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N° 2053

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 février 2005

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur,
(COM [2004] 2 final / E 2520)

ET PRÉSENTÉ

par Mme Anne-Marie COMPARINI,

Députée.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. François Guillaume, Jean-Claude Lefort, secrétaires ; MM. Alfred Almont, François Calvet, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

I. LA LIBRE CIRCULATION DES SERVICES, UN OBJECTIF AMBITIEUX ET DANS LA LOGIQUE DU MARCHE INTERIEUR QU'IL PARACHEVE 9

A. Une volonté politique née au Conseil européen de Lisbonne 9

B. Un état des lieux clair des obstacles à lever 10

C. Un impact sur l'emploi et la croissance imparfaitement analysé 11

1) Il est reconnu que la France est déjà un acteur majeur des échanges de services 11

2) Il est admis que le poids des services dans les échanges européens est encore faible 12

3) Il est regrettable que les évaluations de l'impact de la proposition soient insuffisantes 13

II. LA MISE EN œUVRE DE LA LIBRE CIRCULATION DES SERVICES, SELON LE PROJET DE DIRECTIVE 15

A. Un champ d'application large qui reste néanmoins imprécis 15

1) La définition des services couverts par la directive 15

a) L'activité doit être de nature économique 15

b) Certaines activités spécifiques sont incluses dans le champ d'application de la directive en fonction de la situation propre dans chaque Etat membre au regard de la jurisprudence 16

2) Les services expressément exclus dans la proposition de la Commission 18

a) Les services participant à l'exercice de l'autorité publique 18

b) Les services financiers 18

c) Les services de transport 19

B. Un double objectif, la liberté d'établissement et la libre prestation de services 19

C. Une double modalité, le principe du pays d'accueil pour l'établissement, le principe du pays d'origine pour la libre prestation 20

1) Afin de supprimer les obstacles à la liberté d'établissement, la directive prévoit des mesures de simplification administrative dans le pays d'accueil 21

a) Des dispositions visant à simplifier les procédures d'établissement des prestataires de services 21

b) Des dispositions visant à limiter le nombre de régimes d'autorisation 21

c) L'interdiction des exigences juridiques particulièrement restrictives qui subsistent dans les législations des Etats membres pour exercer certaines professions 22

2) La méthode retenue pour faciliter la libre prestation de services repose sur la généralisation du principe du pays d'origine 23

a) Le principe du pays d'origine s'applique uniquement en cas de fourniture transfrontalière de services sans établissement 23

b) Consciente du bouleversement qu'entraîne l'application de cette méthode, la Commission prévoit un grand nombre de dérogations au principe 24

III. UNE DIRECTIVE QUI PROVOQUE DE SERIEUSES CRITIQUES 27

A. En raison de l'abandon de la méthode d'harmonisation au profit du principe du pays d'origine 27

1) Une rupture radicale avec la conception européenne de la cohésion économique et sociale 27

2) Un facteur de complexité accrue bien inutile 28

B. En raison des effets pervers de certaines mesures de simplification administrative 28

C. En raison du mode de fonctionnement de l'ancienne Commission 30

1) Une Commission trop cloisonnée qui néglige la compatibilité de la directive avec les autres actes communautaires existants ou en cours de négociation 30

2) Une Commission trop éloignée des pratiques professionnelles 32

IV. L'ENTREE EN VIGUEUR DE LA DIRECTIVE NE PEUT ETRE ENVISAGEE SANS UNE PROFONDE TRANSFORMATION DU TEXTE DE LA COMMISSION 33

A. Un préalable réaliste : l'abandon du principe du pays d'origine 33

1) Un principe incompatible avec les disparités de l'Europe à vingt-cinq 33

2) Un risque de dumping social et juridique qui favoriserait la concurrence déloyale et la baisse de qualité de l'offre de services. 34

a) La dérogation en faveur de la directive "détachement des travailleurs" n'écarte pas tout risque de dumping social 34

b) Le renforcement de l'insécurité et du dumping juridique 35

(1) L'insécurité juridique en matière pénale 35

(2) L'insécurité juridique en matière de droit international privé 35

(3) Le risque de dumping juridique 36

3) Un principe inapplicable en l'absence d'un haut niveau d'harmonisation des secteurs concernés 36

B. Les deux conditions à satisfaire pour soutenir le principe de la libre circulation des services dans l'Union 37

1) Délimiter de manière explicite les contours du champ d'application 37

a) La directive ne doit pas concerner les services publics (SIG) 37

b) Les exclusions spécifiques demandées par la France doivent être acceptées 39

(1) Les professions juridiques réglementées 39

(2) Les services audiovisuels et culturels 41

(3) Les services de santé, d'aide sociale et médico-sociale 43

(4) Les jeux d'argent 45

2) Définir clairement l'articulation avec les autres directives 49

a) Affirmer la primauté des directives sectorielles 49

b) Eviter les contradictions avec d'autres directives horizontales 49

CONCLUSION 51

TRAVAUX DE LA DELEGATION 53

EXPOSE DES MOTIFS DE LA PROPOSITION DE RESOLUTION 67

PROPOSITION DE RESOLUTION 69

ANNEXE : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur 73

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

En 1986, l'Acte unique européen est lancé sans que personne alors ne puisse imaginer le formidable potentiel qu'allait dégager la suppression progressive des obstacles techniques, juridiques, culturels et protectionnistes. Vingt ans après, le marché unique est devenu une réalité qui fait notre quotidien, une des plus grandes réalisations de l'Europe, après la paix. Mais les succès et la prospérité qu'il a engendrés ne doivent pas nous faire oublier les secteurs, notamment les services, qui s'ouvrent difficilement à la libre circulation.

Nourris de ce constat et confrontés à un essoufflement de la croissance européenne, les chefs d'Etat et de gouvernement adoptent la stratégie de Lisbonne (Conseil européen de 2000) qui vise à stimuler la compétitivité de l'Union européenne à l'horizon 2010.

La directive « services » proposée par l'ancienne Commission s'inscrit dans ce cadre et son objectif, l'émergence d'un véritable marché intérieur des services, est l'un des plus ambitieux que l'Union se doit d'atteindre dans la prochaine décennie.

La proposition de directive, présentée le 13 janvier 2004, vise donc à lever progressivement les obstacles aux activités transfrontalières de services et à créer les emplois durables dont l'Europe a besoin.

D'emblée, la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale se montre sensible à cet objectif et à l'importance stratégique qu'il revêt pour l'économie européenne. Mais, consciente des transformations qu'il implique et de la diversité des services dans l'Union, elle décide de se pencher sur ce texte. Elle désigne donc en juin 2004 l'un de ses membres pour établir un rapport d'information.

Face à un texte aussi vaste et complexe, le rapporteur a souhaité adopter une démarche pragmatique. Il s'est surtout efforcé de recenser toutes les questions concrètes soulevées par le texte, et d'analyser tant la méthode de travail de la Commission que la pertinence de ses propositions.

Dans cette optique, le rapporteur a entrepris de très nombreuses consultations à Paris (syndicats, organismes socio-professionnels, directions ministérielles, entreprises), à Bruxelles avec les services de la Commission, du gouvernement belge, et avec les parlementaires européens, mais également en Estonie avec les ministères et les entreprises concernés.

Le rapporteur s'est également attaché à analyser les premières discussions, au sein du Conseil « Compétitivité » ou de la nouvelle Commission.

L'objectif du présent rapport est donc de contribuer à une clarification, tant de la lecture de la directive que des modifications que la France pourrait demander, afin que l'achèvement du marché unique soit une chance, et non pas une source d'incertitudes pour les salariés, les consommateurs et les prestataires de services.

I. LA LIBRE CIRCULATION DES SERVICES, UN OBJECTIF AMBITIEUX ET DANS LA LOGIQUE DU MARCHE INTERIEUR QU'IL PARACHEVE

A. Une volonté politique née au Conseil européen de Lisbonne

La proposition de directive s'inscrit dans un processus politique lancé en 2000 par le Conseil européen, en présence de MM. Jacques Chirac et Lionel Jospin.

A cette occasion, la Commission et les Etats membres se sont engagés à mettre en œuvre une stratégie visant à supprimer les obstacles à la libre circulation des services.

En décembre 2000, la Commission a défini « Une stratégie pour le Marché intérieur des services » ayant pour objectif de permettre aux services d'être fournis à travers l'Union européenne aussi facilement qu'à l'intérieur d'un même Etat membre.

En juillet 2002, la Commission a présenté le rapport sur « l'état du Marché intérieur des services » qui achève la première phase de la stratégie en dressant un inventaire des frontières qui subsistent dans le Marché intérieur des services.

En mai 2003, dans sa « Stratégie pour le Marché intérieur », la Commission annonce sa volonté, avant fin de 2003, de proposer une directive sur les services dans le Marché intérieur, qui définira un cadre juridique clair et équilibré, visant à simplifier les conditions d'établissement et de prestation de services transfrontaliers.

En octobre 2003, le Conseil européen a identifié le Marché intérieur comme un domaine clé pour améliorer la compétitivité de l'économie européenne et pour créer ainsi les conditions susceptibles de favoriser la croissance et l'emploi.

B. Un état des lieux clair des obstacles à lever

Les services font partie des quatre libertés de circulation qui sont à la base du grand marché sans frontières (personnes, biens, capitaux et services) et le marché intérieur ne sera pas achevé s'ils ne sont pas concernés. A ce jour, seul l'article 49 du traité instituant la Communauté européenne pose le principe de libre circulation des services sans en exposer les conditions d'application. Les entreprises de services sont donc soumises à l'évolution de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes, ce qui ne peut correspondre à la vision que nous nous faisons de la construction européenne.

Outre ces incertitudes juridiques, il existe un certain nombre d'obstacles qui entravent le bon fonctionnement du marché intérieur et freinent la croissance européenne. Les entreprises et les consommateurs sont privés d'un choix plus vaste de services et une bonne partie du potentiel de création d'emplois du secteur des services est perdue.

Il est évident que les services sont plus susceptibles que les marchandises d'être pénalisés par les obstacles qui subsistent dans le marché intérieur. Le savoir-faire et les qualifications du prestataire jouent un rôle fondamental. Tout le monde aura compris que pour les biens, seules les marchandises sont exportées. En revanche, pour les services, le prestataire doit pouvoir être présent de façon temporaire avec son personnel et son équipement.

Dans cette hypothèse, la lourdeur, la longueur et la complexité des formalités administratives et des procédures d'autorisation sont dissuasives. Les prestataires de services, et surtout les PME, ont déploré à de nombreuses reprises avoir perdu des contrats en raison des longs délais nécessaires à l'obtention des autorisations ou à l'accomplissement d'autres formalités administratives. Ces difficultés ont pu même parfois les conduire à abandonner leurs projets. De tels délais interviennent, notamment, lorsque les autorités d'un Etat exigent la remise de documents qui n'existent pas dans l'Etat membre où l'entreprise est établie, ce qui donne lieu à d'interminables tractations.

Certaines restrictions touchent également le détachement de travailleurs dans un autre Etat membre, l'utilisation de matériels par des prestataires en dehors de leur Etat d'origine, les services comptables, les assurances, la publicité, la fixation des prix, les règles de TVA...

L'existence de ces barrières fait naître des surcoûts pour les entreprises qui souhaitent avoir des activités transfrontalières, et interdit toute économie d'échelle. Cela pénalise l'investissement, l'innovation, l'amélioration de la qualité et de la diversité des services, la concurrence et le choix offert aux consommateurs.

Les perspectives de croissance des PME, très nombreuses dans ce secteur, sont limitées et l'ensemble de l'économie est atteinte.

L'objectif de la Commission est de faciliter tous les types de fournitures de services, notamment :

- lorsque le prestataire s'établit dans un autre Etat membre ;

- lorsque le prestataire se déplace temporairement dans le pays de son client ;

- lorsque le prestataire offre ses services à distance ;

- lorsque le client se déplace dans l'Etat d'origine du prestataire (tourisme, santé...).

C. Un impact sur l'emploi et la croissance imparfaitement analysé

1) Il est reconnu que la France est déjà un acteur majeur des échanges de services

Les grands groupes de service français sont présents dans le monde entier (Sodexho, Accor, Vivendi, Veolia...).

En 2004, la France figurait au quatrième rang des exportateurs mondiaux de services.

L'excédent français dans les services s'est fortement accru tout au long des trente dernières années. Depuis vingt ans, les parts de marché françaises en valeur ont néanmoins tendance à s'effriter du fait de l'érosion des services aux entreprises. En revanche, la France maintient ses positions dans les voyages et reconquiert même des parts de marché dans la construction et les communications.

La répartition géographique des échanges de services de la France n'est pas très éloignée de celle des biens. A l'exportation comme à l'importation, le commerce de services avec l'Union européenne représente un peu plus de la moitié de nos échanges, contre un quart pour les Etats-Unis et le Canada et un quart pour le reste du monde.

2) Il est admis que le poids des services dans les échanges européens est encore faible

Le poids des services dans l'ensemble des échanges n'a que faiblement augmenté (il est inférieur à 20 %) et demeure marginal, par rapport à la part de la valeur ajoutée des services dans la production nationale des principaux pays européens (entre 60 et 70 %). Cette dissymétrie entre la part des services dans les échanges et dans la production intérieure semble tenir au caractère souvent peu échangeable des services et renvoie également à certains obstacles, que la directive « services » vise précisément à lever.

Si les grands groupes de services n'éprouvent pas de difficultés à développer leurs activités transfrontalières, ce n'est pas le cas de la plupart des entreprises du secteur, qui sont des PME, et qui, en l'état actuel des choses, ne peuvent pas tirer pleinement avantage du marché intérieur.

Il ressort des analyses des effets des différents programmes relatifs au marché intérieur faites par la Commission que le PIB de l'Union européenne, en 2002, était plus élevé de 1,8 % grâce au meilleur fonctionnement du marché intérieur et qu'environ 2,5 millions d'emplois ont été créés dans l'Union européenne depuis 1992 grâce à l'ouverture des frontières entre Etats membres. Toutefois, ces résultats sont liés à la libre circulation des marchandises plus qu'à celle des services.

