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N° 750

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 mars 2003.

PROPOSITION DE LOI

transférant aux départements l'intégralité du service,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Jean-François MANCEL,

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République, adoptée le 11 décembre dernier, donne le coup d'envoi d'une étape nouvelle essentielle de la décentralisation.

Faire de la France une République décentralisée, c'est garantir un service public plus cohérent et donc plus efficace et mieux géré, c'est simplifier et réorganiser les compétences des différents acteurs publics en redéfinissant leurs responsabilités clairement pour que le citoyen ait enfin un interlocuteur unique, et c'est ainsi permettre à nos concitoyens de mieux contrôler et de peser davantage sur les choix publics.

Cette exigence de cohérence et de démocratie doit maintenant se traduire concrètement dans les différents domaines de compétence des collectivités locales.

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Or, s'il est un domaine où règnent l'incohérence et la complexité, preuve d'une décentralisation inachevée, c'est bien dans le domaine routier.

La loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, a laissé à l'Etat la maîtrise d'ouvrage des voiries nationales. Pour financer ces travaux, l'Etat, par le truchement des contrats de plan Etat-région, bénéficie de financements complémentaires de la région, mais également de ceux du département, des Etablissements publics de coopération intercommunale et des communes. Ces financements croisés accroissent la confusion sur les responsabilités de ces différents niveaux d'administration.

Par ailleurs, l'Etat, dans le cadre de sa mission d'assistance aux communes (loi n° 2001-1168 dite loi MURCEF du 11 décembre 2001), assure le conseil, l'assistance et la maîtrise d'œuvre des travaux routiers des communes par l'intermédiaire des Directions départementales de l'équipement.

Le département, quant à lui, assure seul la maîtrise d'ouvrage des voiries départementales. Il participe, à travers les contrats de plan Etat-région, au financement des travaux réalisés sur la voirie nationale. Il a également la faculté de subventionner les projets d'investissement communaux, notamment pour leur voirie communale.

S'agissant des personnels, la loi n° 92-1255 du 2 décembre 1992 relative à la mise à disposition des départements des services déconcentrés du ministère de l'Equipement a ouvert la possibilité pour les départements d'engager la partition des services de la DDE. Les agents des Directions départementales de l'équipement chargés du réseau routier départemental sont ainsi mis à disposition du département qui en assume la gestion fonctionnelle, l'Etat gardant la maîtrise de la gestion des carrières. La séparation de l'autorité fonctionnelle et de l'autorité de tutelle empêche ici une gestion active des ressources humaines.

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Une seule voie peut permettre de corriger les graves imperfections d'une réforme utile mais inaboutie que sont :

- Les incohérences et la complexité de l'organisation du service routier, face à une attente de clarification de la part des élus locaux et de l'ensemble de nos concitoyens ;

- La confusion des financements ;

- Les incertitudes des agents sur le déroulement de leur carrière et leur rôle dans l'exercice de leur mission de service public.

Cette solution consiste à :

- Faire du conseil général le principal prestataire de service du réseau routier ;

- Transférer au conseil régional le réseau routier national.

Pour ce faire, l'Etat transférerait au conseil régional la maîtrise d'ouvrage du réseau routier national afin d'assurer la cohérence des tracés dans le cadre des compétences d'aménagement et de développement du territoire qui sont les siennes.

Le conseil régional déléguerait au conseil général sa maîtrise d'ouvrage sur la voirie nationale. Ainsi, le conseil général serait appelé à devenir logiquement le prestataire de service du conseil régional comme il faudrait aussi qu'il le soit pour les communes et leur groupement.

Pour assumer cette compétence, le personnel des Directions départementales de l'équipement, qui ont aujourd'hui en charge le réseau routier national, serait transféré au conseil général, ce qui réunirait sous la même autorité l'ensemble des agents affectés au service public routier.

Pour les départements qui n'ont pas encore engagé la partition des services de la DDE, le personnel de la DDE actuellement affecté à leurs voiries départementales leur serait bien évidemment également transféré.

Ce transfert de personnel s'accompagnerait des garanties statutaires permettant aux agents, à titre personnel, le maintien de leurs spécificités statutaires pour ceux qui le souhaitent après leur intégration dans la fonction publique territoriale. Ceux qui n'opteront pas pour la fonction publique territoriale pourront bénéficier d'un détachement de longue durée.

