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N° 2123

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 mars 2005

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur l'Union européenne et la lutte contre le terrorisme
(documents E 2616, E 2634 et E 2734),

ET PRÉSENTÉ

par M. Christian PHILIP,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. François Guillaume, Jean-Claude Lefort, secrétaires ; MM. Alfred Almont, François Calvet, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

I. L'EUROPE FACE AU TERRORISME : UNE ACTIVITE LEGISLATIVE DONT LES EFFETS TARDENT A SE CONCRETISER. 11

A. L'Union européenne a déployé une activité législative soutenue en réaction aux attentats du 11 septembre 2001 11

1) Une définition commune du terrorisme 12

2) La création du mandat d'arrêt européen 13

3) La lutte contre le financement du terrorisme 15

B. Les attentats de Madrid du 11 mars 2004 ont suscité de nouvelles initiatives législatives 16

1) L'harmonisation des règles de rétention des données 16

a) Une base juridique contestée 18

b) La durée de conservation des données 18

c) La nature des données conservées 19

d) Des enjeux financiers importants 19

2) Renforcer l'efficacité de la lutte contre le financement du terrorisme 22

a) La troisième directive sur le blanchiment des capitaux 22

(1) La notion de « personnes politiquement exposées » 23

(2) La suppression de la possibilité pour les avocats d'informer leur client en cas de déclaration de soupçons 23

b) Le règlement sur les mouvements d'argent liquide 25

c) Adapter la lutte aux nouvelles tendances du financement du terrorisme 26

C. Les effets des textes adoptés jusqu'ici tardent à se concrétiser 27

1) Des transpositions tardives et incomplètes 28

a) La décision-cadre relative à la lutte contre le terrorisme 28

b) La décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen 29

c) L'absence de ratification des conventions 30

2) Un « aiguillon » utile : l'évaluation 30

a) L'évaluation par le Conseil 30

b) Les rapports d'évaluation de la Commission 31

c) L'évaluation mutuelle par les pairs 31

II. METTRE L'ACCENT SUR LA COOPERATION OPERATIONNELLE ET SUR LA LUTTE CONTRE LES « RACINES DU TERRORISME » 33

A. Renforcer l'efficacité du dispositif existant, sans créer de nouveaux organes 33

1) Accroître les échanges d'informations et de renseignements entre Etats membres 34

a) Rendre Europol plus opérationnel 34

b) Intensifier les échanges de renseignements sans créer une « Agence européenne de renseignement » 37

c) Concrétiser le principe de disponibilité des informations 38

(1) Signification et portée du principe de disponibilité 38

(2) Vers une interopérabilité des bases de données européennes 39

(3) Un régime ad hoc de protection des données personnelles 40

d) Adopter les projets de décisions relatives à l'échange d'informations et de renseignements 40

(1) La proposition de la Commission visant à étendre le champ d'application de la décision du 19 décembre 2002 40

(2) Le projet de décision-cadre relative à la simplification de l'échange d'informations et de renseignements 42

2) Renforcer l'efficacité d'Eurojust 46

a) Une instance encore jeune 46

b) La contribution d'Eurojust à la lutte contre le terrorisme 47

3) Accélérer la mise en place de l'Agence européenne pour le contrôle des frontières extérieures 49

4) Développer le recours aux équipes communes d'enquête 50

B. Lutter contre les « racines du terrorisme » 51

1) Une lutte difficile : l'absence de « profil type » du terroriste 51

2) Combattre l'islam radical 52

III. RENFORCER NOTRE PARTENARIAT AVEC LES PAYS TIERS 55

A. Le partenariat transatlantique contre le terrorisme 55

1) Une coopération policière et judiciaire renforcée 55

2) Des efforts conjoints visant à accroître la sécurité des transports 56

3) Un dialogue politique accru 57

B. L'intensification de la coopération avec nos autres partenaires 58

1) Une assistance ciblée sur des pays prioritaires 58

2) Le partenariat avec la Russie 58

3) La coopération avec les organisations internationales 59

IV. ADOPTER UNE APPROCHE GLOBALE DE LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME 61

A. La nomination d'un coordinateur européen de la lutte antiterroriste 61

B. La réforme des groupes de travail du Conseil 62

C. La contribution de la politique européenne de sécurité et de défense et de la protection civile à la lutte contre le terrorisme 63

1) La mise en œuvre anticipée de la clause de solidarité de la Constitution européenne 64

2) Le programme de solidarité de l'Union 65

D. L'action de l'Union contre le bioterrorisme 66

E. Le renforcement de la sûreté des transports 67

1) La sûreté du transport aérien 68

2) La sûreté du transport maritime 69

3) L'absence de législation relative aux transports terrestres 70

CONCLUSION 73

TRAVAUX DE LA DELEGATION 77

PROPOSITION DE RESOLUTION 79

ANNEXES 83

Annexe 1 : La déclaration du 25 mars 2004 sur la lutte contre le terrorisme 85

Annexe 2 : Liste des personnes auditionnées 99

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le terrorisme n'est pas un phénomène nouveau en Europe : rien qu'au Royaume-Uni, en Irlande et en Espagne, il a fait plus de 5 000 morts en trente ans, et notre pays a été tragiquement frappé à de nombreuses reprises.

Depuis le 11 septembre 2001, l'Europe est confrontée, comme le reste du monde, à l'hyperterrorisme. Les attentats de Madrid, le 11 mars 2004, ont tragiquement confirmé qu'elle est une cible du terrorisme islamiste. Tous les peuples d'Europe ont affirmé leur solidarité face à cette menace, et partagé la douleur des Espagnols. Comme le souligne M. Gijs de Vries, le coordinateur européen de la lutte contre le terrorisme, « chaque fois qu'un Etat membre est victime d'un acte de terrorisme islamiste, c'est aussi l'Union en tant que telle qui est frappée, parce que nous avons fondé et construit cette Union sur des valeurs communes ». La décision du Conseil européen de faire du 11 mars une journée européenne de commémoration des victimes du terrorisme, comme le proposait le Parlement européen, en sera désormais le symbole.

Face à ces drames, l'Union a répondu avec fermeté, en rejetant sans appel la « trêve » proposée par Oussama Ben Laden aux pays européens qui accepteraient de se désengager militairement de tout pays musulman. Ni la paix, ni les négociations ne sont en effet possibles avec les terroristes. L'Europe le sait d'expérience.

Le terrorisme ne sera jamais définitivement vaincu. L'assassinat du cinéaste Theo Van Gogh aux Pays-Bas le 2 novembre 2004 a récemment démontré qu'aucun pays européen n'est à l'abri face à la montée de l'extrémisme. Le nombre de filières démantelées dans plusieurs pays montre qu'à tout moment de nouveaux attentats sont malheureusement possibles. Voilà pourquoi l'Union doit faire de la lutte contre le terrorisme une priorité.

La lutte contre le terrorisme repose sur une condamnation sans équivoque, sous toutes ses formes, quels qu'en soient les auteurs et les motivations. Elle implique une mobilisation de tous. Cette lutte sans concession doit être menée dans le respect des droits fondamentaux et des libertés publiques. Nous devons lutter contre les ennemis de la liberté sans méconnaître les principes qui fondent nos démocraties. C'est une contrainte mais c'est la force de nos Etats. Les magistrats de la Chambre des Lords, dans une décision rendue le 16 décembre 2004, ont rappelé cette exigence, en condamnant la législation antiterroriste britannique autorisant une détention illimitée, sans inculpation ni procès, des étrangers soupçonnés de terrorisme. La Cour suprême américaine a fait preuve de la même détermination, le 28 juin 2004, en reconnaissant aux étrangers détenus sur la base de Guantanamo le droit de contester leur emprisonnement devant les tribunaux fédéraux. L'action de l'Union s'inscrit, pour sa part, pleinement dans le respect de la Charte européenne des droits fondamentaux, et repose sur le dialogue entre les religions et les cultures.

Seuls, les Etats membres ne peuvent pas lutter contre le terrorisme. Les attentes de nos concitoyens sont grandes à ce sujet, et la demande d'Europe très forte : 71 % des Européens estiment que la lutte contre le crime et le terrorisme doit être menée en commun(1). L'Union européenne a adopté, en réponse aux attentats du 11 septembre 2001, un plan d'action contre le terrorisme. Plusieurs mesures importantes ont été prises, telles le mandat d'arrêt européen, une définition commune du terrorisme ou le gel des avoirs des personnes et groupes terroristes. Mais plusieurs de ces actes ne se sont pas encore traduits dans les faits, en raison de retards de transposition, et l'on peut douter que les décisions déjà prises soient suffisantes.

La déclaration sur la lutte contre le terrorisme du Conseil européen du 25 mars 2004 met l'accent, à juste titre, sur la mise en œuvre des mesures déjà adoptées. Cette déclaration, surtout, réoriente l'action de l'Union autour de sept priorités que décline une nouvelle « feuille de route », définie par le Conseil européen des 17 et 18 juin 2004 et assortie d'un échéancier précis. Le traumatisme provoqué par les attentats de Madrid a également conduit les Etats membres à nommer un coordinateur européen de la lutte contre le terrorisme, afin de renforcer la cohérence de l'action de l'Union, et à anticiper la mise en œuvre de la clause de solidarité de la Constitution européenne.

Le plan d'action comporte plus d'une centaine de mesures. Beaucoup d'entre elles semblent ne présenter qu'un lien ténu avec le terrorisme, et relever davantage de la lutte contre la criminalité organisée ou l'immigration clandestine. Cette conception élargie de la lutte contre le terrorisme traduit parfois la tentation d'« étiqueter » certaines propositions du « label antiterroriste », afin d'en accélérer l'adoption. Mais elle correspond aussi à une réalité et à l'exigence d'une approche globale de la lutte contre le terrorisme. Tous les leviers d'action, politiques, diplomatiques, militaires, économiques et financiers, policiers, judiciaires et militaires, dont dispose l'Union doivent être mobilisés.

Face au terrorisme, les principaux apports de l'Union sont l'harmonisation législative (complétée par la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires), la coordination opérationnelle des services des Etats membres et le dialogue avec les pays tiers. Ces différents moyens doivent être coordonnés, et complétés par une approche globale mobilisant tous les instruments de l'Union pour prévenir la menace terroriste et protéger les populations civiles des conséquences des attentats. Près d'un an après les attentats de Madrid, ce rapport dresse le bilan de l'action de l'Union européenne dans ces différents domaines et formule des recommandations.

Les sept priorités fixées par la déclaration
sur la lutte contre le terrorisme du 25 mars 2004

1. Renforcer les efforts internationaux pour combattre le terrorisme ;
2. Réduire l'accès des terroristes aux ressources financières et économiques ;
3. Accroître la capacité d'enquête et de poursuite des institutions européennes et des Etats membres ;
4. Protéger la sécurité du transport international et mettre en place des systèmes efficaces de contrôle des frontières ;
5. Renforcer la coordination entre les Etats membres et ainsi la capacité de l'Union européenne à prévenir et à traiter les conséquences d'une attaque terroriste ;
6. Identifier les facteurs qui contribuent au recrutement de terroristes ;
7. Amener les pays tiers à s'engager davantage à combattre le terrorisme.

I. L'EUROPE FACE AU TERRORISME : UNE ACTIVITE LEGISLATIVE DONT LES EFFETS TARDENT A SE CONCRETISER.

La coopération européenne en matière de lutte contre le terrorisme n'est pas née le 11 septembre 2001. C'est en effet dans ce domaine que la coopération policière entre les Etats membres a débuté, dès 1976, avec la création du groupe TREVI. Cette structure informelle avait notamment pour objet d'échanger des informations sur la menace terroriste et de développer une évaluation commune, dans un contexte marqué par l'action des « Brigades rouges » en Italie ou de la « Fraction armée rouge » en Allemagne(2).

Les attentats du 11 septembre 2001, par leur ampleur, puis ceux du 11 mars 2004, qui ont frappé l'Europe au cœur, ont cependant marqué une rupture. Ils ont entraîné une mobilisation sans précédent, et accéléré les travaux de l'Union. Ce « passage à la vitesse supérieure » s'est traduit par une activité législative intense, dont les effets tardent cependant à se concrétiser.

Il faut bien constater que si quelques jours après les attentats, il a été aisé de trouver une unanimité pour affirmer avec force une volonté d'action ambitieuse, les textes finalement adoptés quelques mois plus tard sont décevants tant par les limites de leur champ d'application, leurs dispositions que les conditions de leur mise en œuvre. Comme souvent, le consensus déclaratif ne signifie pas un véritable accord et ses suites sont bien plus modestes.

A. L'Union européenne a déployé une activité législative soutenue en réaction aux attentats du 11 septembre 2001

L'Union a réagi rapidement aux tragiques attentats perpétrés aux Etats-Unis. Dès le 21 septembre, un Conseil européen extraordinaire a adopté un plan d'action de lutte contre le terrorisme. Certains des textes adoptés découlent de propositions que la Commission s'apprêtait à déposer dans le cadre du programme de Tampere(3), mais dont l'adoption a été considérablement accélérée par les événements. L'un d'entre eux concerne spécifiquement la lutte contre le terrorisme, tandis que les autres visent plus généralement la criminalité internationale.

1) Une définition commune du terrorisme

La décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme représente une avancée importante. Elle rapproche la définition des infractions terroristes, prévoit un seuil minimal commun pour les peines et sanctions applicables en matière d'infractions terroristes (huit ans pour la participation, quinze ans pour la direction d'un groupe terroriste) et arrête les règles relatives à la compétence juridictionnelle des Etats membres.

Cette définition commune permet de poursuivre les infractions terroristes de la même manière sur tout le territoire de l'Union européenne. Elle représente une innovation significative par rapport à la situation existante : avant son adoption, six Etats seulement (Allemagne, Espagne, France, Italie, Portugal et Royaume-Uni) sur les quinze anciens Etats membres disposaient d'une législation spécifique en matière de terrorisme (les autres Etats membres poursuivant les auteurs d'attentats terroristes sur le fondement d'autres incriminations). Elle comble donc un vide juridique, d'autant que les infractions relatives à un groupe terroriste, telles que la participation à un tel groupe (défini comme « l'association structurée, de plus de deux personnes, établie dans le temps, et agissant de façon concertée en vue de commettre des infractions terroristes »), doivent désormais être incriminées dans tous les Etats membres.

C'est le premier instrument international à définir un acte terroriste par référence au but poursuivi. Aucune convention internationale (elles sont pourtant nombreuses, en particulier dans le cadre des Nations unies ou du Conseil de l'Europe) relative au terrorisme n'avait jusqu'à présent défini ce qu'est un acte terroriste. A l'exception de la convention des Nations unies pour la suppression du financement du terrorisme, signée à New York le 9 décembre 1999, les conventions applicables se bornent à incriminer des comportements qui ont tous les traits de ceux commis par les terroristes (recours aux explosifs, détournement d'avions, kidnapping, etc.), sans en définir l'élément essentiel : le but terroriste(4).

L'accord politique auquel le Conseil est rapidement parvenu sur ce texte illustre la détermination des Etats membres à combattre le terrorisme, après les attentats du 11 septembre 2001. Le délai de transposition (fixé au 31 décembre 2002), beaucoup plus court que celui habituellement prévu dans les décisions-cadres, en atteste également.

2) La création du mandat d'arrêt européen

La décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres renforce la lutte contre le terrorisme en facilitant la remise des personnes soupçonnées ou condamnées notamment pour de tels crimes. Elle remplace les conventions d'extradition existantes par une procédure de remise plus rapide et plus simple, faisant exclusivement intervenir les autorités judiciaires, et non plus les autorités politiques. Cet instrument s'appuie sur la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires, dont le Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999 a fait la pierre angulaire de l'espace judiciaire européen, et non sur l'harmonisation des législations.

Le mandat d'arrêt européen introduit quatre innovations majeures, qui représentent une véritable « révolution copernicienne » pour le droit de l'extradition(5) :

- le principe de la double incrimination, selon lequel les faits fondant la poursuite ou la condamnation doivent être constitutifs d'une infraction tant dans l'Etat membre d'exécution que dans l'Etat membre d'émission du mandat, est supprimé pour une liste de trente-deux infractions graves, dont le terrorisme ;

- les Etats membres doivent consentir à la remise de leurs nationaux ;

- la phase politique et administrative des procédures d'extradition est supprimée, la procédure étant entièrement juridictionnalisée, les mandats étant transmis de juge à juge ;

- un délai impératif de 90 jours à compter de l'arrestation doit être respecté.

La décision-cadre créant le mandat d'arrêt européen a été transposée en droit français par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Au 31 décembre 2004, 195 mandats d'arrêt européens émis par des magistrats français ont été exécutés, et la France a elle-même reçu et exécuté 211 mandats (dont 54 visant des ressortissants français) émis par les magistrats d'autres Etats membres(6). Sur ces 406 mandats exécutés, 37 concernaient des personnes soupçonnées ou condamnées pour terrorisme.

Les statistiques des deux premiers mois de l'année 2005 montrent que les magistrats font une utilisation de plus de plus en fréquente du mandat d'arrêt européen. Au 1er mars 2005, les magistrats français ont déjà mis à exécution 66 mandats d'arrêt européens et vu 47 mandats français exécutés par les magistrats d'autres Etats membres. A elle seule, l'Espagne représente 39 de ces 113 mandats d'arrêt européens. Sur les 19 mandats d'arrêt mis à exécution en France à la demande de magistrats espagnols, 9 concernaient des personnes soupçonnées ou condamnées pour terrorisme.

Dans l'ensemble de l'Union européenne, 2 603 mandats d'arrêt ont été émis depuis le 1er janvier 2004 jusqu'en septembre 2004, 653 personnes arrêtées en exécution d'un mandat et 104 remises. La durée moyenne d'exécution d'une demande est passée de plus de neuf mois à 45 jours (voire 18 jours, lorsque la personne concernée consent à sa remise) par rapport aux procédures traditionnelles d'extradition(7).

3) La lutte contre le financement du terrorisme

L'Union européenne a adopté des mesures de gel des fonds ou des avoirs financiers des personnes ou entités non étatiques impliquées dans des actes de terrorisme, conformément à la résolution 1373 du Conseil de sécurité du 28 septembre 2001. Ces mesures ont été adoptées sous la forme de positions communes fondées sur les deuxième (PESC) et troisième (JAI) piliers et d'un règlement communautaire(8).

La liste des personnes et entités auxquelles s'appliquent ces mesures est régulièrement actualisée dans de nouvelles positions communes par les experts chargés de son établissement (dans le cadre de la « clearing house »), et une version électronique consolidée a été mise au point. Elle est établie sur la base des enquêtes menées par les autorités compétentes, judiciaires et policières, des Etats membres. Elle comprend notamment les noms d'entités telles que l'ETA, l'IRA, la branche terroriste du Hamas, le Djihad islamique palestinien, la Brigade des Martyrs d'Al-Aqsa, ainsi que les noms des personnes en faisant partie. Quarante-cinq personnes et quarante-six organisations figurent au total dans sa dernière version, en date de mai 2004. Une liste distincte concerne exclusivement les Talibans et Al-Qaida, ainsi que les personnes et organisations qui y sont liées.

Il n'existe actuellement pas de voies de recours véritablement satisfaisantes concernant ces actes, comme l'a illustré une ordonnance du Tribunal de première instance du 7 juin 2004(9). Le Tribunal y constate que les requérants (qui représentent les organisations basques Segi et Gestoras Pro-Amnistia) « ne disposent probablement d'aucun recours juridictionnel effectif, que ce soit devant les juridictions communautaires ou devant les juridictions nationales » à l'encontre de leur inscription sur la liste des personnes, groupes ou entités impliquées dans des actes de terrorisme (§ 38). Cela ne serait plus le cas avec l'entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l'Europe, qui prévoit expressément de renforcer les compétences de la Cour de justice sur ce point (art. III-322 et 376, ainsi que la déclaration annexée n° 15).

B. Les attentats de Madrid du 11 mars 2004 ont suscité de nouvelles initiatives législatives

Les attentats de Madrid du 11 mars 2004 ont suscité de nouvelles propositions législatives, sur l'initiative de la Commission ou des Etats membres (qui disposent, dans le cadre du troisième pilier, également du droit d'initiative). En ce qui concerne l'harmonisation des législations, les plus importantes visent la rétention des données et la lutte contre le financement du terrorisme.

1) L'harmonisation des règles de rétention des données

Dans la déclaration adoptée le 25 mars 2004 sur la lutte contre le terrorisme, le Conseil européen a appelé l'adoption de règles relatives à la conservation, par les fournisseurs de services, des données relatives au trafic des télécommunications, en vue de leur adoption d'ici juin 2005. L'enquête sur les attentats de Madrid a démontré, si besoin était, que la conservation de ces données peut se révéler essentielle pour identifier les auteurs d'actes de terrorisme.

Un projet de décision-cadre a été présenté le 28 avril 2004 par la France, l'Irlande, la Suède et le Royaume-Uni, afin de répondre à cette demande(10). Il a pour objet de faciliter la coopération judiciaire pénale entre les Etats membres, en rapprochant leurs législations (actuellement très différentes, cf. tableau p. 20-21) applicables à la rétention, par les opérateurs de télécommunication, de trois types de données traitées et stockées par eux : les données relatives au trafic, les données de localisation et les données relatives à l'utilisateur ou à l'abonné. Aucune coopération efficace n'est en effet possible si les législations nationales divergent quant aux délais de conservation et à la nature des données conservées par les opérateurs.