3) Il est regrettable que les évaluations de l'impact de la proposition soient insuffisantes

Les travaux très empiriques de l'OCDE confirment que la réforme des cadres réglementaires applicables aux marchés de services pourrait entraîner des avantages économiques significatifs et générer des gains d'un ordre de grandeur équivalent à ceux obtenus depuis 1992 avec la libre circulation des marchandises.

La seule étude économique un peu sérieuse a été faite par le Central Planbureau (CPB) néerlandais, pour le compte de la présidence néerlandaise qui, au deuxième semestre 2004, a essayé en vain d'accélérer la procédure d'adoption du texte, auquel elle était très favorable. L'absence d'étude contradictoire doit donc nous conduire à relativiser la portée des travaux du CPB sur l'impact potentiel de la directive.

L'évaluation du CPB montre qu'une mise en œuvre complète des propositions de la Commission se traduirait par un accroissement de 15 à 35 % des échanges bilatéraux de services marchands à l'intérieur de l'Union européenne, un accroissement du PIB de l'Union européenne de 1 à 3 % et un accroissement des investissements directs étrangers de 15 à 35 %.

Le gain attendu sur les échanges à l'intérieur de l'Union européenne est très variable selon les pays :

- le Danemark pourrait enregistrer un gain de 31 % ;

- pour la Grèce, l'Autriche, l'Allemagne, l'Italie et l'Irlande, le gain serait compris entre 10 et 20 % ;

- pour la France, il serait de moins de 10 %. Ceci s'explique par la structure des échanges des différents pays : les pays qui échangent avec des partenaires dans lesquels les barrières aux échanges sont actuellement similaires enregistrent un effet moins important.

Ces études partielles ne prennent pas en compte plusieurs facteurs significatifs :

- tout d'abord, comme on l'a souligné, la plupart des services sont souvent peu échangeables, soit en raison de la nature de l'activité, soit en raison du type d'entreprises concernées (très petites entreprises qui n'ont pas l'occasion, la vocation ou les moyens de s'établir ou de fournir des services à l'étranger) ;

- des secteurs d'activités économiques très dynamiques, comme les services financiers et les transports sont exclus du champ d'application de la directive ;

- enfin, l'un des principaux gisements en terme de croissance et d'emplois dans le domaine des services aujourd'hui est la création de nouveaux services à la personne. Dans des pays comme la France, ce secteur représente de l'ordre de 3,5 millions d'emplois. L'organisation, la professionnalisation et la valorisation de ce secteur, où de grands groupes pourraient émerger, comme aux Etats-Unis, mais également des aides fiscales et une politique sociale plus adaptée, pourraient permettre de créer dans l'immédiat près de 600 000 emplois.

II. LA MISE EN œUVRE DE LA LIBRE CIRCULATION DES SERVICES, SELON LE PROJET DE DIRECTIVE

A. Un champ d'application large qui reste néanmoins imprécis

1) La définition des services couverts par la directive

L'article 4 de la proposition définit ce qu'est un service : « toute activité économique non salariée consistant à fournir une prestation qui fait l'objet d'une contrepartie économique ». Cette définition est basée sur la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes.

Essayer de donner une liste précise des services couverts par la proposition de directive serait impossible, dans la mesure où le champ des services est illimité et en perpétuelle évolution et où de nouveaux services apparaissent chaque jour.

Le traité CE et la jurisprudence avancent cependant un certain nombre de critères qui permettent d'apprécier si une activité constitue un service (et si la proposition de directive, par conséquent, lui est applicable).

a) L'activité doit être de nature économique

Ce premier critère est intéressant et symbolique des imprécisions qui méritent une réelle clarification du texte. Certes la nature économique de l'activité est affirmée par la directive, elle ne dépend pas du statut juridique du prestataire ou de l'activité en droit interne et le service fourni doit donner lieu à rémunération. Mais elle est interprétée de façon extensive par la jurisprudence de la Cour. Si l'on s'en réfère à son interprétation, le service ne doit pas nécessairement être payé par ceux qui en bénéficient, en particulier dans le domaine des services de santé, qui, bien que d'une nature particulière, sont considérés par la Cour comme économiques.

b) Certaines activités spécifiques sont incluses dans le champ d'application de la directive en fonction de la situation propre dans chaque Etat membre au regard de la jurisprudence

Compte tenu des éléments de définition dégagés par le traité et la jurisprudence, la qualification d'une activité en « service » ne pose pas de problème dans la plupart des cas. Toutefois, certaines activités spécifiques, qui ne sont pas expressément exclues du champ d'application de la directive, doivent nécessiter une appréciation au cas par cas afin de déterminer si elles constituent bien des services. Je crois utile à ce niveau de la présentation de faire un bref rappel de la position de la Cour sur quelques activités particulières :

les services de santé :

Une jurisprudence constante de la Cour de justice a considéré les activités médicales comme des services, qu'elles aient lieu dans un cadre hospitalier ou pas. Il en est de même pour les résidences de personnes âgées. La Cour a précisé que « la circonstance qu'un traitement médical hospitalier est financé directement par les caisses d'assurance maladie sur la base de conventions et des tarifs préétablis n'est, en tout état de cause, pas de nature à soustraire un tel traitement au domaine des services » et qu'« une prestation médicale ne perd pas sa qualification de prestation de services au motif qu'elle serait prise en charge par un service national de santé ou par un régime de prestations en nature ».

La Cour a en outre refusé, sous l'angle de la libre prestation de services, d'établir une distinction selon que le patient acquitte le montant des frais exposés et sollicite par la suite le remboursement de ceux-ci, ou qu'une caisse d'assurance maladie ou un budget public paie directement le prestataire.

Il résulte également d'une jurisprudence constante que la nature particulière de certaines prestations de services ne saurait les faire échapper au principe de libre circulation. Il est compréhensible dès lors que cette lecture juridique puisse s'opposer à la vision de certains Etats, dont la France.

les services de sécurité sociale :

La Cour a considéré que certains organismes chargés de la gestion de régimes légaux d'assurance maladie et d'assurance vieillesse poursuivent un objectif exclusivement social et n'exercent pas une activité économique, en n'ayant aucune possibilité d'influer sur le montant des cotisations, l'utilisation des fonds et la détermination du niveau des prestations. Leur activité, fondée sur le principe de la solidarité nationale, est dépourvue de tout but lucratif et les prestations versées sont des prestations légales, indépendantes du montant des cotisations.

les services d'éducation :

La Cour a estimé que ne constituent pas des services les cours dispensés dans le cadre du système d'éducation nationale. Elle a ajouté que « la nature de cette activité n'est pas affectée par le fait que les élèves ou leurs parents sont parfois obligés de payer certaines redevances ou frais de scolarité en vue de contribuer dans une certaine mesure aux frais de fonctionnement du système ». Cela semblerait indiquer que l'exclusion jurisprudentielle vise aussi bien les établissements d'enseignement public que privé, dans le cadre de l'enseignement obligatoire, mais les considérants de la proposition de directive ne sont pas assez clairement rédigés sur ce point. Leur rédaction devrait être revue pour lever toute ambiguïté.

Par contre, dans une affaire concernant une entreprise organisant contre une rémunération des cours universitaires pour les étudiants, la Cour a jugé que « l'organisation, contre rémunération, des cours de formation supérieure est une activité économique ». Tout l'enseignement supérieur privé, mais également les cours de rattrapage, de vacances, de soutien scolaire, de préparation aux examens et aux concours devraient donc être couverts par la directive. Là aussi, une rédaction plus précise s'impose.

2) Les services expressément exclus dans la proposition de la Commission

a) Les services participant à l'exercice de l'autorité publique

La Commission rappelle que le texte ne s'applique pas aux activités visées à l'article 45 du traité CE, qui admet une dérogation au principe de libre circulation pour les activités participant, même à titre occasionnel, à l'exercice de l'autorité publique.

Cette exclusion est mise en avant par plusieurs Etats membres pour demander que certaines professions juridiques soient sorties du champ d'application de la directive. La Commission, se fondant sur plusieurs décisions de la Cour de justice des Communautés européennes, adopte toutefois une conception restrictive de la participation à l'exercice de l'autorité publique.

b) Les services financiers

Les services financiers sont exclus du champ d'application du texte.

En effet, les services bancaires et financiers sont d'ores et déjà régis au niveau européen par un ensemble de textes qui traduisent une réelle volonté d'harmonisation. Le plan d'action pour les services financiers 1999-2004, qui est en cours d'achèvement et de transposition, constitue un cadre ambitieux permettant de poursuivre la construction de l'Europe de la banque, de la bourse, des assurances et des services d'investissement.

Il n'est donc pas utile de rajouter aux nombreuses directives existantes dans ce domaine une directive horizontale. On ne peut donc qu'être favorable à la décision prise par la Commission européenne d'exclure les services financiers du champ d'application de la directive « services » (l'article 2 de la directive ayant toutefois oublié de faire référence aux fonds de pension professionnels, la Commission devra préciser qu'ils sont également exclus).

c) Les services de transport

La proposition exclut de son champ d'application l'ensemble des services de transport, y compris les transports urbains et les services portuaires, à l'exception des transports de fonds et des transports funéraires. Dans ces deux cas, des problèmes qui ne sont pas spécifiques à la politique des transports ont été identifiés. Ainsi, un nombre important de plaintes a été enregistré de la part de personnes ayant rencontré des difficultés lors du rapatriement du corps d'un proche décédé dans un autre Etat membre. La Commission a estimé qu'il était temps, du fait de la mobilité importante des Européens de régler ces questions, la directive « services » pouvant en donner l'occasion.

Les réseaux et les services de communication électronique ne sont pas non plus couverts dans la mesure où ils font l'objet, depuis 2002, d'un paquet réglementaire spécifique.

B. Un double objectif, la liberté d'établissement et la libre prestation de services

Les consultations conduites par la Commission de 2000 à 2002 ont fait clairement apparaître qu'un ressortissant d'un Etat membre, ou une entreprise, désirant s'établir dans un autre Etat membre pour y exercer une activité de service, ou qui souhaite fournir un service à distance, peut être confronté à un grand nombre de difficultés.

De cet inventaire des obstacles est née la distinction faite entre les situations couvertes par la liberté d'établissement et celles couvertes par la libre circulation des services.

Selon la définition utilisée dans la proposition de directive, l'établissement dans un autre Etat membre implique la mise en place d'une infrastructure stable telle qu'un bureau ou des locaux permanents (par exemple un cabinet médical, un laboratoire, un hôpital, une agence ou un bureau de conseil ou d'ingénierie) permettant l'exercice effectif de l'activité économique poursuivie (article 4, paragraphe 5). Peu importe où se situe le siège social. Peu importe également si le prestataire est propriétaire, locataire ou simple utilisateur de cette infrastructure. Pour toute activité de service exercée au sein d'une infrastructure stable et de manière permanente par le prestataire dans un Etat membre, ce prestataire doit se conformer à l'ensemble des obligations et de la réglementation en vigueur du pays d'accueil.

En revanche, il est question de libre circulation des services lorsqu'un prestataire établi dans un Etat membre se déplace temporairement dans un autre Etat membre sans y disposer d'une infrastructure stable permanente pour y fournir son service. Cela recouvre les cas où le prestataire ne dispose d'aucune infrastructure dans un autre Etat membre et opère entièrement depuis son établissement dans son Etat d'origine, mais aussi les cas où une infrastructure temporaire est créée pour la durée de prestation d'un service déterminé. Et, dans cette optique, selon la directive, les obligations et la réglementation qui s'appliquent sont celles du pays d'origine.

Le caractère temporaire d'une prestation de services doit être déterminé non seulement en fonction de la durée de la prestation du service, mais également en fonction de sa fréquence, de sa périodicité et de sa continuité, conformément à une jurisprudence établie de la Cour de Justice des Communautés européennes.

C. Une double modalité, le principe du pays d'accueil pour l'établissement, le principe du pays d'origine pour la libre prestation

De cet inventaire est née la conviction que par leur complexité et leur rigidité, les obstacles juridiques sont devenus pour les services de véritables frontières qui entravent leur essor dans l'économie européenne, fondée sur la libre circulation des personnes, des biens et des services.

1) Afin de supprimer les obstacles à la liberté d'établissement, la directive prévoit des mesures de simplification administrative dans le pays d'accueil

a) Des dispositions visant à simplifier les procédures d'établissement des prestataires de services

- L'article 5 prévoit la simplification des formalités et des documents à fournir pour l'exercice d'une activité de service. La proposition de directive interdirait aux autorités des Etats membres d'exiger un nombre excessif de documents. Si un Etat demande à un prestataire qui souhaite s'établir sur son territoire de fournir un document prouvant le respect d'une exigence, il doit accepter tout document d'un autre Etat membre, sauf dans les cas prévus par d'autres instruments communautaires, ou sauf si l'exception est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général reconnue par la jurisprudence afin de protéger les consommateurs et les travailleurs.

- Selon les articles 6 et 7, les Etats membres doivent procéder à la mise en place de guichets uniques pour l'ensemble des procédures et des formalités nécessaires à l'exercice des différentes activités de service. Cette obligation est à réaliser au plus tard le 31 décembre 2008.

Tout prestataire ou tout destinataire de services doit aussi pouvoir obtenir par voie électronique toutes les informations nécessaires auprès des guichets uniques, qui doivent répondre dans les délais les plus brefs à toute demande d'information ou d'assistance (article 8).

- Enfin, le projet fixe le principe de l'autorisation tacite en cas d'absence de réponse dans un certain délai.

b) Des dispositions visant à limiter le nombre de régimes d'autorisation

L'article 9 dispose que les Etats membres ne pourront subordonner l'accès à une activité de service à un régime d'autorisation que si celui-ci n'est pas discriminatoire, s'il est objectivement justifié, ou si l'objectif poursuivi ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, comme un contrôle a posteriori.

Les conditions d'octroi et la procédure d'autorisation devraient être claires, non équivoques et rendues publiques à l'avance. Toute demande d'autorisation devra faire l'objet d'un accusé de réception dans les plus brefs délais, indiquant le délai de réponse et mentionnant que l'absence de réponse vaudra autorisation. Tout refus d'autorisation devra être justifié par l'autorité compétente. La durée de l'autorisation ne pourra pas avoir une durée limitée, sauf si le nombre d'autorisations disponibles est limité ou si cette limitation est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général.

