N° 1885 _______ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 octobre 2004 DÉPOSÉ PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE POUR L'UNION EUROPÉENNE (1), sur l'organisation de la recherche publique en Europe, ET PRÉSENTÉ par M. Daniel GARRIGUE, Député. ________________________________________________________________ (1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page. La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. François Guillaume, Jean-Claude Lefort, secrétaires ; MM. Alfred Almont, François Calvet, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin. SOMMAIRE _____ Pages A. Les rôles respectifs des organismes de recherche et des universités 13 1) La coexistence des organismes de recherche et des universités 13 2) Le principe d'unité de la recherche et de l'enseignement 14 a) La place importante des universités 14 b) La proximité entre universités et organismes est encouragée 14 3) La question de la qualité de la recherche universitaire 15 B. Le financement et le pilotage de la recherche 15 C. L'évaluation 17 1) Le champ 17 a) L'évaluation concerne plus les équipes que les personnes 17 b) Les projets 17 c) Les domaines de recherche 17 2) La composition des organes d'évaluation 18 3) Les critères 18 4) Les conséquences de l'évaluation 18 D. La valorisation de la recherche 18 E. L'entrée des jeunes chercheurs dans le système et l'évolution de la carrière 19 a) Le statut de "junior-professor" 20 b) Des postes contractuels dans les organismes 20 c) La charge d'enseignement des enseignants-chercheurs 21 3) L'évolution de la carrière 21 4) Les mobilités 22 a) Une mobilité naturelle entre organismes et universités 22 b) Une mobilité assez fréquente du secteur public vers l'industrie 22 II. ROYAUME-UNI : LA REACTIVITE D'UN SYSTEME FONDE SUR LES UNIVERSITES 23 A. Les rôles respectifs des organismes de recherche et des universités 23 1) La majorité de la recherche publique est menée au sein des universités 23 2) Les atouts de la recherche universitaire 24 B. Le financement et le pilotage de la recherche 25 C. L'évaluation 26 1) Le champ 26 2) Les critères 27 3) Les procédures 27 4) La composition des organes d'évaluation 27 5) Les conséquences de l'évaluation 28 D. La valorisation de la recherche 28 E. L'entrée des jeunes chercheurs dans le système et l'évolution de la carrière 29 a) L'entrée dans la carrière 30 (1) L'accès à un poste permanent est difficile. 30 (2) Le recrutement 31 (3) La charge d'enseignement des enseignants-chercheurs 31 b) L'évolution de la carrière 31 4) Les mobilités 32 III. ETATS-UNIS : LES MOYENS DE LA PUISSANCE 35 A. Les rôles respectifs des organismes de recherche et des universités 35 1) La coexistence des universités et d'agences fédérales ou de laboratoires dépendant de départements ministériels 35 2) Le rôle majeur des universités 36 3) Les relations entre les organismes fédéraux et les universités : un financement considérable 36 4) Quelques nuances 37 a) Une partie seulement des universités est impliquée dans la recherche 37 b) Le système est centralisé 37 B. Le financement et le pilotage de la recherche 37 a) Le rôle stratégique du gouvernement fédéral 37 b) Le rôle des organismes de conseil et des agences fédérales 38 C. L'évaluation 38 D. La valorisation de la recherche 39 E. L'entrée des jeunes chercheurs dans le système et l'évolution de la carrière 39 a) L'autonomie, les moyens et les rémunérations 40 b) Pas de caractère automatique des postes permanents 40 4) Une mobilité assez développée avec l'industrie 41 IV. UNION EUROPEENNE : UNE AMBITION QUI CHERCHE ENCORE SES SUPPORTS 43 A. La question des structures de recherche 43 1) La volonté de créer des pôles d'excellence européens 43 a) Le débat lors de l'élaboration du 6ème programme-cadre 43 b) Les perspectives pour le 7ème programme-cadre 44 2) La réflexion sur le rôle des universités 44 B. Le financement et le pilotage 45 1) Le constat : le risque d'un manque de chercheurs en Europe 48 a) Des besoins importants 48 (1) La situation démographique 48 (2) Les causes de cette situation sont multiples 48 (3) L'estimation des besoins 49 b) La fuite des cerveaux et l'insuffisante attractivité de l'Europe 49 (1) La fuite des cerveaux, un phénomène difficilement mesurable mais justifiant l'inquiétude 49 (2) L'insuffisante attractivité de l'Europe 50 2) Les actions visant à encourager la mobilité 52 3) La carrière des chercheurs : une nouvelle préoccupation de l'Union européenne 52 V. FRANCE : LE TEMPS DES INTERROGATIONS 55 A. Des liens étroits mais parfois ambigus entre les organismes de recherche et les universités 55 1) Des liens étroits entre la recherche des organismes et celle des universités 55 a) La recherche publique se répartit entre organismes de recherche et établissements d'enseignement supérieur 55 b) Une forte imbrication des personnels et du patrimoine 56 c) Les différentes relations 57 2) L'inégale participation des universités à la recherche 57 a) En termes de moyens et de résultats 57 (1) Les personnels et les moyens 57 (2) Les budgets respectifs des organismes et des universités 58 (3) Les classements internationaux 58 b) La dispersion des universités 58 3) Les raisons de cette situation sont multiples 58 a) Historiques 58 (1) Le contexte de la création des organismes de recherche 58 (2) La priorité donnée aux fonctions d'enseignement des universités 59 b) Le rôle des grandes écoles 59 c) Le rôle des organismes de recherche 59 d) Les modes de direction et de gestion des universités 59 B. Un pilotage de la recherche qui n'est pas assez réactif 60 1) Des dispositifs de financement sur projet limités 61 C. Un système d'évaluation peu satisfaisant 63 1) Des difficultés dans la détermination du champ de l'évaluation 63 a) Les personnes 63 b) Les équipes et les laboratoires 63 c) Les projets 63 d) Les programmes et les institutions 64 2) Les organes et les procédures d'évaluation 64 D. La valorisation 65 1) Les possibilités de coopération entre la recherche publique et les entreprises 65 2) Des obstacles demeurent 66 E. Des carrières trop rigides 67 1) Des faiblesses dans le déroulement des carrières 67 a) L'accès à la carrière et les difficultés des jeunes chercheurs 67 (1) Les doctorants : la question du statut et des débouchés 67 (2) Les post-doctorants : pas de place adaptée 68 (3) La charge d'enseignement des enseignants-chercheurs 68 (a) La fixation d'une norme nationale 68 (b) La rigidité du système et ses conséquences pour les jeunes chercheurs 69 2) Des cloisonnements 70 a) Entre organismes de recherche et universités 70 b) Entre recherche publique et recherche privée 71 F. Les différentes propositions de réforme 72 1) Les propositions des organismes de recherche 72 a) Les propositions du CNRS() 72 (1) Le rôle des universités et des organismes de recherche 72 (2) La politique scientifique 73 (3) L'évaluation 73 (4) La valorisation 73 (5) Les carrières 73 b) Les propositions de l'INSERM() 74 (1) L'évolution du rôle de l'INSERM et les modes de financement 74 (2) L'évaluation 74 (3) La valorisation 74 (4) Les carrières 74 2) Les propositions de la Conférence des présidents d'université (CPU)() 75 a) Le rôle des organismes de recherche et des universités 75 b) Le financement et le pilotage 75 c) L'évaluation 75 d) Les carrières 75 3) Les propositions des états généraux de la recherche et du comité d'initiative et de proposition (CIP)() 76 a) Le rôle des organismes de recherche et des universités 76 b) Le financement et le pilotage 76 c) L'évaluation 77 d) La valorisation 77 e) Les carrières 77 4) Les premières mesures annoncées par le Gouvernement 78 VI. CONCLUSIONS 79 A. Rénover le mode de pilotage de la recherche 81 1) Ce que nous maîtrisons : le pilotage par grands projets 81 2) Ce que nous n'avons pas suffisamment développé : l'appel à projet 82 3) La définition des niveaux de pilotage 83 B. Privilégier la notion d'équipes de recherche 84 1) Dans la préparation des projets 85 2) Dans l'assouplissement des règles de gestion 85 3) Dans les procédures d'évaluation 86 C. Mieux ouvrir les universités sur la recherche 87 1) Assouplir les obligations d'enseignement des enseignants-chercheurs 87 2) Offrir aux universités de nouvelles possibilités d'expérimentation 88 D. Renforcer la reconnaissance et les débouchés des jeunes chercheurs 88 1) Par un flux maîtrisé mais régulier de recrutements 89 2) Par l'assouplissement des obligations des enseignants-chercheurs 89 3) Par l'émergence d'équipes à horizon pluriannuel 89 4) Par l'atténuation progressive de la frontière ingénieur-docteur 90 E. Favoriser la conjonction formation-recherche-industrie 90 Annexe 1 : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur 97 Annexe 2 : L'organisation de la recherche publique dans d'autres Etats de l'Union européenne 103 Mesdames, Messieurs, Dans la perspective du futur projet de loi d'orientation et de programmation sur la recherche, la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne a décidé, comme elle l'avait déjà fait sur d'autres sujets, de faire une analyse comparative de l'organisation de la recherche publique et de la situation des chercheurs dans plusieurs Etats de l'Union européenne. Pour la préparation de ce rapport, la comparaison a été limitée, pour l'essentiel, à trois Etats : l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France, pour des raisons de simplicité mais aussi parce que ces trois Etats sont ceux qui, en Europe, consacrent en valeur absolue le plus de moyens à la recherche. Mais ce choix n'a pas interdit d'apporter, soit dans le corps du rapport, soit en annexe, des éléments d'information sur les Etats-Unis, sur d'autres Etats de l'Union et sur la vision de l'Union européenne elle-même. J'ai retenu cinq angles d'éclairage : - la relation entre les grands organismes publics de recherche et les universités ; - le mode de pilotage, et donc, notamment, de financement de la recherche ; - les conditions d'évaluation de la recherche ; - la valorisation de l'effort de recherche, principalement en direction de l'industrie ; - la situation des jeunes chercheurs, puisque ces derniers ont été au cœur des débats des derniers mois et que c'est aussi à propos d'eux qu'est souvent évoquée la question de la « fuite des cerveaux ». Si ces divers éclairages font ressortir d'importantes différences entre les systèmes de recherche, il m'apparaît cependant que la principale d'entre elles réside dans le mode de pilotage de la recherche et dans les instruments qu'il met en œuvre. C'est cette question qui sera donc au cœur des conclusions de ce rapport. * * * Pour préparer ce rapport, je me suis rendu en Allemagne et au Royaume-Uni, afin de comparer leurs systèmes de recherche et le système français. D'autres exemples européens sont présentés en annexe. Il m'est apparu que le système allemand et le système britannique présentent des différences, notamment en ce qui concerne la place des universités et l'organisation des carrières des chercheurs mais aussi des points communs qui les distinguent du système français, à savoir la place importante accordée au financement sur projet et à l'évaluation. L'Allemagne s'appuie sur la force des complémentarités de ses grands organismes de recherche et de ses universités. Le Royaume-Uni profite lui de la flexibilité et de la réactivité d'un système qui s'appuie essentiellement sur les universités. * * * I. ALLEMAGNE : LA FORCE DES COMPLEMENTARITES A. Les rôles respectifs des organismes de recherche et des universités Comme la France, l'Allemagne dispose, à côté des universités, d'organismes publics menant leurs propres activités de recherche. Malgré le principe d'unité de la recherche et de l'enseignement, la question de la qualité de la recherche universitaire se pose, l'Allemagne ne disposant pas de pôles d'excellence universitaires comparables à ceux des pays anglo-saxons. 1) La coexistence des organismes de recherche et des universités La recherche publique est menée, d'une part, dans les établissements d'enseignement supérieur, c'est-à-dire dans les 92 universités et, de façon plus limitée, les 150 écoles supérieures techniques (les « Fachhochschulen ») et, d'autre part, dans quatre organismes de recherche. Ces grands organismes sont : - la Max Planck Gesellschaft (MPG), qui dispose de 80 instituts orientés vers la recherche fondamentale ; - la FraunhoferGesellschaft (FhG), qui regroupe 60 instituts menant des recherches appliquées ; - la Helmholtz Gemeinschaft Deutscher Forschungszentren (HGF), organisée en 15 centres et qui traite de tous les aspects fondamentaux et appliqués des grands sujets d'actualité et de société. Avec 24 000 employés et un budget annuel de 2,2 milliards d'euros, il s'agit de la plus grande organisation de recherche allemande ; - la Wissenschaftsgemeinschaft Gottfried Wilhelm Leibnitz (WGL), fédération de 80 instituts d'origines diverses. Ces différents organismes sont caractérisés par une large autonomie et une taille plus modeste que les organismes français. En revanche, la taille de leurs instituts de recherche est plus importante qu'en France, les activités faisant l'objet de regroupements. La Deutsche Forschung Gemeinschaft (DFG) est une agence de moyens qui finance la recherche publique. Depuis 2001, un programme de création de centres de recherche propres à la DFG a été lancé. 2) Le principe d'unité de la recherche et de l'enseignement a) La place importante des universités Le système allemand repose sur le principe Humboldt d'unité de la recherche et de l'enseignement. La plus grande partie des unités de recherche allemandes se trouve dans les universités, qui représentent la base de la recherche. Les dépenses de recherche des universités sont supérieures à celles des organismes (8 milliards d'euros pour les universités, 6,6 milliards pour les organismes). La répartition des personnels de recherche témoigne également de l'importance des universités : 60 % des chercheurs du secteur public sont employés dans les universités et 40 % dans les organismes. b) La proximité entre universités et organismes est encouragée Des partenariats sont développés entre les universités et les grands organismes. Ainsi, la Conférence des recteurs d'université (HRK) a signé un accord avec la MPG et récemment avec la HGF. Par ailleurs, la DFG encourage la formation de réseaux en conditionnant l'octroi de financements aux organismes à leur coopération avec les universités. 3) La question de la qualité de la recherche universitaire a) Le classement des universités Toutes les universités participent à la recherche mais la qualité de celle-ci reste inégale. Depuis 1995, la DFG établit un classement des universités à partir d'indicateurs de qualité de la recherche. Ce classement a suscité de nombreuses réticences mais sert aujourd'hui de base de réflexion aux Länder, compétents en matière d'enseignement supérieur, pour d'éventuelles restructurations des universités. b) Le projet d'"universités d'élite" Le gouvernement fédéral souhaiterait créer des « universités d'élite » afin de relancer l'innovation. En effet, il n'existe pas en Allemagne d'équivalent aux grandes universités américaines ou britanniques ni aux grandes écoles françaises. Le projet se heurte cependant à des résistances dans un pays très attaché à la dimension égalitaire de l'éducation. En outre, la mise en œuvre du projet est repoussée en raison de désaccords entre l'Etat fédéral et les Länder. Elle devrait malgré tout débuter en 2006. 1) L'importance du financement sur projet L'une des principales caractéristiques du système de recherche est l'importance du financement sur projet (qui s'oppose au financement récurrent des structures), que l'on peut estimer à 50 % du financement public de la recherche. La volonté des pouvoirs publics est en effet d'utiliser le plus possible ce mode de financement. La DFG soutient annuellement 25 000 projets, dont 80 % dans les universités. Dans les organismes extra-universitaires, l'importance de la part du financement sur projet est variable. Elle atteint deux tiers dans les instituts de la société Fraunhofer. Outre le financement par l'Etat et les Länder, qui inclut un financement de base et un financement sur projet, les organismes et les universités ont recours à des financements tiers (« dritten Mittel ») en provenance de l'industrie, de fondations ou de l'Union européenne. Ces types de financement sont également attribués à des projets. 2) La définition de la politique scientifique a) La Fédération et les Länder La recherche est du ressort fédéral et l'enseignement supérieur de la compétence des Länder. La concertation s'effectue au sein de la Conférence Bund-Länder pour la planification de l'éducation et le soutien à la recherche. Le ministère fédéral de la formation et de la recherche (le BMBF) définit les grandes priorités thématiques reflétées dans le budget fédéral. Le Conseil scientifique (« Wissenschaftsrat ») conseille le gouvernement fédéral et les Länder. Il est composé majoritairement de scientifiques proposés par les organismes et les universités. Ses avis concernent l'organisation et le financement des universités et des organismes mais aussi les orientations stratégiques de la recherche. Il a ainsi établi une liste de grands projets scientifiques pour les dix prochaines années. Chaque organisme a ses instances de décision composées de scientifiques et de représentants de l'Etat et des Länder, s'appuyant sur des experts extérieurs. Au sein de la DFG par exemple, le Sénat, qui est le comité responsable de la politique de recherche, compte une majorité de scientifiques. Le mode de pilotage de la recherche varie selon les organismes. Ainsi, la HGF privilégie depuis 2003 le soutien de programmes thématiques, élaborés par les scientifiques. Il s'agit de concentrer les activités de recherche sur des objectifs ciblés. La DFG finance au contraire prioritairement des projets individuels indépendamment de thèmes. L'évaluation est au cœur du système de recherche allemand. a) L'évaluation concerne plus les équipes que les personnes Dans chaque organisme, l'accent est mis sur l'évaluation des équipes, des laboratoires et des instituts. Par exemple, lors de l'évaluation des instituts Max Planck qui a lieu tous les deux ans, seuls les dirigeants sont évalués individuellement. Le système de financement sur projet fonctionne grâce à la mise en concurrence et à l'évaluation des projets par les organismes financeurs. Au sein de la DFG, les projets sont évalués par des scientifiques élus par leurs pairs, qui font ensuite des propositions aux organes de décision ; elles sont en général largement acceptées. Il s'agit d'évaluations plus globales : la MPG fait par exemple procéder à l'évaluation de ses thèmes de recherche tous les six ans, ce qui permet de détecter la présence d'éventuels doublons ou, à l'inverse, de thèmes non représentés. Par ailleurs, le Conseil scientifique produit des évaluations globales du système de formation et de recherche. 2) La composition des organes d'évaluation Certains organismes pratiquent des auto-évaluations. L'appel à des experts extérieurs indépendants et de réputation scientifique internationale est cependant fréquent. Il s'agit souvent d'étrangers. Les critères d'évaluation varient selon les organismes. Ils peuvent inclure d'autres éléments que les publications, comme l'obtention de financements tiers, les thèses encadrées, les conférences organisées et les distinctions reçues. 