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No 661

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 mars 2003.

PROPOSITION DE LOI

portant intégration dans la fonction publique hospitalière des agents de la collectivité départementale de Mayotte exerçant au centre hospitalier de Mayotte.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Mansour KAMARDINE, Manuel AESCHLIMANN, René ANDRÉ, JoËl BEAUGENDRE, Jean-Claude BEAULIEU, Jacques-Alain BÉNISTI, Jean-Louis BERNARD, Marc BERNIER, Jean BESSON, Marcel BONNOT, Michel BOUVARD, Dino CINIERI, Mme GeneviÈve COLOT, MM. Jean-Michel COUVE, Olivier DASSAULT, Jean-Pierre DOOR, Philippe DOUSTE-BLAZY, Philippe DUBOURG, Mme Cécile GALLEZ, MM. Jean-Pierre GRAND, Gérard GRIGNON, Michel HUNAULT, Patrick LABAUNE, Marc LE FUR, Gérard LÉONARD, Lionnel LUCA, Christian MÉNARD, Dominique PAILLÉ, Mme Josette PONS, MM. Jean ROATTA, Serge ROQUES, Frédéric REISS, Jean-Luc REITZER, Jacques REMILLER, Mme Juliana RIMANE, MM. Frédéric de SAINT-SERNIN, Daniel SPAGNOU, Guy TEISSIER, André THIEN AH KOON, Léon VACHET, Christian VANNESTE et Michel VOISIN,

Députés.

Fonction publique hospitalière.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La population de Mayotte est soignée au centre hospitalier de Mamoudzou, comprenant le centre proprement dit, son annexe de Dzaoudzi ainsi que les maternités de brousse qui lui sont rattachées.

Exercent dans ces établissements aux côtés d'un personnel relevant de la fonction publique hospitalière des agents que la collectivité départementale a mis à la disposition du centre et, pour un nombre important, titulaires d'un diplôme d'Etat.

Il s'opère donc de facto une discrimination dans la gestion sociale de ces services que rien ne justifie. Les agents mahorais supportent cela de moins en moins, d'où des tensions permanentes dans les services dans la mesure où à diplôme égal et travail égal le traitement est inégal.

Par l'application de la loi statutaire du 11 juillet 2001, la collectivité départementale de Mayotte est engagée sur la voie de réformes en profondeur qui devraient avoir pour conséquence de normaliser la situation des agents mahorais.

Progressivement, la collectivité départementale de Mayotte va bénéficier de l'application du droit commun dans de nombreux domaines : (soumission de la collectivité départementale de Mayotte à la plus grande partie des dispositions du code général des collectivités territoriales applicables aux départements, modernisation du régime communal, nationalité, état et capacité des personnes, droit patrimonial de la famille, droit de la procédure pénale, droit de la procédure administrative contentieuse et non contentieuse, droit applicable aux juridictions financières, postes et télécommunications...).

L'intégration dans la fonction publique hospitalière des agents de la collectivité départementale de Mayotte exerçant des emplois relevant des missions régaliennes de l'Etat doit s'inscrire dans ce vaste mouvement.

Dans cette perspective, l'honorable parlementaire est intervenu auprès du ministre de la Fonction publique le 7 novembre 2002 dans le cadre des discussions relatives au budget de ce ministère.

En réponse aux interrogations du parlementaire relatives à l'intégration des agents concernés, le ministre devait déclarer : « fin 2002 et début 2003, avec ma collègue Brigitte Girardin, nous allons engager un vaste chantier de titularisation de la fonction publique de Mayotte, qui s'étalera sur plusieurs années, et qui devra être conduit parallèlement avec celui de la partition entre les services de la préfecture et ceux du conseil général, applicable au 1er janvier 2004 ».

Lors de l'examen du budget de l'Outre-Mer le 8 novembre 2002, Mme la ministre de l'Outre-Mer déclarait à son tour : « Vous avez également évoqué, Monsieur Kamardine, le statut des instituteurs de Mayotte et la question de la fonctionnarisation de l'ensemble des agents exerçant une mission de service public. Maintenant que l'ancrage de Mayotte dans la République ne fait plus débat, et que cette collectivité sera même mentionnée dans notre Constitution, cette question doit être réglée. Ces agents aspirent légitimement à être intégrés dans le statut général de la fonction publique ; leur message a été entendu par le Gouvernement. Dès cette fin d'année 2002, avec l'ensemble des ministères concernés, nous allons lancer un vaste chantier de titularisation qui s'étalera sur plusieurs années. Il devra se réaliser en parallèle avec la partition entre les services de la préfecture et du conseil général, qui doit intervenir le 1er janvier 2004. »

Fidèle à ces engagements, le ministre de la Justice dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice a prévu l'intégration des agents relevant du secteur pénitentiaire ; plus récemment, le ministère de l'Intérieur et des Libertés locales, au travers de l'article 55 du projet de loi pour la sécurité intérieure, a adopté une disposition similaire concernant les agents de la police nationale.

