement médical durable.

Franchise = 100 $/an.

Ticket modérateur = 25 % du coût(11).

Les médicaments ne sont pas pris en charge.

 

2006

35 $/mois.

Franchise = 250 $.

Prise en charge de :

- 75 % jusqu'à un plafond de 2250 $ ;

- 0 entre 2250 et 5100 $ ;

- 95 % au-delà de 5100 $ (100 % pour les revenus inférieurs à 12135 $/an).

   

Autres modifications des prestations de la Partie B

   

En 2005, la franchise passe de 100 à 110 $ et évolue par référence à l'augmentation des coûts de la partie B.

A partir de 2007, les taux de prise en charge seront progressivement modifiés (montée en charge sur 5 ans) pour aboutir à une grille dégressive en fonction des revenus :

- Revenus(12) inférieurs à 80 000 $ : maintien du taux de couverture de 75 % ;

- Entre 80 000 $ et 100 000 $ : 65 % ;

- Entre 100 000 $ et 150 000 $ : 50 % ;

- Entre 150 000 $ et 200 000 $ : 35 % ;

- Au-delà de 200 000 $ : 20 %.

Source : Mission économique de Washington.

La réforme renforce en outre les aides publiques de deux manières :

en augmentant le taux de remboursement des services médicaux en zone rurale (25 milliards de dollars), en vue d'améliorer l'accès aux soins des personnes âgées résidant dans ces régions ;

en instaurant des incitations fiscales pour les personnes souscrivant des comptes épargne santé, destinés à compléter des prestations d'assurance médicale privée. Le dispositif, mis en place à partir du 1er janvier 2004, prévoit que les personnes de moins de 65 ans peuvent souscrire un plan d'épargne santé comprenant un versement annuel défiscalisé d'au plus 2 600 $ (5 150 $ pour un couple). L'épargne correspondante devra servir au financement des dépenses de santé couvertes par une assurance proposant une franchise située entre 1 000 et 5 000 $ (soit entre 2 000 et 10 000 $ pour un couple).

Le Gouvernement a également pris des mesures tendant à accélérer la mise sur le marché de médicaments génériques. Il convient de noter que l'interdiction actuelle d'importation de médicaments sur prescription est maintenue et que le Gouvernement n'est pas autorisé à négocier avec l'industrie pharmaceutique le prix des médicaments distribués dans le cadre de Medicare.

3) Des risques persistants

Cette réforme se traduit par une forte progression du budget de Medicare - 6,8 % entre 2002 et 2003 - au point que celui-ci devrait atteindre 3,7 % du PIB en 2020 (contre 2,6 % en 2003) et près de 10 % en 2075. Elle fait aujourd'hui l'objet de deux séries de critiques. Certains dénoncent, d'une part, le risque d'un dérapage des dépenses, en raison de l'arrivée dans les tranches d'âge des plus de 65 ans des générations du baby-boom, de l'allongement de la durée de la vie, de l'accroissement du coût des techniques médicales et de l'augmentation du volume des médicaments consommés. D'aucuns craignent, d'autre part, un accroissement des inégalités lié à une éventuelle sélection des risques par les assureurs, au cantonnement de Medicare à l'assurance des plus pauvres, au pouvoir conféré aux assurances privées de rationner l'accès aux médicaments et au fait que les aides fiscales en faveur des plans d'épargne santé bénéficieront essentiellement aux foyers à revenu élevé.

Cela étant, la réforme devrait être accompagnée d'une évaluation précise de ses effets à partir d'un ensemble d'indicateurs, tels que l'évolution des taux d'hospitalisation, le nombre d'accueils aux urgences, l'évolution de l'espérance de vie ou le taux de couverture médicale.

Si elle permet dans l'ensemble d'étendre la couverture sociale des plus fragiles tout en préservant la liberté des malades et les avantages de la logique de marché, elle ne remédie guère fondamentalement au niveau élevé de dépenses de santé, ni aux fortes inégalités engendrées par le système.

B. La Suisse : accroître la concurrence, sans renoncer à la solidarité

1) Un régime cherchant à allier liberté et solidarité, mais confronté à un problème de coût

Les règles générales de l'assurance maladie helvétique sont fixées par la Confédération et les cantons dans les limites de leurs compétences. Celles-ci prévoient notamment que chaque résidant suisse doit obligatoirement souscrire une assurance maladie de base auprès des 93 caisses privées(13). Chaque année, ces caisses proposent au Gouvernement - l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) en pratique - le montant des primes d'assurance maladie par tête que les assurés devront régler l'année suivante, calculées selon les dépenses passées et prévisibles de la zone géographique du canton dans lequel ils résident. Ce montant, égal pour tout le monde, est validé par l'OFSP, moyennant d'éventuelles corrections. Les enfants bénéficient d'un demi-tarif. Les assurés peuvent en outre souscrire de nombreux contrats de prestations complémentaires offerts par les caisses et compagnies d'assurance privées.

Deux séries de réformes sont intervenues au cours des dix dernières années. La première, adoptée en 1994 et mise en œuvre en 1996, poursuivait trois objectifs : assurer un approvisionnement en soins de qualité, garantir une solidarité entre les assurés et maîtriser les coûts. Selon les autorités de la Confédération, les deux premiers objectifs ont été atteints, même si le deuxième pourrait encore donner lieu à des améliorations. Quant au troisième objectif, si les caisses d'assurance, régulièrement contrôlées par la Confédération, sont dans une situation financière saine, les primes payées par les assurés augmentent dans des proportions jugées trop importantes. La hausse moyenne enregistrée a été de 4,6 % en 2000, 5,4 % en 2001, 7,9 % en 2002 et 7 % en 2003 (avec un record de 13,8 % dans un canton). Elle provoque une insatisfaction dans l'opinion publique, même si celle-ci ne veut pas remettre en cause le système dans ses principes. Ainsi, le référendum lancé à l'initiative du Parti socialiste, tendant à substituer à la prime unique une prime proportionnelle au revenu, a-t-il donné lieu à un rejet massif, avec 72,9 % de non.

2) Des mesures tendant à faire davantage jouer la concurrence, à mieux responsabiliser les assurés et à alléger les charges de certaines catégories de revenus moyens

Pour y remédier, le Gouvernement devrait mettre en œuvre en 2004 deux « paquets » de réformes. Le premier « paquet », qui devrait être adopté par le Gouvernement en juin, puis soumis au vote du Parlement, comporte les trois mesures principales suivantes :

la liberté accordée aux assureurs de passer des contrats avec les prestataires de soins de leur choix (les assureurs ont aujourd'hui pour obligation de contracter avec tous les prestataires). Cette mesure a pour but de renforcer la concurrence entre ces prestataires et de promouvoir ceux qui offrent le meilleur rapport qualité/prix. Elle tend également à responsabiliser les cantons, en les contraignant à limiter le nombre de fournisseurs de soins autorisés ;

- l'accroissement de la contribution personnelle des malades aux dépenses de santé. L'idée est de faire passer de 10 à 20 % la quote-part de l'assuré au-delà de la franchise en vigueur. Serait conservé le plafond annuel de 700 francs suisses par personne, afin de permettre le remboursement des frais relatifs aux maladies graves ou chroniques. Le but est essentiellement de responsabiliser davantage les assurés dans leur consommation médicale ;

la réduction des primes pour les personnes ayant un revenu « moyen inférieur », afin de réduire, pour eux, l'impact de la hausse des primes. Il convient de rappeler que les assurés de l'aide sociale bénéficient déjà d'une prise en charge partielle ou totale par la Confédération et les cantons.

Le deuxième « paquet », qui devrait être approuvé par le Gouvernement en septembre prochain, repose sur deux actions :

la réforme du financement des hôpitaux, d'abord, afin d'accroître la concurrence entre les établissements, de faire davantage participer les assureurs aux coûts et de parvenir à une meilleure transparence de ceux-ci. Elle consiste notamment à ce que le financement des infrastructures et des soins soit réparti à égalité entre les cantons et les assureurs (au lieu des deux régimes actuels : le financement des infrastructures réalisé en totalité par les cantons et les communes et celui des soins de base pour 50 % par les cantons et 50 % par les assureurs). A terme, le financement des hôpitaux pourrait être intégralement assuré par les assureurs, qui bénéficieraient d'une participation des cantons ;

- le développement du partenariat entre les fournisseurs de soins et les assureurs, en deuxième lieu, à l'exemple de ce qui se pratique aux Etats-Unis.

Parallèlement, devraient être instaurées deux cartes de santé (dont l'une plus complète que l'autre). Certains cantons ont déjà mis en place des cartes électroniques comportant des informations sur les prestations accordées aux assurés.

Ces réformes sont dans l'ensemble appuyées par les forces politiques du centre et de droite (radicaux, démocrates chrétiens, UDC), les assureurs et la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sanitaires. Les mouvements de gauche (PS, Verts), les médecins et les patients sont plus réservés, en particulier concernant la suppression de l'obligation des assureurs de contracter avec tous les fournisseurs de soins.

C. Le Japon : des augmentations successives de tickets modérateurs

Le système d'assurance maladie japonais, instauré en 1961, prévoit une affiliation obligatoire à l'un des régimes en vigueur, dont les deux principaux sont celui de l'Etat et celui des sociétés d'assurance santé créées par les grandes entreprises ou les groupements de PME.

Ce système - de qualité reconnue et offrant une grande liberté de choix aux patients - est confronté à un problème principal : l'accroissement des dépenses de santé, lié essentiellement au vieillissement de la population. Ainsi, la part des dépenses médicales pour les personnes âgées représente environ 37 % des dépenses médicales totales et devrait atteindre 50 % en 2020.

Pour y parer, le Gouvernement japonais a principalement décidé d'augmenter la contribution des assurés. Ainsi, le ticket modérateur a-t-il été relevé de 10 à 20 % en 1997 pour les personnes de 3 à 69 ans, puis, en 2002, pour les personnes de plus de 70 ans au-delà d'un certain seuil de revenus et pour les enfants de moins de trois ans. Il est enfin passé de 20 à 30 % en 2003.

Parallèlement, le Gouvernement a renforcé en 2002 la protection des personnes âgées en mettant en place un plafonnement du ticket modérateur - de 500 yens par mois - pour les patients de plus de 70 ans. Il a créé également un système d'assurance spécifique pour les personnes âgées dépendantes, financé notamment par les personnes de 40 à 64 ans exerçant une activité professionnelle et les personnes âgées de plus de 65 ans. Par ailleurs, le prix des actes médicaux et des médicaments a légèrement été révisé à la baisse en 2002, de respectivement 1,3 % et 1,4 %.

Si le relèvement du ticket modérateur a été étayé par des études scientifiques, il n'en a pas moins été critiqué par l'opposition et au sein de la majorité. Mais, pour l'essentiel, la population japonaise est restée, comme à son habitude, discrète sur le contenu des réformes.

*

* *

Dans l'ensemble, les régimes libéraux ont conforté les principes sur lesquels ils reposent : liberté de l'offre et de la demande, responsabilisation financière des assurés, part importante accordée à la concurrence et à l'économie de marché. Parallèlement, ils ont cherché à améliorer le système de couverture publique à l'égard des personnes les plus fragiles, en particulier les personnes âgées. Des inégalités marquées subsistent néanmoins, notamment aux Etats-Unis.

Les Pays-Bas(14) et l'Irlande(15), bien que relevant traditionnellement d'autres régimes, tendent à se rapprocher de ce modèle.

IV.

V. LES MODELES D'ASSURANCE DE TYPE BISMARCKIEN : ACCROITRE LA RESPONSABILITE DES ASSURES, LA CONCURRENCE ET L'EFFICACITÉ DE GESTION

Les modèles d'assurance de type bismarckien, inspirés à l'origine par le régime d'assurances sociales mis en place par Bismarck à la fin du XIXème siècle, se caractérisent par un financement reposant largement sur les cotisations sociales, une gestion par des caisses reflétant différentes appartenances professionnelles et une offre de soins mixte, à la fois publique et privée.

A. La réforme allemande : augmenter la contribution des assurés et rationaliser les dépenses

Le système allemand présente plusieurs caractéristiques générales : un financement reposant principalement sur les cotisations sociales, des prestations en nature, la solidarité, l'autogestion et un régime par répartition.

En outre, prévaut le principe d'universalité, permettant à la majeure partie de la population résidant sur le territoire allemand de bénéficier d'une couverture sociale. Dans les faits, la plupart relèvent du régime légal et 10 % d'une assurance privée : seule une petite minorité de la population allemande (0,3 %) ne dispose d'aucune assurance maladie.

Dans un contexte marqué par une forte dérive des dépenses de santé (le déficit de l'assurance maladie s'élevait à 2,9 milliards d'euros en 2003), un haut niveau de charges salariales et de multiples délocalisations vers des pays à faible coût de main-d'œuvre, les deux forces politiques principales du pays, le SPD et la CDU, ont, dans un accord du 21 juillet 2003, défini ensemble une vaste réforme du système, approuvée définitivement par le Parlement le 17 octobre 2003.

Cette réforme comporte trois orientations principales : un accroissement de la part financière des patients, une diminution des prestations et des mesures tendant à améliorer le fonctionnement global du régime.

1) Une augmentation générale de la contribution des malades

La responsabilisation financière des patients consiste en premier lieu à augmenter les trois principaux tickets modérateurs :

s'agissant de la médecine de ville, un ticket modérateur de 10 euros par trimestre, dit aussi « taxe de consultation », a été instauré. Cette taxe doit être versée dès la première consultation et quel qu'en soit le nombre. Cette disposition est d'autant plus notable qu'elle n'existait pas jusqu'à présent ;

concernant les séjours hospitaliers, les patients doivent payer, depuis le 1er janvier 2004, un ticket modérateur de 10 euros par jour, au lieu de 9 euros auparavant, dans la limite de 14 jours par an. Un plafonnement est cependant prévu à 280 euros par année ;

pour les médicaments, le ticket modérateur est fixé à 10 % du coût des produits prescrits, avec une participation minimale de 5 euros et maximale de 10 euros.

Deux limites sont fixées à ces mesures : le volume total des tickets modérateurs ne pourra dépasser 2 % des revenus nets des assurés, et 1 % pour les maladies chroniques ; les enfants sont exonérés de ticket modérateur jusqu'à l'âge de 12 ans.

Selon le Gouvernement, ces dispositions devraient accroître les recettes de l'assurance maladie de 3,3 milliards d'euros par an.

Il est parallèlement prévu deux autres mesures pour augmenter les recettes :

une hausse de la fiscalité sur le tabac, consistant à valoriser le prix du paquet de cigarettes de 1 euro en trois étapes d'ici le 1er juin 2005 ; ce qui pourrait rapporter 1 milliard d'euros de recettes fiscales en 2004 et 4,2 milliards à partir de 2006 ;

un accroissement de la cotisation des retraités en 2004, qui devrait passer de 50 % à 100 % du montant normal des cotisations.

2) Une diminution globale des prestations

Plusieurs mesures sont prévues à cet effet :

- en premier lieu, un déremboursement des médicaments non prescrits, considérés comme des produits « de confort ». Des exceptions sont cependant maintenues pour les enfants de moins de 12 ans ou les personnes de moins de 18 ans ayant des problèmes de santé sérieux ;

- deuxièmement, la suppression du remboursement de certaines prestations : fourniture de lunettes ou de lentilles de contact (sauf pour les enfants jusqu'à 18 ans et pour les personnes souffrant d'un « défaut de vision lourd »), allocations de décès, opérations de stérilisation sans nécessité médicale, certaines opérations d'insémination artificielle (pour les couples comportant une femme de moins de 25 ans ou de plus de 40 ans ou un homme de plus de 50 ans), et les coûts d'ambulance dans certains cas strictement définis ;

la réforme exclut en outre les remboursements de frais de prothèses dentaires à partir de 2005. Une assurance spécifique pourra être souscrite en la matière auprès de l'assurance maladie ou d'assureurs privés ;

les indemnités journalières de maladie ne seront plus prises en charge par le régime général d'assurance maladie à partir de 2007. Elles feront alors l'objet d'une assurance particulière contractée par les assurés auprès de leur caisse d'assurance maladie, à hauteur de 0,5 % de leur revenu mensuel. Un supplément forfaitaire de 12,50 euros sera requis pour les assurés dont les revenus dépassent 2 500 euros par mois.

