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No 793

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 avril 2003.

PROPOSITION DE LOI

relative à la transparence des capitaux
investis dans l'
immobilier.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Jean-Claude GUIBAL, Jean-Claude ABRIOUX, René ANDRÉ, Manuel AECHLIMANN, Patrick BEAUDOUIN, Jean-Claude BEAULIEU, Jean-Louis BERNARD, Marc BERNIER, Roland BLUM, Jacques BOBE, Yves BOISSEAU, Bernard BROCHAND, Pierre CARDO, Roland CHASSAIN, Louis COSYNS, Édouard COURTIAL, Jean-Michel COUVE, Charles COVA, Henri CUQ, Olivier DASSAULT, Philippe DUBOURG, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Christian ESTROSI, Jean-Michel FERRAND, Daniel FIDELIN, Marc FRANCINA, Franck GILARD, Georges GINESTA, Jean-Pierre GIRAN, François GROSDIDIER, Mme Arlette GROSSKOST, MM. Louis GUÉDON, Jean-Jacques GUILLET, Gérard HAMEL, Emmanuel HAMELIN, Pierre HELLIER, Michel HUNAULT, Mansour KAMARDINE, Patrick LABAUNE, Lionnel LUCA, Richard MALLIÉ, Thierry MARIANI, Mme Muriel MARLAND-MILITELLO, Philippe-Armand MARTIN, Mme Henriette MARTINEZ, MM. Alain MARTY, Christian MÉNARD, Alain MERLY, Damien MESLOT, Gilbert MEYER, Pierre MICAUX, Mme Nadine MORANO, MM. Étienne MOURRUT, Robert PANDRAUD, Jacques PÉLISSARD, Daniel PREVOST, Christophe PRIOU, Didier QUENTIN, Jean-François RÉGÈRE, Jacques REMILLER, Marc REYMANN, Mme Juliana RIMANE, MM. JérÔme RIVIÈRE, Philippe ROUAULT, Jean-Marc ROUBAUD, Bernard SCHREINER, Michel TERROT, Guy TEISSIER et Michel VOISIN,

Députés.

Urbanisme.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La mondialisation des échanges et des moyens de communication s'est accompagnée, depuis plusieurs années, d'une internationalisation des réseaux criminels et des filières de blanchiment de l'argent du crime.

Longtemps, la répression de cette face cachée de l'activité criminelle, celle de la réintroduction dans les circuits financiers de fonds provenant de trafics délictueux, à été limitée.

Plusieurs scandales financiers ont cependant abouti à la prise en compte par les Etats de ce phénomène et à la mise en place de législations destinées à mieux le combattre.

La France a, quant à elle, sensiblement renforcé, ces dix dernières années, son arsenal juridique en ce domaine.

La loi n° 87-1157 du 31 décembre 1987, par exemple, a fait du blanchiment d'argent provenant du trafic de stupéfiants un délit puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende.

Depuis, le blanchiment d'argent émanant d'activités criminelles quelles qu'elles soient est réprimé par notre code pénal.

Toutefois, si notre arsenal pénal a été renforcé, la lutte contre les activités illégales reste difficile du fait de la complexité des réseaux mis en place et surtout de l'apparente légalité des « opérateurs ».

Afin de mieux identifier ces opérations illicites, la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990 a obligé les organismes financiers à participer à la lutte contre le blanchiment d'argent sale en déclarant au service TRACFIN, placé sous l'autorité du ministre chargé de l'économie et des finances, leurs soupçons sur l'origine illicite des fonds déposés auprès de leurs établissements. Ce service spécialisé peut ensuite diligenter une enquête et saisir le parquet en cas d'indices laissant supposer une opération de blanchiment.

Ce mécanisme a porté ses fruits. Néanmoins, à côté des dépôts de fonds auprès des organismes bancaires, on a été amené à constater que le blanchiment de 1'argent du crime s'opérait souvent par le biais du financement direct d'opérations immobilières.

En ce domaine, les maires peuvent, parfois, compte tenu de leurs compétences en matière d'urbanisme, nourrir des soupçons sur le caractère illicite du financement de certaines opérations qui leur sont soumises et avoir le sentiment qu'en délivrant un permis de construire il délivrent, en réalité, un permis de blanchir de l'argent sale.