La présente proposition de loi a donc pour objet de soutenir ce mouvement par l'intégration immédiate dans la fonction publique hospitalière des agents titulaires d'un diplôme d'Etat et, à terme, après un stage préalable, les autres agents dont l'expérience acquise depuis plusieurs années n'est plus à démontrer.

Ce sont peu d'agents qui seraient concernés, ce qui est très négligeable au regard du budget de l'Etat et des effectifs de la fonction publique hospitalière.

Cette situation ne saurait perdurer, sauf à considérer que les agents mahorais ayant fait le choix de servir l'Etat sont des fonctionnaires de seconde zone échappant au statut de la fonction publique.

Les règles de base de la fonction publique, mais aussi la position des pouvoirs publics depuis plusieurs décennies et la nécessité d'instaurer une juste répartition des compétences dans une île où la pauvreté et l'emploi précaire prospèrent, sont autant d'arguments et de facteurs qui plaident incontestablement en faveur de l'intégration des agents hospitaliers mahorais.

1° Tout d'abord, le maintien du statut hybride des agents concernés est en contradiction avec les règles inhérentes à la fonction publique et à celles préconisées par les pouvoirs publics au cours de ces dernières années.

Le statut hybride des agents concernés est en opposition avec le statut de la fonction publique a fortiori lorsqu'il concerne des agents exerçant des missions régaliennes.

- Les agents mahorais connaissent une « situation exceptionnelle de précarité » paradoxale en ce sens qu'elle est inscrite dans la durée alors qu'en toute logique le statut de la fonction publique est censé offrir un statut stable en réduisant au maximum la durée des contrats précaires qui ne débouchent sur aucune titularisation.

- Le statut général de la fonction publique établit un lien direct entre l'emploi public et la qualité du fonctionnaire puisque les emplois permanents à temps complet sont réservés aux fonctionnaires. Cette règle ne saurait être contestée s'agissant d'agents qui assurent des missions de service public permanente et à temps complet.

- La similitude des tâches et des missions de service public exercées par les agents mahorais avec celles accomplies par leurs homologues sur le reste du territoire national accroît fortement l'inégalité de traitement qui est réservée aux agents mahorais.

Rappelons que l'un des principes de base de la gestion de la fonction publique est celui de l'égalité des citoyens français et que ce principe s'applique à leur recrutement, à leurs avantages ou encore à leurs traitements.

En dépit des cas expressément prévus par l'administration ou - la jurisprudence, notamment lorsque l'intérêt du service l'exige à titre exceptionnel, les discriminations de tous ordres sont donc illégales.

Ce statut est en contradiction avec les principales législations, y compris les plus récentes.

- Ces dernières années, les pouvoirs publics ont entendu limiter la possibilité, pour l'administration, de recruter des agents non fonctionnaires, tout en prescrivant la titularisation de nombreux non-titulaires. Le statut général et les lois du 30 juillet 1987 et du 3 janvier 2001 avaient, en conséquence, prévus l'intégration dans les cadres les non-titulaires occupant des emplois non permanents.

Au surplus, un accord salarial de juillet 2000 a eu pour objectif de résorber l'emploi « précaire », en particulier les titulaires de contrats à durée déterminée (120 000 pour l'Etat, 350 000 dans les collectivités territoriales et environ 50 000 hospitaliers).

En conséquence, il serait illogique et anachronique que ce volontarisme fasse exception s'agissant de la collectivité départementale de Mayotte.

2° Enfin, la situation statutaire et sociale de Mayotte nécessite une harmonisation des politiques d'emplois publics et une juste répartition des compétences entre la collectivité départementale de Mayotte et l'Etat.

- L'Etat, premier employeur de France, participe très largement à la politique de l'emploi dans notre pays si l'on en juge par les dépenses induites par la fonction publique de l'Etat (117,3 milliards d'euros en 2001, soit 44 % des dépenses du budget général). La fonction sociale et de solidarité jouée par l'Etat en matière d'emplois publics est fondamentale ; elle doit jouer à Mayotte comme sur l'ensemble du territoire national.