Seules les données générées par une communication, et non le contenu de celle-ci, sont visées. L'accès aux données au moment de la transmission, par la surveillance, l'interception ou par l'enregistrement de télécommunications, n'est pas inclus. Les données visées peuvent être acheminées via la téléphonie, les services de messages courts, de médias électroniques et les services de messagerie multimédias fournis dans le cadre d'un service de téléphonie, et les protocoles Internet.

Le champ d'application de l'instrument s'étend à la prévention, la recherche, la détection et la poursuite d'infractions pénales, y compris du terrorisme, mais ne couvre pas la sauvegarde de la sécurité nationale (sûreté de l'Etat), ni la défense ou la sécurité publique. Le texte ne vise donc pas spécifiquement la lutte contre le terrorisme, et pourrait également servir, par exemple, pour remonter à la source de matériaux à caractère pédophile, raciste et xénophobe, ou pour lutter contre la criminalité informatique. La conservation de données à ces fins est autorisée par l'article 13 de la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, ainsi que par l'article 15 de la directive 2002/58/CE du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques.

Les données visées devraient être « retenues », selon la version initiale de la proposition, durant une période de 12 mois au moins et 36 mois au plus après leur création (art. 4). Des dérogations sont cependant possibles pour les données transmises via les services de messages courts, de médias électroniques et les services de messagerie multimédias fournis dans le cadre d'un service de téléphonie, ainsi que pour les protocoles Internet. Ces dérogations seraient réexaminées chaque année.

Des dispositions relatives à la protection des données sont prévues (art. 6). Elles font notamment obligation à chaque Etat de prévoir les voies de recours prévues par le chapitre III de la directive 95/46/CE relative à la protection des données.

a) Une base juridique contestée

La Commission européenne conteste la base juridique choisie pour cette proposition. Elle estime qu'elle relève de la réglementation du marché intérieur (art. 95 du traité instituant la Communauté européenne) et non de la coopération judiciaire en matière pénale. Selon elle, ce texte devrait prendre la forme d'une directive du premier pilier communautaire, et non d'une décision-cadre du troisième pilier (titre VI du traité sur l'Union européenne). L'analyse de la Commission s'appuie sur le précédent de la directive 2002/58/CE concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques, qui a été adoptée sur le fondement de l'article 95 TCE. Certaines délégations semblent sensibles aux arguments de la Commission.

b) La durée de conservation des données

Les débats (au sein du Conseil ou lors de la consultation des organisations intéressées par la Commission) ont également porté sur la durée de conservation de ces données allant de un à trois ans maximum. La durée maximale prévue par le législateur français pour les données de trafic hors téléphonie (web, e-mail, etc.), qui est de un an, deviendrait ainsi un plancher. Le projet de décret d'application de l'article 29 de la loi sur la sécurité quotidienne du 15 novembre 2001, modifiée par la loi sur la sécurité intérieure du 18 mars 2003, prévoit déjà un délai de un an, soit le délai maximal prévu par l'article L-34-1 du code des postes et télécommunications. Ce délai est justifié compte tenu de la durée moyenne des instructions criminelles, qui est d'environ 22 mois selon le ministère de la justice.

Cette durée de conservation est rejetée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) pour les données hors téléphonie. La CNIL considère en effet, comme la conférence des commissaires européens à la protection des données, qu'une période d'un an ou plus serait clairement disproportionnée et par conséquent inacceptable (déclaration adoptée à Cardiff, octobre 2002). Le « groupe de l'article 29 », créé en application de l'article 29 de la directive relative à la protection des données personnelles, a également statué dans le même sens, et estime le projet contraire à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH). Certains Etats membres ont cependant déjà des durées supérieures (trois ans minimum en Irlande, deux ans renouvelables une fois en Italie, par exemple).

Compte tenu de ces débats, le projet de décision-cadre a été modifié et une période de rétention minimale de douze mois est prévue, le plafond étant laissé à la discrétion des Etats membres. Le champ des dérogations autorisant des durées inférieures a également été étendu aux trois types de données (téléphonie, SMS et multimédias, Internet). L'harmonisation apportée par le texte, en l'état, est donc minimale, et l'absence de durée maximale apparaît discutable au regard de l'article 8 CEDH.

c) La nature des données conservées

La version initiale de la proposition n'imposait que la conservation des données déjà stockées par les opérateurs, à des fins commerciales ou de facturation, par exemple. Certaines délégations souhaitent cependant aller au-delà, et ne pas subordonner la lutte contre la criminalité et le terrorisme à la logique commerciale de chaque opérateur. Cette extension à toute donnée traitée par les opérateurs pose des difficultés, en termes de coûts, de proportionnalité et de protection des données. Cette option est cependant majoritaire au Conseil, car la lutte contre le terrorisme ne saurait être subordonnée à la stratégie commerciale des opérateurs. La liste des données à conserver figurerait dans la décision-cadre.

d) Des enjeux financiers importants

La conservation de données pour une durée plus longue, ou la conservation de nouvelles données, risque d'engendrer des coûts supplémentaires pour les fournisseurs de services. Ces coûts seront-ils à la charge des opérateurs ou des Etats, ou seront-ils partagés entre eux ? Rien n'est précisé à ce sujet, pour l'instant, dans le texte de la décision-cadre (il est d'ailleurs discutable que des dispositions sur l'indemnisation puissent être incluses dans un tel instrument).

Le renvoi au droit national pourrait cependant créer des distorsions de concurrence entre opérateurs. Les législations nationales varient en effet sur ce point : certains Etats, comme la France, ont prévu un régime d'indemnisation, tandis que d'autres laissent l'intégralité du surcoût à la charge des opérateurs. Ce surcoût résulte du stockage de données qui n'étaient pas conservées à des fins commerciales, ou du stockage de données déjà conservées mais pendant une durée supérieure à la durée de conservation des données de facturation. Il découle aussi et surtout du traitement de ces données par un personnel qualifié pour répondre aux réquisitions judiciaires. En France, les « surcoûts identifiables et spécifiques » des prestations assurées par les opérateurs à la demande de l'Etat seront indemnisés et ajoutés à la liste des frais de justice criminelle, correctionnelle et de police.

Il n'existe, actuellement, pas d'évaluation financière fiable des surcoûts engendrés. Les enjeux financiers sont, en tout état de cause, importants, comme le montre la progression des dépenses liées aux réquisitions en matière de téléphonie, qui représentent aujourd'hui 26 % de la dépense globale des frais de justice en matière pénale (soit environ 74,5 millions d'euros en 2004), soit une augmentation de 56,5 % par rapport à 2003(11).

la diversite des legislations des Etats membres
en matière de rétention des données relatives au trafic des communications

 

Etat membre

Législation relative
à la conservation
des données de trafic

Obligation de conservation de données de trafic pour les besoins
de la recherche des infractions pénales

Durée
de conservation

Compensation du coût de la conservation
des données pour
les opérateurs

Données téléphoniques

Données électroniques

Allemagne

Non(1)

Non

Non

-

Compensation des frais de personnel si
les services répressifs utilisent des données conservées pour des besoins de facturation

Autriche

Loi de 2003 sur
les télécommunications

Non

Non

-

Non

Belgique

Art. 109 ter E de la loi Belgacom (21 mars 1991)

Oui

Oui

Un an minimum

Remboursement
du coût des réquisitions judiciaires

Chypre

Loi 112/2004 pour
la régulation
des communications électroniques

Non

Non

-

Non

France

Art. L. 34-1 du code
des postes et
des communications électroniques

Oui

Oui

Un an maximum

Oui, décret et arrêté
à paraître

Grèce

Loi 2774/99, seulement pour les besoins
de la facturation

Non

Non

-

Non

             
 

Hongrie

Loi de 2003 sur
les communications électroniques

Oui

Oui

Trois ans

Non

Irlande

Directives temporaires
du ministère chargé des télécommunications(2)

Oui

Oui

Trois ans minimum

Non

Italie

Décret législatif n° 196, 2003

Oui

Non (envisagé)

Deux ans, renouvelables
une fois

Remboursement du coût engendré par les requêtes

Finlande

-

Non

Non

-

Non

Lettonie

Art. 19 de la loi sur
les communications électroniques
du 1er mai 2004

Oui

Oui

Trois ans

Non

Lituanie

Art. 64 de la loi sur
les communications électroniques
du 1er mai 2004

Oui

Oui

Un an maximum

Oui

Malte

Notice légale n° 16
de 2003 sur le traitement des données personnelles

Non

Non

-

Non

Pays-Bas

Art. 13-1 à 13-4
de la loi sur
les télécommunications

Oui

Non

Trois mois

Remboursement des frais de personnel liés
au traitement des requêtes

Pologne

Loi sur
les télécommunications
du 21 juillet 2000

Oui

Oui

Un an

Non

Portugal

Art. 8 de la loi n° 69/98
du 28 octobre 1998

Non

Non

-

Non

République tchèque

Loi n° 151/2000

Oui

Oui

Deux mois, sauf requête des services répressifs

Non

Royaume-Uni

Anti-Terrorism, Crime
and Security Act

de 2001

Oui

Oui

Six à douze mois selon les données

Contribution aux frais
de stockage et de recherche des données

Slovaquie

Loi sur
les communications électroniques n° 610-2003

Non

Non

-

Non

Source : réponses des Etats membres au questionnaire du Conseil, doc. 12076/04, 17 septembre 2004.

(1) La législation allemande permet aux opérateurs de conserver les données relatives au trafic pendant les six mois suivant la facturation et uniquement pour les besoins de celle-ci. Les autorités judiciaires ne peuvent donc obtenir de telles données, en application des sections 100g et 100h du code de procédure criminelle, que dans la mesure où elles ont été conservées par l'opérateur pour des raisons commerciales.

(2) Directives prises, dans l'attente d'une législation, sur le fondement de la section 110 du Postal and Telecommunications Services Act de 1983.

2) Renforcer l'efficacité de la lutte contre le financement du terrorisme

Deux propositions législatives sont en cours d'examen par le Conseil et le Parlement européen : la troisième directive sur le blanchiment des capitaux et le règlement sur les mouvements d'argent liquide. D'autres initiatives devraient être présentées prochainement, afin de tenir compte du développement de nouvelles modalités de financement du terrorisme.

a) La troisième directive sur le blanchiment des capitaux

L'Union européenne a déjà adopté deux directives anti-blanchiment, en 1991 et en 2001(12). La Commission a présenté une proposition de troisième directive contre le blanchiment, le 30 juin 2004, afin de renforcer le dispositif existant. Cette proposition vise notamment à intégrer en droit communautaire les huit recommandations spéciales du groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux (GAFI) sur le financement du terrorisme et à tenir compte de la révision des quarante recommandations du GAFI (qui sont la référence internationale en la matière) effectuée en 2003. Elle étend son champ d'application à deux nouvelles professions : les courtiers en assurance vie (déjà couverts par la législation française) et les prestataires de service aux sociétés et fiducies. Elle renforce également les obligations de vigilance auxquelles sont soumises certaines professions, ainsi que les obligations d'identification du client.

Le financement du terrorisme a été inclus dans le champ du texte, et distingué du blanchiment de capitaux (la proposition de la Commission l'incluait parmi le blanchiment, mais le Conseil a préféré en faire une infraction distincte). Le degré de risque présenté par certaines opérations (les opérations à distance ou les relations de banques correspondantes, par exemple) est également mieux pris en compte.

A ce stade des discussions, les débats ont surtout porté sur la notion de « personnes politiquement exposées » et sur la suppression de la possibilité pour un avocat de pouvoir informer son client en cas de déclaration de soupçons.

(1) La notion de « personnes politiquement exposées »

La notion de « personnes politiquement exposées » figure dans les nouvelles recommandations du GAFI, ainsi que dans la convention des Nations unies contre la corruption. Elle trouve son origine dans le « scandale Abacha » (l'ancien président du Nigeria et son entourage ont organisé un « pillage » systématique des ressources de leur pays et transféré des fonds estimés à plusieurs milliards d'euros sur des comptes bancaires en Suisse et au Royaume-Uni). Les institutions bancaires suisses ont pris des initiatives au niveau international pour prévoir des obligations de vigilance particulières à l'égard des personnalités exerçant des responsabilités importantes. C'est ainsi qu'a été consacrée la notion de « personnes politiquement exposées », qui vise aussi bien les hommes politiques que les hauts fonctionnaires ou les magistrats, ainsi que les membres de leurs familles et leurs proches collaborateurs.

La Commission proposait d'imposer une obligation de vigilance renforcée à l'égard de toutes les personnes politiquement exposées, ce qui n'apparaissait ni réaliste, ni indispensable, compte tenu du caractère très large de cette notion. Les Etats membres ont limité la portée de cette obligation, en n'imposant une vigilance renforcée qu'à l'égard des personnes politiquement exposées résidant dans un autre Etat membre ou dans un pays tiers.

(2) La suppression de la possibilité pour les avocats d'informer leur client en cas de déclaration de soupçons

La précédente directive de 2001 a soumis les avocats à l'obligation de faire une déclaration destinée à la cellule de renseignement financier compétente (TRACFIN en France) lorsqu'ils soupçonnent leurs clients de se livrer à une activité de blanchiment. La soumission des avocats à cette obligation soulève naturellement la question de la compatibilité d'une telle déclaration avec le secret professionnel. La directive permet par conséquent aux Etats de prévoir des dispositions spécifiques pour concilier la lutte contre le blanchiment et la préservation du secret professionnel.

Lors de la transposition de cette directive en droit français par la loi du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, il a été prévu que les avocats ne seraient soumis à une double obligation de vigilance et de déclaration de soupçon que pour leurs activités professionnelles ne se rattachant pas à une procédure juridictionnelle. Ces obligations ne s'appliquent pas non plus aux informations recueillies à l'occasion d'une consultation juridique, à moins que le client ne souhaite obtenir des conseils juridiques aux fins de blanchiment de capitaux. Ces dérogations ne sont pas remises en cause par la nouvelle proposition de directive.

La directive de 2001 permet également aux Etats membres d'autoriser les avocats à informer leur client qu'ils vont faire ou ont fait une déclaration de soupçon à la cellule de renseignement financier. La France a fait usage de cette possibilité lors de la transposition de la directive. La proposition de directive supprime cette faculté (appelée « tipping-off »), qui n'a en effet pas été retenue par le GAFI, ce qui obligerait la France à modifier sa législation, à peine adoptée, sur ce point. Le gouvernement français a émis une réserve à ce sujet, mais a finalement été contraint de la lever en raison de son isolement. Le débat devrait cependant rebondir au Parlement européen, qui examinera ce texte prochainement dans le cadre de la procédure de codécision, les avocats étant très mobilisés sur cette question(13).

Le rôle important accordé au bâtonnier de l'ordre dans la transmission des déclarations de soupçons à la cellule de renseignement financier semble également remis en cause. Le projet de troisième directive ne supprime pas la possibilité pour les Etats membres de faire transiter, pour les professions juridiques indépendantes, les déclarations de soupçons par les organes professionnels. Il semble en revanche interdire que le bâtonnier puisse exercer un rôle de « filtre », comme c'est le cas actuellement avec la loi du 11 février 2004 (qui l'autorise à ne pas transmettre la déclaration s'il considère qu'il n'existe pas de soupçon de blanchiment de capitaux). La délégation française a cherché à maintenir une dérogation sur ce point, et a obtenu, à titre de compromis, l'insertion d'un considérant. Sa faible portée juridique et sa rédaction ambiguë ne permettent cependant pas de garantir que ce rôle de filtre pourra être préservé lors de la transposition de la troisième directive anti-blanchiment.

Le Conseil européen souhaite l'adoption rapide de cette proposition, qui a fait l'objet d'un accord politique au Conseil « Ecofin » du 7 décembre.

b) Le règlement sur les mouvements d'argent liquide

Des travaux sont en cours concernant le renforcement du contrôle des transferts d'espèces (les attentats de Madrid auraient été financés ainsi). Une proposition de règlement visant à renforcer le contrôle des mouvements transfrontaliers d'espèces a en effet été déposée par la Commission le 25 juin 2002(14). Les discussions sur ce texte ont été longtemps bloquées, à cause d'un contentieux sur la base juridique choisie (la Commission ayant retenu le premier pilier, alors que la plupart des Etats membres estiment que ce texte relève du troisième).

Le Conseil « Ecofin » du 16 novembre 2004 est cependant parvenu à un accord politique sur cette proposition, avec un seuil minimal de 10 000 euros, comme le souhaitait le gouvernement français, soutenu par la Délégation(15) (au lieu de 15 000 comme le proposait la Commission). Ce seuil correspond en effet à la moyenne de ceux existant dans les quinze anciens Etats membres, et à celui retenu aux Etats-Unis (10 000 dollars). Le texte doit maintenant faire l'objet d'une seconde lecture au Parlement européen.

c) Adapter la lutte aux nouvelles tendances du financement du terrorisme

Après le 11 septembre 2001, la communauté internationale a concentré ses efforts sur les flux importants d'argent transitant par le secteur financier officiel, ainsi que sur les groupes et les personnes impliqués dans des actes de terrorisme et sur les organisations non gouvernementales soupçonnées de parrainer le terrorisme sous couvert d'opérations caritatives. L'établissement de listes de personnes ou d'entités dont les avoirs ont été gelés en est une illustration.

L'analyse fait cependant apparaître une évolution des modes de financement du terrorisme. Les réseaux terroristes se sont en effet adaptés au renforcement de la surveillance et aux sanctions adoptées, en ayant moins recours au système bancaire officiel. D'après les services de renseignement, d'autres modes de transfert sont désormais utilisés, tels que les passeurs de fonds en espèces et les systèmes alternatifs comme l'hawala. De nombreuses cellules terroristes s'autofinancent, soit en menant d'autres activités criminelles (narcocriminalité, fraude à la carte de crédit, contrefaçon et fraude aux téléphones mobiles, etc.), soit par des revenus légaux tirés du travail ou des prestations sociales. Les sommes nécessaires à la préparation d'un attentat sont en outre limitées (8 000 euros pour les attentats de Madrid ; moins de 50 000 dollars pour les attentats de Bali d'octobre 2002 ; moins de 40 000 dollars pour les attentats d'Istanbul en novembre 2003 ; les attentats de New York ayant en revanche coûté entre 400 et 500 000 dollars).

Le comité 1267 des Nations unies (créé par la résolution 1267 du Conseil de sécurité concernant Al-Qaida) a ainsi souligné une relative inefficacité des sanctions mises en place, en dépit du gel de 112 millions de dollars en termes d'avoirs financiers et de l'établissement d'une liste d'individus ou d'organisations comptant 429 entités(16). Les mesures de lutte contre le financement du terrorisme doivent par conséquent être adaptées, pour « être en avance sur les terroristes, et non derrière eux », comme l'a déclaré son président, l'ambassadeur Heraldo Muñoz.

La Commission a présenté une communication à ce sujet le 20 octobre 2004(17), où elle évoque un accès des autorités répressives aux bases de données des institutions financières (sur la base de données cryptées, qui ne seraient lisibles qu'en cas de concordance entre un suspect et les informations que l'institution financière détient sur cette personne), l'amélioration de la traçabilité des virements, le renforcement du contrôle des systèmes informels de transfert de fonds (tel que l'hawala) et un accroissement de la transparence des organisations caritatives. Le secrétaire général du Conseil et Haut représentant pour la PESC, M. Javier Solana, et la Commission ont également présenté un document de stratégie au Conseil européen qui s'est tenu les 16 et 17 décembre à Bruxelles, qui préconise notamment de mieux protéger le secteur associatif contre toute utilisation abusive, en renforçant sa transparence. Le Conseil européen a demandé à la Commission de présenter des propositions pour lutter contre l'utilisation d'organisations caritatives pour financer le terrorisme. Une proposition de règlement sur les transferts de fonds, mettant en œuvre la recommandation spéciale VII du GAFI, est également attendue.

L'assistance technique aux pays tiers dans ce domaine, par exemple en soutenant la mise en place de cellules de renseignement financier, est essentielle. Les efforts de l'Union en vue d'une adhésion universelle à la convention des Nations unies pour la répression du financement du terrorisme et aux autres instruments internationaux pertinents doivent aussi être poursuivis.

C. Les effets des textes adoptés jusqu'ici tardent à se concrétiser

La mise en œuvre effective des textes adoptés par l'Union est indispensable et urgente. La plupart des Etats membres présentent des retards importants dans ce domaine, qu'il s'agisse de la transposition des décisions-cadres dans les délais ou de la ratification des conventions du troisième pilier. Mais la Commission n'a pas le droit de former un recours en manquement d'Etat dans le cadre du troisième pilier. Cette carence institutionnelle limite l'effectivité des actes adoptés.

1) Des transpositions tardives et incomplètes

a) La décision-cadre relative à la lutte contre le terrorisme

Le rapport sur la transposition de la décision-cadre du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme que la Commission a présenté en juin 2004(18) souligne de nombreuses lacunes dans la mise en œuvre des dispositions de la décision-cadre par les quinze anciens Etats membres. La Commission relève ainsi qu'à la date butoir fixée pour la transposition, le 31 décembre 2002, seulement cinq Etats membres lui avaient transmis des informations concernant la mise en œuvre de la décision-cadre. Fin février 2004, elle n'avait encore reçu aucune information du Luxembourg et des Pays-Bas, ni notification d'aucun texte législatif de la part de la Grèce. En décembre 2004, le rapport présenté par la présidence au Conseil européen concernant la mise en œuvre de la déclaration sur la lutte contre le terrorisme indique que Chypre, l'Irlande, la Lituanie et Malte n'ont toujours pas intégralement transposé ce texte(19) (la situation en Slovénie et en Slovaquie étant, en outre, non précisée, faute d'informations).