Selon les estimations, l'ensemble de ces mesures devrait permettre d'économiser environ 2,5 milliards d'euros en 2004 et 11 milliards d'euros en 2007.

3) Une amélioration du fonctionnement du système de santé

La réforme comporte dans ce domaine de multiples dispositions :

le renforcement de l'autonomie de gestion confiée aux caisses. Alors que jusqu'ici celles-ci devaient délivrer un même panier de soins, elles disposent désormais de la possibilité de diversifier ces derniers, en passant de nombreux types de contrats avec les médecins, les pharmaciens, les centres de soins ou les malades. Cette mesure permet aux caisses d'offrir une plus grande variété de prestations à un meilleur coût. Les patients bénéficient du même coup d'une plus grande liberté de choix ;

la mise en place d'un institut chargé de mesurer et de contrôler la qualité des soins. Cet organisme sera cogéré par les caisses d'assurance maladie et les fédérations de médecins ;

une incitation aux soins préventifs. Pour inciter les patients à recourir à ces soins, les caisses pourront accorder un bonus aux assurés acceptant de se soumettre à certains types de contrôles ;

le développement du système du « médecin référent ». Pour inciter les malades à faire systématiquement appel à un médecin généraliste (« référent »), avant la consultation d'un spécialiste, les caisses pourront leur accorder des réductions de cotisations. Cette mesure remplace celle que le Gouvernement avait initialement prévue, consistant à appliquer un ticket modérateur supplémentaire pour les consultations de spécialistes non prescrites par le médecin « référent » ;

- la possibilité de s'inscrire à un système de soins intégrés ;

la création de centres médicaux spécialisés par maladie. L'idée est de favoriser les gains de productivité en regroupant les équipements et les personnels médicaux propres à chaque pathologie ;

l'accroissement de la lutte contre la fraude. Depuis le 1er janvier 2004, une cellule chargée de la détection de la fraude doit être instituée dans chaque union de médecins conventionnés ainsi que dans les caisses d'assurance maladie. L'ensemble des caisses se sont en outre dotées, dès 1997, d'une structure commune de lutte contre la fraude ;

le remplacement de la carte à puce actuelle par la carte de santé électronique, qui contiendra à la fois les données personnelles du patient et les ordonnances du médecin ;

l'obligation pour les médecins de se soumettre à une formation permanente dans leur domaine de spécialisation. Selon les informations communiquées, cette formation devrait avoir lieu tous les cinq ans et être prise en charge partiellement par les caisses ;

un renforcement de la protection des intérêts et des droits des patients. Ces droits sont défendus auprès du Gouvernement et du corps médical par un délégué fédéral, qui assume également un rôle de conseiller. Cette personne est dotée de garanties d'indépendance et a une compétence étendue à toute l'Allemagne ;

le développement des génériques, notamment en permettant aux pharmaciens de substituer ces produits aux médicaments prescrits et en les y incitant financièrement (par une augmentation de leurs marges).

4) Des voies d'économies substantielles, mais un système dont l'efficacité est encore jugée insuffisante

L'ensemble de ces mesures devrait, selon le gouvernement allemand, permettre de rapporter 9,9 milliards d'euros en 2004 et 23,1 milliards d'euros en 2007 (Cf. tableau 1 ci-après).

Tableau n° 1 : Mesures de consolidation du regime d'assurance maladie
(2004-2007, en Mds €)

 

2004

2005

2006

2007

Augmentation du ticket modérateur

3,3

3,3

3,3

3,3

Réduction de prestations

2,5

2,5

2,5

2,5

Augmentation des cotisations de maladie des retraités

1,6

1,6

1,6

1,6

Gains d'efficacité structurels du système de santé

1,5

2,0

2,5

3,0

Augmentation de la fiscalité sur le tabac

1,0

2,5

4,2

4,2

Déremboursement des soins de prothèses dentaires

-

3,5

3,5

3,5

Sortie des indemnités journalières du catalogue de l'assurance maladie

-

-

-

5,0

Total

9,9

15,4

17,6

23,1

Source : Mission économique de Berlin.

Ces importantes économies auront trois objets principaux : remédier au déficit de l'assurance maladie, désendetter les caisses et diminuer les cotisations.

La diminution des cotisations d'assurance maladie est motivée par la nécessité de réduire les charges sur les salaires et le coût global du travail, afin de renforcer la compétitivité de l'économie allemande et d'éviter les délocalisations d'entreprises et de personnels vers des pays à plus faible coût de main-d'œuvre.

Les économies réalisées devraient permettre une réduction progressive des cotisations de 14,4 % à 12,5 % de 2003 à 2007 (Cf. tableau 2 ci-après).

Tableau n° 2 : Evolution du taux de cotisation a l'assurance maladie
(en % du salaire)

 

2003

2004

2005

2006

2007

Cotisations employeurs

7,2

6,8

6,48

6,33

6,08

Cotisations salariés

7,2

6,8

6,83

(6,48+0,35)

6,68

(6,33+0,35)

6,93

(6,08+0,35+0,5)

Total

14,4

13,60

12,95

12,65

12,15

Source : Mission économique de Berlin.

On constate une distinction, à partir de 2005, entre les cotisations des employeurs et des salariés, les premières diminuant plus vite que les secondes. Ce découplage s'explique par le financement par les seuls salariés de prestations auparavant assurées par le régime général, à savoir les prothèses dentaires à partir de 2005 (au taux de cotisation de 0,35 %) et les indemnités journalières à partir de 2007 (au taux de 0,5 %).

Au total, la réforme, qui devrait permettre d'accroître les finances du système de 1,1 % de PIB en 2007, peut se résumer par le tableau de synthèse suivant :

Tableau n° 3 : Synthèse de la reforme de l'assurance maladie en Allemagne

Tickets modérateurs

(3,3 Md€)

Révision panier de soins

déremboursements, transferts de charge

(11 Md€)

Baisse des cotisations salariales

de 1,12 point

(10,55 Md€)

Contribution industrie pharmaceutique

(1 Md€)

Bonnes pratiques

(2 Md€)

Source : ministère de la santé allemand.

Si cette réforme devrait a priori remédier aux difficultés financières actuelles, pour la plupart des observateurs, elle se révèle insuffisante pour améliorer l'efficacité globale du système.

Ainsi, d'autres mesures sont actuellement à l'étude en Allemagne. Il convient de souligner notamment à cet égard les réflexions conduites par la Commission Rürup. Cette Commission a proposé deux nouveaux projets :

- soit l'instauration d'une assurance universelle, reposant sur une cotisation proportionnelle aux revenus, comparable à la CSG française. Serait alors augmenté le nombre de contributeurs à l'assurance maladie - par une imposition des fonctionnaires et des professions libérales, qui bénéficient aujourd'hui d'un régime spécial - et élargi le champ des revenus concernés - l'assiette étant constituée de toutes les sources de revenus (revenus mobiliers ou immobiliers) et non, seulement, des revenus du travail ;

- soit la mise en place d'une contribution forfaitaire - ou capitation - d'un montant de 210 euros par adulte. La part de l'employeur serait versée au salarié, qui s'acquitterait de la totalité de cette somme auprès de sa caisse.

La première option, qui recueille davantage l'approbation de l'opinion publique, serait bénéficiaire pour les ménages disposant de revenus annuels inférieurs à 40 000 euros. La deuxième, au contraire, serait profitable aux ménages disposant de revenus supérieurs à cette somme, alors que ceux ayant des revenus compris entre 10 000 et 40 000 euros verraient leur contribution s'alourdir.

B. Les Pays-Bas : un système de plus en plus libéral

1) Un régime d'assurance sociale semi-privé, confronté à une dérive des dépenses et à des problèmes de capacité

Le régime d'assurance maladie néerlandais repose sur une combinaison entre les institutions publiques et l'économie de marché privé. Environ 80 % des dépenses sont prises en charge par la collectivité, dont 75 % par les cotisations sociales et 5 % par le budget de l'Etat. Le reste est assuré par les cotisations volontaires auprès des assurances privées (14 %) et l'application des différents tickets modérateurs (6 %).

Ce régime repose sur trois piliers principaux :

- un premier pilier (AWBZ) couvre tous les gros risques non assurables sur le marché. Il s'agit notamment des soins hospitaliers et médicaux de longue durée, des soins psychiatriques et de l'aide aux handicapés. L'affiliation à ce régime, qui est ouvert à toute personne résidant aux Pays-Bas depuis un an au moins ou ayant un emploi, est obligatoire et donne lieu au versement d'une cotisation unique ;

- le deuxième pilier prend en charge les soins courants. Il comporte un régime général (ZFW) et plusieurs régimes spéciaux, tels que le régime concernant des catégories particulières non assurées au titre des autres régimes (WTZ), le régime étudiant et celui des fonctionnaires. Le régime général ZFW, qui couvre 60 % de la population, n'est accessible qu'aux personnes disposant d'un revenu annuel inférieur à 32 600 euros. Son financement est assuré par une prime fixe et des cotisations proportionnelles ;

- le troisième pilier, qui s'adresse aux personnes d'un revenu annuel supérieur à 32 600 euros et comporte de multiples assurances facultatives complémentaires, est entièrement privé. Les primes d'assurance sont déterminées selon un certain nombre de règles générales et négociées entre assureurs et assurés. Environ 90 % de la population souscrit une assurance complémentaire, certaines prestations telles que les soins dentaires, l'optique ou la kinésithérapie n'étant pas en principe prises en charge par les assurances des deux premiers piliers.

Les différents régimes d'assurance, publics ou privés, donnent lieu à des contrats entre l'assuré (selon son choix) et les compagnies d'assurance publiques ou privées. Les compagnies sont tenues d'accepter toute personne souhaitant s'assurer et de lui fournir au moins un panier de prestations de base défini par l'Etat.

Le caractère hybride du système (mi-public, mi-privé) est accentué par le fait que les fournisseurs de soins sont essentiellement privés. C'est notamment le cas de la plupart des hôpitaux.

Ce régime est confronté à deux défis principaux. En premier lieu, un accroissement rapide des dépenses de l'assurance maladie. La fixation d'un cadre annuel de dépenses budgétaires, conduisant à d'éventuelles hausses de cotisations ou à un rationnement des prestations, n'a en effet pas permis d'éviter cette dérive. De fait, la croissance annuelle des dépenses s'est accélérée, passant d'un rythme de 3 % de 1995 à 1998 à 4 % en 2000, 6,75 % en 2001 et 8,8 % en 2002, soit une augmentation en volume de près de 30 % au cours des cinq dernières années. Aujourd'hui, les dépenses de santé représentent près de 10 % du PIB, soit l'un des taux les plus élevés des pays industrialisés.

Le deuxième défi est constitué par la difficulté du système à répondre aux besoins médicaux. Le rationnement des prestations a conduit notamment à créer des files d'attente de plus en plus mal ressenties par l'opinion publique. Ces files peuvent atteindre 5 à 6 semaines pour des soins considérés comme non urgents, tels que l'orthopédie ou l'ophtalmologie.

En outre, le contrôle de la démographie médicale, en particulier par la modification du numerus clausus, a entraîné une pénurie de professions médicales. Malgré l'ouverture des formations, l'encouragement au regroupement des cabinets et le rapprochement des établissements hospitaliers, le problème continue de se poser.

2) Des réformes axées sur la maîtrise des dépenses et la libéralisation du système

Pour remédier à ces difficultés, le Gouvernement a, avec l'accord de la plus grande partie des forces politiques et syndicales, engagé deux grandes séries de réformes.

En premier lieu, un ensemble de mesures tendant à maîtriser la dépense. Il s'agit notamment de :

responsabiliser les malades. A cet effet, certaines franchises ont été augmentées depuis le 1er janvier 2003 dans le cadre du régime AWBZ (premier pilier) : celle pour l'hospitalisation à domicile est passée de 4,60 euros à 11,80 euros par heure et celle pour le séjour dans une institution de soins a été accrue de 2 %. Le Gouvernement estime, en effet, que les patients ne sont pas assez sensibilisés au coût des dépenses qu'ils entraînent. Selon le ministre de la santé, M. Hoogervorst, le système s'apparenterait pour eux à « un supermarché sans caisse ». Aussi, est-il envisagé d'aller plus loin et de mettre en œuvre un système appelé « no claim » (non-réclamation). Ce dernier consisterait à verser, à partir de 2005, une somme de 250 euros par an aux assurés qui ne déclareraient pas ou quasiment pas de frais de santé, afin de les dissuader de recourir à une consommation médicale excessive ;

dérembourser un certain nombre de prestations. Depuis le 1er janvier 2004, plusieurs soins ont été déremboursés dans le cadre du régime ZFW (deuxième pilier) : la contraception au-dessus de l'âge de 21 ans, le premier traitement de fécondation in vitro, les soins dentaires, la kinésithérapie et la gymnastique médicale au-dessus de l'âge de 18 ans, les médicaments sans ordonnance et les frais de transports, exception faite de certaines catégories de malades. Par ailleurs, le nombre de sessions de psychothérapie ambulatoire remboursées a été diminué de 90 à 30 ;

réduire forfaitairement de 8 % le budget des hôpitaux ;

encourager la consommation de génériques, en offrant aux pharmaciens des facultés de substitution et en accroissant leurs marges sur la vente de ces produits. La consommation des génériques représenterait déjà 50 % de la consommation totale de médicaments en volume ;

mettre en place un financement par pathologie (DBC). Depuis le 1er janvier 2003, un nouveau système de financement des hôpitaux et des soins de spécialistes a été mis en œuvre. Ce dispositif, appelé Diagnose Behandeling Combinatie - DBC, repose sur la définition d'un budget par diagnostic, incluant l'ensemble des coûts liés à une pathologie déterminée. Il se combine avec l'obligation existante de consulter un médecin référent avant d'avoir recours à un spécialiste pour être remboursé. Les tarifs des soins concernés sont négociables par les assureurs de soins, afin d'améliorer le rapport qualité/prix de ceux-ci. Cette nouvelle mesure devrait être appliquée à partir du 1er juillet 2004 pour 17 types d'actes médicaux - sur une centaine de DBC définis actuellement - et pour 10 % du budget des hôpitaux.

Le Gouvernement a, en deuxième lieu, entrepris une refonte générale du système en vue de le simplifier et de le libéraliser.

Le projet consiste à remplacer les différents régimes publics existants (AWBZ, ZFW, WTZ...) par un régime universel unique. Par ailleurs et surtout, le Gouvernement néerlandais a décidé, le 12 décembre 2003, que ce nouveau système d'assurance maladie aura un statut privé. Ce système garantira néanmoins la solidarité entre les assurés en imposant l'obligation pour les assureurs d'accepter tous les malades qui le souhaitent pour un même montant, sans distinction d'âge ou de situation de santé. Des « paquets » standards de prestations seront définis. Le financement sera assuré par des primes nominales fixes pour tous les assurés et des contributions des employeurs, proportionnelles aux revenus des salariés. Pour les primes nominales, une cotisation de 800 euros est envisagée, assortie d'une éventuelle aide de l'Etat. Un mécanisme de péréquation devrait être prévu pour compenser les différences de structures de risques : il devrait être administré par le collège des assureurs et tenir compte de quatre critères principaux (sexe, âge, région et incapacité de travail). Des compensations fiscales pour les catégories d'assurés à faibles revenus sont également à l'étude.

De manière générale, le Gouvernement souhaite accroître la concurrence entre les acteurs du système de santé pour fournir un service au meilleur rapport qualité/coût. L'Etat reste responsable de la définition des garanties relatives à la qualité des soins, à leur accès et à leur coût, mais il tend à déléguer la gestion des dépenses de santé à des assureurs et des fournisseurs de soins privés. Dans ce cadre, de nouvelles formules sont expérimentées, telles que, par exemple, le remplacement du paiement à l'acte par un système forfaitaire (« lumpsum ») pour les spécialistes et des contrats déterminant un budget plafonné pour les généralistes et les hôpitaux.

3) Un accord politique global

S'il est trop tôt pour pouvoir apprécier les effets de ces réformes, on peut néanmoins tirer quelques premières conclusions.

En premier lieu, les mesures engagées devraient, selon le Gouvernement, limiter l'augmentation des dépenses de santé à 2,5 % par an, pour la période 2004-2006, au lieu du taux de 6 à 8 % enregistré au cours des dernières années. En outre, le ministère de la santé estime que l'application du dispositif « no claim » devrait permettre d'économiser environ 1,6 milliard d'euros. Enfin, la simplification et la libéralisation du système devrait, selon le Gouvernement, également contribuer à maîtriser la dépense tout en améliorant l'accès aux soins, les prestations et les possibilités de choix des patients.