Les Etats membres devront en outre recenser leurs régimes d'autorisation et en motiver la compatibilité avec la directive « services » dans un rapport à la Commission. Ce rapport sera communiqué aux autres Etats membres, qui pourront faire des observations.

c) L'interdiction des exigences juridiques particulièrement restrictives qui subsistent dans les législations des Etats membres pour exercer certaines professions

Les exigences interdites sont celles qui sont clairement incompatibles avec la liberté d'établissement, en particulier en raison de leur caractère discriminatoire (critère de nationalité, ou de siège pour une société, ou de résidence). Il peut s'agir aussi de l'obligation pour le prestataire d'avoir son établissement principal sur un territoire donné ou d'avoir exercé pendant un certain temps sur le territoire d'accueil. Les Etats membres sont tenus de les identifier pendant la période de transposition puis de les supprimer.

Les exigences à évaluer sont celles qui produisent des effets restrictifs importants pour la liberté d'établissement, mais peuvent être justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général, si elles respectent le principe de proportionnalité. Il s'agit, par exemple, de restrictions quantitatives, de tarifs obligatoires minimum ou maximum, de limites territoriales, du fait d'imposer à un prestataire d'être constitué sous une forme juridique particulière, ou des exigences relatives à la détention du capital d'une société.

Après avoir évalué ces exigences pendant la période de transposition et si les conditions de non-discrimination, de nécessité et de proportionnalité ne sont pas remplies, les Etats membres seraient tenus de les supprimer. A partir de la date d'entrée en vigueur de la directive, les Etats membres ne pourraient plus introduire de nouvelles exigences de ce type. Les nouvelles dispositions législatives devraient être notifiées à la Commission, qui prendrait une décision sur leur compatibilité avec le droit communautaire.

2) La méthode retenue pour faciliter la libre prestation de services repose sur la généralisation du principe du pays d'origine

a) Le principe du pays d'origine s'applique uniquement en cas de fourniture transfrontalière de services sans établissement

En effet, si un fournisseur de services dispose d'une infrastructure fixe et s'est établi dans un pays tiers, il est entièrement soumis à la loi de ce pays.

Cela signifie que lorsqu'un fournisseur veut fournir ses services dans un autre Etat membre sans y établir une présence permanente, il doit se conformer uniquement aux exigences administratives et juridiques de son pays d'origine. L'application du principe du pays d'origine conduirait l'administration ou le juge à devoir écarter l'application de toute disposition du droit de l'Etat de destination du service.

La méthode, certes, n'est pas nouvelle : elle consiste à appliquer au domaine des services ce qui existe actuellement pour la libre circulation des marchandises avec l'arrêt de la CJCE « Cassis de Dijon » du 20 février 1979 : un produit commercialisé dans un pays de l'Union et respectant la législation en vigueur dans ce pays doit pouvoir circuler partout en Europe.

S'agissant des services, un tel principe peut s'avérer utile pour des services connaissant un bon niveau d'harmonisation. Dans le domaine des services, ce n'est d'ailleurs pas tout à fait un précédent. Mais, dans les quatre directives (Télévision sans frontières, protection des données à caractère personnel, signature électronique, commerce électronique) où il a été fait usage du principe du pays d'origine, le recours à ce principe a correspondu à un degré élevé d'harmonisation et de coordination. Ainsi, pour la directive Télévision sans frontières, il y a une harmonisation partielle des contenus avec l'obligation de quotas, des règles pour la protection des mineurs et, un contrôle de la publicité.

b) Consciente du bouleversement qu'entraîne l'application de cette méthode, la Commission prévoit un grand nombre de dérogations au principe

La directive de 1996 sur le détachement des travailleurs : toutes les matières couvertes par cette directive, telles que le salaire minimum, le temps de travail, la sécurité, les règles d'hygiène et de sécurité sont exclues du principe du pays d'origine. Cela concerne les conditions du travail prévues par la loi et les conventions collectives. Les fournisseurs de services doivent respecter les conditions de travail et le salaire minimum du pays d'accueil, c'est-à-dire de l'Etat membre dans lequel ils détachent leurs travailleurs, et les autorités de ces Etats membres doivent en contrôler le respect (articles 17 et 24 de la proposition).

- les qualifications professionnelles : l'article 17 prévoit que les dispositions de la proposition de directive sur les qualifications professionnelles traitant de la liberté de prestation de services seront exclues du principe du pays d'origine contenu dans la directive services. Dans un souci de qualité des prestations et de sécurité pour les consommateurs cette dérogation est effectivement indispensable. La difficulté vient de ce que la directive sur la reconnaissance des qualifications professionnelles n'est pas encore adoptée et que rien ne garantit les résultats de la seconde lecture de ce texte qui est en cours. Des chevauchements ou des contradictions entre les deux directives ne sont donc pas totalement à exclure, et on ne peut que déplorer, une fois de plus, un manque de coordination entre les commissaires et les directions générales de la Commission.

les contrats avec les consommateurs : en attendant une harmonisation complète des règles sur les contrats avec les consommateurs, l'article 17 dispose que la loi applicable à ces contrats sera déterminée selon la Convention de Rome.

- les exigences spécifiques liées aux caractéristiques du lieu de la prestation : une dérogation au principe du pays d'origine est envisagée pour les exigences spécifiques qui sont inextricablement liées aux caractéristiques particulières du lieu où le service est fourni et qui sont nécessaires pour maintenir l'ordre public, la santé publique, ou la protection de l'environnement, par exemple les règles de sécurité des bâtiments.

III. UNE DIRECTIVE QUI PROVOQUE DE SERIEUSES CRITIQUES

A. En raison de l'abandon de la méthode d'harmonisation au profit du principe du pays d'origine

1) Une rupture radicale avec la conception européenne de la cohésion économique et sociale

Si le principe d'une meilleure intégration des services dans l'Union européenne n'est pas contestable, on ne peut qu'être sceptique quant à la méthode retenue, étonné qu'une démarche aussi radicale soit utilisée pour résoudre de manière horizontale et globale des problèmes sérieux puisqu'ils n'ont pu être résolus jusqu'à présent dans le cadre de l'Acte unique, et surpris que ne soit pas pris en compte l'état actuel de l'Union : l'Europe de 2005 n'est plus la Communauté d'origine. Les disparités sociales, économiques ou culturelles entre les vingt-cinq Etats qui la composent sont aujourd'hui plus fortes qu'elles n'ont jamais été.

Mais, nous devons éviter que ce scepticisme nous conduise, selon nos personnalités respectives, vers deux directions opposées :

- celle du statu quo caractérisé par l'exclusion du marché intérieur des services dont on pressent qu'ils pourraient constituer à l'avenir l'un des points forts de l'économie européenne :

- celle de la marche forcée et de l'électrochoc, sans se soucier des conséquences pratiques d'une concurrence entre législations qui conduirait à un nivellement par le bas des normes de protection des salariés et des consommateurs.

En privilégiant cette seconde approche et en choisissant la fausse simplicité du principe du pays d'origine, la Commission a commis une erreur. Elle a rompu avec la conception européenne de cohésion et de convergence, par l'effort indispensable de rapprochement des législations et elle a oublié que « le bon tempo de la politique européenne est un tempo lent mais régulier », comme l'a écrit le président de la Fondation Robert Schuman. Il a fallu quarante ans pour réussir l'euro. Il faudra peut-être dix ou quinze ans d'efforts supplémentaires d'harmonisation pour achever le marché intérieur. Mais, dans une Europe à 25, 27 ou 28 membres, qui n'a pas encore maîtrisé les conséquences du dernier élargissement, il n'y a pas d'autre méthode pour réussir et progresser.

2) Un facteur de complexité accrue bien inutile

A la lecture de la directive, il n'aura échappé à personne qu'outre des dérogations transitoires jusqu'en 2010, la proposition prévoit 23 dérogations sectorielles et la possibilité pour les Etats d'accorder des dérogations individuelles pour des motifs si généraux qu'ils peuvent concerner un grand nombre d'activités (santé, ordre public, sécurité).

Cette dernière possibilité est toutefois soumise à des conditions tellement restrictives qu'on voit mal concrètement comment elle pourrait s'appliquer et quelle peut être la lisibilité juridique d'un texte qui assortit un principe d'un nombre de dérogations et de conditions suspensives aussi considérable.

Plus encore, au moment où l'Europe propose une Constitution qui vise à rendre son action plus lisible, on comprendrait mal que les institutions ne soient pas capables de présenter un texte plus compréhensible par les citoyens. Si un consommateur ou un entrepreneur européen, qui n'a pas à sa disposition un bataillon de conseillers juridiques, étudie attentivement la proposition de directive, il lui sera en effet très difficile de savoir dans quel cas le principe du pays d'origine est applicable ou pas.

B. En raison des effets pervers de certaines mesures de simplification administrative

La France est favorable sur le principe aux mesures de simplification des démarches administratives et d'administration électronique. Comment pourrait-elle ne pas l'être ? Elle vient d'adopter une série de textes législatifs qui la mettent en avance dans ce domaine sur une majorité d'Etats membres.

La principale réserve qu'on peut formuler sur cet aspect de la directive porte sur le principe d'autorisation tacite en cas d'absence de réponse, qui va à l'encontre de la règle applicable depuis toujours dans notre pays. La loi du 12 avril 2000 n'a pas inversé le principe général selon lequel le silence de l'administration vaut rejet, mais elle a prévu un décret qui fixe la liste des cas de décision implicite d'acceptation. Aller au-delà soulèverait des difficultés pratiques insurmontables.

On ne peut pas non plus être hostile à la limitation du nombre de régimes d'autorisation, à condition de substituer un régime de déclaration à un régime d'autorisation, et à condition que la déclaration s'accompagne d'un contrôle de la qualification professionnelle, pour les nationaux comme pour les ressortissants européens. Ce contrôle permettrait de renforcer la sécurité des consommateurs. C'est notamment ce que propose en France l'Assemblée permanente des chambres des métiers.

Cela supposerait également que la directive sur la reconnaissance des qualifications soit adoptée sans trop tarder. La position commune sur ce projet a été transmise le 13 janvier 2005 au Parlement et la négociation entre dans une phase finale.

Enfin, la suppression de certaines exigences pour l'accès à certaines professions, ainsi que la remise en cause de différents régimes et procédures d'autorisation ne seraient possibles que si de nombreux domaines sensibles comme les services de santé, les services juridiques et les services audiovisuels étaient définitivement exclus du champ d'application de la directive.

C. En raison du mode de fonctionnement de l'ancienne Commission

1) Une Commission trop cloisonnée qui néglige la compatibilité de la directive avec les autres actes communautaires existants ou en cours de négociation

La proposition est l'aboutissement des consultations menées auprès des Etats membres, du Parlement européen ou des parties intéressées depuis le lancement de la stratégie pour un Marché intérieur des services en décembre 2000. En outre, le Comité économique et social européen, ainsi que le Comité des régions, ont fait des contributions substantielles à la stratégie pour le Marché intérieur des services.

Préparée par la Direction générale « Marché intérieur », et notamment par Mme Margot Fröhlinger, sous l'autorité de l'ancien commissaire néerlandais Frits Bolkestein, la proposition de directive a été adoptée par le collège des commissaires le 13 janvier 2004.

Alors que le commissaire Bolkestein et la présidence néerlandaise, notamment le ministre de l'économie Laurens Brinkhorst, avaient affiché la directive comme l'une de leurs plus hautes priorités, la négociation n'a pas encore véritablement commencé. Le Conseil « Compétitivité » a essentiellement procédé à un premier échange de vues, et le Parlement européen, conscient de l'importance du texte et du poids que lui donne la codécision, ne semble pas décidé à précipiter les échéances. Le rapporteur du texte pour la commission « Marché intérieur » du Parlement européen, Mme Evelyne Gebhardt (PSE), manifeste un soutien critique à la directive et multiplie les auditions, de même que les groupes politiques et les autres commissions saisies pour avis.

Le nouveau commissaire au Marché intérieur, l'Irlandais Charlie Mc Creevy, adopte un langage plus mesuré et moins provocateur que son prédécesseur pour défendre le texte, et les services de la Commission, conscients des imprécisions du champ d'application du texte, de sa compatibilité incertaine avec les autres directives et des conséquences du principe du pays d'origine, multiplient les notes explicatives pour tenter de lever certaines ambiguïtés.

Les défauts du texte, sa difficile articulation avec d'autres politiques communautaires, ainsi que les maladresses de Frits Bolkestein, illustrent le mauvais fonctionnement de l'ancienne Commission.

A cet égard, on ne peut qu'approuver les nouvelles orientations arrêtées par la Commission le 22 décembre dernier. José Manuel Barroso, le Président de la Commission, qui souhaite améliorer le processus d'élaboration des politiques par l'exécutif européen, a imposé de nouvelles méthodes de travail plus collégiales avec :

- le regroupement des commissaires au Berlaymont, et des débats politiques internes fréquents et réguliers lors de l'élaboration de nouvelles législations ;

- la concentration des réunions hebdomadaires de la Commission sur les sujets essentiels pour permettre des discussions plus poussées ;

- le recours plus systématique aux analyses d'impact et aux larges consultations publiques ;

- l'accompagnement de chaque initiative importante par un plan de communication spécifique.

En outre, les commissaires seront réunis en groupes de travail, qui permettront des échanges de vues plus politiques que les actuelles consultations techniques entre directions générales de la Commission. L'un de ces groupes se concentrera sur la compétitivité et rassemblera les commissaires en charge de la recherche, de la protection des consommateurs, de la concurrence, du marché intérieur et du commerce.

Il ne fait pas de doute que si cette méthode avait été opérationnelle plus tôt, les erreurs faites par la Commission dans l'élaboration et la présentation de la directive « services » auraient pu en grande partie être évitées.

2) Une Commission trop éloignée des pratiques professionnelles

Depuis plusieurs années, de nombreuses professions ont fait l'effort d'unifier par voie de dispositions générales leurs règles et leurs usages déontologiques, de définir leurs principes d'organisation et de fonctionnement, de contrôler et de coordonner les actions de formation, et de se concerter avec leurs homologues au niveau européen.