4) Les conséquences de l'évaluation Du fait de la place du financement sur projet, les évaluations ont des conséquences importantes, de mauvais résultats pouvant même, à la limite, conduire à la fermeture d'instituts. Les évaluations peuvent également avoir des conséquences sur la rémunération des dirigeants qui comprend une part variable. L'une des principales caractéristiques du système allemand est la vitalité de la recherche privée : deux tiers des personnels de recherche sont employés dans les entreprises et deux tiers du financement de la recherche proviennent du secteur privé. Il existe une forte coopération entre recherche publique et privée, fondamentale et appliquée, tout particulièrement grâce à la FhG. Ce réseau d'organismes a pour but le transfert technologique et le soutien aux PME-PMI. Il est en interaction avec les universités et les entreprises. La FhG est l'un des organismes les plus performants en Allemagne pour le nombre de brevets et leur exploitation. Les exemples de créations d'entreprises par des universités sont fréquents et encouragés par le biais du programme fédéral Exist. La réforme du droit des universités en 2002 a notamment porté sur la procédure des brevets. L'appréciation de la brevetabilité d'une découverte est maintenant collégiale et des agences de valorisation et d'exploitation des brevets sont systématiquement mises en place dans les universités. En outre, la FhG dispose d'un office des brevets à Munich, chargé d'apprendre à breveter aux agences de valorisation universitaires et de coordonner certaines activités de transfert de technologie auprès de l'office européen des brevets. Mais il faut noter que la principale différence entre l'Allemagne et la France réside dans le fait qu'il n'existe pas d'équivalent des écoles d'ingénieur. Les étudiants, qu'ils aillent vers la recherche ou vers l'industrie, tendent à obtenir le diplôme de docteur. Leur formation se fait en outre fréquemment dans le cadre de l'alternance université-entreprise. De ce fait, un docteur a devant lui un éventail de débouchés beaucoup plus large qu'en France : recherche, enseignement ou industrie. Il est, de plus, souvent accoutumé dès sa formation à établir le lien recherche-valorisation de la recherche. La volonté actuelle du gouvernement est de rendre les carrières plus flexibles, notamment par l'introduction de rémunérations variables basées sur la performance et le renforcement de l'autonomie des jeunes chercheurs. L'Allemagne compte 25 000 nouveaux docteurs par an (en France, ce nombre est de 10 000). Tous les doctorants ne sont pas financés. Les financements peuvent provenir de bourses publiques ou de moyens tiers du secteur privé ou d'organisations non scientifiques. Certains doctorants peuvent bénéficier d'emplois d'assistants scientifiques dans les universités. Les débouchés sont assez larges dans le secteur privé, deux tiers des chercheurs allemands étant employés dans l'industrie. Le titre de docteur est valorisé dans les entreprises comme dans le secteur public. a) Le statut de "junior-professor" Au sein des universités, seuls les professeurs ont un statut de fonctionnaire. Depuis 2002, le ministère fédéral de la formation et de la recherche a introduit un nouveau statut pour les jeunes scientifiques de 30 à 35 ans, le dispositif des « junior Professoren ». Il s'agit d'un statut de fonctionnaire à durée limitée, avec un maximum de 2 périodes de 3 ans. Il s'adresse aux jeunes docteurs âgés de 32 ans au plus, qui sont évalués après une durée de 3 ans d'enseignement et de recherche et peuvent se voir proposer une nouvelle période de 3 ans après laquelle une chaire de professeur deviendra accessible. L'objectif de ce statut est double. Il s'agit d'une part d'éliminer l'habilitation (une thèse post-doctorale) comme condition d'accès au statut de professeur, donc de donner plus d'autonomie aux jeunes post-doctorants, et d'autre part de proposer un salaire plus flexible basé sur la performance individuelle. Cette réforme connaît des problèmes juridiques d'application. En effet, la Cour constitutionnelle a déclaré le dispositif contraire à la Constitution car il n'y avait pas eu d'entente préalable avec les Länder. b) Des postes contractuels dans les organismes Dans les organismes extra-universitaires, seuls les chercheurs ayant des fonctions dirigeantes ont un statut proche de celui de fonctionnaire. Les autres chercheurs travaillent sous contrat, à durée déterminée ou indéterminée. La proportion d'employés à durée déterminée varie selon les organismes mais elle est globalement assez élevée. c) La charge d'enseignement des enseignants-chercheurs Tous les enseignants du supérieur ont une double activité de recherche et d'enseignement, avec un nombre déterminé d'heures d'enseignement par semaine : 8 heures pour les professeurs d'université et moins pour les autres enseignants (de 4 à 8 heures pour les « junior-professoren »). Globalement, la charge d'enseignement peut être évaluée à un tiers du temps des enseignants-chercheurs, ce qui est inférieur à la proportion de 50 % en vigueur en France. Les niveaux de rémunération dans la recherche publique sont supérieurs d'environ 30 % à ceux pratiqués en France et atteignent des niveaux plus élevés dans le secteur privé. Un nouveau système de rémunération pour les chercheurs ayant un statut de fonctionnaire a été introduit : celui-ci inclut une part fixe et une part variable, qui peut être un moyen d'attirer des chercheurs ou de prendre en compte de bons résultats. Pour les contractuels, la progression se fait à l'ancienneté, conformément à la convention des employés du secteur public. Il existe un débat concernant l'introduction d'une convention collective dans le domaine de la science, qui permettrait un changement du statut et des rémunérations. a) Une mobilité naturelle entre organismes et universités La mobilité des enseignants-chercheurs vers les organismes de recherche est assez fréquente : des professeurs d'université peuvent devenir directeurs d'instituts de recherche, de jeunes chercheurs peuvent effectuer une mobilité. Au sein de la FraunhoferGesellschaft, les directeurs d'institut doivent avoir une chaire de professeur, ce qui favorise le développement de liens avec les universités. Il n'existe pas d'obligation d'enseignement pour les chercheurs des organismes mais leur participation volontaire à l'enseignement est fréquente, tandis que la mobilité temporaire ou définitive est plus rare car les conditions de recherche sont plus favorables dans les organismes. b) Une mobilité assez fréquente du secteur public vers l'industrie La mobilité des chercheurs du public vers les entreprises est assez fréquente mais elle est plus rare en sens inverse, ce qui peut s'expliquer par l'inégalité des rémunérations. L'un des buts de la FhG est d'attirer des chercheurs qui poursuivront ensuite leur carrière dans l'industrie, la période passée à la FhG pouvant déboucher sur l'obtention d'une thèse. II. ROYAUME-UNI : LA REACTIVITE D'UN SYSTEME FONDE SUR LES UNIVERSITES A. Les rôles respectifs des organismes de recherche et des universités Le système de recherche publique repose principalement sur les universités, avec des pôles d'excellence de renommée internationale. 1) La majorité de la recherche publique est menée au sein des universités Il existe peu d'instituts de recherche en site propre. Les organismes de recherche sont principalement des agences de moyens finançant la recherche universitaire. Il s'agit des sept conseils de recherche (« research councils ») répartis par domaine de compétences : - le « Biotechnology and Biological Science Research Council » (BBSRC) soutient la recherche dans le domaine de la biologie ; - le « Council for the Central Laboratory of the Research Councils »(CCLRC) a une vocation multidisciplinaire ; - l'« Engineering and Physical Science Research Council » (EPSRC) a pour mission la promotion et le financement de la recherche fondamentale et appliquée dans le domaine de l'ingénierie, de la chimie, de la physique et des mathématiques ; - le « Medical Research Council » (MRC) finance la recherche biomédicale et tous les domaines de recherche visant à améliorer la santé humaine ; - le « Natural Environment Research Council » (NERC) finance la recherche sur toutes les questions d'environnement et d'eau ; - le « Particle Physics and Astronomy Research Council » (PPARC) finance la recherche en astronomie, physique des particules et science de l'univers ; - l'« Economic and Social Research Council » (ESRC) finance les recherches dans le domaine des sciences économiques et sociales. Parmi ces organismes, seuls le BBSRC et le MRC disposent de leurs propres laboratoires. Les fondations de recherche, qui sont des organisations caritatives privées, jouent également un rôle important puisqu'elles fournissent 22 % de l'effort national de recherche. Parmi celles-ci, le Wellcome Trust dispose d'instituts de recherche. 2) Les atouts de la recherche universitaire L'enseignement supérieur bénéficie de financements plus élevés qu'en France et en Allemagne. Il existe cependant concernant la recherche une insuffisance du financement des structures par rapport au financement des projets. Les universités jouissent d'une large autonomie en matière de recrutement, d'allocation budgétaire et de définition des programmes de recherche. Les résultats du dernier exercice d'évaluation des activités de recherche des universités font apparaître que plus de 50 % des universités atteignent les deux meilleurs niveaux du barème. Cependant, les modalités de cette évaluation font l'objet de nombreuses critiques (voir le III). Le Royaume-Uni dispose de pôles d'excellence de renommée mondiale, tels Cambridge ou Oxford, qui apparaissent comme les meilleures universités européennes en recherche dans les classements internationaux. Les universités britanniques sont attractives : 34 % des doctorants sont étrangers, de nombreux post-doctorants étrangers sont également accueillis. Les modes de financement et de pilotage sont souples et permettent une forte réactivité. 1) La place du financement sur projet La recherche publique est financée selon un système complexe appelé « Dual support system ». Celui-ci associe un financement des infrastructures et du personnel permanent par les quatre « Higher Education Funding Councils » et un financement des dépenses de recherche par des subventions, les « grants » attribuées par les conseils de recherche à une équipe et pour un projet. Les demandes de « grants » sont faites directement par les chercheurs. Les sommes sont accordées pour une durée de 2 à 5 ans et peuvent atteindre des niveaux très élevés (plusieurs millions d'euros). Leur utilisation est très libre, elles peuvent permettre de financer du matériel mais aussi des salaires pour des techniciens ou des post-doctorants. 2) La définition de la politique scientifique Au niveau gouvernemental, la recherche dépend du ministère du commerce et de l'industrie. Le conseiller scientifique du Premier ministre dirige le bureau de la science et de la technologie du ministère, qui a la tutelle des conseils de recherche. Le conseil pour la science et la technologie est le plus important comité consultatif du gouvernement pour tous les sujets relatifs à la recherche. Le gouvernement, à travers le budget de la science, soutient des programmes multidisciplinaires mais aussi les budgets des conseils de recherche qui décident ensuite de leur gestion. Les conseils de recherche définissent des programmes de recherche. La définition des projets est faite par les chercheurs, de façon très libre pour la recherche fondamentale. Les projets de recherche appliquée sont plus thématisés. Ce système favorise la réactivité de la recherche car il procure une indépendance financière aux équipes par rapport aux grandes structures. En revanche, ce mode d'organisation peut être à l'origine de difficultés pour le financement de projets risqués car les thèmes « à la mode » ou rapidement rentables sont privilégiés. En outre, se pose la question de la continuité de la recherche car les chercheurs qui ne sont pas liés à une université peuvent se déplacer avec leurs fonds. De même, les équipes travaillent de manière très indépendante sur leur propre projet, ce qui peut mener à un grand éclatement des thèmes de recherche. Enfin, la continuité d'une équipe est liée à sa capacité d'obtenir des « grants ». Du fait du mode de financement de la recherche, l'évaluation occupe une place importante dans le système britannique mais elle fait l'objet de critiques. Les projets soumis pour les « grants » font l'objet d'une évaluation ex ante, parfois en cours puis à la fin du « grant », par les conseils de recherche. b) Les départements universitaires Le « Research Assessment Exercise » (RAE) est le principal outil d'évaluation de la recherche universitaire. Il est organisé par les « Higher Education Funding Councils ». Il s'agit du plus grand exercice d'évaluation de la recherche dans le monde puisqu'il implique 55 000 chercheurs, 3 000 départements et 200 universités. Cependant, cette évaluation est faite sur la base du volontariat des départements et ceux-ci choisissent la proportion de chercheurs proposés dans l'évaluation. Ceci peut conduire à des stratégies visant à obtenir les meilleurs résultats possibles. En outre, il s'agit d'un exercice lourd et long : le dernier a été mené en 2001 et le prochain le sera seulement en 2008. L'attribution des « grants » se fait selon des critères d'excellence scientifique rendus publics préalablement. La faisabilité d'un projet est un critère important. Pour obtenir un renouvellement, il faut avoir rempli une partie des objectifs du projet initial et avoir fait des publications. Dans le cadre du RAE, les critères retenus sont les publications, le nombre de doctorants, les revenus de recherche extérieurs, la structure et la stratégie, le personnel actif en recherche et l'attribution de prix et de récompenses. Pour l'attribution des « grants », une attention particulière est portée à la transparence de la procédure. Il est par exemple possible d'obtenir les rapports motivant un refus de financement. La procédure du RAE fait l'objet de nombreuses critiques pour sa lourdeur et le fait que des stratégies des départements puissent aboutir à de bons résultats, comme cela semble avoir été le cas lors du dernier exercice. 4) La composition des organes d'évaluation Dans les conseils de recherche, les comités sont composés de scientifiques réputés, nationaux et internationaux, nommés par la direction. Dans le cadre du RAE, l'évaluation est faite par des panels d'experts nommés. 5) Les conséquences de l'évaluation Le lien entre évaluation et financement est évidemment très fort puisqu'une bonne évaluation des projets conditionne l'attribution et le renouvellement des « grants ». Les résultats du RAE servent de base à l'attribution sélective de subventions aux activités de recherche des universités par les HEFC. Ces fonds couvrent principalement les frais d'infrastructures. Cette évaluation est également utilisée par les conseils de recherche. La recherche publique et l'industrie ont des liens très étroits en Grande-Bretagne. Dès le début des années 1980, les universités et les centres de recherche ont mis en place des centres de transfert de technologies afin de pouvoir exploiter directement ou à travers l'industrie les fruits de leur recherche. Des universités accueillent des pépinières d'entreprises ; il existe également de nombreux parcs scientifiques ayant pour vocation de promouvoir la recherche à vocation commerciale et les technologies de pointe. Le cas de Rolls Royce, qui a créé depuis 1990 plus de vingt centres universitaires de technologie dans quinze universités, est souvent cité comme exemple de collaboration. Néanmoins, les performances en matière d'innovation ne sont pas jugées satisfaisantes par le gouvernement, qui souhaite renforcer les liens entre la recherche et l'économie. Un plan d'action a été publié par le ministère du commerce et de l'industrie en décembre 2003. De nombreuses initiatives ont ainsi été prises, comme la fixation de nouveaux objectifs par le directeur général des conseils de recherche avec chaque conseil pour augmenter le taux de transfert de technologie, l'encouragement de la création de « start-up » et de la coopération avec le « Small Business Research Initiative ». Le gouvernement a également mis en place plusieurs programmes afin de favoriser les collaborations entre recherche publique et industrie : le programme « Link », le programme « Higher Education Innovation Fund » et le programme « Knowledge transfer ». Une attention particulière est portée à l'amélioration de l'expertise en propriété industrielle dans les universités. Le nombre de nouveaux diplômés par an est d'environ 13 000. Le gouvernement a décidé d'augmenter le financement des bourses, leur niveau et leur durée étant jusqu'à présent insuffisants. Les « grants » permettent en règle générale l'embauche de doctorants dans un laboratoire ; ils sont alors employés sous un contrat à durée déterminée. Leur proportion dans les équipes de recherche est cependant moindre que celle existant en France. Le doctorat est perçu comme une expérience professionnelle à part entière. Très souvent, le doctorant et son directeur de thèse établissent en commun une stratégie visant à adapter la thèse aux objectifs professionnels (notamment selon que le doctorant vise un emploi à l'université ou dans le privé). La première année de thèse est toujours considérée comme une période d'essai soumise à une évaluation réalisée entre autres par un examinateur extérieur au projet, qui détermine si le candidat est apte à poursuivre. Dans le cas contraire, ou si le candidat ne désire pas continuer, la thèse s'arrête et l'université attribue un diplôme de mastère. Les perspectives de carrière sont souvent limitées mais des programmes sont mis en œuvre afin d'améliorer l'employabilité des doctorants. Les « grants » contiennent généralement une ligne budgétaire pour recruter un ou plusieurs post-doctorants. Ceci a deux répercussions majeures qui contrastent fortement avec le système français. Premièrement, les laboratoires britanniques accueillent un nombre élevé de post-doctorants, en général plus que de doctorants. En 2000-2001, les établissements d'enseignement supérieur comptaient 43 000 chercheurs post-doctorants. Deuxièmement, les post-doctorats offrent des conditions radicalement différentes des post-doctorats français : embauche sur un contrat à durée déterminée assurant systématiquement toutes les prestations sociales ; un salaire intéressant ; un recrutement sur une durée standard de deux à cinq ans, selon la durée du « grant », afin de laisser au candidat le temps de mener à bien un véritable projet de recherche. Enfin, l'existence d'un budget de recherche associé permet de travailler dans les meilleures conditions matérielles. Le chercheur post-doctorant en Grande-Bretagne est considéré comme un professionnel à part entière, jouant un rôle essentiel dans le système de recherche, en apportant son énergie et son savoir-faire à une équipe. En revanche, il existe un goulet d'étranglement par la suite pour l'obtention d'un poste permanent. Par rapport à la France, les carrières sont très flexibles mais il existe une