Enfin, en ce qui concerne le financement de ce transfert de compétences au conseil général et au conseil régional, le transfert des charges correspondantes sera accompagné des ressources que l'Etat y consacrait, sous la forme d'un transfert de fiscalité.

Pour toute ces raisons, et en premier lieu au nom de la nécessaire clarification des compétences des collectivités locales et pour que nos concitoyens puissent bénéficier d'un service public efficace, je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de voter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Les compétences de l'Etat sur les routes nationales définies à l'article L. 123-1 du code de la voirie routière sont transférées aux régions.

Les dispositions des articles L. 1321-1 à l321-6 du code général des collectivités territoriales relatifs à l'exercice des compétences et à la mise à disposition des biens utilisés pour l'exercice des compétences transférées s'appliquent aux routes existantes.

Les régions sont propriétaires des routes dont elles assurent la construction. Elles veillent à la cohérence des liaisons dans le cadre du schéma régional d'aménagement et de développement du territoire prévu à l'article 34 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 portant répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat.

Article 2

Le titre Il du code de la voirie routière est ainsi modifié

I. -Le chapitre Ier devient un chapitre unique ainsi intitulé : « Dispositions relatives aux autoroutes ».

II. -L'article L. 121-1 est ainsi rédigé : « les voies du domaine public routier national sont les autoroutes ».

III. -A la fin de l'article L. 121-3, les mots : « et aux routes nationales » sont supprimés.

IV. -Le chapitre III « Routes nationales » est remplacé par un titre II bis ainsi rédigé :

« TITRE II BIS

« VOIRIE RÉGIONALE

« Art. L. 123-1. - Les voies qui font partie du domaine routier régional sont dénommés routes régionales. Le caractère de route expresse peut leur être conféré dans les conditions fixées aux articles L. 151-1 à L. 151-5.

« Art. L. 123-2. - Le classement dans la voie régionale d'une route départementale ou d'une voie communale existante ne peut être effectué qu'avec l'accord de la collectivité intéressée.

« L'accord est réputé acquis si la collectivité n'a pas expressément exprimé son refus dans un délai de cinq mois.

« Art. L. 123-3. - Le reclassement dans la voirie départementale ou communale d'une route ou d'une section de route régionale déclassée est prononcé par arrêté du préfet lorsque la collectivité intéressée, dûment consultée, n'a pas, dans un délai de cinq mois, donné un avis défavorable.

« En cas d'avis défavorable exprimé dans ce délai, le reclassement peut être prononcé par décret en Conseil d'Etat lorsque le déclassement de al voie ou de la section de voie est motivé par l'ouverture d'une voie nouvelle ou le changement de tracé d'une voie existante.

« Art. L. 123-4. - Les dispositions des articles L. 123-2 et L. 123-3 ne s'appliquent pas dans les cas mentionnées aux articles L. 318-1 du code de l'urbanisme et L. 5215-31 du code général des collectivités territoriales.

« Art. L. 123-5. - Les caractéristiques techniques auxquelles doivent répondre les routes nationales sont fixées par décret.

« Les dépenses relatives à la construction, à l'aménagement et à l'entretien des routes régionales sont à la charge de la région.

« Art. L. 123-6. - Le président du conseil régional exerce sur la voirie régionale les pouvoirs de police afférant à la gestion du domaine de la région, notamment en ce qui concerne la circulation sur ce domaine, sous réserve des attributions dévolues aux maires et au représentant de l'Etat dans le département par le code général des collectivités territoriales.

« Art. L. 123-7. - Le classement et le déclassement des routes régionales relèvent du conseil régional. Ce dernier est également compétent pour l'établissement des plans d'alignement et de nivellement, l'ouverture, le redressement et l'élargissement de ces routes.

« Les délibérations du conseil régional interviennent après enquête d'utilité publique, sauf dans les cas prévus aux articles L. 123-2 et L. 123-3 du présent code et à l'article L. 318-1 du code de l'urbanisme.

« Lorsque l'opération comprend une expropriation, l'enquête d'utilité publique tient lieu de l'enquête prévue à l'alinéa précédent.