L'un des faits les plus remarquables, pour une réforme aussi radicale, est l'accord politique général auquel elle donne lieu, à la fois au sein des principaux partis politiques, des organisations syndicales et de l'opinion publique. Et ce, même s'il existe des divergences, notamment au sein de l'opposition (socio-démocrates et Verts) concernant l'application du dispositif de non-réclamation.

Cet accord a été facilité par l'existence d'un dispositif d'évaluation indépendant et objectif. Ce dernier repose notamment sur le Centraal Plan Bureau (CPB), qui est régulièrement consulté par le Gouvernement et amené à évaluer la portée économique et financière des programmes des partis politiques, que ceux-ci sont tenus de lui envoyer six mois avant les élections.

C. Un système autrichien décentralisé, soucieux de maîtriser les dépenses(16)

1) Un régime universel décentralisé, principalement financé par les cotisations

En Autriche, 99 % des personnes résidant sur le territoire sont couverts par le régime légal d'assurance maladie. Si ce dernier est régi par la loi fédérale, la gestion concrète du système est principalement assurée, de manière décentralisée, par les neuf caisses régionales de maladie (une pour chaque Land). Pour certaines catégories professionnelles, existent cinq organismes d'assurance spécifiques. Par ailleurs, les salariés de certaines grosses entreprises sont assurés par les caisses de celles-ci.

Le fonctionnement des organismes d'assurance repose sur le principe de l'autogestion, qui leur permet de disposer d'une certaine liberté pour mettre en œuvre les normes juridiques nationales. Ces organismes disposent de plusieurs types d'agences pour fournir leurs prestations.

S'agissant des hôpitaux, leur financement est régi, depuis 1978, par des contrats à durée déterminée entre l'Etat et les Länder. Les dotations de l'Etat sont versées dans un fonds structurel et réparties, conformément à ces contrats, entre les neuf fonds régionaux, par ailleurs alimentés par les cotisations d'assurance maladie, ainsi que les divers impôts et taxes provenant des Länder et des communes. Ces fonds disposent d'une grande liberté d'action et fonctionnent selon un système de forfaits par cas permettant le financement des établissements en fonction des prestations qu'ils ont effectivement fournies. Dans l'ensemble, les prestations du régime légal d'assurance maladie sont principalement financées par les cotisations (de base et complémentaires) des salariés et des employeurs. L'Etat finance néanmoins une partie importante de certaines actions, telles que 50 % des coûts des examens de dépistage pour les jeunes et 70 % de ceux relatifs aux fécondations in vitro.

2) De multiples mesures d'économie

Plusieurs mesures ont été prises au cours des dernières années pour maîtriser les dépenses de santé :

- en 1996, ont été créées une taxe sur la feuille de maladie (3,63 euros à l'époque) et une participation pour les cures (entre 5,91 euros et 15,02 euros par jour en 2002). Parallèlement, chaque médicament prescrit donne lieu à une participation minimale (de 4,14 euros en 2002) ;

une participation pour les soins ambulatoires à l'hôpital a également été instaurée. Celle-ci, qui fait l'objet d'un certain nombre d'exceptions, s'élevait, en 2002, à 18,17 euros pour le régime de droit commun et à 10,90 euros en cas de recommandation écrite par le médecin traitant (avec un plafond annuel de 72,67 euros) ;

le taux de cotisation à l'assurance maladie a été augmenté pour les pensionnés en 1996, passant de 3,50 % à 3,75 % ;

le droit aux prestations pour les conjoints et concubins est, depuis le 1er janvier 2000, devenu désormais gratuit seulement si le partenaire se consacre à l'éducation des enfants, s'il s'est chargé de cette éducation pendant quatre ans au moins, s'il a droit à une allocation dépendance ou s'il s'occupe des soins de l'assuré dans le cas où celui-ci est dépendant. A défaut, l'assuré doit, à partir de cette date, payer une cotisation supplémentaire de 3,4 % ;

- il a été décidé que les organismes d'assurance maladie doivent tous les ans, à partir de 2003, sensibiliser les assurés sur le coût des prestations qui leur sont fournies, afin de les inciter à une certaine vigilance dans leur consommation de soins.

D. La plupart des nouveaux Etats membres d'Europe centrale : des réformes courageuses, favorisant la responsabilité individuelle et les mécanismes de marché

1) Une première vague de réformes partielles n'ayant pu juguler les dérives des systèmes étatisés

Dans la plupart des pays d'Europe centrale et orientale (PECO), le système de santé, hérité des anciens régimes communistes, reste marqué par l'universalité et la gratuité des soins, une gestion relativement centralisée, un réseau dense et des problèmes de répartition des ressources.

Les premières réformes, engagées à partir du début des années quatre-vingt dix, ont, tout en conservant les principes d'universalité et de gratuité, privilégié les principales orientations suivantes :

la remise en cause du centralisme étatique, par un processus de décentralisation et d'association des acteurs locaux ;

l'autorisation de l'exercice privé de la médecine ;

la création d'une assurance maladie obligatoire - reposant principalement sur des cotisations sociales (Cf. tableau ci-après) - ainsi que d'assurances maladie volontaires ;

la maîtrise des dépenses, par une rationalisation des moyens, en particulier du nombre de lits d'hôpital ;

la hausse des efforts de financement.

Taux de cotisations consacrees au financement de la sante
dans les pays d'Europe centrale et orientale (PECO) en 2003
(% du salaire brut)

 

Total

Employeur

Employé

Bulgarie

6

4,5

1,5

République tchèque

13,5

9

4,5

Estonie

13

13

-

Hongrie

14

11

3

Lettonie

Financement par une part de l'IR (28,4 %)

Lituanie

8,5

6

2,5

Pologne

8

 

8

Roumanie

14

7

7

Slovaquie

14

10

4

Slovénie

13,22

6,86

6,36

*Note : 2,16 % de cotisations sociales sont consacrés à la maternité et à la maladie.

Source : DREE (missions économiques).

Si ces mesures ont permis d'améliorer dans l'ensemble les indicateurs de santé et de rationaliser le système, elles ont laissé perdurer plusieurs difficultés :

- la persistance de sureffectifs importants (lits d'hôpitaux notamment) ;

- le caractère encore surdimensionné de la médecine spécialisée ;

- une action de prévention et de dépistage insuffisante ;

- des infrastructures de santé jugées souvent surdimensionnées, obsolètes ou en mauvais état ;

- des conditions de travail, de formation et de rémunération des professionnels de santé peu motivantes ;

- une responsabilisation insuffisante des acteurs ;

- des problèmes de maîtrise des dépenses et de financement.

Cette situation a favorisé l'émergence d'une santé à deux vitesses avec, d'une part, l'accès à des soins publics censés être gratuits pour tous, mais d'une efficacité limitée, et, d'autre part, le recours soit à des rémunérations directes du personnel médical (dessous-de-table) - biaisant ainsi les principes d'égalité et de solidarité du régime - soit à des assurances privées.

Elle explique également en grande partie les différences de performance sanitaire par rapport à la plupart des pays de l'Europe des Quinze. La comparaison des taux d'espérance de vie et des taux de mortalité en témoigne (voir tableau ci-après).

Espérance de vie à la naissance et taux de mortalité
dans les pays d'Europe centrale et orientale (PECO) (2001)

 

Espérance
de vie

Espérance de vie des hommes

Espérance de vie des femmes

Taux de mortalité standardisé*
(/100 000)

Taux de mortalité infantile
(/1 000)

Moyenne UE

78,9

75,8

81,8

662**

5,2***

Slovénie

76,5

72,3

80,5

785,5

4,3

République tchèque

75,4

72,1

78,7

883,5

4,0

Pologne

74,4

70,3

78,5

912

7,7

Slovaquie

73,8

69,7

77,9

982

6,2

Hongrie

72,6

68,3

76,8

1036

8,2

Bulgarie

71,9

68,6

75,4

1106

14,4

Lituanie

71,7

65,9

77,5

1039

7,9

Roumanie

71,3

67,7

75,0

1097

18,4

Estonie

70,7

64,9

76,4

1116

8,8

Lettonie

70,1

64,5

75,7

1147

7,9

* Le taux de mortalité standardisé (TMS) est le taux de mortalité d'une population présentant une distribution standard par âge. Comme la plupart des causes de décès varient notablement selon l'âge et le sexe des personnes, l'utilisation de taux de mortalité standardisé renforce la comparabilité entre périodes et entre pays, car ces taux visent à chiffrer les décès indépendamment des différences entre les pyramides des âges des populations.

**2000.

***1999.

Source : OMS, Eurostat.

Ainsi, par exemple, le taux d'espérance de vie s'établit-il en moyenne au-dessous de 75 ans (à l'exception de la Slovénie et de la République tchèque), contre près de 79 ans dans l'Union européenne des Quinze.

2) Un nouveau mouvement de réformes tend à s'engager, axé sur la responsabilisation des acteurs et la mise en concurrence

Ces difficultés et les conditions d'adaptation nécessitées par l'entrée dans l'Union européenne ont incité ces pays à poursuivre leurs réformes selon plusieurs directions :

le renforcement de la décentralisation, tant en gestion, en moyens, qu'en financements ;

la recherche systématique de l'efficience (offrir le meilleur service au meilleur coût) ;

la mise en concurrence des prestataires de soins ;

la responsabilisation des acteurs : des établissements et des professionnels de santé, par leur mise en concurrence ; des patients, par des dispositifs d'incitation à limiter la demande (instauration du ticket modérateur en Slovénie, projets en cours en Pologne, en République tchèque, en Hongrie, en Estonie ou en Lettonie) ;

le développement d'un secteur privé de l'assurance maladie, complémentaire du secteur public.

Aujourd'hui, les indicateurs de santé des PECO restent en dessous de ceux des Quinze avant l'élargissement. Il en est de même des dépenses de santé, qu'elles soient publiques (4,86 % du PIB contre 6,25 % pour l'Europe des Quinze en 2001), ou totales (5,91 % du PIB contre 8,5 % pour l'Europe des Quinze la même année).

*

* *

Les réformes menées dans les régimes de type bismarckien tendent à renforcer substantiellement la contribution financière des malades - pour les inciter à une consommation médicale modérée - et à limiter les prestations remboursées aux soins strictement nécessaires. Elles visent également à accroître la mise en concurrence des assureurs et des prestataires de soins et à ouvrir la part faite au secteur privé. Le cas des Pays-Bas est particulièrement révélateur à cet égard. De nombreuses mesures ont par ailleurs été mises en œuvre pour améliorer la gestion.

VI.

VII. LES SYSTEMES MIXTES D'EUROPE DU SUD : DECENTRALISATION, RESPONSABI-LISATION, LIBERALISATION

Les régimes mixtes d'Europe du Sud sont marqués par la combinaison d'éléments divers, inspirés des différents systèmes : mélange - dans le financement - d'impôts et de cotisations, d'organismes publics et privés, ou d'assurances sociales stricto sensus et de services de santé directement fournis par l'Etat.

A. L'Italie : entre régionalisation et responsabilisation

1) Régionaliser

Jusqu'en 1978, l'assurance maladie relevait en Italie du secteur privé : mutuelles, assurances privées, couverture médico-sociale prévue par les entreprises. Depuis cette date, elle est principalement régie par le service sanitaire national, garantissant une couverture universelle. Elle a été financée, jusqu'en 1998, à moitié par l'impôt, à moitié par les cotisations sociales, puis par un impôt régional sur la valeur ajoutée, l'IRAP, et diverses autres ressources fiscales.

Deux grandes séries de réformes sont intervenues pendant les quinze dernières années : au cours de la décennie 1990, puis en août 2001, lors de la signature du dernier accord Etat-régions. Toutes deux ont eu pour axe majeur la régionalisation.

A la veille des années 1990, le système italien était marqué par des déficits récurrents, de l'ordre de 1 % du PIB. Cela était lié à une forte progression des dépenses, qui passèrent de 5,6 % à 6,3 % du PIB entre 1980 et 1990. La hausse était particulièrement marquée pour les dépenses hospitalières et les prescriptions, alors que celles de la médecine de ville étaient freinées par un système de rémunération à la capitation et la nécessité de passer par les médecins généralistes pour accéder aux spécialistes. Cette situation tenait à la déresponsabilisation des régions - pourtant principales gestionnaires du système de santé - au profit de l'Etat, qui fixait les cotisations des assurés et les dotations budgétaires de ces collectivités, et comblait systématiquement les déficits de celles-ci.

Pour y remédier, pleine compétence financière et juridique a été donnée aux régions. Cela a conduit parallèlement à les responsabiliser, de même que les patients et les principaux acteurs du système de santé.

2) Responsabiliser

Les réformes des années 1990 ont eu essentiellement trois objets :

la part des recettes propres des régions dans le financement a été accru (fixation et affectation des cotisations maladie par les régions, puis fusion des cotisations avec la fiscalité régionale et remplacement progressif des dotations de l'Etat par un prélèvement régional sur les recettes de TVA). Parallèlement, les transferts de l'Etat ont été réduits et les régions sont devenues garantes de l'équilibre financier, sous peine de devoir s'endetter pour combler les déficits ;

les régions ont acquis des compétences nouvelles pour gérer le système de santé : fixation des modalités d'allocation des ressources, recrutement des dirigeants des hôpitaux, conduite des restructurations hospitalières, définition des systèmes d'information, organisation des filières et réseaux de soins en médecine de ville, notamment ;

- les gouvernements successifs ont, par ailleurs, à plusieurs reprises, décidé des baisses de prix des médicaments et des augmentations du ticket modérateur. Ils ont également, pour freiner les dépenses, limité certaines embauches ou investissements dans le secteur hospitalier.

Ces mesures ont permis de diminuer les dépenses publiques de santé de 6,3 à 5,7 % du PIB entre 1990 et 1999. Cependant, les mécanismes de responsabilisation des régions se sont révélés insuffisants : celles-ci n'ont pas cherché à contrôler les pratiques de prescription de la médecine de ville et les déficits atteignaient encore 0,35 % du PIB en 1999. De plus, l'Etat n'a pas été en mesure de résister aux pressions des exécutifs locaux pour qu'il les résorbe. Enfin, le rationnement des soins s'est traduit par un accroissement des listes d'attente, un recours plus large à l'assurance privé
- entraînant une augmentation des dépenses de santé privée de 0,5 % du PIB au cours de la décennie - ainsi qu'aux soins pratiqués à l'étranger.

L'accord Etat-régions d'août 2001 a cherché à pallier ces inconvénients en responsabilisant davantage les acteurs. Trois principaux types de mesures ont été prises :

l'Etat s'est engagé à combler les déficits des régions pour la dernière fois, moyennant un accroissement des transferts budgétaires et du prélèvement régional sur la TVA jusqu'à 6 % du PIB ;

les régions sont devenues les seules responsables de l'équilibre budgétaire. Elles ont reçu en conséquence une compétence législative exclusive en matière sanitaire. C'est ainsi que le développement d'un dossier médical informatisé ou l'instauration d'une obligation de consultation d'un médecin référent avant celle d'un spécialiste ou d'un service hospitalier relèvent de leurs compétences. L'Etat ne conserve que deux principaux types de missions : la définition du plan sanitaire national et des « niveaux essentiels d'assistance » (qui correspondent à une véritable couverture, garantie à tous les citoyens, gratuitement ou en coparticipation) ; la politique salariale des personnels de santé, l'admission au remboursement et la fixation du prix des médicaments ;

de nouvelles dispositions tendant à maîtriser les dépenses pharmaceutiques ont été adoptées : baisse de 5 % du prix des médicaments (700 millions d'euros d'économies attendues), révision de la liste des médicaments remboursés en fonction du critère thérapeutique, détermination du prix de référence par classe thérapeutique. L'objectif est de faire en sorte que les dépenses pharmaceutiques ne dépassent pas 13 % du total des dépenses de santé. Parallèlement, les autorités ont favorisé le développement des génériques (possibilité de substitution offerte aux pharmaciens et léger accroissement des marges de ceux-ci sur ces produits) et la diffusion de protocoles thérapeutiques par pathologie.