Outre ces retards, plusieurs Etats membres semblent n'avoir pas convenablement transposé les dispositions de la décision-cadre. C'est le cas, par exemple, de l'Allemagne en ce qui concerne l'article 1er, qui impose aux Etats membres de distinguer les crimes terroristes des incriminations ordinaires. En Suède et au Danemark, les groupes terroristes, la direction de leurs activités ou le fait d'y participer ne font toujours pas l'objet d'une incrimination spécifique, contrairement à ce qu'exige l'article 2 de la décision-cadre. L'harmonisation des sanctions applicables aux actes terroristes reste également insuffisante, huit Etats membres seulement appliquant à ces actes des sanctions plus lourdes que celles prévues pour les mêmes infractions commises sans intention terroriste, comme le prévoit l'article 5. Ce constat préoccupant est confirmé par le rapport de la présidence au Conseil du 12 octobre 2004(20).

b) La décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen

La transposition de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen a été particulièrement difficile, et elle est également marquée par de nombreux retards. A l'expiration de la date de transposition prévue, c'est-à-dire au 31 décembre 2003, le mandat d'arrêt européen n'était en vigueur que dans huit Etats membres (l'Allemagne, l'Autriche, la France, la Grèce, le Luxembourg, l'Italie et les Pays-Bas n'ayant pas achevé sa transposition). Au 1er mai 2004, date à laquelle les nouveaux Etats membres devaient l'avoir transposé, trois anciens Etats membres (l'Allemagne, la Grèce et l'Italie) n'avaient toujours pas rempli leurs obligations, alors que la moitié (Chypre, Hongrie, Pologne, Lituanie, Slovénie) des dix nouveaux pays l'avaient mis en œuvre. Au début de l'année 2005, un Etat membre, l'Italie, n'a toujours pas mis en œuvre le mandat d'arrêt européen(21). Le rapport sur la transposition du mandat d'arrêt européen dans les Etats membres que la Commission européenne a présenté le 23 février 2005(22), souligne en outre que trois Etats membres (Luxembourg, République tchèque et Slovénie) ont limité le champ d'application temporel du mandat d'arrêt en contradiction avec la décision-cadre. Certains Etats (Danemark, Malte, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni) ont aussi introduit des motifs de refus non prévus par la décision-cadre, telles que des motivations politiques, de sécurité nationale ou impliquant un contrôle au fond de l'affaire.

Des difficultés similaires ont été rencontrées pour la transposition de la décision-cadre du 13 juin 2002 relative aux équipes communes d'enquêtes (cf. infra, p. 50), qui n'était toujours pas transposée, à la fin de l'année 2004, par la Belgique, Chypre, la Grèce, l'Italie, le Luxembourg et la Lituanie. A cette date, plusieurs Etats membres (Chypre, Espagne, Grèce, Italie et Luxembourg) n'avaient pas adopté non plus les mesures nécessaires pour donner à leur représentant à Eurojust les pouvoirs requis par la décision du 28 février 2002 ayant institué cette unité de coopération judiciaire(23) (cf. infra, p. 46 s.).

c) L'absence de ratification des conventions

Les conventions adoptées dans le cadre du troisième pilier sont soumises à la ratification des Etats membres. Le bilan est assez sombre sur ce point également. La convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union européenne n'a été ratifiée que par neuf Etats membres sur vingt-cinq, et son protocole du 16 octobre 2001 par quatre d'entre eux. Les trois protocoles de 2000, 2002 et 2003 modifiant la convention Europol n'ont été approuvés, pour leur part, respectivement que par 18, 13 et 10 Etats membres.

2) Un « aiguillon » utile : l'évaluation

Différents types d'évaluation ont été mis en place, par le Conseil, la Commission et les Etats membres eux-mêmes.

a) L'évaluation par le Conseil

Le Conseil européen a demandé au Conseil de procéder chaque semestre, en coopération avec le secrétaire général/Haut représentant, M. Javier Solana, le coordinateur européen de la lutte antiterroriste, M. Gijs de Vries, et la Commission, à une évaluation de l'état de mise en œuvre de la déclaration sur la lutte contre le terrorisme du 25 mars 2004. Ce bilan régulier, présenté au Conseil européen de printemps et de fin d'année, représente un aiguillon utile pour les Etats membres.

b) Les rapports d'évaluation de la Commission

Les rapports d'évaluation de la Commission, prévus par les décisions-cadres ou décisions elles-mêmes, sont également précieux, d'autant que la Commission n'hésite pas à désigner nommément les Etats coupables de transposition tardive ou incomplète (selon la tactique dite du « name and shame »). La Commission européenne devrait aussi présenter, le 11 mars 2005, un rapport du souvenir destiné aux parlements européen et nationaux ainsi qu'aux citoyens européens en général, qui présentera les mesures prises par l'Union entre le 11 mars 2004 et le 11 mars 2005, leur état de mise en œuvre au niveau européen et national ainsi que les principaux défis qui restent à relever.

c) L'évaluation mutuelle par les pairs

Un mécanisme d'évaluation de l'application et de la mise en œuvre au plan national des engagements internationaux en matière de lutte contre le terrorisme a été mis en place par la décision du Conseil du 28 novembre 2002(24). Cette évaluation par les pairs des dispositifs nationaux de lutte contre le terrorisme est un exercice utile, qui ne se limite pas à l'examen de la reprise des engagements internationaux pris par les Etats membres, mais permet également d'identifier les bonnes pratiques des Etats membres dans ce domaine. Un premier rapport d'évaluation des structures nationales des quinze anciens Etats membres, comportant une douzaine de recommandations, a été remis au Conseil le 23 novembre 2004. L'évaluation des dix nouveaux Etats membres devrait être achevée d'ici le mois de septembre 2005.

Le programme de La Haye insiste sur le développement de ces mécanismes d'évaluation, afin d'assurer une mise en œuvre effective des textes dans les délais prévus. La Constitution européenne conforte cette volonté par une disposition spécifique (art. III-260), consacrée à la mise en place d'une évaluation objective et impartiale de l'ensemble des politiques de l'Union relatives à l'espace de liberté, de sécurité et de justice.

II. METTRE L'ACCENT SUR LA COOPERATION OPERATIONNELLE ET SUR LA LUTTE CONTRE LES « RACINES DU TERRORISME »

Le second volet de l'action de l'Union européenne, spécifique à l'espace de liberté, de sécurité et de justice, concerne la coordination de l'activité opérationnelle des Etats membres. L'intervention de l'Union dans ce domaine est moins classique et, partant, souvent moins bien acceptée par les services compétents, qu'en matière législative. Les obstacles rencontrés sur ce sujet sont davantage « culturels » que juridiques : les services de police et de renseignement, par exemple, ne sont prêts à partager leurs informations que dans le cadre de relations de confiance, or celles-ci ne se décrètent pas.

L'intensification des échanges d'informations est devenue, après les attentats de Madrid, l'une des priorités d'action de l'Union. L'affirmation du principe de disponibilité en témoigne et devrait être concrétisée par des propositions prochainement. La lutte contre les « racines du terrorisme », c'est-à-dire contre les facteurs qui poussent une personne à radicaliser ses convictions et à basculer dans l'action violente, fait aussi l'objet d'une attention particulière de la part du Conseil européen.

A. Renforcer l'efficacité du dispositif existant, sans créer de nouveaux organes

L'Union dispose de plusieurs outils pour renforcer la coopération opérationnelle entre les services des Etats membres : l'Office européen de police (Europol), l'unité de coopération judiciaire Eurojust, les équipes communes d'enquête et, à compter du 1er mai 2005, l'Agence européenne pour la gestion des frontières extérieures. L'efficacité de ces outils doit être renforcée, avant de songer à créer d'autres organes, qui risqueraient de faire doublon avec ceux existants. C'est à juste titre que la création d'une Agence européenne de renseignement a été rejetée par la plupart des Etats membres. Il convient en revanche d'intensifier les échanges d'informations entre les services compétents des Etats membres, en créant un cadre juridique adéquat et en renforçant la confiance mutuelle.

1) Accroître les échanges d'informations et de renseignements entre Etats membres

Les services des Etats membres ne peuvent agir efficacement que s'ils disposent d'informations et de renseignements. Les échanges d'informations peuvent s'effectuer à travers l'Office européen de police (Europol), mais aussi directement entre les services concernés, conformément au principe de disponibilité affirmé par le Conseil européen, que devraient prochainement concrétiser plusieurs propositions en discussion.

a) Rendre Europol plus opérationnel

L'Office européen de police (Europol) a été créé par la Convention Europol du 26 juillet 1995 et est installé à La Haye. Il a connu une montée en puissance importante depuis le démarrage de ses activités le 1er juillet 1999 : il compte aujourd'hui environ 400 agents et est doté d'un budget de 58,7 millions d'euros en 2004. Ses compétences matérielles ont été progressivement étendues et couvrent l'ensemble de la criminalité organisée transnationale, y compris le terrorisme.

Europol ne dispose actuellement d'aucun pouvoir opérationnel, et permet uniquement des échanges d'informations entre les services répressifs des Etats membres, auxquels il fournit une analyse criminelle fondée sur des « fichiers d'analyse » consacrés à des thèmes précis de la criminalité internationale (terrorisme islamiste, réseaux pédophiles, traite des êtres humains, etc.).

Le Conseil « Justice et affaires intérieures » des 24 et 25 février 2005 a nommé l'Allemand Max Peter Ratzel (ancien chef de la division criminalité organisée de la police criminelle allemande - BKA) à la tête d'Europol. M. Ratzel succédera à un autre Allemand, M. Jurgen Störbeck, après plus d'un an de discussions infructueuses. La France avait présenté la candidature du Préfet Jacques Franquet, directeur du service de coopération technique de la police puis, lors de la seconde procédure de sélection (la première ayant échoué), de M. Gilles Leclair, chef de l'unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT) et ancien directeur adjoint d'Europol.

Après les attentats du 11 septembre 2001, une équipe de spécialistes antiterroristes, appelée « Task Force de lutte contre le terrorisme » (« Counter Terrorism Task Force », CTTF), a été mise en place à Europol. La pauvreté des informations échangées et sa faible valeur ajoutée ont conduit à sa suppression, le 1er avril 2003, et à l'intégration de ses tâches au sein de la structure d'Europol. A l'issue d'une période de transition, l'unité contre terrorisme (SC5) d'Europol a pris le relais et repris les projets en cours. Après les attentats du 11 mars 2004, le conseil d'administration d'Europol a finalement décidé de réactiver la Task Force de lutte contre le terrorisme, afin de pouvoir mettre à disposition des Etats membres une équipe renforcée en cas de crise majeure. Ses effectifs devraient être, à terme, de 56 personnes, et Europol a engagé 20 analystes supplémentaires, en plus des dix analystes déjà affectés à la Task Force(25). Mais le profil des correspondants nationaux auprès d'Europol (des fonctionnaires qui ne sont pas parmi les plus expérimentés ou ayant exercé d'importantes responsabilités dans leur pays) montre que les Etats ne sont pas encore décidés à jouer le jeu d'une action commune.

Au-delà de ces changements organisationnels (qui sont révélateurs des difficultés rencontrées dans les faits et de l'absence d'un véritable consensus), la contribution d'Europol à la lutte contre le terrorisme reste limitée, en raison de la réticence des services des Etats membres à l'alimenter en informations. Europol a créé des fichiers d'analyse concernant le terrorisme islamiste et le terrorisme autochtone, mais les services de police tendent à ne les alimenter qu'en « données mortes », alors que leur utilité repose sur une alimentation en temps réel avec des données « vivantes ». L'augmentation des échanges d'informations entre Europol et les Etats membres observée au cours de l'année 2003 (+ 40 % entre 2002 et 2003) est encourageante. Mais une faible proportion de ces échanges concerne le terrorisme(26), les services des Etats membres restant très réticents à partager leurs informations dans ce domaine. Certaines informations sensibles ne peuvent être, à leurs yeux, communiquées que dans un cadre bilatéral. La lutte menée par la France et l'Espagne contre l'ETA a été un succès. Confiée à Europol, il n'en aurait pas été de même, a-t-on clairement dit à votre rapporteur. Dans une Europe élargie, les risques de fuite sont trop importants. Jamais les Etats les plus concernés n'accepteront de devoir supporter les conséquences d'informations divulguées trop largement. D'une manière générale, comme le déplorait M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, peu de temps après les attentats du 11 mars 2004, « seulement 5 % des effectifs d'Europol travaillent actuellement sur cette menace ».

Europol produit par ailleurs régulièrement des évaluations de la menace terroriste, ainsi qu'un aperçu mensuel du terrorisme islamiste et un rapport annuel sur la situation et l'évolution du terrorisme (appelé TE-SAT, « Terrorism Situation and Trend ») afin d'informer le Parlement européen. Un glossaire des groupes terroristes a été élaboré, et la base de données sur les composants des bombes (qui existait déjà avant le 11 septembre 2001) est régulièrement enrichie.

La France souhaite renforcer la dimension opérationnelle de l'Office, afin d'en faire un « service européen d'enquête de police judiciaire pour les infractions transnationales graves »(27). Les pouvoirs opérationnels d'Europol devraient être renforcés, lorsque la ratification du protocole permettant la participation de ses agents aux équipes communes d'enquête aura été achevée. La mise en service du système d'information Europol (SIE), qui a pris un retard considérable (sa livraison était initialement prévue en juin 2002, mais a été reportée à plusieurs reprises en raison de difficultés techniques), renforcera également son efficacité. Le SIE sera en effet le premier fichier d'information européen de police criminelle.

Europol ne doit pas prétendre diriger l'activité des services d'enquête nationaux, ou se substituer aux coopérations bilatérales existantes lorsqu'elles sont efficaces, mais apporter une plus-value, en soutien à leur action. Cette plus-value à l'égard des nouveaux Etats membres et des pays candidats ou associés devrait être développée, tant en matière de formation que de mise à disposition de matériel, par exemple.

b) Intensifier les échanges de renseignements sans créer une « Agence européenne de renseignement »

Les Etats membres ont décidé, après les attentats du 11 septembre 2001, de renforcer la coopération entre leurs services de renseignements. Le « club de Berne », qui regroupe les services de sécurité intérieure des quinze anciens Etats membres, plus ceux de Norvège et de Suisse, a ainsi créé un « groupe antiterrorisme » (GAT), au sein duquel les experts concentrent leurs travaux sur le terrorisme islamiste et les réseaux d'Al-Qaida. Le GAT a mis également en œuvre un protocole simplifié d'échange d'informations avec les services américains et a renforcé les échanges de renseignements dans le domaine des expulsions d'extrémistes islamistes et de faux documents. Il élabore périodiquement une analyse de la menace que représente l'Islam sunnite radical, ses modus operandi et ses cibles potentielles. Les services de sécurité et de renseignements des dix nouveaux Etats membres sont devenus membres à part entière du GAT le 1er mai 2004.

Certains Etats membres (l'Autriche et la Belgique notamment) ont proposé, au lendemain des attentats du 11 mars 2004, d'aller plus loin en créant une Agence européenne de renseignement (parfois qualifiée dans les médias de « CIA européenne »). Cette proposition a été rejetée par la plupart des « grands » Etats membres, afin d'éviter d'ajouter une nouvelle structure à celles déjà existantes. Le risque de doublon avec Europol, en particulier, était réel. Les risques de « fuites » sont en outre jugés trop importants dans une Europe élargie, comme déjà mentionné.

La création d'une unité d'analyse sur les menaces terroristes a en revanche été décidée au sein de l'actuel centre de situation conjoint (SITCEN, « Situation Center »)(28), qui était jusqu'à présent uniquement chargé de l'analyse de la menace extérieure, et non intérieure. En pratique, une douzaine d'experts issus du groupe antiterrorisme (GAT) s'ajouteront aux sept experts actuels du centre de situation, qui intégrera ainsi dans ses activités l'analyse de la menace intérieure.

Sur le plan opérationnel, le Conseil « Justice et affaires intérieures » du 6 novembre 2003 a décidé la création d'équipes multinationales ad hoc pour l'échange d'informations relatives aux terroristes(29). Ces équipes sont constituées de spécialistes des autorités chargées de la lutte contre le terrorisme, et ont pour fonction d'ouvrir des enquêtes sur des personnes suspectées d'appartenir à des groupes terroristes, ainsi que sur les réseaux qui les soutiennent. Elles peuvent recourir à toute la panoplie des techniques d'enquêtes, dans le respect du droit national, à des fins préventives et préalablement à la phase judiciaire (ce qui les distingue des équipes communes d'enquête créées par la décision-cadre 2002/465/JAI du 13 juin 2002), afin de collecter et d'échanger des informations.

c) Concrétiser le principe de disponibilité des informations

(1) Signification et portée du principe de disponibilité

La présidence néerlandaise a inscrit un principe de disponibilité des informations dans le nouveau programme pour l'espace de liberté, de sécurité et de justice, appelé le programme de La Haye, que le Conseil européen a adopté le 5 novembre 2004. Selon ce principe, tout agent des services répressifs d'un Etat membre qui a besoin de certaines informations dans l'exercice de ses fonctions peut les obtenir d'un autre Etat membre, le service répressif de l'autre Etat membre détenant ces informations les mettant à sa disposition. Ce principe devrait régir les échanges d'informations entre les services des Etats membres à compter du 1er janvier 2008. Il sera concrétisé par une proposition de décision-cadre que la Commission a annoncé pour la fin de l'année 2005.

Les Etats membres sont d'accord sur le principe, mais divergent sur ses modalités d'application. Les attentes et les besoins des Etats membres sur ce sujet ne sont en effet pas les mêmes. Certains Etats (la France notamment) ont insisté, lors de l'élaboration du programme, pour que des garanties soient prévues en ce qui concerne l'utilisation des données, ou pour pouvoir continuer à invoquer des intérêts de sécurité nationale pour refuser l'accès à une information. De nombreuses garanties ont donc été ajoutées, telles que la protection des sources d'informations, la confidentialité des données et le respect des exigences des enquêtes en cours et des règles relatives à la protection des données.

La Commission propose également, dans sa communication sur le renforcement de l'accès à l'information des autorités responsables du maintien de l'ordre public(30), un principe d'accès équivalent. Ce principe, proche du précédent mais plus opérationnel, consiste à donner à ces autorités des droits équivalents d'accès aux données d'autres Etats membres, dans des conditions comparables aux autorités de cet Etat membre.

(2) Vers une interopérabilité des bases de données européennes

La déclaration sur la lutte contre le terrorisme évoque une interopérabilité et la création de synergies entre les diverses banques de données créées dans le domaine de la justice et des affaires intérieures (Système d'information Schengen II (SIS II), système d'information sur les visas (Visa Information System, VIS) et Eurodac). Cette proposition supposerait une refonte du système actuel de protection des données à caractère personnel (notamment au regard du principe de finalité, qui interdit qu'une donnée à caractère personnel puisse être utilisée à une fin différente de celle pour laquelle elle a été collectée). La France accepte l'interopérabilité, sous réserve qu'elle ne conduise pas à une interconnexion de ces bases.

(3) Un régime ad hoc de protection des données personnelles

La Commission a annoncé, en contrepartie de ces initiatives, qu'une proposition législative relative à la protection des données dans le troisième pilier serait présentée prochainement. Actuellement, il n'y a en effet pas un régime unique, comme dans le premier pilier ; chaque organe (Europol, Eurojust) ou base de données (SIS, Eurodac) a son propre système de protection des données. Une proposition de décision-cadre établissant des standards communs pour le traitement des données personnelles dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale devrait être déposée par la Commission au cours du second semestre 2005.

Ce régime de protection ad hoc devra concilier les besoins des enquêtes avec le droit à la protection des données personnelles garanti par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (art. II-68). Un processus de consultation a été engagé par la Commission à ce sujet, qui devra associer les autorités de protection des données, telles que la CNIL. Selon certains experts, il est probable que le principe de finalité, qui interdit qu'une donnée à caractère personnel, stockée dans une base de données, puisse être utilisée à une fin différente de celle pour laquelle elle a été collectée, soit assoupli. Cette utilisation plus large des données disponibles devra être compensée par l'imposition de sanctions sévères en cas d'utilisation abusive(31).

d) Adopter les projets de décisions relatives à l'échange d'informations et de renseignements

(1) La proposition de la Commission visant à étendre le champ d'application de la décision du 19 décembre 2002

Une décision relative à l'application de mesures spécifiques de coopération policière et judiciaire en matière de lutte contre le terrorisme a été adoptée le 19 décembre 2002, à la suite d'une initiative espagnole(32). Elle impose la désignation d'un service de police et d'une autorité judiciaire nationaux, chargés de recueillir toutes les informations pertinentes concernant les enquêtes pénales relatives aux personnes et entités figurant sur la liste des organisations et entités terroristes (créée par la position commune 2001/931/PESC) et d'échanger ces informations avec Europol et Eurojust. En France, ces correspondants sont le directeur des affaires criminelles et des grâces et le chef de l'UCLAT.

Cette décision impose également aux Etats membres de prendre « les mesures nécessaires pour veiller à ce que toute information pertinente contenue dans un document, dossier, éléments d'information, objet ou autre moyen de preuve, qui a été saisi ou confisqué au cours d'enquêtes ou de procédures pénales en relation avec des infractions terroristes et dirigées contre les personnes, les groupes ou les entités figurant sur la liste [des personnes ou entités terroristes] puisse être immédiatement accessible aux autorités d'autres Etats membres intéressés ». Elle prévoit en outre un traitement prioritaire des demandes d'entraide judiciaire, de reconnaissance et d'exécution des décisions judiciaires présentées par un autre Etat membre lorsqu'elles concernent des personnes ou entités figurant sur la liste.

