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N° 438
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 novembre 2002.
PROPOSITION DE LOI
visant à alourdir les peines encourues par les revendeurs
à la sauvette de tabac provenant de contrebande.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Bruno GILLES, Jean-Claude ABRIOUX, Manuel AESCHLIMANN, René ANDRE, François D'AUBERT, Jean AUCLAIR, Patrick BEAUDOIN, Jean-Claude BEAULIEU, Jacques-Alain BENISTI, Marc BERGNIER, Jean-Michel BERTRAND, Jean BESSON, Jérôme BIGNON, Etienne BLANC, Roland BLUM, Gilles BOURDOULEIX, Ghislain BRAY, Philippe BRIAND, Maryvonne BRIOT, Yves BUR, François CALVET, Richard CAZENAVE, Roland CHASSAIN, Jean-François CHOSSY, Dino CINIERI, Georges COLOMBIER, Louis COSYNS, Edouard COURTIAL, Jean-Michel COUVE, Bernard DEFLESSELLES, Lucien DEGAUCHY, Eric DIARD, Jean-Pierre DOOR, Jean-Michel DUBERNARD, Philippe DUBOURG, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Jean-Michel FERRAND, Alain FERRY, Daniel FIDELIN, Daniel GARD, Franck GILARD, Jean-Pierre GIRAN, Maurice GIRO, Jean-Claude GUIBAL, Gérard HAMEL, Emmanuel HAMELIN, Pierre HELLIER, Michel HEINRICH, Michel HERBILLON, Pierre HERIAUD, Francis HILLMEYER, Jean-Yves HUGON, Edouard JACQUE, Christian JEANJEAN, Patrick LABAUNE, Yvan LACHAUD, Jean-Christophe LAGARDE, Edouard LANDRAIN, Jacques LE GUEN, Marc LE FUR, Lionnel LUCA, Michel LEJEUNE, Gérard LEONARD, Arnaud LEPERCQ, Daniel MACH, Richard MALLIE, Thierry MARIANI, Mme Muriel MARLAND-MILITELLO, Philippe-Armand MARTIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Alain MARTY, Damien MESLOT, Gilbert MEYER, Pierre MORANGE, Etienne MOURRUT, Jean-Marc NUDANT, Jacques PELISSARD, Bernard PERRUT, Daniel PREVOST, Didier QUENTIN, Michel RAISON, Eric RAOULT, Jacques REMILLER, Jean ROATTA, Serge ROQUES, Francis SAINT-LEGER, André SAMITIER, André SANTINI, François SCELLIER, Daniel SPAGNOU, Guy TEISSIER, Michel TERROT, Rodolphe THOMAS, Dominique TIAN, Alfred TRASSY-PAILLOGUES, Léon VACHET, Christian VANNESTE, François VANNSON, Philippe VITEL, Michel VOISIN, Gérard WEBER.
 

Additions de signatures :
M. Jean-François Mancel
M. Jean Tiberi
 

Députés.