forte précarité. (1) L'accès à un poste permanent est difficile. Il n'existe pas de statut de fonctionnaire pour les chercheurs. Tous sont employés sous des contrats, à durée déterminée ou indéterminée. En moyenne, 28 % des chercheurs sont employés à durée déterminée mais cette proportion atteint 50 % en sciences de la vie. Selon un rapport de la commission de la science et de la technologie de la Chambre des Communes publié en 2002, seul le secteur de la restauration fait pire en matière d'emploi précaire et cette situation a de graves conséquences pour les chercheurs et l'ensemble du système. Les postes permanents sont fournis par les universités elles-mêmes et le recrutement se fait de manière locale et sur publication du profil recherché dans la presse et les sites spécialisés. Néanmoins, le système reste sain en raison de la pression pour l'excellence qui pèse sur tous les départements, à travers les évaluations régulières auxquels ils sont soumis et leurs significatives conséquences financières. (3) La charge d'enseignement des enseignants-chercheurs La charge d'enseignement n'est pas une quantité fixe comme en France. L'enseignement à effectuer au sein d'un département est en effet réparti parmi les permanents en fonction de l'intensité de leur activité de recherche et de leur motivation à enseigner. Typiquement, un permanent actif en recherche a entre 50 et 80 heures d'enseignement par an à effectuer. (1) Les rémunérations et les promotions Les salaires des chercheurs britanniques sont du même ordre de grandeur qu'en France. Ils n'ont pas été revalorisés depuis quinze ans mais une revalorisation semble s'amorcer aujourd'hui. Des modifications locales, à l'échelle d'une université, sont désormais possibles. En outre, les salaires de post-doctorats alloués par les agences de moyens gouvernementales vont fortement augmenter. Les promotions s'effectuent principalement à l'ancienneté pour les permanents. Le système des « grants » permet une forte indépendance des équipes, les crédits parvenant directement au « Principal Investigator » qui en a fait la demande. De même, les jeunes chercheurs peuvent grâce à l'obtention d'un « grant » disposer de crédits suffisants pour établir leur propre thématique et leur équipe. Il peut toutefois être difficile d'obtenir un premier financement. Les moyens attribués par les « grants » sont très élevés. Cependant, le financement par projets entraîne un manque de partage des ressources. En effet, les fonds étant distribués individuellement, l'accumulation de ressources et de matériel communs au niveau des instituts est rendue plus difficile. L'acquisition de gros matériel spécifique se fait toutefois en collaboration avec l'université qui en reste propriétaire si l'équipe décide de changer d'institution. a) Entre recherche et enseignement Tous les postes permanents sont nécessairement rattachés à une université. En conséquence, tous les chercheurs permanents ont à faire de l'enseignement. Des décharges temporaires d'enseignement existent. Les chercheurs non permanents n'ont aucune charge obligatoire d'enseignement mais peuvent participer sur la base du volontariat. b) Entre recherche publique et privée Les allers-retours entre universités et industrie sont peu fréquents. En particulier, il est très rare que des chercheurs du secteur privé viennent travailler dans la recherche publique. Un programme public, le « Teaching/Company Scheme » permet aux entreprises de bénéficier de subventions pour l'emploi de doctorants et de post-doctorants. Ces contrats débouchent souvent sur une embauche. * * * Afin de disposer de références, il m'est apparu intéressant d'élargir la comparaison au système de recherche américain, caractérisé par la souplesse et le dynamisme de ses structures, par l'importance des moyens de financement et par la vigueur du pilotage de l'effort de recherche. En comparaison, l'Union européenne, qui affiche une ambition nécessaire, est encore loin de s'en être donné les moyens. * * * III. ETATS-UNIS : LES MOYENS DE LA PUISSANCE A. Les rôles respectifs des organismes de recherche et des universités 1) La coexistence des universités et d'agences fédérales ou de laboratoires dépendant de départements ministériels La recherche publique est répartie entre les universités, publiques ou privées, les agences fédérales qui pour la plupart ont des laboratoires intra-muros et des laboratoires dépendant directement des départements ministériels. Les agences fédérales sont également des agences de moyens finançant la recherche des universités. Les agences ayant les budgets de recherche les plus importants sont : - les « National Health Institutes » (NIH), principaux acteurs dans le domaine des sciences de la vie ; - la « National Science Foundation » (NSF) qui fonctionne exclusivement comme une agence de moyens et finance la recherche fondamentale ; - la « National Aeronautics and Space Administration » (NASA) qui couvre la recherche liée à l'espace mais aussi la biologie, la physique et les sciences de la terre. Certains départements ministériels financent la recherche et gèrent des laboratoires, par exemple le département de la défense, le département de l'énergie ou encore le département de l'agriculture. 2) Le rôle majeur des universités a) En termes de personnel et de moyens On peut estimer à deux tiers la proportion de chercheurs du secteur public employés dans les universités. Les universités dépensent annuellement entre 30 et 35 milliards de dollars en activités de recherche, ce qui représente 11 % de l'effort national (public et privé). En recherche fondamentale, ce poids s'élève à 43 %. Elles sont donc des acteurs essentiels de la recherche. b) Une image internationale fondée sur la recherche Les grandes universités impliquées dans la recherche, par exemple, Harvard, Stanford ou le MIT, constituent des pôles d'excellence internationalement reconnus qui attirent de nombreux chercheurs étrangers. La concurrence entre universités est également une caractéristique importante du système, favorisant l'excellence de la recherche. 3) Les relations entre les organismes fédéraux et les universités : un financement considérable Le financement de la recherche universitaire par le gouvernement fédéral est très important, puisqu'il représente 60 % du financement total des universités. Ces financements sont attribués pour l'essentiel par les agences fédérales sur appels d'offres mais peuvent aussi l'être au moyen de contrats ou d'accords de coopération, permettant la création de grands équipements ou de centres de recherche. Les fonds fédéraux attribués aux universités atteignent des montants considérables, pouvant aller jusqu'à 500 millions de dollars par an pour les universités les mieux dotées. a) Une partie seulement des universités est impliquée dans la recherche Les Etats-Unis comptent environ 3 600 établissements d'enseignement supérieur. La quasi-totalité des crédits fédéraux de recherche est concentrée sur 200 universités. Il existe donc une grande disparité entre universités et entre Etats. Les universités américaines ont peu de moyens de mener une politique scientifique, l'essentiel des financements étant attribué à titre individuel aux chercheurs après évaluation par les agences fédérales. Par ailleurs, les grands équipements de recherche sont situés dans les laboratoires fédéraux. 1) L'importance du financement sur projet Les agences de moyen attribuent la plupart de leurs financements par des appels d'offres nationaux relevant de plusieurs centaines de programmes fédéraux. Ces financements sont alloués à un chercheur à titre individuel, le « principal investigator ». Ils permettent de financer des équipements mais aussi des salaires pour des techniciens ou des post-doctorants. La compétition entre projets est importante et est souvent identifiée comme un facteur d'excellence. 2) La définition de la politique scientifique a) Le rôle stratégique du gouvernement fédéral A travers les choix budgétaires, les priorités accordées à certains thèmes de recherche peuvent être explicites ou implicites. Ainsi, les sciences de la vie sont un secteur dominant puisque les NIH assurent 60 % du financement fédéral de la recherche universitaire. Le budget de 2004 a également reflété les priorités du gouvernement en matière de défense et de sécurité. La communauté scientifique s'inquiète actuellement de l'équilibre des priorités thématiques de la recherche ainsi que des pressions politiques pouvant s'exercer sur ses orientations. Par ailleurs, un rapport du National Science Board de la NSF publié en 2001 souligne l'insuffisance de la coordination et de la cohérence de la politique scientifique. b) Le rôle des organismes de conseil et des agences fédérales Le Bureau de la politique scientifique et technologique (OSTP) et le Conseil national de la science et de la technologie (NSTC) assistent le Président et l'ensemble de l'exécutif en matière de politique scientifique, assurent la coordination et aident à préparer le budget de la recherche. Les agences fédérales disposent d'organes consultatifs. Au sein de la NSF, le « National Science Board », composé d'universitaires et d'industriels, guide les activités de l'agence et remplit également une fonction de conseil pour la politique scientifique nationale. Les programmes thématiques de la NSF sont très définis. Si les chercheurs y répondent de façon individuelle, ils n'ont cependant pas une totale liberté dans les thèmes de recherche. La NSF attribue ses financements selon leur valeur scientifique et les impacts socio-économiques. Les projets font l'objet d'une évaluation par les pairs, pour laquelle plusieurs dizaines de milliers d'experts sont sollicités. La plupart du temps, la durée de la procédure d'évaluation est inférieure à six mois. La décision finale relève du directeur de programme. Les projets et les programmes sont ensuite évalués a posteriori. Il existe également une évaluation de l'activité de recherche des universités, la classification Carnegie, établie par la NSF. Dans l'ensemble du système, l'industrie joue un rôle dominant : elle assure 63 % du financement national et effectue 68 % de l'activité de recherche et développement. Les universités jouent un rôle important dans l'innovation. Le transfert de technologie est l'une de leurs missions fondamentales, qui s'opère par le biais des bureaux de transfert de technologie (« Technology licensing offices »). Leur action vise tout d'abord à favoriser le développement des entreprises existantes et la création de nouvelles « start up » dans des secteurs stratégiques. Un second objectif est d'attirer et de retenir les meilleurs professeurs et chercheurs qui sont assurés de voir leurs découvertes valorisées avec des retombées financières importantes pour leur laboratoire et eux-mêmes. Enfin, ces organismes ont la mission plus générale d'établir des relations avec le monde industriel, permettant ainsi la création de nouveaux contrats et l'insertion des jeunes diplômés. Depuis 1980, les universités peuvent bénéficier des droits de propriété intellectuelle de leurs découvertes effectuées grâce à l'utilisation des crédits fédéraux. Cependant, les transferts de technologie n'assurent pas de revenus importants aux universités ; ils permettent surtout de tisser des liens avec le secteur industriel. Les doctorants qui participent à la recherche en milieu universitaire sont employés sur la base de contrats à durée déterminée de 2 à 3 ans, surtout d'origine fédérale. Le niveau de financement de la recherche permet un accès assez large à ces contrats. Les jeunes docteurs s'insèrent facilement dans les entreprises puisque la moitié des diplômés ont un emploi dans le secteur privé moins de trois ans après l'obtention du doctorat. Les post-doctorants sont également employés sur la base de contrats à durée déterminée. Ils peuvent répondre aux appels d'offres des agences fédérales, ce qui favorise leur prise d'autonomie. Les salaires sont plus élevés qu'en Europe et les moyens attribués pour la recherche plus importants. En revanche, l'accès à un poste permanent est souvent difficile. a) L'autonomie, les moyens et les rémunérations Le système des financements attribués individuellement permet aux chercheurs de disposer d'une large autonomie dans leur activité et de moyens importants. Après l'attribution de la subvention, le responsable du projet est libre de ses décisions scientifiques et administratives. Aucun enseignant-chercheur n'est rémunéré à temps plein. Ils ne sont payés que pour 9 mois par leur université et peuvent obtenir une rémunération complémentaire par des contrats de recherche publics ou privés. b) Pas de caractère automatique des postes permanents Le système repose sur la notion de « tenure », qui désigne un emploi permanent à durée illimitée, comparable au statut des maîtres de conférences et des professeurs en France. La « tenure » est une promotion au choix et un objectif de carrière. Aucun « assistant professor » (catégorie des jeunes professeurs) ne peut y prétendre. Elle n'est pas automatique pour les deux autres catégories d'enseignants, les « associate professors » et les « full professors ». Plus de 60 % des enseignants chercheurs ont une position stable. Les enseignants non titularisés sont employés sous des contrats de 3 à 5 ans. 4) Une mobilité assez développée avec l'industrie La mobilité des enseignants chercheurs vers l'industrie est assez fréquente. Celle-ci peut être un moyen de valoriser leur recherche et de réintégrer ensuite l'université avec un poste permanent. Une partie des professeurs mène une double activité à l'université et dans une entreprise qu'ils ont contribué à créer. De nombreuses entreprises encouragent les activités de consultance des enseignants-chercheurs. Les actions pouvant être menées par l'Union européenne en matière de recherche sont, selon l'article 164 du traité CE, la mise en œuvre de programmes de recherche, la promotion de la coopération, la diffusion et la valorisation des résultats et la stimulation de la formation et de la mobilité(1). Ceci ne représente pas tous les aspects d'un système de recherche mais l'Union peut également promouvoir la coordination entre Etats membres. En outre, la politique européenne de recherche peut donner des impulsions aux Etats membres. La dimension européenne de la recherche avait déjà été abordée dans le rapport intitulé « Recherche européenne : l'urgence du réveil » que j'ai présenté à la Délégation en septembre 2003 ; j'exposerai donc ici seulement les grandes lignes et les évolutions récentes. 1) La volonté de créer des pôles d'excellence européens a) Le débat lors de l'élaboration du 6ème programme-cadre La mise en place du 6ème programme-cadre avait été l'occasion d'un débat à propos du choix entre les concepts de « centres » et de « réseaux » d'excellence comme nouveaux instruments, cette dernière notion ayant finalement été retenue. L'enjeu de ce débat était le regroupement des activités de recherche sur un même site et leur masse critique. b) Les perspectives pour le 7ème programme-cadre Le débat sur la politique de recherche de l'Union européenne pour l'après 2006 est désormais lancé. La Commission a fait connaître ses premières orientations le 16 juin 2004 dans une communication intitulée « La science et la technologie, clés de l'avenir de l'Europe - Orientations pour la politique de soutien à la recherche de l'Union ». L'un des six objectifs proposés est la création de pôles d'excellence européens par la collaboration entre laboratoires des centres de recherche, des universités et des entreprises. Toutefois, il s'agit de propositions encore très générales et difficiles à distinguer des instruments existants, les réseaux d'excellence et les projets intégrés. Le Conseil compétitivité des 25 et 26 novembre 2004 rendra des conclusions sur les grands traits du futur programme-cadre et la Commission présentera ses propositions en mars 2005. Selon le panel de haut niveau présidé par le professeur Marimon, chargé d'évaluer à mi-parcours l'impact des nouveaux instruments du 6ème programme-cadre, il existe une certaine confusion dans la définition de la masse critique des projets. Le rapport souligne l'augmentation artificielle de la taille des projets, ayant conduit à des dysfonctionnements et des pertes d'efficacité. Le panel estime que la masse critique dépend des thèmes, des disciplines, des participants et de l'impact attendu. Dès lors, l'un des enjeux pour le 7ème programme-cadre sera celui du maintien des instruments structurants du 6ème programme-cadre. Le retour à des projets de taille plus réduite risquerait de diminuer l'efficacité des initiatives. 2) La réflexion sur le rôle des universités La Commission mène parallèlement une réflexion sur le rôle des universités dans l'Union européenne. Dans sa communication du 5 février 2003 intitulée « Le rôle des universités dans l'Europe de la connaissance », elle souligne que les universités européennes n'offrent pas aux chercheurs et aux étudiants un environnement aussi attractif que les universités américaines car elles ne possèdent souvent pas la masse critique nécessaire. La Commission fixe donc l'objectif de faire des universités européennes une référence au niveau international. Elle identifie trois domaines d'action : assurer un financement suffisant, renforcer l'excellence et ouvrir davantage les universités vers l'extérieur de façon à accroître leur attrait international. Afin de favoriser l'excellence, la Commission propose notamment le développement de centres et de réseaux européens d'excellence, grâce à la concentration des crédits de recherche sur certains domaines et certaines institutions. 1) Dans le 6ème programme-cadre Le programme-cadre a défini sept grandes priorités thématiques, après une large consultation de la communauté scientifique. La Commission a consulté les acteurs de la recherche sur les objectifs des programmes et le champ des appels à proposition par le biais des appels à manifestation d'intérêt. Les financements sont ensuite accordés sur appels d'offres de la Commission. Comme je l'avais souligné dans mon précédent rapport sur la recherche européenne à la Délégation, ce mode de pilotage, parfois trop rigide, ne permet pas toujours la réactivité nécessaire à certains types de recherche. 