La Commission a déposé, en mars 2004, une proposition de décision qui se substituerait à la décision du 19 décembre 2002(33). Cette proposition reprend intégralement la décision précitée, en en élargissant le champ d'application :

- elle vise toutes les infractions terroristes au sens de la décision-cadre 2002/475/JAI du 13 juin 2002 relative à la définition du terrorisme, sans se limiter à la liste limitative des personnes et entités établie par l'Union européenne ;

- les informations échangées devront concerner tous les stades de la procédure, y compris les condamnations pénales prononcées.

Cette proposition a été sensiblement modifiée au cours de son examen par le Conseil. Il a notamment été précisé que les échanges d'informations ne porteront que sur les infractions terroristes concernant au moins deux Etats membres. La valeur ajoutée de l'Union porte en effet sur le terrorisme international, et non sur le terrorisme strictement national, tel que le terrorisme corse.

La distinction entre les informations transmises à Europol et celles transmises à Eurojust a aussi été précisée, afin d'éviter que des informations relevant exclusivement de la compétence d'Eurojust ne soient transmises à Europol, et vice-versa (les informations concernant les demandes d'entraide judiciaire ne seront ainsi transmises qu'à Eurojust). La liste des informations transmises à Eurojust a en outre été réduite, Eurojust ayant fait valoir qu'elle n'a ni la capacité, ni la compétence nécessaires pour analyser de grands volumes de données à ce stade.

Les besoins des enquêtes en cours sont également mieux pris en compte, les informations devant être accessibles aux autorités d'autres Etats membres non plus immédiatement mais « dès que possible » et « sans compromettre des enquêtes en cours ». Sur ce point, le texte apparaît moins contraignant que la décision actuelle, alors qu'il est censé la renforcer.

Enfin, un considérant supplémentaire sur les motifs de refus a été ajouté à la demande de certaines délégations. Il précise que la décision ne porte pas atteinte « aux intérêts essentiels en matière de sécurité nationale, au bon déroulement d'une enquête en cours ou à la sécurité de personnes, ou aux activités de renseignements spécifiques dans le domaine de la sécurité nationale ».

Ces modifications ont permis au Conseil « Justice et affaires intérieures » du 2 décembre 2004 de parvenir à une approche générale sur ce texte, qui devrait être examiné par le Parlement européen en mai 2005.

(2) Le projet de décision-cadre relative à la simplification de l'échange d'informations et de renseignements

La Suède a déposé, en juin 2004, un projet de décision-cadre relative à la simplification de l'échange d'informations et de renseignements entre les services répressifs des Etats membres, notamment en ce qui concerne les actes terroristes(34). Cette initiative ne se limite pas à la lutte contre le terrorisme, et vise l'ensemble de la criminalité internationale grave. Elle a cependant été présentée par la Suède comme une réponse à la demande formulée par le Conseil européen dans la déclaration du 25 mars 2004 sur la lutte contre le terrorisme, qui appelle à un renforcement de l'échange d'informations et de renseignements entre les Etats membres.

Ce projet de décision-cadre a pour objet de créer un cadre juridique commun d'échange d'informations et de renseignements, applicable à tous les services répressifs nationaux. Il vise à renforcer, simplifier et rendre plus rapide l'échange d'informations et de renseignements au cours d'enquêtes pénales ou d'« opérations de renseignement en matière pénale ». Toutefois, plusieurs limites sont posées par le texte, comme l'absence d'obligation de stocker des informations ou des renseignements à la seule fin de les fournir aux services répressifs d'autres Etats membres. Le projet n'autorise pas non plus l'utilisation des informations ou renseignements fournis comme éléments de preuve dans le cadre d'une procédure pénale.

Les services répressifs inclus dans le champ de la décision-cadre sont les services nationaux de police, de douane ou tout autre service autorisé à dépister et à prévenir les infractions ou les activités criminelles, à enquêter à leur propos, à exercer l'autorité publique ou à prendre des mesures coercitives dans le cadre de ces activités. Une autorité judiciaire est considérée comme un service répressif compétent si, conformément à la législation nationale, elle seule détient les informations ou les renseignements ou y a accès. Les infractions visées sont celles punissables dans l'Etat requérant d'une peine privative de liberté d'au moins douze mois (avec un élargissement possible par voie bilatérale).

Les informations et renseignements demandés par un service répressif d'un autre Etat membre devront être transmis sans retard et, dans la mesure du possible, dans les délais demandés. Un délai maximum de douze heures est prévu pour les demandes concernant une liste d'infractions, qui reprend celle du mandat d'arrêt européen, en y ajoutant certaines infractions, pas nécessairement en fonction de leur gravité (l'atteinte aux droits de propriété intellectuelle ou une conduite contraire aux normes qui règlent la circulation routière y figurent, par exemple).

Les informations peuvent concerner de larges catégories de personnes. Sont ainsi visées les personnes soupçonnées d'avoir commis ou pris part à une infraction, mais aussi celles susceptibles, sur la foi de renseignements obtenus dans le cadre d'une procédure pénale ou d'autres éléments probants, de commettre ou de prendre part à une infraction, ainsi que les personnes « pour lesquelles des raisons factuelles donnent lieu de croire qu'un échange d'informations et de renseignements [...] pourrait contribuer au dépistage et à la prévention d'un délit ou d'une activité délictueuse » constitutive de l'une des infractions de la liste précitée.

Les informations peuvent être utilisées par les services répressifs auxquels ils ont été transmis aux fins des procédures pour lesquelles elles ont été demandées, mais aussi aux fins d'autres procédures ayant un rapport direct ou dans le but de prévenir un danger immédiat et grave pour la sécurité publique. De plus, elles peuvent être utilisées à toute autre fin si les services les ayant transmises y consentent.

La transmission se fait notamment par l'intermédiaire des bureaux SIRENE(35) ou des unités nationales et des officiers de liaison Europol, ou directement entre services répressifs. Les règles de protection des données habituellement prévues pour ces canaux de communication sont applicables.

Les services transmettant des informations peuvent imposer aux services répressifs destinataires des conditions concernant l'usage qu'ils feront de ces informations et renseignements. Parmi les motifs de refus de transmission figurent l'atteinte aux intérêts vitaux de l'Etat membre requis en matière de sécurité, l'atteinte au bon déroulement d'une enquête ainsi qu'une disproportion entre les informations requises au regard des finalités pour lesquelles elles ont été demandées.

Les négociations sur ce texte progressent lentement et apparaissent difficiles. A ce stade, les discussions ont surtout porté sur l'inclusion des autorités judiciaires dans le champ de la décision-cadre. Certains Etats membres (dont la France) s'opposent à ce que des informations qui ne peuvent être détenues, selon leur droit national, que par des autorités judiciaires, puissent être transmises selon les canaux de la coopération policière. Elles souhaitent exclure les autorités judiciaires du champ de la proposition, afin d'éviter que les mécanismes de coopération judiciaire puissent être contournés par le biais de ce texte. Cette exclusion diminue sensiblement la plus value apportée par la proposition, car les demandes ne pourront porter que sur des informations dont les policiers disposent hors réquisition judiciaire, qui s'échangent déjà de manière informelle. Pour prendre un exemple concret, un policier allemand ne pourra pas demander à un policier français d'identifier un numéro de téléphone français en liste rouge, car le policier français ne peut l'obtenir que sur autorisation judiciaire.

Pour éviter que le texte ne soit vidé de sa substance, la présidence a d'abord proposé un compromis fondé sur une liste limitative des informations « judiciaires » susceptibles d'être incluses dans le champ de la décision-cadre (qui comprend notamment les fichiers ADN et des empreintes digitales). Certaines délégations (dont la France) estiment cependant cette liste trop large et persistent à vouloir exclure l'ensemble des informations détenues par des autorités judiciaires. Un autre compromis a alors été proposé, qui consisterait à permettre un échange via les canaux de la coopération policière, mais en le soumettant à certaines conditions, notamment quant à l'utilisation de l'information par le service requérant ou l'autorité habilitée à autoriser l'échange, qui pour certains Etats membres resterait l'autorité détenteur de l'information, en l'occurrence une autorité judiciaire. Les canaux de la coopération policière ne seraient ainsi pas fermés, par principe, à l'échange de certaines données ou à certains stades de la procédure judiciaire.

2) Renforcer l'efficacité d'Eurojust

Installée à La Haye (comme Europol) depuis le 1er décembre 2002, l'unité Eurojust a été instituée par une décision du Conseil du 28 février 2002, sa création ayant été décidée lors du Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999. Composée de procureurs, de magistrats ou d'officiers de police ayant des compétences équivalentes, Eurojust est compétente pour l'ensemble de la criminalité organisée transnationale, dont le terrorisme.

Présidée par un Britannique, M. Michael Kennedy, Eurojust a pour mission de faciliter, soutenir et coordonner les enquêtes pénales transfrontalières ordonnées par les juges d'instruction ou les parquets des Etats membres. Eurojust peut notamment demander que les autorités compétentes d'un ou plusieurs Etats membres entreprennent une enquête ou des poursuites sur des faits précis, mettent en place une équipe commune d'enquête ou lui communiquent les informations nécessaires à l'accomplissement de ses missions. Les Etats ne sont pas tenus de donner suite à ces demandes, mais doivent motiver leur refus (sauf si cela porte atteinte à des intérêts nationaux essentiels, au bon déroulement d'enquêtes en cours ou à la sécurité d'une personne). Ces pouvoirs sont exercés par l'intermédiaire du collège Eurojust ou de ses membres nationaux.

a) Une instance encore jeune

Eurojust est une instance encore jeune, qui reste mal connue des praticiens. Il est essentiel de la faire connaître auprès des magistrats. Le représentant de la France auprès d'Eurojust, M. François Falletti, participe ainsi régulièrement aux réunions nationales des procureurs généraux. La circulaire présentant les dispositions de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité relatives à Eurojust, en cours de rédaction, devrait aussi contribuer à accroître sa notoriété.

Il est également indispensable que les membres nationaux désignés par les Etats membres aient des pouvoirs suffisants. La France a, pour sa part, désigné un ancien procureur général, aujourd'hui avocat général près la Cour de cassation, qui dispose donc de l'expérience, du poids et du rang nécessaires pour l'accomplissement de ses missions, mais ce n'est pas le cas de tous les Etats membres. Certains membres nationaux ne sont, par exemple, pas habilités à recevoir et à transmettre des commissions rogatoires. Une uniformisation du statut des membres nationaux serait souhaitable.

L'augmentation continue du nombre de dossiers soumis au collège d'Eurojust est, en tout état de cause, encourageante. En 2004, Eurojust a été saisie de 380 affaires, soit 20 % de plus qu'en 2003, où elle avait été saisie de 300 cas, soit 50 % de plus qu'en 2002 (202 dossiers). Une forte proportion de dossiers (74 %) étaient, en 2003, bilatéraux, alors que la plus value d'Eurojust est forte surtout sur des affaires multilatérales concernant plus de deux pays. En 2003, la France occupait la 7e place parmi les pays requérants (20 dossiers), et la 5e parmi les pays requis (39). En 2004, elle est passée à la 4e place parmi les pays requérants (avec 35 dossiers, ce qui témoigne d'une utilisation croissante d'Eurojust par les magistrats français), et à la 8e parmi les pays requis.

b) La contribution d'Eurojust à la lutte contre le terrorisme

Le nombre de dossiers transmis à Eurojust concernant le terrorisme reste faible : environ 6 % en 2003 (le trafic de drogue et les cas de fraude représentent près de la moitié des dossiers) et 7 % en 2004. Les réunions de coordination organisées par Eurojust sont cependant très utiles (v. exemple ci-après), de même que les réunions stratégiques consacrées au terrorisme, telle celle organisée au siège d'Eurojust en juin 2004. La plupart des Etats membres ont désigné des correspondants nationaux avec Eurojust pour les questions de terrorisme (il s'agit, en France, du directeur des affaires criminelles et des grâces).

Dans un rapport adressé au Conseil en juin 2004, Eurojust a présenté plusieurs propositions visant à renforcer sa contribution à la lutte contre le terrorisme(36). Parmi les mesures proposées figure notamment, outre la transposition complète et rapide de la décision instituant Eurojust dans tous les Etats membres (ce qui n'est pas le cas actuellement, cf. I), la mise en place d'un système de communication et d'information sécurisé, y compris une base de données. Un tel système est effectivement indispensable pour permettre à Eurojust de traiter les informations qui lui sont transmises par les Etats membres.

Le développement de la coopération avec Europol est aussi suggéré(37) (par exemple en permettant à Eurojust d'avoir accès à la base de données d'Europol consacrées aux informations judiciaires), de même que la désignation de correspondants nationaux pour le terrorisme par tous les Etats membres. Certaines de ces recommandations ont été retenues dans les conclusions adoptées par le Conseil « Justice et affaires intérieures » du 2 décembre 2004.

Un exemple de la plus-value d'Eurojust
sur un dossier lié au terrorisme

Ce dossier a été transmis au membre national italien par des procureurs enquêtant sur le terrorisme fondamentaliste islamique. Il concernait une organisation subversive agissant avec des groupes similaires liés à Al-Qaida, principalement pour soutenir des actes terroristes. Les enquêtes italiennes avaient révélé des liens avec l'Espagne, le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne. En juin 2003, le procureur avait commencé par envoyer des commissions rogatoires aux autorités judiciaires compétentes de ces pays afin d'obtenir des renseignements sur les sujets spécifiques de l'enquête. La gravité des infractions présumées et les suspects impliquaient l'exécution urgente de ces commissions rogatoires. Le procureur italien connaissait Eurojust et ses compétences et l'a donc consultée afin d'obtenir son aide pour faciliter l'exécution des commissions rogatoires et tenir une réunion de coordination avec les autorités nationales chargées des enquêtes et des poursuites dans les pays concernés.

Cette réunion s'est tenue dans les locaux d'Eurojust en novembre 2003 en présence des procureurs des cinq pays. L'avantage immédiat de cet échange d'informations sur les enquêtes en cours a été évident au vu des informations importantes sur le modus operandi de ces groupes terroristes qui y ont été apprises. Cette réunion a en outre fourni aux participants une occasion de mieux connaître les procédures d'entraide judiciaire dans les différents systèmes juridiques et de trouver des solutions techniques aux obstacles et délais d'exécution des commissions rogatoires. Une réunion de coordination de suivi aura lieu entre les procureurs italiens et espagnols en présence des autorités compétentes d'Algérie.

Source : Rapport annuel 2003 d'Eurojust.

3) Accélérer la mise en place de l'Agence européenne pour le contrôle des frontières extérieures

Le contrôle des frontières extérieures des Etats membres et la lutte contre l'immigration clandestine contribuent à la lutte contre le terrorisme. L'arrestation de certains des terroristes qui préparaient les attentats du 11 septembre 2001 pour infraction aux lois de l'immigration, ou leur refoulement alors qu'ils tentaient de pénétrer sur le territoire américain, le démontrent. La déclaration du 25 mars 2004 fait donc à juste titre du renforcement des contrôles extérieurs l'un de ses objectifs prioritaires.

Pour y parvenir, l'Union européenne a décidé de créer une Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures. Le règlement portant création de cette Agence a été adopté le 26 octobre 2004(38). Cette Agence vise à améliorer la coordination de la coopération opérationnelle entre les Etats membres et représente un progrès important(39). Elle devrait être opérationnelle à compter du 1er mai 2005, mais son siège n'a pas encore été fixé. Il serait regrettable, compte tenu des enjeux, que sa création effective soit retardée de ce fait.

L'introduction d'éléments d'identification biométriques (photo numérisée du visage et empreintes digitales) dans les visas, les titres de séjour, les passeports et les autres documents de voyage contribue également à la lutte contre le terrorisme. Trois règlements importants, que la Délégation a déjà examinés(40), ont été adoptés ou sont en voie de l'être, à ce sujet(41). Ils visent aussi à répondre aux exigences américaines en matière de passeports biométriques (à partir du 26 octobre 2005, seuls les titulaires de tels passeports pourront bénéficier du programme d'exemption de visa). Des difficultés techniques, liées au stockage d'éléments d'identification biométriques sous la forme d'une carte à puce sur les visas(42), sont cependant apparues et retardent la mise en œuvre de ces mesures pour les visas et les titres de séjour.

La création du système d'information sur les visas (Visa Information System, VIS) renforcera également l'efficacité de la lutte contre le terrorisme, en renforçant les échanges de données sur les visas de court séjour entre les Etats membres. La Commission a déposé une proposition de règlement à ce sujet le 28 décembre 2004, qui est en cours d'examen par le Conseil.

4) Développer le recours aux équipes communes d'enquête

L'article 13 de la convention du 29 mai 2000 permet aux autorités compétentes d'au moins deux Etats membres de créer une équipe commune d'enquête, afin d'effectuer des enquêtes pénales dans plusieurs Etats membres. En raison des lenteurs liées à la ratification de cette convention, le Conseil a également adopté une décision-cadre, le 13 juin 2002, relative aux équipes communes d'enquête (qui reprend les dispositions de l'article 13 de ladite convention). Le Conseil européen a en effet affirmé à plusieurs reprises la nécessité de mettre sur pied sans délai ces équipes, en particulier en matière de terrorisme.

Depuis la transposition de cette décision-cadre du 13 juin 2002 par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, la France a créé plusieurs équipes communes d'enquête compétentes en matière de terrorisme, avec l'Italie et avec l'Espagne. Ces équipes, composées de magistrats et d'enquêteurs des deux pays y participant, sont un instrument efficace qui devrait être utilisé davantage. Cela suppose de nouveaux efforts de la part des Etats membres : le rapport de la Commission sur la transposition de cette décision-cadre, présenté le 7 janvier 2005, souligne que seul un Etat membre (l'Espagne), a adopté des mesures de transposition pleinement conformes à la décision-cadre(43).

B. Lutter contre les « racines du terrorisme »

Le Conseil européen a appelé à plusieurs reprises, en particulier après les attentats de Madrid (qui ont été perpétrés par des individus parfaitement intégrés à la société espagnole), à renforcer la lutte contre « les racines du terrorisme ». Les actions menées contre le terrorisme, en particulier islamiste, ne pourront en effet aboutir à long terme si rien n'est fait pour limiter le recrutement de terroristes. La réaction de l'Union européenne doit s'attaquer aux causes profondes de celui-ci. Le programme de La Haye, adopté par le Conseil européen des 4 et 5 novembre 2004, et le Conseil européen de Bruxelles des 16 et 17 décembre 2004 ont invité le Conseil à définir, pour le mois de juin 2005, une stratégie à long terme et un plan d'action pour s'attaquer aux facteurs qui contribuent à la radicalisation et au recrutement pour des activités terroristes.

1) Une lutte difficile : l'absence de « profil type » du terroriste

Cette lutte passe par l'analyse des facteurs qui poussent une personne à se radicaliser et à basculer dans l'action violente, ainsi que par un soutien aux efforts des pays islamiques pour lutter contre l'extrémisme et une étude des procédures de recrutement dans les prisons et les mosquées, par exemple.

Les efforts de l'Union en matière d'intégration devraient y contribuer. La conférence interministérielle qui s'est tenue à ce sujet à Groningue, sous présidence néerlandaise, les 9 et 10 novembre 2004, a ainsi ouvert des pistes intéressantes. La Commission européenne y a notamment présenté un « manuel européen d'intégration », recensant les meilleures pratiques des Etats membres dans ce domaine(44).

Cette lutte sera cependant difficile, car il n'existe pas de « profil type » du terroriste. C'est ce que démontre une étude américaine effectuée par Marc Sageman, professeur à l'université de Pennsylvanie et ancien agent de la CIA, à partir du profil de 382 terroristes avérés ou présumés, liés directement ou indirectement à Al-Qaida(45). Cette étude souligne ainsi que 90 % des personnes concernées n'ont pas suivi d'éducation religieuse, et que 17,6 % d'entre elles sont issus de classes sociales supérieures et 54,9 % des classes moyennes. Dans plus de sept cas sur dix, ces terroristes présumés sont mariés et pères de famille, et dans la majorité des cas sans passé criminel. La plupart des études similaires menées par les services de renseignement européens parviennent au même constat et démontrent l'inutilité d'un « profilage » des terroristes.

2) Combattre l'islam radical

Sans prétendre mettre en place un système modèle, la France agit et il serait utile que cette action puisse demain s'exercer dans une stratégie commune à tous les pays de l'Union européenne. Le plan de lutte contre l'islam radical annoncé en décembre 2004 par le ministre de l'intérieur français, M. Dominique de Villepin, s'inscrit dans cette démarche, en évitant tout amalgame entre musulman et islamiste. Ce plan prévoit la mise en place d'un cursus universitaire (en plus de la formation théologique assurée par les instituts existants de la Grande Mosquée de Paris et de l'Union des organisations islamiques de France) à destination des imams, comportant des cours de droit, d'éducation civique et d'initiation aux institutions françaises, ainsi que des stages d'apprentissage du français. La création d'une fondation gérant des fonds pour la construction des mosquées et la généralisation dans les vingt-deux régions de cellules de lutte contre l'islam radical, sur le modèle de celle de la préfecture de police de Paris, sont aussi prévues. Il s'agit de mesures concrètes et bienvenues : la cellule créée à Paris a déjà permis de faire passer le nombre de lieux de culte radicaux de trente deux en 2003, à vingt en 2004.

