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No 622

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 février 2003.

PROPOSITION DE LOI

visant à réglementer l'entretien des systèmes
de climatisation
afin de réduire les risques sanitaires.

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Lionnel LUCA,

Député.

Santé.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La climatisation est un fait récent de société dans notre pays, les appareils de ventilation et de climatisation sont généralisés partout dans notre environnement, que ce soit à usage professionnel, dans l'habitat, les lieux publics, les transports en commun et les véhicules privés.

La climatisation n'est pas responsable en elle-même des pathologies qui peuvent en découler; en revanche, le mauvais entretien des installations est à l'origine de quatre grandes pathologies : légionnellose, champignons, allergies, syndrome des bâtiments malsains.

La légionnellose est la maladie la plus connue. L'aspergillose, le syndrome des bâtiments malsains, les allergies sont d'autres affections qui peuvent être la conséquence d'un mauvais entretien des gaines permettant le passage de l'air froid.

Lorsque ces pathologies surviennent dans des locaux recevant des malades, on parle de maladies nosocomiales.

Cet état de fait rappelle celui de la prise de conscience relativement tardive du rôle de l'amiante dans l'asbestose (cancer de la plèvre) en 1960. Il aura fallu de nombreuses années avant que les pouvoirs publics s'émeuvent des risques sanitaires et promulguent les lois de 1978.

On peut également faire le parallèle avec l'obligation du contrôle technique des automobiles ou l'obligation d'entretien des ascenseurs.

A ce jour, en France, rien n'oblige les propriétaires de systèmes de climatisation à entretenir leur installation.

Seules des recommandations existent, notamment dans les établissements de santé.

En France, 20 % des cas déclarés de légionnellose sont liés à un séjour en hôpital ou en clinique et 10 % font suite à un voyage à l'étranger. L'utilisation d'eau chaude et les tours aéroréfrigérantes des climatiseurs sont les causes les plus souvent retrouvées dans les épidémies. Les Legionella prolifèrent dans les circuits d'eau (dans les ballons de stockage d'eau chaude, les bras morts de tuyauteries de climatiseurs) lorsque celle-ci stagne et que la température s'élève au-dessus de 25°C et jusqu'à 42°C.

En région parisienne, les enquêtes ont montré que près de 70 % des équipements collectifs de distribution d'eau chaude contenaient des Legionella. D'autres dispositifs peuvent aussi être colonisés : les appareils individuels d'humidification de l'air, les bains bouillonnants ou à jets utilisés pour la détente, la balnéothérapie ou le thermalisme, les douches, les équipements de thérapies respiratoires par aérosols, les fontaines décoratives...

Ces germes sont très fréquents et se trouvent dans beaucoup d'endroits aquatiques. Le danger de contamination est fonction du nombre de légionelles qui se trouvent dans les circuits et les gaines. On estime qu'en dessous de 1 000 colonies par litre d'eau, le risque d'apparition de légionnellose est négligeable. Pour apprécier ce risque, il faut faire appel à un laboratoire d'analyses spécialisé et habilité par les pouvoirs publics.

Les circuits chauds industriels ou les groupes frigorifiques, utilisés en climatisation, en froid industriel ou commercial, sont des milieux favorables au développement des Legionella compte tenu de la température de l'eau et du contact air/eau dans ces installations.

Les Legionella peuvent coloniser l'eau des tours puis être véhiculées dans l'air extérieur par le panache qui s'en échappe.

Les premières études ayant mis en évidence la relation entre des cas de maladie des légionnaires et la contamination de tours de refroidissement ou d'aérocondenseurs sont pour la plupart des investigations d'épidémies nosocomiales où la prise d'air neuf d'un des bâtiments de l'hôpital se trouvait placée sous le vent d'une tour aérofrigérante du système de climatisation d'un autre bâtiment.

Les actions des pouvoirs publics vis-à-vis du risque lié aux légionelles se basent, d'une part, sur la surveillance épidémiologique, d'autre part, sur des actions de contrôle et de prévention.

Des recommandations nationales ont été adressées aux services déconcentrés du ministère chargé de la Santé pour limiter le risque de légionelloses dans les établissements thermaux, de soins et recevant du public. Les actions préventives diffusées d'abord sous forme de recommandations puis par voie réglementaire dans quelques domaines consistent essentiellement à limiter les expositions.