2) La proposition de Conseil européen de la recherche La nécessité d'un soutien plus fort à la recherche fondamentale a été à l'origine d'un débat dans la communauté scientifique, conduisant à l'idée de la création d'une agence de moyens européenne finançant la recherche fondamentale. Un groupe d'experts présidé par Federico Mayor a été mis en place et a rendu ses conclusions en décembre 2003. La Commission s'est ensuite exprimée en janvier 2004 dans une communication intitulée « L'Europe et la recherche fondamentale ». Elle a évoqué la création d'un Conseil européen de la recherche dans ses premières propositions pour le 7ème programme-cadre en juin 2004. Le nouveau commissaire chargé de la science et de la recherche, Janez Potocnik, a confirmé cette volonté lors de sa récente audition par la commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie du Parlement européen. En termes de financement et de pilotage de la recherche, la proposition de Conseil européen de la recherche est particulièrement intéressante car il s'agirait d'un organisme finançant des projets individuels de chercheurs sélectionnés selon une évaluation par les pairs après une mise en concurrence à l'échelle européenne. Les chercheurs proposeraient des projets à leur propre initiative, sur les thèmes de leur choix, ce qui encouragerait la créativité. Ce mécanisme se rapprocherait de celui des financements de la NSF aux Etats-Unis. Concernant la forme que prendrait ce Conseil, le groupe d'experts a proposé un organisme autonome, avec comme organe dirigeant un Sénat composé de scientifiques et de spécialistes de la politique de la recherche, nommés par les organismes financeurs. La Commission a, quant à elle, évoqué plusieurs structures possibles, soit une agence d'exécution, soit une agence de l'Union de type classique, soit une structure spécifique, par exemple une fondation. Elle a établi trois principes fondamentaux : la supervision par la communauté scientifique, la responsabilité politique et financière de la Commission et le caractère communautaire, pour éviter les risques de "juste retour". La conséquence du mode de financement des actions du programme-cadre est l'existence de mécanismes d'évaluation ex ante des projets. La Commission nomme des experts du monde scientifique ou industriel, indépendants et internationalement reconnus. Les procédures d'évaluation incluent souvent des auditions des candidats. L'évaluation se fait parfois en deux étapes. Les critères de qualité du projet varient selon les instruments et les thèmes. Ils sont spécifiés dans chaque appel d'offres. Le rapport Marimon identifie un certain nombre de faiblesses dans la procédure d'évaluation, en particulier le manque de précision des critères, l'insuffisante information des candidats ayant échoué, les doutes concernant le choix et les compétences des évaluateurs. Par ailleurs, il recommande la généralisation des évaluations en deux étapes, qui permettent de réduire les coûts pour les candidats. Par ailleurs, l'article 173 du traité et le programme-cadre prévoient que la commission présente dans son rapport annuel sur ses activités de recherche un bilan de la mise en œuvre du programme. Une évaluation externe de l'exécution est également requise avant les propositions relatives au programme suivant. Les PME sont encouragées à participer aux actions mises en œuvre par le biais des différents instruments du programme-cadre, 15 % du financement du programme leur étant réservé. Cependant, le rapport Marimon souligne que leur participation aux nouveaux instruments n'a pas été satisfaisante, confirmant ainsi le constat dressé dans mon précédent rapport sur la recherche européenne. En outre, des programmes spécifiques sont réservés aux PME (recherche collective et recherche coopérative) afin de pouvoir répondre à leurs besoins en recherche et développement. Par ailleurs, le programme-cadre comprend un volet « recherche et innovation » visant à promouvoir la création ou le regroupement d'entreprises innovantes et à mettre en place des services d'information et de support. Dans cette perspective, des actions concernent le renforcement des liens entre acteurs publics et privés de la recherche dans le domaine du financement ou du transfert de technologie. Dans ses premières propositions pour le 7ème programme-cadre, la Commission a souhaité le développement d'initiatives technologiques, rassemblant des entreprises, des institutions de recherche, le monde financier et les organismes réglementaires pour définir un agenda de recherche commun. Des "plates-formes technologiques" ont déjà été mises en place par secteurs industriels. Par ailleurs, on peut regretter l'échec des négociations sur le brevet communautaire, dont la création serait susceptible de favoriser l'innovation des entreprises européennes. Plus largement, une politique de l'innovation est menée dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, à travers la coordination des politiques nationales et l'interaction avec d'autres politiques. 1) Le constat : le risque d'un manque de chercheurs en Europe (1) La situation démographique La part des chercheurs dans la population active en Europe est de 6 pour mille, inférieure à celle des Etats-Unis (8 pour mille) et du Japon (10 pour mille). On constate également un phénomène de vieillissement : en Allemagne, 64 % des chercheurs ont plus de 50 ans, en France la proportion est de 51 %. (2) Les causes de cette situation sont multiples La désaffection pour les études scientifiques semble générale en Europe. En France, entre 1995 et 2000, le nombre d'inscriptions en sciences à l'université a baissé de 24 %. L'Allemagne a aussi connu durant cette période une chute importante. L'augmentation du recrutement dans les filières scientifiques est l'un des objectifs prioritaires fixés par le Conseil européen de Barcelone, en 2002. Il faut cependant noter que ce mouvement affecte plus encore les Etats-Unis, le nombre de diplômés en sciences et techniques étant inférieur actuellement à celui de l'Europe. En second lieu, les diplômés ne disposent pas de débouchés suffisants dans la recherche. Il existe une déperdition entre la fin de la formation et le premier emploi, s'expliquant soit par la fuite des cerveaux, soit par des choix de carrière dans d'autres secteurs que la recherche, jugés plus attractifs. Enfin, l'accès des femmes aux carrières scientifiques est insuffisant. Dans l'ensemble de l'Union européenne, elles représentent environ 30 % de la population des chercheurs dans le secteur public mais la proportion n'est que de 15 % dans la recherche en entreprise. Si l'Union européenne souhaite atteindre l'objectif de 3 % du PIB consacré à la recherche d'ici 2010, tel qu'il a été fixé par le Conseil européen de Barcelone en 2002, la Commission a estimé les besoins en ressources humaines à 700 000 chercheurs supplémentaires (sur une population d'1,1 million de chercheurs en 2001). b) La fuite des cerveaux et l'insuffisante attractivité de l'Europe La situation des ressources humaines dans la recherche en Europe s'explique aussi par les difficultés rencontrées pour retenir et attirer les chercheurs. (1) La fuite des cerveaux, un phénomène difficilement mesurable mais justifiant l'inquiétude L'attractivité exercée par les Etats-Unis est forte. Si le phénomène n'est pas très prononcé pour les étudiants (3,9 % seulement de la population étudiante américaine est étrangère), celui-ci croît avec le niveau d'études : 33 % des thèses soutenues en 1998 (46 % des thèses en sciences et ingénierie) le sont par des étudiants étrangers et 51 % des post-doctorants sont étrangers (55 % des post-doctorants en sciences et ingénierie)(2). Selon une étude de la National Science Foundation, 37,6 % des personnes titulaires d'un doctorat employées aux Etats-Unis en sciences et ingénierie sont étrangères et 24 % des étrangers occupant un emploi scientifique de haut niveau sont européens, ce qui représente 400 000 personnes sur 1,5 million d'emplois de ce type. La tendance semble s'être ralentie depuis les attentats du 11 septembre 2001. Le nombre de visas accordés aux étudiants a baissé d'environ 20 % de 2001 à 2002, cette baisse étant plus accentuée encore en 2003 pour les visas aux personnes hautement qualifiées. Cependant, afin d'apprécier l'ampleur du phénomène, il convient de se poser la question du retour vers l'Europe. La circulation des cerveaux et des connaissances peut avoir un impact positif, tandis que des départs définitifs représentent globalement une perte d'investissement dans la formation des scientifiques. Les flux de retour sont difficilement mesurables mais, selon une étude réalisée par la Commission en 2003, 70 % des européens titulaires d'un doctorat américain ayant reçu leur diplôme entre 1991 et 2000 (environ 11 000 personnes) n'avaient pas l'intention de revenir en Europe. La fuite des cerveaux concerne tous les Etats de l'Union européenne et semble particulièrement préoccupante dans les nouveaux pays membres. En revanche, seuls certains Etats ont mis en place des politiques visant à lutter contre ce phénomène. En France, il existe un programme d'aide au retour des post-doctorants français en poste à l'étranger intitulé « initiative post-doc ». Une centaine de post-doctorants en bénéficieront en 2004, ce qui reste limité. L'information sur les débouchés semble être décisive : un portail internet français existe et un forum France-USA est organisé chaque année par le ministère des affaires étrangères. En Allemagne, le programme Emmy Noether de la DFG couple le financement d'un séjour post-doctoral à l'étranger et le retour, avec l'engagement de développer une équipe de recherche et de participer à l'enseignement. L'Italie a mis en place en 2002 des mesures fiscales pour favoriser le retour des jeunes chercheurs expatriés mais les résultats sont peu encourageants. Enfin, l'Irlande a lancé une initiative pour faire revenir des chercheurs expatriés sur des postes de titulaires. Au plan européen, il existe des aides au retour dans le cadre des actions Marie Curie du 6ème programme-cadre. (2) L'insuffisante attractivité de l'Europe En 2002, 3 à 3,5 % de ressortissants des pays tiers étaient employés dans les sciences et technologies dans les pays de l'Union européenne. Les pays les plus attractifs sont le Luxembourg, l'Autriche, la Belgique, le Royaume-Uni et l'Allemagne. Certains Etats de l'Union mènent des actions visant à attirer les chercheurs des pays tiers. La France applique la procédure du visa scientifique, créée par la loi du 11 mai 1998. Les scientifiques des pays autres que ceux de l'Union européenne et de l'Espace économique européen peuvent obtenir un visa scientifique puis une carte de séjour scientifique. Celle-ci dispense son titulaire d'autorisation ou de contrat de travail, son séjour étant validé par l'organisme d'accueil lui-même. Au Royaume-Uni, comme en France, les chercheurs des pays tiers sont une catégorie d'immigrés à part, recevant un permis de résidence spécifique. Deux programmes visant à encourager l'accueil de scientifiques existent (« Academic visitor » et « Highly skilled migrant programme »). En Allemagne, la nouvelle loi sur l'immigration du 9 juillet 2004 prévoit que les étrangers « hautement qualifiés » recevront désormais un permis de résidence illimité s'ils ont une proposition d'emploi. Les membres de leur famille seront autorisés à travailler immédiatement. Les étudiants étrangers ayant obtenu un diplôme en Allemagne pourront y rester un an de plus pour chercher un emploi. Le souci d'augmenter l'attractivité de l'Union européenne en Europe s'est traduit par l'ouverture des actions Marie Curie du 6ème programme-cadre et de la partie thématique aux chercheurs des pays tiers. L'Union finance des aides au retour pour les chercheurs des pays en voie de développement ou en transition. La principale initiative de la Commission est une proposition de directive du 16 mars 2004 relative à une procédure d'admission spécifique des ressortissants des pays tiers aux fins de recherche scientifique. Celle-ci vise à mettre en place une procédure simplifiée et accélérée pour la demande de titre de séjour. Les organismes d'accueil vérifieront la qualité du projet de recherche et signeront avec le chercheur une convention d'accueil, qui déclenchera la procédure d'admission, indépendante du statut du chercheur. Ce système rappelle le titre de séjour scientifique français. La proposition de directive devrait être prochainement adoptée par le Conseil. 2) Les actions visant à encourager la mobilité La suppression des obstacles à la mobilité des chercheurs est l'un des objectifs fixés lors de la création de l'espace européen de la recherche adoptée par le Conseil européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000. La partie « ressources humaines et mobilité » du 6ème programme-cadre est plus connue sous le terme d'« actions Marie Curie ». Le budget de ce volet est de 1,58 milliard d'euros, ce qui représente une augmentation de 70 % par rapport au 5ème programme-cadre et un peu moins de 10 % de l'ensemble du 6ème PCRD. Ces actions concernent soit les jeunes chercheurs ayant moins de quatre ans d'expérience, soit les chercheurs plus expérimentés, ce qui constitue une nouveauté par rapport au 5ème programme cadre. Plus globalement, la notion de réseau mise en œuvre dans le programme permet l'établissement de contacts entre les chercheurs des différents Etats. Parallèlement, d'autres actions de l'Union européenne visent à encourager la mobilité. Il s'agit principalement du développement de l'information et de l'assistance pratique. Un portail internet européen a été créé en juillet 2003(3). Le premier réseau européen de centres de mobilité a été lancé le 30 juin 2004. Les centres ERA-MORE (European research area-mobility of researchers) apportent une assistance personnalisée aux chercheurs et à leurs familles dans leurs démarches. 200 centres sont déjà ouverts, 350 sont prévus à terme, dans les Etats membres et ceux associés au 6ème programme-cadre, soit dans 30 pays. L'aide s'adresse également aux chercheurs des pays tiers. 3) La carrière des chercheurs : une nouvelle préoccupation de l'Union européenne La mobilité des chercheurs ne représente qu'un aspect de leur carrière. Dans sa communication du 18 juillet 2003 intitulée « Les chercheurs dans l'espace européen de la recherche : une profession, des carrières multiples », la Commission exprime son intention d'intégrer, dans un cadre unique, l'ensemble des facteurs qui ont une influence sur les carrières scientifiques, c'est-à-dire la formation initiale, les méthodes de recrutement, les salaires, l'évaluation et les perspectives de carrière. Elle estime que les disparités qui caractérisent ces aspects constituent un obstacle au développement d'un environnement de carrière dynamique et à l'émergence d'un marché du travail ouvert pour les chercheurs, une des conditions de réalisation de l'espace européen de la recherche. Les deux principales propositions formulées par la Commission sont d'une part la création d'une charte européenne du chercheur et d'autre part celle d'un code de recrutement. Ces initiatives devraient aboutir à la fin de l'année 2004. Toutefois, cette démarche restera limitée, l'Union européenne ne disposant pas de compétence en matière de statut des chercheurs mais seulement pour la « stimulation de la formation et de la mobilité », selon l'article 163 du traité CE. La concrétisation des propositions de la Commission ne pourra donc reposer que sur une réglementation volontaire des Etats. Il s'agira vraisemblablement de règles de base car les différences nationales de statut sont très marquées. Avec un effort de recherche égal à 2,2 % du PIB, la France se situe dans les tout premiers rangs parmi les Etats européens. Mais outre la nécessité de renforcer son effort, elle est aujourd'hui confrontée à la question de la performance de son système de recherche. La comparaison avec d'autres systèmes de recherche permet de mieux cerner les caractéristiques du système français. En outre, le débat sur la recherche et la préparation de la loi d'orientation et de programmation ont suscité de la part des chercheurs eux-mêmes de nombreuses analyses sur les principales faiblesses du système. Pour préparer ce rapport, j'ai rencontré les auteurs de ces propositions, ainsi que de nombreux autres acteurs du monde de la recherche. L'organisation de la recherche publique est souvent présentée comme bipolaire. Il existe en fait des liens, voire des interactions étroites, entre la recherche universitaire et celle des grands organismes. Ces liens ne peuvent toutefois suffire à pallier de nombreuses faiblesses ou insuffisances. 1) Des liens étroits entre la recherche des organismes et celle des universités a) La recherche publique se répartit entre organismes de recherche et établissements d'enseignement supérieur Les organismes de recherche mènent eux-mêmes des activités de recherche avec leur propre personnel. Ces organismes, nombreux, connaissent une grande diversité de statuts. Ils peuvent être des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) comme le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), orienté vers la recherche fondamentale, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), l'Institut national de la recherche en informatique et en automatique (INRIA) ou des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) comme le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et le Centre national d'études spatiales (CNES). Certains organismes de taille plus modeste ont le statut d'établissements publics administratifs (EPA). Des fondations privées comme l'Institut Pasteur dans le domaine médical participent aussi activement à la recherche. Les institutions d'enseignement supérieur regroupent les 85 universités et les « grandes écoles » (4 écoles normales supérieures et environ 150 écoles d'ingénieurs). b) Une forte imbrication des personnels et du patrimoine Malgré les différences de structures, il existe une forte imbrication entre la recherche universitaire et les grands organismes de recherche. En 2002, 87 % des unités de recherche du CNRS étaient des unités mixtes de recherche (UMR), liées par convention à une université et situées dans des locaux universitaires ; les laboratoires du CNRS comptaient, en personnes physiques, plus d'enseignants-chercheurs que de chercheurs. Cette relation reste marquée par une relative dominance du CNRS, illustrée notamment par le fait que tout laboratoire universitaire s'efforce en priorité d'obtenir la labellisation de ce dernier. Les autres organismes de recherche ont aussi développé des associations avec l'université. Ainsi, plus de 80% des laboratoires de l'INSERM se situent dans les centres hospitaliers universitaires et ont un statut mixte avec l'université. Des collaborations entre les universités et les autres organismes existent mais elles sont souvent moins développées. Depuis les années 1990, des contrats tripartites lient les universités, l'Etat et les organismes de recherche. Ils offrent un cadre à la coopération scientifique, au partage des compétences et des moyens de recherche. Ils fixent les objectifs scientifiques communs et les contributions de chacun à leur mise en œuvre. Les mécanismes unissant les organismes de recherche et les universités sont d'abord d'ordre financier, les unités mixtes bénéficiant de financements des organismes, ce qui rapproche le rôle de ces derniers de celui d'agences de moyens. Mais ce sont aussi des mécanismes d'évaluation et de reconnaissance, le passage au statut d'unité mixte constituant pour un laboratoire une « labellisation », c'est-à-dire un signe de reconnaissance de la valeur scientifique des équipes et des activités. 