Au niveau européen, la France a également joué un rôle moteur dans la systématisation de l'échange des listes de djihadistes et de prédicateurs extrémistes, parce que, comme l'a souligné le ministre de l'intérieur, « entre le discours intégriste et l'action terroriste, il y a une continuité réelle »(46). Au 1er mars 2005, les services allemands ont ainsi communiqué à la France 210 noms de djihadistes ayant fréquenté des camps d'entraînement et les services français leur en ont fourni 150. La fermeté dont notre pays a fait preuve à l'égard des imams radicaux (quatorze d'entre eux ont été expulsés de France depuis le 1er janvier en raison de propos extrémistes tenus dans des réunions publiques) relève de la même logique. L'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France a été complétée à cette fin, pour permettre l'expulsion des étrangers qui auraient commis des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes, quelles que soient l'intensité et l'ancienneté des liens qui lient l'étranger concerné à la France. Un groupe de travail a été créé lors du G5 (regroupant les ministres de l'intérieur de l'Allemagne, de l'Espagne, de la France, de l'Italie et du Royaume-Uni) de Sheffield les 5 et 6 juillet 2004, afin d'étudier les pratiques les plus efficaces des Etats membres en matière d'éloignement d'individus porteurs de messages de haine et de violence. Un premier document de travail a été élaboré en ce sens lors du G5 qui s'est tenu à Florence les 17 et 18 octobre 2004.

L'initiative prise par 150 rabbins et imams venus du monde entier, qui se sont réunis à Bruxelles le 3 janvier 2005, dans le cadre du premier congrès mondial des imams et des rabbins pour la paix, est également à signaler. La déclaration finale du congrès contribue en effet à établir un dialogue indispensable entre islam et judaïsme.

III. RENFORCER NOTRE PARTENARIAT AVEC LES PAYS TIERS

La lutte contre le terrorisme doit devenir l'une des priorités de l'action extérieure de l'Union, et être partie intégrante de la politique étrangère et de sécurité commune. Ce partenariat contre le terrorisme s'est traduit, en premier lieu, par une intensification de la coopération transatlantique, qu'illustrent la conclusion de plusieurs accords et la déclaration commune adoptée le 26 juin 2004. La coopération avec nos autres partenaires s'est également développée et contribue à conforter le consensus international contre le terrorisme.

A. Le partenariat transatlantique contre le terrorisme

Le renforcement de la coopération avec les Etats-Unis en matière de lutte contre le terrorisme est devenu une priorité de l'Union après les attentats du 11 septembre 2001. Plusieurs initiatives concrètes ont été prises en ce sens, concernant la coopération policière et judiciaire, la sécurité des transports et le dialogue politique(47).

1) Une coopération policière et judiciaire renforcée

La coopération policière a été accrue avec la signature par Europol de deux accords avec les Etats-Unis, l'un stratégique, en décembre 2001, l'autre de coopération opérationnelle (incluant l'échange de données à caractère personnel), en décembre 2002. Europol a en outre détaché deux officiers de liaison à Washington, mais il semble que les autorités américaines continuent de privilégier les relations bilatérales plutôt qu'Europol(48).

Deux accords ont également été signés entre l'Union européenne et les Etats-Unis en matière d'entraide pénale et d'extradition, le 25 juin 2003(49). Ces accords renforcent la coopération judiciaire avec les Etats-Unis, en autorisant notamment la création d'équipes d'enquête communes, l'utilisation de la visioconférence pour le recueil de témoignages et l'échange d'informations bancaires. Ils comportent d'importantes garanties en ce qui concerne la peine de mort. Les accords bilatéraux qui doivent les compléter ont été signés avec cinq Etats membres (la France et les Pays-Bas le 29 septembre 2004, la Belgique, la Finlande et la Suède le 16 décembre dernier), et sont en cours de négociation avec les autres.

2) Des efforts conjoints visant à accroître la sécurité des transports

L'Union européenne et les Etats-Unis ont conclu un accord sur le traitement et le transfert des données relatives aux passagers par les transporteurs aériens aux autorités américaines le 17 mai 2004(50). Cet accord, entré en vigueur le 28 mai dernier, a fait l'objet de négociations très difficiles, en raison des conceptions divergentes des Etats-Unis et de l'Union concernant la protection des données personnelles. Le Parlement européen a d'ailleurs déposé un recours contre cet accord devant la Cour de justice(51).

L'Union européenne et les Etats-Unis ont également signé un accord sur la sécurité du transport maritime de conteneurs le 22 septembre 2004(52). Cet accord étend l'application de l'initiative sur la sécurité des conteneurs («  Container Security Initiative »), adoptée par les Etats-Unis après les attentats du 11 septembre 2001, à tous les ports de la Communauté.

3) Un dialogue politique accru

Une déclaration commune euro-américaine sur la lutte contre le terrorisme a été adoptée le 26 juin 2004, à l'occasion du sommet UE/Etats-Unis qui s'est tenu à Dromoland Castle (Irlande). Des rencontres au niveau ministériel ont désormais lieu au moins une fois par an sur ce sujet et, plus généralement, sur la coopération policière et judiciaire. La dernière a eu lieu lors du Conseil informel « Justice et affaires intérieures » qui s'est tenu à Scheveningen le 30 septembre 2004, auquel une délégation américaine dirigée par M. John Ashcroft, le ministre de la justice des Etats-Unis, était invitée(53). La lutte contre le terrorisme figurait également parmi les thèmes abordés lors de la visite du président des Etats-Unis, M. Georges W. Bush, auprès de l'Union européenne le 22 février 2005.

Un dialogue politique sur le contrôle des frontières et la sûreté des moyens de transport a aussi été mis en place, afin de renforcer la coordination concernant, par exemple, l'introduction de la biométrie dans les passeports et les visas et la présence de gardes armés à bord des aéronefs civils, et pour éviter les divergences dans ce domaine.

B. L'intensification de la coopération avec nos autres partenaires

Le Conseil européen a insisté, dans la déclaration sur la lutte contre le terrorisme du 25 mars 2004, sur la nécessité de renforcer la dialogue avec les pays tiers sur ce sujet. Ce dialogue a pris la forme d'insertion de clauses antiterrorisme et antiprolifération d'armes de destruction massive dans les accords d'association conclus par la Communauté, dont le respect devrait faire l'objet d'une évaluation régulière. Il se traduit également par une assistance technique au renforcement des dispositifs de lutte contre le terrorisme.

1) Une assistance ciblée sur des pays prioritaires

Une liste des pays tiers prioritaires, surtout situés au Maghreb et en Asie du Sud Est, a été élaborée. Elle comprend, d'après les informations transmises à votre rapporteur, l'Algérie, l'Arabie saoudite, le Kenya, l'Indonésie, le Maroc, la Tunisie et le Pakistan. Le Maroc a ainsi reçu une assistance en matière de lutte contre le financement du terrorisme (mise en place d'une unité spéciale). La création d'un nouveau centre de lutte contre le terrorisme en Indonésie est également soutenue par l'Union. Un réseau européen d'experts nationaux sera créé prochainement, afin de répondre aux demandes d'assistance technique des services compétents des pays tiers.

Une coopération dans ce domaine se met également en place dans le cadre du processus de Barcelone (réunion d'experts, volet « police » du programme MEDA, séminaires de formations, échanges d'informations et de bonnes pratiques, etc.). Les pays tiers sont aussi encouragés à ratifier les douze conventions des Nations unies relatives au terrorisme.

2) Le partenariat avec la Russie

La Russie, durement frappée par la prise d'otages et le massacre de Beslan, le 3 septembre 2004, est un partenaire important dans la lutte contre le terrorisme. La coopération de l'Union avec la Russie dans ce domaine s'inscrit dans le cadre de la construction d'un espace commun de liberté, de sécurité et de justice, et d'un espace commun de sécurité extérieure(54). L'importance de cette coopération a été réaffirmée lors du 14e sommet Union européenne/Russie, qui s'est tenu à La Haye le 25 novembre 2004. Elle s'est traduite notamment par la conclusion d'un accord entre Europol et la Russie, en novembre 2003.

3) La coopération avec les organisations internationales

L'action de l'Union s'inscrit naturellement dans le cadre des travaux du comité contre le terrorisme des Nations unies (créé par la résolution 1373 du Conseil de sécurité du 28 septembre 2001) et du groupe d'action contre le terrorisme (CTAG). Créé par le G8 à Evian, en juin 2003, le CTAG veille à la cohérence de l'offre d'assistance technique, renforce le rôle et facilite l'action du comité contre le terrorisme (CCT) des Nations unies et mobilise les organisations internationales concernées. Il comprend, outre les membres du G8 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni, Russie et Commission européenne), l'Australie, la Suisse, l'Espagne et des représentants du CCT.

L'Union coordonne également ses travaux avec ceux menés par le Conseil de l'Europe. Celui-ci a élaboré plusieurs conventions relatives au terrorisme (en particulier la convention pour la répression du terrorisme de 1977 et son protocole de 2003) ainsi que des lignes directrices sur les droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme(55), et dispose d'un comité d'experts sur le terrorisme (CODEXTER)(56). L'élaboration d'une convention européenne contre le terrorisme est actuellement à l'étude dans ce cadre, conformément à la résolution n° 1 adoptée lors de la conférence des ministres de la justice de Sofia des 9 et 10 octobre 2003. Une telle convention ne serait utile que si elle apporte une valeur ajoutée par rapport à la convention globale définissant le terrorisme envisagée dans le cadre des Nations unies (dont la négociation est actuellement bloquée). Elle devrait donc se centrer sur les lacunes existant en matière de lutte contre le terrorisme qui ont été identifiées par le CODEXTER : la provocation publique à commettre des actes de terrorisme, le recrutement et la formation de terroristes. Une convention générale, un moment envisagée, n'apporterait en revanche qu'une valeur ajoutée limitée. Le projet de convention pour la prévention du terrorisme, adopté par le CODEXTER en décembre 2004, pourrait être ouvert à la signature lors du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement des Etats membres du Conseil de l'Europe qui se tiendra à Varsovie les 16 et 17 mai 2005. Son contenu n'est pas encore finalisé, mais la création de nouvelles catégories d'infractions visant les actes préparatoires à la commission d'actes de terrorisme, tels que la provocation publique à commettre des actes de terrorisme, le recrutement et la formation de terroristes, par exemple, apporte une réelle plus-value.

L'Union européenne développe aussi sa coopération avec l'Organisation internationale de police criminelle, Interpol. Une position commune du Conseil relative au transfert de certaines données à Interpol a été adoptée par le Conseil le 24 janvier 2005. Conformément à la déclaration du 25 mars 2004 sur la lutte contre le terrorisme, cette position commune renforce les échanges d'informations sur les passeports volés et égarés entre le système d'information Schengen (SIS) et la base de données d'Interpol.

IV. ADOPTER UNE APPROCHE GLOBALE DE LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME

L'action de l'Union est actuellement « éclatée » entre ses différents « piliers ». La lutte contre le financement du terrorisme relève ainsi principalement du pilier communautaire, tandis que la coopération policière et judiciaire pénale s'inscrit dans le cadre du troisième (JAI) et le dialogue politique avec les pays tiers du deuxième (PESC). Cet éparpillement et le cloisonnement des instances ne favorisent pas la cohérence des mesures adoptées. Ces dysfonctionnements ont été soulignés par le secrétariat général du Conseil, quelques jours à peine avant les attentats de Madrid, dans un rapport dressant un bilan sévère de l'action de l'Union contre le terrorisme(57). C'est pour y remédier qu'un coordinateur européen de la lutte antiterroriste a été nommé et que, sur un plan plus technique, les groupes de travail du Conseil ont été réformés.

La prise de conscience de la nécessité d'une approche globale et intégrée, « inter piliers », s'est aussi concrétisée par une meilleure prise en compte de la contribution de la politique européenne de sécurité et de défense, de la protection civile et du secteur sanitaire à la lutte contre le terrorisme.

A. La nomination d'un coordinateur européen de la lutte antiterroriste

Le Conseil européen a décidé d'instituer un coordinateur européen de la lutte contre le terrorisme (surnommé « Monsieur Antiterrorisme » par certains). Ce poste a été confié au Néerlandais Gijs de Vries (qui a notamment été secrétaire d'Etat à l'intérieur des Pays-Bas de 1998 à 2002, avant de représenter son pays à la Convention). Ce coordinateur doit renforcer la cohérence de l'action de l'Union en matière de terrorisme, en particulier entre les différents piliers. Il est un représentant personnel du secrétaire général du Conseil et Haut représentant pour la PESC, M. Javier Solana.

Certains ministres de l'intérieur (tel le ministre allemand, M. Otto Schily) ont mis en doute l'utilité du coordinateur et se sont interrogés sur la définition exacte de son mandat. Sa participation aux réunions du G8 des ministres de la justice et de l'intérieur, par exemple, a été critiquée.

Certes, la plus value apportée par le coordinateur ne doit pas être surestimée. Elle est cependant incontestable. Il a effectivement contribué à renforcer la coordination entre les différentes formations et les différents groupes de travail du Conseil et à la définition d'une approche « inter piliers » cohérente, et joue un rôle utile d'« aiguillon » au stade de la transposition des textes adoptés par les Etats membres. Il participe ainsi au maintien de la mobilisation politique face au terrorisme.

B. La réforme des groupes de travail du Conseil

Les groupes de travail du Conseil consacrés au terrorisme ont été réorganisés, afin de renforcer la coordination de l'action antiterroriste de l'Union. Cette action était en effet éparpillée entre plusieurs instances du Conseil, conformément à la division de l'Union en piliers. Deux groupes sont spécifiquement consacrés au terrorisme : le groupe de travail terrorisme (TWF), composé de représentants des ministères de l'intérieur et des services répressifs, et le comité terrorisme (COTER) de la PESC, compétent pour les aspects externes. Jusque récemment, ces deux comités ne tenaient une réunion conjointe qu'une fois par an. S'y ajoutent, à titre occasionnel, le comité de l'article 36, le comité stratégique sur l'immigration, les frontières et l'asile (CSIFA), et le groupe de travail protection civile, par exemple.

Parmi les diverses options examinées, dont les plus ambitieuses consistaient à créer un groupe de haut niveau sur le terrorisme ou à fusionner le comité terrorisme (COTER) et le groupe de travail terrorisme (TWF), c'est le renforcement du rôle de coordination du Comité des représentants permanents (COREPER) qui a été retenu. Le suivi de la mise en œuvre du plan d'action contre le terrorisme est désormais porté à l'agenda du COREPER au moins une fois par mois, et un correspondant pour toutes les questions de terrorisme a été désigné dans chaque représentation permanente.

Le rôle de la Task Force des chefs de police a également été renforcé par le Conseil « Justice et affaires intérieures » du 19 novembre 2004. Elle a été rapprochée d'Europol et sera mieux intégrée dans les structures du Conseil, afin de le faire bénéficier de son expérience et de son expertise opérationnelle. Des réunions régulières auront également lieu, dans l'attente de la création du comité de sécurité intérieure prévu par la Constitution européenne (art. III-261), entre les chefs de police et le comité de l'article 36.

La création du comité de sécurité intérieure représenterait un progrès important. La Constitution européenne lui confie le soin « d'assurer à l'intérieur de l'Union la promotion et le renforcement de la coopération opérationnelle en matière de sécurité intérieure ». Il devra également faciliter la coordination de l'action des autorités compétentes des Etats membres. Des travaux visant à préparer sa mise en place ont commencé en janvier 2005, sous présidence luxembourgeoise.

C. La contribution de la politique européenne de sécurité et de défense et de la protection civile à la lutte contre le terrorisme

La menace terroriste était déjà très présente dans la Stratégie européenne de sécurité (« Une Europe sûre dans un monde meilleur »), présentée par le Haut représentant pour la PESC, M. Javier Solana, le 12 décembre 2003. Les attentats de Madrid ont renforcé la volonté de lutter contre cette menace également par des moyens militaires et civils relevant de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD). Cette volonté s'est notamment traduite par une mise en œuvre anticipée de la clause de solidarité inscrite dans la Constitution européenne, et par l'adoption d'un programme de solidarité centré sur le terrorisme chimique, bactériologique, radiologique et nucléaire (CBRN). Ces mesures visent, en particulier, à prévenir les actes terroristes et à renforcer la protection des populations contre les conséquences d'attentats.

1) La mise en œuvre anticipée de la clause de solidarité de la Constitution européenne

La Constitution européenne prévoit, en son article I-43, une clause de solidarité. Cette nouvelle disposition, issue d'une proposition du groupe de travail « Défense » de la Convention(58), que présidait M. Michel Barnier, alors commissaire européen, pose le principe de solidarité entre les Etats membres en cas d'attaque terroriste contre l'un d'entre eux (ainsi qu'en cas de catastrophe naturelle ou d'origine humaine). Cette solidarité se traduit par la mobilisation de l'ensemble des instruments à la disposition de l'Union, y compris des moyens militaires, pour :

- prévenir la menace terroriste sur le territoire des Etats membres ;

- protéger les institutions démocratiques et la population civile d'une éventuelle attaque terroriste ;

- porter assistance à un Etat membre sur son territoire, à la demande de ses autorités politiques, dans le cas d'une attaque terroriste.

Le Conseil européen a décidé, après les attentats de Madrid, d'anticiper l'application de cette clause, en adoptant une déclaration sur la solidarité contre le terrorisme, le 25 mars 2004. La mise en œuvre de cette clause requiert, en particulier, la mobilisation des moyens dont dispose l'Union en matière militaire et de protection civile. Cette mise en œuvre anticipée s'est concrétisée par un ensemble de mesures, visant à renforcer les capacités de l'Union et des Etats membres à faire face aux conséquences des menaces et attentats terroristes.

Le Conseil « affaires générales » a adopté, le 22 novembre 2004, un cadre conceptuel sur la dimension PESD (politique européenne de sécurité et de défense) de la lutte contre le terrorisme(59). Celui-ci insiste sur la nécessité d'une coordination des moyens civils et militaires de la PESD et recense quatre domaines d'action prioritaires : la prévention, la protection, la gestion des conséquences et le soutien aux pays tiers dans la lutte contre le terrorisme.

2) Le programme de solidarité de l'Union

L'Union a également adopté, le 2 décembre 2004, un programme de solidarité face aux conséquences des menaces et attentats terroristes. Ce programme est une version actualisée et élargie du programme du 20 décembre 2002 visant à limiter les conséquences des menaces terroristes chimiques, biologiques, radiologiques ou nucléaires (CBRN).

Les six objectifs stratégiques

du programme de solidarité

- le renforcement de l'évaluation et de l'analyse des risques liés aux cibles potentielles ;

- la réduction de la vulnérabilité des cibles potentielles d'attentats terroristes ;

- le renforcement des mécanismes adéquats de détection et d'identification des menaces réelles et d'alerte des spécialistes et du grand public ;

- le renforcement des capacités et des instruments nécessaires pour atténuer les conséquences d'un attentat et faciliter le retour à une situation normale, y compris l'information du public ;

- le développement de la recherche et du développement visant à contrer les effets du terrorisme ;

- la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales.

Les mesures proposées s'inspirent de deux communications présentées par la Commission le 20 octobre 2004, concernant la gestion des conséquences d'un attentat terroriste et la protection des infrastructures critiques(60). Les infrastructures critiques sont les installations physiques, les réseaux, les services et les actifs dont l'arrêt ou la destruction peuvent avoir de graves incidences sur la santé, la sécurité ou le bien-être économique des populations ou affecter gravement le travail gouvernemental. Les installations de production et les réseaux d'énergie (électricité, pétrole et gaz), les réseaux de télécommunications, les hôpitaux, les réserves et les réseaux d'eau, par exemple, relèvent de cette catégorie. La sûreté nucléaire et des sources radioactives est naturellement prioritaire. Figurent notamment parmi les mesures envisagées :

- la mise en place d'un programme européen de protection des infrastructures critiques et d'un réseau d'alerte concernant ces infrastructures (appelé CIWIN - Critical Infrastructure Warning Information Network) ;

- la création d'un « système d'alerte rapide global et sûr », appelé ARGUS, afin de relier tous les systèmes spécialisés d'alerte rapide pour les urgences qui nécessitent une action au niveau européen ;

- un centre de crise central qui regrouperait les représentants de tous les services de la Commission concernés par une situation d'urgence ;

- des échanges d'informations concernant les vaccins, sérums et autres moyens médicaux qui pourraient être utilisés dans l'évaluation d'un attentat terroriste majeur ;

- des exercices conjoints, par exemple en matière d'intervention dans un environnement contaminé.

D. L'action de l'Union contre le bioterrorisme

Peu après les attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis ont été frappés par une vague d'incidents bioterroristes faisant intervenir des spores du bacille du charbon. En France, une cellule terroriste dite de Romainville-La Courneuve, démantelée en décembre 2002, projetait des attentats à base de gaz cyanurés. En janvier 2003, de la ricine (substance toxique potentiellement mortelle) a été découverte dans un immeuble londonien. Certaines cellules d'Al Qaida se sont entraînées en Afghanistan à la maîtrise et à l'utilisation d'agents biologiques, en particulier le charbon, la ricine et la toxine botulique. La menace bioterroriste est bien réelle et l'Union contribue à lutter contre ce risque.

Un mécanisme d'alerte rapide et d'échange d'informations et des stratégies de mise à disposition et de constitution de stock de sérums, de vaccins et d'antibiotiques ont été mis en place. La Direction générale Santé et protection des consommateurs a créé une « task force » sur le bioterrorisme, composée d'experts nationaux et de fonctionnaires de la Commission. La constitution de stocks communautaires de vaccins antivarioliques, d'antibiotiques et d'antiviraux est envisagée, afin de compléter les stocks nationaux(61).

