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N° 439

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 novembre 2002.

PROPOSITION DE LOI

portant pénalisation des propos à caractère discriminatoire.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Patrick BLOCHE, Jean-Marc AYRAULT
et les membres du groupe socialiste (1) et apparentés (2),

Députés.

(1) Ce groupe est composé de : Mme Patricia Adam, M. Damien Alary, Mme Sylvie Andrieux-Bacquet, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Éric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Marcel Cabiddu, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, MM. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Élisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin (Gers), Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Michel Pajon, Christian Paul, Christophe Payet, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque.

(2) MM. Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Joël Giraud, Guy Lengagne, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, Mme Christiane Taubira.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Si la discrimination existe dans notre code pénal (art. 225), la tenue de propos discriminatoires n'est pas sanctionnée de la même façon selon les types de discriminations. Cette différence de traitement introduit de facto une discrimination là où l'on souhaite la combattre. Pourtant, l'expression d'une diffamation, d'une injure, ou plus gravement d'une provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence ne saurait être traitée de manière ordinaire.

Une pénalisation plus forte existe déjà lorsque de tels propos sont proférés à raison de l'origine ou de l'appartenance ou de la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. L'objet de cette proposition est de placer sur le même plan pénal l'ensemble des propos à caractère discriminatoire. De la sorte, un propos diffamatoire à raison du sexe, de l'état de santé, du handicap, des mœurs sera de même gravité qu'un propos diffamatoire à raison de la religion par exemple.

La discrimination fondée sur les mœurs, le sexe, ou sur tout autre trait particulier relève d'une vision réductrice de la personne. Les poncifs et les amalgames les plus odieux servent alors de prétexte au rejet social.

Réduire de la sorte l'individu à un trait particulier, c'est nier, par l'exclusion, sa citoyenneté. Cette proposition vise alors à restaurer le principe d'égalité ainsi mis à mal. Car inscrire dans la loi le refus de toute mécanique discriminatoire, c'est se placer à l'antipode d'une optique communautaire : c'est rendre aux personnes concernées la pleine jouissance de leur citoyenneté.

Rappelons par ailleurs que de nombreux pays, dont la France, ont reconnu la nécessité de protéger la société contre les attaques spécifiques dont peuvent être victimes les personnes. A l'issue de la Seconde Guerre mondiale, l'émotion soulevée par la découverte de plans de persécutions systématiques contre différents groupes sociaux a poussé la communauté internationale à adopter la convention de Genève.

Au niveau européen, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales fut adoptée en 1950. La formulation actuelle de l'article 14, qui interdit les discriminations, mentionne des motifs couvrant la plupart des groupes sociaux persécutés par le régime nazi en Allemagne entre 1933 et 1945.

C'est en se fondant notamment sur ces éléments que le dispositif antidiscriminatoire a été introduit dans notre droit. Il s'agit maintenant de le compléter en interdisant tous les propos discriminatoires sur un principe commun.

Cette proposition de loi propose donc un «toilettage» des textes. En reprenant dans la loi sur la presse des éléments constitutifs de discrimination au sens pénal, on atteint une plus grande cohérence de nos textes. Cette cohérence est nécessaire car il s'agit d'éléments de même nature : les motifs de discrimination correspondent à une réalité sociale variée mais qui appelle la même protection.

En luttant ainsi contre la discrimination, on inscrit encore plus lisiblement l'exigence de fraternité qui doit prévaloir dans notre société. Cette loi inscrira dans l'ordre juridique la détermination de notre pays à ne pas tolérer les propos de haine et de rejet.

La France a enrichi son code pénal en 1985 en élargissant la notion de discrimination à d'autres motifs que la race ou la religion tels que le sexe, la situation de famille, l'état de santé, le handicap, les mœurs. Quinze ans plus tard, elle pourra à nouveau donner une lecture généreuse des droits de l'homme en harmonisant sur cette base élargie la pénalisation des propos à caractère discriminatoire.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

I.- Le premier alinéa de l'article 13-1 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 est ainsi rédigé : «Le droit de réponse prévu par l'article 13 pourra être exercé par les associations remplissant les conditions prévues par l'article 48-1, lorsqu'une personne ou un groupe de personnes auront, dans un journal ou écrit périodique, fait l'objet d'imputations susceptibles de porter atteinte à leur honneur ou à leur réputation à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs mœurs, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.»

II.- Le sixième alinéa de l'article 24 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 est ainsi rédigé : «Ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs mœurs, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 45 734,71 F ou de l'une de ces deux peines seulement.»

III.- Le deuxième alinéa de l'article 32 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 est ainsi rédigé : «La diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs mœurs, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, sera punie d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 45 734,71 F ou de l'une de ces deux peines seulement.»

IV.- Le troisième alinéa de l'article 33 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 est ainsi rédigé : «Le maximum de la peine d'emprisonnement sera de six mois et celui de l'amende de 22 867,35 F si l'injure a été commise, dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs mœurs, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.»

V.- Le premier alinéa du 6° de l'article 48 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 est ainsi rédigé : «Dans le cas de diffamation envers les particuliers prévu par l'article 32, et dans le cas d'injure prévu par l'article 33, paragraphe 2, la poursuite n'aura lieu que sur la plainte de la personne diffamée ou injuriée. Toutefois, la poursuite pourra être exécutée d'office par le ministère public lorsque la diffamation ou l'injure aura été commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs mœurs, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.»

VI.- Le premier alinéa de l'article 48-1 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 est ainsi rédigé : «Toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre la discrimination fondée sur l'origine, le sexe, la situation de famille, l'état de santé, le handicap, les mœurs, l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ou d'assister les victimes de ces discriminations peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues par les articles 24 (dernier alinéa), 32 (alinéa 2) et 33 (alinéa 3) de la présente loi.»

Article 2

Le premier alinéa de l'article 2-6 du code de procédure pénale est ainsi rédigé : «Toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre les discriminations fondées sur le sexe ou sur les mœurs, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne, d'une part, les discriminations réprimées par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal, d'autre part, les atteintes volontaires à la vie et à l'intégrité de la personne et les destructions et dégradations réprimées par les articles 221-1 à 221-5, 222-1 à 222-18, 222-22 à 222-33, 224-1 à 224-5, 225-17, 226-4 et 322-1 à 322-13 du code pénal lorsqu'elles ont été commises en raison du sexe, de la situation de famille ou des mœurs de la victime, et par l'article L. 123-1 du code du travail.»

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N° 0439 - Proposition de loi de M Patrick BLOCHE portant pénalisation des propos à caractère discriminatoire


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