C'est le cas en France des différents ordres professionnels : avocats, architectes, notaires, experts comptables, géomètres... C'est aussi le cas, en France et en Europe, de fédérations professionnelles.

Grâce à ces rapprochements, les modifications profondes et l'évolution de nombreuses professions se dessinent aux niveaux communautaire et international. Elles sont au cœur des pratiques professionnelles.

La Commission européenne serait bien inspirée de mieux prendre en compte les propositions souvent très responsables et très constructives qui émanent des milieux professionnels et de ne pas chercher à ignorer, en s'enfermant dans une logique globalisante, les spécificités de chaque pratique professionnelle, qui n'excluent pas la recherche d'une plus grande harmonisation réglementaire.

IV. L'ENTREE EN VIGUEUR DE LA DIRECTIVE NE PEUT ETRE ENVISAGEE SANS UNE PROFONDE TRANSFORMATION DU TEXTE DE LA COMMISSION

Encourager le développement des services en recherchant et en levant les obstacles qui entravent leur progression ne peut que mériter une adhésion dès lors que ce progrès prend en considération les préoccupations économiques et sociales. Mais, on l'a vu tout au long de ce rapport, la directive proposée soulève trop d'inquiétudes sur les conséquences pratiques des principes retenus. Elle est trop incertaine dans son champ d'application, imprécise et opaque dans ses relations avec les autres textes, pour qu'elle ne conduise pas le rapporteur à recommander sa profonde transformation en s'appuyant sur des principes de base raisonnables, clairs, et fidèles à son objectif.

A. Un préalable réaliste : l'abandon du principe du pays d'origine

1) Un principe incompatible avec les disparités de l'Europe à vingt-cinq

L'adhésion de dix nouveaux membres à l'Union européenne s'est traduite par de réels efforts d'intégration de l'acquis communautaire et de rattrapage économique de la part de ces Etats. L'Union européenne elle-même, par les aides de préadhésion, puis par la politique de cohésion et les fonds structurels, contribue à la réduction des disparités entre ses membres. L'exemple récent de l'Irlande, du Portugal ou de la Grèce, est là pour témoigner de l'efficacité de ces politiques.

Pourtant, force est de reconnaître qu'en termes de modèle social, de protection sociale, de système de santé, de système juridique, de salaire brut, de PIB par habitant, d'impôts sur les entreprises, de système de retraite, subsistent de multiples disparités qui font obstacle à la mise en œuvre d'un principe intellectuellement séduisant mais pratiquement inapplicable.

2) Un risque de dumping social et juridique qui favoriserait la concurrence déloyale et la baisse de qualité de l'offre de services

C'est dans le domaine social et juridique que cet irréalisme du principe du pays d'origine apparaît le plus évident. Cette analyse ne se fonde pas sur une position partisane ou idéologique, mais sur la lecture de certaines dispositions de la directive, qui laissent la porte ouverte à une concurrence déloyale, au détriment des salariés, des consommateurs et des entreprises.

a) La dérogation en faveur de la directive "détachement des travailleurs" n'écarte pas tout risque de dumping social

Comme on l'a souligné, la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs confère à l'Etat d'accueil le rôle de contrôler les conditions d'exercice de l'activité. Il peut être assisté en cela par le pays d'origine.

Le projet de directive « services » ne contredit pas ce principe, une exception étant en effet aménagée à l'article 17.

Toutefois, ce principe ne risque-t-il pas d'être rendu inopérant du fait d'une impossibilité de pouvoir procéder à des contrôles effectifs ? L'Etat d'accueil qui aura la charge de contrôler les conditions de détachement et de réalisation de l'activité sera dans l'incapacité d'exiger toute autorisation ou déclaration (en raison de leur suppression par une autre disposition de la directive « services ») et sera ainsi privé des moyens de contrôle.

Pour sa part, l'Etat d'origine devra accomplir les vérifications préalables au détachement. Pour cela, il aura pour tâche de confronter ses règles à celle du pays de détachement, c'est-à-dire qu'il devra avoir les moyens de connaître le droit applicable dans 25 pays. De plus, ce contrôle sera limité par le fait qu'il n'aura pas les moyens de procéder aux vérifications sur place.

Cette disposition, on le voit bien, est susceptible de mener dans les faits à une impossibilité de contrôler les salariés détachés et ainsi de favoriser toutes sortes d'opérations frauduleuses et le développement du travail clandestin.

Ainsi, bien que les objectifs poursuivis soient favorables aux développements des PME à l'exportation, la mise en place de certaines dispositions de la directive est de nature à favoriser des situations de discrimination et de concurrence déloyale qui s'apparentent à un véritable dumping social.

b) Le renforcement de l'insécurité et du dumping juridique

(1) L'insécurité juridique en matière pénale

L'interdiction faite en France à l'autorité judiciaire d'appliquer la loi pénale française à un prestataire étranger porterait atteinte au principe de territorialité de la loi française. Selon l'analyse du ministère de la justice, ce principe relève, dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, des conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.

(2) L'insécurité juridique en matière de droit international privé

La prééminence du principe du pays d'origine sur les règles de conflit de loi prévues par les conventions communautaires porterait atteinte à la sécurité juridique au détriment des prestataires et des destinataires de services. M. Marc Guillaume, directeur des affaires civiles au ministère de la justice, auditionné sur ce sujet par la commission du marché intérieur du Parlement européen, a donné l'exemple suivant : une entreprise établie en France qui fournirait des services en Pologne et en Allemagne pourrait être jugée dans ces deux pays selon la loi française, mais selon une interprétation et une jurisprudence qui pourraient profondément diverger entre les juridictions française, polonaise et allemande.

(3) Le risque de dumping juridique

Alors que la dérogation prévue au principe du pays d'origine en faveur de la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs limite le risque de dumping social, l'un des effets les plus probables de la directive serait en fait un véritable dumping juridique. La règle de conflit de loi impliquée par le principe du pays d'origine entraînerait une compétition juridique entre Etats membres pour attirer des entreprises, qui pourraient alors opérer dans l'ensemble de l'Union européenne avec un droit moins protecteur. La conséquence en serait un nivellement par le bas et une diminution du niveau global de protection des consommateurs. Or, la protection des consommateurs a toujours été un objectif prioritaire de l'Union européenne. Sembler la remettre en cause à travers cette directive est pour le moins contradictoire et maladroit.

3) Un principe inapplicable en l'absence d'un haut niveau d'harmonisation des secteurs concernés

Il serait incontestablement dangereux d'ouvrir le risque d'une reconnaissance mutuelle généralisée, à travers le principe du pays d'origine, sans un effort préalable d'harmonisation.

Or, le niveau optimum d'harmonisation ne peut être défini que secteur par secteur, et non pas en cherchant à intégrer toutes les professions et tous les services dans un même dispositif, comme veut le faire la Commission, alors que beaucoup des secteurs concernés n'ont absolument rien en commun. On ne peut plus se contenter de principes généraux globalisants.

L'objectif de cette transformation du texte serait de concilier l'impact économique de l'achèvement du marché intérieur, avec le maintien d'un niveau élevé de protection des consommateurs, et de sécurité juridique pour l'ensemble des acteurs économiques de l'Union européenne.

B. Les deux conditions à satisfaire pour soutenir le principe de la libre circulation des services dans l'Union

1) Délimiter de manière explicite les contours du champ d'application

a) La directive ne doit pas concerner les services publics (SIG)

Contrairement à une confusion très largement répandue et à laquelle la Commission européenne n'est pas totalement étrangère, la proposition de directive ne porte pas, en principe, sur les services publics, dits « services d'intérêt général ». Son champ d'application couvre toutefois les services d'intérêt économique général.

La Commission assure que la proposition de directive est cohérente avec le « Livre blanc sur les services d'intérêt général », auquel M. Christian Philip a consacré un rapport remarquable et qu'elle ne préjuge en rien des suites qui seraient réservées à ce Livre blanc.

La Commission affirme également que sa proposition de directive ne vise en aucun cas à affecter la liberté des Etats membres de définir ce qu'ils considèrent comme des services d'intérêt général, de déterminer la manière dont ces services doivent être organisés et financés. Elle n'impose pas de privatiser les activités qui sont considérées comme des services d'intérêt économique général ni de les ouvrir à la concurrence.

Toutefois, pour les services déjà ouverts à la concurrence dans certains Etats (par exemple, la distribution du gaz ou de l'électricité ou certaines livraisons express), seule la partie de la directive relative à la liberté d'établissement serait applicable. Le texte n'applique pas le principe du pays d'origine dans ces secteurs et n'affecte donc pas la faculté des Etats d'imposer des obligations en matière de prix, de qualité et de sécurité d'approvisionnement.

Pour ceux qui ne sont pas ouverts à la concurrence dans certains Etats membres, par exemple la distribution d'eau, les services postaux de base ou la collecte des déchets, la proposition de directive n'impose pas aux Etats membres de les ouvrir à la concurrence ou de permettre l'établissement d'opérateurs d'autres Etats membres.

Toutes ces précisions, qui devraient être de nature à rassurer les défenseurs des « services publics à la française », sont fournies par les services de la Commission dans leurs commentaires sur la proposition de directive. On ne les retrouve pas de façon aussi explicite dans le texte de la directive elle-même.

C'est la raison pour laquelle le rapporteur suggère qu'un nouveau considérant précise clairement que la proposition ne doit s'appliquer à aucun service public ou SIG, même pour la liberté d'établissement des services d'intérêt économique général, qu'elle n'impose pas aux Etats membres d'ouvrir ceux-ci à la concurrence, pas plus qu'elle n'affecte la manière dont ils sont financés ou organisés.

Exclure expressément tous les services publics du champ d'application de la directive « services » ne doit pas pour autant conduire l'Europe à faire du sur place. Dans la continuité des travaux effectués à l'Assemblée nationale par M. Christian Philip ou au Parlement européen par M. Philippe Herzog, le rapporteur est favorable à la préparation rapide d'une directive-cadre de l'Union européenne sur les services d'intérêt général, que réclament depuis longtemps certains Etats comme la France et la Belgique.

Il convient de souligner qu'en utilisant le présent de l'indicatif pour prévoir que la loi européenne « établit » et « fixe » les principes et conditions permettant aux services d'intérêt général d'accomplir leurs missions, l'article III-122 du Traité instituant une Constitution pour l'Europe semble en faire une prescription impérative, qui obligera la Commission à utiliser son monopole d'initiative pour présenter une proposition de loi européenne. On peut même penser qu'un recours en carence devant la Cour de justice des Communautés européennes serait peut-être fondé si la Commission s'abstenait de présenter une telle proposition.

b) Les exclusions spécifiques demandées par la France doivent être acceptées

Lors de la négociation du texte en Conseil « Compétitivité », la France demandera, outre les exclusions d'ores et déjà prévues par la Commission, de ne pas inclure dans le champ d'application de la directive les professions juridiques réglementées, les services audiovisuels et culturels, les services de santé, d'aide sociale et médico-sociale et les jeux d'argent.

(1) Les professions juridiques réglementées

Les conceptions restrictives adoptées par la Cour de justice des Communautés européennes en matière d'exceptions au principe de libre circulation pour les activités participant à l'exercice de l'autorité publique et la rédaction de la proposition de directive, laissent penser que le texte de la Commission pourrait remettre en cause le statut des professions juridiques réglementées qui ne bénéficient pas de directives sectorielles d'harmonisation.

En France, ces professions revêtent une importance toute particulière. Certaines d'entre elles ont le statut d'officiers ministériels nommés par le ministre de la justice. Il s'agit des notaires, des huissiers, des avoués près les Cours d'appel, des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, des commissaires-priseurs et des greffiers des tribunaux de commerce.

Or, s'il est aisé de démontrer que certaines de ces professions participent effectivement à l'exercice de l'autorité publique (greffiers des tribunaux de commerce, huissiers de justice), ce n'est pas le cas pour les avoués ou les avocats au Conseil. Quant aux notaires, la diversité de leurs activités ne permet pas, a priori, de les exclure totalement du champ d'application de la directive.

C'est la raison pour laquelle l'interprétation jurisprudentielle de l'article 45 étant trop restrictive, la France demande une exclusion spécifique pour les officiers ministériels, qui constituent des acteurs à part entière du service public de la justice, dont l'organisation et le fonctionnement demeurent de la compétence des Etats membres.

Le rapporteur ne peut qu'approuver cette démarche. En effet, la réglementation de ces différentes professions est absolument indissociable des principes fondamentaux de l'organisation judiciaire française, qui diffère sensiblement de celle d'autres Etats membres, et notamment le Royaume-Uni. Dans notre système de droit écrit, les officiers ministériels contribuent notamment à l'élaboration de la preuve, à l'établissement et à la conservation des contrats, et à l'authentification des actes.

L'ensemble des activités exercées par les notaires vise à garantir un impératif de sécurité juridique.

De même, les huissiers accomplissent une mission de signification des titres exécutoires et de recouvrement judiciaire des dettes. Les avoués et les avocats au Conseil engagent les procédures devant les Cours d'appel et les juridictions suprêmes administratives et judiciaires.

Il n'est donc pas possible de remettre en cause notre système de droit écrit et de renforcer l'insécurité juridique en incluant ces professions dans un texte consacré aux services économiques.

En outre, les exigences en terme de qualification et de formation imposées à ces professions et les régimes de responsabilité financière et disciplinaire qui leur sont imposés constituent des garanties de compétence et de qualité pour les consommateurs. Il serait dangereux de les remettre en cause par le développement d'un dumping juridique qui fragiliserait le système judiciaire français.

L'ensemble de ces arguments justifierait que la Commission reconnaisse la spécificité des professions juridiques réglementées qui n'ont pas fait l'objet de directives sectorielles en les excluant entièrement du champ d'application de la directive.

Comme on le verra plus loin, d'autres professions libérales comme les avocats, les architectes ou les géomètres, qui bénéficient de directives sectorielles, ne demandent pas à être exclues du champ d'application de la directive, mais à obtenir une dérogation temporaire au principe du pays d'origine, pour des raisons d'intérêt général.