2) L'inégale participation des universités à la recherche a) En termes de moyens et de résultats (1) Les personnels et les moyens Selon les chiffres du ministère de l'éducation pour 2000, 47 000 chercheurs (équivalents temps plein)(4) étaient employés dans le secteur de l'enseignement supérieur et 20 000 dans le secteur de l'Etat. Il faut cependant noter que dans ces statistiques, les effectifs du CNRS (14 000 chercheurs) sont comptabilisés dans le secteur de l'enseignement supérieur. Selon les statistiques de la Commission européenne, la dépense par chercheur universitaire est de 94 000 euros par an, tandis qu'elle est de 205 000 euros dans les organismes. Plus globalement, le financement de l'enseignement supérieur par élève en France est inférieur à celui de la moyenne de l'OCDE ainsi qu'au financement de la scolarité obligatoire. (2) Les budgets respectifs des organismes et des universités En 2001, les dépenses de recherche du secteur de l'Etat représentaient 5,4 milliards d'euros et celles des universités 6,2 milliards, ce qui montre l'importance de la recherche exécutée par les organismes, presque équivalente à celle des universités. (3) Les classements internationaux Dans le classement mondial des universités établi par l'université de Shanghai, la première université française est à la 65ème place et deux universités françaises seulement se trouvent dans les cent premières places, derrière d'autres universités européennes. Ce classement a été établi sur la base de critères de recherche tels le nombre de prix Nobel (les plus récents étant plus valorisés), les citations de chercheurs, les publications et leurs citations. Il convient de souligner que le système français est pénalisant du fait de la séparation entre organismes de recherche et universités, les résultats obtenus dans les unités mixtes n'étant pas toujours comptabilisés comme ceux des universités. b) La dispersion des universités Les 85 universités françaises participent inégalement à la recherche. Ainsi, 75 % des crédits versés par le CNRS aux unités mixtes de recherche concernent seulement 15 % des universités. La dispersion des universités sur le territoire est importante, leurs tailles sont inégales. Cette dispersion conduit souvent au saupoudrage des crédits consacrés à la recherche et à l'absence de taille critique des instituts. 3) Les raisons de cette situation sont multiples (1) Le contexte de la création des organismes de recherche Les fondements du dispositif de recherche français ont été établis à la fin des années 1930 et après la deuxième guerre mondiale, avec la création du CNRS et du CEA et le lancement des grands programmes technologiques afin de rattraper les retards pris par la France. Les principaux éléments ont ensuite été mis en place au cours des années 1960 et au début des années 1970, avec la création des autres organismes de recherche. Les organismes de recherche ont été conçus pour avoir un rôle directeur au plan national dans la mise en œuvre des grands programmes et de la politique de recherche, les universités n'étant que des acteurs secondaires. (2) La priorité donnée aux fonctions d'enseignement des universités L'implantation des universités s'est faite en fonction des besoins d'enseignement, du fait de la forte augmentation de la population étudiante dans les années 1970 et 1980, et non en fonction des exigences de la recherche. De même, les recrutements sont déterminés uniquement par le nombre d'étudiants à encadrer. Enfin, les charges d'enseignement des enseignants-chercheurs ne leur permettent pas toujours de poursuivre une activité de recherche (voir le IV). L'existence de grandes écoles indépendantes des universités est une spécificité française. Il s'agit d'un système élitiste, qui est concurrent des universités dans la sélection des meilleurs étudiants et bénéficie de financements plus importants. c) Le rôle des organismes de recherche Contrairement aux universités, les organismes de recherche disposent d'une certaine autonomie dans la définition de leurs thématiques de recherche. En outre, leur diversité et l'ambiguïté de leurs fonctions - puisqu'ils attribuent des financements, qu'ils fixent des objectifs et mènent leurs propres activités de recherche - ne facilitent pas leurs relations avec les universités. d) Les modes de direction et de gestion des universités Les modes de direction et de gestion des universités ne permettent pas la définition d'une politique scientifique. Les universités n'ont pas de pouvoir en matière de gestion des ressources humaines ni d'affectation des crédits entre laboratoires. En outre, leurs présidents sont élus et leur mandat n'est pas renouvelable, ce qui limite leur indépendance et leur capacité d'action. Les relations entre l'Etat et les établissements d'enseignement supérieur passent par la conclusion de contrats quadriennaux organisant le soutien aux équipes des établissements et aux équipes mixtes. Un « bonus qualité recherche » de 15 % est dégagé et permet aux universités de décider de financer des activités non prévues dans le contrat. Le rapport que la Conférence des présidents d'université (CPU) a consacré à l'avenir de la recherche publique en France en mai 2004 souligne les difficultés de la coordination avec les différents partenaires des universités et la lourdeur des procédures de gestion. * * * En définitive, et contrairement à certaines idées reçues, les grands organismes de recherche et les universités travaillent assez étroitement ensemble, particulièrement à travers les unités mixtes de recherche (UMR). Mais le manque d'autonomie des universités et la très grande inégalité de leur engagement dans l'effort de recherche, les placent aujourd'hui souvent dans une situation de dépendance relative vis-à-vis des grands organismes et particulièrement du CNRS. Le recours au financement sur projet est beaucoup moins développé en France qu'au Royaume-Uni ou en Allemagne et son utilisation s'est révélée inefficace. En outre, le pilotage de la recherche apparaît excessivement centralisé. 1) Des dispositifs de financement sur projet limités a) Les actions et les fonds incitatifs du ministère Le gouvernement a annoncé dans le projet de loi de finances pour 2005 la suppression du Fonds national de la science (FNS) et du Fonds de la recherche et de la technologie (FRT). Le FNS visait à orienter l'activité de recherche fondamentale dans des domaines considérés comme stratégiques et le FRT à stimuler la recherche en amont des entreprises et favoriser les partenariats entre acteurs publics et privés. Ils finançaient des « actions concertées incitatives » faisant l'objet d'appels à proposition. Les dossiers étaient évalués par un conseil scientifique. Chaque action pouvait attribuer des moyens pour une durée de deux à quatre ans sous forme de crédits, d'aide au financement de post-doctorants et d'allocations de recherche pour les doctorants. En 2003, les crédits incitatifs représentaient 400 millions d'euros, soit environ 5 % du budget civil de la recherche. Les organismes de recherche peuvent eux-mêmes utiliser les modes de financement incitatifs. L'INSERM finance par exemple des projets de jeunes chercheurs dans le cadre de son programme Avenir et des projets d'équipes universitaires par son programme Espri. 2) Une utilisation souvent inadaptée La politique de financements incitatifs du ministère a fait l'objet de nombreuses critiques. Celles-ci visent notamment la fluctuation des priorités, la centralisation, le manque de transparence et la complexité des procédures. Ainsi, la Cour des comptes estime dans son rapport annuel de 2003 que « Marquée par la fluctuation des motivations, des modes d'intervention et des moyens financiers, la politique incitative du ministère de la recherche se caractérise depuis 20 ans par une grande instabilité. Plus encore (...), ces fonds incitatifs tendent à constituer des moyens de gestion centralisée du ministère et se transforment de facto en guichet supplémentaire pour les organismes publics ». L'évaluation des actions était d'après la Cour très incomplète et la définition des thématiques par le ministère problématique. Le cloisonnement des actions incitatives décidées par les organismes, difficilement accessibles pour les équipes non affiliées, fait également l'objet de critiques. 3) La définition de la politique scientifique Au début de la 5ème République, le général de Gaulle a créé un comité interministériel de la recherche scientifique et technique animé par une délégation générale, la DGRST, dont le responsable, M. Robert Galley, joua souvent un rôle déterminant. La DGRST soutenait directement des projets de recherche. Les rôles étaient alors partagés entre le gouvernement (sous la responsabilité directe du Premier ministre) qui fixait les orientations et initiait de grands programmes et les établissements qui mettaient en œuvre les politiques de recherche. Dans son rapport annuel de 2003 qui rappelle les évolutions des trente dernières années, la Cour des comptes souligne l'instabilité des structures centrales, la prolifération des organes consultatifs, l'absence de coordination et de vision d'ensemble ainsi que l'insuffisante autonomie des organismes. Les contrats pluriannuels du ministère avec les organismes et les universités revêtent une grande importance car ils prévoient la fixation d'objectifs scientifiques. Globalement, on peut cependant faire le constat d'une insuffisance de pilotage stratégique et d'une centralisation excessive des décisions. Les dispositifs d'évaluation sont multiples mais ne font pas toujours preuve d'efficacité pour de multiples raisons. 1) Des difficultés dans la détermination du champ de l'évaluation Pour le CNRS, le Comité national de la recherche scientifique (CoNRS) et ses commissions évaluent l'activité des personnels et servent de jury d'admission pour les concours de recrutement. Il existe des mécanismes similaires dans les autres EPST, tandis que dans les EPIC, le personnel est évalué par la direction. Pour les universités, le Conseil national des universités (CNU) n'évalue les enseignants-chercheurs que sur leur demande pour leurs promotions ou leurs changements de corps. Dans les unités mixtes, il en résulte une différence de traitement entre les chercheurs selon leur statut. b) Les équipes et les laboratoires Le CoNRS évalue périodiquement (tous les 4 ans) l'activité des laboratoires dont le CNRS est l'une des tutelles. De telles évaluations sont aussi organisées par les autres organismes de recherche. Les laboratoires ne dépendant que des universités sont évalués par la mission scientifique technique et pédagogique du ministère de la recherche. Les projets soumis pour les actions incitatives du ministère de la recherche étaient évalués par le ministère lui-même, parfois avec l'aide d'experts indépendants. L'évaluation des projets des organismes dépend de leurs propres mécanismes d'évaluation. d) Les programmes et les institutions Le comité national d'évaluation de la recherche (CNER) est chargé d'évaluer la politique de recherche, les organismes publics et les programmes. Le comité national d'évaluation (CNE) est compétent pour évaluer l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur. 2) Les organes et les procédures d'évaluation Il existe actuellement une multiplicité d'organismes, déjà cités, dont les compétences sont diverses. Cette situation conduit à un manque de coordination et à des incohérences. b) Une composition trop interne Le principe de l'évaluation par les pairs fait l'objet d'un consensus et est appliqué dans la plupart des systèmes étrangers. En revanche, les mécanismes de désignation sont critiqués, la proportion de membres élus étant souvent supérieure à celle de nommés, ce qui conduit à s'interroger sur l'indépendance et l'objectivité des instances d'évaluation. Par ailleurs, si des experts étrangers participent déjà à certaines évaluations dans les organismes, l'ouverture de la composition des instances est encore globalement insuffisante. c) Des procédures critiquables Les procédures d'évaluation sont critiquées pour leur lourdeur et leur manque de transparence. Le critère dominant des différentes évaluations est la production scientifique mesurée par les publications. La question de la définition des indicateurs et de leur pertinence, variable selon les disciplines, se pose en France comme à l'étranger. Les publications ne reflètent pas l'ensemble des activités des chercheurs ni des enseignants-chercheurs. Les tâches se sont en effet beaucoup diversifiées : elles incluent la recherche mais aussi l'administration et la gestion, la diffusion de la culture scientifique, la participation à l'enseignement et la valorisation. 4) L'insuffisance des conséquences de l'évaluation Les évaluations ont peu de conséquences sur les carrières. En effet, les possibilités d'avancement étant réduites et les grilles de rémunération rigides, elles ne constituent pas un enjeu important. Les conséquences sur les financements sont faibles dans le cadre des contrats quadriennaux et également en raison de la place limitée du financement incitatif. Par ailleurs, la tendance au saupoudrage, à la dispersion des instituts et à la superposition de strates conduit à se poser la question de l'efficacité de l'évaluation des structures. Enfin, l'évaluation stratégique qui relève de la compétence de différents organismes nationaux est rarement suivie de conséquences. Les relations professionnelles et financières entre la recherche publique et les entreprises sont peu développées et les performances en matière de valorisation sont faibles. 1) Les possibilités de coopération entre la recherche publique et les entreprises La loi de 1999 sur l'innovation permet la création d'incubateurs d'entreprises par les universités, c'est-à-dire la mise à disposition des créateurs d'entreprises ou de jeunes entreprises de locaux et d'équipements. Cette mesure encourage la création d'entreprises par des étudiants et des chercheurs. Les universités et les organismes de recherche peuvent créer des « services d'activités industrielles et commerciales » ayant pour fonction la gestion des brevets et des contrats de recherche avec les entreprises. Une douzaine de services seulement ont été créés depuis 1999. Les universités ont également recours à des associations ou des filiales. Depuis la fin des années 1990, le ministère de la recherche a mis en place deux types de partenariat jugés positivement par les entreprises. Il s'agit des Centres nationaux de recherche technologique (CNRT) et des réseaux de recherche et d'innovation technologique. Les CNRT sont mis en place sur un site défini et regroupent laboratoires universitaires, organismes de recherche et centres industriels, y compris des PME, par exemple à Grenoble pour les micro-nanotechnologies et à Evry pour le génome humain. Les réseaux sont des coopérations mises en œuvre entre acteurs publics et privés autour d'un projet. Parallèlement, des mesures de soutien spécifique à l'innovation des PME sont appliquées, notamment par le biais des centres techniques industriels et des centres régionaux d'innovation et de transfert de technologie. Le plan innovation présenté par le Gouvernement en décembre 2002 comporte des mesures relatives au financement de la recherche mais aussi au renforcement des dispositifs visant à encourager la valorisation de la recherche et les coopérations entre recherche publique et privée. Différentes contradictions sont susceptibles d'expliquer l'insuffisance de la valorisation et du transfert technologique : l'opposition entre les publications et la confidentialité, entre les connaissances et la technologie, entre des objectifs à court terme et d'autres à long terme. Les questions de propriété intellectuelle sont un enjeu important. Certaines entreprises ont développé des cadres d'entente avec les organismes publics mais souvent les solutions doivent se trouver au cas par cas, les entreprises et les laboratoires ayant pris l'habitude de négocier. Enfin, l'insuffisance déjà évoquée du recrutement de docteurs par rapport aux ingénieurs dans les entreprises constitue un frein important au développement de relations entre recherche publique et recherche privée. Par rapport à ses voisins, la France est caractérisée par un paradoxe : d'un côté, un statut relativement protecteur - même s'il n'est pas toujours très rémunérateur - pour ceux qui accèdent aux corps de chercheur ou d'enseignant-chercheur ; de l'autre, et plus en amont, un relatif manque de reconnaissance de la part prise dans l'effort de recherche par les doctorants et les post-doctorants. 1) Des faiblesses dans le déroulement des carrières a) L'accès à la carrière et les difficultés des jeunes chercheurs Les jeunes chercheurs, doctorants et post-doctorants, ne sont pas comptabilisés dans les effectifs des chercheurs. Ils participent pourtant activement à la recherche. A titre d'exemple, les laboratoires du CNRS comptaient en 2002 plus d'un tiers de non permanents, dont une très large majorité de doctorants. (1) Les doctorants : la question du statut et des débouchés De nombreux doctorants ne sont pas financés (particulièrement dans le secteur des sciences sociales) ou sont financés par des bourses sans couverture sociale. L'allocation de recherche, légèrement supérieure au salaire minimum, permet toutefois de bénéficier d'une protection sociale puisqu'elle est un contrat à durée déterminée financé par l'Etat. Elle bénéficie aujourd'hui à environ 12 000 allocataires de recherche. La question des conditions d'accès au doctorat se pose, notamment en ce qui concerne la définition des projets et l'encadrement des thèses. Les situations sont néanmoins variables selon les disciplines. Une charte des thèses a été mise en place en 1998 mais sa portée n'est pas obligatoire. 