Ils n'ont, hélas ! aucun moyen de vérifier par eux-mêmes le bienfondé de leurs soupçons.

En effet, si la réglementation prévoit que les maires doivent vérifier la conformité d'un projet immobilier avec les règles fixées au code de l'urbanisme, elle ne prévoit pas, en revanche, qu'ils puissent exercer un contrôle de l'origine des fonds employés pour le financement de ce projet.

Les maires peuvent bien entendu, en cas de doute sur le financement illicite d'une opération immobilière, saisir TRACFIN ou le procureur de la République en leur demandant de diligenter une enquête approfondie sur l'opération concernée.

Mais, compte tenu du délai de deux mois qui leur est imparti en règle générale pour l'instruction d'un permis de construire (dans certains cas, ce délai peut être porté à trois mois, voire à cinq mois si la consultation de la DRAC est nécessaire), la réponse de TRACFIN ou du procureur de la République arrive le plus souvent hors délai et le pétitionnaire est habilité à présenter un recours devant le tribunal administratif pour non-délivrance du permis de construire dans les délais réglementaires.

Or, dans la mesure où cette juridiction administrative ne peut dire que le droit et ne se prononcer que sur le respect du permis de construire par rapport au droit de l'urbanisme, il pourrait arriver que le tribunal administratif soit amené à obliger le maire à délivrer un permis de construire financé par des fonds illicites.

Il serait donc opportun que 1a saisine, par le maire, de TRACFIN ou du procureur de la République soit suspensive du délai réglementaire de délivrance d'un permis de construire pendant une durée maximale qui pourrait être de huit mois.

Si TRACFIN ou le procureur de la République ne répond pas dans ce délai, son silence sera réputé favorable à la délivrance du permis de construire.

Il en va de même pour les transferts de permis de construire. Ils sont actuellement automatiques après un délai de deux mois et il n'existe aucun moyen pour un maire qui aurait délivré un permis de construire à financement « clair » d'empêcher son transfert à des utilisateurs d'argent « sale ».

Il serait donc également utile de permettre aux maires de saisir TRACFIN ou le procureur de la République à l'occasion d'un transfert de permis de construire, saisine qui serait suspensive elle aussi du délai réglementaire de transfert.

Les maires se verraient ainsi reconnaître la possibilité de refuser un permis ou un transfert en cas d'avis défavorable de TRACFIN ou du procureur de la République, instances dont la saisine aurait par ailleurs un effet dissuasif à l'égard d'investisseurs douteux.

C'EST POURQUOI IL VOUS EST DEMANDÉ, MESDAMES ET MESSIEURS, DE BIEN VOULOIR ACCEPTER LA PROPOSITION DE LOI DONT LA TENEUR SUIT.PROPOSITION DE LOI

Article unique

Il est inséré, après l'article L. 421-2-8 du code de l'urbanisme, un article ainsi rédigé :

« Lorsqu'au cours de l'instruction d'un permis de construire le maire conçoit des doutes sur la nature des fonds destinés à assurer le financement de l'opération immobilière, objet de ce permis, il peut saisir le service TRACFIN placé sous l'autorité du ministère des finances ou le procureur de la République.

« La saisine de l'une au l'autre de ces deux instances est suspensive du délai réglementaire de délivrance du permis de construire pendant une durée maximale de 8 (huit) mois.

« Si le service TRACFIN ou le procureur de la République ne répond pas dans ce délai, son silence est réputé favorable à la délivrance du permis de construire.

« Si l'une de ces deux instances émet, en revanche, un avis défavorable à la délivrance du permis de construire, le maire pourra refuser d'accorder ledit permis.

« Il sera procédé de même en cas de demande de transfert d'un permis de construire à un autre pétitionnaire que le bénéficiaire du permis. Dans ce cas, la saisine, par le maire, de TRACFIN ou du procureur de la République est suspensive pendant une durée maximale de 8 (huit) mois du délai réglementaire au-delà duquel le transfert est réputé automatique.

« Si l'une ou l'autre de ces deux instances émet un avis défavorable, le maire pourra s'opposer au transfert du permis de construire. »

 

N° 0793 - Proposition de loi relative à la transparence des capitaux investis dans l'immobilier  (M. Jean-Claude Guibal)


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