(2) Les services audiovisuels et culturels

Le projet de directive inclut les services audiovisuels dans son champ d'application.

Sont concernés l'ensemble des services audiovisuels (cinéma, radio, télévision, communication en ligne de contenus audiovisuels, services de presse en ligne), les services d'agence de presse et de distribution de la presse, ainsi que les services de publicité.

Si les services d'intérêt économique général qui existent dans le secteur sont inclus dans le texte, le service public de la radio et de la télévision n'est pas affecté, dans la mesure où, en application du principe de subsidiarité, le protocole annexé au traité d'Amsterdam réserve son organisation et la définition de ses missions à la compétence exclusive des Etats membres. La Commission rappelle une fois encore dans la présentation de la directive « services » que le texte ne touche pas à la liberté des Etats membres de définir ce qu'ils considèrent comme des services d'intérêt général et comment ces services fonctionnent.

La grande majorité des professionnels de l'audiovisuel ont demandé au gouvernement français de soutenir l'exclusion des services audiovisuels et des services de presse du champ d'application de la directive. Le Gouvernement, au nom de la défense de la spécificité culturelle et de la diversité culturelle, défend cette exclusion dans le cadre des négociations engagées au Conseil « Compétitivité ».

Le rapporteur ne peut que partager le même point de vue. Bien que certains groupes privés de télévision considèrent que la directive leur permettrait un accès plus facile aux fréquences anglaises ou allemandes, la demande de la France est cohérente avec la position adoptée dans le cadre des négociations avec l'OMC.

De plus, les services audiovisuels font déjà l'objet d'une approche spécifique au niveau communautaire. La directive « Télévision sans frontières » de 1989, modifiée en 1997, est à même de traiter des services audiovisuels au niveau européen. Des travaux de révision, voire d'élargissement de cette directive à d'autres services que la télévision sont engagés. La directive « services » ne doit pas interférer avec ces travaux, en les rendant inutiles.

La directive « services », qui vise à limiter le nombre et la portée des régimes d'autorisation, et à supprimer certaines des exigences auxquelles sont soumis les prestataires de services pour l'accès à certaines professions, remettrait en cause les dispositifs mis en place par la France pour gérer les fréquences, assurer le pluralisme des médias, et promouvoir la création culturelle :

- le régime d'autorisation auquel sont soumises les stations de radio et les chaînes de télévision pour l'usage des fréquences hertziennes (avec le rôle de régulation du CSA) ;

- les quotas de diffusion d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles d'expression française à la télévision ;

- les quotas de chansons françaises à la radio ;

- les limitations des participations étrangères dans le capital des entreprises de radiodiffusion ;

- les contributions financières obligatoires au développement de la production et au soutien de l'industrie cinématographique ;

- l'autorisation préalable requise pour l'ouverture des salles multiplex de plus de 800 places ;

- l'autorisation des agences de presse étrangères à exercer leur activité sur le territoire national ;

- le groupage et la distribution des journaux périodiques par les messageries de la presse.

Ces régimes d'autorisations ne sont pas tous justifiés. Mais il appartient aux Etats membres de les évaluer et non pas à la Commission car, comme l'a bien souligné Jacques Toubon, « ces services contribuent de façon substantielle à la formation de l'opinion publique et des identités culturelles des Etats membres, ce qui justifie le maintien des encadrements nationaux adaptés à la diversité des situations nationales, conformément au principe de subsidiarité ».

De même, si le principe du pays d'origine ne pose pas de difficultés majeures pour la télévision, dans la mesure où il était déjà posé par la directive « Télévision sans frontières », ce principe doit être combiné avec des mesures d'harmonisation. Des dérogations spécifiques pour la protection de l'ordre public et la protection des mineurs doivent être renforcées. En outre, l'application du principe à la radio, au cinéma et à la presse entraînent des risques considérables non évalués par la Commission qui justifieraient largement la demande de dérogation en faveur des secteurs de l'audiovisuel et de la presse.

(3) Les services de santé, d'aide sociale et médico-sociale

En matière de santé, la Commission soutient que la proposition de directive ne vise qu'à supprimer, sur la base de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, les restrictions abusives et discriminatoires à la liberté d'établissement et à la liberté de prestation de services. Elle ne vise pas en principe à interférer dans la manière dont les Etats membres financent et organisent leurs systèmes de sécurité sociale et leurs modes de prestation de services.

Un des effets de la proposition de directive visé par la Commission serait de clarifier le droit des patients à bénéficier, sous certaines conditions et dans certaines limites, de la prise en charge de soins non hospitaliers dispensés dans un autre Etat membre sans nécessiter une autorisation préalable de la part de leur régime national de sécurité sociale. Cette approche est complémentaire de celle du règlement 1408/71 pour les traitements en milieu hospitalier dans un autre Etat membre (les coûts sont pris en charge par leur propre système de sécurité sociale lorsque les patients ont une autorisation de ce système pour suivre leur traitement).

La proposition de directive énonce en outre des obligations de transparence et d'information pour les prestataires de soins de santé. Enfin, les dispositions relatives à la coopération administrative pour le contrôle de ces prestataires, en cas d'activités transfrontalières, s'appliqueraient également aux services de santé. Cela renforcerait l'information et la protection des patients à travers l'Europe, notamment lorsqu'ils se déplacent dans le pays d'établissement du prestataire, ce qui n'est pas négligeable quand on constate qu'un récent sondage indique que 64 % des Européens sont disposés à se rendre dans un autre pays européen pour y recevoir un traitement médical(1).

La proposition de la Commission peut sembler séduisante en anticipant des évolutions que l'on voit aujourd'hui se dessiner dans certaines régions frontalières, comme le nord de la France, à proximité du Royaume-Uni ou de la Belgique.

Elle présente toutefois plusieurs inconvénients majeurs :

- tout d'abord, et ce n'est pas le moindre, alors que nous nous apprêtons à mettre en place dans le cadre du nouvel article 88-5 de notre Constitution, en prévision de l'entrée en vigueur du traité constitutionnel, un contrôle renforcé des parlements nationaux sur la subsidiarité, elle est contraire au principe de subsidiarité.

En effet, le traité constitutionnel dispose que l'action de la Communauté dans le domaine de la santé respecte pleinement les responsabilités des Etats membres en matière d'organisation et de fourniture des services de santé et des soins médicaux. Or, la proposition de directive conférerait à la Commission un droit de regard sur l'économie de notre système de santé, notre politique de maîtrise des dépenses et d'organisation territoriale ;

- deuxièmement, c'est en matière de remboursements des soins médicaux que la directive est la plus imprécise. La proposition prévoit le droit du patient à obtenir le remboursement des soins médicaux encourus en dehors du pays de résidence. Le remboursement des soins délivrés en dehors des milieux hospitaliers sera équivalent au montant du remboursement dans le pays de résidence. Pour les soins en hôpitaux, le remboursement est obligatoire si les soins ne peuvent être délivrés dans un délai médicalement justifiable dans le pays de résidence du patient, compte tenu de l'état de santé de ce dernier.

Dans les pays membres dotés de systèmes de santé financièrement plus fragiles, la directive aura pour effet d'inciter les prestataires de santé à privilégier les patients issus de systèmes plus forts qui leur garantissent une certaine sécurité dans les paiements et à qui ils peuvent également facturer des frais plus importants.

On ne peut également que déplorer le fait que la directive soit muette sur la question du remboursement des frais de voyage dans un autre pays membre, excluant ainsi les personnes qui n'ont pas les moyens de voyager.

Un autre grief concerne le fait que la directive pourrait inciter le patient à tirer un avantage financier de son traitement médical, dans la mesure où le montant du remboursement dans le pays de résidence peut dépasser le coût du traitement dans un autre pays. Une telle aberration serait moralement et économiquement indéfendable, au moment où de nombreux Etats dont la France sont engagés dans un effort de maîtrise des dépenses de santé et de lutte contre les gaspillages. Il est singulier que la Commission n'ait pas prévu de garde-fou dans son texte sur ce point, ce qu'elle a reconnu sur le tard dans une note au Conseil du 16 juillet 2004.

Ainsi, si les propositions de la Commission en matière de santé méritent réflexion, elles présentent en l'état actuel de leur rédaction plus d'inconvénients que d'avantages, ce qui justifie une demande d'exclusion de ce secteur du champ d'application d'une directive qui vise essentiellement les services marchands et ne peut pas prendre en compte le caractère particulier des services de santé.

(4) Les jeux d'argent

Le secteur des jeux relève davantage de l'ordre public que du marché intérieur. En France, des droits spéciaux bénéficient, pour des raisons d'intérêt général, aux deux grandes institutions du secteur, la Française des jeux et le PMU. Or, la directive « services », qui ne changerait rien au régime des casinos, remettrait ces droits en cause.

- La Française des jeux

Partout en Europe, il existe un système de loterie d'Etat, à l'exception de la Grande-Bretagne où, parallèlement à la National Lottery, les bookmakers peuvent librement prendre des paris.

Ce régime juridique correspond, pour la Française des jeux, à des raisons impérieuses d'intérêt général :

- assurer la survie d'un réseau de 40.000 points de vente, et notamment de nombreux bureaux de tabac et maisons de la presse, ce qui a un impact considérable en terme d'emplois et d'aménagement du territoire ;

- vouloir empêcher que les jeux d'argent soient une source de profit individuel, éviter les risques de délits et de fraudes, protéger les mineurs, éviter les conséquences individuelles et sociales dommageables résultant de l'incitation à la dépense, afin de protéger les consommateurs et l'ordre social. La dépendance au jeu peut générer un coût social pour la collectivité, qu'il ne faut pas encourager ;

- à travers les prélèvements fiscaux et le mécénat sportif et culturel, l'argent du jeu doit aller vers l'intérêt général et bénéficier au public, non à l'enrichissement de quelques-uns uns (alors que l'ouverture du marché des jeux entraînerait la privatisation des profits et la socialisation des pertes) ;

- le monopole est facilitateur des contrôles de la police des jeux et de la justice, afin de renforcer la sécurité publique et de lutter contre la criminalité organisée.

Dans son arrêt Gambelli (6 novembre 2003), la CJCE estime que les mesures de restriction à la libre prestation de services (et donc les monopoles des loteries nationales) ne sont justifiées que si les autorités nationales mettent en œuvre une politique visant notamment à limiter les occasions de jeux.

Alors que la Commission prétend, avec la directive « services », codifier plusieurs jurisprudences récentes de la CJCE, cet arrêt ne remet pas en cause la jurisprudence antérieure qui a laissé aux Etats le soin de décider des restrictions à apporter à la libre prestation de services pour protéger l'ordre public. La CJCE semble appeler un renforcement du contrôle et de la régulation des jeux, non leur atténuation ou leur disparition.

En définitive, on voit mal en quoi ouvrir l'Europe aux mafias du jeu ou aux bookmakers anglais pourrait être le moyen d'arriver plus rapidement à l'objectif de Lisbonne, ce qui, ne l'oublions pas, est la principale justification de la directive « services ».

L'exclusion du secteur des jeux du champ d'application de la directive doit être intégrale et définitive. En effet, dans une version révisée de la directive, la Commission propose une dérogation temporaire dans l'attente d'une directive d'harmonisation sectorielle. Cela n'aurait aucune justification et serait contraire à l'engagement formel du Conseil européen d'Edimbourg en 1992.

Dans l'immédiat, ce dont le secteur des jeux semble avoir besoin, c'est, d'une part, d'une clarification de la jurisprudence de la CJCE, et notamment du concept ambigu de « limitation des occasions de jeux » et, d'autre part, d'un texte JAI spécifique aux jeux pour renforcer la lutte contre le blanchiment.

le PMU

L'ensemble de l'«Institution des Courses » a été organisé par l'Etat dans le cadre de la loi du 2 juin 1891 dans le seul but de favoriser l'élevage des chevaux de courses en France. Afin de s'assurer du respect de cette finalité, la loi a placé les sociétés de courses et le Pari Mutuel Ubain (PMU) sous la triple tutelle des ministères de l'agriculture, des finances et de l'intérieur.

Les sociétés de courses ont été constituées sous la forme d'associations à but non lucratif relevant de la loi du 1er juillet 1901.

Certaines d'entre elles, autorisées à organiser le pari mutuel hors des hippodromes à l'échelon national, se sont regroupées pour mettre en commun leurs moyens techniques dans un GIE, le PMU, pour gérer au moindre coût les taches d'organisation du pari mutuel hors des hippodromes.

L'activité des sociétés de courses se caractérise comme étant exclusivement consacrée et tournée vers l'élevage, activité économique agricole, reconnue par la directive du 26 juin 1990.

Pour les sociétés de courses, le pari constitue le moyen de renforcer cette activité unique qu'est l'élevage.

Le nombre d'emplois du secteur hippique est très important (près de 60 000). Il s'agit d'emplois directs (haras, personnels s'occupant de l'entretien et de la médecine du cheval, éleveurs et personnels des élevages, négociants, personnels des sociétés de courses, des hippodromes et du PMU, entraîneurs et personnels des écuries, cavaliers et jockeys) ou d'emplois liés au secteur hippique (selliers, bourreliers et gainiers, presse hippique, formation et recherche, transport, assurances, alimentation, équipements et matériels).

En outre, l'activité hippique concourt à la politique d'aménagement du territoire ou au développement de l'économie du tourisme.

Il n'existe pas moins de 250 hippodromes en France, soit la moitié des hippodromes européens. Leur importance est souvent déterminante dans la vie locale.

Outre des risques de dérives mafieuses et de troubles à l'ordre public et à l'ordre social analogues à ceux évoqués pour la Française des jeux, l'inclusion des paris sur les courses hippiques dans la directive « services » remettrait en cause l'économie de la filière. La concurrence serait faussée dans la mesure où les opérateurs européens qui pourraient être autorisés à prendre des paris sur des courses dans les hippodromes français ne subiraient pas les mêmes prélèvements fiscaux (28 %), n'auraient pas les mêmes frais et les mêmes obligations d'intérêt général en faveur de l'élevage et pourraient donc redistribuer une plus grande part de l'argent du jeu aux parieurs. Or les courses hippiques ne sont pas qu'un jeu d'argent. C'est aussi un spectacle extrêmement coûteux. C'est également une activité économique agricole reconnue mais fragile, qui nécessite de gros investissements sans rentabilité immédiate. Le rapporteur considère donc que la demande d'exclusion formulée dès la présentation de la directive au début de 2004 par le président du PMU et les sociétés de courses est pleinement justifiée.