10 000 thèses sont soutenues chaque année. Selon l'Observatoire des sciences et techniques, 18 mois après la thèse, 20 % des doctorants ont obtenu un poste dans l'enseignement supérieur ou la recherche publique, 17 % sont recrutés dans les entreprises, 20% obtiennent un contrat à durée déterminée, c'est-à-dire un poste d'attaché temporaire d'enseignement et de recherche (ATER) ou un post-doctorat. (2) Les post-doctorants : pas de place adaptée La loi de finances pour 2003 a ouvert 400 postes sous forme de contrats à durée déterminée de un à deux ans dans les organismes de recherche, complétés par 200 postes en 2004. Mais cet effort, qui coïncidait avec des mesures de gel budgétaire, n'a pas suffi à dissiper les inquiétudes des jeunes chercheurs, particulièrement dans le domaine des sciences du vivant. De façon générale, les post-doctorants sont aujourd'hui encore difficilement reconnus comme des professionnels. Ils doivent souvent enchaîner plusieurs contrats car les débouchés vers un poste permanent sont limités. A l'heure actuelle, deux tiers des post-doctorants français sont employés à l'étranger, ce qui peut poser le problème du retour. (3) La charge d'enseignement des enseignants-chercheurs (a) La fixation d'une norme nationale Le décret du 6 juin 1984 fixe au niveau national les obligations de service de l'ensemble des enseignants-chercheurs à 192 heures de travaux dirigés ou équivalent, ce qui représente un mi-temps, l'autre partie du temps pouvant être consacrée à la recherche. La fixation d'une norme nationale distingue la France des autres Etats européens. (b) La rigidité du système et ses conséquences pour les jeunes chercheurs La rigidité et l'inadaptation du système ont été soulignées dans le rapport du professeur Espéret en 2001. Il existe peu de possibilités de modulation au niveau de l'université. Les possibilités d'accorder des décharges de service sont limitées à quelques cas : l'exercice de responsabilités administratives ou pédagogiques ou le congé pour recherche ou conversion thématique de 6 mois ou un an accordé au bout de six ans d'exercice. Par ailleurs, si le service de certains enseignants-chercheurs peut être réduit, il n'est pas possible d'augmenter celui des autres. La capacité de pouvoir maintenir une activité de recherche satisfaisante varie selon les disciplines. La situation est particulièrement difficile pour les jeunes maîtres de conférences qui doivent mettre en place leurs enseignements et se voient souvent confier les tâches les plus lourdes, ce qui ne leur laisse que peu de temps pour la recherche. Pour les postes de fonctionnaires, le principe est celui du concours avec un recrutement comme chargé de recherches (à moins de 31 ans) dans les organismes de recherche ou comme maître de conférences dans les universités. Par rapport aux pays étudiés dans ce rapport, la France se caractérise donc par un recrutement direct sur un emploi à vie. L'âge moyen du recrutement en 2002 était de 30,4 ans au CNRS et de 33,6 ans à l'université, ce qui est assez tardif et accentue la dévalorisation des carrières. Le fonctionnement du recrutement est critiqué, car il aboutit souvent à un recrutement local du fait de la composition trop interne des commissions et de la volonté d'éviter les risques d'un recrutement à vie. c) Des conditions de carrière peu favorables (1) Les rémunérations et les moyens Les salaires dans la recherche publique sont peu élevés. Le salaire de début de carrière d'un chargé de recherches est de 2 300 euros par mois, celui d'un directeur de recherches de 5 600 euros. Dans le secteur privé, il semble exister un écart de salaires entre les chercheurs et les autres fonctions, plus valorisées. Les systèmes de primes sont peu répandus. Il existe des possibilités d'intéressement permettant d'associer les chercheurs et les enseignants-chercheurs à la valorisation de leurs travaux mais ce système est également peu développé. Par ailleurs, la répartition entre crédits de personnel et crédits d'équipement fait apparaître que de nombreux laboratoires sont insuffisamment équipés. Pour les fonctionnaires, la progression à l'ancienneté domine par rapport à la progression au mérite. Les carrières sont lentes et les possibilités de promotion restreintes. La question de la progression de la carrière des chercheurs du privé se pose également, les promotions se faisant souvent vers d'autres fonctions. a) Entre organismes de recherche et universités Du fait de l'existence de statuts différents, le choix doit se faire tôt, et, si les salaires et la progression sont parallèles, il existe peu de passerelles. La principale différence réside dans les obligations d'enseignement. La participation des chercheurs des organismes à l'enseignement n'existe que de façon volontaire, bien que la loi de 1982 inclue dans les missions des métiers de la recherche la participation à la formation initiale et continue. Il existe par ailleurs des possibilités de détachement ou de mise à disposition des chercheurs des EPST et des EPIC comme enseignants associés mais elles sont peu développées : en 2002, elles ont concerné moins de 300 chercheurs du CNRS. Des postes de chercheurs associés dans les organismes de recherche sont prévus pour l'accueil d'enseignants-chercheurs mais là encore la mobilité est modeste. b) Entre recherche publique et recherche privée La mobilité des chercheurs du secteur public vers l'industrie est peu développée, qu'elle soit temporaire ou définitive. Elle concerne environ 1 % des effectifs par an. (1) Le problème du recrutement Le doctorat est souvent mal perçu dans les entreprises, qui tendent à privilégier les ingénieurs formés dans les grandes écoles. Les dirigeants d'entreprise ont rarement suivi une formation universitaire. Le recrutement semble encore plus difficile au stade du post-doctorat, les candidats étant considérés comme trop âgés. Le système des bourses CIFRE (conventions industrielles de formation par la recherche) co-financées par l'entreprise et l'Etat permet à des doctorants de réaliser leur thèse en entreprise en liaison avec une équipe de recherche extérieure. Le bilan est très positif, et les CIFRE aboutissent à une embauche en entreprise dans 80 % des cas. (2) La mobilité au cours de la carrière La loi sur l'innovation et la recherche du 12 juillet 1999 permet aux chercheurs et enseignants-chercheurs de participer à la création d'une entreprise qui valorise leurs travaux de recherche. Ils sont alors détachés pour une durée maximale de 6 ans. La loi autorise également les activités de consultation, la participation au capital ou au conseil d'administration d'une entreprise. Cependant, les possibilités de détachement des chercheurs dans l'entreprise sont mal connues et peu valorisées et les procédures administratives sont lourdes. De leur mise en place à 2003, ces mécanismes ont concerné seulement 400 chercheurs. La mobilité du privé vers le public est presque inexistante ou se manifeste seulement par des participations ponctuelles. Dans l'enseignement supérieur, des postes de professeur associé à temps partiel existent pour des personnes du secteur privé. Au CNRS, le poste de directeur de recherche associé permet aux chercheurs des industries de passer 20 % de leur temps dans un laboratoire. Les contributions sont nombreuses depuis l'annonce par le Gouvernement en février 2004 d'un projet de loi d'orientation et de programmation sur la recherche. Il ne s'agit pas ici d'être exhaustif mais de résumer quelques-unes des principales propositions. 1) Les propositions des organismes de recherche a) Les propositions du CNRS(5) (1) Le rôle des universités et des organismes de recherche Les auteurs du rapport proposent en premier lieu de renforcer la participation des universités à la recherche en leur donnant plus d'autonomie et en réformant leur mode de direction mais aussi en reconnaissant les inégalités caractérisant leurs activités de recherche. Les liens entre le CNRS et les universités devront parallèlement être renforcés. Il est précisé que la mission principale du CNRS doit rester celle d'un établissement de recherche présent dans tous les domaines scientifiques et qu'il ne peut structurer ni soutenir l'ensemble de la recherche nationale. L'attribution du « label CNRS » à un laboratoire universitaire doit être distinguée de son financement par le CNRS. Selon les auteurs, le rôle d'agence de moyens du CNRS devrait en effet se recentrer sur la mise à disposition de personnels au sein des laboratoires universitaires. Il est nécessaire de fixer des thèmes prioritaires inscrits dans les contrats pluriannuels conclus avec l'Etat mais ces choix ne doivent pas empêcher le soutien de l'excellence dans d'autres secteurs. Le projet propose d'étendre les compétences du CoNRS à l'ensemble des laboratoires de recherche pour des évaluations périodiques tous les quatre ans. La composition des comités d'évaluation évoluerait, de façon à renforcer la part des experts étrangers et à rééquilibrer le nombre d'élus et de nommés. Enfin, les critères seraient élargis. Il est également proposé de développer l'évaluation stratégique. Il convient selon les auteurs d'amplifier les partenariats et de développer les échanges de personnel, de mettre en place de grands pôles régionaux et d'encourager la création d'entreprises innovantes. Les personnels permanents doivent rester fonctionnaires, ce qui est un élément d'attractivité du système français. Il est proposé de lutter contre les rigidités liées à ce statut, notamment par la création de primes, l'assouplissement de la gestion des ressources humaines et l'encouragement de la mobilité vers les universités ou vers l'industrie ainsi que l'accueil de chercheurs. Concernant les recrutements et les carrières, il est proposé de garantir un recrutement régulier de permanents, principalement dans les deux années suivant le doctorat et de prévoir une proportion de non permanents de l'ordre de 15 % d'ici 2010. b) Les propositions de l'INSERM(6) (1) L'évolution du rôle de l'INSERM et les modes de financement L'évolution vers un rôle d'agence de programmes et de moyens est proposée. Celle-ci financerait un soutien de base aux unités de recherche et un soutien de projets pouvant être présentés par des équipes appartenant à d'autres organismes, des universités ou des hôpitaux. Le regroupement des équipes de recherche de l'INSERM, de l'université, des hôpitaux et de l'industrie dans des centres de recherche, constituant des pôles régionaux, est jugé souhaitable. Il conviendrait de développer l'appel à des experts extérieurs nationaux et étrangers et de procéder à un rééquilibrage entre membres élus et nommés. A moyen terme, il est proposé de dissocier l'évaluation des structures et des projets de celle des chercheurs. Par ailleurs, le rapport propose la création d'un office d'accréditation évaluant les universités. Le rapport souligne la nécessité d'améliorer la capacité d'acquisition de la propriété intellectuelle, l'adaptation du recrutement et de l'évaluation à l'objectif de valorisation, et de permettre le regroupement des activités de valorisation dans le domaine des sciences de la vie. A court et moyen terme, il est proposé de mettre en place des contrats de 3 à 6 ans avant le recrutement sur un poste permanent, avec des salaires attractifs. Pour les chercheurs permanents, des contrats temporaires sur projets représentant un tiers de la rémunération, les « contrats d'interface » avec l'hôpital, l'université ou l'industrie, doivent être développés. Symétriquement, les médecins et enseignants-chercheurs pourraient bénéficier de contrats d'interface avec l'INSERM A terme, la possibilité d'un statut unique de « chercheur-enseignant », pouvant s'orienter dans le temps vers les activités de recherche et d'enseignement, est souhaitée. 2) Les propositions de la Conférence des présidents d'université (CPU)(7) a) Le rôle des organismes de recherche et des universités La CPU souhaite l'évolution du rôle des organismes vers celui d'agences de moyens, qui resteraient des opérateurs de recherche dans certains cas seulement. Les laboratoires de recherche seraient principalement universitaires et organisés en sites, pouvant prendre la forme de pôles ou de réseaux. b) Le financement et le pilotage Deux types de financement seraient pratiqués : une dotation recherche globale de l'Etat attribuée aux universités, plus autonomes, et des financements attribués sur appels d'offres par les agences de moyens. Une instance de pilotage au niveau gouvernemental définirait les grandes orientations et recueillerait les avis d'un organisme d'évaluation indépendant. La mise en place d'une agence nationale est souhaitée. Celle-ci se composerait de deux instances, l'une évaluant périodiquement les personnes, l'autre les structures (équipes, laboratoires, organismes, instituts et universités). A long terme, la création d'un statut unique de chercheur-enseignant doit être obtenue. Il est proposé un allégement des obligations d'enseignement pendant les quatre ans suivant le recrutement, une procédure d'année sabbatique de recherche à temps plein, ainsi qu'une revalorisation des carrières. Pendant une phase de transition, une modulation des obligations d'enseignement devrait être possible. 3) Les propositions des états généraux de la recherche et du comité d'initiative et de proposition (CIP)(8) Un comité d'initiative et de propositions (CIP), chargé d'organiser des états généraux de la recherche, a été mis en place en mars 2004. Les états généraux, organisés en 40 comités locaux, ont ensuite commencé leurs travaux, qui viennent de s'achever. Un rapport sera remis au ministre de l'éducation et au ministre délégué à la recherche le 9 novembre 2004. a) Le rôle des organismes de recherche et des universités Les universités devront jouer un plus grand rôle dans le système de recherche mais cela nécessite une réforme de leur fonctionnement. Elles doivent se rapprocher des grandes écoles. Les organismes de recherche ne doivent pas devenir exclusivement des agences de moyens. Des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) devraient être constitués, afin d'associer les différents acteurs de la recherche, à l'échelle d'une métropole universitaire, d'une ou de deux régions. b) Le financement et le pilotage Le financement se répartirait entre un financement de base pluriannuel attribué aux équipes par leurs organismes de tutelle et des financements incitatifs, selon une proportion de 70/30. Les universités devraient disposer d'une dotation globale de l'Etat. Les financements incitatifs seraient de deux ordres : des crédits finalisés, dont il conviendrait de limiter l'importance et des projets non thématisés de l'initiative des équipes. Les deux types de financement seraient attribués par un comité de financement des projets scientifiques, doté d'un conseil scientifique indépendant du pouvoir politique. La définition des orientations stratégiques appartiendrait à un grand ministère regroupant tous les acteurs de la recherche. Un Haut Conseil de la Science associant les scientifiques et la société disposerait de pouvoirs d'intervention réels. Les chercheurs et les laboratoires seraient évalués systématiquement soit par une agence unique, soit par les structures des organismes et une agence d'évaluation universitaire. Les sections d'évaluation seraient composées d'un tiers de membres élus, d'un tiers de nommés et d'un troisième tiers désigné par les deux premiers. Par ailleurs, il y aurait une évaluation stratégique des organismes, des universités et des écoles qui aurait des conséquences sur les financements. Celle-ci serait confiée à une instance unique. Les missions associées à la recherche feraient également l'objet d'évaluations. Les états généraux estiment que les relations contractuelles entre les laboratoires publics et les entreprises doivent être encouragées et doivent se traduire par des avantages pour les deux parties. Par ailleurs, le fonctionnement des services de valorisation des établissements publics doit être amélioré. Enfin, il est proposé de regrouper sous la responsabilité des régions l'ensemble du dispositif d'appui aux PME. La reconnaissance du caractère professionnel du doctorat est souhaitée. Les doctorants devraient pouvoir bénéficier de contrats à durée déterminée avec des salaires attractifs et il convient parallèlement de veiller à la qualité du recrutement et de développer les débouchés. Pour les post-doctorants, il est proposé de raccourcir la période entre la thèse et le recrutement, de prévoir des contrats de deux à trois ans non renouvelables, bien rémunérés et d'encourager les débouchés sur un emploi permanent. Il est important de favoriser l'activité de recherche des enseignants-chercheurs par la réduction des obligations d'enseignement les trois premières années suivant le recrutement, l'introduction de modulations pour l'ensemble des enseignants-chercheurs, le développement de passerelles vers les organismes et de la participation volontaire des chercheurs à l'enseignement. 4) Les premières mesures annoncées par le Gouvernement Le projet de loi de finances pour 2005 prévoit la création dès janvier 2005 d'une Agence nationale de la recherche dotée d'un budget de 350 millions d'euros, dont la mission sera de soutenir la recherche fondamentale et appliquée, l'innovation et le partenariat entre secteur public et secteur privé. Elle prendra le relais des Fonds finançant les actions incitatives du ministère et financera des projets sélectionnés sur des critères d'excellence. La structure et les modes de fonctionnement de cette Agence ne sont pas encore précisés. La comparaison établie avec nos partenaires, et particulièrement avec l'Allemagne et le Royaume-Uni, fait d'abord ressortir de profondes différences structurelles. - D'abord, quant au poids relatif et aux missions des grands organismes de recherche, la France, et dans une large mesure également l'Allemagne, confiant à ces derniers - par exemple, le CNRS ou la Max Planck Gesellschaft - une mission directe d'organisation et de conduite de la recherche. A l'inverse, les « Research Councils » et les « Higher Education Funding Councils » britanniques ne sont que des agences de financement ou de moyens. - Ensuite, quant au rôle tenu par les universités : au Royaume-Uni, et largement aussi, en Allemagne, celles-ci sont au cœur du dispositif de recherche et elles s'appuient sur une large autonomie. Les universités françaises paraissent sensiblement en retrait. Toutefois, et contrairement aux idées reçues, le cloisonnement grands organismes - universités est considérablement réduit par l'existence des unités mixtes de recherche (UMR). - Enfin, la séparation, propre à la France, entre les docteurs formés par l'université et les ingénieurs, formés par des écoles spécialisées, séparation qui constitue souvent un frein à la valorisation de la recherche publique par l'industrie. Mais au-delà de ces facteurs structurels, qui focalisent généralement l'attention, d'autres éléments notables de différence sont davantage liés à la gestion même de la politique de recherche : - En premier lieu, le mode de pilotage de la recherche et, en particulier, la faiblesse dans notre pays, de l'appel à projet, lequel favorise les initiatives des chercheurs (bottom up). On ne peut pas ne pas faire de lien entre cette faiblesse et la difficulté de développement, dans notre pays, de certains champs de la recherche, notamment dans les sciences du vivant. - Ensuite, la différence de modes et de portée de l'évaluation scientifique, la France paraissant privilégier à tort un mode d'évaluation très individualisé, opéré en interne et sans véritables conséquences. - Egalement, en France, du fait d'une fonctionnarisation qui intervient, au demeurant, assez tardivement dans la carrière d'un chercheur, un manque certain de souplesse et de reconnaissance dans la gestion des hommes. Enfin, si l'on se compare avec les Etats-Unis, on constate, pour l'ensemble des Européens, une certaine dispersion des moyens et, en France peut-être plus qu'en Allemagne ou au Royaume-Uni, l'absence de concentrations comparables aux « clusters » américains - alors que les potentialités existent. Au-delà des écarts constatés dans les moyens financiers consacrés à la recherche - la France demeurant, à cet égard, mieux placée que le Royaume-Uni - ces différences expliquent sans doute, pour une large part, les écarts de performance entre les Etats, et l'affaiblissement relatif, de ce point de vue, de la recherche française. L'ensemble de ces constats nous conduit à formuler cinq propositions, classées par ordre de priorité logique mais aussi de facilité de mise en œuvre dans le temps. - Rénover le mode de pilotage de la recherche. - Privilégier la notion d'équipes de recherche. - Mieux ouvrir les universités vers la recherche. - Renforcer la reconnaissance et les débouchés des jeunes chercheurs. - Assurer, autour de pôles d'excellence, la conjonction formation-recherche-industrie. C'est là la première des priorités. La solution n'est peut-être pas de reconstituer à l'identique le Comité interministériel pour la Recherche scientifique et technique et la DGRST (Délégation générale à la Recherche scientifique et technique), mais souvenons-nous que dans les années 60, la relance de la recherche est d'abord passée par la redéfinition du pilotage. Ce pilotage comporte aujourd'hui deux aspects : ce que nous maîtrisons, le pilotage par grands projets, et ce que nous n'avons pas suffisamment développé, l'appel à projet. 