« Le conseil régional est également compétent pour approuver les projets, les plans et les devis de travaux à exécuter pour la construction et la rectification des routes.

« Art. L. 123-8. - La délibération du conseil régional décidant le redressement ou l'élargissement d'une voie existante emporte, lorsqu'elle est exécutoire, transfert au profit de la région de la propriété des parcelles ou partie de parcelles non bâties situées à l'intérieur des limites fixées parle plan parcellaire, auquel elle se réfère et qui lui est annexé.

« A défaut d'accord amiable, l'indemnité est fixée et payées comme en matière d'expropriation.

« Art. L. 123-9. - En dehors des agglomérations, le président du conseil régional exerce, en matière de coordination des travaux affectant le sol et le sous-sol des routes régionales, les compétences attribuées au maire par l'article L. 115-1.

« Le conseil régional exerce les mêmes attributions que celles dévolues au conseil municipal par l'article L. 141-11.

« En cas d'urgence, le président du conseil régional peut faire exécuter d'office, sans mise en demeure préalable et aux frais de l'occupant, les travaux qu'il juge nécessaires au maintien de la sécurité routière sur les routes régionales.

« Le représentant de l'Etat peut intervenir dans les mêmes conditions que celles prévues aux septième alinéa de l'article L. 115-1.

« Art. L. 123-10. - Toutes les fois qu'une route régionale entretenue à l'état de viabilité est habituellement ou temporairement soit empruntée par des véhicules dont la circulation entraîne des détériorations anormales, soit dégradée par des exploitations de mines, de carrières, de forêts ou de toute autre entreprise, il peut être imposé aux entrepreneurs ou propriétaires des contributions spéciales, dont la quotité est proportionnée à la dégradation causée.

« Ces contributions peuvent être acquittées en argent ou en prestation en nature et faire l'objet d'un abonnement.

« A défaut d'accord amiable, elles sont réglées annuellement sur la demande des régions par les tribunaux administratifs, après expertise, et recouvrées comme en matière d'impôts directs. »

Article 3

I. - Pour la construction, l'aménagement et l'entretien des routes régionales, la région peut confier au département, dans les conditions définies par les articles 3 et 5 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée, l'exercice, en son nom et pour son compte, de tout ou partie des attributions de la maîtrise d'ouvrage.

II. - Dans les mêmes conditions, la commune peut confier au département la construction, l'aménagement et l'entretien des voies communales.

Article 4

Après le premier alinéa de l'article 7-1 de la loi n° 92-125 du 6 février 1992 d'orientation relative à l'administration territoriale de la République, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'aménagement et l'entretien des voies communales, les services du département peuvent fournir une assistance technique aux communes et aux groupements mentionnés à l'alinéa précédent, dans les conditions définies par une convention passée entre le président du conseil général et, selon le cas, le maire ou le président du groupement. »

Article 5

Pendant une période transitoire dont la durée qui ne saurait excéder un an à compter de la date de publication de la présente loi, les services ou parties de services déconcentrés du ministère de l'Equipement chargés de la construction, de l'aménagement et de l'entretien des routes nationales sont mis à la disposition des départements.

Une convention passée entre le représentant de l'Etat dans le département et le président du conseil général précise les modalités de cette mise à disposition.

A l'issue de la période transitoire, les services ou parties de services mentionnés au premier alinéa deviennent des services du département. Les agents de ces services peuvent choisir de conserver le bénéfice des dispositions de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ou demande leur intégration dans un cadre d'emplois crée en application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

Article 6

Par dérogation à l'article 36 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1948 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les agents des services ou parties de services de l'Etat transférées au département peuvent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, être nommés par voie d'intégration directe au cadre d'emplois dont les fonctions correspondent à celles qu'ils exerçaient avant le transfert de ces services ou parties de ces services.

Article 7

Les pertes de recettes et charges éventuelles qui résulteraient pour les collectivités locales de l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation générale de décentralisation.

Les pertes de recettes et charges éventuelles qui résulteraient pour l'Etat de l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0.75 E

ISBN : 2-11-118464-0

ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale

4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 0750 - Proposition de loi transférant aux départements l'intégralité du service (M. Jean-François Mancel)


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