2) Définir clairement l'articulation avec les autres directives

a) Affirmer la primauté des directives sectorielles

On peut estimer qu'une superposition des dispositions de cette directive à caractère transversal avec les instruments sectoriels préexistants créerait des contradictions inévitables entre ces différents textes. Cette superposition pose d'ailleurs un problème de lisibilité de la réglementation européenne, ce qui est peu conforme à la logique de simplification mise en avant par la Commission.

A cet égard, les dispositions de l'article 3, selon lesquelles « l'application de la présente directive n'exclut pas l'application des dispositions des autres instruments communautaires concernant les services qu'elles régissent » est particulièrement ambiguë. Le rapporteur souhaite voir clairement inscrire, à l'article 3, la primauté des instruments sectoriels existants sur cette directive.

b) Eviter les contradictions avec d'autres directives horizontales

La Commission prétend que la proposition s'articule de manière cohérente avec les autres instruments communautaires existants ou en préparation et que lorsqu'une activité de service est déjà ouverte par un ou plusieurs instruments communautaires les textes s'appliqueront de manière cumulative.

Or, plusieurs directives ou propositions de directives se chevauchent sensiblement, leurs relations devant être clarifiées sur plusieurs points essentiels.

C'est notamment le cas de la proposition de directive sur la reconnaissance des qualifications, qui comporte des points de divergence avec la directive « services » sur les formalités administratives, les contrôles, l'enregistrement et la coopération administrative.

C'est le cas également de la proposition de directive sur le remboursement des soins de santé, de la proposition de directive sur les pratiques commerciales déloyales, de la proposition de règlement sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, du Livre vert sur la transformation de la Convention de Rome, sans parler, dans un cadre non communautaire, des négociations de l'OMC.

Ces différents instruments soulèvent tous de réelles difficultés de compatibilité avec les dispositions de la directive « services », qui ont été soulignées tout au long du présent rapport, et qui entachent la crédibilité de la démarche de la Commission.

CONCLUSION

En présentant la proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur, le 13 janvier 2004, la Commission européenne semble avoir commis une double erreur :

- une erreur de calendrier, car on ne cherche pas à achever le marché intérieur à marche forcée, qui plus est dans les secteurs d'activité les plus complexes et les plus sensibles, en même temps qu'on élargit l'Europe à dix nouveaux Etats membres et qu'on propose aux peuples et aux parlements de l'Union de ratifier un traité établissant une Constitution pour l'Europe ;

- une erreur de méthode, car en intégrant dans le champ d'application du texte une partie des services d'intérêt général, et en mettant en avant le principe du pays d'origine, la Commission européenne semble renoncer à progresser dans la voie de l'harmonisation progressive du droit et de la préparation d'un cadre juridique spécifique pour les services publics.

La France et la Belgique ont été, parmi les Etats membres, les premiers à s'opposer à certaines des dispositions du texte. Le Président Jacques Chirac lui-même a rappelé la nécessité d'une très grande vigilance sur une directive dont certains aspects sont très critiquables.

Les parlementaires européens français de toutes les sensibilités politiques, en liaison avec Mme Claudie Haigneré et avec les services de la Représentation permanente, très efficaces sur ce dossier comme sur beaucoup d'autres, se sont mobilisés pour défendre de nombreux amendements à la proposition.

La codécision imposée par l'article 251 du traité, mais également le poids politique renforcé acquis par le Parlement européen depuis son récent renouvellement, laissent espérer que la directive sera profondément transformée avant que les négociations entre Etats ne s'ouvrent au cours du deuxième semestre de cette année en Conseil Compétitivité.

De son côté, l'Assemblée nationale, en étant la première assemblée parlementaire d'un Etat membre à appeler l'attention sur l'importance de ce texte et sur ses dangers, a désigné votre rapporteur dès le 15 juin 2004, alors que les principaux secteurs professionnels concernés n'étaient même pas avertis de l'existence de la directive ou n'avaient pas encore eu le temps de l'analyser en détail.

Depuis, plusieurs Parlements nationaux, et en particulier le Bundestag allemand, se sont saisis du texte et ont, à leur tour, commencé des auditions et des consultations. Nous sommes entrés en contact, nous avons échangé nos informations et, pour l'essentiel, nous partageons les mêmes conclusions.

Cette forte mobilisation de nos collègues de tous les Etats membres, dont l'initiative de la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale a été le déclencheur, pourrait bien préfigurer un renforcement durable du contrôle exercé par les Parlements nationaux sur les affaires européennes, grâce au nouvel élan démocratique que le futur traité constitutionnel donnera à l'Europe.

{texte de la conclusion...}

TRAVAUX DE LA DELEGATION

La Délégation s'est réunie, le mercredi 2 février 2005, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d'information.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, dont la qualité a été soulignée par le Président Pierre Lequiller, un débat s'est engagé.

M. Jérôme Lambert a souligné l'importance qu'attachent les socialistes à la mobilisation contre ce projet de directive, comme en témoigne l'intervention de M. Pierre Cohen lors des questions au Gouvernement, ainsi que la présence à cette réunion de M. Jean-Marc Ayrault, Président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale et de M. Bernard Poignant, président de la délégation française des députés socialistes au Parlement européen. Puis il a salué le travail réalisé par le rapporteur, tout en indiquant qu'il prônait pour sa part le rejet des principes qui sous-tendent la directive, conformément à une proposition de résolution déposée en ce sens par le groupe socialiste.

Exprimant les craintes que lui inspire ce texte, il a indiqué que la proposition de directive ignorait totalement l'objectif d'une plus grande cohésion sociale pourtant fixé dans le cadre de la stratégie de Lisbonne. Le texte est également contraire à plusieurs dispositions constitutionnelles, à commencer par le principe d'égalité devant la loi ; en outre, il est manifestement contraire au principe de subsidiarité et provoquera une très grande insécurité juridique. L'application du principe du pays d'origine conduira à la coexistence de vingt-cinq législations différentes sur un même territoire, et favorisera inévitablement toutes formes de dumping fiscal, social et environnemental au point de provoquer un véritable éclatement de l'Europe. Il a souligné l'inspiration ultralibérale de la proposition de la Commission, d'autant qu'aucun contrôle ne sera possible sur la qualité des services ni sur les conditions de travail. Puis il s'est interrogé sur les intentions de la Commission Barroso quant à l'avenir de ce texte et sur l'existence ou non d'une minorité de blocage au Conseil. A cet égard, il a déploré que les progrès en matière sociale nécessitent l'unanimité lorsque la majorité qualifiée suffit pour porter atteinte à la protection sociale.

M. Marc Laffineur a condamné le projet de directive avec fermeté, se déclarant « scandalisé » par ce texte qui comporte un risque évident de dumping social et de concurrence déloyale. Fervent partisan de la construction européenne, il a estimé que la directive mettait en danger la conception ambitieuse de l'Europe qui est la sienne et a déploré la maladresse du Président sortant de la Commission, M. Romano Prodi. Il s'est en revanche félicité des déclarations du Président de la République et du Premier ministre demandant une remise à plat du projet de directive et a salué les récentes clarifications apportées par le Président de la Commission. L'entrée en vigueur du Traité constitutionnel européen donnera plus de pouvoirs au Parlement européen mais aussi aux Parlements nationaux pour éviter que ne se reproduise une telle caricature qui nuit à l'image de l'Europe ; c'est une raison supplémentaire pour faire campagne en faveur du oui au référendum.

M. Christian Philip a établi une distinction entre le principe de la réalisation du marché intérieur des services, qu'il faut approuver, et le texte de la directive. En réalité, la précédente Commission s'est trompée sur trois points :

- tout d'abord sur la méthode : on ne peut appliquer le principe du pays d'origine sans avoir préalablement commencé par l'harmonisation, au risque de multiplier les dérogations rendant inopérante la règle générale ;

- ensuite, il aurait été souhaitable d'engager ce processus par l'adoption préalable d'une directive sur les services publics ;

- enfin, il aurait fallu délimiter le champ d'application de la directive. Les transports sont exclus, mais pas les services audiovisuels, sans justification.

La mobilisation autour de la directive « services » n'est pas symptomatique d'un mauvais fonctionnement de l'Europe ; car c'est bien le rôle du Parlement européen comme des parlements nationaux que de dire non à la Commission lorsqu'elle s'égare. Voici en tous cas un projet d'acte législatif européen sur lequel, à n'en pas douter, l'Assemblée nationale aurait adopté un avis motivé sur le non-respect du principe de subsidiarité dans le cadre de l'exercice des nouvelles prérogatives qui lui sont reconnues par le Traité constitutionnel européen.

M. Jacques Floch s'est associé aux propos de son collègue Jérôme Lambert pour évoquer ce que pensent les socialistes du projet de directive. Réagissant à l'intervention de M. Christian Philip, il a estimé qu'en cas d'harmonisation des législations nationales, le principe du pays d'origine n'aurait plus de raison d'être. Puis il a considéré que la ratification du Traité constitutionnel européen allait justement permettre de franchir un nouveau palier d'harmonisation. A ceux qui estiment que le Traité constitutionnel scelle l'ultralibéralisme dans le marbre, il a répondu que le projet de directive était contraire à plusieurs clauses du traité, notamment à l'article III-209 relatif à la politique sociale.

Cela serait ensuite méconnaître l'opinion publique dans les huit pays d'Europe centrale et orientale qui ont rejoint l'Union le 1er mai 2004 que de croire que les peuples de ces Etats soutiennent ce projet de directive. Les études d'opinion indiquent en effet clairement que la perspective de l'amélioration de la protection sociale et d'une hausse des salaires a largement motivé le choix européen des citoyens. C'est pourquoi l'adoption de la directive serait un signal très négatif pour eux. Il est urgent de mettre un coup d'arrêt à ce qui vient de se passer en Suède où, préfigurant ce que permettrait la directive, une entreprise lettonne a obtenu un marché pour le compte de la ville de Stockholm. A la demande d'un syndicat, la justice suédoise a heureusement empêché la poursuite du chantier. Il a enfin plaidé en faveur d'une prise de position officielle de la France, et notamment du Parlement, demandant à ce qu'une proposition de résolution soit inscrite à l'ordre du jour de la séance publique. Il faut que, dans l'hémicycle, le Premier ministre confirme la fermeté de sa position.

En réponse, le Président Pierre Lequiller a tenu à souligner la démarche constructive du rapporteur qui, au-delà des critiques, a esquissé un certain nombre de propositions. Puis il a annoncé la décision prise ce jour au cours de la réunion commune des Bureaux de l'Assemblée nationale et du Bundestag de constituer un groupe de travail sur ce sujet. Il a également repris à son compte l'analyse de M. Christian Philip selon laquelle ce projet de directive aurait très vraisemblablement fait l'objet de l'adoption d'un avis motivé sur le non-respect du principe de subsidiarité.

Il a également indiqué à M. Jacques Floch, qu'il envisageait de proposer un amendement à la proposition de résolution présentée par le rapporteur ainsi rédigé : « affirme que la proposition de directive est inacceptable et réclame son retrait en vue de sa remise à plat ». En outre, après avoir souligné le rôle du SGCI et de la Représentation permanente à Bruxelles, il a souhaité que la Délégation puisse procéder à l'audition du ministre de l'économie et des finances, lequel participera à la discussion du texte au sein du Conseil des ministres de l'Union européenne, afin qu'il puisse indiquer les modalités selon lesquelles la renégociation de la proposition de directive pourrait intervenir.

M. Jacques Myard s'est élevé contre l'affirmation selon laquelle la proposition de directive serait contraire au Traité constitutionnel européen, estimant que son article III-144 - interdisant les restrictions à la libre prestation de services - fournit la base juridique nécessaire à la proposition de directive.

Il a déclaré partager la critique formulée par la gauche, selon laquelle la proposition procède d'une vision ultra concurrentielle, orientation dogmatique qu'il a récusée du fait de son caractère. Il a marqué son hostilité à l'objectif d'une harmonisation au nom du marché unique, celui-ci portant, selon lui-même, atteinte à l'identité des peuples. Il a fait valoir que la règle du principe du pays d'origine existait déjà en droit international privé et qu'elle jouait le rôle de loi uniforme pour l'Union européenne.

Refusant de s'associer aux critiques formulées à l'encontre de la précédente Commission, il a estimé que la proposition de directive était la conséquence logique des traités intervenus depuis l'Acte Unique, lesquels débouchent - selon lui - sur un processus fédéraliste. Il a considéré qu'il était difficile de s'y opposer et qu'ainsi on avait joué avec le feu en refusant de maintenir le compromis de Luxembourg, que le Traité constitutionnel européen a passé par pertes et profits. Il y a vu une « punition » de cette dérive.

Le rapporteur, contestant les propos de M. Jacques Myard, a considéré, au contraire, que le Traité constitutionnel européen permettait de passer d'une gestion intergouvernementale de la construction européenne à un système beaucoup plus équilibré, dans lequel parlements nationaux et Parlement européen sont appelés à jouer un rôle croissant.

M. Jean-Marc Ayrault, Président du groupe socialiste, a approuvé la proposition d'amendement du Président Pierre Lequiller qui, à ses yeux, va dans le bon sens.