1) Ce que nous maîtrisons : le pilotage par grands projets L'actuel débat sur la recherche tend à nous le faire oublier. Ce qui fonctionne bien - du moins, dans la limite de nos moyens financiers -, c'est la logique des grands projets, nationaux à l'origine, souvent relayés aujourd'hui à l'échelle de l'Europe. Cette logique de grands programmes et de grands projets est celle qui s'applique dans les domaines du nucléaire, du spatial, de l'aéronautique ou de l'armement. Ces grands projets sont indispensables si nous voulons, particulièrement dans ces domaines, réduire l'écart qui se creuse aujourd'hui avec les Etats-Unis. Ils irriguent largement l'ensemble des acteurs (grands organismes, universités, entreprises) et soutiennent tous les niveaux de la recherche (de la recherche fondamentale à la recherche appliquée). Ils assurent la dualité public-privé et l'on doit rappeler, à l'heure où l'on déplore parfois la faiblesse de l'effort de recherche des entreprises, que l'un des éléments de différenciation entre les Etats-Unis et l'Europe est l'écart existant dans le taux de financement public de l'effort de recherche industrielle. La logique des grands projets, si elle est bien adaptée à certains secteurs, a cependant ses limites. Elle n'a jamais été adaptée au financement des autres domaines de recherche, et notamment d'une grande part de la recherche fondamentale, qui a été financée jusqu'ici selon des modes de répartition des crédits très proches des modes de gestion budgétaires les plus classiques. Elle s'adapte mal, également, aux nouveaux domaines de développement de la recherche - technologies de l'information, biotechnologies, nanotechnologies, par exemple -, pour lesquels un pilotage centralisé est inadapté. Dans ces secteurs, c'est une autre logique qui doit prévaloir, celle de l'appel à projet. 2) Ce que nous n'avons pas suffisamment développé : l'appel à projet D'une enveloppe de financement suffisamment large, gérée, autour d'une thématique, elle aussi suffisamment large, par un comité scientifique suffisamment ouvert et permettant de financer des projets venus de la base (bottom up). b) Pourquoi est-ce essentiel ? - Parce que des pans entiers de la recherche ne peuvent pas être pilotés par le haut. Dans des secteurs comme les technologies de l'information, les sciences du vivant, les nanotechnologies, le front des connaissances se déplace de façon extrêmement rapide et les chercheurs qui sont en pointe ont surtout besoin d'une très grande réactivité à leurs demandes de moyens ou de financement. - Parce que le développement des sciences devient largement interdisciplinaire - bio-électronique, biochimie, ... - et qu'il n'est pas possible de prédéterminer et de cloisonner les financements. - Parce que dans beaucoup de domaines, le renouvellement de l'effort de recherche suppose l'émergence d'équipes ayant une certaine latitude d'organisation et de fonctionnement. C'est vrai par exemple dans un domaine comme celui des sciences du vivant. Là où l'activité de recherche était relativement descriptive et pouvait rester relativement dispersée entre les grands organismes et les universités, l'essor des biotechnologies, des avancées telles que le décryptage du génome humain, exigent de plus en plus la constitution d'équipes disposant d'un minimum de masse critique. - Parce que, de fait, ce mode de pilotage et de financement peut introduire les souplesses nécessaires en termes d'évaluation des projets, de gestion des recrutements et des équipements, ou encore de définition des horizons - l'idéal étant, comme cela se fait dans les pays voisins, la définition de contrats pluriannuels. Ajoutons qu'au-delà des nouveaux secteurs de recherche, ce mode de pilotage est, de façon générale, bien approprié à l'ensemble du domaine de la recherche fondamentale. 3) La définition des niveaux de pilotage On doit observer que des initiatives importantes allant dans le sens d'un tel mode de pilotage sont intervenues depuis une quinzaine d'années. On peut ainsi citer la création du Fonds national de la science et du Fonds national de la technologie, l'impulsion donnée plus récemment aux fondations de recherche par Mme Claudie Haigneré, alors ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, enfin, l'actuel projet d'Agence nationale de la recherche présenté par M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche. La difficulté est de concilier plusieurs exigences : - des enveloppes de financement suffisamment larges et accessibles pour que les porteurs de projets aient un taux de retour significatif ; - des thématiques assez ouvertes et assez stables, pour permettre la continuité des actions de recherche et, en même temps, la capacité d'engager des efforts rapides de mobilisation lorsque l'on constate des insuffisances ou des retards dans tel ou tel secteur ; - la nécessité, enfin, de concilier le rôle des décideurs politiques sur les choix fondamentaux et les grandes orientations et la libre appréciation de la pertinence des projets par les scientifiques eux-mêmes. Dans cet esprit, il paraîtrait souhaitable de prévoir les éléments suivants : - un comité interministériel placé auprès du Premier ministre, associant les principaux financeurs de la recherche publique (enseignement et recherche, défense, industrie, etc.) et fixant les choix essentiels, le suivi des décisions revenant, a priori, au ministre de la recherche dans le cadre d'une délégation interministérielle ; - un Haut conseil scientifique qui aurait pour mission d'apporter les éclairages scientifiques à la décision ; - des instruments différenciés selon les domaines de la recherche : · des grands projets finalisés avec un ou plusieurs chefs de file ; · une Agence nationale ayant une compétence de droit commun dans le financement des appels à projet, les structures (grands organismes et universités) étant soutenues par des financements budgétaires plus classiques ; · des programmes mobilisateurs, fonctionnant également sous forme d'appel à projet, dans les secteurs exigeant une impulsion ou une réactivité particulière. - un effort d'articulation avec les programmes de recherche (PCRD) financés par l'Union européenne, cet effort pouvant être notamment facilité par la création d'un Conseil européen de la recherche. La comparaison faite avec nos voisins allemands ou britanniques fait ressortir que la recherche est encore trop largement conçue dans notre pays comme une activité individuelle. Cette conception est perceptible dans la préparation des projets de recherche - qui n'est que rarement considérée comme une activité ou une phase spécifique, dans la gestion même de l'effort de recherche - soumise à des règles administratives et financières souvent mal adaptées, enfin, dans l'évaluation, qui privilégie souvent l'évaluation individuelle, voire même une évaluation individuelle limitée à une part seulement de l'activité (Cf. enseignants-chercheurs). Or, l'activité de recherche est, de plus en plus, une affaire d'équipes réunies autour d'un projet, lui-même inscrit dans une durée variable selon la nature et l'objet de la recherche. Aussi, cette notion d'équipe ou d'unité de recherche pourrait-elle être mieux prise en considération en agissant dans trois directions. 1) Dans la préparation des projets Les instruments mis en œuvre dans les programmes communautaires de recherche-développement (PCRD), le développement souhaitable de la procédure d'appel à projet exigent de plus en plus une mise en forme des projets intégrant les aspects scientifiques, administratifs et financiers. A l'heure actuelle, trop souvent cette tâche pèse sur les seuls chercheurs. Il serait sans doute souhaitable, au moins pour les projets les plus importants, que cette fonction soit mieux identifiée et confiée à des spécialistes formés à la gestion des hommes et des moyens financiers. 2) Dans l'assouplissement des règles de gestion La constitution d'équipes autour de projets supposerait d'abord que la dimension pluriannuelle soit mieux prise en considération, comme elle paraît l'être aujourd'hui chez nos voisins, les moments-clés étant alors la décision de retenir le projet, des comptes-rendus intermédiaires, l'évaluation en fin de projet permettant de décider s'il y a lieu de poursuivre ou d'arrêter. Il serait, d'autre part, souhaitable que celui qui conduit le projet de recherche puisse disposer d'une certaine latitude de gestion, aussi bien dans les recrutements - ce qui lui permettrait notamment de faire plus largement appel à des post-doctorants, comme membres à part entière de l'équipe de recherche - que dans la répartition générale des crédits entre dépenses de fonctionnement et acquisition éventuelle de matériel. Cette plus grande souplesse serait, au demeurant, conforme aux ambitions de la nouvelle loi organique sur les lois de finances (LOLF). 3) Dans les procédures d'évaluation L'exemple de nos voisins, même s'il n'est pas exempt d'imperfections et de lourdeurs, montre que notre système d'évaluation est trop individualisé, trop souvent conduit en interne et sans véritables conséquences. Le système d'évaluation doit certes être différencié : évaluation a priori ou a posteriori, évaluation à caractère général ou adaptée à chaque secteur de la recherche, évaluation portant sur les individus, sur les équipes ou sur les structures, évaluation portant sur les thématiques, sur les projets ou sur les résultats. Mais il est clair que tant le mode de développement de la recherche que son mode de pilotage doivent désormais réserver une place privilégiée à l'évaluation des équipes ou des unités de recherche, ce dont nous sommes encore fort éloignés aujourd'hui. Cette évaluation doit être, d'autre part, tout le monde le reconnaît, beaucoup plus ouverte. La part relative des évaluateurs élus par leurs pairs mérite sans nul doute d'être reconsidérée. Il est également important qu'une large part des évaluateurs viennent d'autres universités ou d'autres organismes que ceux d'où sont issus les chercheurs des équipes ou unités évaluées, et qu'ils viennent même si possible d'autres pays. Le développement de l'Europe de la recherche devrait, à cet égard, offrir de réelles possibilités et le futur PCRD pourrait peut-être encourager ce type d'évaluation. Enfin, il est important que les évaluations soient suivies de conséquences réelles. Certes, le champ de la discussion entre évaluateurs et chercheurs doit être largement ouvert, mais le non-renouvellement d'un projet, voire la remise en cause d'une équipe ou d'une unité de recherche doivent pouvoir, le cas échéant, être envisagés puis décidés. Le pilotage, par appel à projet, parce qu'il n'assurera pas un renouvellement automatique du concours, doit encourager cette forme de gestion plus exigeante. Même si elles ne tiennent pas un rôle comparable aux universités allemandes ou britanniques dans le domaine de la recherche, les universités françaises y prennent néanmoins une part très active, en liaison étroite avec les autres partenaires, et particulièrement avec le CNRS, dans le cadre des unités mixtes de recherche (UMR). Le rôle des universités n'en est pas moins au cœur du débat et des différentes propositions formulées sur l'organisation de la recherche publique dans notre pays. A notre sens, deux axes de réforme devraient être affirmés. 1) Assouplir les obligations d'enseignement des enseignants-chercheurs Notre étude comparative le montre. Aucun pays ne connaît un système d'obligation d'enseignement - les 192 heures annuelles - comparable à celui qui est imposé aux enseignants-chercheurs français. Plusieurs de nos interlocuteurs l'ont souligné, cette obligation conduit à limiter considérablement, voire à « stériliser » l'activité de recherche d'une part considérable de jeunes chercheurs, au moment même où ils sont capables de donner le meilleur d'eux-mêmes et où leur titularisation leur assure une relative sérénité d'esprit. Il paraîtrait donc souhaitable que les jeunes enseignants-chercheurs puissent bénéficier de décharges de cours plus ou moins larges selon l'ampleur de leur contribution à l'effort de recherche. Certes, cet assouplissement pourrait avoir un coût budgétaire important puisqu'il faudrait assurer leur remplacement en tant qu'enseignants. On notera toutefois que cette mesure pourrait être introduite de façon progressive, que les enseignants-chercheurs pris en charge dans le cadre de programmes communautaires ou d'appels à projet ne pèseraient plus que partiellement sur les finances des universités. On notera également que des chercheurs plus âgés, venus des grands organismes, pourraient consacrer plus de temps à l'enseignement et concourir également au repérage des étudiants les plus prometteurs pour l'activité de recherche future. 2) Offrir aux universités de nouvelles possibilités d'expérimentation La plupart des projets qui ont été présentés tendent à affirmer, progressivement ou non, le rôle des universités. La plupart paraissent pour autant hésiter à aller jusqu'à une pleine autonomie. L'une des voies qui pourrait être envisagée de façon plus immédiate pourrait donc être de donner aux universités qui le souhaiteraient la possibilité de conduire des expérimentations, particulièrement dans le domaine de la recherche. Il pourrait en aller ainsi, en particulier, des universités impliquées dans les futurs pôles de compétitivité. Même si le nombre d'emplois créés est souvent lié aux aléas budgétaires, les jeunes chercheurs ont aujourd'hui, en France, de meilleures perspectives de titularisation que les jeunes chercheurs allemands ou britanniques. En revanche, ils ne bénéficient pas, en tant que jeunes doctorants, et surtout en tant que post-doctorants, de la même reconnaissance. Ils ne sont que rarement considérés comme des acteurs à part entière de la recherche. D'autre part, dans certains domaines, la séparation trop nette entre élèves des écoles d'ingénieurs et doctorants peut contribuer à limiter les débouchés de ces derniers. Cette situation est génératrice de frustrations. Elle peut encourager la fuite des cerveaux et, à l'inverse, décourager les jeunes chercheurs étrangers de venir dans notre pays. Un meilleur équilibre et de meilleures perspectives pourraient, semble-t-il, être recherchés à travers un ensemble d'actions conduites en parallèle. 1) Par un flux maîtrisé mais régulier de recrutements Il n'est pas souhaitable que l'ensemble des doctorants, et plus encore des post-doctorants, considèrent que leur débouché logique est d'être titularisés comme chercheur ou comme enseignant-chercheur, soit dans les grands organismes, soit dans les universités. Il est, en revanche, important que des perspectives claires et régulières soient assurées à ceux qui ambitionnent de se diriger vers ces filières. Le plan pluriannuel de recrutement que vient d'annoncer le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, M. François Fillon, paraît bien s'inscrire dans cette perspective. 2) Par l'assouplissement des obligations des enseignants-chercheurs Cette mesure, même mise en œuvre de façon progressive, assurerait des perspectives plus attractives pour les jeunes chercheurs. 3) Par l'émergence d'équipes à horizon pluriannuel Cette évolution, qui devrait être encouragée par la procédure d'appel à projets, contribuerait à apporter une réponse, au moins transitoire, à de nombreux post-doctorants. En outre, généralisée à l'échelle de toute l'Union européenne - notamment à travers la mise en place d'un conseil européen de la recherche -, cette formule pourrait contribuer à la mobilité des chercheurs entre les différents Etats. Elle pourrait ainsi constituer un véritable antidote européen à la fuite des cerveaux. 4) Par l'atténuation progressive de la frontière ingénieur-docteur Sans doute faut-il d'abord observer que cette frontière n'est pas systématique. Dans certains secteurs tels que l'industrie chimique et pharmaceutique, les doctorants occupent depuis longtemps une place considérable. D'autre part, certains grands organismes comme le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) ont su, dès l'origine, créer un corps d'ingénieurs-chercheurs constitué tout à la fois à partir d'ingénieurs et de docteurs. D'autres avancées devraient être envisagées. On notera, en premier lieu, que certaines écoles d'ingénieurs, notamment l'Ecole polytechnique, encouragent aujourd'hui une partie de leurs élèves à préparer un doctorat. Cette orientation paraît logique dans la mesure où les nouveaux développements scientifiques supposent, y compris dans les applications technologiques, des aptitudes qui sont autant celles d'un chercheur que celles d'un ingénieur. On notera également que dans des domaines tels que les technologies de l'information, les sciences du vivant, les nanotechnologies, la frontière entre recherche fondamentale et recherche appliquée devient parfois plus ténue. Il serait sans doute souhaitable que, parallèlement, et comme cela se pratique plus souvent chez nos partenaires, les thèses de doctorat tiennent mieux compte des besoins de l'industrie ou d'autres secteurs d'activité. C'est cette solution qui prévaut dans le cadre des contrats CIFRE mais elle gagnerait sans doute à être élargie. L'exemple des grandes universités (MIT, Stanford, Berkeley) ou encore de la Silicon Valley, celui, à une moindre échelle peut-être, des universités d'Oxford ou de Cambridge, ont encouragé la réflexion sur la contribution de pôles comparables - appelés encore « clusters » - : ainsi, des pôles d'excellence évoqués lors de la préparation des PCRD successifs ou encore des pôles de compétitivité mis récemment en exergue par le rapport de notre collègue Christian Blanc. A tout le moins, doit-on constater qu'il existe aujourd'hui dans notre pays, un certain nombre de sites qui, par le nombre des acteurs et par la masse critique qu'ils pourraient rassembler, seraient susceptibles de constituer de tels pôles. Cette version moderne des « lieux où souffle l'esprit » est caractéristique de Paris et de l'Ile de France (montagne Sainte Geneviève, ensemble Fontenay-Palaiseau). Elle peut s'appliquer ainsi à d'autres pôles de notre territoire. On pensera notamment à Grenoble, à Toulouse autour de l'industrie aéronautique, à Bordeaux autour du laser Mégajoule. La difficulté réside, bien sûr, dans l'art de rassembler et d'organiser les différents acteurs concernés. Plusieurs questions se trouvent alors posées : - qui doit jouer le rôle de chef de file, les institutions ou les collectivités territoriales ? La concentration géographique peut-elle être suppléée ou prolongée par le concept plus large, mais aussi plus distendu de réseau ? Au-delà des allégements fiscaux, quelles incitations et quelles procédures peuvent favoriser la mise en place de ces pôles ? Ces questions seront, certainement, dans les prochains mois, au cœur du débat national, mais aussi de la préparation du prochain PCRD. * * * Ce rapport s'est attaché à la recherche d'éléments de comparaison sur les performances respectives des différents systèmes de recherche. Il est clair qu'au-delà et devant le défi que constituent l'accélération de l'effort américain de recherche et l'émergence des nouvelles puissances (Chine, Inde), c'est la question des moyens consacrés à l'effort de recherche qui se trouve également posée. Elle suppose que la France, mais aussi ses autres partenaires, poursuivent l'effort de progression vers les 3 % du PIB, conformément à l'objectif affirmé à Lisbonne. Elle suppose également que l'Union européenne, qui doit, elle aussi, être mieux