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N° 502
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 décembre 2002.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête sur la gestion des entreprises publiques afin d'améliorer le système de prise de décision.
(Renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du plan, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE
par MM. Jacques BARROT, Patrick OLLIER
et Pierre MÉHAIGNERIE,
Députés.

Secteur public.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Le secteur public est aujourd'hui en difficulté. Regroupant à la fois les établissements publics des grands services publics de l'énergie (EDF, GDF), du transport (SNCF, RATP) et de grandes entreprises comme France Telecom, pilotant un ensemble de 1 551 entreprises et filiales, les entreprises publiques sont en effet confrontées globalement, depuis deux ans, à une très nette dégradation de leur situation financière.
L'ensemble du secteur public affiche pour 2002 un bilan financier très dégradé, qui se concrétise par 10 milliards d'euros de pertes, une baisse de capitaux propres de 22 milliards d'euros et un endettement record de 151 milliards d'euros, dû en particulier au doublement de la dette de France Telecom. L'évaluation des engagements hors bilan de France Telecom et d'EDF ternit également le bilan financier du secteur public.
Cette situation traduit une dérive généralisée des coûts, et particulièrement des charges de personnel, mais apparaît aussi étroitement liée à l'échec de nombre d'opérations industrielles menées dans le cadre de stratégies d'expansion internationale, qui obligent à posteriori à de lourdes provisions pour dépréciations d'actifs. Il semble que ces stratégies d'expansion aient été motivées par la recherche de l'effet de taille sans prise en compte réaliste et sérieuse des coûts, ce qui a pu conduire certaines entreprises publiques à d'incontestables erreurs stratégiques.
La dégradation financière de France Telecom est à elle seule considérable. L'opérateur public des télécommunications affiche un endettement net de 63,4 milliards d'euros - qui devrait monter à 70 milliards d'euros fin 2002 - et a enregistré une perte nette de 8,3 milliards d'euros à son compte de résultat lié à des provisions exceptionnelles pour dépréciations d'actifs.
EDF est également dans une situation délicate. De 1998 à 2002, les résultats se sont continuellement dégradés. EDF n'a pas respecté ses engagements tels qu'ils figurent dans le contrat de plan signé avec l'Etat. La dérive des coûts, liée aux charges de personnel et aux consommations en provenance de tiers, n'a pu être enrayée. La politique d'acquisitions trop rapide (l'aventure sud-américaine et l'échec italien sur Montedison) payée au prix fort, sans pouvoir s'aider de techniques de marché comme les échanges d'actions, alimente le passif de l'électricien public. La faible rentabilité des filiales, qui affichent au Brésil et en Argentine des pertes de l'ordre d'1,4 milliard d'euros, achève de ternir le bilan d'EDF et grève l'amélioration des résultats prévus en 2002.
A ces contre-performances du secteur public, il convient d'ajouter les pertes structurelles des entreprises publiques continuellement déficitaires comme Réseau Ferré de France (RFF), le GIAT ou encore Charbonnages de France.
La recapitalisation des entreprises publiques en difficulté ne doit pas pour autant évacuer la question des responsabilités dans ces manquements répétés de l'Etat actionnaire. Nous le devons aux contribuables, aux petits actionnaires, à l'ensemble des citoyens.
Cette crise profonde des systèmes de prises de décision et des mécanismes de contrôle de l'Etat actionnaire n'est pas nouvelle. L'affaire du Crédit Lyonnais avait déjà révélé, par son ampleur - 18,3 milliards d'euros de dettes - les graves déficiences de l'Etat actionnaire en 1993. Nous avons cru les incuries de l'Etat actionnaire ne jamais devoir se reproduire.
A qui attribuer la paternité de ces défaillances?
Les directions des entreprises publiques ont été défaillantes. France Telecom, avec les participations prises dans la société britannique NTL, et la société allemande MobilCom; EDF, avec des investissements en Argentine et au Brésil quelques mois avant l'effondrement économique de ces pays, fournissent des exemples flagrants de ces défaillances du système décisionnel au niveau du conseil d'administration.
L'Etat actionnaire, en charge de la tutelle, a également été défaillant. Les directions générales des entreprises publiques se sont lancées dans des opérations de croissance externe sans précédent avec la bienveillance malheureuse d'une tutelle publique devenue curieusement myope.
Responsabilité des dirigeants, inconsistance du contrôle, passivité de l'Etat actionnaire : la dégradation inquiétante des comptes des entreprises publiques révèle des défaillances inadmissibles dans les systèmes de prise de décision au sein du secteur public.
Quand les dirigeants doivent s'accommoder d'un pouvoir de tutelle absent, la gouvernance publique aboutit à un pouvoir démesuré de la direction générale, pouvoir en principe inconnu dans les sociétés privées, où les actionnaires et le conseil d'administration jouent un véritable pouvoir de contrôle et de sanction des dirigeants.
Au moment où sont envisagées de nouvelles ouvertures partielles du capital d'entreprises publiques, dont la gestion devra de plus en plus concilier la double contrainte d'une exposition à la concurrence et d'une mission nationale de service public, il paraît indispensable d'analyser les mécanismes qui ont conduit à ces situations, afin d'empêcher que de tels dysfonctionnements ne se reproduisent. En particulier, les informations recueillies devraient permettre de concevoir des structures de gouvernance qui garantissent une plus grande rigueur dans la gestion courante des entreprises nationales ainsi qu'une plus grande sécurité des décisions stratégiques et opérationnelles.
Telles sont les raisons pour lesquelles, Mesdames, Messieurs, il vous est demandé de bien vouloir adopter la proposition de résolution suivante.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique

Il est créé, en application des articles 140 et suivants du règlement de l'Assemblée nationale, une commission d'enquête de trente membres relative à la situation financière des entreprises publiques.

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N° 0502 - Proposition de résolution  tendant à la création d'une commission d'enquête sur la gestion des entreprises publiques afin d'améliorer le système de prise de décision (M. Jacques Barrot)


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