Après avoir remercié le rapporteur pour la qualité de ses travaux, M. Jean-Marc Ayrault a déclaré que sa présence au sein de la Délégation illustrait toute l'importance que son groupe attachait à la discussion de la proposition de directive. Le groupe socialiste a lui-même déposé une proposition de résolution par laquelle il demande que l'Assemblée nationale puisse se prononcer par un vote, souhaitant que la discussion de ce texte soit inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Rappelant que la proposition de directive avait été présentée par l'ancienne Commission, il a souligné qu'elle s'inscrivait dans le cadre des objectifs fixés par la stratégie de Lisbonne sans que ces derniers aient toutefois été pleinement respectés. Les services qui représentent 70 % du PNB des économies de l'Union européenne permettent de dynamiser l'économie et l'emploi, comme l'a d'ailleurs rappelé un communiqué de la Confédération européenne des syndicats du 24 mai 2004. Pour autant, il a estimé que la proposition de directive était inacceptable et s'est réjoui de la prise de conscience politique en France et en Europe des risques qu'elle présente. Il a vu dans ce texte la mise en œuvre de l'Acte Unique sans que, pour autant, aient été respectées les garanties prévues par le Traité constitutionnel européen quant à la nécessité de respecter le principe de subsidiarité, lesquelles auraient dû inciter la Commission à ne pas agir de façon précipitée. En conséquence, M. Jean-Marc Ayrault a demandé le retrait de la proposition de directive, tout en considérant qu'au préalable devait être adoptée une loi européenne sur les services d'intérêt économique général conformément à l'article III-122 du Traité constitutionnel. De surcroît, il a souligné que si une nouvelle proposition de directive devait être présentée, il serait souhaitable qu'elle ajoute le logement social aux exclusions préconisées par le rapporteur. Il s'est félicité que la mobilisation contre cette proposition de directive confirme l'existence d'une opinion publique européenne dont le rôle ira croissant, et ait mis en relief le rôle de la Confédération européenne des syndicats, celui de nombreuses formations politiques et du Parlement européen.

Il a considéré qu'il était cohérent d'être favorable au Traité constitutionnel européen - lequel permet un meilleur contrôle du respect du principe de subsidiarité par les parlements nationaux et par le Parlement européen - et de rejeter la proposition de directive, parce que, précisément, elle viole le principe de subsidiarité. Il a également observé que ce débat n'avait pas effacé les clivages politiques entre la droite et la gauche, puisque, par exemple, les partis socialistes européens organiseront des séminaires en vue de formuler des propositions sur la future proposition de directive, ce qui à ses yeux ouvre une possibilité de développer la démocratie européenne.

En conclusion, tout en déclarant approuver les propos de M. Jacques Myard selon lesquels une instrumentalisation dogmatique de la notion de concurrence pouvait déboucher sur des aberrations sociales, ce qui impose de créer un cadre protégeant les droits sociaux, il a déploré que, pour la première fois, la Commission ait procédé non pas à une harmonisation vers le haut mais vers le bas et a appelé à s'y opposer. En second lieu, il a tenu à faire un parallèle entre la discussion se déroulant au sein de la Délégation pour l'Union européenne et celle sur la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, laquelle participe - à ses yeux - de la même idéologie. De même, a-t-il fait observer que la proposition de loi portant création du registre international français présentait également de dangereuses dérives en matière de droits sociaux.

Le Président Pierre Lequiller s'est associé à la proposition du Président Jean-Marc Ayrault visant à demander l'inscription de la proposition de résolution à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et a rappelé que le texte proposé par le rapporteur excluait du champ d'application du projet de directive les services d'intérêt économique général.

M. Daniel Garrigue a estimé que le principe du pays d'origine ne pouvait être accepté sans un minimum de garde-fous s'agissant notamment des services publics, des professions juridiques ainsi que des services audiovisuels et culturels. Il faut donc se féliciter du réalisme des dernières prises de position du Président de la République comme du Président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que les services représentent une part substantielle de l'activité économique, que la croissance est fondée sur leur développement et qu'une partie de l'écart de dynamisme entre l'Europe et les Etats-Unis est imputée par certains économistes à ce secteur, à concurrence de 1 point de croissance. La stratégie de Lisbonne met l'accent sur le développement des services, mais elle a été trop orientée sur les seules nouvelles technologies de l'information et l'économie de la connaissance. Le secteur est indéniablement plus divers. Une approche juridique de la proposition de directive est donc insuffisante tant les enjeux économiques sont importants.

En définitive cependant, il ne faut pas abandonner toute ambition en la matière car cela porterait préjudice à l'Europe.

Mme Anne-Marie Comparini, rapporteure, a indiqué s'associer à ces observations, rappelant que les objectifs de la stratégie de Lisbonne étaient porteurs d'une ambition légitime, mais que les applications qui en étaient proposées étaient beaucoup plus médiocres. Le rejet du texte ne doit pas être considéré comme un rejet de l'idée de l'achèvement du marché intérieur. Un grand nombre des personnes entendues lors de la préparation du rapport partagent l'objectif d'un développement du marché des services.

M. Jacques Toubon, député européen, a salué la qualité du rapport qui distingue très clairement les deux notions très différentes que sont la liberté d'établissement et la liberté de prestation de services. Leur confusion est à l'origine de nombreuses inexactitudes sur un texte si complexe qu'il concerne plus de dix commissions du Parlement européen.

Sur le plan des principes, le choix est d'ordre philosophique entre la construction de l'Europe et la seule organisation du marché, seul objectif que poursuit la proposition de directive. Le principe du pays d'origine, qui n'est pas une abomination en soi, ne peut en effet intervenir qu'après l'intervention d'une harmonisation entre les Etats membres. C'est d'ailleurs cette démarche que retient la Commission pour les jeux et les loteries. Actuellement, ce principe s'applique à certains secteurs spécifiques, tels que le commerce électronique ou l'audiovisuel dans le cadre de la directive télévision sans frontières. Sa mise en œuvre ne peut ainsi intervenir qu'en conformité avec l'esprit de l'Union, pour construire un droit européen et non pour faire table rase des règles existantes.

Par ailleurs, certains secteurs doivent être exclus d'un texte tel que le propose la Commission, quelle que soit la conception qui le sous-tend, notamment : les professions réglementées, en raison du respect de leur contrôle par l'autorité publique et du principe de sécurité juridique ; l'audiovisuel, en raison des exigences de la protection de la diversité culturelle et du pluralisme des médias ; les services publics et les services sociaux ; la santé et un certain nombre de domaines tels que les jeux et les loteries.

L'articulation d'un tel texte avec le reste de la législation doit également être très claire. Ainsi la rédaction proposée par la Commission ne respecte-t-elle pas sur certains points le principe de subsidiarité, notamment en ce qu'elle interdit aux Etats membres de prévoir leur propre réglementation dans certains domaines. De même, l'articulation avec la convention de Rome I sur les obligations contractuelles et le futur règlement de Rome II sur les obligations non contractuelles ne doit pas être une source d'insécurité juridique. Enfin, la rédaction proposée par la Commission est ambiguë en ce que concerne l'application de la directive sur le détachement des travailleurs. Il convient par conséquent de maintenir ou de rétablir la déclaration préalable au détachement, de manière à permettre les contrôles relatifs à l'application de la législation sociale, de même d'appliquer sans ambiguïté ni restriction la directive télévision sans frontières, de tenir compte des directives actuelles et en préparation sur les qualifications professionnelles, ainsi que de bien préciser le respect des législations existantes, notamment celles de portée sectorielle. A défaut de tels éléments, la situation serait confuse et propice à un gouvernement des juges tel que l'ont connu les Etats-Unis au tournant des XIXe et XXe siècle, lorsque la combinaison du droit fédéral et du droit des Etats fédérés était si confuse que c'était de facto la Cour suprême qui dirigeait le pays.

Sur le plan économique, le développement du marché des services est essentiel et il est de l'intérêt de la France qu'il intervienne. Son économie est, en effet, la première de l'Union en la matière, à bien des égards. L'objectif poursuivi n'est donc pas contestable. Il doit cependant être réalisé selon des modalités adaptées qui exigent de reconstruire un projet autour du principe d'une harmonisation minimale, avec un champ d'application très clair et par conséquent sensiblement réduit.

Sur un plan plus général, la rédaction d'un droit économique européen doit s'inscrire dans la perspective du projet européen tel qu'il est prévu par la Constitution pour la construction d'une véritable entité politique.

Le Président Pierre Lequiller a indiqué qu'il était favorable à l'objectif de la réalisation d'un marché des services, de même que le rapporteur, et qu'il n'estimait pas non plus opportun un texte qui ne manquerait pas d'engendrer des recours systématiques à la Cour de Justice des Communautés européennes.

Le rapporteur a précisé que la remise à plat de la proposition de directive devait intervenir à brève échéance, de manière à ne pas laisser outre mesure à la Cour la possibilité de dire le droit.

Après avoir salué la qualité et l'ampleur des travaux du rapporteur et rappelé que ses conclusions étaient maintenant largement partagées par les plus hautes autorités françaises et la Commission, qui avaient pourtant eu depuis longtemps connaissance du projet communautaire concerné, Mme Marielle de Sarnez, députée européenne, a estimé que la proposition de directive, établie lorsque la Commission était présidée par M. Romano Prodi, n'était pas bien inspirée, car complexe et peu claire. Le principe du pays d'origine est peu opportun et on ne lui trouve pas de justification. Il ne peut au contraire que favoriser les pratiques de dumping social. Un tel texte nourrit des inquiétudes chez ceux qui craignent une dérive libérale de l'Europe et qui souhaitent la protection du modèle social auquel ils prennent part. Il en est de même de ceux qui aspirent à une Europe qui ne se réduise pas à une zone de libre échange. Dans une telle situation, l'option la plus sage consiste à renoncer à la démarche qui sous-tend la proposition de directive et à procéder à une harmonisation par le haut.

M. Bernard Poignant, député européen, a souligné combien il est nécessaire de s'intéresser aux directives au bon moment et combien ce projet de directive, lui, est précipité. Il a rappelé que le projet a été présenté le 13 janvier 2004 et que la Commission souhaitait que la première lecture au Parlement européen ait lieu au mois d'avril, avant les élections européennes, donnant ainsi au processus un caractère accéléré qui justifiait une certaine méfiance.

Il a considéré d'autre part qu'il n'est pas indifférent de constater que les pays qui ont réagi à ce projet, la Belgique, la France, la Suède et l'Allemagne, sont justement les pays qui sont au cœur du modèle social européen et où le droit social est particulièrement développé, soit dans la loi (pour la Belgique et la France), soit dans les conventions collectives (pour la Suède et l'Allemagne).

La Commission est partie du constat suivant : les Etats membres sont aujourd'hui 25, ils seront 27 demain, et après-demain s'y ajouteront peut-être la Croatie, la Macédoine, sans même parler de la Turquie. Avec un si grand nombre d'Etats, comment arriver à une harmonisation ? Face à la grande diversité des règles, la Commission a choisi de généraliser un principe, celui du pays d'origine, et de présenter un dispositif « fourre-tout ». Mais si l'harmonisation est effectivement difficile, pourquoi avoir choisi ce principe plutôt que le principe inverse ?

S'agissant des services publics, la logique aurait voulu que la Commission présente une directive les concernant en même temps que le présent projet de directive. Le Président Barroso ayant dit qu'il anticipait sur la future Constitution, M. Bernard Poignant a regretté qu'il ne l'ait pas fait sur les services publics. Qu'on les baptise « services d'intérêt général » ou « services d'intérêt économique général », les « zones grises » sont nombreuses, notamment sur l'éducation et sur la santé. Ainsi, dans le domaine de la santé, en France, à l'exception des hôpitaux publics, les autres structures sont privées. En revanche, l'organisation du remboursement des dépenses d'assurance maladie relève de la sphère publique. Ces distinctions sont particulièrement importantes pour comprendre les enjeux de la directive.

Enfin, s'agissant du calendrier, M. Bernard Poignant a indiqué que, en principe, la première lecture du projet de directive par le Parlement européen aurait lieu au mois de juin. L'identité du pays qui présidera l'Union sera déterminante pour l'issue des négociations. Actuellement, le Conseil est présidé par M. Jean-Claude Juncker, qui est plutôt un allié pour ceux critiquant le projet de directive. Mais au second semestre la présidence sera exercée par les Britanniques, qui, eux, vont y être extrêmement favorables. La position de l'Autriche, qui assurera ensuite la présidence, n'est pas encore connue. La période actuelle constitue donc la « fenêtre » d'opportunité pour défendre le modèle français.

Mme Bernadette Vergnaud, députée européenne, après avoir remercié le Président Pierre Lequiller d'avoir invité les membres français du Parlement européen, a félicité le rapporteur pour la qualité de son rapport. Elle a noté que tous les parlementaires présents, français ou européens, à quelques exceptions près, travaillent déjà en se plaçant dans le cadre de la Constitution.

Elle a ensuite informé la Délégation que la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen s'est réunie ce matin. Elle a relevé, alors même que le 18 janvier dernier M. Charlie McCreevy, Commissaire au Marché intérieur et aux Services, avait déclaré qu'il était hors de question de rejeter le principe du pays d'origine, que ce matin M. Alexander Schaub, Directeur général de la DG « Marché Intérieur », a reconnu que la Commission avait travaillé à la hâte. Il a admis que le texte était mal rédigé et qu'il faudrait revenir sur certains principes - qu'il n'a pas nommés.

Mme Bernadette Vergnaud a indiqué qu'elle s'est opposée dès le début au principe du pays d'origine, et que la directive aurait un impact important en matière de protection des consommateurs. Il lui a semblé essentiel que le champ d'application du projet de directive soit précisé, tant pour les activités qui en sont exclues que pour celles qui seront soumises à ses dispositions.

Enfin, elle a souligné que, pour être crédibles en cette année d'échéances électorales en Europe, les parlementaires devront être unis pour demander le rejet de la directive et sa réécriture totale. Les gouvernements pouvant relayer la position des députés au Conseil, il serait souhaitable que le Gouvernement français puisse s'appuyer sur une résolution votée par l'Assemblée. Il semble que le Portugal et l'Espagne aient une position proche de la nôtre.

Le Président Pierre Lequiller a confirmé qu'il allait demander à la Conférence des Présidents d'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée l'examen de la proposition de résolution qui sera adoptée par la Délégation.

M. Jacques Toubon, député européen, a évoqué les positions exprimées aujourd'hui par le Président Barroso. Dans le document qui constituera la contribution de la Commission au Conseil européen, la directive est évoquée avec des formules extrêmement conciliantes : un consensus doit être recherché, le texte doit être examiné en douceur, et il convient de discuter des principes de la directive et de leurs conséquences. Le Président Barroso a repris ces idées de manière synthétique cet après-midi, en indiquant qu'il se tournerait vers le Parlement européen pour travailler avec lui. M. Jacques Toubon en a conclu que la Commission n'essayerait pas de passer en force.