Il est nécessaire d'abord d'éliminer les conditions favorables à la survie et au développement des légionelles dans les installations à risque et ensuite de limiter leur diffusion sous forme d'aérosols. Ces recommandations visent à instaurer la mise en place de bonnes pratiques d'entretien des installations à risque, en particulier des réseaux d'eaux chaudes sanitaires et des tours aéroréfrigérantes ainsi que le respect de règles de bon usage de l'eau dans ses différentes utilisations.

Les autorités sanitaires ne restent pas insouciantes face au risque des systèmes de climatisation mal entretenus et elles se préoccupent depuis quelques années de ce problème.

La surveillance des filtres à air, des humidificateurs et des ventilateurs ne pose pas de difficultés. Par contre, en complément, les experts en climatisation recommandent d'effectuer périodiquement un nettoyage et une désinfection des conduits de distribution de l'air, ce qui implique que des trappes d'accès aient été prévues à cette fin.

La circulaire DGS n° 97/311 du 24 avril 1997 relative à la surveillance et à la prévention de la légionnellose incite les professionnels de santé à mieux diagnostiquer les cas, puis à les déclarer, et favorise la mise en œuvre de bonnes pratiques sanitaires.

A la suite de l'épidémie de l'été 1998, le préfet de Paris a édicté le 26 avril 1999 un arrêté préfectoral fixant des prescriptions aux tours de refroidissement dépendant de la rubrique 2920 de la nomenclature des installations classées. Cet arrêté impose notamment des règles d'entretien, de maintenance et de suivi des tours.

Au Japon, les pouvoirs publics ont pris conscience de ce problème mais il n'existe pas de cadre législatif précis concernant l'inspection et la maintenance des installations, à l'exception du cas de la prévention de la légionellose, une directive édicte que le nettoyage des installations de ventilation et climatisation doit être réalisée «le plus souvent possible».

Il y a quelques années, on diffusait à l'intérieur des gaines des produits désinfectants. Cette technique est aujourd'hui abandonnée car les produits étaient trop gras et entraînaient des dépôts favorisant la colonisation des gaines. Une autre technique utilise la fumigation d'un aérosol sec de parahydroxy-salicymide dans les gaines, mais en l'absence de nettoyage préalable, le résultat microbiologique ne peut être garanti.

La plupart des micro-organismes s'agglomèrent sur les parois des gaines. Ces gaines ne font pas l'objet d'un nettoyage spécifique. L'entretien actuellement pratiqué s'arrête aux tours, la machinerie, les filtres et l'eau. Or, les conduits sont entartrés et il est nécessaire de les nettoyer, l'utilisation de robots capables de nettoyer l'intérieur des conduits. L'utilisation des rayons ultraviolets est une méthode moderne de désinfection qui donne d'excellents résultats.

Le simple entretien des filtres et de la machinerie est largement insuffisant pour détruire les micro-organismes qui s'agglomèrent sur les parois des conduits.

De nombreux documents de recommandations relatives à la prévention de la légionellose ont déjà été diffusés; cependant, de nombreuses installations restent mal ou non entretenues, c'est pourquoi il devient urgent de légiférer pour imposer des prescriptions génériques à l'ensemble des installations diffusant des aérosols inférieurs à 5 µm, dans des établissement publics ou en rapport avec la santé.

Telle est l'objet de cette proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Une installation doit être considérée comme à risque si elle est susceptible d'exposer des personnes à des aérosols d'eau contaminée (inférieurs à 5 µm).

Article 2

Tout propriétaire d'une installation de climatisation (y compris les gaines de ventilation) doit obligatoirement l'entretenir et contrôler son bon fonctionnement par tous moyens tous les deux ans. La preuve de cet entretien doit être maintenue à disposition de toute personne susceptible de fréquenter les lieux.

L'entretien des installations de climatisation et d'extraction de l'air intérieur doit être réalisé par un spécialiste agréé assurant le donneur d'ordre des garanties de bon résultat.

Article 3

Un décret sera pris relatif à la prévention du risque de légionellose lié aux installations à risque au titre de l'article 11 du code de la santé publique. Ce texte comportera : la définition d'une installation à risque, la liste des installations à risque, des prescriptions générales d'entretien et de surveillance des renvois à des arrêtés thématiques, des moyens de contrôle, des sanctions en cas de non-respect de la réglementation...

Article 4

Les pertes de recettes et charges éventuelles qui résulteraient pour l'Etat de l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Les pertes de recettes et charges éventuelles qui résulteraient pour les collectivités locales de l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation générale de décentralisation.

N° 0622 - Proposition de loi  sur la réglementation de l'entretien des systèmes de climatisation afin de réduire les risques sanitaires (M. Lionnel Luca)


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