3) Des résultats mitigés

Cette responsabilisation des acteurs a porté ses fruits. Les régions ont commencé à mettre en œuvre des mesures complémentaires à celles prises par le Gouvernement concernant les dépenses pharmaceutiques, notamment en réintroduisant des tickets modérateurs. En conséquence, ces dépenses ont tendu à diminuer. Plusieurs régions ont, en outre, entrepris de rationaliser la gestion hospitalière. Dans l'ensemble, le déficit s'est, selon les informations communiquées par notre mission économique de Rome, contracté de 0,7 % à 0,25 % du PIB de 2001 à 2002. Il convient de noter à cet égard que la part de la contribution des ménages aux soins de santé est relativement élevée (23 % environ) (contre à peine 10,4 % en France).

On relève cependant encore plusieurs inconvénients :

- la difficulté de concilier la décentralisation et un traitement égal de tous les citoyens sur l'ensemble du territoire italien. La décentralisation se traduit inévitablement, en dépit de la définition de règles nationales générales, par des politiques différentes selon les régions et, par voie de conséquence, des performances en terme de prestations et de prix dissemblables ;

- des désaccords se font jour entre l'Etat et les régions sur leurs responsabilités et leur contribution respective au financement du système. L'Etat estime que les régions sont responsables de leur déficit, tandis que celles-ci imputent certaines dérives de leurs dépenses à des mesures prises par l'Etat, en particulier en matière de politique salariale des personnels médicaux ;

- la péréquation établie entre les régions - pour tenir compte de leurs besoins sanitaires respectifs - ne donne pas, selon les informations communiquées, pleine satisfaction. Les représentants syndicaux rencontrés par le rapporteur évoquent notamment les inégalités de traitement sanitaire entre le Nord et le Sud du pays, conduisant des habitants du Sud à aller se faire soigner au Nord ;

- le dispositif d'ensemble n'a pas permis d'empêcher les déficits, ni la progression globale des dépenses publiques, qui atteignaient 6,4 % du PIB en 2002 ;

- certains observateurs estiment opportune, parallèlement aux mesures de réduction des remboursements, une réorganisation des filières de soins et du contrôle des prescriptions ;

- les listes d'attente restent encore substantielles. Ainsi, en 2003, devait-on compter entre trois et cinq mois pour la réalisation d'un scanner, quarante et soixante jours pour une échographie, quatre et neuf mois pour une opération de la cataracte et huit à douze mois pour l'implantation ou la substitution d'une prothèse.

Ces inconvénients tiennent, selon les informations communiquées, pour une large part au caractère inachevé de la décentralisation, la répartition des compétences et des responsabilités entre l'Etat et les régions - et le mécanisme de péréquation qui l'accompagne - n'étant pas totalement clarifiés.

B. L'Espagne : une gestion décentralisée où le secteur privé occupe une place importante

La loi générale sur la santé du 25 avril 1986 définit les grands principes de l'assurance maladie en Espagne : couverture universelle, cotisation obligatoire, égalité d'accès, garantie d'un financement public, gestion publique et décentralisée des services de santé et d'assistance intégrant à la fois les soins, la prévention et l'information. Ce système national, essentiellement financé par l'Etat, a permis d'accroître le pourcentage des bénéficiaires de la sécurité sociale de 60 % à 99,7 % de la population de 1970 à aujourd'hui.

Il a fait l'objet d'une vaste décentralisation vers les communautés autonomes (régions) au cours des vingt dernières années, assortie d'une mise en concurrence des prestataires de santé et d'une part croissante accordée à l'assurance privée.

1) Une gestion décentralisée

Le système de santé espagnol a été largement décentralisé en faveur des communautés autonomes entre 1978 et le 1er janvier 2002, date à laquelle la totalité de ces communautés s'est vu conférer la plupart des compétences de santé.

Dans le cadre des lois nationales, chacune a désormais la faculté d'adopter la réglementation de son choix, sous le contrôle du Tribunal constitutionnel. L'Etat conserve néanmoins plusieurs compétences générales : définition des normes de base, coordination générale, relations internationales, politique du médicament, formation médicale et paramédicale et financement de la sécurité sociale.

Les communautés autonomes élaborent, avec l'Institut national de gestion sanitaire (INGESA), leurs propres règles et procédures de gestion, de suivi et de contrôle des prestations. Elles assurent la gestion des centres sanitaires et des hôpitaux. On note cependant une forte centralisation du processus de décision régionale et une faible autonomie de gestion des centres de santé.

Un Conseil interterritorial du système national de santé, regroupant autour du ministre chargé de la santé les dix-sept conseillers de la santé des communautés autonomes, tend à garantir la coopération et la coordination de l'ensemble du système. Dans certains domaines, tels que la définition d'un plan national de lutte contre la toxicomanie ou contre le sida, cette coordination s'est traduite par un transfert contrôlé de compétences à un délégué du Gouvernement assumant une coordination nationale.

On note, par ailleurs, que le financement direct du système (après transferts) est aujourd'hui majoritairement assumé par les communautés autonomes. En effet, en 2003, sur 40,1 milliards d'euros, de dépenses publiques de santé, l'Etat a contribué à hauteur de 3,65 milliards, tandis que la part des communautés autonomes s'élevait à 35,8 milliards (soit 32,5 % de leur budget), le solde relevant des communes. Ce financement s'opère au travers d'un fonds général pour 98 % des ressources sanitaires totales. La redistribution des crédits entre les communautés autonomes est effectuée en fonction du pourcentage de la population couverte. Existent également des fonds particuliers, consacrés notamment à la formation spécialisée ou aux soins prodigués aux malades se déplaçant d'une communauté à une autre.

2) Un secteur privé important

14 % de la population espagnole souscrit à un contrat d'assurance privée. 2,7 % sont constitués par des fonctionnaires, dont une large majorité (85 %) préfère s'assurer dans le privé ; 2 % correspondent aux salariés des grandes entreprises, qui proposent leur propre couverture sanitaire ; les 9 % restant sont des personnes ayant opté pour une double couverture sanitaire, à la fois publique et privée.

Par ailleurs, les mutuelles privées proposent une assistance sanitaire dans 90 % des cas et offrent souvent leurs propres réseaux de soins, qu'il s'agisse de médecins ou de cliniques. Cela étant, cette couverture privée, dont la prime moyenne est de l'ordre de 450 euros par an, est principalement le fait de classes aisées ou moyennes résidant dans les grandes villes. Il convient de noter qu'aucune aide publique n'est accordée pour la souscription d'une assurance complémentaire.

Il existe aujourd'hui une centaine de compagnies d'assurances sanitaires privées en Espagne. Ce secteur connaît un fort développement : le montant total des cotisations s'est accru de 15 % entre 2000 et 2002. Selon les informations communiquées, les besoins croissants en matière de santé, qui se font jour en Espagne comme dans la plupart des pays industrialisés, devraient favoriser la poursuite de cette tendance.

3) Des difficultés de financement appelant des mesures complémentaires

On note un accroissement des dépenses sanitaires en Espagne. Cette augmentation est liée, selon les informations communiquées par notre mission économique de Madrid, à la participation insuffisante de l'usager aux dépenses, au vieillissement de la population, à l'élévation du niveau de vie, à la demande grandissante de prestations sanitaires, au développement des nouvelles technologies médicales, à l'apparition de nouvelles pathologies et à la hausse du prix moyen des spécialités pharmaceutiques. Selon une projection de la Fondation d'études économiques appliquées (FEDA), on peut s'attendre à une augmentation continue du volume des dépenses de santé de 0,89 % en moyenne annuelle jusqu'en 2040.

Cette situation s'accompagne d'un phénomène de files d'attente, en particulier pour les opérations chirurgicales non urgentes.

Elle a conduit le ministère de la santé à prendre plusieurs mesures, depuis 1998, pour réduire les dépenses pharmaceutiques : établissement d'une liste de médicaments non pris en charge, baisse du prix moyen des médicaments, mise en place d'un système de prix de référence pour certains groupes de produits afin de développer la consommation de génériques. Ces mesures auraient permis de faire une économie de 3 milliards d'euros. Par ailleurs, le ministère de la santé a signé, à la fin de novembre 2001, un pacte sanitaire avec le syndicat de l'industrie pharmaceutique, en vue de maîtriser les dépenses pharmaceutiques et de garantir des financements privés pour la recherche biomédicale publique.

Selon les informations communiquées, le nouveau gouvernement espagnol entend remédier à ces difficultés par un accroissement des moyens médicaux et une amélioration de la gestion.

C. Le Portugal : un partenariat public/privé axé sur l'amélioration de la qualité et de la gestion

1) Un système mixte présentant des insuffisances

Le régime d'assurance maladie portugais repose sur deux piliers principaux. En premier lieu, le système de santé publique, qui est sous la tutelle du ministre de la santé et est financé à environ 80 % par le budget de l'Etat, le reste des crédits provenant de la collecte du ticket modérateur. Ce premier pilier est composé par ailleurs du régime de sécurité sociale proprement dit, dont la source principale de financement réside dans les cotisations salariales et patronales (respectivement 11 et 23,75 % de la masse salariale). Ce régime occupe une place limitée, dans la mesure où il se limite au versement des allocations pour arrêt maladie.

Le second pilier est constitué par le système privé, composé par des entités de soins privées et des professionnels de santé indépendants. Il est financé par les particuliers, directement ou par l'intermédiaire des compagnies d'assurance. S'il offre des prestations de qualité, il reste encore difficile d'accès à la plus grande partie de la population portugaise - en raison de son coût. On estime que 16 % des Portugais en bénéficient : il s'agit, en général, d'habitants de grandes villes, régis par des contrats-groupes collectifs souscrits par les employeurs. Il n'existerait pas de régime de complémentarité avec le système public, selon les informations communiquées.

Cette situation a entraîné le développement d'une médecine à deux vitesses. D'un côté, le secteur public, qui parvient difficilement à maîtriser les dépenses de santé, à répondre aux besoins croissants de la population, et qui est confronté à l'engorgement des centres de soins et des services d'urgence, ainsi qu'à des listes d'attente pour les opérations chirurgicales longues. D'un autre côté, le secteur privé, en plein essor, qui offre des prestations de qualité, mais reste réservé à certaines catégories sociales. En outre, on observe, comme dans les autres pays, une dérive des dépenses de santé. Le Portugal est également confronté à des problèmes de fraude : 35 % des bénéficiaires des congés maladie seraient en situation frauduleuse.

2) Des objectifs de réforme ambitieux

Les réformes engagées en 2002 tendent précisément à remédier à ces inconvénients. Elles reposent principalement sur deux lois. S'agissant du système de santé en général, la loi du 8 novembre 2002, approuvant le nouveau régime juridique de gestion hospitalière, définit de nouveaux modes de financement et d'évaluation de la productivité, avec pour but l'amélioration de la qualité des prestations et la maîtrise des dépenses de santé, dans le respect des principes constitutionnels d'universalité et d'égal accès aux soins. La loi du 20 décembre 2002 détermine, pour sa part, les nouveaux fondements du système de sécurité sociale, en vue de le rendre socialement plus juste, plus équilibré et plus souple au regard des mutations de l'économie portugaise : accroissement du chômage, vieillissement de la population, précarité...

3) Des mesures diversifiées, focalisées sur l'amélioration de la qualité et de la gestion

Ces réformes se sont traduites en pratique par les principales mesures suivantes :

l'introduction de nouveaux modes de financement, fondés sur un système de capitation et selon différents critères, incluant la structure démographique, le degré de dépendance des malades et la distance à l'égard de l'hôpital le plus proche. Ces nouveaux modes de financement reposent sur trois axes : une stratégie nouvelle de management, l'introduction de primes à la qualité et à l'amélioration de la productivité, et l'intégration d'entités du secteur privé ;

- une relation contractuelle entre le ministère de la santé et les hôpitaux publics a été établie sous la forme d'un contrat de programme annuel définissant des objectifs de production et adaptant le budget au nombre de prestations réalisées (avec d'éventuelles corrections pour tenir compte de la complexité des soins). Ont également été introduites dans les hôpitaux, comme dans les centres de santé, des primes à la qualité et à l'amélioration de la productivité ;

31 hôpitaux publics ont, en 2003, été transformés en sociétés anonymes, dotées de capitaux exclusivement publics. Ces nouvelles structures ont cependant adopté un mode de gestion privée, et ce, même si les prestations restent publiques et leur accès universel. Dans le cadre d'un contrat de programme pluriannuel entre ces établissements et le ministère de la santé, sont définis des objectifs quantitatifs et qualitatifs, les besoins d'investissements, ainsi que des indicateurs de performance. La dotation accordée par l'Etat à chaque hôpital dépend de la productivité de celui-ci, tenant compte de la nature des prestations et des pathologies traitées ;

un partenariat public-privé a par ailleurs été établi dans le domaine hospitalier, afin de mieux mutualiser les risques de santé. Ce partenariat, appelé gestion hospitalière en partenariat public-privé (PPP), tend à la fois à améliorer la qualité des soins et à maîtriser les dépenses de santé. Il a donné lieu, par exemple, au lancement, en décembre 2003, d'un appel d'offres tendant à accorder au secteur privé la construction et la gestion de dix nouvelles unités hospitalières d'ici 2007. Le Gouvernement prévoit de généraliser ce nouveau mode de gestion à l'ensemble des infrastructures de santé, qu'il s'agisse notamment des hôpitaux ou des centres de soins ;

une nouvelle politique du médicament a été engagée en 2003, en vue de réduire les dépenses pharmaceutiques. Elle repose principalement sur la promotion des médicaments génériques, grâce à l'instauration de nouvelles règles de prescription et à l'adoption de prix de référence ;

de nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 1er avril 2004, afin de limiter les fraudes de congés maladie. Celles-ci différencient les arrêts maladie de moyenne et longue durée, tout en favorisant les personnes les plus touchées financièrement. Elles se traduisent par une légère réduction du montant des allocations, assortie d'une bonification pour les familles de trois enfants et plus et d'une réduction de 6 mois à 5 jours du délai de remise du certificat d'arrêt maladie (Cf. tableau ci-après).

Synthese de la reforme des congés maladie au Portugal
(calcul des allocations maladie)

Durée arrêt maladie

Ancien régime
(avant le 31/03/2004)

Nouveau régime
(au 01/04/2004)

Taux de remplacement (par rapport au salaire)

Avec bonification

Jusqu'à trois jours

0 %

0 %

0 %

De 4 à 30 jours

65 %

55 %

60 %

De 31 à 90 jours

65 %

60 %

65 %

De 91 à 365 jours

65 %

70 %

70 %

Plus de 365 jours

70 %

75 %

75 %

Note : Ces taux ne s'appliquent pas aux arrêts dus à la tuberculose (80 % et 100 % au premier jour d'arrêt selon le nombre de personnes à charge).

Source : Mission économique de Lisbonne.

Comme on le voit, le nouveau régime prévoit une réduction de 5 points pour le calcul des allocations entre 4 et 90 jours d'arrêt maladie, tout en laissant inchangée la situation des familles de trois enfants et plus. En revanche, le mode de calcul devient plus favorable entre 91 et 365 jours d'arrêt (le taux étant dans cette hypothèse relevé de 5 points).

4) Une évaluation encore incertaine, eu égard au caractère récent des mesures

Il est encore difficile, compte tenu du caractère récent de ces mesures, de pouvoir établir un bilan précis. On peut néanmoins donner certaines indications :

- la politique d'encouragement des génériques semble porter ses fruits, puisque la part de ceux-ci représentait 6 % du marché pharmaceutique à la fin de 2003, contre 1,76 % à la fin de 2002 ;

- s'agissant de la politique du médicament en général, les économies réalisées en 2003 s'élèveraient, selon le Gouvernement, à 70 millions d'euros pour le secteur public et 30 millions d'euros pour les usagers. La hausse globale des dépenses de médicaments s'établit à 3,7 % pour cette année, contre 7 % en 2002 et 10,4 % en 2001 ;

- dans les hôpitaux transformés en sociétés anonymes, les nouveaux modes de gestion ont permis de freiner l'augmentation du nombre des actes chirurgicaux et des consultations : les coûts se sont accrus de seulement 2,4 % en 2003, ce qui reste très inférieur à la moyenne des augmentations des années précédentes ;

- on note, s'agissant des hôpitaux publics, un accroissement de la productivité et une réduction des dépenses ;

- enfin, si perdurent des différences de traitement entre les malades pris en charge par le secteur public et ceux soignés par le secteur privé, les autorités portugaises ont créé l'Entité régulatrice du secteur de la santé (ERS), ayant pour mission la défense des intérêts des usagers et la garantie d'un droit d'accès universel équitable au service public de santé. Cet organisme, doté d'une autonomie administrative et financière, a vocation à se prononcer sur tous les contrats de concession et de gestion des établissements publics ou privés. De même, il aura pour mission de contrôler et de réguler tous les opérateurs ou prestataires de santé, qu'ils soient publics ou privés.