Il a en outre considéré qu'au vu du calendrier français, il serait préférable que l'examen du texte en séance plénière au Parlement européen intervienne après l'été. Il a observé que si le Conseil qui aura lieu en mars bloque le texte, Mme Evelyne Gebhardt, rapporteure, ne pourrait pas le rapporter en avril, et que l'examen en plénière aurait lieu au mois de septembre ou d'octobre. Il a jugé qu'en tout état de cause l'idéal serait d'arriver à la présidence autrichienne en n'ayant pas encore voté sur le texte.

Mme Marielle de Sarnez, députée européenne, a approuvé les propos de M. Jacques Toubon : il faut éviter que le texte arrive en séance plénière au moment du référendum français.

Mme Anne-Marie Comparini, rapporteur, a souligné l'importance du « timing » en la matière.

M. Jérôme Lambert s'est étonné de ce que certains proposent d'attendre le référendum, alors qu'une prise de position claire sur cette directive avant cette échéance priverait les opposants à la Constitution d'un argument de poids.

La Délégation a ensuite examiné la proposition de résolution présentée par le rapporteur.

Au point 1 relatif aux objectifs de Lisbonne, la Délégation a d'abord adopté, sur la proposition de M. Daniel Garrigue, puis du rapporteur, un amendement indiquant qu'elle approuve l'initiative du Conseil européen et de la Commission de créer un marché intérieur des services.

Puis, M. Jérôme Lambert ayant souhaité - la rédaction initiale de ce point ne pouvant être approuvée en l'état - que soit rappelé l'objectif de la plus grande cohésion sociale, qui figure dans les conclusions du Conseil européen de Lisbonne, la Délégation a adopté un second amendement au point 1 ajoutant l'objectif de cohésion sociale à ceux de la croissance économique et de création d'emplois.

Au point 2 relatif à l'abandon du principe du pays d'origine, la Délégation a adopté, sur la proposition du Président Pierre Lequiller, un amendement indiquant qu'elle demande résolument un tel abandon.

La Délégation a ensuite adopté les points 3 et 4 sans modification.

Au point 5 relatif aux secteurs et professions ne devant pas être concernés par la directive, M. Jacques Floch a proposé sa suppression, le groupe socialiste s'opposant à l'existence même de ce texte.

Après les interventions du rapporteur et de M. Jacques Toubon, la Délégation a finalement adopté à l'unanimité un amendement précisant qu'aucune directive horizontale visant à mettre en œuvre le marché intérieur ne devait s'appliquer à ces secteurs.

Au point 6 relatif au maintien de la dérogation en faveur de la directive « détachement des salariés », M. Jérôme Lambert a souhaité que sa rédaction soit rendue plus claire. L'enjeu est important, car il convient ici de demander le maintien de la déclaration préalable. M. Jacques Toubon ayant rappelé que le maintien du contrôle, par l'Etat d'accueil, des conditions de détachement implique, en premier lieu, celui de la déclaration préalable, la Délégation a adopté un amendement en ce sens.

Les points 7 et 8 ayant été adoptés sans modification, la Délégation a examiné le point 9, relatif à la compatibilité de la directive avec les instruments du droit international privé communautaire. M. Jacques Toubon a estimé que cette rédaction ne permet pas de résoudre les contradictions mises en lumière par les services juridiques. Afin de lever toute ambiguïté en la matière, il convient d'adopter une rédaction plus claire, affirmant la primauté des instruments en question. La Délégation a alors adopté un amendement indiquant que toute directive mettant en œuvre le marché intérieur ne doit pas remettre en cause ces instruments.

Les points 11 et 12 ont ensuite été adoptés sans modification, après que la Délégation ait adopté deux amendements rédactionnels au point 10, relatif à l'application du droit pénal de l'Etat membre.

Enfin, la Délégation, sur la proposition du Président Pierre Lequiller, a adopté un amendement indiquant que l'Assemblée nationale considère ce projet comme inacceptable et demande résolument son retrait pour une remise à plat.

A l'issue de la discussion, la Délégation a adopté à l'unanimité la proposition de résolution ainsi modifiée.

EXPOSE DES MOTIFS
DE LA PROPOSITION DE RESOLUTION

Les services représentent 70 % du PIB mais seulement 20 % des échanges à l'intérieur de l'Union européenne. C'est pourquoi la Commission européenne et les Etats membres se sont engagés à Lisbonne, en 2000, à tout mettre en œuvre pour supprimer les obstacles à leur libre circulation.

Toutefois, la proposition de directive présentée le 13 janvier 2004 par la Commission dans le but de réaliser cet objectif, a provoqué, à juste titre, de très nombreuses critiques.

Son champ d'application, extrêmement vaste, demeure néanmoins très imprécis. Ainsi, une partie des services publics est couverte par la proposition, alors que ces services devraient faire l'objet d'une directive-cadre spécifique, demandée depuis longtemps par la France et la Belgique.

Pour des raisons d'intérêt général, et parce qu'on ne peut pas les assimiler à des services marchands classiques, de nombreux secteurs devraient en outre être exclus du champ d'application du texte, qu'il s'agisse de la santé, de la culture et de l'audiovisuel, des professions juridiques réglementées et des jeux d'argent.

Si certaines des mesures de simplification administrative prévues au titre de la liberté d'établissement ne soulèvent pas de difficulté, la méthode retenue pour faciliter la libre prestation de services, qui repose sur la généralisation du principe du pays d'origine, est inacceptable.

Ce principe constitue un abandon de la méthode d'harmonisation, une rupture radicale avec la conception européenne de la cohésion économique et sociale, et un facteur de complexité accrue bien inutile. Il présente un risque de dumping social et juridique qui favoriserait la concurrence déloyale et la baisse de qualité de l'offre de services.

Il importe donc que la Commission retire son texte, afin de remettre le dossier à plat, en abandonnant le principe du pays d'origine, en excluant clairement les services publics et en définissant plus précisément l'articulation de la directive avec les autres instruments communautaires existants ou à venir.


PROPOSITION DE RESOLUTION

L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu les articles 47, 55, 71 et 80 du traité instituant la Communauté européenne,

- Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (COM[2004] 2 final, document E 2520),


1. Approuve l'initiative du Conseil européen et de la Commission de créer un marché intérieur des services dans le but d'insuffler une nouvelle dynamique à la croissance économique, à la création d'emplois et à la cohésion sociale en Europe, conformément aux objectifs décidés à Lisbonne en mars 2000.

2. Demande résolument l'abandon du principe du pays d'origine qui, en l'absence d'un niveau d'harmonisation suffisant des secteurs concernés, et compte tenu des disparités de l'Europe élargie, présente un risque de dumping social et juridique qui favoriserait la concurrence déloyale et la baisse de qualité de l'offre de service.

3. Estime que la Commission doit s'engager dans un processus d'harmonisation par le haut du droit applicable aux services, en prenant mieux en compte les particularités de chaque secteur, et en procédant au préalable à une étude d'impact approfondie.


4. Considère que les services d'intérêt général doivent être clairement exclus du champ d'application de la proposition et souhaite que l'Union européenne prenne rapidement l'initiative de préparer une loi européenne sur les services publics, comme l'y invite l'article III-122 du traité constitutionnel européen.

5. Recommande que, pour des raisons d'intérêt général, aucune directive horizontale visant à mettre en œuvre le marché intérieur ne s'applique aux professions juridiques réglementées, aux services culturels et audiovisuels, aux services de santé, d'aide sociale et médico-sociale et aux jeux d'argent.

6. Demande le maintien de la déclaration préalable au détachement des salariés, afin de conserver le contrôle, par l'Etat d'accueil, des conditions de détachement et de réalisation de l'activité.

7. Se félicite des mesures de simplification administrative et d'allégement des formalités préconisées par la Commission qui sont, pour beaucoup, déjà mises en œuvre en France.

8. Suggère que la limitation du nombre de régimes d'autorisation s'accompagne d'un contrôle renforcé de la qualification professionnelle des prestataires et de la qualité des services offerts, dans l'intérêt des consommateurs.

9. Souhaite que toute directive visant à mettre en œuvre le marché intérieur ne remette pas en cause la primauté des instruments actuels ou en cours d'élaboration concernant le droit international privé communautaire, afin que le régime des obligations non contractuelles applicable aux biens soit le même que celui applicable aux services.

10. Considère que l'adoption d'une directive assurant la libre-circulation des services dans l'Union européenne ne doit pas empêcher l'application du droit pénal de chaque Etat membre.

11. Insiste sur la nécessité de mieux définir l'articulation entre la directive relative aux services dans le marché intérieur et d'autres directives horizontales, et en particulier la directive concernant la reconnaissance des qualifications professionnelles.

12. Souhaite voir clairement inscrire, à l'article 3, la primauté des instruments communautaires sectoriels sur les dispositions de la directive relative aux services.

13. En conséquence, considère que ce projet de directive est inacceptable et demande résolument son retrait pour une remise à plat.

ANNEXE :
Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

1) A Paris

- Mme Claudie HAIGNERE, Ministre déléguée aux affaires européennes ;

- M. Gérard LARCHER, Ministre délégué aux relations du travail ;

- M. DEDIEU, Secrétaire confédéral de la CFDT ;

- Mme CROSEMARIE (CGT), membre du Conseil économique et social ;

- M. Sébastien MALANGEAU, chargé de mission au SGCI ;

- M. Jean-François BERNARDIN, Président de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie ; Mme Capucine FANDRE, chargée des relations institutionnelles ; M. DUJEU, Directeur général adjoint ;

- M. SALMON, M. VERDIER, Mme de BEAUCOUDREY, groupement des professions de services ;

- M. Jean d'HAUSSONVILLE, Conseiller du ministre de la culture et de la communication, chargé des affaires européennes ;

- M. BANCEL, Directeur général de la Mutualité française ; M. FIGUREAU, Directeur du département relations extérieures ; Mme FERDERKEL-GIROUX, Directrice Europe ;

- M. COURTY, Secrétaire national de la CGC et Mme ROUSSEL-VERROT, responsable du secteur juridique ;

- Mme Joëlle SIMON, Directeur juridique du MEDEF ; M. André-Luc MOLINIER, Directeur des affaires européennes ; M. Emmanuel JULIEN, Directeur-adjoint des relations sociales ; Mme Karine GROSSETETE, Conseiller chargée des relations avec le Parlement ;

- M. Hubert-Marie GHIGONIS, Vice-président de la CGPME et Président de l'Union nationale des prestataires de services, accompagné de M. Laurent VIGNAUD, juriste ;

- Maître DEJOIE, Président du Conseil supérieur du notariat, M. Henri d'OYSONVILLE, Directeur, Mme MERTENS, M. ROTH, Mme de CHAVAGNAC ;

- M. Joseph THOUVENEL, responsable Europe de la CFTC ;

- M. Yves VEYRIER, Secrétaire confédéral de Force ouvrière, chargé du secteur Europe-International, et Mme Laure BATTUT ;

- M. François MOUTOT, Directeur général de l'assemblée permanente des Chambres des métiers et Mme DABANCOURT ;

- M. Adrien BEDOSSA, Vice-président de l'UNAPL (Union nationale des professions libérales) ;

- Maître Daniel-Julien NÖEL, Président de la Chambre nationale des professions libérales ;

- M. SUSINI, Président du Conseil national de l'Ordre des architectes, et Mme MOREAU ;

- Maître Marc JOBERT, Vice-président du Conseil national des Barreaux ;

- M. Bernard GANDAIS, Président de la commission juridique du Conseil du commerce de France ; M. Bernard SIOUFFI, Délégué général, et Mme Emilie PROUZET ;

- M. François ROUX, Délégué général du syndicat des entreprises de travail temporaire ;

- M. Jérôme LACAILLE, Conseiller au Cabinet de M. Jean-Louis BORLOO, Ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale ;

- Mme Marianne LAIGNEAU, Mme Chantal PHILIPPET, M. Pierre LEPESAN, Mme Marion BOSSUAT (Gaz de France) ;

- M. Jérôme BEDIER, Président de la Fédération du commerce et de la distribution, et M. Richard BOUTET ;

- M. Francis LEMOR, Rapporteur du Conseil économique et social ;

- Mme Christina STORONI, Conseillère technique au Cabinet de M. Christian JACOB, Ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation ; Mme LEFEBVRE ; Mme ROUX ; M. SENS ;

- M. Christophe BLANCHARD-DIGNAC, Président de la Française des Jeux, et M. François JONCHERE, Directeur Général ;

- M. Bertrand BELINGUIER, Président du PMU.

2) A Tallinn (Estonie)

- Son Excellence Mme Chantal de BOURMONT, Ambassadrice de France en Estonie ;

- M. Laurent HAM, Chef de la mission économique en Estonie ;

- Mme Liina TONISSON, ancienne Ministre de l'économie, Députée au Riigikogu ;

- M. KORK et M. KOOBI, Députés au Riigikogu ;

- Le Président de la Confédération des entreprises d'Estonie ;

- Le Président de l'Ordre des Avocats de Tallinn.

3) A Bruxelles

- Son Excellence Mme Joëlle BOURGOIS, Ambassadrice de France en Belgique, et M. Patrick FERS, Premier Secrétaire ;

- M. Christian MASSET, Représentant permanent adjoint de la France auprès de l'Union européenne ;

- M. Alexis DUTERTRE, Conseiller à la Représentation permanente ;

- M. Bernard OULD YAHOUI, Chef de la mission économique en Belgique, et Mme Corinne DARMAILLACQ ;

- Mme Karine LALIEUX, députée à la Chambre des Représentants (PS) ;

- M. Daniel BACQUELAINE, Président du groupe réformateur à la Chambre des Représentants ;

- Mme Margot FROEHLINGER, Chef d'unité à la Direction générale Marché intérieur de la Commission et M. Emmanuel CRABIT ;

- M. Christian BRAUN, Représentant permanent adjoint du Luxembourg ;

-°M. Baudouin VELGE, Président de la Fédération des entreprises de Belgique.

1 () Sondage effectué en 2004 par l'Institut Populus auprès d'un échantillon représentatif dans huit Etats européens.

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