soucieuse de la performance de ses propres instruments, puisse consacrer des moyens plus substantiels à la recherche. La Délégation s'est réunie, le mercredi 27 octobre 2004, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d'information. L'exposé du rapporteur a été suivi d'un débat. M. Christian Philip a considéré, comme le rapporteur, que la comparaison entre les différentes politiques de la recherche était riche d'enseignements pour la France. Au-delà des différences d'organisation, on constate que l'effort financier des européens en faveur de la recherche est très faible par rapport à celui des Etats-Unis. Mais, si on ne remet pas en cause l'organisation de la recherche, tout accroissement des moyens n'aura qu'une efficacité limitée. Notre système national de recherche doit impérativement évoluer, et cette évolution pourra justifier un effort budgétaire supplémentaire. M. Jérôme Lambert a approuvé dans l'ensemble les conclusions du rapport. Au-delà des problèmes d'organisation de la recherche sur le plan national, il importe de définir un instrument plus cohérent sur le plan européen. Sinon, on ne parviendra jamais au même résultat que les Etats-Unis, même avec un effort budgétaire identique. Le rapporteur a insisté sur le fait que la faiblesse de la recherche européenne se traduit non seulement par rapport aux Etats-Unis, mais également par rapport aux pays émergents, dont la Chine. Il convient à la fois d'améliorer l'efficacité du système de recherche et de dégager, au sein du budget de l'Union européenne, un budget plus ambitieux pour la recherche. En conclusion, le Président Pierre Lequiller a rappelé son vif intérêt pour les études comparatives menées par la Délégation, en souhaitant qu'elles bénéficient d'une large diffusion. Annexe 1 : I. En France - M. François FILLON, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ; - M. François d'AUBERT, ministre délégué à la recherche. l Cabinet du Premier ministre - M. Edouard BRIDOUX, conseiller technique pour l'enseignement supérieur et la recherche ; - M. Michel ROGER, conseiller pour l'enseignement, la recherche et l'industrie. l Cabinet de M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche - Mme Caroline CHEVASSON, conseillère diplomatique et aux affaires européennes ; - M. François des PORTES, conseiller parlementaire. l Conseil supérieur de la recherche et de la technologie - Mme Claudine LAURENT, vice-président ; - Mme Danièle HULIN, présidente de la commission Europe. l Académie des sciences - M. Etienne-Emile BAULIEU, président. l Conférence des présidents d'université (CPU) - M. Michel LAURENT, premier vice-président ; - M. Michel KAPLAN, deuxième vice-président ; - M. Pascal LEVEL, troisième vice-président ; - M. Eric ESPERET, délégué général ; - M. Yannick VALLÉE. l Ecole polytechnique - M. Maurice ROBIN, directeur général adjoint pour la recherche. l Organismes de recherche CNRS - M. Bernard LARROUTUROU, directeur général. INSERM - M. Christian BRECHOT, directeur général ; - M. Victor DEMARIA-PESCE, chargé des relations avec le Parlement. CEA - M. Jean-Claude PETIT, directeur des programmes ; - M. Claude AYACHE, directeur délégué aux affaires européennes ; - M. Jean-Pierre VIGOUROUX, responsable de la cellule affaires publiques. l Industrie EADS - M. Yann BARBAUX, administrateur-gérant du Corporate Research Center ; - Mme Sophie ROUKLINE, chargée des relations avec le Parlement. l Confédération des jeunes chercheurs - M. Sylvain COLLONGE, président ; - M. Florent OLIVIER. l Collectif « Sauvons la recherche » - M. Alain TRAUTMANN, porte-parole. l Observatoire de Paris - M. Daniel EGRET, président ; - M. Jean-Michel LAMARRE, directeur du LERMA ; - Mme Marie-Christine ANGONIN, maître de conférence à l'université Paris VI ; - Mme Françoise COMBES, astronome ; - M. François DULIEN, maître de conférence à l'université de Cergy-Pontoise ; - M. Patrick HENNEBELLE, chercheur ; - M. Frédéric MEYNADIER, doctorant ; - M. Philippe TOURRENC, professeur à l'université Paris VI. l Personnalités qualifiées - M. Pierre DAUMARD, président de l'université René Descartes (Paris V). - M. Gérard TOBELEM, professeur de médecine, président du CIRRES (Cercle initiatives et réflexion sur la recherche, l'éducation et la science) ; - M. Jacques VALADE, ancien ministre de la recherche, président de la Commission des affaires culturelles du Sénat. II. En Allemagne l Ambassade de France - M. Claude MARTIN, ambassadeur de France en Allemagne. - M. Jean-François DUPUIS, conseiller scientifique ; - Mme Marie-Pierre COQUARD, attachée scientifique ; - M. Sylvain RICHET, chargé de mission. l Parlementaires de la Commission Recherche du Bundestag - M. Michael KRETSCHMER ; - M. Martin MAYER ; - M. Werner LENSING ; - M. Jörg TAUSS. l Communauté de recherche Leibniz (WGL) - Dr Christiane NEUMANN, vice-présidente de l'administration de la WGL et directrice du Centre de Berlin en sciences sociales (WZB) ; - Dr Anja PELZER, chargée des relations internationales de la WGL à Berlin. l Société de recherche Max Planck (MPG) - Dr Christine GIERATHS, directrice du bureau de représentation de la MPG à Berlin. l Société Fraunhofer - Dr Christoph THIEL, chef de département à l'Institut Software und Systemtechnik (ISST) ; - Prof. Dr Agnès VOISARD, chercheur à l'Institut Fraunhofer « Logiciels et techniques des systèmes » (ISST) et assistant chercheur à la Freie Universität Berlin. l Fondation Schering - Mme Monika LESSL, directrice. l Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG) - Dr Harald v. KALM, directeur du service « Mesures de soutien et procédures d'évaluation » ; - M. Wolfgang FOIT, directeur du service « Personnel, droit, organisation ». l Conférence des recteurs des universités (HRK) - Mme Brigitte GÖBBELS-DREYLING, directrice du bureau de représentation de la HRK à Berlin. III. Au Royaume-Uni l Ambassade de France - Prof. Gilbert BALAVOINE, conseiller scientifique ; - Mme Claire MOUCHOT, attachée scientifique ; - M. Sylvain AUBIN, chargé de mission. l Ministère du commerce et de l'industrie (DTI) - M. Graham REID, expert en politique scientifique. l Commission des sciences et technologies de la Chambre des Lords - Lord OXBURGH, président de la Commission. l Commission des sciences et technologies de la Chambre des Communes - Mme Hayaatun SILLEM, experte. l Higher Education Funding Council - M. Ed HUGHES, responsable du Research Assesment Exercise (RAE). l Personnalités qualifiées - Dr. Ashod ARADIAN, chercheur ; - Dr. John McGREGOR, chercheur. Annexe 2 : ¬ L'Italie · Les rôles respectifs des organismes de recherche et des universités La recherche publique s'effectue d'une part dans les 77 universités, d'autre part dans les organismes de recherche, dont le plus important est le Conseil national de la recherche (CNR) et de nombreuses autres entités dépendant du ministère de la recherche et d'autres ministères. La recherche appliquée est effectuée dans les organismes tandis que les universités sont plus orientées vers la recherche fondamentale, bien que cette distinction ait tendance à s'atténuer. Les laboratoires sont distincts même si les locaux des organismes sont fournis par les universités. Les universités prennent une part de plus en plus importante dans les activités de recherche. Elles représentent 30 % des dépenses de recherche nationales et les organismes 16,2 %. Elles peuvent gérer les ressources humaines de façon autonome et sont encouragées à définir leur propre stratégie de recherche. L'organisation de la recherche a récemment fait l'objet d'une réforme, visant à concentrer les organismes de recherche et les instituts qui composent le CNR. · Le financement et le pilotage de la recherche Le ministère de l'éducation, de l'université et de la recherche a renforcé le recours au financement sur projet. Trois fonds (soutien à la recherche dans les régions défavorisées, soutien à la recherche de base et soutien à la recherche industrielle) sont utilisés pour ce type de financement, ainsi que les « projets de recherche d'intérêt national » (PRIN) librement déposés par les universitaires. Le pilotage gouvernemental dépend du ministère de l'éducation, de l'université et de la recherche, assisté par plusieurs organes consultatifs. Un plan triennal pour la recherche a été adopté en 2002. Des priorités sont définies et permettent d'orienter les financements, les restructurations des organismes et la création de pôles d'excellence. · L'évaluation Les projets de recherche sont évalués par des commissions scientifiques. Un Comité de pilotage pour l'évaluation de la recherche a été institué en 1998 et un Comité national d'évaluation du système universitaire (CNVSU) en 1999. Ce dernier évalue l'ensemble des missions des universités à travers des cellules de contrôle de gestion installées dans toutes les universités. Le CNVSU a proposé une évaluation des structures sur le modèle du RAE britannique. · La valorisation Les interactions entre la recherche publique et les entreprises sont faibles. Les pouvoirs publics ont la volonté de favoriser la création de laboratoires mixtes privés et la politique de transfert de technologie des universités. · Les carrières Selon le CNVSU, la situation des doctorants est caractérisée par une « absence de formes contractuelles appropriées ». Le gouvernement a décidé d'augmenter le nombre de bourses, certaines pouvant être financées dans le cadre de projets. Parallèlement, le montant des bourses de post-doctorat va être augmenté. Les recrutements dans la recherche publique sont tardifs et les débouchés dans l'industrie faibles. La « fuite des cerveaux » connaît une ampleur préoccupante. Les enseignants-chercheurs sont recrutés par concours, la progression se fait ensuite de façon lente selon des grilles de salaires. Il existe des projets de réforme visant à créer des contrats à durée déterminée de 5 ans et à introduire une part variable dans les rémunérations. Des postes temporaires de 4 à 8 ans existent déjà. La mobilité est jugée trop faible entre organismes et universités et entre recherche publique et entreprises. ¬ La Suède · Les rôles respectifs des organismes de recherche et des universités Les acteurs essentiels de la recherche sont les 13 universités et les 23 écoles supérieures. Trois instituts de recherche dépendent des ministères techniques (recherche sur les routes, les voies ferrées et l'espace). Quatre Conseils et neuf fondations assurent une partie du financement des établissements d'enseignement supérieur, sans mener eux-mêmes d'activités de recherche. · Le financement et le pilotage de la recherche Le financement se compose d'une part fixe attribuée aux universités et aux écoles et d'une part variable, attribuée par les Conseils et fondations de recherche aux projets des chercheurs. Globalement, la part de ce type de financement représente 50 % des moyens des universités. Le ministère de l'éducation et des sciences est responsable de la coordination de la politique de recherche. Il est assisté par un organe consultatif, la Commission de la recherche. Au sein des conseils scientifiques, les représentants des chercheurs sont majoritaires. En effet, l'un des principes fondamentaux du système suédois est que le gouvernement et le Parlement déterminent la répartition des ressources publiques, tandis qu'à l'intérieur de ces domaines les chercheurs décident de l'affectation des crédits à divers projets de recherche. · L'évaluation Les aides des conseils de recherche sont réparties selon des critères scientifiques, sur la base d'évaluations effectuées par leurs groupes préparatoires. Le concours d'experts étrangers est organisé. En revanche, il n'existe pas d'évaluation systématique des universités. L'Agence nationale suédoise pour l'enseignement universitaire a effectué une étude du système de recherche suédois ayant permis l'évaluation de 700 programmes de recherche. Les bureaux des gouverneurs des institutions d'enseignement supérieur ont également la tâche d'initier des évaluations nationales et internationales des activités de recherche. · La valorisation L'effort de recherche des entreprises est particulièrement important. L'Etat et les entreprises coopèrent dans le cadre d'instituts de recherche financés conjointement. Bien qu'indépendants de l'enseignement supérieur, ils travaillent souvent en étroite relation avec les universités et les écoles supérieures. La coopération peut aussi prendre la forme de parcs de technologie, de secrétariats de liaison, de consortiums de matériel ou de centres de compétence. · Les carrières Les perspectives de carrière des jeunes docteurs sont bonnes et des débouchés existent dans tous les secteurs. Les chercheurs sont tous contractuels et sont majoritairement employés en CDI. En début de carrière, il existe des postes d'assistants avec des CDD de 4 ans. Certains contrats d'emploi peuvent être liés à des projets limités dans le temps. Les recrutements, les promotions et les salaires sont librement décidés par les universités. ¬ Les Pays-Bas · Les rôles respectifs des organismes de recherche et des universités La recherche publique s'effectue principalement dans les 14 universités. Il existe également différents organismes de recherche comme l'organisation pour la recherche scientifique (NWO), l'Académie royale des sciences (KNAW) et l'organisation pour la recherche scientifique appliquée (TNO). Les domaines techniques spécifiques sont traités dans 5 grands centres technologiques. · Le financement et le pilotage de la recherche Les universités sont financées par un système dual, avec 60% de ressources de base versées par le gouvernement pour l'enseignement et la recherche et 10 % de financements attribués à des projets, principalement par la NWO. La part restante représente les financements externes par des contrats publics ou industriels. Le ministère de l'éducation, de la culture et de la science coordonne la politique scientifique. Le gouvernement est assisté de plusieurs organes consultatifs. Le budget de la science est adopté tous les quatre ans. Les universités disposent d'une large autonomie dans la gestion des financements accordés par le ministère. · L'évaluation La NWO sélectionne les projets selon un système d'évaluation par les pairs. Pour les enseignants-chercheurs, une évaluation dont les règles sont fixées par les universités est organisée périodiquement. Cette évaluation est double, interne et externe. L'évaluation externe fait intervenir des experts étrangers. Les évaluations ont des conséquences importantes sur les financements des instituts (par le biais du financement des projets) et sur les carrières. · La valorisation La coopération entre les universités et les entreprises reste encore faible, malgré des exemples comme le « High Tech campus » créé à Eindhoven sur le site de Philips. Il existe des partenariats par le biais des instituts technologiques de pointe, promus par l'OCDE comme un modèle organisationnel pour ses Etats membres. Des plates formes d'innovation ont récemment été mises en place mais sont très critiquées. · Les carrières Les doctorants reçoivent tous une subvention pour leur recherche. Les post-doctorants bénéficient de contrats à durée déterminée de deux à quatre ans et ont le statut de chercheurs à part entière. Il est cependant difficile ensuite de trouver un emploi stable dans la recherche publique. Tous les chercheurs sont employés sous contrat. La carrière débute en général par un CDD de 2 à 6 ans. Les promotions se font exclusivement au mérite. Pour les enseignants-chercheurs, le temps consacré à l'enseignement est négocié avec le département universitaire. La mobilité avec l'industrie est possible, dans un système très libre où un chercheur peut partager son temps entre recherche publique et privée. ¬ La Hongrie · Les rôles respectifs des organismes de recherche et des universités Le système hongrois de recherche a connu de profondes mutations lors de la transition démocratique. La recherche est aujourd'hui menée dans les universités et au sein d'organismes de recherche dont le principal est l'Académie des sciences de Hongrie (MTA). Le rôle des universités dans la recherche a été renforcé et elles exécutent actuellement un volume de recherche équivalent à celui des organismes. Des fusions ont été opérées entre départements universitaires afin d'atteindre une masse critique. Les rôles respectifs des deux principaux acteurs sont bien distincts. Les laboratoires de l'Académie des sciences sont orientés vers des recherches plus fondamentales et conservent un ascendant sur les laboratoires universitaires. · Le financement et le pilotage de la recherche Des appels d'offres se développent pour attribuer les financements, à travers les « programmes nationaux de R et D », le Fonds national pour la recherche scientifique, orienté vers la recherche fondamentale et le soutien aux jeunes chercheurs, et le Fonds national pour le développement technologique. Le pilotage de la recherche est placé sous la responsabilité du ministère de l'éducation, qui s'appuie sur plusieurs organismes consultatifs. Les programmes nationaux de R et D ont été établis en 2000 afin de fixer de grandes priorités thématiques. L'Académie des sciences élabore une politique scientifique largement autonome. · L'évaluation La Hongrie a fait d'importants efforts pour établir de nouvelles procédures d'évaluation. Des évaluations sont pratiquées afin de décider du financement des projets mais aussi de la répartition des financements de base entre universités. Les programmes de recherche sont également évalués tous les cinq ans. · La valorisation L'industrie participe encore peu à la recherche. Depuis 2001, des centres de recherche coopérative associent les universités, les laboratoires publics de recherche et les industries. La fondation Bay Zoltan a été créée en 1992 sur le modèle des instituts allemands Fraunhofer, dans le but de soutenir la création de PME grâce à la promotion de la recherche appliquée. · Les carrières La question d'une réforme des carrières scientifiques se pose en raison du risque de manque de chercheurs. En effet, les jeunes chercheurs partis à l'étranger connaissent des difficultés pour revenir et de nombreux scientifiques se sont réorientés vers des carrières dans les entreprises, hors du domaine de la recherche. Le gouvernement a donc pris des mesures pour augmenter les salaires et renforcer les moyens dans la recherche publique. Le deuxième axe de la politique des ressources humaines est la promotion des contacts avec la recherche industrielle, notamment par le co-financement de thèses et l'organisation de formations ou de cursus mixtes. 1 () La Constitution européenne fait de la recherche une compétence partagée entre l'Union et les Etats membres mais ne modifie pas les dispositions du traité relatives au contenu de la politique de recherche. 2 () Source : ambassade de France aux Etats-Unis. 3 () www.europa.eu.int/eracareers. 4 () Les enseignants chercheurs ne consacrant qu'une partie de leur temps à la recherche. 5 () « Notre projet pour le CNRS » de Gérard Mégie et Bernard Larrouturou, mars 2004. 6 () « Propositions d'évolution pour l'INSERM », mai 2004. 7 () « Organisation et fonctionnement de la recherche publique en France », mai 2004. 8 () « Propositions pour améliorer le système de recherche français », rapport d'étape des états généraux de la recherche, 25 octobre 2004. |
© Assemblée nationale