Le ministre de l'intérieur français, M. Dominique de Villepin, a proposé d'intensifier la coopération internationale et européenne dans ce domaine, lors de la première conférence mondiale sur la prévention du bioterrorisme qui s'est tenue au siège d'Interpol, à Lyon, les 1er et 2 mars 2005. Il a suggéré de créer une base de données commune, qui pourrait comporter une cartographie des laboratoires sensibles, un réseau d'alerte pour les vols, les disparitions et les transactions suspectes de produits sensibles, ainsi qu'une liste de groupes ou d'individus faisant l'objet d'une vigilance accrue, parce qu'ils ont tenté de s'approprier des agents sensibles. Il a aussi proposé une meilleure coordination des plans type « Biotox » afin de pouvoir appuyer plus efficacement un pays voisin en cas de frappe, et évoqué un scénario européen de réaction à une frappe biologique.

E. Le renforcement de la sûreté des transports

Les attentats de New York et de Washington de 2001, puis ceux de Madrid en 2004, ont montré que les transports peuvent être la cible d'attaques terroristes, voire être transformés en armes de destruction. Le renforcement de la sûreté de tous les modes de transport fait partie des objectifs prioritaires fixés par le Conseil européen dans la déclaration du 25 mars 2004. Plusieurs textes importants ont été adoptés dans ce domaine depuis le 11 septembre 2001.

1) La sûreté du transport aérien

En matière de transport aérien, le règlement (CE) n° 2320/2002 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à l'instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l'aviation civile rend obligatoires, dans tous les aéroports de l'Union européenne, les mesures de sécurité définies par la Conférence européenne de l'aviation civile(62) (CEAC). Un régime d'inspection inopiné, un contrôle plus rigoureux des passagers, des bagages et du personnel et l'obligation pour les Etats membres de mettre en place des programmes nationaux de sécurité et des normes communes d'équipement ont été mis en place en janvier 2003. Le règlement impose notamment de stricts contrôles d'accès dans les aéroports (contrôle permanent des accès, vérification des antécédents des personnes autorisées) et précise les inspections à effectuer sur les voyageurs, les bagages (de cabine et de soute) et sur les membres du personnel, y compris l'équipage et leurs bagages.

Le règlement 2320/2002 a été complété par plusieurs règlements d'application(63), qui dressent notamment une liste des objets interdits à bord et dans les soutes à bagages (armes à feu, objets coupants, substances explosives et inflammables, etc.) et définissent les parties critiques des zones de sécurité à accès réglementé dans les aéroports.

L'accord conclu avec les Etats-Unis le 17 mai 2004 sur le traitement et le transfert des données relatives aux passagers par les transporteurs aériens aux autorités américaines (cf. supra) pourrait en outre être complétée par une proposition de décision-cadre portant sur ce sujet.

Aucune mesure n'a en revanche été adoptée, jusqu'à présent, en ce qui concerne la sûreté à bord des appareils (cockpits renforcés, présence d'agents armés à bord, etc.)(64). L'opportunité de la présence de gardes armés à bord des aéronefs civils (parfois appelés « sky marshalls » dans les médias) a simplement été évoquée lors de plusieurs Conseils « Justice et affaires intérieures », ainsi que lors du G5 qui s'est tenu à Garmisch-Partenkirchen (Allemagne) les 16 et 17 février 2004. Les ministres de l'intérieur allemand, britannique, espagnol, français et italien s'y sont déclarés favorables à la présence de policiers armés dans les avions, mais « pas dans tous, ni tout le temps » (65). Plusieurs pays ont en effet mis en place des unités de gardes armés (Allemagne, Autriche, Etats-Unis, Pays-Bas et Royaume-Uni) ou envisagent de le faire (Espagne, Portugal). La France, pour sa part, a décidé depuis la fin du mois de décembre 2003 de mettre en place des gardes armés appartenant au groupement d'intervention de la gendarmerie nationale ou à l'unité de police dénommée RAID (recherche, assistance, intervention, dissuasion), soit à la demande d'un pays tiers ou des services français faisant état d'un risque sur un vol donné, soit de façon aléatoire. La Commission a annoncé qu'elle déposera un « paquet législatif » sur la sûreté à bord des aéronefs au cours de l'année 2005, dont les orientations ne sont pas encore connues.

2) La sûreté du transport maritime

L'attentat perpétré en septembre 2002 contre le pétrolier français Limburg, au large du Yémen, a souligné l'urgence de renforcer la sûreté des navires et des ports. Dans ce domaine, l'Union a adopté le règlement (CE) n° 725/2004 du 31 mars 2004 pour l'amélioration de la sûreté des navires et des installations portuaires. Ce règlement transpose en droit communautaire les mesures adoptées par l'Organisation maritime internationale (OMI) en décembre 2002, en particulier le chapitre XI.2 de la convention sur la sauvegarde de la vie en mer (dite SOLAS, « safety of life at sea ») et le code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires (dit ISPS, International Ship and Port Security). Il crée un régime d'inspections dirigé par la Commission, possibles depuis le 1er janvier 2005.

Une proposition de directive relative à l'amélioration de la sûreté des ports a été déposée par la Commission le 10 février 2004,


et modifiée le 28 mai dernier(66). Cette proposition complète le règlement du 31 mars 2004, précité, en étendant les mesures de sûreté à toute la zone portuaire. L'établissement de plan de sûreté portuaire, ainsi que la désignation d'une autorité de sûreté portuaire pour superviser les mesures de sûreté sont prévues. La proposition prévoyait aussi un mécanisme d'inspection communautaire, mais le principe de ces inspections a été contesté par de nombreuses délégations et supprimé par le Conseil. Le Parlement européen, devant lequel la proposition est en cours d'examen, y semble en revanche favorable.

Une proposition de directive sur la sûreté intermodale, également valable pour la sûreté aérienne, devrait être publiée dans le courant de l'année 2005. L'Union européenne et les Etats-Unis ont également signé un accord sur la sécurité du transport maritime de conteneurs le 22 septembre 2004(67), afin d'étendre l'application de l'initiative sur la sécurité des conteneurs («  Container Security Initiative »), adoptée par les Etats-Unis après les attentats du 11 septembre 2001, à tous les ports de la Communauté.

3) L'absence de législation relative aux transports terrestres

Aucune proposition n'a été adoptée ou est en cours d'examen en ce qui concerne les transports terrestres. Cette lacune est très préoccupante : les attentats de Madrid contre des trains de banlieue et ceux du métro de Moscou des 6 février et 31 août 2004 (après ceux de 1996 et de 2000) montrent en effet que les transports en commun sont des cibles particulièrement vulnérables.

A ce stade, la Commission a seulement engagé des concertations avec le secteur des transports publics, via le groupe d'experts de l'Union internationale des chemins de fer (UIC), l'Union internationale des transports publics (UITP) et de l'association COLPOFER qui rassemble les responsables opérationnels de la sûreté ferroviaire. Une communication concernant la sûreté dans les différents modes de transport, annoncée pour la fin 2005, devrait comporter des propositions à ce sujet.

CONCLUSION

Au terme de cette analyse de l'action de l'Union européenne en matière de lutte contre le terrorisme, quelle réponse apporter à cette question essentielle : quelle est la valeur ajoutée de l'Union dans ce domaine ?

La lutte opérationnelle contre le terrorisme ne relève pas de l'Union, mais des Etats membres et de leurs services répressifs. L'Union n'est pas un Etat fédéral et n'a pas vocation à le devenir ; il n'y a ni police, ni armée européennes. L'action de l'Union est complémentaire de celle des Etats, conformément au principe de subsidiarité. Elle doit faciliter le travail quotidien des services de police et de renseignements et des magistrats nationaux, en créant un cadre législatif favorable, qui renforce leur coopération.

L'action de l'Union doit être cohérente. Cela implique de mieux coordonner l'action extérieure, des Etats membres et de l'Union, et les politiques menées dans le cadre du premier pilier et de la justice et des affaires intérieures. La désignation de M. Gijs de Vries comme coordinateur de la lutte contre le terrorisme va en ce sens, mais reste insuffisante. Il faut renforcer son rôle, afin qu'il exerce une mission de communication à la fois auprès des services policiers et judiciaires pour les convaincre de jouer le jeu de l'Union européenne, et auprès des populations pour les sensibiliser aux risques du terrorisme et leur montrer ce que l'Union peut apporter. Seule l'entrée en vigueur de la Constitution européenne permettra d'assurer pleinement cette cohérence, en supprimant la construction en piliers de l'Union. Cette simplification renforce considérablement l'efficacité de l'action de l'Union dans ce domaine, en mettant fin aux carences structurelles dont souffrait l'Union :

- les lois-cadres et les lois européennes remplacent les actuelles décisions et décisions-cadres, dépourvues d'effet direct, et les conventions du troisième pilier, soumises à la ratification des Etats membres, sont supprimées ;

- les restrictions actuelles à la compétence de la Cour de justice sont supprimées, le régime général de la Cour de justice devenant applicable(68), ce qui aura notamment pour effet de permettre à la Commission de former des recours en manquement contre les Etats membres manquant à leurs obligations ;

- la majorité qualifiée est étendue à la quasi-totalité de la coopération policière et judiciaire en matière pénale (sous réserve d'un droit d'appel au Conseil européen, que compense un assouplissement du déclenchement d'une coopération renforcée en cas de blocage) ;

- les compétences opérationnelles d'Europol et d'Eurojust pourraient être renforcées ;

- la perspective d'un parquet européen, qui pourrait être compétent en matière de terrorisme, est inscrite dans le texte constitutionnel ;

- une clause de solidarité en cas d'attaque terroriste est prévue.

L'effectivité du droit adopté par l'Union en matière de lutte contre le terrorisme en sera accrue. Sa légitimité le sera également, grâce à l'extension de la codécision avec le Parlement européen, à la place de sa simple consultation. La protection des droits fondamentaux sera en outre mieux assurée, avec l'intégration de la Charte des droits fondamentaux dans la deuxième partie de la Constitution. Dans ce domaine, comme dans beaucoup d'autres, la Constitution européenne représente donc un progrès important.

Une réflexion devrait être engagée sur l'utilisation des coopérations renforcées en matière de lutte contre le terrorisme. Dans une Europe à vingt-cinq, bientôt plus, les ambitions et la sensibilité face à cette menace ne sont pas les mêmes. Il est donc indispensable de permettre à certains d'avancer plus loin et plus vite. Les initiatives prises par la France dans le cadre du « G5 » réunissant les ministres de l'intérieur allemand, britannique, espagnol, italien, et français en sont l'illustration. Le G5 peut avoir un effet d'entraînement particulièrement précieux, car il regroupe les Etats les plus concernés par le terrorisme. L'action complémentaire souhaitée de l'Union peut trouver dans cette coopération informelle un élément supplémentaire d'efficacité. Dans un domaine où les relations de confiance et l'habitude de travailler ensemble sont essentielles, la mise en place d'une forme de « Schengen de l'antiterrorisme » serait bienvenue.

Nous sommes en train de mettre en place les outils nécessaires à une action efficace contre le terrorisme. Il faut maintenant apprendre à les utiliser, à les faire vivre. Pour ce faire, répétons-le, la confiance partagée est essentielle. Elle ne peut que s'établir progressivement et impliquer que les Etats concernés disposent de systèmes, d'expériences et d'une conscience du risque d'attentats à peu près semblables, d'où la conviction qu'une coopération renforcée en matière de terrorisme permettrait de gagner du temps, d'aller plus loin.

Il serait inacceptable d'attendre, après le 11 septembre 2001 et le 11 mars 2004, une troisième catastrophe pour disposer des éléments nécessaires à une action efficace contre le terrorisme. Certes, il n'y aura jamais un risque zéro. D'autres attentats interviendront malheureusement. Mais l'Union européenne doit aider à déjouer la plupart d'entre eux et à garantir que tout aura été fait pour les éviter.

Un projet pilote en faveur des victimes d'actes terroristes, dotée d'un budget s'élevant à un million d'euros, a été mis en place par l'Union après les attentats de Madrid. Ce projet contribue au financement de projets destinés à aider les victimes d'actes terroristes et/ou les membres de leurs familles à se rétablir, ainsi qu'au financement de projets de sensibilisation du public européen face à la menace terroriste. La création d'une Fondation européenne des victimes du terrorisme, où seraient représentées les plus hautes autorités de l'Union et les associations de victimes, proposée par le rapporteur de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen(69), compléterait utilement cette initiative. Elle concrétiserait la solidarité de l'ensemble des peuples de l'Union avec les victimes de ces drames.

TRAVAUX DE LA DELEGATION

La Délégation s'est réunie le mercredi 2 mars 2005, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d'information.

L'exposé du rapporteur a été suivi d'un débat.

M. Jacques Myard a souligné l'importance et le bon fonctionnement de la coopération bilatérale en matière de lutte antiterroriste. Il a émis la crainte que la multiplication des instances ne limite l'efficacité de cette coopération. Il a fait remarquer que tous les Etats de l'Union n'appartenaient pas à l'OTAN. En outre, il a considéré que la multiplication des agences de coordination risquait de déresponsabiliser certains « petits » Etats membres, qui se sentent peu concernés par le terrorisme parce qu'ils ne constituent pas des cibles privilégiées. La coordination policière est utile, et il est normal que le Conseil européen et le Conseil des ministres agissent dans ce domaine. Le coordinateur européen de la lutte antiterroriste relève cependant davantage du « gadget » que d'autre chose.

Le rapporteur a tenu à préciser qu'il ne croyait pas à la nécessité de créer un nouvel organe telle qu'une agence de renseignements au plan communautaire, estimant toutefois qu'Europol et Eurojust pourraient mieux fonctionner. S'agissant du coordinateur pour la lutte antiterroriste, il a fait observer qu'il ne s'agissait pas d'une institution nouvelle et que s'il était nécessaire d'accroître son rôle, cela ne devrait pas entraîner une « bureaucratisation », ce que l'actuel coordinateur ne souhaite d'ailleurs pas.

Il a souhaité que le coordinateur soit plus autonome par rapport au futur ministre des affaires étrangères et plus directement relié au futur président du Conseil européen et ait en charge un rôle de proposition et de sensibilisation. Or, aujourd'hui, sa crédibilité est quelque peu entamée puisqu'il ne peut prendre aucune initiative en dehors du Haut représentant pour la PESC. Dans l'avenir, cette situation peut changer, puisqu'on peut supposer que le ministre des affaires étrangères ne sera pas mobilisé seulement par la seule lutte antiterroriste.

En conclusion, il a déclaré que, compte tenu du caractère prioritaire de la lutte antiterroriste, la fonction de coordinateur était justifiée, à condition qu'elle ne soit pas une nouvelle institution et qu'elle jouisse d'un minimum de crédibilité.

Après intervention du Président Pierre Lequiller, la Délégation a adopté, dans le texte proposé par le rapporteur, la proposition de résolution suivante :

PROPOSITION DE RESOLUTION

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le projet de décision-cadre sur la rétention de données traitées et stockées en rapport avec la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public ou de données transmises via des réseaux de communications publics, aux fins de la prévention, la recherche, la poursuite de délits et d'infractions pénales, y compris du terrorisme (8968/04/ E 2616) ;

Vu le projet de décision-cadre relative à la simplification de l'échange d'informations et de renseignements entre les services répressifs des Etats membres de l'Union européenne, notamment en ce qui concerne les infractions graves, y compris les actes terroristes (10215/04 / E 2634) ;

Vu la proposition de directive relative à la prévention du blanchiment du système financier aux fins de blanchiment de capitaux, y compris le financement du terrorisme (COM (2004) 448 final / E 2734) ;

1. Condamne le terrorisme sous toutes ses formes, quels qu'en soient les auteurs et leurs motivations ;

2. Exprime sa sympathie et sa solidarité aux victimes des attentats terroristes, et souhaite que cette solidarité se concrétise par la création d'une Fondation européenne des victimes du terrorisme ;

3. Salue la décision du Conseil européen de déclarer le 11 mars journée européenne de commémoration des victimes du terrorisme ;

4. Souligne que la lutte contre le terrorisme doit s'inscrire dans le respect des droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis notamment par la Charte européenne des droits fondamentaux ;

5. Rappelle que la lutte contre ce fléau doit, pour être efficace à long terme, s'attaquer aux causes profondes du terrorisme et reposer sur le dialogue entre les religions et les cultures ;

6. Affirme que si la lutte opérationnelle contre le terrorisme ne relève pas de l'Union, une action complémentaire de l'Union est souhaitable ;

7. Approuve la désignation d'un coordinateur de la lutte contre le terrorisme, qui renforce la cohérence de l'action de l'Union, et souhaite que son rôle soit accru auprès des services policiers et judiciaires et auprès des populations pour les sensibiliser aux risques du terrorisme ;

I. Sur le projet de décision-cadre sur la rétention de données (E 2616)
 :

8. Approuve le principe d'une harmonisation européenne des règles relatives à la conservation des données traitées et stockées par les fournisseurs d'un service de communications électroniques aux fins de la prévention, la recherche, la détection et la poursuite d'infractions pénales, en particulier du terrorisme ;

9. Considère que le délai minimum d'un an retenu par le projet est adapté, compte tenu de la durée moyenne des instructions en matière criminelle ;

10. Estime cependant qu'une durée maximale de conservation de ces données devrait être prévue, afin de respecter l'équilibre entre les besoins des enquêtes et la protection des droits individuels ;
11. Souhaite qu'une évaluation précise du surcoût de la conservation des données de trafic soit réalisée, afin d'envisager une harmonisation des régimes d'indemnisation des fournisseurs de ces services.

II. Sur le projet de décision-cadre relative à la simplification de l'échange d'informations et de renseignements entre les services répressifs (E 2634)
 :

12. Approuve le principe de disponibilité consacré par le Conseil européen, selon lequel tout agent des services répressifs d'un Etat membre qui a besoin de certaines informations dans l'exercice de ses fonctions peut les obtenir d'un autre Etat membre, sous réserve de respecter certaines conditions ;

13. Emet le vœu que ce principe soit concrétisé rapidement par des propositions législatives, afin de régir les échanges d'informations en matière répressive à compter du 1er janvier 2008 ;

14. Souhaite que le projet de décision-cadre relative à la simplification de l'échange d'informations et de renseignements entre les services répressifs des Etats membres apporte une plus value réelle, ce qui exige que la nature des informations transmises soit définie largement ;

15. Estime que le renforcement des échanges d'informations entre les services répressifs des Etats membres doit s'accompagner de l'adoption de standards communs relatifs à la protection des données personnelles dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, à l'élaboration desquels les autorités de protection des données devraient être associées.

III. Sur la proposition de directive anti-blanchiment, y compris le financement du terrorisme (E 2734)
 :

16. Affirme la nécessité de priver les organisations terroristes de leurs sources de financement ;

17. Approuve l'adoption d'une définition du financement du terrorisme spécifique par rapport au délit de blanchiment, ainsi que l'extension des obligations de vigilance que doivent mettre en œuvre les professionnels visés par la directive à la lutte contre le financement du terrorisme.

ANNEXES

Annexe 1 :
La déclaration du 25 mars 2004
sur la lutte contre le terrorisme

1. Introduction

Le Conseil européen, profondément choqué par les attentats terroristes perpétrés à Madrid, exprime sa sympathie et sa solidarité aux victimes, à leurs familles et au peuple espagnol. Ces attentats barbares et lâches nous ont rappelé de manière terrible la menace que le terrorisme fait peser sur notre société. Les actes terroristes sont des attaques contre les valeurs sur lesquelles est fondée l'Union.

L'Union et ses Etats membres s'engagent à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour combattre le terrorisme sous toutes ses formes, dans le respect des principes fondamentaux de l'Union, des dispositions de la Charte des Nations Unies et des obligations énoncées dans la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations Unies.

La menace du terrorisme nous touche tous. Quand un attentat terroriste est perpétré contre un pays, c'est la communauté internationale tout entière qui est frappée. Il n'y aura ni faiblesse ni compromis de quelque nature que ce soit à l'égard des terroristes. Aucun pays dans le monde ne peut s'estimer à l'abri. Le terrorisme ne sera vaincu que par la solidarité et l'action collective.

Le Conseil européen approuve la proposition du Parlement européen de déclarer le 11 mars journée européenne de commémoration des victimes du terrorisme.

2. Clause de solidarité

Le Conseil européen se félicite que les Etats membres et les Etats adhérents aient, dès à présent, pris l'engagement politique d'agir conjointement contre les attentats terroristes, dans l'esprit de la clause de solidarité figurant à l'article 42 du projet de constitution pour l'Europe.

Une déclaration distincte est jointe.

3. Stratégie de sécurité

Dans la stratégie européenne de sécurité, adoptée par le Conseil européen en décembre dernier, le terrorisme était désigné comme l'une des principales menaces contre les intérêts de l'UE, et la présidence et le Secrétaire général/Haut représentant étaient invités, en coordination avec la Commission, à présenter des propositions concrètes pour la mise en œuvre de la stratégie, y compris des recommandations pour lutter contre la menace posée par le terrorisme et s'attaquer à ses causes profondes.

Au vu des événements survenus à Madrid, le Conseil européen estime qu'il est urgent de mettre pleinement en œuvre les mesures de lutte contre le terrorisme.

Le Conseil européen appelle à l'élaboration d'une stratégie à long terme de l'UE pour s'attaquer à l'ensemble des facteurs qui contribuent à alimenter le terrorisme. Ainsi que le Conseil européen le déclarait dans les conclusions de sa réunion du 21 septembre 2001, l'Union doit participer davantage aux efforts de la communauté internationale pour prévenir et stabiliser les conflits régionaux et promouvoir la bonne gestion des affaires publiques et l'Etat de droit.