La mise en place du nouveau modèle de gestion hospitalière au travers du partenariat public-privé a fait l'objet d'un consensus de la part des trois grands partis politiques portugais lors des dernières élections générales de 2002. Cependant, selon les derniers sondages, l'opinion publique serait majoritairement insatisfaite de la qualité des prestations offertes par les centres de santé publics. Elle met en cause en particulier des délais d'attente trop long pour les consultations et des dysfonctionnements administratifs.

D. Un régime grec pluriel, dont la gestion a été améliorée

1) Un dispositif offrant une large part au secteur privé

D'un montant élevé (9,5 % du PIB), les dépenses de santé en Grèce sont financées pour 55 % par le secteur public et 45 % par le secteur privé. Une part substantielle de ces dépenses n'est pas couverte par la sécurité sociale, mais est déductible des revenus imposables, sur production de justificatifs, dans le cadre d'un certain plafond.

Le système de santé grec est caractérisé en outre par un grand nombre de caisses - elles sont plus de 200 - et, par conséquent, de nombreux régimes, donnant lieu à des types de couverture différents.

Le système est financé, outre les contributions privées, par des transferts budgétaires et des cotisations sociales. Les charges sociales relatives au régime des salariés se montent ainsi à 44,06 % du salaire, comprenant 16 % de part salariale et 28,06 % de part patronale.

2) De meilleures conditions de gestion et de concurrence

Pour mieux maîtriser les dépenses de santé et améliorer la qualité et l'accès aux soins, le gouvernement grec a mis en œuvre, au cours des dernières années, plusieurs mesures successives :

- en 1997, des dispositions tendant à restreindre les conditions de versement des pensions d'invalidité et des allocations aux familles nombreuses ; de même que la création, au sein du régime général des salariés (IKA), d'une brigade de surveillance et de répression des fraudes et l'instauration d'amendes renforcées en cas d'irrégularités ;

- en 1998, l'instauration d'une liste unique de médicaments remboursables et la fusion, à des fins de simplification et d'amélioration du service, des caisses des artisans et des commerçants ;

- en 2002, une nouvelle réduction du nombre des caisses et l'instauration d'une relation « équilibrée » entre l'assurance obligatoire, l'assurance complémentaire et l'assurance privée, afin de rentabiliser le fonctionnement global du système ;

- la loi du 14 février 2001 (n° 2889/01) prévoit par ailleurs un ensemble de dispositions sur six ans, notamment un système régional de santé (PESYPs) - opérationnel depuis juin 2001 -, un corps d'inspecteurs de la santé, des innovations dans le management des hôpitaux publics (qui pourraient donner lieu à l'engagement de dirigeants professionnels dans 130 hôpitaux publics), l'introduction de la comptabilité en partie double et l'informatisation des fonctions et services hospitaliers. En outre, la loi introduit un dispositif de contrats de performance pour les médecins ;

des mesures ont été mises en œuvre en 2002 pour limiter les dépenses pharmaceutiques : modification de la liste des médicaments autorisés, définition de nouvelles normes de prescription de délivrance des médicaments, détermination d'un plafond de dépenses relatives à la promotion des prescriptions médicales par les sociétés pharmaceutiques.

3) Vers une rationalisation du système

La nouvelle majorité issue des élections générales de mars dernier, incarnée par la Nouvelle Démocratie, devrait poursuivre ces réformes dans le sens d'une rationalisation globale du système.

Dans sa plate-forme électorale, la Nouvelle Démocratie a en effet évoqué les orientations suivantes :

- un regroupement progressif des caisses et des branches d'assurance ;

- une modernisation de la gestion des caisses, en vue d'éviter les gaspillages. Il est prévu, dans ce cadre, de mettre en valeur le patrimoine mobilier et immobilier des caisses de sécurité sociale par des fonds de placements et de lutter contre l'évasion en matière de cotisations sociales - qui s'élève à près de 30 % pour certaines caisses comme l'IKA (régime général des salariés) ;

- une informatisation rapide du système ;

- le développement de la carte d'assuré social, en vue de faciliter les contrôles ;

- la mise en place d'un système de libre choix du médecin ;

- l'assainissement des branches maladie, grâce à l'introduction d'un système informatique complémentaire tendant à rendre un service plus rapide et plus efficace ;

- l'amélioration du régime des pensions d'invalidité.

*

* *

Dans l'ensemble, les réformes engagées par les systèmes mixtes d'Europe du Sud sont caractérisées par la décentralisation des décisions, la responsabilisation financière des assurés et des prestataires, et la part importante accordée aux entreprises et méthodes de management du secteur privé.

VIII.

IX. LA FRANCE : UN REGIME DE TYPE BISMARCKIEN OFFRANT UNE BONNE PROTECTION SOCIALE, MAIS DONT LE SURCOÛT ET LES LACUNES APPELLENT DE PROFONDES ADAPTATIONS

A. Un système offrant une bonne couverture sociale, mais d'un coût élevé et handicapé par plusieurs faiblesses

1) Une couverture sociale large et des indicateurs de santé positifs

Le système de santé français comporte, par rapport aux autres pays développés, deux avantages principaux : une couverture sociale étendue et une situation sanitaire globalement satisfaisante.

Ainsi, 99,9 % de la population bénéficiait en 2001(17) d'une assurance maladie publique. Sachant, d'une part, que les assurances de base offrent une liste de prestations vastes et que, d'autre part, cet état de fait est traditionnel dans notre pays (ce taux était déjà de 95,6 % en 1970). Si beaucoup d'autres Etats de l'OCDE affichent un taux de 100 % (Canada, Danemark, Australie, Finlande, Italie, Irlande, Japon, Suède, Suisse, Royaume-Uni...) et la plupart un taux supérieur à 90 % (la moyenne de l'OCDE s'établissait en 2002 à 93,13 %), certains pays présentent une couverture inférieure. C'est le cas notamment de l'Allemagne (90,9 %), des Pays-Bas (75,7 %), ou des Etats-Unis (25,3 %), qui disposent, il est vrai, par ailleurs, d'une couverture privée.

Les indicateurs de santé sont en outre globalement satisfaisants. L'espérance de vie à la naissance, de 79,4 ans(18), est l'une des cinq plus élevées de l'Union européenne, avec la Suède (80,4 ans), l'Italie (79,7 ans), l'Espagne (79,6 ans) et l'Autriche (79,4 ans), et devant notamment l'Allemagne (78,7 ans) et le Royaume-Uni (78,2 ans). Et ce, même si celle des hommes se situe juste dans la moyenne de l'Union européenne (75,9 ans). Les progrès réalisés dans ce domaine au cours des quarante dernières années sont d'ailleurs significatifs (Cf. graphique ci-après).

Augmentation de l'esperance de vie a la naissance,
population totale, 1960-2000.

Note : Chaque pays calcule l'espérance de vie de sa population selon des méthodologies qui peuvent varier d'un pays à l'autre. Ces différences méthodologiques peuvent affecter la comparabilité des estimations notifées par les pays, car en fonction de la méthode, l'espérance de vie calculée d'un pays peut varier d'une fraction d'année. Le Secrétariat de l'OCDE estime l'espérance de vie de la population totale pour tous les pays, sur la base de la moyenne non pondérée de l'espérance de vie des hommes et des femmes.

Source : Eco-Santé OCDE 2003.

Avec une augmentation de 8,7 années de l'espérance de vie entre 1960 et 2000, la France se classe juste au-dessus de la moyenne de l'OCDE (8,6) et devant des pays comme la Finlande, l'Australie, la Suisse, l'Allemagne, le Royaume-Uni ou le Canada.

Le taux de mortalité infantile, qui constitue également un indicateur clé de la situation sanitaire, avec 4,6 décès pour 1000 naissances vivantes, fait partie des dix meilleurs résultats des pays de l'OCDE, derrière l'Islande (3), le Japon (3,2), la Suède (3,4) ou la Finlande (3,8), mais devant le Royaume-Uni (5,6) ou les Etats-Unis (6,9), et nettement au-dessous de la moyenne de l'OCDE (7).

Ces données ne doivent néanmoins pas cacher certaines disparités ou carences, selon la population, la région, la maladie ou le type de prestations considérées. Ainsi, par exemple, les infections nosocomiales sont-elles présentes chez 6 à 10 % des personnes hospitalisées « un jour donné » et provoqueraient de 7 000 à 10 000 décès par an.

2) Un coût élevé

Le régime français d'assurance maladie est un des plus coûteux du monde. Le niveau des dépenses publiques de santé l'atteste largement : avec 7,4 % du PIB en 2002(19), il est le quatrième plus élevé de l'OCDE, après l'Allemagne (8,6 %), l'Islande (8,3 %) et la Suède (7,9 %). (Cf. tableau 1 ci-après).

Le niveau des dépenses totales, qui englobe les dépenses d'assurance privée, fait aussi partie des scores les plus hauts de l'OCDE, avec 9,7 % du PIB en 2002(20), après les Etats-Unis (14,6 %), la Suisse (11,2 %), l'Allemagne (10,9 %) et l'Islande (9,9 %).(Cf. tableau 2 ci-après).

tableau 1 : Depenses publiques de santé - % PIB

 

1960

1970

1980

1990

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Allemagne

 

4.5

6.8

6.5

8

8.2

8.5

8.8

8.5

8.3

8.4

8.3

8.5

8.6

 

Australie

2.1

 

4.4

4.8

5.4

5.4

5.5

5.6

5.7

5.9

6.1

6.2

6.2

   

Autriche

3

3.3

5.2

5.2

5.9

5.9

5.8

5.8

5.3

5.4

5.4

5.4

5.2

5.4

 

Belgique

           

6

6.4

6

6

6.2

6.2

6.4

6.5

 

Canada

2.3

4.9

5.4

6.7

7.2

6.9

6.5

6.3

6.2

6.5

6.3

6.3

6.6

6.7

 

Corée

     

1.7

1.6

1.6

1.7

1.9

2

2.3

2.3

2.4

3.2

   

Danemark

   

8

7

7.2

7

6.8

6.8

6.8

6.9

7

6.9

7.1

7.3

 

Espagne

0.9

2.3

4.3

5.3

5.8

5.6

5.5

5.5

5.4

5.4

5.4

5.3

5.4

5.4

 

Etats-Unis

1.2

2.5

3.6

4.7

5.7

5.9

6

6

5.9

5.8

5.8

5.8

6.2

6.6

 

Finlande

2.1

4.1

5

6.3

6.3

5.8

5.7

5.8

5.5

5.3

5.2

5

5.3

5.5

 

France

2.4

4.1

5.7

6.6

7.2

7.1

7.3

7.2

7.1

7.1

7.1

7.1

7.2

7.4

 

Grèce

 

2.6

3.7

4

4.8

4.8

5

5.1

5

4.9

5.2

5.2

5

5

 

Hongrie

       

6.7

7.2

6.3

5.9

5.6

5.5

5.3

5

5.1

5.5

 

Irlande

2.8

4.2

6.8

4.4

5.1

5

4.9

4.7

4.8

4.7

4.6

4.7

5.2

5.5

 

Islande

2

3.1

5.5

6.9

7

6.9

7.1

7

6.8

7.1

7.9

7.7

7.7

8.3

 

Italie

     

6.4

6.2

5.9

5.3

5.4

5.6

5.6

5.6

6

6.3

6.4

6.4

Japon

1.8

3.2

4.6

4.6

5.1

5.3

5.7

5.8

5.6

5.8

6

6.1

6.4

   

Luxembourg

 

3.2

5.5

5.7

5.8

5.6

5.9

5.9

5.5

5.4

5.6

5

5.3

5.3

 

Mexique

     

2

2.5

2.6

2.4

2.1

2.4

2.5

2.7

2.6

2.7

2.8

 

Norvège

2.2

4

5.9

6.4

6.8

6.7

6.7

6.6

6.6

7.2

7.3

6.5

6.9

7.4

7.8

Nouvelle-Zélande

 

4.1

5.2

5.7

5.5

5.6

5.6

5.5

5.7

6.1

6.1

6.1

6.1

6.6

 

Pays-Bas

   

5.2

5.4

6.3

6.1

6

5.5

5.5

           

Pologne

     

4.5

4.4

4.1

4.1

4.4

4.1

3.9

4.2

4

4.3

4.4

 

Portugal

 

1.6

3.6

4.1

4.6

4.6

5.1

5.5

5.6

5.6

5.9

6.4

6.6

6.5

 

Royaume-Uni

3.3

3.9

5

5

5.9

5.9

5.8

5.8

5.5

5.5

5.8

5.9

6.2

6.4

 

République slovaque

               

5.4

5.2

5.2

4.9

5

5.1

 

République tchèque

     

4.9

6.8

6.9

6.8

6.5

6.5

6.5

6.5

6.5

6.7

6.8

 

Suisse

     

4.3

5.1

5.1

5.2

5.5

5.6

5.7

5.8

5.8

6.2

6.5

 

Suède

 

5.9

8.4

7.5

7.5

7.1

7.1

7.3

7.1

7.2

7.2

7.2

7.5

7.9

 

Turquie

 

0.9

0.9

2.2

2.5

2.5

2.4

2.7

3

3.5

3.9

4.2

     

Source : Eco-santé OCDE 2004, 1ère édition.

tableau 2 : Depenses totales de santé - % PIB

 

1960

1970

1980

1990

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Allemagne

 

6.2

8.7

8.5

9.9

10.2

10.6

10.9

10.7

10.6

10.6

10.6

10.8

10.9

 

Australie

4.1

 

7

7.8

8.2

8.2

8.2

8.4

8.5

8.6

8.8

9

9.1

   

Autriche

4.3

5.3

7.6

7.1

7.9

7.9

8.2

8.3

7.6

7.7

7.8

7.7

7.6

7.7

 

Belgique

 

4

6.4

7.4

8.1

7.9

8.7

8.9

8.6

8.6

8.7

8.8

9

9.1

 

Canada

5.4

7

7.1

9

9.9

9.5

9.2

9

8.9

9.2

9

8.9

9.4

9.6

 

Corée

     

4.4

4.4

4.4

4.4

4.6

4.7

4.8

5

5.1

5.9

   

Danemark

   

9.1

8.5

8.8

8.5

8.2

8.3

8.2

8.4

8.5

8.4

8.6

8.8

 

Espagne

1.5

3.6

5.4

6.7

7.5

7.4

7.6

7.6

7.5

7.5

7.5

7.5

7.5

7.6

 

Etats-Unis

5

6.9

8.7

11.9

13.3

13.2

13.3

13.2

13

13

13

13.1

13.9

14.6

 

Finlande

3.8

5.6

6.4

7.8

8.3

7.7

7.5

7.6

7.3

6.9

6.9

6.7

7

7.3

 

France

3.8

5.4

7.1

8.6

9.4

9.4

9.5

9.5

9.4

9.3

9.3

9.3

9.4

9.7

 

Grèce

 

6.1

6.6

7.4

8.8

9.7

9.6

9.6

9.4

9.4

9.6

9.7

9.4

9.5

 

Hongrie

       

7.7

8.3

7.5

7.2

7

7.3

7.4

7.1

7.4

7.8

 

Irlande

3.7

5.1

8.4

6.1

7

7

6.8

6.6

6.4

6.2

6.3

6.4

6.9

7.3

 

Islande

3

4.7

6.2

8

8.4

8.3

8.4

8.4

8.1

8.6

9.4

9.2

9.2

9.9

 

Italie

     

8

8.1

7.8

7.4

7.5

7.7

7.7

7.8

8.1

8.3

8.5

8.5

Japon

3

4.5

6.5

5.9

6.5

6.7

6.8

7

6.9

7.2

7.4

7.6

7.8

   

Luxembourg

 

3.6

5.9

6.1

6.2

6.1

6.4

6.4

5.9

5.8

6.2

5.5

5.9

6.2

 

Mexique

     

4.8

5.8

5.8

5.6

5.1

5.3

5.4

5.6

5.6

6

6.1

 

Norvège

2.9

4.4

7

7.7

8

7.9

7.9

7.9

7.8

8.5

8.5

7.7

8.1

8.7

9.1

Nouvelle-Zélande

 

5.1

5.9

6.9

7.2

7.2

7.2

7.2

7.4

7.9

7.8

7.9

8

8.5

 

Pays-Bas

   

7.5

8

8.6

8.4

8.4

8.3

8.2

8.1

8.2

8.2

8.5

9.1

 

Pologne

     

4.9

5.9

5.6

5.6

6

5.7

6

5.9

5.7

6

6.1

 

Portugal

 

2.6

5.6

6.2

7.3

7.3

8.2

8.4

8.5

8.4

8.7

9.2

9.3

9.3

 

Royaume-Uni

3.9

4.5

5.6

6

6.9

7

7

7

6.8

6.9

7.2

7.3

7.5

7.7

 

République slovaque

               

5.8

5.7

5.8

5.5

5.6

5.7

 

République tchèque

     

5

7.2

7.3

7.3

7.1

7.1

7.1

7.1

7.1

7.3

7.4

 

Suisse

4.9

5.4

7.3

8.3

9.4

9.5

9.7

10.1

10.2

10.3

10.5

10.4

10.9

11.2

 

Suède

 

6.9

9.1

8.4

8.6

8.2

8.1

8.4

8.2

8.3

8.4

8.4

8.8

9.2

 

Turquie

 

2.4

3.3

3.6

3.7

3.6

3.4

3.9

4.2

4.8

6.4

6.6

     

Source : Eco-santé OCDE 2004, 1ère édition.