- La répartition des compétences consécutive à la mise en place progressive de la loi statutaire du 11 juillet 2001 nécessite une clarification des missions dévolues à l'Etat et à la collectivité départementale de Mayotte.

- Erigée en collectivité départementale et ayant vocation à exercer les missions des collectivités départementales métropolitaines dans les tous prochains mois, Mayotte doit bénéficier d'une juste et équitable répartition des compétences. Rien ne justifierait que le conseil général gère des agents exerçant des tâches qui sont prises en charge par l'Etat dans l'ensemble des autres collectivités métropolitaines.

- Cette transition est une étape décisive et la collectivité départementale doit se consacrer aux missions qui sont désormais les siennes, le cumul des compétences et des responsabilités n'est pas envisageable à un moment où la formation des futurs cadres de la collectivité départementale se pose avec acuité.

Sous réserve de l'approbation de la présente proposition de loi et d'une éventuelle formation complémentaire telle que prévue dans le dispositif d'intégration des agents de la police nationale, ces agents pourront rejoindre la fonction publique hospitalière, ce qui ne serait que justice.

Cette intégration des agents de la collectivité dans la fonction publique hospitalière, pendant longtemps refusée, apparaîtrait comme la juste reconnaissance de l'intelligence et de la compétence des Mahorais au service de leur pays.

Enfin, les conséquences budgétaires du présent dispositif seraient quasiment nulles au regard des remboursements déjà effectués par l'Etat à l'égard de la collectivité départementale concernant les dépenses qu'elle engage au titre du traitement des agents concernés.

Sur ce point, l'article 65 de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte est particulièrement clair puisqu'il dispose notamment que « I. - A compter du 1er janvier 2002, l'Etat prend progressivement en charge les dépenses de personnel, de matériel, de loyer, de fonctionnement et d'équipement des services qui relèvent de sa compétence. Cette prise en charge est achevée au plus tard le 31 décembre 2004.

« II. - LES AGENTS DE LA COLLECTIVITÉ DÉPARTEMENTALE AFFECTÉS DANS DES SERVICES QUI RELÈVENT DE L'ETAT SONT MIS À DISPOSITION DE CELUI-CI. DURANT CETTE MISE À DISPOSITION, ILS DEMEURENT RÉGIS PAR LES DISPOSITIONS LÉGALES ET RÉGLEMENTAIRES QUI LEUR SONT APPLICABLES. L'ETAT REMBOURSE, CHAQUE ANNÉE, À LA COLLECTIVITÉ DÉPARTEMENTALE, LES DÉPENSES CORRESPONDANT À CES PERSONNELS. DES CONVENTIONS ENTRE LA COLLECTIVITÉ DÉPARTEMENTALE ET L'ETAT DÉTERMINENT LES MODALITÉS D'APPLICATION DU PRÉSENT II, ET NOTAMMENT LES CONDITIONS DANS LESQUELLES, JUSQU'AU 31 DÉCEMBRE 2010, LA COLLECTIVITÉ DÉPARTEMENTALE PEUT RECRUTER ET TITULARISER DE NOUVEAUX AGENTS AFIN DE LES METTRE À DISPOSITION DE L'ETAT POUR CONCOURIR À L'EXERCICE DES COMPÉTENCES DE CELUI-CI. »PROPOSITION DE LOI

Article 1er

I. - Les agents de la collectivité départementale de Mayotte affectés à la date de la promulgation de la présente loi dans les services des hôpitaux de Mayotte sont intégrés dans les corps homologués de la fonction publique hospitalière correspondant aux fonctions qu'ils exercent dans la limite des emplois nécessaires au fonctionnement de ces services à Mayotte sous la condition préalable d'avoir suivi un cycle de formation pour ceux d'entre eux non titulaires d'un diplôme national.

Les intégrations interviendront à compter du 1er janvier 2004.

II. - Les agents intégrés en application des dispositions du présent article ne pourront être mutés en dehors des limites territoriales de Mayotte que sur leur demande ou par mesures disciplinaires.

III. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article.

Article 2

Les conséquences résultant de cette disposition sont compensées, à due concurrence, par une taxe additionnelle au profit des organismes de sécurité sociale sur les droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

N° 0661 - Proposition de loi d sur l'intégration dans la fonction publique hospitalière des agents de la collectivité départementale de Mayotte exerçant au centre hospitalier de Mayotte (M. Mansour Kamardine)


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