En outre, le Conseil européen appelle à ce que des travaux soient rapidement menés afin d'accroître la contribution de la PESD à la lutte contre le terrorisme, sur la base des actions entreprises depuis le Conseil européen de Séville.

L'Union européenne cherchera les moyens d'améliorer la sécurité de ses citoyens qui séjournent ou voyagent dans des pays tiers et sont exposés à une menace terroriste.

4. Assistance aux victimes

Le Conseil européen demande l'adoption, avant le 1er mai 2004, de la directive du Conseil relative à l'indemnisation des victimes de la criminalité.

Le Conseil européen invite la Commission à veiller à ce que soient alloués d'urgence les crédits prévus dans le budget 2004 pour le soutien des victimes du terrorisme.

5. Approfondissement de la coopération existante

Lors de sa réunion du 21 septembre 2001, le Conseil européen a adopté un plan d'action pour la lutte contre le terrorisme, qu'un grand nombre d'initiatives importantes sont venues compléter. Pour lutter avec efficacité contre le terrorisme, il est impératif que les États membres mettent pleinement et efficacement en œuvre les mesures adoptées par le Conseil.

a) Mesures législatives

Le Conseil européen reconnaît que le cadre législatif créé par l'Union aux fins de la lutte contre le terrorisme et de l'amélioration de la coopération judiciaire a un rôle décisif à jouer dans la lutte contre les activités terroristes. Il invite instamment tous les Etats membres à prendre les mesures qui restent nécessaires pour mettre en œuvre sans délai et dans leur intégralité, les mesures législatives suivantes:

. la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen;

. la décision-cadre relative aux équipes communes d'enquête;

. la décision-cadre relative à la lutte contre le terrorisme;

. la décision-cadre concernant le blanchiment d'argent, l'identification, le dépistage, le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime;

. la décision portant création d'Eurojust;

. la décision relative à l'application de mesures spécifiques de coopération policière et judiciaire en matière de lutte contre le terrorisme.

Toutes ces mesures devraient être mises en place au plus tard en juin 2004.

Le Conseil européen demande aux Etats membres de mettre en œuvre la décision-cadre relative à l'exécution des décisions de gel des avoirs ou des preuves et de ratifier la convention sur l'entraide judiciaire en matière pénale et son protocole, ainsi que les trois protocoles à la convention Europol d'ici décembre 2004.

Par ailleurs, la mise au point de la décision-cadre relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens du crime et de la décision-cadre relative aux attaques visant les systèmes d'information devrait être achevée pour le mois de juin 2004. Les travaux sur la décision-cadre relative à la reconnaissance mutuelle des décisions de confiscation devraient également être clôturés pour le mois de juin 2004 et ceux consacrés à la décision-cadre relative au mandat européen d'obtention de preuves être poursuivis.

Le Conseil européen, compte tenu de l'évolution future du cadre législatif susmentionné, charge le Conseil d'envisager des mesures dans les domaines suivants:

. propositions en vue de l'établissement de règles relatives à la conservation, par les fournisseurs de services, des données relatives au trafic des communications;

. échanges d'informations sur les condamnations pour infractions terroristes;

. poursuite transfrontalière;

. un registre européen recensant les condamnations et les interdictions;

. une base de données sur le matériel destiné aux analyses de police scientifique;

. une simplification de l'échange d'informations et de renseignements entre les services répressifs des Etats membres.

La priorité devrait être accordée aux propositions concernant la conservation des données relatives au trafic des communications et les échanges d'informations sur les condamnations en vue de leur adoption d'ici juin 2005.

Les Etats membres réaffirment leur engagement à renforcer la coopération judiciaire. Ils sont invités à veiller à ce que toute demande d'entraide judiciaire relative à des infractions terroristes soit exécutée et à coopérer au maximum.

La Commission est invitée à présenter une proposition visant la création d'un programme européen pour la protection des témoins dans les affaires de terrorisme.

b) Renforcer la coopération opérationnelle

Le Conseil européen engage les Etats membres à veiller à ce que les services répressifs (services de sécurité, police, douanes, etc.) coopèrent et échangent toutes les informations pertinentes pour lutter contre le terrorisme aussi complètement que possible.

Le Conseil européen demande aux Etats membres de veiller à ce qu'un recours optimal et le plus efficace possible soit fait aux organes existants de l'UE, en particulier Europol et Eurojust, afin de promouvoir la coopération dans la lutte contre le terrorisme. Il appelle les Etats membres à s'assurer que:

. tous les Etats membres désignent des correspondants nationaux d'Eurojust pour les questions de terrorisme et qu'Eurojust soit utilisé au maximum de ses capacités aux fins de la coopération dans les affaires de terrorisme transfrontalier;

. des représentants d'Europol et d'Eurojust soient associés aux travaux des équipes communes d'enquête autant que faire se peut;

. l'accord entre Europol et Eurojust soit adopté d'ici mai 2004.

Le Conseil européen appelle également les États membres à renforcer le rôle d'Europol dans la lutte contre le terrorisme en:

. renforçant ses capacités en matière de lutte contre le terrorisme et en réactivant la task force de lutte contre le terrorisme;

. veillant à ce qu'Europol reçoive des services répressifs des Etats membres tous les renseignements utiles en matière criminelle concernant le terrorisme, dès qu'ils sont disponibles.

Le Conseil européen demande à Europol de procéder aussi vite que possible à la mise en œuvre de son système d'informations.

En outre, le Conseil européen souligne le rôle joué par la task force des chefs de police dans la coordination des mesures opérationnelles de lutte et de prévention des actes terroristes. Le Conseil européen appelle la task force à réfléchir à la manière de renforcer sa capacité opérationnelle et à concentrer son action sur la collecte dynamique de renseignements. La task force est invitée à élaborer, avec l'aide d'experts des services de renseignement et d'Europol, un rapport sur les attentats terroristes perpétrés à Madrid.

Le Conseil européen invite le Conseil à examiner, d'ici le mois de septembre 2004, un rapport intérimaire sur les résultats du mécanisme d'évaluation collégiale des dispositifs nationaux en matière de lutte contre le terrorisme et, d'ici à septembre 2005, un rapport final qui englobera les Etats adhérents.

Afin de tirer parti de cette coopération, le Conseil européen charge également le Conseil de mettre en place de nouveaux comités capables d'assurer une plus grande coopération opérationnelle en matière de sécurité et de terrorisme à l'intérieur de l'Union.

Le Conseil européen reconnaît qu'il est nécessaire de priver les organisations et groupes terroristes des instruments dont ils ont besoin pour leurs activités. Il faut en particulier assurer une plus grande sécurité en ce qui concerne les armes à feu, les explosifs, le matériel servant à fabriquer des bombes et les technologies qui sont utilisées pour commettre des attentats. Le Conseil européen charge le Conseil d'étudier la possibilité d'adopter des mesures dans ce domaine.

c) Optimiser l'efficacité des systèmes d'information

Le Conseil européen demande au Conseil de prendre les dispositions nécessaires pour que le projet de règlement du Conseil et le projet de décision concernant l'attribution de certaines fonctions nouvelles au Système d'information Schengen (SIS) puissent entrer en vigueur d'ici le mois de juin 2004.

Des décisions devraient être prises concernant le lieu d'implantation, la gestion et le financement du SIS II d'ici mai 2004 afin que la Commission puisse en poursuivre la pleine mise en œuvre. La Commission et le Conseil sont instamment invités à faire progresser les travaux sur le système d'information sur les visas (VIS) conformément aux conclusions adoptées en février 2004. Le Conseil européen demande à la Commission de présenter des propositions visant à accroître l'interopérabilité des bases de données européennes et d'envisager la création de synergies entre les systèmes d'information actuels et futurs (SIS II, VIS et EURODAC) afin de tirer parti de leur valeur ajoutée en matière de prévention et de lutte contre le terrorisme dans leurs cadres juridiques et techniques respectifs.

Le Conseil européen invite la Commission à présenter au Conseil européen de juin des propositions concernant les échanges d'informations à caractère personnel (ADN, empreintes digitales et données des visas) aux fins de la lutte contre le terrorisme. Les propositions de la Commission devraient également comporter des dispositions permettant aux services répressifs nationaux d'avoir accès aux systèmes mis en place par l'UE.

Le Conseil est également invité à examiner les critères qu'il convient d'appliquer aux fins de l'article 96 de la convention Schengen en ce qui concerne les personnes signalées aux fins de non-admission.

6. Renforcer les contrôles aux frontières et la sécurité des documents

L'amélioration des contrôles aux frontières et de la sécurité des documents est un aspect important de la lutte contre le terrorisme. Le Conseil européen insiste par conséquent sur la nécessité d'accélérer l'examen des mesures à prendre à cet égard. Il faut en particulier avancer sur les dossiers suivants:

. la proposition de règlement portant création d'une agence européenne pour la gestion des frontières, en vue de son adoption d'ici mai 2004, de manière à ce que l'agence démarre ses activités au plus tard le 1er janvier 2005;

. la proposition de directive du Conseil concernant l'obligation pour les transporteurs de communiquer les données relatives aux personnes transportées, en vue de parvenir rapidement à un accord sur cette mesure; et

. l'adoption du projet de stratégie pour la coopération douanière et du programme de travail y afférent d'ici mai 2004, et la mise en œuvre de toute urgence des mesures de lutte contre le terrorisme.

Le Conseil européen charge par ailleurs le Conseil d'adopter d'ici la fin de 2004 les propositions de la Commission portant sur l'incorporation d'éléments biométriques dans les passeports et les visas en vue de la mise au point des spécifications techniques que la Commission doit adopter dans le même délai.

Le Conseil européen, dans la perspective d'un développement ultérieur de ces mesures, charge le Conseil, sur la base d'une proposition de la Commission, de faire avancer les travaux relatifs à la création, d'ici 2005, d'un système intégré d'échange d'informations concernant les passeports volés ou perdus, ayant recours au SIS et à la base de données d'Interpol.

Il invite également la Commission à présenter, au plus tard en juin 2004, une proposition en vue de la définition d'une démarche commune de l'UE concernant l'utilisation des données des passagers pour des impératifs de sécurité des frontières et de l'aviation et d'autres fins répressives.

7. Lignes directrices de l'UE pour une approche commune de la lutte contre le terrorisme

Le Conseil européen se félicite des lignes directrices de l'UE pour une approche commune de la lutte contre le terrorisme, qui attestent l'engagement de l'Union à prévenir et éradiquer le terrorisme de façon visible et cohérente.

8. Objectifs stratégiques pour un plan d'action révisé de l'UE contre le terrorisme

En faisant fond sur la coopération existante, le Conseil européen est convenu d'objectifs stratégiques actualisés visant à renforcer le plan d'action de l'UE contre le terrorisme (qui figure à l'annexe I). Les objectifs stratégiques de premier plan énumérés ci-après seront mis en œuvre:

. fortifier le consensus international et accroître les efforts déployés pour lutter contre le terrorisme;

. réduire l'accès des terroristes aux ressources financières et aux autres ressources économiques;

. développer au maximum les moyens dont disposent les organes de l'UE et les Etats membres pour identifier les terroristes, enquêter à leur sujet et les poursuivre, et pour empêcher les attentats terroristes;

. assurer la sécurité des transports internationaux et l'efficacité des systèmes de contrôles aux frontières;

. développer la capacité des Etats membres à faire face aux conséquences d'un attentat terroriste;

. trouver la parade aux facteurs qui contribuent à alimenter le terrorisme et à grossir ses rangs;

. cibler les actions menées dans le cadre des relations extérieures de l'UE sur des pays tiers prioritaires dont la capacité de lutte contre le terrorisme ou la détermination à lutter contre ce fléau doivent être améliorées.

Le Conseil européen demande au Conseil de mener à bien l'adoption du plan d'action révisé et de lui faire rapport en juin prochain.

9. Échange de renseignements

Soulignant l'importance d'une coopération plus efficace en matière de renseignement et d'une meilleure évaluation de la menace, le Conseil européen appelle les Etats membres à améliorer les mécanismes de coopération et à promouvoir une collaboration efficace et systématique entre les services de police, de sécurité et de renseignement. Il faudrait améliorer le flux de renseignements mis à la disposition d'Europol en rapport avec tous les aspects du terrorisme. Le développement des relations entre Europol et les services de renseignement sera également poursuivi.

Le Conseil soutient les efforts du Secrétaire général/Haut représentant, M. Solana, pour intégrer au sein du Secrétariat du Conseil des capacités de renseignement sur tous les aspects de la menace terroriste, afin de nourrir la politique de l'UE et l'invite à formuler des propositions dans la perspective du Conseil européen de juin.

10. Prévention du financement du terrorisme

Le Conseil européen croit qu'il faut continuer d'agir de manière préventive et avec détermination en ce qui concerne les sources de financement des organisations terroristes et faire rapidement obstacle aux flux financiers à destination des groupes terroristes et des entités ou personnes qui leur sont liées dans le respect de l'Etat de droit. À cet égard, il invite le Conseil à identifier les mesures qui permettraient d'améliorer l'efficacité et le fonctionnement du mécanisme mis en place pour geler les avoirs des terroristes et des organisations terroristes et identifier les titulaires et les véritables bénéficiaires des comptes bancaires, où qu'ils résident.

Le Conseil européen demande à tous les Etats membres de ratifier et de mettre pleinement en œuvre la Convention des Nations Unies de 1999 pour la répression du financement du terrorisme et de transposer les dispositions de la résolution n° 1373 du Conseil de sécurité des Nations Unies visant le gel des avoirs.

Les Etats membres sont invités à accroître la coopération entre les autorités nationales compétentes, les cellules de renseignement financier et les institutions financières privées, afin de favoriser un meilleur échange d'informations sur le financement du terrorisme.

La Commission réfléchira aux améliorations à apporter en matière de régulation et de transparence des entités juridiques, y compris les organisations caritatives et les autres systèmes de versement de fonds susceptibles d'être utilisés par les terroristes pour financer leurs activités.

L'UE mènera un dialogue avec les pays tiers sur cette question essentielle afin d'intensifier la lutte contre le financement du terrorisme.

11. Mesures de protection des moyens de transport et de la population

Le Conseil européen appelle au renforcement de la sécurité de tous les modes de transport, notamment par le renforcement du cadre juridique et l'amélioration des mécanismes deprévention. La Commission est notamment invitée à présenter une proposition visant à renforcer les mesures de sécurité dans les ports et sur les navires. D'autres actions sont nécessaires pour renforcer la capacité, au sein des Etats membres, à atténuer les conséquences des attaques contre la population civile, notamment dans les domaines de la sécurité sanitaire et de la protection civile, en faisant fond sur les programmes actuels de l'UE en matière de sécurité sanitaire et de menace NRBC.

La Commission, le Conseil et les Etats membres, le cas échéant, doivent développer des politiques pour renforcer la protection des citoyens, des services fondamentaux (comme l'approvisionnement en eau, l'énergie et les communications) et des systèmes de production (industries agro-alimentaire et manufacturière), ainsi que pour mettre en place des mécanismes (systèmes et procédures de surveillance, d'alerte rapide, d'avertissement et de réaction) pour faire face aux conséquences d'éventuels attentats terroristes.

12. Coopération internationale

Soutenant le rôle clé des Nations Unies, le Conseil européen continuera d'agir en faveur de l'adhésion universelle à toutes les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, aux conventions des Nations Unies sur le terrorisme et à leurs protocoles, ainsi que de leur mise en œuvre intégrale.

L'Union européenne travaillera avec les organisations internationales, régionales et sousrégionales, et œuvrera en leur sein, pour renforcer la solidarité internationale dans la lutte contre le terrorisme.

L'Union européenne garantira une coopération efficace et pratique avec les pays tiers en vue de lutter contre le terrorisme, notamment par le biais des mesures suivantes:

. élaboration de stratégies d'assistance technique pour aider les pays tiers vulnérables à renforcer leur capacité de lutte contre le terrorisme, en intégrant les questions liées à la lutte contre le terrorisme dans tous les programmes d'assistance extérieure pertinents visant à promouvoir la gestion des affaires publiques et l'Etat de droit;

. veiller à ce que la lutte contre le terrorisme soit un aspect fondamental à tous les niveaux du dialogue politique mené avec les pays tiers, notamment avec ceux qui représentent une menace terroriste potentielle pour la paix et la sécurité au niveau international;

. le Conseil européen analysera et évaluera en permanence l'engagement des pays à lutter contre le terrorisme. Il s'agira d'un paramètre déterminant dans les relations de l'UE avec ces pays.

Le Conseil européen demande que les ressources policières de l'UE déployées dans des pays tiers soient utilisées d'une manière optimale, y compris dans le contexte de la gestion des crises par l'UE.

13. Coopération avec les Etats-Unis et d'autres partenaires

Faisant fond sur la solidarité et la coopération prévues par le plan d'action contre le terrorisme de 2001, le Conseil européen va s'employer à renforcer encore la coopération avec les Etats-Unis et d'autres partenaires pour lutter contre la menace que représente le terrorisme.

14. Création du poste de coordinateur de la lutte contre le terrorisme

Le Conseil européen souligne qu'une approche globale et parfaitement coordonnée s'impose en réponse à la menace posée par le terrorisme.

Le Conseil européen approuve par conséquent la création du poste de coordinateur de la lutte contre le terrorisme. Le coordinateur, qui exercera ses fonctions au sein du Secrétariat du Conseil, coordonnera les travaux du Conseil en matière de lutte contre le terrorisme et, dans le respect des responsabilités incombant à la Commission, veillera à avoir une vue d'ensemble de tous les instruments dont dispose l'Union, en vue de faire régulièrement rapport au Conseil et d'assurer le suivi effectif des décisions du Conseil. Le Conseil européen salue la décision du Secrétaire général/Haut Représentant, M. Solana, de nommer M. Gijs de Vries au poste de coordinateur de la lutte contre le terrorisme.

15. Marche à suivre

Le Conseil européen invite le Conseil, en coopération avec le Secrétaire général/Haut Représentant, M. Solana, et la Commission, à lui faire rapport de manière détaillée, lors de sa réunion de juin, sur l'état de mise en œuvre de ces mesures.

Annexe I

OBJECTIFS STRATEGIQUES DE L'UNION EUROPEENNE DANS
LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME

(Plan d'action révisé)

Objectif 1: fortifier le consensus international et accroître les efforts déployés par la communauté internationale pour lutter contre le terrorisme :

- Appuyer le rôle central que jouent les Nations Unies, en particulier l'Assemblée générale, pour maintenir le consensus international et pour mobiliser la communauté internationale dans son ensemble, et soutenir les travaux du Conseil de sécurité, notamment par le biais de son Comité contre le terrorisme et de son Comité des sanctions contre les Talibans et Al-Qaida, ainsi que de la Section pour la prévention du terrorisme de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime.

- Agir pour que tous les etats adhèrent aux conventions des Nations Unies relatives au terrorisme et les mettent pleinement en œuvre, et pour que soit conclue une convention générale des Nations Unies contre le terrorisme et adopter une convention générale des Nations Unies pour la répression des actes de terrorisme nucléaire.

- Coopérer avec les organisations régionales et internationales et en leur sein afin qu'elles contribuent efficacement à la lutte contre le terrorisme conformément aux obligations énoncées par les Nations Unies.

- Introduire des clauses antiterrorisme opérantes dans tous les accords avec des pays tiers.

Objectif 2: réduire l'accès des terroristes aux ressources financières et aux autres ressources économiques

- Veiller à ce que les procédures de gel des avoirs, y compris des ressources économiques non financières, décidées par l'UE produisent leurs effets, conformément aux obligations énoncées par les Nations Unies et dans le nécessaire respect des garanties juridiques et de l'Etat de droit.

- Établir des liens opérationnels et améliorer la coopération entre les instances compétentes pour faciliter un échange d'informations plus poussé sur le financement du terrorisme.

- Élaborer et mettre en œuvre une stratégie de l'UE sur la répression du financement du terrorisme, y compris en adoptant une réglementation sur les organisations caritatives et les autres systèmes de versement de fonds.

- Coopérer étroitement avec le Groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux (GAFI) sur toutes les questions liées au financement du terrorisme et veiller à ce que le cadre juridique de l'UE soit adapté en fonction des huit recommandations spéciales sur le financement du terrorisme.

- Mener un dialogue politique et technique avec les pays tiers afin d'intensifier la lutte contre le financement du terrorisme.

Objectif 3: développer au maximum les moyens dont disposent les organes de l'UE et les Etats membres pour identifier les terroristes, enquêter à leur sujet et les poursuivre, et pour empêcher les attentats terroristes

- Veiller à recourir, d'une manière optimale et efficace, aux organes existants de l'UE, tels qu'Europol, Eurojust et la task force des chefs de police.

- Améliorer les mécanismes de coopération entre les services de police et de sécurité en vue d'un partage du savoir-faire dans les politiques de sécurité en matière de protection, d'investigation et de prévention.

- Favoriser une collaboration effective et systématique dans les échanges de renseignements entre les Etats membres.

- Améliorer la capacité des organes appropriés de l'UE à élaborer des évaluations des

renseignements pour tous les aspects de la menace terroriste, en reliant plus étroitement cet aspect à l'élaboration de la politique de l'UE.

- S'employer à repérer, désorganiser et démanteler les filières par lesquelles les terroristes se procurent des armes.