Impôts et taxes.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs
La revente à la sauvette de tabacs manufacturés au détail connaît actuellement une forte progression. La hausse des taxes sur le tabac prévue dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 menace d'alourdir cette tendance.Les différences de prix entre la France et le reste de l'Europe continentale vont faire exploser la contrebande.Le marché noir risque de se mettre durablement en place, prioritairement dans les zones frontalières, mais aussi sur l'ensemble du territoire.Le paradoxe étant que les jeunes vont constituer la première cible de ces phénomènes.
Cette forme de délinquance n'est pas seulement préjudiciable au Trésor public - il s'agit du débouché en terme de distribution d'une partie de la contrebande de cigarettes - mais atteint aussi le réseau des buralistes officiels qui sont victimes de cette concurrence sauvage et déloyale, parfois jusque devant leur pas-de-porte.
La répression de ce trafic, communément appelé « fourmi », relève des services de la direction générale des douanes et droits indirects.Cette répression est prévue par une double série d'incriminations, inscrites à la fois au code des douanes et au code général des impôts.En terme de procédure, tant le code des douanes que le livre des procédures fiscales, chacun dans son domaine est applicable.
Il est néanmoins possible d'améliorer cette répression, ce qui passe par un renforcement des sanctions pénales, au-delà des sanctions fiscales, et par un renforcement des capacités d'investigations des agents des douanes chargés de la répression de ces trafics.
1. Le trafic « fourmi » de tabacs manufacturés : une double incrimination
Le commerce à la sauvette de tabacs manufacturés peut constituer à la fois une infraction douanière de contrebande et une infraction à la législation des contributions indirectes.
1.1. Une infraction douanière
L'article 215 du code des douanes prévoit que ceux qui détiennent ou transportent des tabacs manufacturés doivent, à première réquisition des agents des douanes, produire soit des quittances attestant que ces marchandises ont été régulièrement importées dans le territoire douanier de l'UE, soit des factures d'achat, bordereaux de fabrication ou toutes autres justifications d'origine émanant de personnes ou sociétés régulièrement établies à l'intérieur du territoire douanier de l'UE.
Par application des dispositions de l'article 419 du code des douanes, la non-justification régulière de l'origine de tabacs manufacturés est assimilée à un fait de contrebande et entraîne l'application des sanctions prévues à l'article 414 du code des douanes.
Le texte de sanction de cet article prévoit un emprisonnement maximum de trois ans, la confiscation des marchandises et une amende comprise entre 1 et 2 fois la valeur de l'objet de fraude.
Mais dans le cas de la revente à la sauvette, il convient de tenir compte du second alinéa de l'article 414 du code des douanes. Ainsi, les infractions portant sur des marchandises non prohibées, ce qui est le cas des tabacs manufacturés, dont la valeur n'excède pas 770 ¤ ne sont passibles que d'une amende égale au plus à la valeur des marchandises en infraction.
La répression douanière de la revente à la sauvette de cigarettes se limite donc dans les faits, en l'état actuel des textes, à une amende maximale égale à la valeur de revente des cigarettes qu'il est possible de saisir en flagrance sur le revendeur.
Il existe néanmoins une autre incrimination qui permet de requérir pour ces mêmes faits une peine d'emprisonnement.
1.2. Une infraction à la législation des contributions indirectes
Conformément aux dispositions de l'article 568 du code général des impôts, le monopole de la vente au détail de tabacs est confié à l'administration des douanes et droits indirects qui l'exerce par l'intermédiaire des débitants spécialement désignés. La pratique de la revente clandestine de tabacs est donc une infraction caractérisée à ces dispositions.
En l'état actuel des textes de répression, les sanctions encourues sont prévues par les articles 1791 et 1793 A du code générai des impôts :
- une amende comprise entre 15 et 750 ¤ par infraction ;
- une pénalité comprise entre 1 et 3 fois le montant des droits sur les tabacs fraudés ;
- la confiscation des marchandises de fraude.
Une somme comprise entre 1 et 3 fois l'amende fixée remplace la pénalité proportionnelle aux droits si celle-ci ne peut pas être appliquée.
Par ailleurs, l'article 1810 (10°) du code général des impôts prévoit que, indépendamment des sanctions fiscales des articles 1791 et 1793 A, une peine d'emprisonnement de six mois, obligatoirement prononcée en cas de récidive, est encourue pour la détention frauduleuse en vue de la vente et la vente frauduleuse de tabacs manufacturés, quelle que soit la provenance de ces tabacs.
Le commerce à la sauvette de tabacs est donc passible de six mois d'emprisonnement au titre de l'article 1810 du code général des impôts. La capture de l'infracteur en flagrant délit est prévue par l'article L. 239 du livre des procédures fiscales.
2. Une répression possible à affermir dans le domaine des contributions indirectes
Il convient de renforcer les dispositions législatives de sanction et d'améliorer les capacités d'investigation.
2.1. Renforcer les sanctions
En supprimant le second alinéa de l'article 414 du code des douanes, le commerce frauduleux de cigarettes d'origine douteuse devient passible mecaniquement de trois ans d'emprisonnement. Cela a l'avantage, en cas d'ouverture d'information judiciaire après flagrant délit ou informations, de permettre la détention provisoire et une réelle efficacité dans le démantèlement des réseaux d'approvisionnement des revendeurs à la sauvette.
Cette simple abrogation, combinée avec les dispositions du code de procédure pénale, donnerait aux magistrats instructeurs, aux agents des douanes et aux officiers de douane judiciaire une clé d'entrée par le bas et un véritable levier pour mettre hors d'état les revendeurs et remonter les filières.
Au titre de la législation des contributions indirectes, il convient d'augmenter en parallèle la sanction pénale encourue à trois ans d'emprisonnement en matière de tabacs.
Cela signifie l'abrogation du 10° de l'article 1810 du code général des impôts et l'insertion concomitante d'un article 1810 A du code général des impôts qui prévoirait, pour les infractions en matière de tabacs, trois ans d'emprisonnement.
Ce renforcement des sanctions doit aller de pair avec celui des pouvoirs d'investigations du livre des procédures fiscales, qui sont trop limités aujourd'hui.
2.2. Améliorer les capacités d'investigation des services
Il est nécessaire de fournir aux agents des douanes les moyens matériels et juridiques pour accomplir de manière efficace leur mission.
Cela passe nécessairement par l'octroi des mêmes capacités que les OPJ en matière d'accès aux banques de données, qui sont prévues par la loi d'orientation sur la sécurité intérieure et qui devraient être soumises au Parlement lors de la discussion de la loi sur la criminalité organisée.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Le dernier alinéa de l'article 414 du code des douanes est abrogé.
Article 2
Le 10° de l'article 1810 du code général des impôts est abrogé.
Article 3
Après l'article 1810 du code général des impôts, il est inséré un article 1810 A ainsi rédigé :
« Art. 1910 A. - Indépendamment des pénalités prévues aux articles 1791 à 1794, les infractions visées ci-après sont punies d'une peine de trois ans d'emprisonnement, qui est obligatoirement prononcée en cas de récidive, et les moyens de transport sont saisis et confisqués, ainsi que les récipients, emballages, ustensiles, mécaniques, machines ou appareil : fabrication de tabacs, détention frauduleuse en vue de la vente, vente ou transport en fraude de tabacs fabriqués, quelles que soient l'espèce et la provenance de ces tabacs.
« Sont considérés et punis comme fabricants frauduleux :
« a) Les particuliers chez lesquels il est trouvé des ustensiles, machines ou mécaniques propres à la fabrication ou à la pulvérisation et, en même temps, des tabacs en feuilles ou en préparation, quelle qu'en soit la quantité, ou plus de 10 kilogrammes de tabacs fabriqués non revêtus des marques de l'administration ;
« b) Ceux qui font profession de fabriquer pour autrui ou fabriquent accidentellement, en vue d'un profit, des cigarettes avec du tabac à fumer ;
« c) Les préposés aux entrepôts et à la vente des tabacs qui falsifient des tabacs manufacturés ; »

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N° 0438 - Proposition de loi  sur l'alourdissement des peines encourues par les revendeurs à la sauvette de tabac de contrebande (M. Bruno Gilles)


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