Or, plusieurs pays offrent des prestations de qualité comparables, voire parfois meilleures, à un coût nettement inférieur (1 à 2 points de PIB de moins). C'est le cas, par exemple, de la Finlande, avec un niveau de dépenses publiques de santé de 5,5 % du PIB, et de dépenses totales de 7,3 % du PIB, ou de l'Autriche (avec des taux respectivement de 5,4 % et 7,7 %), de l'Espagne (5,4 % et 7,6 %), de l'Irlande (5,5 % et 7,3 %), ou de l'Italie (6,4 % et 8,5 %). La dérive des dépenses de santé en France par rapport à la moyenne européenne est particulièrement éloquente.

La derive des dépenses de sante en France par rapport a la moyenne europeenne
(en points de PIB)

France

Source : Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.

La surconsommation de médicaments en France est à cet égard révélatrice. Notre pays figure au deuxième rang mondial pour la consommation de médicaments par habitant (537 $ par habitant), derrière les Etats-Unis (605 $), soit un montant deux fois plus élevé qu'aux Pays-Bas et deux fois et demie supérieur à celui du Danemark ou de l'Irlande (Cf. graphique ci-après).

Consommation de médicaments par habitant
(en $ - parité de pouvoir d'achat 2001)

Source : Eco Santé OCDE 2003 (les données pour la Suisse, le Luxembourg, le Japon et l'Australie sont relatives à l'année 2000).

Etant donné que le prix des médicaments y est plus bas qu'aux Etats-Unis, on estime que la France se situe au premier rang mondial en volume de consommation de médicaments par habitant. Elle détient également le record de la part des dépenses de médicaments par rapport au PIB (2 %) au sein de l'OCDE. Rappelons que notre pays, premier consommateur d'Europe d'antibiotiques, en utilise trois fois plus qu'aux Pays-Bas. De même, emploie-t-il deux fois plus de vasodilatateurs et d'analgésiques et trois fois et demie plus de psycholeptiques que la moyenne des pays européens.

3) Plusieurs handicaps structurels

Ce surcoût - ainsi que les éventuelles carences sanitaires du système - sont liés à plusieurs faiblesses structurelles :

_ Un système centralisé et complexe, source de lourdeurs et de paralysies. Contrairement à la plupart des autres pays, les collectivités locales y jouent un rôle secondaire. On est frappé, par ailleurs, par la multiplicité des instances de décision (Parlement, Gouvernement, agences ou établissements de l'Etat - AFSSAPS, ANAES, ARH... -, partenaires sociaux, caisses (CNAMTS, CCMSA, CANAM, caisses régionales et locales, URCAM...), mutuelles et professionnels de santé notamment. Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a montré combien cette situation engendrait d'effets pervers. Son diagnostic est sévère : « Si le partage des tâches est inévitable, celui qui prévaut aujourd'hui paraît particulièrement complexe, et constitue un puissant facteur d'inefficacité (...) [Sur chacune des grandes fonctions que doit assurer tout système de soins], le même constat se répète : les compétences, et notamment les compétences de l'Etat et des organismes d'assurance maladie, sont la plupart du temps empilées et enchevêtrées. Ce qui non seulement gêne l'action de chaque institution, mais surtout conduit à ce que certaines fonctions ne soient pas correctement assurées »(21). C'est le cas de la maîtrise des dépenses, ce qui explique la dérive financière actuelle. D'où, également, des insuffisances notoires en matière d'élaboration et de diffusion des références et bonnes pratiques médicales. Cette situation appelle à l'évidence une décentralisation des décisions et des moyens, ainsi qu'une simplification et une clarification des institutions de santé et de leurs fonctions.

_ Une responsabilisation insuffisante des assurés. La participation financière des assurés français au coût des soins est une des plus faibles des pays développés. Comme le montre le graphique ci-après, cette part représente seulement 10,4 % des dépenses de santé, contre 32,9 % en Suisse, 23,5 % en Espagne, 22,6 % en Italie, 20,4 % en Finlande, ou 18,6 % en Autriche.

Les versements nets des ménages en pourcentage
des depenses totales de sante en 2000

(*) Ce chiffre n'est pas représentatif : la réforme néerlandaise tend à accroître substantiellement cette part.

Source : OCDE, Eco-santé, 2003.

Les missions effectuées par le rapporteur à l'étranger l'ont conforté dans l'idée que cette faible participation explique pour une part importante la dérive des dépenses - l'expérience montrant que les assurés sont d'autant plus vigilants dans leur consommation de soins que leur quote-part est élevée. Ainsi est-il établi, par exemple, en France, que les personnes bénéficiant d'une couverture complémentaire recourent entre 1,9 et 2,7 fois plus aux médecins de ville que celles qui en sont dépourvues.

_ Une régulation de l'offre de soins limitée. Par comparaison avec les autres pays européens, la régulation de l'offre de soins reste modeste. Cela tient pour une large part aux difficultés de pilotage du système précédemment évoquées (Cf. point 1). On est frappé en particulier par la diffusion et l'application limitées de références ou bonnes pratiques médicales, qui permettent d'encadrer les prescriptions et les prestations. De même, l'incitation et, a fortiori, l'obligation de passer par un médecin de famille (ou référent) avant la consultation d'un spécialiste, ou d'avoir recours aux soins hospitaliers, n'est guère répandue, alors que, intelligemment utilisée, elle peut être une source d'économie et d'amélioration des soins (le malade étant mieux orienté). Le dossier médical informatisé des patients, qui permet de mieux adapter l'offre de soins, existe ou se développe dans beaucoup de pays développés. Souvent, il comporte, outre les données médicales du malade, l'historique des prescriptions et des actes auxiliaires, tels que les radios ou les électrocardiogrammes. Dans certains pays, il peut être consulté en tout point du territoire par les professionnels de santé.

_ Une mise en concurrence des établissements de soins relativement réduite. Beaucoup de pays, on l'a vu, ont instauré la concurrence entre les centres de santé - par le biais, notamment, des fournisseurs de soins - afin de les inciter à fournir les meilleures prestations au meilleur coût. Force est de constater que cela est relativement moins le cas en France, ce qui n'invite guère, par comparaison, les acteurs à adopter des pratiques optimales. Dans certains Etats, comme le Portugal ou les Pays-Bas, sont même accordées des primes à l'efficience ou à la productivité aux établissements les plus performants.

_ Des risques de fraude trop nombreux. Les risques de fraude sont encore trop nombreux en France. De nombreux exemples en témoignent. L'absence de photo sur la carte Vitale (et d'obligation effective de vérification de l'identité par les professionnels de santé) est un cas bien connu. L'écart de 10 millions, révélé récemment par le ministre de la santé et de la protection sociale, M. Philippe Douste-Blazy, entre le nombre de bénéficiaires théorique (48 millions) et celui de cartes effectives (58 millions) est significatif. Le nombre d'arrêts maladie abusif, qui constituerait au minimum 6 % de l'ensemble des arrêts - voire 13 à 22 % dans certains cas ciblés (arrêts répétés, pathologies telles que dépression, ...) -(22), est également éloquent.

_ Le besoin d'une évaluation indépendante au cœur de la décision(23). Plusieurs pays disposent d'une telle évaluation. C'est le cas, par exemple, du Centraal Plan Bureau (CPB) aux Pays-Bas, qui est régulièrement consulté par le Gouvernement et auquel les partis politiques doivent même envoyer leur programme six mois avant les élections afin qu'il en évalue la portée - économique et financière notamment.

Au-delà de ces handicaps, trois autres facteurs aggravants sont à déplorer :

un dispositif de formation des professionnels de santé insuffisant. Le rapport du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie en a rappelé les principales faiblesses : une organisation et un financement complexes ; la rigidité et le manque d'efficacité des sanctions disciplinaires ;

une politique de prévention lacunaire. Avec 2,3 % du total de la dépense courante de santé en 2002, la prévention reste, selon le Haut Conseil, « le parent pauvre de la politique de la santé ». Certains pays européens y ont au contraire accordé une priorité, à l'exemple de l'Irlande ou des Pays-Bas ;

une utilisation des nouvelles technologies de l'information qui mériterait d'être amplifiée. L'emploi de ces nouvelles techniques dans la gestion des systèmes de santé se révèle très développé dans certains pays comme la Finlande. Il permet un gain de temps, une sécurisation des données et des méthodes de gestion et de contrôle plus performantes.

B. Un nécessaire aggiornamento, qui gagnerait à s'inspirer des enseignements étrangers

Le nombre et l'ampleur de ces handicaps ou insuffisances appellent à l'évidence un profond remaniement de notre système de santé. Il n'appartient pas à la Délégation d'en proposer le contenu.

On peut néanmoins retenir des expériences étrangères un certain nombre d'orientations ou de mesures utiles(24) :

¬ S'agissant de l'organisation institutionnelle

la décentralisation de la gestion et des moyens dans le cadre de règles générales et d'objectifs fixés clairement par l'Etat - que ce soit au niveau des régions (Allemagne, Italie, Autriche...), des départements (Danemark, Suède) ou des communes (Finlande) ; le renforcement de l'autonomie des hôpitaux et des centres de soins y participe (Pays-Bas, Finlande, Royaume-Uni...). L'idée est de rapprocher les décisions du citoyen - pour mieux les adapter aux besoins locaux - et de permettre à celui-ci d'influer plus directement sur les décideurs ;

¬ Concernant le fonctionnement général du système

la responsabilisation des assurés, en les faisant mieux participer au coût de la santé, proportionnellement à leurs moyens
- qu'il s'agisse de la médecine de ville, des soins hospitaliers ou des médicaments (Cf. les politiques menées par l'Allemagne, les Pays-Bas, la Finlande, l'Autriche, la Suisse ou le Japon)(25) ;

la mise en concurrence - et donc la responsabilisation - des prestataires de soins, à la fois des établissements et des professionnels de santé. Que ce soit au sein du secteur public (Royaume-Uni, Allemagne, Danemark, Finlande) ou entre celui-ci et le secteur privé (Pays-Bas, Danemark, Irlande, Allemagne, Finlande, Espagne, Portugal, Grèce...). L'expérience montre que cette concurrence doit être régulée (détermination préalable par les pouvoirs publics des conditions d'offre et de demande de soins), si l'on veut préserver les principes sous-tendant le système (universalité, égalité d'accès, solidarité...) ou éviter une inflation extrême des dépenses de santé, comme aux Etats-Unis(26) ;

¬ Au regard de la gestion d'ensemble

- la modernisation de la gestion généralement suscitée par la mise en concurrence. Souvent inspirée de méthodes de management performantes du secteur privé, elle se traduit en général par une organisation plus rationnelle des réseaux de soins (entre, par exemple, médecine de ville et hôpitaux) et une amélioration du rapport qualité-prix (Cf. Pays-Bas, Irlande, Finlande, Royaume-Uni...) ;

- la limitation des prestations remboursables à celles qui sont vraiment nécessaires (comme aux Pays-Bas, en Allemagne ou en Espagne...) ;

- la redéfinition d'une tarification « juste », selon la prestation ou la pathologie (Cf. Pays-Bas, Italie, Royaume-Uni, Finlande, Suède) ;

pour les établissements de soins, des crédits calculés en fonction des prestations rendues (Royaume-Uni, Finlande, Danemark, Autriche...), mais aussi selon la productivité ou la qualité de celles-ci (Cf. Portugal ou Pays-Bas) ;

l'encadrement des prescriptions par des références médicales contraignantes selon les pathologies ou les prestations
- un équilibre devant être trouvé entre une nécessaire discipline thérapeutique et la liberté des praticiens (exemples des Pays-Bas, de la Finlande, ou de l'Italie) ;

l'incitation - voire l'obligation (pour obtenir un remboursement) - à passer par un médecin référent (médecin de famille) avant de recourir à certains spécialistes ou soins hospitaliers (Cf. Allemagne, Royaume-Uni, Finlande, Pays-Bas, Espagne...) ;

le développement d'un dossier médical informatisé complet (caractéristiques médicales du patient, historique des prescriptions, radios, imagerie médicale...) - assorti des garanties nécessaires à la préservation du secret médical -, consultable sur tout le territoire par les professionnels de santé. Peut y être associée une carte d'accès sécurisée, dotée d'une photo (Cf. Finlande, Royaume-Uni, Danemark ou Allemagne) ;

l'informatisation et l'interconnexion de tous les établissements de soins et des cabinets médicaux (Cf. Finlande, Royaume-Uni, Danemark...) ;

le développement des génériques (assouplissement des conditions de diffusion, extension du droit de substitution des pharmaciens, accroissement de leurs marges, meilleure information des professionnels...) (Cf. Danemark, Finlande, Pays-Bas, Allemagne, Espagne) ;

l'encouragement des cabinets de groupes, pour faciliter les économies d'échelle (Cf. Royaume-Uni, Pays-Bas, Allemagne, Finlande...) ;

- l'affectation des taxes sur le tabac et l'alcool au financement de l'assurance maladie (exemple de l'Allemagne) ;

¬ S'agissant du contrôle et de l'évaluation

le renforcement de la lutte contre la fraude et les abus (notamment des arrêts maladie) par des mécanismes de contrôle (comme la vérification systématique de l'identité du patient) et de sanctions dissuasifs (exemples de l'Allemagne, du Royaume-Uni, de la Suède, de l'Irlande, du Portugal ou de la Grèce) ;

le développement d'évaluations indépendantes de qualité
- reposant sur des indicateurs précis - et leur pleine prise en compte dans le processus de décision politique (Cf. Pays-Bas, Allemagne, Danemark, Finlande, Royaume-Uni...) ;

le renforcement de la chasse aux gaspillages ainsi que l'amélioration de l'efficience et de la qualité des soins, sur le fondement de ces évaluations (Royaume-Uni, Pays-Bas, Finlande, Danemark...). Concernant l'amélioration de l'accès aux soins, la fixation de délais maximums offre des garanties appréciables aux assurés (Cf. Finlande et Danemark notamment) ;

¬ Au sujet des politiques structurelles

l'adaptation de la politique de formation professionnelle aux besoins (Cf. Finlande et Allemagne notamment) ;

le renforcement de l'action de prévention et d'information des prestataires et du public (Cf. Finlande, Allemagne, Royaume-Uni, Autriche...) ;

une stratégie ambitieuse de long terme en matière de recherche médicale (Cf. Danemark).

Ces orientations, on le voit, ne se limitent pas à des mesures ponctuelles : elles impliquent pour une large part des transformations structurelles de l'assurance maladie et du système de soins.