Objectif 4: assurer la sécurité des transports internationaux et l'efficacité des systèmes de contrôles aux frontières

- Intégrer les exigences inhérentes à la lutte antiterroriste dans les travaux des organes concernés de l'UE (transports, contrôles aux frontières, documents d'identité, etc.).

- Travailler à étoffer les normes de sécurité de l'UE pour les transports, en concertation avec les organisations internationales compétentes et les pays tiers.

- Élaborer et mettre en œuvre une approche commune de l'UE en matière d'échange et d'analyse des informations relatives aux passagers.

- Encourager les Etats qui ne sont pas membres de l'UE à respecter pleinement les normes de l'OACI et de l'OMI et les y aider.

- Améliorer les moyens permettant d'identifier les terroristes et de détecter les dispositifs, les matériels et les fonds qu'ils utilisent, dans les ports, les aéroports et aux frontières terrestres.

- Renforcer la protection des citoyens européens dans les pays tiers.

Objectif 5: développer la capacité de l'Union européenne et des États membres à faire face aux conséquences d'un attentat terroriste

- Recenser les domaines dans lesquels une coopération plus étroite dans la gestion des conséquences des attentats est envisageable avec d'autres organisations internationales, y compris l'OTAN, dans le cadre des compétences respectives.

- Veiller à ce que soient pleinement mis en œuvre les programmes de sécurité sanitaire et CBRN de l'UE.

- Mettre au point des stratégies permettant d'améliorer la capacité des Etats membres à communiquer avec les citoyens en cas d'attentat terroriste de grande ampleur.

- Veiller à ce que les victimes de crimes terroristes bénéficient d'un soutien et d'une assistance, et protéger les minorités qui risqueraient de faire l'objet de représailles en cas d'attentat de grande ampleur.

Objectif 6: trouver la parade aux facteurs qui contribuent à alimenter le terrorisme et à grossir ses rangs

- Identifier les facteurs qui contribuent au recrutement de terroristes, tant à l'intérieur de l'UE qu'au plan international, et élaborer une stratégie à long terme pour les contrer.

- Continuer d'étudier les liens entre, d'une part, les convictions religieuses ou politiques extrémistes, ainsi que les facteurs socio-économiques ou autres, et, d'autre part, le soutien au terrorisme, en exploitant les travaux déjà menés à ce sujet, et déterminer les mesures qui permettront de réagir à cet état de choses.

- Utiliser plus efficacement les programmes d'aide extérieure afin de contrer les facteurs susceptibles d'alimenter le soutien au terrorisme, notamment les programmes qui ont pour vocation de promouvoir la bonne gestion des affaires publiques et l'Etat de droit.

- Elaborer et mettre en œuvre une stratégie visant à promouvoir, au niveau culturel et religieux, la compréhension entre l'Europe et le monde musulman.

Objectif 7: cibler les actions menées dans le cadre des relations extérieures de l'UE sur des pays tiers prioritaires dont la capacité de lutte contre le terrorisme ou la détermination à lutter contre ce fléau doivent être améliorées

- Elargir le rôle du Centre de situation dans la production des évaluations de la menace afin que les groupes de travail puissent s'atteler à la mise au point de moyens d'action.

- Développer des capacités en vue d'analyser et d'évaluer les activités des pays tiers en matière de lutte contre le terrorisme.

- Elaborer des stratégies d'assistance technique afin d'accroître la capacité de pays prioritaires à lutter contre le terrorisme, en concertation avec d'autres organisations internationales et pays donateurs.

- Veiller à ce que les questions spécifiquement liées à la lutte contre le terrorisme, y compris l'introduction de clauses antiterrorisme opérantes dans tous les accords, et qui reflètent les priorités énumérées dans le plan d'action révisé, figurent au premier plan des relations que l'UE entretient à tous les niveaux avec les pays prioritaires.

- Intégrer les objectifs de la lutte antiterroriste dans les travaux des groupes géographiques et les programmes d'aide extérieure.

*

* *

DÉCLARATION SUR LA SOLIDARITE CONTRE LE TERRORISME

Nous, chefs d'Etat ou de gouvernement des Etats membres de l'Union européenne et des Etats qui adhéreront à l'Union le 1er mai 2004, avons déclaré notre ferme intention comme suit:

Dans l'esprit de la clause de solidarité énoncée à l'article 42 du projet de Traité établissant une Constitution pour l'Europe, les Etats membres et les Etats adhérents agissent en conséquence conjointement et dans un esprit de solidarité si l'un d'entre eux est la victime d'une attaque terroriste.

Ils mobilisent tous les instruments à leur disposition, y compris les moyens militaires, pour:

· prévenir la menace terroriste sur le territoire de l'un d'entre eux;

· protéger les institutions démocratiques et la population civile d'une éventuelle attaque terroriste;

· porter assistance à un Etat membre ou à un Etat adhérent sur son territoire à la demande de ses autorités politiques dans le cas d'une attaque terroriste.

Il appartiendra à chaque Etat membre de l'Union ou à chaque Etat adhérent de choisir les moyens les plus appropriés pour s'acquitter de cet engagement de solidarité à l'égard de l'Etat touché.

Annexe 2 :
Liste des personnes auditionnées

I. Institutions et administrations françaises

Ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales

- M. Michel GAUDIN, directeur général de la police nationale ; M. Pierre DE BOUSQUET DE FLORIAN, directeur de la sécurité du territoire ; M. Jacques DI BONA, adjoint au chef de l'unité de coordination de la lutte anti-terroriste (UCLAT), direction générale de la police nationale, ministère de l'Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ;

- M. Thomas DE RICOLFIS, commissaire principal, chef du bureau de liaison français auprès d'Europol.

Ministère de la justice

- M. Philippe LAGAUCHE, sous-directeur de la justice pénale spécialisée, direction des affaires criminelles et des grâces ; Mme Anne KOSTOMAROFF, chef du bureau de lutte contre la criminalité organisée, le terrorisme et le blanchiment, direction des affaires criminelles et des grâces ; M. Eric RUELLE, chef du bureau des négociations pénales, service des affaires européennes et internationales, ministère de la Justice.

Ministère de la défense

- M. François-Xavier DENIAU, ambassadeur de France ; colonel Antoine CREUX, sous-directeur de la construction européenne et de l'Alliance atlantique, délégation aux affaires stratégiques ; capitaine de vaisseau Michel DE FRESSE DE MONVAL, délégation aux affaires stratégiques ; lieutenant-colonel Olivier KIM, chef du bureau de lutte antiterroriste, sous-direction police judiciaire, direction générale de la gendarmerie nationale.

SGCI

- M. Patrick DELAGE, préfet, secrétaire général adjoint, responsable du secteur « Justice et affaires intérieures » ; M. Jean-Michel THILLIER, conseiller chargé de la coopération technique « JAI » ; M. Jacques WEBER, conseiller chargé de la sécurité de l'espace européen.

Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne

- M. Daniel LECRUBIER, avocat général, chef du service « Justice et affaires intérieures » ; commissaire Olivier BARDIN, conseiller chargé de la coopération policière et de la lutte contre le terrorisme ; Mme Claire ROCHETEAU, conseiller chargé de la coopération judiciaire pénale.

Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL)

- M. Georges de la LOYERES, commissaire chargé des affaires internationales ; Mme Marie GEORGES, chef du service des affaires européennes et internationales ; Mme Florence FOURETS, chef du service des contrôles et membre de l'autorité de contrôle commune d'Europol.

II. Institutions et organes européens

Commission européenne

- Mme Denise SORASIO, directeur, direction générale « Justice et affaires intérieures ».

Secrétariat général du Conseil de l'Union

- M. Gijs de VRIES, ancien secrétaire d'Etat à l'intérieur des Pays-Bas, coordinateur de la lutte antiterroriste de l'Union européenne ; M. Gilles de KERCHOVE, directeur, secrétariat général du Conseil de l'Union européenne ; Mme Patricia HOLLAND, conseiller principal, cabinet du coordinateur de la lutte contre le terrorisme.

Europol

- M. Mariano SIMANCAS, directeur par intérim de l'Office européen de police ; M. Ivan GELBARD, unité de lutte antiterroriste d'Europol.

Eurojust

- M. François FALLETTI, membre français d'Eurojust, ancien procureur général à Lyon, ancien directeur des affaires criminelles et des grâces.

III. Divers

Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI)

- M. Jean-Louis FORT, président du groupe d'action financière ; Mme Laura DUFAY-KRULIK, chargée de mission auprès du président du GAFI.

1 () Flash Eurobaromètre sur la justice et les affaires intérieures, publié le 8 mars 2004.

2 () V. Wenceslas de Lobkowicz, L'Europe et la sécurité intérieure, La Documentation française, 2002.

3 () Le Conseil européen qui s'est tenu à Tampere (Finlande) les 15 et 16 octobre 1999 a défini les orientations politiques devant présider à la construction d'un espace de liberté, de sécurité et de justice, prévue par le traité d'Amsterdam.

4 () V. Emmanuel Barbe, « Une triple étape pour le troisième pilier de l'Union européenne », Revue du marché commun et de l'Union européenne, n° 454, janvier 2002, p. 8 s.

5 () J. Pradel, « Le mandat d'arrêt européen. Un premier pas vers une révolution copernicienne dans le droit français de l'extradition », Dalloz n° 20 et 21, 20 et 27 mai 2004, p. 1392 s. et 1462 s.

6 () A titre de comparaison, en 2003, la France n'avait adressé que 171 demandes d'extradition aux Etats membres mettant en œuvre le mandat d'arrêt européen, et n'en avait reçu que 166. L'augmentation des flux est en réalité plus importante que ne l'indiquent ces chiffres, l'année 2004 n'étant pas une année pleine.

7 () Rapport de la Commission fondé sur l'article 34 de la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres, 23 février 2005, COM (2005) 63 final.

8 () Position commune 2001/930/PESC relative à la lutte contre le terrorisme, 27 décembre 2001 ; position commune 2001/931/PESC relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, du 27 décembre 2001 ; règlement (CE) n° 2580 du Conseil du 27 décembre 2001 concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

9 () TPI (ord.), 7 juin 2004, Segi. c. Conseil, aff. T-338/02.

10 () Projet de décision-cadre sur la rétention de données traitées et stockées en rapport avec la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public ou de données transmises via des réseaux de communication publics, aux fins de la prévention, la recherche, la détection, la poursuite de délits et d'infractions pénales, y compris du terrorisme, 8968/04 CRIMORG 36 TELECOM 82, 28 avril 2004.

11 () Directive 91/308/CEE du Conseil relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux ; directive 2001/97/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 décembre 2001 modifiant ladite directive.

12 () Ce chiffre recouvre l'ensemble des réquisitions à France Télécom et autres opérateurs, y compris les interceptions sur le réseau mobile. Les dépenses visées sont donc plus larges que celles découlant des réquisitions concernant les seules données de trafic, mais le dynamisme de leur progression est un indicateur de l'importance des enjeux.

13 () V. position du Conseil des Barreaux de l'Union européenne (CCBE) sur les obligations imposées aux avocats en matière de déclaration de soupçon de blanchiment de capitaux et sur la troisième directive européenne relative au blanchiment de capitaux, novembre 2004.

14 () Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la prévention du blanchiment de capitaux par la coopération douanière (COM (2002) 328 final), modifiée le 1er juillet 2003 (COM (2003) 371 final).

15 () V. les conclusions adoptées par la Délégation le 1er juillet 2003 (rapport d'information n° 1011, p. 51 s).

16 () Rapport de l'équipe d'appui analytique et de surveillance des sanctions créée en application de la résolution 1526 (2004) concernant l'organisation Al-Qaida et les Taliban et les personnes et entités qui leur sont associées, 25 août 2004, S/2004/679.

17 () Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, « Prévenir et combattre le financement du terrorisme par des mesures visant à améliorer l'échange d'informations, la transparence et la traçabilité des transactions financières »,
COM (2004) 700, 20 octobre 2004.

18 () Rapport de la Commission fondé sur l'article 11 de la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme, 8 juin 2004, COM (2004) 409 final ; document de travail annexé, SEC (2004) 688.

19 () Plan d'action révisé sur la lutte contre le terrorisme, 14 décembre 2004,
doc. 16090/04.

20 () Rapport sur la mise en œuvre de la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme, 11687/2/04, 12 octobre 2004.

21 () La transposition de la décision-cadre a aussi suscité des difficultés importantes en République tchèque, le Président de la République, M. Vaclav Klaus, ayant opposé son veto à la loi adoptée par le Parlement. Ce veto a finalement été surmonté, et le mandat d'arrêt est applicable depuis le 14 janvier 2005 (sous réserve d'un recours non suspensif déposé devant la Cour constitutionnelle).

22 () Rapport de la Commission fondé sur l'article 34 de la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres, 23 février 2005, COM (2005) 63 final.

23 () Rapport de la Commission sur la transposition juridique de la décision du Conseil du 28 février 2002 instituant Eurojust afin de renforcer la lutte contre les formes graves de criminalité, COM (2004) 457 final, 6 juillet 2004.

24 () Décision 2002/996/JAI.

25 () Note d'Europol au comité de l'article 36 concernant la mise en œuvre de la déclaration sur la lutte contre le terrorisme du 25 mars 2004, 19 mai 2004, 9271/04.

26 () En 2003, 15 % des échanges avec Europol concernaient le terrorisme, et 11,4 % en 2004.

27 () V. l'audition de M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, par la Délégation pour l'Union européenne du Sénat, le 13 mars 2003.

28 () Le Centre de situation conjoint est composé de civils et de militaires. Il suit la situation internationale et fournit une capacité d'analyse et d'alerte rapide concernant les développements politiques internationaux pour les instances du Conseil et le Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC).

29 () Doc. 10913/6/03, Projet opérationnel intitulé « lancement des activités des équipes multinationales ad hoc pour l'échange d'informations relatives aux terroristes », 23 octobre 2003.

30 () Communication du 16 juin 2004, « Vers un renforcement de l'accès à l'information par des autorités responsables pour le maintien de l'ordre public et pour le respect de la loi », COM (2004) 429 final.

31 () Gilles de Kerchove, « L'action de l'Union européenne en matière de lutte contre le terrorisme », Revue du marché commun et de l'Union européenne, n° 480, juillet-août 2004, p. 421 s.

32 () Décision 2003/48/JAI du 19 décembre 2002 relative à l'application de mesures spécifiques de coopération policière et judiciaire en matière de lutte contre le terrorisme, conformément à l'article 4 de la position commune 2001/931/PESC.

33 () Proposition de décision du Conseil relative à l'échange d'informations et à la coopération concernant les infractions terroristes, COM (2004) 221 final.

34 () Projet de décision-cadre relative à la simplification de l'échange d'informations et de renseignements entre les services répressifs des Etats membres de l'Union européenne, notamment en ce qui concerne les infractions graves, y compris les actes terroristes, 10215/04, 4 juin 2004.

35 () Le réseau SIRENE (supplément d'information requis à l'entrée nationale) complète le Système d'information Schengen (SIS). Il regroupe l'ensemble des points de contact uniques des Etats membre et est composé de représentants de la police, de la gendarmerie, des douanes et de la justice.

36 () Rapport d'Eurojust au Conseil sur les nouvelles mesures qui pourraient être prises pour lui permettre de contribuer davantage à la lutte contre le terrorisme, 10008/04, 1er juin 2004.

37 () Un accord de coopération entre Europol et Eurojust a été signé à La Haye le 9 juin 2004.

38 () Règlement (CE) n° 2007/2004 du Conseil portant création d'une Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures.

39 () Rapport d'information n° 1477 de M. Thierry Mariani, au nom de la Délégation pour l'Union européenne, sur la création d'une Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne, mars 2004, et résolution n° 297 adoptée par l'Assemblée nationale le 11 mai 2004.

40 () Rapports d'information n° 1238 et n° 1666 de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.

41 () Règlement (CE) n° 2252/2004 du Conseil du 13 décembre 2004 établissant des normes pour les éléments de sécurité et les éléments biométriques intégrés dans les passeports et les documents de voyage délivrés par les Etats membres ; propositions de règlements du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1030/2002 établissant un modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants de pays tiers (ayant fait l'objet d'un accord politique lors du Conseil JAI du 27 novembre 2003).

42 () Des problèmes de « collision » sont rencontrés lorsque plusieurs visas doivent être apposés, sous forme de puces, sur un même document de voyage, qui compliquent la lecture desdits visas. Des problèmes identiques pourraient se poser si le stockage des titres de séjour prend la forme d'une vignette dans le passeport, mais pas s'il est émis sous la forme d'une carte séparée.

43 () Rapport de la Commission sur la transposition juridique de la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative aux équipes communes d'enquête, COM (2004) 858 final.

44 () Telles que des cours d'introduction aux institutions, de langue ou des mesures destinées à renforcer la participation civique.

45 () Marc Sageman, Understanging Terror Networks, University of Pennsylvania Press, 2004.

46 () Réponse de M. Dominique de Villepin à la question de M. Alain Merly, le 19 mai 2004, à l'Assemblée nationale.

47 () V. le rapport du service de recherche du Congrès américain : Kristin Archick, « U.S.-EU Cooperation against Terrorism », 19 janvier 2005.

48 () V. rapport annuel d'Europol 2003, p.34. Après le 11 septembre 2001, un officier de liaison américain a également été détaché auprès de la Task Force de lutte anti-terroriste d'Europol, mais a été rappelé. Un nouvel officier de liaison du FBI devrait être nommé prochainement.

49 () V. rapport d'information n° 716 de M. Didier Quentin, au nom de la Délégation pour l'Union européenne, déposé le 19 mars 2003, ainsi que la résolution de l'Assemblée nationale du 10 avril 2003 sur la coopération judiciaire entre les Etats-Unis et l'Union européenne.

50 () Décision 2004/496/CE du Conseil du 17 mai 2004 concernant la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne et les Etats-Unis d'Amérique sur le traitement et le transfert des données PNR [Passenger Name Record] par des transporteurs aériens au bureau des douanes et de la protection des frontières du ministère américain de la sécurité intérieure.

51 () V. l'ordonnance du Président de la Cour du 21 septembre 2004 (Parlement européen c. Conseil, aff. C-317/04) rejetant l'application d'une procédure accélérée à cette affaire.

52 () Décision 2004/634/CE du Conseil 30 mars 2004 relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et les Etats-Unis d'Amérique intensifiant et élargissant le champ d'application de l'accord de coopération douanière et d'assistance mutuelle en matière douanière afin d'y inclure la coopération relative à la sécurité des conteneurs et aux questions connexes.

53 () Le précédent commissaire européen à la justice et aux affaires intérieures, M. Antonio Vitorino, et le coordinateur européen de la lutte anti-terroriste, M. Gijs de Vries, se sont également rendus aux Etats-Unis pour s'entretenir notamment avec le secrétaire d'Etat à la sécurité intérieure, M. Tom Ridge, ainsi qu'avec le ministre de la justice, M. John Ashcroft, et le en mai 2004.

54 () L'Union a convenu d'œuvrer à la création de quatre « espaces communs » avec la Russie à l'occasion du sommet de Saint-Pétersbourg du 31 mai 2003 : un espace économique commun, un espace commun de liberté, de sécurité et de justice, un espace commun de sécurité extérieure et un espace commun de recherche et d'éducation, incluant des aspects culturels.

55 () Lignes directrices sur les droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme adoptées par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe le 11 juillet 2002.

56 () Ce comité est chargé de la coordination et du suivi des activités du Conseil de l'Europe contre le terrorisme dans le domaine juridique.

57 () 7177/04, 8 mars 2004.

58 () Rapport du groupe de travail VIII « Défense », CONV 461/02, 16 décembre 2002.

59 () Doc. 14797/04, 18 novembre 2004.

60 () Communications de la Commission au Conseil et au Parlement européen, « Lutte contre le terrorisme : préparation et gestion des conséquences », COM (2004) 701 final, et « Protection des infrastructures critiques dans le cadre de la lutte contre le terrorisme », COM (2004) 702 final, 20 octobre 2004.

61 () Communication de la Commission du 2 juin 2003 au Conseil et au Parlement européen relative à la coopération dans l'Union européenne concernant la préparation et la réaction aux attaques par des agents biologiques et chimiques, COM (2003) 320 final.

62 () Ce règlement a été modifié par le règlement (CE) n° 849/2004 du Parlement européen et du Conseil européen du 29 avril 2004, qui a assoupli certaines de ses dispositions pour les petits aéroports.

63 () Règlements n° 622/2003, 1217/2003, 1486/2003, 68/2004 et 1138/2004.

64 () M. Thierry Mariani présentera à la Délégation un rapport sur la sûreté du transport aérien en Europe le 12 avril 2005.

65 () Communiqué de presse du ministère de l'intérieur du 18 février 2004.

66 () Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'amélioration de la sûreté des ports du 10 février 2004 (COM (2004) 76 final) ; proposition modifiée de directive relative à l'amélioration de la sûreté des ports du 28 mai 2004 (COM (2004) 393 final).

67 () Décision 2004/634/CE du Conseil 30 mars 2004 relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et les Etats-Unis d'Amérique intensifiant et élargissant le champ d'application de l'accord de coopération douanière et d'assistance mutuelle en matière douanière afin d'y inclure la coopération relative à la sécurité des conteneurs et aux questions connexes.

68 () Sous réserve de l'appréciation de la validité ou de la proportionnalité d'opérations menées par la police ou d'autres services répressifs dans un Etat membre, ou en matière de maintien de l'ordre public ou de sauvegarde de la sécurité intérieure (art. III-377).

69 () Rosa Diez Gonzalez, document de travail sur la stratégie européenne de lutte contre le terrorisme, 18 novembre 2004.

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