Par ailleurs, le fait que beaucoup de pays présentent des performances sanitaires comparables, voire parfois meilleures, avec un niveau de dépenses de 1 à 2 points de PIB en moins, peut laisser penser que le système de soins français peut être réformé - et son déficit résorbé - sans prélèvement supplémentaire sur la durée(27). Et ce, d'autant que la France enregistre déjà l'un des taux de prélèvements obligatoires les plus élevés des pays développés (44,2 % du PIB, contre 40,5 % en moyenne dans l'Union européenne des Quinze et 37 % dans les pays de l'OCDE).

CONCLUSION

En conclusion, on peut faire deux constats principaux.

En premier lieu, les pays européens (et développés en général) sont tous confrontés peu ou prou au même défi : maîtriser les dépenses de santé - dans un contexte marqué par le vieillissement démographique et le coût élevé de certaines nouvelles techniques médicales - tout en garantissant un bon accès aux soins et la qualité de ceux-ci.

Ces pays ont, en deuxième lieu, répondu à ces défis, par un ensemble de réformes, recoupant cinq principales tendances :

la décentralisation de la gestion et des financements dans le cadre de règles et objectifs définis par l'Etat, que ce soit au niveau des régions, des départements, des communes, ou des centres de soins ;

la mise en concurrence régulée des prestataires de santé
- tant au sein du secteur public qu'entre celui-ci et le secteur privé ;

la responsabilisation des acteurs : des hôpitaux et des professionnels de santé, par leur mise en concurrence et le respect d'un ensemble de règles thérapeutiques ; des patients, par leur participation directe aux frais de santé et l'obligation de passer par un médecin « référent » pour être remboursé des prestations spécialisées ;

la modernisation de la gestion, notamment par des méthodes de management performantes, la rationalisation de l'organisation des réseaux de soins et le développement des nouvelles technologies de l'information (comme, par exemple, la généralisation des dossiers médicaux informatisés) ;

- le renforcement de l'évaluation et du contrôle par des organismes indépendants, afin non seulement de mieux préparer la décision politique, mais aussi de supprimer les dépenses non justifiées, d'accroître l'efficacité et la qualité des services, et d'améliorer la prévention.

{texte de la conclusion...}

TRAVAUX DE LA DELEGATION

La Délégation s'est réunie, le mardi 15 juin 2004, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d'information.

A l'issue de son exposé, le rapporteur a ajouté, à titre personnel, que la France - dont le système est encore très centralisé, où la mise en concurrence et la responsabilisation des acteurs sont limitées et où l'efficacité de gestion et le mécanisme d'évaluation demeurent insuffisants - gagnerait à s'inspirer des meilleures pratiques instaurées à l'étranger. Selon lui, au vu des expériences étrangères, cette réforme peut et doit se faire dans la durée à coût constant - sans prélèvement supplémentaire. Par ailleurs, l'assainissement de notre assurance maladie ne saurait se limiter à des mesures ponctuelles, mais impose aussi de profondes modifications de structure.

Cela n'est possible à ses yeux qu'à une condition : le courage politique. Le courage de faire passer l'intérêt général - l'avenir de notre système de santé, facteur clé de notre épanouissement et de notre prospérité - avant les intérêts catégoriels ou partisans. Cela vaut pour l'ensemble des parties prenantes, qu'il s'agisse des assurés - qui sont à 62 % favorables à une grande réforme de l'assurance maladie et à 81% prêts à réduire leur consommation de soins et de médicaments -, mais aussi des partenaires sociaux, des caisses, des administrations, des professionnels de santé, et, bien entendu, des partis et des responsables politiques. Les accords globaux auxquels sont parvenus des pays comme l'Allemagne, les Pays-Bas ou la Finlande, et l'esprit de responsabilité collective qui s'y est exprimé, sont à cet égard des exemples à méditer.

Le Président Pierre Lequiller a souligné l'intérêt d'une étude sur les sujets de société à partir des exemples européens. Des solutions qui semblent au premier abord entachées d'idéologie apparaissent en définitive transposables. Le rapport, particulièrement complet, devrait ainsi être porté à l'attention de l'ensemble des députés.

Après avoir souligné combien le sujet de l'assurance maladie était d'actualité, puisqu'il allait faire l'objet d'un débat parlementaire dans les prochains jours, M. Jérôme Lambert a fait part de ses réserves quant aux analyses et propositions du rapporteur s'agissant de la France. Le niveau le plus élevé des dépenses de santé est aux Etats-Unis, pays où le système libéral est l'un des plus accomplis au monde. Une telle situation ne saurait être imputée au hasard. Le rendement de la santé peut en effet être apprécié selon deux points de vue. D'une part, celui du patient ou du citoyen, dont les conditions de vie s'améliorent. Aucune économie n'est alors envisageable, la vie étant considérée comme n'ayant pas de prix. D'autre part, du point de vue des bénéfices des entreprises qui interviennent dans le domaine de la santé. Ceux-ci peuvent alimenter des spéculations aux enjeux importants mais purement financiers, et n'être pas utilisés pour la création d'emplois. Dans un tel contexte, il importe de ne pas pénaliser le patient par des prélèvements supplémentaires. S'agissant par ailleurs de la lutte contre la fraude, il a demandé quelles étaient les mesures prévues à l'étranger.

M. Bernard Derosier a salué l'intérêt du rapport, mais a fait part de ses réserves sur les analyses du rapporteur. Il a ensuite demandé des éléments sur les modalités de gestion des systèmes d'assurance maladie. Le schéma paritaire en vigueur en France n'est pas pleinement satisfaisant. Le droit de regard du Parlement se limite aux lois de financement de la sécurité sociale. Certaines solutions ne peuvent-elles pas être inspirées de l'exemple des pays scandinaves ? S'agissant du financement, les exemples étrangers montrent l'importance du financement par l'impôt.

M. Guy Lengagne a évoqué l'hypothèse d'une affectation au financement de l'assurance maladie des taxes sur le tabac et sur l'alcool.

Mme Anne-Marie Comparini, après avoir souligné la qualité du rapport, s'est déclarée étonnée par le nombre des systèmes décentralisés de gestion de l'assurance maladie dans les Etats de l'Union européenne. Elle a interrogé le rapporteur sur l'existence de mécanismes centraux de compensation en cas de disparités entre collectivités territoriales. Par ailleurs, les systèmes de protection sociale financés par les salaires ont été créés dans le contexte de l'après-guerre ; le vieillissement de la population que l'Europe connaît aujourd'hui impose des adaptations.

M. Daniel Garrigue, après avoir souligné l'importance de la dérive des dépenses de santé en France, a interrogé le rapporteur sur la situation dans les Etats de l'Union européenne.

M. Guy Lengagne, se référant à l'existence d'un débat en France, a interrogé le rapporteur sur le prix de la consultation médicale dans les Etats membres.

Le rapporteur a apporté les éléments de réponse suivants :

-  la lutte contre la fraude a été particulièrement intensifiée en Allemagne. Une cellule de détection de la fraude doit être instituée dans chaque union de médecins conventionnés ainsi que dans les caisses d'assurance maladie. L'expérience montre que les systèmes informatiques qui préservent l'anonymat peuvent parfois conduire à des pratiques de fraudes ;

- le rapport n'aborde pas la question des modalités de gestion des systèmes d'assurance maladie d'une manière systématique et exhaustive. Sur un plan très général, deux principes prédominent en Europe : un financement par l'impôt et une gestion décentralisée. Un tel dispositif semble plus favorable aux économies. En Allemagne, la gestion des caisses d'assurance maladie est assurée par les Länder. En Italie, cette responsabilité incombe aux régions. Par ailleurs, le contrôle des organismes est effectué dans certains pays par des autorités indépendantes. Aux Pays-Bas, les programmes des partis politiques en matière d'assurance maladie font l'objet, six mois avant les élections, d'une évaluation indépendante dont les conclusions sont rendues publiques. Les possibilités de leur mise en œuvre sont ainsi mesurées ;

- ses travaux antérieurs l'ont conduit à proposer l'affectation d'une taxe sur les cigarettes, à taux très faible, au financement du sport ;

- il existe dans les systèmes décentralisés des mécanismes de compensation par l'Etat des inégalités entre collectivités. L'Etat doit donner les grandes orientations, avoir une vision globale, tandis que la gestion quotidienne doit relever des collectivités territoriales. Cette démarche permet de réaliser des économies et d'accomplir un travail en profondeur ;

- le phénomène de dérive des dépenses de santé est général et s'explique par le vieillissement de la population. La France connaît cependant une hausse nettement supérieure à la moyenne européenne. Elle doit donc fournir un effort plus intense que les autres ;

- concernant le prix de la consultation médicale, on peut citer l'exemple de l'Allemagne, où chaque patient doit verser dix euros par trimestre en médecine de ville et dix euros par jour à l'hôpital. A cet égard, le rapport souligne la nécessaire responsabilisation des patients.

En conclusion, le rapporteur a estimé que les différences culturelles entre les Etats de l'Union européenne rendent improbable une harmonisation des systèmes d'assurance maladie.

Le Président Pierre Lequiller a remercié le rapporteur et émis le souhait que le rapport soit utilisé lors du débat en France. Il a souligné l'intérêt de cette démarche comparative, qui introduit une dimension européenne dans les grandes discussions nationales.

A l'issue de ce débat, la Délégation a autorisé la publication du rapport d'information.

ANNEXES

Annexe 1 :
Liste des personnes rencontrées ou contactées par
le rapporteur

¬ A Bruxelles

- M. Marc Berthiaume, administrateur, direction de l'intégration européenne et de la protection sociale de la Commission européenne ;

- M. Roland Bladh, administrateur, direction de l'intégration européenne et de la protection sociale de la Commission européenne ;

- M. Bernard Krynen, conseiller social à la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne ;

- Mme Laure de la Bretèche, adjointe au conseiller social à la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne ;

- Mme Nicole Pruniaux, conseillère santé à la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne ;

- M. Jérôme Vignon, directeur de l'intégration européenne et de la protection sociale à la Commission européenne.

¬ En Allemagne

- M. Jean-Philippe arnold, conseiller social à l'ambassade de France ;

- M. Michael Borchard, directeur du service politique de la Fondation Konrad Adenauer ;

- M. Jean-Michel Dumond, premier conseiller à l'ambassade de France ;

- Dr. Beatrix Jahn, conseiller juridique de la Fédération de l'industrie allemande (BDI) ;

- M. Henry Kotek, directeur de la caisse d'assurance maladie AOK Berlin ;

- M. Rolf Dieter Muller, président de la caisse d'assurance maladie AOK Berlin ;

- M. Joerg Robbers, directeur de l'association des hôpitaux allemands ;

- Mme Andrea Schneider, chargée de la réforme de la santé à la Fondation Konrad Adenauer ;

- M. Sendler, chargé de la santé à la Fédération des syndicats allemands (DGB) ;

- M. Nicolas Suran, deuxième conseiller à l'ambassade de France ;

- M. Herbert Weisbrod-Frey, chargé de la santé au syndicat Verdi ;

- Dr. Elmar Wille, vice-président de l'Ordre des médecins de Berlin ;

- M. Wolfgang Wodarg, député SPD, spécialiste des questions liées à l'assurance maladie.

¬ Aux Pays-Bas

- M. Walter Annard, directeur de la communication de l'association des compagnies d'assurance maladie (ZN) ;

- Dr Pim Assendelft, professeur de médecine générale à l'Université de Leyden, membre exécutif de la NHG (Association des médecins généralistes) ;

- M. Stef Blok, député (VVD) (libéraux), président de la Commission permanente pour les affaires de santé auprès de la Deuxième Chambre et premier porte-parole pour les finances pour le VVD ;

- S. Exc. Mme Anne Gazeau-Secret, ambassadeur de France aux Pays-Bas ;

- M. Ivo Habets, Inspection du budget/département santé, ministère des finances ;

- Mme Atie Schipaanboord, responsable politique pour la santé de la NPCF (Fédération des patients et des consommateurs) ;

- M. Jean-Paul Thuillier, conseiller économique et commercial à l'ambassade de France ;

- Mme Leontine van den Herik, attachée commerciale à la mission économique de La Haye, en charge du secteur « Santé » ;

- M. Henk Van der Velden, chargé du département « santé » à la FNV (principale organisation syndicale de salariés) ;

- Mme Michèle Yu, attachée commerciale à l'ambassade de France.

¬ En Finlande

- M. Laurent Bergeot, conseiller économique et commercial de l'ambassade de France ;

- M. Jacques Chevallet, directeur général de Servier Finlande, conseiller du commerce extérieur de la France ;

- M. Ludovic Francesconi, attaché commercial à l'ambassade de France ;

- M. Markku Kojo, directeur du département négociations de l'Association médicale finlandaise (syndicat des médecins) ;

- Mme Maija Lampinen, directrice du développement du centre médical de Kerava ;

- M. Timo Maljanen, expert pour les questions de santé ;

- Mme Anne Neimalä, sous-directrice des assurances au ministère des affaires sociales et de la santé ;

- M. Jukka Nykänen, responsable médical au centre médical de Kerava ;

- M. Markku Pekurinen, directeur du développement de STAKES (Centre national de recherche et de développement pour les affaires sociales et la santé) ;

- Mme Essi Rentola, directrice des affaires internationales de KELA (Institut national d'assurances sociales) ;

- Mme Sirpa Rinta, responsable des affaires européennes de la Fédération de l'industrie pharmaceutique ;

- M. Osmo Soininvaara, député du Parti des Verts, membre de la commission parlementaire pour les affaires sociales et la santé, ancien ministre de la santé et des affaires sociales ;

- S. Exc. M. Jean-Jacques Subrenat, ambassadeur de France en Finlande ;

- Mme Sirpa Tuominen, coordinatrice des affaires internationales de KELA (Institut national d'assurances sociales).

¬ En Italie

- M. Alberto Aibino, chef de secrétariat du CISL (syndicat de salariés) ;

- M. Federico Cattani, responsable coordination générale, INPS (Institut national de prévoyance sociale) ;

- Mme Enze Cinzia d'Angelo, responsable relations internationales, INPS (Institut national de prévoyance sociale) ;

- Mme Anne Giudicelli, mission économique de Rome ;

- S. Exc. M. Loïc Hennekine, ambassadeur de France en Italie ;

- M. Jean Lapeyre, conseiller social à l'ambassade de France ;

- M. Vincenzo Nasti, responsable relations internationales, INPS (Institut national de prévoyance sociale) ;

- M. Filippo Palumbo, directeur général de la programmation sanitaire au ministère de la santé ;

- M. Roberto Polillo, responsable national des politiques de santé du CGIL (syndicat de salariés) ;

- Mme Concetta Maria Vacaro, CENSIS (Institut d'études sociales) ;

- Mme Donatella Vercesi, secrétaire confédérale UIL-Santé (syndicat de salariés) ;

- M. Luigi Ziccheddu, responsable prestations de soutien du revenu, INPS (Institut national de prévoyance sociale).

¬ En France

- M. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, président de chambre à la Cour des comptes ;

- Mme Diane Lequet-Slama, chargée de mission à la DREES (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques), ministère de la santé et de la protection sociale.

*

* *

Le rapporteur a, en outre, entendu - dans le cadre de la mission d'information sur la problématique de l'assurance maladie(28) dont il était membre -, sous forme d'audition ou de table ronde, les personnes suivantes :

- M. Jean-Marie Spaeth, président du conseil d'administration de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) ;

- Mme Danièle Karniewicz, secrétaire nationale chargée du pôle « protection sociale » à la CFE-CGC ;

- M. Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière (FO) ;

- M. Jean-François Roubaud, président de la CGPME ;

- M. Pierre Perrin, président de l'Union professionnelle artisanale (UPA) ;

- table ronde « professions de santé » regroupant : M. Michel Chassang, président de la CSMF, M. Pierre Costes, président de MG France, M. Dinorino Cabrera, président du SML, M. Jean-Claude Régi, président de la FMF et M. Jacques Reignault, président du CNPS ;

- M. Jean-Luc Deroussen, secrétaire général adjoint, en charge de l'assurance maladie à la CFTC ;

- M. François Chereque, secrétaire général de la CFDT ;

- M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT ;

- M. Alain Coulomb, directeur général de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) ;

- M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, et M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie ;

- table ronde « assureurs complémentaires » regroupant M. Jean-Pierre Davant, président de la FNMF, M. Jean-Louis Faure, délégué général du CTIP, M. Daniel Havis, président du GEMA, MM. Gérard de La Martiniere et André Renaudin, président et délégué général de la FFSA ;

- M. Ernest-Antoine Seillière, président du Medef ;

- table ronde « médicaments et dispositifs médicaux » regroupant M. Bernard Capdeville, président de la FSPF, Mme Odile Corbin, directrice générale du SNITEM, MM. Pierre Le Sourd et Bernard Lemoine, président et vice-président du LEEM, M. Jean Marimbert, directeur général de l'AFSSAPS ;

- table ronde « usagers » regroupant : Mme Christiane Basset, administratrice à l'UNAF (Union nationale des associations familiales), en charge de l'assurance maladie, M. Christian Saout, président de AIDES, Mme Frédérique Pothier, secrétaire de l'association LIEN (Lutte, information et études des infections nosocomiales) ;

- table ronde « gestionnaires des caisses obligatoires » regroupant M. Yves Humez, directeur général de la CCMSA (Caisse centrale de la mutualité sociale agricole), M. Daniel Lenoir, directeur de la CNAMTS (Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés), MM. Gérard Quevillon et Daniel Postel-Vinay, président et directeur général de la CANAM (Caisse nationale d'assurance maladie des professions indépendantes) ;

- table ronde « établissements de santé » regroupant M. Max Ponseillé, président de la FHP, M. Georges Riffard, directeur général de la FEHAP (Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif), Mme Rose-Marie Van Lerberghe, directrice générale de l'AP-HP (Assistance publique - Hôpitaux de Paris), M. Gérard Vincent, délégué général de la FHF (Fédération hospitalière de France) ;

- table ronde « financement » regroupant M. Michel Grignon, directeur de recherches au CREDES/IRDRES, M. François Monier, secrétaire général de la commission des comptes de la Sécurité sociale, M. Jean-Luc Tavernier, directeur de la Prévision et de l'analyse économique au ministère des finances.

Annexe 2 :
Tableau comparatif de synthèse

Pays

Espérance de vie à la naissance(29)

% Dépenses santé/PIB(30)

Principaux axes de réforme

Avantages

Inconvénients

I. Les systèmes nationaux de santé

       

- Royaume-Uni

78.2 ans

7.7 %

- décentralisation des décisions au niveau des hôpitaux et des centres de soins primaires ;

- mise en concurrence ;

- augmentation substantielle des crédits publics consacrés à la santé ;

- accroissement du contrôle et de l'évaluation.

- préservation d'un système universel ;

- bonne maîtrise des dépenses de santé ;

- réduction des files d'attente ;

- contrôle démocratique de la politique de la santé ;

- informatisation générale des dossiers médicaux.

- maintien d'un certain nombre de listes d'attente, en particulier pour l'accès aux hôpitaux ;

- niveau futur de dépenses publiques élevé.

- Finlande

78.2 ans

7.3 %

- décentralisation des décisions et des moyens en faveur des municipalités ;

- accroissement de la contribution financière des usagers ;

- généralisation du système de données informatiques - comprenant les dossiers médicaux des malades (consultables partout par les professionnels de santé) ;

- développement du secteur privé.

- grande acceptation des réformes par l'opinion publique (celles-ci ayant fait l'objet d'un accord entre les principales forces politiques du pays) ;

- bonne maîtrise des dépenses de santé ;

- accès aux soins et qualité de prestations satisfaisants ;

- modernisation des méthodes de gestion.

- persistance de listes d'attente importantes pour certaines opérations chirurgicales non urgentes ;

- différences de prestations significatives d'une région - ou d'une municipalité - à une autre ;

- déficit de personnels médicaux (lié au niveau des rémunérations).

- Suède

80.4 ans

9.2 %

- vaste décentralisation des compétences en faveur des départements, voire des communes dans certains domaines ;

- mise en concurrence et amélioration de la gestion ;

- renforcement des mécanismes d'évaluation.

- fonctionnement global du système satisfaisant ;

- bon niveau général de santé.

- existence de listes d'attente pour l'accès aux hôpitaux dans certaines zones du pays ;

- niveau de dépenses consacrées à la santé assez élevé.

- Danemark

77.2 ans

8.8 %

- mise en concurrence accrue des prestataires de soins ;

- instauration de la liberté de choix des patients, vis-à-vis des centres de soins et des professionnels ;

- amélioration générale de la gestion (généralisation du dossier électronique des patients) ;

- développement des génériques ;

- effort d'évaluation soutenu.

- approbation des réformes par tous les partis politiques et l'opinion publique ;

- fonctionnement général du système satisfaisant ;

- bon état général de santé ;

- maîtrise effective des dépenses de santé.

- maintien d'un niveau moyen de listes d'attente pour les opérations de chirurgie non urgente.

           

Pays

Espérance de vie à la naissance(31)

% Dépenses santé/PIB(32)

Principaux axes de réforme

Avantages

Inconvénients

- Irlande

77.1 ans

7.3 %

- amélioration de la gestion et de la qualité des soins ;

- mise en concurrence ;

- responsabilisation financière des acteurs ;

- renforcement du mécanisme d'évaluation.

- efficacité globale du système ;

- bonne maîtrise des dépenses ;

- amélioration de la qualité des soins.

- indicateurs de santé encore moyens ;

- listes d'attente.

II. Les régimes libéraux

       

- Etats-Unis

77.3 ans

14.6 %

- maintien d'un système de marché (à l'exception de quelques programmes pour des populations fragiles), fondé sur la liberté de l'offre et de la demande ;

- extension de la couverture sociale en faveur des personnes âgées ;

- mise en concurrence des prestataires dans le cadre du programme Medicare (pour les personnes âgées).

- grande liberté des patients et des prestataires de soins ;

- mise en concurrence efficiente, favorisant une offre de soins au meilleur coût ;

- indicateurs généraux de santé relativement satisfaisants.

- niveau très élevé des dépenses de santé ;

- fortes inégalités au regard de l'accès aux services de soins ;

- situations sanitaires très variables en fonction des populations concernées.

- Suisse

80.6 ans

11.2 %

- mise en concurrence accrue des prestataires de soins ;

- responsabilisation financière des assurés ;

- allègement des charges pour certaines catégories de revenus moyens.

- niveau général de santé élevé ;

- bonne conciliation entre liberté accordée aux acteurs et solidarité du système.

- niveau de dépenses de santé important ;

- augmentation des primes d'assurance.

- Japon

81.9 ans

7.8 %(33)

- accroissements successifs de la contribution des assurés ;

- création d'un système d'assurance spécifique pour les personnes âgées dépendantes.

- bons indicateurs généraux de santé ;

- fonctionnement global du système satisfaisant.

- inégalité de traitement vis-à-vis de l'accès aux soins, selon le régime dont on dépend.

III. Les modèles d'assurance de type bismarckien

     

- Allemagne

78.7 ans

10.9 %

- augmentation générale des contributions des malades ;

- diminution globale des prestations (notamment des remboursements des médicaments non prescrits ou de certains soins) ;

- amélioration du fonctionnement du système (autonomie de gestion des caisses, développement du système du médecin « référent », renforcement du contrôle et de l'évaluation).

- politique devant conduire, selon les informations communiquées, à une bonne maîtrise des dépenses de santé ;

- amélioration de la gestion d'ensemble ;

- niveau général de santé satisfaisant.

- montant élevé des dépenses de santé ;

- efficacité du système jugée encore insuffisante.

           

Pays

Espérance de vie à la naissance(34)

% Dépenses santé/PIB(35)

Principaux axes de réforme

Avantages

Inconvénients

- Pays-Bas

78.6 ans

9.1 %

- responsabilisation financière des patients (augmentation des franchises) ;

- déremboursement de certaines prestations jugées non indispensables ;

- mise en place d'un financement par pathologie ;

- refonte générale du système d'assurance maladie, en vue de le simplifier et de le libéraliser.

- approbation consensuelle des réformes ;

- bon fonctionnement général du système de soins ;

- indicateurs de santé satisfaisants ;

- proposition de refonte du système cherchant à concilier au mieux la mise en concurrence et la solidarité.

- files d'attente pour des soins considérés comme non urgents ;

- pénurie de professions médicales ;

- niveau de dépenses de santé relativement élevé.

- Autriche

79.4 ans

7.7 %

- accroissement de la contribution financière des malades ;

- diminution de certaines prestations ;

- sensibilisation de l'opinion sur le coût des prestations.

- bonne maîtrise des dépenses ;

- indicateurs généraux de santé satisfaisants ;

- fonctionnement du système relativement efficient.

Inconvénients difficilement appréciables au regard des informations communiquées.

- PECO(36)

entre 70.1 ans (Lettonie)
et 76.5 ans (Slovénie)

5.9 % (en moyenne)

- décentralisation ;

- mise en concurrence ;

- responsabilisation des acteurs ;

- amélioration de la gestion ;

- développement d'un secteur d'assurance maladie privée.

- effort considérable de mise à niveau par rapport aux Quinze ;

- amélioration notable des indicateurs de santé.

- qualité générale des soins et indicateurs de santé inférieurs à ceux des Quinze ;

- efficacité limitée des systèmes ;

- inégalité d'accès aux soins en fonction des revenus (avec le développement d'un marché parallèle ou d'un secteur privé de l'assurance).

IV. Les systèmes mixtes d'Europe du Sud

     

- Italie

79.7 ans

8.5 %

- décentralisation des compétences aux régions ;

- responsabilisation des acteurs ;

- mise en concurrence des prestataires de soins ;

- maîtrise des dépenses pharmaceutiques.

- bonne maîtrise des dépenses ;

- qualité des soins et indicateurs de santé globalement satisfaisants ;

- amélioration de la gestion.

- répartition des compétences et des responsabilités entre l'Etat et les régions nécessitant encore d'être clarifiée ;

- mécanisme de péréquation entre les régions insuffisant ;

- inégalité de traitement d'une région à une autre ;

- maintien de certaines listes d'attente.

- Espagne

79.6 ans

7.6 %

- large décentralisation des compétences de santé en faveur des communautés autonomes (régions) ;

- mise en concurrence des prestataires de soins ;

- développement d'assurances et de méthodes de management privées.

- bon fonctionnement général du système ;

- qualité des soins et indicateurs de santé satisfaisants ;

- niveau de dépenses de santé modéré.

- maintien de files d'attente, en particulier pour les opérations chirurgicales non urgentes.

           

Pays

Espérance de vie à la naissance(37)

% Dépenses santé/PIB(38)

Principaux axes de réforme

Avantages

Inconvénients

- Portugal

77.1 ans

9.3 %

- mise en concurrence ;

- amélioration de la gestion (introduction de primes à la qualité et à l'amélioration de la productivité) ;

- maîtrise des dépenses pharmaceutiques et développement des génériques ;

- développement d'un secteur privé de l'assurance.

- amélioration globale de la gestion ;

- maîtrise des dépenses pharmaceutiques ;

- ralentissement de l'augmentation du nombre des actes chirurgicaux et des consultations ;

- indicateurs de santé relativement satisfaisants.

- niveau général des dépenses relativement élevé ;

- listes d'attente pour certaines opérations chirurgicales dans le secteur public ;

- incertitudes sur les effets des dernières mesures (prises depuis 2002).

- Grèce

78.4 ans

9.5 %

- amélioration de la gestion du système (notamment par une réduction du nombre des caisses et un management plus moderne) ;

- mise en concurrence ;

- maîtrise des dépenses pharmaceutiques.

- qualité des soins et indicateurs de santé relativement satisfaisants ;

- liberté de l'offre et de la demande de soins.

- niveau global de dépenses relativement élevé ;

- persistance de gaspillages.

1 () Le rapporteur a jugé utile, tout en se focalisant principalement sur l'Europe, d'étendre l'examen à quelques autres grands pays industrialisés, afin de mieux situer les systèmes européens par rapport à ceux de ces pays.

2 () Rapports de M. Robert Lecou, « Le service minimum en Europe : comparer pour mieux réformer », n° 1274, décembre 2003, et de M. Edouard Landrain, « Entre les exigences de la flexibilité et celles du réalisme : la voie étroite de l'aménagement du temps de travail en Europe », n° 1519, avril 2004.

3 () Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Moderniser la protection sociale pour le développement de soins de santé et de soins de longue durée de qualité, accessibles et durables : un appui aux stratégies nationales par la « méthode ouverte de coordination », COM/2004/0304 final.

4 () Quelques-uns uns de ces pays n'ont guère été abordés dans le rapport, faute d'informations suffisantes ou de réforme significative.

5 () Au sens large du terme, c'est-à-dire comprenant à la fois les assurances sociales proprement dites (publiques ou privées) et les services de santé offerts par les institutions publiques.

6 () Dernières données disponibles.

7 () Les données qui suivent résultent de l'étude réalisée en 2002 par le MISSOC (Réseau communautaire comprenant les quinze pays de l'Union européenne et les quatre pays de l'AELE).

8 () Dans ce cas, la couverture est automatique.

9 () Couverture optionnelle.

10 () La cotisation est de 58,70 $ en 2003.

11 () A l'origine, la cotisation permettait de couvrir 50 % du coût. Mais son inflation l'a fait progressivement décliner à 25 %.

12 () Les revenus indiqués sont ceux d'une personne seule. Ils sont doublés pour les couples mariés. La mesure est évaluée à 13,3 Md$ par le Bureau du Budget du Congrès.

13 () Organismes sans but lucratif.

14 () Cf. III ci-après.

15 () Cf. I plus haut.

16 () Les données qui suivent résultent de l'étude réalisée par le MISSOC en 2002 (Réseau communautaire comprenant les quinze pays de l'Union européenne et les quatre pays de l'AELE).

17 () Dernières données disponibles (données sur la santé de l'OCDE, 2003).

18 () Dernières données disponibles (INED, données sur la santé de l'OCDE, 2003).

19 () Dernières données disponibles OCDE (2004).

20 () Dernières données disponibles OCDE (2004).

21 () Un diagnostic confirmé par la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la problématique de l'assurance maladie, qui évoque un « système de santé sans pilotage politique » (Cf. rapport n° 1617 de M. Jean-Louis Debré, 26/05/2004).

22 () Données communiquées par la Caisse nationale d'assurance maladie.

23 () Le récent rapport de M. Jean-Louis Debré, au nom de la mission d'information sur la problématique de l'assurance maladie (n° 1617, 26/05/2004), a bien montré notamment les « insuffisances du contrôle et de l'évaluation » du système de santé français.

24 () Les travaux de l'OCDE invitent notamment à la diffusion des bonnes pratiques, comme l'ont montré les réunions ministérielles de l'OCDE de mai dernier. Certaines publications formulent à cet égard des recommandations utiles (Cf. notamment Le projet de l'OCDE sur la santé - Vers des systèmes de santé plus performants, 2004).

25 () Les travaux de l'OCDE précités confirment l'opportunité de cette mesure, tout en montrant que la contribution des assurés ne saurait pour autant être disproportionnée, au risque de les dissuader de recourir à des soins nécessairesce qui pourrait dégrader la situation sanitaire générale et, en ne traitant pas à temps certaines pathologies, alourdir in fine le coût des soins.

26 () Les dépenses de santé représentent dans ce pays près de 15 % du PIB.

27 () Une étude récente de la CNAM, publiée le 2 juin dernier, tend à conforter cette idée : elle montre que le montant « des dépenses injustifiées » (prescriptions excessives ou inadaptées, remboursements inopportuns...) atteindrait entre 5 et 6 milliards d'euros pour les seuls soins de ville (hormis les dépenses hospitalières ou pour congés maladie), soit près de la moitié du déficit prévu pour 2004.

28 () Cf. rapport n° 1617 de M. Jean-Louis Debré, Président de l'Assemblée nationale.

29 () Données de l'OMS, Rapport sur la santé dans le monde, 2004 (données 2002).

30 () Dernières données de l'OCDE (2002).

31 () Données de l'OMS, Rapport sur la santé dans le monde, 2004 (données 2002).

32 () Dernières données de l'OCDE (2002).

33 () En 2001(dernière donnée disponible).

34 () Données de l'OMS, Rapport sur la santé dans le monde, 2004 (données 2002).

35 () Dernières données de l'OCDE (2002).

36 () Les données indiquées tendent à donner une idée des orientations générales. Elles cachent évidemment des variations sensibles selon les pays d'Europe centrale et orientale (PECO).

37 () Données de l'OMS, Rapport sur la santé dans le monde, 2004 (données 2002).

38 () Dernières données de l'OCDE (2002).

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